Contre-mémoire de la République démocratique du Congo

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15945
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COUR INTERNATIONALEDE JUSTICE

AFFAIRE AHMADOUSADlO DIALLO

REPUBLIQUEDE GUINEE
c. REPUBLIQUEDEMOCRATIQUE DU CONGO
-

CONTRE-MEMOIRE

DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO'

PARTIE I et PARTIE II (Annexes)

27 MARS2008PARTIE I TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION ...........................................................
............................

CHAPITREI : LES DROITSINDIVIDUELSDE M. DIALLO ENTANT QUE
PERSONNE ........................................................
.............8.

Section 1. L'arrestation,la détentionet I'expulsion du territoire congolaisde
M. Diallo............................................................
........................8

A. Le contexte : la lutte contre lacriminalitéet la déstabilisation
économiques ...................................... ........................9

B. L'arrestation, la détention et l'expulsion de M. Diallo .................1.

C. Quant auxmauvaistraitements prétendumentinfligésà M. Diallo ..13

D. Quant au prétendu manquement de la RDC d'interroger et de

juger M. Diallo avant son expulsion ..............................................1.4

E. Quant à la violation alléguéede la Convention de Vienne sur les

relationsconsulaires ........................................................15

F. Quant à la violation alléguéede la loi congolaise et du Pacte
internationalrelatif aux droits civils et politiques ..............................17

G. Quant à la violationdu standardminimum international
et au prétendumanqued'indulgence à I'égardde M.Diallo...........20

Section 2. La privationdu droit de propriété de M. Diallo .......................:....21

Section 3. Le dénidejustice à l'égardde M. Diallo ............................................. ?.2 i

Section 4 . Les manquements contractuels envers M .Diallo .....................23.......

CHAPITRE II : LES DROITSDE M DIALLO EN TANT QU'ASSOCIE ..................25

Section 1 . Le droit à une part des bénéfices dessociétés .........................6......

Section 2 . Le a droit de propriétédans les sociétés.en particulier à l'égardde
ses parts sociales » ......................................................2..................

Le droit de choisir le gérantdes sociétés ............................................
Section 3 .

Section 4 . Le droit de surveiller et de contrôler tous les actes accomplis par
la géranceet toutes les opérations des sociétés .......................9.......2

Section 5 . Le droit de prendre part aux assemblées générales ....................1....

CHAPITRE III : CONCLUSIONS ....................................................
3................... INTRODUCTION

0.01. Le 23 décembre1998, le ministère des Affaires étrangèresde la République

de Guinée (ci-après :« la Guinée») a transmis au Greffier de la Cour internationale

de Justice une requête introductive d'instance contre la République démocratique du

Congo (ci-après : « la RDC D).Cette requêteétait intitulée KRequêteaux fins de
protection diplomatique B. Elle étaitaccompagnéed'un document intitulé a Mémoire

de la République de Guinée », qui détaillaitles prétentionsformuléesdans la requête

et qui, dans la suite des présentesécritures, sera dès lors considérécomme en

faisant partie intégrante. La République de Guinée y manifestait son intention

d'exercer la protection diplomatique de I'un de ses ressortissants, Monsieur

Ahmadou Sadio Diallo (ci-après <(M. Diallo »), un homme d'affaires installé au
Congo depuis le début des années 1960, en vue d'obtenir réparation pour les

dommages résultant defaits internationalementillicites prétendumentcommis par les

autoritéscongolaises, à I'encontre de sa personne et de ses biens mais aussi et

surtout à I'encontre dedeux sociétéscongolaises dont il est le dirigeant. La somme

demandée par la République de Guinéese chiffrait d'emblée à pas moins de trente
six (36) milliards de dollars des Etats-Unis d'Amérique, assortis d'intérêts bancaires

et moratoires à des taux de 15 et 26% l'an depuis la fin de 1995'. Ce montant, qui

représente plusieurs fois l'ensemble de la dette extérieure de la République

démocratiquedu Congo, est sans doute I'undes plus élevés-si pas le plus élevé-

qui aitjamais été réclamédevant un eridiction internationale.

0.02. Cette requêtea étéenregistréeau Greffe de la Cour le 28 décembre1998 et

l'affaire a étéinscrite au rôle généralde la Cour sous le numéro 103. Par une

ordonnance du 25 novembre 1999, la Cour a fixé au 11 septembre 2000 la date

d'expiration du délai pourle dépôtd'un mémoirepar la Républiquede Guinéeet au
11 septembre 2001 la date d'expiration du délaipour le dépôtd'un contre-mémoire

par la République démocratiquedu Congo. A la demande de la Républiquede

Guinée,ces délaisont étéprolongésparuneordonnance du 8 septembre 2000. Par

cette ordonnance, le Président de la Cour a reporté au 23 mars 2001 la date

d'expiration du délaipour le dépôtd'un mémoirepar la Républiquede Guinéeet au 4
- -
1Requête,p.36.octobre 2002 la date d'expiration du délaipour le dépôtd'un contre-mémoirepar la

République démocratique du Congo. La République de Guinée a effectivement

déposéson mémoirele 23 mars 2001, conformément à l'ordonnance précitée.Sans
pour autant abandonnerformellement la réclamationde près de quarante milliardsde

dollars des Etats-Unis d'Amérique formulée dansla requête,elle a demandé à la

Cour de procéder à une évaluation de la réparation à un stade ultérieur de la

procédure.

0.03. Dans un mémoiredu le'octobre 2002, la Républiquedémocratiquedu Congo

a soulevédeux exceetions préliminairescontre la recevabilitéde la requête déposée
par la Guinée. La Républiquede Guinéea, quant à elle, déposéses observations le

7 juillet 2003.

Le 24 mai 2007, la Cour a rendu son arrêtsur les exceptions préliminaires,dont le
dispositif se lit en substance commesuit:

« 1) Quant à l'exception préliminaire d'irrecevabilité soulevée par la
Républiquedémocratiquedu Congo à raison de l'absence de qualitéde la
Républiquede Guinéepour agir enprotection diplomatique en l'espèce :
a) à l'unanimité,
Rejette ladite exception en ce qu'elle a trait la protection des droits propres
de M. Diallo en tant qu'associédes sociétésAfricom-Zaïre et Africontainers-
Zaïre ;

b) par quatorze voix contre une,
Retient ladite exception en ce qu'elle a trait à la protection de M. Diallo pour
les atteintes alléguéesaux droits des sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-
Zaïre ;
(,..)
2) Quant à l'exception préliminaire d'irrecevabilité soulevépar la République
démocratiquedu Congo à raison du non-épuisementpar M. Diallo des voies

de recours internes :
a) à l'unanimité,
Rejette ladite exception en ce qu'elle a traità la protection des droits de M.
Diallo en tant qu'individu;
b) par quatorze voix contre une,
Rejette ladite exception en ce qu'elle a trait à la protection des droits propres
de M. Diallo en tant qu'associé des sociétés Afncom-Zaïre et Africontainers-

Zaïre.
3) En conséquence,
a) à l'unanimité,
Déclarela requêtede la Républiquede Guinéerecevable en ce qu'elle a trait
à la protection des droits de M. Diallo en tant qu'individu; b) par quatorzevoixcontre une,
Déclarela requêtede la Républiquede Guinéerecevable en ce qu'elle a trait
à la protection desdroitspropres de M. Diallo en tant qu'associédes sociétés

Africom-Zaïreet Africontainers-Zaïre;
c) par quatorzevoixcontre une,
Déclarela requête de la République deGuinéeirrecevableen ce qu'elle a trait
à la protectionde M. Diallopour lesatteintes alléguéesaux droits des sociétés
Africom-ZaïreetA fricon tainers-Zaïre.

0.04. Par son ordonnance du 27 juin 2007, la Cour a fixé au27 mars 2008, le délai

d'expiration pour le dépôt parla RDC du contre-mémoiresur le fond du différend,tel
qu'il a étédélimité par I'ardu 24 mai 2007.

0.05. La Républiquedémocratique du Congo s'emploiera, dans le cadre du présent

contre-mémoire, à montrer que la République démocratique du Congo n'a pas
engagésa responsabilitéinternationaledans la présenteespèce.

Pour ce faire, la RDC suivra le schémarésultant du dispositifde l'arrêt rendu parla
Cour sur les exceptions préliminaires.La RDC abordera ainsi successivement les

allégationsde la Guinéeayant trait à la protection des droits de M. Diallo en tant

qu'individu (Chapitre ler) et celles ayanttraita protectiondes droits de M. Diallo en

tant qu'associédes sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre(Chapitre II), avant
de présenter, conformémenà t l'article 49, paragraphe le', du Règlementde la Cour,

ses conclusions en priant la Cour de rejeter la requêtede la Guinée commenon

fondée(Chapitre III).

II sera fait référence auxpièces déposéespar la RDC avec le présent contre-

mémoiresous la dénomination'CMRDC, partie II', le contre-mémoireet les annexes

étantréunisen un seul volume. II sera égalementfait référenceaux pièces que la
Guinée a déposéesavec son mémoire du 23 mars 2001, sous la dénomination

'MRG'.CHAPITRE1. LES DROITS INDIVIDUELS DE M. DIALLO EN TANT QUE

PERSONNE

1.01. Dans sa requête introductive d'instance du 23 décembre 1998, I'Etat

demandeur accusait la RDC d'avoir violé le droit international en infligeant

notamment des traitements inhumains et dégradantsà son ressortissant M. Diallo.

La Guinée précisait à ce sujet que I'arrestation, la détention et I'expulsion de M.
Diallo constituaient, entre autres, des violations « [du] principe du traitement des

étrangersselon « le standard minimum de civilisation », [de] l'obligation de respect

de la libertéet de la propriétédes étrangers,[et de] la reconnaissance aux étrangers

incriminésdu droit à unjugement équitableet contradictoire rendu par unejuridiction
impartiale ». Dans son mémoiredu 23 mars 2001, la Guinée aexposéen détail les

faits reprochésà I'Etatdéfendeur concernantI'arrestationet I'expulsionde M. ~iallo*.

1. 02. Afin de rencontrer de manière adéquateles accusations portées contreelle
par la Guinée, la RDC traitera successivement de I'arrestation, de la mise en

détention et de I'expulsion du territoire congolais deM. Diallo (section 1)' de la

question de la privationdu droit de propriété. Diallo (section 2)' du dénide justice

dont M. Diallo aurait été victimede la part des autoritéscongolaises (section 3) ainsi
que de manquements contractuels envers M. Diallo dont la Guinéetient la RDC

responsable (section4).

Section 1. L'arrestation, la mise en détention et I'expulsion du territoire

congolaisde M. Diallo

1.03. La RDC rappellera d'abord le contexte dans lequel sont intervenues
I'arrestation,la détentionet I'expulsion de Diallo (A) avant d'exposer les mesures

qui ont étéprises à son encontre (B). L'Etat défendeur abordera ensuite, pour en

démontrerle caractère non fondé,les allégationsde la Guinée selon lesquelles la
1") infligé des mauvais traitements à M. Diallo (C), 2") manqué
RDC aurait:
d'informer les agents consulaires guinéensde la détentionde M. Diallo, en violation

de l'article36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires (D), 3")

Mémoirdee laRépubliquee Guinée(MRG),pp.29-34.expulséM. Diallo de manièrearbitraire et contraire à la bonne foi et commis un abus

de pouvoir (E), 4") pris la décision d'expulsionen violation du droit congolais et du

Pacte internationalrelatif aux droits'civils et politiques (F) et 5") traitéM. Diallo sans
indulgencecomme un criminel (G).

A. Le contexte : la lutte contre la criminalitéet la déstabilisationéconomiques

1.04. Le 24 avril 1990, le MaréchalMobutu a décidé larestaurationde la démocratie

pluraliste et la suppression du régimede parti unique qui régnait surle pays depuis

près de 25 ans. Mais le refus ultérieurdu MaréchalMobutu et des dignitaires de son
régimede mettre en place un système démocratiqueouvert et acceptable par le

peuple et toutes les forces démocratiques de l'opposition politique a créé un

environnement social caractérisé parl'effondrement de I'économie, lamisère de la

population et la contestation politique généraliséedu régime enplace. La mauvaise
gestion de I'économie etdes finances publiquesainsi que la corruptiondu régime ont

contraint les institutionsde BrettonWoods et les partenaires bilatérauxde la RDC à

rompretoute coopération avecle Gouvernementcongolaisde l'époque.

1.05. C'est dans ce contexte généralde crise politique, économique, sociale et

morale que des émeutes populaires, caractériséee st facilitées par une mutineriede

l'arméecongolaise, ont éclatéen septembre 1991 à Kinshasa, capitale de la RDC
(ex-Zaïre). Ces émeutesd'une ampleur sans précédentont provoquédes pillages à

vaste échelle des entreprises privées sur l'ensemble de la ville de Kinshasa et

aggravé la destruction du tissu économique du pays. En janvier 1993, d'autres
émeutes populaires,au cours desquelles l'Ambassadeurde France en RDC a trouvé

la mort, ont éclatéà Kinshasa et entraînédes pillages énormes desbiens publics et

privés dans la ville. La plupart des expatriésqui tenaient l'économie congolaiseen
mains ont quitté le pays. La sociétéAfricontainers, dont M. Diallo était gérant et

associé,a d'ailleurs subiles effets néfastesde toutes ces émeuteset ne pouvait que

connaître de sérieusesdifficultésà l'instard'autres opérateurséconomiques privés.1.06. Dans un discours prononcéle 14 août 2003 à la Foire internationale de

Kinshasa(FIKIN), le Gouverneur de la Banquecentrale du Congoexpose lasituation

de I'économiecongolaise au cours de la décennie 1990 à 2000~. 11souligne

notamment la dégradationdes infrastructures de base, le pillage de l'outil de

production, l'accumulation des arriérésde la dette extérieureet la rupture de la
coopérationstructurelle avecla communautéinternationale. Dans son rapportannuel

établi en1994 par la Banquecentrale du Congo concernant I.'évolution de I'économie

du Zaïre (RDC) en 1993, il est mentionné quele taux d'inflation étaitde 2989'6% en

1992 et de 4651'7% en 1993. L'étude signaleégalementles effets néfastes des

pillagesdejanvier 1993sur I'économiecongolaise4.

1.07. Dans ce climat généraliséde déliquescence et de dissolution de I'Etat

congolais, de dégradation croissante de I'économie congolaise et de dépravation des

mŒurs à grande échelle sur fond d'affrontements politiques pour le contrôle du

pouvoir dans le pays et l'accès aux privilèges, certains ressortissantsétrangersqui
étaientrestésen RDC à l'époque,se sont lancés dans lacriminalitééconomiqueen

vue de s'enrichir par tous les moyens. Pourfaire faceà cette situation grave où des

groupes mafieux cherchaientà profiter de la faiblesse et de l'instabilitédes autorités

étatiques, régnaient sur I'économie du pays, fabriquaient de la fausse monnaie,

trafiquaient des devises étrangères et détruisaient les finances publiques, le
Gouvernement congolais a décidéau début de l'année 1995 d'engager une lutte

vigoureuse contre lacriminalitéet ladéstabilisationéconomiques généralisées.

1.08. Dans le cadre de cette lutte, le Gouvernement congolais a pris une sériede
mesures d'expulsion à l'encontre de certains ressortissants étrangersqui étaient

impliquésdans lesactes précités. Ainsi, le Gouvernement congolaisa pris le décret

no0004 du 22 février 1995portantexpulsionde 86 ressortissantsétrangersdont « la

présence et la conduite [sur le territoire congolais] [avaient] compromis et

continu[aient] à compromettre l'ordre public zaïrois, spécialement en matière
économique,financière et monétaire »'. Cinq jours plus tard, le 27 février 1995,le

Gouvernement congolais a pris un autre décret n00006 portant expulsionde 84

3
4 CMRDC,PartieII, Annexe1.
5 CMRDC,PartieII,Annexe2.
CMRDC,PartieII,Annexe3.personnes étrangèrespour les mêmesraisons6.Le 31 octobre 1995, soit 8 mois plus

tard, le Gouvernement congolais a pris le décretn00043pour expulser M. Diallo du

territoire congolais pour les mêmes motifs7. Plusieurs mois après I'expulsion de M.

Diallo, la RDC a pris le décretn00031du 20 septembre 1996 relatif à l'expulsion du

territoire congolais de 24 ressortissants étrangers impliqués dans les crimes

économiques8. C'est doncdans le cadre de la lutte menéepar le Gouvernement
congolais contre la corruption et les crimes économiques que M. Diallo a fait l'objet

de la mesure d'éloignement du territoirecongolais par le décretdu 31 octobre 1995

cité ci-dessus. II ne s'agissait donc pas d'une mesure isolée et motivée par la

vengeance contre M. Diallo pour nuire à ses intérêts de manièrearbitraire.

B. L'arrestation, ladétentionet I'expulsionde M. Diallo

1.09. C'est dans le cadre décritci-dessus que le décret d'expulsionvisant M. Diallo

a été prisen date du 31 octobre 1995'. L'expulsion était motivéepar le fait que « la

présence et la conduite [de l'intéresséau Zaïre] ont compromis et continuaient a

compromettre l'ordre public congolais, spécialement en matière économique,
financière et monétaire ))Io.Ce décret futpris en application de l'article 15 de la loi

congolaisedu 12septembre 1983 relativeà la police des étrangers, suivantlequel

« le Présidentde la Républiquepeut, par ordonnance mofivée,expulser du

Zaïre tout étrangerqui, par sa présenceou par sa conduite, compromet ou
menace de compromettrela tranquillitéou l'ordrepublic »".

1.IO. Le 5 novembre 1995, M. Dialloa étéarrêté en vue de son expulsion et détenu

dans les locaux des services d'immigrationde la RDC pour êtrerelâché deux jours
plus tardq2.

Après avoir étérelâché, M. Diallo, qui était étroitement surveillépar les services

spéciaux de I'Etat congolais, a repris ses activités criminelles. C'est ainsi que les

6
7 CMRDC,PartieII,Annexe4.
8 CMRDC,PartieII,Annexe 5.
CMRDC,PartieII, Annexe6.
CMRDC,PartieII,Annexe 5
'Olbid.
"CMRDC, PartieII,Annexe 10
'2~~~~~P , artieII,Annexe 7 (billetd'écrou).sociétés pétrolières Mobil Oil et Zaïre Fina ont adresséle 15 novembre 1995 une

lettre au Premier ministre congolais pour attirer son attention sur les agissements

illégaux deM. Diallo qui recourrait à la corruption des magistrats pour obtenir des

décisionsjudiciaires iniqueset favorables à la société Africontainers-Zaïreen vue de

se faire payer sur le patrimoine des dites sociétésI3D. eux semaines plus tard, le 30
novembre 1995, M. Diallo a adressé unelettre au Premier ministre et aux Ministres

des Finances et du Plan congolais par laquelle il leur transmet les dossiers des

créances quela société Africontainers détiendrait sur lessociétésGécamines, Zaïre

Shell, Mobil Oil et Zaïre Fina. II y expose égalementl'origine de ces créanceset

demande à ces autoritésd'intervenir pour le règlementde ces litigesI4.M. Diallo a
assuré unelarge diffusion de cette lettreà l'étranger.II a ainsi adresséune copie de

cette lettre au Présidentde la Républiquede Guinée, au Présidentde la Cour

internationale de Justice à La Haye, au Président de laCEDEAO (Communauté

économique des Etatsde l'Afrique de l'ouest), au Doyen du corps diplomatique à

Kinshasa, aux Ministres des Finances, du Portefeuille, de I'Energie,de I'Economie,
Commerce et Industrieguinéens,aux ambassadeurs des Etats-Unis,de Belgique et

du Royaume-Unià Kinshasa,etc.

1.11. C'est dans ce contexte que M. Diallo sera arrêté à nouveau en vue de son

expulsion du territoire congolais. Le 10 janvier 1996, l'Administrateur général du
Service de l'immigration ordonnera sa mise en libertédu fait que le gouvernement

n'arrivait pas à trouver un avion en partance pour Conakrydans le délai légalde 8

jours maximumde détentionen vue de l'expulsiondu territoire congolais. La solution

du problèmede transport deM. Diallovers Conakry ayantététrouvée quelquesjours
plus tard, celui-ci a été interpellépar la police et expulsé le 31 janvier 1996 du

territoire congolais versla Guinée.

1 3 ~ ~ ~PartieII,Annexe8.
1 4 ~ ~ ~PartieII,Annexe9. C. Quant aux mauvaistraitementsprétendumentinfligés à M. Diallo

1.12. Dans son mémoireI5,la Guinée invoque d'abord les mauvais traitements

qu'aurait subis M. Diallo relatifs à son emprisonnement et à son expulsion. A ce
propos, la Guinée affirmequ'en exécutionde l'ordre d'expulsion, M. Diallo a été

emmenéle 5 novembre 1995 par les forces de l'ordre et mis clandestinement aux

arrêtsdans un cachotdes Services de l'immigrationsans aucune forme de procèsou

même d'interrogatoire,et y serait resté emprisonnésans aucune visite de ses
avocats ni des membres de ['Ambassade dela Guinéejusqu'au 10janvier 1996,soit

pendant 75 jours. II aurait étéincarcéré dans des conditionsprécaires et sans

recevoir aucune ration alimentairede la part des autoritéscongolaises.

1.13. La RDC rejette ces allégations, aucunement prouvéesd , e I'Etat demandeur.

M. Diallo a étédétenu dans un local bien aménagé parlequel transitent tous les

étrangersen voie d'êtreexpulsés. La Guinée n'apporte aucune preuve que M. Diallo

aurait ététraitéde manièrediscriminatoirepar rapport aux autres étrangersou même

aux Congolais détenusdans les prisons de la RDC.

En outre, pendant la périodeau cours de laquelle M. Diallo est présenté comme

étant enfermé dans un cachot sans aucun contaca tvec le monde extérieur,soit du5

novembre 1995 au 10 janvier 1996, l'intéressé aadressé au Premier ministre du
Zaïre, au ministre des Finances et au ministre du Plan, en date du 30 novembre

1995, les trois lettres, signéesde sa main, auxquelles la République démocratique

du Congo a déjàfait référence plus hautl6. On peut se demander comment M. Diallo

a étéen mesure d'écrireces lettres pendant une périodeoùla Républiquede Guinée
le présentecomme enferméet maltraitédans un cachot des services d'immigration

congolais. De plus, M. Diallo ne fait aucune allusion dans ces lettres au calvaire que

le même Premier ministre congolaisétait prétendumenten train de lui faire subir.

Alors qu'on le présentecomme emprisonné,maltraitéet en voie d'être expulsé du
Zaïre, Monsieur Diallo semble, étrangement,donner priorité à la récupération des

créancesd'Africontainers-Zaïresur des préoccupationsrelativesà sa libertéet à son

165 ~ pp.30-31 et51 etss.
CMRDC,PartieII,Annexe9 etsupra,par.1.10.séjour régulierau Zaïre. Enfin, il est bien difficile de comprendre comment M. Diallo

aurait pu passer plusieurs dizaines de jours enfermé, sanspouvoir se nourrir ni se

désaltérer,comme semble pourtant bien le prétendrela Guinée. C'estdire que la

présentation desfaits que livre la Républiquede Guinée,non seulement n'est pas
appuyée par la moindre preuve, maisest contredite par les pièces du dossier et

dépourvuede toute crédibilité.

1.14. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter comme non fondées lesallégations

de la Guinéeen ce qui concerne les mauvais traitementsque la RDC aurait infligésà
M. Diallo à l'occasion de sa détention et de son expulsion, en ce compris les

allégations quant à la duréede sa détention.

D. Quant au prétendumanquement de la RDC d'interroger et de juger M.
Dialloavant son expulsion

1.15. Dans ses écritures,la Guinée reprocheensuite à la RDC de n'avoir organiséni
I'interrogatoire, ni le jugement, ni l'accès aux avocats de M. Diallo. Elle en conclut

que la détentionet l'expulsionde celui-ci ont étéarbitraires.

1.16. La Guinée confondici deux procédurestotalement distinctes. M. Diallo n'a pas

étéarrêté et détenu dansle cadre d'une enquête judiciaire conduite par le parquet de
la Républiquequi devait aboutir à la présentationde l'intéressédevant unejuridiction

de jugement après la fin de l'instruction pré-juridictionnelle.C'est dans ce type de

procédure qu'interviennent I'interrogatoire et la défense en vue du jugement du

prévenu. En revanche, M. Diallo a fait l'objet d'une mesure administrative
d'éloignementdu territoire à la suite d'un comportement généralque les autorités

congolaises ont jugé attentatoire à l'ordre public. L'article 15, alinéa 2, de la loi

congolaise du 12 septembre 1983 sur le séjourdes étrangers prévoitun délaide 48

heures renouvelableentre lejour de l'arrestationd'un étranger jugé indésirable sur le
territoire congolais et celui de son expulsion". Dans une procédure de nature

administrative et aussi rapide, il est normal que la loi congolaise ne prescrive ni

interrogatoire, ni défenseen vue du jugement de la personne concernée.Mais ceci

-
"CMRDC, Partie II, Annexe 10. Ce délai peut être proloée 48 heures en 48 heures pour une
duréetotale ne dépassantpas8jours.ne signifie pas, comme la RDC l'expliquera plus loin, que l'on verse dans l'arbitraire

ni que l'étrangerest privéde tout recourscontre la mesured'expulsion qui le frappe.

1.17. En tout état de cause, la Guinée n'apporte aucune preuve du refus des

autorités congolaises d'autoriserles avocats de M. Diallo à visiter celui-ci lors de sa

détentionayant précédé son expulsion du territoire congolais. Ne fût-ce que pour ce
motif, les allégations de laRDC doiventêtrerejetées.

E. Quant à la violation alléguéede la Convention de Vienne sur les
relations consulaires

1.18. Dans son mémoire,I'Etatdemandeur affirme encore que laRDC aurait violéla

Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires pour n'avoir pas
permis de contacts entre M. Diallo et les agents consulaires guinéensà ~inshasa".

Cette allégationn'est pasfondéecomme I'Etat défendeurle montrera ci-après.

1.19. En effet, l'article36, paragraphe llb de la Convention de Vienne sur les
relationsconsulairesdisposeque

« si intéressé (Ié^tranger arrêté i,carcéréou en détention)en fait la
demande, les autorités compétentes de I'Etat de résidence doivent
avertir sans retard le poste consulaire de l'Etat d'envoi lorsque, dans sa
circonscription consulaire, un ressortissant de cet Etat est arrêté,
incarcéréou mis en état de détention préventiveou toute autre forme
de détention(...» .

Or, la Guinéen'a pas apportéla preuve que M. Diallo avait demandéaux autorités

congolaises d'informerles agents consulairesguinéensà Kinshasade sa situation et

que lesditesautoritésauraient refuséd'avertir le poste consulajrede cette demande.

1.20. Par ailleurs, l'Ambassadeur de Guinée à Kinshasa était au courant de

l'arrestation et de la détention de M. Diallo pour êtreexpulsé vers Conakry. La
Guinéeproduit elle-mêmeune lettre du 21 décembre1995 de son Ambassadeur à

Kinshasaau moment des faits, Maître Abdoulaye Syllaqui est un avocat de carrière,

"MRG, p.52, § 3.3012".
1 RDCsouligne.adresséeau Ministre guinéendes Affaires étrangères,avec copie pour information

au Président dela Républiquede Guinée. Danscette lettre relative à la situation de

M. Diallo, l'Ambassadeurde Guinéeà Kinshasadéclarece qui suit :

En tout étatde cause, l'Ambassadepour sa part continueraà mener avec
prudence et mesure l'action diplomatique déjà entaméeà tous les niveaux
requispour le dénouement heureuxde cette affaire.D 20

L'Ambassadeur de Guinée transmetégalementau Ministredes Affaires étrangèresà

Conakry les coupures des articles publiés dans la presse écrite congolaise qui

relataient la situationde M. Diallo.

1.21. Le 25 janvier 1996, alors que M. Diallo était encore endétentionà Kinshasa 6

jours avant son expulsion, l'Ambassadede Guinéea donnéinstructionaux dirigeants

de la sociétéAfricontainers-Zaïre de procéderà l'inventaire de tous les conteneurs
de cette société2'. Le15 avril 1996, le Ministre guinéen des Affaires étrangèresa

encore écritau Secrétairegénéralde la Présidencede la Républiquede Guinée pour

lui faire le rapport sur la situation de M. ~iallo~~.

1.22. 11est donc établique la situation de M. Diallo étaitconnue non seulement du
consulat guinéenà Kinshasamais aussidu Présidentde la Républiqueet du Ministre

des Affaires étrangèresde Guinéeet, qui plus est, que l'Ambassadeur de Guinéeà

Kinshasa avait engagédes représentationsdiplomatiques auprès du gouvernement

de la RDC enfaveur de M. Diallo.

1.23. Sur ces bases, il y a lieu de rejeter, comme non fondée, l'allégationde la

Guinée selon laquelle la RDC aurait violé l'article 36, paragraphe llb de la

Conventionde Vienne sur les relationsconsulaires.

"CMRDC, PartieII, Annexe11et MRG,LivreII,Annexe192.
"CMRDC, PartieII,Annexe12et MRG,LivreII,Annexe199
2 2 ~ ~ ~ PartieII,Annexe13et MRG,LivreII,Annexe203. F. Quant à la violation alléguéedu Pacte international relatif aux droits

civils et politiques

1.24. Dans son mémoire, I'Etat demandeur reproche encore à la RDC d'avoir
expulsé M. Dialloen application d'une décisionqui n'a pas étéprise conformémentà

la loi. Ce faisant, laRDC aurait violé I'article9 du Pacte internationalrelatifaux droits

civils et politiques, ainsi que son article 13 suivant lequel un étranger légalement

installé sur le territoire d'un Etat ne peut en êtreexpulsé qu'en exécutiond'une

décision priseconformémentà la loi. Cetteaffirmation de I'Etatdemandeur n'est pas
fondéecomme la RDC l'expliqueraci-dessous.

1.25. En effet, le Premier ministre congolais a pris le décretn00043du 31 octobre

1995 ordonnant l'expulsion de M. Diallo du territoire congolais conformément à

I'article15 de la loi congolaise du 12 septembre 1983 relative au séjour des
étrangers.

Le décret d'expulsionde M. Diallo fut motivé par le fait que la présenceet la

conduite [de l'intéressé au Zaïre]ont compromis et continuaient à compromettre

l'ordre public congolais, spécialement en matière économique, financièreet
monétaire »23.11trouve son fondement légaldans la loi congolaise du 12 septembre

1983 relative à la police des étrangers,dont I'article 15 dispose que « le Président

de la République peut,par ordonnancemotivée,expulser du Zaïre tout etranger qui,

par sa présenceou par sa conduite, compromet ou menace de compromettre la

tranquillitéou l'ordre publ»24.

II s'agit donc bien d'une décision priseconformément à la loi au sens de I'article 13

du Pacte internationalrelatif aux droits civils et politiques.

1.26. Par ailleurs,en vertu de I'article 15de la loi du 12septembre 1983relativeà la

police des étrangers, c l'étrangerà charge duquel une procédure d'expulsionest

entaméeet qui est susceptible de se soustraireà l'exécutionde cette mesure peut

être incarcéré danu sne maison d'arrêpt ar l'Administrateur Généradlu CNRl (Centre

2Ibid.
2CMRDC,PartieII,Annexe 5National des Renseignements et d'Intelligence) ou son délégué, pourune duréede

48 heures. En cas d'absolue nécessité,cette durée pourra êtreprorogée de 48

heures en 48 heures, sans que la détentionpuisse dépasser8jours »25.

La détentionde M. Diallo n'a jamais dépassé laduréede détentionlégale.A cet

égard,l'affirmation de la République de Guinée, selonlaquelle M. Diallo aurait été
détenudurant pas moins de 75 jours au total (du 5 novembre 1995 au 10 janvier

1996, puis du 17janvier au 31 janvier 1996) est sans fondement. Cette affirmation

est exclusivement fondée sur des sources journalistiques, qui reprennent elles-

mêmes uncommuniquéde I'association « Avocats sans frontières »26. 11a toutefois

étémontréci-avant que cette présentationdes faits est contredite par le dossier,
puisque pendant la période où il aurait, selon la Guinée,étédétenusans contact

avec le monde extérieur, M. Diallo a écrit diverses lettres signéesde sa main au

gouvernement congolais sansau demeurant se plaindre de sa détention2'.

1.27. L'Etat demandeur accuse aussi la RDC de ne pas avoir donnéà M. Diallo la

possibilitéde faire valoir les raisons qui militeraient contre son expulsion et de faire
examiner son cas par I'autorité compétente. Selon la Guinée, ce comportemen dte

IIEtat défendeur constituerait égalementune violation de l'article 13 du Pacte

internationalrelatifaux droits civils et politiques.

L'article 13du Pacte internationalrelatifaux droits civils et politiquesdisposeque

« (...) à moins que des raisons impéfleuses de sécurité nationalene s'y
opposent, [l'étranger] doit avoir la possibilité de faire valoir les raisons qui

militent contre son expulsion et de faire examiner son cas par l'autorité
compétente... B.

1:28.Les raisons impérieuses desécurité nationalesont laissées à l'appréciation

souveraine de chaque Etat. La décision d'expulserun étrangeren séjour régulier sur
le territoire d'un Etat n'est pas une mesure qu'un Etat prend avec légèreté. Dansle

cas de M. Diallo, les agissements quotidiens de celui-ci avaient atteint une gravité

25
26Ibid.
27Voy. e.a.RG,annexe s90, 191et193.
Supra,par. 1.10.telle que le Gouvernement congolais a jugé, de manière discrétionnaire,qu'il était

urgent et impérieux, pourdes raisons de sécurité nationaleet de maintien de I'ordre

public, de l'éloigner du territoire. Dans ces conditions, et conformément aux
dispositions de l'article 13 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques

reprises ci-dessus,il n'étaitpas requis de donner à M. Diallo la possibilitéde faire

valoir les raisons qui militaient contre son expulsion et de faire examiner son cas par
l'autoritécompétente,au moment même où il étaiten instanced'êtreexpulsé.

1.29. En tout état de cause, I'ordre juridiquecongolais prévoitune voie de recours

contre toute décisionprise par une autoritéadministrativequi porteatteinte aux droits
d'une personne. La Constitution congolaise du 9 avril 1994, en vigueur en 1996,

disposait en son article 102 que « la CourSuprêmede Justiceconnaît(. ..)des

recours en annulation des actes et décisionsdes autoritéscentrales de la
République ». De son côté,I'ordonnance-loin082-017du 31 mars 1982 relative à la

Procédure devant laCour Suprême de Justice organise spécialementen ses articles

87 à 90 la procédure concernant les demandesd'annulation des actes, décisionset

règlements des autorités centra~es*~ qui peuvent être introduitespar tout particulier
lésé.

1.30. Par conséquent, M. Diallo disposait, même après son expulsion ,'un recours
administratif pour demander l'annulation du décret0043 du 31 octobre 1995 pris à

son encontre par le Premier ministre congolais auprès de la Section administrative

de la Cour Suprême de Justice. Mais force est cependant de constater que M. Diallo,

qui avait engagé des avocats congolais pourla défensede ses intérêts financiers,
n'a pas chargé ces mêmes avocats d'introduire un recours en annulation contre le

décret d'expulsion.

1.31. A la lumière des développementsqui précèdent, la RDC prie la Cour de

constater que l'expulsionde M. Dialloa été décidéc eonformémentà la loi congolaise

et que les dispositions de l'article 13 du Pacte international relatif aux droits civils et

politiques n'ont pas étéviolées par'Etatdéfendeur.

CMRDC, PartiII,Annexe14. G. Quant à la violation du standard minimum international et au prétendu
manque d'indulgenceà l'égardde M. Diallo

1.32. Suivant la Guinée,M. Diallo a dû quitter la RDC sans emporter aucun effet

personnel, abandonnantsur place tous ses biens mobiliers et immobiliers ainsi que

les sociétésqu'il avait créées et développées. II aurait ainsi été traité sans
indulgencecomme un criminel.

1.33. Or, il a déjàétémontréci-avanf9 que les allégationsde la Guinée suivant
lesquelles M. Diallo aurait été traiavec brutalitéou que sa dignitéhumaine aurait

étébafouée par lesautoritéscongolaises, ne sont pas crédibles.Par ailleurs, I'Etat

demandeur lui-mêmea révélé que le Présidentde la Républiquedu Zaïre (RDC),

Mobutu Sese Seko, serait intervenu à l'époqueen personne pour exiger la libération
de M. Diallo. Ce n'est pas tous les jours qu'un Président dela Républiqueintervient

pour demander la libérationd'un étrangerdétenudans l'attente d'une expulsion. Si

tel est le cas, on ne peut pas dire que M. Dialloait ététrcomme un criminel.

En outre, l'Ambassadeurde Guinéeà Kinshasaqui suivait de très près le cas de M.

Diallo ne s'est jamais plaint auprès des autoritéscongolaises concernant les mauvais

traitements ou le manqued'indulgence à I'égardde l'intéressé.

1.34. Enfin, M. Diallo a récupéré tous ses bienspersonnels qu'il a reçus à Conakry.

C'est ainsi que l'Ambassadeurde Guiriéeà Kinshasaqui s'est occupéaussi bien des

conteneurs et autres biens de la sociétéAfricontainers-Zaïre que des biens propres
de M. Diallo n'a jamais approché lesautoritéscongolaises pour protester contre la

confiscation ou la disparition des biens de celui-ci. Lorsqu'un étrangerest expulsé

par un Etat dans les circonstances et pour des raisons exposées ci-dessus,le droit
international n'exige pas de I'Etat concerné la location d'un avion ou d'un autre

moyen de transport en faveur de I'intéressé pour organiser le déménagementde cet

étrangeravec l'ensemble de ses biens mobiliers. La pratique des Etats ne connaît
aucun précédene t n ce sens.

2Supra,par.1.10.1.35. Eu égardà ce qui précède, laRDC prie la Cour de constater qu'elle n'a commis

aucun fait internationalementilliciteà l'occasionde l'arrestation, de la détentionet de

l'expulsion du territoire congolais de M.Diallo. La personne et les biens de M. Diallo
ont étérespectés parles autoritéscongolaises conformémentaux règles du droit

internationalapplicablesen la matière.

Section 2. La privationdu droit de propriétéde M. Diallo

1.36. L'Etat demandeur a également soutenuque la RDC a privéM. Diallo de son

droit d'utilisation, de jouissance et de disposition des parts sociales qu'il détenait
dans les sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre ainsi que des biens de celles-

ci à la suite de sa détentionf de son expulsion du territoire congolais.

1.37. A propos des parts socialesde M. Diallodans les deux sociétés commerciales
en cause, la Guinée reconnaît elle-même qu'elles n'ont pas étéconfisquées par

I'Etat congolais et restent toujours la propriétéde l'intéressé.Elle ajoute cependant

que la RDC a privéM. Diallo du droit d'utilisation, de jouissance et de disposition de
ses parts sociales.

1.38. Or, pour ce qui concerne les droits de M. Diallo en tant qu'individu, dont il est

question dans le présent Chapitre,il suffit de constater que M. Diallo reste, de l'aveu
même de la Guinée, propriétairejusqu'à ce jour de ses parts sociales et que la

Guinée n'a produit aucune preuve quela RDC aurait empêché M. Diallo de vendre

ses parts sociales à des tiers. En tant qu'individu, M. Diallo ne peut pas faire valoir
d'autres droits qui seraient attachésà son droit de propriétésur les parts sociales.

Les autres droits rattachés à la propriétédes parts sociales, tel que celui de

percevoir des dividendes, sont des droits exigibles de la sociétéet constituent dès
lors des droits de M. Diallo en tant qu'associé. Cesdroits seront abordés dans le

chapitre II du présent contre-mémoire.

1.39. Au sujet des biens propresdes sociétés Africom- Zaïre et Africontainers-Zaïre,
la RDC rappelle ce que la Cour a dit dans son arrêt du24 mai 2007 : <<Le droit

congolais attribue à la S.P.R.L. une personnalitéjuridique indépendanteet distincte

de celle des associés, notamment en ce que le patrimoine des associés est complètement séparé de celui de la société,et que ceux-ci ne sont responsables des

dettes de la société qu'à hauteurde leur apport à celle-ci ». La Cour ajoute et

réaffirmeque « tant que la sociétésubsiste, l'actionnaire n'a aucun droit à l'actif

social. Ceci demeure la règle fondamentale en la matière, qu'il s'agisse d'une

S.P.R.L. ou d'unesociétéanonyme»30.

1.40. Au regard de cette position de la Cour, la Guinéene peut pas soutenir qu'à la

suite de l'expulsionde M. Diallo du territoire congolais la RDC aurait privécelui-ci de

l'utilisation, de la jouissance et de la disposition des biens appartenant aux sociétés

concernées alors que cesbiens ne sont passa propriétéprivée.

1.41. En conclusion, I'Etat défendeur demande à la Cour de constater que

l'allégation de la Guinée selon laquelle il aurait privé M. Diallo de son droit de

propriété surses parts sociales et sur les biens des sociétésen cause n'est pas

fondée.

Section 3. Le dénidejustice à l'égardde M. Diallo

, 1. 42. La République de Guinée fait valoirpar ailleurs que M. Diallo aurait été

victime de deux types de dénisde justice de la part des autoritéscongolaises : un

dénide justice relatifà l'exécutiondujugement du 3 juillet 1995 condamnant Shell à

verser la somme de 13.156.704 dollars américains à Africontainers, et un dénide
justice généralisé consistant dans l'impossibilité dans laquelle s'esttrouvéM. Diallo

de poursuivrele règlementdes différendsrelatifs à ses affaires en RDC en raison de

sa détentionet de son expulsion31.

1.43. Cette thèse de la Guinée doit être rejetée dès lors qu'elleaboutit à ce que la

Guinée exercesa protection diplomatique concernant les droits propres des sociétés

Africontainers et Africom-Zaïre contrairementà l'arrêtsur les exceptions préliminaires

rendu par la Cour dans la présente affairele 24 mai 2007 par lequel la requête de

I'Etat demandeur a étédéclaréeirrecevable sur cette question. En effet, ces deux
types de dénisde justice, s'ils étaient avérésa , uraient étécommis à I'égard des

30Voir arrt u 24 mai20075 63.
31Voir MRG, pp.67-68.sociétés Africontainers-Zaïreet Africom Zaïre qui seraient titulaires des créances

réclamées etnon à I'égardde M. Diallo.

1.44. En effet, la Cour a déjà constatédans son arrêt du24 mai 2007 qu'il n'est pas

contestéque l'ensembledes réclamationsfinancières (contentieux commerciaux ou
autres) invoquées par laGuinée concernent les droits propres desdites sociétés

commerciales en tant que personnes morales et non ceux de M. Diallo en tant que

personne physique32.C'est donc le cas de tous les contentieux commerciaux, en

particulier de celui invoqué par la Guinéequi a opposéAfricontainers-Zaïre à la

société pétrolièreZaïre Shell.

1.45. En conclusion, les allégations de la Guinéerelatives aux dénis de justice

prétendument subispar M. Diallo, portent en réalitésur des droits et contentieux

auxquels sont partie les sociétésAfricom-Zaïre ou Africontainters-Zaïre, et non M.

Diallo en tant que personne, et pour lesquels la requête dela Guinée a étéjugée
irrecevablepar la Cour.
il\\

Section 4. Les manquements contractuelsenvers M. Diallo

1. 46. La République de Guinéefait valoir en outre que la violation par un Etat des

engagements contractuels conclus avec un étranger peut constituer un fait

internationalement illicite dans la mesure où cette violation est accompagnée par

d'autres faits internationalement illicites. La Guinée prétend qu'il en va ainsi des

violations commises par la Gécaminesdu contrat de transport du 13juillet 1983et du
refus du Départementdes Finances de payer les créances dlAfricom-Zaire d'un

montant de 178.700.000 zaïres, qui seraient accompagnées par d'autres actes

internationalement illicites, notamment la détentionet l'expulsion illicite,ingérence

arbitraire et le dénidejustice33.

1.47. L'argument de la Guinéedoit à nouveau êtrerejeté dèslors qu'il aboutit à ce

que la Guinée exercesa protectiondiplomatique à l'égarddes sociétés Africontainers

et Africom-Zaïre contrairement à l'arrêt rendupar la Cour sur les exceptions

32
Voir arrt u24 mai2007,!j 14.
33MRG, p.69,553.66et3.67préliminairesdans la présenteaffaire, le24 mai 2007. En effet, le contrat du 13juillet

1983 a été conclu par ~fricontainers- ai an^dis que les traites ont étéacceptées
au bénéficede la société ~fricom- aire^ Ai.si, les prétendus manquements

contractuels, s'ils étaient établis, auraientétécommis l'égardde ces sociétés en

tant que personnesmorales et non envers M. Diallo en tant que personne physique.
On se retrouve ici dans l'hypothèse relativeau dénide justice examinée ci-dessus.

Par conséquent,la RDC n'a violéaucun manquement contractuel envers M. Diallo

en tant que personne.

1.48. En conclusionde ce chapitre, la RDC prie la Cour de constater qu'elle n'a violé

aucun droit individuelde M. Dialloen tant que personne à la suite de l'arrestation,de
la détention et del'expulsion de celui-ci du territoire congolais. La RDC montrera

dans le chapitre suivant qu'elle n'a pas non plus violéles droits propres de M. Diallo

en tant qu'associé des sociétés Africom-Zaïret Africontainers-Zaïre.

34EPRDC,annexe41.
35MRG,annexe51.CHAPITREII. LES DROITS PROPRES DE M. DIALLO EN TANT QU'ASSOCIE

DES SOCIETESAFRICONTAINERS-ZAIRE ETAFRICOM-ZAIRE

2.01. Avant d'aborder ci-après les arguments présentéspar la Guinéeconcernant

les droits propres de M. Diallo en tant qu'associé des sociétés Africom-Zaïreet
Africontainers, il y a lieu de rappeler que, dans son arrêtdu 24 mai 2007 sur les

exceptions préliminairesrendu dans la présenteaffaire, la Cour a jugé:

<<67. Commela Cour l'a rappelédans l'affaire de la Barcelona Traction,«il est
(...) inutile d'examinerles multiples formes que prennent les différentesentités
juridiques dans le droit interne)) (C.I.J. Recueil 7970, p. 34, par. 40). Ce qui
importe, du point de vue du droit international, c'est de déterminersi celles-ci
sont ou non dotées d'une personnalité juridique indépendante de leurs
membres. L'attribution à la sociétéd'une personnalité morale indépendante

entraîne la reconnaissance à son profit de droits sur son patrimoine propre
gu'elle est seule à mêmede ~rotéaer.En conséquence, seulI'Etat national
peut exercer la protection diplomatique de la sociétélorsque ses droits sont
atteints du fait d'un acte illicite d'un autre Etat. Afin de déterminersi une
société possèdeune personnalité juridiqueindépendanteet distincte, le droit
internationalrenvoie aux règles du droit interne en la matière.
62. La Cour, afin de préciserla naturejuridique des sociétés Africom-Zaïre et

Afncontainers-Zaïre, doit se référer au droit interne de la RDC et, en
particulier, au décret du 27 février 7887 sur les sociétéscommerciales. Ce
texte dispose, en son article fer, que « ['les sociétés commerciales
légalement reconnues conformément auprésent décret constitueront des
individualitésjuridiques distinctesde celles des associés)).
63. Le droit congolais attribue à la S.P.R.L. une personnalité juridique
indépendanteet distincte de celle des associés, notamment en ce que le

patrimoine des associésest complètement séparéde celui de la société,et
que ceux-ci ne sont responsables des dettes de la société qu'àhauteur de
leur apportà celle-ci. II en découle queles créanceset les dettes de la société
à l'égard des tiers relèvent respectivement des droits et des obligations de
celle-ci. Ainsi que'a soulignéla Cour dans I'affaire de la Barcelona Traction:
«Tant que la sociétésubsiste, l'actionnaire n'a aucun droit à l'actif social.))
(C.1. . Recueil 1970,p. 34, par. 41.)Ceci demeure la règle fondamentale en la
matière, qu'il s'agisse d'une S.P.R. ou d'une sociétéanonyme. (...D

En conséquence,la Guinéene peut endosser les réclamations quepourraient avoir

les sociétés Africom-Zaïreet Africontainers envers la RDC. Ainsi, la Guinéene peut
faire valoir d'atteintesau droit de propriétéde biens ou des créances que ces

sociétés, et non M. Diallo, possédaienten tant que personnes morales.2.02. La présente discussionse limitera donc à la question de savoir si l'expulsion

de M. Diallodu territoire congolais aurait entraîné une violationdes droits propres de

M. Dialloen tant qu'associédans les sociétés Africom-Zaïre et Africontainers.

Dans ce cadre, la RDC abordera successivement les prétendusdroits propres de M.
Diallo en tant qu'associé,tels qu'ils sont définispar le droit interne congo~aisd,ont

la Guinée allègue laviolation37,à savoir : le droit à une part des bénéficesdes

sociétés(section 1), l« droit de propriété dans les sociétés, en particulier l'égard

des parts sociales » (section2)'le droit de choisir le gérant dessociétés(section 3),

le droit de surveilleret de contrôler tous les actes accomplis par la géranceet toutes
les opérations des sociétés (section4) et le droit de prendre part aux assemblées

générales (section 5).

Section 1. Le droit à une part des bénéficesdes sociétés

2.03. Au titre des droits de M. Diallo en tant qu'associé dessociétés Africom-Zaïre

et Africontainers-Zaïre, la Guinéefait valoir tout d'abord le droit de. Diallo à une

part des bénéfices de ces sociétés.

Or, au sujet de la distribution de dividendes, l'article 27des statuts dlAfricontainers-

Zaïre énonce cequi suit:

« L'excédent favorabledu bilan, après déduction descharges, frais généraux
et amortissements nécessaires,constitue le bénéfice dela société.II sera
réparti entre les associésen proportion des parts qu'ils possèdent, chaque

part donnantun droit égal.L'assembléegénéralepourra toutefoisdécider que
tout ou partie des bénéficessera affecté à la créationd'un fonds de résenle
spécial ou d'un fonds d'amortissement des parts sociales ou reporté à
nouveau. Les dividendes sont payables chaque annéeaux époqueset de la
manière fixéepar l'assembléegénérale. »38

Par conséquent, pourque la Républiquede Guinéepuissefaire valoir uneatteinte au

droit de M. Dialloà une part des bénéfices de la société Africontainersil,faut d'abord

36VoirCMRDC,PartieIiA,nnexe15(Décretdu27 février1887surles sociétécsommerciales).
37Mémoiredu 7juillet 2001, pp.40-41.
38MRG,annexe 1.que soit démontré quecette société distribuaiteffectivement des dividendes. Or, la

Guinée ne produit pas de documents comptables d'Africontainers (ni d'ailleurs

d'Africom-Zaïre qui n'avait aucune activité commerciale pendant près de dix ans) ni

de décisionsde l'assemblée générale attestand te la distribution de dividendes aux
associés.

2.04. En outre, à supposer qu'il soit établique les sociétésAfricontainerset Africom-

Zaïre distribuaient des dividendes, encorefaudrait-il que la Guinée démontre queM.
Diallo a étémis dans l'impossibilité de les percevoir en raison de la décision

d'éloignementdu territoirecongolais prise à son encontre ou de tout autre acte illicite

de la RDC. Or, la Guinéene démontre pasque M. Diallo ne pouvait pas percevoir

directement ses dividendes à l'étranger,ni que M. Diallo en aurait étéempêché par

un quelconque autre acte imputableà,.a RDC.

Pour chacun de ces motifs pris isolément,l'allégationde la République de Guinée

est, sur ce point, malfondée.

2.05. A titre surabondant, l'on relèvera que la Guinée ne pourrait, en tout étatde

cause, faire valoir que la valeur du droit aux bénéficesdes sociétés doitse calculer

par rapport aux créances réclamées pac res sociétés.Les créances constituantdes

droits et des actifs des sociétés sur lesquelsun associé n'a aucun droit tant que
celles-ci subsistent, cela reviendrait en effet à exercer indirectement une protection

diplomatique à l'égarddes sociétés Africom-Zaïre et Africontainers, ce que la Cour a

exclu dans son arrêtsur les exceptions préliminairesdu 24 mai 2007.

Section 2. Le Kdroitde propriétédans les sociétés, en particulierà l'égardde
ses partssociales »

2.06. La Guinée entendensuite protéger ledroit de propriétéde M. Diallo dans les

sociétés susmentionnées ,t invoque notamment à cet égard l'article5 du Code des

investissements qui dispose que N Les droits de propriétéindividuelle ou collective

acquis par l'investisseur,conformémentà la législationcongolaise, sont garantispar
la Constitution de la République du Zaïre B. Elle ajoute que M. Diallo doit êtreconsidérécomme « étant le légitimepropriétaire des actions des sociétésqu'il a

créées pour réaliserses investissements »39.

2.07. Or, M. Diallo est toujours le propriétairede ses parts sociales dans la société

Africontainers, et il a déjàétémontréau Chapitre ler que ses droits de propriété en

tant qu'individu n'ont en rien étéaffectéspar laRDC~'. Par ailleurs, pour autant que
la Guinée entendfaire valoir que M. Diallo a étéprivé enfait de l'exercice de ses

droits en tant que propriétaire desdites parts sociales, l'allégation de la Guinée

fondéesur le Code des investissements congolais n'ajoute rien aux allégationsde

violations des autres droitsd'associéinvoquéspar la Guinée.

'Section 3. Ledroit de choisir le gérant des sociétés

2.08. La Guinéene peut faire valoir dans la présente-instanceune violation du droit

de choisir le gérantdes sociétésAfricom-Zaïre et Africontainers. En effet, le droit de

choisir le gérant n'estpas un droit de l'associé mais de la société.

L'article 65 du Décret de 1887 sur les sociétés commercialed sispose à cet égard
que « Les gérants sont nommés soit dans I'acte constitutif; soit par I'assemblée

générale, pourun temps limitéou sans duréedéterminéen4'.

En ce qui concerne Africontainers, ses statuts prévoientà I'article 14 : nLa société

est administrée par un ou plusieurs gérants, associés ou non, nomméspar

I'assemblée générale »42.Par conséquent,le droit de choisir un gérantappartient à
I'assemblée générale drAfricontainers,organe de la société.II s'agit donc d'un droit

de la société et non de M. Dialloen tant qu'associé.

C'est donc à tort que la Guinéefait valoir que l'article 65 du Décret de1887« donne

aux actionnairesle droit de choisir le gérant dela société, soiten le désignantdans
I'acte constitutif, soit en participant à I'assembléegénérale»43.La première option

n'est pas pertinente en l'espèce dans la mesure où I'acte constitutif dlAfricontainers

40RG, par. 2.28,2.29 et 2.37.
41Supra,par. 1.36et ss.
CMRDC,PartieII,Annexe 15
42MRG,annexe 1.
43MRG,p. 39, par.2.26.laisse à l'assemblée générale le soin de désigner le gérant. Quant à la seconde

option, comme la Guinéel'énonceelle-même,le droit de I'associéqui est en jeu est

celui de« participerà I'assembléegénérale » qui choisit le gérant. Ce faisant, ledroit
invoquépar la Guinéene se distingue pas du droit de l'associéde prendre part aux

assemblées généraled sont il sera question ci-après(Infra, v).

2.09. En ce qui concerne Africom-Zaïre, ses statuts ne sont pas produits par la

Guinéeet ne sont pas à la dispositionde la RDC. On ne sait donc pas si M. Dialloest

associéou non dans cette société. Cependant, à supposer que les statuts soient
muets sur la nominationdu gérant - de sorte que s'applique l'article 65 du Décre-

ou que les statuts prévoient eux-mêmes que la nomination du gérant relève de

I'assembléegénérale,la même conclusion s'impose que pourAfricontainers, à savoir

qu'il s'agit là d'un droit de la socA supposer que le gérantd'Africom-Zaïreait été
nommé par les statuts de cette société, il s'agirait toujours d'un droit collectif

appartenant à tous les associés agissant collectivement,et non d'un droit individuel

de M. Diallo (pour mémoire, la Guinée reconnaît que la législation congolaise
n'autorise pas la création d'uneSPRL par une seule personne : V. § 23 de l'arrêt de

.laCour sur les exceptions préliminaires du24 mai 2007). En tout étatde cause, la

Guinée nedémontrepas que la nomination du gérant d'Africom-Zaïre mettait en jeu
un droit individueldeM. Diallo.

Section 4. Le droit de surveiller et de contrôler tous les actes accomplis par
la géranceet toutes les opérations des sociétés

2.10. C'est également à tort que la Guinéeinvoque la violation du droit de surveiller

et de contrôler les actes accomplis par la gérance.En effet, M. Diallo est I'associé-

gérant dessociétés Africom-Zaïreet Africontainers. Or, la gérance etle contrôle de
la gérancene peuventêtreexercés parla même personne.

A cet égard, la Guinéea invoqué dans ses plaidoiries sur les exceptions
préliminaires,que la loi congolaise prévoit quela gérance peut être exercép ear unassocié44L . a RDCne le nie pas. Cependant, il n'en résulteaucunement que dans ce

cas, le mêmeassociéest en droit d'exercer le contrôle des actes qu'il a lui-même

accomplis en sa qualité de gérant. Le contrôlede la gérance est, par essence,
indépendant de la gérance elle-même. Pou arutant que de besoin, la loi congolaise

le confirme en disposant que le contrôle de la géranceest en principe exercépar un

commissaire.Ainsi, I'article71 du décret de1887dispose :

« La surveillance de la gérance estconfiéeà un ou plusieurs mandataires,
associés ou non associés, appelés commissaires. (...)Si le nombre des

associés ne dépasse pas cinq,la nomination de commiss.aires n'est pas
obligatoireet chaque associéa les pouvoirs des commissaires. »45

L'article 75 de ce même décretdispose:

« Le mandat des commissaires consiste à surveiller et à contrôler, sans
aucune restriction, tous les actes accomplis par la gérance, toutes les
opérationsde la sociétéet le registredes associés.» 46

L'article25, alinéa 3, des statuts d'Africontainersne fait que confirmer ce qui précède
en prévoyantque le contrôlede la gérancesera exercépar un commissaire :

« La gérance doit remettre aux associés, quarante jours au moins avant

l'assemblée générale, l'inventairel, e bilan, le compte de profits et pertes et
son rapport avec les pièces justificatives. Le commissaire devra, dans les
quinze jours au plus tard du rapport de la gérance, faire un rapport sur
l'accomplissement de son mandat, sur la tenue des comptes et sur les

documentsqui lui auront étéremispar /agérance.Ce rapport doit contenir des
observationset propositions. »47

2.11. 11ressort de ces textes, autant que de la notion mêmede contrôle, que la

géranceet le contrôlede la gérancene peuventêtreexercés parla même personne.

Dans ces circonstances, M. Diallo n'avait pas le droit de surveiller et de contrôler

tous les actes accomplis par la géranceet toutes les opérations dessociétésdont il
étaitlui-mêmele gérant.

-
44 PlaidoirielH décembre2006, p. 27, se référantà l'article67 du Décretde 1887 sur les
sociétés commercialreslativemenà la protectiodes gérants-associés.
45 CMRDC, PartieII,Annexe15
46 Ibid,
47 MRG,annexe1.La Guinéene saurait donc faire valoir que la RDC a portéatteinte aux droits de M.

Dialloen la matière.

Section 5. Le droit de prendre part aux assembléesgénérales

2.12. Pour que la Guinéepuisse faire valoir une privation du droit de l'associéde

prendre part aux assembléesgénérales, elle devrait démontrer qu'une assemblée

généralea été convoquée et que M. Diallo n'a pas pu s'y rendre en raison de son.

éloignementdu territoire de la RDC. Aussi, I'Etat défendeur devraitdémontrer,tout

au moins, que la ROC aurait donné l'ordre à la société fric on tain de rne pas
prendre en considérationtoute procuration que M. Diallo donneraità un tiers pour le

représenter à une assembléegénérale48.

A défautd'une convocation de l'assembléegénérale, aucun droit deM. Diallo d'y

participer n'esten cause.

2.13. 11en va de mêmedans la perspective de la réalitéde l'impact de la mesure

prise par le gouvernement congolais, que la Guinée identifie parmi les conditions

d'une expropriation49. Si aucune assemblée générale n'a été convoquée,

l'éloignementde M. Diallo n'a eu aucun impact sur son droit de participer aux
assemblées générales. II ne saurait alors êtrequestion d'une expropriation. Lathèse

de la Guinée est doncmal fondée.

2.14. La Guinée nepourrait rétorquer quela RDC aurait privéM. Diallo, en tant que
gérant,du droit de convoquer les assemblées généralesE . n effet, la convocation de

l'assembléegénéraleest un acte fonctionnel du gérant que celui-ci pose en tant

qu'organe de la société. C'est doncla sociétéqui convoque les assemblées

générales.Dès lors que dans son arrêtsur les exceptions préliminairesdu 24 mai
2007, la Cour a jugé que la Guinéene peut exercer sa protection diplomatique à

l'égarddes sociétésAfricontainers et Africom-Zaïre, ce droit du gérantne peut être

protégédans la présente instance.

48L'article 81dudétu27 février1887 (Annexe 15)pàunassociéde se faire représenteraux
49ssemblésénéralpsar untiersmunid'uneprocuration.
MRG, par3.173,.2et3.23.Par ailleurs, la Guinéen'a fait valoir aucune privation de droits de M. Diallo en tant

que gérantet a limitéson argumentation aux droits personnels de M. Diallo ainsi qu'à

ses droits d'associé. De même,la Cour dans son arrêtdu 24 mai 2007 sur les

exceptions préliminaires,

« Déclare larequête de la Républiquede Guinéerecevableen ce qu'ellea
traità la protectiondes droitspropresde M. Diallo en tant ouJassocié des

sociétés Africom-Zaïe rtAfricontainers-ZaïreD~O.

Les droits éventuelsde M. Diallo comme gérant ne peuvent donc en tout état de
cause pas faire l'objet de la présente instance.

La RDCsouligne., CHAPITRE III. CONCLUSIONS

A la lumière des arguments susmentionnéset de l'arrêtde la Cour du 24 mai 2007

sur les exceptions préliminairespar lequel la Cour déclarela requête dela Guinée
irrecevable en ce qu'elle a trait à la protection de M. Diallo pour les atteintes

alléguées aux droits des sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre, I'Etat

défendeurprie respectueusement la Courde dire et juger que :

1") La République démocratique du Congo n'a pas commis de faits

internationalementillicites envers la Guinée ence qui concerne les droits individuels

de M. Dialloen tant que personne ;

2") La République démocratique du Congo n'a pas commis de faits

internationalementillicites envers la Guinéeen ce qui concerne les droits propres de

M. Dialloen tant qu'associédes sociétésAfricom-Zaïre et Africontainers-Zaïre;

3") En conséquence,la requête dela Républiquede Guinéen'est pas fondéeen fait

et en droit.

Le 27 mars 2008

ProfesseurTshibangu Kalala

Coagentde la Républiquedémocratiquedu Congo

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Contre-mémoire de la République démocratique du Congo

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