Demande en indication de mesures conservatoires du Costa Rica

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16281
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Incidental Proceedings
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DEMANDE EN INDICATION DE MESURES

CONSERVATOIRES PRÉSENTÉE PAR
LA RÉPUBLIQUE DCOSTARICA D EMANDE EN INDICATION DE MESURES CONSERVATOIRES
PRÉSENTÉE PAR LA R ÉPUBLIQUE DU COSTA R ICA

[Traduction]

A. NTRODUCTION

1. J’ai l’honneur de me référer à la requête introductive d’instance soumise à la Cour à

l’encontre de la République du Nicaragua (le Nicaragua) le 18novemb re2010 au nom de la
République du Costa Rica (le Costa Rica).

2. La présente demande est déposée en répon se à l’occupation continue par le Nicaragua
d’une partie du territoire costa-ricien ainsi qu’à la construction par celui-ci d’un canal sur ce même
territoire et aux activités de dragage connexes qui ont des répercussions sur ce territoire et sur ses

écosystèmes. Le CostaRica dépose la présente de mande en indication de mesures conservatoires
en application de l’article 41 du Statut de la Cour et des articles 73, 74 et 75 du Règlement.

B. COMPÉTENCE DE LA COUR

3. Ainsi qu’il est indiqué dans la requête, la Cour est compétente pour connaître du présent
différend sur la base de l’article XXXI du traité américain de règlement pacifique des différends

signé à Bogotá le 30avril1948 (le pacte de Bo gotá) et des déclarations d’acceptation de la
juridiction obligatoire de la Cour en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour faites
par la République du CostaRica le 20févrie r1973 et par la République du Nicaragua le

24 septembre 1929 (et modifiées le 23 octobre 2001).

C. LES FAITS PERTINENTS AUX FINS DE LA PRÉSENTE DEMANDE

4. La Cour a connaissance du contexte du présen t différend, dont les faits sont exposés dans
la requête introductive d’instance déposée par le Costa Rica le 18 novembre 2010.

5. Aux fins de la présente demande en indi cation de mesures conservatoires, il y a lieu de
rappeler que des unités de l’armée nicaraguayenne ont pénétré sur le territoire costa-ricien et
continuent de l’occuper de manière illicite, leuprésence étant concomitante et liée à certaines

activités de dragage dans le fleuve SanJuan. En conséquence, et dans l’ intention de faciliter la
construction d’un canal sur le territoire costa-ricien vue de faire dévier le cours historique
naturel du San Juan vers la lagune de los Portillos (ou lagune de Harbor Head), le Nicaragua détruit

actuellement une zone de forêts pluviales primaires ainsi que des zones humides fragiles situées en
territoire costa-ricien (et inscrites sur la lde la convention de Ramsar des zones humides
d’importance internationale) .

6. Les responsables nicaraguayens ont indi qué que le Nicaragua avait l’intention de
détourner une partie des eaux du Colorado, fleuve costa-ricien, équivalant à quelque

1Liste des zones humides d’importanc e internationale de Ramsar disponi ble à l’adresse http://www.ramsar.

org/cda/fr/ramsar-documents-list/main/ramsar/1-31-218_4000_1__. 2

2
1700mètrescubes par seconde . Malgré des protestations régulières du CostaRica et des appels
au Nicaragua pour que celui-ci s’abstienne de draguer le San Juan jusqu’à ce qu’il puisse être établi

que ses opérat3ons ne causeront aucun dommage au Colorado ou à d’autres parties du territoire
costa-ricien , le Nicaragua a poursuivi ses activités de drag age sur le San Juan et a même annoncé,
le 8 novembre 2010, qu’il déploierait deux dragues supplémentaires sur le fleuve. La compagnie

portuaire nationale (CPN) fournira l’une des nouvell es dragues, tandis que l’autre serait encore en
cours de construction . Toutes ces déclarations du Nicaragua démontrent que le Colorado, fleuve

costa-ricien, ainsi que les lagunes, rivières, pr airies marécageuses et zones boisées du CostaRica
risquent de subir des dommages. L’opération de dragage représente une menace à l’encontre des
réserves naturelles de LagunaMaquenque, Barra del Colorado et CorredorFronterizo et du parc

national Tortuguero.

7. En réponse à la gravité de la situati on, le conseil permanent de l’OEA a adopté,
le 12 novembre 2010, par 22 voix contre 2, une résolution par laquelle il a décidé d’accueillir et de
faire siennes les recommandations du secrétaire généra l. Cette résolution appelait, en particulier,

au retrait des forces armées nicaraguayennes de la région frontalière et demandait, en vue de
favoriser un climat propice au dialogue entre les deux nations, d’éviter la présence de forces
5
armées ou de sécurité dans la zone où une telle présence pourrait créer des tensions .

8. Le Nicaragua a répondu immédiatement à la résolu6ion du conseil permanent de l’OEA en
faisant part de son intention de ne pas la respecter .

9. Le Nicaragua a systématiquement rejeté toutes les demandes visant au retrait de ses forces
armées du territoire costa-ricien de l’île de Portillos. Il continue en outre à accroître la vitesse et le

volume du dragage, aggravant ainsi les dommages causés au territoire du CostaRica ainsi que la
menace à l’encontre de zones humides et de forêts primaires bénéfi ciant d’une protection

internationale. Le Nicaragua con tinue de construire le canal à travers le territoire costa-ricien,
avec, sans aucun doute, l’intentio n d’imposer à son voisin une situation de fait accompli. Aucun
des efforts déployés pour régler le différend par des négociations diplomatiques n’a abouti.

2 Déclaration publique du directeur de l’autorité portuaire nationale dat ée du 25août2009, contre laquelle le
Costa Rica a protesté dans la note diplomatique du 27août 2009 adressée à M.SamuelSa ntosLópez, ministre des
affaires étrangères du Nicaragua, par M. Bruno Stagno Ugarte, ministre des affaires étrangères et du culte du Costa Rica

(annexe 1 à la présente demande).
3 Ibid.

4 «Nicaragua Sends Two More Dredges to the Río San Juan» [Le Nicaragua envoie deux dragues supplémentaires
sur le San Juan], Tico Times , 8novembre2010, peut être consulté à l’adresse suivante: http://www.ticotimes.
net/News/Daily-News/Nicaragua-Sends-Two-More-Dredges-to-the-Rio-San-Juan_Monday-November-08-2010

(annexe 2).
5 La traduction française de la résolution de l’Organisation des Etat s américains du 12novembre2010 peut être
consultée à l’adresse suivan te : http://www.oas.org/consejo/fr/resolutions/res978.aspir annexe7 de la requête du

Costa Rica du 18 novembre 2010).
6 Déclaration de S.Exc.M.Denis RonaldoMoncada, ambassadeur du Nicar agua auprès de l’Organisation des
Etats américains, telle que citée dans «C all for troop withdrawal in Nicaragua Co sta Rica dispute» [Appel au retrait des

troupes dans le différend opposant le Nicaragua au Costa Rica], CNN International , 13 novembre 2010
(http://edition.cnn.com/2010/WORLD/americas/11/12/nicaragua.costa.rica.d…) et traduction en français d’un
discours prononcé par le président Ortega à la télévision na tionale nicaraguayenne le 13 novembre 2010 (voir la requête
du Costa Rica du 18 novembre 2010, par. 33, et annexes 6 et 8.) 3

D. L ES DROITS QUE LE C OSTA R ICA CHERCHE À PROTÉGER

10. Les mesures conservatoires demandées au titre de l’article41du Statut de la Cour ont
pour objet de sauvegarder les dro its de chacune des Parties en a ttendant que la Cour rende sa
décision au fond (voir, par exemple, Activités armées sur le territoire du Congo (République
er
démocratique du Congo c.Ouganda), m esures conservatoires, ordonnance du 1 juillet 2000,
C.I.J. Recueil 2000, p. 127, par. 39). L’objet du différend et de la présente demande en indication
de mesures conservatoires est constitué par les dro its du Costa Rica à la souveraineté, à l’intégrité

territoriale et à la non-ingérence dans les droits qui sont les siens sur le Sa n Juan, les terres situées
sur ses rives et ses zones naturelles protégées, ains i que par ses droits relatifs à l’intégrité et au

débit du Colorado.

1. Les droits du Costa Rica à la souveraineté, à l’intégr
ité territoriale et
à la non-occupation

11. Les droits souverains du Costa Rica sur l esquels porte le présent différend sont énoncés
dans la Charte des Nations Unies , dans la charte de l’Organisation des Etats américains 8ainsi que
dans le traité de limites territoriales conclu le 15avril1858 entre le CostaRica et le Nicaragua
9
(ci-après «le traité de limites») , tel que confirmé et interprété dans la sentence Cleveland du
22 mars 1888 , dans l’arrêt de la Cour interna tionale de Justice du 13 juillet 2009 11ainsi que dans
12
les première et deuxième sentences Alexander en date des 30 septembre 1897 et
20 décembre 1897, respectivement.

12. En pénétrant en territoire costa-ricien à l’occasion de deux incidents distincts, en y
envoyant ses forces armées, puis en y établissant des campements militaires et en y entreprenant le

creusement d’un canal, le Nicaragua viole de manière manifeste non seulement un régime frontalier
établi existant entre les deux Etats, mais aussi les principes fondamentaux qui sont à la base du

système des Nations Unies ⎯ à savoir l’intégrité territoriale et l’interdiction du recours à la menace
ou à l’emploi de la force contre un Etat ⎯, principes énoncés au paragraphe4 de l’article2 de la
Charte et auxquels les Parties ont également affirmé leur adhésion aux articles premier, 19 et 29 de

la charte de l’Organisation des Etats américains.

7Charte des Nations Unies, San Francisco, 26 juin 1945.
8
Charte de l’Organisation des Etats Américains, Bogotá, 13avril1948; Nations Unies, Recueil des traités ,
vol. 119, p. 3.
9
Traité de limites te rritoriales entre le Co sta Rica et le Nicaragua , San José, 15avril1US National
Archives, Record Group 76, Record of Boundary and Claims Commission and Arbitration, CostaRica-Nicaragua
Boundary Arbitration, NC-155, Entry 24 (annexe 1 de la requête déposée par le Costa Rica le 18 novembre 2010).
10
Sentence rendue par l’arbitre (le président des Etats-Unis d’Amérique) au sujet de la validité du traité de limites
de 1858 entre le Nicaragua et le Costa Rica, reproduite dans Papers relating to the Foreign Relations of the United States
transmitted to Congress, Part. I, December 1888 (Washington D.C.: G overnment Printing Office, 1889) (sentence
Cleveland) (annexe 2 de la requête déposée par le Costa Rica le 18 novembre 2010).

11Sentence Cleveland, p. 458.
12
Première et deuxième sent ences Alexander, reproduite s dans H.LaFontaine, Pasicrisie Internationale
1794-1900: Histoire documentaire de s arbitrages internationaux (1902, réimprimé en 1997, M. Nijhoff, La Haye),
p. 529-533 (annexes 3 et 4 de la requête déposée par le Costa Rica le 18 novembre 2010). 4

2. Le droit du Costa Rica correspondant à l’obligation qui incombe au Nicaragua de ne pas
draguer le San Juan si cela affecte ou endommage le territoire du Costa Rica,
ses zones naturelles protégées ainsi que l’intégrité et le débit du Colorado

13. Le Nicaragua a entrepris de draguer le SanJuan en application d’un décret du

présidentOrtega en date du 18octobre2010. Les effets dommageables des travaux de dragage
constituent une atteinte aux droits souverains que le Costa Rica tire du traité de limites de 1858, tel
qu’interprété avec autorité dans la sentence Clev eland et confirmé en2009 par la présente Cour.

Le CostaRica jouit d’un droit correspondant à l’ obligation qui incombe au Nicaragua de ne pas
entreprendre, y compris depuis son propre territoir e, de travaux d’amélioration qui auraient pour
conséquence que le territoire du Costa Rica serait «occupé, inondé ou endommagé» ou qui auraient

pour effet d’«arrête[r] ou [d]e perturb[er] gravem ent la navigation sur [le SanJuan] ou sur l’un
quelconque de ses affluents» 13. En entreprenant ainsi ces travaux de dragage, le Nicaragua viole
notamment l’obligation qui lui incombe de ne pas draguer le San Juan si cela a pour conséquence

de causer des dommages au territoire du Costa Rica ou d’affecter le débit des eaux, en particulier
celles du Colorado ⎯ une position qu’a confirmée la Cour en 2009, lorsqu’elle a rejeté la demande

tendant à obtenir une déclaration formelle quant à un 14oit inconditionnel de draguer le SanJuan
que le Nicaragua avait opposée au Costa Rica .

13Sentence Cleveland, par. 6 :

«La République du Costa Rica ne peut empêch er la République du Nicaragua d’exécuter à ses
propres frais et sur son propre territo ire de tels travaux d’amélioration, à condition que le territoire du
Costa Rica ne soit pas occupé, inondé ou endommagé en conséquence de ces travaux et que ceux-ci
n’arrêtent pas ou ne perturbent pas gravement la navigation sur ledit fleuve ou sur l’un quelconque de ses
affluents en aucun endroit où le Costa Rica a le dro it de naviguer. La République du Costa Rica aura le
droit d’être indemnisée si des partie s de la rive droite du fleuve San Juan qui lui appartiennent sont

occupées sans son consentement ou si des terres situées sur ce tte même rive sont inondées ou
endommagées de quelque manière que ce soit en conséquence de travaux d’amélioration.»
14
Affaire du Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua), arrêt
du 13 juillet 2009, par. 153 et 155 :
«153. Le Nicaragua ajoute un chef de conclusions supplémentaire. Il demande à la Cour de «faire

une déclaration formelle sur les ques tions qu’il a soulevées à la secti onII du chapitreVII de son contre-
mémoire et à la section I du chapitre VI de sa duplique.»
La déclaration sollicitée est la suivante :

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

«v) le Nicaragua a le droit de draguer le San Juan afin de rétablir le débit d’eau qui existait en 1858,
même si cela modifie le débit d’autres cours d’eau récepteurs comme le Colorado».

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Quant au cinquième des points devant faire l’objet de la «déclaration» sollicitée, en admettant
qu’il ait la nature d’une demande reconventionnelle , le CostaRica a mis en doute la recevabilité de

celle-ci, au motif qu’elle ne serait pas «en connexion directe» avec l’objet de sa propre demande, au sens
de l’article80 du Règlement de la Cour. La même question pourrait êt re posée en ce qui concerne le
troisième point.

En tout état de cause, il suffi t à la Cour de relever que les de ux questions ainsi soulevées ont été
réglées dans le dispositif de la sentence Cleveland. Cette sentence a, en effet, décidé, dans les points 4 à 6
de la troisième partie, que le CostaRica n’est pa s tenu de contribuer aux dé penses nécessaires pour
améliorer la navigation sur le fl euve SanJuan, et que le Nicaragua peut exécuter les travaux
d’amélioration qu’il estime convenab les, à condition que lesdits travau x ne perturbent pas gravement la
navigation sur les affluents du San Juan appartenant au Costa Rica.

Le Nicaragua n’ayant nullement expliqué en quoi la sentence précitée ne suffirait pas à préciser
les droits et obligations des Parties sur ces questions, sa demande à cet égard doit être rejetée.» 5

14. En outre, l’abattage d’arbres et la destruc tion de végétation, les travaux d’excavation, et
en particulier la construction d’un canal artific iel dont s’accompagnent les activités de dragage
menées par le Nicaragua sur le territoire du Cost a Rica, avec notamment le déversement illégal de

sédiments, sont contraires au droit que le Co staRica tient du traité de limites de1858 ⎯ tel que
confirmé et interprété avec autorité dans la sentence Cleveland ⎯ à ce que son territoire ne soit pas
«inondé ou endommagé» , ainsi qu’aux normes internationales actuelles en matière de protection
16
de l’environnement .

E. C ARACTÈRE D ’URGENCE

15. La présente demande revêt un réel caractère d’urgence. Les forces armées

nicaraguayennes continuent d’être présentes sur l’île de Portillos en violation des droits souverains
du CostaRica. Le Nicaragua continue de causer des dommages au territoire costa-ricien, faisant
peser une grave menace sur les zones humides et forêts de ce territoire qui jouissent d’une

protection internationale. Il poursuit également se s activités de dragage du San Juan, au risque de
causer de nouveaux dommages au territoire costa-ricien, notamment au Colorado.

16. En la présente espèce, une mesure conservatoire prescrivant le retrait des forces
nicaraguayennes du territoire costa-ricien est justifiée afin d’empêcher que le différend ne
s’aggrave ou ne s’étende. Le maintien de la présence de forces armées nicaraguayennes sur le

territoire du CostaRica contribue à créer une s ituation politique marquée par une hostilité et une
tension extrêmes. La menace d’un conflit armé dominera la conduite de l’instance devant la Cour :
la procédure pourra difficilement se dérouler de manière sereine et pacifique si certaines parties du

pays continuent d’être occupées par les forces nicaraguayennes.

17. Les dommages qui continuent d’être causés au territoire du CostaRica attestent
l’urgence de la présente demande. De surcroît, le Nicaragua tente de modifier unilatéralement, à
son profit, le cours d’un fleuve dont la rive dro ite constitue une frontière convenue, valide et licite.

Il ne saurait être autorisé à continuer de faire dévier ainsi le San Juan en territoire costa-ricien, en
vue de mettre le Costa Rica et la Cour devant un fait accompli.

18. Le Nicaragua a refusé de retirer ses forces et de mettre fin à ses actes dommageables. Si
la Cour n’indique pas de mesures conservatoires, le risque est réel de voir se poursuivre des actes

15Voir sentence Cleveland, p. 458 (par. 6) :

«La République du Costa Rica ne peut empêch er la République du Nicaragua d’exécuter à ses
propres frais et sur son propre territo ire de tels travaux d’amélioration, à condition que le territoire du
Costa Rica ne soit pas occupé, inondé ou endommagé en conséquence de ces travaux et que ceux-ci
n’arrêtent pas ou ne perturbent pas gravement la navigation sur ledit fleuve ou sur l’un quelconque de ses
affluents en aucun endroit où le Costa Rica a le dro it de naviguer. La République du Costa Rica aura le
droit d’être indemnisée si des partie s de la rive droite du fleuve San Juan qui lui appartiennent sont
occupées sans son consentement ou si des terres situées sur cette même rive sont inondées ou
endommagées de quelque manière que ce soit en conséquence de travaux d’amélioration.»

16Voir l’affaire relative au Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J.Recueil1997 , p.67,
par.112. Voir aussi Arbitrage relatif à la ligne du Rhin de fer (Belgique/Pays-Bas) , sentence du 24mai2005, Recueil
des sentences arbitrales (RSA), p. 28-39, par. 58-59.costa-ricien, Gouvernement du coagent 7

L ISTE DES ANNEXES

1. Note diplomatique en date du 27août2009 adressée au ministre des affaires étrangères de la

République du Nicaragua, M. Samuel Santos López, par le ministre des affaires étrangères et du
culte du Costa Rica, M. Bruno Stagno Ugarte.

2.«Le Nicaragua envoie deux dragues supplémentaires sur le SanJuan», Tico Times ,
8novembre2010. Disponible en anglais à l’adresse : http://www.ticotimes.net/News?Daily-
News/Nicaragua-Sends-Two-More-Dredges-to-the-Rio-San-Juan_Monday-November-08-2010. 8

NOTE DIPLOMATIQUE EN DATE DU27AOÛT 2009ADRESSÉE AU MINISTRE
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LRÉPUBLIQUE DUN ICARAGUA,

M. SAMUEL SANTOS LÓPEZ,PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES
ÉTRANGÈRES ET DU CULTE DUCOSTA RICA,
M. BRUNO STAGNO UGARTE 9

Note diplomatique en date du 27 août 2009 adressée au ministre des affaires étrangères de la

République du Nicaragua, M. Samuel Santos López, par le ministre des affaires étrangères
et du culte du Costa Rica, M. Bruno Stagno Ugarte

[Traduction]

J’ai l’honneur de vous présenter mes compliments et de vous adresser la présente
communication relativement à l’annonce faite par les autorités nicaraguayennes au sujet du dragage
du San Juan.

Ainsi qu’il l’a indiqué par le passé, le Costa Rica reconnaît que le Nicaragua peut effectuer
des travaux d’amélioration du cours du San Juan afin d’y assurer la fluidité de la navigation, à
condition toutefois que cela ne cause pas de dommages au territoire costa-ricien.

Certaines déclarations du directeur de l’au torité portuaire nationale, M.VirgilioSilva
⎯ rapportées dans La prensa de Nicaragua en date du 25août2009— selon lesquelles le
Nicaragua entendait détourner 1700mètres cubes par seconde du Colorado, cours d’eau

costa-ricien, ont toutefois soulevé des préoccupations . M.EdénPastora, responsable du projet de
dragage, aurait également fait d es déclarations en ce sens à l’ Associated Press, et déclaré
publiquement que le Nicaragua avait «perdu» les eaux du San Juan «entre 1945 et 1950, après que

le Costa Rica les eut détournées vers l’un de ses cours d’eau, le Colorado».

Vous n’êtes pas sans savoir, Monsieur le minist re, que, outre qu’il est erroné d’un point de
vue historique de soutenir que le CostaRica a dét ourné le SanJuan vers le Colorado ou qu’il y a

effectué des travaux de dragage, l’exécution de travaux dans le SanJuan ne doit causer aucun
dommage au territoire du Costa Rica, et ne doit no tamment pas réduire le débit de ses cours d’eau.
Cela est clairement énoncé au paragraphe6 de l’article3 de la sentence Cleveland de1888,
laquelle a été confirmée par la Cour interna tionale de Justice dans son récent arrêt du

13 juillet 2009. Le paragraphe 6 susmentionné dispose, dans sa version française, que :

«6. La République du Costa Rica ne peut empêcher la République du Nicaragua
d’exécuter à ses propres frais et sur son propre territoire de tels travaux
d’amélioration, à condition que le territoire du Costa Rica ne soit pas occupé, inondé
ou endommagé en conséquence de ces travaux.» (C’est nous qui soulignons.)

De toute évidence, les déclarations publiques des fonctionnaires susmentionnés ⎯ qui ont annoncé
que le Nicaragua avait l’intention de dét ourner 1700mètres cubes par seconde du Colorado ⎯

prouvent indubitablement qu’il existe une intentio n de causer un dommage irréparable au territoire
costa-ricien. Quel que soit le nombre de mètres cubes par seconde que la République du Nicaragua
entend détourner, toute diversion qui altérerait le débit actuel du Colorado serait contraire à la
sentence Cleveland de 1888 et au droit international en général.

Outre les annonces relatives au détourneme nt des eaux du Colorado, la République du
Costa Rica est préoccupée par l’impact environneme ntal que les travaux de dragage effectués dans
le SanJuan pourraient avoir sur les lagunes, c ours d’eau, prairies marécageuses, zones et collines

boisées, ainsi que, d’une manière générale, sur les diverses zones humides de la région. Sont
notamment concernées les réserves naturelles su ivantes : Laguna Maquenque, Barra del Colorado
et Corredor Fronterizo, ainsi que le parc nati onal du Tortuguero. Permet tez-moi de vous rappeler
que, au regard de sa diversité biologique, cet éco système a été désigné zone humide d’importance

internationale en vertu de la c onvention de Ramsar, et qu’il a officiellement été inscrit sur la liste
du même nom le 20mars1996; cette z one, désormais connue sous le nom de Humedal Caribe
Noreste, fait en outre partie du couloir mésoaméri cain (Système d’intégration de l’Amérique
centrale (SICA) ; Commission centraméricaine de l’ environnement et du développement) et forme, 10

avec la réserve nicaraguayenne IndioMaiz, un co rridor biologique binational. La baie de
SanJuandelNorte qui, en vertu de l’articleIV du traité de limites de1858, est commune au

Costa Rica et au Nicaragua, pourrait également être menacée.

Les travaux de dragage du SanJuan pourra ient, dès lors, causer des dommages graves et
dévastateurs. Telle est précisément la raison pour laquelle le CostaRica a prié le Nicaragua, le

26janvier2006, de lui communiquer les informa tions techniques pertinentes concernant ces
travaux. Trois ans plus tard, le Nicaragua n’a toujours pas envoyé les informations demandées.

Le CostaRica fait donc observer au Gouvern ement nicaraguayen que des évaluations de

l’impact sur l’environnement doivent être menées avant d’effectuer la moindre activité de dragage,
afin de s’assurer que ces travaux ne causeront pas de dommages aux zones humides, cours d’eau et
zones boisées du Costa Rica, ni à la baie de San Juan del Norte. Ces évaluations doivent également
permettre de s’assurer qu’ils n’auront pas d’inci dence sur le débit actuel du Colorado, ou d’un

quelconque cours d’eau costa-ricien.

Le CostaRica demande donc à la République du Nicaragua de mettre immédiatement un
terme à tout projet de dragage du SanJuan susceptible de causer des dommages au territoire

costa-ricien ou à la baie de San Juan del Norte. Il prie en outre la République du Nicaragua de bien
vouloir lui communiquer les évaluations techniques démontrant que les travaux de dragage qu’il
entend effectuer dans le San Juan ne porteront p as préjudice au territoire costa-ricien, y compris à
la baie de SanJuandelNorte, et n’altéreront pas le débit de ses cours d’eau alimentés par le

San Juan, en particulier le Colorado.

Veuillez agréer, etc.

___________ 11

«LE NICARAGUA ENVOIE DEUX DRAGUES SUPPLÉMENTAIRES SUR LE
SAN JUAN», TICOTIMES, 8NOVEMBRE 2010 12

«Le Nicaragua envoie deux dragues supplémentaires sur le San Juan»,

Tico Times, 8 novembre 2010

[Traduction]

EdénPastora a annoncé lundi que le G ouvernement nicaraguayen allait envoyer
deux dragues supplémentaires sur le San Juan, fleuve constituant la partie orientale de la frontière
entre le Nicaragua et le Costa Rica.

Malgré le différend qui l’oppose au Costa Rica, le Gouvernement nicaraguayen enverra
deux nouvelles dragues sur le San Juan, a déclaré Edén Pastora, ancien guérillero sandiniste et chef
du projet.

Egalement connu sous le nom de Comandante Cero, celui-ci a annoncé à la radio nationale
nicaraguayenne que le dragage du SanJuan ava it «été retardé du fait de problèmes survenus
récemment», faisant allusion aux déclarations du CostaRica selon lesquelles des soldats
nicaraguayens avaient envahi une portion de territoire lui appartenant.

Les autorités costa-riciennes ont demandé la cessation des activités de dragage, arguant de
l’effet dommageable qu’elles pourraient avoir sur une zone appartenant, selon elles, au Costa Rica.

L’ancien guérillero sandiniste, qui n’a pas préci sé à quelle date les travaux reprendraient, a
indiqué que le projet durerait deux ans et que, un e fois terminé, des bateaux de grande taille
pourraient naviguer sur le San Juan.

L’une des nouvelles dragues sera fournie par la compagnie portuaire nationale (CPN), l’autre
étant en cours de construction à El Viejo, a-t-il ajouté.

___________

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