Lettre en date du 17 juillet 2009 adressée au greffier par le coreprésentant du Royaume-Uni
de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord
[Traduction]
o
J’ai l’honneur oe me référer à vos lettres on date du 10octobre2008 (n o133294), du
20 octobre 2008 (n 133310), du 4mars2009 (n 133849), du 21 avril 2009 (n 134141), du
15 mai 2009 (n 134178) et du 9 juin 2009 (n 134197), ainsi qu’à l’ordonnance rendue par la Cour
le 17 octobre 2008 relativement à la demande d’avis consultatif susvisée.
Conformément à cette ordonnance et à votre lettre en date du 20 octobre 2008, j’ai l’honneur
de vous faire tenir ci-joint un original signé et 29 copies des observations écrites du Royaume-Uni
sur les exposés écrits présentés à la Cour.
Comme demandé dans votre lettre en date du 20octobre2008, vous trouverez également
ci-joint une version électronique des observations écrites du Royaume-Uni en date du
15 juillet 2009.
Veuillez agréer, etc.
___________ O BSERVATIONS ÉCRITES DU R OYAUME -U NI
[Traduction]
Tables des matières
Page
Introduction........................................................................................................................................ 1
Section 1 : la question posée a la Cour............................................................................................... 4
1. Portée de la question................................................................................................................ 4
2. La question de l’autodétermination.......................................................................................... 4
3. Le Kosovo en tant que cas particulier...................................................................................... 4
Section 2 : la résolution 1244 du conseil de sécurité ......................................................................... 5
1. La résolution 1244 ne garantissait pas l’intégrité territoriale de la Serbie............................... 6
2. L’allégation selon laquelle la déclar ation d’indépendance constitue un excès de
pouvoir par rapport à la résolution 1244.................................................................................. 8
Section 3: les déclarations d’indépendance en droit international ................................................... 11
1. Le droit international n’interdit pas les déclarations d’indépendance ................................... 11
2. Le principe de l’intégrité territoriale n’exclut pas les déclarations d’indépendance
adoptées par les habitants de l’Etat concerné......................................................................... 13
Conclusion........................................................................................................................................ 15
INTRODUCTION
1. Conformément à l’ordonnance rendue par la Cour le 17octobre2008, le Royaume-Uni
soumet les présentes observations écrites sur les exposés écrits communiqués par d’autres Etats.
2. Trois questions principales se dégagent des exposés écrits présentés à la Cour :
⎯ premièrement, celle du contenu précis de la qu estion posée par l’Assemblée générale dans sa
requête du 8octobre2008 et de la nature de l’examen auquel il doit être procédé afin d’y
répondre ;
⎯ deuxièmement, la question de savoir si la déclaration d’indépendance du Kosovo est contraire à
la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité (ci-après «la résolution 1244») ;
⎯ troisièmement, la question de savoir si les décl arations d’indépendance sont illicites au regard
du droit international.
3. La position du Royaume-Uni sur ces trois points est, pour résumer, la suivante : - 2 -
⎯ premièrement, la question posée à la Cour ne porte que sur la conformité au droit international
de la déclaration d’indépendance. Elle ne por te pas sur les conséquences juridiques de ladite
déclaration. Voir la section 1, ci-dessous ;
⎯ deuxièmement, la déclaration d’indépendance n’est aucunement contraire à la résolution 1244.
Cette dernière ne contient, en particulier, aucune garantie en ce qui concerne l’intégrité
territoriale de la Serbie. Voir la section 2, ci-dessous.
⎯ troisièmement, le droit international ne reconnaît ni n’interdit le droit unilatéral de sécession.
En l’absence de lex specialis applicable, le droit internationa l n’interdit pas la création d’Etats
par le biais de déclarations d’indépendance qui expriment fidèlement la volonté du peuple et
jouissent d’un soutien suffisant pour permettre à l’entité territoriale en question de fonctionner
efficacement en tant qu’Etat au sein de la communauté internationale. Voir la section3,
ci-dessous.
4. Avant de développer chacun de ces trois points, deux observations liminaires s’imposent.
5. Premièrement, contrairement à ce qui a été suggéré dans certains exposés écrits 1, ni la
présente instance ni les développements au Kos ovo lui-même ne doivent être considérés comme
une «punition» infligée à la Serbie. Le Royaume-Uni souligne l’importance qu’il y a à consolider
les évolutions positives qui se sont produites dans les Balkans au cours des dernières années, y
compris en Serbie. Le Royaume-Uni plaide pour une normalisation des relations entre le Kosovo
et la Serbie, ainsi qu’entre ces deux Etats et l’Uni on européenne. Il réitère son espoir de voir les
liens entre la Serbie et le Kosovo se renforcer, tant sur le plan bilatéral que sous les auspices de
l’Union européenne et ce, dans un cas comme dans l’autre, avec le soutien des Etats membres de
cette dernière.
6. Deuxièmement, le Royaume-Uni relève que , tant du point de vue de sa reconnaissance
internationale que du renforcement de ses struct ures internes, l’indépendance du Kosovo est une
réalité. Au 15juillet2009, 62Etats l’ont reconnu par des actes formels, l’Arabie Saoudite (le
20avril), les Comores (le 14mai), Bahreïn (le 19mai), la Jordanie (le 7juillet) et la République
dominicaine (le 11 juillet) étant ceux qui l’ont fait le plus récemment. D’autres Etats ont reconnu
l’indépendance du Kosovo par d’autres moyens. Depuis le 17avril2009, la reconnaissance du
Kosovo a, plus largement, pris les formes suivantes :
⎯ Le 29juin2009, le Kosovo est devenu membre du Fond monétaire international (FMI) et du
groupe de la Banque mondiale. Le conseil des gouverneurs du FMI a approuvé son adhésion le
6mai par 96voix pour. Les trois institutions de la Banque mondiale ⎯à savoir la Banque
internationale pour la reconstruc tion et le développement (BIRD) , l’Association internationale
de développement (IDA) et la Sociét é financière internationale (SFI) ⎯ ont chacune adopté
une résolution le 3juin2009 en faveur de l’adhésion du Kosovo. 96Etats membres de la
BIRD, 89 Etats membres de l’IDA et 95 Etats membres de la SFI ont voté pour cette adhésion.
L’Organisation de la conférence isla mique (OCI) s’est, lors de la 36 esession du conseil des
ministres des affaires étrangères tenue à Damas (23-25 mai 2009), «félicit[ée] de la coopération
du Kosovo avec les institutions économiques et financières de l’OCI et [a] invit[é] la
communauté internationale à poursuivre [sa] c ontribution au renflouement de l’économie du
Kosovo» . 2
1
Voir, par exemple, l’exposé écrit de la République slovaque, par. 28.
2Résolution n 14/36-POL sur la situation au Kosovo, par. 3. Voir http://www. oic-oci.org/36cfm/w/fr/
res/36CFM-POL-RES.pdf. - 3 -
7. S’agissant du renforcement institutionnel interne du Kosovo, le Royaume-Uni citera à titre
d’exemple :
3
⎯ les élections municipales qui se tiendront le 15 novembre 2009 ;
⎯ le fait que les Serbes du Kosovo sont de pl us en plus nombreux à demander des cartes
d’identité, des permis de conduire et autres documents administratifs émanant du Kosovo ; 4
⎯ le fait que les policiers serbes du Kosovo «sembl ent avoir repris le tr avail» après que le
gouvernement a annoncé que les personnes qui ne retourneraient pas à leur poste ne seraient
5
plus rémunérées ;
⎯ le fait que la nouvelle Force de sécurité du Kosovo (FSK) devrait «ê tre opérationnelle» en
septembre2009. Le Kosovo a pris des mesures da ns divers domaines de l’Etat de droit et de
l’application des lois, notamment en adoptant des lois contre le blanchiment d’argent et des
mécanismes de lutte contre la corruption, de pr évention du crime organisé, de lutte contre le
terrorisme et le trafic de stupéfiants, en me ttant en place une police kosovare, en menant une
réforme judiciaire et en nommant des hauts fonctionnaires ; 6
⎯ le fait que tous les membres de la Cour constitutionnelle kosovare ont désormais été nommés, y
compris les trois membres internationaux 7ui ont été désignés par le président de la Cour
européenne des droits de l’homme .
8. Signe de ces évolutions, la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au
Kosovo (MINUK) «a procédé à sa restructuration [conformément à la résolution1244 (1999),
neutre sur la question du statut]» . Dans ce cadre, le budget de la MINUK a de nouveau été réduit. 9
er
Sa composante état de droit, qui comptait 3291 personnes, est composée, depuis le 1 10 juillet, d’un
bureau de liaison pour les questions de police et de justice de 14 membres.
3
Voir http ://www.president-ksgov.net/?id=5,0,0,0,e,1567.
4
Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administration intéri maire des NationsUnies au Kosovo
(S/2009/300* du 10 juin 2009, par. 7).
5
Ibid., par. 25.
6
Rapport du Secrétaire général du Conseil de l’Union eur opéenne et haut représenta nt de l’Union européenne
pour la politique étrangère et de sécurité commune au Secr étaire général de l’Organisa tion des Nations Unies sur les
activités de la Mission Etat de droit menée par l’Union européenne au Kosovo (31 mai 2009), S/2009/300*, annexe,
p. 12-14.
7Voir le site Internet http ://www.ico-kos.org/d/090612_CC_international_judges.pdf.
8Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’ administration intérimaire des Nations Unies
au Kosovo (S/2009/300*, par. 40).
9La cinquième commission a réduit le crédit budgéta ire de la MINUK de 76,3% pour la période du
1erjuillet 2009 au 30 juin 2010 ; voir le rapport de la cinquièm e commission, financement de la Mission d’administration
intérimaire des Nations Unies au Kosovo, A/63/902, par. 6 et GA/10841.
10Voir le rapport du Secrétaire général sur le budget de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies
er
au Kosovo pour l’exercice allant du 1 juillet 2009 au 30 juin 2010, A/63/803, p. 3 et par. 46-50. - 4 -
S ECTION 1 : LA QUESTION POSÉE A LA C OUR
1. Portée de la question
9. Dans sa requête en date du 8octobre 2008, l’Assemblée générale pose une question
précise, à savoir si la déclaration unilatérale d’indépendance des instituti11s provisoires
d’administration autonome du Kosovo est conforme au droit international. La requête n’a pas
pour objet d’obtenir un avis sur la situation ou le statut du Kosovo grosso modo. Elle ne porte pas
non plus sur les conséquences juridiques d’actes ou de situations particuliers. Ainsi cette requête
diffère-t-elle des demandes d’avis consultatif pr ésentées dans d’autres affaires, en lesquelles la
question était explicitement formulée de manière à suggérer un examen plus large des questions
relevant des «conséquences juridiques». Ce point a été examiné de façon détaillée dans l’exposé
écrit du Royaume Uni et n’a pas à être développé plus avant.
2. La question de l’autodétermination
10. Le droit relatif à l’autodétermination a été examiné de manière très approfondie dans
certains exposés écrits. Plusieurs Etats ont déve loppé la notion d’«autodétermination à titre de
réparation» , notion à laquelle le Royaume-Uni s’est également référé 13. Ce dernier estime
toutefois qu’il n’est pas nécessaire d’appliquer lad ite notion en la présente affaire et ce, quels que
soient les éléments de l’histoire récente du Kosovo qu i permettraient de le faire. En effet, la Cour
peut trancher la question en se ré férant à des règles bien établies du droit international général et à
la résolution 1244.
3. Le Kosovo en tant que cas particulier
11. Ainsi que le Royaume-Uni l’a fait observer dans son exposé écrit, le Kosovo a, au cours
des vingt dernières années, connu une situation ex ce14ionnelle, liée à une conjonction de facteurs
historiques, factuels, institutionnels et juridiques .
12. Certains Etats ont avancé que le fait de c onsidérer les événements survenus au Kosovo
comme sui generis revenait à tenter de suspendre l’app lication du droit international et qu’il
s’agissait d’une manière d’argument pro modo revenant à traiter l’a ffaire hors de la sphère
11Plusieurs Etats, parmi lesquels cer tains souhaiteraient que la Cour ré ponde à la question par la négative,
reconnaissent que cette question est libellé e de manière précise. L’Egypte, par exemple, indique que «la requête…est
limitée aux questions juridiques relatives à la légalité de la déclaration unilatérale…» ; exposé écrit (EE) de l’Egypte,
par. 7. La fédération de Russie indique que la requête «vise à établir spécifiquement si [la déclaration] est en conformité
avec le droit international» ; EE de la Fédération de Russie, par. 9. L’Espagne considère que la question a été «libellée en
des termes clairs, simples et précis»; et précise que «[l] a question posée par l’Assemblée générale ne porte que sur la
conformité au droit international dela déclaration unilatéral e et aucunement sur un quelconque acte découlant,
directement ou non, d’une telle déclaration»; EE de l’Espagne, par. 5 et 6. Ces exposés i ndiquent, à juste titre, que la
requête se limite à la question de la conf ormité au droit international de la déclaration d’indépendance. Voir également
l’EE de la République Tchèque, p.6; EE du Danemark, p. 2-3 et 13; EE de l’Es tonie, p. 3-4; EE de la République
fédérale d’Allemagne, p5-6 ; EE de la France, par. 2.3 ; EE de l’Irlande, par. 13-17 ; EE du Japon, p. 1-2 ; et contribution
écrite du Kosovo, par. 7.22-7.26, 8.09-8.10 ; EE du Luxembourg, par 9-12 ; EE de la Norvège, par. 8 ; EE des Etats-Unis
d’Amérique, p. 34, 45-49.
12Voir EE de l’Albanie, par. 75-85; EE du Danemark, p. 12-13 ; EE de l’Estonie, p. 4-12 ; EE de la République
fédérale d’Allemagne, p. 32-37 ; EE de la Finlande, par 5-18 ; EE de l’Irlande , par. 27-34 ; EE de la Lettonie, p.1-2 ; EE
des Pays-Bas, par. 3.1-3.21 ; EE de la Pologne, par. 6.1-6.16 ; EE de la Slovénie, p. 1-2 ; EE de la Suisse, par. 57-97.
13EE du Royaume-Uni, par. 5.30-5.32
14EE du Royaume Uni, par. 2.1-3.66. - 5 -
15
juridique . Il s’agit là d’une interprétation erronée de la notion de situation « sui generis» du
Kosovo. L’emploi de cette expression ne signifie pas que des règles juridiques spéciales
s’appliqueraient au Kosovo ou que celui-ci se trouverait, d’une manière ou d’une autre, en dehors
de la sphère juridique. L’emploi de cette expr ession dénote, au contraire, le caractère exceptionnel
de la situation et les tentatives effectuées afin d’aborder les problèmes qui se posaient dans la
région et qui permettent de ranger le Kosovo, à tout point de vue, dans une catégorie à part aux fins
de l’analyse juridique. L’emploi de cette expression signifie que le Kosovo ne risque pas
d’entraîner d’autres Etats ou régions du monde sur une pente dangereuse. Il s’agit manifestement,
pour les raisons présentées dans l’exposé écrit du Royaume Uni, d’un cas à part.
13. D’un point de vue juridique, deux éléments ess entiels doivent être pris en considération.
Premièrement, le Conseil de sécurité, qui est intervenu av ec détermination à la suite des violations
massives des droits de l’Homme visant le peuple du Kosovo dans son ensemble, n’a jamais interdit
à priori l’indépendance ni ne l’a condamnée lorsqu’elle a finalement été proclamée.
Deuxièmement, le droit international n’interdit pas les déclarations d’indépendance en tant que
telles.
14. L’un des éléments essentiels de la conj onction de facteurs susmentionnée réside dans les
antécédents de violations massives des droits de l’homme par la RFY ainsi que le déplacement et
l’expulsion, par la RFY, de pans importants de la population du Kosovo 1. Chypre a présenté ces
17
événements comme des «allégations selon lesquelles des mauvais traitements sont intervenus» . Il
s’agit là d’une qualification erronée des événements , lesquels ne sont pas de simples «mauvais
traitements», et encore moins des «allégations» de mauvais traitements. Il s’agit de violations
atroces, bien documentées et avérées, des droits de l’homme, violations qui ont été décrites et
condamnées par l’Assemblée générale des Nations Unies, le Conseil de sécurité, divers organes
établis par des organes des Nations Unies crées en vertu d’instruments internationaux, ainsi que par
18
le Comité international de la Croix rouge . Ces événements font d’ailleurs l’objet d’un arrêt rendu
par le TPIY en l’affaire Le procureur c. Milutinović et consorts . 19
S ECTION 2 :LA RÉSOLUTION 1244 DU CONSEIL DE SÉCURITÉ
20
15. Dans son exposé écrit , le Royaume-Uni a examiné en détail le contexte dans lequel la
résolution 1244 a été adoptée et les multiples tent atives infructueuses de règlement de la crise au
Kosovo.
16. Les Etats qui demandent à la Cour de répondre à la question qui lui est posée par la
négative ont fait valoir deux arguments principaux relativement à la résolution 1244 :
⎯ La résolution 1244 crée des obligations relativ es à l’intégrité territoriale de la Serbie,
obligations qui ont été violées par l’adoptio n de la déclaration d’indépendance. A
15
Voir, par exemple, EE de Chypre, par. 75-81, plus partic ulièrement les par. 77,81 ; EE de l’Argentine, par. 11,
60, 81 ; EE de l’Azerbaïdjan, par. 17 ; EE de l’Egypte, par. 45.
16
EE du Royaume Uni, par. 2.25-2.39.
17
EE de Chypre, par. 146.
18Voir EE du Royaume Uni, par. 2.25-2.38.
19Voir, à cet égard, l’EE du Royaume Uni, par. 2.38. On notera que, dans son EE, la Serbie «se déclare
sincèrement affligée par tous les malheurs et souffrances qui ont été causés par les personnes agissant au nom de la RFY
pendant le conflit», EE de la Serbie, par. 358.
20Voir EE du Royaume-Uni, par. 2.13, 2.24, 3.1, 3.8 et 3.33-3.66. - 6 -
l’appui de leur thèse, ils font valoir qu’il r essort de la pratique antérieure du Conseil de
sécurité que la résolution 1244 excluait l’indé pendance comme possibilité de statut final
21
pour le Kosovo .
⎯ La résolution 1244 a établi la MINUK, laquelle avait un pouvoir de supervision à l’égard
des institutions provisoires d’administration au tonome, voire celui de les constituer ; les
institutions provisoires ont adopté la déclar ation d’indépendance; or, l’adoption d’une
telle déclaration n’entrait pas dans leurs attri butions et était, partant, contraire au droit
international . Il est également indiqué à cet ef fet que le cadre c onstitutionnel de 2001
ne conférait aux institutions provisoires au cune autorité ne figurant pas dans la
résolution 1244 . Les Etats qui défendent cette thèse font observer que le représentant
spécial du Secrétaire Général a, en 2002, d éclaré nulle et non avenue une résolution de 24
l’assemblée du Kosovo relative à «la protection de l’intégrité territoriale du Kosovo» .
Ces arguments seront examinés tour à tour.
1. La résolution 1244 ne garantissait pas l’intégrité territoriale de la Serbie
17. Plusieurs Etats ont insisté sur l’emploi de l’expression «intégrité territoriale» dans le
préambule de la résolution 1244. Ils en déduisent que celle-ci interdit au Ko sovo de se séparer de
la Serbie 25. Il est également allégué que la décl aration d’indépendance est contraire à la
résolution1244 en ce qu’elle compromet une situation dont la résolution1244 garantit
l’inviolabilité . Cependant, comme le Royaume-Uni l’a déjà indiqué, la résolution1244 n’avait
pas pour objet de préjuger l’issue du processus politique ni d’établir les principes de la souveraineté
et de l’intégrité territoriale de la RFY au-delà de la période intérimaire 27. Il n’y a rien dans cette
résolution qui soit équivalent, par exemple, aux réso lutions relatives à la protection de l’intégrité
28
territoriale de Chypre . En fait, la résolution 1244 avait pour but de garantir que le Kosovo
disposerait de tout un ensemble de compétence s afin d’assurer son administration autonome et
qu’un processus de négociations aurait lieu afin de pa rvenir à une solution définitive. Soutenir le
contraire signifierait que, en intervenan t résolument dans les affaires du Kosovo ⎯ à la suite des
très importantes violations des droits de l’Homme et du déplacement et de l’expulsion de pans
importants de la population du Kosovo 29 ⎯, le Conseil de sécurité a donné à la Serbie un véritable
droit de veto sur l’issue des négociations qu’il prescrivait. Cette thèse n’est nullement étayée par le
libellé de la résolution et n’est pas crédible.
21Voir EE de la Serbie, par. 675-704, 776-780, 788 et suiv .; EE de Chypre, par. 91-105; EE de la république
Slovaque, par. 20, 26-27 ; EE de la Roumanie, par. 5, 16-17, 29- 32, EE de la Fédération de Russie, par. 56-58 ; EE de la
Chine, par. I a) ; EE de l’Espagne, par. 35-44, EE de l’Iran, par. 5.4 ; EE du Venezuela, par. 3-4.
22Voir EE de la Serbie, par. 873-912 ; EE de Chypre, pa r. 71, 406-113 ; EE de l’Argentine, par. 7, 62-64, 116 ;
EE de l’Espagne, par. 59-72 ; EE du Brésil, p. 2 ; EE de la Lybie, par. 3-4 : EE de la république Slovaque, par. 25.
23Voir EE de la Fédération de Russie, par. 70-3 : EE de Chypre, par. 45 ; EE de l’Argentine, par. 199.
24Voir EE de la Serbie, par. 701-704 ; EE de l’Espagne, par. 44, 67.
25Voir, par exemple, EE de la Roumanie, par. 57.
26
Voir, par exemple, EE de la Serbie, par. 873-912; EE de l’Argentine, par.7, 62-4, 116; EE de l’Espagne,
par. 59-72 ; EE du Brésil, p. 2 ; EE de la Lybie, par. 3-4 ; EE de la république Slovaque, par. 25.
27
EE Royaume-Uni, par. 3.7, 6.11-6.15.
28
Voir, par exemple, à titre de comparaison, S/RES/541 (1983) sur la situation deChypre, dans laquelle le
Conseil de Sécurité a demandé à tous les Etats de respecter la souveraineté, l’indépendance, l’intégrité territoriale et le
non-alignement de la république de Chypre. La Norvège fait valoir un argument similaire au par. 11 de son EE.
29
EE du Royaume-Uni, par. 2.25-2.39. - 7 -
18. Ainsi que cela a déjà été indiqué, en présentant le processus de restructuration que
connaît actuellement la MINUK de sorte à tenir compte de l’évolution de la situation au Kosovo, le
Secrétaire Général indique, dans son rapport le plus récent, que«la MINUK a procédé à sa
30
restructuration [conformément à la résolution1244 (1999), neutre sur la question du statut ]» .
(Les italiques sont de nous). Cela correspond précisément à la résolution1244, laquelle a,
effectivement, une «position de neutralité vis-à-vis de la question du statut», c’est-à-dire qu’elle ne
contient aucune garantie en ce qui concerne l’intégrité territoriale de la Serbie.
19. La Serbie tente d’opposer la résolution 1244 à d’autres résolutions du Conseil de
sécurité. Elle soutient que, puisque celles c oncernant la Namibie et le Timor oriental
ont«expressément reconnu» un droit «d’Œuvrer en fa veur de l’indépendance», alors que tel n’est
pas le cas de la résolution 1244, le Kosovo n’ avait pas le droit d’adopter de déclaration
d’indépendance . La Serbie établit également un parallèle entre le Kosovo et la région croate de
Slavonie orientale et soutient que la solution adoptée en Slavonie orientale ⎯ à savoir le fait que la
Croatie conserve le territoire avec certaines garanties relativement aux droits des minorités ⎯ doit
servir de précédent pour le Kosovo en raison des prétendues similitudes existant entre la
résolution1244 et les résolutions du Conseil de s écurité qui avaient trait à la situation de la
Slavonie orientale . 32
20. Il est vrai que, dans le cas de la Namibie et dans celui du Timor oriental, le Conseil de
sécurité a expressément demandé que soient mis en Œuvre des processus de consultation de la
population afin d’établir, dans l’hypothèse où celle-ci en déciderait ainsi 3, l’indépendance de ces
territoires. Toutefois, en vertu du principe rec onnu du droit à l’autodétermin ation dans le contexte
colonial, ces deux territoires étaient déjà présumés avoir le droit de devenir des Etats indépendants.
Cela découlait du statut qui était alors le leur, à savoir, respectivement, un territoire sous mandat 34
35
et un territoire non autonome au sens du chapitreXI de la Charte . Le Conseil de sécurité s’est,
naturellement, particulièrement attaché à la ques tion de l’exercice du droit à l’autodétermination
dans ces deux résolutions. Les peuples vivant sur un territoire colonial ont, en vertu de la Charte
telle qu’interprétée par les résolutions de l’Assemblée générale relatives à la décolonisation, le droit
de choisir leur statut définitif. Il n’est donc pas surprenant que le Conseil de sécurité ait employé
d’autres termes en ce qui concerne le Kosovo, terr itoire entretenant une relation différente avec le
souverain territorial contesté.
21. La tentative de séparer par la force les Serbes de Slavonie orientale de la Croatie a
conduit à une réponse du conseil de sécurité et, pour finir, à la mise en place de l’Administration
transitoire des NationsUnies pour la Slavonie orie ntale (ATNUSO). Dans les résolutions qu’il a
adoptées relativement à la Slavonie orientale, le Conseil de sécurité a retenu une approche
nettement différente de celle concernant le Ko sovo. Dans ses résolutions1037 (1996) et 1079
30
Rapport du Secrétaire Général sur la Mission d’administration intérima ire des NationsUnies au Kosovo
(10 juin 2009), S/2009/300, par.40.
31EE de la Serbie, par.785-791.
32EE de la Serbie, par.792-793.
33 EE de la Serbie, par. 785-791, dans lequel il es t fait référence aux documents S/RES/435 (1978) du
29septembre1978 et 632 (1989) du 16février1989 en ce qui concerne la Namibie; et S/RES/1246 (1999) du
11 juin 1999, en ce qui concerne le Timor oriental.
34 Conséquences juridiques pour les Etats de la présencecontinue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil dsécurité, avis consulta tif, C.I.J. Recueil 1971, p.16, p.52.
Voir également Sud-Ouest africain (Ethiopie c.Afrique du Sud; Libé ria c.Afrique du Sud), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 353, opinion individuelle de M. le juge Bustamante.
35Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 90-102, par. 29. - 8 -
(1996), il a notamment indiqué de manière explicite que «les territoires de la Slavonie orientale, de
la Baranja et du Srem occidental f[aisaie]nt partie intégrante de la République de Croatie» . Cela 36
est conforme au fait qu’il cherchait à obtenir «le ret37r par des moyens pacifiques de ces territoires
sous le contrôle de la République de Croatie» . La résolution 1244 était, quant à elle, libellée de
manière très différente et avait des objectifs très différents, à savoir, premièrement, le retrait de
l’autorité gouvernementale de l’Etat prédécesseu r du territoire et, deuxièmement, la négociation
d’un statut futur, dans le cadre de laquelle cet Etat n’avait pas de droit de veto . 38
22. Si le Conseil de sécurité avait souhaité interdire toute déclaration d’indépendance, il
l’aurait fait clairement. En effet, lorsqu’il cherche à réglementer la conduite d’entités non
étatiques, il désigne de manière explicite les acteurs visés et précise tout aussi explicitement le
contenu des obligations qu’il entend imposer . 39
23. La résolution1244 énonce des obligations en ce qui concerne les responsabilités de la
présence internationale de sécurité (par.9) et en ce qui concerne la présence internationale civile
(par. 11). Ainsi, la première a pour responsabilité d’«[a]ssurer le ma intien de l’ordre et la sécurité
publics» (point d) du paragraphe9); et la seconde a pour responsabilité de «[d]éfendre et
promouvoir les droits de l’homme» (point j) du paragraphe11). La résolution1244 n’impose à
aucune des institutions auxquelles elle fait réfé rence de ne pas adopter d’arrangement final
spécifique en ce qui concerne le statut du Kosovo. Elle ne contient pas non plus d’interdiction
générale relativement aux déclarations que ces institutions peuvent adopter ou les revendications
qu’elles peuvent faire leurs . 40
2. L’allégation selon laquelle la déclaration d’indépendance constitue un excès
de pouvoir par rapport à la résolution 1244
24. Le principal argument à l’appui de cette thèse (argument déjà mentionné aux
paragraphes1.12 et 4.5 de l’exposé écrit du Royaum e-Uni) est que la déclaration d’indépendance
n’est pas le fait des institutions provisoires d’administration autonome agissant en tant que telles. Il
s’agit d’un acte représentatif, adopté par une assemblée reflétant un instant exceptionnel de la vie
de l’histoire constitutionnelle du Kosovo, à l’o ccasion duquel les personnes élues par le peuple du
Kosovo ⎯ y compris, mais pas uniquement, les membres de l’assemblée ⎯ ont exprimé la volonté
41
des personnes qu’elles représentaient .
36
S/RES/1037 (1996) du 15 janvier 1996, par. 2 du préam bule; S/RES/1079 (1996) du 15 novembre 1996, par. 2
du préambule.
37 S/RES/1079 (1996) du 15 novembre 1996, par. 3 du préambule.
38 L’accord fondamental concernant la région de la Slavoni e orientale, de la Baranja et du Serm occidental du
12 novembre 1995 (A/50/757-S/1995/951, annexe) ne prévoyait pas un gouvernement distinct pour le peuple de la
région. Cela contraste également très nettement avec la résolution S/RES/12 44 (1999), dans laquelle le Conseil de
sécurité a, expressément, posé les fondements d’institutions autonomes provisoires d’administration du Kosovo dans son
ensemble, c’est-à-dire en tant que territoire distinct devant être soustrait à l’administration effective de la Serbie.
39
Le Conseil de sécurité s’est montré précis en ce qui concerne les recommandations formulées à des entités non
étatiques. Par exemple, dans sa résolution S/RES/1865 (2009), le Conseil de sé curité a exhorté «les partis politiques [en
Côte d’Ivoire] à respecter pleinement le code de bonne conduite pour les électio ns qu’ils ont signé sous les hospices du
Secrétaire général et, en particulier exhorte les autorités ivoiriennes à veiller à ce que l’accès aux médias publiques soient
équitables» S/RES/1865 (2009), 27 janvier 2009, par. 10.
40
Voir, à cet égard, l’exposé écrit de l’Autriche (par. 23).
41
Un certain nombre d’Etats souscrivent à cette thèse dans leurs exposés écrits. Voir, également, par exemple, EE
de l’Albanie, par. 1; 103-105 ; EE de l’Au triche, par. 16 ; EE de l’Estonie, p3-4.; EE de la République fédérale
d’Allemagne, p. 6-7.; contribution écrite du Kosovo, par. 6.01 et suiv.; EE de la Norvège, par. 13-15.; EE de la
Pologne, par. 3.41. - 9 -
25. Il ressort clairement du libellé de la déclaration du 17février2008 qu’elle n’est pas le
fait des institutions provisoires agissant dans le cadre des accords intérimaires pour le Kosovo mais
bien l’expression de «la volonté du peuple» 4. A cet égard, on peut rappeler que les accords de
Rambouillet, auxquels la résolution 1244 fait ex pressément référence en son paragraphe11 e),
indiquaient que la «volonté du peuple» était l’ un des fondements du règlement définitif de la
situation du Kosovo . 43
26. La déclaration du 17 février 2008 est on ne peut plus différente -- tant en ce qui concerne
son contenu que le contexte da ns lequel elle a été adoptée -- de la résolution de l’assemblée du
Kosovo adoptée le 23 mai 2002 relativement à «la pr otection de l’intégrité territoriale du Kosovo».
Cette résolution de 2002 a été déclarée nulle et non avenue par le représentant spécial du Secrétaire
44
général ainsi que par le Conseil de sécurité . Ces décisions ne sauraient être interprétées
autrement que comme des réponses à un acte spécifique des institutions provisoires effectué à un
stade très précoce du développement de l’admini stration autonome du Kosovo. La résolution du
23mai2002 a été adoptée par l’assemblée du Kosovo à une époque (1) où les structures
institutionnelles de base commençai ent simplement à être mises en place conformément au cadre
constitutionnel (les compétences n’avaient pas encore été réparties entre les principaux ministères ;
les organes locaux d’administration autonome étaien t naissants ou inexistants ; la délimitation des
municipalités ne faisait que commencer) 4, (2) bien antérieure au début effectif des négociations
relatives au statut final.
27. Tenter d’appliquer les conclusions du re présentant spécial du Secrétaire général de
mai 2002 à la situation prévalant plus de six ans plus tard revient à faire fi d’une série d’éléments,
parmi lesquels le renforcement et la pére nnisation des institutions représentatives du Kosovo
lui-même et, plus particulièrement , du fait qu’un processus de négociation ⎯ infructueux ⎯ était
en cours. Contrairement à ce qu’il avait fait à l’égard de la résolution de l’assemblée du Kosovo en
date du 23mai2002, le représentant spécial du Secrétaire général n’a aucunement cherché à
invalider la déclaration d’indépendance de2008 et ce, bien que la Serbie lui ait demandé de le
faire. La déclaration d’indépendance n’a pas non plus été condamnée par le Conseil de sécurité
(contrairement à la résolution du 23 mai 2002). Il est donc demandé à la Cour de faire ce que deux
organes des Nations Unies ⎯ qui ont compétence en ce qui concerne le Kosovo et sont pleinement
informés de la situation ⎯ ont expressément refusé de faire.
28. On peut tout aussi aisément répondre à l’argument selon lequel «[l]’Organisation des
NationsUnies n46 pas juridiquement le pouvoir de priver un Etat de sa souveraineté sur son
territoire…» que la déclaration d’indépendance était un acte émanant des autorités représentatives
42
Déclaration d’indépendance, par. 1, transcription de la session plénire extraordinaire de l’assemblée du
Kosovo, 17 février 2008, citée dans l’exposé écrit du Royaume Uni, par. 4.3.
43Le chapitre 8, par. 3 de l’article premier, dispose, dans sa partie pertinente, que :
«Trois ans après l’entrée en vigueur du présent accord, une réunion internationale sera convoquée
en vue de définir un mécanisme pour un règlement définitif pour le Kosovo, sur la base de la volonté du
peuple, de l’avis des autorités compétentes, des efforts accomplis par chacune des Parties dans la mise en
Œuvre du présent accord, et de l’acte final de Helsinki.»
44 Voir le rapport du Secrétaire général, 17juillet2002S/2002/779 par. 8; voir également la déclaration du
président du Conseil de sécurité, 24mai2002, S/PRST/2002/16. Le Conseil de sécurité considérait, à l’époque, que la
mission principale des institut ions provisoires d’administration autonome ait de «se concentrer sur les questions
urgentes» et de réaliser «des progrès tangibles … afin d’améliorer le sort de la population».
45Dans son rapport du 17 juillet 2002, le Secrétaire général notait l’«inévitable rivalité autour des attributions» de
la part des institutions provisoires. S/2002/779, par. 9.
46Exposé écrit de Chypre, par. 100. - 10 -
du Kosovo. Il ne s’agit pas d’un acte d’un dé légué de la MINUK exerçant une forme subordonnée
d’autorité internationale. Toute question relative aux pouvoirs juridiques du Conseil de sécurité est
donc dépourvue de pertinence à l’égard de la question posée à la Cour.
29. Quand bien même on admettrait, aux fins de l’argumentation, que l47déclaration était un
acte des institutions provisoires, l’argument de l’excès de pouvoir repose sur l’idée erronée que la
résolution1244 définissait de manière exhaustive les pouvoirs des institutions provisoires et les
limitait. La Serbie soutient, par exemple, que les institutions provisoires n’avaient aucune
«compétence liée [au] statut juridique international [du Kosovo]» , mais elle ne mentionne aucune
clause limitative préc49e contenue dans la réso lution1244 elle-même qui priverait le Kosovo de
telles compétences . Les contours des pouvoirs conférés aux institutions provisoires en vertu de la
résolution 1244 étaient larges et étaient appelés à évoluer et à se développer. Tel a d’ailleurs été le
50
cas dans les faits .
30. En outre, c’est d’ordinaire aux Etats que le Conseil de sécurité destine les obligations
qu’il crée. Lorsqu’il impose des obligations à des entités autres que des Etats, il le fait de manière
explicite. Rien dans la résolu tion 1244 ne suggère que le Conse il de sécurité entendait établir une
obligation liant les organes inte rnes du Kosovo et leur interdi sant d’adopter une déclaration
d’indépendance.
31. Ainsi que l’Autriche le fait observer, la résolution1244 prévoyait que les pouvoirs des
51
institutions provisoires seraient progressivement accrus . Le paragraphe 10 de la résolution 1244
autorisait le Secrétaire général à établir une pr ésence civile internationale chargée d’assurer «une
administration intérimaire» ainsi que «la mise en place et la supervision des institutions
d’auto-administration démocratiques provisoires nécessaires pour que tous les habitants du Kosovo
puissent vivre en paix et dans des conditions nor males». La mise en Œuvre pratique de la
résolution confirme que celle-ci a établi un cadre visant 52 transfert progressif des pouvoirs de la
présence internationale aux institutions du Kosovo .
32. L’argument selon lequel la déclaration d’indépendance outrepasse les compétences des
institutions provisoires et, partant, est contraire au droit international repo se sur le postulat qu’un
53
acte ultra vires au regard du cadre constitutionnel de 2001 serait contraire au droit international .
Mais ce cadre constitutionnel est un instrument inte rne. Dès lors, la question de savoir si, par
exemple, une loi adoptée par l’Assemblée est inco mpatible avec ledit cadre devrait être tranchée
par une chambre spéciale de la Cour suprême. Le représentant spécial du Secrétaire général peut,
dans certaines circonstances, décider qu’un acte de l’Assemblée a outrepassé le cadre
47
Voir, plus particulièrement, exposé écr it de la Serbie, chap. 8 (par. 788 et suiv.). Voir également exposé écrit
de Chypre, par.91-105; exposé écrit de la République slovaque, par.20, 26-27 ; exposé écrit de la Roumanie, par.5,
16-17, 29-32, 58-61.
48
Exposé écrit de la Serbie, par. 874.
49 Voir exposé écrit de la Serbie, par. 732-749.
50 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 3.22-3.32.
51 Exposé écrit de l’Autriche, par. 17-19.
52
Voir exposé écrit du Royaume-Uni, par.6.27; exposé écrit des Etats-Unis d’Amérique, p.22-24. Voir
également exposé écrit de la France, pa r.2.24; exposé écrit de l’Allemagne, p.21; exposé écrit de la Pologne,
par.5.2.3.2; exposé écrit des Pays-Bas, par.2.4; exposé écritdu Japon, p.5 et 7; exposé écrit de l’Irlande, par.33;
exposé écrit du Danemark, p. 8.
53 Voir, par exemple, exposé écrit de Chypre, par. 108-112. - 11 -
constitutionnel de 2001. Ce faisant, il peut toutefois faire application du cadre constitutionnel en se
référant à son libellé ou, séparément, à la résoluti on 1244. Le cadre constitutionnel ne serait, dans
cette hypothèse, pas appliqué en tant qu’instrument international régi par le droit international, dont
la violation constituerait une violation du droit international.
SECTION 3: LES DÉCLARATIONS D ’INDÉPENDANCE EN DROIT INTERNATIONAL
1. Le droit international n’interdit pas les déclarations d’indépendance
33. Il est demandé à la Cour de se prononcer sur la question de savoir si la déclaration
d’indépendance du 17février2008 est conforme au dro it international. Le dr oit international ne
régit toutefois pas les déclarations d’indépendance en tant que telles (à l’exception de certains cas
particuliers, tels que l’agression et l’aparthei d, qui sont dépourvus de pertinence en l’espèce) 54.
Ainsi que le Royaume-Uni l’a indiqué dans son exposé écrit, il suffirait, pour répondre de manière
complète et suffisante à la question posée, que la C our indique que le droit international ne traite
pas de la licéité des déclarations d’indépendance en tant que telles et que, partant, la déclaration
55
d’indépendance du Kosovo n’est pas inco mpatible avec le droit international . Cette thèse est
défendue par un très grand nombre de personnes faisan t autorité, y compris par des experts qui se
56
sont prononcés sur des thèses opposées quant à des questions particulières de souveraineté .
34. Les Etats qui souhaitent que la Cour réponde par la négative à la question de l’Assemblée
générale l’ont présentée comme portant sur les effets de la déclaration d’indépendance. Ils se
réfèrent donc, entre autres, aux critè res régissant la création d’un nouvel Etat 57 et aux modalités
58
futures de la présence internationale au Kosovo . Or, comme nous l’avons démontré dans la
section 1 ci-dessus, ces questions n’entrent pas dans le champ de la demande.
35. Dans la mesure où ils abordent la question précisément posée à la Cour, ces Etats
exposent des thèses bien arrêtées quant à la licéité des déclarations d’indépendance. Ils n’ont
cependant fourni aucun élément de preuve de l’ existence d’une interdiction générale en droit
international. Ainsi que le Danemark le fait observer, «[i]l appartient à ceux qui soutiennent que la
59
déclaration est illicite de démontrer l’ex istence d’une telle règle prohibitive» . Or, ils ne l’ont pas
fait .
54
Voir, par exemple, exposé écrit de l’ Albanie, par.41-47; exposé écrit de l’Autriche, par.23-26; exposé écrit
de la République Tchèque, p. 6-7 ; expos é écrit du Danemark, p. 3-6 ; exposé écrit de l’Estonie, p. 4; exposé écrit de la
République fédérale d’Allemagne, p.8, 27-32; exposé écrit de la France, par. 2.2-2.15; exposé écrit de l’Irlande,
par.17-21; exposé écrit du Japon, p.2-3; contribution écrite du Kosovo, par.8.02 et suiv., 8.20; exposé écrit du
Luxembourg, par.15-17; exposé écrit des Pays-Bas, par.3.22; exposé écrit de la Norvège, pa r.10; exposé écrit de la
Pologne, par. 2.2-2.3 ; exposé écrit de la Suisse, par. 25-30 ; exposé écrit des Etats-Unis d’Amérique, p. 50-60.
55 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 6.4.
56 Voir, par exemple, le résumé des opinions d’experts dans Reference re Secession of Quebec, exposé écrit de la
République fédérale d’Allemagne, p. 27-29.
57 Voir, par exemple, exposé écrit de la Serbie, chap. 10 ; exposé écrit de l’Argentine, par. 47-53 ; exposé écrit de
Chypre, par. 173-183 ; exposé écrit de la Russie, par. 52 ; exposé écrit de l’Espagne, par. 17.
58 Voir, par exemple, exposé écrit de Chypre, par. 11, 16, 63 ; exposé écrit de l’Argentine, par. 30, 33-35.
59
Exposé écrit du Danemark, par.2.2. Voir également l’ exposé écrit de l’Estonie, p.4; exposé écrit de la
République fédérale d’Allemagne, p. 8.
60
Sur les effets variables et susceptibles d’être contesté s des déclarations d’indépendance, voir l’exposé écrit de
la Suisse, par. 27. - 12 -
36. Il convient de formuler les remarques suivantes :
⎯ La pratique des Etats à l’égard des déclarations d’indépendance est ancie nne et constante : les
Etats considèrent, de longue date, qu’une d éclaration d’indépendance est un fait qui n’est pas
61
régi par le droit international . Si l’on devait trouver, en droit international, une règle générale
interdisant de telles déclarations, cela jettera it le doute sur les processus par lesquels de
nombreux Etats modernes ont accédé à l’indé pendance. A n’en pas douter, les Etats
prédécesseurs considéreront que de telles déclarati ons sont contraires à leur droit interne, mais
aucune interdiction de cette nature n’a jamais existé en droit international.
⎯ Nombre des Membres actuels de l’Organisation des NationsUnies sont nés à la suite de
déclarations d’indépendance. Au lendemain de la première guerre mondiale, plus d’une
dizaine de déclarations d’indépendance ont été fa ites à la suite de l’effondrement de plusieurs
empires, la consolidation de ces nouveaux Etats dans la période de l’entre deux guerres n’ayant
toutefois pas été systématique. Au début des années1990, onze déclarations d’indépendance
se rapportant à des parties du territoire de l’ex-Union soviétique ont été faites (sans compter les
déclarations de souveraineté, d’autonomie et d’indépendance émanant d’entités territoriales
d’un échelon inférieur à celui des ex-Républiqu es soviétiques). Au moins onze déclarations
d’indépendance se rapportant à des parties du territoire de l’ex-RFSY ont été faites depuis
1989 . Toutes n’ont pas été immédiatement suivies d’ effets ou ne l’ont jamais été. Certaines
déclarations ont été suspendues ou retirées; d’autres n’ont pas été reconnues. Toutefois,
aucune de ces déclarations n’a été considérée par les organes compétents des NationsUnies
comme étant, en tant que telle, un acte illicite au regard du droit international . 63
⎯ Certaines déclarations d’indépendance ont effectivement été considérées comme illicites au
regard du droit international lorsque des questi ons plus générales étaient en jeu (voir, par
64
exemple, le Katanga et la Rhodésie du Sud ).
⎯ Le fait que les déclarations d’indépendan ce aboutissent au résultat escompté, à savoir
l’indépendance, est une autre question. Cela ne dépend pas du simple fait de formuler une
revendication ⎯de la «simple expression d’un souhait» 65 ⎯ mais de la réponse qui est
apportée par la communauté internationale au travers, notamment, de la reconnaissance de
l’entité en question et de la participation de celle-ci aux relations interétatiques, y compris dans
le cadre d’organisations intergouvernementales.
37. Une déclaration d’indépenda nce n’est qu’une revendication, et n’est pas, en tant que
telle, interdite en droit internati onal général (nous laisserons de cô té les cas particuliers dépourvus
de pertinence en l’espèce, à savoir l’agression extérieu re et l’apartheid) et n’est pas, en tant que
telle, illicite. La Suisse fait observer qu’«[i]l sera it théoriquement possible, par exemple, qu’une
61L’Albanie relève la pratiq ue relative aux déclarations américaines: exposé écrit de l’Albanie, par.44. Voir
l’exposé écrit de la France, par.1.4-1.5 (dans lequel ilindiqué que la déclaration, te lle qu’adoptée, ne pose aucune
question juridique).
62Ce chiffre tient compte des déclarations, «suspensions» et confirmations ultérieures d’indépendance de la
Croatie et la Slovénie, au sujet desquelles, voir Badinter, opinion n0 novembre 1991, (1993), 92 ILR 162, 165 ; et
les déclarations des entités serbes en Croatie et en Bosnie.
63Elles n’ont pas non plus été considérées comme te lles par la commission Badinter, à laquelle il avait
expressément été demandé de les examiner d’un point de vue juridique: voir l’exposé écrit du Royaume-Uni, par.2.9;
(1993) 92 ILR 162-211 ; (1994) 96 ILR 719-737.
64Voir l’exposé écrit du Royaume-Uni, par. 5.27-5.28, 5.36-5.39.
65Rapport de la Commission internati onale de juristes (Larnaude, Huber, Struycken), Société desNations,
Journal officiel, supplément spécial n 3 (octobre 1920), p. 5-6. - 13 -
déclaration d’indépendance contie nne une incitation au génocide, et enfreigne ainsi le droit
international à caractère impératif (jus cogens)» . La déclaration d’indépendance du
17février2008 ne contient toutefois rien de tel: elle réitère, tout au c ontraire, que le Kosovo
entend, entre autres, se conformer aux «normes eur opéennes les plus élevées en matière de droits
de l’homme et de bonne gouvernance» et respecte r les «libertés fondamentales de tous [ses]
67
citoyens» ainsi que «la paix et la stabilité dans le monde» . Le droit international n’interdit pas les
déclarations ainsi formulées.
38. Les rares fois où le Conseil de sécurité a contesté une déclaration d’indépendance, il l’a
fait à l’égard d’un cas particulier, lorsqu’une tentative de sécession s’accompagnait de graves
violations de certaines règles fondamentales du68ro it international, à savoir l’interdiction de la
discrimination raciale et de l’apartheid . Les développements ayant conduit à la déclaration
d’indépendance du 17 février 2008 au Kosovo, y compri s la déclaration elle-même, ne contenaient
ni menace ni emploi de la force ; il s’agissait de mesures politiques pacifiques.
2. Le principe de l’intégrité territoriale n’exclut pas les déclarations d’indépendance
adoptées par les habitants de l’Etat concerné
39. Le principe de l’intégrité territorial e est expressément reconnu dans la Charte des
Nations Unies ; il n’est toutefois pas formulé de sort e à interdire la fragmentation interne des Etats.
Le paragraphe4 de l’article2 de la Charte dispose que les Etats Membres «s’abstiennent, dans
leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force … contre l’intégrité
territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat». En droit international moderne, l’intégrité
territoriale est directement liée à l’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force dans le cadre
des relations internationales, en particulier entre Etats.
40. Plusieurs Etats relèvent, dans leurs exposés écrits, le caractère central du principe de
l’intégrité territoriale en droit international moderne 6. Un certain nombre d’Etats ont, en
particulier, relevé la tendance générale à la préser vation de l’int70rité territoriale des Etats. La
Chine s’est référée à des propos du Secrétairegénéral UThant , lesquels doivent toutefois être
replacés dans leur contexte. Interrogé sur la question de savoir s’il n’y avait «pas une profonde
contradiction entre le droit des peuples à dis poser d’eux-mêmes, droit reconnu par l’ONU, et
l’attitude du gouvernem ent fédéral du Nigeria à l’égard du Biafra» 71, le Secrétairegénéral a
répondu :
66 Exposé écrit de la Suisse, par. 29.
67 Déclaration d’indépendance du 17fé vrier2008, reproduite dans la contri bution écrite du Kosovo, annexe2,
p. 154-155.
68
Voir, en ce qui concerne Katanga, la Rhodésie du S ud, les Bantoustans d’Afriqu e du Sud et la «République
turque de Chypre du Nord», l’exposé écrit du Royaume–Uni, par.5.35-5.50. Ainsi, dans sa résolution541(1983), le
Conseil de sécurité a indiqué qu’il considérait la déclarat ion d’indépendance comme «juridiquement nulle» et demandait
son retrait. Il a également appelé tous les Etats à respecter la souveraineté, l’indépendance, l’intégrité territoriale et le
non-alignement de la République de Chypre. Voir également la résolution 550 (1984).
69 Exposé écrit de Chypre, par. 82 et suiv., plus particulièrement par. 83 ; exposé écrit de l’Argentine, par. 69-82 ;
exposé écrit de l’Espagne, par. 20-27 ; exposé écrit de l’Iran, par. 2.1-2.2 ; exposé écrit de l’Azerbaïdjan, par. 23 ; exposé
écrit de l’Egypte, par. 26-51 ; exposé écrit de la Roumanie, par. 63 et suiv.
70 Exposé écrit de la Chine, p.6-7, citant la Chronique de l’ONU , département de l’information des
Nations Unies, vol. VII, n 2, février1970, p.39 (conférence de presse te nue le 4janvier1970 à Dakar (Sénégal) par le
Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies).
71 Ibid., p. 38. - 14 -
«lorsqu’un Etat Membre est admis à l’Organisation des Nations Unies, cela implique
que l’ensemble des Etats Membres de l’ Organisation acceptent le principe de
72
l’intégrité territoriale, de l’indépendance et de la souveraineté de l’Etat en question» .
41. Le Secrétaire général rappelait, dans ce document, les millions de dollars dépensés par
les Nations Unies au Congo «essentiellement pour empêcher le Katanga de faire sécession» 73de cet
74
Etat, où une intervention extérieure a eu lieu c ontre l’intégrité territoriale d’un Etat Membre . Il
insistait sur le fait que les NationsUnies avaien t expressément garanti l’intégrité territoriale du
Congo et la soutenaient concrètement. A l’inverse, l’objet de l’engagement des Nations Unies au
Kosovo à partir de l’année 1999 était de protéger la population du Kosovo contre la RFY ainsi que
d’assurer la constitution et l’établissement d’ un gouvernement autonome au Kosovo à la suite
75
d’importantes violations de nature criminelle .
42. Il n’existe, en droit international, auc une règle (en dehors du contexte colonial) donnant
la priorité à la sécession sur la préservation des frontières existantes des Etats. Toutefois,
l’intégrité territoriale n’est pas une garantie contre la division interne, et les processus de séparation
ont continué, après 1945, comme auparavant. L’écl atement involontaire de la RFSY en est une
illustration récente: la Slovénie a fait sécession et nul n’a avancé qu’il s’agissait là d’un acte
internationalement illicite. D’autres entités de l’ex-RFSY ont déclaré leur indépendance (y
compris le Kosovo). Que ces déclarations aient ou non été reconnues, elles n’ont pas été traitées
comme des actes internationalement illicites.
43. Rien n’indique un changement en droit in ternational à cet égard à la suite de l’adoption
de la Charte des Nations Unies en 1945. En ce qui concerne l’intégrité territoriale, la Charte avait
pour but de protéger les Etats contre la menace ou l’emploi de la force dans les relations
internationales. Le paragraphe 4 de l’article 2 n’a jamais été interprété dans les études consacrées76
la Charte des Nations Unies comme régissant la conduite interne des organes publics .
44. Dès lors, estimer que «[l]e droit international a toujours favorisé l’intégrité territoriale et,
respectivement, [que] le gouvernement d’un Etat a t oujours eu le droit de s’opposer à la sécession
77
unilatérale d’une partie d’un Etat, par tout moyen légal» n’est pas la même chose que de dire que
le droit international contient une règle interdi sant la sécession, règle opposable à des personnes et
72
Ibid., p. 39.
73
Ibid., p. 39.
74Ibid., p. 42 (Conférence de presse du Secrétaire général tenue à Accra, Ghana, 9 janvier 1970).
75S/RES/1244 (1999), par. 1, 3, 10.
76Voir, par exemple, Leland M. Goodrich & Edvard Hambro, Charter of the United Nations : Commentary and
Documents (2 ed. revisée, London: Stevens & Sons Ltd, 1949), p.102-107; Hans Kelsen, The Law of the United
Nations; a critical analysis of its fundamental problems (New York: Praeger, 1950, reprinted Union, New Jersey:
Lawbook Exchange, 2000), p.87 et suiv., 99 et suiv., 106 et suiv., 527 et suiv., 726 et suiv., 769 et suiv., 792;
e
Bruno Simma et al., dir. publ., The Charter of the United Nations: A commentary , 2 éd. (Oxford: Oxford University
Press, 2002), p.112-136; Jean-PierreCot, Alai nPellet & MathiasFo rteau, dir. publ., La Charte des NationsUnies.
Commentaire article par article (3 éd., Paris: Economica, 2005), p.437-464. Voir également l’exposé écrit de la
Suisse, par. 55.
77
Exposé écrit de la Roumanie, par.64, citant le ra pport Crawford pour le Gouvernement du Canada sur la
sécession unilatérale de Québec, par. 8. - 15 -
78
institutions agissant au sein du territoire de l’Etat concerné . Cela revient à dire que le droit
international reconnaît le droit au gouvernement ex istant de prendre des mesures légales afin de
maintenir l’intégrité territoriale. Toutefois, la séparation ⎯ bien qu’il ne s’agisse pas de l’acte que
le droit international privilégie et qu’e lle soit l’objet d’un examen très attentif ⎯ n’est ni interdite
ni exclue par le droit international. Ce n’est d’ailleurs pas ce qu’avance M.Crawford, sur lequel
Chypre (parmi d’autres) s’appuie. Ainsi que l’a écrit M. Crawford : «le droit international protège
l’intégrité territoriale des Etats au moins contre l’emploi de la force extérieure et en cas
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d’intervention, sans toutefois aller jusqu’à la garantir» . Il conclut que «la sécession n’est ni licite
ni illicite en droit international ; il s’agit d’un act e juridiquement neutre dont les conséquences sont
régies au plan international» . 80
45. Les Etats qui prient la Cour de répondr e par la négative à la question posée dans la
demande de l’Assemblée générale ont précisé les raisons pour lesquelles ils se montraient
extrêmement circonspects au sujet de l’émergence de nouveaux Etats 81 et ont rappelé que le droit
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international ne privilégiait pas la sécession comme remède aux crises constitutionnelles internes .
Accepter l’émergence d’un nouvel Etat contre la volonté de l’Etat prédécesseur n’est pas chose
aisée. Il n’en reste pas moins qu’aucune règle de droit international général interdisant la sécession
n’a été identifiée. L’Organisation des Nations Unies elle-même, bien que n’ayant jamais adopté de
«principe de sécession», ne rejette pas les entités qui se sont déclarées comme Etat (y compris par
le biais de la sécession) et qui ont été acceptées et reconnues comme telles. Toute interdiction de
principe conduirait à reviser la liste des Membres de l’Organisation des Nations Unies.
C ONCLUSION
46. Pour les raisons énoncées dans son expo sé écrit du 17 avril 2009 et développées dans les
présentes observations écrites, le Royaume–Uni présente les conclusions suivantes :
a) Le droit international ne traite pas de la li céité des déclarations d’indépendance en tant que
telles. Dès lors, la déclaration d’indépendance du Kosovo n’est pas incomp atible avec le droit
international.
b) En tout état de cause, la déclaration d’ indépendance du Kosovo était conforme au droit
international.
78 Trois Etats ont avancé que le droit international réglentait les entités non-étatiq ues au sein d’un Etat, de
sorte à leur interdire de tenter de porter atteinte à l’intégrité territoriale de l’Etat : exposé écrit de la Serbie, par. 440-476 ;
exposé écrit de l’Iran, par. 3.1-3.6 ; exposé écrit de l’Egypte , par.46-50. Il s’agit là d’une position minoritaire et aucun
élément de preuve n’a été avancé à l’appui de celle-ci.
79 Voir J.Crawford, The Creation of States in International Law (2 éd., Oxford, 2006), p.384. Voir l’exposé
écrit de Chypre, par. 150-152.
80 Ibid., p. 384, 390, citant H. Lauterpacht, Recognition in International Law (Cambridge, 1947), p. 8.
81 Exposé écrit de la Russie, par.13, note8; exposé écrit de Chypre, par.2, 79; exposé écrit de la Serbie,
par. 526 ; exposé écrit de l’Argentine, par. 60 ; exposé écrit de l’Iran, par. 5.2 ; exposé écrit de la Bolivie, p. 1.
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Exposé écrit de la Serbie, par.589-649; exposé écrit de Chypre, par.140-148 ; e xposé écrit de la Roumanie,
par. 138-159. - 16 -
c) A supposer que la Cour conclue que la déclaration d’indépendance n’était pas,
conforme au droit international au moment où elle a été faite, l’évolution de la situation depuis
cette date a confirmé l’indé pendance du Kosovo, dissipant tout doute quant à la position à
adopter et purgeant toute illicéité qui aurait pu exister.
Conseiller juridique, ministère des affaires étrangères
Royaume–Uni du (représentant
Londres, le 15 juillet 2009.
___________
Observations écrites du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (traduction du Greffe)