Exposé écrit des Etats-Unis d'Amérique (traduction du Greffe)

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Lettre en date du 17 avril 2009 adressée au greffier par le conseiller juridique en exercice

du département d’Etat des Etats-Unis

[Traduction]

Conformément à l’ordonnance rendue par la Cour le 17octobre2008, j’ai l’honneur de
joindre à la présente 30 exemplaires de l’exposé écrit des Etats-Unis d’Amérique concernant l’avis
consultatif que l’Assemblée géné rale des NationsUnies a demandé à la Cour de donner sur la
question de la Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance des

institutions provisoires d’adm inistration autonome du Kosovo . Une version électronique de
l’exposé est également jointe à la présente sur disquette.

Veuillez agréer, etc.

___________ EXPOSE ECRIT DES ETATS -U NIS D ’A MERIQUE

[Traduction]

Table des matières

Page

Chapitre I. Introduction ........................................................................
........................................... 3

ChapitreII. Vue d’ensemble et principales cons idérations factuelles concernant la situation

au Kosovo ........................................................................
............................................................. 5

Section I. La situation constitutionnelle du Kosovo dans l’ex-Yougoslavie ................................ 5

Section II. La répression et la réaction........................................................................
.................. 8

Section III. Le Kosovo et la communauté internationale après Dayton...................................... 12

Section IV. La résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU.............................................. 17

Section V. La période de l’administration par l’ONU................................................................ 19

Section VI. Le processus politique visant à déterminer le statut futur du Kosovo ..................... 21

Section VII. La déclaration d’indépendance........................................................................
....... 27

Section VIII. Le Kosovo indépendant........................................................................
................. 28

Chapitre III.Considérations relatives à la nature de la question soumise et à la façon dont la
Cour pourrait l’examiner........................................................................
..................................... 34

Section I. Questions relatives au fait de savoir si rendre un avis constituerait un exercice

régulier de la fonction judiciaire de la Cour ........................................................................
.. 34

Section II. Si la Cour décide de rendre un avis, importance de limiter la réponse à la
question posée........................................................................
................................................ 37

ChapitreIV.La déclaration d’indépendance es t conforme aux principes généraux du droit
international ........................................................................
........................................................ 41

Section I. Le droit international ne règlemen te pas, en règle générale, les déclarations
d’indépendance........................................................................
.............................................. 41

Section II. Confirmation s’appuyant sur la pratique récente des Etats en ce qui concerne la

dissolution de la Yougoslavie........................................................................
........................ 43

Section III. La situation peut être différe nte lorsque les déclarations d’indépendance
s’accompagnent d’actions qui constituent elles-mêmes une violation du droit

international ........................................................................
................................................... 45

Section IV. La déclaration d’indépendance du Kosovo est conforme au droit international...... 46

Chapitre V. La déclaration d’indépendance est conforme à la résolution 1244.............................. 50 - 2 -

Section I. L’idée fondamentale de la résolution 1244 était de protéger la population du
Kosovo, de créer un environnement dans lequel le Kosovo pourrait se développer

politiquement et, par la suite, de facilite r un processus visant à trouver une solution
quant au statut futur du Kosovo........................................................................
..................... 50

Section II. Les références aux accords de Ra mbouillet dans la résolution 1244 montrent

que l’indépendance était envisagée comme une issue légitime et possible et que la
Serbie n’opposait pas son veto au processus politique .......................................................... 52

A. Les références aux accords de Rambouille t dans la résolution 1244 confirment que

l’indépendance était un statut futur possible pour le Kosovo........................................... 52

B.Les références aux accords de Rambou illet dans la résolution1244 confirment
aussi que l’issue ne nécessitait pas le consentement de la RFY ....................................... 53

Section III. La référence assortie de réserv es, dans la résolution1244, à l’intégrité
territoriale de la RFY vient encore conf irmer que l’indépendance était considérée
comme une issue légitime et possible........................................................................
........... 56

A. Les principes d’intégrité territoriale n’excluent pas l’émergence de nouveaux états
sur le territoire d’états existants........................................................................
................ 56

B. Les différences entre la référence à l’intégr ité territoriale dans la résolution 1244 et

dans les résolutions antérieures sur le Kosovo montrent que l’indépendance était
considérée comme une issue légitime et possible............................................................. 57

Section IV. La résolution 1244 fait référence à l’intégrité territoriale de la République

fédérale de Yougoslavie uniquement, non à celle de la Serbie.............................................. 61

Section V. La RFY elle-même reconnaissa it que la résolution 1244 n’excluait pas la
possibilité d’une indépendance du Kosovo........................................................................
.... 64

Section VI. Au moment de la déclarati on d’indépendance, le «processus politique»
envisagé par la résolution 1244 avait pris fin ........................................................................
64

Section VII. Ni le Secrétaire général des Na tions Unies ni son Représentant spécial n’ont
dénoncé ou cherché à faire annuler la déclaration d’indépendance....................................... 68

A. Le Secrétaire général et son représentant spécial avaient préalablement usé de leur

autorité pour annuler des décisions qu ’ils considéraient contraires à la
résolution 1244 ........................................................................
.........................................69

B.Le Secrétaire général et le RSSG n’ont pas déclaré que la déclaration

d’indépendance était entachée de nullité ou illicite.......................................................... 70

C. La Cour devrait tenir pleinement compte des décisions appropriées de responsables
de l’Organisation des NationsUnies de ne pas déclarer illicite la déclaration

d’indépendance........................................................................
......................................... 72

Chapitre VI. Conclusion........................................................................
........................................... 73 - 3 -

C HAPITRE I

INTRODUCTION

Dans son ordonnance en date du 17 octobre 2008, la Cour invitait les Etats à soumettre des

exposés écrits sur la question suivante : «La déclaration unilatérale d’indépendance des institutions
provisoires d’administration autonome du Kosovo est-e lle conforme au droit international?» Les
Etats-Unis se félicitent de la possibilité de dépo ser un exposé écrit et de présenter à la Cour les

fondements de leur conclusion selon laquelle la déclaration d’indépendance du Kosovo
en février 2008 est en tous points conforme au droit international.

Depuis la dissolution de cette entité fédérale que constituait la Yougoslavie, la région des

Balkans occidentaux et l’ensemble de la communauté internationale sont confrontés à la question
du Kosovo. «Il s’agit d’une question unique déc oulant du statut unique de la province autonome
du Kosovo au sein de la Fédération yougoslave» écr ivait le dernier président de la République
fédérale socialiste de Yougoslavie à la veille de la déclar ation d’indépendance du Kosovo. «La

Fédération s’est désintégrée... [L]a nécessité de déterminer le nouveau statut final du Kosovo s’est
affirmée précisément en raison du fait que l’élément qui liait le Kosovo à l’ancienne fédération
n’existe plus.»1

Les Etats-Unis entretiennent de longue date des liens étroits avec les Etats et les peuples de
la région des Balkans occidentaux. Ayant présent à l’esprit que les événements dans la région ont
déclenché la première guerre mondiale, et conscients des violents conflits survenus plus récemment

à la suite de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, l es Etats-Unis partagent le souhait ardent de la
communauté internationale que plus jamais la ré gion ne connaisse une telle effusion de sang ni de
tels bouleversements. La Cour a déjà eu l’occasi on de se pencher sur divers aspects des problèmes
auxquels la région a été en proie au cours d es deux dernières décennies, notamment dans ses

conclusions sur les atrocités commises au cours du conflit qui a ravagé la Bosnie au milieu des
années1990. L’histoire tragique et tumultueuse qui a été celle de la région tout récemment et
l’importance de ne pas laisser l’histoire se répéter ont clairement fait comprendre aux Etats-Unis et

à d’autres Etats membres de la communauté interna tionale qu’ils avaient le devoir de s’intéresser
aux événements au fur et à mesure qu’ils se déroulaient au Kosovo. Les Etats-Unis ont l’espoir que
la résolution de cette affaire contribuera à tourner la page de ce chapitre de l’histoire des Balkans.

Les Etats-Unis tiennent à insister sur le fait que leur soutien à la d éclaration d’indépendance
du Kosovo ⎯dans la présente procédure consultative, et dans d’autres contextes ⎯ ne traduit en
aucun cas un affaiblissement du lien qui unit depuis127 ans les Etats-Unis à la Serbie, ni de leur
volonté d’entretenir des relations étroites et resp ectueuses avec celle-ci. Ils sont fiers d’avoir

entretenu une amitié solide avec la Serbie et le peuple serbe, marquée par la coopération durant les
deux guerres mondiales et par des relations économ iques et culturelles fructueuses depuis de très
longues années, bien qu’interrompues par les agissements du régime de Miloševič dans les

années1990. Ces dernières années, les Etats-Un is ont soutenu l’accord de stabilisation et
d’association signé entre l’Union européenne et la Serbie, soutenu la candida ture d’adhésion de la
Serbie à l’Organisation mondiale du commerce, consacré des sommes considérables à l’aide
bilatérale, encouragé les échanges commerciaux entre les deux pays et organisé de vastes

programmes d’échanges culturels et éducatifs ai nsi qu’une grande variété d’autres programmes
avec le peuple de Serbie. Aujourd’hui, les Etats-Unis envisagent leurs relations avec la Serbie de la
même façon qu’avec le Kosovo: dans un contex te régional, dans l’ optique de favoriser

1Stjepan Mesic, Kosovo ⎯ problem koji ne trpi odgailanje («Kosovo ⎯A Problem that Tolerates No Delay») ,

Vecemi List, 16 février 2008 [annexe 1]. M.Mesic a occupéposte de premier ministre de la Croatie de mai à août
1990, puis les fonctions de vice-président de la présidence fédérale, et a été le dernier président de la Yougoslavie de juin
à décembre 1991 ; depuis 2000, il est président de la Croatie. - 4 -

l’intégration au sein des institutions euro-atlantiqu es, dans la perspective de promouvoir la paix, la
prospérité et les droits de l’homme à travers tout le continent.

Dès lors, en cohérence avec la politique des Etats-Unis à l’égard des Balkans occidentaux
depuis la fin de la guerre froide et depuis l’indépendance du Kosovo, les Etats-Unis espèrent que
leurs observations écrites, le déroulement de l’en semble de cette procédure consultative et, enfin,

l’issue de celle-ci contribueront à préserver la stabilité et à sauvegarder les droits fondamentaux des
citoyens dans toute la région. L’indépendan ce du Kosovo a mis fin à l’un des chapitres les plus
tragiques de l’histoire européenne moderne : l’éclatement violent de la Yougoslavie. A présent, il
est temps de regarder vers l’avenir.

Gardant présentes à l’esprit ces remarques initiales, les Etats-Unis prient respectueusement la
Cour de bien vouloir examiner leurs observa tions sur la question soumise par l’Assemblée
générale.

Comme il est expliqué de façon plus détaillée ci-après, l’histoire récente de la région
⎯notamment les circonstances ayant entouré la violente dissolution de l’ex-Yougoslavie, la
violence et la répression massives des années 1990, les événements qui ont conduit à l’adoption par

le Conseil de sécurité de la résolution 1244, et la longue période d’administration internationale en
application de cette résolution ⎯ est importante pour comprendre les circonstances ayant entouré
la déclaration d’indépendance du Kosovo. Le chapitreII fournit une vue d’ensemble de cette

histoire récente. Le chapitreIII contient des cons idérations relatives à la nature de la question
soumise à la Cour portant sur la déclaration d’ indépendance du Kosovo et à la façon dont la Cour
pourrait l’examiner.

Le chapitre IV du présent exposé explique ensuite que le droit international ne règlemente
pas en règle générale les déclarations d’indépenda nce. Il décrit la déclaration du Kosovo de façon
particulièrement détaillée et conclut qu’il n’y a rien concernant cette déclaration d’indépendance
qui pourrait conduire à une conclusion différente en l’espèce. Le chapitreV explique que la

déclaration d’indépendance du Kosovo était en tota le conformité avec la résolution 1244. Cette
résolution a été conçue afin de créer un envi ronnement dans lequel le Kosovo pourrait se
développer politiquement et afin de faciliter un pr ocessus politique visant à déterminer le statut
futur du Kosovo ; la résolution anticipait clairement que l’indépendance pourrait bien être le statut

futur le plus approprié pour le Kosovo et ne cherchait pas à exclur e cette éventualité. Comme cela
est développé plus avant dans le même chapitre, le Kosovo n’a déclaré son indépendance qu’après
que le Représentant spécial a donné l’autorisation de mener ce processus, avec le soutien plein et
entier du Secrétaire général, conclu que le pro cessus politique prévu dans la résolution 1244 avait

été épuisé et expressément recommandé comme statut final du Kosovo celui d’Etat indépendant,
seule issue envisageable et raisonnable. Cette conclusion a été accueillie favorablement par les
principaux Etats qui s’employaient et continuent de s’employer, en coopération avec le Kosovo, à
développer et mettre en Œuvre le cadre nécessaire à l’indépendance supervisée du Kosovo.

Le chapitre VI conclut l’exposé des Etats-Unis. - 5 -

C HAPITRE II

V UE D’ENSEMBLE ET PRINCIPALES CONSIDERATIONS FACTUELLES CONCERNANT LA

SITUATION AU K OSOVO

L’histoire des relations entre le Kosovo et la Serbie au cours du siècle dernier est en grande

partie marquée par le conflit entre le désir d’auto nomie du Kosovo et la volonté de la Serbie de
contrôler le territoire et les peuples de la régioComme il est expliqué dans le présent chapitre,
cette tension s’est manifestée au cours d’un cycle qui a été de plus en plus destructif de1988

à 1999. Cette décennie a démarré avec les actions répressives menées au Kosovo par les autorités
de Belgrade et ayant précipité l’éclatement de la Yougoslavie et a pris fin avec l’intervention de la
communauté internationale pour protéger du déplacement forcé et violent la population

majoritairement albanaise du Kosovo. Elle s’est conclue par la mise en place d’une administration
internationale venant se substituer à celle de Belgrade. Après quoi, pendant près d’une autre
décennie, les NationsUnies et d’autres acteurs internationaux ont appliqué les dispositions de la
résolution1244 du Conseil de sécurité au Kos ovo, qui comportait notamment l’instauration d’un

processus politique visant à apporter une solution pol itique à la question du statut du Kosovo. Ce
n’est qu’après l’échec de ce processus ⎯ qui n’avait pu déboucher sur une solution acceptable pour

tous, en dépit d’efforts diplomatiques colossaux ⎯ que le Kosovo a déclaré son indépendance.
Début avril2009, le Kosovo avait été reconnu en tant qu’Etat par 57Etats ⎯ dont neuf membres
du Conseil de sécurité, tous ses voisins à l’exception de la Serbie et 22des 27Etats membres de

l’Union européenne.

Le contexte et l’histoire de la question du Ko sovo sont complexes, mais ce contexte et cette

histoire sont suffisamment importants pour une bonne compréhension des aspects juridiques de
cette question pour que le présent chapitre en décrive de façon très détaillée les principaux
éléments. Pour reprendre les propos tenus par le groupe de contact peu de temps après le début du

processus sur le statut futur, la «nature du problème du Kosovo» a été «conditionnée par la
désintégration de la Yougoslavie et les conflits qui en ont résulté, la purification ethnique…., et la
longue période d’administration internationale en application de la résolution 1244», tout cela
2
devant être «pleinement pris en compte au moment de fixer le statut du Kosovo» .

SECTION I. LA SITUATION CONSTITUTIONNELLE DU K OSOVO DANS L ’EX -YOUGOSLAVIE

Le Kosovo, abritant depuis très longtemps une population de souche très majoritairement
albanaise, fut formellement rattaché à un Etat ethni quement serbe à la suite de la victoire de la

Serbie durant les guerres balkaniques de 1912-13. Les relations entre Belgrade et le Kosovo ⎯ et
notamment avec la majorité ethnique albanaise du Kosovo ⎯ ont été tourmentées de 1912 jusqu’à
la destruction de la Yougoslavie pendant la deuxième guerre mondiale .3

Les architectes de la Yougoslavie de l’après-guerre, particulièrement conscients des
dommages causés au pays pendant la période co mprise entre la première et la seconde guerre

mondiale par le conflit ethnique, s’efforcèrent de donner à la nouvelle Yougoslavie une structure

2 Déclaration du groupe de contact sur l’avenir du Kosovo, Londres, 31 jandisponible sur le site:
http://pristina.usembassy.gov/press20060131a.html. De nombreux événementsls il est fait allusion dans le
présent chapitre sont décrits deplus détaillée dans des ouvrages généraux tels que Noel Malcolm, «Kosovo: A
Short History» (1998) («Malcolm»); Miranda Vickers, «BetSerb and Albanian: A History of Kosovo(1998)

(«Vickers»); Tim Judah, «Kosovo: What Everyone Needs to Know(2008) («Judah») et Marc Weiler, «Contested
Statehood: Kosovo‘s Struggle for Indépendance» (2009) («Weiler»).
3 Voir notamment, K. Vickers, p. 103-108, 116-120. - 6 -

4
telle que de semblables événements ne pussent se reproduire . Adoptée en1946, la première
constitution de la période ayant suivi la seconde guerre mondiale, définissait par conséquent la

fédération à la fois comme un rassemblement volo5taire de peuples et comme une union de six 6
républiques (le Kosovo et la Voïvodine faisant expressément partie de la Serbie) . Dans les
constitutions suivantes, le Kosovo fut traité à la fois comme une région autonome de la république

serbe et comme une entité jouissant de son propre statut constitutionnel conformément à la
constitution fédérale yougoslave . Ce double statut juridique perdura pendant tout le quart de

siècle suivant, même si l’autonomie juridique du Kosovo fut limitée par une présence et une
influence serbes disproportionnées au sein de ses institutions politiques, sociales et économiques.

A la fin des années1960, un relâchement du c ontrôle exercé par le pouvoir central et une
approche plus tolérante de la pa rt des autorités fédérales à l’ég ard de la diversité ethnique en
Yougoslavie donnèrent à la population albanaise davantage l’occasion de progresser tant dans le

domaine politique que dans le domaine culturel, mais favorisèrent au ssi les mouvements de
protestation contre les difficultés d’ordre économique et autres au Kosovo. Un certain nombre de

mesures suivirent, allant de l’ouverture, à Pristina, de la premiè re université à part entière à une
série d’amendements constitutionnels accordant une autonomie élargie et un plus grand rôle au
Kosovo au sein de la structure fédérale. Le contrôle serbe de la province commença à donner lieu à

un net renforcement de la position des Albanais de souche8au Kos ovo et, de façon concomitante, à
un affaiblissement de celle des serbes du Kosovo .

Ce processus déboucha en1974 sur la promulgation d’une nouvelle constitution de la
République fédérale socialiste de Yougoslavie («RFSY»). En vertu de la nouvelle constitution, les

deux provinces autonomes du Kosovo et de Voïvodine , tout en continuant de faire formellement
partie de la Serbie, participaient de façon directe aux institutions fédérales quasiment à égalité avec
les sixrépubliques, exerçant un contrôle presque total sur leurs propres affaires intérieures. La

constitution mentionnait les termes de «droits souverains» des deux nations et nationalités et
affirmait que toutes les nations et nationalités de la Yougoslavie s’étaient réunies sur une base libre
et égalitaire . De même, les nouvelles constitutions de la Serbie et du Kosovo de 1974 précisaient

chacune que le Kosovo et la Voïvodine s’étaient unies à la fois à la Serbie et au sein de la

4 Voir notamment, «Decision to Create Yugoslavia on Federal Principles», Jajce, 29 novembre 1943 (réédité dans
SnezanaTrifunovska (ed.), «Yugoslavia Through Documents: From its creation to its dissolution» («Trifunovska»),
p. 206-07); Vickers, p. 146-47. Voir également Misha Glen ny, «The Balkans: Nationalism, War and the Great Powers,
1804-1999» (2001), p. 402-412, p. 428-436 ; Bogdan Denitch, «The Legitimation of a Revolution» (1976), p. 105-148.

5 La population hongroise de la Voïvodine partageait la province avec une plus large communauté serbe et
d’autres populations minoritaires en nombre important, et neprésentait pas de problèmes de la même intensité que le
Kosovo.

6 Constitution de la République fédérale populaire de Yougoslavie, 1946, 1ere partie, Chap. l, art.1-2 (réédité
dans Marc Weller, «The Crisis in Kosovo 1989-1999: From the Dissolution of Yugoslavia to Rambouillet and the
Outbreak of Hostilities» (1999) («Crisis»), p. 51-52).

7 Constitution de la République fédérale populaire de Yougoslavie, 1953, art.113-14 (réédité dans Crisis,
p.52-53); Constitution de la République fédérale socia liste de Yougoslavie, 1963, art.111-12 (réédité dans Crisis,

p. 53) ; Constitution de la République fédérale socialiste de Yougoslavie («Constitution de la RFSY de 1974»), art. 1, 2, 4
(Original sur fichier auprès du Tribunal pénal interna tional pour l’ex-Yougoslavie, déposé comme pièce à conviction
P01623 dans l’affaire Le Procureur c . Milan Milutinovic, Nikola Sainovic, Dragoljub Ojdanic, Nebojsa Pavkovic,
Vladimir Lazarevic, et Sreten Lukic).
8
Voir par exemple, Frederick Singleton, «Twentieth-Century Yugoslavia» (1976), p. 234-236.
9 Constitution de la RFSY de 1974, Principes fondamentau x, art.3, 4 et 245; Constitution de 1974 de la

République socialiste de Serbie («Constitution serbe de 1974» ), Principes fondamentaux, par.2 (original sur fichier
auprès du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, déposé comme pièce à conviction P01848 dans l’affaire Le
Procureur c. Milan Milutinovic, Nikola Sainovic, Dragoljub Ojdanic, Nebojsa Pavkovic, Vladimir Lazarevic, et Sreten
Lukic). - 7 -

Yougoslavie, sur la base de «la volonté librement exprimée» de la population, des nations et
nationalités tant des provinces que de la Serbie . 10

Conformément à la constitution de la R FSY et aux nouvelles constitutions associées de
Serbie et du Kosovo de 1974, le Kosovo jouissait d’une autonomie quasi totale, et exerçait un

contrôle absolu sur son système éducatif, judiciaire, fiscal et les services de sécurité intérieure et de
police . Le Kosovo avait le droit d’approuver ou non toute modification des constitutions fédérale
et serbe pouvant avoir une incidence sur la province 12. Ildisposait d’un droit de conduire ou
13
prendre part à certains domaines des affaires internationales . En vertu de la constitution fédérale,
le Kosovo participait aussi de façon pleine et entière, à l’égal des six républiques et de la

Voïvodine, à la présidence collective ; les provinces autonomes avaient chacune une représentation
égale aux deux-tiers de celle d’une république dans chaque chambre du parlement fédéral, de sorte
que les deux provinces autonomes disposaient à elles deux de plus de votes que la Serbie
14
elle-même . Les différends entre le Kosovo et les autorités fédérales ou les républiques étaient
réglés par la cour constitutionnelle fédérale . 15

Ainsi, alors qu’il faisait encore partie de la Serbie, après 1974 le Kosovo était reconnu
comme ayant des droits souverains et comme ayant rejoint la Serbie et la Yougoslavie de son plein

gré. Le Kosovo jouissait à tous les niveaux de gouvernement de droits constitutionnels et de
pouvoirs juridiques ainsi que d’une autorité qu i étaient largement (et, dans des domaines
importants, totalement) identiques à ceux des six républiques. Comme le résumera plus tard une

personnalité profondément engagée dans la politique yougoslave et post-yougoslave :

«La Yougoslavie était composée de républiques et de provinces; en

conséquence, les provinces étaient des él éments constitutifs de la Fédération.
Deuxièmement, les provinces faisaient partie de la Serbie, ce qui veut dire que, outre

leur lien constitutif avec la Fédération, elle s étaient aussi liées à l’une de ses entités
fédérées. Troisièmement, les républiques et les provinces s’étaient unies au sein de la
Yougoslavie de leur plein gré, ce qui implique clairement qu’elles ne pouvaient pas

être forcées de rester dans ce cadre étatique contre leur volonté. S’agissant des
provinces, cela concernait à la fois le cadre fédéral et le cadre d’une entité fédérée.
Enfin, quatrièmement, dans les provinces, les nations et les nationalités exerçaient
16
leurs droits souverains.»

Le Kosovo s’administra ainsi de façon autonome et participa activement aux affaires de la
fédération en vertu de l’architecture constitutionne lle de 1974, et ce, jusqu’au renversement par la
force de l’ordre constitutionnel en 1989.

10 Constitution serbe de 1974, Partie intr oductive, Principes fondamentaux, pa r.6. Constitution de la province
socialiste autonome du Kosovo, 1974 («Constitution du Kosovo de 1974») (réédité dans Krieger, «The Kosovo Conflict
And InternationalLaw - An Analytic Documentation 1974-99» (2001) («Krieger»), p. 7).

11 Rapport périodique soumis par Mme Elisabeth Rehn, rapporteur spécial de la Commission des droits de
l’homme, conformément au paragraphe45 de la ré solution 1996/71 de la Commission du 25octobre1996,
E/CN.4/1997/8 («rapport Rehn»), par.32. Voir également Le Procureur c. Milan Milutinovic, Nikola Sainovic,
Dragoljub Ojdanic, Nebojsa Pavkovic, Vladimir Lazarevic, et Sreten Lukic («Milutinovic et al.»), arrêt, 26 février 2009,

vol.I, par.221, disponible sur le si te : http://www.icty.org/x/cases/milutinovic/tjug/en/jud090226-e1of4.pdf ; Judah,
p. 57 ; Weller, p. 34-35.
12 Constitution de la RFSY de 1974, art.398; Cons titution serbe de 1974, art.427; Constitution du Kosovo

de 1974, art. 301 (réédité dans Krieger, p. 8). Voir également rapport Rehn, E/CN.411997/8, par. 33.
13 Constitution de la RFSY de 1974, art. 271.

14 Constitution de la RFSY de 1974, art. 291 et 292.

15 Ibid., art. 375 (5) («La Cour constitutionnelle de Yougoslavie ... 3) règlera les différends en matière de droits et
devoirs ... entre les républiques et les provinces autonomes...»).
16
Stjepan Mesic, «Kosovo -- problem koji ne trpi odgaâanje» («Kosovo -- A Problem that Tolerates No Delay»),
Vecemi List, 16 février 2008 [annexe 1]. Voir également note 1, supra. - 8 -

S ECTION II. L A REPRESSION ET LA REACTION

Une série d’actions qui ont débuté à la fin des années 1980 ont déclenché l’éclatement
violent de l’Etat yougoslave et le départ de l’ union de la plupart des républiques dont la présence
avait jusqu’alors contribué à préserver l’autonomie du Kosovo au sein de la Serbie et son statut

distinct au sein de la RFSY. Ces événements ont ouvert la voie à une décennie de répression de
plus en plus féroce envers le Kosovo qui s’est exprimée au travers d’une politique délibérée de
l’Etat.

Malgré la plus large autonomie que la cons titution de la RFSY de 1974 leur avait accordée,

de nombreux Albanais de souche continuaient de manifester pour obtenir le plein statut de
république et davantage d’autonomie locale. En outre, la situation de pauvreté permanente du
Kosovo conduisit des résidents de toutes les or igines ethniques à l’émigration économique, et les

émeutes survenues en 1981 poussèrent également au départ nombre de Serbes et Monténégrins du
Kosovo . A la fin des années 1980, les manifesta tions d’agitation nationaliste conjuguées avec
l’affaiblissement de la situation des Serbes au Kosovo conduisirent les dirigeants serbes à chercher

à réinstaurer une domination serbe dans toute la province. Parmi ces diri geants figurait Slobodan
Miloševič, dont le discours prononcé à Kosovo Polje en 1987 marqua sa décision d’embrasser la
18
cause des Serbes du Kosovo . Par la suite, il procéda à la purge des dirigeants politiques s
erbes
qui n’étaient pas partisans d’une politique de domination serbe, et réussit son ascension à la
présidence de la Serbie sur la base de ce programme. En 1988 et 1989, Miloševi č orchestra la

modification des constitutions de la RFSY et de la Serbie pour supprim er presque totalement
l’autonomie du Kosovo et octroyer à la Serbie la maîtrise des affaires intérieures du Kosovo. En

mars 1989, sous la pression de l’intimidation et un dé19oiement de force, l’Assemblée du Kosovo
acceptait officiellement les amendements serbes .

20
En juin 1990, les autorités serbes suspendirent dans son ensemble l’Assemblée du Kosovo .
Toutefois, les membres de l’A ssemblée se réunirent une semaine plus tard et adoptèrent une
résolution proclamant formellement «l’indépe ndance» du Kosovo et annulant le vote de
21
l’Assemblée sur le retrait de son autonomie . L’Assemblée serbe vota par la suite la dissolution
permanente de l’Assemblée du Kosovo, cherchant ce faisant à mettre un terme au dernier véritable
vestige de l’autonomie politique de la province au sein du système constitutionnel yougoslave . 22

Une fois de plus, toutefois, en juillet 1990 , les membres de l’A ssemblée du Kosovo se

réunirent pour adopter une «déclaration constituti onnelle», soulignant qu’en agissant ainsi, il23
accomplissaient un «acte d’auto-détermination po litique dans le cadre de la Yougoslavie» . En
adoptant une constitution pour la «R épublique du Kosovo» deux mois plus tard , ils soulignaient

«l’engagement envers la Yougoslavie» nouvellement proclamé de la république et le «statut...de
membre à part entière au sein de la communauté des peuples yougoslaves» . En septembre 1991,

17
Judah, p. 57-61 ; Vickers, p. 183-213.
18
Malcolm, p. 341- 342.
19 Ibid., p. 343-346. Voir également Milutinovic et al., vol. l, par.219-220, disponible sur le site:
http://www.ictyorg/x/cases/milutinovic/tjug/en/jud090226-elof4.pdf.

20Loi sur les actions des éléments com posants de la République dans le cas de circonstances exceptionnelles,
26 juin 1990 (réédité dans Crisis, p. 60-61) ; Décision sur l’existence de circonstances exceptionnelles sur le territoire de
la province autonome serbe du Kosovo, 26 juin 1990 (réédité dans Crisis, p. 61).

21Assemblée du Kosovo, déclaration constitutionnelle, 2 juillet 1990 (réédité dans Crisis, p. 64).

22Loi mettant fin au travail de l’Assemblée de la ovince autonome serbe du Kosovo et du Conseil exécutif,
5 juillet 1990 (réédité dans Crisis, p.61). Le maintien de l’autonomie symbo lique de la province a permis à Milosevic
d’exercer un contrôle sur son vote (ainsi que sur ceux de la Serbie, de la Voï vodine et du Monténégro) à la présidence
fédérale.

23Assemblée du Kosovo, déclaration constitutionnelle, 2 juillet 1990 (réédité dans Crisis, p. 64-65).

24Résolution de l’Assemblée du Kosovo, 7 septembre 1990 (réédité dans Crisis, p. 65). - 9 -

toujours sans rompre leur lien avec la Yougoslavie, les membres de l’Assemblée proclamaient le
Kosovo comme «Etat souverain et indépendant, ayan t le droit de participer en sa qualité de

république constitutive de la Yougos lavie», déclaraient «l’égalité ...[du Kosovo] avec toutes les
autres entités constitutives de la fédération» et pr oclamaient «tous les droits constitutionnels par
rapport aux autres républiques yougoslaves» 25. Un référendum organisé deux semaines plus tard
26
confirma de façon écrasante cette déclaration de souveraineté et de l’indépendance .

A la fin de l’année 1991, quatre des six républiques originelles de la Yougoslavie ⎯ la
Slovénie, la Croatie, la Bosnie -Herzégovine et la Macédoine ⎯ avaient déclaré leur indépendance
de la RFSY. Bien que les forces yougoslaves conti nuaient à soutenir les séparatistes à la fois en

Croatie et en Bosnie-Herzégovine, l’effondrement de la RFSY condui
sit la Serbie et le
Monténégro, les deux seules républiques qui n’avaien t pas déclaré leur indépendance, à former un

nouvel Etat, la République fédérative de Yougoslavie (ci-après dénommée RFY), en avril 1992. La
suppression du statut politique autonome du Kosovo au sein de la Yougoslavie privait le Kosovo de
tout rôle dans cette décision, y compris le droit de veto qu’il possédait en vertu de la Constitution

de 1974 de la RFSY. La constitu tion de la RFY qui en résulta décrivait le nouvel Etat comme une
«association volontaire entre la Serbie et le M onténégro» fondée sur «l’égalité de ses républiques
constitutives» et exprimait clairement que seules les deux républiques avaient un statut fédératif;
27
aucune des provinces autonomes en général ni le Kosovo en particulier n’étaient cités .

Les décisions de la Serbie à l’enc ontre de l’autonomie politique du Kosovo
s’accompagnèrent de l’adoption d’une série d’actes règlementaires et d’autres mesures
discriminatoires à l’égard des Albanais de souc he du Kosovo. Même avant qu’elle suspende

l’Assemblée du Kosovo, l’Assemblée serbe avait adopté des lois qui interdisaient effectivement les
transferts de propriété qui aboutiraient au départ des Serbes du Kosovo 28 et exigeaient que les cours
à l’université soient dispensés uni quement en langue serbo-croate 29. En 1992, elle étendit

également cette même exigence aux niveaux d’enseignement sec ondaire et primaire, et imposa
l’utilisation des programmes scolaires serbes pl utôt que les programmes du Kosovo qui étaient
30
précédemment enseignés .

Par la suite, des dizaines de milliers d’enseigna nts, de travailleurs sociaux et d’autres
31
Albanais de souche employés dans des institutions et entreprises étatiques furent licenciés . Les
Albanais du Kosovo réagirent à cela par une grèv e générale et d’autres manifestations de
protestation qui furent réprimées dans la violence par les forces de police. La confrontation et le

conflit politique continuèrent de s’envenimer, cependant que les observateurs internationaux
faisaient état d’une escalade des violations des droits de l’homme 32. Les autorités de Belgrade

25
Résolution de l’Assemblée de la République du Ko sovo sur l’indépendance, 22 septembre 1991 (réédité dans
Crisis, p. 72).
26
Le pourcentage était de 99,87 % de votes favorables, pour un taux de participation de 87,01 % (914 802 sur un
nombre total d’électeurs de 1051357). Agence centrale du Kosovo pour la conduite du référendum, résultats,
7 octobre 1991 (réédité dans Crisis, p. 2).
27
Constitution de la République fédérative de Yougoslavie, avril 1992, Préambule et art. 1, disponible sur le site :
http://www.worldstatesmen.org/Yugoslav_Const_1992.htm.
28
Loi sur la restriction des transactions de propriétés immobilières, 1989, telle qu’amendée, art.3 (réédité dans
Crisis, p. 60). Voir également Malcolm, p. 346.
29
Amendement de la loi sur l’université, 1990, art. 43 (réédité dans Crisis, p. 60).
30Loi sur l’école élémentaire, 1992, art.4 et 5 (réédité daCrisis, p. 63); Loi sur l’enseignement au collège,
1992, art. 5 (réédité dans Crisis, p. 63) ; Loi sur l’enseignement au lycée, 1992, art. 4 (réédité dans Crisis, p. 63).

31Rapport Rehn, E/CNA/1997/8, par. 35 ; Judah, p. 72-73.

32Malcolm, p. 346-350. Voir également les documents cités dans les notes de bas de page 36 à 40 ci-après. - 10 -

exacerbaient les tensions en réinstallant les réfugiés serbes et monténégrins de Croatie et 33
Bosnie-Herzégovine au Kosovo, tout en encourageant l’émigration des Albanais de souche .

Dès 1991, un an à peine après que la Serb ie avait supprimé l’autonomie du Kosovo, la
situation des droits de l’homme au Kosovo était devenue «particulièrement insatisfaisante», selon
les termes d’un rapporteur spécial nommé par la co nférence sur la sécurité et la coopération en
34
Europe, faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements infligés par la police . Une
mission d’information de la CSCE signalait, en juin 1992, la crainte des Albanais de souche «que
les Serbes pourraient au bout du compte tenter de provoquer un conflit armé pour forcer les

Albanais à quitter le Kosovo. Si un tel conflit dé marrait, il produirait un massacre et un très grand
nombre de réfugiés.» 35 En novembre, la mission de la CSCE au Kosovo faisait état de ce qui suit
dans un rapport :

«Le Kosovo s’est installé dans une im passe peu rassurante...Le président
Miloševič a essayé de reconstruire et de stabiliser l’influence serbe au Kosovo,

notamment en faisant basculer l’équilibre de la population en faveur des Serbes et en
remplaçant les Albanais qui occupaient t ous les postes influents de nature politique,

économique et sociale. Cela devait se faire en partie en incitant un grand nombre de
Serbes à venir s’installer dans la province.... Pour faire la place au Serbes et réduire
l’influence de la population albanaise, l’administration serbe a entamé une politique de

retrait des Albanais de tous les secteurs à l’exception du secteur privé…Selon
certaines informations, ce processus serait qu asiment achevé dans les services publics
au niveau central et à l’échelle des munici palités. Le financement public des services

éducatifs en albanais a été interrompu...Les services de radio et de télévision
contrôlés par les Albanais ont cessé d’exister. Dans les institutions judiciaires, les
juges et magistrats albanais ont pratiqueme nt tous été retirés. Les Albanais employés

dans les services de police du Kosovo ont été les premières victimes de l’opération de
nettoyage ethnique...

Selon les informations fournies par la Fédération des syndicats libres du
Kosovo, à la fin du mois de septembre, 41% de ses 240000 membres avaient été
licenciés et 57% étaient au chômage…Il est difficile d’accorder du crédit aux

déclarations des Serbes qui prétendent que tous les licenciements ont eu lieu pour se
débarrasser des employés en surnombre ou incompétents et pour trouver une solution
à l’insubordination massive. Il n’y aucun doute quant aux intentions officielles...» 36

La mission de la CSCE a été sommée par Belgrade de quitter la RFY en juin 1993.

En décembre 1992, à la suite de rappor ts rédigés par le Haut Commissariat des
Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’Assemblée générale a condamné le «nettoyage ethnique»
tant en Bosnie et Croatie qu’au sein de la RFY, y compris au Kosovo 37. Elle n’a cessé de

33Rapport sur la situation des droits de l’homme sur le territoire de l’ex-Yougoslavie remis par
M.TadeuszMazowiecki, rapporteur spécial de la Co mmission des droits de l’ho mme, conformément à la

résolution 1992/S-1/1 de la Commission en date du 14 août 1992, A/48/92-S/25341, 26 février 1993 ; Krieger, p. 25-27 ;
Mission de la CSCE au Kosovo, rapport sur l’imp asse au Kosovo, 16 novembre 1992 (réédité dans Crisis, p. 107-08).
Voir également Malcolm, p. 352 et 353.
34
Rapoort de la mission du rapporteur des droits de l’homme en Yougoslavie, 24 janvier 1992, communication
de la CSCE n 41, Prague, 24 janvier 1992 (réédité dans Crisis, p. 97-99).
35Rapport de la mission d’information au Kosovo du Centre de prévention des conflits, 5juin1992, sect.II
(réédité dans Crisis, p. 102 et 103).

36Mission de la CSCE au Kosovo, rapport sur l’impasse au Kosovo, 16novembre1992 (réédité dans Crisis,
p. 107-08).

37Résolution de l’Assemblée générale 47/147, A/RES/47/147, 14 décembre 1992 (S ituation des droits de
l’homme), par. 14 - 11 -

condamner les violations des droits de l’homme da ns des r38olutions annuelles comportant de plus
en plus de précisions jusqu’à la fin de l’année 1998 . A titre d’exemple, au début de l’année 1995,
l’Assemblée générale a pris note d’un rapport du rapporteur spécial du HCR 39 décrivant les

mesures discriminatoires prises dans les domaines législatif, administratif et judiciaire, les actes de
violence et les arrestations arbitraires perpétrés c ontre les Albanais de souche au Kosovo et la
détérioration continue de la situation des droits de l’homme au Kosovo, à savoir que :

«a)les Albanais de souche sont victimes de brutalités policières... ;

b) des fonctionnaires albanais de souche sont licenciés de manière discriminatoire et
arbitraire... ;

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

e) des médecins et membres d’autres catégories de professions médicales qui sont

albanais de souche sont renvoyés des cliniques et hôpitaux ;

f) la langue albanaise est, dans la pra tique, éliminée, en particulier dans

l’administration et les services publics ;

g) les Albanais du Kosovo, dans leur ensemble, font massivement l’objet de pratiques

gravement discriminatoires et répressives qui provoquent un mouvement
généralisé d’émigration involontaire.»

L’Assemblée générale a par la suite «exigé» que les autorités de la RFY :

«a)prennent toutes les mesures nécessai res pour mettre immédiatement un terme à

toutes les violations des droits de l’homme dont sont victimes les Albanais de
souche au Kosovo... ;

b) rapportent toutes les dispositions législatives discriminatoires... ;

c) établissent de véritables institutions démocratiques au Kosovo.... » . 40

Dans le même temps, les Albanais du Kosovo créaient leurs propres institutions
gouvernementales, avec à leur tête le Dr. Ibra him Rugova comme président de la «République du

Kosovo.» Ce gouvernement parallèle mit en place d’importants services gouvernementaux,
employant des milliers de médecins, professeurs et autres personnels pour faire fonctionner les
écoles, cliniques et autres services qui avaient été fermés ou interdits aux Albanais de souche par

38Résolution de l’Assemblée générale 48/153, A/RES/48/153, 20 décembre 1993 (Situation des droits de

l’homme au Kosovo); résolution de l’Assemblée générale 49/196, A/RES /49/196, 23 décembre 1994 (Situation des
droits de l’homme au Kosovo); résolution de l’Assemb lée générale 49/204, A/RES, 23 décembre 1994 (Situation des
droits de l’homme au Kosovo) ; résolution de l’Assemblée générale 50/190, A/RES/50/190, 22 décembre 1995 (Situation
des droits de l’homme au Kosovo; résolution de l’ Assemblée générale 50/193, A/RES/50/193, 22 décembre 1995
(Situation des droits de l’homme au Kosovo); réso lution de l’Assemblée gé nérale 51/111, A/RES/51/111,
12décembre1996 (Situation des droits de l’homme au Kosovo); résolution de l’ Assemblée générale 51/116,
A/RES/51/116, 12 décembre 1996 (Situation des droits de l’homme au Kosovo); résolution de l’Assemblée générale
52/147, A/RES/52/147, 12 décembre 1997 (Situ ation des droits de l’homme au Ko sovo); résolution de l’Assemblée
générale 52/139, A/RES/52/139, 1er décembre 1996 (Situation des droits de l’homme au Kosovo); résolution de
l’Assemblée générale 53/163, A/RES/53/163, 9 décembre 1998 (Situ ation des droits de l’homme au Kosovo) ; résolution

de l’Assemblée générale 53/164, A/RES/53/164, 9 décembre 1998 (Situation des droits de l’homme au Kosovo).
39Situation des droits de l’homme dans l’ex-Yougoslavie, A/49/641-S/1994/1252, 4 novembre 1992.

40Résolution de l’Assemblée générale 49/204, A/RES/49/204, 13 mars 1995 (Situation des droits de l’homme au
Kosovo). - 12 -

41
les autorités serbes . Les autorités du Kosovo organisèrent également des élections pour élire
l’Assemblée du Kosovo, qui continuait de fonctionner malgré le harcèlemen t et les arrestations
menés par les autorités de la RFY. Le gouvernemen t parallèle, soutenu par la majeure partie de la

population, poursuivait une politique de non-violence, tout en refusant d’entrer en conflit avec les
autorités serbes. A partir de 1991, les autorit és serbes continuèrent donc à exercer une autorité
formelle et le pouvoir coercitif, alors que des fonctions importantes au sein du gouvernement civil

étaient assurées par un gouvernement «fantôme» élu démocratiquement et bénéficiant du soutien
actif de la grande majorité de la population du Kosovo.

SECTION III. LE K OSOVO ET LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE APRES D AYTON

La communauté internationale s’engagea da ns les questions liées à l’éclatement de la
Yougoslavie à compter du moment où la Slovénie et la Croatie déclarèrent leur indépendance
en 1991. A l’origine, ces efforts consistaient prin cipalement à conserver intacte la RFSY, mais ils

évoluèrent rapidement vers la quête de moyens destinés à faciliter une scission pacifique et dans le
calme. Parmi ces efforts, l’on peut citer un embargo sur les armes et la mise en place d’une force
de maintien de la paix en Croatie et en Bosn ie-Herzégovine après le début des hostilités dans ces

deux républiques. Un «groupe de contact» constit ué de la France, l’Allemagne, la Russie, le
Royaume-Uni et les Etats-Unis se forma en réponse au conflit bosniaque et fut en mesure, grâce à
l’assistance apportée par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (ci-après «OTAN») et le

solide appui du Conseil de sécurité, de persuader les parties belligérantes de conclure les accords de
Dayton de 1995 qui apportèrent la paix à la Bosnie-Herzégovine 42. Toutefois, les accords de

Dayton ne mentionnaient absolument rien sur la situation au Kosovo.

Ayant été incapable d’apporter son soutien à la sécession des zones à majorité serbe des

territoires de Croatie et de Bosnie, Belgrade choisit d’exercer un contrôle total du Kosovo,
notamment par le recours à la force. Dans ce contexte, certains Albanais de souche conclurent que
les politiques de non-violence menées par la Répub lique du Kosovo échoueraient et que seule la
43
résistance armée pourrait protéger le Kosovo de Belgrade . L’armée de libération du Kosovo 44
(ci-après dénommée ALK) commença à mener d es opérations militaires d’envergure en 1997 .
Un nombre croissant d’attaques dirigées par l’ALK se heurtèrent à de vastes campagnes militaires

et à des mesures sévères et arbitraires de la part de la RFY et de la Serbie à l’égard de la population
civile albanaise de souche, qui prirent de plus en plus les caractéristiques de nettoyage ethnique.
Les observateurs internationaux énuméraient une litan ie grandissante de violations des droits de

l’homme, faisant notamment état de brutalités policières, d’actes de répression par les forces
militaires et de police, de détentions arbitrai res, d’actes de torture et d’exécutions sommaires 45.
Comme la situation humanitaire s’aggravait de façon alarmante au Kosovo pendant les

années1997-1999, la communauté internationale s’e ngagea de plus en plus activement dans la

41Judah, p. 69-74 ; Mission de la CSCE au Kosovo, rapport sur l’impasse au Kosovo, 16 novembre 1992 (réédité
dans Crisis, p. 107-08) ; rapport Rehn, E/CNA/1997/8, par. 37.
42
Depuis 1995, un Conseil de mise en Œuvre de la paix (le PIC) soutiun haut représentant mandaté par les
parties aux accords de Dayton pour superviser la mise en Œuvre des accords.
43
Judah, p. 78-79 ; Weller, p. 67-68, 74, 77.
44 Milutinovic et al., vol. 1, pa. 93, disponible sur le site : http://www.icty.org /x/cases/milutinovic

/tjug/en/jud090226-e1of4.pdf.
45Voir également, rapport du rapporteur spécial de la Commi ssion des droits de l’homme, E/CN.4/1996/63 ,
14 mars 1996 ; rapport du rapporteur spécial de la Commission de s droits de l’homme, E/CN.4/1997/9, 22 octobre 1996 ;

rapport du rapporteur spécial de la Commission des drode l’homme, E/CN.4/1997/8, 25octobre1996; rapport du
rapporteur spécial de la Co mmission des droits de l’homme, E/CN .4/ 1997/56, 29 janvier 1997 ; rapport du rapporteur
spécial de la Commission des droits de l’homme, E/CN.4/1998/9, 10 septembre 1997 ; rapport du rapporteur spécial de la
Commission des droits de l’homme, E/CN.4/19981l5, 31octo bre 1997; rapport périodique de la Commission sur la
situation des droits de l’homme, A/511652-SIl996/903, 4novembre 1996; rapport périodide la Commission sur la
situation des droits de l’homme, A/52/490, 17octobre1997rapport périodique de la Co mmission sur la situation des
droits de l’homme, A/53/322, 11 septembre 1998. - 13 -

recherche d’une solution politique au conflit au Kosovo, déterminée à prévenir une répétition du
carnage qui avait déchiré la Bosnie-Herzégovine un pe u plus tôt au cours de la même décennie, et

dont la présente Cour a précédemment ex aminé des éléments dans l’affaire du génocide
bosniaque . 46

Le groupe de contact (incluant à présent l’It alie) se réunit à nouveau au cours du deuxième
semestre de 1997, appelant instamment à un «dialogue pacifique» et affirmant la position des pays

membres du groupe de contact de l’époque: «Nou s ne soutenons pas l’indépendance....Nous
sommes partisans d’un statut renforcé pour le Kosovo au sein de la RFY» 47. Comme la situation
empirait, le Conseil de sécurité adopta la résolu tion 1160, résolution en application du chapitre VII

imposant un embargo sur les armes à l’encontre de la RFY, encourageant les négociations entre la
RFY/Serbie et le Kosovo et appelant à «un st atut renforcé pour le Kosovo qui comprendrait une
48
autonomie sensiblement accrue et une véritable autonomie administrative.» Six mois plus tard, le
Conseil de sécurité se disait gravement préoccupé par les combats intenses au Kosovo, «en
particulier» par l’usage indiscriminé de la for ce par la RFY à l’égard des civils «qui [ont]

causé...le déplacement de plus de 230000pe rsonnes qui ont dû abandonner leurs foyers»,
affirmait que la détérioration de la situation au Kosovo «constitue une menace pour la paix et la

sécurité dans la région» et exigeait que les autorités de la RFY et les dirigeants albanais du Kosovo
«prennent immédiatement des mesures en vue...d’éviter le danger imminent de catastrophe
humanitaire» . 49

Le non-respect par la RFY des exigences des Na tions Unies fut suivi par des déclarations de

l’OTAN annonçant que l’organisation se préparait à recourir à la force afin d’éviter une catastrophe
humanitaire. Une intense initiative diplomatique, menée sur deux fronts par les ambassadeurs des
Etats-Unis RichardHolbrooke et ChristopherHill, et soutenue par le Conseil de sécurité et le
50
groupe de contact , aboutit à un accord signé par la RFY de cessez-le-feu et de survols de l’OTAN
pour vérifier le respect des dispositions de cet accord. La RFY conclut également un accord avec

l’OSCE prévoyant un retrait important du Kosovo d es forces de sécurité de la RFY/Serbie et une
mission d’observation de l’OSCE au Kosovo pour vé rifier le respect de la résolution 1199 du
Conseil de sécurité 51. Le Conseil de sécurité, agissant en vertu du chapitre VII, approuva ces

accords, notant que «la République fédérale de Yougoslavie a pris publiqueme nt l’engagement de
mener à bien d’ici au 2 novembre 1998 la négoci ation du cadre d’un règlement politique et
52
demandé que ces engagements soient scrupuleusement honorés» .

Parallèlement à cet accord, et pendant tout le mois de janvier 1999, l’ambassadeur Hill

négocia activement avec les représentants de la RFY/Serbie et du Kosovo un accord détaillé sur
l’autonomie pour le Kosovo. Si les négociations ne débouchèrent pas sur un accord final, les
efforts de médiation produisirent un texte qui reflét ait des va-et-vient notables entre les parties ; ce

texte constitua pour une large part le fondement du te xte qui devait être présenté par les médiateurs

46 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro).

47Déclaration des ministres des affaires étrangères du groupe de contact, New York, 24 septembre 1997 (réédité
dans Krieger, p. 21).

48Résolution 1160 (1998) du Conseil de sécurité, S/RES/1160, par. 5 [Pièce n 9]. Un précédent embargo sur les
armes avait été en grande partie suspendu à la suite de la conclusion des accords de Dayton. Résolution 1021 (1995) du
Conseil de sécurité, S/RES/1021 ; résolution 1074 (1996) du Conseil de sécurité, S/RES1l074.

49Résolution du Conseil de sécurité 1199 (1998), S/RES/1199 [Pièce n 17].
50 o
Déclaration du président du Conseil de s écurité, S/PRST/1998/25 du 24 août 1998 [Pièce n14] ; déclaration
du groupe de contact, Bonn, 8 juillet 1998 (réédité dans Krieger, p. 47-48).
51
OSCE-RFY, Accord sur la Mission de vérification de l’OSCE au Ko sovo, 16 octobre 1998 (réédité dans
Krieger, p. 88). OTAN-RFY, accord prévoyant la création d’un e mission de vérification aérienne au Kosovo, Belgrade,
15 octobre 1998 (réédité dans Krieger, p. 291).
52 o
Résolution 1203 (1998) du Conseil de sécurité adoptée le 24 octobre 1998, S/RES/1203, par. 2 [Pièce n 20]. - 14 -

53
internationaux à Rambouillet quelques mois plus tard . Parmi les éléments les plus importants du
texte de Hill figurait le fait que les accords obtenus étaient pré vus pour ne durer que pendant une

période transitoire. La question du statut fina l du Kosovo (sur laquelle les positions du Kosovo et
de la RFY/Serbie étaient diamétralement opposées) devait être laissée en suspens, et réétudiée au

bout d’une période de transition de trois mois durant laquelle la situation au Kosovo devait se
stabiliser et des institutions démocratiques devaient être à nouveau mises en place . 54

La mission d’observation de l’OSCE instituée en vertu des accords négociés par
l’ambassadeur Holbrooke commença à fonctionner en novembre 1998. Ses activités consistaient

non seulement à vérifier l’application du cessez-le-feu et du retrait des forces de la RFY et de la
Serbie mais aussi à déployer des efforts pour emp êcher le conflit armé par les négociations et la

médiation. Néanmoins, les combats se poursuiv irent dans certaines parties du Kosovo, la RFY
/Serbie et l’ALK ayant toutes deux intensifié leur s forces et activités militaires dans la province.
La mission de l’OSCE était présente au Kosovo pour signaler la découverte des corps de 45 civils

albanais de souche dans le village de Racak le 15 janvier 1999. Le Conseil de sécurité
«condamn[a] énergiquement le massacre d’Albana is du Kosovo perpétré dans le village de
55
Racak» . D’autres56roupes, parmi lesquels l’OSCE, l’ UE et le groupe de contact, réagirent de
façon similaire . Le groupe islamique aux Nations Unies se déclara

«consterné et révolté à propos du massacre de Racak, qui rappelait les crimes
généralisés de génocide et nettoyage ethni que perpétrés en Bosnie-Herzégovine, et

condamne énergiquement le massacre de civils innocents et la politique de nettoyage
ethnique menée actuellement par les Serbes au Kosovo.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

[et] condamn[a] [é]nergiquement les crimes contre l’humanité commis par les forces
57
de sécurité serbes au Kosovo» .

58
Deux semaines plus tard, avec l’appui explicite du Conseil de sécurité , le groupe de contact
appela les gouvernements de la RFY et de la Serb ie et les représentants des Albanais du Kosovo à
se rencontrer à Rambouillet, en France, afin de négoc ier et de conclure un accord intérimaire. Les

négociations devaient s’appuyer sur un ensemble de principes formulés par le groupe de contact,
qui prévoyaient, entre autres dispositions, un «méc anisme en vue d’un règlement final après une

période intérimaire de trois ans»; une admini stration autonome au Kosovo par des institutions
élues démocratiquement comprenant les organes légi slatif, exécutif et judiciaire du Kosovo; et la
59
participation si nécessaire de l’OSCE et d’autre entités internationales .

53
Les quatre textes successifs rédigés à l’issue de ces effo rts diplomatiques et documents y afférents sont visibles
dans Krieger, p. 155-187.
54
Voir par exemple, proposition finale de Hill, 27 janvier 1999, art. X 3) (réédité dans Krieger, p. 181).
55
o Voir par exemple, déclaration du président du Conseil de sécurité, S/PRST/1999/2, du 19 janvier 1999 [Pièce
n 24]
56
Communiqué de presse de l’OSCE, «Le président du Conseil permanent de l’OSCE consterné par les
massacres au Kosovo», 18 janvier 1999, di sponible sur le site: h ttp://www.osce/item/4807.html ; UE, déclaration de la
présidence de l’Union européenne sur le massacre de Ra cak, PRES/99/14, Bruxelles, 20 janvier 1999 (réédité dans
Krieger, p. 95) ; Groupe de contact, Conclusions du président, 22 janvier 1999 (réédité dans Krieger, p. 97)
57
Lettre en date du 26 janvier 1999 adressée au président duConseil de sécurité par le chargé d’affaires de la
Mission permanente du Qatar auprès de l’ Organisation des Nations Unies, annexe (déclaration du groupe islamique aux
Nations Unies sur la situation au Kosovo), S/1999/76, 26 janvier 1999.

58 Déclaration du président du Conseil de sécurité, S/PRST/1999/5, du 29 janvier 1999 [Pièce n 25].
59
Proposition des négociateurs du groupe de contact, 30 janvier 1999 (réédité dans Krieger, p. 256-57). - 15 -

Les négociations à Rambouillet furent difficiles mais donnèrent lieu, le 23 février 1999, à un
texte contenant les éléments politiques d’un «accord intérimaire de paix et d’autonomie au
Kosovo» qui prévoyait une administration autonome démocratique au Kosovo cependant que le

Kosovo continuait de faire partie de la Yougoslavie dans l’attente d’une réunion internationale qui
examinerait la question du futur statut du Kosovo. L’accord intérimaire prévoyait une présence

internationale civile massive au Kosovo disposan t de pouvoirs d’administration et de l’autorité
finale pour interpréter l’accord, ainsi qu’une for ce militaire de l’OTAN. La RFY devait conserver
une présence de sécurité définie et des pouvoirs fédéraux limités quoique importants sur le Kosovo.

L’accord stipulait, entre autres principales dispositions, que

«[t]rois ans après l’entrée en vigueur du présent accord, une réunion internationale
sera convoquée pour définir un mécanisme des tiné à un règlement définitif pour le
Kosovo, sur la base de la volonté du peuple, des opinions des autorités concernées, des

efforts de chaque partie relatifs à la mise en Œuvre du présent accord, et de l’acte final
d’Helsinki,» 60

Les parties et le groupe de contact s’engagèrent à se réunir à nouveau à la mi-mars. Le
15mars1999, à l’issue de consultations au Kosovo avec des dirigeants civils et des dirigeants de

l’ALK, le président de la délégation du Kosovo annonç61que «la présente délégation et moi-même
disons personnellement «oui» à cet accord» . Toutefois, la RFY répliqua avec un «accord
d’autonomie au Kosmet» révisé en profondeur qui supprimait les éléments principaux du projet

d’accord convenu, et notamment presque tout le dispositif international de supervision ainsi que la
référence à la «volonté du peuple» du Kosovo, et qui aurait permis des modifications de l’accord,
au bout de trois ans, uniquement avec l’accord unanime des signataires 62. Les co-présidents des

négociations décrivirent cet agissement comme une tentative de «remettre en cause les accords de
Rambouillet» et ajournèrent les négociations, conc luant qu’il n’y avait au cune raison de prolonger
les pourparlers .63

Compte tenu de l’impossibilité d’aboutir à une solution négociée à Rambouillet, les forces de
la RFY et de la Serbie lancèrent immédiatemen t une offensive massive, manifestement dirigée

contre l’ALK mais comportant des attaques visant la population albanaise de souche, qui forcèrent
des milliers de Kosovars à quitter leurs fo yers dès les premières vingt-quatre heures 64. Après

l’échec d’un ultime effort diplomatique pour obtenir de la RFY/Serbie qu’elle signe les accords de
Rambouillet, l’OTAN commença les opérations militair es le 24 mars. Elles furent immédiatement

60
Accord intérimaire de paix et d’autonomie au Kosovo, Rambouillet, 23 février 1999, chap. 8, art. 1 3) (réédité
dans Krieger, p. 261-278).
61Lettre d’accord de la délégation kosovare adressée aux ministres des affaires étrangères français et britannique,

15 mars 1999 (réédité dans Krieger, p. 280).
62République fédérale de Yougos lavie, Accord d’autonomie au Kosmet, Paris, 18 mars [sic] 1999 (réédité dans
Krieger, p. 280-286). Pour une version du document montrant les pa ssages de texte annulés et ajoutés, voir RFY, Projet

d’accord revisé, 15 mars 1999 (réédité dans Crisis, p. 480-490).
63Déclaration des co-présidents Hubert Vedrine et Robin Cook, Paris, 19 mars 1999 (réédité dans Krieger, p. 86).

64Mise à jour interorganisations de l’ONU du rapport su r la situation humanitaire au Kosovo 84, 22 mars 1999,
par.2 et 3, disponible sur le site: http://www.relie fweb.int.rw/rwb.nsf/db900sid/OCHA-64C89A?OpenDocument
&query=21%20March201999%20Kosovo ; déclaration de Mme Sadako Ogata, Haut commissaire pour les réfugiés des
Nations Unies, lors des consultations in tergouvernementales sur les politiques d’asile , de réfugiés et de migrations en

Europe, Amérique du Nord et Australie (lGC), Berne, 23 ma rs 1999, disponible sur le site : http://www.unhcr.org/admin
/ADMIN/3ae68fbf2.html. Voir également U. S. Department of State, Erasing Hist ory: Ethnic Cleansing in Kosovo, mai
1999, disponible sur le site: http:// www.state.gov/www/regions/eur/rpt_9905_ethnic_ksvo_l.html ; U.S. Department of
State, Ethnic Clea nsing in Kosovo: An Accounting, dé cembre 1999, disponible sur le sit:e
http://ww.state.gov/www/_global/human_rights/kosovoii/ homepage.html. - 16 -

suivies d’une intensification massive des attaqu es dirigées contre la population kosovare par les
forces yougoslaves/serbes . 65

Le Haut Commissariat des Nations Unies pour l es réfugiés faisait état, à la fin mai 1999, du
déplacement des Kosovars à la fois vers d’autres pays et à l’intérieur du Kosovo :

«13. Les déplacements forcés et expulsi ons d’Albanais de souche du Kosovo
ont brusquement gagné en ampleur, rapidité et brutalité.

14. Un grand nombre d’informations glanées sur le terrain confirment que les
forces militaires, les forces de police et les unités paramilitaires serbes ont mis en

Œuvre un programme soigneusement planifié et exécuté d’expulsions sans
ménagement d’Albanais de souche du Kos ovo. Plus de sept cent cinquante mille
Kosovars sont des réfugiés ou des personn es déplacées dans les pays et les territoires

voisins et, selon diverses sources, il y aurait des centaines de milliers de personnes
déplacées à l’intérieur du Kosovo. Ces déplacements semblent avoir affecté
pratiquement toutes les régions du Kosovo et certains villages de Serbie du sud, y

compris des localités qui n’ont jamais été visées par les frappes aériennes de l’OTAN
ou dans lesquelles ce que l’on nomme l’armée de libération du Kosovo (ALK) n’a
66
jamais été présente.»

L’OSCE estimait que plus de quatre-vingt-d ix pour cent de la population albanaise du

Kosovo avait été déplacée au début du mois de juin , lorsque les forces de la RFY/Serbie mettaient
un terme aux opérations militaires et se retiraient du Kosovo et que «seule une fraction réduite de la
population albanaise du Kosovo n’était pas déplacée par le conflit d’une façon ou d’une autre» 67.

Un rapport final du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en septembre faisait
état de «l’exode massif de plus d’un million d’Albanais de souche du Kos ovo», quasiment tous en
raison de violences directes ou de l’intimidation exercées par les forces de la RFY/Serbie . 68

En mai 1999, en réponse à ces atrocités, le Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie (TPIY) inculpait plusieurs fonctionnaires civils et officiers militaires de haut rang

de la RFY et de la Serbie, dont l’ancien préside nt Milosevic, pour crimes contre l’humanité et
violation des lois et coutumes de la guerre au Kosovo . En février 2009, dans l’affaire Milutinovic

et consorts, une chambre de première instance du TPI Y conc1ut, à propos de ces événements au
Kosovo pendant l’année 1999 :

«[I]l existait une vaste campagne de viol ence dirigée contre la population civile
albanaise du Kosovo..., menée par des forces pla cées sous le contrôle des autorités de
la RFY et de la Serbie...

65 Voir notamment, Milutinovic et al., jugement du 26 février 2009, vol.III, pa r.41-42, disponible sur le site:
http://www.icty.org/x/cases/milutinovic/tjug/en/jud090226-e30f4.pdf.

66 Rapport du Haut Commissaire aux droits de l’homme su r la situation des droits de l’homme au Kosovo,
République fédérale de Yougoslavie, E/CN.4/2000/7, 31 mai 1999, par. 13-15.
67
OSCE : «Kosovo/Kosova - As Seen, As Told» (1999), chap. 14 (Expulsion forcée), p. 1, disponible sur le site :
http://www.osce.org/publications/odihr/1999/11/17755_506_en.pdf.
68
Rapport de la Haut Commissaire aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme au Kosovo,
République fédérale de Yougoslavie, E/CNA/2000/10, 27 septembre 1999.
69 o
Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), affaire n IT-99-37, Le Procureur c . Slobodan
Miloševič, Milan Milutinovic, Nikola Sainovic, Dragoljub Ojdanic et Vlajko Stojiljkovic, Inculpation pour crimes contre
l’humanité et violations des lois ou coutumes de la guerre, 24 ma i 1999, disponible sur le :ite
http://www.un.org/icty/indictment/english/mil-ii990524e.htm. Miloševič a été jugé par le TPIY pour des crimes commis
au Kosovo et ailleurs, mais mourut avant la fin de son procès. - 17 -

Ce sont les actions délibérées de ces fo rces au cours de cette campagne qui ont
provoqué le départ d’au moins sept cent mille Albanais du Kosovo pendant cette
70
courte période allant de la fin du mois de mars au début du mois de juin 1999....»

Concluant qu’il existait «un objectif commun, à sav oir le recours à la violence et à la terreur

afin de forcer un nombre significatif d’Albanais du Kosovo à partir de chez eux et à passer la
frontière», le TPIY déclara coupables cinq défendeurs de la RFY/Serbie de participation à une
«entreprise criminelle commune en vue de modifier l’équilibre ethnique au Kosovo et de permettre

aux autorités de la RFY et aux autorités serbes de continuer à exercer leur contrôle sur cette
province» .71

S ECTION IV. L A RESOLUTION 1244 DU C ONSEIL DE SECURITE DE L ’ONU

Les efforts pour aboutir à un accord sur le Kosovo se poursuivirent pendant tout le
printemps1999, en grande partie sur la base des principes adoptés par le G-8 et préparés par une
72
équipe chargée des négociations composée de l’Union européenne, des Etats-Unis et de la Russie .
Ces principes s’appuyaient sur un travail diplomatique antérieur, en particulier le texte de Hill et les
textes mis au point à Rambouillet. Belgrade accep ta une version modifiée de ces principes (les
73
«Principes Ahtisaari-Tchernomyrdine») au début du mois de juin et, quelques jours plus tard,
conjointement à la conclusion d’un accord militaire technique 74, le Conseil de sécurité adopta la

résolution 1244.

L’adoption de la résolution 1244 empêch ait la RFY/Serbie d’exercer le pouvoir

gouvernemental au Kosovo, qui était remplacé, sous l’autorité des Nations Unies, par un cadre
politique et juridique destiné à guider le Kosovo dans son évolution.

Les principaux objectifs de la résolution consistaient notamment à :

⎯ mettre fin aux hostilités au Kosovo et assurer sa sécurité ;

⎯ mettre en place une administration internationale intérimaire au Kosovo en remplacement de

celle de la RFY /Serbie ;

⎯ créer des institutions provisoires d’auto-administration et transférer progressivement les

responsabilités administratives à ces dernières à la fois avant et après la détermination du statut
politique définitif du Kosovo ; et

⎯ faciliter un processus politique qui aboutirait à une solution définitive en ce qui concerne le
statut politique du Kosovo.

70Milutinovic et al., arrêt du 26 février 2009, vol.II, par.1156, disponible sur le s ite : http://www.icty.
org/x/cases/milutinovic/tjug/en/jud090226-e2of4.pdf.
71
Résumé de l’arrêt lu par le juge Bonomy, dans l’affaMilutinovic et al., 26 février 2009, disponible sur le
site : http://www.icty.org/x/cases/milutinovic/tjug/en/090226summary.pdf.
72
Déclaration du président à la fin de la réunion dos ministres des affaires étrangères du G-8 tenue au Centre de
Petersberg le 6 mai 1999, S/1999/516, 6 mai 1999 [Pièce n 29]; résolution du Conseil de sécurité 1244 (1999),
S/RES/1244, annexe 1 [Pièce n34].
73 o
Résolution du Conseil de sécurité 1244 (1999), S/RES/1244, annexe 2 [Pièce n 34]. Les principes portent le
nom des négociateurs internatio naux qui ont obtenu la signature de l’accà Belgrade, à savoir l’ancien président
finlandais Martti Ahtisaari et l’ancien premier ministre russe Viktor Tchernomyrdine.
74
Accord militaire technique conclu le 9 juin 1999 entreForce de sécurité internationale («KFOR») et les
Gouvernements de la République fédérale de Yougoslavie et de la République de Serbie [Pièce n 32]. - 18 -

Dans la réalisation de tous ces objectifs, il était im portant de faire en sorte que le Kosovo puisse se
développer sans subir de coercition de la part de la RFY/Serbie. Pour aider à atteindre ces

objectifs, la résolution 1244 prévoyait à la fois une présence internationale de sécurité et une
présence internationale civile.

La présence internationale de sécurité devait être déployée en étroite coordination avec le
retrait total des forces militaires, paramilitaires et de police de la RFY. La résolution énumérait les

tâches spécifiques confiées à la présence internationale de sécurité, à savoir démilitariser l’ALK,
maintenir le cessez-le-feu et assurer le maintien de l’ordre et de la sécurité publics jusqu’à ce que la
présence internationale civile puisse s’en charger. La présence de sécurité était assurée par la

«Force pour le Kosovo» (ci-après la KFOR) dirigée par l’OTAN.

Deux jours après l’adoption de la résolution 1244, le Secrétaire général annonça un ensemble
d’opérations confiées à une présence internationale civile, avec à sa tête un Représentant spécial du
Secrétaire général (ci-après «RSSG») et connue sous le nom de Mission d’administration
75
intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) .

Le cadre défini par la résolution 1244 établissait des responsabilités pour la présence

internationale civile, qui devaient être menées en différentes phases successives :

⎯ Une fois l’ordre rétabli immédiatement après le retrait des forces militaires de la RFY/Serbie,
la première tâche principale de la MINUK consistait à exercer les fonctions d’administration
civile de base et à organiser et superviser la mise en place d’institutions provisoires pour une
76
auto-administration autonome et démocratique .

⎯ A mesure que ces institutions seraient mises en place, la MINUK était chargée de transférer
progressivement ses responsabilités administratives civiles à ces institutions . 77

⎯ Par la suite, la MINUK devait faciliter un processus politique visant à déterminer le statut futur
du Kosovo, en tenant compte des accords de Rambouillet . 78

⎯ Enfin, la MINUK devait superviser le transfert des pouvoirs des institutions provisoires à celles
79
qui auraient été créées une fois déterminé le statut du Kosovo .

La résolution définissait également des res ponsabilités permanentes incombant à la MINUK

pendant toute son existence, cons istant notamment à faciliter la r econstruction des infrastructures
essentielles et le relèvement de l’économie ; en c oordination avec les organisations internationales
à vocation humanitaire, faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et des secours aux sinistrés ;

maintenir l’ordre public, notamment en mettant en place des forces de police locales et entre temps
en déployant du personnel international de police servant au Kosovo ; défendre et promouvoir les

droits de l’homme ; et veiller à ce que tous les réfugiés et toutes l80 personnes déplacées puissent
rentrer chez eux en toute sécurité et sans entrave au Kosovo .

Les dispositions politiques de la résolution 124 4 étaient particulièrement complexes. Le
préambule «réaffirm[ait] l’attachement de tous les Etats Membres à la souveraineté et à l’intégrité

75
Voir rapport du Secrétaire général du o2 juin 1999, établi en application du paragraphe 10 de la résolution 1244
(1999) du Consei1 de sécurité, S/1999/672 [Pièce n35].
76 o
Résolution 1244 du Consei1 de sécurité (1999), S/RES/1244, par. 11 a)-c) [Pièce n 35].
77 Résolution 1244 du Consei1 de sécurité (1999), S/RES/1244, par. 11 d) [Pièce n 35].

78 Ibid., par. 11 e).

79 Ibid., par. 11 f).
80
Ibid., par. 11 g)-k). - 19 -

territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et de tous les autres Etats de la région», mais
ajoutait une mention relative à l’acte final d’Helsinki et à l’annexe 2 de la résolution. En outre, les
paragraphes du dispositif prévoyaient l’exclusion co mplète, dans les faits, de la RFY/Serbie de

toute fonction administrative au Kosovo, la pr ésence civile devant mettre en place de nouvelles
institutions d’auto-administration sans aucune ré férence aux structures existantes ou antérieures 81.

Enfin, la résolution

«Décid[ait] que la solution politique de la crise au Kosovo reposera sur les

principes généraux énonc82 à l’annexe 1 et principes et conditions plus détaillés
figurant à l’annexe 2 ; Les deux annexes mentionnaient à leur tour la nécessité de
«[tenir] pleinement compte des accords de Rambouillet.» La prés ence civile était de

son côté chargée de «[f]aciliter un processus politique visant à déterminer le statut
futur du Kosovo, en tenant compte des accords de Rambouillet.» 83

S ECTION V. L A PERIODE DE L ’ADMINISTRATION PAR L ’ONU

La mise en Œuvre de la résolution 1244 fut entreprise par une série d’organes et de hauts
fonctionnaires de l’ONU ainsi que par l’OTAN, l’UE et l’OSCE. Entre 1999 et 2008, les présences
internationales protégeaient l’autonomie du Kosovo, tout en créant la place et le temps pour que les

institutions provisoires d’auto-administration soie nt mises en place au Kosovo. Néanmoins, la
RFY s’était fermement opposée, depuis le tout début, à des aspects essentiels de la mise en Œuvre

par la MINUK et la KFOR de la résolution 1 244, dénonçant notamment «la conduite illicite et des
violations directes des dispositions essentielles de la résolution et des documents y afférents par la
KFOR et la MINUK», et l’inaction du Conseil de sécurité qui n’avait pas pris les mesures
84
nécessaires pour veiller à sa mise en Œuvre «malgré ses obligations manifestes» .

Il y eut une grande agitation durant la période qui suivit le retrait des forces yougoslaves et

serbes, et notamment une violence généralisée de la part des Albanais du Kosovo, en particulier à
l’égard des Serbes du Kosovo et des sites culture ls serbes, ce qui poussa des milliers de Serbes à
quitter la province. Après avoir collaboré avec l’ OTAN pour rétablir l’ordre, la MINUK s’occupa

d’organiser le gouvernement local. En mai 2000, elle mit en place la Structure administrative
conjointe intérimaire (ci-après dénommée «JIAS»), constituée d’organes consultatifs composés de

membres appartenant aux communautés albanaise et serbe du Kosovo ainsi qu’à d’autres
communautés ; des services administratifs (en réa lité, des ministères) dirigés conjointement par du
personnel de la MINUK et du Kosovo ; et des conseils municipaux avec à leur tête du personnel de
85
la MINUK . Avec l’accord des partis politiques albanais de souche, la JIAS prévit expressément
la cessation des structures gouvernementales parallèles de la «République du Kosovo» qui avaient
été mises en place à la suite de l’adoption de la Constitution du Kosovo en septembre 1990.

Si la KFOR dirigée par l’OTAN exerça, dès le moment de son arrivée, son autorité sur tout
le Kosovo, il n’en fut pas de même pour la MINU K et les institutions d’administration autonome

qu’elle avait mises en place qui y parvinrent avec moins de régularité. Dès le début, et ce jusqu’à
la période qui suivit la destitution du président Miloševi č en septembre 2000, Belgrade tenta
activement de décourager les Serbes du Kosovo de participer à des structures destinées à leur

assurer un rôle plein et entier en travaillant au sein des institutions gouvernementales du Kosovo, et

81
Ibid., par. 3, 4, 5, 6, 9, 10 et 11, et annexe 2, par. 6.
82
Ibid., par. 1.
83Résolution 1244 (1999) du Consei1 de sécurité, S/RES/1244, par. 11 d) [Pièce n 35].

84Mémorandum du Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie sur la mise en Œuvre de la
résolution 1244 (1 mars2000) du Conseil de sécurité de l’ONU, disponible sur le site: http://www.arhiva.
serbia.sr.gov.yu/news/2000-03/06/17631.html.

85Règlement de la MINUK 2000/1 du 14 janvier 2000 [Pièce n 148]. - 20 -

les «structures parallèles» soutenues par Belgrade continuèrent d’exercer une autorité de facto dans
86
les zones à majorité serbe, en particulier dans celles du nord autour de Mitrovica .

Après les élections qui eurent lieu sur tout le territoire du Kosovo, le RSSG établit en
87
mai2001 un cadre constitutionnel de l’autonomie provisoire du Kosovo . Les institutions
provisoires d’administration autonome du Kosovo (PISG) comportaient une assemblée élue du

Kosovo ayant des sièges réservés aux communautés non majoritaires telles que les Serbes du
Kosovo et six autres communautés plus réduites, un président élu par l’Assemblée, un premier
ministre nommé par le président et approuvé pa r l’Assemblée, un gouvernement et des ministères,

et un pouvoir judiciaire désigné par l’Assemblée et nommé par le RSSG. Le cadre constitutionnel,
le fait mérite d’être souligné, ne faisait auc une référence aux institutions et structures de
88
l’administration de la RFY et de la Serbie d’avant 1999 .

En vertu du cadre constitutionnel, la MI NUK mit également en place des gouvernements
municipaux et une force de police du Kosovo supe rvisée par la MINUK. Il y eut quatre tours
d’élections tant pour l’Assemblée que pour les conseils d’administration locale. Au niveau

international, le Kosovo était représenté par la MINUK, qui concluait des accords pour le compte
du Kosovo . La MINUK émettait également ses propres documents d’identité et de voyage pour

les résidents du Kosovo, le nettoyage ethnique pr atiqué en 1999 s’étant tout particulièrement
employé à détruire les documents d’identité . 90

Au cours des sept années qui suivirent, le RSSG transmit progressivement le pouvoir aux
PISG. Le rythme des transferts s’intensifia en 2005, à la suite de la décision décrite plus avant

d’aller vers un démarrage du processus politique vi sant à déterminer le statut futur du Kosovo.
En2007, les PISG exerçaient des pouvoirs d’ administration très poussés au sein du Kosovo, à
91
l’exception de certaines prérogatives réservées au RSSG en vertu du cadre constitutionnel . Ces

86Lettre en date du 7 octobre 2005, adressée par le Secr étaire général au président du Conseil de sécurité
comportant en annexe le rapport de son envoyé spécial Kai Eide intitulé «Examen global de la situation au Kosovo»,
o
S/2005/635, du 7 octobre 2005, annexe, par.21, 23 [Pièce n 193]. Voir également, pa r exemple la déclaration
ministérielle du groupe de contact, Vienne, 24 juillet 2006, disponible su r le site: http ://www.diplomatie.
gouv.fr/en/IMG/pdf/statement_Vienne_24_juillet_version_finale.pdf ; déclaration ministérielle du groupe de contact,
New York, 20 septembre 2006, disponible sur le site : http://www.consilium.europa.eu/ueDocs/cmsData/docs
/pressData/en/déclarations/91037 .pdf.

87Règlement de la MINUK 2001/9 du 15 mai 2001 [Pièce n o156], amendé par la suite par les règlements de la
MINUK 2002/9 du 3 mai 2002 [Pièce n o157] et 2007/29 du 4 octobre 2007, disponible sur le site: http://www.

unmikonline.org/regulations/unmikgazette/02english/E2007regs/RE2007_29.pdf.
88La MINUK précisait que la législation applicable au Kosovo n’inclurait pas la lé gislation yougoslave adoptée
o
après le 22 mars 1989. Règlement de la MINUK 1o99/24 du 12 décembre 1999 [Pièce n 146]; Règlement de la
MINUK 2000/59 du 27 octobre 2000. [Pièce n 147].
89
Voir Note verbale datée du 12 mars 2004 adressée à la Mission permanente de l’Allemagne par le
Sous-Secrétaire gonéral aux a ffaires juridiques des Nations Unies concerna nt le pouvoir de la MINUK de conclure des
traités. [Pièce n 168]. La seule nouvelle obligation internationale co ntractée par les autorités de Belgrade acceptée
comme engageant le Kosovo était l’accord de mai 2001 sur la démarcation de la frontière avec la Macédoine, que le
Kosovo avait expressément accepté, comme les autres éléments du plan Ahtisaari, dans sa déclaration d’indépendance et
dans sa constitution. Proclamation de l’indépendance du Kosovo, par.8 [Pièce n o192]; Constitution de la République

du Kosovo (2008), art.143, disponible sur le site: http://www.Assemblée-kosova.org/common/docs/Constitution
1%20of%20the%20République%20of%20Kosovo.pdf.
90
Milutinovic et al., vol. III, par3.1-40, disponible sur le sit:ehttp://www.icty.org/x/cases
/milutinovic/tjug/en/jud090226-e2of4.pdf ; U.S. Department of Stat e, «Erasing History: Ethnic Cleansing in Kosovo»,
mai1999, disponible sur le site: http://www.st ate.gov/www/regions/eur/rpt 9905_ethnic_ksvo l.html; ibid., «Ethnic
Cleansing in Kosovo: An Accounting», décembre 1999, disponible sur le site : http:// www.state.gov/www/global/human
rights/ kosovoii/homepage.html. Voir également rapport du Haut Commissaire aux droits de l’homme sur la situation des
droits de l’homme au Kosovo, République fédérale de Yougoslavie, E/CN.4/2000/7, 31 mai 1999, par. 19.

91Voir notamment, rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administration inté rimaire des Nations Unies
au Kosovo du 28 septembre 2007, S/2007/582, par.28 et annexe [Pièce n o82]; rapport du Secrétaire général sur la

Mission o’administration intérimaire de s Nations Unies au Kosovo du 3 janvier 2008, S/2007/768, par.29 et annexe
[Pièce n 84]. - 21 -

prérogatives réservées incluaient le pouvoir de co ntrôler l’exercice des affaires étrangères du
Kosovo et le Corps de Protection du Kosovo, ainsi que d’exercer une surveillance plus étroite et de

participer au fonctionnement des services de police et de l’appareil judiciaire. Le RSSG disposait
également du pouvoir d’annuler toute décision des PISG qui serait, à son sens, contraire à la

résolution 1244; les RSSG qui se succédèrent u sèrent de cette prérogative à plusieurs occasions
jusqu’en 2005, notamment pour annuler les d écisions prises par l’Assemblée du Kosovo, les
92
ministères ou municipalités , et menacèrent également d’annuler certains actes, 93mme par
exemple le fait de proclamer l’indépendance, au cas où ils seraient accomplis .

S ECTION VI. L E PROCESSUS POLITIQUE VISANT A DETERMINER LE STATUT FUTUR DU K OSOVO

L’administration du Kosovo par l’ONU était pré vue pour être une mesure provisoire. La
MINUK assumerait temporairement le pouvoir gouvernemental au Kosovo, mais la résolution 1244

envisageait que, suite à une période «intérimai re» durant laquelle la capacité du Kosovo à
s’auto-administrer serait rétablie, un «processus politique» serait entamé pour tâcher de trouver une
solution au statut futur du Kosovo.

En avril 2002, le RSSG proposa de définir un ensemble d’«objectifs» qui devraient être

atteints par le Kosovo avant d’entamer le processus politique destiné à trouver une solution quant à
son statut, processus que le Conseil de sécurité a dopta sous le nom de politique des «normes avant
le statut» 94. Les objectifs initiaux concis se transformèrent en un plan de mise en Œuvre

particulièrement complexe qui serait, selon toute vraisemblance, réévalué périodiquement à partir
du milieu de l’année 2005 . 95

En mars 2004, toutefois, des émeutes anti-serbes généralisées au Kosovo qui se soldèrent par
un nombre considérable de victimes, la destruc tion de bon nombre de propriétés et la fuite de

nombreux Serbes mirent en évidence la fragilité de la situation politique existante. Le Secrétaire
général nomma un envoyé spécial, l’ambassadeur norvégien Kai Eide, chargé d’évaluer la situation

et de produire un rapport qui servirait de base au «jugement politique» du Secrétaire général «afin
de déterminer si les conditions actuelles permettaient d’entamer le processus politique de définition
du statut futur du Kosovo» . Dans un rapport initial, Eide faisait état d’un sentiment partagé selon

lequel la communauté internationale au Kosovo, dirigée par la MINUK, était «désorganisée, sans
direction ni cohésion interne», la «politique des «normes avant le statut» n’est pas crédible» et

affirmant que la principale cause de frustration et de stagnation au Kosovo ne «tient pas aux

92Voir notamment, «Décision» prise par le représentant spécial du Secrétaire général concernant la «résolution
relative à la protection de l’intégrité territoriale du Kosovo» du 23 mai 2002 [Pièce n 179] ; rapport du Secrétaire général

sor la Mission d’administration intéri maire des Nations Unies au Kosovo S/2008/458 du 15 juillet 2008, par.6 [Pièce
n 89].
93 Point de presse MINUK, 16 novembre 2005, p-.5, disponible sur le si:te

http://www.unmikonline.org/dpi/transcripts.nsf/p0401?OpenPage; Point de pr esse MINUK, 21 novembre 2005, p.3,
disponible sur le s: http ://www.unmikonline.org/DPI/Transcripts.nsf/0/8E2671F635881CFFC12570C1002AF5
1A/$FILE/tr211105.pdf. En 2002, en réponse aux projets de la Charte constituti onnelle de 2003 de l’Union d’Etats de
Serbie et Monténégro qui décrivait expressément le Kosovo («Kosovo et Metohija») comme faisant partie de la Serbie, le
RSSG déclara que ce projet «semble préjuger le statutdu Kosovo». Lettre en date du 6 novembre 2002 adressée au
président de l’Assemblée du Kosovo par le représentant spécial du Secrétaire général [Pièce n ; «Prise de position»
o
du représentant spécial du Secrétaire général du 7 novembre 2002 [Pièce n 187]. Voir également note 108 ci-après.
94Déclaration du président du Conseil de sécurité, S/PRST/2002/11 du 24 avril 2002 [Pièce n55] ; déclaration
o
du président du Conseil de sécurité, S/PRST/2003/1 du 6 février 2003 [Pièce n 61].
95 Plan d’application des normes pour le Kosovo, 31 mars 2004, di sponible sur le site: http:/www.

unmikonline.org/pub/mioc/ksip_eng.pdf; déclaration du président du Cons eil de sécurité, S/PRST/2003/26 du 12
décembre 2003 [Pièce n 65].
96
Lettre en date du 7 octobre 2005, adressée au président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général,
S/2005/635, 7octobre 2005, Appendico (Mandat de l’envoyé spécia l du Secrétaire général char gé de l’examen global de
la situation au Kosovo), p. 23 [Pièce n 193]. - 22 -

problèmes interethniques, mais découle de ce qui est à juste titre perçu comme une pénurie grave
de débouchés économiques et l’absence de perspective politique claire» 97. Dans un rapport

ultérieur, Eide notait que «l’on reprochait de plus en plus à [l’administra tion] internationale de
mener une opération d’endiguement et d’éluder [la] question cruciale [du statut futur]» et que le
98
mécontentement et la stagnation ne faisaient que croître au Kosovo . Eide soulignait par ailleurs
l’importance de résoudre la question du statut futur du Kosovo en vue d’améliorer sa situation

économique «précaire», le poids «décroissant» de s Nations Unies au Kosovo et les espoirs au
Kosovo comme en Serbie d’un lancement du processus qui servirait à déterminer le statut futur. Il
concluait que la situation existante ne pouvait pas perdurer indéfiniment 99. Eide recommandait au

Secrétaire général d’entamer le processus relatif au statut futur, tout en avertissant que «une fois
lancé, le processus ne doit pas être bloqué et devra être mené à son terme» 10.

Le Conseil de sécurité approuva cette reco mmandation, accueillit favorablement la décision
du Secrétaire général de nommer l’ancien préside nt finlandais Martti Ahtisaari comme envoyé

spécial pour conduire le processus politique et en couragea la participation active du groupe de
contact visant à apporter son soutien au processus 101. En réponse à cette invitation, le groupe de

contact reprit la conclusion de Ei de selon laquelle le processus ne de vait pas être bloqué et devait
être mené jusqu’à son terme et pendant ce process us «demand[a] aux parties d’y participer de
bonne foi et de manière constructive [et] de s’abstenir de toute mesure unilatérale» 102. Il adopta un

ensemble de «principes directeurs» qui soulignaient l’importance d’un renforcement de la sécurité
dans la région, la nécessité de ga rantir que l’on ne revienne pas à la «situation d’avant mars 1999»
103
et d’éviter la partition du Kosovo ou son union avec tout autre pays .

En janvier 2006, le groupe de contact f it savoir à nouveau à Belgrade que les «pratiques

désastreuses du passé se trouvent au cŒur des problè mes actuels», soulignant que «le règlement
doit, entre autres, être accept able pour la population du Kosovo» 104, position qui avait également

été exprimée à travers la référence faite à la «volonté du peuple» incluse dans les accords de
Rambouillet.

Au cours des quatorze mois qui suivirent, l’ envoyé spécial Ahtisaari organisa et participa
aux pourparlers sur les questions politiques et techniques entre les délégations de Belgrade et

Pristina, mena de longues négociations avec les parties et consulta abondamment la MINUK et
d’autres experts. Le groupe de contact fut égal ement très actif, rappelant à maintes reprises aux
parties qu’«aucune des parties» ne pouvait entraver le processus visant à déterminer le statut du

Kosovo, et faisant remarquer que

97Lettre en date du 17 novembre 2004 adressée au président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général,
o
S/2004/932 du 30 novembre 2004, annexe l, Pièce jointe (rapport sur la situation au Kosovo), p. 2-4 [Pièce n 71].
98Lettre en date du 7 octobre 2005 adressée au président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général,

comportant en annexe le rapport de son envoyé spécialo Ka i Eide, intitulé «Examen global de la situation au Kosovo»
S/2005/635, du 7 octobre 2005, annexe, par. 5 [Pièce n193].
99
Ibid., par. 26, 32, 39, 26, 65-66, 79, 86.
100Lettre en date du 7 octobre 2005 adressée au présiden t du Conseil de sécurité pa r le Secrétaire général,

comportant en annexe le rapport de son envoyé spécial, Ka o Eide, intitulé «Examen global de la situation au Kosovo»
S/2005/635, du 7 octobre 2005, annexe, par. 62, 70 [Pièce n193].
101 o
Déclaration du président du Conseil de sécurité, S/PRST/ 2005/51 du 24 octobre 2005 [Pièce n 195] ; Lettre
en date du 10 novembre 200o adressée au Secrétaire général par le présiden t du Conseil de sécurité, S/2005/709 du
10 novembre 2005 [Pièce n 197].
102
Lettre en date du 10 novembre 2005 adressoe au Secrétaire général par le président du Conseil de sécurité,
S/2005/709, 10 novembre 2005, annexe, p. 2 [Pièce n 197].
103
Ibid., p. 3, par. 6.
104
Déclaration du groupe de contact sur le futur du Kos ovo, Londres, 31 janvier 2006, disponible sur le site:
http://pristina.usembassy.gov/press20060131a.html. Aucune mention n’a été faite à propos du point de vue du peuple de
Serbie. - 23 -

«Pristina a fait preuve de flexibilité dans les pourparlers sur la décentralisation.
Cependant, Pristina devra faire preuve de plus de détermination sur de nombreux
points pour que le processus menant au statut futur soit mené à son terme de façon

positive...

Belgrade doit montrer beaucoup plus de flexibilité dans les pourparlers qu’elle
ne l’a fait jusqu’à présent. Belgrade do it commencer à considérer des compromis
raisonnables et viables pour de nombreuses questions qui font l’objet des discussions,
105
notamment la décentralisation.»

Reconnaissant les différences persistantes entre les parties s’agissant de la question de

l’indépendance, le groupe de contact invita en septembre Ah tisaari à préparer une «proposition
globale pour un règlement du statut» qui servirait de base pour faire avancer le processus de
négociation 106.

En ce qui concerne la question fondamentale du statut, toutefois, les deux parties entamèrent
et finirent les discussions sur des positions diamétralement opposées, positions qui n’avaient pas

essentiellement changé depuis Rambouillet. Le Kos ovo insistait sur l’indépendance, alors que la
Serbie se montrait tout aussi inflexible, exigeant que le Kosovo devait continuer à faire partie de la

Serbie même s’il devait disposer d’une certaine forme d’autonomie. Comme devait le résumer plus
tard Ahtisaari, «le développement du Kosovo depuis [1999] ... s’est accompagné de l’espoir pour la
vaste majorité de sa population que le Kosovo accède rait à l’indépendance dans un avenir proche»,

alors que «les attentes des Serbes allaient dans le sens d’un élargissement du statut juridique
imprécis existant, avec une souveraineté confirmée de la Serbie sur le Kosovo comme principe de
base» 107.

En octobre 2006, au plus fort des négociati ons, le Gouvernement serbe proposa et organisa
de façon soudaine un référendum sur un nouveau projet de constitution qui comportait un
108
préambule décrivant expressément la Serbie comme «un Etat du peuple serbe» . En effet, la
constitution faisait clairement appara ître son intention tactique de soutenir la position de la Serbie
dans les négociations en excluant toute possibilité pour ses négociateurs d’accepter tout statut futur

en vertu duquel le Kosovo ne continuerait pas à faire partie de la Serbie. Fait étonnant, la Serbie ne
fit aucun effort pour associer les Albanais du Kos ovo à l’élaboration de cette constitution ni pour
109
inscrire les Albanais du Kosovo sur les listes d’électeurs . Le texte de la constitution ne
comportait aucune précision quant au contenu ni à l’étendue de l’autonomie qui devait être

105
Déclaration ministérielle du groupe de contact, Vienne, 24 Juillet 2006, disponible sur le site:
http://www.diplomatie.gouv.fr/en/IMG/pdf/statement Vienne 24 juillet version_finale.pdf.
106 Déclaration ministérielle du groupe de contact, New York, 20 septembre 2006, disponible sur le site:

http://www.consilium.europa.eu/ueDocs/cms_Data/docs/pressData/en/declar….
107 Martti Ahtisaari, «Kosovo Is Not the Problem - Is Serbia?», in «The Ahtisaari Legacy: Resolve and
Negotiate» (2008), p. 19-20.

108Constitution de Serbie, 30 septembre 2006, disponible sur le site: http://www.mfa.gov.yu/YugFrameset.htm.
La constitution de Serbie de 1990, en revanche, ne mentionnait auc unement le Kosovo. La Charte constitutionnelle de
2003 de l’Union d’Etats de Serbie et Monténégro décriv ait le Kosovo comme faisant partie de la Serbie. Voir note 93

supra.
109 Commentaires du premier ministre Vojislav Kostuni ca, communiqué de presse, Gouvernement de Serbie,
«New constitution combines both stat e and national interests,» disponi ble sur le sit:ehttp://www.

srbiia.gov.rs/vesti/vest.php?id=27231. A peine 90 000 électeurs se rendirent aux urnes au Kosovo – moins d’un dixième
du nombre d’électeurs qui auraient pris part au vote sur la constitution de la République du Kosovo en 1991. Voir
Agence centrale du Kosovo pour la conduite du référendum, Résultats, 7 octobre 1991 (réédité dans Crisis, p. 72).

Voir également Centre pour des électi ons libres et la démocratie, Estimations des résultats des élections:
Référendum de confirmation de la proposition de constitution de la République de Serbie, disponible sur le site:
http://www.cesid.org/eng/rezultati/sr_okt_2006/index.jsp. Le taux de participation total et la proportion de «oui» ayant à
peine dépassé les minima pré vus par la constitution, l’exclusion des Al banais du Kosovo se révéla critique pour
l’adoption de la constitution. - 24 -

accordée au Kosovo et ne prévoyait pas non plus de garantie consacrée c onstitutionnellement de
cette autonomie. La Commission de Venise du Conse il de l’Europe conclut en conséquence que la
constitution «ne garantit aucunement l’autonomie renforcée du Kosovo, car il appartient à

l’Assemblée nationale de la République de Serbie de dire si l’auto nomie provinciale sera effective
ou non» 110.

Au début du mois de février 2007, l’envoyé spécial Ahtisaari fournit à la Serbie et au
Kosovo un projet de proposition globale pour le règlement du st atut du Kosovo. Le document
n’abordait pas directement la question du statut ; il mettait plutôt l’accent sur les dispositions de

fond destinées à garantir les droits de toutes les communautés ethniques au Kosovo, y compris les
structures gouvernementales garantissant une protection très étendue des intérêts des Serbes du
Kosovo et d’autres communautés non majoritaires. Toutefois la Serbie rejeta le texte au motif qu’il

«ne prend pas en considération la souveraineté et l’ intégrité territoriale de la République de Serbie
en ce qui concerne le Kosovo-Metohija» et qu’il était dès lors non conforme à l’exigence contenue

dans la constitu111n nouvellement adoptée que l es négociateurs serbes défendent sa souveraineté
sur le Kosovo .

La proposition en elle-même contenait des éléments devant être inclus dans une constitution
du Kosovo, des dispositions détaillées quant aux protections des diverses communautés du Kosovo,
et prévoyait une décentralisation très poussée c onfiant de nombreuses fonctions gouvernementales

à une administration locale disposant de larges pouvoirs. Elle prévoyait également des présences
internationales civile et militaire destinées à remplacer la MINUK chargées de superviser le
Kosovo ⎯à la demande du Kosovo ⎯ pendant une période de trans ition, le temps de mettre en

application les dispositions de la proposition. La présence internationale civile serait dirigée par un
Groupe de pilotage international constitué des pays faisant partie du groupe de contact, ainsi que de
l’Union européenne, la Commission européenne et l’OTAN, qui avaient tous pris part de façon

croissante aux délibérations du gr oupe de contact. La présence internationale civile aurait
compétence (à l’instar de celle du haut repr ésentant en Bosnie-Herzégovine instituée par les
accords de Dayton) pour interpréter les dispositi ons de la Proposition globale et prendre des
112
mesures rectificatives contraignantes pour préserver son intégrité .

Le 26 mars 2007, Ahtisaari adressa au Secr étaire général sa Proposition globale de

Règlement portant statut du Kosovo («Proposition globale de règlement» ou «CSP», aussi désignée
couramment sous le nom de «plan Ahtisaari»), jointe à des recommandations sur le statut. Dans un

rapport qui accompagnait la proposition, Ahtisaari concluait :

«Ayant interrogé attentivement l’hist oire récente du Kosovo et ses réalités
présentes et tenu des négociations avec les parties, je suis parvenu à la conclusion que

la seule option viable pour le Kosovo est l’ indépendance, en un premier temps sous la
supervision de la communauté internationale.» 113

Les raisons citées par Ahtisaari pour aboutir à cette conclusion étaient, parmi d’autres, que
les deux autres options de base pour le statut futur du Kosovo ⎯administration serbe ou

administration par l’ONU pour une durée indéfinie ⎯ étaient soit irréalisables, soit non viables :

110Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), avis 405/2006 sur la
Constitution de Serbie, 19 mars 2007, par.8, disponible sur le site: ht tp://www.venice.coe.int/docs/2007/CDL-

AD(2007)004-e.asp.
111Parlement serbe, résolution sur la «proposition globale pour le règlement du statut du Kosovo de l’envoyé
spécial de l’ONU Martti Ahtisaari», 2 février 2007, disponible sur le site : http://www.mfa.gov.yu/Foreinframel.htm.

112Le texte de la proposition globale es t disponible dans la lettre en date du 26 mars 2007 adressée au président
du Conseil de sécurité par le Secrétaire général, Add, Proposition globale de Règlement portant statut du Kosovo,
S/2007/168/Add.1 du 26 mars 2007 [Pièce no204].

113Rapport de l’envoyé spécial du Secrétaire général sur le statut futur du Kosovo, S/2007/168 du 26 mars 2007,
par.5 [Pièce n 203]. - 25 -

«7. Depuis huit ans, le Kosovo et la Serbie sont administrés comme deux entités

totalement à part. Par suite de la créati on de la Mission des Nations Unies au Kosovo
(MINUK) par la résolution 1244 (1999), qui a assumé tous les pouvoirs législatifs,
exécutifs et judiciaires dans tout le Kosovo, il est de fait que la Serbie n’exerce plus

aucune fonction gouvernementale au Kosovo. Cet état de fait indéniable est
irréversible. La restauration du pouvoi r serbe au Kosovo serait inacceptable pour
l’écrasante majorité de sa population. Belg rade ne pourrait rétablir son pouvoir sans

provoquer une violente opposition. L’autonomie du Kosovo à l’intérieur des
frontières de la Serbie ⎯ aussi théorique soit-elle ⎯ est tout simplement intenable.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

8. La MINUK a beaucoup accompli au Ko sovo, mais celui-ci ne saurait rester
indéfiniment sous administration internationale.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

9. En outre, si la MINUK a favorisé l’essor des institutions autonomes locales,

elle n’a pu créer une économie viable. Du fait de l’incertitude entourant son statut
politique, le Kosovo n’a pu accéder aux institu tions financières internationales ni
s’intégrer pleinement à l’économie régiona le ou mobiliser les capitaux étrangers dont

il a besoin pour se doter d’une infrastructure de base et résorber la pauvreté et le
chômage généralisés. A la différence de nombre de ses vo
isins des Balkans
occidentaux, le Kosovo ne peut non plus pa rticiper utilement à un véritable processus

d’adhésion à l’Union européenne ⎯ puissant moteur de réforme et de développement
économique dans la région et moyen le plus efficace de poursuivre l’entreprise
cruciale d’application des normes. En br ef, la faiblesse de l’économie du Kosovo est

une cause d’instabilité sociale et politique et le relèvement ne peut s’opérer dans le
statu quo de l’administration internationale.»

Le Secrétaire général adressa le rapport et les recommandations d’Ahtisaari au Conseil de

sécurité, déclarant: «Je souscris pleinement aux recommandations formulées par mon envoyé
spécial dans son rapport sur le statut futur du Kosovo et à la proposition globale de règlement
portant statut du Kosovo.» 114 Après présentation de la proposition de l’envoyé spécial au Conseil

de sécurité le 3avril, l’Assemblée et le G ouvernement du Kosovo acceptèrent officiellement la
proposition. La Serbie exigea que des négocia tions redémarrent sous l’égide d’un nouveau
médiateur 115.

Par la suite, des discussions eurent lieu à New York pour savoir si une résolution du Conseil
de sécurité sur la situation au Kosovo s’imposait. Les partisans de cette solution considéraient
qu’une nouvelle résolution serait la meilleure façon de définir des mandats clairs, en application du

chapitreVII, pour les missions du Représentant ci vil international (RCI) et de l’UE envisagées
dans la proposition Ahtisaari, et de mettre progressivement fin au mandat de la présence
internationale civile établie en 1999, dont le pa ragraphe 19 de la résolution 1244 avait prévu qu’il

se poursuivrait tant que le Conseil de sécurité n’en aurait pas décidé autrement. D’un point de vue

114
Lettre en date du 26 mars 2007 adressée au président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général
transmettant le rapport de l’envoyé spécial du Secréaire général sur le statufutur du Kosovo, S/2007/168 du
26 mars 2007 [Pièce n203].
115Discours du premier ministre Vojislav Kostunica au Conseil de sécurité de l’ONU, 3 avril 2007, disponible sur
le site : http://www.mfa.gov.yu/Foreinframel.htm. - 26 -

politique, une résolution était considérée comme une façon de contribuer à construire et consolider
un soutien politique pour le Kosovo 116.

Lorsqu’il apparut que les discussions tenues à New York ne pouvaient déboucher sur un
consensus politique 117, le groupe de contact proposa alors la formation d’une «troïka» constituée de

négociateurs aguerris pour étudier, sur une péri ode de 120 jours commençant début août, si un
accord serait possible. Insistan t à nouveau sur le fait que «[l]a communauté internationale doit

trouver une solution» et que «[l]e statu quo ne peut être indéfini», le Secrétaire général accueillit
avec satisfaction cette proposition et demanda un rapport pour le début décembre 2007 118. Après
une réunion tenue à la mi-septembre avec les négociateur s de la troïka et le Secrétaire général, le

groupe de contact «entérina sans réserve l’évaluation du Secrétaire général de l’ONU selon laquelle
le statu quo ne pouvait être indéfini» et déclara qu’«un règlement rapide de la question du statut du

Kosovo était 119cial pour la stabilité et la sécurité des Balkans occidentaux et de l’Europe dans son
ensemble» . Le groupe de contact a «réaffirmé que la recherche d’un règlement négocié ne
devrait pas masquer le fait qu’aucune des parties ne peut unilatéralement empêcher le processus de
120
détermination du statut d’avancer.»

121
S’engageant à «remuer ciel et terre» , la troïka mena des négociations intenses avec le
Kosovo et la Serbie. Celles-ci prirent la forme d’entretiens face à face avec chaque partie et de pas
moins de sept sessions communes, dont une réunion fi nale de trois jours au cours de laquelle les

parties explorèrent un large éventail de possibilités pour structurer leurs re lations dans un souci
d’identifier toute démarche pouvant aboutir à un acco rd entre les parties. La troïka alla même

jusqu’à envisager l’éventualité d’une partition territoriale, option qui avait été expressément exclue
par les principes directeurs du groupe de contact qu i faisaient partie du mandat de la troïka; les
deux parties, ainsi que le groupe de contact lu i-même, rejetèrent cette éventualité. Si ces

négociations permirent aux parties de mener «dir ectement un dialogue de haut niveau, le plus
soutenu et le plus intense qu’elles aient te nu depuis la fin des hostilités au Kosovo en 1999» 122, les

efforts de la troïka furent vains. Le 10 déce mbre, le Secrétaire général adressa au Conseil de
sécurité le rapport de la troïka selon lequel les parties n’avaient pu parvenir à un accord sur le statut
du Kosovo en raison de leurs divergences de vue fondamentales persistantes concernant la question
123
essentielle de la souveraineté .

L’envoyé spécial Ahtisaari, av ec l’appui plein et entier du Secrétaire général, avait

auparavant déclaré que le processus politique envi sagé dans la résolution 1244 n’avait pas connu
une issue positive. Avec l’échec des négociations de la troïka, il était clair que tout espoir d’aboutir

116
Conformément au plan Ahtisaari tel qu’il était rédigé, il y aurait eu une période de transition à la fin de
laquelle le mandat de la MINUK aurait expi ré. L’absence, à cette époque, d’une résolution du Conseil de sécurité pour
mettre fin au mandat de la MINUK compli quait les dispositions prévues pour le pa ssage à un régime de supervision
internationale envisagé par le rapport Ahtisaari pour un Koso vo indépendant, même si, dans la pratique, il y eut une
coordination sur le terrain et, dans l’ensemble, la supervision internationale du Kosovo s’effectua de façon satisfaisante.

117Lettre en date du 17 août 2007 adressée au président du Conseil de sécurité par le représentant permanent de la
Chine aux Nations Unies, S/2007/473, annexe, p. 7.

118Lettre en date du 10 décembre 2007 adressée au président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général,
S/2007/723 du 10 décembre 2007, annexe 1 (déclaration du Secrétaire général sur la nouvelle initiative concernant le
Kosovo 1 août 2007), par. 7-9 [Pièce n 209].

119 Ibid., annexe III (déclaration des ministres du groupe de contact sur le Kosovo, New York,
27 septembre 2007).

120Ibid.

121Ibid., pièce jointe (rapport de la troïka pour le Kosovo constituée de l’Union européenne, des Etats-Unis
d’Amérique et de la Fédération de Russie, 4 décembre 2007), p. 2, par. 5.

122Ibid.
123
Lettre en date du 10 décembre o007 adressée au président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général,
S/2007/723 du 10 décembre 2007 [Pièce n 209]. - 27 -

à un accord entre la Serbie et le Kosovo sur le statut futur du Kosovo s’était évanoui. Comme la
troïka l’exprimait :

«Tout au long des négociations, les deux parties ont pleinement participé aux
travaux. Toutefois, après 120 jours de négoc iations intenses, elles n’ont pu parvenir à

un accord sur le statut du Kosovo. Ni l’une ni l’autre n’était disposée à céder sur la
question essentielle de la souveraineté.» 124

125
Le processus politique qui avait été conçu « pour déterminer le statutfutur du Kosovo»
s’était poursuivi avec créativité et ténacité, et avait bénéficié du so lide soutien de la communauté

internationale. Au bout du compte , toutefois, les divergences de vue entre les parties étaient tout
simplement trop importantes pour aboutir à un résulta t qui fût acceptable à la fois pour Belgrade et

pour Pristina.

S ECTION VII. L A DECLARATION D ’INDEPENDANCE

Avec l’échec des pourparlers tenus sous les auspices de la troïka et du processus politique en

application de la résolution 1244 d’aboutir à un accord entre les deux parties, il apparut que la
question qui se posait n’était plus de savoir si le Kosovo déclarerait son indépendance mais plutôt

quand il le ferait. Dans les jours et semaines qui précédèrent le 126février 2008, la Serbie se livra à
d’intenses manŒuvres de pression contre l’indépendance . Dans le même temps, les dirigeants
élus du Kosovo consultaient abondamment la MINUK, les gouvernements concernés et d’autres, à

Pristina et ailleurs, à propos de leur intention de déclarer leur indépendance. Un des objectifs
principaux était de veiller à ce qu’il y ait une coordination totale entre les présences internationales

créées en application de la résolution 1244 et cell es qui avaient été mises en place dans le cadre de 127
la mise en Œuvre des obligations du Kosovo dé finies dans la Proposition globale de règlement .
Les représentants des bureaux de liaison étrangers à Pristina, dont ceux des Etats-Unis et d’Etats

membres de l’Union européenne, furent alors co nviés à assister à la séan ce extraordinaire de
l’Assemblée du Kosovo le 17 février 128, au cours de laquelle le président du Kosovo, le Premier

ministre et des parlementaires se réunirent pour a dopter et signer la déclaration d’indépendance,
cependant que des milliers de pe rsonnes célébraient dans le même temps l’événement dans le
centre de Pristina.

La déclaration elle-même exprimait «la volonté de notre peuple» d’accéder à l’indépendance
et proclamait le Kosovo «Eta t indépendant et souverain» 129. Le Kosovo s’engageait expressément

à honorer scrupuleusement les obligations qui lui incombaient énoncées dans le plan Ahtisaari, «en
particulier celles qui ont pour objet de protéger et promouvoir les droits des communautés et de
130
leurs membres» . Dans diverses autres dispositions de la déclaration d’indépendance, le Kosovo

124
Lettre en date du 10 décembre 2007 adressée au président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général,
S/2007/723 du 10 décembre 2007, pièce jointe (rapport de la tr oïka pour le Kosovo constituée de l’Union européenne,
des Etats-Unis d’Amérique et de la Fédération de Russie, 4 décembre 2007), p. 4, par. 11 [Pièce n

125Résolution 1244 du Conseil de sécurité (1999), S/RES/1244 [Pièce n 34].
126
Lettre en date du 12 février 2008 adressée au président du Conseil de Sécurité par le représentant permanent
de la Serbie auprès de l’Organisation des Nations Unies, S/2008/92, 12 février 2008.
127
Judah, p. 142.
128
Compte rendu de la séance plénière extraordinaire de l’Assemblée du Kosovo réunie le 17 février 2008 sur la
proclamation de l’indépendance [annexe 2].
129 o
Proclamation de l’indépendance du Kosovo, par. 1 [Pièce n 192].
130 Ibid., par. 3. Voir également rapport du Secrétaire généra l sur la Mission d’admini stration intérimaire des
Nations Unies au Kosovo, S/2008/211 du 28 mars 2008, annexe 1 [Pièce n 86] (affirmant qu’aux termes de la

déclaration d’indépendance, «le Kosovo s’ est engagé à poursuivre l’application de s réformes requises pour l’intégration
européenne», et notant que le Kosovo s’est engagé «à s’acquitt er de l’obligation de protéger et promouvoir les droits de
toutes les communautés»). - 28 -

invitait et accueillait les présences internationales civile et militaire créées en application de la
résolution 1244 ; aspirait à intégrer les institutions euro-atlantiques ; exprimait sa gratitude envers
les Nations Unies pour le travail accompli à reconstruire le pays après la guerre et à mettre en place

des institutions démocratiques; enfin il souligna it qu’il s’engageait à respecter ses obligations
internationales, qu’il se consacrerait à la paix et à la stabilité dans la ré gion et qu’il souhaitait
131
établir des relations d’amitié et de coopération avec la République de Serbie et tous les Etats . La
déclaration se terminait par la déclaration so lennelle affirmant que le Kosovo «s’engageait
juridiquement à respecter les dispositions contenues dans la présente déclaration» 132.

Dans les jours qui suivirent la proclamation de l’indépendance, les Etats-Unis et quatre des
cinq autres membres du groupe de contact reconnuren t l’indépendance du Kosovo, et dans les trois

semaines suivantes, la plupart des autres membres de l’Union européenne firent de même. Dans le
même temps, la Serbie «exige[ait]» dans une lettre adressée au Secrétaire général que le RSSG use
de son autorité pour invalider la déclaration en ce qu’elle constituait une violation de la
133
résolution 1244 . Lors d’une réunion du Conseil de Sécurité de l’ONU, le 18 février, le président
BorisTadic demanda au Secrétaire général de don ner ordre au RSSG de déclarer la déclaration
134
nulle et non avenue ; le représentant perm135nt de la Russie fit une requête similaire . Toutefois,
le RSSG ne prit pas une telle décision .

A la mi avril2009, 57pays, représentant chaque continent, avaient annoncé qu’ils
reconnaissaient l’indépendance du Kosovo.

SECTION VIII. L E K OSOVO INDEPENDANT

Bien que la question dont la Cour est saisie ne porte pas en elle-même sur le statut actuel du
Kosovo, un bref examen des faits marquants surv enus depuis la déclara tion d’indépendance est
utile pour compléter le panorama de l’histoire r écente du Kosovo, de l’autonomie au sein de la

République fédérale socialiste de Yougoslavie dans les années 19 70 et 1980 à la répression féroce
des années 1990, puis à la reconstruction sous la tutelle des Nations Unies dans la première moitié
de la décennie 2000-2010, et enfin à la stabilité et la maturité dans le c ontexte de l’indépendance

actuelle. Cette histoire confirme combien la d écision du Kosovo de proclamer son indépendance
était une décision raisonnable, et explique pourquoi le pays a recueilli un soutien si généralisé à

l’échelle internationale.

Ces événements survenus après l’indépendance peuvent être résumés en étudiant quatre

facteurs principaux qui ont incité les Etats-Unis à apporter leur soutien au Kosovo et à reconnaître
son indépendance le 18 février 2008.

Tout d’abord, si l’enchaînement et la nature des événements qui ont conduit à
l’indépendance du Kosovo ont été exceptionnels, il existait des similitudes notables entre la
situation à laquelle le Kosovo faisait face en 2008 et celle à laquelle avaient été confrontées les

anciennes républiques de l’ex-Yougoslavie qui avaient accédé à l’indépendance au début des
années 1990 136. L’ancien Etat fédéral et le systèm e d’équilibre des pouvoirs prévu par la
constitution avaient disparu, et une campagne de violence orchestrée par Belgrade avait provoqué

131Voir Proclamation de l’indépendance du Kosovo, par. 5-12 [Pièce n 192].
132 o
Voir ibid., par. 12 [Pièce n 192] ; voir également chapitre IV, section IV, infra.
133
Lettre en date du 17 février 2008 adressée au Secrétagénéral par le représentant permanent de la Serbie
auprès de l’OrganisationodesNations Unies. A/62/703-S/2008/11 , du 19 février 2008, annexe (Lettre du président
Boris Tadic), p. 2 [Pièce n2].
134 e
Conseil de sécurité, soixante-sixième année, 5839 séance, S/PV/5839, 18 février 2008, p. 5-7.
135Voir infra chapitre V, sect. VII.

136Voir Stjepan Mesic, «Kosovo-A Problem that Tolerates No Delay» [annexe 1]. - 29 -

des souffrances humaines généralisées. En choi sissant d’accorder leur reconnaissance au Kosovo,
les Etats-Unis avaient donc présentes à l’esprit des considérations fondamentales similaires à celles
qui avaient motivé leur reconnaissance de la Slovénie, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine en

avril1992, et de la Macédoine en février 1994, à la suite de la dissolution de l’ancienne
Yougoslavie.

Deuxièmement, en se fondant sur leur évaluati on de l’évolution de la situation au Kosovo
durant la période d’administration par la MINUK, les Etats-Unis étaient satisfaits de constater que

la viabilité du Kosovo en tant qu’Etat ne pouvait p as être mise en doute et qu’il remplissait les
critères définissant un Etat énoncés à l’article premier de la convention de M ontevideo de 1933 : 1)
une population permanente, 2) un territoire défini, 3) un gouvernement en exercice, et 4) la capacité
137
à engager des relations avec l’étranger . L’examen de ces critères avait de même été un élément
fondamental de la reconnaissance par les Etats- Unis d’autres Etats qui souhaitaient accéder à
l’indépendance dans l’ex-Yougoslavie au début des années 1990.

Troisièmement, les Etats-Unis étaient influe ncés par la conviction que, d’une part, le statu
quo de l’administration internationale ne pouvait pas continuer et que, par ailleurs, il n’y avait pas

d’autre option viable à l’indépendance du Kosovo. Le «processus politique» que la résolution 1244
avait envisagé avait fait long feu 13. Comme le déclarait le diplomate américain chargé des affaires

européennes dans son témoignage devant le Congrès en mars 2008, la reconnaissance de
l’indépendance du Kosovo «était la seule décision responsable à prendre... Le statu quo au Kosovo
était indéfini et indésirable... Si l’on ne s’y était pas intéressé, le Kosovo se serait transformé en un

foyer de frustrations, d’extrémisme et d’instabilité, qui aurait alors menacé de s’étendre à tout le
Sud-est de l’Europe.» 139

Enfin, les Etats-Unis plaçaient de grands espoirs dans les engagements du Kosovo énoncés
dans sa déclaration d’indépendance et en conséquen ce dans sa constitution, à protéger les droits et
les intérêts de toutes les communautés au Kosovo 140. Comme le président américain l’écrivit au

président Sejdiu, en reconnaissant le Kosovo comme un Etat indépendant et souverain, les
Etats-Unis «soutiennent votre choix de la multie thnicité comme principe de bonne gouvernance et

votre engagement à mettre en place des institutions responsables dans lesquelles tous les citoyens

137La Convention interaméricaine sur les droits et devoirs des Etats, 26 décembre 1933, LNTS, vol. 165, p. 9. La
Convention de Montevideo est souvent considérée comme une codification générale du droit international coutumier.
Voir David Raic, Statehood and the Law of Self-Determination (2002), p. 24, et note 15.

138Voir commentaire supra au chapitre II, section IV et infra chapitre V, section 1.
139
Témoignage de Daniel Fried, Secrétaire d’Etat adjoint aux affaires européennes et eurasiennes devant la
Commission des affaires étrangères du Sénat, 4 mars 2008 («Fried Testimony»), p.5 et 6, disponible sur le site:
http://foreign.senate.gov/testimony/2008/FriedTestimony080304a.pdf.
140 o
Voir, notamment, Proclamation de l’indépendance du Kosovo, par.2 [Pièce n 192] («Nous déclarons le
Kosovo république démocratique, séculaire et multiethnique, guidée par les principe s de la non-discrimination et de la
protection de tous les citoyens selon les nor mes de l’Etat de droit. Nous protèger ons et promouvrons les droits de toutes
les communautés au Kosovo et créerons les conditions nécessaires à leur participation effective aux processus politique et
décisionnel»). Voir également http://www.assembly-kosova.org/common/docs/Constitution1%20of%20the%20R…
%20of%20Kosovo.pdf.

Ces engagements correspondent pleinement aux objectifs les plus élevés reflétés dans les principes appliqués par
la Commission Badinter dans son examen des «demandes» de reconnaissance par plusieurs républiques yougoslaves
en 1991-92. Parmi ces principes applicables à la reconnaissanc e de nouveaux Etats figuraient le respect de la Charte de
l’ONU et de l’acte final d’Helsinki et des «garanties de s droits des groupes et minorités ethniques et nationaux

conformément aux engagements souscrits dans le cadre de la CSCE.» Les principes figurent dans la déclaration sur la
Yougoslavie, Réunion ministérielle extraordinaire EPC, Bruxelles, 16 décembre 1991 (réédité dans Danilo Türk,
«Recognition of New States: A Comment», annexe 2,4 Eur. J. Int’l L. 63 (1993), p. 73), et la déclaration sur les principes
directeurs en matière de reconnaissance des nouveaux Etats en Europe de l’Est et en Union soviétique, 16 décembre 1991
(réédité dans Danilo Türk, «Recognition of New States: A Comment», annexe, p. 1, 4 Eur. J. Int’l L. 63 (1993), p. 72). - 30 -

141
sont égaux devant la loi» . Les Etats-Unis accueillirent favorablement «l’engagement
inconditionnel du Kosovo» à respecter ses obligati ons énoncées dans le plan Ahtisaari, et sa

volonté de coopérer pleinement avec la communauté internationale pendant la période de
supervision internationale que le Kosovo avait acceptée 142. Compte tenu des nombreuses tâches de

surveillance incombant au nouveau Bureau civil international (ICO) et aux importantes fonctions
confiées à la mission «d’état de droit» EULEX, les Etats-Unis allouèrent par la suite des ressources
financières et en personnel substantielles à ces deux missions 143.

En dehors du fait que cela contribuerait à la gouvernance effective et inclusive du Kosovo
actuel, les Etats-Unis étaient convaincus que le fait d’accorder une attention à ces priorités jetterait

les bases de son adhésion, à terme, aux instituti ons européennes, ce qui, à son tour, renforcerait
utilement les engagements du gouve rnement du Kosovo en faveur d es droits de l’homme, de la

démocratie et de relations pacifiques avec ses voi sins. Les Etats-Unis étaient persuadés que
l’intégration dans l’Union européenne et les stru ctures euro-atlantiques est un facteur essentiel à la
stabilité à long terme du Kosovo, de la Serbie et de la région, ainsi qu’au bien-être de tous leurs

habitants. «[L’]avenir du Kosovo, l’avenir de la Serbie, l’avenir de la région sont véritablement
entre les mains de l’Union européenne.» 144

Le Kosovo a pleinement satisfait les espoirs et attentes que les Etats-Unis avait fondés en
décidant de le reconnaître en tant qu’Etat 145. Dès son indépendance, le Kosovo mit en place des

institutions dans les rares secteurs de l’administration où des ministères ou autres organes n’avaient
pas été institués et ne fonctionnaient pas sous administration de la MINUK, comme par exemple les

meristères des affaires étrangères et des forces de sécurité ainsi qu’une commission électorale. Au
1 avril 2009, le pouvoir exécutif du Kosovo comptait di x-sept ministères, en plus de la présidence
et du bureau du premier ministre 146. Comme le faisait récemment remarquer le Représentant

spécial du Secrétaire général au Kosovo, «la MI NUK n’était véritablement plus indispensable pour
exercer une co-gouvernance aux côtés des kosovars» 147.

141Lettre en date du 18 février 2008 du président des Et ats-Unis George W.Bush au président du Kosovo
o
FatmirSejdiu, 18 février 2008, Compilation hebdomad aire de documents prés identiels, vol.44, n 7, 25 février 2008,
p. 236, disponible sur le site : http://fdsys.gpo.gov/fdsys/pkglWCPD-2008-02-25/pdf/WCPD-2008-02-25-Pg23….
142Ibid.

143Washington s’engagea vis-à-vis de l’ICO à couvrir 25% de ses frais de fonctionnement, et à fournir un haut
responsable des affaires étrangères en qualité d’adjoint, en plus du détachement d’autres fonctionnaires du Département

d’Etat et l’affectation de contractuels à l’opération. Voir FriedTestimony, p7. , disponible sur le site:
http://foreign.senate.gov/testimony/2008/FriedTestimony080304a.pdf. Pour EULEX, bien que la mission soit dans une
très large mesure européenne, Washington s’est engagé à fournir du personnel pour pourvoir pas moins de 88 postes, en
plus du soutien financier. Daniel Fried, signature de l’accord sur la mission «Etat de droit» de l’Union européenne
(EULEX), 22 octobre 2008, disponible sur le site : http://2001-2009.state.gov/eur/rls/rm/111171/htm.
144
Interview de l’ambassadeur des Etats-Unis au Kosovo Tina Kaidanow sur TV PULS, 19 mars 2009,
disponible sur le site : http://pristina.usembassy.gov/03192009 interview2.html.
145
Pour un rapport de suivi quant au respect par le Kosovo de ses obligations en applica tion de la CSP, et plus
largement sur son évolution politique, voir rapport du Bureau civil internationa l, (ICO Report), 27 février 2009,
disponible sur le site: http://www.ico-kos.orgid/ISG%20report%20fmalENG.pdf [annexe 3] , ainsi que Bureau civil
international, Groupe de pilotage international pour le Ko sovo, Mise en Œuvre de la Proposition globale de règlement -
Etat des matrices de mise en Œuvr e, 27 février 2009 («ICO Implementation Matrix»), disponible sur le site:

http://www.ico-kos.orgl?id=3.
146Voir site Internet du Gouvernement du Kosovo, disponible sur : http://www.ks-gov.net/portal/eng.htm.

147Voir, par exemple, interview de Lamberto Zannier, représentant spécial du Secrétaire général (réédité dans le
journal de Pristina Koha Ditore, 17 mars 2009 («Zannier Interview»), dis ponible sur le site: http://www.unmik
online.org/DPI/LocalMed.nsf/0/76B1D2956FA6537DC125757C0031AB31/$FILE/lmm170309.pdf) («[C]e qui s’est

passé, c’est que la MINUK est restée, mais les nouvelles missions de la MINUK ont été altérées d’une part par
l’évolution de la situation sur le terrain, et par le fait que le s institutions du Kosovo se sont développées, ont pris racine,
de sorte que la MINUK n’était réellement plus indispensable pour exercer une co-gouvernance aux côtés des kosovars.») - 31 -

L’adoption de sa constitution, qui entra en vigueur le 15 juin 2008, au terme d’une période
de consultations publiques et après son adoption par l’Assemblée du Kosovo constitua une
réalisation majeure de la gouvernance pendant la première année d’indépendance du Kosovo. La

constitution reprend, entre autres choses, les oblig ations incombant au Kosovo contenues dans la
proposition globale de règlement 148 et qu’il s’engageait à honorer dans sa déclaration

d’indépendance. La constitution rendait directement applicables, en tant que loi suprême, les droits
de l’homme et libertés fondamentales garantis par les instruments tels que la déclaration universelle
des droits de l’homme, la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des

libertés fondamentales et ses protocoles, le pacte in ternational relatif aux droits civils et politiques
et ses protocoles et la convention-cadre du Con seil de l’Europe pour la protection des minorités
nationales 14. L’Assemblée du Kosovo a adopté plus de 90 textes de loi. Elle a édicté une

législation dans le domaine budgétaire et fiscal, à propos de la cour constitutionnelle, des
privatisations et du droit de propriété et en matière économique 150.

En ce qui concerne plus spécifiquement la protection des minorités, l’Assemblée a adopté
plus de 50 textes législatifs directement liés à la mise en Œuvre des dispositions du plan Ahtisaari,

parmi lesquels des lois sur l151écentralisation et les droits et la protection des membres de toutes les
communautés du Kosovo . Les membres de toutes les communautés non majoritaires, y compris
les Serbes du Kosovo, sont représ entés à l’Assemblée et dans les ministères, et même au sein du

cabinet du Premier ministre. Les services de police du Kosovo ont assumé avec succès les
fonctions de surveillance de nombreux sites cultuels et églises orthodoxes serbes. Les forces de
sécurité du Kosovo recrutent parmi toutes les communautés, et un membre de la communauté serbe

occupe un poste de haut rang dans les services de police du Kosovo.

Dans le domaine des relations extérieures, cinquante-sept Etats ont reconnu le Kosovo,

parmi lesquels vingt-deux des vingt-sept Etats membres de l’Union européenne, organisation dont
le Kosovo et la Serbie aspirent tous deux à deve nir membres. Parmi les Etats qui ont reconnu le

Kosovo, on compte tous les voisins immédiats de ce dernier, en dehors de la Serbie, et t152es les
autres ex-Républiques yougoslaves à l’ exception de la Bosnie-Herzégovine . Le Monténégro,
qui a reconnu le Kosovo et qui est à la fois un Etat voisin et une ancienne république, était l’une

des deux républiques constitutives de la République fédérale de Yougoslavie au moment où la
résolution 1244 a été adoptée. Le Kosovo a d’ores et déjà mis en place dix ambassades, d’autres
sont en cours d’établissement. Le passeport kosovar est largement accepté, y compris par des Etats

qui n’ont pas encore officiellement reconnu le pays par la voie diplomatique.

En outre, le Kosovo a déposé sa candidature à l’adhésion au Fonds monétaire international

qui a reconnu que l’Etat est éligible au statut de membre de l’organisation; le FMI étudie
actuellement sa demande au fond 15. Le Kosovo a également fait une demande d’adhésion à la

148Constitution de la République du Kosovo, art.143, disponible sur le site: http://www.assembly-kosova.
org/common/docs/Constitutionl%20of%20the%20Republic%20of%20Kosovo.pdf.

149Ibid., art. 22.
150
Voir «Evidence of the processed and adopted laws», 2 mars 2009, p.7-12, disponible sur le site:
http://www.assemblyofkosovo.org. Voir également rapport ICO, p.1, [annexe 3]; ICO Implementation Matrix,
disponible sur le site : http://www.ico-kos.org/?id=3.
151
Rapport ICO, sect.II.l, II.3 [annexe 3]Voir également ICO Implementation Matrix, disponible sur le site:
http://www.ico-kos.org/?id=3.
152
La Bosnie-Herzégovine est constituée de deux entités: la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la Republika
Srpska.
153Fonds monétaire internationa l, déclaration relative à la candidature de la République du Kosovo à l’adhésion
o
au FMI, communiqué de presse n 08/179, 15 juillet 2008, disponible sur le site: http://www.imf.org
/external/np/sec/pr/2008/pr08179.htm («Le 10 juillet 2008, le Fonds monétaire inte rnational (FMI) a reçu une demande
d’adhésion au FMI de la part de la République du Kosovo. Dans le cadre de cette demande, il a été établi que le Kosovo
a fait sécession d’avec la Serbie en taque nouvel Etat indépendant et que la Serb ie est l’Etat continuateur.») Voir
également rapport ICO, III [annexe 3]. - 32 -

Banque mondiale, dont les décisions suivent celles du FMI. Le Kosovo a accepté d’être lié par les
engagements souscrits dans le cadre des traités a pplicables conclus par la RFSY, ainsi que par la
154
MINUK en son nom pendant la pé riode allant de 1999 à 2008 , et participe actuellement à des
négociations avec les Etats-Unis et d’autres pays sur l’applicabilité des traités conformément aux

principes applicables en cas de succession d’Etat s. Sous l’égide de la MINUK, le Kosovo est
devenu membre de l’accord de libre-échange cen tre-européen (ALECE), de la Communauté de
l’énergie et de l’observatoire des transports en Europe du Sud-Est, et a pris part à l’élaboration d’un
155
traité instituant une communauté des tran sports avec les Balkans occidentaux . Outre la mise en
place de son ministère des affaires étrangères, le Kosovo a adopté toute une législation relative aux

immunités du personnel diplomatique et créé un ser vice extérieur. Son président, son Premier
ministre, le ministre des affaires étrangères et d’autres hauts fonctionnaires se sont adressés aux
organes des Nations Unies au nom du Kosovo et ont joué un rôle actif sur le terrain diplomatique
156
dans des négociations bilatérales.

Certes, beaucoup de choses ont changé au Kosovo depuis février 2008, mais les présences

internationales civile et militaire opérant au Kosovo en application de la résolution 1244 demeurent
sur place, même si des modifications ont été apportées compte tenu des nouvelles conditions à la

suite de la proclamation de l’indépendance ; de nouveaux acteurs internationaux d’importance sont
venus s’y ajouter, invités et accueillis par le Kosovo selon les termes contenus dans sa déclaration
d’indépendance. Les principales présences qui continuent d’être sur place sont :

⎯ La MINUK, qui a réduit ses activités en raison des nouvelles conditions sur le terrain, le

Kosovo ayant pris en charge la totalité d es responsabilités administ ratives et l’Union
européenne étant prête à diriger des programm es dans le domaine de l’état de droit.
Néanmoins, la MINUK continue de s’acquitter de fonctions importantes en application de la

résolution 1244, consistant notamment à exercer une surveillance et présenter des rapports, et à
faciliter les relations du Kosovo avec les institutions internationales 157.

⎯ La KFOR, force de paix au Kosovo dirigée par l’OTAN, dont l’activité est axée sur les
questions de sécurité, à savoir préserver un environnement sûr et stable pour toute la population
158
du Kosovo, et assurer l’encadrement et la formation des services de sécurité du Kosovo .

⎯ L’OSCE, chargée plus particulièrement de mettre en place les institut159s et un régime
démocratique, et de promouvoir les droits de l’homme et l’état de droit .

Les nouvelles présences comprennent :

154Proclamation de l’indépendance du Kosovo, par. 9 [Pièce n 192].

155Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’admini stration intérimaire des Na tions Unies au Kosovo,
S/2008/692 du 24 novembre 2008, par.18 [Pièce n o90]. Voir notamment, traité du 25 octobre 2005 instituant la

Communauté de l’énergie contenant en annexe la déclaration signée par le représentant spécial du Secrétaire général, le 4
octobre 2005, concernant les conditions relatives à la signature du Traité par la MINUKoet la déclaration prononcée par la
délégation serbe lors de la cérémonie de signature du Traité, le 25 octobre 2005 [Pièce 175]. Voir en général Pièce,
Partie II.G.
156
Voir plus généralement le site Internet du ministère des affaires ét rangères de la République du Kosovo,
accessible sur : http://www.ks-gov.net/mpj/.
157
Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’admini stration intérimaire des Na tions Unies au Kosovo,
S/2008/354 du 12 juin 2008, par. 16, annexe 1 [Pièce n88]. Voir également interview de Zannier, disponible sur le site :
http://www.unmikonline.org/DPI/LocalMed.nsf/0/76B1D2956FA6537DC125757C0…,
rapport du Secrétaire général sur la Mi ssion d’administration intérimaire des Na tions Unies au Kosovo, S/2008/692, du
24 novembre 2008, par. 4, 18, 21-25, 48-53 [Pièce n 90].

158Voir le site Internet de la KFOR, disponible sur : http://www.OTAN.int/issues/kfor/index.html.
159
Voir le site Internet de l’OSCE, disponible sur : http://www.osce.org/kosovo. - 33 -

⎯ EULEX Kosovo, mission d’«Etat de droit» de l’Union européenne, chargée «d’exercer une
surveillance, d’encadrer et de conseiller» les autorités du Kosovo, les autorités judiciaires et les
160
organes répressifs . EULEX a repris les fonctions d’Etat de droit précédemment assumées
par la MINUK 161. Ses activités sont menées dans le cadre général de la résolution 1244, et ont
été entérinées par le Conseil de Sécurité 162.

⎯ Le Bureau civil international (ICO), institué par le Groupe de pilotage international (ISG) 163,

chargé de conseiller le gouvernement et l es responsables municipaux du Kosovo pour
l’exécution de ses obligations en application de la Propositio n globale de Règlement, en
particulier ses dispositions relatives à la protection des communautés et de leurs membres. Le

Bureau civil international est dirigé par un Représentant civil international (ICR), nommé par
l’ISG, qui exerce une autorité de supervision en ce qui concerne la mise en Œuvre de la CSP

par le Kosovo et vérifie la conformité de la législation à la CSP. L’ICR agit164alement en
qualité de Représentant spécial de l’Union européenne (EUSR) au Kosovo .

En dehors de l’ICO, ces présences opèrent sur la base d’une politique de neutralité
⎯n’acceptant ni ne rejetant le statut d’Etat du Kosovo ⎯ et ce en raison de la participation aux
missions ou organisations présentes d’Etats qui n’ ont pas reconnu le Kosovo. Néanmoins, leurs

activités, menées en étroite coordination avec les auto rités nationales et locales, ont pour objet, et
de fait ont pour effet dans la pratique, de contribuer au renforcement du développement

démocratique du Kosovo et de consolider ses in stitutions administratives. Comme le faisait
observer l’ICO dans son rapport à l’ISG sur la première année d’indépendance du Kosovo :

«Durant l’année qui s’est écoulée, de gros progrès ont été enregistrés au
Kosovo, progrès dans la mise en place des institutions, l’instauration de l’état de droit,
la création et la consolidation des éléments constitutifs de l’Etat, et la place qu’il a su

se faire au sein de la communauté des nations en tant que démocratie
multiethnique... Grâce à des efforts soutenus et à une vigilance sans faille, 2009 sera,

nous en sommes convaincus, une a nnée de progrès pour le Kosovo ⎯ progrès dans
l’accomplissement des obligations qu’il a cont ractées envers lui-même et envers ses
partenaires internationaux de mettre en Œ uvre la CSP, et progrès dans le sens de

l’avenir envisagé dans sa Constitution, «en tant que pays libre, démocratique et épris
de paix, qui sera une mère patrie pour tous ses citoyens.» 165

160Voir Action commune 2008/124/CFSP du Conseil de l’Union européenne du 4 février 2008, disponible sur le
site : http://eulex-kosovo.eu/home/docs/JointActionEULEX EN.pdf; voi r également Stratégie du programme EULEX,
disponible sur le site : http://eulex-kosovo.eu/strategy/EULEX%20Programmatic%20Approach.pdf.

161Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administrati on intérimaire des Nations Unies au Kosovo du
12 juin 2008, S/2008/354, par. 12 [Pièce n 88].

162Voir déclaration du président du Cons eil de Sécurité, S/PR8T/2008/ 44 du 26 novembre 2008 [Pièce no91] ;
rapport du Secrétaire général sur la Mi ssion d’administration intérimaire des Na tions Unies au Kosovo, S/2008/692, du
24 novembre 2008 [Pièce n 90].

163Rapport ICO, p. 1, 8 [annexe 3].

164Voir rapport ICO, p. 1, 8 [annexe 3] ; voir également Action commune 2008/124/CFSP du Conseil de l’Union
européenne du 4 février 2008, disponible sur le si te : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServdo?
uri=OJ :L :2008 :042 :0088 :0091 :EN :PDF.

165Rapport ICO, p. 1, 8 [annexe 3]. - 34 -

C HAPITRE III

C ONSIDERATIONS RELATIVES A LA NATURE DE LA QUESTION SOUMISE ET A LA FAÇON DONT
LA C OUR POURRAIT L ’EXAMINER

La question soumise par l’Assemblée générale dans la résolution 63/3 est :

«La déclaration unilatérale d’indépendance des institutions provisoires

d’administration autonome du Kosovo est-elle conforme au droit international ?»

Le présent chapitre présente les observations des Etats-Unis sur la nature de la question et
sur la façon dont la Cour pourrait l’examiner. La section I étudie la jurisprudence de la Cour
relative aux avis consultatifs et ses incidences su r la décision de rendre un avis en la présente

espèce. La section II décrit la raison pour laquelle la réponse devrait se limiter à la question posée,
au cas où la Cour décide de rendre un avis dans la présente espèce.

S ECTION I. QUESTIONS RELATIVES AU FAIT DE SAVOIR SI RENDRE UN AVIS CONSTITUERAIT UN
EXERCICE REGULIER DE LA FONCTION JUDICIAIRE DE LA COUR

166
Le pouvoir de la Cour d’émettre un avis consultatif est un pouvoir discrétionnaire . La
Cour n’en garde pas moins présent à l’esprit que, en sa qualité d’organe judiciaire principal des

Nations Unies, sa «réponse à une demande d’avis consultatif constitue sa participation à l’action de
l’Organisation» 167. Les avis consultatifs de la Cour «f ourni[ssent] aux organes qui les sollicitent
les éléments de caractère juridique qui leur sont nécessaires dans le cadre de leurs activités», et

c’est pour cette raison que la Cour a déclaré qu’elle devrait refuser de donner suite à une demande
d’avis uniquement pour des «raisons décisives» 168.

La Cour a aussi à maintes repri ses «souligné son devoir de répondre ⎯ devoir découlant de
son statut d’organe des Nations Unies ⎯ en se référant à l’intérêt que l’organe qui sollicite l’avis a
169
à obtenir une réponse à sa demande» . Comme la compétence consultative de la Cour a pour
objet d’assister les autres organes dans l’exercice de leurs fonctions, «l’obligation de répondre qui
en résulte dépend tout au moins dans une certaine mesure de la présence de cet intérêt [pour
170
l’organe demandeur]» . La Cour a rappelé ce point dans l’affaire Édification d’un mur , faisant
observer qu’il doit y avoir une «relation entre la question[,] l’objet d’une demande d’avis
171
consultatif et les activités de l’Assemblée générale» . Pour cette raison, la Cour se penche

166
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 234 et 235,
par. 14.
167
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dle territoire palestinien oc cupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004, p. 156, par. 44.
168
Ibid., par. 44, 60.
16Kenneth Keith, «The Extent of the Advisory Jurisdiction of the ICJ» (1970), p. 148.

17Ibid.

171Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dle territoire palestinien oc cupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004, p. 145, par. 16. - 35 -

souvent sur l’intérêt qui existe pour l’organe demandeur à recevoir son avis avant de décider d’en
émettre un 172.

La présente espèce est inhabituelle en ce sen s qu’il y a une véritable question consistant à
savoir si l’Assemblée générale a besoin d’un écl aircissement juridique sur la question posée pour

s’acquitter d’une de ses fonctions quelle qu’elle soit, et en consé quence si l’avis de la Cour
contribuerait à ses activités.

La question soumise par l’A ssemblée générale porte sur la déclaration d’indépendance du
Kosovo. Le texte de la résolution 63/3 ne pr opose pas de motif pour l’avis sollicité pas plus

qu’aucune information générale sur l’affaire. La résolution ne se réfère à aucune question liée au
Kosovo soumise à l’Assemblée générale, et l’ordre du jour de l’Assemblée générale ne comportait
173
aucun point lié au Kosovo lorsque la question a été posée . Cette omission tranche avec les
demandes antérieures d’avis consultatifs de la part de l’Assemblée générale qui mentionnaient
expressément le besoin d’obtenir l’avis de la Cour 174 , identifiaient un problème spécifique se
175 176
posant à l’Assemblée , ou citaient des résolutions pertinentes de l’Assemblée générale .

Un tel motif ne peut pas non plus être dédu it des circonstances dans lesquelles la question a

été formulée. Durant les entretiens diplomati ques et le débat à l’Assemblée générale qui ont
conduit à l’adoption de la résolution 63/3, ni la Se rbie ni aucun autre Etat Membre n’a fait savoir

que l’Assemblée générale, en sa qualité d’organe, avait besoin de cet avis.

172Dans l’affaire Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, la Cour a rejeté la thèse selon laquelle
elle devrait refuser la demande d’avis, faisant observer que «[l]a question posée à la Cour est pertinente au regard de
maints aspects des activités et préoccupations de l’Assembl ée générale, notamment en ce qui concerne la menace ou

l’emploi de la force dans les relations internationales, le processus de désrmement et le développement progressif du
droit international» Licéité de la menace ou de l’empl oi d’armes nucléaires, avis cons ultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I),
p.233, par.12. Dans l’affaire de l’ Interprétation des traités de paix, la Cour a rejeté les argum ents de plusieurs parties
selon lesquels elle devrait refuser d’émettre un avis après avoir noté que «[ la demande d’avis] ne tend pas à autre chose
qu’à éclairer l’Assemblée générale sur le s ressources que peut offrir la procédur e prévue par les traités de paix pour
mettre un terme à une situation qui a été dénoncée à l’Assemblée générale» Interprétation des traités de paix conclus
avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 72. De même, dans

l’affaire de la Namibie, la Cour a répondu à une thèse selon laquelle elle devrait refuser de donner un avis en faisant
observer que la demande était «présentée par un organe de s Nations Unies à propos de ses propres décisions, en vue
d’obtenir de la Cour un avis juridique sur les co nséquences et les incidences de ces décisions» Conséquences juridiques
pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276
(1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 24, par. 32. La Cour a également noté l’intérêt de
l’Assemblée générale à recevoir son avis dans l’affaire des Réserves à la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide, observant que : «L’objet de la présente demande d’avis est d’éclairer les Nations Unies dans leur

action propre. Il est incontestable en effet que l’Assemblée gé nérale, qui a élaboré et voté la convention sur le génocide,
et le Secrétaire général, dépositaire des instruments de ratification et d’adhé sion, ont intérêt à connaître les effets
juridiques des réserves a pportées à cette Convention et plus particulière ment ceux des objections aux dites réserves.»
Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1951 ,
p. 9.
173
Voir Ordre du jour de la soixante-troisième session de l’Assemblée générale, A/63/251, 19 septembre 2008.
Une question liée au fina ncement de la MINUK est inscrite à l’ordre du jour, cependant il n’est indiqué nulle part que
l’Assemblée a besoin de l’avis juridique de la Cour pour a border ce point de l’ordre du jour , pas plus que cela n’a été
suggéré pendant le débat.

174Résolution 3292 de l’Assemblée générale, 13 décembr e 1974 («il est hautement souhaitable que l’Assemblée
générale obtienne, pour poursuivre l’examen de cette question lors de sa trentième session, un avis consultatif sur certains
aspects juridiques importants du problèm e»); résolution 42/229B de l’Assemblée générale, 2 mars 1988 (expliquant le

différend entre les Nations Unies et un Etat Membre et notant que les tentatives «de règlement à l’amiable étaient dans
une impasse») ; résolution 1731 de l’A ssemblée générale, 20 décembre 1961 («Reconnaissant qu’elle a besoin d’un avis
juridique autorisé quant aux obligations des Etats Membres ... en ce qui conc erne le financement des opérations des
Nations Unies au Congo et au Moyen-Orient») (les italiques sont de nous).
175
Voir résolution 942 de l’Assemblée géné rale, 3 décembre 1955 (expliquant que l’Assemblée générale a été
priée de «décider si les demandes d’audience présentées par des pétitionnaires sur des questions relatives au Territoire du
Sud-Ouest africain étaient recevables devant le Comité»).
176
Voir résolution ES-10/14, A/RES/ES-10114 de l’Assemblée générale, 8 décembre 2003. - 36 -

Les Etats-Unis reconnaissent les avis antérieurs de la présente Cour rejetant la thèse selon
laquelle l’Assemblée générale aurait dû faire connaître clairement «quel usage elle entendait faire
d’un avis consultatif» 177, et notant qu’«il n’appartient pas à la Cour de prétendre décider si
178
l’Assemblée a ou non besoin d’un avis cons ultatif pour s’acquitter de ses fonctions» . Mais dans
ces instances, il était clair que l’Assemblée générale s’intéressait de près à des questions liées à
179
l’objet de l’avis demandé . Il n’en va pas de même dans la présente espèce.

Le cas présent est assurément marquant, car le débat à l’Assemblée générale révèle que le

but de la question semble avoir été uniquement d’ apporter une aide aux Etats à titre individuel en
leur qualité d’Etats, et non pas d’aider l’Assemb lée générale à résoudre une question qui lui a été
soumise. Plus précisément, les entretiens diplomatiques et le débat qui s’est déroulé à l’Assemblée

générale font clairement apparaître que la réso lution 63/3 n’avait pas pour objet de soumettre une
question à la Cour parce que l’Assemblée générale en tant qu’institution avait besoin d’un tel avis.
Le débat était plutôt axé sur le droit reconnu à tout Etat Membre quel qu’il soit de demander un

avis consultatif sur des questions qu’il considèr e comme importantes pour lui. A titre d’exemple,
l’auteur de la résolution, la Serbie, a adressé une lettre circulaire aux missions permanentes auprès

de l’Organisation des Nations Unies à New York indiquant que la résolution proposée avait pour
objet de souligner le fait que la question qui sera présentée devant l’Assemblée générale concerne
le droit de tout Etat Membre des Nations Unies de poser une question simple, élémentaire sur un

problème de droit international ; elle concerne le droit fondamental de demander un avis consultatif
à la Cour internationale de Justice, conformément à la Charte des Nations Unies, sur un principe de
la plus haute importance pour tous. Aucun pays ne saurait se voir dénier le droit de soumettre une
180
telle question à la CIJ .

Ce point a été réaffirmé plus vigoureusement pendant le débat à l’A ssemblée générale tenu

le 8 octobre 2008 :

«Appuyer le projet de résolution perm ettrait aussi de réaffirmer un autre

principe fondamental: le droit de cha que Etat Membre de l’Organisation des
NationsUnies de poser à la Cour une qu estion simple, élémentaire sur un problème

qu’il considère comme étant d’une importance vitale. Voter contre ce projet
reviendrait de fait à dénier le droit de tout pays de rechercher ⎯maintenant ou à
l’avenir ⎯ un recours judiciaire par l’intermédiaire du système des Nations Unies.» 181

Il est vrai que tout Etat membre peut demander un avis consultatif sur toute question
juridique en ce sens que tout Etat peut chercher à persuader l’Assemblée gé nérale qu’elle devrait

exercer son droit de solliciter l’avis de la Cour. Il ressort toutefois de cette situation que l’avis

177 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien oc cupé, avis consultatif,

C.I.J. Recueil 2004, p. l36, par. 61.
178Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 236, par. 6

179 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien oc cupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004, p. 136, par.17, 49. Dans l’affaire des Conséquences juridiques de l’édification d’un mur par
exemple, la Cour était priée de préciser les «conséquences jridiques de l’édification du mur qu’Israël est en train de
construire» en Cisjordanie. Bien que l’Assemblée générale n’ait pas indiqué comment elle entendait faire usage de l’avis

de la Cour, il était évident que l’Assemblée générale s’intéressait de près à des questions liées au conflit
israélo-palestinien. Ibid., par.49. Avant de demander un avis consultatif, l’Assemblée générale avait exigé qu’Israël
arrête la construction du mur, et le S ecrétaire général avait publié un rapport sur le respect par Israël de ces exigences.
Voir rapport du Secrétaire général établi en application de la résolution ES-10/13, A/ES-10-248 de l’Assemblée générale,
24 novembre 2003.
180
Lettre en date du 22 août 2008 de V uk Jeremic, ministre des affaires étrangères de la République de Serbie
adressée à Condoleezza Rice, Secrétaire d’Etat, Etats-Unis d’ Amérique, p.2 (les italiques sont de nous). Des lettres
similaires ont également été envoyées à d’autres ministres des affaires étrangères d’Etats ayant une mission permanente à
New York.

18122 séance plénière de la soixante-troisième session de l’Assemblée générale, A/63/PV.22, 8octobre2008,
p. 1 (Remarques de M.Vuk Jeremic, ministre des affaires étrangères) [Pièce n 6]. - 37 -

semble avoir été demandé uniquement dans l’intérêt d’Etats à titre individuel – demandant de fait à
la Cour de faire office de conseiller juridique pour ces Etats. Or la Cour a affirmé que son rôle est
de conseiller les organes des Nations Unies et non les Etats Membres à titre individuel. Elle a

clairement indiqué que «[l]’avis est donné par la Cour non aux Etats, mais à l’organe habilité pour
le lui demander» 182. Dans l’affaire Menace ou emploi d’armes nucléaires, la Cour a souligné que

«[le] but de la fonction consultative n’est pas de régler...des différends entre Etat183mais de
prodiguer des conseils juridiques aux or ganes et institutions sollicitant l’avis» . LaCoura
rappelé ce principe dans l’affaire Édification d’un mur, faisant observer que son «avis serait donné
184
à l’Assemblée générale et non à un Etat ou une entité déterminés» . Le fait qu’un Etat, ou groupe
d’Etats, puisse souhaiter obtenir un avis consu ltatif pour ses propres besoins nationaux n’a pas le
même fondement institutionnel pour une interventi on de la Cour que lors que la demande émane

d’un organe qui a sollicité cet avis en rapport avec sa propre activité.

De telles considérations pourraient bien ne pas fournir à la Cour une raison suffisante pour

refuser de donner suite à une demande lorsque le procès-verbal de la séance fait apparaître que
l’Assemblée générale sollicite un éclaircissement ju ridique de la Cour pour pouvoir s’acquitter de

ses fonctions, plutôt que pour faire valoir le prétendu «droit de tout Etat Membre» de soumettre une
question à la Cour. En la présente espèce, toutefois, des questions importantes se posent quant à
savoir si le fait que la Cour prononce un avis cont ribuerait à la réalisation du but de sa compétence

consultative. Ces considérations prennent dès lors une importance accrue, et la question de savoir
si la Cour devrait donner suite à la demande d’avis justifie que l’on procède à un examen
approfondi.

S ECTION II. SI LA C OUR DECIDE DE RENDRE UN AVIS ,IMPORTANCE DE LIMITER LA REPONSE A

LA QUESTION POSEE

Un grand nombre de questions, tant politiques que juridiques, peuvent concerner l’affaire de

l’indépendance du Kosovo. Mais l’Assemblée générale n’a pas posé ces questions à la Cour, et n’a
pas fait savoir ⎯ que ce soit dans sa question, ou dans le contexte dans lequel elle l’a formulée ⎯

qu’elle attend des réponses de la Cour à des questi ons de cette nature. Le procès-verbal de la
séance fait apparaître que cela n’était pas le fruit du hasard. L’auteur de la résolution dans laquelle
la question est formulée a déclaré que le projet de résolution «ne devait pas être modifié parce qu’il
185
est précis et clair» , qu’il représentait «le plus petit commun dénominateur des positions des Etats
Membres sur cette question, et il n’est donc pas nécessaire de le modifier ou d’y ajouter des
éléments» 186, et a souligné qu’«il n’y a pas de place pour apporter…des amendements» au texte
187
tel qu’il a été formulé . Rien n’indique que l’Assemblée générale demandait en réalité une
réponse à tout autre chose que la question telle qu’elle était posée.

L’aspect le plus notable de la question est qu’elle met l’accent sur la légalité de l’acte de
déclaration d’indépendance. Elle ne se penche pas sur un large éventail d’autres questions qui

182Interprétation des traités de paix conc lus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis

consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 71.
183Voir également Kenneth Keith, The Extent of the Advisory Jurisdiction of the ICJ (1970), p.142
«Théoriquement, les avis s’adressent uniquement à cet organe») (les italiques sont de nous).

184 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dansle territoire palestinien oc cupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004, p. 164, par. 64.

185«Jeremic: Good Chances for Serbia at UN Gene ral Assembly,» résumé d’une interview de Politika,
2septembre2008, disponible sur le site Internet du ministère serbe du Kosovo et de Méto:hie
http://www.kim.sr.gov.yu/cms/item/news/en.html?_view=story&id=6290&sect….

186Assemblée générale, soixante-troisième session, 8 octobre 2008, A/63/PV.22, p. 2 [Pièce n 6].
187
Ministre des affaires étrangères : Les amendements à la résolution s ont inacceptables, 27 septembre 2008,
disponible sur le site Internet du ministère serbe de s affaires étrangères: http://www.mfa.gov.yu/Bilteni/
Engleski/b290908_e.html#N3. - 38 -

auraient pu être posées à propos du parcours du Koso vo vers l’indépendance ou de la réponse de la
communauté internationale.

L’Assemblée générale aurait pu, par exempl e, demander à la Cour quelles étaient les
conséquences juridiques de la décl aration d’indépendance, mais elle ne l’a pas fait. En revanche,

dans le dernier avis consultatif qu’elle a rendu, la Cour devait répondre à la question suivante :

«Quelles sont en droit les conséquences de l’édification du mur qu’Israël,

puissance occupante, est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y
compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, selon ce qui est exposé dans
le rapport du Secrétaire général, compte tenu des règles et des principes du droit

international, notamment la quatrième Convention de Genève de 1949 et les
résolutions consacrées à la question par le Conseil de sécurité et l’Assemblée
générale ?» 188

De même, dans l’affaire de la Namibie, la Cour devait répondre à la question :

«Quelles sont les conséquences juridiques pour les Etats de la présence
continue de l’Afrique du Sud en Namibie, nonobstant la résolution 276 (1970) du
Conseil de sécurité ?» 189

Dans ces deux affaires, il était approprié que la Cour examine ⎯et, de fait, elle a

effectivement examiné ⎯ les «conséquences juridiques» d’actes bien particuliers, au lieu de se
limiter à examiner uniquement la légalité de ces actes. L’Assemblée générale avait certainement
connaissance de ces deux affaires quand elle a soumis la question à la Cour dans la présente espèce.

Pourtant, dans cette affaire, la question a ét é spécifiquement formulée pour examiner uniquement
l’acte de déclaration d’indépendance et non ses conséquences juridiques.

L’importance de cette réalité est renfor cée par la prédominance d’autres aspects de
l’indépendance du Kosovo soulevés par des Etats à ti tre individuel au moment où la question a été

formulée. L’auteur de la résolution, la Serbie, avait d’ailleurs publiqueme nt et de façon appuyée
émis des critiques à l’égard de nombreuses mesures parmi celles que certains Etats et les Nations
Unies avaient prises en réaction à la proclamation de l’indépendance par le Kosovo, y compris des

protestations spécifiques concernant la reconnaissance du Kosovo par d’autres Etats, le fait 190 le
Secrétaire général (et le RSSG) n’avait pas annulé la déclaration d’indépendance , et les activités
menées par la Mission des Nations Unies au Kosovo pour faciliter une transition en douceur à la

suite de la proclamation de l’ indépendance, parmi lesquelles les efforts de la MINUK destinés à
mettre en place de nouvelles mesu res de sécurité au Kosovo 191. Malgré cela, la question a été
rédigée pour se centrer sur le seul et unique point qui est abordé dans son texte, à savoir la licéité
192
de la déclaration elle-même .

188 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien oc cupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004, p. 141, par. 1.

189Conséquences juridiques pour les Etat s de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis coltatif, C.I.J. Recueil 1971, p.17, par.1
(les italiques sont de nous).

190Voir lettre en date du 17 février 2008, adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de la
Serbie auprès de l’Organisation de s Nations Unies, A/62/70 3-S/2008/111 du 19 février 2008, annexe, p.2 et 3
[Pièce n 202].

191Lettre en date du 17 avril 2008 adressée au président du Conseil de sécurité par le représentant permanent de
la Serbie auprès de l’Organisation des Nations Unies, S/2008/260 du 18 avril 2008, par. 15 [Pièce n 87].

192Il y a, bien entendu, de nombreuses autres questions liées au Kosovo qui au raient pu être, mais n’ont pas été,
soumises par l’Assemblée générale, parmi lesquelles : - 39 -

Reformuler la question pour y faire figurer d’ autres points serait dès lors incompatible avec
la décision de l’Assemblée générale. La Cour a précédemment reformulé ou élargi une question

dans laquelle «le libellé de la demande…n’ex plicitait pas suffisamment la question sur laquelle
l’avis de la Cour était demandé» 193 ou dans laquelle la question soumise ne correspondait pas à la
194
«véritable question juridique» qui se pose . La présente demande ne suscite pas de
préoccupations de cette nature.

Le cas présent n’est donc pas similaire à l’avis consultatif rendu dans l’affaire Interprétation
de l’accord gréco-turc du 1 erdécembre 1926 , dans laquelle la saisine de la Cour permanente de

Justice internationale «ne précis[ait] pas exacteme nt la question à propos de laquelle son avis était
demandé» mais se référait simplement à des lettres qui étaient adressées à la Cour 195. Dans cette

affaire, la CPJI jugea nécessaire de reformuler la question «afin plus particulièrement d’éviter
d’étudier des points de droit sur lesquels le Con seil ou la Commission ne cherchaient pas à obtenir
l’avis [de la Cour]» 196. Cette affaire n’est pas non plus similaire à celle de la Demande de

réformation du jugement n°273 du Tribunal administratif des Nations Unies, dans laquelle la Cour
a déterminé que la question qui lui était soumise apparaissait considérée en elle même, à la fois mal

posée et vague ; en deuxième lieu, les procès-verbaux et le rapport du Comité permettent de douter
que, telle qu’elle se présente, elle corresponde vraiment aux intentions qui animaient le Comité
quand celui-ci a saisi la Cour 197.

Dans cette affaire, la Cour conclut que le processus au travers duquel la question était

formulée présentait «un vice de forme,» de sort e que la question «ne paraît pas cadrer avec les
intentions du Comité car elle ne fai[sai]t pas a pparaître les deux motifs ... qui sont manifestement à
la base même de la requête dont celui-ci a entendu saisir la Cour» 198. En l’espèce, la question a été

soumise à la Cour précisément sous la forme que son auteur avait demandée; son auteur tout
comme l’Assemblée générale dans son ensemble avaient tout à fait connaissance du type de

⎯ questions consistant à savoir si les actes ulté rieurs du Kosovo d’adopter sa nouvelle Constitution ou
d’adopter de nouvelles lois, notamment celles qui ont trait aux engagements du Kosovo en vertu du

plan Ahtisaari, sont légitimes ;
⎯ questions visant à savoir si le Kosovo peut êt re admis comme membre des Nations Unies (ou

d’autres organisations et entités) ;
⎯ questions relatives à des propositions de partition du Kosovo ;

⎯ questions de savoir si (ou sous quelle forme) de nouveaux pourparlers entre le Kosovo et la Serbie

devraient se tenir, et quelle serait la meilleure façon de les mener ; et
⎯ questions portant sur la légalité de la campa gne militaire de l’OTAN en 1999 (que la RFY avait

soumises auparavant séparément à la Cour via une affaire contentieuse).
Une fois de plus, le fait que ces questions n’aient pas été envisagées dans la résolution 63/3 ne peut pas être

considéré comme le fruit du hasard.
193Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien oc cupé, avis consultatif,
er
C.I.J. Recueil 2004, p. 154, par.38 (citant Interprotation de l’accord gréco-turc du 1 décembre1926 (protocole final,
article IV), avis consultatif, 1928, C.P.J.I. série B n 16, p. 14-16).
194
Interprétation de l’accord du 25mars1951 entre l’OMS et l’Egypte, avis consultatif, C.I.J.Recueil1980 ,
p.7-89, par.34-36. Sous réserve de ces considérations, toutefois, la Cour a conclu que son rôle est de fournir une
«réponse à la question posée», en laissa nt le soin à l’organe demandeur ⎯en l’occurrence, l’Assemblée générale ⎯ de
«tirer des conclusions de ces déterminations de la Cour» Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le
territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004, p. 136, par. 62.

195Interprétation de l’accord gréco-turc du 1 décembre 1926 (protocole final, article IV), avis consultatif, 1928,
C.P.J.I. série B n 16, p. l4.

196Ibid., p. 4.
197 o
Demande de réformation du jugement n 273 du Tribunal administratif des Na tions Unies, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1982, p. 349, par. 46.
198
Ibid., par. 41, 46. - 40 -

questions que la résolution 63/3 ne posait pas, et il n’a jamais été affirmé que la Serbie a été privée
de sa capacité à formuler la question de la manière qu’elle jugeait adéquate.

Enfin, r199 n’indique que la question ne correspond pas à la «véritable question juridique»
qui se pose . Cela contraste avec l’avis consultatif rendu dans l’affaire Interprétation de
l’accord, dans lequel la présente Cour a déterminé que bien que la demande ne citât qu’une section

de l’accord juridique en question, il n’y avait au cun doute, compte tenu du contexte de fait et de
droit dans lequel la demande a été faite, qu’une réponse ne pouvait être apportée à la véritable
question considérée sans examiner l’accord tout entie r et d’autres règles qui s’appliqueraient à la

situation en cause. Dans cette instance, le fa it de ne pas répondre à ces questions pourrait «non
seulement être inefficace mais induire réellement en erreur sur les règles juridiques qui régissent le
sujet examiné par l’Organisation requérante» 200. Il n’en va pas de même dans la présente espèce

où la question porte sur le fait de savoir si la déclaration d’indépendance est conforme au «droit
international».

Au total, l’Assemblée générale a choisi de ne pas poser de questions sur les «conséquences
juridiques» de la déclaration d’indépendance, pas plus qu’elle n’a posé d’autres questions

juridiques ayant trait à la situation au Kosovo ; au contraire, elle a adopté le libellé de la question
de la Serbie tel que la Serbie le demandait. En conséquence, rien ne jus tifie que la question de
l’Assemblée générale pouvait ou devrait être élargie ou reformulée. Comme la Cour l’a fait

observer dans d’autres affaires, le rôle de la Cour à présent ⎯ si elle considère qu’il est approprié
d’émettre un avis consultatif ⎯ est «d’apporter une réponse à la question posée», et il appartient
ensuite à l’Assemblée générale de «tirer des conc lusions des déterminations de la Cour» qu’elle
201
juge appropriées .

199 Interprétation de l’accord du 25mars1951 entre l’OMS et l’Egypte, avis consultatif, C.I.J.Recueil1980 ,
p. 7-89, par. 34-36.
200
Ibid., p. 8-89, par. 35. Voir également Certaines dépenses des Nations Unies (article 17, paragraphe 2, de la
Charte), avis consulta tif, C.I.J. Recueil 1962, p.156-157 (notant que le rejetun amendement posé à l’Assemblée
générale de rajouter des sous-questions expresses portant sur le fait de savoir si les dépenses concernées ont été adoptées
conformément aux dispositions de la Charte n’«empêch[ait pas] la Cour d’interpréter l’article 17 à la lumière des autres
articles de la Charte, c’est-à-dire, dans le contexte de l’ensemble du traité»).

201 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien oc cupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004, p. 163, par. 62. - 41 -

C HAPITRE IV

L A DECLARATION D ’INDEPENDANCE EST CONFORME AUX PRINCIPES GENERAUX DU DROIT
INTERNATIONAL

Comme nous le commentons dans le présent chap itre, le droit international ne règlemente
pas, en règle générale, les déclarations d’indépendance. Il n’y a rien non plus en ce qui concerne la

déclaration d’indépendance du Kosovo en particulier qui la rendrait non «conforme au droit
international.» Le chapitre V s’attachera ensuite à décrire comment la déclaration d’indépendance

du Kosovo est aussi conforme à la résolution 1244.

S ECTION I. L E DROIT INTERNATIONAL NE REGLEMENTE PAS ,EN REGLE GENERALE ,LES
DECLARATIONS D ’INDEPENDANCE

Il est largement accepté que les déclarations d’indépendance, à elles-seules, se202rnent à
énoncer des faits qui ne sont ni autorisés ni interdits par le droit international . Ni la Charte des
Nations Unies, ni d’autres accords internationaux gé néraux, ni le droit international coutumier ne
203
règlementent l’acte de déclaration d’indépendance . Le fait que le droit international ne
s’intéresse pas aux déclarations d’indépendance n’est pas surprenant. En règle générale, le droit
204
international régit les relations entre Etats et non la conduite des entités au sein des Etats . Il
existe certaines exceptions, telles que celles qu e l’on trouve dans le droit international
humanitaire 205, mais les déclarations d’indépendance ne relèvent pas à elles-seules de ces

202Voir par exemple, Théodore Christakis, «The State as a ‘primary fact’: sorne thoughts on the principle of
effectiveness», in Secession: International Law Perspectives, p. 45 (Kohen, ed. 2006) («une déclaration d’indépendance
par une entité sécessionniste, qui constitue la manifestation on ne peut plus claire du rejet de toute soumission à l’ordre
juridique de l’Etat prédécesseur, ne produit, en elle-même, aucun effet juridique»). A preuve le large consensus parmi les

commentateurs qui considèrent que la sécession⎯qui s’accompagne fréquemment d’une déclaration d’indépendance
comme première mesure ⎯ est un état de fait, qui se produit en de hors du contexte de réglementation du droit
international. Voir par exemple Lauterpacht, Recognition in International Law (1947) («Le droit international ne
condamne pas la rébellion ou la sécession ayant pour objet l’acquisition de l’indépendance»); Daniel Thürer,
«Secession», in Max Planck Encyclopedia of Public International Law (Rüdiger Wolfrum, ed.), disponible pour les
abonnés sur le site: http://www.mpepil.com., p.2 («Dès lorsle droit international n’établit pas les conditions de la

légalité d’une sécession et ne stipule rien non plus en ce qui concerne un «droit général de faire sécession». En général, il
ne condamne pas non plus les mouvements visant à acquérir l’indépendance.») ; Antonello Tancredi, «A normative ‘due
process’ in the creation of States through secession», in Secession: International Law Perspectives, p. 189 ; Christian
Tomuschat, «Secession and self-determination», in Secession: International Law Perspectivep. 43 et note 81 («Les
troubles internes, y compris des initiatives de sécession de la part d’un Etat existant, ne sont pas interdits en tant que tels
par le droit international. Sur ce point, il y a un large consensus dans la littérature juridique.»)

203Voir Marcelo Kohen, «Introduction», in Secession: International Law Perspectives, p. 20 («[Aucune] règle
internationale n’empêche un mouvement politique ou une entit é au sein d’un Etat de rechercher la sécession par des
moyens n’impliquant pas l’emploi de la force.»); John D ugard & David Raic, «The role of recognition in the law and
practice of secession», in Secession: International Law Perspectives, p. 102 («On cherchera en vain une interdiction

explicite de la sécession unilatérale dans le s instruments internationaux. va de même pour la reconnaissance
explicite d’un tel droit.»).
204Voir, par exemple, 1 Oppenheim’s International Law , par.6 (9 éd. 1992) («[L]e droit international est

principalement un droit relatif à la conduite des Etats et non de leurs citoyens.»).
205Voir, par exemple, ibid., par. 7 («Les Etats peuvent considérer les individus et d’autres personnes comme étant
directement dotés de droits et de devoirs internationaux et en font par conséquent des sujets de droit international.»);

par. 148 («[D]e nombreuses dispositions du droit de la guerre sont contraignantes non seulement pour les Etats mais aussi
pour leurs ressortissants, qu’ils soient ou non membres de leurs forces armées.... La responsabilité pénale individuelle au
regard du droit international a, par exemple, également été affirmée ou établie en relation avec le génocide, les violations
graves des Conventions de Genève de 1949 (et de leurs protocoles additionnels de 1977) et l’apartheid.»). - 42 -

exceptions. «Les événements conduisant à la créa tion d’un nouvel Etat engendrent généralement
des situations qui sont de la compétence interne d’un Etat.» 206

Certes les déclarations d’ indépendance peuvent violer ⎯et dans leur nature violent

souvent ⎯ le dr207 interne. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il y a eu une violation du droit
international . Comme Oppenheim l’a fait observer dans le contexte de la rébellion: «Bien
qu’une rébellion impliquera une vi olation de la loi de l’Etat concerné, aucune violation du droit

international ne se produit par le simple fa it qu’un régime rebelle tente de renverser le
gouvernement de l’Etat ou de faire sécession de cet Etat.» 208

Dès lors, il est largement accepté que, du point de vue du droit international, le processus de
formation d’un Etat se borne à énoncer un fait 209. Une déclaration d’indépendance est l’expression

d’une volonté ou d’un désir de la part d’une entité d’être acceptée en tant qu’Etat par les membres
de la communauté internationale . Il peut y avoir d’autres événements associés à une déclaration

d’indépendance en particulier qui peuvent être régl ementés par le droit international, mais, comme
l’a fait observer un commentateur :

«[L]’Etat, dans l’optique du droit inte rnational, n’est pas une simple personne
juridique (personne morale), dont le processus d’apparition est prescrit par la loi.
C’est plutôt un «fait primaire», c’est-à-dire un fait qui précède la loi, et que la loi ne

reconnaît qu’une fois qu’il s’est matériali sé, en lui attribuant certains effets, et
notamment un certain statut juridique.» 210

En la présente espèce, la question soumise à la Cour n’est pas de savoir si l’un quelconque
de ces événements ⎯tels que la reconnaissance ultérieu re de l’indépendance du Kosovo par

d’autres Etats ⎯ est autorisé par le droit international, ma is plutôt si la déclaration en elle-même
n’était pas contraire au droit international. Le fa it que le droit international, en règle générale, ne

cherche pas à réglementer l’acte de déclaration d’indépendance signifie que cette déclaration doit
être considérée comme étant conforme au droit international 211.

206Thürer, «Secession» , in Max Planck Encyclopedia of Public International Law , disponible sur le site:
http://www.mpepil.com. p. 2; voir ég alement Li-Ann Thio, «International Law and Secession in Asia and the Pacific
Regions», in Secession: International Law Perspectives, p. 299 («Le droit international positif n’empêche ni n’interdit la
sécession, traitant les conflits sécessionnistes comme des questions de compétence interne.»).

207Voir 1 Oppenheim’s International Law, par. 21 («Du point de vue du droit international, une loi nationale est
généralement considérée comme un fait en référence auquel le s règles de droit internati onal doivent être appliquées,
plutôt que comme une règle à appliquer sur le plan international en tant que règle de droit.»).

208Voir ibid., par. 49.

209Kohen, «Introduction», in Secession: International Law Perspectives, p. 4 («La création d’Etats est
traditionnellement perçue comme un état de fait. Pour la plupart des auteurs, le droit international n’a pas d’incidence sur
ce processus et se limite à prendre note de l’existence d’une nouvelle entité souveraine, avec toutes les conséquences

juridiques qui y sont liées, à savoir l’existence de droits et d’obligations dans la sphère internationale.»).
210Georges Abi-Saab, «Conclusion», in Secession: International Law Perspectives, p. 470.

211Dans une certaine mesure, la questi on posée à la Cour peut être fondée sur l’idée erronée selon laquelle une
source de droit international positif doit être identifiée poujustifier la déclaration.Toutefois, comme nous l’avons
commenté plus haut, le droit international ne réglemente pas les déclarations d’i ndépendance. A cet égard, le contexte

juridique est quelque peu différent de l’affaire des Armes nucléaires, dans laquelle l’examen par la Cour de la pratique
des Etats a révélé qu’il n’y avait aucun «principe ou règle de droit international qui ferait dépendre d’une autorisation
particulière l’[emploi licite d’armes],»mais a tout de même trouvé un large ensemble d’interdictions spécifiques
applicables aux armes en général. Licéité de la menace ou de l’emploi d’arme s nucléaires, Avis consultatif, C.I.J.
Recueil 1996, p. 226, par. 52 ; voir également Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), C.I.J. Recueil 1986, p. 14, par. 269 («Il n’existe pas en droit international
de règles, autres que celles que l’Etat intéressé peut accepte r, par traité ou autrement, imposant la limitation du niveau

d’armement d’un Etat souverain, ce princi pe étant valable pour tous les Etats sans distinction.»). En ce qui concerne les
déclarations d’indépendance, toutefois, il n’existe aucune interdiction spécifique, à l’exception de la distinction
importante ⎯ inapplicable en la présente espèce ⎯ commentée dans la section III ci-après. - 43 -

SECTION II. CONFIRMATION S ’APPUYANT SUR LA PRATIQUE RECENTE DES E TATS EN CE QUI
CONCERNE LA DISSOLUTION DE LA Y OUGOSLAVIE

Il n’est pas nécessaire de chercher au-delà des événements ayant entouré l’éclatement de
l’ex-Yougoslavie pour avoir confirmation que les déclarations d’indépendance ⎯ même

lorsqu’elles sont rejetées par l’Etat parent ⎯ sont conformes au droit international. La Croatie et la
Slovénie ont adopté des déclarations d’indépendance de la RFSY en juin 1991, et la Macédoine et

la Bos212-Herzégovine ont émis des déclarations si milaires en septembre et octobre de la même
année . Antérieurement à ces événements, le fait mér ite d’être souligné, d’aucuns au sein de la
communauté internationale s’étaient opposés à l’indépendance de ces républiques 213et, dans

chaque cas, les déclarations avaient été émises contre la volonté du gouvernement fédéral.
Néanmoins, lorsqu’elle s’est trouvée confrontée aux faits des déclarations elles-mêmes, la

communauté internationale n’a pas conclu qu’elles constituaient une violation du droit international
ni qu’elles étaient réglementées par le droit international.

A la suite des déclarations d’indépendance de la Slovénie et de la Croatie, la présidence de la
RFSY prit position, qualifiant les déclarations «d’actes antico
nstitutionnels et unilatéraux
dépourvus de légalité et de légitimité sur le pl an interne et externe» , et affirmant qu’elles

«constituent une menace directe pour l’intégrité te rritoriale de la Yougoslavie, les frontières
nationales du pays et sa souverainet é en vertu du droit international» 214. La Communauté

européenne demanda un moratoire de215ois mois sur l’indépendance, dans l’espoir de négocier un
règlement pacifique du conflit . Pourtant, le fait mérite d’être signalé, les déclarations de la
Communauté européenne ne donnent pas à penser que les déclarations d’indépendance étaient
216
illicites au regard du droit international . La Slovénie et la Croatie acceptèrent le moratoire
effectif au 7 juillet 1991, mais réaffirmèrent leurs proclamations d’indépendance le 8 octobre, une
fois que le moratoire expira 217. Entre temps, la Macédoine avait déclaré son indépendance le

17septembre1991, et la résolution sur la souvera ineté de la Bosnie-Herzégovine suivit peu de
temps après. Le Gouvernement de la RFSY continua à s’opposer aux déclarations des républiques,

et, au début du mois d’octobre, fit une autr e déclaration affirmant que les déclarations
d’indépendance de la Slovénie et de la Croatie violaient la constitution fédérale et constituaient une

212 o
Voir Conférence pour la paix en Yougoslavie ⎯ Commission d’arbitrage, avis n 1, 29 novembre 1991
(réédité dans International Law Reports, vol. 92, 1993, p. 162, 165) [Pièce n 233]. Plus particulièrement, la Macédoine
a adopté une déclaration de souveraineté et d’indépendance le 17 septembre 1991 et la Bosnie-Herzégovine a adopté une
résolution sur la souveraineté le 14 octobre 1991. Ibid.

213Voir, par exemple, la lettre en date du 28 mars 1991 du présiden t Bush au premier ministre yougoslave, citée
dans Suzanne Lalonde, «Determining Boundaries in a Conflicted World: The Role of Uti Possidetis», p. 174
214
Positions et conclusions de la présidence de la RFSY à propos de la situation en Yougoslavie, 27 juin 1991,
(réédité dans Yugoslavia Through Documents: From Its Creation to its Dissoluti, p.305 (Trifunovska, éd. 1994)
(«Trifunovska»)

215Voir Weiler, «The International Response to the Dissolution of the Socialist Federal Republic of Yugoslavia»,
86 Am. J. Int’/ L., p. 573 (1992); déclaration sur la Yougoslavie, adoptée lors de la 82e réunion ministérielle EPC, La
Haye, 10 juillet 1991 (réédité dans Trifunovska, p. 315-16).

216Voir en général Trifunovska, p. 308-344.
217 o
Voir Conférence pour la paix en Yougoslavie ⎯ Commission d’arbitrage, avis n 1, 29 novembre 1991, p. 165
[Pièce n 233]. - 44 -

218
menace directe pour l’intégrité territoriale de la Yougoslavie . Les déclarations faites par
d’autres au sein de la communauté internationale durant cette période traduisent les préoccupations

suscitées par la violence en cours, mais elles ne comportent aucun jugement sur la licéité des
déclarations d’indépendance en elles-mêmes en tant que question de droit international 219.

Lorsqu’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU fut convoquée à la fin septembre 1991, la
crise en Yougoslavie était encore largement considérée comme un conflit interne et non comme
220
étant régie par le droit international .

Il est intéressant de noter que la commission Ba dinter, qui examina tout particulièrement les

«principes de droit international public» dans son premier avis, ne considéra pas les déclarations
d’indépendance des républiques comme étant interdites ou régies par le droit international. Au
221
contraire, elle les décrivit comme des faits a ttestant du «désir d’indépendance» des républiques .
La commission rappela le principe bien établi sel on lequel «l’existence ou la disparition de l’Etat
est un état de fait» 222. Lorsque, par la suite, la Commission examina en janvier 1992 si chacune

des républiques avait rempli les conditions juridi ques et politiques de la Communauté européenne
pour sa reconnaissance, elle ne précisa aucunement si les précédentes déclarations d’indépendance
223
étaient autorisées au regard du droit international .

Le fait que la Commission n’ait pas examiné si les déclarations d’indépendance étaient

licites du point de vue international ne peut être expliqué en s’appuyant sur le fait que la RFSY
avait déjà été dissoute. Les déclarations eurent lieu en juin, septembre, et octobre 1991, or lorsque

la Commission rendit son premier avis en novembre 1991, il est clair qu’elle considérait encore la
RFSY comme étant existante, notant que la RFSY avait «conservé sa personnalité
internationale» 224 . (Ce n’est qu’au mois de juillet 1992 que la commission conclut finalement que

218Voir Analyses et prises de position de la présidence de la RFSY à pr opos de la proclamation d’indépendance
de la République de Croatie et de la Slovénie, 11 oct obre 1991 (réédité dans Trifunovska, p.354) («Par leurs actes
sécessionnistes, la Slovénie et la Croatie font peser une men ace directe sur l’intégrité territoriale de la Yougoslavie, qui
est le seul sujet reconnu en droit international, ses élém ents constitutifs étant ces républiques.») ; voir également Prise de

position de la présidence de la RFSY, 30 décembre 1991 (réédité dans Trifunovska, p. 484) («Compte tenu du fait que les
décisions de certaines républiques yougosla ves proclamant leur «souveraineté et indépendance» constituent des actes de
sécession, tant du point de vue de la lé gislation nationale que de la Charte de s Nations Unies et des documents de la
CSCE, et que ces décisions ne sont pas fondées sur l’égalité des droits à l’autodétermination des nations constitutives, la
transformation qui en résulte des fron tières administratives en frontières ét atiques de ces républiques n’a pas de
fondement juridique et leurs frontières ne sauraient être considérées au regard du droit international public.»).

219Voir, par exemple, déclaration sur la Yougoslavie faite par la Communauté européenne, l’URSS et les
Etats-Unis, 18 octobre 1991 (réédité dans Trifunovska, p.356 ) («Nous appelons les prés idents des républiques...à

réaffirmer leur engagement au processus de paix et à honorer totaleme nt les engagements qu’ils ont déjà
contractés....Notre souhait commun est de promouvoir la cessa tion rapide et complète de toutes les activités militaires
comme condition préalable essentielle à un règlement.»); déclaration de la Communauté européenne sur la situation en
Yougoslavie, 28 octobre 1991 (réédité dans Trifunovska, p.369) (condamnant les efforts de la Serbie d’instaurer une
Grande Serbie et affirmant que, à moins que la Serbie ne lève sa réserve, «la Conférence s’emploiera avec les républiques
coopératives à obtenir une solution politique, dans la perspective de la reconnaissance de l’indépendance des républiques
qui le souhaitent, au terme d’un pro cessus de négociations mené de bonne foi ...»); Conférence pour la paix en

Yougoslavie: Dispositions du traité pour la convention, 1er novembre 1991 (réédité dans Trifunovska, p.370-378)
(proposant que de nouvelles relations entre les républiques soient fondées sur des «républiques souveraines et
indépendantes dotées d’une personnalité internationale pour celles qui le souhaitent.»).
220
Voir WeIler, «The International Response», p. 577-581.
221 o
o Voir Conférence pour la paix en Yougoslavie - Commission d’arbitrage, avis n 1, 29 novembre 1991, p. 165
[Pièce n 233).
222
Ibid., p. 165 ; voir également Thürer, «Secession», in Max Planck Encyclopedia of Public International Law ,
disponible sur le site : http://www.mpepil.com. p. 6 («La commission a donc souligné le rôle limité du droit international
dans la crise...»).
223 o
Voir Conférence pour la paix en Yougoslavie - Commission d’arbitrage, avis n 4-7, 11 janvier 1992 (réédité
dans 31 ILM 1488, p. 1501-1517 (1992)).
224 o
o Conférence pour la paix en Yougoslavie - Commission d’arbitrage, avis n 1, 29 novembre 1991, p. 165 [Pièce
n 233]. - 45 -

225
la RFSY avait été dissoute) . A la fin, la commission considérait simplement les déclarations
d’indépendance comme des événements factuels, faisant partie d’une série de circonstances ayant
finalement conduit à la dissolution finale de la RFSY. Comme Dugard et Raic l’ont commenté, les

avis de la commission Badinter ne laissent auc un doute quant au fait que, selon la commission, la
RFSY existait encore à la date des proclamations (réaffirmées) d’indépendance par la Croatie et la

Slovénie le 8 octobre 1991. C’est pourquoi les décisions de la Croatie et de la Slovénie, en premier
lieu en juin 1991, puis en octobre 1991, déclench èrent le processus de démembrement de la RFSY,
qui aboutit en fin de compte à la disparition de ce tte dernière. En conséquence, les proclamations

d’indépendance de ces deux républiques ⎯ ainsi que celle de la Macé doine le 17 septembre 1991,
qui fut, comme dans le cas de la Slovénie, acceptée par la suite par la RFSY ⎯ doivent être

considérées comme des act226de sécession qui, conjugués avec d’autres facteurs, ont conduit à la
dissolution de la RFSY .

Cette récente pratique des Etats dans le c ontexte spécifique de l’ex-Yougoslavie confirme
que les déclarations d’indépendance n’ont pas ét é considérées comme étant réglementées par le
droit international ou non conformes à ce dernier. Au contraire, la communauté internationale a

considéré ces événements comme des faits, qui ne sont en eux-mêmes ni autorisés ni interdits par le
droit international ni assujettis à ce dernier.

S ECTION III. LA SITUATION PEUT ETRE DIFFERENTE LORSQUE LES DECLARATIONS
D’INDEPENDANCE S ’ACCOMPAGNENT D ’ACTIONS QUI CONSTITUENT

ELLES -MEMES UNE VIOLATION DU DROIT INTERNATIONAL

Bien que les déclarations d’indépendance ne constituent pas en elles-mêmes une violation du

droit international, elles s’accompagnent parfois d’autres événements ou actes et pourraient de ce
fait être qualifiées de graves violations du droit inte rnational. Cette distin ction est importante. A

titre d’exemple, chaque fois qu’une déclaration d’indépendance est adoptée conjointement avec une
tentative d’établir un régime d’apartheid ⎯ce qui serait assimilable à une grave violation d’une
norme péremptoire du droit international 227⎯ les déclarations d’indépendance ont été qualifiées

d’illicites. Ainsi, le Conseil de sécurité des Na tions Unies a adopté une résolution qui condamnait
«l’usurpation de pouvoir» par le dirigeant supr émaciste blanc du Gouvernement de Rhodésie du

Sud Ian Smith, et a exposé le point de vue du C onseil de sécurité selon le228l la déclaration
d’indépendance de son gouvernement n’avait «aucune validité juridique» . Toutefois, même
dans ce cas, le Conseil de sécurité qualifia la décl aration d’indépendance de «juridiquement nulle»,

plutôt que de proclamer que la déclaration elle-même constituait une violation du droit

225Voir Conférence pour la paix en Yougoslavie - Commission d’arbitrage, avis n 8, 4 juillet 1992 (réédité dans
International Law Reports , vol.92, 1993, p.199, 202) [Pièce n35] («[L]e processus de dissolution de la RFSY
mentionné dans l’avis n 1 du 29 novembre 1991 est à présent achevé et ... la RFSY a cessé d’exister.»).

226Voir Dugard & Raic, «The role of recognition in the law and practice of secession», in Secession :
International Law Perspectives, p. 129 (les italiques sont dans l’original) ; Voir également Cassese, «Self-Determination
of Peoples: A Legal Reappraisal», p. 270 (1995) (notant que la Slovénie, la Croatie, la Macédoine et la
Bosnie-Herzégovine ont accédé à l’indépendance au cours d’un processus qui s’est déroulé «au-delà des dispositions de
l’ensemble des textes de lois existants»).

227Voir, par exemple, Crawford, Quatrième rapport sur la respons abilité de l’Etat, A/CN.4/517, 2 avril 2001,
par. 41.

228Résolution 217 (1965) du Conseil de sécurité, S/RES/217. - 46 -

229
international . Dès lors, il est possible de considérer cette condamnation comme étant centrée sur
les conséquences juridiques de la déclaration plutôt que sur la légalité de l’acte de déclaration

d’indépendance en tant que tel. Quoi qu’il en soit, comme nous l’expliquo ns dans la section qui
suit, la déclaration d’indépendance du Kosovo n’était accompagnée d’aucune violation du droit
international de ce type.

SECTION IV. L A DECLARATION D ’INDEPENDANCE DU K OSOVO EST CONFORME AU DROIT

INTERNATIONAL

Outre l’indépendance elle-même, la décl aration d’indépendance du Kosovo abordait une

variété de questions, mais il n’y a rien dans ces autres dispositions qui ne soit pas «conforme au
droit international.» Bien au contraire, les dispositions de la déclaration d’indépendance du

Kosovo, y compris notamment l’accent qui y est mis sur la protection des droits fondamentaux des
membres de toutes les communautés au sein du Kosovo, sont conformes aux normes
internationales les plus strictes de défense des droits de l’homme. Comme le Représentant spécial

du Secrétaire général l’indiquait à l’époque, par sa proclamation d’indépendance «le Kosovo s’est
engagé à poursuivre l’application des réformes requises pour l’intégration européenne, et à
230
s’acquitter de l’obligation de protéger et de promouvoir les droits de toutes les communautés» .
La règle selon laquelle les déclarations d’indépenda nce sont de simples faits, ni particulièrement
autorisés ni interdits en vertu du droit international, s’applique dès lors en l’espèce 231.

Entre autres dispositions, la déclaration d’i ndépendance stipulait que le Kosovo sera «une
république démocratique, séculaire et multiethnique, guidée par les principes de non discrimination
232
et d’égalité devant la loi» . Dans sa déclaration d’indé pendance, le Kosovo «accept[ait]
pleinement les obligations énoncées dans le plan Ahtisaari qui incombent au Kosovo, et
233
accueill[ait] favorablement le cadre qu’il propose pour les années à venir» . Elle engageait les
dirigeants du Kosovo à adopter une Constitution ⎯ qu’ils ont adoptée par la suite ⎯ «qui consacre
notre attachement à respecter les droits de l’ homme et les libertés fondamentales de tous nos

citoyens, en particulier tels qu’ils sont définis dans la convention européenne des droits de

229 Ibid. ; voir également Procès-verbaux officiels du Conseil de sécurité, 1258 eréunion, S/PV.l258,
12 novembre 1965, par.19 (déclaration du représentant de l’Uruguay) («La déclaration d’indépendance ne nous choque
pas parce qu’elle est unilatérale ; elle nous choque essentiellement parce qu’elle a été rédigée par une minorité raciste. A
travers l’histoire, les déclarations d’indépendance ont toujours été des actunilatéraux. La déclaration que nous
examinons n’est par conséquent pas abjecte parce qu’elle est unilatérale ; elle es t abjecte parce qu’elle a été élaborée par

une minorité raciste pour opprimer et cont raindre une immense majorité ... C’ est pourquoi nous faisons observer que
l’aspect juridique de la condamnation de la déclaration provie nt, non pas du fait que la déclaration a été faite
unilatéralement, mais du fait qu’elle émane d’une minorité raciste pour servir un but politique qui doit être condamné.»).
230
Voir rapport du Secrétaire général sur laoMission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo,
S/2008/211 du 28 mars 2008, annexe 1, par. 2 [Pièce n6].
231
Le texte de la question soumise à la Cour fait référence à une déclaration d’indépendance «par les institutions
provisoires d’administration autonome du Kosovo.» Tel qu’il estlibellé, le texte donne à penser que les auteurs de la
question cherchent sans doute à établir que la déclaration était illicite non pas pour des raisons de fond – c’est-à-dire non
pas parce qu’il aurait été illicite en so i que le Kosovo déclare son indépendance ⎯mais parce que ceux qui déclaraient
l’indépendance agissaient en tant qu’institutions provisoires d’administration autonome et n’avaient cependant pas reçu
l’autorisation concrète du RSSG pour adopt er la déclaration. Un e telle thèse serait sans fondement. Comme cela est

décrit dans la section VII du chapitre V, le RSSG⎯personne dont l’autorisation ferait défaut selon cette thè⎯ ne
s’était pas, en réalité, opposé à l’adoptide la déclaration d’indépendance. Au -delà de cela, le premier paragraphe
même de la déclaration fait clairementapparaître qu’elle se voulait une expression de la «volonté du peuple» et non
l’exercice d’une attribution of ficielle de l’autorité de la part MINUK. Au demeurant, si l’on soutenait avec
insistance que la déclaration d’indépendance était illicite simplement parce qu’elle a été prononcée par les «PISG» et non
par une instance qui n’a rien à voir avec les institutions d’administration autonome créée au travers de l’administration
des Nations Unies, cette anomalie technique aurait pu aisément être corrigée en convoquant un nouvel organe constituant
afin de «re-déclarer» l’indépendance.

232Proclamation de l’indépendance du Kosovo, par. 1 [Pièce n 192].

233Ibid., par. 3. - 47 -

234
l’homme» . L’importance d’établir le dialogue avec les membres de toutes les communautés du
Kosovo, et plus particulièrement avec la communaut é serbe, est au cŒur du plan Ahtisaari. Cela a

été mis en évidence non seulement dans la déclar ation d’indépendance elle-même, mais de façon
quasi continue dans les discours et événements politiques entourant la déclaration, et tout
particulièrement lors de la séance pendant laque lle la déclaration d’indépendance a été adoptée 235,

et dans les lois qui ont été adoptées par la suite par le Kosovo en application des dispositions du
plan Ahtisaari.

Dans sa déclaration d’indépendance, le Ko sovo accueillait également avec satisfaction le
soutien continu de la communauté internationale au développement du Kosovo par l’intermédiaire

des présences internationales établies au Kosovo en application de la résolution 1244 du Conseil de
sécurité de l’ONU ; invitait «une présence internationale civile à superviser notre mise en Œuvre du
plan Ahtisaari, et une mission d’Etat de droit dirigée par l’Union européenne»; se félicitait du

soutien continu de la KFOR ; s’engageait à «c oopérer pleinement avec ces présences pour garantir
la paix, la prospérité et la stabilité futures du Kosovo»; exprimait sa gratitude pour le travail

accompli par les Nations Unies à mettre en place des institutions démocratiques après le conflit
de 1999 ; et s’engageait à «travailler de façon constructive avec les Nations Unies dans la poursuite
de sa tâche à l’avenir» 236.

Le document témoigne de l’intention du no uvel Etat du Kosovo «de prendre toutes les
mesures nécessaires pour faciliter l’adhésion en ta nt que membre à part entière de l’Union

européenne dès que possible et mettre en Œuvre les réformes requises pour l’intégration
européenne et euro-atlantique» 237. Le Kosovo déclarait «son attachement à la paix et la stabilité

dans notre région» et s’engag eait à «travailler en commu238vec nos voisins pour favoriser la
construction d’un avenir européen commun.» Autre point intéressant à noter, la déclaration

234Ibid., par. 4.

235Voir, par exemple, le discours de Hashim Thaçi du 17 février 2008 :

«En ce jour historique, honorables membres de l’Assembl ée, je voudrais réaffirmer notre volonté
politique de créer les conditions nécessaires au respect et à la protection des communautés et à une
poursuite de l’amélioration de leurs relations mutuelles au Kosovo...

Nos engagements se concrétiseront sous la forme de trois axes principaux :

Le premier, l’égalité des droits pour toutes les communautés au Kosovo, garantie par la loi de
manière forte et irréversible.

Le second, la mise en place de mécanismes permanents pour s’assurer que les communautés
contribuent pleinement et activement au développement de l’avenir de notre pays, et
Le troisième, la responsabilité qui nous incombe de prendre des mesures effectives et immédiates

pour faire en sorte que nos engagements se traduise nt par un véritable change ment, pour tous ceux qui
vivent au Kosovo, et tout partic ulièrement les membres des communautés minoritaires… Il n’y a pas
place pour la peur, la discrimination ou l’inégalité de traitement pour quiconque. Nous construisons le
Kosovo avec une égalité des droits pour tous, l’égalité des chances pour tous.»

Compte rendu de la séance plénière extraordinaire, 17 février 2008, p.5 et 6 [a nnexe 2]. Voir également ibid., p. 9,
déclaration du président Sejdiu) (en serbo-croate) :

«J’aimerais une fois de plus profiter de cette occasion solennelle pour inviter à nouveau tous les
citoyens du Kosovo, et avant tout tous les membre s de la communauté serbe du Kosovo, à apporter leur
contribution à la construction commune d’un Kosovo européen, où chaque citoyen se sentira chez lui. Le
Kosovo est autant votre demeure que votre patrie. Le respect de vos droits et des droits des membres des
autres communautés dans un Kosovo indépendant se ra toujours une obligation pour nos institutions
étatiques. Le patrimoine serbe culturel et religieux sera entièrement protégé. Votre identité ethnique et

linguistique sera totalement honorée, et nous y parviendrons en travaillant ensemble au quotidien au sein
des institutions du Kosovo.» Ibid., p. 9.
236Proclamation de l’indépendance du Kosovo, par. 5, 7 [Pièce n 192].

237Ibid., par. 6.

238Ibid., par. 10. - 48 -

exprimait le désir du Kosovo d’établir de bonnes relations avec ses voisins, y compris en particulier
la Serbie, notant qu’il partage «de profonds liens historiques, commerciaux et sociaux que nous
souhaitons développer davantag e dans un avenir proche» 239. La déclaration énonçait: «Nous

poursuivrons nos efforts pour contribuer à l’inst auration de relations d’amitié et de coopération
avec la République de Serbie, tout en Œ uvrant pour la réconciliation au sein de notre
240
population.»
Le Kosovo acceptait également «le devoir de membre responsable de la communauté
internationale» ; s’engageait à «respecter les princi pes de la Charte des Nations Unies, l’acte final

d’Helsinki, d’autres actes de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, et les
obligations juridiques internationales et principes de courtoisie internati onale qui caractérisent les
relations entre Etats» ; et s’engageait à «s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force
241
de quelque façon qui soit contraire aux buts des Nations Unies» . Il s’engageait à respecter les
obligations internationales conclues en son nom par la MINUK, ainsi que les obligations découlant

des traités signés par l’ex-République fédérale soci aliste de Youg242avie, et à coopérer pleinement
avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie .

Dans son paragraphe final, la déclaration énonçait :

«Par la présente, nous affi rmons, de façon claire, préc ise et irrévocable, que le

Kosovo sera lié par l’obligation juridique de respecter les dispositions contenues dans
la présente déclaration, et notamment, en pa rticulier, les obligations qui lui incombent
qui sont énoncées dans le plan Ahtisaari. Dans l’exécution de toutes ces obligations,

nous agirons en conformité avec les principes du droit international et les résolutions
du Conseil de sécurité des Nations Uni es, dont la résolution 1244 (1999). Nous
déclarons publiquement que tous les Etats sont en droit de se prévaloir de la présente

déclaration, et en appelons à eux pour qu’ils nous assurent de leur soutien et de leur
amitié.» 243

Ce paragraphe final de la déclaration d’i ndépendance met clairement en évidence la volonté
du Kosovo que ses déclarations soient considérées comme des obligations contraignantes en vertu

du droit international. Cela se situe dans la ligne des principes exprimés dans les décisions de la
présente Cour et des «Principes directeurs app licables aux déclarations unilatérales des Etats
susceptibles de créer des obligations juridiques» qui ont été adoptés par la Commission du droit
244
international en 2006 . Comme la Cour en a connaissance, la Commission du droit international
conclut que, selon les circonstances, les Etats peuvent, en vertu de déclarations unilatérales, se lier
à certaines modalités d’action au regard du droit in ternational, et adopta les Principes directeurs

afin de prêter assistance à ceux qui tentent de formuler de telles déclarations. Cela est
particulièrement important au vu des termes employés dans le paragraphe1 des Principes
directeurs qui prévoit que :

239
Proclamation de l’indépendance, par. 11.
240
Ibid.
241Ibid., par. 8.

242Ibid., par. 9.

243Ibid., par. 12.
244 er
Voir rapport de la Commisoion du droit internati onal, cinquante-huitième session, A/61/1O, 1 mai-9 juin et
3 juillet-ll août 2006, Supplément n10, par. 176 ; Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c.France), requête à fin
d’intervention, ordonnance du 20déce mbre 1974, C.I.J. Recueil 1974, p.267 et 268, par.43, 46; Affaire concernant le
Différend frontalier, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 573 et 574, par. 39. - 49 -

«[L]e caractère obligatoire de telles déclarations [unilatérales] repose sur la
bonne foi; les Etats intéressés peuvent donc en tenir compte et tabler sur elles; ils
245
sont fondés à exiger que de telles obligations soient respectées.»

Laisser entendre que la déclaration d’indépenda nce n’est pas conforme au droit international

pourrait dès lors avoir une incidence sur la viab ilité des engagements pris par le Kosovo dans un
large éventail de sujets importants et sensibles, au -delà de la question de l’indépendance. Cela

pourrait aussi compromettre la capacité de la communauté internationale à se prévaloir des
assurances que la déclaration contient, notamment l’engagement du Kosovo à mettre en Œuvre les
dispositions destinées à garantir la protection des membres de ses communautés minoritaires 246. A

la lumière de la propre histoire du Kosovo, la déclaration d’indépendance lie à juste titre la
question de l’indépendance à la protection des minorités, à bien des égards dans le même esprit que

le rapport Ahtisaari qui considérait ces principes comme le fondement essentiel d’une
indépendance supervisée. D’autres Etats, notamment les Etats-Unis, ont considéré en conséquence
leur soutien à la déclaration d’indépendance comme étant dans la logique de la solution Ahtisaari et

de l’objectif global de garantir la protection des membres des communautés minoritaires dans un
nouvel Etat, tout en codifiant et en consolidan t le soutien apporté à ces protections par le
247
gouvernement .

245 er
rapport de la Commissioo du droit international, cinquante-huitième session, A/61/10, 1 mai-9 juin et
3 juillet-ll août 2006, Supplément n 10.
246
A cet égard, l’un des effets de la campagne menée par la Serbie pour empêcher la reconnaissance du Kosovo
est qu’elle rend plus difficile la possibilité pour le Kosovo de devenir membre du Conseil de l’Europe et, par conséquent,
de devenir un Etat partie à la conve ntion européenne des droits de l’homme. Bien que le Kosovo ne soit pas
officiellement partie à la convention, il s’est engagé juridiquement, en vertu du droit international, à mettre en Œuvre les
dispositions de la convention par l’interm édiaire de sa déclaration d’indépendance. Toutefois, la population du Kosovo,
y compris les Serbes de souche, n’ont pas le droit de saisir la Cour européenne des droits de l’homme dans le cadre d’une

action en justice contre le Kosovo en raison du fait que le Kosovo n’est pas partie à la c onvention, ce qui entame la
faculté de la population du Kosovo de se prévaloir totalement des protections garanties par le système européen des droits
de l’homme.
247
oLettre du président Bush au président Sejdiu, 18 février 2008, Weekly Compilation of Presidential Documents,
vol. 44, n 7, 25 février 2008, p.236, disponible sur le site : http://fdsys.gpo.gov/fdsys/pkg/WCPD-2008-02-
25/pdf/WCPD-2008-02-25-Pg236.pdf. - 50 -

C HAPITRE V

LA DECLARATION D ’INDEPENDANCE EST CONFORME A LA RESOLUTION 1244

Comme nous l’expliquons dans le présent chapitre, la déclaration d’indépendance du Kosovo
en février 2008 était conforme à la résolution 1244 du Conseil de sécurité.

Le chapitre II a décrit comment la résolution 1244 représentait une tentative à la fois de
répondre aux besoins les plus urgents et les plus pressants au Kosovo et d’établir un environnement
dans lequel le Kosovo pourrait se dé velopper politiquement, loin de toute contrainte de la part de

Belgrade. En adoptant la résolution, le Conse il de sécurité autorisait l’instauration d’un régime
spécial pour apporter une solution adaptée aux caractéristiques uniques en leur genre de la situation
au Kosovo, conscient que les agissements de Be lgrade pendant la décennie précédente et leurs

conséquences constituaient une men ace pour la paix et la sécurité internationales. Le Kosovo
continuerait à faire officiellement partie de la RFY pendant une période de transition, mais le statut
du Kosovo sur le long terme resterait en suspens et devrait être déterminé ultérieurement. La

résolution 1244 anticipait que l’indépendance pourrait être la solution la mieux adaptée pour le
statut futur du Kosovo et ne cherchait pas à l’ exclure. Cette conclusion est étayée par l’esprit
général de la résolution, les termes utilisés dans les références aux accords de Rambouillet et

l’intégrité territoriale de la RFY, le long historique des négociations entre la Serbie et le Kosovo
qui avaient été facilitées par la communauté internationale, la nature du processus sur le statut futur
qui était décrit dans la résolution elle-même, etla façon dont les Nations Unies ont encadré ce

processus.

Au moment où le Kosovo a déclaré son indépendance, tout le monde s’accordait à dire que le

statu quo ne pouvait plus durer et que le processus su r le statut futur, dirigé par l’envoyé spécial du
Secrétaire général, l’ancien président finlandais Martti Ahtisaari, avait pris fin. Ahtisaari avait
conclu que «la seule option viable pour le Kosovo est l’indépendance» et que le «statut du Kosovo
248
devrait être l’indépendance, sous la supervision de la communauté inter249ionale» . Le Secrétaire
général souscrivait pleinement à la recommandation de M.Ahtisaari . Malgré tout, un autre
cycle de négociations, facilité par une «troïka»constituée de l’Union européenne, des Etats-Unis
d’Amérique et de la Fédération de Russie fut organisé, confirmant une nouvelle fois le point de vue

de l’envoyé spécial selon lequel «les possibilités de parvenir à une issue négociée du commun
accord des parties au sujet du st atut du Kosovo ont été épuisées» 25. Comme nous l’expliquons

plus en détail ci-après, ce n’est qu’après tout cela⎯alors qu’il ne restait plus aucune solution
viable et face à un statu quo qui ne pouvait plus durer ⎯ que le Kosovo déclarait son indépendance
en février 2008.

SECTION I. LIDEE FONDAMENTALE DE LA RESOLUTION 1244 ETAIT DE PROTEGER LA
POPULATION DU K OSOVO , DE CREER UN ENVIRONNEMENT DANS LEQUEL LE

K OSOVO POURRAIT SE DEVELOPPER POLITIQUEMENT ET ,PAR LA SUITE ,
DE FACILITER UN PROCESSUS VISANT A TROUVER UNE SOLUTION
QUANT AU STATUT FUTUR DU K OSOVO

L’idée fondamentale de la résolution 1244 ét ait d’assurer la protection de la population du
Kosovo, de créer un environnement dans lequel le Kosovo pourrait se développer politiquement et,

248
Lettre en date du 26 mars 2007, adressée au présdu Conseil de sécurité le Secrétaire général,
S/2007/168 du 26 mars 2007, p. 2 [Pièce n 203].
249
Ibid., p. 1.
250Ibid., p. 2. - 51 -

dans une étape ultérieure, de faciliter un processus visant à déterminer le statut futur du Kosovo.
Quatre éléments déterminants de cette approche se dégagent du texte même de la résolution.

Premièrement, le paragraphe 1 présente la décisi on prise par le Conseil dans la
résolution1244 selon laquelle « une solution politique à la crise du Kosovo reposera sur les
principes généraux énoncés à l’annexe 1 et les pr incipes et conditions plus détaillés figurant à

l’annexe2». L’annexe 1 contenait la déclara tion publiée par le président de la réunion des
ministres des affaires étrangères du G-8 du 6 mai 1999; l’annexe 2 contenait les principes
Ahtisaari ⎯ Tchernomyrdine, qui avaient été présentés au gouvernement de la République fédérale

de Yougoslavie et acceptés par ce dernier, qui servi raient de base pour mettre immédiatement fin à
la crise au Kosovo. L’annexe 1 et l’annexe 2 tra itaient de la nécessité de prévoir des mécanismes
qui permettraient de protéger le Kosovo contre le régime de Belgrade pendant une période de

transition. La résolution exigeait la coopération pl eine et entière de la République fédérale de
Yougoslavie à la mise en Œuvre rapide des princip es élaborés dans les deux annexes, et exigeait en
particulier que la RFY «mette immédiatement et de manière vérifiable un terme à la violence et à la
251
répression au Kosovo» .

Deuxièmement, la résolution autorisait l’établissement d’une présence internationale de

sécurité afin d’établir un environnement sûr pour l’ensemble de la population du Kosovo. La
présence internationale de sécurité était instituée sous le nom de Force de sécurité du Kosovo, ou
KFOR. Le paragraphe 9 de la résolution dé finissait les éléments du mandat de la KFOR,

notamment ses responsabilités parmi lesquelles celle de prévenir la reprise des hostilités, d’assurer
le retrait des forces militaires, policières et paramilitaires de la République fédérale de Yougoslavie
et de les empêcher d’y revenir. Ainsi, les r esponsabilités de la KFOR consistaient à empêcher

Belgrade de continuer d’exercer des pouvoirs gouvernementaux au Kosovo.

Troisièmement, le paragraphe 10 de la résolution auto risait le Secrétaire général, avec le

concours des organisations internationales compétentes, à établir une présence internationale civile
qui assurerait une administration intérimaire ⎯en remplacement du pouvoir de la RFY et de la
Serbie qui devait se retirer ⎯ et, par la suite, à mettre en place des institutions

d’auto-administration démocratiques pour le Kosovo. Si la résolution accordait au Secrétaire
général un large pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne les modalités d’organisation de la
présence internationale civile, les principales responsabilités de la présence civile sont énoncées au
252
paragraphe 11 de la résolution. Le Secrétaire général réagit à l’époque en instituant la MINUK .

Quatrièmement, les responsabilités de la présence internationale civile consistaient

notamment à «faciliter un processus politique vi253t à déterminer le statut futur du Kosovo, en
tenant compte des accords de Rambouillet» . La résolution 1244 ne définissait pas le processus si
ce n’est qu’elle le qualifiait de «politique», mais ce terme ne laissait aucun doute quant au fait que

le statut autonome du Kosovo ne durerait que pendant une période de transition et serait
ultérieurement remplacé par un «statut futur».

Au total, la résolution 1244 décrivait «une administration intérimaire pour le Kosovo» «dans
le cadre d’une présence internationale civile, pe rmettant à la population du Kosovo de jouir d’une
autonomie substantielle au sein de la République fédérale de Yougoslavie» 254. A cette fin, la

situation envisagée en application de la résolution était la suivante :

251 o
Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, S/RES/1244, par. 2 et 3 [Pièce n 34].
252
Voir rapport du Secrétaire généraloen application du pragraphe 10 de la résolution 1244 du Conseil de
sécurité, S/1999/672 du 12 juin 1999 [Pièce n35] et rapport du Secrétaire oénéral sur la Mission d’administration
intérimaire des Nations Unies au Kosovo, S/1999/779 du 12 juillet 1999 [Pièce n 37].
253 o
Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, S/RES/1244, par. 11 e) [Pièce n 34].
254Ibid., par. 10. - 52 -

⎯ la présence internationale civile aiderait la population du Kosovo à mettre en place ses propres

institutions politiques dans un environnement dans lequel le Kosovo ne subirait pas l’influence
de la RFY ;

⎯ l’autorité administrative de Belgrade serait suppl antée par la présence internationale civile et
par les institutions d’auto-administration démocratiques que la présence civile mettrait en place
pour aider la population du Kosovo à se déve lopper et auxquelles elle transfèrerait
progressivement ses pouvoirs ;

⎯ la KFOR empêcherait que les forces de sécurité et l’administration de Belgrade ne reviennent,
et assurerait la sécurité à leur place ;

⎯ le Kosovo demeurerait officiellement «au sein de la République fédé rale de Yougoslavie»,
mais la période durant laquelle tel serait le cas serait une période «intérimaire» ;

⎯ la présence internationale civile faciliterait «un processus politique visant à déterminer le statut
futur du Kosovo, en tenant compte des accords de Rambouillet» ; et

⎯ un «accord» sur le statut futur n’était pas exig é, il fallait uniquement autoriser la présence
internationale civile à faciliter un processus politique.

SECTION II. LES REFERENCES AUX ACCORDS DE R AMBOUILLET DANS LA RESOLUTION 1244
MONTRENT QUE L ’INDEPENDANCE ETAIT ENVISAGEE COMME UNE ISSUE LEGITIME ET
POSSIBLE ET QUE LA SERBIE N ’OPPOSAIT PAS SON VETO AU PROCESSUS POLITIQUE

Les références aux accords de Rambouillet dans le paragraphe 11 de la résolution 1244
étaient à la fois voulues et importantes. Leur examen à la lumière des précédentes négociations
entre Pristina et Belgrade consacrées à la qu estion permet raisonnablem ent de conclure que

l’indépendance était reconnue comme un statut futur possible pour le Kosovo, et que le statut futur
du Kosovo ne nécessitait pas l’accord de la RFY.

A. Les références aux accords de Rambouillet dans la résolution 1244 confirment que
l’indépendance était un statut futur possible pour le Kosovo

Les deux références aux accords de Ram bouillet (ci-après dénommés «accords de
Rambouillet» ou «Rambouillet») da ns le dispositif de la ré solution 1244 confirment que
l’indépendance était envisagée comme une issue éventuelle du processus sur le statut futur.

1. La référence aux accords de Rambouillet au paragraphe 11 a). La première référence
aux accords de Rambouillet figure au paragraphe 11 a) de la résolution et énonce que, en facilitant
l’instauration d’une autonomie et d’une auto-adm inistration substantielles au Kosovo, la présence
255
internationale civile doit «ten[ir] plei nement compte» des ac cords de Rambouillet . Ces termes
révélaient que le dispositif mis en place pendant la période de tr ansition impliquerait l’instauration
du type d’autonomie prévu dans les dispositio ns des accords de Rambouillet relatives à
l’administration pendant la période de transition ; et en outre que ce dispositif devrait être conçu en

ayant en vue le dispositif pour le statut futurpréconisé par les accords de Rambouillet. Comme
cela est décrit au chapitre II, le dispositif mis eplace pendant la période de transition consistait
dans la mise en place des propres institutions gouvernementales du Kosovo et le transfert progressif

des pouvoirs à ces institutions, et préparait donc bien le Kosovo à l’indépendance qui devait suivre.
Le lendemain du jour où le Kosovo déclarait son indépendance, le Secrétaire général des Nations
Unies résumait la situation de la façon suivante :

255 o
Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, S/RES/1244, par. 11 a) et annexe 1 [Pièce n 34]. - 53 -

«L’ONU a joué un rôle fondamental pour faire passer le Kosovo de la phase

d’urgence humanitaire à la consolidation de la paix et à la mise en place d’une
administration et d’une autonomie locale fonctionnelles. Depuis 1999, l’ONU a
supervisé la création et le renforcement des institutions provisoires d’administration

autonome aux niveaux central et municipal, avec une représentation des minorités.
Elle a créé un système judiciaire opérationnel et une police multiethnique, et elle a
organisé et contrôlé avec succès pas moin s de cinq élections. Le Kosovo dispose

maintenant d’une scène politique dynamique et diversifiée. La liberté de circulation
s’améliore, et les crimes interethniques se font plus rares. Le Kosovo a enregistré des
progrès considérables au fil des ans en ce qui concerne l’application de normes, et le
processus d’application des normes est maintenant totalement intégré au processus de
256
rapprochement européen.»

2. La référence aux accords de Rambouillet au paragraphe 11 e). La deuxième référence

aux accords de Rambouillet se trouve dans le paragraphe 11 e) de la résolution 1244, qui exigeait
que la présence internationale civile tienne co mpte des accords de Ra mbouillet en facilitant un
processus politique visant à déterminer le statut futur du Kosovo. Cette référence vient encore

étayer la conclusion selon laquelle l’indépendan ce était une issue possible aux termes de la
résolution 1244. Si, comme nous l’avons indiqué au chapitre II, les dispositions des accords de
Rambouillet portant sur le processus visant à détermin er le statut futur du Kosovo ne préjugeaient
pas de l’issue de ce processus, elles avaient identifié les bases su r lesquelles un règlement définitif
257
pour le Kosovo serait déterminé, la première d’entre elles étant la «volonté du peuple» . Compte
tenu des aspirations à l’indépendance exprimées par les représentants élus du Kosovo en
juillet1990 et en septembre 1991, et du référe ndum organisé en octobre 1991 ainsi que des

événements tragiques qui se produisirent pendant le reste de la décennie, le fait que l’expression
«volonté du peuple» sous-entendait qu’elle pouvait supposer l’indépendance ne faisait aucun doute.
Ainsi, tout comme l’indépendance aurait été une issue éventuelle en vertu des accords de

Rambouillet, il en allait de même pour la solution anticipée aux termes de la résolution 1244.

B. Les références aux accords de Rambouillet dans la résolution 1244 confirment aussi que
l’issue ne nécessitait pas le consentement de la RFY

Les références aux accords de Rambouillet dans la résolution 1244 confirment également
que le consentement de la RFY n’était pas une condition préalable à la détermination du statut

futur. Cela se dégage clairement non seulemen t du texte même des accord s de Rambouillet, mais
aussi de la comparaison du texte des accords de Rambouillet avec les textes des quatre versions de
«l’accord Hill» antérieur (décrit plus haut au ch apitre II) sur le modèle duquel les dispositions

pertinentes des accords de Rambouillet ont été calquées.

Les accords de Rambouillet et chacune des versions de l’accord Hill prévoyaient une période
de transition pendant laquelle le Kosovo disposerait d’une sorte de statut d’autonomie, et chacune

d’entre elles contenait des dispositions portant sur les modifications de ce statut à la fin de la
période de transition. Toutefois, en vertu des tr ois premières versions de l’accord Hill, l’agrément
de la RFY aurait été nécessaire pour pouvoir apporter des modifications à la fin de la période de

transition. (Les dispositions pertinentes étaient placées entre parenthèses dans la quatrième version
de l’accord Hill.) Bien au contraire, les acco rds de Rambouillet n’exig eaient pas de condition
similaire supposant l’accord de Belgrade. De mê me, à l’instar des accords de Rambouillet, la

résolution 1244 ne comportait aucune exigence d’agré ment de la part de Belgrade. L’absence de
dispositions de ce type dans le texte de la résolution 1244 et la référence aux accords de
Rambouillet dans la disposition relative au processus politique, paragraphe 11 e) en témoignent.

256 e
Procès-verbal provisoire do la séanc58séance du Conseil de sécurité (soixante-troisième année) tenue le
18 février 2008, S/PV.5839, p. 3 [Pièce n].
257Voir chap. II, sect. III, ci-dessus. - 54 -

Pour illustrer plus clairement ce point, il est utile d’analyser de façon plus détaillée les dispositions
pertinentes des accords Hill et des accords de Rambouillet.

Le chapitre 81) des accords de Rambouillet c ontenait des dispositions relatives au statut
futur. Il prévoyait :

«1.Les amendements au présent Accord sont adoptés par accord de toutes les Parties,
sauf disposition contraire de l’article X du chapitre 1.

2. Chaque Partie peut proposer à tout moment des amendements. Elle consulte les
autres Parties sur les amendements proposés.

3. Trois ans après l’entrée en vigueur du présent Accord, une réunion internationale
sera convoquée en vue de définir un mécanisme pour un règlement définitif pour le

Kosovo, sur la base de la volonté du peuple, de l’avis des autorités compétentes,
des efforts accomplis par chacune des parties dans la mise en Œuvre du présent
Accord, et de l’acte final d’Helsinki, ainsi que pour réaliser une évaluation

d’ensemble de la mise en Œuvre du présent Accord et d’examiner les propositions
de mesures complémentaires formulées par les parties.» 258

Le chapitre 81) a été rédigé sur le modèle du projet des Accords Hill mais se distinguait
considérablement de ce dernier en ce qu’il ne comportait pas la disposition prévoyant que le
consentement de la RFY aurait été nécessaire pour modifier le statut du Kosovo après la période de
259
transition .

Pour sa part, le Kosovo avait formulé des objections à Rambouillet, soutenant que la solution
proposée dans la première version des accords Hill ⎯en vertu de laquelle le consentement de la
RFY aurait été nécessaire ⎯ était inacceptable. La position du Kosovo avait été que, eu égard à

leurs différences fondamentales concernant la ques tion de la gouvernance du Kosovo, le fait de
conférer à chaque partie un droit de veto à la fi n de la période de trois ans excluait toute possibilité

de modification, rendant de fait le dispositif pe rmanent et démentant l’affirmation selon laquelle
l’accord avait en réalité un caractère provisoire. Le Kosovo déclara de ce fait que les pourparlers
devaient se poursuivre sur la base du principe selon lequel le Kosovo devrait pouvoir décider pour

258Accords de Rambouillet, S/1999/648, 18 février 1999, p. 85 [Pièce n 30].

259Le texte des paragraphes 1 et 2 de l’article VIII de la première version de l’accord Hill fait clairement
apparaître que le chapitre 8 1) des accords de Rambouillet a été calqué sur le modèle de l’accord Hill :

«1. Les amendements à l’accord sont adoptés par la signature des parties.

2. Chaque signataire peut proposer à tout moment des am endements. Il consulte l’autre partie sur
les amendements proposés.
er
Première proposition Hill, 1 octobre 1998 (réédité dans Krieger, p.155). Des versions ultérieures des accords
Hill, contenant des termes similaires, sont datées du 1e r novembre 1999 et du 2 décembre 1999 et sont reproduites dans
Krieger, respectivement aux pages 158 et 169. La proposition finale Hill, contenant el le aussi des termes similaires, est
datée du 27 janvier 1999 et est reproduite dans Krieger à la page 176. En vertu de ces dispositions, l’accord des parties
serait nécessaire pour modifier le dispositif applicable pendant la période de transition de trois ans.

En revanche, le troisième paragraphe du chapitre 81) des accords de Rambouillet se distinguait du troisième
paragraphe figurant dans les accords H ill qui envisageait ce qui se produirait à la fin de la période de transition.
Conformément aux trois premières versions de l’accord Hill, il devait y avoir une évaluation à la fin de la période de trois
ans. A ce stade là, tout comme en vertu des accords de Rambouillet, l’une ou l’autre des parties pouvait émettre des
propositions concernant des mesures supplémentaires. Toutefois, contrairement à ce qui était prévu dans les accords de
Rambouillet, les accords Hill prévoyaient également que ces propositions de mesures supplémentaires «nécessiteront
er
l’accord mutuel des parties pour leur adoption.» Voir la première eroposition Hill, 1 octobre 1998, par.3 de
l’articleVIII (réédité dans Krieger, p.158); proposition Hill revisée, 1novembre 1999, par.3 de l’article IX (réédité
dans Krieger, p. 165) ; et proposition Hill revisée, 2 décembre 1998, par. 3 de l’article XI (réédité Krieger, p. 175).
Les accords Hill reconnaissaient donc un droit de veto à Belgrade sur toute proposition de modification du statut du
Kosovo à la fin de la période de transition et pendant cette dernière. Ce n’était pas le cas des accords de Rambouillet. - 55 -

260
lui-même en ce qui concerne son statut futur . Le paragraphe 10 de la déclaration contenait sa
contre-proposition :

«Au terme de la période de transition, le statut futur du Kosovo sera déterminé
ou confirmé en application du principe d’autodétermination du peuple de la
République du Kosovo. Un référendum sera organisé avec une participation

internationale.»

Au moment des négociations à Rambouillet, il était clair que le Kosovo n’accepterait pas une
disposition prévoyant que Belgrade aurait la po ssibilité d’opposer son veto aux modifications
261
proposées au statut du Kosovo à la fin de la période de transition . Par suite, Rambouillet
abandonna le texte prévoyant que des mesures s upplémentaires «nécessiteront l’accord mutuel des
parties pour leur adoption». A sa place, il laissa le processus visant à déterminer le statut futur du

Kosovo indéfini, décrivant les facteurs qui devrai ent être pris en compte pour l’adoption d’une
décision quant au statut futur, mais sans se pencher sur le contenu de son issue. Il ne faisait aucun
doute que cette démarche était contraire à celle de la RFY qui réclamait avec insistance de disposer

d’un droit de veto sur tout aménagement concernant le statut futur. La délégation de la RFY et de
la Serbie chercha assurément à réinsérer les termes contenus dans les accords Hill exigeant leur
consentement, mais leurs efforts dans ce sens restèrent vains 262.

Ce point mérite d’être souligné, non pa rce qu’il mentionne quoi que ce soit quant au
bien-fondé relatif des positions adoptées par Belgra de et Pristina pendant les négociations, mais

plutôt parce qu’il met en évidence le fait que l’absence dans les accord s de Rambouillet (par
comparaison avec les versions précédentes des accords Hill) de toute référence à l’exigence du
consentement de Belgrade pour apporter des modifications au statut du Kosovo à la fin de la

période de transition était délibérée et partic ulièrement significative. Ainsi, lorsque la
résolution 1244 prévoyait qu’il sera tenu compte des accords de Rambouillet dans le processus de
détermination du statut que la présence internationale civile était chargée de faciliter, elle se référait

aux aménagements qui offraient la possibilité d’une issue du statut futur qui n’avait pas reçu le
consentement de Belgrade.

Au final, dans la mesure où la résolution 1244 aborde la question du statut futur, elle prévoit
qu’il y aura un processus, elle autorise la présence in ternationale civile à faciliter ce processus, et
elle reconnaît que le processus sera de nature po litique. La référence aux accords de Rambouillet

dans la résolution 1244, et le contexte des accords, mettent en évidence le fait qu’aucune décision
définitive n’était prise quant au résultat du processus sur le statut futur et que la résolution ne
rendait pas son issue dépendante du consentement de Belgrade.

260Voir déclaration sur les principes fondamentaux pour un règlement de la questiondu Kosovo, faite par le
Gouvernement de la République du Kosovo, 3 novembre 1998, par. 10 (réédité dans Krieger, p. 165-166).

261 Ibid. L’évolution vers la solution proposée dans les accords de Rambouillet avait commencé dans la
quatrième version de l’accord Hill du 29 janvier 1999. Cette version contenait des termes placés entre parenthèses
indiquant que l’évaluation visant à décider s’il convenaimettre en Œuvre des propositions concernant des mesures
supplémentaires à la fin de la période de trois ans se ferait «selon une procédure devant être déterminée en tenant compte
du rôle des Parties dans le présent Accord et de leur respect de ce dernier». Voir Proposition finale Hill, 27 janvier 1999,
article X 3) (réédité dans Krieger, p. 176, 181).

262Voir République fédérale de Yougoslavie, Projet d’accord revisé, 15 mars 1999, modifications proposées au
chap. 8, art. 1 (réédité dans Crisis, p. 480, p. 489-490). - 56 -

S ECTION III. LA REFERENCE ASSORTIE DE RESERVES ,DANS LA RESOLUTION 1244, A
L ’INTEGRITE TERRITORIALE DE LA RFY VIENT ENCORE CONFIRMER QUE
L’INDEPENDANCE ETAIT CONSIDEREE COMME UNE ISSUE

LEGITIME ET POSSIBLE

Le paragraphe 10 du préambule de la résolu tion 1244 réaffirmait l’engagement des Etats

Membres des Nations Unies «à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la République fédérale
de Yougoslavie et de tous les autres Etats de la région, au sens de l’acte final d’Helsinki et de
l’annexe2 à la présente résolution.» La manièr e dont ces termes sont formulés souligne que le

Conseil de sécurité n’exigeait pas que les frontiè res alors existantes de la RFY soient fixées à
jamais, sans égard aux autres considérations ou processus juridiques ou politiques. La résolution
était plutôt rédigée pour faire ressortir que l’indépendance à la suite de la période de transition était

une issue éventuelle et que l’intégrité territori ale devait être consi263ée et comprise en tenant
compte de toutes les circonstances entourant la situation au Kosovo .

A. Les principes d’intégrité territoriale n’excluent pas l’émergence de nouveaux états sur le
territoire d’états existants

Le principe selon lequel les Etats devraient respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale
des autres Etats est évident et s’applique à tous les Etats. A titre d’exemple, la Charte des Nations
Unies aborde la question de l’intégrité territori ale dans son article24), énonçant que: «Les

Membres de l’Organisation s’abstie nnent, dans leurs relations inte rnationales, de recourir à la
menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’ intégrité territoriale ou l’ indépendance politique de
tout Etat, soit de toute autre manière incompatib le avec les buts des Nations Unies.» En vertu de

l’article21), «l’Organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses
Membres». Mais le fait que ces principes soient évidents n’exclut pas que des entités cherchent à
émerger ou émergent effectivement en tant qu e nouveaux Etats sur le territoire de l’Etat
264
d’origine .

Au début des années 1990, les autorités de Belgrade déclarèrent que l’émergence de

nouveaux Etats sur le territoire de l’ex-Yougoslavie constituait une violation du principe de
l’intégrité territoriale. La RFSY affirma, par ex emple, que les déclarations d’indépendance de la
Slovénie et de la Croatie en 1991 «constituent une violation flagrante de l’intégrité territoriale de la

République fédérale socialiste de Yougoslavie» et que la RFSY «considèrera toute tentative de
reconnaître ces actes de la Slovénie et de la Croatie comme ... allant à l’encontre de sa subjectivité
internationale et de son intégrité territoriale» 26. De telles affirmations étaient inutiles. Comme

tout autre Etat, la RFSY avait droit au respect de sa souveraineté et de son intégrité territoriale.
Mais à lui seul, ce droit ne signifiait pas plus que le droit international interdisait l’émergence de
nouveaux Etats sur le territoire de la RFSY au début des années 1990 qu’il n’excluait l’émergence

d’un nouvel Etat sur le territoire de la RFY par la suite.

263
Pour être clair, les Etats-Unis reconnaissent que le paragraphe 10 du préambule n’est pas conçu sous la forme
d’une décision du Conseil de sécurité qui créerait des obligations juridiques contraignantes pour les Etats Membres en
vertu de l’article 25 de la Charte Nations Unies. Le texte de l’artictend néanmoins à indiquer que le Conseil
considérait que le Kosovo faisait à ce mome nt-là partie, mais pourrait bien finir par ne plus faire partie, de la RFY, et
qu’il y avait de nombreux principe s et facteurs en jeu qui auraient inévitablement des incidences sur le statut final du
Kosovo.

264Le paragraphe 10 du préambule, par le s termes qui sont employ és, fait référence à l’engagement «de tous les
Etats Membres.» Il reste à savoir comme nt cela pourrait avoir un rapport avec la question qui a été soumise à la Cour
dans la présente espèce, à savoir si le Kosov⎯qui n’est pas un Etat Membre ⎯ a agi conformément au droit
international en déclarant son indépendance.

265Evaluation et prises de position de la présidence de la RFSY au sujet des proclamations d’indépendance de la
République de Croatie et de la Slovénie, Belgrade, 11 octobre 1991, par. 1 et 2 (réédité dans Trifunovska, p. 353-354). - 57 -

B. Les différences entre la référence à l’intégrité territoriale dans la résolution 1244 et dans
les résolutions antérieures sur le Kosovo montrent que l’indépendance était
considérée comme une issue légitime et possible

Dans le cas particulier de la résolution 1244, quelle que soit la signification qui pourrait dans
d’autres circonstances être attribuée aux références faites à l’intégrité territoriale, le texte du

paragraphe 10 du préambule révèle que l’indépendance in fine pour le Kosovo était considérée
comme une issue légitime et possible.

Ce n’est pas un hasard si la référence à l’in tégrité territoriale dans la résolution 1244 est

différente des résolutions qui l’ont précédée. La résolution 1244 faisait suite à une série de
résolutions du Conseil de sécurité relatives à la situation politique au Ko sovo pendant la période
précédant la campagne militaire de 1999: la r ésolution 1160 (31 mars 1998), la résolution 1199

(23 septembre 1998) et la résolution 1203 (24 oct obre 1998). Chacune d’entre elles comportait un
paragraphe dans son préambule qui utilisait des expressions identiques pour «affirmer» ou
«réaffirmer» «l’attachement de tous les Etats Membr es à la souveraineté et à l’intégrité territoriale
266
de la République fédérale de Yougoslavie» .

Par contraste, le paragraphe 10 du préambule de la résolution 1244 est libellé comme suit :

«Réaffirmant l’attachement de tous les Etats Membres à la souveraineté et à
l’intégrité territoriale de la République fédé rale de Yougoslavie et de tous les autres

Etats de la région, au sens de l’acte final d’Helsinki et de l’annexe 2 à la pré
sente
résolution.» (Les italiques sont de nous.)

Ainsi, contrairement aux termes utilisés dans les résolutions antérieures, le paragraphe 10 du
préambule parle de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RFY telles qu’elles sont
énoncées dans les deux documents cités en référence ⎯c’est-à-dire au sens de l’acte final

d’Helsinki et de l’annexe 2 à la résolution. Comme nous l’expliquons de façon beaucoup plus
détaillée ci-après, la référence à l’annexe 2 s oulignait que le Conseil réaffirmait l’intégrité
territoriale de la RFY uniquement pour ce qui est de la période de transition qui fait l’objet de

l’annexe 2. Dans le même temps, la référence à l’acte final d’Helsi nki indiquait que le principe de
l’intégrité territoriale n’était qu ’un principe parmi un certain nomb re de principes contenus dans
l’acte final d’Helsinki devant être examiné et a ppliqué, en tenant compte de chacun des autres

principes de l’acte final d’Helsinki.

1. La référence à l’intégrité territoriale «au sens de ... l’annexe 2». Le paragraphe 10 du

préambule fait référence à l’attachement de tous les Etats Membres à la souveraineté et à l’intégrité
territoriale de la RFY «au sens de l’annexe 2» . L’annexe2 contient les principes Ahtisaari
⎯ Tchernomyrdine, acceptés par la RFSY au début du mois de juin 1999, qui ont ouvert la voie à

266 o
Voir résolution 1160 (1998) du Conseil de sécurité, S/RES/l160, par.7 du proambule [Pièce n 9] ;
résolution1199 (1998) du Conseil de Sécurité S/RES/l199, pa r.13 do préambule [Pièce n 17]; résolution 1203 (1998)
du Conseil de sécurité, S/RES/1203, par.14 du préambule [Pièce n 20]. Une autre résolution adoptée pendant la
campagne militaire examinait la situation humanitaire et utilisait les mêmes expressions «[r]éaffirmant l’intégrité
territoriale et la souveraineté de toules Etats dans la région». réso lution 1239 (1999) du Conseil de sécurité,
S/RES/l239, par.7 du préambule [Pièce n o28]. Des expressions similaires ont aussi été utilisées dans d’autres
résolutions relatives aux pays dela région. Voir, par exemple , résolution 1174 (1998) du Conseil de sécurité,
S/RES/l174, par. 2 du préambule et résolutions ultérieures relatives à la Bosnie. - 58 -

267
l’adoption de la résolution 1244 . La seule partie de l’annexe 2 qui fait référence aux principes
de «souveraineté et d’intégrité territoriale» est le paragraphe 8. Le paragraphe 8 fait référence à

«[un] processus politique en vue de l’établissement d’ un accord-cadre politique
intérimaire prévoyant pour le Kosovo une autonomie substantielle, qui tienne
pleinement compte des accords de Rambouillet et du principe de la souveraineté et de

l’intégrité territoriale de la République fédé rale de Yougoslavie et des autres pays de
la région, et la démilitarisation de [l’Armée de libération du Kosovo]. Les
négociations entre les parties en vue d’un règlement ne devraient pas retarder ni
268
perturber la mise en place d’institutions d’auto-administration démocratiques.»

Ainsi, le paragraphe 10 du préambule parle de prendre en considération les principes de
souveraineté et d’intégrité territoriale uniquement dans le dispositif mis en place pour administrer

le Kosovo pendant la période de transition. Lo rsqu’on le compare avec les termes employés dans
les résolutions sur le Kosovo que le Conseil avait adoptées l’année précédente, l’expression «au
sens de l’annexe 2» révèle que la période à laquelle il est fait réfé rence était uniquement la période

de transition. La résolution 1244 ne préjugeait donc aucunement de la façon dont les principes de
souveraineté et d’intégrité territoriale devraient être pris en compte dans le dispositif du statut futur.

2. La référence à l’intégrité territoriale «au sens de l’acte final d’Helsinki». Dans le même
temps, la référence à l’acte final d’Helsinki soulig nait que l’attachement à l’intégrité territoriale ne
devait pas être lu isolément, mais plutôt dans un contexte plus large dans lequel d’autres principes

doivent être pris en compte de façon égale, et dans lequel les droits de l’homme et d’autres
considérations revêtent une importance particulière.

L’acte final d’Helsinki, adopté par 35 Etats lors de la réunion de la Conférence sur la sécurité
et la coopération en Europe à Helsinki en 1975, abordait trois «cor beilles» de questions,
principalement liées à la sécurité en Europe, la coopération dans les domaines de l’économie, de la

science et de la technique, et un large éventail de sujets relatifs aux dr oits de l’homme. La
première corbeille comportait une déclaration sur les principes régissant les relations mutuelles des
Etats participants. La déclaration élaborait dix pr incipes, dont celui de l’intégrité territoriale des

Etats (principe IV), ainsi que des principes liés au respect des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ; l’égalité de droits des peuples et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ; des
dispositions d’ordre général fondées sur la nécess ité de promouvoir un environnement stable et la

sécurité en Europe ; et l’engagement des Etats à exercer leurs droits souverains pour s’acquitter de
leurs obligations juridiques en application du droit international et mettre en Œuvre les dispositions
mêmes de l’acte final d’Helsinki 269.

Il y a au moins deux raisons pour lesquelles l’ emploi de l’expression «intégrité territoriale»
dans le contexte de l’acte final d’Helsinki a une importance pour comprendre les termes du

paragraphe 10 du préambule de la résolution 1244.

En premier lieu, l’insertion des termes empl oyés dans l’acte final d’Helsinki mettait en

évidence le fait que le principe de l’intégrité territoriale doit être perçu non pas comme un élément
dans l’absolu, mais comme une parmi de nombreuses considérations qui étaient pertinentes dans la
façon d’envisager le problème du Kosovo. Les para graphes conclusifs de la déclaration sur les

267L’annexe 2 comportait une liste de dix principes quela RFY avait acceptés et qui serviraient de base pour
mettre immédiatement fin à la crise humanitaire au Kosovo età la campagne militaire menée par l’OTAN. La liste

incluait, par exemple, «un arrêt immédiat et vérifiable de la violence et de la répression au Kosovo», un retrait vérifiable
des forces de sécurité yougoslaves, ldéploiement d’une présence internationale de sécurité et le déploiement d’une
présence internationale civile.
268Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, S/RES/1244, par. 8 (les italiques sont de nous) [Pièce n 34].

269Acte final d’Helsinki, 1 eraoût 1975, disponible sur le site : http://www.osce.org/documents/mcs/1975
/08/4044_en.pdf. - 59 -

principes d’Helsinki comportent des termes spécifiques reliant les différents volets de l’acte final
d’Helsinki et mettant en évidence leurs liens réci proques. Plus particulièrement, le principeX

stipule :

«Tous les principes énoncés ci-dessus s ont dotés d’une importance primordiale

et en conséquence ils s’appliquent égal ement et sans réserve, chacun d’entre eux
s’interprétant en tenant compte des autres.»

La portée de la déclaration relative aux liens réciproques entre les Principes d’Helsinki a été
reconnue et réaffirmée à maintes reprises penda nt les décennies qui ont suivi son adoption 270.

Depuis ses débuts, un principe fondamental de l’act e final d’Helsinki demeure: 271 n’y a aucune
hiérarchie entre les principes et ils sont tous interdépendants» . La référence à l’acte final
d’Helsinki a donc contribué à mettre en évidence que, quelle que soit la façon dont on pourrait

interpréter le principe de l’intégrité territoriale, il doit être compris à la lumière d’autres principes
tout aussi importants.

En second lieu, la référence à l’acte final d’Helsinki était importante du fait que les principes
relatifs aux droits de l’homme s ont au cŒur du processus d’Helsinki 272. L’acte final d’Helsinki a

mis en évidence, entre autres choses, l’attachement des Etats participants

⎯ à respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales pour tous, sans distinction de

race, de sexe, de langue ou de religion ;

270
Ainsi, le statut égal des principes a également été expressément réaffirmé par tous les Etats de la CSCE
participant au Document de clôture de la réunion de Vienne (1986-1989). Le principe 1) du Document de clôture de cette
réunion énonce :

«Les Etats participants réaffirment leur engagement à l’égard des dix principes de la déclaration
de l’acte final sur les principes régissant les relations mutuelles des Etats participants et leur
détermination à les respecter et à les mettre en pratique. Les Etats participants réaffirment que tous ces
principes sont dotés d’une importance primordiale et que, en conséquence, ils s’ appliquent également et
sans réserve, chacun d’entre eux s’interprétant en tenant compte des autres.»

Document de clôture de la réunion de Vienne de 1986 des représentants des Et ats participants de la Conférence
sur la sécurité et la coopération en Europe, tenue conforméme nt aux dispositions de l’acte fi nal relatives aux suites de la
Conférence, 19 janvier 1989, disponible sur le site : http://www.osce.org/documents/mcs/1989/01/16059_en.pdf.

Il a également été adopté par les Etats participan ts dans un «Code de condui te relatif aux aspects
politico-militaires de la sécurité» de l’OSCE en 1994. Ainsi, le paragraphe 7 du Code de conduite stipule :

«Les Etats participants rappellent que les principes de l’acte final d’Helsinki sont tous dotés d’une
importance primordiale et en conséquence ils doivent s’appliquer également et sans réserve, chacun
d’entre eux s’interprétant en tenant compte des autres.»

Code de conduite relatif aux aspects politico-militaires de la sécurité, 3 décembre 1994, OSCE DOC.FSC/l/95,
disponible sur le site : http://www.osce.org/documents/fsc/1994/12/4270en.pdf.

Il est mis en exergue aujourd’hui dans le «Manuel de l’OSCE», où il est accompagné d’une liste récapitulative
des dix principes de la déclaratio n. Voir Manuel de l’OSCE, 2007, p., disponible sur le s:te
http://www.osce.org/item/22286.html.

271Jân Kubis, «Management of Change in a Time of Transition», in Compte rendu d’une Conférence intitulée
«Démocratie et sécurité au XXI siècle et l’évolution du rôle des organisa tions régionales», sous l’égide du Centre
autrichien d’études internationales en coopération avec l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, 2005,
disponible sur le site : http://www.osce.org/documents/sg/2005/12/17389_en.pdf.

272Voir T. Buergenthal, D. Shelton, and D. Stewart, «I nternational Human Rights» (2002), p. 206 (les principes
et le processus de l’OSCE «ont donné aux droits de l’ homme une place importante dans le programme politique» de
l’Europe et ont permis à l’OSCE de jouer un rôle si impor tant «pour influer sur les politiques de défense des droits de

l’homme de nombre de ses nations.»). La Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) fut le vecteur
principal de la poursuite des résultats de l’acte final d’Helsinki; la CSCE devint l’Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (OSCE) en 1995. Pour plus de commodité, le nom actuel de l’organisation ⎯ OSCE ⎯ est utilisé
dans tout le texte ici. - 60 -

⎯ à favoriser et encourager l’ex ercice effectif des libertés et droits civils, politiques,
économiques, sociaux, culturels et autres ;

⎯ à reconnaître et respecter la liberté de l’individu de professer et pratiquer, seul ou en commun,
sa religion ;

⎯ à respecter le droit des personnes appartenant à des minorités nationales à l’égalité devant la

loi, et à leur donner l’entière possibilité de jouir effectivement des droits de l’homme et des
libertés fondamentales ; et

⎯ à reconnaître l’importance univer selle des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
dont le respect est un facteur essentiel de la paix , de la justice et du bien-être nécessaires pour

assurer le développement de relations amicales et de la coopération entre eux comme entre tous
les Etats.

Les dispositions de l’acte final d’Helsinki relatives aux droits de l’homme ont eu une
importance particulière en ce qui concerne la RFY, qui avait été à l’origine de vastes atrocités à
l’encontre des Albanais de souche au Kosovo. L’OSCE avait publié de nombreux rapports faisant
273
état de ces atrocités . La RFY avait été interdite de participation à l’OSCE depuis le
8 juillet 1992 274, et elle craignait de se considérer comme étant tenue de respecter les engagements

de l’OSCE relatifs aux droits de l’homme uniquement «dans l’h275thèse où les droits et obligations
liés au statut de membre de [la RFY] sont rétablis» .

La référence à l’acte final d’ Helsinki a donc mis en évidence l’importance cruciale de la
situation des droits de l’homme et des principes relatifs aux dro its de l’homme de l’acte final
d’Helsinki au Kosovo, a affirmé que les principes de l’acte final d’Helsinki restaient applicables

nonobstant le fait que la RFY avait été interdite de participation à l’OSCE, et a souligné que le fait
de réaffirmer le principe de l’ intégrité territoriale ne devait pas être compris en dehors de tout
276
contexte .

273Voir, par exemple, «Kosovo/Kosova - As Seen, As Told» (1999), rapport de l’OSCE, disponible sur le site:
http://www.osce.org/publications/odihrI1999111117755 506 en.pdf; voir également les rapports de la CSCE cités au
chapitre II, section II.

274Voir Manuel de l’OSCE, p.14, disponible sur le site : http://www.osce.org/publications/sg/2007/10
/22286_952_en.pdf. La RFY ne fut finalement acceptée comme membre de l’organisati on que le 10 novembre 2000.
Voir Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, déclaration de Vienne sur le rôle de l’OSCE en Europe du
Sud-Est, 8eréunion du Conseil ministériel, 27-28 novembre 2000, document MC.DOC/2 /00, par.1, disponible sur le

site : http://www.osce.org/documents/mcs/2000/11/4170_en.pdf.
275Déclaration de M. Milan Milutinovic, président de la République de Serbie sur le processus politique initié
pour le Kosovo et la Métochie, 11 mars 1998 (réédité dans Krieger, p. 123) ; Lettre en date du 18 mars 1998 adressée au

Secrétaire général par le chargé d’affaires par intéri m du représentant permanent de la Yougoslavie auprès de
l’Organisation des Nations Unies, S/1998/250, annexe, 18 mars 1998.
276
er Le traitement de l’intégrité territoriale dans la déclaration sur les principes dans l’acte final d’Helsinki,
1 août1975, disponible sur le site: http://www.osce.org/documents/mcs/1975/08/4044 en.pdf, met également en
évidence le fait qu’elle est considérée comme un élément des relations entre Etats. Plus particulièrement, le principe IV
sur l’intégrité territoriale des Etats indique clairement que la question est examinée dans le contexte des relations entre
Etats, par opposition, par exemple, au contexte qui supposerait de s’interroger sur le fait de savoir si les conditions sont
réunies pour que de nouveaux Etats apparaissent sur le territoire d’anciens Etats. Le principe IV est libellé comme suit :

«Les Etats participants respecteront l’intégrité territoriale de chacun des Etats participants.

En conséquence, ils s’abstiennent de tout acte incompatible avec les buts et principes de la Charte
des Nations Unies contre l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou l’unité de tout Etat
participant, et en particulier de toute action de ce genre représentant une menace ou un emploi de la force. - 61 -

SECTION IV. L A RESOLUTION 1244 FAIT REFERENCE A L ’INTEGRITE TERRITORIALE DE LA
R EPUBLIQUE FEDERALE DE Y OUGOSLAVIE UNIQUEMENT ,NON A CELLE DE LA S ERBIE

La Serbie dit de la résolution 1244 qu’elle réaffirmait la souveraineté et l’intégrité territoriale
de la «Serbie». A titre d’exemple, dans sa le ttre au Secrétaire général des Nations Unies
immédiatement après la déclaration d’indépenda nce du Kosovo le 17 février 2008, le président

serbe Tadic déclara que la résolution 1244 «r277firm e explicitement la souveraineté et l’intégrité
territoriale de la République de Serbie» . En réalité, la résolution 1244 fait référence à la
souveraineté et à l’intégrité territoriale de la «République fédérale de Yougoslavie», et la

distinction a assurément son importance. Comme nous l’analysons dans la présente section, même
si l’on suppose, pour les besoins de l’argumentation, que la résolution 1244 se penche sur le fait de
savoir si le Kosovo devrait rester à l’intérieur des frontières de la «République fédérale de

Yougoslavie», cela n’aurait pas obligé le Kosovo à rester au sein de la «Serbie».

1. La position des dirigeants de la RFY et de la Serbie pendant toute la période concernée
était que le Kosovo devait continuer à faire partie de la Serbie, et non pas uniquement de la

RFY. Comme nous l’avons décrit au chapitre II, le Kosovo avait un double statut pendant la
période précédant l’éclatement de la République fédérale socialiste de Yougoslavie. Durant cette
période, le Kosovo avait réclamé de façon répété e de se voir accorder le statut de république

⎯statut qui serait calqué sur ceux de la Serbie, de la Bosnie-Herzégovine, de la Croatie, de la
Macédoine, du Monténégro et de la Slovénie tant dans la forme que dans le fond, et en vertu duquel

le Kosovo pourrait exister sous un toit commun yougoslave. A la fin des années 1990, une idée
similaire était examinée sous une autre forme: le Kosovo pourrait exister sous un toit commun
similaire, aux côtés de la Serbie et du Monténégro, en tant que troisième république au sein de la

RFY. Cela aurait été une solution pour conserve r les frontières extérieures de la RFY tout en
reconnaissant simultanément le fait qu’il devenait de plus en plus insoutenable pour le Kosovo de
continuer à faire partie de la Serbie.

Pour leur part, les dirigeants de la RFY et de la Serbie persistaient à s’opposer à cette idée et
à assurer que le Kosovo doit continuer à faire part ie de la Serbie. Ils maintinrent cette position

avant, pendant et après l’adoption de la réso lution 1244. Le gouvernement yougoslave et le
président de la RFY (et non de la Serbie à l’é poque) Milosevic mit à maintes reprises l’accent sur
cette distinction, affirmant qu’il s’agissait d’une question relative aux frontières de la Serbie et à la

souveraineté de la Serbie , qui devait être réglée par le Gouvernement serbe plutôt que par le
gouvernement fédéral.

A titre d’exemple, pendant la période ayant conduit à l’adoption de l’ embargo sur les armes
yougoslaves en application de la résolution 1160 du Conseil de sécurité, la RFY fit une
«déclaration sur le processus politique au Kosovo et en Métochie» par la voix du président serbe

De même, les Etats participants s’abstiennent chacun de faire du territoire de l’un d’entre eux
l’objet d’une occupation militaire ou d’autres mesures co mportant un recours direct ou indirect à la force
contrevenant au droit international, ou l’objet d’ une acquisition au moyen de telles mesures ou de la
menace de telles mesures. Aucune occupation ou ac quisition de cette nature ne sera reconnue comme
légale.»

Outre le fait qu’elle ressort clairement du texte même du principe IV, l’idée selon laquelle l’intégrité territoriale
est un élément des relations entre Etats se dégage du fait que le document dont il fait partie est intitulé «Déclaration sur
les principes régissant les relations mutuelles des Etats participants.»
277
Lettre en date du 17 février 2008, adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de la Serbie
auprès de l’Organisation des Nations Unies, comportant en annexe une leotre adressée au Secrétaire général par le premier
ministre de la République de Serbie, S/2008/111, 19 février 2008 [Pièce202]. Voir également résolution de
l’Assemblée nationale de la Républiqude Serbie relative à la confirmationla décision du Gouvernement de la
République de Serbie à propos de l’annulation des actesillégitimes des institutions provisoires d’administration
autonome au Kosovo et en Métochie concernant la pr oclamation de l’indépendan ce unilatérale, S/2008/260,
18février2008, pièce jointe 2 [Pièce n 87] (affirmant que la «résolution 12 44 (1999) du Conseil de sécurité des
Nations Unies stipulait explicitement que le Kosovo et la Métochie font partie intégrante de la République de Serbie»). - 62 -

Milutinovic affirmant que c’était Milutinovic qui serait le «garant» de pourparlers sur un dialogue
politique à propos du statut du Kosovo, qu’il agirait ainsi «en [sa] qualité de président de la
République de Serbie,» et que l’ordre du jour des pourparlers était le statut du Kosovo «dans le
278
cadre de la Serbie» . L’on peut citer un autre exemple: à la suite de l’adoption de la
résolution1160, le président de la RFY Milosevic écrivit une lettre à ses collègues du
Gouvernement serbe faisant part de son rejet des demandes contenues dans la résolution 1160

d’une participation internationale à ce qu’il qualifiait comme «le problème au Kosovo et en
Métochie qui est une question intérieure de la Serbie » 279. Lors du débat sur la résolution au
Conseil de sécurité, le Représentant permanen t de la Yougoslavie auprès des Nations Unies

s’opposa tout particulièrement à l’idée de conserver le Kosovo au sein de la RFY mais pas au sein
de la Serbie, critiquant les propositions faites par certains «pour que des solutions soient

recherchées en dehors de la Serbie ⎯ou, comme ils disent, au sein de la République fédérale de
Yougoslavie». Il insista sur le fait qu’une solu tion de cette nature «c onstitue une violation de
l’intégrité territoriale de la Serbie» 280.

2. L’absence, dans la résolution 1244, de dispositions faisant référence au Kosovo comme
partie intégrante de la Serbie (même pendant la période de transition) était significative et

délibérée. Les textes des principes du G-8, des principes Ahtisaari ⎯Tchernomyrdine et du
dispositif de la résolution 1244 elle-même ont été rédigés de façon à définir le Kosovo comme étant
partie intégrante de la Répub lique fédérale de Yougoslavie plutôt que de la Serbie. Les

représentants de la RFY et de la Serbie soulevèr ent cette question lors des pourparlers que l’ancien
président Ahtisaari et l’ancien premier ministre Tchernomyrdine menèrent à Belgrade au début du

mois de juin 1999 avec le président yougoslave Mi losevic et le président serbe Milutinovic. Ils
contestaient l’idée selon laquelle les termes utilisés dans les principes feraient référence à
l’autonomie substantielle dont jouirait le Kos ovo «au sein de la République fédérale de

Yougoslavie», et non également «au sein de la Serbie» Ils étaient particulièrement préoccupés à
l’idée que, «si le Monténégro venait à se séparer de la Serbie, le Kosovo serait en mesure de
prétendre qu’il était indépendant du fait que la République fédérale de Yougoslavie n’existait
281
plus» . Au bout du compte, c’est précisément ce qui se produisit.

3. La question prit une nouvelle dimension lorsque des négociations démarrèrent entre la

Serbie et le Monténégro pour reconstituer la RFY en une nouvelle «Union d’Etats». Il y eut de

278
Déclaration de Milan Milutinovic, président de la République de Serbie sur le processus politique initié pour le
Kosovo et la Métochie, 11 mars 1998 (réédité dans Krieger, p.123); lettre en date du 18 mars 1998 adressée au
Secrétaire général par le chargé d’a ffaires par intérim de la Mission perm anente de la Yougoslavie auprès de
l’Organisation des Nations Un ies, A/53/89, S/1998/250, annexe , 18 mars 1998 (les italiques sont de nous). Voir
également la déclaration de l’Assemblée nationale de la République de Serbie, faite à Be lgrade le 24 mars 1998, A/53/91
annexe, par. 2 («La nation serbe ... n’accep tera jamais que les droits du peuple serb e ou que la souveraineté et l’intégrité
territoriale de la Serbie soient mis en danger par qui que ce soit.»).

279Lettre en date du 2 avril 1998 adressée par le président de la RFY aux présidents de la République de Serbie,
du Gouvernement serbe et de l’Assemblée de Serbie, sur le référendum visant à déte rminer si les représentants étrangers
devraient ou non être associés au règlement de la question du Ko sovo, 2 avril 1998 (réédité dans Krieger, p.137) (les

italiques sont de nous).
280Procès-verbal provisoire de la 3868e séance du Conse il de sécurité tenue le 31 mars 1998, S/PV.3868, p.18
[Pièce no8]. La distinction entre la RFY et la Serbie contin ua à être observée dans les négociations des accords Hill et
des accords de Rambouillet. Les accords Hill comme les accords de Rambouillet étaient structurés de telle sorte que la

RFY et la Serbie auraient signé en tant que parties distinctes. On a d’ailleurs affirmé, pour souligner jusqu’où Belgrade
alla pour insister sur la distinction, que le papier à en-tête de la délégatla RFY / Serbie à Ra mbouillet portait la
mention «Délégation de la Serbie» pour bien montrer le point de vue de Belg rade qui estimait «que les questions
concernant le Kosovo devraient être traitées principa lement par la République de Serbie, conformément aux
modifications constitutionnelles auxquelles cette entité avait procédé unilatéralement». Voir M. Weller, La Conférence
de Rambouillet sur le Kosovo, 75 :2 International Affairs 211, p. 226 (1999).
281
J. Norris, «Collision Course: NATO, Russia and Kosovo» (2005), p.185. La distinction entre la RFY et la
Serbie apparaît également dans l’accord militaire technique (MTA), conclu juste avant qu e le Conseil de sécurité
n’adopte la résolution 1244, avec le Gouvern ement de la République fédérale de Yougoslavie et le Gouvernement de la
Serbie qui ont signé le MTA en tant que parties distinctes. - 63 -

nouvelles discussions relatives à cette question après l’adoption de la résolution 1244, en particulier
pendant la période de négociations entre la Serbie et le Monténégro pour reconstituer la RFY en
une nouvelle «Union d’Etats», et concernant le fait que cela pourrait conduire à l’éclatement des

deux républiques. Il était de plus en plus la rgement admis que l’éventu alité d’un tel éclatement
pouvait avoir des incidences considérables pour le statut futur du Kosovo 282. Afin de reconstituer
la RFY en une Union de la Serbie et du Monténégro, le président de la République fédérale de

Yougoslavie, le vice premier minist re fédéral, le président de la République du Monténégro et les
Premiers Ministres serbe et monténégrin signèrent le 14 mars 2002 un accord sur les principes
régissant les rapports entre la Serbie et le Monténégro 283. L’accord prévoyait qu’au terme d’une

période de trois ans, le Monténégro aurait le droit d’initier une procédure pour se retirer de l’Union
et accéder de ce fait à l’indépendance. Co mpte tenu de ses préoccupations concernant les

incidences que le retrait du Monténégro de l’Union aurait pour les arguments de la Serbie quant au
statut du Kosovo en application de la résoluti on 1244, la Serbie obtint de faire figurer une
disposition spéciale dans cet accord, qui stipulait :

«Au terme d’une période de trois ans, les Etats Membres auront le droit d’initier
une procédure en vue de changement du statut national, c’est-à-dire de sortir de la

communauté. Au cas où le Monténégro sortirait de l’union, les documents
internationaux relatifs à la RFY, en pa rticulier la résolution 1244 du Conseil de
sécurité des Nations Unies, concerneraient en totalité et seraient valables pour la

Serbie en tant qu’Etat successeur.»

Le contenu de cette disposition fut ensuite intégré dans l’article 60 de la Charte

constitutionnelle de l’Union de la Serbie et du Monténégro qui284t adoptée en février 2003; à ce
moment-là, la RFY fut rebaptisée la «Serbie et Monténégro» .

Le Conseil de sécurité ne considéra pas que la transformation et la nouvelle appellation de la
République fédérale de Yougoslavie sous le nom d’«Union d’Etats de Serbie et Monténégro» avait
des répercussions sur les dispositions de la résolution 1244» 285. Mais la situation changea quand le

Monténégro déclara son indépendance le 3 juin 20 06, que la Serbie déclara son indépendance le
5juin2006, et que, de ce fait, le Monténégro et la Serbie se séparèrent. A ce moment-là, le
Kosovo ne pouvait pas, dans la pratique, rester au sein du même pays que la Serbie sans faire partie

de la Serbie elle-même. Or cette issue n’au rait pas été exigée même en interprétant le
paragraphe 10 du préambule de la résolution 1244 comme interdisant au Kosovo de se séparer de la
RFY. Les perspectives d’une solution viable autre que l’indépendance du Kosovo apparurent

comme d’autant plus lointaines. Avec l’éclatement de la Serbie et du Monténégro en 2006, toute
solution «au sein de la Yougoslavie mais en dehors de la Serbie» à la question du statut futur était
désormais irréalisable.

En somme donc, la référence à la RFY plutôt qu’à la Serbie dans le paragraphe10 du
préambule est particulièrement significative. Au final, même selon une interprétation de ce

paragraphe qui aurait exigé que le Kosovo continue de faire partie de la RFY, cela n’aurait pas

282Voir, par exemple, commentaires de Dragoljub Micunovic, Radio Siobodna Evropa, 1 avril 2001 (cité dans
E. Hasani, «Self-Determination Under the Terms of th e 2002 Union Agreement Between Serbia and Montenegro
Tracing the Origins of Kosovo’s Self-Determination», 80 Chicago-Kent Law Review 305 (2005), p.20, n o70) (faisant
observer que la sécession du Monténégro de la RFY (Serbie et Monténégro) rendrait de même extrêmement probable la

sécession du Kosovo).
283Bases initiales pour le rétablissement des rapports entre la Serbie eMonténégro, signées à Belgrade le
14 mars 2002, disponible sur le site : http://ue.eu.int/ueDocs/cms_Data/docs/pressdata/EN/declarations/73447.p….

284Charte constitutionnelle de l’Un ion d’Etats de Serbie et Monténégro, disponible sur le site:
http://www.mfagov.yu/Facts/const_scg.pdf.

285Voir déclaration du président du C onseil de sécurité, S/PRST/2003 /l du 6 février 2003 [Pièc61] : «Le
Conseil prend note de la transformation de la République fédérale de Yougoslavie en Serbie et Monténégro et, à cet
égard, réaffirme que la résolution 1244 (1999) reste intégralement valide dans tous ses aspects.» - 64 -

signifié que le Kosovo devait continuer à faire partie de la «Serbie». Une interprétation de la

résolution amenant à exiger un résultat de cette nature ferait non seulement abstraction de ses
clauses, mais en modifierait considérablement les effets.

S ECTION V. LA RFY ELLE -MEME RECONNAISSAIT QUE LA RESOLUTION 1244
N’EXCLUAIT PAS LA POSSIBILITE D ’UNE INDEPENDANCE DU K OSOVO

Pour sa part, au moment de l’adoption de la résolution 1244, la République fédérale de
Yougoslavie ⎯sans aucun doute préoccupée par les te rmes qui avaient été intégrés et qui
laissaient entendre que le statut futur pourrait être décidé sans son consenteme⎯ manifesta son

opposition aux dispositions de la résolution. Plus particulièrement, la RFY dénonçait le fait que :

«[A]u paragraphe 11 du dispositif, la résolution établit un protectorat, prévoit la

création d’une système économique et politique séparé dans la province et ouvre la
possibilité à une sécession du Kosovo-Metohija de la Serbie et de la République
fédérale de Yougoslavie.»286

Ainsi, outre le fait qu’elle est incompatibleavec les dispositions de la résolution 1244, la
position de la Serbie aujourd’hui qui consiste à dire que la réso lution 1244 constituait une garantie
contre l’indépendance du Kosovo est en contradic tion totale avec ce que la RFY avait dit au

moment où la résolution 1244 était adoptée.

S ECTION VI. AU MOMENT DE LA DECLARATION D INDEPENDANCE ,LE «PROCESSUS

POLITIQUE »ENVISAGE PAR LA RESOLUTION 1244 AVAIT PRIS FIN

La résolution 1244 n’excluait aucune des options possibles pour le statut futur du Kosovo,

mais envisageait plutôt un processus politique qui vi sait à déterminer le statut futur du Kosovo.
Elle autorisait expressément la présence internationa le civile à faciliter ce processus, accordant un
large pouvoir discrétionnaire au Secrétaire général quant à la meilleure façon de poursuivre ces

efforts. Comme nous l’analysons dans la présente section, au moment où le Kosovo déclara son
indépendance en février 2008, ce processus politique av ait pris fin. Toutefois, contrairement aux
périodes antérieures, au cours desquelles le Secrétaire général en était encore à programmer ou
menait activement le processus de détermination du statut futur, ni le Secrétaire général ni le RSSG

ne dénoncèrent ni n’annulèrent la déclaration d’indépendance du 17 février 2008.

En 2002, avec l’appui du Conseil de sécu rité, la MINUK commença à mettre en Œuvre la

politique des «normes avant le statut». Lors de son intervention devant le Conseil de sécurité en
avril 2002, le Représentant spécial du Secrétaire général décrivait la situation de la façon suivante :

«Nous sommes en train de transférer nos responsabilités aux institutions
mes

[du Kosovo] qui s’emploient actuellement à mettre en place une autonomie
substantielle. Ceci va nous rapprocher de l’étape au cours de laquelle il sera temps de
commencer le processus politique conçu afin d’assurer le statut futur du Kosovo. Ce

sera l’une de mes principales responsabilités, comme le prévoit le paragraphe 11 e) de
la résolution 1244 (1999).

Mais permettez-moi de dire qu’il est manifeste que le moment approprié n’est
pas encore venu. La sociét é et les institutions du Ko sovo devront pr ouver qu’elles
sont prêtes pour ce processus ⎯sans préjuger de son issue. Nous devons leur faire

286Remarques de M. Jovanovic, chargd’affaires de la Mission permanente de la Yougoslavie auprès de
l’Organisation des Nations Unies, lors du débat au Conseil de sécurité sur l’adoption de la résolution 1244, S/PV.4011,
10 juin 1999, p. 6 (les italiques sont de nous) [Pièce n 33]. - 65 -

comprendre clairement ce que l’on attend d’elles. C’est la raison pour laquelle je mets

sur pied un processus de repères. Ces repères doivent être atteints avant d287ancer le
débat sur le statut, conformément à la résolution 1244 (1999).»

La MINUK indiqua clairement qu’à ce stade, le RSSG rejetterait une déclaration
d’indépendance du Kosovo comme étant contraire à la résolution 1244, notant en particulier que

«les initiatives visant à régler la question du statut final du Kosovo ne bénéficient pas actuellement
du soutien de la communauté internationale» 288.

La MINUK poursuivit cette politique des «nor mes avant le statut» jusqu’à ce que le
Secrétaire général, à la suite des émeutes de mars 2004, demande l’élaboration d’un examen global

de la situation au Kosovo qui conclut qu’«[a]uj ourd’hui la situation au Kosovo se caractérise par
une frustration et un mécontentement grandissants» ; qu’une majorité de la communauté albanaise

considérait que la stratégie actuelle était une « politique de statu quo, ne pouvant qu’aggraver une
situation économique et sociale déjà difficile» ; et que la MINUK avait perdu de sa crédibilité tant
auprès des Albanais du Kosovo que des Serbes du Kosovo 289. En octobre 2005, l’ambassadeur

norvégien Kai Eide, envoyé spécial du Secrétaire général, indiqua que le lancement du processus
sur le statut futur ne pouvait pas être retardé dava ntage, faisant observer que la situation était telle
290
qu’«une fois lancé, le processus ne doit pas être bloqué et devra être mené à son terme» . Le
président du Conseil de sécurité déclara que le Conseil approuvait la conclu sion de M. Eide, qu’il

apportait son appui au Secrétaire général qui se proposait d’entamer le processus de détermination
du statut, et qu’il accueillait avec satisfaction s on intention de désigner un envoyé spécial pour
diriger ce processus 291.

Comme nous l’avons décrit au chapitre II, le S ecrétaire général, avec l’appui du Conseil de

sécurité, nomma l’ancien président finlandais Martti Ahtisaari pour diriger ce processus, les
membres du groupe de contact convena nt à cette époque qu’ «une fois lancé, le processus ne doit
pas être bloqué et devra être mené à son terme» 292. Alors que le processus sur le statut futur était

sur le point de démarrer, il y eut à nouveau des pourparlers au sujet d’une éventuelle déclaration
d’indépendance au Kosovo, et la MINUK fit à nou veau savoir qu’elle n’accepterait pas une telle

déclaration d’indépendance, même si elle n’ avait aucune objection à ce que l’Assemblée du
Kosovo adoptât un cadre d’intervention pour l’équi pe du Kosovo qui travaillerait de concert avec
293
l’envoyé spécial Ahtisaari en faveur de l’indépendance . L’As294blée du Kosovo procéda alors
à l’adoption d’une résolution instaurant ce cadre d’intervention .

287Procès-verbal provisoire de la 4518e séance du Conse il de sécurité tenue le 24 avril 2002, S/PV.4518, p.4
[Pièce no103].

288Lettre en date du 7 février 2003 adressée au Présiden t de l’Assemblée du Kosovo pa r le représentant spécial
adjoint principal du Secrétaire général, 7 février 2003 [Pièce n9].

289Voir Lettre en date du 17 novembre 2004 adressée au présid ent du Conseil de sécuri té par le Secrétaire
o
général, S/2004/932, par. 2 et 3, du 30 novembre 2004 [Pièce n 71].
290Lettre en date du 7 octobre 2005 adressée au présiden t du Conseil de sécurité pa r le Secrétaire général,
o
S/2005/635, annexe, 7 octobre 2005 [Pièce n 193].
291Déclaration du président du Conseil de sécurité, S/PRST/2005/51, du 24 octobre 2005 [Pièce n 195].

292Lettre en date du 31 octobre 2005 adressée au président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général,
S/2005/708 du 10 novembre 2005 [Pièce n 196] et lettre en date du 10 novembre 2005 adressée au Secrétaire général par
o
le président du Conseil de sécurité, S/2005/709 du 10 novembre 2005 [Pièce n 197].
293Point de presse MINUK, compte rendu de la Conférence de presse donnée par le RSSG Søren Jessen-Petersen

au siège de la MINUK, 21 novembre 2005, disponible sur le site: http://www.unmikon line.org/DPI/Transcripts.
nsf/0/8E2671F635881CFFC12570C1002AF51A/$FILE/tr211105.pdf.
294
Résolution, 21 novembre 2005, disponible sur le site : http://www.Assemblée-kosova.org/common/docs/
Resolution.%20,english,%20version.17.11.05.pdf. - 66 -

L’envoyé spécial Ahtisaari mena par la suite d’intenses négociations mais conclut que les
parties restaient campées sur leurs «positions diamétralement opposées». Malgré les efforts

considérables déployés durant de longs mois pa r l’Organisation des Nations Unies et d’autres
acteurs de la communauté internationale, nota mment les Etats-Unis, il devint malheureusement
évident que les parties n’étaient pas en mesure d’aboutir à un accord sur le statut futur du
295
Kosovo. Ahtisaari présenta un rapport au Conseil de sécurité qui était libellé comme suit :

«Mon mandat me charge expressément de déterminer le rythme et la durée du

processus de détermination du statut futur en concertation avec le Secrétaire général et
en tenant compte de la coopération des parties et de la situation sur le terrain. J’ai la

ferme conviction que toutes les possibilit és de parvenir à une issue négociée du
commun accord des parties sur le statut du Kosovo ont été épuisées. La poursuite des
pourparlers, sous quelque forme que ce soit, ne saurait permettre de sortir de cette
296
impasse.»

Ahtisaari conclut qu’«il est cependant urgent de résoudre cette question fondamentale» et

que «la seule option viable pour le Kosovo est l’indépendance, en un pr emier temps sous la
supervision de la communauté in ternationale.» Il présenta une Proposition globale et recommanda

l’indépendance. Le Secrétaire général indiqua alors clairement que

«[c]ompte dûment tenu de l’évolution du processus devant permettre de déterminer le

statut futur du Kosovo, je souscris plei nement aux recommandations formulées par
mon envoyé spécial dans son rapport sur le st atut futur du Kosovo et à la Proposition
globale de Règlement portant statut du Kosovo» 297.

Par la suite, dans une tentative de la derniè re chance pour déterminer s’il était possible de

parvenir à un accord, une «troïka» constituée de di plomates de la Fédération de Russie, de l’Union
européenne et des Etats-Unis mena pendant quatr e mois d’ultimes négociations entre Belgrade et
Pristina. La troïka «s’engagea à «remuer ciel et terre» pour trouver une solution mutuellement
298
acceptable» mais fut contrainte, au terme de la période de quatre mois, de déclarer que :

«La troïka a pu favoriser la tenue de discussions intenses de haut niveau sur des

questions de fond entre Belgrade et Pristina. Toutefois, les parties n’ont pu parvenir à
un accord sur le statut final du Kosovo. Ni l’une ni l’autre n’était prête à modifier sa
position sur la question fondamentale de la souveraineté du Kosovo.» 299

295
Rapporo de l’envoyé spécial du Secrétaire général sur le statut futur du Kosovo, S/2007/168 du 26 mars 2007,
par. 1-2 [Pièce n203].
296
Ibid., par. 3 (les italiques sont de nous).
297Lettre en date du 26 mars 2007 adressée par le Secrét aire général au président du Conseil de sécurité,
S/2007/168 du 26 mars 2007 [Pièce n 203].

298Rapport de la troïka Union européenne-Etats-Uni s-Fédération de Russie sur le Kosovo, S/2007/723 pièce
jointe du 10 décembre 2007, par. 5 [Pièce n 209].

299Ibid., par. 2. La troïka fit l’impossible pour tenter de mettre au point d’autres modèles qui pourraient convenir
aux parties.

«Sous notre direction, les parties ont examiné di fférentes possibilités, allant de l’indépendance à
l’autonomie ainsi que d’autres modèles, tels que des arra ngements confédéraux, voire un modèle fondé
sur un «accord sur le désaccord» dans le cadre duquel aucune des parties n’aurait à renoncer à sa position
mais prendrait toutefois des dispositions pratiques propr es à faciliter la coopération avec l’autre partie et

les consultations avec elle. D’autr es modèles internationaux, tels que Hong Kong, les îles Åland et la
Communauté d’Etats indépendants, ont été examinés . Bien que nous l’ayons abordée, nous ne nous
sommes pas attardés sur l’option de la partition territoriale, que les deux parties groupe de contact
ont jugée inacceptable. Aucun de ces modèles ne s’est avéré être une base adéquate de compromis.» - 67 -

Le processus de détermination du statut ayant pris fin, la situation changea
fondamentalement. Alors que la présence internationale civile s’employait activement à tenter de
faciliter les négociations sur le statut final afin de parvenir à un accord entre la Serbie et le Kosovo,

les déclarations de l’une ou l’au tre partie visant à déterminer le statut du Kosovo (que ce soit des
déclarations d’indépendance comme celles qui fi rent l’objet de discussions mais ne furent

finalement pas adoptées par le Kosovo en 2005, ou des déclarations de la Serbie telles que celles
qui figurent dans sa Constitution de 2006, affirmant que le Kosovo faisait partie de la Serbie et
interdisant aux «organes de l’Etat» d’envisager tout autre statut pour le Kosovo) pourraient être
300
perçues comme réduisant à néant ces efforts . Ces déclarations étaient considérées comme étant
contraires à la façon dont la situation était censée évoluer en application de la résolution 1244, et
non propices aux tentatives de la présence internationale civile de «f
acilit[er] un processus

politique destiné à déterminer le statut futur du Kosovo» comme la résolution l’exigeait.

En février 2008 cependant, au moment où le Kosovo déclara son indépendance, le processus

sur le statut futur n’existait plus. L’envoyé spécial avait déclaré que le processus avait pris fin, et
qu’il n’y avait aucune perspective qu’il puisse redémarrer et aboutir. Le Kosovo avait accepté la

Proposition globale présentée par Ahtisaari et appuyée par le Secrétaire général 301 position qui
soutenait les efforts du Secrétaire général à mettre en Œuvre la résolution 1244 . Rien dans le
texte de la résolution 1244 ne donne à penser qu’il ait été demandé à ce moment-là à la présence

internationale civile d’entamer un nouveau processus de détermination du statut ⎯ le paragraphe
11 e) de la résolution parle de la présence internationale civile facilitant «un» processus politique.

Plus important encore, l’absence de toute perspectiv e de rapprocher la Serbie et le Kosovo aurait
rendu vaines de telles négociations, et il n’y avait aucune chance que le Conseil de sécurité ⎯ dont
neuf des membres (parmi lesquels trois memb res permanents) avaient déjà reconnu le Kosovo ⎯
302
demandât un nouveau lancement du processus politique .

En adoptant la résolution 1244, le Conseil de sécurité envisageait un processus politique qui
visait à déterminer le statut futur du Kosovo, et confiait à la présence internationale civile la
mission de faciliter ce processus. Quelque souhaita ble qu’eût pu être un accord entre le Kosovo et

la Serbie, le Conseil était tout à fait conscient des difficultés d’y parvenir, et ne l’exigea pas. De
même, la résolution ne prévoyait pas que l’approbati on du Conseil ou le consentement de la Serbie
était une condition préalable à la conclusion du pr ocessus de détermination du statut. Pas plus

qu’elle n’interdisait l’indépendance du Kosovo comme issue du processus. Aussi longtemps que ce
processus était en cours et restait viable, l’on considérait qu’il était opportun d’empêcher le Kosovo
de déclarer son indépendance; mais ce ne fut plus le cas au moment où le Kosovo déclara son

Ibid., par. 10. Pour sa part, la Serbie qualifia le travail de la troïka de façon beaucoup moins élogieuse, affirmant
que les négociations directes entre le Ko sovo et la Serbie «ont duré officielleme nt 120 jours, mais dans la pratique
seulement l3 heures». Lettre en date du 17 avril 2008 adresséeau président du Conseil de s écurité par le représentant

permanent de la Serbie auprès de l’Organisation des Nati ons Unies, Commentaires sur le rapport du Secrétaire général
sor la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo, S/2008/260 annexe, 18 avril 2008, par. 6 [Pièce
n 87].
300
Voir analyse supra au chapitre II, section V.
301Lors de son intervention devant le Conseil, le Secrétaire général décriv it la déclaration d’indépendance dans
les termes suivants :

«Dans sa déclaration d’indépendance, le Ko sovo accepte sans réserve les obligations qui
découlent de la Proposition globale de Règlement portant statut du Kosovo élaborée par mon envoyé
spécial, Martti Ahtisaari. Dans l’allocution qu’il prononcée devant l’Assemblée, le premier ministre

Thaçi a déclaré que tous les habitants du Kosovo bénéficieraient de chan ces égales et que toute pratique
discriminatoire visant les membres d’une communauté du Kosovo quelle qu’elle soit serait éliminée. La
déclaration affirme égalem ent que le Kosovo s’engage à continuer de souscrire à la résolution 1244
(1999) ainsi que de collaborer de manière construc tive avec les Nations Unies et qu’il exprime sa
reconnaissance aux Nations Unies pour tout ce qu’elles ont fait pour le Kosovo.» (Procès-verbal
provisoire de la 5839e séance du Conseil de sécurité tenue le18 février 2008, S/PV.5839, p.2 [Pièce
n o119].)

302Voir analyse ci-dessus, chap. II, sect. VII. - 68 -

indépendance. Conclure d’une autre façon consis terait à voir dans la résolution 1244 le veto pour
la Serbie qui précisément n’avait pas été inclus dans la résolution.

SECTION VII. N I LE SECRETAIRE GENERAL DES N ATIONS U NIES NI SON R EPRESENTANT
SPECIAL N ’ONT DENONCE OU CHERCHE A FAIRE ANNULER
LA DECLARATION D ’INDEPENDANCE

La décision du Secrétaire général et de son Représentant spécial de ne pas remettre en cause
la déclaration d’indépendance du Kosovo est pa rticulièrement importante, étant donné les

responsabilités dont ces derniers étaient investis po ur mettre en Œuvre la résolution 1244 et leurs
décisions antérieures d’empêcher ces mesures. La Cour a clairement indiqué que sa compétence en
matière de questions juridiques n’est pas altérée par le fait que les organes politiques des Nations
303
Unies peuvent, dans le même temps, exercer leur autorité en application de la Charte .
Néanmoins, la Cour a examiné attentivement les décisions prises par les organes des Nations Unies
et par les instances ou fonctionnaires auxquels ces pouvoirs ont été délégués dans l’exercice des

pouvoirs conférés en vertu de la Charte.

A titre d’exemple, dans l’affaire Certaines dépenses , la Cour a indiqué dans son avis

consultatif qu’il est à présumer que les mesures prises par des organes de l’ONU ne dépassent pas
les pouvoirs de l’Organisation lorsqu’elles sont «appropriées à l’accomplissement» de tout but des
Nations Unies, et que ce principe s’applique à l’ex ercice par le Secrétaire général de fonctions qui
304
lui sont confiées par le Consei1 . Un exemple plus récent nous est donné dans l’affaire du
Génocide bosniaque où la Cour a largement respecté la dé cision du Tribunal pénal international
pour l’ex-Yougoslavie, instance que le Conseil avait créée avec pour mission de déterminer la
305
responsabilité pénale des personnes accu sées de certains crimes internationaux . Comme le
jugeLachs déclara à propos de la d écision de la Cour, dans l’affaire Lockerbie, de refuser
d’accorder des mesures conservatoires qui seraient contraires à une décision du Conseil aux termes

du chapitreVII, une telle acceptation ne constitue pas «une abdication des pouvoirs de la Cour»
mais simplement «un reflet du système à l’intérieu r duquel la Cour est appelée à rendre la justice»
et une façon de veiller à ce que les deux organes «agissent dans l’harmonie...» 306.

De même, il conviendrait d’accorder une importance appropriée aux décisions du Secrétaire
général et du Représentant spécial du Secrétaire général (RSSG) dans le cadre de leur

administration du Kosovo. Comme nous l’analys ons dans la présente section, ces derniers
exerçaient de larges pouvoirs sur la mise en Œuvre de la «présence civile» et ont à maintes reprises
annulé ou menacé d’annuler des décisions qu’ils considéraient comme étant contraires à la

résolution 1244, mais ils ont refusé d’annuler la déclaration d’indépendance.

303
Voir, par exemple, Activités militair es et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c.
Etats-Unis d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 433-435.
304Certaines dépenses des NationUnies, Avis consultatif du 20 juillet 1962, C.I.J. Recue, p.168,

176-177.
30Voir affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt du 26 février 2007, C.I.J. Recueil 2007, p. 77-78, par. 213-14.

306Questions d’interprétation et d’application de la convention de Montréal résultant de l’incident
aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d’Amérique), Mesures conservatoires, C.I.J. Recueil 1992,
p. 138 (Opinion individuelle du Judge Lachs). - 69 -

A. Le Secrétaire général et son représentant spécial avaient préalablement usé de leur
autorité pour annuler des décisions qu’ils considéraient contraires

à la résolution 1244

La résolution 1244 autorisait le Secrétaire général à établir la présence internationale civile et

à nommer un représentant spécial «pour superviser la mise en Œuvre de la présence internationale
civile» 307. Comme nous l’avons décrit plus haut, la présence internationale civile avait entre autres
missions d’organiser et de superviser le développement des institutions provisoires

d’administration autonome, de faciliter le processus politique visant à déterminer le statut futur du
Kosovo, et de superviser le transfert des pouvoirs des autorités provisoires au stade final de ce
308
processus . En application de cette autorisation, le RSSG exerça de larges prérogatives sur
l’administration du Kosovo, comme par exemple la nom ination et la révocation de tous les agents
de la fonction publique, l’administration de tous les fonds publics et de tous les biens immobiliers,
309
et la promulgation de lois régissant divers aspects de la vie au Kosovo . Le chapitre 12 du cadre
constitutionnel que le RSSG promulgua en mai 2001 prévoyait :

«L’exercice des responsabilités des in stitutions provisoires d’administration
autonome en application du présent cadre constitutionnel n’affectera pas ou ne réduira

pas le pouvoir du RSSG de veiller à la mise en Œuvre pleine et entière de la
résolution1244 (1999) du Conseil de sécurité, et notamment de superviser les
institutions provisoires d’administration autonome, leurs hauts responsables et leurs

administrations, et d’adopter des mesur es qui s’imposent chaque fois que leurs
décisions sont contraires à la résolution 1244 (1999) du Conse il de sécurité ou au
310
présent cadre constitutionnel.»

Le Secrétaire général et le RSSG s’ac quittèrent avec sérieux de leurs responsabilités

consistant à veiller à ce que les décisions prises par les divers acteurs au Kosovo soient conformes
à la résolution 1244 et déclarèrent nulles les déci sions qu’ils considéraient comme non conformes.
Dans les années qui suivirent la promulgation du cadre constitutionnel, le RSSG annula un certain

nombre de décisions adoptées par l’Assemblée, les ministères et les municipalités au motif qu’elles
outrepassaient la compétence de l’entité en qu estion ou qu’elles étaient contraires à la
résolution 1244 311. A titre d’exemple, à la suite de l’ adoption par l’Assemblée du Kosovo d’une

résolution rejetant un accord de démarcation de frontière entre la République fédérale de
Yougoslavie et la Macédoine, le RSSG rejeta la résolution en mai 2002, déclarant qu’il était

contraint de prendre cette décision en raison du cadre constitutionnel et que «je n’avais pas d’autre 312
choix que de déclarer, après l’adoption de la résolution, cette résolution nulle et non avenue» .

De façon similaire, comme nous l’avons indiqué plus haut, le RSSG était particulièrement
attentif aux déclarations de l’Assemblée à propos du statut du Kosovo, précisant aussi bien en 2002
qu’en 2005 que la MINUK rejetterait une déclarat ion d’indépendance par le Kosovo tant que le

307Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, S/RES/1244, par. 6 [Pièce n 34].
308
Ibid., par. 11.
309 o
Voir, par exemple, Règlement de la MINUK 1999/1 [Pièce n 138]; Règlement de la MINUK 1999/3,
disponible sur le site: http://www.MINUKonline.org/re gulations/1999/re99_03.pdf; Règlement de la MINUK 1999/4,
disponible sur le site: http://www.MINUKonline.org/re gulations/1999/re99_04.pdf; Règlement de la MINUK 1999/9,
disponible sur le site: http:// www.MINUKonline.org/regulations/1999/re99_09.pdf; Règlement de la MINUK 1999/20
disponible sur le site : http://www.MINUKonline.org/regulations/1999/re99_20.pdf
et Règlement de la MINUK 1999/24 [Pièce n 46].

310Règlement de la MINUK 2001/9 [Pièce n 156].
311
Voir B. Knoll, «The Legal Statut of Territories Subject to Administration by International Organizations»,
Cambridge University Press, 2008, p. 345 et 346.
312
Voir Point de presse de la MINUK, 23 mai 2002, Conférence de presse du RSSG de la MINUK,
MichaeSlteiner (les italiques sont de nous), disponible sur le site : http://www.MINUKonline.org/press
/2002/trans/tr230502.htm. - 70 -

313
processus sur le statut futur était encore en cours . Cela s’oppose de façon très prononcée à sa
décision de ne pas agir ainsi en 2008.

B. Le Secrétaire général et le RSSG n’ont pas déclaré que la déclaration d’indépendance était

entachée de nullité ou illicite

Le processus sur le statut futur étant épuisé, la situation avait changé, et le Secrétaire général

et le RSSG s’abstinrent de faire le moindre commentaire laissant entendre que la déclaration de
février 2008 était illicite ou entachée de nullité. Le Président de la Serbie adressa immédiatement
une lettre au Secrétaire général exigeant que de telles mesures soient prises :

«La République de Serbie exige que le Représentant spécial du Secrétaire

général prenne toutes les mesures nécessaires, conformément à la résolution 1244
(1999) et à d’autres décisions du Conseil de sécurité, comme il l’a déjà fait à d’autres
occasions, pour abroger, sans plus attendre, tous les actes et décisions par lesquels

l’indépendance unilatérale a été déclarée, et pour empêcher toute autre violation de
ladite résolution, et tous les autres docum ents du Conseil de sécurité, la Charte des
Nations Unies, et toutes les autres normes et règles de droit international existants.

C’est pourquoi je fais appel à vous pour faire en sorte que votre Représentant spécial
au Kosovo exerce ses pouvoirs et responsab ilités en déclarant immédiatement cet acte

illégal nul et non avenu. J’attends égal ement qu’il agisse conformément au cadre
constitutionnel de l’autonomie provisoire du Kosovo ... et ordonne la dissolution de
l’Assemblée du Kosovo, car sa «déclaration d’indépendance» n’est pas conforme à la
314
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité.»

Le Secrétaire général et le RSSG n’adoptèren t aucune de ces mesures. Au contraire, le

Secrétaire général déclara que «la position des Nations Unies sur la question du statut du Kosovo
est une position de stricte neutralité» et que «la r ésolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité reste
315
en vigueur jusqu’au moment où le Conseil de sécurité prendra une décision différente» . Il
signala par la suite au Conseil que «la MINUK a commencé de modifier sa structure et son profil
de manière à s’adapter aux profondes mutations que connaît le Kosovo depuis qu’il a déclaré son

indépendance et adopté sa constitu tion» au regard du «nouveau rô le conféré aux autorités du
Kosovo par la Constitution» 316.

L’adoption par le Secrétaire général d’une position de «n eutralité à l’égard du statut»
indiquait que les fonctionnaires des Nations Unies char gés par le Conseil de sécurité de superviser

la situation au Kosovo avaient dé terminé que les buts de la résolu tion 1244 seraient mieux atteints
en ne se prononçant pas sur le caractère oppor tun ou non de l’indépendance du Kosovo; le
Secrétaire général déclara que la reconnaissance des Etats est une question qui concerne les Etats

313
Point de presse de la MINUK, 16 novembre 2005, p.4-5, disponible su r le site: http://www.unmikonline.
org/DPI/Transcripts.nsf/0/C9441381369BB41BC12570BC002D69D7/$FILE/tr161105.pdf. Lettre en date du
7 février 2003, adressée au président de l’Assemblée du Kosovo par le représentant spécial adjoint principal du Secrétaire
général [Pièce n 189].
314
Lettre en date du 17 février 2008, adressée au Secrétaire général par le représontant permanent de la Serbie
auprès de l’Organisation des Nations Unies, S/2008/111, annexe, 17 février 2008 [Pièce n 202]. Le président serbe
Tadic fit la même demande qua nd il s’adressa au Conseil de sécurité le 18 février. Procès-verbal provisoire de la
5839 séance du Conseil de sécurité (soixante-troisième année), tenue le 18 février 2008, S/PV.5839, p. 5 [Pièce n 119].

315Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’admini stration intérimaire des Na tions Unies au Kosovo,
S/2008/354 du 12 juin 2008, annexe 1 [Pièce n 88].
316
Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’admini stration intérimaire des Na tions Unies au Kosovo,
S/2008/692 du 24 novembre 2008, par. 48 [Pièce n 90]. - 71 -

317
Membres à titre individuel . Cela est particulièrement im portant compte tenu du fait que le
Secrétaire général et le RSSG étaient chargés de veiller au respect de la résolution 1244 et avaient

exercé avec fermeté leur autorité pour agir contre de telles mesures par le passé.

Lors de la clôture de la réunion du Conse il de sécurité du 18 février 2008, le Secrétaire

général souligna que «[l]a situa tion sur le terrain aujourd’hui, ainsi qu’au sein du Conseil de
sécurité, est très différente de celle qui existait au temps de la Mission d’administration intérimaire

des Nations Unies au Kosovo (MINUK)» et que , «[d]ans le cadre du mandat confié par la
résolution 1244 (1999), les éléments de la présence civile internationale ont, au fil des années,
évolué pour répondre à des besoins di fférents et à des circonstances changeantes». Il conclut en

déclarant :

«Alors que nous tentons de gérer la situ ation sur le terrain, je voudrais terminer
en signalant aux membres du Conseil que mes principaux objectifs sont d’assurer la
sécurité et la sûreté de la population au Ko sovo, en prêtant une attention particulière

aux communautés minoritaires ; de défendre la paix et la sécurité internationales et la
stabilité générale au Kosovo et dans toute la région ; d’assurer la sécurité du personnel

des Nations Unies; et de préserver318s réalisations et le legs des Nations Unies au
Kosovo et dans les Balkans.»

La Serbie fit valoir que les décisions du Secrétaire général et du RSSG étaient incompatibles
avec la position de la Serbie selon laquelle la déclaration d’indépe ndance était illicite. La Serbie
dénonçait notamment le fait que la position de neutralité de l’ONU c oncernant le statut du Kosovo,

la reconnaissance par le RSSG d’ une «nouvelle réalité sur le terrain» et le transfert de certain
es
compétences au «Gouvernement du Kosovo» étaien t tous incompatibles avec la position de la
319
Serbie qui maintenait que l’indépendance du Kosovo était contraire à la résolution 1244 .

La Serbie fit également part de ses exigences au Conseil de sécurité, mais le Conseil refusa à

son tour de faire toute déclaration affirmant ou laissant entendre que la déclaration était entachée de
nullité, contraire à la résolution 1244, ou à d’autres égards illicite ou inappropriée. Du reste, loin

de désapprouver la décision du RSSG de ne p as annuler la déclaration d’indépendance, une
majorité d’Etats représentés au Conseil reconnurent officiellement le Kosovo au cours des dix
semaines suivantes 320. Le Conseil procéda par la suite à la nomination d’un nouveau RSSG pour le

Kosovo, et le nouveau RSSG décida de même de ne prendre aucune mesure à l’encontre de la
déclaration 321.

317Interview du Service d’information de l’agence de pre sse Interfax, «Le Secrétaire général des Nations Unies

Ban Ki-moon: Je tiens à souligner que le Kosovo est une situation tout à fait sp écifique,» mars 2008, disponible sur le
site : http://www.interfax.com/17/373003/Interview.aspx.
318Procès-verbal provisoire de la 5839 eséance du Conseil de sécurité (soixante-troisième année), tenue le
o
18 février 2008, S/PV.5839, p. 23 [Pièce n119].
319Lettre en date du 17 avril 2008, adressée au président du Conseil de sécurité par le représentant permanent de
o
la Serbie auprès de l’Organisation des Nations Unies, S/2008/260 du 18 avril 2008, p. 3, 7 [Pièce n].
320Le Costa Rica, la France, le Royaume-Uni et les Etat s-Unis ont reconnu le Kosovo le 18 février 2008 ; l’Italie

a reconnu le Kosovo le 21 février 2008; la Belgique a rec onnu le Kosovo le 24 février 2008; la Croatie a reconnu le
Kosovo le 19 mars 2008 et le Burkina Faso le 24 avril 2008. La plupart de ces pays ont annoncé à la réunion du Conseil
de sécurité du 18 février qu’ils avaient reconnu l’indépendanc e du Kosovo ou qu’ils entameraient le processus pour ce
faire. Voir procès-verbal de la 5839séance du Conseil de sécurité, S/PV.5839, tenue le 18 février 2008 [Pièce n 119].
321
Lettre en date du 24 juin 2008, adressée au président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général,
S/2008/411 du 24 juin 2008. - 72 -

C. La Cour devrait tenir pleinement compte des décisions appropriées de responsables

de l’Organisation des Nations Unies de ne pas déclarer illicite
la déclaration d’indépendance

La succession des événements décrits plus haut fait clairement apparaître que le Conseil de
sécurité, le Secrétaire général et le RSSG s’abstin rent de déclarer la déclaration d’indépendance du
Kosovo illicite ou entachée de nullité. Lors de périodes antérieures où les négociations sur le statut

étaient encore en cours, des mesures fermes avaient été prises pour annuler des actes ou décisions
de l’une ou l’autre des parties qui auraient pu inte rrompre ce processus. Toutefois, la situation
changea fondamentalement dès lors qu’il apparut clairement qu’un règlement négocié du statut

futur du Kosovo n’était plus réalisable et que le processus des négociations était épuisé. L’envoyé
spécial du Secrétaire général recommanda l’indépe ndance en un premier temps sous supervision
internationale ; le Kosovo accepta et mit en application cette proposition ; et le Secrétaire général et

le RSSG commencèrent à adapter leurs activités pour pr endre en compte ce qui s’était produit. Le
Secrétaire général et le RSSG avaient chacun le pouvoir de déclarer nulle toute décision prise par
les parties si cela était nécessaire afin de mettre en Œuvre la résolution 1244 ⎯ prérogative qu’ils

avaient exercée maintes fois par le passé ⎯ mais rejetèrent toutes les demandes d’agir dans ce sens
dans le contexte de la déclaration d’indépendance du Kosovo en 2008. Le Conseil de sécurité
lui-même refusa de prendre des mesures contre la déclaration d’indépendance, nommant au

contraire 322nouveau RSSG qui refusa à son to ur d’accéder à la demande de la Serbie de
l’annuler .

Dans ces circonstances, la Cour devrait accorder une importance considérable au jugement
approprié de ces fonctionnaires responsables. Ce sont des fonctionnaires que le Conseil de sécurité
a chargé de porter des jugements sur des mesures spécifiques en application de la résolution 1244.

Ils connaissent particulièrement bien la situation juridique, opérationnelle et politique du Kosovo, y
compris les complications que toute prise de positi on en sens contraire pourraient entraîner pour la
paix et la sécurité international es dans la région, et les autres objectifs que le Secrétaire général a

décrits lors de son allocution deva nt le Conseil de sécurité le lendemain du jour où l’indépendance
du Kosovo a été proclamée.

322La Serbie elle-même reconnut (et dénonça le fait) que le refus par la MINUK d’annuler la déclaration

d’indépendance constituait un changement par rapport à la façon dont elle avait agi par le passé, faisant valoir :
«que les Nations Unies (la MINUK) n’ont pas réagi à la proclamation unilatérale de l’indépendance de la
province du Kosovo et de Métochie. La République de Serbie attendait que les représentants des Nations
Unies au Kosovo et en Métochie annulent cet acte illicite. Ces attentes se fondaient sur la pratique
antérieure de la MINUK conformément à son mandat. Contrairement à cela, les Nations Unies ont adopté

une position neutre en ce qui concerne le «statut du Kosovo».»
Lettre en date du 17 avril 2008, adressée au président du C onseil de sécurité par le re présentant permanent de la
Serbie auprès de l’Organisation des Nations Unies, S/2008/260, annexe, 18 avril 2008, par. 9 [Pièce n 87]. - 73 -

C HAPITRE VI

C ONCLUSION

Pour les raisons qui précèdent, les Etats-Unis demandent respectueusement à la Cour, si cette

dernière choisit de répondre à question soumise par l’Assemblée générale, de c onclure que la
déclaration d’indépendance du Kosovo est conforme au droit international.

Respectueusement,

(Signé) Joan E. DONOGHUE ,
Conseiller juridique en exercice

Département d’Etat des Etats-Unis.

Washington, D.C.
17 avril 2009

___________

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Exposé écrit des Etats-Unis d'Amérique (traduction du Greffe)

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