COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CHASSE À LA BALEINE DANS L’ANTARCTIQUE
(AUSTRALIE c. JAPON ; NOUVELLE -ZÉLANDE [INTERVENANT ])
DÉCLARATION DE NICK GALES EN RÉPONSE À LA
DÉCLARATION D’EXPERT DU PROFESSEUR LARS WALLØE
Directeur scientifique du programme
australien sur l’Antarctique
31 mai 2013 - 2 -
1.INTRODUCTION
1.1. La présente déclaration vise à répondre sur certains points à la déclaration du professeur
Lars Walløe datée du 9 avril 2013. J’ai l’intention, dans ce document, d’exprimer mon point de
vue sur certaines questions spécifiques soulevées par le professeur à propos de ma déclaration
d’expert initiale datée du15 avril 2013. Je ne cherche donc pas à répondre point par point au
professeur Walløe et l’absence de commentaires de ma part sur telle ou telle affirmation de l’intéressé
ne saurait être assimilée à un acquiescement. La présente déclaration devrait être lue à la lumière de
ma déclaration d’expert initiale.
1.2. Les principales questions que j’entends traiter visent :
la faisabilité de l’échantillonnage biopsique des petits rorquals de l’Antarctique ;
l’utilité des données obtenues dans le cadre du programme JARPA sous l’angle de l’amélioration
des procédures de gestion ;
les préoccupations exprimées par le professeur Walløe concernant les autres méthodes non létales.
2. FAISABILITÉ DE L’ÉCHANTILLONNAGE BIOPSIQUE DES PETITS RORQUALS
DE L’ANTARCTIQUE
2.1.Le professeur Walløe affirme que la recherche génétique exige un échantillonnage létal,
dans la mesure où le recours à une autre méthode (non létale) relèverait de l’impossibilité. Il déclare
que « la seule manière pratique d’obtenir suffisamment d’échantillons génétiques de petits rorquals
passe par la mise à mort » (section 2, page 11, paragraphe 6). Sa conclusion se fonde sur l’opinion
selon laquelle la flotte affectée au programme JARPA/JARPA II ne peut pas collecter des
échantillons génétiques de manière non létale, parce que la distance de tir requise pour prélever des
biopsies est trop courte par rapport à celle imposée par le harpon, de sorte que le nombre
d’échantillons récoltés serait insuffisant.
2.2. Le professeur Walløe se trompe sur ce point ; des preuves directes émanant de
scientifiques japonais et autres attestent que l’échantillonnage biopsique est non seulement faisable,
mais en fait presque certainement plus efficace qu’un échantillonnage létal. À mon avis, la collecte
non létale d’échantillons biopsiques permettrait d’obtenir suffisamment d’échantillons génétiques pour
analyser la structure des stocks, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de mettre des baleines à mort à cette
fin.
2.3. Avant d’entamer une discussion sur ces preuves, je pense qu’il serait utile pour la Cour de
mieux comprendre le processus de biopsie. Pour ce faire, je ferai largement appel à l’expérience
propre des scientifiques japonais en la matière, en utilisant les résultats obtenus dans le cadre des
campagnes IDCR et SOWER. Le programme de la décennie internationale de la recherche sur les
cétacés (IDCR) et le programme de recherche sur les baleines et l’écosystème de l’océan Austral
(SOWER) étaient deux projets multinationaux de recherche collaborative lancés sous les auspices de
la CBI. IDCR s’est étalé sur une période allant de 1978 à 1997 et SOWER sur une période allant de
1997 à 2010. Le Japon avait fourni les navires nécessaires à ces enquêtes et géré leur exploitation, y
compris sous l’angle de la collecte des échantillons biopsiques prélevés sur la plupart des espèces de
baleines de l’océan Austral. - 3 -
Technique de prélèvement des biopsies
2.4.Les échantillons biopsiques collectés dans le cadre des programmes IDCR et SOWER ont
été prélevés à l’aide d’arbalètes et de deux types de fusils (Paxarms et Larsen) (voir notamment Ensor
et al. 2006). Les principes de fonctionnement de chaque système sont essentiellement les mêmes ; la
principale différence tient à la portée de la fléchette biopsique. Le fusil Larsen étant le plus puissant
des systèmes disponibles, il a été utilisé de façon routinière dans le cadre du programme SOWER et
j’aimerais donc décrire cette méthode en détail. Cette arme à feu modifiée utilise des munitions à
blanc pour générer la force explosive nécessaire à l’expulsion du canon d’une fléchette biopsique. La
force de propulsion du projectile peut être modulée en évacuant une partie de l’explosion du canon :
une méthode qui permet d’ajuster la vélocité de la fléchette en fonction de la distance de la cible (la
baleine). Le fusil est équipé d’un viseur à point rouge qui lui confère une précision raisonnable sur les
distances de tir pour lesquelles il est conçu (voir, plus bas, les paragraphes 2.7 à 2.11). La fléchette
biopsique de chaque système est conçue pour atteindre la surface de la baleine et faire pénétrer un tube
circulaire coupant de quelques centimètres dans la peau, de manière à prélever un échantillon de
l’épiderme et du tissu sous-jacent. Elle finit par rebondir vers l’extérieur et flotter à la surface de l’eau
jusqu’à sa récupération. L’avantage du recours à la méthode reposant sur un fusil Larsen tient au fait
qu’aucun câble n’est requis.
2.5. Une opération de prélèvement classique peut être décrite comme suit : une baleine est
sélectionnée aux fins d’échantillonnage biopsique, le navire s’en rapproche jusqu’à être à portée de tir
(une distance qui varie selon le système utilisé), une fléchette biopsique est alors tirée sur la baleine,
puis récupérée par le navire. Cette technique standard s’emploie très couramment dans le monde entier
dans les recherches portant sur des baleines ou des dauphins (voir les comptes-rendus dans Chivers et
al. 2000, ainsi que dans Noren et Mocklin 2012). En fait, l’Institut de recherche sur les cétacés au
Japon a élaboré et testé avec succès son propre système de prélèvement de biopsies. Dans leur
document intitulé « Development of biopsy skin sampling system for fast swimming whales in pelagic
waters » [Élaboration d’un système de collecte d’échantillons biopsiques cutanés utilisable avec des
baleines évoluant rapidement dans des eaux pélagiques], Kasamatsu et al. (1991) décrivent les étapes
de la mise au point du test d’un système à air comprimé qui leur a permis de prélever avec succès un
échantillon biopsique sur quatre petits rorquals, une baleine bleue, un rorqual commun, un rorqual
boréal et une baleine à bosse dans le cadre d’essais réalisés au cours de l’expédition CBI-SOWER. Et
les mêmes de conclure « [l]a distance de tir efficace s’est avérée inférieure à 30 mètres lorsque le
navire se déplace à une vitesse comprise entre 12 et 15 nœuds [22 à 27 kilomètres] et aucun problème
important n’a été détecté ».
2.6. La technique d’échantillonnage biopsique décrite dans les paragraphes précédents peut être
(et a été) utilisée avec de nombreuses espèces de baleines, notamment dans l’océan Austral (comme
l’attestent les programmes IDCR et SOWER) et avec des petits rorquals de l’Antarctique (comme
l’attestent les études de faisabilité entreprises dans le cadre du programme SOWER et les travaux
récemment effectués dans le cadre du partenariat pour la recherche dans l’océan Austral [SORP], voir
plus bas). La question de la possibilité de recourir concrètement à la technique de prélèvement
d’échantillons biopsiques dans l’océan Austral est abordée de manière plus détaillée dans les sous-
sections suivantes qui portent notamment sur les distances de tir et sur l’heure du prélèvement.
Distances de tir à respecter avec une fléchette biopsique ou un harpon
2.7.Le professeur Walløe signale que la distance à laquelle les baleiniers japonais tirent leurs
harpons varie entre 20 et 60 mètres. Il signale que les fléchettes utilisées pour les biopsies doivent être
tirées à moins de 20 mètres de la cible. Si nous ne contestons pas la distance indiquée par le professeur
pour les harpons, nous pensons par contre qu’il se trompe concernant la distance maximale à laquelle
une fléchette peut être tirée – en vue de prélever une biopsie – à l’aide des systèmes d’échantillonnage
disponibles, tels qu’ils sont déjà utilisés par le Japon et d’autres pays dans le cadre des programmes
IDCR et SOWER. - 4 -
2.8.Pendant les expéditions menées dans le cadre du programme SOWER, les plans de croisière
annuels incluaient généralement l’attribution d’un laps de temps au prélèvement de biopsies sur
différentes espèces de baleines. Ce laps de temps est généralement mesuré à partir du moment où le
navire commence à se rapprocher de la baleine afin de prélever une biopsie jusqu’au moment où la
fléchette est récupérée. Il varie en fonction du comportement de l’espèce de baleines, de l’individu lui-
même (la conduite de l’animal pouvant notamment être affectée par la taille de son groupe) et d’autres
facteurs tels que les conditions météorologiques. Le tableau suivant résume les collectes de biopsies
réalisées dans le cadre des croisières SOWER entre 2000 et 2008 :
2
Petits Baleines Rorquals 2 Baleine2 Baleines Épaulards
rorquals de1 bleues de communs à bosse franches
l’Antarc tique l’Antarctique2 de
l’océan
2
Austral
Nombre 12 165 45 173 11 10
d’échantillons
Durée de 24 65 34 25 40 71
l’opération
d’échantillonnage
(en minutes)
Distance moyen ne 28 35 à 40,
de tir (en mètres) (intervalle : max. : 50 à
15 à 40) 70*
1 Rapport de croisière CBI -SOWER pour 2000 -2001 (Ensor et al. 2001)
2 Rapport de croisière CBI -SOWER pour 2001 -2002 à 2007 -2008 (Ensor et al. 2002, Ensor
et al. 2003, Ensor et al. 2004, Ensor et al. 2005, Ensor et al. 2006, Ensor et al. 2007, Ensor et
al. 2008)
* Ensor, communication personnelle (voir le passage surligné dans l’appendice 1 à la
présente déclaration)
2.9.La distance de tir n’est pas généralement précisée pour les espèces autres que les petits
rorquals, dans la mesure où la procédure est bien établie et considérée comme une opération de
routine. Paul Ensor, le directeur de croisière de toutes les expéditions entreprises dans le cadre du
programme SOWER pendant cette période, signale que la distance moyenne de tir pour les baleines
bleues est comprise entre 35 et 40 mètres, mais que des biopsies ont pu être prélevées jusqu’à une
distance de 70 mètres (voir le passage surligné dans l’appendice 1 à la présente déclaration). Le
même système servant à la collecte des échantillons visant les autres espèces, il est raisonnable de
supposer que les distances de tir (qui ne figurent pas dans le tableau) sont analogue.
2.10. L’échantillonnage biopsique des petits rorquals de l’Antarctique ne faisait pas partie des
priorités des programmes IDCR et SOWER, mais deux essais ont néanmoins été effectués pendant les
étés 2001-2002 (Ensor et al. 2002) et 2007-2008 (Ensor et al. 2008), afin de vérifier la faisabilité de
l’opération. En ce qui concerne les 12 échantillons biopsiques collectés en 2001-2002, la distance de
tir variait entre 15 et 40 mètres. Les auteurs du rapport de croisière ont noté que le recours à deux
fusils (eux-mêmes ne disposaient que d’un seul fusil Larsen) – ainsi que le fait de tirer sur des
animaux s’étant aventurés près du navire (lesquels n’avaient fait l’objet d’aucun prélèvement dans le
cadre de ces croisières) – pourrait augmenter les chances de succès du prélèvement d’une biopsie sur
les petits rorquals. - 5 -
2.11. Ces expériences tirées des programmes IDCR et SOWER montrent clairement que la
collecte d’échantillons biopsiques dans l’océan Austral, y compris sur les petits rorquals de
l’Antarctique, est faisable à des distances à la fois réalistes et comparables à celles observées pour les
tirs au harpon dans le cadre des programmes JARPA et JARPA II. Par conséquent, les affirmations
du professeur Walløe selon lesquelles « le navire doit venir beaucoup plus près d’une baleine pour
pratiquer une biopsie que pour tirer un harpon » (page 11, paragraphe 5) et « la seule manière pratique
d’obtenir suffisamment d’échantillons génétiques de petits rorquals passe par la mise à mort »
(page 11, paragraphe 6) ne sont tout simplement pas corroborées par les preuves.
Temps requis pour prélever une biopsie par rapport à celui nécessaire au harponnage d’une
baleine
2.12. Le temps requis pour collecter un échantillon biopsique est systématiquement indiqué
dans les rapports de croisière des programmes IDCR et SOWER et varie entre 24 et 71 minutes en
fonction de l’espèce. Cette période inclut le temps nécessaire à l’approche de la baleine, au tir et à la
récupération de la biopsie. Les petits rorquals échantillonnés pendant l’étude de faisabilité réalisée en
2001-2002 sont ceux pour lesquels la biopsie a été la plus rapide, ce qui prouve l’absence de tout
problème inhérent à la pratique de la biopsie sur cette espèce. Pendant les essais de 2007-2008, un
total de 1,83 heure de navigation du navire affecté au programme SOWER a été alloué à des tests
complémentaires de collecte de biopsies sur des petits rorquals de l’Antarctique. Les auteurs du
rapport de croisière ont noté que les conditions qui prévalaient à l’époque étaient difficiles, dans la
mesure où les seuls animaux rencontrés étaient des solitaires (plus difficiles à approcher que les
animaux évoluant en groupe) et que la limpidité de l’eau laissait à désirer (Ensor et al 2008).
Néanmoins, quatre baleines ont pu faire l’objet, pendant cette période, d’une biopsie dans un laps de
temps moyen d’environ 27 minutes.
2.13. Outre le succès avéré de la collecte de biopsies dans le cadre des programmes IDCR et
SOWER, l’expérience acquise dans le cadre de deux expéditions – consacrées aux recherches sur les
baleines et organisées dans le cadre du partenariat de recherche en océan Austral (SORP) – ayant eu
recours à de petits bateaux lancés depuis un navire révèle que cette technique peut renforcer
l’efficacité de la collecte d’échantillons biopsiques sur les baleines, y compris les petits rorquals de
l’Antarctique (Gales 2010, voir également les paragraphes 6.8 à 6.17 de ma déclaration d’expert
initiale).
2.14. Ohsumi (1979) a signalé que le temps moyen requis, pendant une saison de chasse dans
l’océan Austral, pour tirer, manipuler et remorquer un petit rorqual jusqu’à l’usine flottante est
d’environ 59 minutes. Compte tenu du fait que le temps requis pour collecter un échantillon biopsique
sur un petit rorqual est d’environ la moitié et qu’il serait presque certainement possible d’améliorer
l’efficacité de la procédure en acquérant des fusils et une expérience supplémentaires, l’argument du
professeur Walløe selon lequel la seule manière de procéder pour collecter un grand nombre
d’échantillons génétiques passe par la mise à mort des baleines n’est pas corroboré par les preuves.
Pourquoi collecter les échantillons biopsiques et en quel nombre ?
2.15. Les arguments du professeur Walløe basés sur la collecte d’un grand nombre
d’échantillons génétiques prélevés sur des baleines mises à mort sur leurs aires d’alimentation
détournent le débat de la question principale, à savoir quelle est l’approche la plus efficace pour
comprendre la structure de la population de petits rorquals de l’Antarctique. La réunion consacrée par
le gouvernement japonais à l’examen du programme JARPA (annexe 102 du contre-mémoire du
Japon) et l’atelier d’évaluation du même programme organisé par la CBI (annexe 113 du contre-
mémoire du Japon) sont tous deux parvenus à la conclusion que la compréhension de la structure de la - 6 -
population de petits rorquals de l’Antarctique passe par la localisation des aires de reproduction les
plus méridionales et l’obtention d’échantillons génétiques prélevés sur des animaux dans les mêmes
aires. Pour reprendre la conclusion de l’atelier organisé par la CBI :
L’atelier a reconnu que les échantillons en provenance des aires de reproduction
(tels qu’ils pourraient être obtenus en recourant simultanément à un suivi par satellite et à
un échantillonnage biopsique) faciliteraient grandement ces analyses et s’avéreront
probablement nécessaires pour résoudre les questions relatives à la structure et au
mélange des stocks dans la zone de recherche étudiée dans le cadre de JARPA [la
mise en gras est de nous].
2.16. En dépit de cette conclusion claire, le programme JARPA II ne prévoit aucun effort en
vue d’obtenir de tels échantillons sur les aires de reproduction. Les échantillons collectés sur ces aires
contenant plus d’informations sous l’angle de l’analyse de la structure de stocks que ceux collectés sur
les aires d’alimentation, le nombre des échantillons requis sera très probablement inférieur.
2.17. Par conséquent, à supposer que l’approche appropriée en matière d’étude de la structure
des stocks soit adoptée, la question du professeur Walløe – visant à savoir s’il serait possible de
collecter 850 échantillons biopsiques par an – n’est même pas celle qu’il convient de poser.
Résumé
2.18. Dans sa déclaration, le professeur Walløe affirme que les conclusions du programme
JARPA concernant la structure des stocks de petits rorquals sont « importantes », voire « très
importantes » (page 7), et prône un échantillonnage létal (page 11). En réalité :
On connaissait, avant le programme JARPA, l’existence probable d’une division entre les deux
populations de petits rorquals du Pacifique et de l’océan Indien (Wada et Nurnachi, 1979).
Une étude portant sur la localisation et l’échantillonnage de petits rorquals de l’Antarctique sur
leurs aires de reproduction – en recourant à des techniques non létales d’échantillonnage
biopsique et de marquage à l’aide de balises permettant un suivi satellitaire – aurait fourni de
meilleures informations sur la structure des stocks. Comme indiqué dans ma déclaration d’expert
initiale (paragraphe 4.8), ce fait a été reconnu par le comité scientifique, ainsi que par les ateliers
du gouvernement japonais et de la CBI réunis dans le but d’évaluer le programme JARPA.
Les échantillons génétiques collectés dans le cadre des programmes JARPA et JARPA II auraient
pu être facilement prélevés de manière non létale en recourant à une technique biopsique déjà
utilisée au Japon, ce qui aurait probablement permis une économie d’efforts et d’argent (la
présence d’une usine flottante devenant en effet superflue) par rapport à la procédure employée, à
savoir la mise à mort des baleines et leur échantillonnage à bord de l’usine flottante (voir, plus
haut, les paragraphes 2.1 à 2.14).
3.UTILITÉ DES DONNÉES OBTENUES DANS LE CADRE DES PROGRAMMES JARPA
SOUS L’ANGLE DE L’AMÉLIORATIONDESPROCÉDURES DE GESTION
3.1. Le professeur Walløe prétend que les données collectées dans le cadre du programme
JARPA II pourraient s’avérer utiles pour améliorer la RMP (procédure de gestion révisée) sous
plusieurs angles. Il avance que la RMP actuelle fixe des limites de prises « relativement faibles en
raison des incertitudes pesant sur les niveaux de productivité des stocks de baleine » (page 12,
paragraphe 1). Il annonce en outre que les données relatives à l’âge (déduites de l’accumulation de - 7 -
cérumen et également appelées « données sur les prises par âge ») (page 12, paragraphe 2), ainsi que
certains paramètres relatifs à la reproduction et ne pouvant être obtenus qu’au prix d’une mise à mort
(page 12, paragraphe 4), sont indispensables pour modéliser la population de manière pertinente pour
la RMP.
3.2. Je ne suis pas d’accord avec le professeur Walløe lorsqu’il affirme que les données létales
obtenues dans le cadre des programmes JARPA et JARPA II fournissent (ou fourniront
probablement) des données suffisamment fiables pour permettre d’améliorer nos estimations de la
productivité des petits rorquals ou bien de leur gestion dans le cadre de la RMP. En fait, comme je
l’explique plus bas (dans les sous-sections intitulées « TRMR et limites de prise », et « Données
relatives à l’âge et modèles de population »), l’approche adoptée par les programmes JARPA et
JARPA II s’est avérée erronée, de sorte qu’à mon avis on ne saurait avancer le moindre argument
scientifique pour justifier la mise à mort de baleines dans le but non spécifique d’améliorer des
procédures de gestion.
TRMR et limites de prise
3.3. La principale question dans ce domaine consiste à savoir s’il existe une relation évidente
entre la « productivité » d’une population de baleines (c’est-à-dire la vitesse à laquelle elle peut
s’accroître calculée sur la base du nombre de nouvelles baleines apparues chaque année en tenant
compte des toutes les morts et naissances) et le nombre de baleines qui pourraient être mises à mort
dans le cadre d’une chasse « durable ».
3.4. La CBI a montré qu’essayer de gérer des populations spécifiques de baleines sur la base de
données biologiques afin d’estimer cette « productivité » ne mène à rien (comme le prouve l’échec de
la NMP) ; c’est pourquoi la RMP utilise à la place une fourchette de « taux de productivité »
plausibles (que nous appelons taux de rendement maximum de renouvellement ou TRMR) d’une
baleine à fanons générique (représentant l’ensemble des baleines à fanons pouvant faire l’objet d’une
chasse commerciale). Cette fourchette d’estimations du TRMR va de 1 à 7 % (en d’autres termes, on
estime qu’il est possible de capturer entre 1 et 7 % d’une population de baleines chaque année dans le
cadre d’une chasse durable). Elle est utilisée pour la simulation des effets de la RMP avec des tests
IST (Implementation Simulation Trials) : l’une des étapes tenant explicitement compte de la nature
imparfaite de nos connaissances (en l’occurrence les incertitudes entourant certaines estimations du
TRMR).
3.5. Selon le professeur Walløe(page 12, paragraphe 1) : « [à] supposer que, pour un stock
spécifique, les résultats de la recherche permettent de relever cette limite inférieure, il deviendrait
possible d’autoriser des prises plus nombreuses sans augmentation corrélative du risque perçu pour
cette ressource. » Ce en quoi il a tort. À supposer qu’une nouvelle estimation unique du TRMR (en
l’occurrence celui des petits rorquals de l’Antarctique) puisse être établie et s’avère fiable, elle
pourrait soit s’inscrire dans la fourchette convenue (sans la modifier) soit s’en détacher et provoquer
ainsi son élargissement (à savoir un abaissement du seuil ou une augmentation du plafond). Pour faire
passer le seuil à plus de 1 %, il serait nécessaire de démontrer – dans le cadre d’un processus
d’examen formel – que celui-ci est incroyablement faible pour les baleines à fanons en général et non
pour les seuls petits rorquals de l’Antarctique. Comme indiqué plus haut, la fourchette d’estimations
plausible du TRMR utilisée dans la RMP couvre l’ensemble des baleines à fanons et non pas
uniquement les petits rorquals de l’Antarctique.
3.6.Le comité scientifique procède actuellement à un examen de ce type et se pose la question
de savoir si la fourchette d’estimations actuelle du TRMR convient réellement à la RMP. Tout un
ensemble de données visant différentes espèces est étudié dans le cadre de cet examen. Le processus - 8 -
n’est pas encore terminé, mais il a d’ores et déjà été convenu que les données générées par les
programmes JARPA ou JARPA II ne seront pas utilisées, dans la mesure où il a été constaté
que leur fiabilité est médiocre pour une série de raisons demeurées inexpliquées (CBI 2010a).
L’atelier compétent du comité scientifique a ainsi conclu :
Les données de prise par âge [générées par JARPA et JARPA II] formaient un
élément-clé des estimations du TRMR pour deux stocks (les petits rorquals de l’océan
Indien et ceux de l’océan Pacifique) ; ces deux séries d’estimations se sont vues attribuer
un niveau « faible » de fiabilité.
Avant d’ajouter :
L’atelier convient que les modifications dans les paramètres biologiques [constatés
dans JARPA et JARPA II] n’ont pas pu être utilisées pour définir la fourchette des
valeurs TRMR aux fins d’essais de simulation de la RMP.
3.7. Ainsi, ces données collectées depuis plus de 25 ans dans le cadre des programmes JARPA
et JARPA II ont été jugées peu instructives par le comité scientifique sous l’angle de son examen de la
fourchette d’estimations du TRMR. Ce comité a préféré recourir pour cet exercice à des programmes
de recherche non létaux à long terme conçus pour identifier des tendances dans différentes populations
de baleines, ainsi que les performances reproductrices d’individus au fil du temps.
3.8. Les affirmations du professeur Walløe, ainsi que la proposition du programme JARPA II
elle-même, s’avèrent doublement erronées sur ce plan. Premièrement, elles sont incapables
d’expliquer de manière plausible comment les données biologiques de JARPA II – déjà qualifiées par
le comité scientifique de peu fiables sous l’angle du TRMR – pourraient conduire à des
« améliorations » de la RMP. En fait, les preuves suggèrent que de telles données n’aboutiraient pas à
des améliorations. Deuxièmement, et plus fondamentalement, elles ne parviennent pas à identifier
l’élément de la RMP qui devrait faire l’objet d’un examen et d’améliorations et, partant, les données
et modèles qui pourraient s’avérer nécessaires pour introduire de telles améliorations. De ce fait, des
données biologiques – portant notamment sur l’âge – continuent à être collectées dans le cadre du
programme JARPA II, sans qu’il ait été établi le moins du monde que la RMP doit faire l’objet
d’améliorations ou que les données collectées permettront justement d’introduire lesdites
améliorations.
Données relatives à l’âge et modèles de population
3.9. Le professeur Walløe ne se penche pas uniquement sur la productivité, mais affirme que
les modèles de population – basés sur des données létales (relatives, notamment, à l’âge) obtenues
dans le cadre des programmes JARPA et JARPA II – sont utiles pour étudier l’évolution à long
terme de l’abondance des petits rorquals (page 12, paragraphe 2), la manière dont la structure par
âge de cette population s’est modifiée au fil du temps (page 12, paragraphe 3) et les conclusions que
l’on peut tirer de ces changements sous l’angle du changement environnemental (page 12,
paragraphe 3). Pour les raisons énoncées ci-dessous, je suis en désaccord avec le professeur Walløe.
3.10. Sur ce point, le professeur Walløe se réfère principalement aux travaux de Butterworth,
Punt et Polacheck Guy Pantin dont on peut dire – pour simplifier – qu’ils tentent de comparer : (i) la
structure par âge des petits rorquals de l’Antarctique à l’époque de la chasse à la baleine à des fins
commerciales (en recourant au cérumen prélevé alors dans le conduit auditif) à (ii) la structure par âge
actuelle (en recourant à des échantillons prélevés plus récemment dans le même conduit dans le cadre - 9 -
des programmes JARPA et JARPA II). Cette analyse pose toute une série de problèmes techniques
liés à l’exactitude de la lecture des échantillons et aux hypothèses sur lesquelles reposent les modèles
de population eux-mêmes ; en outre et surtout, elle souffre d’une lacune fondamentale due à la
manière dont les baleines étaient choisies par les baleiniers commerciaux. Les prises de ces derniers
sont connues pour favoriser délibérément les animaux les plus gros (et présentant donc le plus de
valeur). Par conséquent, « l’échantillon » datant de l’époque de la chasse à des fins commerciales ne
saurait être représentatif de la population des baleines à l’époque. Or, les seules données anciennes
relatives à l’âge dont on dispose remontent à ladite époque.
3.11. Afin de combler cette lacune au niveau des données, les analystes sont contraints de
formuler une série d’hypothèses de manière à corriger le déséquilibre inhérent à la sélection pratiquée
par les baleiniers, dans le but d’estimer la véritable structure par âge de l’époque. Ces hypothèses ne
pouvant d’aucune façon être vérifiées, les modèles résultants sont fondamentalement incertains.
Comme le professeur Walløe lui-même le concède, pour donner des résultats utiles, l’échantillonnage
réalisé à l’époque de la pêche à des fins commerciales doit être aléatoire (page 12, paragraphe 5), ce
qui n’est tout simplement pas le cas. Il convient également de mentionner des problèmes
supplémentaires inhérents au fait que les prises réalisées dans le cadre de JARPA et JARPA II ne
sont pas, elles non plus, aléatoires et ne sauraient être considérées comme constitutives d’un
échantillonnage représentatif des vraies classes d’âge.
3.12. Résultat direct de ces problèmes : malgré de nombreuses années consacrées à l’analyse et
à l’élaboration de modèles de population (depuis 1996), aucune constatation concernant les modèles
liés à l’âge ne fait encore l’objet d’un consensus et, à supposer qu’on puisse parvenir à une telle
constatation, rien n’indique qu’elle permettrait d’atteindre des conclusions fiables en raison de la
pléthore de problèmes analytiques rencontrés.
3.13. Un autre point qu’il convient de souligner est que l’on aurait déjà dû tirer la leçon, à
l’issue de l’échec de la NMP et du programme JARPA, de l’utilisation – dans le cadre de l’évaluation
de paramètres biologiques – de données insuffisamment fiables relatives à l’âge. L’un des principaux
objectifs du programme était en effet de déterminer les taux de mortalité par âge : un paramètre
calculé sur la base des données relatives à l’âge dans un modèle de population. Cet objectif s’est
avéré impossible à réaliser, de sorte que le Japon a revu ses ambitions à la baisse et s’est contenté de
mesurer les taux moyens de mortalité (calculés eux aussi sur la base des données relatives à l’âge dans
un modèle de population). La réunion consacrée à l’examen du programme JARPA a conclu que « les
estimations de la mortalité naturelle fondées uniquement sur les données générées par JARPA
balaient un éventail tellement large que ce paramètre demeure en fait inconnu jusqu’à aujourd’hui ».
3.14. L’affirmation du professeur Walløe selon laquelle les modèles de population basés sur
des données létales obtenues dans le cadre des programmes JARPA et JARPA II pourraient fournir
des informations utiles sur la manière dont les populations de baleines ont évolué au fil du temps
contredit complètement l’absence de toute preuve de résultats concrets. Les problèmes statistiques
responsables du manque de fiabilité des conclusions sont pour l’essentiel insolubles, de sorte que tout
résultat éventuel n’aurait qu’une utilité pratique limitée sous l’angle de la gestion. Là encore, rien ne
prouve la nécessité de mettre des baleines à mort à cette fin.
4.AUTRES CRITIQUES DU PROFESSEUR WALLØE À L’ÉGARD DES MÉTHODES
NON LÉTALES
4.1. Dans la section 4 de sa déclaration (page 14), le professeur Walløe défend l’utilité de toute
une série de méthodes létales par rapport à d’autres méthodes non létales. Je voudrais répondre - 10 -
spécifiquement aux commentaires du professeur concernant : (i) le marquage par balises permettant un
suivi satellitaire ; (ii) les études relatives à l’alimentation basées sur l’analyse du contenu de
l’estomac ; et (iii) l’étude du rôle des baleines dans l’écosystème basée sur l’épaisseur de la couche de
graisse. Qu’il me soit permis, cependant, de formuler d’abord certaines observations générales
concernant les hypothèses selon lesquelles il convient, en premier lieu, de disposer d’informations
obtenues selon des techniques létales.
Hypothèses relatives à l’utilité
4.2.Lorsque le professeur Walløese demande s’il existe des techniques non létales pouvant
réellement se substituer aux techniques létales adoptées par le Japon (page 14, paragraphe 2), il passe
outre à la question fondamentale de savoir si ces techniques fournissent des informations dont nous
avons réellement besoin à un titre ou à un autre. Je voudrais utiliser comme exemple la manière dont
le professeur Walløe mentionne l’étude des polluants dans les baleines.
4.3.Les techniques d’échantillonnage (létales ou non létales) permettant d’évaluer la présence
éventuelle de polluants dans les tissus corporels de ces animaux ne peuvent se justifier qu’en présence
d’une démonstration incontestable de la nécessité de disposer de cette information pour pouvoir
répondre à une question spécifique. Comme l’a déclaré le professeur Mangel, il faut disposer d’un
objectif défini et atteignable et, en outre, démontrer que l’étude des concentrations de polluants
constitue le moyen approprié de parvenir à cet objectif. Aucune raison scientifique légitimant la
mesure des concentrations de polluants dans les tissus cellulaires des petits rorquals n’a jamais été
avancée. Pourquoi les petits rorquals constitueraient-ils un bon modèle d’étude des concentrations de
polluants et de la pathologie connexe ? Quelle est la question à laquelle on tente de répondre en
procédant à de telles analyses ? En l’absence de réponse claire à ces questions, il n’existe aucune
raison de prélever le moindre échantillon pour mesurer la présence de polluants, que ce soit au moyen
de techniques létales ou non létales. Dans ce contexte, la question de savoir si la meilleure approche
doit reposer sur des techniques létales ou non létales n’a même pas besoin d’être abordée. La
déclaration du professeur Walløe s’abstient totalement d’examiner ces enjeux fondamentaux.
Marquage par balise permettant un suivi satellitaire
4.4.Le professeur Walløe déclare que le taux de succès du suivi satellitaire des petits rorquals
est faible ; il fait valoir le faible nombre de marquages réussis, ainsi que la durée limitée pendant
laquelle les balises restent fixées à la baleine [« en raison de la forte friction exercée sur le matériel
attaché à une baleine se déplaçant à grande vitesse » (page 14, paragraphe 2)]. J’ai déjà démontré,
dans ma déclaration d’expert initiale (paragraphes 6.14 à 6.17), que le suivi satellitaire des petits
rorquals de l’Antarctique est à la fois possible et plein de promesses. Ma déclaration précédente
mentionnait (paragraphe 6.15) un film vidéo montrant le marquage par balise de petits rorquals dans
l’océan Austral. Ce film peut être visionné à l’adresse :
http://www.antarctica.gov.au/medialnews/2013/significant-advances-in-no…research-on-antarctic-minke-whales
(une transcription du commentaire du même film vidéo figure également à l’appendice 2 à la présente
déclaration). Les résultats produits par ces modestes efforts de recherche montrent clairement que les
critiques du professeur Walløe sont déplacées et que le suivi satellitaire des petits rorquals de
l’Antarctique est une technique viable d’étude d’une série de questions couvrant notamment le
déplacement, le comportement et les préférences en matière d’habitat de ces animaux.
Études relatives à l’alimentation
4.5.Dans le cadre des programmes JARPA et JARPA II, le Japon a recours à toute une série de
techniques létales – y compris l’examen du contenu de l’estomac de baleines mises à mort – dans - 11 -
l’espoir d’estimer la consommation de proies des petits rorquals de l’Antarctique. Le professeur
Walløe prétend que le recours à des techniques non létales pour évaluer la consommation de proies
« s’apparente au mieux à une vision utopique de ce qui deviendra peut-être possible un jour »
(page 14, paragraphe 3). Il est essentiel d’affirmer à ce propos que toutes les méthodes actuellement
disponibles – qu’elles soient létales ou non létales – permettent uniquement de procéder à des mesures
pouvant déboucher sur une estimation approximative de la consommation quotidienne de nourriture. Il
est impossible de mesurer ce paramètre directement et exactement.
4.6. Dans le cadre de sa démonstration, le professeur Walløe s’abstient, premièrement,
d’expliquer en quoi les estimations de la consommation alimentaire journalière nous intéressent et,
deuxièmement, de démontrer que les estimations générées par les études létales (analyse du contenu
de l’estomac) produisent des estimations plus justes et/ou précises que celles générées par des
techniques non létales .
4.7.En ce qui concerne la technique létale utilisée dans le cadre des programmes JARPA et
JARPA II, l’approche adoptée par le Japon consiste à tuer un grand nombre de baleines, avant
d’identifier et de peser la quantité de nourriture trouvée dans leur estomac. Pour calculer la
consommation quotidienne de nourriture, il est donc nécessaire de déterminer la relation entre les
aliments trouvés dans l’estomac de la baleine et ceux absorbés sur une période complète de 24 heures.
Déduire l’apport alimentaire quotidien de la quantité de nourriture trouvée dans l’estomac au moment
de la mise à mort soulève plusieurs difficultés. Les baleines ne sont « échantillonnées » que pendant la
journée, alors qu’elles peuvent absorber de la nourriture à n’importe quelle heure. Une série
d’hypothèses – relatives notamment à la vitesse à laquelle la nourriture passe dans l’estomac et aux
comportements alimentaires sur une période de 24 heures – doit donc être formulée pour calculer la
consommation journalière totale. Une partie des variables – comme la vitesse à laquelle l’estomac se
vide, la taille des repas et la fréquence d’alimentation – changent fréquemment et interagissent entre
elles en fonction du comportement de la proie (le krill de l’Antarctique) et de la motivation de la
baleine à se nourrir. Par conséquent, même s’il est possible de peser le contenu de l’estomac d’une
baleine, au moment où cette mesure servira à estimer l’apport alimentaire quotidien, beaucoup de
facteurs d’incertitude auront été introduits, de sorte que l’estimation finale pourrait en fait n’être guère
plus qu’une simple conjecture.
4.8.La méthode alternative non létale la plus simple consiste à recourir à une équation générale
fondée sur une relation mathématique entre la taille d’un animal et la quantité d’énergie (nourriture)
dont il a besoin pour vivre (allométrie). Il s’agit là encore d’une méthode imprécise qui requiert une
estimation de la taille de l’animal et du contenu énergétique des aliments qu’il absorbe. Contrairement
à ce qu’affirme le professeur Walløe – pour qui la taille d’une baleine ne peut pas être mesurée
de manière non létale en mer –, il est courant de recourir à la photogrammétrie pour mesurer
la longueur d’un animal (voir, par exemple, Gordon 1990, Gilpatrick et Perryman 2008). Quant
au contenu énergétique de la proie, il peut être mesuré directement sur du krill péché au chalut.
4.9. Par conséquent, toutes les méthodes – qu’elles soient létales ou non létales – comportent
une certaine dose d’incertitude et d’imprécision, mais l’essentiel tient à ce que la mise à mort de la
baleine ne confère aucun avantage. Les problèmes associés à ces estimations ont fait l’objet de
discussions au cours de l’atelier consacré à l’examen du programme JARPA (annexe 113 du
contre-mémoire du Japon) et, par la suite, au cours de la réunion tenue par le comité scientifique en
2007 (CBI 2008) dont le compte -rendu se lit comme suit :
La suite des débats consacrés aux estimations de la consommation quotidienne
moyenne de proies par les petits rorquals de l’Antarctique dans l’océan Austral
(SC/59/IA8 ; Tamura et Konishi [2006]) permet de souligner que les estimations - 12 -
[formulées sur la base de l’analyse du contenu de l’estomac] dépendent fortement
d’hypothèses relatives aux taux de digestion pour lesquels nous ne disposons d’aucune
donnée. Pour cette raison – et aussi à cause d’incertitudes tenant au comportement
alimentaire diurne – les taux d’alimentation déduits de l’ensemble très volumineux de
données généré par le programme JARPA sont indiqués sous forme d’une fourchette
large couvrant ce que l’on peut considérer comme un intervalle plausible de valeurs sur la
base d’autres sources, y compris des comparaisons allométriques des besoins en énergie.
Le comité résume les trois questions qu’il faudra élucider avant que des progrès ne
puissent être accomplis : (1) la durée de la saison d’alimentation ; (2) la mesure dans
laquelle le taux de consommation dépend du taux de digestion (un sujet largement
inconnu) ; et (3) l’importance relative de l’alimentation nocturne. Le comité convient
que, tant que ces questions font l’objet d’investigations, il sera difficile d’aller au-
delà de simples estimations approximatives et que, même s’il importe d’observer
d’éventuelles tendances momentanées, il reste encore beaucoup de travail à abattre
pour déterminer si les tendances actuelles suggérées par les données reflètent un
phénomène réel ou bien résultent d’un artefact de l’échantillonnage ou de l’analyse
[la mise en gras est de nous].
4.10. Il ressort de ce qui précède que la mesure du contenu de l’estomac de presque
7 000 baleines mises à mort dans le cadre du programme JARPA n’a pas amélioré les estimations de
la consommation alimentaire journalière dont on dispose déjà sur la base de l’autre méthode utilisable,
l’allométrie, laquelle a le mérite de ne pas être létale. De plus, le comité scientifique a recommandé
d’effectuer des travaux supplémentaires afin de pouvoir réaliser des progrès. Les recommandations 1
(durée de la saison d’alimentation) et 3 (importance relative de l’alimentation nocturne) dépendent
du comportement des baleines et, par conséquent, gagneraient à être mises en œuvre à l’aide d’outils
non létaux comme le balisage en vue d’un suivi satellitaire ou bien le recours à des enregistreurs de
plongée. Le comportement ne se prête qu’aux études non létales. Des recherches récentes
mentionnées dans mon opinion d’expert initiale (aux paragraphes 6.14 à 6.17) ont démontré
l’efficacité pratique desdites approches. La recommandation 2 (portant sur la question du taux de
digestion) risque de dépasser le cadre d’une quelconque expérience pratique (létale ou non létale), de
sorte que ce taux demeurera inconnu. Fait important, selon les conclusions du comité scientifique, tant
que ces incertitudes demeureront, il sera difficile de vérifier l’existence réelle d’une tendance suggérée
à partir de l’analyse du contenu de l’estomac. Le programme JARPA II ne s’est attaqué à aucune de
ces incertitudes et s’est contenté de continuer à échantillonner le contenu de l’estomac des baleines
mises à mort.
Épaisseur de la couche de graisse
4.11. Le professeur Walløe attire l’attention de la Cour sur le fait qu’une prétendue diminution
de la couche de graisse observée pendant le programme JARPA traduit des changements dans
l’écosystème de l’Antarctique (page 7, paragraphe 4). L’étude qu’il mentionne et dont il est l’un des
coauteurs a été publiée dans Polar Biology (Konishi et al. 2008). Il fait valoir que la couche de graisse
aurait fondu à un taux estimé d’environ 0,2 millimètre par an pendant toute la durée du programme
JARPA. Cependant, depuis sa publication, le comité scientifique de la CBI a conclu que le document
repose sur des méthodes statistiques inappropriées et que la tendance signalée concernant l’épaisseur
de la couche de graisse pouvait aussi bien être réelle que fausse (CBI 2012, CBI 2013). Depuis,
malgré de nouvelles analyses des mêmes données, la question demeure sans réponse.
4.12. Par conséquent, il s’avère que les tendances prétendument observées concernant
l’épaisseur de la couche de graisse telles qu’elles sont mentionnées par le professeur Walløe, ainsi que
les conclusions que l’intéressé en tire concernant l’écosystème antarctique, ne sont pas statistiquement
fiables et que leur pertinence au regard de l’interprétation d’un changement écologique plus profond - 13 -
n’a pas été prouvée. À moins de pouvoir s’attaquer de manière appropriée aux problèmes statistiques,
les données collectées selon des techniques létales dans le cadre des programmes JARPA et JARPA II
ne seront d’aucune utilité pour tirer des conclusions à propos du rôle des baleines dans l’écosystème
antarctique.
4.13. Le Japon et le professeur Walløe mentionnent régulièrement les données générées par les
programmes JARPA et JARPA II pour laisser supposer des changements dans les écosystèmes de la
partie orientale de l’Antarctique, y compris de prétendues tendances à la diminution de la couche de
graisse. À ce stade, aucune tendance affectant ces paramètres biologiques n’a été reconnue par le
comité scientifique. De plus, rien ne permet de suggérer que l’étude de paramètres calculés sur la base
d’un échantillonnage létal, comme l’épaisseur de la couche de graisse, permettrait d’obtenir des
informations susceptibles de nous éclairer sur les changements affectant l’écosystème de
l’Antarctique. En fait, sans qu’il soit nécessaire de mesurer d’autres variables environnementales
essentielles comme la disponibilité de proies, il est très difficile pour le professeur Walløe ou le Japon
d’établir un lien quelconque entre des paramètres comme l’épaisseur de la couche de graisse et des
changements environnementaux plus importants. Par conséquent, suggérer que les données obtenues
sur la base d’échantillons létaux déboucheront sur des informations utiles dans ce domaine n’a qu’une
valeur déclarative.
4.14. Plus important encore, à supposer que des scientifiques désirent véritablement
entreprendre des recherches pour vérifier certains aspects des changements affectant les écosystèmes
de l’Antarctique – notamment en ce qui concerne les baleines, d’autres prédateurs et leur proie – il
faudrait logiquement se concentrer sur la mise en œuvre des recommandations pertinentes formulées
au cours de l’atelier organisé conjointement par la CBI-CCAMLR en vue d’examiner les données
d’entrée des modèles relatifs à l’écosystème marin de l’Antarctique (CBI 2010b). Par exemple, cet
atelier a recommandé de concentrer les recherches sur certaines incertitudes fondamentales entourant
notamment l’abondance des rorquals communs. Concernant les questions d’utilisation de l’habitat par
les baleines, l’atelier a souligné la nécessité de disposer d’informations sur la manière dont ces
animaux exploitent l’intégralité de la colonne d’eau (en analysant les données obtenues grâce aux
balises permettant un suivi satellitaire et aux enregistreurs de plongée). Aucune des recommandations
formulées pendant l’atelier ne se prête à une interprétation suggérant que la collecte de paramètres
biologiques difficiles à mesurer sur les petits rorquals de l’Antarctique constituerait une approche
légitime de ces questions. - 17 -
APPENDICE 1
COMMUNICATION PERSONNELLE AVEC P AUL E NSOR CONCERNANT L ÉCHANTILLONNAGE BIOPSIQUE
RÉALISÉ PENDANT LES EXPÉDITIONS SOWER
From: [email protected] [mailto:[email protected]]
Sent: lundi, 13 mai 2013 14 h 23
To: Nick Gales;Virginia Andrews-Goff
Subject : Fw: biopsy from SOWER-typevessel [SEC=UNCLASSIFIED]
Bonjour encore Nick,
Je réalise que j’ai commis une erreur stupide concernant les rorquals communs ; désolé
Il faut lire – Rorqual commun : la durée moyenne de l’échantillonnage biopsique des rorquals communs a
été de 0,57 h par animal (45 animaux ont été échantillonnés au cours des campagnes 2005/2006 et
2007/2008).
Bien à toi, Paul
----- Original Message ----
From: [email protected]
To: Nick Gales
Cc: Virginia Andrews-Goff
Sent: Wednesday, May 08, 2013 21 h 2
Subject: Fw: biopsy from SOWER-type vessel
Nick, j’ai oublié de mentionner, concernant les essais de faisabilité effectués en 2000/2001, que nous ne
disposions que d’un fusil Larsen par bateau. C’est pourquoi nous n’avons pas tenté d’échantillonner plus d’un
animal par groupe ; cependant, une telle opération aurait été possible à condition de disposer de plusieurs
fusils. (En 2007/2008, nous disposions de deux fusils, mais la plupart des groupes étaient constitués d’un seul
animal).
Bien à toi, Paul
----- Original Message ----
From: [email protected]
To: Nick Gales
Cc: Virginia Andrews-Goff
Sent: Wednesday, May 08, 2013 20 h 16
Subject: biopsy from SOWER-type vessel
Cher Nick,
Tu trouveras ci-dessous une appréciation résumée de l’efficacité de l’échantillonnage biopsique de plusieurs
espèces réalisé au cours de récentes croisières CBI/SOWER ; en ce qui concerne les petits rorquals de
l’Antarctique, tu trouveras des extraits des rapports de croisière 2000/2001 et 2007/2008 résumant les
essais de faisabilité effectués sur cette espèce. Tout ce qui suit est extrait des entrées pertinentes des
rapports de croisière 2001/2002 à 2007/2008 ; si tu préfères cependant me citer, cela ne pose aucun
problème.
Bien à toi, Paul
Baleine bleue de l’Antarctique:
Pour les navires de la CBI, la durée moyenne de l’échantillonnage biopsique d’une baleine bleue dans
l’Antarctique a été de 1 heure et 8 minutes par animal (sur un sous-ensemble de 165 animaux échantillonnés
entre 2001/2002 et 2007/2008, ce laps de temps correspondant à la durée totale de l’opération depuis la
chasse jusqu’à la récupération de la fléchette et la moyenne englobant également les chasses ayant abouti à - 18 -
des situations où la fléchette a manqué sa cible ou bien où il s’est avéré impossible de tirer). Dans SOWER, la
distance de tir moyenne est probablement de 35 à 40 mètres et, généralement, la distance maximale ne
dépasse pas 50 mètres (même si j’ai été témoin d’un tir à une distance équivalant à première vue à la longueur
du navire, soit 70 mètres).
Rorqual commun : la durée moyenne de l’échantillonnage biopsique a été de 0,44 heure par animal
(sur un sous-ensemble de 66 animaux échantillonnés entre 2005/2006 et 2007/2008).
Baleine à bosse : la durée moyenne de l’échantillonnage biopsique a été de 0,42 heure par animal (sur un
sous-ensemble de 173 animaux échantillonnés entre 2005/2006 et 2007/2008).
Baleine franche australe : la durée moyenne de l’échantillonnage biopsique a été de
0,67 heure par animal (sur un sous-ensemble de 11 animaux entre 2005/2006 et
2007/2008).
Épaulard : la durée moyenne de l’échantillonnage biopsique a été de 1,19 heure par animal (sur un sous-
ensemble de 10 animaux entre 2005/2006 et 2007/2008).
Petit rorqual de l’Antarctique :
Les paragraphes qui suivent sont extraits du rapport de la croisière CBI-SOWER 2000/2001 (la pièce jointe
inclut le tableau 8, tel qu’il a été extrait dudit rapport et qu’il est reproduit plus bas).
Échantillonnage biopsique des petits rorquals
Compte tenu des bonnes conditions météorologiques et de l’avance prise pendant la plus grande
partie de la croisière, nous avons été à même d’effectuer une étude de faisabilité de
l’échantillonnage biopsique des petits rorquals cette année. En tout, 18 groupes de baleines de ce
type ont été approchés en vue d’un échantillonnage à l’aide de fusils Larsen ; les résultats sont
affichés dans le tableau 8. La plupart des essais ont été menés pendant la der nière phase de
la croisière et principalement depuis le navire Shonan Maru n° 2, car le Shonan Maru avait
des problèmes mécaniques avec son hélice.
Sur les 18 essais : 8 ont permis d’obtenir un échantillon avec 1 seul coup de fusil ; 1 a été obtenu
au bout de 2 coups ; 5 ont donné lieu à un ratage de la cible ; 3 ont permis de toucher l’animal
sans que la tête coupante du tube placé au bout de la fléchette ne parvienne à retenir un
échantillon (dans un des cas, l’échantillon aurait apparemment été extrait du tube et mangé par
un oiseau) ; et, dans un autre cas, aucun coup de feu n’a pu être tiré. L’un des essais réalisés
depuis le Shonan Maru visait un animal solitaire s’étant rapproché du navire alors que celui-ci
dérivait. Le temps moyen par essai (à l’exclusion du dernier qui a été effectué depuis un navire
dérivant) a été de 20 minutes, soit une plage allant de 7 à 33 minutes (y compris le temps de
récupération de la fléchette). Il convient de rappeler que le but n’était pas d’obtenir des
échantillons biopsiques de petits rorquals au hasard, mais de tester la portée et l’efficacité du
fusil Larsen. Pour cette raison, nous avons délibérément choisi des groupes comprenant au
moins deux animaux, car, d’après notre expérience, ceux-ci sont plus faciles à approcher – et
également plus faciles à suivre lorsqu’ils prennent la fuite –, ce qui n’est pas le cas des solitaires
dont l’approche s’avère souvent très difficile. Pendant l’essai n° 12, par exemple, nous avons eu
le choix entre plusieurs animaux très proches de la proue et dont nous n’avons pas voulu.
Lorsque ceux-ci ont commencé à se disperser, nous avons été incapables de les suivre en raison
de l’état de la mer. Nous sommes parvenus à prélever des échantillons avec un vent soufflant
jusqu’à 20 nœuds [37 km/h] (alors que le navire naviguait sous le vent et dans le sens de la
houle). En dehors des vents violents et de l’état de la mer, la faible luminosité a constitué la
principale contrainte : en début de matinée et de soirée ou bien avec un ciel très couv ert, il - 19 -
s’est avéré extrêmement difficile de détecter les animaux juste avant qu’ils ne remontent à la
surface, ce qui a gêné les opérations d’échantillonnage.
La distance maximale de tir a été estimée à 40 mètres ; il devrait cependant être possible de
collecter des échantillons sur des petits rorquals à des distances supérieures. Bien que ces
animaux refassent souvent surface à des distances étant tout à fait à portée d’une arbalète (et
d’un fusil Paxarms), ils sont très rapides et n’exposent souvent qu’ une infime partie de leur
corps. Nous pensons que la grande vélocité de la fléchette tirée depuis un fusil Larsen permet
une plus grande précision et une efficacité accrue dans de telles circonstances, ce qui en fait
notre outil de prédilection par rapport aux autres systèmes actuellement disponibles.
À l’avenir, il serait possible d’augmenter le taux de succès et de réduire le temps
d’échantillonnage à condition : 1) d’utiliser deux fusils Larsen en même temps au lieu d’un, 2)
d’échantillonner les animaux se rapprochant du navire et 3) de parvenir à améliorer le taux de
rétention des échantillons dans les têtes coupantes.
Tableau 8. Résultats des essais d’échantillonnage biopsique de petits rorquals (source : rapport de la croisière
CBI-SOWER 2000-2001).
Essai n ° Taille du Durée de Nbre de Distance Résultats
groupe l’expérience tirs
Shonan Maru n° 2
1 5 20 min. 1 20 m. Cible ratée
2 5 26 min 1 25 m Échantillon prélevé
3 5 24 min 1 20 m Échantillon prélevé
4 6 23 min 35 m Échantillon prélevé
5 5 7 min 1 25 m Échantillon prélevé
6 4 30 m Touché- Pas d’échantillon
22 min 1 35 m
7 4 21 min Touché- Pas d’échantillon
8 2 9 min 1 25 m Cible ratée
9 7 26 min 1 35 m Cible ratée
10 5 37 min 1 33 m Échantillon prélevé
40 m
11 8 20 min 1 N/D Aucun tir
12 17 33 min 1 27 m Échantillon prélevé
13 6 24 min 15 m Échantillon prélevé
14 19 20 min 12 s Cible ratée
15 18 min 1 55 m Cible ratée
0 28 m
16 9 16 min 1
Shonan Maru 30 m Échantillon prélevé
17 2 25 min 1 20 m Touché 2 fois-Pas
18 I 1 0 min * d’échantillon
1
*Animal solitaire approché alors que le navire dérivait. 1
2
2 - 20 -
Les paragraphes qui suivent sont extraits du rapport de la croisière CBI-SOWER
2007/2008 (la pièce jointe inclut le tableau 10 tel qu’il a été extrait dudit rapport).
ÉTUDES PORTANT SUR LA BIOPSIE ET L’IDENTIFICATION PHOTOGRAPHIQUE DE
PETITS RORQUALS
14 groupes de petits rorquals (comprenant 16 animaux en tout) ont été approchés en vue d’un
échantillonnage biopsique et de la prise de photographies aux fins d’identification de chaque
individu pendant un temps de recherche de 2,45 heures. Ce temps comprend 0,62 heure
allouée à l’approche de quatre petits rorquals solitaires en vue de leur photographie à
l’exclusion de tout échantillonnage (l’approche à une distance suffisamment faible pour
permettre une biopsie s’étant avérée impossible en raison de la présence de nombreux
morceaux de glace à la surface de la mer).
Six échantillons biopsiques en tout ont été prélevés sur quatre petits rorquals solitaires de
l’Antarctique. Le temps moyen pris pour échantillonner une baleine s’est élevé à 0,46 heure.
15 petits rorquals répartis en 11 groupes ont été photographiés, y compris les animaux ayant
fait l’objet d’une biopsie (voir les tableaux 10 et 11). Il n’a pas été possible d’obtenir des
photographies des trois autres groupes de petits rorquals approchés en vue d’une biopsie et
d’une identification photographique.
Les conditions rencontrées pendant la croisière se prêtaient en effet mal à ces exercices, car la
plupart des animaux détectés étaient des solitaires. Il s’est avéré également difficile de suivre
les baleines en plongée en raison de la faible limpidité de l’eau et de la proximité de la
banquise, laquelle se traduisait par la présence de nombreux morceaux de glace rendant les
manœuvres d’approche compliquées.
L’examen des images numériques des 15 petits rorquals photographiés n’a révélé aucun
animal déjà observé.
ESSAI D’APPROCHE TÉLÉMÉTRIQUE DE PETITS RORQUALS
Rares ont été les occasions d’approcher des animaux en vue d’effectuer des essais de
télémétrie pendant cette croisière, dans la mesure où peu de petits rorquals ont été aperçus
dans des conditions où la limpidité de l’eau permettait le suivi des animaux sous la surface de
la mer. Notre approche en vue de réaliser un essai de télémétrie sur un groupe composé de
trois petits rorquals de l’Antarctique a nécessité 0,55 heure de temps de recherche le 9 février.
L’essai a été jugé peu concluant; les baleines ont été aperçues sous l’eau très près de la vague
d’étrave, mais elles n’ont pas fait surface à une distance égale ou inférieure à un mille marin
du navire. Un film vidéo d’une durée totale de 27 minutes et 31 secondes a été enregistré
pendant cette approche ; il a été pris depuis le tonneau de vigie et non depuis la rampe
d’étrave, comme cela aurait dû être le cas si les instructions avaient été suivies à la lettre.
L’opérateur a jugé préférable de procéder ainsi pour jouir d’une meilleure perspective et offrir
une meilleure échelle à l’analyste. Un film vidéo a également été enregistré depuis le tonneau
de vigie pendant trois approches visant à essayer de prélever un échantillon biopsique sur de
petits rorquals.' - 21 -
Tableau 10. Résultats des tentatives d’échantillonnage biopsique réalisées pendant la croisière SOWER 2008-09. Tous
les échantillons ont été prélevés à l’aide du système Larsen.
Espèces et date Observation n° Taille du groupe Nombre Numéro Graisse Commentaires
de d’échantillon
baleines
Rorqual
26 janvier 054 001 01 09041001 Oui
26 janvier 058 001 01 09041002 Oui coup double : 2 échantillons de
peau, 1 échantillon de graisse
26 janvier 062 001 01 09041003 Oui coup double : 2 échantillons de
peau,
09 février 042 001 01 09041025 Non 1 échantillon de graisse
petit échantillon
Nombre total de
baleines 4
échantillonnées
Fin A PPENDICE 2
TRANSCRIPTION DU TEXTE DU FILM VIDÉO MENTIONNÉ AU PARAGRAPHE 4.4 :
La version originale de ce film vidéo peut être visionnée à l’adresse :
http://www.antarctica.gov.au/media/news/2013/significant advances -in-non-lethal-research -on-
antarctic -minke-whales
Transcription vidéo
Directeur scientifique du programme australien sur l’Antarctique -Nick Gales
Cette croisière a été entreprise conjointement avec le programme des États-Unis pour l’Antarctique
et portait essentiellement en fait sur les baleines à bosse et les petits rorquals. L’idée est de
travailler en un point de l’Antarctique où les deux espèces se nourrissent afin d’étudier les
différences dans leur alimentation.
Nous sommes descendus jusqu’à un endroit appelé le détroit de Gerlache - une étendue d’eau
merveilleusement protégée et entourée d’îles au large de la partie occidentale de la péninsule
Antarctique – et avons croisé dans les baies qui s’y trouvent. Ce choix s’est révélé très productif,
car il s’agit d’une zone où beaucoup de krill de l’Antarctique traverse la zone sur toute sa largeur.
Nous savons qu’il existe des proies à différentes profondeurs sans avoir la moindre idée de leur
nature. Nous avons observé les petits rorquals et, pour la première fois, avons réellement perçu les
différences entre ces deux espèces importantes.
Nous utilisons toute une série de balises qui nous donnent différentes informations et, en même
temps, nous envoyons de petites embarcations patrouiller pour observer la proie, sa profondeur
et son environnement.
Nous plaçons les balises à très court terme sur le dos d’un animal auquel elles restent fixées par
des ventouses pendant une durée allant de quelques heures à peut-être un jour, avant de se
détacher et de flotter à la surface où nous les récupérons. Ces balises enregistrent tout, de sorte
que nous sommes en mesure de connaître le nombre de battements de queue pour aller chercher la
proie dans les profondeurs, l’inclinaison, les mouvements par rapport à la proie, etc. : l’information
ainsi recueillie est extrêmement dense et, simultanément, nous enregistrons les sons depuis un
autre navire positionné au-dessus du krill.
Nous disposons également d’autres balises qui restent fixées plus longtemps sur l’animal. Elles sont
tirées sur la baleine, pénètrent la peau et restent coincées dans la couche de graisse et le tissu
immédiatement sous-jacent ou nous espérons qu’elles demeureront pendant plusieurs mois. Elles
indiquent uniquement l’emplacement géographique, mais cette information nous permet de déduire
les mouvements à moyenne ou à grande échelle des baleines : Où vont-elles lorsqu’elles quittent
leurs aires d’alimentation estivales ? Comment évoluent-elles au sein desdites aires ? Nous
espérons notamment que les balises resteront opérationnelles suffisamment longtemps pour nous
indiquer l’emplacement des aires de reproduction hivernale.
Nous n’avions aucune idée de la manière dont les petits rorquals évolueraient autour du petit
bateau. Cette espèce est beaucoup plus petite que celle sur laquelle nous avons l’habitude de
placer des balises et elle se déplace également beaucoup plus rapidement. De sorte que le pilote
du bateau se place à côté d’un groupe de petits rorquals et se rapproche doucement jusqu’à ce que
nous fassions partie d’un banc, de telle manière que les animaux font surface autour de nous. C’est
à moi, ensuite, qu’il appartient de jouer : je sélectionne une baleine et, dès que celle-ci fait surface à
une distance permettant de tirer dans de bonnes conditions, je lui plante une balise dans le dos. - 2 -
Cette manière d’opérer est assez éprouvante pour les nerfs, mais procure aussi beaucoup
d’excitation lorsque nous parvenons à placer des balises.
C’est cet été que, pour la toute première fois, des balises de ce type ont été placées sur des
petits rorquals de l’Antarctique : une espèce sur laquelle aucune balise d’aucune sorte n’avait
jamais été placée auparavant. De sorte que nous sommes extrêmement excités à l’idée de
pouvoir combiner les données et apporter réellement des informations complètement nouvelles
sur cette espèce.
Exposé de M. Nick Gales (expert nommé par l'Australie) en réponse à l'exposé soumis par M. Lars Walløe (expert nommé par le Japon)