Expose écritode l’Etat plurinational de Bolivie concernant la demande d’avis
consultatif n 135929 adressée le 3 mai 2010 à la Cour internationale de justice
au sujet du jugement n 2867 rendu par le Tribunal administratif de l’OIT
sur une requête dirigée contre le Fonds international de
développement agricole
Se référant au paragra phe4 de l’article66 du Statut de la Cour internationale de Justice, le
Gouvernement de l’Etat plurinational de Bolivie a l’honneur de faire part des considérations qui
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suivent au sujet de la demande d’avis consultatif n 135929 du 3 mai 2010 concernant le
jugement n 2867 rendu par le Tribunal administratif de l’OIT sur une requête dirigée contre le
Fonds international de développement agricole.
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Ljugienent 2867 établissait en termes généraux que le Mécanisme mondial créé en
vertu de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD) et le Fonds
international de développement agricole (F IDA), quoique constituant des entités distinctes,
partagent des compétences administratives, ce qui est source de conflit quant aux rôles respectifs de
ces deux entités. Conformément au Mémorandum d’accord conclu le 16novembre2010 entre le
FIDA et le Mécanisme mondial, les services administratifs de l’un et de l’autre devaient travailler
ensemble, et le budget du Mécanisme mondial deva it en partie servir à financer des services
administratifs au FIDA. Autrement dit, il devait y avoir une collaboration étroite entre ces deux
organismes internationaux. Le Mémorandum d’accord ne définissait pas clairement ce que seraient
les tâches et paramètres administratifs de chacun. On pouvait aussi déduire du Mémorandum
d’accord que le Mécanisme mondial reconnaît relever et dépendre administrativement du FIDA.
Le 8 juillet 2008, Mme A.T.S.G., ancienne fonctionnaire du Mécanisme global, engagea une
procédure contre le FIDA devanto le Tribunal administratif de l’ Organisation internationale du
travail. Par son jugementn 2867, rendu le 3 février 2010, le tribunal donna gain de cause à
MmeA.T.S.G., ordonnant au FIDA de payer des dommages-intérêts de 450000 (quatrecent
cinquante mille) dollars des Etats-Unis. Ce jugement indiquait en outre que le tribunal avait décidé
que «les membres du personnel du Mécanisme [éta ient] des fonctionnaires du FIDA» et que la
décision de ne pas renouveler l’engagement de Mm e A.T.S.G. n’avait pas été dûment autorisée par
le Fonds. Il y a lieu de préciser que le Mécani sme mondial est lié au FIDA par une forme de
partenariat prévoyant des modalités d’«héberge ment» selon lesquelles une organisation dite
«organisation d’accueil» en héberge une autre en offrant l’infrastructure, les fonds ou l’appui
institutionnel dont celle-ci a besoin. Cependa nt, dans le cas particulier, les compétences
administratives n’étaient pas clairement délimitées entre les deux organisations internationales
⎯l’organisation hébergée (le Mécanisme mondial) et l’organisation d’accueil (le FIDA) ⎯ et il
n’existait notamment pas de règlement distinct pour chacune. En outre, il faudrait savoir
exactement si le Mécanisme mondial était soumis à la juridiction du tribunal, ou si celui-ci a traité
les deux organisations comme si elles n’en faisaient qu’une. Ce serait peut-être là un élément à
examiner.
Si les compétences avaient été clairement délimitées entre les deux organismes, il serait
possible, même dans le cadre d’une relation d’hébergement, de conclure à un excès de pouvoir
dans le cas où les membres des conseils d’ad ministration des deux organisations exercent des
fonctions de manière interchangeable dans l’une ou dans l’autre. Mais, répétons-le, les
compétences des deux organisations n’ont pas été suffisamment délimitées. C’est pourquoi on peut
considérer qu’il y a subsumption des compétences, puisque les fonctions du personnel des deux
institutions ne sont pas clairement définies du point de vue du lien hiérarchique existant entre les
deux, ce qui montre l’absence ou l’insuffisance du partage des compétences administratives entre
elles, faute d’un règlement distinct pour chac une. Et pourtant, le Mémorandum d’accord, qui
définit le statut d’organisation «hébergée», ne prévoyait pas de fusion entre ces deux entités, mais
seulement que le FIDA appuierait le Mécanisme mondial dans l’exercice de ses fonctions. - 2 -
A cet égard, on peut penser que le tribunal aura peut-être eu du mal à identifier la nature
juridique de l’organisation inte rnationale défenderesse. Il est manifeste que les difficultés
rencontrées par les parties ont leur origine dans le manque de précision de la définition des
pouvoirs et des compétences, qui aurait dû être ét ablie en fonction de leurs objectifs spécifiques.
Ces objectifs auraient dû être inscrits dans un document visant à régir leurs responsabilités ⎯ en
particulier la juridiction et le champ d’application ⎯ et pas seulement les modalités concernant la
coopération administrative et technique offerte par l’organisation d’«accueil», comme le prévoit le
Mémorandum d’accord déjà cité.
En bref, les fonctions de chaque organisme devraient être précisées pour qu’il n’y ait aucune
confusion sur l’applicabilité de la procédure internationale et la compétence juridictionnelle. Le
fait que le FIDA «héberge» le Mécanisme mond ial a eu pour conséquence que le tribunal
administratif a eu à se prononcer sur une requête qui n’aurait pas dû exister puisque la personne en
cause ne relevait pas du FIDA, qu’elle n’était pas au service du FIDA, et qu’elle avait une relation
de travail avec le Mécanisme mondial, organisme international dépendant du FIDA ainsi que de
l’UNCCD.
En outre, l’Etat plurinational de Bolivie a le souci que, au-delà des conflits administratifs qui
peuvent surgir dans un litige deva nt une juridiction internationa le, les droits professionnels et
sociaux des individus soient clairement protég és, que les employés reçoivent des garanties et
bénéficient de la sécurité juridique voulue, et notamment qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur l’identité
de l’organisme qui les emploie.
En ce qui concerne les fautes essentielles que pourrait avoir commises le tribunal
administratif dans son jugement, il faudra les examiner de manière à établir quelle est
l’organisation internationale contre qui devait être engagée la procédure et si la requête déposée par
l’intéressée était recevable.
Pour ce qui est de la formule de l’«héberge ment», qu’elle soit adoptée pour des raisons de
commodité budgétaire, administrative ou technique, il aurait fallu en définir et réglementer
soigneusement le cadre juridique, sans perdre de vue l’utilité et les av antages escomptés. Les
organisations internationales qui ont recours à cette formule devraient avoir chacune ses propres
statuts, budget et effectifs de manière à éviter les conflits juridiques.
Compte tenu des considérations qui précèdent, le Gouvernement de l’Etat plurinational de
Bolivie exprime l’espoir que la Cour internationale de Justice, par l’avis consultatif qu’elle donnera
sur la question, contribuera à clarifier les compétences respectives des organisations internationales
en cause, afin que, conformément aux principes de l’ équité et de la solidarité internationales, se
développent l’appui mutuel et la collaboration entre ces organisations, dans l’intérêt des Etats
membres.
En outre, indépendamment du fait que le tribun al administratif peut ne pas avoir prio en
compte les facteurs évoqués plus haut dans la procédure qui a conduit à la décisionn 2867,
donnant lieu à l’avis consultatif et au présent exposé écrit, il faut que soit établi clairement le droit
des individus de savoir précisément quelle est l’or ganisation internationale qui les emploie et de
jouir d’une certitude juridique.
La Haye, octobre 2010.
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Exposé écrit de la Bolivie