Déclaration d'intervention de la République d'El Salvador (Article 63 du Statut)

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9625
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Incidental Proceedings
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INTERNATIONALCOURTOF JUSTlCE

(Article 63 of the Staiute)

OF THE REPUBLIC OF EL SALVADOR

fileion15August 1984ourt

CASECONCERNTNG MILLTARY AND

PARAMILITARYACTIVITIESIN AND
AGAINST NICARAGUA

(NICARAGUv.UNITEDSTATEOF AMERICA)

COUR INTERNATIONALEDE JUSTICE

DÉCLARATION D'INTERVENTION

(articlduStatut)

DE LA RÉPUBLIQUE D'EL SALVADOR -

enregle15août 1984Cour

AFFAIRE DES ACTIVTTÉS MILITAIRES

ET PARAMILITAIRESAU NICARAGUA

ET CONTRE CELUI-CI

(NICARAGUA c. ÉTATS-DAM~RIQUE) 1984
Rôle géneral -
no70

DÉÇLARATION D'INTERVENTION
DE LA RÉPUBLIQUE D'EL SALVADOR

INTERVENTIONEN VERTU DE L~R'TICLE 63 DU STATUT
DE LA COUR INTERNATIONALEDE JUSTICE

Le 15aoü t1984.

1. J'ail'honneurde me référer larequête introductive d'instance présenle

9 avril1984par la Républiquedu Nicaragua contre les Etats-Unis d'Arne-
rique.
Le Gouvernement du Nicaragua ayant, de façon délihkrémene trronée,affir-
mé devant laCourqu'ElSalvadorn'estimaitpas2treI'objetd'attaques arméesde
lapartdu Nicaragua, la Républiqued'ElSalvadorn'a pas d'autre choix;devant
cesallégationsfallacieuses,que de prendrepart a laprocédureissuede la requete
du Nicaragua du 9 avril 1984.
La Républiqued'El Salvador dklare donc, conformémenià l'article 63 du
StatutdelaCouret al'articl82de son Règlement,intervenir deplein droidans
laphaseencoursde taprocédureissuede larequete du Nicaragua du9 avril 1984.

Enintervenant ainsi, ElSalvadoapour but uniqueet limitéde faire valoirquela
Cour n'a pas compétence pourconnaître de la requêtedu Nicaragua et des
demandes qui ysont knoncées,qu'elledoit pour de multiples raisons déciarerne
paspouvoir donner suite àcette requêteeacesdemandes,et que ladite cequete
et lesdites demandes sont irrecevables.
El Salvador souhaiteaussiintervenir afin de fairesavoir officiellement que,
contrairement à ce que leNicaragua a affirme dans ses allégationsen l'espèce,il
estime êtrel'objet d'une agression armée réellede la part du Nicaragua et se
considéremenacédans son intégriteterritonale, dansa souverainetéetdans son
indépendance, ainsique les autres pays de l'Amtrique centrale. Cet état de
choses est démontré par les protestations de ces derniepays contre leGou-
-
vernement duNicaragua. Etant donnél'exploiiationpolitique que le Nicaragua
a voulu fairede la Cour internationaie de Justice en lui présentantsa requête,El
Salvador intervient pour dénoncer devantla Cour et devant le monde entier
L'agressiondont il est victimen raison de l'action subversive que dirige le
Nicaragua, et qui met en danger la stabilité de cette partie du monde tout
entière.
II. En 1979,il devenait chaque jour de pluen plus évidentque le gouver-
nement Somoza s'effondrait et qu'une nouvelle force, prétendument au service
desreformesetdu progrès,finirait parprendre lepouvoirdans lanation sŒur du
Nicaragua. Aussi lesSalvadoriensétaient-ils nombreux.pendant leprintemps et
l'étéde 1979,àconsidérerce paysvoisinavec espoir. Lorsquelemoment attendu

est arrivé, nous avonsétkheureux, comme beaucoup d'autres pays, de la pro-
messe faitc par les sandinisteil'organisation des Eiats américains enjuillet
1979,àsavoirque leursobjectifspour leNicaragua étaientde caractkrepacifiqueet démocratique. Nos espoirsde voir apparaître une érenouvellede demoçratie,
de progrèset de réforme,et de voir disparaître toute Formedc répressionen
Amérique centrale, sesont d'ailleurs manifestésla meme année, lorsquenotre
pays a lui aussi adoptéun programme de progrès rkpondant aux aspirations
populaires.
III.Cependant nos espoirs et nos attentes A l'égardde cette ère nouvellede
paix et de progres ont étédequs, cas il est trésvite devenu apparent que le
Nicaragua avait trornptson peuple, l'Amériquecentrale et le monde démwra-
tique.
Au lieu de la paix, le gouvernement sandiniste du Nicaragua a choisi I'agres-
sion,et leNicaragua s'esttransformé en un camp armé dontlesforces militaires

sont complètementhors de proportion avecles besoins véritableset légitimesde
sa skurite.
De plus, et en cequi concerneplus spécialementEl Salvador,leNicaragua est
devenu une base à partir de laquelle des terroristes s'efforcent de renverser le
gouvernementélupar la population denotre nation. Ces terroristes sont dirigés,
armes, approvisionnéset entraînéspar le Nicaragua dans le but d'arrgier la vie
économique,de provcquer la dkstabilisation smiale et de placer la population
sousla:terreur etàlamerci desagressionsarméesd'éléments subversid fsirigéset
basés au Nicaragua. Malgré toutesles interventions du Nicaragua, le Gouver-
nement salvadorien s'estabstenu de formuler quelque accusation ou allkgation
que cesoit devant lesdiversesjuridictions auxquellesnous avons ledroit de nous

adresser,car nous recherchions - et nouscontinuons A rechercher- une solution
empreinte de compréhensionet de respecr mutuel entre les deux nations, bien
qu'a de nombreuses reprises leNicaragua sesoit servi des instances internatio-
nales pour attaquer et dénigrerses voisins, et en particulier El Salvador.
Cependant notre nation ne peut ni ne doit rester indifférente devant cette
agression manifeste et cette déstabilisation parla violencede la socisalvadc-
rienne. qui oblige E'Etatet le gouvernementiise défendre pardes moyens légi-
times. Aussi avons-nous demandé et continuons-nous a demander l'assistance
des Etats-Unis d'Amériqueet de diverses autres nations démocratiques ; cette
assistance nous estnécessaire,d'abord pour nous défendrecontre cette agres-
sion étrangère,qui soutient leterrorisme subversif sur notre territoire, ensuite

pour limiter et réparerles dommages économiquesque ce conflit nous inflige.
IV. Le faii est que nous sommes lesvictimes de l'agression et des attaques
arméesdu Nicaragua, et cela depuis 1980au moins, De plus, et avant mêmeque
les sandinistes ne prissent le pouvoiru Nicaragua enjuillet1979, des Nicara-
guayens et des Cubains collaboraient avec les groupes subversifs d'ElSalvador,
en les utilisant pour laguérillamenéeau Nicaragua dans le but d'installer le
pouvoir sandiniste et de le consolider.
Y. Les autoritésofficiellesnicaraguayennes et cubaines collaborent directe-
ment avec les guérilleros salvadoriens,par l'intermédiairede la ((Çomision
Militar i)en vue d'acheminer l'appui militairenicaraguayen au Front de libé-
ration nationale Farabundo Marti (FLNM). La (iCornision Militar est placée
sous l'autoritéd'Humbert0 Ortega Saavedra, ministre de ladéfense,et de Joa-

quin Cuadra, chef d'état-majorde l'arméesandiniste. Le quartier général du
FLNM, installe prèsde Managua. est le centre de commandement d'où sont
dirigéesles opérations de guérillaet où est coordonné l'appui logistique, y
compris lesenvoisde munitions, de vêtementset d'argent. Comme l'a dit notre
ancien président, Alvaro Magana, lors d'une conférence de presse tenue en
décembre 1983 : {le Nicaragua sert d'aire de lancement pour la subversion
armée surle territoire d'El Salvador. VI. Les faits relatifs à la mort de deux chefs de la subversion salvadorienne,
Melida Anaya Montes et Çayetano Carpio. survenue aManagua en avril 1983,
confirmentencore unefois laprésence au Nicaragua desdirigeants subversifs du
FLNM, et démontrentleurs liens étroitsavec le régimesandinistEn outre, le
Nicaragua offre desabriset des cachettes aux élémentsubversifs duFLNM, et
lesmoyens de communication de cegroupe sont installésdans le nord-ouesi du
Nicaragua. Ces moyens de communication sont utiliséspour transmettre des
instructions et des messages aux unitéssubversives opérant sur le territoire
salvadorien.

VII. En plusdetout l'appareild'entrainement au terrorisme installéaCuba, le
Frontde I~bérationnationale sandiniste a mis à la disposifion des guérilleros
salvadoriens,Apartir du milieude l'année1980,certains centresd'entraînement
situéssur le ierritoire nicaraguayCet entraînement portesur les méthodesde
commando, l'apprentissage desarmes àfeu et des explosifs, etc.On a pu établir
que ces centres d'entrainement, diriges par des militaires cubains et nicara-
guayens,étaientinsialltsa El Faraiso, àJocote DulceiiBosquesde Jilao, et au
kilomètre 14 sur l'autoroute du Sud. Les deux premiers de ces endroits se
trouvent dans la banlieue sud de Managua ; les deux autresA l'extérieurdela
mêmeville.

A) Un membre des élémentssubversifs salvadoriens, aprèsavoir déserteau
Honduras en septembre 1981,a déclaré avoir ktéenvoyédu Nicaragua àCuba,
avec douze autres hommes, pour y suivre un entraînement militaire intensif. en
ajoutant qu'A l'époqueplus de neuf cents Salvadoriens étaient entraînés a
Cuba.
B) Plusieurs membres des éléments subversifsc ,apturés lors d'une raflà
Tegucigalpa (Honduras) en novembre 1981,ont déclaré aux autoritéd su Hon-
duras que le Gouvernement nicaraguayen leur avait fourni des fondspour leur
voyage ainsi que des explosifs destinésà êtreutilises surterritoiresalvado-
rien.

C) Enmars 1983,lesForcesde sécuritéhonduriennes ont surpris un groupe de
Salvadoriens appartenant aux élémentssubversifs, qui, venus d'El Salvador,
traversaient le Honduras pour se rendre dans les camps d'entraînement du
Nicaragua, ce qui prouve l'existencede voies d'infiltration terrestres entre le
Nicaragua etEt Salvador.

VIII. Une forme flagrante de l'agressionnicaraguayenne contre El Salvador
estlacontributiondes sandinistesil'approvisiunnemen tdeselémentssubversifs
du FLNM. Silesquantitesd'armesetd'approvisionnements varient, ainsique les
itinérairesutilisés,ilanéanmoins un flot constant d'armes. de munitions, de
médicamentset de veternents venant du Nicaragua et aboutissant dans notre

Pays.

A) Les livraisons clandestines d'armes et de munitions par air et par mer se
font àpartir de Cuba et arrivent sur le territoire salvadorien aprèsétrepassées
par leNicaragua, où ellessont misesen dépdtavant de pouvoir êtreremises aux
éléments subversifs salvadoriens. L'existencede dépôtsde cegenregte expres-
sément constatée a Managua.
B) Des vols aériens directs d'approvisionnement ont eu lieu à partir du
Nicaragua, envue d'apporter l'appuinécessairaux insurgéspendant l'offensive
finale dejanvier1981,qui avaitpour but derenverser legouvernement de notre

Pays. C) Lesarmes interceptées auHonduras ont été identifiéescomme provenant

du matériellivre aux Forcesdes Etats-Unis au Viet Nam. Certains documents,
saisis sur la personnee membres des éléments subversifs opérantdans notre
pays, montrent que cesélémentsont,avecl'aidedu Gouvernement nicaraguayen
et du Gouvernement cubain, conclu avec leViet Nam et d'autres payscornmu-
nistes des accords de livraisond'armOU leNicaragua estdksignécomme étant
l'intermédiaireei l'instrument des livraisons d'armes.
Urichef des Forcesarméesde larésistancenationale (FARN), capture par nos
forces régulitreen aoiit 1982,a déclaréque les Nicarüguayens livraient aux
élémentssubversifs des armes fournies au Nicaragua par le Viet Nam. et a
confirmé:d'autres aspects du soutien apporti: aux éléments subversifspar le
Front de libération nationale sandiniste.
D) Nous avons la preuve positivede l'emploide fusiFAL et de munitions
fabriquéesau Venezuela,qui avaient&telivrésauxgutrilleros sandinistes enlutte

contre Somoza kl'époquedu régimedu présidentCarlos Andres Perez.Toutes
cesarmes ont ktépar la suite remisesaux élémentssubversifssalvadorienpar le
gouvernement sandiniste.
E) Un autre commandant des elkmenis subversifs, capturéau Honduras en
août 1982,a confirméque le Nicaragua est leprincipal fournisseur des insurgés
en armeset en munitions. L'unde sescamarades avait personnellemeni reçu des
armes du Nicaragua à cinq reprises au cours de la mêmeannée.
F) L'approvisionnement des élkmentssubversifsen armes et en munitions, y
compris certaines armes lourdes, ne se fait pas seulement par la voie terrestre,
mais aussipar airi par mera partir du NicaraguaCesarmes el autres matériels
traversent le golfe de Fonseca, situe entre le Nicaragua et notre territoire.
Lesarmes,munitionset approvisionnements en question sont transportes par

desbateaux depêche etpar depetitesembarcations (ditescayucos O) muniesde
petits moteurs hors-bordt n'ayant que des réserves limitsn carburant, ce qui
prouve bien que ceschargements ne proviennent pas de ports lointains, puisque
le faible rayon d'action de ces embarcations ne dépasse pasle territoire du
Nicaragua. C'estpourquoi tous les points de débarquementsont situéssur les
plages sud-est du territoire d'El Salvador.
G) En mai 1984,nos forces arméesont détruitun camp desélémentssub-
versifsqui constitua~tun important élémendtu réseaud'approvisionnement, et
où ellesont capturéune trentaine de camions de transport, ainsi que des cartes
indiquant les itinérairassuivre.
H) Vers la fin de l'année1983,un journaliste des Etats-Unis nommé Sam
Dillon s'estrendua La Concha, petit port nicaraguayen si~uaune soixantaine
de kilomètresdu territoire d'El Salvador, de l'autre côtédu golfe de Fonseca.
M. Dillon a signale que les membres de la s coopérativede pkhe a locale,
contrebandiers de tradition, introduisaient depuis 1979d'importantes quantités

d'armessur le territoire d'El Salvador,conformémenta des instructions prove-
nant du Gouvernement du Nicaragua.
1) Sur lesdeux cent quatone fusilM-16 pris l21juillet1984 Ades éléments
subversifs duFLNM par les forces arméessalvadoriennes, 73pour cent prove-
naient à l'origine des livraisonsd'armes des Etats-Unis au Viet Nam. Une
documentation récement établiemontre les itinéraires suivantlesquels ces
armes ont ététransportéesdu Viet Nam a Cuba, de Cuba a Managua, et de
Managua au FLNM, opérant surle territoire salvadorien.
J) Miguel Bolanos,ancien membre des forces de sécurité nicaraguayennes, a
décIarkque des avions lkgers sont utiliséspour transporter des amies et du
matérielà partir du Nicaragua. K) La fréquencedes apparitions d'avions venant du Nicaragua augmente
nettement avant le déclenchement des opérationsh grande échelledes éléments
subversifs.

IX. Les autoritésofficielles du Nicaragua ont publiquement admis le rble
direct quejoue leur pays dans la guerre qui nous est livrée.Enjuillet 1983,lors
d'une réuniondes ministres des affaires étrangèresdu groupe de Contadora,
MigueED'Escoto,ministre desaffaires étrangeresdu Nicaragua, que son homo-
logue salvadorien, Fidel Chavez Mena, pressait de questions sur le soutien
matériel duNicaragua A la subversion sur le territoire d'El Salvadoaouver-
tement et effrontémentreconnu la réalité de ce soutien devantses colléguesdu
groupe de Contadora. Cette déclaration, faitedans ces circonstances particu-
lières. est significative,dans la mesuroù l'attitude interventionniste adoptée
par le Gouvernement nicaraguayen dans son ardeur aexporter lasubversion ne
semanifestepas seulement a l'égardd'ElSalvador, maisconcerne aussides pays
tels que la Colombie, le Costa Rica, le Honduras et d'autres pays d'Amérique

latine, avec certains desquels le Nicaragua a de sérieuses difficultés. Celles-ci
s'expliquent par lefait que le Nicaragua, comme il l'alui-mêmereconnu offi-
ciellement,estdevenu uncentre d'exportationde la révolutiondans tous lespays
de cette partie du monde.
L'intervention internationale marxiste a fait l'objet de déclarationsde nom-
breux dirigeants politiques, que ce soit au Nicaragua ou dans les autres pays
relevant de l'obédiencerévolutionnaire marxiste-léninistC'estainsi que Mau-
riceBishop, à l'époquepremier ministre de Grenade, a déclaréle 19juillet 1980,
dans un discours prononcé à l'accasiond'une cérémonic eommémorantle pre-
mier anniversaire de la révolution sandiniste

on peut parler maintenant.non seulementd'unCuba révolutionnaire,non
seulheni d'un Nicaragua révolutionnaire,mais aussi d'un Salvadorrévo-
lutionnaire. d'un Guatemala révolutionnaireetd'un Honduras revolution-

Et de mérne,Fidel Castro :

tet nous sommes certains que la révolutionsandiniste aura beaucoup à
nous apprendre, de même que nous sommescertains que son exemple aura
une influence extraordinaire sur le reste de'Amériquelatine i>.
Le 5 octobre 1480. à San Jose, l'undes cinq membres de lajunte sandiniste,
Rafael Cordovü, a dtclaré:

(silagauche I'emporte(au Salvador) - et lemoinsque nous puissions faire
est d'espérer ardemmentla victoire de nos camarades salvadoriens -, le
~uatemala tombera immédiatement, commeun fsuii mûr, et le processus
rkvolutionnaire sandiniste au Nicaragua deviendra un fait établiw.

X. La preuve la plus positive de l'intervention du Nicaragua et dsa parti-
cipation a l'action subversivecontre Et Salvador a et&donnéeau monde le
10 janvier1981, quand la radio nationale du Nicaragua, Radio Sandino, a servi
pendani la journée entière d'instrumentde soutien direci icette action, avec
harangues, instructions et,sousprétexte d'information, description anticides
kvénements.Le fait démontreclairement la participation du Nicaragua à la
planificationde cette offensive.
XI. Les dommages causes à la vie économiquede notre pays, a son infra-
structureetB sapopulation sont immenses.et trésdifficilei calculerLenombrede morts est alarmant. 11 y a. en raison de l'insurrection soutenue par les
sandinistes,environcinq cent mlle personnes dtplacéesdans leslimitesde notre
pays,et le conflit a fait plus de trente millemorts depuis qu'ila étkdéclenché en
1974.Leséléments subversifsa,idéset encouragéspar leursalliésdu Nicaragua,
détruisent fermes, commerces, ponts, mures, barrages, centrales thermiques,
trains et autobus. Ils minents routes dans l'espoirde mettrledésordredans
notre vie économique,et dans le but d'empécher nos citoyensde participer
efficacement aux électionsnationales. Selonesestimations modérées, lemon-
tant des dommages AI'economiesalvadorienne causéspar la subversion entre

. .79et la finde 1983est évalue à quelque 800 millions de dollars des Etats-
Unis.
XII. Placésdevantcette agression,nousnous sommestrouvésobligéd se nous
défendre,mais,nos moyenséconomiqueset militairesn'étant pas suffisants pour
faireface Bun appareil international qui dispose de ressources illimitées,nous
avons recherchéun appui et une assistancà l'étranger.L'articl15dela Charte
des Nations Uniesnousdonne ledroit natureletinhérentde prendredes mesures
individuelles et collectivesde légitimedefense. C'est en songeantela que le
président Duarte,pendant sa récentevisitaux Etats-Unis ei lors de ses entre-
tiens aveclesmembres du Congrèsde ce pays, aréaffirmé l'importance,pour
notre defense, de l'assistancedes Etats-Unis et des nations démocratiques.

Celaavait égalementétéaffirmépar lajunte gouvernementaierkvoluzionnaire
et par le gouvernement du présidentMagana.
XIII. Malgrétout cequi précède, lGouvernemeni salvadorien s'esttoujours
efforcéde vivre en coexistence pacifique avec ses voisins.Leksident Duarte
étaitm&medisposé iienvoyer une d8égation de haut niveau, conduite par le
ministre adjoint des affaires étrangèresde la République, aux célébrations
organisées à l'occasion du cinquième anniversaire de la révolutionpopulaire
sandiniste. Ce geste d'amitiéa suscitéde la part de Daniel Ortega, chef de
l'Etat nicaraguayen et coordonnateur de la junte sandiniste, une déclaration
publique prononcée au cours d'une réçenteinterview la télévisioallemande.
M. Ortega a déclare publiquement qu'etil pourrait rencontrer le prksident

Duarte, maisquecelan'empecheraitpas lesgu&rillerossalvadoriensde coniinuer
à recevoir un soutieno.Devant une telle dkclaration d'hostilité,le Gouverne-
ment salvadorien n'apas eu d'autrechoix que d'annuler sa participation aux
cérémoniesnicaraguayennesD . e plus, leGouvernement d'ElSalvadorconsidtre
que cesparoles de M. Ortega impliquent un aveud'interventionetexpriment la
position officielledu Gouvernement du Nicaraguaàce sujetvuqu'ellesémanent
directement du chef de 1'Etatnicaraguayen.
Le chef de l'Etat nicaraguayen 1ui:mêmereconnaît et avoue que son pays
intervient dans les affaires intérieuresd'El Salvador.
Le Gouvernement nicaraguayen n'ajamais offert d'explications nd'excuses
pour la déclaration publiquede M. Ortega concernant le soutien accordé au
FLWM. Et il est certain qu'en ce moment même le Nicaragua reste la

principale source d'aide matérielleaux rebelles (munitions, armes, fournitures
médicales,entraînement, etc.en vuede l'offensivegénéraled'étq ui se dessine
et qui a étéannoncée par leFLNM lui-même.
Nous pensons que lesconflits de caracttre internationül peuvent êtrereglesà
deux niveaux de compttence juridictionnelle : l'un, essentiellement politique ;
['autrejuridique, ou judiciaire.
XIV. En I'espéce,le Nicaragua a eu recours au second de ces moyens, en
justifiant la compétencede la Cour par l'artic36 du Statut de celle-ci (voirrequétedu Nicaragua, par. 13).A l'appui de sa demande principale contre les

Etats-Unis, le Nicaragua invoque des violations présrimkesde la Charte des
Nations Unies, de la Charte de l'organisation des Etats amencains, de la con-
ventionconcernant lesdroitset devoirsdes Etats et de laconvention concernant
lesdroitset devoirs desEtats en casde lutte civile.LeNicaragua prétendque les
Etats-Unis sont mêléA s l'emploi de la force arméecontre le Nicaragua, en
violation des dispositions pertinentes de ces conventions ou traites multilaté-
raux.
En supposantquela thésedu Nicaraguaen matiérede compétencesoit valable,
El Salvador est égalementpartie au Statut de la Cour internationale depuis le
moment où 11a signéet ratifiéla Charte des Nations Unies: El Salvador est
devenupartie AlaCharte ala même date. Festdevenu membrede l'Organisation
des Etats américains,dont il a ratifiélaconvention le 16jui1450I, les1devenu
partie A la convention concernant les droits et devoirs des Etats en cas de lutte

civile,qu'ila ratifiéele 25 avril 1336.11a ratililaconvention concernant les
droits etdevoirs desEtais le25avril 1936El Salvadorest donc partie toutes les
conventions multilatkrales ou le Nicaragua prétend trouverla base juridiction-
nelle de ses demandes.
Ces traitésdonnent égalementau Salvador le droit d'exigerque le Nicaragua
mette fin Ason intervention ouverte dans nos affaires intérieures,et El Salvador
considére - ce qui est une raison d'intervenir dans l'instance intentée par le
Nicaragua contre les Etats-Unis - que tous cestraités etconventions multila-
térauxconstituent les moyens légitimesprévus pourle rédement des conflits et
ont priorité sur l'affirmation de la compétencede la Cour internationale de
Justice. La Républiqued'El Salvador a maintenu cette position en d'autres
occasions, par exemple en reconnaissant la compétencede l'organisation des
Etats américainsdans le conflit qui nous a opposésau Honduras en 1969.Une

résolutiona étéadoptée concernant cette affaire, etEl Salvador l'a respectée.
Cette acceptation, qui traduisainos réservesquant a la compétencede la Cour
de La Haye, sejustifiait précisémentpar l'intention de respecter la suprématie
juridictionnelle des conventions multilatérales.
De l'avisd'El Salvador, la Cour ne peut donc pas statuer sur les griefs du
Nicaragua contre les Etats-Unis sans seprononcer sur la legitimitkou la legalité
de toute action arméeattribuéeaux Etats-Unis par le Nicaragua ni,par consk-
guent, surledroit qu'ont ElSalvador et les Etats-Unis de recourir i des mesures
collectivesde légitime defense. Lesgriefs du Nicaragua contre lesEtats-Unis
sont directement liésaux griefsd'EiSalvador contre le Nicaragua.

De plus, la requêtedu Nicaragua est irrecevable parce que fondCesur une
fausseaffirmation, selon laquelle El Salvadorne serait pas affectépar l'action
que mene le Nicaragua pour exporter la subversion.
Une action enjustice contre les Etats-Unis invoquant l'assistancefourniepar

cepays àlademande expressed'ElSalvadorpour permettre à ce pays d'assurersa
légitimedéfense nesaurait avoir de suite sans que cela implique une prise de
position - sous forme de décisionjudiciaire, de reconnaissance ou d'attribution
- concernant le droit de légitime defense, individuelou collective,que recon-
naît i route nation l'article 51 de la Charte des Nations Unies. Cela rend
impossible une affirmation de juradiction de la Cour sans la participation de
l'Amériquecentrale, et en particulier d'El Salvador,en l'absencede qui la Cour
n'a pas compétence.
Enfin ElSalvadortient àsignalerqu'ila formulé,en acceptantlajuridiction de
la Cour, une réservevisant expressémentles différends serapportant à des faitsou des situations d'hostilité,de conflit armé,des actes de lkgitime défense
individuels ou collectifs,une résistanceA l'agression, le respect desobligations
imposéespar des organismesinternationaux et tout autre acte, mesure ou situa-
tion semblable dans lesquels El Salvador a pu, est ou risque d'êtreimpliqué.

L'autre instanceou niveaude juridiction auquel nous faisions allusion est le
niveau politique.
XV. La situation mondiale actuelle montre que, outre les litigesbilatéraux,il

survient des conflits multinationaux que les instancesjudiciaires traditionnelles
sont incapables de résoudre,et que l'ons'efforcede trouver de nouveaux modes
de dialogue politique multilatéral qui tiennent compte des facteurs politiques,
militaires,économiqueset internationaux, en plus des facteursjuridiques. Cela
est vrai des conflits d'Asie Mineure ;cela s'applique mieux encore aux conflits
qui mettent aux prises diverspaysdu Moyen-Orient ;etcela estparticulièrement
vrai du conflit en Amérique centrale.
A cet égard,El Salvador mnstate qu'il est généralementadmis que les évé-
nements d'Amériquecentrale ont dépassé lestade du simple règlementbilatéral
et sont devenusun prubleme intéressantla region dans son ensemble et mettant
en jeu des intérêts muliilateraux. En I'espéce,iEest clair que des organismes
compétentstels que le Conseil de sécurité et t'Assemblée générad les Nations

Unies, ainsi que la treizikrneréuniondes ministres des affaires étrangèresde
l'Organisationdes Etats américains, ontdû céderlepas A un nouvel insirumenl
de bons offices.
A) C'est en application de ces idéesque quatre pays de l'hémisphère occi-
dental - Mexique, Colombie, Venezuelaet Panama - ont pris, pour tenter de

résoudrecette crise, l'initiative de créerun instrument qui s'appelle, tomme
chacun sait, le groupe de Contadora. Les cinq pays d'Amériquecentrale -
Guatemala, Honduras, Costa Rica, ElSalvador et Nicaragua - ont acceptécette
initiativepolitique visanà réglerlescon1 Itsentrahes par lacrisede l'Amérique
centrale, Qui,ilne faut pas l'oublier, engage égalemend t'autres pays. tels que
Cuba, la Russie et les Etats-Unis eux-rnémes.
B) On se souviendra que tous les pays membres de ce groupe ont accepte les
vingt et un points de Contadora, ainsi que les auires documents de base de ce
systémede consultations, qui prévoitune solution par voie de consensus poli-
tique pour tous les griefs dont le Nicaragua a saisi la Cour internationale de
Justice, ainsi que pour les griefs des autres Etats d'Amériquecentrale àI'egard
du Nicaragua. Cette considération devrait suffire a faire considérer regrettable

une affirmation dejuridiction de la Cour, car une telleaffirmation compromet-
trait radicalement les négociations actuellementen cours au seindu groupe de
Contadora.
Les travaux de ce groupe ont étéformellement approuvéspar le Conseil de
sburité des Nations Unies et par l'organisation des Etars américains,et béné-
ficientjusqu'ici du soutien public de presque ioutes les nations du monde, à tel
point qu'en septembre prochain une conférenceréunira les quatre pays du
groupe de Contadora, les cinq pays d'Amériquecentrale ei lesdix ministres des
affaires étrangères représentantla Communautééconomiqueeuropéenne,ainsi
que l'Espagne et le Portugal, dans le contexte génkraldes consultations de
Contadora.

C) El Salvador wnsidkre qu'il serait pernicieux et regrettable que la Cour
reçoivelarequêteduNicaragua, carcela reviendrait àôter lereglementdu conflit
a l'instance politique,quiest animée d'un esprit de compréhensionet de tolk-rance, pour le confiea l'instancjudiciaire, qui prkvoit d'autres modalités et

d'autres solutions.
D) Cela créeraitaussi un précédenen vertu duquel toutes les autres nations
affectéespar le conflit d'Amérique centrale devraient avoir recoursa cette
instancejudiciaire obligatoire,uidonnerair lieuAde multigJeslitiges,dont les
ramifications dépasseraientle cadre strict de l'institution judiciaire.
XVI. ta présente intervention, soumisea laCoursur la base de l'art63lde

sonStatut et de l'artic$2 de son Règlement,exprime officiellement les vues
légitimes d'ElSalvadoren ce qui concerne l'attitude interventionniste du Nica-
ragua,ledéfautdecompétencedela Cour àl'kgardde la requêieicaraguayenn,e
etl'irrecevabilitédecette demiére.ElSalvadorréservelesautres droits qu'iltient
du Statutet du Règlementde laCour pour faireconnaître sesvueset affirmer ses
interetset en particulier pour présenterdes pièces écritesà l'appui de son
interventionen l'espèce.

Au nom et pour le compte
de 1'Etad'El Salvador

(Signé)Ivo P. ALVARENGA,
ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire,
agent présla Cour internationale de Justice.[Traduction]

Je soussigné,Ricardo AcevedoPeralta, déclareet certifie ce qui suit:

1.Je suisministre des affaires étrangtrespar intkride laRépubliqued'El
Salvador. Au titrede mes fonctions officielles,j'ai a connaltre des affaires
internationalesqui peuvent intéresser Salvador.J'aiaussila responsabilitdes
relationsentre EI Salvadoret lesautrespays, ycompris lesEtats-Unis d'Arne-
ngue ei la Républiquedu Nicaragua.
2. Les affirmations énoncées dans notre déclarationconcernant l'instance
actuellementpendante devant cette honorable Cour entre leNicaragua et les
Etats-Unis d'Amériquesont, a ma connaissance,véridiques.Dans le cadre de
mes fonctions, j'aisuivi de prési'évolutiondes kvenements qui concernent
l'instanceprkitee grâce aux documents obtenus par les voies officielles.
3. Jetienspourvkridiques,surlabasedesrenseignements officielsfournis par

nos ministkreset par nos organismes de dkfense,les faits relatiaux plaintes
dirigéescontre le Nicaragua. J'affirme donc que lesfaits exposes dans notre
déclarationsont, à ma connaissance, vêridiques.

(SignR eicardo ACEVED~ PER ALTA,
ministre des affaires étrangèrpar intérim
de la Républiqued'El Salvador.

Je certifique letexteci-dessuestlatraduction fidèleetexactede i'attestatlon

rédigée enlangueespagnolepar M.Acevedo,ministredesAffaires étrangèrespar
inttrim.

(Signé)Iva P.ALVARENGA,
agent de la Républiqued'El Salvador.

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Déclaration d'intervention de la République d'El Salvador (Article 63 du Statut)

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