Réplique de la République du Cameroun

Document Number
8604
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Incidental Proceedings
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COURINTERNATIONALEDEJUSTICE

AFFAIREDELAFRONTIERETERRESTREETMARITIME

ENTRELECAMEROUNETLE NIGERIA

(Camerounc.Nigéria)

REPLIQUE

DE LAREPUBLIQUEDU CAMEROUN

LIVRE 1

4avr2000 COURINTERNATIONALEDEJUSTICE

AFFAIREDELAFRONTIERETERRESTREETMARITIME

ENTRELECAMEROUNETLE NIGERIA

(Camerounc.Nigéria)

REPLIQUE

DE LAREPUBLIQUEDU CAMEROUN

LIVRE 1

4avr2000SIGLES ET ABREVIATIONS1 ANNUAIRES -RECUEILS -REVUES

A.C.D.I. Annuairecanadiende Droit international
A.F.D.I. Annuaire français de Droitinternational
American Journalof InternationalLaw
A.J.I.L.
A.J.N.U. Annuairejuridique des NationsUnies
Ann. C.D.I. Annuairede la Commission du Droitinternational
B.Y.I.L. BritishYearbook ofInternationalLaw
C.I.J. Rec. Recueildes arrêtsa,vis consultatifset ordonnancesde la C.I.J.
C.P.J.I. sérieA Arrêts

C.P.J.I. sérieB Avis consultatifs
C.P.J.I. sérieAIB Arrêts,avis consultatifset ordonnances(depuis1931)
C.P.J.I. sérieC Acteset documentsconcernantlesarrêts ea tvisconsultatifs
I.C.L.Q. InternationalandComparativeLaw Quarterly
I.L.R. InternationalLawReports
Journal du Droit international
J.D.I.
L.Q.R. Law QuarterlyReview
R.C.A.D.I. Recueildescoursde l'Académie dD e roitinternationaldeLa Haye
Rec. Recueil des arrêtdse la C.I.J. (ou de la C.J.C.E.)
R.G.D.I.P. Revue générale de Droit internation pulblic
R.S.A. Recueil des Sentencesarbitrales(publiépar les NationsUnies)

R.T.N.U. Revue trimestrielle des NationUnies

II JURIDICTIONS INTERNATIONALES

C.I.J. : Cour internationalede Justice
C.P.A. : Cour permanented'Arbitrage
C.P.J.I. : Cour permanentede Justiceinternationale

III ORGANISATIONS INTERNATIONALES

C.B.L.T. : Commissiondubassin dulacTchad

C.B.L.T.1I.G.N. : Commissiondu bassin du lacTchadIInstitutgéographique national
C.D.I. : Commissiondu Droit international
O.N.U. : Organisation des Nations Unies
O.U.A. : Organisation del'Unitéafricaine
PAMINT : Patrouillemixteinternationale

S.d.N. : Société deNs ationsIV SIGLESDIVERS

AFP AgenceFrance-Presse
AMBACAM Ambassade duCameroun
.
BMM Brigademixtemobile
CMN Contre-mémoirdee la Républiqfédéraldu Nigéria(mai 1999)
COCOMPGEND : CommandantCompagnie Gendarmerie
COESCADRON CommandantEscadron
COLEGION CommandantLégionde Gendarmerie

COMDELTA CommandantOpérationDelta
DGSN Délégatiognénéraà la Sûreté nationale
DIPLOCAMIDIPL : Ministèredes Relations extérieuuameroun
DOT Directionde l'Organisationdu Territoire
DST Directionde la Surveillancedu Territoire

EP Exceptionspréliminaidu Nigéria
GSGS GeographicalServiceof the General Staff
HIW ProtocolHemnann/Woodroffe(avril 1906)
JIG Protocoledu 10août 1903(Delimitationof the YolaArc) (Jacksonet
Glauning) (Annexeau Traité anglo-alleman19mars 1906)

MC Mémoire de la Républiqdu Cameroun(16 mars 1995)
MINAT Ministèrede l'Administraterritoriale
Mm'DEF Ministèrede la Défense
MINEPIA Ministèredel'Elevage,de la Pêet des Industries animales
MIS DéclaratioMilnerISimon(10juillet 1919)

NIC AccordNgohICoker1971(Yaoundé II)
NID Agreementconcerningthe Demarcationof the Anglo-German
Boundary betweenNigeriaandthe CameroonsfromYola tothe
CrossRiverwith accompanyingmapssignedat Obokum(Accord
NugentlDetzner,12avril 1913)

Observationsde la RépubliquCamerounsur les exceptions
préliminairdu Nigéria
PRESICAM Présidende la Républiqdu Cameroun
RC Répliqude la Républiqdu Cameroun(4 avril 2000)

SED Secrétard'Etatàla Défense
SES1 Secrétard'Etatàla Sécuriintérieure
SPSN Serviceprovincialde la Sûreté nationale
T/M Déclarationomson/Marcband(193011931)
TSGS TopographicalServiceof theGeneral StaffSCHEMA DE LA REPLIQUE SECTIO N: LESRELATIONSENTRELE CAMEROUNET LE NlGERlA
SECTION : LAPROCEDURE
SECTION : CONSIDERATI OENSRALES SURLE CONTRE-MEMOIRE

SECTION : PLANDE LAREPLIQUE

lEREPARTIE:LA FRONTIERE TERRESTRE

CHAPITRE 2: LESPRINCIPES APPLICABLES

SECTION1 : L'ACCEPTATI PAN LENIGERIA DES INSTRUMENTS ~DIQUES
DEFINISSANTLA FRONTIERE ETSES CONSEQUENCES
SECTION2 :
LAPREDOMINANCEDU TITRECONVENTIONNEL
SECTION3 : LAPREUVEDUTRACE
SECTIO4N : LAMETHODEDE DELIMITATION

CHAPITRE 3: LE SECTEUR DU LACTCHAD

SECTION1: LA FRONTIERE DANS LE LATCHAD FAIT BIEN L'OBJET D'UNE
DELIMITATIONCONVENTIONNELLE
SECTIO2N : LE DEROULEMENT DES OPERATIONS DE DEMARCATION DANS LE
CADRE DE LACOMMISSION DU BASSIN DULACTCHAD CONFIRME

LADELIMITATION CONVENTIONNELLE DE LA FRONTIERE
SECTION^: LE CAMEROUN A ADMIMSTRE PACIFIQUEMENT LA ZONE
CONTESTEE ETY A EXERCE SA SOWERAIENTE CONFORMEMENT

AUX EXIGENCES DU DROIT INTERNATIONAL
SECTIO4N : LE TITREHlSTORIQUEINVOQUEPAR LNIGERIANE RESISTEPAS A
L'EXAMEN
SECTION5 : LE CAMEROU N'A JAMAIS ACQUIESCEA UNE AUTRE FRONTIERE

QUELA FRONTiERECONVENTiONNELLE
SECTION6 : LE NIGERIANE SAURAIT AUJOURD'HUIREMETTRE EN CAUSE LA
DELIMITATIONCONVENTIONNELLE

CHAPITRE 4 : Du LAC TCHAD ABAKASSI

SECTION1: LES INSTRUMENTS PERTINENTS
SECTION2 : LES "DIFFICULTES" RECENSEES PAR LE NIGERIA

CHAPITRE 5 : LA PENINSULE DEBAKASSI

SECTION1 : ELEMENT DSGEOGRAPHIE

SECTIO2N : LES "TITRES" PRE-COLONIAUX INVOQUESPANIGERIA
SECTION3 : LES TRAITES ANGLO-ALLEMANDSD1913 SECTION4 : LA CONFIRMATIONDUTITRECONVENTIONNEL

LE TRACE DE LA FRONTlERE DU LTCHAD AUPOINT G

zEM PARTIE:LA FRONTIERE MARITIME

LA NECESSITE D'UNE DELIMITATION MARITIME RAPIDE,
COMPLETE ET DEFINITIVE

SECTION1 : UNICITE DE LA REQUETE CAMEROUNAISE ET UNICITE DE LA
DELIMITATIONDE LA FRONTIERE ENTRELE CAMEROU NT LE
NIGERIA

SECTION2 : LES CONSEQUENCESDUREFUSNIGERIANDEDEFENDREUNELIGNE
DE DELIMITATIO- LACHARGEDELAPREWE

L'ACCORD DE MAROUA ET LE SECTEUR DELIMITE (JuSQU'AU
POINT G)

SECTION1 : RAPPEL HISTORIQUE
SECTION ^ LA VALEUR JURIDIQUEMENT OBLIGATOIREDE L'ACCORD DE

MAROUA

LA DELIMITATION MARITIME AU-DELA DUPOING

SECTION1: LA NECESSITE D'UNE LIGNE UNIQUE DE DELMTATION DE LA
FRONTIERE MARITIME

SECTION ^ LA METHODE DE DELIMITATION PERTEVENTE - L'OBJECTION
NIGERIANE FONDEE SUR L'ABSENCE DE DELIMITATION
CONVENnONNELLE
SECTION3 : LETRACEDELA FRONTIEREAU-DELADUPOINTG

SECTION4 : L'INCIDENCDESDROITSDESTIERS

CHAPITRE 10 : LESPRINCIPES APPLICABLES

SECTION 1 : LES ELEMENTS DE LA RESPONSABILITE INTERNATIONALEDU
NIGERIA

SECTION 2: LAPREUVEDE LARESPONSABILITECHAPITRE 11: LES FAITSINTERNATIONALEMENT ILLICITEATTRIBUABLES
AU GE GE (IT LEURS CONSEQUENCES)

SECTION1 : DETERMINATI DONSFAITSPERTINENTS

SECTION2 : LESINCURSIONSET AUTRES ACTESILLICITESDANSLA PRESQU'ILE
DEBAKASSIETSONINVASION
SECTIO 3N: L'OCCUPATI ONLA REGIONCAMEROUNAISDULAC TCHAD

SECTIO N : LESINCIDENTS LELONGDE LAFRONTIERE ENTLE LACTCHAD
ETBAKASSI

SECTION1 : LE CARACTEREARTIFICIELDESDEMANDES RECONVENTIONNELLES
DU NIGERA
SECTION2 : REFUTATIO DES DEMANDESRECONVENTIONNELLEDU NIGEFU

LISTEDESCARTES ILLUSTRATIVES

LISTEDES ANNEXES

TABLE DESMATIERESDETAILLEE CHAPITRE 1.

INTRODUCTIONGENERALE1.01 Larépliquede la République duCamerounestprésentée conforméme ànt

l'ordonnancede la Cour du 30juin 1999fixantau4 avril 2000 la date limitepour saremiseet
au 4janvier 2001 cellede la remise de la dupliquedugouvernementde laRépubliquefédérale

du Nigéria. Le présent chapitre rappellera brièvement l'évolution desrelations entre le

Cameroun et le Nigéria(section 1) et décrirala procédure suiviedans la présente affaire

(section2).

Section 1: LES RELATIONS ENTRE LE CAMEROUN ET LE
NIGERIA

1- Stabilitépolitique au Camerounet évolution de la situation
politique au Nigéria

1.O2 La période postérieure à l'accessioà l'indépendance du Cameroun en

1960et du Nigéria en1961a été marquéepar desévolutionspolitiques différenteau sein des
deuxEtats, évolutionssurlesquellesil n'estpasutilede s'appesantir.

1.O3 Depuis la fin de la guerre civile, certains Etats qui composent la

Fédérationdu Nigéria sesont parfois comportésde manière à enflammerplutôt qu'à calmer

les passions nationales. L'invasionde la régiondu lac Tchad puis de la péninsulede Bakassi
en constituent des illustrations frappantes. Cela est plus particulièrementvrai des Etats de

Bomou, de Cross River et d'AkwaIbom, où les autorités,plutôt que d'encouragerun débat

calmeet rationnel sur le fonddes demandesrespectivesduNigériaet du Cameroun, n'ontpas

hésitéà encourager des campagnesde presse violemment anti-camerounaisessurla question,

notammentdepuis le dépôtpar le Cameroundesarequête initiale àla Courle29 mars 1994.

1.O4 Dans son contre-mémoire, le Nigéria a souligné à juste titre le

parallélismedes expériencescoloniales camerounaiseet nigériane(CMN,vol. 1,p. 10, par.

2.5). Le Nigénasouligne son héritage,découlantde son passécolonial, de touteune série de

traditionsbritanniques avecl'anglais commelangueunificatricepour toute la Fédératininsi
que le legs d'institutions démocratiqud'inspiration essentiellement britanni(CMN,vol.

1,p. 9, par. 2.4). Toutefois, la question n'est pastant de savoir de quoi hériteun nouvel Etat

indépendantde la part de l'ancienne puissance coloniale,mais bien plutôtde savoir ce que ce

nouvelEtat indépendantfaitde cette succession.1.O5 Assurément,il fauttenircomptedu fait que le Nigéria estun grandpays

confrontéà de nombreux clivages tribaux,religieuxet culturels, ce qui provoque forcément
des oppositions au sein du corps politique et explique peut-êtrequ'un certain nombre

d'hommes politiques, de responsableset de journalistesnigérians concentrentleurs attaques

sur le Cameroun en présentantle différendde manièrebiaiséeafin de lutter contre ces

tendances centrifuges.

1.O6 Cela n'a pas toujourséle cas.Ainsi, feu le JugeElias, ancien Président

de la Cour, n'a pas hésit,lors qu'il éAttorney Generalde la Fédérationdu Nigéna,et

avant son électionà la Cour en 1976,à dire que lapresqu'île de Bakassi appartenait au

Cameroun et non pas au Nigéria,en vertu de l'Accord anglo-allemand du 11mars 1913
auquel le Nigériaavait succélors desonaccessioà l'indépendanc(MC, Livre VU,annexe

350, p. 2853) O.n peut égalementciter des efforts courageux de la pari de responsables

nigériansrappelant aux pêcheurnigériansse rendanàl'occasion àBakassi, qu'ils devaient

se souveniràtout moment qu'ils setrouvaienten temtoire camerounais.Un bon exempleen
est donnépar uneallocution de bienvenuà l'ambassadeurnigérianprononcéeau nom de la

communauténigériane vivantàBamussoet rapportéepar une correspondanceadministrative

camerounaisede 1973 ,ui vaàl'encontredes rapportspubliésdansla presse nigérianesur de

prétendusmauvaistraitements de citoyens nigérsésidantde manièretemporaireàBakassi,

de la part de lapolice et des responsablescamero:nais
"We are also very happyto infonn you of maximum protection which we

have got fromourhostgovernment" (annexe RC 37).

Le passage suivantde l'allocution debienvenuerévèun aspect intéressantde la perception

de la situationqu'avaient lespêcheàl'époque:
"It will interestyour Excellencythat the fif(52)villages of Bamusso

Sub Division in Ndian Divisionis predominantly inhabited by Nigerians
with a populationof abo(30,00 0eople mostlyas fishermen withlittleor
no education, and that we havevedinthis part of the country sincewhen
thetwo Governmentsof CameroonandNigena weremerging. It is alsotrue
that most of our illiteratemassesdidnot know whenthe Carneroonseceeded

ftom Nigena and sincethen remainedin the countrywithout being covered
by entrydocuments"(ibid.).Anoteraussi, la référencpeolieconcemantlesresponsablescamerounais :

"The CameroonGovernrnentor Officiaiscan only worry us when we have
not got the appropriate documents to enable us [to] have fieedom of
movementinthecountrf' (ibid.).

1.O7 Les contacts entre responsables nigérians et camerounais sur des

problèmes frontaliers mineurs n'étaientdonc pas toujours infnictueux. Des malentendus

pouvaient surgir dans l'espritde personnes vivant dansdes villages proches de la fiontière
quantàson emplacementexact. Cesproblèmes pouvaientêtre résolua su niveau local dans la

mesureoù une propagandepernicieusen'envenimaitpas le différend.Il est regrettableque la

presse et d'autres médianigériansaientsaisi l'occasionde certains incidentspour influencer

les pêcheursnigériansvivant une partie de l'annéeà Bakassi et leur faire croire à tort que

Bakassiappartenait auNigéria.

1.O8 L'un des principaux facteurs générateursde confusion pour les

ressortissants nigériansrésidantune partie de l'annéedans la presqu'île de Bakassi quànt

l'appartenance de celle-ci au Cameroun ou au Nigériatient à ce que, durant la "pénode
coloniale" (qui, en l'occurrence,comprend lapénodecomprise entre 1922 et 1960 lorsque

Bakassifaisait partie du temtoire sous mandat, puissous tutelle, du Camerounbritannique),

l'ensembledu temtoire du Camerounbritannique,y comprisBakassi, étaitadministrépar la

Grande-Bretagnecomme s'il étaitpartie intégrante du Nigéria.Ii ne s'agissait en fait que

d'une commodité destinée à faciliter l'administration du temtoire sans en modifier
aucunementle statut de temtoire sous mandat, puis sous tutelle(v. MC, pp. 187-190,pars.

3.117-3.126,et pp. 204-213,pars.3.167-3.184).

1.O9 De manière plusgénéralel,e Cameroun adéjàattirél'attentiondans son

mémoire (MC, pp. 28-29, par. 1.61)sur toute une série de facteurs susceptibles d'expliquer,
même s'ils nelejustifient pas, lecomportementdu Nigériaqui tente de contester sa frontière

terrestre conventionnelle avec le Cameroun. Sans que la liste soit limitative, on peut citer

parmices facteurs:

la diversité ethnique,culturelle, religieuse et sociale des populations

nigérianes; la poursuite de l'expansion de la population du Nigéria, source d'une

pression démographiqueimportante ;

la grave crise économique qui atouché plus particulièrementleNigériaau

cours des dernièresannées,suiteà la chute duprix dupétrole ;

la présencede communautésimportantes de personnes de mêmeorigine

ethnique dans de nombreuses régions à cheval sur des frontières

internationalesreconnues, et plus particulièrementsur la hntière entre le

Nigériaet le Cameroun ;

la nature, la plupart du temps arbitraire, des frontières établiesdurant la

période coloniale;

l'existence de ressources naturelles, principalement halieutiques et en

hydrocarbures, surtout dans la région du lac Tchad et au large de la

presqu'îlede Bakassi.

Tous ces facteurs ont jouéleur rôle dans les convoitises et la mise en Œuvredes desseins

nigériansvis-à-visdu temtoire du Cameroundansla régionde Bakassiet du lac Tchad.

1.10 Les événements plusrécents,durant les années1980 et le début des
années1990,ont fait l'objet d'analysesdétaillées dansle mémoiredu Cameroun. iisuffitde

rappeler que l'invasion de la presqu'île de Bakassi par les forces armées nigérianesen

décembre1993 et en janvier et février 1994 a constitué une escalade significative du

différend, cequi a amené leCameroun à porter le différendsur Bakassi devantl'O.U.A.et

devant le Conseil de sécurité des NationUnies puis, finalement, le 29 mars 1994,à déposer
sa requêteinitiale devant la Cour pour la présenteaffaire. De mêmeque la revendication

formelle du Nigéria sur larégionde Darak, en avril 1994, l'aconduit à former sa requête

additionnelle(v. infrap,rs.1. 18-1.20).

1.11 Au paragraphe 2.15 de son contre-mémoire,le Nigéria affirme que
"[bloth duringand after the Nigerian Civil War in the late 1960s,relationships between the

Cameroonian and Nigerian govemments remained cordial" (Cm, vol. 1, p. 12). Cetteprésentationn'est malheureusement pas exacte. La République du Cameroun ne peut
entretenirdes relations "cordiales"avec un Etat qui a envahiet occupe unepartiedutemtoire

national.Et s'ilest vrai que les deuxParties ont toujoursentretenu des relationsdiplomatiques

et menéune coopération indispensabledans les domaines techniques que mentionne le

Nigéria(CMN,vol. 1,p. 12,par. 2.14), la modérationdu Cameroun s'expliquepar sa volonté
politique délibérédee ne pas envenimer les choses,dans l'espritdes mesures conservatoires

indiquées par laCour dans son ordonnancedu 15mars 1996,dont, pour sa part, le Nigériaa

fait totalemenfiet dans l'attentede l'arte la Cour.

La détermination du Cameroun à régler pacifiquement et
5 2 -
définitivement le différend entre les deux Etats par un
arrêtde la Cour plutôt que par un accord partiel entre les
Parties

1.12 Le Camerouna décritdans sonmémoireles négociationsbilatérales entre

les Parties qui ont amenéàla déterminationpartielle de la frontièremaritime entre les deux
Etats (v. MC, pp. 126-138,pars.2.211-2.244).iiressortclairementde cettedescriptionque le

Camerouna fait l'amèreexpériencedes tactiquesnigérianesde négociationsbilatéralessurles

problèmesfrontaliersentreles deuxEtats depuis environ30 ans. Durant lespremières années

de l'indépendancel,es deux Parties se sont efforcéesde résoudre(ou au moins d'apaiser)les
différendsfrontalierslocauxqui éclataientde tempà autre.

1.13 Tel a étéle cas, par exemple, du rétablissementdes bornes le long de la

frontièreterrestre sur le tronçon allant de Danare (Nigéria)à Boudam (Cameroun), soit
environ 2,5 miles en tout. Ce tronçon frontalier avait été complètemenrtecouvert par la

végétation,de sorte que nombre d'anciennes bornes frontalières datant de 1912-1913,en

particulier les bornes no 110, 111, 112 et 113, étaientdifficilesà repérer.Des équipes

conjointes de relèvement du Nigériet du Camerounfurentconstituées,permettant d'avancer
quelquepeu dans la première phase du relèvement dela démarcationfrontalièrede la région.

Un rapport conjointde cettepremièrephase a étéétabli,concernant le travaileffecjusqu'en

mai 1966.Il mettait en évidenceles difficultés del'opérati:nabsence de route carrossable

dansles environsimmédiats dela frontière, plusieursrivièresimportantes et sans pont le long
du chemin menant à la régionfrontalière,et un important travail de coupe et d'abattaged'arbres.Les estimations de coût pour la main d'Œuvre etpour l'opérationtoute entière se

révélèren btien en deçàdece qui étaitréellement nécessaire, eenouvelles recommandations
furent faites concernant les travaux, le transport et les moyens financiers nécessairespour

terminer le relèvement. Mais, du fait dela guerrecivile au Nigéria,le relèvementde la zone

ne fut jamais ni repris ni achevéde manièresatisfaisante. Ce furent par conséquent des

événements extérieurs aux tentatives de résolutionde ce différend frontalier local qui
conduisirentà l'impasse.

1.14 Dans d'autres cas, i'impossibilitéde faire progresser les négociations

frontalières entre leseux Etats, ou même depréserverles progrèsdéjàréalisésdoit sans

aucun doute êtreimputée auNigéna.C'est particulièrement vrap iour les négociations surla
frontièremaritimejusqu'aupoint G. A ce sujet, l'exemplede l'Accordde Maroua du 1 Juin .

1975est particulièrement significatif.Bien que ce texte de compromis eûtété adopté auplus

haut niveau, comme l'avaitété celuide Yaoundé IIdu 21 juin 1971 (que, malgré certaines

velléitésl,e Nigénan'apas contesté), leNigérian'apas hésité à le remettre en cause, et cette

dénonciation aurait étéportée àla connaissancedu Président Ahidjoau débutdu mois d'août
1977 par le Général Obasanjo (v. CMN, vol. 1, p. 217, par. 10.13) et réitérél eors d'une

réunionultérieurede la Commissionmixte tenue à Jos (Nigéria)du ler au 4 novembre 1978

(v. MC, Livre VI, annexe 253). Il faut le répéterle Camerounn'ajamais, à aucun moment,

accepté cette dénonciationpar le Nigérid ae cet Accordsignésolennellementpar deux Chefs
d'Etatreconnus, investis en droit internationaldupouvoir deconcluredes traités.

1.15 A cette dénonciationpar le Nigéria d'un traité conclu suite à des

négociations bilatérales pénibles ed tifficiles avec le Cameroun, il faut ajouter l'attitude

négativeque le Nigéria aadoptée,et continue d'adopter,en matière de démarcationdes
frontièresinternationalesdans la région dulac Tchad,qu'ont approuvée les experts nationaux

et le Secrétariatexécutidfe la C.B.L.T.,ainsiquelesChefs d'Etatet de gouvernementde tous

les Etatsmembres de la C.B.L.T.dès1994.

1.16 Dans ce contexte, il n'est guèreétonnant que,durant le dernier quart de

siècle, le Camerounait appris à se méfierdes négociationsdirectes avec le Nigériasur des

problèmesde frontièreterrestre ou maritime.Chaqueavancéeapparentedans le contexte des

négociations frontalières bilatérals par la suiteété remisen cause ou niée parle Nigéria.Des traitéssignésen bonne et due forme au niveau des Chefs d'Etat eux-mêmes, ontété

dédaigneusementqualifiéspar les Chefs d'Etatnigérians ultérieursd'"invalides" pour des
motifs entièrementfallacieux. Dans ces circonstances,le Camerounne peut que s'enremettre

àla Cour pourprotégerses intérêtfsace auxeffortsconstants de son puissant voisin visant à

ignorer ou déformerle sens de dispositionsde traitésinternationauxs'imposantau Nigénaen

tant qu'Etatsuccesseur. C'est pourquoile Camerounest déteminé à réglerpacifiquement et

définitivementledifférendqui l'oppose au Nigéna,grâce à un arrêdt e la Cour, sur labase des

principes et règlesdu droit international applicablesen lamatière.

Section2 : LA PROCEDURE

1.17 Le Cameroun adéposé une requête contreleNigériaau Greffede la Cour

le 29 mars 1994.Comme il l'a indiqué, cetterequête portait "essentiellement surla question

de la souverainetésur la presqu'îlede Bakassi".Toutefois,le problèmede la délimitationde la

kontière maritime, étroitement lié à cette question en fait et en droit, n'avait étéque
partiellement résolupar des négociationsentre les deuxEtats, et le tracé,mêmedans lazone

qui avait fait l'objet d'un règlement partiel,avait éremis en question par le Nigéria.En

conséquence,dans sa requête en date du29 mars 1994, leCameroun aprié laCour de dire et

juger :

"a) que la souveraineté sur la presqu'île de Bakassi est
camerounaise, en vertu du droit international, etque cette presqu'île fait
partie intégrantedu temtoire dela Républiquedu Cameroun ;

‘‘b) que la République fédérald eu Nigéria aviolé et viole le
principe fondamentaldu respect des frontièreshéritéesde la colonisation

(utipossidetis juris;

"c) qu'enutilisantla force contre la Républiquedu Cameroun, la
Républiquefédérale du Nigériaa violé etviole ses obligations en vertu du

droit intemationalconventionneletcoutumier ;

"d) que la République fédérale du Nigéria, en occupant
militairement la presqu'île camerounaisede Bakassi, a violéet viole les
obligations qui luiincombentenvertudu droit conventionnelet coutumier ;

"e) que, vu ces violationsdes obligationsjuridiques susvisées,la
Républiquefédérald euNigéria ale devoirexprèsdemettre fin àsaprésence militaire sur le temtoire camerounais, et d'évacuer sans délaiet sans
conditionsestroupesde lapresqu'îlecamerounaise de Bakassi ;

"e') que la responsabilitéde la Républiquefédéraledu Nigériaest
engagéepar les faits intemationalementillicites exposéssub litterae a), b),

c),d)et e)ci-dessus;

"e") qu'en conséquence une réparation d'unmontant à déterminer
par la Courestdue par la Républiquefédéraledu Nigériaàla Républiquedu
Cameroun pour les préjudices matériels et moraux subis par celle-ci, la

Républiquedu Cameroun se réservantd'introduire devant la Cour une
évaluationprécisedes dommagesprovoquéspar la Républiquefédérale du
Nigéria.

Afin d'éviterla survenance de tout différendentre les deux
‘'0
Etats relativementà leur frontièremaritime, la Républiquedu Cameroun
prie la Cour de procéderau prolongementdu tracéde sa frontière maritime
avecla Républiquefédérad leuNigériajusqu'à la limitedes zones maritimes
quele droit internationalplace sousleurjuridiction respec".ve

1.18 A l'origine,le Cameroun avait espérélimiter le différendsoumis à la

Cour aux questions du titre sur la presqu'île de Bakassi et de la délimitation maritime.

Cependant, en réponse à une note du 11 avril1994, émanant du ministèredes Affaires
étrangèresdu Cameroun et adressée à l'ambassadedu Nigéria à Yaoundé protestant contre

l'occupationde Kontcha par des ressortissants nigérians(MC, Livre VII,annexe 355),

l'ambassadedu Nigéria a répondu par une note en date du 14 avril 1994 en affirmant

formellementque Dar& (dans la région dulac Tchad) "has always been part and parcel of

WulgoDistrict of Ngala LocalGovernment areaof Bomo State of Nigeria" (MC, Livre VII,
annexe356). C'étailtapremière foisque leNigériaformulaitune revendicationformellesurla

localitéde Daraksituéeau Cameroun. Le Camerounn'a pu que prendre note de ce que cet

événemen it attenduavaitélargile champ d'applicationdu différend.

1.19 Examinée conjointementavec la revendication nigérianesur Bakassi,

cette nouvelle prétentionterritoriale, présentéeaprès le dépôt de la requête initiale,

apparaissaitclairementcomme faisantpartie detout un systèmede contestationdes frontières

existantespar leNigéria,dont les nombreuses incursionssur letemtoire du Cameroun par les

forcesmilitaireset autresressortissantsnigérn'étaienqt ue les manifestationsconcrètes.1.20 Le Cameroun a, en conséquence, estimé nécessaird ee déposer une
requête additionnelle pour élargile champde sa requête initiale du 29 mars 1994, ce qui fut

fait le 6 juin 1994. La requête additionnelleétait principalement axée sur la question de la

souverainetésur une partie du temtoire du Cameroundans la régiondu lac Tchad (Darak),

mais faisait égalementvaloir que l'extensiondu différend remettaiten cause l'ensembledu

tracéde la frontièreentrele Camerounet leNigéria,du lacTchad à la mer.Lorsd'une réunion
entre le Président dela Cour et les agents des deux Parties, le 14 juin 1994, l'agent du

Cameroun a expliqué que la requêteadditionnelle devrait êtreconsidéréecomme un

amendement à la requête initiale et ques,elon le Cameroun, elles devraient êtretraitées

commeportant sur une seuleaffaire.LeNigénan'ayantsoulevéaucuneobjection àl'encontre

de cette suggestion de procédure,la Cour, dans son ordonnance en date du 16juin 1994, a
déclaré que la requêteadditionnelle seraitconsidérée comme un amendement de la requête

initialeet que l'ensembleseraittraitécommeune seuleaffaire.

1.21 Dans sarequête additionnellel,e Cameroun a demandéà la Cour de dire
etjuger :

"a) que lasouveraineté surla parcelle litigieuse danslazone du lac Tchad est
camerounaise en vertu du droit international, et que cette parcelle fait partie
intégranteduterritoirede laRépubliquedu Cameroun ;

"b) que la République fédérale duNigéna a violé et viole le principe
fondamental du respect des frontières héritéed se la colonisation (uti possidetis

juris) ainsi que ses engagementsjuridiques récents relativement à la démarcation
des ffontièresdans lelacTchad ;

"c) que la Républiquefédérale du Nigéna,en occupant avec l'appui de ses
forces de sécurité des parcelles du temtoire camerounais dans la zone du lac
Tchad, a violé et viole sesobligations en vertu du droit conventionnel et

coutumier ;

"d) que, vu les obligationsjuridiques susvisées,la République fédérald eu
Nigénaa le devoirexprèsd'évacuersans délaiet sans conditions ses troupes du
temtoire camerounaisdans la zonedu lacTchad ;

"e) que laresponsabilitéde la RépubliquefédéraledN uigériaest engagéepar
les faits internationalementillicites exposésaux sous-paragraphes a), b),c) etd)

ci-dessus ;

"e') qu'en conséquence unre éparationd'un montant à déterminerpar la Cour
est due par la Républiquefédérale du Nigéria à la Républiquedu Cameroun pour
les préjudicesmatérielset moraux subis par celle-ci, la République du Cameroun se réservantd'introduire devant la Cour une évaluationprécise desdommages
provoquéspir la Républiquefédérale du Nigéria.

Que vu les incursions répétéedses populations et des forces mées
nigérianesentemtoire camerounaistout le long de lafrontièreentre lesdeuxpays,

lesincidentsgraveset répété qsui s'ensuivent,et l'attitudeinstable et révdesible
la République fédéraledu Nigéria relativement aux instruments juridiques
définissantla frontièreentre les deux pays et au tracéexact de cette frontière,la
République du Camerounprie respectueusementla Cour de bien vouloir préciser
définitivementla frontièrenire elle et la Républiquefédéraldu Nigériadu lac

Tchad à la mer".

1- Les différentes étapedse la procédure

1.22 Cette première difficultérésolue,la Cour a, par son ordonnance du 16
juin 1994, fixéla date limite pour le dépôtdu mémoire du Cameroun au16 mars 1995,et au

18 décembre 1995celle du dépôtdu contre-mémoire du Nigéria .e Cameroun a déposé son

mémoire à la Cour dans le délaifixé.Le Cameroun attendait pour la fin de la mêmeannéele

dépôt du contre-mémoire du Nigéria slu ers questions de fond. Ses attentes furent déçues.Le
16 décembre1995, deuxjours seulement avant la date fixéepar l'ordonnancede la Couren

date du 16juin 1994 (et, donc, deux jours seulement avant l'expiration de délaivisé par

l'article 79, paragraphe 1, du Règlement de la Cour sur la présentation d'exceptions

préliminairespar undéfendeur), le Nigériaa déposé huit exceptions préliminaires sur la

compétencede la Cour et la recevabilitéde la requête.Ce dépôtd'exceptionspréliminairesa
eu pour conséquencela suspensionde la procédureau fond :le 10janvier 1996, le Président

de la Coura rendu uneordonnancedans laquelle,il précisaitque,conformément à l'article 79,

paragraphe 3, du Règlementde la Cour, la procédure d'examenau fond étaitsuspendue,et

fixait au 15mai 1996le délaipour le dépôtpar le Cameroude sesobservationsécritessurles
exceptionspréliminaires dNigéna.De fait, le Cameroun a déposé ses observationsdèsle 30

avril 1996.

1.23 Avant de poursuivre ce bref rappel du déroulementde cette phase des
exceptionspréliminairesde la procédure,il convient de rappeler que,depuis l'introduction de

la requête initiale du Camerole 29 mars 1994,le Nigériaoccupeune portion importantede

la presqu'île deBakassi, partie intégrantedu temtoire du Cameroun. En outre, les autorités

militaires nigérianes ontlancéune série d'attaquviolentes contre les forces camerounaisesdans la presqu'île de Bakassi, le3 février 1996,ce quia conduit le Camerounà saisirla Cour,

le 10 février 1996,d'une demande en indication de mesures conservatoiresconformément à

l'article 41du Statut.

A - Lesmesuresconservatoires

1.24 La Cour, ayant entendu les représentantsdes deux Parties lors des

audiencesorales tenues les 5, 6 et 8 mars 1996, a rendu son ordonnance le 15mars 1996;

dans ses grandes lignes, elle correspond aux mesures conservatoires demandéespar le
Cameroun.LaCour a indiquéles mesuresconservatoiressuivantes :

"1) A Vunanimité,

Les deuxPartiesveillent à évitertoutacte,et en particuliertoutacte deleurs
forces armées,qui nsquerait de porteratteinte aux droits del'autrePartie au
regard de tout arrêtque la Cour pourraitrendre en l'affaire,ou qui nsquerait
d'aggraverou d'étendrele différendportédevant elle;

"2) Par seizevoix contreune,

Les deux Partiesse conforment auxtermes de l'accordauquelsont parvenus
les ministresdes affaires étrangères Kara (Togo), le 17 février1996,aux
findse l'arrête toutes les hostilités dansla presqu'île deBakassi;

"3) Par douze voix contrecinq,

Les deuxPartiesveillent àce que laprésencede toutes forcesarméesdans la
presqu'île de Bakassi ne s'étendepas au-delà des positions où elles se
trouvaient avantle 3 février 199;

"4) Par seizevoix contreune,
Les deux Parties prennent toutes les mesures nécessairespourpréserverles

éléments de preuve pertinents aux fins de la présenteinstancedans la zone
en litige;

"5) Par seizevoix contreune,
Les deuxParties prêtent toute l'assistancevoulueàla missiond'enquêtq eue

le Secrétairegénéralde POrganisation des Nations Unies a proposéde
dépêched ransla presqu'îlede ~akassi"'.

1C.I.J.,ordonnanc15mars1996,affairedelaFrontièreterrestre etmaritimeentrele Camerounet le Nigéria
(mesuresconservatoires),Rec. 1996,pp.24-25,par.49.1.25 Malheureusement,le Nigériane s'estpas pliéauxmesures conservatoires

indiquées parla Cour dans son ordonnance du 15 mars 1996. Les paragraphes 2 à 22 du

mémorandyn de la Républiquedu Camerounsurlaprocédure remis àla Cour avec une lettre
de couverture en date du 9 avril 1997(ci-dessousappelé"mémorandum")et reproduit en

annexe 1 à la présenteréplique,précisenten détailles faits établissantque le Nigéria,en

occupant une portion de la presqu'île de Bakassi,n'apas respectéles mesures conservatoires

indiquées par la Cour le 15 mars 1996. Le 30 avril 1996 (environ six semaines après

l'ordonnance du 15 mars 1996), le Ministre des Affaires étrangères duCameroun s'est vu
obligé de faire part au Président du Conseil de sécuritéde son inquiétude quant au

déploiement d'un nombre croissant de troupes nigérianesainsi que d'un volume excessif

d'équipementsmilitaires à proximitéde Bakassi. ila relevé laprésencedans la zone de

10000 soldats de l'infanterie nigériane, dont 2 30en territoire camerounais, 3 000 sur la

frontièreet 4 000 en état d'aleràeCalabar (v. mémorandum,annexe 12). Ces chifies sont
probablement bien en deçà du nombre réeldes forcesmilitaires nigérianesdéployéesdans la

zone, de nouveauxrenforts ayantétéenvoyésàCalabar.

1.26 Dans sa lettre en date du 30 avril 1996, le Ministre des Affaires

étrangèresdu Cameroun relève égalementque, entre le 21 et le 24 ayril 1996, les forces
nigérianes ont lancéde nouvelles attaques sur les positions de l'arméecamerounaise, en

particulieràInuambaet Benkoro dans le sudde lapresqu'îlede Bakassi.Ces attaques se sont

poursuivies le 25 avril,ainsi que les ler et 2mai 1996.

1.27 Une periode decalmerelatif, imposéepar le débutde la saison des pluies,
a suivi ces violationsévidentesparleNigériadesmesuresconservatoiresindiquées le15mars

1996. Mais, le 11 décembre1996, les forcesnigérianesont ànouveau harcelé lespositions

camerounaises à Bakassi à l'aide d'armes automatiques etde tirs de mortier, les forces

camerounaises se gardant de riposter. Autre attitudenigériane incompatible avecles mesures

conservatoires indiquéespar la Cour :la décisionunilatéraleprise par les autoritésmilitaires
nigérianes, le16décembre 1996,d'interdirele passaged'avionscivils et militaires (y compris

les avions camerounais)au-dessusde lapresqu'île de Bakassi.

1.28 Les paragraphes 10 et 11 du mémorandum duCameroun montrent

comment le Nigériacherche à l'évidence à créerune situation irréversible danscertainesparties de la presqu'île de Bakassi en lançant d'importants projets de développement

économiquedestinés àappuyersapolitiqued'annexion.

1.29 La poursuite des actions du Nigéria en violation des mesures
conservatoiresindiquéespar laCourne s'est paslimitéeàla presqu'île de Bakassi.Comme il

est démontré aux paragraphes 13et 16du mémorandum,les autorités nigérianey s compris le

gouverneurde la provincede 1'Adamoua ont, nonobstantles mesures conservatoires,poursuivi

leursprojetsde constructions,y comprisla constmctiond'undispensaire,d'unmarchéet d'une

école dans la zone litigieuse de Typsan. Il est égalementimportant de noter que, en

contradiction évidenteavec la quatrièmemesure conservatoire indiquéepar la COU?, le

Nigéria a autorisé la destruction d'une borne frontalière allemande a Typsan ainsi que

l'enlèvement d'uneborne frontalièren0103 par les habitantsnigériansdu villaged'0kwa3.

B - L'examendesexceptionspréliminaires

1.30 La Républiquedu Cameroun a,dans le paragraphe 1.22ci-dessus,d'ores

et déjàrelatéles premiers développements concernantla phase des exceptions préliminaires

de la présente affaire. Avecle dépôtpar le Cameroun,le 30 avril 1996,de ses observationsau

sujet des huit exceptions préliminairesdu Nigéria,la Cour avait désormaisla possibilitéde
programmerdes auditions sur les exceptions préliminaires du Nigéria, commeelle-même l'a

effectivement noté ("et l'affaire s'est trouvée en état pour ce qui est des exceptions

préliminaires")4.

1.31 Malheureusement,lorsque la phase des exceptions préiimiiaires s'est

trouvée enétatpour une auditionfin avril 1996,le rôlede la Cour étaitdéjàtrèschargé pour le

restant del'année1996et laplusgrandepartiede 1997.C'étaie tnpartie pour informerla Cour
des événements survenus sur le terrain durantla période quia suivi l'ordonnancede la Cour

du 15mars 1996sur les mesures conservatoires(v.supra,pars 1.24 à 1.29),et en partie pour

demanderdiligencepour les auditionsconcernantles exceptionspréliminaires duNigériaque

2"Lesdeux Parties prennent touss mesuresnécessairsourpréservelres élémensepreuve pertinensux
fm delaprésentinstancedanslazoneenlitige".
'V. mémorandum p,. 12,par.1;v.aussimémorandum annexe56.
4 C.I.J.arrêt11 juin 1998, affairede la Frontière terrestreet maritime entre le Camerounet le Nigéria
(exceptionspréliminaire, ec. 1998,p.280,par.8.le Camerouna soumis son mémorandumsur laprocédure le9 avril 1997.Les paragraphes23

à 30 de ce mémorandum exposent les raisons avancéespar le Camerounen faveur d'auditions
rapides surlesexceptionspréliminairesdu Nigéria.Parmi ces raisons,le Cameroun se bornera

à citer cellesqui suivent et qui sont aujourd'hui,selon lui, aussi actuellesqu'audébut du mois

d'avril1997 :

"En décidant d'adresser aujourd'hui un Mémorandum à la Cour
internationale de Justice faisant valoir l'urgence d'un examen rapide des
Exceptions préliminaires déposéespar le Nigéria dans l'affaire de la
frontièreterrestreet maritime,le Cameroun a conscienced'entreprendreune
démarche inhabituelle. Mais, il lui est apparu indispensable que

l'aggravationcritique de la situation le long de la fiontièreentre les deux
Etats trouve un échodans l'accélérationde la procédurependante devant la
Cour.

"Après la conclusion des Accords de Daytoflaris, qui ont mis fin aux

hostilités enBosnie-Herzégovine,le différendqui oppose le Cameroun au
Nigéria présente une triste singularité parmi toutes les affaires qui sont
actuellementinscrites au rôle dela Cour. Il constitue en effet l'unique litige
où des vies humaines sont aujourd'huiprises ou menacées. Contrairement
aux autresaffairesdont la Courest saisie et dont le Camerounne méconnaît

au demeurantnullement l'importance,celle qui l'opposeau Nigénaest une
affaire 'de paixet de guerre"' (mémorandum,p. 20,par.29).

Cette dernièrephrase reste d'actualité aujourd'hciar l'occupation de Bakassi et de la région

du lacTchadpar le Nigénan'apas cessé.

1.32 Quoi qu'il en soit, les audiences dans la phase des exceptions

préliminairesde l'affaire ont eulieu àLa Haye entrele 2 et le 11mars 1998et la Cour a rendu

son arrêt surles exceptions préliminairesdu Nigéna le 11 juin 1998~.Par des majorités

substantielles,la Cour a rejeté septdes huit exceptionspréliminaires déposées par eigéria
et, par unemajoritéde 12voix contre 5, elle a déclarque la huitièmeexception préliminaire

du Nigérias,elonlaquellela questionde la délimitationmaritime met nécessairementen cause

les droits et les intérêd'Etats tiers et està cet égard,irrecevable, n'avait pas, dans les

circonstancesde l'espèce,un caractère exclusivementpréliminaire.Pour conclure, la Cour a

jugé,par 14voix contre 3, qu'elleétaitcompétentepour se prononcer surce différend,et par
la mêmemajorité, que la requêteintroduite par le Cameroun le 29 mars 1994, telle

qu'amendép ear la requête additionneldu 6juin 1994,étaitrecevable.

' Ibidp.275. 1.33 Mêmesi le Camerounpouvait se féliciterde cette disposition finalede la
Cour, concernant ce qu'il avait constamment considéré comme un exercice dilatoire par le

Nigénade ses droits procédurauxdans la mesure où les argumentsavancés poursoutenir la

huitièmeexceptionauraientpu êtresoulevés dansle cadre des questions de fond, il n'étaitas

pour autantsorti de l'enchaînementprocédurierdans lequel le Nigériacherchait à l'entraîn;r
en effet, l'étasuivantefut l'introduction,par le Nigéria,d'unedemande en interprétationde

l'arrêdte la Courdu 11juin 1998surlesexceptionspréliminaires.

C - La demande en interprétationde l'arrêt du 11 juin1998dans
l'affaireconcernant la Frontièreterrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigéria (Camerounc. Nigéria),exceptions
préliminaires(Nigériac. Cameroun)

1.34 Le 28 octobre 1998,le Nigériaa déposé au Greffe de la Courunerequête

en date du 21 octobre 1998engageant uneprocédureparlaquelle,se référant à l'article98du

Règlementde la Cour, il demandait l'interprétationde l'arrêt d11juin 1998 de la Coursur
les exceptions préliminaires.La requêtefut communiquéeau Cameroun par le Greffier

adjoint. Simultanément,les Parties furent informéesque le Juge Doyen, conformémentaux

articles 13, paragraphe 3, et 98, paragraphe 3, du Règlementde la Cour, avait fixéau 3

décembre 1998 le délai accordé au Cameroun pour remettre ses observations écrites
concernantla requête en interprétationduNigéria.

1.35 La requêtenigérianeconstituait une nouvelle affaire, séparéeet distincte

de la procédure principale instituéepar le Cameroun contre le Nigériaet elle fut traitée
commetelle. Le Cameroun a soumisses observationsécritesle 13novembre 1998,largement

dansle délai fixépalra Cour.

1.36 La demande nigériane en interprétationde l'arrêde la Cour du 11juin
1998concernaitle rejet de sa sixième exception préliminaire. n bref, le Nigériademandaità

la Cour d'interpréterson arrêtdu Il juin 1998 comme signifiant que, en ce qui concernela

responsabilitéinternationaleprésumée du Nigéria l, différend n'inclpas d'autresincidents

présumés que (tout au plus) ceux précisés dansa requêtedu Cameroun en date du 29 mars
1994 et la requêteadditionnelle en date du 6 juin 1994 ;que la libertédu Camerounde

présenterdes faitsadditionnelset des considérationsjuridiquesne concerneque (toutauplus)ceux spécifiédsans la requête du Cameroun du 29 mars 1994et larequête additionnelledu 6

juin 1994; et que la question de savoir si les faits présumésrésentéspar le Cameroun sont

établisou non concerne uniquement(tout au plus)ceuxpréciséd sans larequêtedu Cameroun

en date du 29mars 1994et larequête additionnelleendatedu 6 juin 1994.

1.37 Dans sesobservationsécritesdéposée àsla Cour le 13novembre 1998,le

Camerouns'enest remis à la Courpour décider desa compétence pourse prononcer sur une

demanded'interprétation d'unarrêitntroduite suiteàuneprocédure incidente,et en particulier,

concernant un arrêtsur des exceptions préliminaires présentée par la Partie défenderesse.

Cependant, le Cameroun a demandé à la Cour de déclarer irrecevablela demande

d'interprétatiodu Nigériaet de dire et juger qu'iln'yavaitpas lieu d'interpréterI'arrètdu 11

juin 1998.

1.38 Tirant parti du fait que la Cour n'avaitpas encorepu, à ce moment-là,

rendreunarrêtsur la demanded'interprétation déposéepalre Nigéria,le Nigéria ademandé le

23 février1999un report dela date du dépôtde soncontre-mémoireq ,ue la Cour avait, le ler

juillet 1998,fixéeau 31 mars 1999. Le 3 mars 1999,la Cour a repousséle délaiau 31 mai

1999.

1.39 Dans son arrêtdu 25 mars 1999 sur la demande en interprétationdu

Nigériade l'arrêdte la Courendate du Il juin 1998surles exceptionspréliminairessoulevées

par le Nigéria,la Cour a rappeléles motifs invoqués lorde son précédena trrêtsur le rejet de

la sixiéme exceptionpréliminaire.Par 13voix contre3, elle a déclaré irrecevablela demande

en interprétationau motif que la Cour avait déjàtraitéet rejetédans son précédentarrêtla

principale conclusion nigériane6L. a Cour a rejetéégalementles conclusions subsidiaires du
Nigériaaumotif qu'ellescherchaientàsoustraire àlaconsidérationdela Cour des élémentd se

droit et de fait que la Cour avait déjà,par son arrètdu 11juin 1998,autorisé leCameroun à

présenter ou quin'avaientpas encoreété présentépsarle Cameroun.

6C.LJ.arrêt,5mars 1999,Demande eninterprétationde I'atu 11juin 1998en l'nffairede la Frontière
terrestre et maritimeentre le Camerounet le Nigéria(Camerounc. Nigéna),exceptionrpréliminaires, Rec.
1999,pars16et 19.1.40 Cet exposé,inévitablement long, des différentes étapesde la procédure

depuis le dépôtde la requêteinitiale du Cameroun auGreffede la Cour le 29 mars 1994, est

certainement suffisantpour convaincreun observateurobjectif que la tactique principale et

prépondérantedu Nigéria dans cedifférendconsisteàjouer la montre dans l'espoirque le
Cameroun se lassededemanderjusticedevantla Cour.Un commentateurconnuen matièrede

jurisprudence de la Cour, totalement étranger à cette affaire, a fait quelques remarques

caustiques en cesenssur les exceptionspréliminaires nigérianes:

"Presented with a situation inwhich both States had made unconditional
declarations under Article36(2),Nigeria'slegal team neverthelessmanaged

to corne up with no less than eight preliminaq objections. That none of
these was ultimately acceptedby the Court is probably less importantthan
the fact that each objectionhadto be answeredby Cameroon andresponded
to by the Court, therebypostponing theproceedings on the meritsfor more
thanfwoyears, whichwas nodoubt theaim ofNigeria's strategy'".

Le professeur Memlls commente en des termes critiques similaires la demande en

interprétation duNigénade l'arrêp tortant sur les exceptionpréliminaires:

"Whilst the Court has confirmed that that provision [Article 60 of the
Statute] covers everytypeof judgment,by emphasisingthe principle of res
judicata and rejectingNigeria's requestit has sought to discourage the use
ofArticle 60as a meretime-wastingta~tic"~.

Un commentateur anonyme dans un récent numérode la Revue générale de droit
internationalpublic va dans le mêmesens à proposdel'arrêt de la Courdu 25 mars 1999sur

la demande nigérianeen interprétationdel'arrêd tu Il juin 1998 :

"La Cour, à une largemajoritéde treizecontre trois, a rejetéla demandedu
Nigériaen interprétationde son Arrêtdu 18 [sic] juin 1998 (exceptions

préliminaires). Cette décisionpourrait traduire avant tout le souci
d'efficacitéde cettejuridictionqui doit faire faceà une croissance notable
ducontentieux. Cedéveloppemend tevraiten effetinciter la CIJàdissuader
les Etats qui se présentent devantelle de multiplier les incidents de
procédure quiretardentlejugementdéfinitifsanscontribuer àla qualitédu

7 J.G.Memlls, 'Woteon the PreliminaryObjectionsPhaseof Camerounv. NigerI.C.L. Q.l48,juillet
1999,p. 657;italiquesajoutés.
Ibid.,p. 65;italiquesajoutés. débat judiciaire.On notera la rapidité aveclaquelle elle a traitéla demande
du Nigéria,le prononcéde la décisionintervenant presque six mois, jour

pourjour, aprèsla saisinem9.

1.41 Le Nigériaporte l'entière responsabilitde l'extrêmelenteur de cette

procéduredepuis qu'elle a été entamée par le Cameroun le 29 mars 1994. La Partie

défenderesse a eu recours à la tactique dilatoire consistant à déposer des exceptions

préliminairessur la compétencede la Cour et sur la recevabilitéde la requêtedu Cameroun,

principalementpour éviter d'avoir à répondreimmédiatementsur le fond de l'affaire. Le

Cameroun ne conteste pas le droit en principe du Nigéna à soulever des exceptions
préliminairesenI'espèceN. éanmoins, l'arrdet la Courdu 1l juin 1998démontre àl'évidence

combien laplusgrandepartiede ces exceptionspréliminairesétaientpeu fondéesendroit. La

Cour noteraaucontraireque le Camerounn'ajamais cherché, àaucune étapede la procédure,

à obtenir des délais supplémentairesour remettre ses pièces écrites,et qu'ila mêmeà deux

reprises, dépossesobservationsécritesavantl'expirationdu délai fixé par elle.

1.42 Le grave retard pris par la procédureorale dans cette affaire, dû aux

stratégiesdilatoires du Nigéria,inquiète profondémentle Cameroun. Le Nigéna occupe

actuellement illicitementdes portionsdu temtoire camerounais; cette occupationest appuyée

par la présencede forces militairesnigérianes.Pluselledurera, plus grand serale dangerpour
le maintien de la paix et de la sécuritinternationales et plus il sera difficile d'obtenirdes

preuves. Le Cameroun est un pays pacifique, totalement dévoué à la mise en Œuvre des

principes de laChartedes NationsUnies sur la résolutiondes différendsinternationauxiln'a

pas cherchéde confrontation, militaire ou autre, avec son puissant voisin ; il se borneà

rechercher lareconnaissanceet le respect de son intégriterritoriale tels qu'ils découlentdes

traitésqui définissenles frontièresentre les deuxEtats.

9 "Chronique defsaitsinternati"ousla directiondeL.BalmonetP. Weckel avecla collaborationde A.S
Millet,R.G.D.I.P.,1999458. $2 - Manifestations dans le contre-mémoire de la stratégie dilatoire du
Nigéria

1.43 La stratégie dilatoire du Nigéria ressort égalementde son contre-
mémoire. Dans le cadre de ce chapitre introductif, le Cameroun ne mentionnera que trois

exemplesde la façon dont le Nigénatente de déformerles faits et le droit pour présenterson

pointdevue.

A - Responsabilité

1.44 Au chapitre24 de son contre-mémoire,le Nigénadéclare : "In respectof

Stateactivityin temtory which it reasonablyconsiderstobe its owntemtory, even if laterit is
found to have been mistaken in that belief, honest belief and reasonable mistake serve to

preclude international responsibility" (CMN, vol. III, pp. 638-639, par. 24.34). Si l'on

appliquecetteproposition au cas de Bakassi,il ressort clairement des termesdes articàes 18

22 du Traité anglo-allemandu 11 mars 1913 (MC,Livre III, annexe 82) que, quel qu'ait été

sonstatutavant l'entrenvigueur de ce traité, Bakassiétaàtce moment-là,reconnu comme
étantdu côté allemandde la frontière. Le Nigéna n'a-t-il jamais entendu parler de la

présomptionjuridique dela validitédes trai?éFace àune telle présomption,commentpeut-

il y avoir "honestbelief' en une invalidité partielledu Traitéanglo-allemand du 11 mars

1913 ? Commentpeut-il mêmey avoir une "reasonablemistake"?LeNigénaoublie-t-ilque
son propre Attorney General de l'époque,feu T.O. Elias (qui devint plus tard juge, et

finalementPrésidentde la Cour) a informéle ministèredes Affaires étrangèrenigérianen

1972que "the internationalboundarywas drawn through the thalweg of the River Akpayafe

which puts the Bakasi peninsula on the Cameroun side of the boundary" (MC, Livre VII,
annexe 350) ?"Honestbelief' ou "reasonablemistakd' semblent des termes complètement

horsdeproposdans la présente espèce.Eneffet,la position actuelleduNigériasurBakassiest

encontradictiontotale avecl'avisjuridique dujuriste pau niveauleplus élevé auNigéria,

l'Attorney General, en 1972, ainsi qu'avec la reconnaissance constante par les hauts
responsables nigérians dans les années1960 et au début des années 1970 du titre du

Cameroun surlapresqu'île. B - Démarcation

1.45 Dans les chapitres 18 et 19 du contre-mémoire,le Nigénaexpose son
point de vue sur la frontièreterrestreentre le Nigéna et leCameroun enprésentantcertaines

observationssous les intituléssuivan:"Introductionand Background"(chapitre 18)et "The

Course of the Boundary" (chapitre 19).Ces développementsserontabordésplus loin dans la

présenteréplique(chapitres 2 et 4). Cependaun,point importantdoit êtrenodès àprésent.
Le Nigénaentretient demanièreconstantela confusion entre les deuxnotions de délimitation

et de démarcation.Le Cameroun reconnaît que,bien qu'ellesaient étédélimitéesc,ertaines

parties de la kontière terrestre n'ontpu êtreabornéesen détail.Dans certains secteurs, une

démarcationdétaillée peut avoéirtimpossible àeffectuerou inutileparce que,par exemple,

une portion précisede la frontièresuitle cours d'unerivière; dansd'autres,il peut y avoirune
différenced'opinionréelle quanà la localisationdutracéde la kontière. Quoi qu'ilen soit, la

démarcationest un processus bien distinct de celui de la délimitation,et les confondre n'e

facilite pas la tâche. Le Cameroun nedemandepasàla Courde seprononcer surun différend

concernant la démarcationde certains tronçons de la frontièrIls'agit de toute évidence
d'une question à déterminerpar les Partiesà la lumière dela décisionde la Cour sur la

délimitationde la kontière dans sonensemble.

1.46 On retrouve lamême confusion entre délimitatiet démarcation dansla

demande implicitefigurant dans le contre-mémoire, oùle Nigériasemble demandeà la Cour
l'obtention d'une "definitive specification" de la frontièreterrestre, de l'embouchure de

I'Ebejià la mer,prenant en compte lafrontièrede fait in situ, décision,qui, si le Cameroun

comprend bien ce qu'en dit le Nigéna,devrait réglertous les points de désaccordentre les

Parties. Surleprincipe, le Camerounn'a aucune difficulmajeureavec cette approche, pour
autant qu'il est bien compris que ce que la Cour doit déterminerest la délimitationde la

frontièreet nonpas sa démarcation.Mais les conclusionsprésentéepsar le Nigéna(CMN,

vol. Ill ,p. 832-835), lorsqu'on les lit en conjonction avec les "réserves"expriméesaux

paragraphes 26.3 à 26.5 du contre-mémoire(CMN, vol. Ki, pp. 831-832), laissent le
Cameroun (etprobablement la Cour)dans l'ignorancetotale de ce que le Nigénaentend par

"actual boundary in situ"et quantàla manièredont celle-ciestsupposée différer du tracé de

la frontièretel qu'il est déterpar les instrumentsjuridiques définissanlta frontièreentreles deux pays.il va de soi que, si par l'expression"actual boundary in sitl,Nigériafait

référence à la limite defacto qui s'est établiedans certains secteurs frontalierssuite aux

incursions decivilsou de fonctionnairesnigériansappuyéspar lesforcesmilitairesnigérianes,
auméprisde la frontièreétabliepar lesinstrumentsinternationauxpertinents,le Camerounne

peutaccepter un tel concept.

C - La remise àune phaseultérieuredela délimitationmaritime

1.47 Dans la phase des exceptionspréliminaires,le Nigériaavait soutenu que

la frontièreterrestre devait êtredéteminéedans un premier temps, et que la phase de la

délimitationmaritimedevaitde ce fait êtreajournée. Ceci était unllustrationde la tactique
dilatoiregénéraleadopté ear la Partie nigériane.Dansle chapitre de son contre-mémoire,

le Nigériareconnaît que la Cour n'a pas accepté que laphase maritime de l'affaire soit

repoussée.Bien sûr, la Cour a admis, et le Cameroun n'jamais prétendule contraire, "qu'il

serait difficile, sinon impossible, de déterminerquelle est la délimitationde la frontière

maritimeentre les Parties aussi longtemps quela questiondu titre concernantla presqu'île de

Bakassin'aurapas été régléenL0 M.ais, comme laCourl'anoté avec justesse, il lui incombede
déterminerl'ordredans lequelelle aborde les questions de manièrà ce qu'ellepuisse traiter

chacunesur le fond. Le Cameroun traitera dela délimitatimaritime dansles chapitres 7à 9

de laprésenteréplique.

Section 3: CONSIDERATIONSGENERALES SUR LE CONTRE-
MEMOIRE

1.48 Le Camerouna identifiécinq considérationsgénéralesqsu oius-tendentle

contre-mémoire duNigénaet qui apparaissentcommeautantde contradictionsinhérentesaux

conclusionsque le Nigériasoumet àla Cour.

1.49 La première est l'accent mispar le Nigériasur des considérations

historiques portant sur des faits ou prétendusfaits parfois très anciensau détrimentde la

situationjuridique au moment de la décolonisation.Les principaux exemplessont fournis

dansla sectionC du chapitre3, et l'ensembledes chapitres4 et 5 du contre-mémoire nigérian.

'OC.I.J.arrêt11 juin 1998, affaire de la Frontière terrestreet maritime entre le Cameroun et le Nigéna
(excepiionspréliminai, ec. 1998,p. 320, par. 106.Les développements de la sectionC du chapitre3 concernantla description de la zonepar Sir
Harry Johnstonen 1888sont abusives(Cm, vol. 1,pp. 27-33). LeCameroun ne nie pas que

Johnston ait pu être bieninforméde la situation générale dans le Nigériaoriental dans les

années1880.Aprèstout, c'estsuite à ses explorationsque fut faiteune découvertede grande

importance, à savoirque le Rio del Rey n'étaitpas un fleuve important, mais plutôt un petit

cours d'eau formant ce qu'il appelait un estuaire aussi immense qu'inutile constituant "a
cornrnon receptacle for agreatnumber of creeks that are, most of them, little more than the

escapes to theoverflowof neighbouringrivers" WC, Livre II,annexe6, p. 76, cité inMC,pp.

48-53, par. 2.21). Son pointdevue concernantle règnedes "Rois et Chefs d'OldCalabar"sur

le temtoire est cependantàprendreavecun certainscepticisme. Il semblait visiblement attiré

par la ville d'OldCalabaret par ses habitants, soulignant, dans le passage citéau paragraphe
3.17 du contre-mémoire nigérian,que "[tlhe nativesof the Old Calabardistrict are thoroughly

loyal to GreatBritain,and verygladly acceptits rule" (Cm, vol. 1,p. 29)Iln'est doncpas

très surprenant que,s'appuyantsur ce que lui avaientdit certains autochtones, il ait exagéré

l'étendue dela zone sur laquelle lesdirigeantsd'OldCalabar exerçaientleur contrôle.Le fait

que des marchandsd'OldCalabarpuissent avoirpénétré et, peut-êtp re, dant un temps,vécu
dans les villages et localitàl'estde Calabarpour organiser le commerce de biens produits

localement par Calabarne prouvepas le contrôletemtorial de ces villages et localitéspar les

"Rois et Chefsd'OldCalabar"ou en leur nom, ce qui, au demeurant,ne présentestrictement

aucun intérêtjuridiqua eux finsdela présente affaire.

1.50 La deuxièmeconsidérationd'ordre général concerne l'accenm t is sur des

considérationsethniques plutôtque sur le droit applicable. Cet aspect du contre-mémoire

nigérianestextrêmemend téveloppé (et particulièrementsujeà controverse)dans la sectionD

du chapitre 3, dans le chapitre4, dans le chapitre6 (pour partie), les chapitres 9 et 10(pour
partie) et le chapitre7 (pour partie)du contre-mémoire. Ace stade, le Cameroun voudrait

seulement faire quelquesremarquesgénérales ; l'ontrouvera des réponsesplus détaillées aux

arguments avancésparle Nigéria dans d'autreschapitresde cetteréplique.

1.51 Un point important,désormaisadmis par le Nigéria,est que la pêcheau

large de la presqu'îlede Bakassiest pratiquéenon seulement par des pêcheurslocaux mais

aussi par despêcheurs venudseloin : "As the resultof the unique combinationof maritime conditionsin the area,
'strangerfishermen'come î?omtheNigerDelta, Ogoni, Okitipupa and as far
West as Ghana" (CMN, vol. 1,p. 35,par. 3.33).

1.52 Une autre caractéristiquede la présentation nigériane consistedans la

prétention selonlaquelle les principales tribus de la régiond'Old Calabar dans la période
postérieureà 1 700 étaientles Efiks et les Efiats. Lespreuves apportéespar le Nigéria surla

migrationdupeuple Efik avant son arrivée à Old Calabarne se fondent que sur les traditions

orales (CMN,vol. 1,p. 58, par. 4.12), un indice probant assez peu fiable. Le Cameroun ne

conteste pas que, vers le dernier quart du~m siècle,les marchands Efik basés à Old
Calabaravaientcommencéàjouer un rôle importantdans les activitéscommerciales entre les

Européensetlesnombreuses tribus habitantsur lesrivesdu fleuve et à l'intérieres terres de

la Cross River (Cm, vol. 1,p. 61, par. 4.22). Maisil s'agitlà d'usujet bien différentde

l'affirmationtotalement dénuéede fondemen atvancéepar leNigéria et selonlaquell:
"By the 1880s Old Calabar and its Efik Houses had established their

authority notjust over the surroundingarea but over al1the lands between
the CrossRiver andthe Rio del Rey"(Cm, vol. 1,p. 61,par.4.21).

1.53 De même,le Cameroun conteste absolument les revendications sans

preuvesselonlesquelles :

"By virtue of the activities of the Houses of Old Calabar in founding
settiements of increasing permanence in the previously unsettled Bakassi
Peninsula,the dominionsof Old Calabarcame to include the settlementsin
Bakassi specificallyidentified in Chapter 3" (CMN, vol. 1,pp. 61-62, par.
4.23).

Non seulement le Cameroun remet en cause cette affirmation, totalement dénuéede

fondement,mais il met le Nigériaau défide prouver précisémenq tuand, par qui, et dans quel

but, ces "établissements"furent créés,t, s'ils'agitbien Pétablissements de pêcheurs",s'ils

étaienthabitésen permanenceplutôt quede manièresaisonnièrependantla saison de pêche à

Bakassi. Iifaut ajouter en conclusion que Johnston lui-mêmene semble pas avoir porté
beaucoupd'intérê at x considérationsethniques.Au paragraphe 6.36 de son contre-mémoire,

le Nigéria citedes passages sélectionnésde la lettre de Johnston au ministèredes Affaires

étrangèresen date du 23 octobre 1890(Cm, vol. 1,p. 95).Iiest intéressant d'examiner les

passages dela lettre que le Nigéria adélibérémentomid se citer. A la fin de son paragraphe
d'introduction,Johnstona en effetinclus la phrasesuivant: "On the left bank of that stream 1found villages of Barombi and Barundo
people,who in race and langage are 'Bantu',and of the same stock as the
Cameroonspeoples ; while on the right or Westbank the people belong to
the Efik groups, and spokedialectsrelated tothe tonguesof the Cross River
andthe LowerNiger " (Cm, vol. VI, annexe75,p. 765).

Aprèsle deuxièmeparagraphedecette lettre,citéparle Nigéna,Johnstonécrit :
"In al1those portions of countryeast of the Ndian whichthe Germanshave

occupied they have entirely diverted the trade - sometimes by almost
forciblemeans - from proceeding towards OldCalabar.Instead,it now goes
to Cameroons.If we admitted Germany to the banks of the Akpayafé,our
traders,Black and White,fearthat somethingwould occurto the detriment
of Old Calabarcommerce.TheGermans,also, in the Cameroons,have taken
to the granting of monopolies of trade and exploitationto certain hs in

certain districts, and althought it must, in justice, be said that they have
grantedthese monopolies to English as well as Swedishand Germansfms,
still monopolies are not good things, and would certainlyconfiict with the
generaltrade interests ofOld Calabar" (ibid., pp. 765-766).

Ainsi, Johnston étaitplus préoccupé par les risques potentiels (telqu'illes voyait)pour les

intérêtscommerciaux d'OldCalabar que par lesdivisions ethniquesconsécutives à la mise en

place de la frontièreanglo-allemandesur 1'Akwayafé.

1.54 La troisième considération générale est l parédominance quele contre-

mémoirenigérianaccorde aux "effectivités"par rapport au titre. Ceci est particulièrement

manifeste dans le chapitre 9, dans la section C du chapitre 10 et dans le chapitre 17. Le

Nigénan'essaiepas d'opérer une distinction entre"effectivités"infra legemet "effectivités"

contra legem.Pour le Nigéria,il n'y apas de distinction à faire entre l'exercicelicite de la
souverainetédans une zone sur laquelle I'Etat dont l'administration exercecette autorité

détientle titre, et l'exercicetotalement illicitede l'autpar ou aunomd'unEtat qui occupe

une partie du temtoue d'unautre Etat en violation du droit international. La multiplication

des exemplesd'actes administratifspar leNigéria,que ce soit dansdesvillageset localitésde
la presqu'île de Bakassi ou dans des villages et localitésde la zone du lac Tchadn'a aucune

valeur si les autoritésnigérianeont effectuéces actes administratifssurun temtoire reconnu

juridiquement comme appartenant au Cameroun. On doit en tout cas relever que le Nigéna

consacretrèspeu de placeauxconclusionsjuridiques concernantle problèmedetitre. 1.55 En ce qui concerne la presqu'île de Bakassi, l'argumentprincipal avancé

par le Nigénaconcernant l'invaliditésupposéedes articles 1à 22 du Traitéanglo-allemand
du 11mars 1913semblerésulterde l'associationde l'argument présenté apuaragraphe 8.26du

contre-mémoire(CMN, vol. 1,p. 156) et de l'argumentnigériande la divisibilitéde ce que

l'on nomme les "dispositions Bakassi" du Traitéde 1913, évoqué(sinon développé) au

paragraphe8.55 du contre-mémoire(CMN, vol. 1,p. 171). Même sile Nigéna invoqueun

"titre" pré-colonial surla presqu'île de Bakassi supposéapparteniraux "Rois et Chefs d'Old
Calabar", il ne démontre nulle part que ceux-ci constituaient une entité susceptible,

conformémentaux règles du droit international de l'époque, dedétenir un titre sur un

territoir;il ne démontre pasnon plus,même siun titre suunterritoirepouvait êtconsidéré

commedétenupar une entitéde cettenature à la périodeconcernée,que les "Rois etChefsd'
Old Calabar"exerçaientdes droits souverainssur le temtoire de Bakassi.Le contre-mémoire

pêche aussi par une singulièrediscrétion surla nature d'un traitéde protectorat et sur la

relation entre un protectorat colonial et un traité frontalier subséquentconclu par une

Puissance protectrice avec un Etat tiers. Le chapitre 5, section 2, de la présenteréplique

traitera cespoints demanièrepluspoussée.

1.56 La quatrième considérationgénéraleest la distorsion des arguments

juridiques développédsans le mémoiredu Cameroun,auxquels le contre-mémoiredu Nigéria

ne répondqu'enpartie. Il n'appartientcertespas au Camerounde dicter au Nigériacomment
il devrait ou ne devraitpas présenterson argumentation. Cependant,il faut en dire un mot. Le

silenceleplus retentissant du contre-mémoiduNigénaconcerneles négociationsbilatérales

sur les frontières engagésar le Camerounet le Nigénaentre 1970et 1975, suite àla fi ne

la guerre civile au Nigéria. Un rapport détailléde ces négociations bilatéralescouvrant

l'adoptionde la premièreDéclarationde Yaoundédu 14 août 1970,la deuxièmeDéclaration
de Yaoundé du4 avril 1971,la Déclarationde Lagos du 21juin 1971,la DéclarationdeKano

du ler septembre 1974et la Déclarationde Maroua du 1erjuin 1975,figure notammentaux

paragraphes2.215 à 2:238 du mémoire duCameroun (MC, pp. 128-136). Lesparagraphes

2.239 à 2.243 (MC,pp. 136-138)du mémoire réfutenltes argumentsavancésjusqu'àprésent
par le Nigéna pourétayerses dires selonlesquels l'Accordde Marouan'estpas valide. Pour

autantque le Camerounpuisse enjuger, le Nigériane cherche pas, dans son contre-mémoire,

à avancer de véritablesarguments juridiques sur le statut et la validitéde ce traité. Le

Camerounne peut qu'en déduirequep , ourleNigéna,l'effet de sonargument, selon lequellesarticles 18à 22 du Traitéanglo-allemand du 11mars 1913ne sont pas valides, est de rendre

invalide tout accord bilatéralconcernant le tracéde la frontièrede la mer temtoriale entre le
Nigériaet le Cameroun, de l'estuairede la rivièreAkwayafé jusqu'aupoint G. LeNigériane

l'apas expriméen ces termes ;maisle Cameroun souhaitequ'ilsoit bienclairementétablique,

si telle est effectivement la position du Nigéria, elle n'a aucun fondement en droit

international. Le Cameroun affirme la validitéde la Déclaration deMaroua comme de la
deuxième Déclarationde Yaoundédu 4 avril 1971, instrumentsjuridiques obligatoires qui

déterminentle tracéde la frontièremaritime de la mer territoriale entre le Cameroun et le

Nigénajusqu'aupoint G.

1.57 La cinquièmeconsidérationgénérale sulraquelle le Cameroun souhaite
attirer l'attentionde la Cour est le fait que le contenudu contre-mémoirdu Nigéna place la

Cour en position difficile pour s'acquitter de sa mission, particulièrement dufait que le

Nigénan'apasprésenté sa positionsur nombre de questionsimportantes.Ainsi, le Nigérian'a

pas, dans les conclusions du contre-mémoire, revendiqué une ligne frontalièrequellequ'elle
soit dans le lacTchad. Cela en dépitdu fait (ou peut-êtreà cause de cela)que la Déclaration

Thomson-Marchand, confirmée par I'Echange de lettres du 9 janvier 1931 entre les

gouvernementsbritannique et fiançais,commencepar laphrase suivante :

"La frontière part du point de rencontre des trois anciennes frontiéres
britannique, française et allemande situédans le lac Tchad par 13' 05' de
latitude nord etapproximativement 14' 05' de longitudeest de Greenwich.
De là, la frontièreest déterminéde la façonsuivante :

"(2) Par une lignedroite jusqu'à l'embouchurede I'Ebedji" (MC, LivreIV,
annexe 157).

Le Nigériafaitvaloir dans sesconclusionsune revendicationde souveraineté sur les zonesdu

lac Tchad mentionnéesau chapitre 14 du contre-mémoire et affirmequela démarcationde la
frontièredans le lac Tchad, effectuéesous les auspices de la Commission du bassin du lac

Tchad, n'ayantpas été ratifiéepar le Nigéria,n'a pasd'effetcontraignant à son égard,et il a

prétenduque les questions en suspens en matière de délimitation et de démarcationdans la

régiondu lac Tchad devraientêtre résoluespar lesmembresde la C.B.L.T.,dans le cadrede la

constitutionetdes procéduresde la Commission. 1.58 Ces conclusions sont avancées sans référence àla teneur de l'arrêt dela

Cour du 11juin 1998sur les exceptionspréliminaires dans la présenteaffaire.Dans cet arrêt,

la Cour a rejeté, par16 voixcontre une, la deuxième exception préliminaire duNigénaselon

laquelle les Parties auraient,pendant unepériode d'au moins 24 années,au cours des contacts
qu'elles onteu régulièrement, accepté l'obligationde réglertoutes les questions frontalières

au moyen des mécanismesbilatéraux existants ;ellea égalementrejeté, par15voix contre2,

la troisième exception préliminaire selonlaquellele règlementdes différends frontaliersdans

la régiondu lac Tchadrelèvede la compétence exclusive de la Commissiondu bassin du lac

Tchad ; et elle a de même rejeté, par13voix contre4, la quatrièmeexceptionpréliminairepar
laquelleleNigénaprétendaitque la Courne devrait pasdétermineren l'espèce l'emplacement

de la frontièredans le lacTchad dansla mesureoùcette frontièreconstituelepoint triple dans

le lac ou est constituéepar lui''.

1.59 Le chapitre 14 du contre-mémoirei,ntituléde manièrefort tendancieuse,

"Darak and the nigerianLakeChad villages ", est égalemenmt uet sur la teneurde l'arrêt dla
Cour du 11juin 1998 sur les exceptionspréliminaires dansla présenteaffaire. On pourrait

croire que le Nigériaavaitrédigé le chapitre 14de soncontre-mémoireet ses conclusionssur

le lacTchad avantque la Cour ait rendu sonarrêe tt qu'il n'apas révisni nuancé,ces parties

de son contre-mémoire à la lumière de cet arrêt. Le chapitre 3 de la présenteréplique

analyserales questionsrelatives àla frontièredanslelac Tchadplus en détail.

1.60 Le même genre deremarquespeut être faitau sujet du traitement de la

délimitation maritimeaux chapitres 20 et 22 du contre-mémoire.Comme les chapitres 7 à 9

de la présente réplique en apporteront la démonstration, leNigéna, en cherchant à contester

l'arrêtde la Cour du 11 juin 1998 (dans la mesure ou il rejette la septième exception

préliminaire),et en refusantde présentersa proprelignede délimitationmaritime(que ce soit

jusqu'au point G ou au-delà), se met, pour cet aspectde l'affaire,dans la position d'un Etat
qui "s'abstient de fairevaloirsesmoyens"danslesensde l'article 53 du Statutde la Cour. Le

Nigériaa certes le droit de plaider sa cause sur la délimitation maritimede la façon qu'il

estime être lameilleure ;le seul commentairedu Camerounest que la position présentedu

Nigénasur la délimitation maritimeest non seulementun manque de respect à l'égardde la

" C.LJ.,arrêt,1juin 1998, affaire laFrontièreterresireet maritimeenire le Camerounet le Nigéria
(exceptionspréliminaire, ec. 1998,p. 54,par.118.

39Cour, encherchant à faire valoirdes argumentsquela Cour a déjà écarté dsans son arrêtu 11
juin 1998,dansla mesure où la Haute Juridictiona rejetéla septièmeexception préliminaire

du Nigéria,maisqu'elle comporteen outre certainsrisques pour le Nigérialui-même, comme

le suggèrelajurispmdencede la Cour surl'applicationde l'article53 du Statut.

Section4 : PLAN DELA REPLIOUE

1.61 La répliquede laRépubliquedu Cameroun suit le plan suivant :

- La PremièrePartie est consacrée à la kontièreterrestre entre le Cameroun et le Nigénaet

comportecinqchapitresportantrespectivementsur :

- lesprincipesapplicables (Chapitre 2)
- larégiondu lacTchad (Chapitre 3)

- du lacTchad à Bakassi (Chapitre 4)

- la péninsuledeBakassi (Chapitre 5)
(Chapitre 6)
- letracéde la frontièreterrestre
-LaDeuxièmePartieporte surla kontièremaritimeet comporte troischapitres :

- lanécessitéd'une délimitationmaritimerapide,complète

et définitive (Chapitre 7)
- le secteurdélimité(jusqu'aupoint G) (Chapitre 8)

- la délimitationmaritime au-deldàu pointG (Chapitre 9)

-La TroisièmePartie est consacrée à la responsabilité internationale duNigénaet comporte
trois chapitre:

- lesprincipesapplicables (Chapitre 10)

- les actesinternationalementillicites imputablesauNigéria (Chapitre 11)
- lesdemandesreconventionnellesprésentéespalre Nigéria (Chapitre 12)

Enfin, le chapitre13présente lesconclusionsde laRépubliquedu Camerounen ce qui

concernecettephasede laprocédure. 1"'"PARTIE

LA FRONTIERE TERRESTRE CHAPITRE 2.

LESPRINCIPES APPLICABLES2.01 L'importancedes traitésde frontières,la présomption à l'encontrede la
divisibilité des instruments conventionnels, la prédominance du titre conventionnel et la

pertinence secondairedes effectivités,ainsi que les questions de preuves comptent parmi les

questions fondamentalessoulevéespar l'affaireen cours. Leigéria,qui admet, "en principe",

la pertinence des instruments juridiques définissant la frontière invoquéspar le Cameroun

omet de prendre en compte ces principes fondamentaux (section 1). Il tente d'échapper aux

obligations qui s'imposenà lui en vertu des traitéset accords internationaux applicables en
faisantfide la prédominancedu titre conventionnel sur les effectivités colonialesou post-

coloniales (section2) et en recouraàdes moyens de preuve (section 3) etàdes méthodesde

délimitation- qu'ilne distinguepas de la démarcatio-(section 4) pour le moins singuliers.

Section1 : L'ACCEPTATION PAR LE NIGERIA DES
INSTRUMENTS JURIDIQUES DEFINISSANT LA
FRONTIEREET SES CONSEOUENCES

1- Constatationde l'accord desParties

2.02 Le droit international attribue un statut particulier aux traités établissant

des frontières.Lesraisons en sont évidentes.Sans un mécanismeintemationalement reconnu

de créationet demodification de l'extensionspatiale d'un Etat,le systèmeinternational, fondé
sur un systèmederelationsentre Etats, ne pourrait pas fonctionner.

Comme l'adéclaré la Cour :

"La fixation d'une frontière dépendde la volonté des Etats souverains
directement intéressés. ien n'empêche lesparties de déciderd'uncommun
accord de considérerune certaine ligne comme une frontière, quel qu'aitété
son statut antérieur. S'ils'agissait déjàd'unefrontière, celle-ci est purement

et simplement confirmée. S'il ne s'agissait pas d'une frontière, le
consentement des parties à la 'reconnaître' comme telle conîëreà la ligne
une forcejuridique qui lui faisait auparavantdéfaut"'.

IC.I.J.arrê3,févri1994,affaireduDifférendTerritorial (Jamahiriyaarabe libyenne/Tchad),Rec. 1994, p.
23, par.45.2.04 Les' Etats peuvent fixer leurs JÏontières par des actes de volonté

souveraine. Ils n'y sont pas obligés, mais, lorsqu'ils ont conclu de tels accords, ceux-ci

s'imposent aux Parties. Dès son entrée en vigueur, le traité créeune situation objective,
indépendamment du statut du traité aufil des ans. La frontière est fixe, immuable. Elle ne

peut être modifiéeque par consentementmutuel. Comme la Cour le souligne :

"Une fois convenue, la frontièredemeure, car toute autre approchepriverait
d'effetle principe fondamental de la stabilitédes frontières,dont la Cour a
souligné à maintes reprises l'importance."(Templede PréahVihéar,C.I.J.

Recueil 1962, p. 34 ; Plateau continental de la mer Egée,C.I.J. Recueil
1978,p. 36).

"( ...) Une frontièreétabliepar traitéacquiert ainsi une permanence que le
traitélui-même ne connaît pas nécessairement(. .) lorsqu'unefrontièrea fait

l'objetd'unaccord, sa persistance ne dépendpas de la survie du traité par
lequel laditefrontière aété convenue"'.

2.05 Le Tribunal d'arbitrage a souligné,dans l'affaireErythrée/Yémen (Phase

1: TerritorialSovereignty and Scope of Dispute), en ce qui concerne les traités frontièresq ,ue

"this specialcategoryof treatiesalso representsa legalreality which necessarily impingesupon

third States,becausetheyhaveeffecterga omnes".

2.06 La frontièresur laquelle les Etatsse sont accordés par traités'impose non

seulement aux Parties qui ont signéce traitémais également à leurs successeurs4.L'article11

de la Convention de Vienne sur la succession d'Etats en matière de traités énonce :"une

succession d'Etats ne porte pas atteinte en tant que telle : (a) à une frontière établie parun

traité". Ceprincipe préservela situationjuridique existant au moment de la succession ;il est
en ce sens essentiellementnégatif danssa formulation, mais il comprend cependantun volet

positif en ce qu'il impose le respect des accords frontaliers fondés sur le traité

indépendammentdu mécanismede succession dYEtats.La Cour l'aconfirmé :"La mêmerègle

Ibid., p. 37,pars.72-73.
' Sentencearbitrale,9 octobre1998,par.153.
4 C.I.J.,arrê3, février1994, affairedu DiXirend Territorial(Jamahiriya arabe libyenneflchad),Rec. 1994,
p. 38, par.75.de continuitéipso jure des traités de frontièreet des traitésterritoriaux est reprise dans la

Convention de Vienne de 1978 sur la successiond'Etatsen matièrede traité^"^.

2.07 L'article 62, paragraphe 2, de la Convention de Vienne sur le droit des

traités dispose : "Un changement fondamental de circonstances ne peut pas être invoqué

comme motif pour mettre fin à un traité ou pour s'en retirer : (a) S'il s'agit d'un traité

établissantune frontière7&.

2.08 Ainsi, un traitérelatif à une frontière,entréen vigueur entre les Parties
concernées,établitun régimetemtonal objectif, qui ne peut être modifié ni du fait d'une

succession au titre pour l'unedes Parties ou les deux, ni du fait d'unchangementfondamental

de circonstances.

2.09 La délimitationde la frontière depuis le point triple à l'intérieurdu lac
Tchad jusqu'àBakassi et jusqu'au point G, au-delà de la mer temtoriale, a été établiecomme

suit, sur la base des instruments pertinentss'imposantaux Parties :

1. Le point triple du lac Tchad :

- La Déclarationfranco-britanniquedu 10juillet 1919(DéclarationMilner-
Simon) confirmant la Convention anglo-allemande du 19 mars 1906 ; la
Convention franco-britannique du 29 mai 1906 et la Convention franco-
allemande du 9 avril 1908. La Déclaration de1919 fut confirméedans les

accords de mandat, dans 1'Echangede letîres du 9janvier 1931 annexé à la
DéclarationThomson-Marchand etdans les accordsdetutelle.

2. Du tripoint à la rive du lac Tchad :

- La Déclaration franco-britanniquedu 10juillet 1919 confirméedans les
accords de mandat, dans l'Echangede lettres du 9 janvier 1931 annexé à la
DéclarationThomson-Marchand et dans les accordsdetutelle.

5
C.LJ.,arrêt2,4 février1982, affaireduPlateau continental (Tunisiehmahiriya arabe libyenne), Rec.1982,
p. 66, par. 8; v. égalementC.LJ.,arrêt2,5 septembre1997, affaire duProjet Gabcikovo-Nagymaros, Rec.
1997, p.72, par.123.
V. égalementl'article62, paragraphe2, de la Copventionde Vienne surle droitdes traitésentreEtatset
organisationsinternationales1986.3. Du lacTchad au MontKombon :

- La Déclarationfranco-britannique de 1919, telle que confirmée dans
1'Echangede lettresde 1931.

4. DuMont Kombon à laborne64 :

- Le Nigeria (Protectorate and Cameroons) Order in Council du 2 août
1946,puisque cettefrontièreétait, à l'origine,la ligne séparant le Cameroun

septentrional du Cameroun méndional administrés parla Grande-Bretagne
conformémentauxaccordsdemandat et de tutelle. Cette ligne futréaffirmée
dans la NorthernRegion, WesternRegion and Eastern Region (Definition of
Boundaries) Proclamation de 1954(MC, Livre V, annexe 202) ,leNigerian
Order in Council(Constitution)de 1954et leNorthern Cameroons Order in

Council (Administration) de 1960 et le Southern Cameroons Order in
Council (Administration) de 1960. Cette ligne interne britannique fut
retenue aux fins des plébiscitesdes Nations Unies de 1959 au Cameroun
septentnonal et méridional,qui eurent lieu dans le contexte temtorial défini
par l'Orderin Councilde 1946.Les Nations Unies acceptèrent les résultats
de ces plébisciteset, par conséquent, le Cameroun septentnonal a été

rattachéauNigériaet le Camerounméndional à la Républiquedu Cameroun
dans les limitestemtoriales formuléesdans 1'Orderin Councilde 1946.

5. De la"borne 64" à laborne 114sur la CrossRiver :

-Le Traitéanglo-allemanddu 12avril 1913(le traitéd'obukurn).

6. De la borne 114 sur la Cross River jusqu'à l'intersectionavec la ligne droitejoignant
Bakassi Point etKing Point etlecentredu chenalnavigable de l'Akwayafé :

-Le Traitéanglo-allemanddu 11mars 1913.

7. De l'intersection de la ligne droite reliant Bakassi Point et King Point et le centre du
chenal navigable de l'Akwayafé jusqu'aupoint 12 :

- L'AccorddeYaoundéIIentre leCameroun et leNigéria du4 avril 1971.

8. Du point 12au point G :

- L'Accordde Maroua entre le Cameroun et le Nigéria en date du 1" juin
1975.

2.10 Le Nigéria,dans son contre-mémoire,a explicitement acceptéla validité
des instrumentssuivants :

1. LaDéclarationMilner-Simonde 1919et laDéclarationThomson-Marchandde 1930.
Le Nigériaestime que : "The northem end of the land boundary is described in both the Milner-
Simon Declarationand the Thomson-MarchandDeclaration as being at 'the
mouth of the Ebeji [River]'. Cameroon accepts that starting-point: so does
Nigeria. Both Cameroonand Nigeria thus accept the relevant terms of the
applicable Declarations (...). The southem end of that stretch of the

boundary still govemed by the Miiner-Simon and Thomson-Marchand
Declarations terminates at a peak, often referred to (and identified by
Cameroon in its final submissions as) Mount Kombon (...)Thus again,
Cameroonrelies on theterms ofthe Thomson-MarchandDeclaration;so too
does Nigeria (...The terms of those instmments are an acceptable starting

point for the delimitationof the boundary and Nigeria in principle accepts
them on that basis (...)" (CMN, vol. JI ,p. 479-480, pars. 18.7-18.8 ;
italiquesdans letexte).

LeNigéria noteégalement que

'Wigeria does not challenge the legal validity of the Milner-Simon
Declaration,its adoptionby referenceas part of the Mandates for the British
and French Cameroons, or the legal validity of the Thomson-Marchand
Declaration asconfirmed by the Exchange of Notes of 9 January 1931"
(CMN,vol. II,p. 541,par. 19.67).

2. Le Nigeria (Protectorateand Cameroons) Order in Council du 2 août 1946 à propos
duquel le Nigériaécritque :

"Nigeria does not challenge the legal validity of the Order in Councii"
(CMN,vol. II,p. 547,par. 19.81).

3. Le Traitéanglo-allemanddu 12avril 1913(enpartie).

LeNigéria déclare que :

'Wigeriain principle accepts the delimitation of the boundary as set ouin
the Anglo-GermanDemarcationAgreement of 12April 1913. In particular,
andin relationto the Sector of the boundary now under consideration [de la
bome 64 à la bome 1141,Nigeria does not challenge the legal validity of
that Agreement" (CMN, vol. II,p. 550,par. 19.91).

4. Le Traitéanglo-allemanddu 11mars 1913(enpartie).

Le Nigériaadmet que la ffontièreentre la bome 114 et "the Northem limit of Bakassi" est
délimitéepar ce traité.lindique :

"Nigeria in pnnciple accepts, for the Sector presently under consideration,
the delimitationof theboundaryas set out in the relevant parts of the Treaty
of 11 March 1913.Inparticular,and in relation to the Sectorof the boundary
now under consideration, Nigeria does not challenge the legal validity of
thatTreaty"(CMN,vol. II,p. 553,par. 19.107).2.11 Le Nigéria exprimedes réserves concernant certainsde ces instruments,
mais elles relèvent du domaine des incertitudes de démarcation et ne peuvent affecter la

reconnaissancedes accordsde délimitationeneux-mêmes.

2.12 En fait,le Nigériaaffirmeclairementque :

"The land boundarybetween Lake Chad and Bakassi as it is todayis thus
principally theresultof the followinginstruments:
"(1) the Thomson-MarchandDeclaration 1919-1931(asto thestretch
fromPoints Jto K on the sketchmap at Map 56 in the Atlas, particularising
the earlierMilner-SimonDeclaration 1919);

"(2) theNigeria(Protectorateand Cameroons)Order in Council1946
(as to the stretch fromPointsK to F onthat sketchmap);
"(3) the Anglo-GermanDemarcationAgreementof 12 April1913 (as
to the stretchfromPoints F to G on thatsketch map);
"(4) the Anglo-German Agreement of 11 March 1913 (as to the
stretch from Points Gto H on that sketch map)"(Cm, vol. II,p. 487,par.

18.28);

"As regards the land boundary between Lake Chad and Bakassi, Nigeria

does not cal1into question the validityas such of the instrumentson which
that land boundaryis based" (CMN, vol. II,p. 501, par. 18.55 ; italiques
ajoutés);

et que :

'Wigeriaaccepts inprinciple the delimitationof the boundary as setout in
the instruments which are pnncipally relevant to the delimitation of the
present land boundarybetween Nigena and Cameroon between LakeChad
and Bakassi" (CMN,vol. II,p. 509,par. 19.1 ;italiques ajoutés).

2.13 L'utilisation de termes tels que "as such" et "in principle" dans ces

affirmations està la fois ambiguë et dangereuse. Cela suggère qu'il existeen réalité une

réserveposée à cette acceptationapparentequi estseulement conditionnelle et partielle. Cela

affaiblitl'engagement. Le Nigérin aie aussi êtrelipar les accords internationauxdéterminant
le point triple du lacTchad oupar le Traitédu 11mars 1913,dans la mesure oùil concernela

presqu'iledeBakassi, oupar l'Accordde Maroua. Il n'apas clairement exprimé saposition sur

l'Accordde YaoundéII de 1971. Le Cameroun n'accepte pasces dénonciationsillicites et

reviendrasurce point dans le chapitre 8de la présenteréplique. 2.14 La reconnaissance explicite des délimitations defrontière par le Nigéria
entraînedes conséquencesjuridiques. Comme la Cour l'asouligné :

"Reconnaître une frontière,c'estavant tout 'accepter'cettefrontière, c'est-à-
dire tirer les conséquences juridiques de son existence, la respecter et

renoncer à la contester pour l'avenir"'.

l 2.15 Même sides différendssur la démarcationpeuvent survenir une fois que
la frontière a été délimitée par les Partieo su par leurs prédécesseurs,celle-ci ne peut être

remise en question ultérieurementni modifiée,sauf par consentement mutuel. Le Nigériase

trouvedonc dans l'obligationde respecter les accordsinternationaux auxquelsil est partie, que

ce soit par voie de succession ou en vertu de sa propre volonté souveraine. Une fois la

délimitation acceptée, ilne peut la remettre en cause en alléguant des incertitudes sur la
démarcation.

52 - La tâche de la Cour

2.16 Les différends en matière de délimitation de frontièreconstituent des

différendsd'ungenre particulier. La nécessitéde disposer de frontières fermement établieset

incontestées s'impose en droit international, Le Tribunal d'arbitrage dans l'affaire Guinée-

Bissa/u Sénégala noté :
"Une frontièreinternationale est la ligne forméeparla successiondes points

extrêmes du domainede validitéspatial des normes de l'ordrejuridique d'un
Etat. La délimitation dudomaine de validité spatial de l'Etatpeut concerner
la surface terrestre, les eaux fluviales ou lacustres, la mer, le sous-sol ou
I'atmosphère.Dans tous les cas, le but des traitésest le même : déterminer
d'une manière stable et permanente le domaine de validité spatial des

normesjuridiques de 1'~tat"'.

2.17 Le but de tels accords de délimitationest d'arrêter et de consolider une
situation temtonale donnée. C'est à la Cour de déterminer les instruments juridiques

applicables et de rendre sa décision compte tenu de l'importance décisivedu principe de

stabilitéet depermanence des frontières internationales. Comme la Cour l'asouligné :

' C.I.J., arrêt3, février1994, affairedu DzfférendTerritorial(Jamahiriya arabe Iibyenne,ec. 1994,
p. 22, par. 42.
Sentencearbitrale,31 juillet1989,affairede la Déterminationde lafrontière maritimeentre la Guinée-Bissau
etIeSénégalR, .G.D.I.P., 1990,p. 253. "lorsque deux pays définissententre eux une kontière, un de leurs
principaux objectifsest d'arrêturnesolution stableet définitivevg.

Dans l'affai- du Templede PréahVihéarl,aCoura déclaré :

"La Cour croit pouvoirlégitimement conclure qu'unbut important, pour ne

pas dire essentiel, des arrangementsde la période de 1904 à 1908 (qui ont
amenéun règlementgénérad le toutesles questionsde frontièresen suspens
entre les deux pays) étaitde mettre fià cet état de tensionet de réaliserla
stabilité desfrontièresd'unemanièrecertaineet définitive"I0.

2.18 Dans l'affairedu Canal de Beagle, le Tribunal a noté que"a limit, a

boundary, across which the jurisdiction of the respective bordering States may not pass,

implies definitivenessand permanence"".

2.19 La Cour est revenue sur les principes applicables en matière de
délimitationdefrontières dans l'affaireduPlateau continentalde la merEgée :

"Qu'ils'agisse d'unefrontièreterrestreou d'unelimitede plateau continental,

l'opérationest essentiellement lamême;elle comporte le mêmeélément
inhérentde stabilitéet de permanence et est soumise à la règle quiveut
qu'un traité delimitesne soitpas affectépar un changementfondamentalde
circonstance^"'^.

2.20 La tâche de la Cour dans la présente affaire est de déterminerles

frontières, demanière àrefléterles accordsde délimitation s'imposant aux Parties en donnant

effet aux exigencesde stabilitéet depermanencedes frontières.

§ 3- Laprktenduedivisibilitédes instruments conventionnels

2.21 On ne sauraitcontester à la légèreles délimitationsde frontières,car"the
re-opening of the legal status of the boundaries of a State may give rise to very grave

consequences,whichmay endangerthelifeofthe Stateitself'".

10.I.J.,arrê1,5juin 1962,affaireduTemplede PréahVihéa, ec. 1962,pp. 34-35.
Ibid.
"12entencearbitrale,18février1977,R.S.A.,vol.XXI,pp.88-89.
C.I.J.,mêt,19décembre 1978,affaireduPlateau continenle la mer Egée (compétenc).ec.1978,p. 36.
lSentencearbitrale,19octobre1981,affaireDubaüShagahBorder,I.L.R.,vol.91, p. 578.2.22 Le droit intemational présume que les traitésdélimitant une frontière

posent une frontière permanente, définieet complèteen l'absencede preuves manifestes du
contraire. Cespreuves sont singulièrementabsentes de la présentationduNigéna.

2.23 Le Nigéria atentéde remettre en causedes accords auxquels il est partie,

que ce soit directement ou en tant qu'Etat successeur. Parmi ces accords, on peut citer les

instruments délimitantla frontièredans le lac Tchad, une partie du Traité anglo-allemanddu
11 mars 1913, l'Accord de Maroua de 1975. Ces sujets seront abordés plusloin dans la

réplique.Dans le présentparagraphe, le Cameroun traitera de la tentative de division des

traitésqui sont opposables au Nigéna, de manière à reconnaîtrecomme valide ce que celui-ci

est préparéà accepter et déclarernon valide ce qu'ilperçoitmaintenantcommeétantgênant.

2.24
L'affirmation du Nigéria selon laquelle il seraità même d'opérer une
division entre les dispositions du Traitéde mars 1913 (pour exclure la validitédes articles

faisant référenceà la presqu'île de Bakassi) est fondéesur l'argument selon lequelnemodut

quod non habet. Selon cet argument, la Grande-Bretagnen'avaitpas de titre souverain sur la

presqu'île deBakassi à transmettre àl'Allemagne puisquece titre appartenaità une prétendue
entitédénommée "the Kings and Chiefsof Old Calabar".Le Traitéde protection signéle 10

septembre 1884 avec ce groupe n'indiquait pas expressémentle transfert d'un tel titre

temtonal à la Grande-Bretagne. Cet argument sera examinéplus loin (v. infra, chapitre 5,

section 2).Ilpose cependant une question de principe. Lestraités doivent êtreonsidérésdans

leur intégralité. ord McNair l'anoté:

"unless the treaty, expressly or by implication, permits reservations or
certainkinds of reservations a partywho signs and (whennecessary) ratifies
a treaty, or who accedes to a treaty,becomes boundby the whole treaty;he
is not &eeto severand exclude fiom his acceptanceprovisions to which he
objects, except withthe assent of the otherparties"'4.

2.25
L'article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de1969
rappelle le principe selon leque:"Tout traitéen vigueurlie les parties etdoit êtreexécutépar

elles de bonne foi". Le Traitéde mars 1913 est acceptécomme valide et en vigueur par les

deux Partiesdans laprésente affaire.11doit donc êtreexécutépar les Partiesdebonne foi.

14TheLawofTreaties, ClarendonPress,Oxford,1961,p. 484 L'article44 de la Conventionde Vienne préciseégalement :
"(1)Le droit pour une partie, prévudans un traitéou résultant de l'article56,

de dénoncerle traité,de s'enretirer ou d'en suspendre l'application ne peut
êtreexercéqu'àl'égardde l'ensembledu traité, à moins que ce dernier n'en
dispose ou quelesparties n'enconviennentautrement.

"(2)Une cause de nullitéou d'extinction d'un traité,de retrait d'une des

parties ou de suspensionde l'applicationdu traitéreconnue aux termes de la
présente Convention ne peut être invoquée qu'à l'égardde l'ensemble du
traité".

2.27 Cela signifie,à tout le moins, qu'ilexiste une forte présomptionque les

traités acceptéscomme valides doivent être interprétés globalemene tt l'ensemble de leurs

dispositions respectées etappliquées.Les Parties ne peuvent choisir les dispositions du traité

qui doivent être appliquées ec telles qui ne doivent pas l'être,elles ne sauraient faire un tri
("pick and choose"), en l'absenced'une disposition leur permettant d'agir de la sorte. Ce

principe applicable à tout traité prendtout son sens dans le cas de traitésfrontaliers pour les

raisons exposées ci-dessus.Etantdonné quele Traité de mars 1913ne contient aucune réserve

quant aux dispositions concernant la frontièrede Bakassi, les Parties et leurs successeurs sont

tenus de respecter le traitétant qu'il est en vigueur, ainsi que, en permanence, le régime
temtonal objectif qui y est établi.Seul un consentement àmodifier cette situation temtonale

peut en changerles termes.

2.28 La Cour permanente a abordé cettequestion dans l'affaire du Traitéde

Lausanne,article 3,paragraphe 2, dans laquelleelle a estimé :
"Il résulteencorede la nature mêmed'une frontièreet de toute convention

destinée à établirles frontières entre deux pays, qu'une frontière doit être
une délimitationprécise dans toute sonétendue (..) il est naturel que tout
article destinéà fixer une frontière soit,si possible, interprété detelle sorte
que, par son application intégrale, une frontière précise, complète et
définitivesoitobtenue"".

lC.P.J.L.avis consultatif,21 novembre1925,SérieB, no12,p.20. 2.29 Dans l'affaire relative à la Souveraineté sur certaines parcelles

frontalières, la Cour a notél'intention communedes Parties de "régleret arrêtertout ce qui a

rapport à la délimitation"et a ajouté :

"Toute interprétation qui feraittenir la Convention de délimitationcomme
laissant ensuspens et abandonnant à une appréciationultérieuredustatu quo
la détermination de l'appartenance à l'un ou l'autre Etat des parcelles

litigieuses,serait incompatibleavec cetteintention commune"16.

2.30 Dans l'affaire du DSfférend territorial (Jamahiriya arabe

libyenne/Tchad),la Cour a estiméque l'article3 du Traitéfranco-libyen de 1955visait à régler
toutes les questions de frontière" et que,de ce fait, "le traitédoit (...)être considéré comme

ayant établiune frontière Utilisant une formulation a contrario, elle a ajouté :

"Rien n'indique dans le traitéde 1955 que la frontière convenue devait êtreprovisoire ou

temporaire"'9.Celasuggèrequ'enl'absencede toute preuve du contraire,le traitéfrontalierest

présumédéfinitif,complet et précis. Dansle même sens, le Tribunaldans l'affaire de la

Frontière desAndesentre l'Argentineetle Chili,a soulignéque

"Since the 1902 Award was a valid Award, it must be assumed to have
settledthe entire boundarybetween Argentinsand Chile in the area covered
by itnZ0.

2.31 Certainsjuges de la Cour ont insisté sur cepoint.Le Juge Shahabuddeen,

dans son opinion individuelle concernant l'affairedu Dzflérendterritorial (Jamahiriya arabe

libyenne/Tchad)a déclaré :"Le principe de la stabilitédes frontièresest des plus utiles (..).

[Llorsque (. ..)il est invoquéau sujet d'une frontière prétendument fixéepar un traité,il

convient de l'employerpour l'interprétationet l'application du traité"", tandis que le Juge

Ajibola, dans son opinion individuelle dans la même affaire, affirmait : "Selon la règle

spécialed'interprétationdes traités frontaliers,de tels instruments sont réputés, saufpreuve

contraire, avoir été conclus en vue d'assurerla paix et la stabilitéet ce, de façon définitive"".
Comme la Cour l'aelle-même énoncé :"Une fois convenue, la frontière demeure car toute

l6C.I.J.,arrêt,0juin 1959,Rec. 1959, pp.221-222.
l7C.I.J.,arrêt,févrie1994,Rec. 1994,p. 24,par.51.
l8Ibid.,p.37, par.72.
lIbid.
21Sentencearbhale,24novembre1966,I.L.R.,vol.38, p. 81.
C.I.J.,arrê3t,févri1994,Rec. 1994,p. 50.
l2Ibid.,p.64.autre approchepriverait d'effetle principe fondamentalde la stabilité desfrontières,dont la

Cour a souligné àmaintes reprises l'importance"23.

2.32 Il y a lieu de releverà cet égard,que le préambuledu Traitéde mars

1913est formulécomme suit :

"The Government of His Britannic Majesty and the Imperia1German
Government being desirous of amving at an Agreement respecting(1) the
settlement ofthe frontier betweenNigeriaand the Cameroons,fromYolato
the sea" (MC, LivreIII, annexe 82).

La formule souligne l'intention claire des deux Parties au Traité de fixerdéfinitivementet

complètement lafrontièreentreleNigériaet le Camerounde Yolajusqu'àla mer (incluantde

ce fait, bien entendu, la presqu'îlede Bakassi), ce qui, en accord avec la jurisprudence, doit

êtreinterprétécomme implicant"une frontièreprécise,complèteet définitive".

2.33 Non seulementlestermes duTraitéde mars 1913sont en eux-mêmetsrès

clairs sur la délimitationde la fkontièrede Yolajusqu'àla mer, plaçant Bakassi au Cameroun,

mais le conceptmêmede traité frontaliersupposela volontédes Partiesde fixerune frontière

de manièreprécise,complèteet définitive.Il faudraitune preuve particulièrementclaire pour

fairetomber cetteforteprésomption,si profondément ancréd eans le "principe fondamentalde
la stabilitédesfrontières".

2.34 La tentative du Nigériade renverser,pour partie, cette présomption est

non seulement faible en termes d'arguments juridiques, mais encore potentiellement

dangereuse. La plupart des traitésétablissant desfrontièressont des documents complexes
visant à prendreen compte les intérêt trèsdivers desparties.La communautéintemationale a

affirméle principe de stabilité des frontièresen tant qu'élémentvital et fondamental du

systèmejuridique international,et de ce fait, les imperfections éventuellesd'unedélimitation

doivent êtreacceptées auvu des objectifs supérieurs decette communautéqui a besoin de

sécuritéjuridique afm de réduireaumaximum les risquesde conflits. La demandeduNigéria

de pouvoir choisirparmi les dispositionsd'un traité frontaliercellesqui lui conviennent,alors

lbid., p. 37,par.72.qu'ilreconnaît ce traitécomme un documentjuridique valide, est présomptueuseautant que
dangereuse .

5 4- Les ambiguïtésde la thèse nigériane

2.35 Le Nigéria,non content dechercher àamputer certainesdispositionsd'un

traitéen vigueur afin de se libérer des obligationsqu'il choisit de ne pas respecter, tente

égalementde saper l'autoritédes traités'qu'ilreconnaît pourtant commevalides. En dépitde

sa déclarationclaire selon laquelle:"there is in pnnciple no dispute that the delimitationof
the land boundary between Lake Chad and Bakassi is to be camed out on the basis of the

instruments invoked by Cameroon" (CMN, vol. iI ,. 500, par. 18.54),il poursuit en notant

que "Nigeria does not agreethat the terms of those instrumentsare sufficientin themselvesto

constitute the 'definitivespecification' ofthe land boundary for which Cameroonhas asked"
(CMN,vol. II,p. 503, par. 18.59).

2.36 Le Nigéria confond ici délimitation et "definitive specification". Le

Cameroun demande à la Cour de confirmer la frontière, telle qu'elle estdélimitée par les
accords internationaux valides, pertinents et contraignants. Une telle confirmation sera

certainement suivie d'une démarcationsoigneuse et précisepar les Parties. Une"definitive

specification" ne saurait êtreérigéeen un nouveau concept, regroupant délimitationet

démarcation,qui auraitpour conséquencede placer les de démarcationau même
niveauque les problèmesde délimitation,relançantainsi les questionsdekontièrerésoluesde

longue date par des accordsjuridiques en bonne et due forme. Il ne s'agiten aucun cas d'un

terme de l'art,mais d'uneexpression utilisée parle Nigéria pourgénérelra confusion.Il y a

deux étapes bien distinctes,la premièreétantla délimitationet la secondela démarcation. Si
la "definitive specification" estutiliséesimplementcomme synonymededélimitation,cela est

inhabituel mais ne pose pas problème. Si, en revanche, ce terme est utilisépour recouvrir

quelque chose qui va plus loin que la délimitation,il est juridiquementdénde sens et, dans

le contexte dece litige,abusif.

2.37 Le Nigériamélange l'acceptationdes instruments juridiques pertinents

avec les incertitudes de la démarcation.Ce faisant, il tente implicitement de remettre en

questionla portée deces instruments. Celaressortde la citation suivan:e 'Wigeria accepts in principle the delimitation of the boundary as set out in
the instmments which are principally relevant to the delimitation of the
present land boundary betweenNigeria and Cameroon between Lake Chad
and Bakassi.

"Those instruments do not, however, constitute an adequate 'definitive
specification' of thelandboundas: as soughtby Cameroon in itsAdditional
Application intheseproceedings.Thereare threeprincipal reasons :

"(1) Cameroon'sown official maps show a boundary which is in places

demonstrably inconsistent with the boundary as delimited in those
instmments (...) ;

"(2) the terms of those instrumentsdo not reflect long-establishedpractices
and local agreementswhich have varied the land boundary as delimited in

those agreements (...) ;

"(3) in manyplaces those instnunents describe the land boundary in terms
which give rise to difficultywhenthe attempt is made to apply themon the
ground (...).

"It is principallyforthesereasonsthatNigeria qualifiesits acceptanceof the
delimitation oftheboundaryb- -herelevant instrumentsas an acceptance'in
principle"' (CMN,vol.II,p. 509,pars. 19.1-19.3).

2.38 Chacune de ces questionssera abordée dansla présenteréplique. Mais

des incertitudesquant à la démarcationetdes modificationspossibles sur la base depratiques
locales acceptéesne remettent pas, etnepeuventpasremettre, en question la validitéjuridique

de la délimitationelle-même.Ce qu'insinuele Nigérialorsqu'ilqualifie son acceptationde la

délimitationde la frontièrepar les instruments pertinentsd'acceptation"in principle" est fort

obscur ;cettemanièrede s'exprimercherche àjeter le doute sur la délimitationelle-mêmec,e

qui n'estpas acceptable.

2.39 Les traitéspeuventcomporterquelques ambiguïtés ;cela vaut aussipour

les traités frontaliers. La méthodologie d'interprétatio nes traités développée par le droit

international répond à ce problème.Mais des divergencesd'interprétation,ou des difficultés
de compréhensionde termes ou de dispositions,n'ontjamais remis en question la validité

juridique de I'instrumentlui-même. Validité et interprétationsont deux concepts distincts en

droit.2.40 Le Nigérias'efforcede faire naître l'incertitude quaàtla position du
point triple du lac Tchad en affirmant que, selon la Déclaration Milner-Simonde 1919:"La

frontièrepartira du point de rencontre des trois anciennes kontières britannique, française et

allemande,placé dansle lac Tchad par 13'05' de latitudenord et approximativement 14"05'de

longitude est de Greenwich" (MC, Livre III a,nexe 107). Le doute concernerait l'adverbe

"approximativement" ("approximately") (CMN, vol. II, p. 388, par. 16.21). Cependant, la
formule de 1919est reprise par la DéclarationThomson-Marchand,confirméepar les accords

de mandat et de tutelle. Elle fut encore clarifàéla suite du travail de la Commission du

bassin du lac Tchad (v. MC,p. 375, pars. 4.107 et S.).Le point triple est passéde la phase de

délimitationa celle de démarcationpar la pose d'unebaliseà un point déterminé (à 14" 04'

59" 9999, MC, p. 384, par. 4.128;v. aussi la présenteréplique, chapitre3, pars. 3.17-3.25).

2.41 Le Nigéria accepte la validité des instruments de 1919 et de 1931

(confirméepar lesaccordsde mandatet de tutelle),mais semble nier la validité du point triple

de la frontière à cause du terme "approximativement" ("approximately") qualifiant la
longitude.Il chercheà transformerune donnée comportantune imprécision textuelle (rectifiée

par le travail de la Commissiondu bassin du lac Tchad, qui, cependant, n'est, apparemment,

pas acceptée parle Nigéria)enun motifd'invaliditépartielle.

2.42
Le Nigéria déclareégalementqu"e 'the mouth of the Ebeji'[le point situé
sur la rive méridionaledu lacTchad marquantle commencementde la frontièreterrestre] used

in the 1919 and 1929 Declarationsis not certain, and would be particularly confusing if the

courseof that riverad changedinanywayover theyears"(CMN, vol. iI p. 389, par. 16.24). 11

relèveque 1'Ebejia deux bras principaux, chacun comportant une embouchure propre dans le
lac Tchad (CMN, vol. II, pp. 479 et 526,pars. 18.7et 19.40).Cependant, comme le Cameroun

l'a démontré,le problème a été résolupar les experts de la Commission du bassin du lac

Tchad, qui ont déterminé le point exactde l'embouchurede la rivière correspondant au point

pertinentà l'époque de1'Echangede lettres de 1931 (MC, p. 383, par. 4.125 ; v. également
infra, chapitre 3, pars. 3.21-3.22).

2.43 De telles questions surviennent de tempsà autre dans l'application des

traitésde délimitation.Elles sont résoluesen pratique lors de la démarcation,sans que la

validitédes instmments en question soit, pour autant, jamais remise en cause. Le Nigénautilise délibérémen lts imprécisionsen matière de démarcationpour contester la délimitation

en soi.

CONCLUSION

2.44 C'est à la Cour qu'il appartient de se prononcer en se fondant sur les

traitésen vigueur, afin de déterminer ladélimitation de la frontière entre les deux Etats.
Comme elle l'adit dans l'affaireduDzfférendterritorial (Jamahiriyaarabe libyenne/Tchad) :

"En concluant le traité,les parties ont reconnu les frontières auxquelles le
texte de ce traitése référait;la tâche de la Cour est donc de déterminer le

contenu exact de l'engagementainsi pris"24.

2.45 La Cour ne peut de toute évidence agir que sur le fondement des

délimitationsde frontière acceptéescomme valides par les deux Etats, quelles que soient les

maladresses, les ambiguïtésou les incertitudes éventuelles de la rédaction. La tentative du
Nigériade saper l'autoritédes traitésde délimitation acceptésen confondant délimitationet

démarcationne peut et ne doit pas êtreacceptée. Une fois le différend sur la délimitation

tranché, débutera l'étapede la démarcation.Il appartiendraalors aux Parties de procéder,dans

un deuxièmetemps,àla démarcationde la frontièreainsi délimitée.

Section 2 : LA PREDOMINANCE DU TITRE CONVENTIONNEL

1 - Les titres frontaliers reconnus valides par les Parties et leur
forcejuridique

2.46 Les deux Parties ont reconnu la validité d'une sériede traités de

délimitationétablissantde manière conventionnelle la frontière entre les deux Etats, du lac

Tchadjusqu'àBakassi. Le Nigériasemble rejeter l'autoritédes instrumentsétablissantle point

triple dans le lac en s'appuyant principalement sur l'adverbe "approximativement"
("approximafely")dans la Déclarationde 1919et réaffirmé dans1'Echangede lettres de 1931, 1

reprenant la Déclaration antérieure,puis ultérieurement confirmé dansles accords de mandat

et de tutelle.eNigéria prétendégalementpouvoir rejeter les parties du Traitéanglo-allemand

de mars 1913 qui traitent de Bakassi, tout en conservant le reste des dispositions sur la

délimitation frontalière. ilrevendique aussi la souveraineté sur"a number of villages in the

24
C.I.J.,arrê,févrie1994,Rec. 1994,p. 22,par43. Lake Chad region" sur le fondement d'un mélange d'acquiescement et de consolidation

historique (CMN, vol. ilp,. 379, pars. 16.2 et S.).LeNigénarejette la validitéde l'Accordde

Maroua en date du lerjuin 1975,tout en gardant le silence sur l'Accordde Yaoundé ilen date
du 4 avril 1971.

2.47 Le régimejuridique particulier des traitésde frontière,qui établissent des

régimes objectifs, a déjà éténoté. L'objet de cette section est de mettre l'accent sur la

prédominancedes titres conventionnels en droit international. Ceci ressort clairement de la

jurispmdence de la Cour.

2.48 Dans l'affaire du Différend frontalier (Burkina Faso/République du

Mali), la Chambre de la Cour adéclaré

"Elle doit cependant indiquer dès à présent,en termes généraux, la relation
juridique qui existe entre les 'effectivités' et titres servant de baseà la
mise en Œuvre du principe de l'uti possidetis. A cet effet, plusieurs

éventualités doivent être distinguées.Dans le cas où le fait correspond
exactement au droit, où une administration effective s'ajoute à l'uti
possidetis juris,Yeffectivité' n'intervient en réalité quepour confirmer
l'exercicedu droit néd'untitrejuridique. Dans le casoù le fait necorrespond
pas au droit, où le temtoire objet du différendest administré effectivement

par un Etat autre que celui qui possède le titre juridique, il y a lieu de
préférer le titulaire du titre. Dansl'éventualioù l''effectivité'ne coexiste
avec aucun titre juridique, elle doit inévitablement être prise en
considération.Il est enfin des cas où le titre juridique n'est pasde naturà

faire apparaître de façon précise l'étendueterritoriale sur laquelle il porte.
Les 'effectivités' peuvent alors jouer un rôle essentiel pour indiquer
comment le titre est interprétédanslapratique"25.

2.49 Lorsque l'onoppose un titre juridique valide sur un temtoire (démontré

par excellencepar un traité)àdes effectivitéscontraires, le premier est prioritaire.

2.50 Un titre prévaut sur toute autre revendication. Comme la Cour l'a
souligné :

"On ne saurait en droit réclamerdes rectifications de frontièrepour lemotif
qu'une régionfrontièrese révélerait présenterune importance inconnue ou

insoupçonnéeau momentde l'établissementde la fr~ntière"~~.

25C.I.J.,arrê2,2 décembre1986,Rec. 1986, pp. 586-587, par.6;v. égalemenC.I.J.,arrêt1,1 septembre
1992,affaireduD~fférendfiontaliert,errestre, insulaireet maritime, Rec. 1992,p. 398,par.61.
26C.I.J.,arrêt,5juin 1962,affaireduTemplede PréahVihéar,Rec.1962,p. 25.2.51 Cette position a étéreprise en 1986 par la Chambre de la Cour en ces

termes :

"rien n'autoriseun recours à la notion d'équité pou rodifier une frontière
établie. Dansle contexte africainen particulier, on ne saurait invoquer les
insuffisances manifestes, du point de vue ethnique, géographiqueou

administratif, demaintes frontièreshéritéede la colonisation pour affirmer
que leur modification s'impose ou se justifie par des considérations

2.52 Cette approche a étéréaffirmée dans l'affaire du Différend frontalier

terrestre, insulaireet maritimeoù la Chambredela Coura soulignéque "mêmel'équité infra

legem, concept reconnu en droit international,ne pouvait êtreinvoquée pour modifierune

frontière établihéritéede laco~onisation"~~.

2.53 Dans l'affaire du Différend territorial (Jamahiriya arabe

lybienne/Tchad), la Cour a rappeléque "le différendsoumis à la Cour (...)est régléde
manièreconcluantepar un traitéauquel laLibyeest unepartie originelleet le Tchad unepartie

ayant succédé à la France". Elle a considéré par conséquent qu'iln'était pasnécessaire

d'examiner les autres titres avancés par laLibye, qu'il s'agisse d'un "titre" fondésur la

présencede peuples indigènesjusqu'à l'occupation,la nature de l'administrationsenoussi,

ottomane et française,les concepts de sphères d'influencou d'hinterlandet la portéedu droit

intertemporel. Comme la Cour l'a souligné,"[lle traitéde 1955 a déterminéde manière

complètela frontièreentre la Libyeet le ~chad"2'.

2.54 Si une frontièrea été délimitép ear un traité reconnucomme valide par

les Parties, cetitre conventionnelprévaudra.

2.55 Le Nigériatente deremettreencause ou de passer outre le titretemtonal

établipar traitédans deux zones particulières,et ce en utilisant le concept controversé de

consolidation historique.II affirmeque "[tlhe legalconceptof histoncal consolidation of title

27
C.I.J.,arrt,2 décembr1986, affaireduDifférendfiontalier(BurkinaFaso/RépuduiMali)R,ec. 1986,
28 633, par.149.
C.I.J.,arrêt,l septembre1992,Rec. 1992,p. 396,par.58.
l9C.I.J.,arrêt,févri1994,Rec. 1994,pp.38-40,par.76.is invoked by Nigena as the principal basis of its claim to sovereignty over the Bakassi

Peninsula" (CMN,vol. 1,p. 221,par. 10.21)maisil déclareégalemenq tue :

"The three bases of the Nigerian claim over Darak and the associated
villages are asfollows :
"(1) long occupationby Nigena and by Nigerian nationals constituting an
historical consolidationof title
"(2) effectiveadministrationby Nigena, actingas sovereign, and an absence

of protest; and
"(3)manifestationsof sovereigntyby Nigena togetherwith the acquiescence
by Cameroon in Nigerian sovereigntyover Darak and the associated Lake
Chad villages.

"These threebases ofclaim applyboth individually andjointly. In the view
of the NigerianGovernment eachof the bases of title would be suficient on
itsown"(CMN, vol.II,p. 413,pars. 17.1-17.2).

2.56 Il convient de s'interrogersur les origines et la portéede la doctrine de

consolidationhistorique. Elle prend ses sources dansl'obiferdictum de la Cour dans l'affaire

des Pêcheries norvégiennes(Royaume-UniNorvège), relatif aux décrets norvégiens
concernant l'institutiond'un système de lignes de base droites qui ne s'étaitheurté à aucune

opposition de la part des autres Etats ; c'est,dit la Cour, "en définitive ce système lui-même

qui aurait bénéficiéd'une tolérance généralef,ondementd'une consolidation historique qui le

rendrait opposable à tous les ~tats"".

2.57 Une telle doctrine(si elle existe réellementau-delà du cas particulier de
l'affaire des Pêcheriesnorvégiennes)ne saurait prévaloirsur un titre temtorial, fondé surun

traitéen vigueur, en l'absencedu consentementclair du titulaire à la cession d'unepartie de

son temtoire. La consolidation historique n'est pas une doctrine permettant à un Etat de

s'approprierun titre juridique sur un temtoire faisant partie d'unautre Etat, pas davantage

qu'ellene peut invalider les dispositions d'un traité. Conformément àla mise en garde de Sir

Robert Jennings :
"Historical consolidationis also a voracious concept, and should be kept

within bounds. Othenvise we may see the classical scheme of modes of
acquisition of title precipitated into a general concept of cumulative
estoppels. Moreover,it must be remembered thatit is based upon the merest
hint in the casereports"31.

'?.LJ., arrêt18décembre 1951,Rec.1951,p. 138.
" TheAcquisitionof TerritoryinInternatil aw,ManchesterUniversityPress1963,p.272.58 Les élémentsque le Nigériainvoque pour appuyer ses revendications

concernantles zones de Bakassi et de Darak tombentdans la catégoriedes actions entreprises

à l'encontred'untitrejuridique établi. Et, comme la Chambre de la Cour l'aclairement énoncé
dans l'affaireduDzfférend frontalier :

"Dans le cas où le fait ne correspond pas au droit, où le territoire objet du
différend est administré effectivement par un Etat autre que celui qui

possède le titrejuridique, il lieu depréférerle titulaire du titre"32.

2.59 Une autre Chambre a égalementsouligné, dans l'affaire du Différend

frontalier, terreshe, insulaire et maritime, que les effectivités ne peuvent l'emporter sur un
titrejuridique établisur un territoire, lorsqu'elleénon:e

"La Chambrereconnaît un droithondurien, fondésur I'utipossidetis juris de
1821, à l'extérieurdes limites du titre de Dulce Nombre de la Palma, de

sorte que la question de savoir si une 'pratique effective' suffit établirla
souverainetéhonduriennene sepose pas"33.

Comme la Cour l'a précisé dans l'affairedu Diffërend territorial, "[lle traité de 1955 a

déterminéde manière complète la frontière entre la Libye et le d ch ad"^ de,sorte que la

questiondes effectivitésquis'yrapportent ne se posepas.

2.60 Le Cameroun n'ajamais consenti à la cession de la zone de Darak ou de

lapresqu'îledeBakassi ou mêmede quelque autreportion de son territoire ;ilne peut pas être

réputéavoir acquiescé à une telle acquisition par le Nigéria.Le Cameroun a maintenu sur ces

temtoires son titrejuridique, acquis par des accordsinternationaux valides, comme le Nigéna

le reconnaît d'ailleurs et comme cela est établi dansle mémoire du Cameroun et dans la
présenteréplique.

2.61 Une fois la fkontièredélimitéel,a ligne concernéeest établiede manière

permanente. Durant le processus de démarcation, de légèresmodifications peuvent être

effectuéesau fur età mesure que l'onmatérialisela ligne de délimitationsur le terrain ; cela

ne peut se faire qu'avecl'accorddes Parties concernéeset ne peut faire l'objet d'un processus

32C.I.J.,arr2,2 décembr1986,affaireduDifférendfiontal(BurkinaFaso/RépubliqudeuMali), Rec.1986,
p. 587,par.63.
" C.LJ.,arrêtl, septembre1992,Rec.1992,p.436, par.125.
34C.I.Jamêt,3 févrie1994,Rec.1994,p.40, par.76. unilatéral.Le Nigéna essaie, toutefois, d'élargir cette possibilité etd'en faire une règle

générale:

"it is a comrnon occurrence for States, at a local level, to establish by long-
standing usage or by local agreement (whether formal or informal)
practicable boundaries which are appropriate to the local conditions even
though they might Varythe boundary lines laid down in formal agreements"
(CMN, vol. iI,p. 521,par. 19.30).

2.62 Ces modifications ne peuvent intervenir qu'avec le consentement de

l'autreEtat.Si une ligne de délimitationpeut, certes, être clarifiéeou légèreme mntdifiée par

le consentement des Parties en question, deux élémentssont nécessaires : la constance et

l'étenduedes activités locales supposéesavoir un tel effet; la participation des Etats

concernés. Dans l'affaire du Templede Préah Vihéar,par exemple, la Cour a noté,au sujet

des activités invoquéespar la Thaïlande,que :

"les actes en cause ont étéexclusivement le fait d'autontés locales
provinciales. Pour autant que de telles activitésont étéexercées,on ne voit
pas clairement si elles concernaient le sommet de la montagne de Préah
Vihéar et la zone mêmedu temple, plutôt que d'autres lieux situésa
proximité. Quoiqu'ilen soit, la Cour juge difficile d'admettre queces actes

émanant d'autontés locales aient annulé et neutralisé l'attitudeuniformeet
constante des autorités centrales siamoisesà l'égarddu tracé dela frontière
indiquésur la cartew3'.

Le rôleconfirmatif des "effectivités"
$2 -

2.63 Le Nigéria entretient une confusion en ce qui concerne le rôle des

effectivités.Il ne fait pas la distinction qui s'impose entre les activités effectuéesen

conformité avecle droit et celles menéescontra legem. Il ne souffle mot de la différence
fondamentaleentre I'exercicede plein droit d'une autoritépar le souverain temtonal légitime

et l'exercice illégale l'autoritépar ou au nom d'unEtat qui occupe illégalementune partiedu

temtoire d'un autre Etat. Le rôle des effectivités estévidentdans une situation ou le titre

juridique est établi.C'est unrôle confirmatif et non pas contradictoire.Le titrejuridique est le

fondement de l'exercice du pouvoir, qui en est la conséquence et lui est soumis. Les

35C.I.J.arrêt,5juin1962,Rec.1962,p. 30 effectivitésne peuvent prévaloirsur un titre conventionnelétabli.Dans l'affaireduDifférend

frontalier (BurkinaFaso/Républiquedu Mali), laChambrede laCoura précisé que :

"Dans le cas où le fait correspond exactement au droit, où une
administration effective s'ajoute à l'utipossidetis, Yeffectivité'n'intervient
en réalitéquepour confirmerl'exercicedudroitnéd'untitrejuridique"36.

La Chambre,dans l'affairedu Différendfrontalier,terrestre, insulaire et maritime a citéet
approuvé cette citation en notant qu'une telle formule s'appliquait non seulement aux

effectivités coloniales mais aussi aux effectivités postérieures à l'indépendance3'.La

Chambre, dans l'affaire duDifférendfrontalier définitles effectivitéscoloniales comme "le

comportement des autorités administrativesen tant que preuve de l'exercice effectif de

compétencesterritoriales dans larégionpendantlapériodeco~oniale"'~.

2.64 La Chambreappeléeàse prononcersur leDifférend frontalier, terrestre,

insulaire et maritime a traitédes effectivitésrevendiquéespar les Parties dans un certain
nombrede circonstances. Elleadéclaré :

"Il ne s'agit pasde savoir si la province colonialeavait besoin de vastes

limites pour accueillir sapopulation,maisbien où se trouvait effectivement
l'emplacement de ces limites; et les effectivités postérieures à
l'indépendance, lorsqu'ellessont pertinentes doivent êtreappréciéesen
fonction defaitsconcrets etnonpas deleurscauses ~ociales'"~.

La Chambre aprécisélarelationentre titre et effectivités colonialesde la manière suivante :

"Ce que la Chambre doit faireen ce qui concemela frontière terrestre,c'est
de parvenir à une conclusion quant àl'emplacementde la frontièrede l'uti
possidetis juris de 1821; elle ne peutque prendre en considération à cette

fui, pour des raisons déjàexposées, les effectivitécsoloniales dont font état
les éléments de preuve documentairede la périodecoloniale qu'ontdéposés
les parties'*'.

36
C.I.J.,arrêt,2 décembre1986,affaireduDifférendfrontal(BurkinaFaso/RépubliquduMali),Rec. 1986,
586-87,par.63.
'C.I.J., arrêtI,l septembre1992,Rec.1992,p. 398,par.61.
39C.I.J.,arrêt,2 décembre 1986,ec. 1986,p. 586,par.63.
C.LJ.,arrêtI,l septembre1992,Rec. 1992,p. 396,par.58.
'O~bid.,p.399,par.62. Ainsi, les effectivitéspeuvent jouer un rôle dans la déterminationde la frontière étaàune

moment donné,soit du fait du manquede clartédu titrejuridique, soit pour la confirmation de

ce titre4'.Ellesne peuvent toutefois prévaloir surun titrejuridique conventionnel.

2.65 En ce qui concerne la pertinence des effectivités postérieures à

l'indépendance,la Chambre a déclaré :
l
"La Chambre peut aussi tenir compte, dans certains cas, d'élémentsde
preuve documentaire qui découlent d'effectivités posténeures à
l'indépendancequand elle estime que ces éléments apportentdes précisions

sur la frontière de l'utipossidetisjuris de 1821,ondition qu'il existeune
relation entre les effectivités en cause et la détermination de cette
fr~ntière"~.

Elle a ajoutéplus loin:

"Lorsque la limite administrativeen cause étaitmal définie oulorsque son
emplacement étaitcontesté, lecomportement des deux Etats nouvellement
indépendants dansles annéesqui ont suivi l'indépendancepouvait trèsbien,

de l'avisde la Chambre, foumir une indication quantà l'emplacementde la
frontière, soit dans l'idéecommune que s'enfaisaient les deux Parties, soit
dans l'idéeque s'enfaisait l'uned'entreelles et en fonction de laquelle elle
avait agi, l'autreayantquiescé'*'.

1 2.66 En d'autres termes, les effectivitéspostérieures l'indépendance sont

pertinentes seulement lorsqu'elles font référencà la ligne frontière fondéesur le titre et

exclusivement lorsque cette ligne n'estpas claire. La Chambre, en fait, traite des effectivités

postérieuresà l'indépendanceexclusivementpour "fairela lumièresur l'idéeque l'onse faisait

alors de ce qu'étaitou avait dû êtrela situation en 1821'~. Par conséquent,là où cette ligne
frontalière aétclairement délimitéepar un traitéinternational, les effectivitésne peuvent que

I confirmer cette ligne ou, au mieux, aider à la procédure de démarcation dans le cas

d'incertitudes ceniveau secondaire. La frontièreconventionnellene peut êtremodifiéepar ce

moyen, en i'absenced'unconsentement mutuelclairementmanifesté.

2.67
l La République du Cameroun a montréque les effectivités coloniales
confirment les frontières conventionnelles établies dans les instruments internationaux
1

4'lbid .,398,par.61.
42Ibid .,399,par.62.
43Ibid .,565,par.345pertinents (v.MC, pp. 182-183,pars. 3.100 et S. et chapitre 4 ; v. égalementla présente

réplique,chapitre5,section 4).

5 3 - Lescartes

2.68 Pour évaluer l'importance des cartesdans un différend, ilfautprendre en

considération leurstatut juridique, leur provenance, leur auteur et les circonstances dans

lesquelles elles ont été dresséea s,nsi que la cohérenced'une sériede cartes générales par

rapport aux limites qui ysont représentées. L'importance attribuée aux cartes refléta unt
accord généraslur les lignes de délimitationconformes auxinstruments juridiques pertinents

ne serapas affectée par l'existencede quelques cartes montrantdes divergencesau niveau de

lignesdedémarcation.

2.69 La question a étéévoquée par l'arbitreMax Huber dans l'affairede l'ile

de Palmas : "ce n'estqu'avecune extrêmecirconspection que l'on peut tenir compte des
cartespour trancher unequestionde souveraineté(. ..).Dureste des indications decette nature

n'ontde valeurque s'ily a des raisons de penser que lecartographe ne s'estpas simplement

référé aux cartesdéjà existantes - ce qui semble trèssouventêtrele cas - mais qu'il abasé sa

décisionsurdes informationsdiligemmentrecueillies à cet effet. Ce sont donc avant tout des

cartes officielles ou semi officielles qui peuvent remplir ces conditions (...)'*'.Le texte

originalen anglaisest peut-être plue sxplicite: "only withthe greatest cautioncan account be
taken of maps in deciding a question of sovereignty (...). Anyhow, a map affords only an

indication- andthat averyindirectone - and,except whenannexed to a legal instrument,has

not the valueofsuchan in~trurnent"~.

2.70 La Chambre de la Cour dans l'affairedu Dzfférendfrontalier (Burkina
Faso/République duMali) aprécisé de manièreexplicitela formulation duprincipe :

"En matière de délimitation de fkontières ou de conflit temtonal
international, lescartes ne sont que de simples indications, plus ou moins

exactes selon lescas ; elles ne constituentjamais - à elles seules et du seul
faitde leur existence - un titre temtonal, c'est-à-dire undocumentauquel le

U
45Ibid.,p. 559,par.333.
46Sentencearbitral, avril1928,R.G.D.I.P.,1935,pp. 179-180
A.J.I.L.,192pp.891-892 ;italiquesajoutés. droit international confere une valeur juridique intrinsèque aux fins de
l'établissementdes droits territoriaux. Certes, dans quelques cas, les cartes
peuvent acquérir unetelle valeurjuridique mais cette valeur ne découle pas

alors de leurs seules qualités intrinsèques: elle résultede ce que ces cartes
ont étéintégrées parmi leséléments quiconstituent l'expression de la
volonté de l'Etat ou des Etats concernés.Ainsi en va-t-il, par exemple,
lorsque des cartes sont annexées à un texte officiel dont elles font partie
intégrante.En dehors de cette hypothèseclairement définie, les cartes ne

sont que des éléments de preuves extrinsèques,plus ou moins fiables, plus
ou moins suspects, auxquels il peut être faitappel, parmi d'autres éléments
de preuve de nature circonstancielle, pour établir ou reconstituer la
matérialité des faits9*'.

2.71 Par conséquent,l'onaccordera une valeur juridique aux cartes qui font

partie intégrantedes instruments de délimitation etpeuvent exprimer la volontédes Parties à

l'accord. Pour les autres cartes, une grande circonspection s'impose. Les cartes ne peuvent
naturellement pas remettre en cause un titre conventionnel. Comme le Tnbunal l'a énoncé

dans i'affairedu Canalde Beagle :

"the evidence of a map could certainly never per se ovenide an attribution
made, or a boundary-line defined, by Treaty, and even where such an

attribution or definitionwas ambiguousor uncertain, map evidence of what
itmight be was acceptedwith caution'*'.

2.72 La question des cartes qui ne sont pas annexées à des instruments

juridiques a été évoqué par le Tnbunal dans l'arbitrageEiythréeh'émen (Phase1 : Territorial

Sovereignty andScope of Dispute). Le Tribunal a notéque les cartes officielles fournies par
les Etats étaient susceptibles d'avoir valeur de preuve s'il n'y avait pas d'autre preuve

disponible. En ce qui concerne les cartes du gouvernement italien dans la périodede l'entre

deux guerres, il a observéque "the map evidence - whilst supportive of and consistent with

the conclusions reached - is not itself determinative. Were there no other evidence in the

record concerning the attitude or intentions of Italy, this evidence would be of greater

imp~rtance'"~.Le Tribunal a aussi fait référence aux cartes fournies par des tiers, telles que

"independent or commercial cartographic sources, or the intelligence, mapping and
navigational authorities of third States".Il a notéque "the Tribunal must be wary of this

47
48C.I.J.,arrêt,2 décembre1986,Rec. 1986,p. 582,par.54.
49Sentence arbitrale, 1f8évrier1977,R.S, ol.XXI,p. 163.
Sentence arbitral9, octobre 1998,par.375.evidence in the sense that it cannot be used as indicative of legal title, it is nonetheless

'importantevidenceof generalopinion orrepute"'50.

2.73 Quand des cartes expriment officiellement l'intentiondes Parties à un

traité donné ou si elles reflètent un accord tacite ou explicite entre les Parties ou leurs

successeurs,portant sur l'emplacementd'une frontière, ce matériauconstitue une preuve

importanteel pertinente. Cela est d'autantplus imporîant pour la présenteaffaire qu'ilexiste

unesériedecartesofficiellesqui doivent être prises en compte.

2.74 Les cartes suivantes constituent une preuve significative parce qu'elles

figurent enannexed'instrumentscontraignants :

- les cartes accompagnant le Traité anglo-allemand du 19 mars 1906,
pertinent sur une courte portion de la frontière dans la région deYola en
vertu d'uneréférence quiy est faitedans la Déclaration Milner-Simon ;

- les cartesjointes auTraitéanglo-allemanddu 11mars 1913 ;

- la carteaccompagnantleTraité anglo-allemanddu 12avril 1913 ;

- la carteannexée à la DéclarationMilner-Simon de 1919 :

- la carteannexée à la DéclarationThomson-Marchandde 1930 ;

- la carteno 3433 de l'amirauté britannique sur laquelleles Chefs d'Etatdu
Cameroun et du Nigéria ontapposé leur signature et à laquelle il est
expressémentfaitréférencd eans l'Accordde Yaoundé II du 4 avril 1971;

- la carteno3433 de l'amirauté britannique annexée à l'AccorddeMarouadu
lmjuin 1975(v. MC, pp. 263et S.,pars. 3.293 et S.).

2.75 Par conséquent,et contrairement à l'affaire du Différendfrontalier, il

existe, dansla présenteaffaire,un nombre significatifde cartes qui tirentleur valeurjuridique

du fait qu'elles ont étéexpressément annexées à des instruments internationaux valides
couvrant lesfrontièresterrestreet maritime dont il estquestion.

ibid., pars. 380-381, v. aussi, C.Iarrêt13 décembre1999, affaire de l'ne de Kasikili/Sedudu
(Botswona/Namlb par.87. 2.76 Un nombre important d'autres cartes corroborent le titre camerounais,

mêmesi elles ne le constituent pas à elles seules. Elles permettent de confirmer les titres

actuels issus de traitéss'imposantaux Parties. De telles cartes, soigneusement analysées dans
le mémoiredu Cameroun @p.273 et S.,pars. 3.323 et S.)étayentles arguments camerounais.

Comme le Tribunal l'anotédans l'affairedu Canal deBeagle :

"Where there is a definite preponderance on the one side - particularlyif it
is a very marked preponderance - and while of course every map must be
assessed on its own merits - the cumulative impact of a large number of
maps, relevant for the particular case, that tell theme story - especially

where some of them emanate kom the opposite Party, or from third
countries,- cannot but be considerable,either as indications of generalor at
least widespread repute or belief, or else as confirmatory of conclusions
reached, as in the present case, independentlyof theaps"".

Section 3 : LA PREUVE DU TRACE

2.77 La question de la preuve revêt,dans nombre d'affaires portéesdevant la

Cour, une importanceparticulière. Dans certains cas, des faits déterminantsne sont pas clairs
l
l et sont objectivement difficilesà établir, dans d'autres, l'existence etlou l'interprétationdes

faits peut prêteràcontroverse. Dans le présent différend, lesfacteurs pertinents incluent la
question de la nature de la preuve, la charge de la preuve, la nature du terrain en cause, lefait

que le temtoire objet du différend estde fait occupépar l'autrePartie et l'existenced'untitre

conventionnel.

1 1 - La charge de lapreuve

2.78 La Cour jouit de pouvoirs étendusen matièrede preuves, conformément
aux articles42,43,48, 50 et 52de son Statut. L'approchegénéralement adoptéepar la Couren

matière de preuve a étécaractérisée parla souplesse et s'est concentrée surles questions

précises nécessitanutne décisiondesa part. Comme Rosenne l'écrit :
l
"The Court's function in establishing the facts requires it if necessary to
ascertain, and certainlyto assess theeight of the evidence produced in so
far as is necessary for the determination of the issues which it finds it
essential for it to resolve. For this reason, therelittle to be found in the

Sentencearbitrale,18février1977,R.S.A.,vol.XX166. way of mles of evidence, and a strikingfeatureof the case-lawis the ability
of the Court frequently to base its decision on undisputed facts, and in
reducing voluminousevidencetomanageableproportions"52.

2.79 Larecevabilitéde la preuveararementposéproblèmedevant la Cour qui
s'estconcentréeplutôt surl'évaluation despreuvesquilui ont été présentées.

2.80 La charge de la preuve, en générali,ncombe à la Partie qui allègueun

fait.Rosenne anoté :

"the Courtwill formallyrequiretheparty putting fonvard a particular claim
to establish the elements of fact and of law on which the decision in its
favourmightbe given"53.

Witenbergprésente leprincipede la manièresuivante :

"si la chargede lapreuve incombeaudemandeur,ce n'estpas parce qu'ilest
demandeur, mais c'est en demièreanalyseparce qu'il allègueun fait. En
d'autres termes, ce n'est pas au demandeur, comme tel, qu'incombe la
charge delapreuve. C'est à celuiquiallègueunfait (..

Et Sandiferconclutque :

"the burden of proof rests upon him who asserts the affirmative of a
proposition that if not substantiatedwill result in a decision adverse to his
~ontention"'~.

2.81 Cette analyse est corroborée par lajurispnidence de la Cour qui déclare

dans l'affairedu Temple du PréahVihéar que :

"Tant le Cambodge que la Thaïlandefondent leursprétentions respectives
sur une sériede faits et d'allégationqsui sont affirmésou avancésparl'unou
par l'autre.Or, la charge de les prouverincombeévidemment à la Partie qui

les affirmeou les avance"56.

2.82 Cette règle généraledoit toutefois être interprétée en fonction des

circonstancespropres à chaque espèce. Lachargede la preuve incombera généralemen t la
Partie requérante, maisellepeut peser sur l'autre Partiesi celle-ci avanceune affirmationpour

TheLawandPractice of the InternationalCourt, 1920-1996,vol.KI,Nijhoff,LaHaye,1997,p. 1083
'Ibid.
Y"OnusProbandidevantlesjuridictions arbitrales".,G.D.I.P.1951,p. ;italiquesdansle texte.
sEvidenceBefore International Tribunas,niversityPressofVirginia,Charlottesv, 975,p. 127.
%C.I.J., arrê,5juin 1962,Rec.,1962,p. 16. appuyer ses arguments5'.Dans certaines affaires,il n'yaurapas de charge initiale de lapreuve

en tant que telle, chacune des Parties ayantàétayer lesargumentsqu'elle faitvaloir5'.

2.83 La Cour énoncele principe général en termes clairs dans l'affairedes

Activitésmilitaires etparamilitaires au Nicaragua et contre celui-ci : "c'est en définitiveau

I plaideur qui cherche à établirun faitqu'incombelachargede la preuve"59.

2.84 Dans l'affaire des Minquiers et Ecréhous,la Cour note que, s'agissant

d'un différendtemtorial :

"Considérant la position des Parties, qui toutes deux revendiquent la
souveraineté surun même temtoire, (...la Cour est d'avisque chaquePartie
doit apporter la preuve des titresqu'elleallègueet des faits sur lesquels elle
se fonden6'.

2.85 En évaluantla chargede lapreuve,la questiondu titre conventionnelsera

pertinente. Aucunepreuve, pour importante qu'ellesoit,d'activité illégale par ou au nom d'un

autre Etat, contre la volonté decelui qui jouit de la souveraineté, ne peut annuler un titre

conventionnel.

Les modes d'administration de la preuve
3 2 -

2.86 En ce qui concerne le mode d'administration de la preuve, il faut se

tourner vers les principes de droit positif qui touchent directement la question de la preuve.

SelonRosenne :

"the probative value of the evidencedepends upon the question at issue and
is determined by the substantive mles of international law through the

application of whichtheCourtwill reachits de~ision"~'.

2.87 La Cour a noté,dansl'affaireduDétroitde Corfou,que :

57V. parexemple,C.I.J., arrê,7 aoùt 1952,affairedes Droits desressortissantsdes Etats-Unisd'Amériaue
Maroc,Rec. 1952,p.200.
58V. parexemple,C.I.J.,arrêt,7novembre1953,affairedesMinquierset EcréhousR , ec. 1953,p. 67.
59C.I.J., arrê,6 novembre 1984,Rec. 1984,p.437, par. 101;v. aussiC.I.J., arr,2 décembre1986,affaire
du Différendfrontalier (BurkiFaso/Républiqud euMali),Rec.1986,p. 587,par.65.
60
C.I.J., arr,7novembre 1953,Rec. 1953,p. 52.
TheLawandh-actice of the InternationalCourt,1920-1996,vol. III,Nijhoff,LaHaye, 1997,p. 1086. "Il est vrai, ainsi que le démontrela pratique internationale, qu'un État, sur
le temtoire duquels'est produitun acte contraire au droit international,peut
être invitéà s'en expliquer. Il est égalementvrai qu'il nepeut se dérober à

cette invitation en se bornanà répondrequ'il ignore les circonstances de cet
acte ou ses acteurs.Il peut, jusqu'à un certain point, être tenude fournir des
indications sur l'usage qu'il a fait des moyens d'information et d'enquêteà
sa disposition. Mais on ne saurait conclure du seul contrôle exercé par un

État sur son territoire terrestre ou sur ses eaux territoriales que cet État a
nécessairementconnuou dû connaîtretout fait illicite international qui y a
été perpétré non plus qu'il a nécessairement connu ou dû connaître ses
auteurs.En soi, et indépendammentd'autres circonstances,ce fait nejustifie
ni responsabilitégrimafacie ni déplacementdans le fardeaude la preuve"62.

2.88 La situation est différentequand i'Etat qui exerce le contrôle territorial
n'est pasle souverain légitimemais un occupant illégitime,comme c'estle cas du Nigériaen

ce qui concerne les régions occupéesde Bakassi et du lac Tchad. Une telle situation,

particulièrementquand 1'Etatoccupant reconnaît l'occupation,ne manque pas d'entraîner des

conséquencesquant à l'administrationde la preuve,mais aussi quant àla mise en cause de la

responsabilitéinternationale(v. infia, chapitre 10,section2).

2.89 La Cour poursuit, dans l'affaireduDétroitde Corfou :
"En revanche, le contrôle temtorial exclusif exercé par l'État dans les

limites de ses frontières s'estpas sans influence sur le choix des modes de
preuve propres à démontrer cette connaissance. Du fait de ce contrôle
exclusif, l'État victime d'une violation du droit international se trouve
souvent dans l'impossibilité de faire la preuve directe des faits d'où

découleraitla re~~onsabilité"~~.

2.90 La même situation doits'appliquer lorsque l'Etat exerçant le contrôle
temtonal n'estpas le souverain temtonal. Le Cameroun, étant donné l'occupationpar le

Nigériadedifférentesparties de son temtoire, se trouveconfronté àde graves difficultéspour

rassembler despreuves depuis le débutde cette occupation. La Cour, toutefois, a recherché le

moyen de faireface a ce type de situation. Elle a décl:ré

"Il doit lui êtrpermis de recourirplus largement aux présomptionsde fait,
aux indices ou preuves circonstancielles (circumstantial evidence). Ces
moyens de preuve indirecte sont admis dans tous les systèmesde droit et

leur usage est sanctionné par la jurisprudence internationale. On doit les
considérercomme particulièrement probants quand ils s'appuient sur une

62
C.I.J.arrê9t,avr1949,Rec.1949,p.18
Ibid. sériede faits qui s'enchaînent et qui conduisent logiquement à une même
conclu~ion"~.

2.91 En d'autres termes, le fait que le Nigéria occupe certainesparties du

temtoire camerounais ne peut manquer d'avoir uneinfluence sur la question de la preuve.

Cela implique un renversement de la charge de la preuve et, en tout cas, affecte certainement

les modalités d'administrationde la preuve par le Cameroun devant la Cour. En outre,
l'abondancede matériaux documentairesprovenant de tiers et établissant les actions du

Nigénasur le temtoire du Cameroun peut être considéré "comme des éléments qui peuvent

contribuer (...)à corroborer leur existence, à titres d'indices, venant s'ajouter à d'autres

moyensde preuve"65.

2.92 La Cour a d'ores etdéjà reconnuque cette situation particulièreentraînait
des conséquences quant à la question de la preuve. Elle a noté dansson ordonnance du 15

mars 1996 :

"Considérantque les événementsqui sont à l'origine de la demande, et tout
spécialementle fait que des personnes aient été tuéed sans la presqu'île de

Bakassi, ontportéun préjudice irréparable aux droitsque les Parties peuvent
avoir sur la presqu'île; que les personnesse trouvant dans la zone litigieuse,
et par voie de conséquence les droitsque les Parties peuvent y avoir, sont
exposésau risque sérieuxd'un nouveau préjudice irréparable; etque des
actions arméessur le temtoire en litige pourraient mettre en péril l'existence

d'élémentsde preuve pertinents aux fms de la présente instance; et
considérant qu'auvu des éléments d'information à sa disposition la Courest
d'avis qu'ilexiste un risque que des événements de nature à aggraver ou à
étendrele différendpuissent se reproduire, rendant ainsi toute solutionde ce

différendplusdifficile9'@'.

2.93 En conséquence,la Cour a ordonné par16voix contre 1 que "[lles deux
Parties prennent toutes les mesures nécessaires pour préserver les éléments dp ereuve

pertinentsaux fins de la présente instancedansla zone en litigen6'.

" Zbid.
C.LJ.,arrê27 juin 1986,affairesdes Activitésmilitaires et paramilitaires au Nicaragua et contrecelui-ci,
Rec., 1986,p. 40, par.62
66C.I.J.Rec. 1996,p. 23, par.42.
"Ibid., p.25, par.49. La Cour s'est donc montrée sensibleaux problèmes d'obtentiondes
2.94
élémentsde preuve pour les zones occupées. Elletiendra sans aucun doute compte des

difficultés rencontréepar le Camerounpour réunir les preuves relativesaux temtoires sous

occupationnigériane.

2.95 En outre, la Cour ne manquera pas de prendre en compte la nature

difficile du terrain en question et, en particulier, les difficultésar le relief et d'autres

facteurs géographiques,en matièred'obtention depreuve.

Section 4 : LA METHODE DE DELIMITATION

1- Le mode de raisonnement nigérianet ses dangers

2.96 Le Nigéria a abordécette affaire de manière assez inhabituelle. Il
accentue ce qui est hors de propos et ignore l'essentiel. Dansle but de passer outre les

instruments conventionnels, décisifs,qui établissent clairementle titre conventionnel, il

présentedeséléments douteux enfaitet controversésendroit.

2.97 En ce qui concerne Bakassi, le Traité anglo-allemanddu 11 mars 1913

est déterminant.LeNigéria reconnaîtque le Traitéest valideet exécutoireen ce qui concerne

le secteur situé aunord de Bakassi ; il cherche à affirmer qu'iln'estpas valide en ce qui

concerne lapresqu'îlede Bakassi elle-même.Ce difficile exerciceauplanjuridique et logique
conduit à despirouettes savantes,mais douteusesen fait etendroit.

2.98 Le Nigénaaffirme que le titre de souverainetésur Bakassi appartenait

aux "Rois et Chefs d'Old Calabar" et qu'iln'ya pas eu transmissionde ce titreà la Grande-
Bretagne suite à la signature du Traitédu 10 septembre 1884.Par conséquent,la Grande-

Bretagne n'apas pu transférer cetitreàl'Allemagnepar le Traitédu 11mars 1913,puisqu'elle

ne le possédaitpas. Cet argumentest vicié à plusieurs égards. Premièrementi,l est loin d'être

évident que les "Rois et Chefs d'Old Calabar" aient constituéune entité susceptible,
conformémentaux règles du droitinternational, de détenirun titre souverain sur un temtoire.

Deuxièmement,il n'est pas établique la presqu'îlede Bakassi tombaitsous la souverainetérevendiquéepar cetteprétendueentité.Troisièmement,et plus important encore, le concept de
protectorat colonial en Afrique, tel qu'ila édéveloppé en théorieet en pratique, entraînait la

transmission du titre de souveraineté surle temtoire en question au pouvoir colonial, c'est-à-

dire à l'Etatprotecteur (v. infra, chapitre 5, section 2).

2.99 Le Nigériatente d'étofferson argumentation en y ajoutant la notion de
"historical consolidation",notion dont l'existenceen tant quesource indépendantede titre est

discutable en droit international et qui ne pourrait en aucuncas êtreutiliséepour annuler un

titre conventionnel non abandonné(v. supra, pars. 2.56-2.60). La revendication est claire en

ce qui concerne la régionde Darak et les villages alentours, dont le Nigéria cherche à
s'approprier le titre par de prétendueseffectivités allaàtl'encontredu titre camerounais (v.

infra, chapitre3, section 4 ;v. aussi chapitre 11,pars. 11.186-11.192). LeNigéria notebon

nombre d'activités qui, selon lui, constituent cette consolidation historique. Considérés

ensemble, le titre antérieurà la colonisation et leseffectivitéspostérieureà l'indépendance

permettraientd'annulerletitre conventionnel, selonl'argumentnigérian.

2.100 En dehors même de ses faiblesses intrinsèques, la théorie de la

consolidation historique est dangereuse en de tellescirconstances.Elle donne à des Etats, qui

pourraient souhaiter agir de la mêmemanière,une occasion de remettre en question des
frontières internationalement reconnues, par un processus qui pourrait se révéleraussi

imprévisibleque déstabilisateur.L'approchenigérianeaurait également pourconséquence de

remettre en cause le principe de l'uti possidetis, adoptéde manièreconsensuelle en Afnque,

qui consacre le maintien des frontièrescolonialesen l'absencede consentementmutuel à les

modifier.

2.101 Il est expressémentspécifié dans la Déclaratiod nu Caire adoptéepar

l'organisation de l'Unitéafricaine,dans la Résolution16 (1)du 21juillet 1964 que

"Considérant que les problèmes frontaliers sont un facteur grave et
permanentde désaccord,(. ..)
"Considérant,en outre, que lesfrontièresdes États africains, aujour de leur
indépendance,constituentuneréalité tangible,(..)
"2. Déclare solennellement que tous les États membres s'engagent à

respecter les frontières existant au moment où ils ont accédé à
l'indépendance".2.102 Une Chambrede la Cour a analysé lesquestionspertinentes dans l'affaire

du D@rendfrontalier (BurkinaFaso/République,du Mali). Elle a notéque :

"Il faut voir, dans le respect par les nouveaux Etatsafricainsdes limites
administratives et desontières établies par les puissances coloniales, non
pas une simple pratique qui aurait contribuéà la formation graduelle d'un

pnncipe de droit international coutumier dont la valeur serait limitéeau
continent africain comme elle l'aurait été auparavant à l'Amérique
hispanique, mais bien l'application en Afrique d'une règle de portée
générale"68.

La Chambrea égalementsoulignéque :

"Les limites temtonales dont il s'agitd'assurer le respect peuvent également
résulter defrontièresinternationales, ayant formé séparation entrela colonie
d'un Etatet la colonie d'unautre Etat, ou entre le temtoire d'unecolonie et
celuid'un Etat indépendantou d'un Etat soumis à protectorat mais ayant

conservésapersonnalité internati~nale"~~.

2.103 Elle relèveque les termes de la Résolution16(1) "tinrentà préciser età

renforcer le pnncipe de l'utipossidetis juris" et que "sous son aspect essentiel, ce principe
vise, avant tout,à assurer le respect des limites temtoriales au moment de l'accession à

l'indépendance".La Chambre aégalementclairementexpliquél'importancedu principe :

"C'est le besoin vital de stabilité pour survivre,se développeret consolider
progressivement leur indépendancedans tous les domaines qui a amenéles

Etats africains consentir au respect des kontières coloniales, eàen tenir
compte dans l'interprétation du principe de l'autodétermination des
peuples"70.

2.104 Il n'est pasdifficile d'imaginerquelle aurait étéla situation si les Etats

africains s'étaietentis en droit de remettre en question les frontièresétablies pardes accords

valides conformémentau droit international de l'époque,conclus par les pouvoirs coloniaux,

sur le fondementde prétendustitres antérieurs à la colonisation, alors mêmeque l'extension

tenitonale et le statut de ces titres ne pouvaient qu'êtresujet à controverse et des plus

incertains. La possibilitéde contester avec succèsdes titres conventionnels sur le fondement

C.I.J.arrê22décembr1 e986,Rec.1986,p. 56par.21
69ibid p.566,par2.4.
ibid p.567,par25.d'effectivités,là où il est clair que ces effectivitéssont en contradiction avec ces titres, ne
pourraitmenerqu'àune proliférationde telles remisesen cause par des Etats qui chercheraient

à modifier lestatu quo temtorial.

$2 - La nécessité de se placer àla date de l'indépendance

2.105 La doctrinede l'utipossidetis qui s'estrévéléeénéfiquee,n particulier en

Afrique, comporteun élémens tpatial et un élémenttemporel. En ce qui concerne l'élément

spatial,il en résulteque l'étenduterritoriale du nouvelEtat indépendantest déterminéepar la

pratique coloniale;ainsi, les frontièresserontcellesétablies avantla périodede transition vers

l'indépendanceT . emporellement,la doctrine se réfêrela date de l'indépendanceE. lle affirme
que le contourdu temtoire à ce moment là est celuiinstaurépar les puissances coloniales. Par

conséquent,les éléments spatiaux ettemporels doiventêtre l'objedt'unelecture simultanée.

2.106 Le Nigéria conteste brièvement la position du Cameroun sur l'uti
possidetis et la date critique (v. MC, pp. 327-328, par. 3.378 et S.,et CMN, vol. 1,pp. 218-

220, pars. 10.16 et S.). Il tente de détourner l'attention de l'importance primordiale des

principes en jeu. iidéformeles thèses du Cameroun. Le Nigériarejette le fait que "the

principle of uti possidetisconduces to the creation of a permanent regime" et que "the
boundary at Independenceis frozen for al1time" (CMN, vol. 1,pp. 219-220,par. 10.18).Puis

il entretient la confusion sur la question essentielle en affirmant que "the dispute did not

emergeuntil January 1994"(CMN, vol. 1,p. 220,par. 10.19).

2.107 Le principe de l'uti possidetis ne gèlepas la kontière a tout jamais, ni
n'établit n régimetemtorial permanent en ce sensqu'ilne pourrait jamais êtremodifiéT . oute

frontièrepeut êtremodifiée à tout moment par consentement mutuel. Mais, en l'absencede

consentementmutuel,une frontièreétabliene peutêtrechangée.En vertu du principe de l'uti

possidetis, le régime frontalier s'imposaaux Etatsnouvellement indépendantsémergeantdu
colonialisme est celui établi par lespuissances colonialesncernées.Il constitue le contexte

spatio-temporel dans lequel s'inscrit l'indépendance. près cela et sur cette base, les Etats

concernés sont libresde modifierleurs frontières,sousréservede consentementmutuel. 2.108 Comme la Chambre de la Cour l'a noté dans l'affaire du Différend

frontalier (Burkina Faso/Républiquedu Mali) au sujet de l'utipossidetis :

"sous son aspect essentiel, ce principe vise, avant tout, à assurer le respect
des limites temtoriales aumoment de l'accession à l'indépendancen7'.

La Chambre poursuit en soulignant que :

"Par le fait de son accession à l'indépendance.le nouvel Etat accède à la
souveraineté avecl'assietteet les limites tenitonales qui lui sont laisséespar

l'Etatcolonisateur. II s'-gitlà du fonctionnement normal des mécanismesde
la succession d'Etats. Le droit international - et par conséquentle principe
de l'utipossidetis - est applicable au nouvel Etat (en tant qulEtat)non pas
avec effet rétroactif mais immédiatement et dès ce moment-là. Il lui est

applicable en l'état, c'est-à-dire l''instantané'du statut temtonal existant à
ce moment-là. Le principe de l'utipossidetis gèlele titre temtorial : il arrête
la montre sans lui faire remonter le temps"72.

2.109 Il est important de ne pas déformer la position de la Chambre. L'uti

possidetis ne résout pas tous les problèmes frontaliers pour l'éternité,mais il fournit un

mécanisme intemationalement acceptéafin de déterminer les frontièresdu nouvel Etat au

moment de l'indépendance.Par la suite, la question de frontière relève d'autres normes

juridiques.

2.110 Le Cameroun n'affirmepas que l'effetde l'utipossidetis est, en théorie, de

déterminerlerégimefrontalierpertinent pourtoujours, de manière inexorable, inchangeableet

immuable. Il considère que, dans la présenteespèce, aucun instrument n'amodifiéle régime

frontalier résultant de l'application du principe de l'utipossidetis. Comme la Chambre l'a

soulignédans l'affairedu Dlffërend frontalier (Burkina Faso/Républiquedu Mali) :

''Il convient de rappeler encore que la tâche de la Chambre consiste en
l'espèce à indiquer le tracéde la frontièredont les deux Etats ont héritédu
colonisateur lors de leur accession à l'indépendance (...). Certes les Parties
auraient pu modifier la frontière existant à la date critique par un accord

postérieur (.. .). Mais il n'ena pas été ainsiet la Chambre n'a reçu aucun
mandat des Parties pour se substituer à elles et choisir en toute libertéune
frontièreappropriéem7'.

71C.LJ.,arrê2t,2 décembre1986,Rec. 1986, p.566,par.23 ;ceci a étconfié parla Chambredansl'affaire
du Différendfiontalier,terrestre, insuetmaritime,Rec. 1992, p.386,par.42.
73C.LJ.,arrê2t,2 décembre1986,Rec. 1986, p. 568,par.30.
Ibid., pp.632-633.2.111 La date de l'indépendance àprendreen comptedans la présente affaire est

la plus tardive marquant le débutde l'indépendancedes deux Etats, puisqu'ils ne sont pas
devenus indépendantsen même temps.Au surplus, le processusde décolonisation de l'ancien

Cameroun britannique, qui s'est traduit par le rattachement du Cameroun septentrional au

Nigéria indépendant(le lm juin 1961)et du Camerounméridionalau Cameroun indépendant

(lele'octobre 1961), montre que la date critique se sitàcette dernièredate.

2.112 C'est à cette date que le cadre temporel de l'application du principe de

l'utipossidetis s'est trouvé établi. A ce moment-là,tous les éléments pertinents étaienetn

place et le régime frontalierétabli.Ce régimepeut, en principe, être changé, mais seulement

par la mise en Œuvrede la volonté souverainedes Etatsconcernés.

2.113 Le Nigéria cherche à détourner l'attention du fond de l'affaire en

soulevant la question de la "date, or penod, at which the dispute crystallised between

Cameroon and Nigeria", suggérantque cela n'apas eu lieuavantjanvier 1994(CMN, vol. 1,p.
220, par. 10.19). Cependant, la question de la date de cristallisationd'un différend doit être

considérée dansle contexte de la nature du différend lui-même. Lorsqulee différend concerne

non pas des actes d'effectivitésconcurrents mais l'application d'accords de délimitation

valides, la date critique dans ce sens est càlaquelleles Parties en litige ont été liéespar les

accordspertinents concernant le temtoire en question.

2.114 Le Nigériaprétendque le Traité anglo-allemanddu 11mars 1913,valide

par ailleurs, ne s'applique pasà Bakassi et il rejette certains points et lignes fixés par la

Déclaration Milner-Simon de 1919 qui sont réaffirmésdans la Déclaration Thomson-
Marchand et confirméspar les accords de mandat et de tutelle. Puisque l'affaire se concentre

sur la validitéde ces instmments en tant que tels, la date pertinente est celàelaquelle ces

instruments s'imposent respectivement au Nigériaet au Cameroun et non la date ou l'unedes

deux Parties revendique l'émergence d'un différend.C'estle cas, en particulier,rsqu'ils'agit

de s'interrogersur la validité destraien question.

2.115 Les frontières sont donc fixéespar une sériede traités internationaux

s'imposantaux Parties. Elles doivent êtredéterminées sur la base de ces instruments et de ces

seuls instruments. La ligne définiepar l'uti possidetis s'imposant auxParties du fait d'uneobligation internationaleàla datepertinente de l'indépendancen ,e peut êtredéplacée que par

un accord la modifiant. Il n'existe aucun accorden ce sens entre les Parties en dehors de

l'Accord deMaroua (v.infra,chapitre8).

La confusion opérép ear le Nigéria entrela délimitationet la
9 3 -
démarcation

2.116 Le Nigéna suscitela confusionentre les processus de délimitationet de
démarcation, afinde contaminerles instrumentsde délimitationpar les incertitudes portant

sur la démarcation surle terrainde certainesparties de la ligne de délimitation. Il utilise la

notion de "definitivespeczfication"qu'il considèrecomme un équivalentde la délimitation.

Les ambiguïtésou les incertitudestouchantla démarcation sont déclarées inadéquatestean nt

que "definitivespecification"et conduiraientà une délimitation inadéquat(eCm, vol. II,pp.

477 et 479, pars. 18.2,18.6et S.).Le Nigénaaffirmeainsi que la délimitation dela frontière
présenteraitun caractèreprovisoire.Il déclare:

"the delimitationfixed the boundary only approximatelyand provisionally,
as a temporary holding measure, pending the demarcation which was

expectedto followsoonaftenvards"(CMN, vol.II,p. 534, par. 19.53).

2.117 Il existe une différence essentielle, déterminante entrela délimitation
d'unekontièreet sa démarcationd , ifférenceque leNigériasemblevouloir brouiller.La Cour

s'estréféréeà la délimitationcommeétant"une opérationqui consiste à déterminerles limites

d'unezone"74.Brownlienote :

"It is common practice to distinguish delimitation and demarcation of a
boundary.The former denotes description of the alignment in a treaty or
other written source, or by means of a line marked on a map or chart.

Demarcation denotes the means by which the descnbed alignment is
marked, or evidenced,on the ground,by means of cairns of Stones,concrete
pillars,beaconsof variouskinds,cleared roadsin scrub,and so on"75.

Comme onl'aécrit :

"The commonpractice forlandboundaries is,in aboundary treatyor award,
to descnbetheboundaryline in words, ie to 'delimit'it; and then to appoint
boundary commissions,usually joint, to applythe delimitation to theground

"C.I.J.arrê20 février1969,affairesduPlateau continentalde la mer du Nord, Rec.1969,p.22,
"Afncnn Boundaries,C.Hurst&Company,Londres,1979,p.4. and if necessaryto mark it with boundaryposts or the like, ie to 'demarcate'
y76

2.119 La distinction entre délimitationet démarcation est bienétablieen droit

international.Commeleprécise CharlesRousseau :

"A la différencedela délimitation,actejuridique qui s'analyse comme une
décisionde principe sur la déterminationdes éléments qui constituentla
frontière,la démarcationdésignel'ensemble des opérationsmatériellesqui
aboutiront à reporter sur le terrain le tracéde la frontière établipar voie
conventio~elle"~~.

Cukwurah précise :
~
"This distinction between 'delimitation'and 'demarcation' is now generally
a~ce~ted"~'.

2.120 La délimitation déterminela ligne frontalièrede manière juridiquement

contraignante,alorsque la démarcationconcrétisecette lignesur le terrain. C'est ladifférence
qui existe entre dire le droit et l'appliquer dans des circonstances particulières. Comme le

Tribunal l'anotédans l'affairede la Laguna del Desierto dans une situation analogue, "[a]

decision on a frontierdispute and its demarcation are two distinct acts, each of which has its

own legal force"79.A partir du moment où la délimitationa fait l'objet d'unaccord et où elle

l est entréeen vigueur, ellene peut êtremodifiéesi ce n'est par consentement mutuel. Le

Tribunal dans sa sentence du 13 octobre 1995 dans l'affaire de la Laguna del Desierto a
soulignéque :

"the stability of frontiers as a principle of law is not dependent on any
changes undergone by the areas through which those fiontiers pass, such

changesbeing a sûictlyphysical phenomenon"80.

2.121 Shawconclut :

"Where a boundary has been delimited by the colonial powers by

international treaty, the doctrine of state succession, coupled with the
African utipossidetis principle as laid down in the OAU border resolution

l6Su Robert Jenningset Sir Arthur Watts (eds.), Oppenheim'sInternationalLaw, Longmans, Londres, 9& éd.,
1992,p. 662.
77Droit internationalpublic, tome Ki, Sirey, Paris, 1977, p. 26;italiques dans le texte. V. dans le
mêmesens S.B. Jones, Boundary-Making : a Handbook for Statesmen,Treaty Editors, and Boundary
Commissioners,Camegie Endowment for International Peace, Divisionof International Law, Washington, 1945,
xv + 268 p. C.DeVisscher, Problèmes deconfins endroit internationalpublic,Pedone, Paris, 1969,200 p.
TheSenlementofBoundary DisputesinInternationalLaw,ManchesterUniversityPress, 1967, p. 27.
l9Sentence arbitrale,21 octobre 1994,I.L.R.,vol. 113,p. 43, par. 67.
80Ibid.,p. 208,pa54. of 1964, will ensure that this boundary will be binding upon the post-
colonial independent African successor ta tes"^'.

Il n'en apastoujours été ainsi.Paul de Lapradelle observe

"Lorsque, vers la fin du XVIIiOsiècle, la technique de la délimitation

s'organisant, les opérations dedélimitationet de démarcationcommencèrent
à êtrejustement séparées, les fonctions jusqu'alors confondues des
'Commissions de délimitation' furent dissociées. La délimitation
proprement dite - le règlement des limites - considéréecomme la
préparation immédiate du traitéde limites, fut confiéeaux négociateurs

mêmes du traité ou à leurs agents. La démarcation, c'est-à-dire
l'établissementdes bornes et signaux, fut confiéepar le traitémême à des
agents d'exécution groupésen commissions improprement appelées 'de
délimitati~n"'~~.

2.123 La prédominanceaccordée à la délimitation, inévitabledansl'intérêdte la

stabilitédes frontières, aétéexpliquéepar la Cour

"lorsque deux pays définissent entre eux une frontière, un de leurs
principaux objectifs est d'arrêterune solution stable et définitive. Celaest

impossible si le tracé ainsiétablipeut être remisen question à tout moment,
sur la base d'une procédureconstamment ouverte, et si la rectification peut
en êtredemandée chaque fois que l'ondécouvreune inexactitudepar rapport
à une disposition du traité debase. Pareille procédurepourrait se poursuivre

indéfiniment et l'on n'atteindrait jamais une solution définitive aussi
longtempsqu'il resterait possible de découvrir deserreurs. La frontière,loin
d'être stables,erait touàfaitprécaire"83.

2.124 Le processus de démarcationpeut entraîner une modification de la ligne

de délimitation,mais uniquement là où les Parties en tombent d'accord.Cet accentmis sur la

clarification consensuelle ou la rectification de la ligne de délimitation est axiomatique.

Comme le Tribunal l'adéclaré dans l'affaire deTuba :

"If a boundary line is once demarcatedjointly by the parties concerned, the
demarcation is considered as an authentic interpretation of the boundary
agreement even if deviations may have occurred or if there are some
inconsistencies with maps. This has been confirmed in practice and legal
doctrine, especially for the case that a long time has elapsed since

demar~ation"~~.

81
Titleto TemitoryinAfri:InternationalLegalIssues,ClarendonPress,Oxford,1986,p.259
La Frontière,Les Editionsinternationales,P,928,p. 145.
84C.LJ.,arrê1t,juin1962,affaire duTemplede PréahVihéarR, ec. 1962,34.
Sentence arbitrale2,9 septembre1988,I.L.R.,vol. 80,p. 297.Le Tribunalaajouté :

"The pnnciple of the stability of boundaries (...)requires that boundary
markers, long accepted as suchby the States concemed, should be respected

and not opento challenge indefinitelyon the basis of err~r"~~.

2.125 La Cour arepris la distinction à son compte :

"Il ressort clairement du procès-verbal que le premier ministre libyen a
expressément accepté l'accord de 1919, dont 1"exécution' devait être
renvoyée 'à un avenir proche'; dans ce contexte, le terme 'exécution'ne

peut viser que des opérationsde démarcationde la frontièresur le terrain. Le
Premier ministre a d'ailleurs parléd'un accord sur la 'démarcation', cequi
présupposela délimitation - en d'autres termes la définition - préalable de
la frontière.L'emploi duterme 'démarcation'laisse présumerque les parties

ont considéréque la définitiondes frontières étaitacquise, mais qu'elle
pouvait êtresuivie au besoin d'un abornement, dont les modalités étaient
fixées à l'annexe rS6.

2.126 Cette délimitation a été considéréc eomme suffisante par les Parties

contractantes,qui ont nettement distinguéles opérationsde délimitationet de démarcationdès

l'établissementdu mandat sous l'autoritéde la Société des Nations. Le mandat fiançais sur le

Cameroun préciseen son article ler :

"Les territoires dont la France assume l'administration sous le régimedu
mandat comprennent la partie du Cameroun qui est située à l'est dela ligne
fixée dansla Déclarationsignéele 10 juillet 1919, dont une copie est ci-
annexée.

"Cette ligne pourra, toutefois, être légèrement modifiée par accord
intervenant entre le Gouvemement de Sa Majesté britannique et le
Gouvemement de la République française, sur les points où, soit dans

l'intérêdtes habitants, soit par suite de l'inexactitude de la carteMoisel au
1:300.000, annexée à la Déclaration,l'examen des lieux ferait reconnaître
comme indésirablede s'en tenir exactement àla ligneindiquée.
"La délimitationsur le terrain de ces frontières sera effectuéeconformément

aux dispositions de la dite Déclaration.
"Le rapport final de la Commission mixte donnera la description exacte de
la frontièretelle que celle-ci aura été déterminés eur le terrain; les cartes
signéespar les commissaires seront jointes au rapport. Ce document, avec

ses annexes, sera établien triple exemplaire ;l'un des originaux sera déposé
dans les archives de la Société des Nations, le deuxièmesera conservépar le
Gouvemement de la République etle troisième par le Gouvernement de Sa

- --
86Ibid, p. 306.
C.LI.,arrêt,février1994,affairdu Drfférendrem.torial(Jamahiriyaarabe libyennflchad), Rec1994,p.
28,par.56. Majesté britannique" (MC, Livre IV, annexe 127 ; le texte du mandat
britannique est similaire).

2.127 Au lendemain de 1'Echangede lettres du 9 janvier 1931 consacrant la

DéclarationThomson-Marchand, l'ambassadeur de France, A. de Fleuriau, précisela suite

des opérationsen ces termes :
"A la date du 9janvier 1931, l'Ambassadeurde France a procédé avec Son
Excellence le Principal SecrétairedYEtatde Sa Majesté britannique aux

Affaires Etrangères à la délimitation des zones française et anglaise de
mandat au Cameroun. Dans une lettre en annexe adressée à M. Howard-
Smith, il étaitfait part du désir expripar le Gouvernementfrançaisd'être
informé de la date à laquelle la Commission Mixte, chargée d'établir le
rapport final d'abornement, devra être constituéeet la procédure à suivre

pour la saisir de samission particulière.
"En attendant de connaître la réponse du Gouvernement britannique, le
Gouvernement français a désigné M.René Dugast, Administrateur des
Colonies, pour présiderla Commission françaisequiparticipera aux travaux
de la Commission Mixte" (lettre du 4 mars 1931 ; MC, Livre lV, annexe

158).

2.128 En l'espèce, la "délimitationsur le terrain" n'a pas éparachevéesous

les auspices de la S.D.N. Mais le texte du mandat comme la correspondance diplomatique

ultérieure ne comportentaucune ambiguïtésur la distinction entredélimitationet démarcation

et sur le mandatqui devait êtreconfiéaux commissaires

2.129 L'accord de tutelle conclu le 13 décembre1946 avec le Royaume-Uni

reprend la délimitationde lafrontièredans les termessuivants:

"Article premier. Le territoire auquel cet accord s'applique comprend la
partie du Cameroun qui se trouve à l'ouest de la frontière établie par la
déclaration franco-britanniquedu 10juillet 1919et déterminéed'unefaçon
plus précise dansla Déclarationfaite par le Gouverneurde la Colonie et du

Protectorat du Nigériaet le Gouverneur du Camerounsous mandat fi-ançais
et confirmée parl'échangede Notes qui a eu lieu le 9janvier 1931entre le
Gouvernernent de Sa Majesté pour le Royaume-Uni et le Gouvernement
français. Cette ligne frontièrepeut cependant être légèrement modifiéd'un
commun accord par le Gouvemement de Sa Majesté pourle Royaume Uni
et le Gouvemement de la Républiquefrançaise si l'examendes lieux montre

qu'une telle modification est souhaitable dans l'intértes habitants" (MC,
Livre IV, annexe 182,pp. 1392-1393).

2.130 L'accord de tutelle français, de la mêmedate, se réfèreseulement à la

Déclarationde 1919,en les termes suivants : "Article premier. Le Temtoue auquels'appliquele présentAccord de tutelle
comprend la partie du Cameroun qui est situéeà l'est de la ligne fixée parla
Déclaration franco-britanniquedu 10juillet 1919" (CMN, vol. V, annexe
57).

Cesdeux accords considèrent implicitement la délimitationcommeparachevée.

2.131 Le Nigéria tente, cependant, à plusieurs reprises, de confondre

délimitation et démarcation.Il le fait, par exemple, en ce qui concerne la régiondu lac Tchad
(v. chapitre 3, pars. 3.56-3.61).e fait aussi pour la frontièreterrestreallant de l'embouchure

de I'EbejiàBakassi, avec le commentairegénéralsuivant :

"It isa striking feature of a number of the international agreements which
over the years have delimited the Nigeria-Cameroon boundary that they
have in terms not been definitive, but have rather been indicative,aving
the parties to adjust the boundary as may be appropriate to the local

circumstances" (CMN, vol. IIpp. 517-518, par.19.22).

2.132 C'estlà une conception erronéedela situationcomme le confirmeun bref
examen des instruments en question. Les dispositions de tels traitésn'étaientpas du tout

"indicative"mais étaientbien "definitive"et fixaient formellement la ligne de délimitation

frontalière faisant l'objet d'unaccord. D'ailleurs, le sens du motndicative"n'apparaît pas

clairement dans le contexte d'un accord de délimitationjuridiquement obligatoire. Certains
des instruments pertinents concernaient des ajustements mineurs de la ligne dans des

circonstances particulières, mais cela ne peut êtreinterprété comme unecontestation de la

validitéde l'instrumentet de la ligne de délimitation.

2.133 L'article 28 du Traité anglo-allemand du 11 mars 1913 permet aux

représentantsdes deux gouvernements, sous réserved'accordultérieurde la part des deux

gouvernements, d'effectuer des "modificationslégères"D . e telles déviations ne devaient pas

excéder 1,25 miles (2 kilomètres),dans les cas où celasemblait souhaitable, afin d'éviter que
desplantations ne soient séparéesde leurs villages. L'article2 de la Déclaration Milner-Simon

de 1919énonceque les commissaires aux frontières"seront (..)autorisés àapporter au tracé

de la frontière les modifications légèresqui apparaîtraient nécessairesen vue d'éviter de

séparerles villagesde leursterrains de culture" (MC,LivriIi a,nexe 107 ; italiques ajoutés).
De telles modifications mineures étaient soumises à l'approbation des gouvernements

concernés.2.134 Les termes des deux accordsde mandat autorisaientaussi la ligne àêtre

"légèremenm t odifiéepar accordintervenantentrele GouvernementdeSa Majestébritannique

et le Gouvernement de la République Française,sur les points ou, soit dans l'intérêt des
habitants, soit par suitede l'inexactitudede la carte Moisel au1:300.000me, annexée à la

Déclaration,l'examendes lieux feraitreconnaîtrecomme indésirablede s'entenir exactement

à la ligneindiquée" (MCL , ivreIV, annexe127; italiques ajoutés).

2.135 De tels mécanismes, inscritsdans les accords pertinents pour permettre

d'apporter des modifications légèresou mineures à la délimitation (avec l'accord des

gouvernements concernés)ne transforment en aucun cas les dispositions déterminantes
d'accords dedélimitationen une sorte de délimitation"indicative". Il s'agit de méthodes

reconnues permettantd'autoriserdes modificationsau cours de la démarcation d'unelignede

délimitationayantfaitl'objet d'uaccord.

§4 - Le rôle de l'acquiescement

2.136 Sir Robert Jennings a notéque "acquiescence may arise fiom a mere
omission to protest against a situation wherea right to protest existed and its exercise was

called for'"', tandis que Brownlie affirme que "[a]cquiescence has the same effect as

recognition, but arises from conduct,the absence of protest when this might reasonably be

e~~ected"~~U . ne Chambre de la Cour a soulignéque l'acquiescement correspond à "une

reconnaissance tacite manifestéepar un comportement unilatéralque l'autre partie peut

interprétercommeun con~enternent"~~.

2.137 L'acquiescementd, ans la présente affaire, se préssous deux aspects :

les actions et omissionsduNigériaconfirmantla frontièrereconnue sur le plan internationa;

l'allégationdu Nigéria selon laquellele Cameroun aurait acceptéla révision des frontières

dans le sensdesrevendicationsnigérianes.

87
TheAcquisition ofTemtory inInternationalLaw, MancUniversityPress,1963,p. 36.
Principles ofPublic InternationC,larendonPres, xforsLm édC.,1998,p. 157.
C.I.J.arrêt,2octobre1984,affairedela Délimitationde lafrontière moritimedans la régiondu Golfedu
Maine,Rec. 1984,p. 305,par.130.2.138 On peut distinguer trois formes d'acquiescement :l'acquiescement à un

titre conventionnel, I'acquiescemenàune activitéen contradiction avec le titrejuridique, et

I'acquiescementen cas d'absencede titre établi.Le premierjouà la manière dela forclusion,

empêchant1'Etatqui a clairement reconnu ou accepté unesituation juridique existante de

chercherpar lasuiteà la remettreen cause. Le deuxièmeconstitue une tentativepour modifier
une situationjundique établie, alors quele troisièmeest une méthodepermettant de résoudre

un différendenl'absence de règlejundique précise.

2.139 Dans cette affaire, seules les deux premières formes sont pertinentes. Il

ne reste aucune portion de la frontière terrestre non délimit. haque secteur a étépris en
considérationet délimité parun instmment jundique s'imposant aux Parties, mêmes'il

persiste quelques problèmesparticuliers de démarcation à certains endroits. Le Cameroun

constate que leNigéna a soitreconnu, soit acquiescé la ligne de l'utipossidetis telle qu'elle

étaitétablieau moment de l'indépendanceet fondéesur le régime temtonal établi par des
traitésinternationaux valides ou par les instruments internes applicables au temtoire sous

mandat puis soustutelle britannique. En revanche, la volonté nigériane de remetten cause

cette ligne de délimitationsur le fondement d'un prétenduacquiescement camerounais aux

empiétementsnigérians sur son temtoire est sans fondement en fait ou en droit.

A - Les acquiescementsnigérians

2.140 La reconnaissance et i'acquiescement nigérians ont étéclairs aux

différentesétapesdu processus qui a conduit au partage du Cameroun britannique. Le
mémoirecamerounaisa montréde manière préciseque leNigénaconnaissait lespositions des

Nations Unies et d'autres organismes concemint les plébiscites organisésau Cameroun

septentrionaletméridional(v.MC, pp. 237 et S.,pars. 3.224 et S.).

2.141 Aprèsle plébiscitedu 27 novembre 1959, une procédure de séparation a

étéentamée entre l'administrationdu Nigéna (qui devait accéder à l'indépendancele 1"

octobre 1960)et le temtoire sous tutelle. Les deux parties du Cameroun britannique furent

définies,quantà leur assiette temtonale, par des Orders in Council en 1960dans les termes
du Nigeria (Constitution)Order de 1954 qui, à son tour, définissaitles eontières selon lestermes des accords de tutelle faisant explicitementréféreàcla DéclarationMilner-Simonde

1919 et àla DéclarationThomson-Marchandde1930.L'Orderde 1954estentréen vigueur le
la octobre 1954 et fut précédéparTheNorthernRegion, WesternRegionand EasternRegion

(Definitionof Boundaries)Proclamation, entréeen vigueur le 30 septembre 1954.Ce dernier

instrument définit expressémentla kontière orientale du Nigéria,et donc ce qui devint la

kontière internationale entre cet Etat et le Cameroun après l'intégrationdu Cameroun

méridional à la Républiquedu Cameroun :
"From the sea the boundary follows the navigable channel of the River

Akpa-Yafe; thence follows the thalweg of the aforesaid River Akpa-Yafe
upstream to its confluence with the Rivers Akpa-Komm and Ebe" (Part 1,
Third Schedule ;MC, Livre V, annexe202).

2.142 L'Echangede lettres entre le Haut-Commissaire du Royaume-Uni et le

Premier Ministre de la Fédération d'u Nigéria (désormaisindépendant)du 29 mai 1961, est

expressément reconnu par les Parties comme constituant un accord juridiquement
contraignant. Il concernait le rattachement du Cameroun septentrional au Nigériaet faisait

expressément référence au plébisciteetà la Résolution 1608(XV) de l'Assembléegénérale

mettant formellement un terme à l'accord de tutelle concernant le Cameroun britannique.

Comme cet accord définissait, en son article la, l'extension temtoriale du temtoire sous

tutelle, la Résolution confirma formellement cette définition, tandis que l'Accord anglo-
nigérian du29 mai 1961 constituait une reconnaissance par le Nigériade cette définition

temtoriale (MC, pp. 246 et S.,pars. 3.245 et S.).

2.143 Le Nigériaa égalementpris part, aprèsson indépendance,aux débats de

l'Assemblée généralq e,i ont conduit la fm durégimede tutelle età l'attributiondu temtoire
du Camerounbritannique respectivement au Nigériaet au Cameroun. A aucun moment il n'a

soulevéla question temtoriale, ni contestéla frontièreétablieaprèsla fin des accords de

tutelle, ni remis en question la définitionde ses propres frontièrestelles que fixéespar les

Orders in Councilbritanniques. Le Nigériane pouvait avoir aucun doutequant à la définition

temtoriale du Cameroun reflétée par la carte des Nations Unies montrant les circonscriptions

électorales et indiquant clairement que la presqu'île de Bakassi faisait partie de la
circonscription du sud-ouest de Victoria (MC, pp. 249 S.pars. 3.254etS.).2.144 La décolonisation du Camerounbritannique et sa propre accession à
l'indépendance constituaient pourle Nigéria uneoccasion unique de protester quant à la

définitiontemtoriale des territoires concernés.Il n'ena rien fait.

2.145 La pratique subséquente confirmeque le Nigériaavait acquiescéau

régimetemtonal établi.Par exemple, le 2 novembre 1979,le consul généranligérianà Buéa
se rendit à Bekumu, dans l'arrondissement de Bamusso de la province du sud-ouest du

Cameroun, accompagné du député de la région à l'Assembléenationale camerounaise. Il

s'agissait de tenterde mettre fin aux perturbations provoquéespar les Nigérians habitantdans

la zone (annexe RC 48). Le 12 février1982, le consul généran l igériaà Buéa a écritau
gouverneur de la province du sud-ouest pour le remercier de sa courtoisie durant leur visite

conjointe du départementdu Ndian et lui exprimer toute sagratituded'avoirmàsdisposition

un hélicoptère durantle voyage (MC,Livre VI, annexe 265). Dansune lettre du 4 juin 1983,

le Secrétairegénéradle la présidence dela Républiquese plaint au gouverneurde la province

du sud-ouest du mauvais traitement infligé auconsul généralnigériandans "la zone des
criques" où "il a reçu un accueil hostilenotamment des populations nigérianesde JABANE.

En conséquence,il demande au gouverneurde prendre desmesures pourassurer i'ordrepublic

dans la région(annexeRC 85).

B - Les prétendus acquiescements du Cameroun alléguéspar le

Nigéna

2.146 Le Nigénaa essayéde passer soussilencece grandnombre de documents
prouvant sa propre reconnaissance et son acquiescement à la délimitationde la frontière

conventionnelle, pour affirmer que le Cameroun aurait acquieàcla prise de contrôlepar le

Nigénades zones de Bakassi et de Darak.Dans cette situation,commeon l'avu ci-dessus,ce

prétendu acquiescement auraitpour objet,non de confirmerun titre conventionnelmais de le
contester. Commela Courl'anotédansl'affaireduTempledePréahVihéar :

"La Courjuge difficiled'admettreque ces actes émanant d'autorités locales
aient annuléet neutralisél'attitude uniforme et constante des autorités
centralessiamoises à l'égarddutracéde la frontièreindiqué sur la cartevg0.

Deplus, le Tribunald'arbitragedansl'affairedelaLagunadel Desiertoa estimé:
"it would be unreasonable to infer any decisive consequences from the

absence of proteston the part of theArgentine Government,particularly in
view of the confidencewhich the latter was entitled to placein the Chilean
cartography at the relevant time, which located the said basin in

,4rgentinang'.

2.148 Brownliea égalementnotéque "[a]cquiescenceof the kind which closes
the principal issue (whichthereforehas an effect equivalent to estoppel) must rest on very

cogent e~idence"~~.Par conséquent,les allégationsnigérianes concernantl'acquiescement

camerounais à des modifications apportées à la frontière conven'tiomellement délimitée,

frontière qui, comme onl'avu,a été acceptéepar leNigéria,ne peuvent êtreconsidérées que

commedes manifestationsdesonirrédentisme.

2.149 L'acquiescement,dans le contexte de l'acquisition d'une souveraineté

territoriale, nécessite despreuves,et des preuves déterminantes.Lajurispnidence de la Cour
accordeune place bien modestea ce cas de figure.Dans l'affaire duTemplede PréahVihéar,

le moyen de preuve central étaitune carte officiellepubliée parles autorités françaisesen

1907et utilisée également àplusieursreprisespar lesautorités thaïlandaises (siamoises) elles-

mêmes.Ce n'est qu'en 1958,aprèsun silence total de la part des autorités thaïlandaises

(siamoises) qui avait duréplus d'un demi-siècleque, pour la première fois, legouvernement

de la Thaïlande a revendiquéla zone où est situé le temple comme faisant partiede son

temtoire. Dans ces conditionsparticulières,la Cour apu conclure que lesdeux Parties avaient

reconnula délimitationindiquée sul ra cartecommeétantla frontière entreles deuxpays93.

90
C.I.J., arrêt,15juin 1962,Rec. 1962,p.30.
92Sentencearbitrale, 21 octobre 1994,I.L.R.,vol. 113,p. 79, par.169.
PrinciplesofPublicInternationalLaw,Clarendon Press, Oxford, 5'= éd.,1998,pp. 158-159.
9C.I.J., arrêt,15juin 1962,Rec. 1962,p.33. 2.150 L'affaire du Dzfférendfrontalier terrestre, insulaire et maritime entre El

Salvador et le Honduras est encore plus parlante94.La Cour y a examiné l'argument de

l'acquiescement par rapport à l'île deMeanguera dans le golfe de Fonseca. Encore une fois,

bien que le Nigériacite de longs extraits de l'arrte la Cour dans son contre-mémoire(CMN,

vol.1, p. 261, par. 10.124),les faits de cette espècen'ont rien à voir avec le cas présent.En
effet,l'île de Meanguera avait été administréd eepuis 1854 par El Salvador, et ce n'est qu'en

1991, presque 140 ans plus tard, que le Honduras a pour la première fois manifestéde

prétendus droits sur cette île. Aprèsune si longue période,qui s'étend sur plus de quatre

générationshumaines, un ordre temtorial qui pouvait, à l'origine, êtreaffecté de certains

vices, se trouvait définitivement consolidé.Dans le différend actuel, il s'agit tout au plus

d'une périodede 30 ans au cours de laquelle le Cameroun a toujours défendu sesdroits, pour

autant que la situation le permettait. Le Nigéria aaussi fait référence à la position de la

Chambre dans l'affaireduDzfférend frontalier, terrestre, insulaire et maritime, selon laquelle

un acquiescement ou une reconnaissance peut modifier une ligne utipossidetis (CMN, vol. 1,
pp. 212 et S.,par. 10.6).Cependant, la Chambre a clairement notéque cela ne peut se produire

que "lorsqu'ilya assez de preuvespour établirque les parties ont en fait clairement accepté

une variante, ou tout au moins une interprétation,de la situation résultantde l'utipossidetis

j~ris"~~.Une telle preuve n'existepas. Le Cameroun n'apas "clairement acceptéune variante

ou tout au moins une interprétation,de la situation résultantde l'uti possidetis juris". Au

contraire, il a constammentmaintenu qu'ilsoutenait la délimitationjuridiquement en vigueur

établie demanière conventionnelle.

2.151 Enfin, en ce qui concerne l'affaire du Dzfférendfrontalier (Burkina
Faso/République du Mali), qui joue égalementun rôle primordial dans l'argumentation du

Nigéria,qui citeun longpassage de l'arrêd tans son contre-mémoire(CMN, vol. 1,p. 262,par.

10.127), on constate que la Chambre de la Cour examine l'argument de l'acquiescement, à

laquelle les deux Parties avaient consacréune grande attention, sans en tirer la moindre

concl~sion~~.La Haute Juridiction n'a apparemment vu aucune possibilité d'interpréter les

faits dans le sens d'un acquiescement(implicite)ou d'une reconnaissance(explicite) de la part

94C.I.J.,arrt,1septembre1992,Rec. 1992,pp.570 et S.,pars.356 et S.etenparticulier,p. 577, par.364 et p.
959, par.367.
96bid, p. 401,par.67.
C.I.Jarrêt22 décembre1986,affaireduDflérendfrontalier (BurkinaFaso/RépubliqueduMali),Rec. 1986,
pp. 570-575.du Mali. Une seule phrase de cet arrêt méritune attention particulière dans le contexte du

présentdifférend,celle où la Cour énonceavec la plus grande clartéqu'un acquiescement

"suppose le libre exercice de la~olonté".amais le Cameroun n'a manifestéune quelconque
volonté d'abandonnersa souverainetésur la presqu'île de Bakassi ou sur la régionde Darak.

Au contraire, son gouvernement, conformément à une ligne de conduite absolument

cohérente, s'est toujours référéaux instruments internationaux qui, dès le débutde son

existence, ontdéfinison identitétemtoriale.

Le rôle des protestations
5 5 -

2.152 A plusieurs reprises, le Nigériasouligne que le Cameroun n'aurait pas

protesté au moment approprié,c'est-à-dire immédiatement après lesincidents qui sont

maintenant rapportés devant la Cour. Il prétend même que le Cameroun a perdu la
souverainetésurla presqu'île de Bakassi et sur la régionde Darak du fait de ses hésitations

élever des protestations formellesà l'encontre de certaines manifestations d'exercice de

puissancepublique par les autoritésnigérianes(v.CMN,vol. 1,p. 260, par. 10.124,et voIi,

pp. 433-437, pars. 17.73-17.85).L'argument est dépourvude tout fondement. Il résultede

l'exposédu Nigéria lui-mêmeque le Cameroun a toujours cherchéàmaintenir la souveraineté
territoriale qui lui revient de plein droit.ffit de lire les paragraphes 10.129et 10.130du

contre-mémoire nigérian(vol. 1,p. 263) pour se convaincre que l'attitude du Camerounne

peut en aucune façon êtrequalifiéed'"acquiescement" ou de "reconnaissance". Le Cameroun

n'a jamais cesséde faire valoir ses droits sur la presqu'île de Bakassi. La mêmechose vaut

pour la région de Darak.Selonles thèsesdu Nigéria,un Etat perdrait ses droits souverainssur
les parties de son temtoire ou il n'a pas étéen mesure d'établir unappareil administratif

satisfaisant àtoutes les exigencesd'un Etat moderne.Cette thèseest en contradictionavec les

réalitésde l'Afrique. En droit, elleest totalement déde fondement.

2.153 Il est vrai que le gouvernement camerounais n'a pas toujours protesté
contre les violations de son temtoire commises par les autorités nigérianesou par des

particuliers avec l'appui deces autorités. Mais onne saurait déduire d'unepassivitédans un

nombre de cas limitédes conséquencesjuridiques négativespour le Cameroun.Premièrement,

97Ibid ..597,par.80.la présentationdes faits par le Nigérian'est pas correcte. Le Cameroun a bien envoyéde

nombreuses notes de protestation augouvernementnigérian (v.infra,par exemple,chapitre5,

pars. 5.233-5.234, et chapitre 11, pars. 11.94-11.99 et par. 11.216).De plus, le Cameroun a
défendu ses droits sur Bakassi et la régionde Darak, non seulement par des actes

diplomatiques au niveau intergouvernemental, mais aussi par desactes d'autorité manifestant

sa souveraineté.Ainsi, l'envoide gendarmesetde soldats, quele Nigénamentionne lui-même

(v. CMN, vol. 1,p. 263, par. 10.129), n'était nullementune action de harcèlement, mais

constituait au contraire l'exercice légitimede la souveraineté temtoriale.Le Cameroun a

toujours défendu ses droits parsa présencesur leslieux et sa ferme oppositionaux ambitions
annexionnistespoursuivies parleNigéna.

2.154 Dans ces conditions, on peut conclure que la volontédu Cameroun de

maintenir le statu quo s'est manifestéeavec une clartésans équivoque.Du reste,mêmeune

absence totale de protestations n'aurait en rien changéla situationjuridique. L'analysedes

arrêtspertinents de la Cour révèle qu'unmanque de protestations n'a étéconsidéré comme
conduisant à une déchéance qu'après l'écoulemed nt très longs délais,au moins cinq

décennies.

2.155 C'est ainsi que dans l'affaire des Pêcheriesnorvégiennesentre le

Royaume-Uni et la Norvège,la Cour s'est baséesur le fait que la Norvège avaitpratiqué son

système spécial de délimitation des eaux internes pendant plus de 60 ans sans rencontrer
aucune objection dela part des nations engagéesdans la pêche dans la mer duNord. LaCour

a conclu :

"La notoriété des faits, la tolérance généralede la communauté
internationale, la position de la Grande-Bretagnedans la mer duNord, son

intérêt propredans la question, son abstention prolongée,permettraient en
tout casà laNorvège d'opposerson systèmeau~o~aume-~ni"~~.

Le degréde précautionavec lequel la Cour a formulé cette phrasefinalesaute aux yeux.Elle

prend en considérationun faisceau d'autres facteurspour aniver àla conclusion que, enpartie
par son propre comportement,le Royaume-Unin'est plusen mesurederemettre encauseune

pratique qui s'estconsolidéependant plus d'un demi-siècle.

98C.I.J., ar,8décembre 1951,Rec.1951,p.1392.156 Le mêmeenseignement se dégagede l'affaire du Temple de Préah

Vihéar.Dans cette espèce,la Coura pu constaterque,de 1907 à 1958, la Thaïlande(le Siam)

n'avait élevé aucuneobjection contreunecarte officiellequi indiquait que le templeétait situé

en terre cambodgienne. De mêmeque dans l'affairedes Pécheries norvégiennes,la Cour a

pris en comptedans son arrêtde 1962unnombrede facteursadditionnels, en particulierle fait

que la Thaïlande elle-mêmeavait utilisécette carte produite par les services compétents

fiançais et que,lors d'une visite du templepar unhaut fonctionnaire siamois, ancienMinistre

de l'Intérieur,chargéde la protectiondes monumentsarchéologiques, celui-ciavait étéreçu
par le résidentfrançais de la provincevoisinedu ~ambod~e~~M . ais il est inexact de dire que,

dèslors qu'unEtat s'abstient d'éleveruneprotestationimmédiatementaprèsune violation de

ses droits, il perdses droits auprofitdel'auteurde l'acte intemationalement illicite.

2.157 La pmdence delajurispmdenceet de la doctrine à l'égarddu problèmede

la prescription acquisitive est également fortrévélatrice. Ainsi,dans l'affaire de l'lie de

Kasikili/Sedudu, la Cour a estiméne pas avoir "à s'attarder sur le statut de la prescnption

acquisitive en droit international ou sur les conditions d'acquisition d'un titre temtorial par

mais elle a constatéque les Parties s'accordaient pourconsidérerque, si cette

institution pouvait trouver place dans le droit desgens, les conditions suivantes devaient être
remplies :

"1. La possessionde1'Etat ...doitêtre exercée à titre de souverain.

"2. La possessiondoitêtre paisible eitninterrompue.
"3.La possessiondoitêtre publique.
"4. La possessiondoitseprolongerdurant un certaintemps"'0',

et que la Namibie n'avait "pas prouvéavec le degréde précisionet de certitude nécessaire"

que ces conditions étaient remplies'02.Pour leur part, Jennings et Watts écriventque la

prescnption, endroit intemationalpeutêtre définiecomme :

"the acquisition of sovereigntyover a tenitory through continuous and
undisturbed exercise of sovereigntyover it during such a period as is

necessary to createunderthe influenceof histoncal developmentthe general

99C.I.J.arrêt1,juin 1962, Rec. 1962,30.
101.I.J.,arrêt,décembre1999,par.97.
102bid., par.94.
Ibid., par.99. conviction that the present condition of things is in conformity with
international~rder"'~'.

Lamême démarchp erudente se retrouvedans un autre ouvrage classique, celui de Brierly, où
les conditions d'applicabilitéde la prescription acquisitive sont traitées dans les termes

suivants :

"Long possessionin order to have the effect of extinguishing a pnor title to

sovereignty must be continuous, public, and peaceful ; i.e. a continuous,
public, and undisturbed exercise or display of state authonty must be
shown"'".

Dans les deux ouvrages, il est d'ailleurs fait référenceavec une certaine sympathie à

l'instruction donnéeaux arbitres dans l'affaire de la Frontière de la Guyane britannique,

libelléecomme suit :
"Adverse holdingor prescription during a period of fiftyyears shall make a

good title"'05.

2.158 Ces conditionsne sontpas remplies dans le cas duNigéria :le Cameroun

n'a jamais cesséde faire valoir ses droits, ni sur le plan diplomatique, ni sur le terrain. Par

ailleurs, les délaisen questionne sont pas susceptibles de faire naître au bénéficedu Nigéria

un titre juridique qui se substituerait aux titres qui ont défini l'identitétemtonale du
Cameroun lors de son accession à l'indépendance. LeCameroun n'est déchuni des droits

qu'il détienten ve& des instruments qui lui conferent la souveraineté territoriale, ni des

droits secondairesqui découlent pourlui des incidentsde frontièreengageantla responsabilité

duNigéria quele Camerounaprésenté s la Cour (v. infra,chapitre 10,pars. 10.51 et S.).

103Sir Robert Jemings et Sir ArthurWatts (eds.),OppenheimkInternationalLaw, Longman, London, 9'= éd.,
1992,p.706 citantL. ûppenheim, InternationalLaw.A Treatise,édipar H. Lauterpacht,Longmans, Londres,
8" éd.,1955,p. 576.
104
J.L. Brierly, TheLaw ofNationr, édiparSir HumphreyWaldock, Oxford UniversityPress, New York et
105ord,6- éd.,1963,p.170.
V. le Traitédu 2 février1897entre laGrande-Bretagneet le Vénémélian Sir RobertJe~ings et Sir Arthur
Watts(eds.), Oppenheim'sInternationalLaw,Longman,Londo~ 9'= éd.,1992,p. 706,note 1. CHAPITRE3.

LE SECTEUR DU LACTCHAD 3.01 Le choix fait par leNigéna d'ignorer, dansle contre-mémoire,les faits et

arguments avancéspar le Cameroun dans son mémoire,retarde l'ouverture du vrai débat
jusqu'à la procédure orale.Le Cameroun s'efforcera, dans le présentchapitre, d'éviterles

redites avec ses propres écritureset de réfuterla thèsedu Nigéria.IIserapar ailleursobligéde

rappeler certaines analyses faites par la Cour dans son arrêtdu 11juin 1998' que la partie
nigériane semble ignorer.

3.02 La thèse du Nigériarepose sur quatre affirmations. 1. Il n'y a pas de

délimitation conventionnelledans lelac Tchad. 2. Les travaux de laCommissiondu bassin du

lac Tchad n'ont pas abouti et ne délimitent pas la frontière de manièreobligatoire pour le
Nigéria. 3. En l'absencede titre conventionnel, le Nigériafait valoirun titrehistonque, fondé

sur l'occupation des villages revendiquésdans le lac Tchad. 4. Ce titrehistoriquea fait l'objet

d'un acquiescement par le Cameroun.

3.03 Il est très frappant que le Nigéria segarde bien de proposer un tracé

frontalier dans le lac Tchad. Il se contente de récuser la frontièreconventionnelle et de
revendiquerun certain nombre de villages (CMN, vol. II, pp. 336-337,par. 14.5 et iii,

conclusions, pp. 832-833). Quaàtla délimitation,il renvoàune procédure ultérieudans
le cadre de la Commission du bassin du lac Tch...dont il contesteles travaux antéri!urs

La thèseduNigériane résiste paà l'examen.

Section 1 : 1.A FRONTIERE DANS LE LAC TCHAD FAIT BIEN
L'OBJET D'UNEDELlMlTATIOK CONVENTIONNELLE

~ 1- L'Echangede lettres Henderson-deFleuriau
i
3.04 L'instrument de délimitationconventionnellen'est pas contesté.Il s'agit

de I'Echange de lettres Henderson-de Fleuriau du 9janvier 1931 (MC,Livre IV, annexe 157),
dont leNigéria reconnaîtla validité,mêmes'il en conteste I'applicabilitéau lac Tchad (CMN,

vol.Ei,p. 833, conclusions, par. (3) (a)).

3.05 Dans un premier temps, la frontière est délimitéepar la Déclaration

Milner-Simon du IOjuillet 1919 (MC, Livre III, annexe 107). Maiscette délimitation, quine

Rec. 1998,p. 275.elaFrontière tet aritimeentre le Camerounet leNigéria(exceptionspréliminaires).sera pas modifiéepour le lac Tchad, sera précisée en 1931 par les deux gouvernements
concernéssur la base des travaux entrepris par les deuxHauts-Commissaires et consignés

dans la DéclarationThomson-Marchanddes 29 décembre1929-31janvier 1930(MC, Livre

IV, annexe 157).

3.06 L'Echange de lettres précise, sousla plume de l'ambassadeur de

Fleuriau, que:

"Votre Excellence a sans doutereçule texte de lamêmedéclarationet elle a
certainementobservéqu'il ne s'agit là que d'une étudepréliminaire.Celle-
ci est destinéeà donner à la description de la ligne que devra suivre la
Commission deDélimitation plusde précision que nel'a fait la déclaration
Milner-Simon, de1919.

"Quoi qu'il en soit, la première déclaration viséeci-dessus définit en
substance la frontièredont il s'agit et le Gouvernement de la Républiquea
l'honneur de confirmer, par la présente note, l'agrémentqui lui a été
implicitement donné. Si une pareille confirmation est faite par le
Gouvernement de Sa Majesté dans le Royaume-Uni, la délimitation

définitive pourraêtreentreprise par la mission prévue à cet effet par
l'Article 1dumandat".

En réponse,le Secrétaire'Etat,ArthurHenderson, précise :

"His Majesty'sGovernmentagreethat this Declaration is, as youpoint out,
not the product of a boundary commission constituted for thepurpose of

carrying out the provisionsof Article 1of the Mandate, but only the result
of a preliminarysurveyconductedin order to determine more exactly than
was donein the Milner-SimonDeclarationof 1919the line ultimatelyto be
followed by the boundarycommission ;that, none the less, the Declaration
does in substancedefine the frontie; and that it is therefore desirable that
the agreementembodiedthereinshallbe confirmedby the two Governments

in order that the actualdelimitationof the boundary may then be entrusted
to a boundary commission,appointed for the purpose in accordancewith the
provisions ofArticle 1of theMandate".

3.08 La Déclaration Thomson-Marchandest portée devant le Parlement
britannique dèsjuillet 1930. L'Echangede notes est publié dansla United Kingdom Treaiy

Series commeTraiténo34 (1931)(MC,Livre IV, annexe 157). La frontière est expressément

reprise par l'accord de tutelle du 13 décembre 1946(sur ces points, v. le mémoiredu

Cameroun (MC, p. 210, par. 3.175etpp. 211-212,pars. 3.178-3.180),confirmé parle contre-
mémoireduNigéria (CMN,vol. Iipp.367 et s.,pars. 15.74et s.)).3.09 La frontièreest transmise lors des indépendances au Cameroun et au

Nigériapar application duprincipeutipossidetis2.

3.10 Au demeurant,il n'y a pas de désaccordde principe entre les Parties sur

ce point. Le contre-mémoiredu Nigériaaffirme explicitement :"Nigeria accepts in principle
the delimitation of the landboundary in accordancewith the instruments referred to" (CMN,

vol. TI,pp. 500 et S.,pars. 18.54et S.).Et, d'accord avecle Cameroun, le Nigériaprécise :

"The land boundary between Lake Chad and Bakassi as it is today is thus
principallythe result of the followinginstruments :
"(1) the Thomson-MarchandDeclaration 1929-1931 (as to the stretch from
Points J to K on the sketch map at Map 56 in the Atlas, particularising the

earlierMilner-SimonDeclaration 1919) ;

"(2) theNigeria(Protectorate and Cameroons) Order in Council" (CMN,
vol. n, p. 487,par. 18.28).

3.11 Sans doute, le Nigéria précise-t-iqlue ces instruments ne concernent que

la frontière terrestre et ne s'appliquent pas à la frontièredans le lac Tchad. Encore faut-il
expliquer pourquoi un instrumentconventionnelest obligatoire pour les Parties surun secteur

de la frontière,mais ne l'estpas sur un autre. Le contre-mémoire duNigénaest laconique sur

ce point. Après avoirretracé lanégociation Thomson-Marchandet la conclusion de 1'Echange

de lettres Henderson-deFleunau, il conclut :
"Thus, as at 1 June 1961, the date upon which Northem Cameroons was

incorporated into the independent Federation of Nigeria, the process of
delimitation and demarcation of the boundary in Lake Chad was still at an
embryonicstage" (CMN, vol. II,p. 376,par. 15.99).

L'observation est partiellement exacte, s'agissant de la démarcationde la frontière lacustre,

puisque le Nigérian'a pas formellementacceptéle résultatdes travaux effectuésdans le cadre

de la C.B.L.T. L'observation est sans fondement pour la délimitation, effectuée avecune
précision satisfaisante par1'Echangede lettres du 9 janvier 1931 d'une manière qui n'avait

rien d'"embryonnaire".

V. suprac,hapitre 2, pars. 2.100-2.115 sur l'effet du princpossidet sursl'ensemble du règlement
frontalier entrele Cameroun et leNigéna. 5 2 - La délimitation conventionnelle dans le lac Tchad

3.12 Les deux Parties citent par ailleurs un ensemble d'instruments

conventionn&lspréalables, qui permettent de reconstituer l'histoire de la frontière, voire

d'interpréter certaines dispositionsde l'AccordHenderson-de Fleuriau.

3.13 S'agissant plus précisémentde la délimitation dans le lac Tchad,

l'Accord Henderson-de Fleuriau reprend la formule utilisée dansl'Accord Milner-Simon du

10 juillet 1919. L'Accord Milner-Simon précise à l'article lm de la "Description de la

Frontièrefranco-britanniquetracéesur la Carte du Cameroun àl'échelle1/300.000",annexée
à la Déclaratio:

"La frontière partira du point de rencontre des trois anciennes frontières
britannique, française et allemande placédans le lac Tchad par 13'05' de
latitude nord et approximativement 14'05' de longitude est de Greenwich.
De là, la frontièreseradéterminéde la façon suivant:

"1. Par une ligne droite jusqu'à l'embouchure de 1'Ebeji" (MC, Livre III,
annexe 107).

3.14 La Déclaration Thomson-Marchand du 31 janvier 1930 reprend
exactement la même formule,en substituant fort logiquement l'indicatif "part" au futur

"partira" dans la premièrephrase (MC,Livre IV, annexe 157). La frontière est eneffetétablie

depuis 1919surce point.

3.15 Le Nigériasouligne la différence entrela ligne droite adoptéeen 1919et

confirméeen 1931d'une part, et la flontièreanglo-allemande décrite par lestraités antérieurs

à 1914 d'autre part (CMN, vol. II, p. 388, par. 16.21). La carte Moisel confirme en effet la
divergence entre les deux tracés(v. carte R 1page suivante). Il n'y a rien d'étonnàncela.

Les négociateursont simplifiéla frontièrelacustre en substituant une ligne droitàla ligne

briséerésultantde la superposition des traités antérieurs. En déplaçant lpoint d'amvée à
l'est, sur les rives du lac Tchad, ils ont choisi un point de repère géographiqueidentifiable,

l'embouchure de 1'Ebeji.La ligne droite définissantla frontière nouvelle opèrepar ailleurs

une compensation approximative entre les surfaces dont sont respectivement amputésles

anciens temtoires du Cameroun allemand et du Nigéria. Rien n'empêchaitla France et la
Grande-Bretagnede procéder, danslecadre du règlement depaix de 1919, à cet ajustementde

frontièrespour en simplifier le tracé etle rendre plus visible sur le terrain. Comme l'a dit la

Cour dans l'affaire du Diffërend frontalier (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad), "[rlienn'empêche les partiesde déciderd'un commun accord de considérer une certaine ligne
comme une frontière, quel qu'aitété son statut anté~ieur"~.

3.16 On notera que les textes de 1919et de 1930-1931 remplacent la mention

du méridiensitué à 35 minutes à l'est de Kuka, ou Kukawa (conventions du 15 novembre

1893 et du 14 juin 1898) par la coordonnéegéographique 14'05' de longitude est de
Greenwich. Ainsi est éliminétout doute sur la localisation précise du point triple,

contrairement aux affirmations du contre-mémoiredu Nigéria (CMN,vol. II, pp. 388-389,

pars. 16.21-16.24). En particulier, l'incertitude touchant la position du centre du village de

Kukawaest levéepar la référence auxcoordonnéesgéographiques.

3.17 La frontièreest donc constituée par uneligne droite tracéeentre deux

points définis parleurs coordonnées géographiquesC . es deux points définissentde manière

préciseune délimitationau sensqueledroit internationaldonne àce terme. Lepoint de départ
est constitué par le point triple des trois anciennes frontières, britannique, française et

allemande,dont les coordonnéessontdéfinies dela manièresuivante : latitude 13'05' nord et

longitude"approximative" 14'05'estde Greenwich.

3.18 La Commission dubassin du lac Tchad a eu l'occasion de préciser les

coordonnéesde ce dernier point et de réduire l'approximationpar la précisionsuivante :

13"05'00"0000 nord et 14O04'59'9999est. La différenced'un 10/000èmede seconde se

traduit surle terrain par une différencde 0,2911centimètre.

3.19 Le point d'arrivéese situe à l'embouchure de I'Ebeji ou El Beid (v.

supra, carte R 1).

3.20 Une contestations'est élevée entre les Parties au sujet des coordonnées
de ce point d'arrivée.L'Ebeji présentaiten effet deux embouchures possibles au moment des

travaux de démarcationmenés surle terrain par les experts de la C.B.L.T. Le Cameroun

revendiquait le point 14°11'48"est de longitude et 12°31'20" nord de latitude. Le Nigéria

revendiquait le point 14°13'22" estde longitude et 12O31'12"nord de latitude. La C.B.L.T.,
au terme d'une procédure décritedans la section 2 du présent chapitre, retint le point

' C.I.Jamèt,3fénier 1994,Rec.1994,p.23,par4514°12'11"7 est de longitude et 12'32'17"4 nord de latitude, coordonnées géographiques

estiméesde l'embouchure deI'Ebejien 1931.On trouvera ces pointsreportésrespectivement
surla carteMoisel au 1 : 300.000"annexée à l'AccordMilner-Simon (v.supra, carteR 1)et

sur lacartedela C.B.L.T.au 1 :50.000° (v. infracarteR 2)4.

3.21 Le point identifié parla C.B.L.T. est à 1 900 mètres du point de

coordonnéesrevendiqué parle Cameroun et à 3 000 mètres du point de coordonnées

revendiqué par le Nigéna.Il correspondàl'embouchurede 1'Ebejitelqu'il existaiten 1931et
tel qu'il étaitdécritsur la carte Thomson-Marchand. Au demeurant,le cours de 1'Ebejine

semblepas avoirchangédepuisle début dusiècle,si l'on en croit la carte annexée à l'Accord

du 19mars 1906et reproduite ci-après(v. carteR 3).

3.22 La contestation par le Nigénadu caractèreobligatoiredes travaux de la

C.B.L.T. nechange nen à l'exactitudede la détermination,par les experts de la C.B.L.T.,de

l'embouchurede I'Ebeji telle qu'elle existait en 1931 et donc du point auquel se réfère
l'AccordHenderson-deFleunau.

3.23 On notera que la différence entre les coordonnées géographiques
revendiquéespar le Nigénaet par le Cameroun comme celles définiesdans le cadre de la

C.B.L.T. ne sont pas de nature à changer fondamentalement le tracéde la frontière.En

particulier,elle ne modifie pas la situation temtonale des villages contestés auregard de la

souverainetétemtonale des deux Parties, comme il apparaît si l'on reportesur une carte les

coordonnéesdes villages revendiqués parle Nigéna (v.carte R 4 ci-après'). Il s'agit en
l'espèced'unecontestation relative à la démarcation,mais sans incidencesur la délimitation

temtonale.

3.24 Le contre-mémoirerevient sur le caractère incertain de la délimitation

Thomson-Marchand (CMN, vol. II, pp. 388 et S.,pars. 16.20 et S.). Il fait grand cas de

l'adjectif "approximative", qui qualifie la mesure de longitude du point triple. S'agissant

Lacartea étréalisée spécialemeot rla C.B.L.T.parle Minishy of OverseasDevelopment (Directorateof
Overseas Surveys)du gouvernementbritanniqued'après couverturephotographiqueaériennede 1973. Le
complémensturle terrain etla foumiturede renseignements complémenestéteffectuésparla C.B.L.T.
auCamerounenoctobre 1975etauNigénaen avril1976.
' Cettecartesituel'ensembledeslocalitésfigurantsurla carteno42 de l'atlascartannexéaucontre-
mémoire nigérian.es nomsdeslocalitéscorrespondauxnuméros sont mentionnési-dessousdansl'annexe
auprésentchapitre,qui énumèrlees "Manifestationsde souveraicamerounaisesdans les villages du lac
Tchadrevendiqué psarle Nigéria". d'une frontièrelacustre, l'expression secomprend sans mal.Au demeurant, l'approximation a

étéréduiteàquelques centimètresdans le cadredestravauxde la C.B.L.T.

3.25 Le Cameroun considère,pour sa part, que les experts de la C.B.L.T. ont
préciséle point double par référenaux instrumentsinternationaux liantles deux Parties et
!
en particulier la carte Moisel, annexéà la DéclarationMilner-Simon de 1919 et donc

l intégréeà l'instrumentum, comme cela est précisci-après.Comme le Cameroun l'a déjà
1 indiqué,la constatation des experts fut entépar les commissairesnationaux du Nigéria,
l
du Cameroun, du Tchad et du Niger dans la Résolutionno 2 relativàla démarcationdes
frontières dans le lac Tchad, lors des travaux de la session de la C.B.L.T. réunieà

Maroua les le'et 2 décembre 1988(MC, pp. 381-383,pars. 4.120-4.127, et Livre VI, annexes

288 et 289). Le Cameroun se rallàcette constatationet demandà la Cour de dire etjuger
que tel estbien l'emplacement dupoint double.
1

5 3- La frontière est confirméepar les cartes officielles annexées
aux instruments de délimitation

3.26 Les cartes, toutes les cartesproduitesdepuis la mise en place du mandat,

indiquent clairement et sans aucune réservela frontièreconventionnelledans le lac Tchad (v.
MC, pp. 258 et S.,pars. 3.277 et S.)

3.27 La frontière est déterminée par référenc e la carte Moisel par la

l Déclaration Milner-Simon.La Déclarationprécis:
"Les soussignés:
"Le Vicomte Milner, Secrétaired'Etat du Ministère des Colonies de la
GrandeBretagne,
"M. Henry Simon,Ministre desColoniesde la RépubliqueFrançaise,
"sont tombésd'accordpour déterminerla frontièreséparant lestemtoires du

Cameroun respectivement placéssous l'autorité deleurs gouvernements,
ainsi qu'elle est tracéesur la carteoisel au 1/300.000 annexée à la
présente déclarationet définiepar la description en trois articles également
ci-jointe" (MC, LivreII, annexe 107).

~ 3.28 L'article 3 de la description jointà l'accord énumère lesfeuilles

annexées dela carte Moisel, dont la feuille A4 Tschad, éle lerdécembre 1912,pour le
lac Tchad (v.supra, carte R.Il ajout:

"2. A titre d'indication une cartedu Cameroun, au 112000.000, est attachée
à la présente descriptionde la kontière".La carte annexée à l'échelle1:2000 000 n'a donc qu'une valeur indicative. En revanche, la

carte Moisel possède toutel'autoritéd'une carte officielle et constitue un des élémentsde

3.29 La Déclaration Thomson-Marchand, quant à elle, préciseque les

signataires :
"sont tombésd'accord pour déterminerla frontièreséparantles temtoires du

Cameroun respectivement placés sous l'autoritéde leurs Gouvernements
ainsi qu'elle esttracéesur la carte jointe àcette déclarationet définiepar la
descriptionégalementjointe" (MC, Livre IV, annexe 157).

3.30 La cartejointe constitue donc la carte officielle annexéeà 1'Echangede

lettres Henderson-de Fleuriau (v. carte R 5 reproduite page suivante). Elle doit êtrelue en

relation avec la carteMoisel. Elle est tout à fait précise dans le secteurdu lac Tchad, comme

l'ont confirméles travaux de la C.B.L.T. et bénéficie de l'autorité que la jurispmdence
attribue aux cartes officielles6.La Cour a eu récemment l'occasionde rappeler l'importance

des cartes"traduisantofficiellementla volontédes parties au traité"'.

3.31 La carte annexée à la Déclaration Thomson-Marchand a donc acquis la

valeur d'un titretemtorial dans lamesure où elle confirme etprécise letexte de la Déclaration

(v. sur ce point MC,pp. 270-273,pars. 3.318-3.322). Cette considération estimportantepour

déterminerlepoint double, situé à l'embouchurede l'Ebeji, point précisésur la carteannexée.

3.32 Quant aux autres cartes, elles ne peuvent apporter qu'une "preuve

concordante qui conforte une conclusion à laquelle le juge est parvenu par d'autres moyens,

indépendantsdes cartesns. Elles sont unanimes pour conforter la frontière conventionnelle.
Ces cartes n'ont jamais fait l'objet de la moindre démarche,de la moindre objection, de la

Dansl'affairedu Différendfrontalier,laChambrede la Cour a pré:isé
4'En matièrede délimitation de frontisu de conflittemtonal international,les cartes ne sont que de simples
indications,plus ou moinsexactes selonles;ellesne constituentjamai-àelles seules et du seulfait de leur

existence - un titre temtonal, c'est-à-dire un documentauquel le droit international confere une valeur
inhinsèque aux fins de l'établissementdes droits territoriaux. Certes, dans quelques cas, les cartes peuvent
acquérirune telle valeurjuridique mais cette valeur ne découlepas alors de leurs seules qualitésin:rinsèqnes
elle résultede ce que lescartes ontété intesrmi les élémentqui constituent l'expressionde la volontéde
I'Etatou des Etats concernés. Ainsva-1-il,par exemple, lorsque des cartes sont annàxun texte off~ciel
dont elles font partie intégrante", C.I.J.2,décembre 1986,Rec. 1986, p. 582, par. 54, rappelédans
l'affairede I'Ilede KasikilüSedudu(Botswana/Narnibie).arrêtdu 13décembre 1999,par. 84.Sur l'ensemble de
la question,v.supra, chapitre2,pars.2.68-2.76.
'C.LJ.,arrêt1,3décembre 1999a,ffairede I'lledeKasikili/Sedudu(Botswana/Namibie),par. 87.
C.LJ.,arrêt2,2 décembre 1986D, ~fférendfrontalier(Burkina Faso/Républiquedu Mali), Rec. 1986,p. 583,
par. 56. part du Royaume-Uni ou de la République fédérale du Nigéria(v. MC, pp. 258-321, pars.

3.277-3.358).

3.33 Il n'existe aucune carte, même nigériane, portantun tracé frontalier

réclamépar le Nigéria dans le lac Tchad. Dans ce secteur, le Nigéria est incapable de

présenterune ligne frontière etse contente d'affirmer sa souverainetésur des villages, non sur

1 un espacegéographiquedéfini parune frontière.

3.34 On observera à ce propos le caractère singulier de la revendication

nigériane.Les conclusions du Nigéria affirment :

"(2) as to Lake Chad, adjudge and declare :
l
"that sovereignty over the areas in Lake Chad defined in Chapter 14of this

Counter-Memori (including the Nigerian settlements identified in
paragraph 14.5hereof) is vested in the FederalRepublic of Nigeria ;

"that the proposed 'demarcation' under the auspices of the Lake Chad Basin

Commission, not havingbeen ratified by Nigeria, is not binding upon it ;

"that outstanding issues of the delimitation and demarcation within the area
of Lake Chad are to be resolved by the Parties to the Lake Chad Basin
Commission within the framework of the constitution and procedures of the

Commission" (CMN,vol. ID, conclusions, pp. 832-833).

3.35 D'une part, le Nigériacontinue d'ignorer l'arrêt rendu parla Cour sur les
exceptionspréliminaires.La Cour y préciseque "la commission n'a jamais reçu compétence,

et à fortiori compétence exclusive, pour se prononcer sur le différendtemtonal qui oppose

actuellement le Cameroun et le Nigéna devant la Cour, différendqui au surplus n'était pas

encore néen 1983"g.Il est curieux, dans ces conditions, de demander à la Cour de "dire et

juger" que le différend doit être porté devan lt C.B.L.T.

3.36 D'autre part, en s'abstenant de revendiquer une ligne eontière, le Nigéria

méconnaîtun principe fondamental de délimitation territoriale, lié à la recherche de la

stabilité du règlement frontalier. La frontière esten effet une ligne qui séparedeux espaces

souverains.Comme le faitobserver Vattel :

--
C.I.JRec.1998,p. 308,par.70. "Puisque la moindre usurpation sur le temtoire d'autrui est une injustice, pour
éviterd'y tomber, et pour éloignertout sujet de discorde, toute occasion de
querelle, on doit marquer avec clartéetprécision les limitesdes temtoires"lO.

La doctrine et la jurisprudence contemporaines sont unanimes quant à la notion de

délimitation.Pour des raisons de précisionet de stabilité,la frontièredoit se résoudreen une

ligne frontière".

3.37 L'incapacité duNigéria à avancer une ligne frontièredans le lac Tchad
en dit long sur le titre de souveraineté allégué. Il s'agit en vérité d'une occupation illicite,

rampante puis ouverte, du temtoire camerounais, par la force, en contradiction avec

l'intention affirmée de manière répétéepar les Parties et consignée dans des accords

internationauxsolennels d'établir une frontièreconventionnellestable et définitivedans le lac

Tchad.

La volonté d'établirune frontière stable et définitive
9 4 -

3.38 La modification des caractéristiquesphysiques,tant du lac Tchad que de

I'Ebeji, ne saurait affecter le tracéde la ligne frontière.En choisissant, sur ce secteur de la

frontière, la technique des coordonnées géographiqueset de la ligne droite, les Parties
contractantesmettaient le tracé frontalier à l'abrides variations naturelles du plan d'eau et de

l'affluent.

3.39 La volonté de parvenir à une frontièrestable et définitive malgré les

variations hydrologiques est au demeurant attestée par la précision donnée dans les
instrumentsantérieurs relative au statut des îles dansle lac Tchad. Ces îles sont réparties sans

exception entre les deux Parties contractantes selon leur situation par rapport à la frontière

rectiligne ainsi tracée.On lit ainsidans l'Accord franco-anglaisdu 29mai 1906, à l'article II,

alinéa1 :

"Il est convenu que les Iles du Tchadqui se trouvent situées a l'intérieur de
la ligne déteminéepar le dernier paragraphe de l'Article 1 feront partie
intégrantedes temtoires Britanniqueset que celles qui se trouvent en dehors

'OCitéparP.deLapradelle,La Frontière, es EditionsInternationP,aris,1928,p.46.
V. not.P. deLapradelle,ibid., pp.5S.; SirRobertJennings,TheAcquisition ofTerritoryinInternational
Law, ManchesterUniversity Press, 1963, pp. 12-13 ; sentence arbitrale,31 juillet 1989, affaire de la
Déterminatiode lafrontièremaritimeGuinée-Bissau/SénégRa., .D.I.P.,1990,p.253,par.63. de cette mêmeligne feront partie intégrante des possessionsFrançaises"
(MC, Livre II, annexe40,p. 275)Iz.

3.40 De même,l'Accord franco-allemanddu 18 avril 1908 précise en son

articl1,(k), alinéa2:

"Il est entendu que les îles du Tchad situéeà l'ouest et au sud de la
frontière ci-dessus indiquéefont partie du temtoire allemandelles qui
sontà l'estet au nord font partie despossessions françaises" (MC, Ii,re
annexe 50,p. 382).

Peu importe la consistance physique du temtoire. La souverainetéest détermear la seule
~
situation du temtoire par rappàrla ligne frontièretracéegéométriquemedtans le lac.

3.41 Le Nigéria insiste sur l'évolution de la situation géographique et

l'assèchementdu lac Tchad (CMN, vol. Ii ,p. 311 et S.).Il est vrai que les caractéristiques

géographiquesdu lac se sont modifiées demanière importantedepuis1931.Mais les Parties
contractantes, dans leur sagesse, ne s'étaientpas fondées surdes caractéristiquesnaturelles de

la région, tenues pour immuables. Ellesavaientpris en compte lapossibilité d'un changement
~
l des points de repère physiquesen adoptant,pour cette partie de la frontière,la technique des
lignes droites tracées entre des points sardes coordonnéesgéographiques.

3.42 Le changement fondamental de circonstances n'est pas une cause
l
d'inapplication des traités-front. e droit internationalprésume que les Parties traité

frontièrefont prévaloir l'impératiea stabilitédela frontière.La Convention de Vienne sur
le droit des traités pren son article62,paragraphe2:

"Un changement fondamental de circonstances ne peut pas êtreinvoqué
comme motif pour mettre fin un traitéoupour s'en reti:er

"a) S'il s'agit d'un traitéétablissantunefrontière".

3.43 Commentant le projet de convention, la Commission du Droit

international a précisé :ue
"les traités qui établissentune frontière doivent être tenus pourune
exception à la règle, sans quoi, au lieu d'êtreun instrument d'évolution

pacifique, la règlepourraitdevenirlacausede dangereux froissement^"^^.

l2"Itis agrethatheIslandsof LakeChadsituwithithelinelaiddowninthelastparagrof Art.1wili
formanintegralpartof Britishtemtory,andthat thosesituatedoutsidethatline will formanintegralpartof the
Frenchpossessions"(CMN,vol. II,p. 381,par.16.9).
283, par.dv. dansle mêmseens Su IanSinclau,TheViennaConventionon the Lawof Treaties,Manchester
UniversityPress,2'=éd., 1984,p. 195.3.44 Les délégationsdu Cameroun etdu Nigéna à la Conférencedes Nations

Unies sur ledroitdes traités n'ontpas contestéla règleet ontvoté pour l'ensembledu texte.

55 - L'absence de démarcation ne saurait remettre en cause la
délimitation conventionnelle de la frontière

3.45 La délimitationconsacréepar l'Accorddu 9janvier 1931 est donc d'une
précisionsufisante pour mériterl'appellation"délimitation"et pour "défini[r]en substancela

frontière",comme le déclarentHenderson et de Fleuriau dans leur Echange de lettres (v.

supra,pars. 3.06-3.07).

3.46 Le Nigéria cherche néanmoins à tirer argument de l'absence de

démarcation définitivede la frontièresur le terrain pour remettre en cause la délimitation

conventionnelle.Jouant d'une confusion systématiqueentredélimitationet démarcation,il en

déduit quela délimitationen était à un stade "embryonnaire" lors de 1'Echangede notes
Henderson-de Fleuriau de 1931 (CMN, vol. Ii,p. 376, par. 15.99, citésupra, par. 3.11).

L'argument n'estpas acceptable.Si la démarcationest une opération matérielle subséqueàe

la délimitation,ellen'en conditionnepas pour autantlavalidité'4.

3.47 Il est intéressantde relever que les Parties n'ont, pendantlongtemps,pas

envisagé la démarcationde la frontière dans le secteur &I lac Tchad. Les efforts de

démarcation entreprisavantla SecondeGuerremondialeconcernaient lapartie méridionalede
la frontière.Mais,comptetenude sa nature, la frontièrelacustrene posait guère deproblèmes.

Dans un espacesubmergé,la définition dupoint triple d'une part, du point double sur la rive

d'autre part, suffisàimarquer la frontière dans lelac puisqu'il s'agissait d'unelignedroite.

On ajouteraquela frontièren'a fait l'objetd'aucune démarchede la part du Cameroun et du
Nigériaindépendants,qui onthérité de la ligne frontièredans les conditionsque l'on sait. Il a

fallu que se pose le problèmede la sécuridans le lac Tchadpour que les Etatsriverains du

lac entament,dans le cadre de la C.B.L.T., une procédurede démarcation,plus d'un demi-
siècleaprèsladélimitationde 1931.

l4V. supra, chapitre2, pars. 2.35-2.45 et en particuldtu 3 février1994, DiDrend territorial
(Jamahiriynarabelibyenne/Tchad),Rec.p.28,par.56.3.48 La conduite subséquentedes Parties au Traitéconfirme donc l'existence
d'une délimitationconventionnelle de la frontièredans le lacàTla satisfaction des

Parties contractantes et parun instrument internationacommeobligatoire par elles.

Pacta suntservanda. Pour reprendre lestermes de la Convention de Vienne, on se trouve en

présenced'une "pratique ultérieurement suivie dans l'applicationdu traitépar laquelle est
établil'accorddesPartiàl'égard de l'interprétation du trait3e,paragraphe 3, b)).

3.49 On relèveraau demeurant la contradiction de la thèse nigériane. D'une

part,le Nigériaaccepte le caractèreobligatoire deI'Echangede lettresdu 9janvier 1931dans
son ensemble. Mais d'autre part, il conteste ce caractère obligatoiredans la partie de la

f?ontièrequi a sans doute fait l'objetde la délimitationlaplus précise,puisque définiepar des

points géographiques précis, resar une ligne droite, tout ceci dans le cadre d'une

procédureorganiséeous lasurveillancede la Sodes Nations.

3.50 La délimitation conventionnelle existe doncsans conteste dans le lac

Tchad, indépendammentde toute opération de démarcasur le terrain.Elle est obligatoire

pourles deux Parties. Elle ne saurait êtreremise en cause aujourd'hui par le Nigériaau motif
que la procédurede démarcationachevée dle cadre de la C.B.L.T. n'a pas étératifiéepar

une des Parties. Un traitéfrontière estobligatoire indépendamment de toute dIlarcation.

créedes obligationsquaàtla délimitationainsi arrq,ue les Partiesne peuvent remettre
encause.

Section2: LE DEROULEMENT DES OPERATIONS DE
DEMARCATION DANS LE CADRE DE LA
COMMISSION DU BASSIN DU LAC TCHAD
CONFIRME LA DELIMITATION CONVEN-

TIONNELLEDELA FRONTIERE

3.51 La démarcationdes frontières dans lelac Tchad a fait l'objet de travaux

importantsqui sesont dérousurune bonne décennie.Les Etats riverainsdu lac Tchad y ont

collaborà tous les nivea:experts, commissaires,ministres, Chefs d'Etat, sans marquer la

moindre réservesur la qualitédes travaux pendant trèslongtemps. 5 1.- La saisine de la C.B.L.T.

3.52 Le Nigéria cherche aujourd'hui à minimiser la portéedes travaux
effectuésdanslecadre de la Commissiondu bassin dulacTchad :

"The expresspowersof the LCBCdo not includethe resolutionofboundary
questions and the taking up of the business of demarcationresulted from

considerations ofsecurityin the region" (CMN, vol.II.p. 392,par. 16.31).

3.53 Il n'en a pas été ainsi danu sn passé récentI.I suffit de rappelerà cet
égardles conclusionsque le Nigériaprésentait devantla Cour lorsde la procéduresur les

exceptions préliminaires :

"3.1. Que, sans préjugerde ce qui sera décidéau sujet de la deuxième
exception préliminaire,le règlementdes différendsfrontaliersdans la région
du lac Tchad relève dela compétenceexclusivede la commissiondu bassin

du lac Tchad et que, dans ce contexte, les procéduresde règlementprévues
dans le cadrede la commissionsontobligatoirespour lesPartiesn1s.

3.54 Il importe de préciser, à ce stade, la naturejuridique de l'opération.II

s'agit d'une opérationde démarcationet non d'une remise en cause de la délimitation
conventionnelle de 1931. La Cour a préciséla nature des opérations entreprisespar la

Commission du bassin du lac Tchad dans son arrêtdu 11 juin 1998 sur les exceptions

préliminaires :

"Les Etats membres onten outre confié à la commissioncertainestâches qui
n'avaient pas étéinitialement prévuespar les textes conventionnels. A la
suite d'incidents entre le Camerounet le Nigériasurvenusen 1983dans la
région du lac Tchad, une réunionextraordinaire de la commission fut
convoquée du21 au 23juillet 1983 à Lagos sur l'initiativedes chefs d'Etat

intéressés,en vue de confier à la commission le soin de traiter certaines
questions frontalières et de sécurité.Deux sous-commissions d'experts
furent alors créées. Ellesse réunirentdu 12 au 16 novembre 1984. Un
accord intervint immédiatement entreles experts pour retenir 'comme
documents de travail (. ..traitant de la délimitationdes frontièresdans le

lac Tchad' diverses conventions et accords bilatéraux conclusentre
l'Allemagne, la France etle Royaume-Unientre 1906 et 1931.Les experts
proposèrenten mêmetemps que la îrontièreainsidélimitée soit démarquée
aussi rapidement quepossible.

"Cette démarcationfut opérée de 1988 à 1990au cours de trois campagnes

d'abomement lors desquelles furent posées septbomes principales et
soixante-huit bomes intermédiaires.Le rapport finalde bornage fut signé
par les délégués des quatre Etats intéressé Pu.s, le 23 mars 1994,lors du

ISC.I.J.,Re1998,pp.287-288,par.19. huitième sommet d'Abuja de la commission du bassin du lac Tchad, les
chefs d'Etat et de gouvernement furent informés de 'l'achèvement des
travaux de matérialisationdes frontièressur le terrain'.décidèrent alors
'd'approuver le document technique de la démarcation des frontières

internationales des Etats membres dans le lac Tchad', étant entendu 'que
chaque pays adopte le document conformémentà ses propres lois'. La
question de la ratification de ce documentété évoquée lors du neuvième
sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la commission à
N'Djamena, les 30 et 31 octobre 1996, en l'absence des chefs d'Etat du

Cameroun et du Nigéna, sansqu'aucunprogrès soitconstaté.Depuis lors, le
Cameroun a cependant déposé,le 22 décembre 1997, un instrument de
ratification tandis que le Nigénane l'apas fait"16.

Elle ajout:

"Le Nigéna soutienten outre que la convention du 22 mai 1964, confirmée

par la pratique des Etats membres de la commission, donne compétence
exclusive àcette dernièrepour le règlementdes différendsfrontaliers. Il en
déduit que la Cour ne saurait connaître des conclusions du Cameroun
tendant a ce qu'elle déterminedans ce secteur la frontière entre les deux

Pays.

"La Cour ne saurait accueillir cette argumentation.Elle notera tout d'abord
qu'aucune disposition de la convention ne donne compétence età fortiori
compétence exclusive à la commission en matière de règlement des
différends frontaliers. Une telle compétencene saurait notamment être

déduitedu paragraphe g) de l'articliX de la convention (voir paragraphe
64 ci-dessus).

"La Cour relèvera par ailleurs que les Etats membres de la commission ont
par la suitechargé cette dernièredeprocédeàla démarcationdes frontières
dans la régionsur la base des accordset traitésfigurant dans le rapport des

experts de novembre 1984 (voir paragraphe 65 ci-dessus). De ce fait, et
comme le souligne le Nigéna, 'la question de la démarcationde frontière
relève manifestement de la compétence de la commission'. Cette
démarcation était conçuepar les Etats intéressés commeune opération
matérielleà réalisersur le terrain sous l'autoritéde la commission en vue

d'éviterlerenouvellementdes incidentssurvenus en 1983"".

1 3.55 La Cour distingue donc clairement les deux opérations l'opération de
délimitation antérieuàela saisine de la Commissio; l'opérationde démarcation, "opération

matérielleàréalisersur le terrain".

l6C.LJ.,Rec1998p,p305-30p6a,r.5.
l7lbidpp.307-308 p,r70.3.56 La terminologie employée par leP sarties est parfois flottante, comme il
arrive en de pareilles circonstances.Mais l'examen du mandat donnéaux commissaires et

experts chargésde l'opérationne laisseaucundoute.

5 2- Le rappel des instruments de la délimitationpréalable

3.57 L'organisationde l'opérationde démarcation aen effet été précédéd ee

l'énumérationp ,ar les Parties,des instrumentsjuridiques applicablesdans le lac Tchad. La

sous-commission"frontières",réunie à Lagos du 12 au 16 novembre 1984, précisedans son
rapport :

"5. Après discussions et échange de vues, la sous-commission a retenu
comme documentsde travail, lestextes suivants traitant de la délimitation
des frontièresdansle Lac Tchad :

"- Accordentre laGrande Bretagneet la France concernant lespossessions
britanniqueset françaiseà l'EstduNiger signé àLondres le 29mai 1906 ;

"- Convention pourpréciserles frontières entrele Cameroun et le Congo
françaissignéeà Berlin le 18avril 1908;

"- Accord entre le Royaume Uni et la France sur la délimitation des
ffontièresentre les possessions britannique et française à l'Est du Niger
signé àLondresle 19février1910 ;

"- Echangede notes entre les Gouvernements de SaMajestédu Royaume
Uni et de la France concernant la frontière entre le Cameroun français et
britannique faitàLondres le 9 janvier 1931" (MC, Livre VI, annexe 271,

pp. 2239-2241).

3.58 Dès le 6 novembre 1970, dans un document de travail établi par

l'Organisation desNationsUniespour l'Agricultureet l'Alimentationpour la Commissiondu
bassin du lac Tchad,M. P.H.Sand,du servicede législation, citaitle texte de l'ensembledes

actes internationaux pertinents(doc. AGLISFI70132 "Frontières internationales descours

d'eau du bassindu Lac Tchad",annexe RC 26). Ce document a servide base aux travauxde

la C.B.L.T. Ilnepouvait êtreignorépar lesEtats membreset notammentpar le Nigéria.

3.59 Le contre-mémoirecherche curieusement à tirer argument de cette

énumération pour tirer vers la notion de délimitationle mandat donnépar les Parties à la

C.B.L.T. 11déclare : "As the Court will readily appreciate, such reference to treaty instruments in
the context of a 'demarcation' exercise indicates that the exercise was in
reality in the nature of a delimitation. Moreover, given the choices to be
made in relation to the treaty instruments, even the delimitation process
involved some active legal and political decisions" (CMN, vol. II, p. 399,
par. 16.45).

La Cour constate plus simplement que les Etats membres ont chargé la Commission de
procéder à la démarcationde la frontière dans la régionsur la base des accords et traités

figurant dans le rapport des experts. En encadrant ainsi le travail des techniciens par

l'énumération des textes de base, les Parties ont entendu séparerce qui relèvejuridiquement
de la délimitationet ce qui est démarcationsur le terrain.

53 - Le mandat confiépar les Parties à la C.B.L.T. se limite à la
démarcation de la frontière, à l'exclusion de toute opération

de délimitation

3.60 Le mandat donné à l'attributaire du marché, l'Institut géographique

nationalde Paris, est trèsclair. Il s'agit, selon les termesde l'article 5 du marché enregistréle

6juin 1988,destravaux dont la consistanceest la suivante:

"L'Entrepreneur exécutera conformémentaux Spécifications Techniques
jointes en annexe et aux SpécificationsTechniques ADOS et des Nations
Unies enmatière de géodésie, les travaumentionnésci-après :

"i) Reconnaissance, matérialisation des21 points approchéset des 7 points
limitesdes frontières.

"ii) Pose de 62 bornes de resserrage à 5 km maximum entre les points
limites;

"iii) Démarcationdes coordonnées des bornes des frontièreset des bornes
intermédiaires" (MC,Livre VI, annexe284, p. 2374).

11s'agit la de travaux purement matérielsde démarcation surle terrain. Par ailleurs, le même

marchéprévoit, à l'article 7, la transmissàol'entrepreneur des "textes et documents traitant

de la délimitationdes frontièresdansle Lac Tchad", en reprenant les textes cités en1984 et en

y ajoutant le procès-verbal signéle 2 mars 1988 entre le Tchad et le Niger concernant la
position du pointdoubleTchacVNiger.

3.61 La démarcationne peut donc en aucun cas avoir pour conséquence de

s'écarter dela ligne fixéepar les instmments de délimitation. Aucun des Etatsmembres n'ad'ailleurs accuséla Commission ou l'entrepreneurde s'écarterde la frontière tellequ'elle est

délimitéepar les textes. Lestravaux furent effectuésdans le strictrespectde ce mandatet sans
jamais remettre en cause la délimitationpréalable. Ontrouvera ci-aprèsles photographiesde

la borne marquant le tnpoint Cameroun-Nigéria-Tchad(planchel), de la borne marquant le

bipoint, c'est-à-dire l'embouchurede l'Ebeji, sur la rive du lac (planche2) et d'une borne

intermédiaire(planche3).

$4 - Le refus de ratification du procès-verbal de démarcation par
le Nigéria ne remet pas en cause la délimitation
conventionnelle

3.62 Il est vrai que l'opérationde démarcationne futpas acceptéeinfine par

le Nigéria. Mais ilfaut ici préciserles choses avecla Cour:

"En effet, alors que le Camerounne contestait pas en 1963la validitéde la
résolutionde l'Assembléegénérale mettant fin à la tutelle, le Nigéria,dans
la présente affaire, ne considère pas le document technique sur la

démarcation des frontières approuvé lors du sommet d'Abuja de la
commission du bassin du lac Tchadcomme un documentréglantde manière
définitive lesproblèmesde frontièresdans cette région.Le Nigériaa réservé
sa position devant la Cour encequi concerne le caractèrecontraignantdece
document. il soutient que ce dernier doit êtreratifiéet rappelle qu'il ne l'a
pas ratifié.la enfin précisél ,ors du neuvièmesommetde la commission à

N'Djamena en 1996 qu'il ne 'peut mêmepas engager le processus de
ratification si laquestion n'estpasretiréede la Cour'.

"Le Cameroun, de son côté,estime que le Nigériaest dans l'obligation
d'achever leprocessus d'approbation du document encause et que, même
en l'absence d'une telle action, la frontière entre les deux pays dans ce

secteur 'est définie juridiquement', 'matérialiséesur le terrain' et
'internationalementreconnueV''8.

3.63 Les instruments de délimitationpréalables nefurentjamais contestés par

les représentants du Nigériatout au long de la procédure, et ceci au plus haut niveau,

notamment lors des sommetsde Chefs d'Etat etdegouvernement.

l8C.I.J., affairedelaFrontièreterrestreet maritimeentre leCamerounet le Nigéria(exceptionspréliminaires),
Rec. 1998p.309,par.72.

128 Planche 1

BORNE 11 - TRIPOINT -Tchad - Nigeria - Cameroun
. ~ ~ .~~ .- -
I Planche

BORNE V -BIPOINT - Nigeria-Cameroun Planche 3

I
BORNE intermédiaire - entre le TRIPOINT (II) et l(V).POINT 13.64 L'opération de démarcation proprement dite fut critiquée à certains

moments par les représentants du Nigéna. Mais ceux-ci se déclarèrenten fin de compte
satisfaitsde l'exactitude de ces opérations.L'ensemble des travaux futappàol'unanimité

par les experts, les commissaires et les Chefs d'Etat eux-mêmes. A aucun moment les

représentants du Nigéna ne remirent en cause la délimitation conventionnelle ou les

instruments qui la décidaient.Ce n'est qu'au stadede la ratification que le Nigéna fit valoir

son opposition.

3.65 Le contre-mémoire duNigéna ne conteste d'ailleurs pas ces faits. se

contented'affirmer le droit du Nigénade ne pas ratifier le résultatdes travaux menés dansle

cadre de la C.B.L.T.Il en déduit quele Nigénan'est pas tenu par le résultatde ces travaux.

Le Nigériane saurait pour autanà,cette occasion, remettreen cause les instmments fixant la
délimitationdela frontière.

3.66 Les instruments de délimitation,et singulièrementl'Accord du 9 janvier

1931, restent pleinement valables et continuent de délimiterla frontièreentre les deux Etats
dans le lac Tchad en l'absence mêmede toute démarcationacceptée.

Section 3: LE CAMEROUN A ADMINISTREPACIFIOUEMENTLA
ZONE CONTESTEE ET Y A EXERCE SA
SOUVERAINETE CONFORMEMENTAUX EXIGENCES

DUDROIT INTERNATIONAL

3.67 Le Cameroun n'a pas à démontrer l'exerciceeffectif de sa souveraineté pour établir
son titre dans le lac Tchad. Il invoque un titre temtonal conventionnel.Comme l'a soulignéla

Cour dans l'affaire du Différendterritorial (Jamahiriyaarabelibyenne/Tch:d)

"iiressort clairement des considérationsci-dessus que le différend sàumis
la Cour, qu'on le qualifie de différendtemtonal ou de différend frontalier,
est régldemanière concluanteparuntraité (..).

"De même, l'effectivitéde l'occupation deszones pertinentes dans le passé
et la question de savoir si cette occupation a été constante, pacifique et
reconnue ne sont pas des points que la Cour doit trancher dans la présente
affaire"'9.

'9C.I.J.,ar3t,févri1994Rec.1994,p.38pars.75-76.

1353.68 Le Camerounne peut cependantlaisser passer les contrevérités avancées

par le Nigéria, tellesque:

"There is an additional feature of the situation which is of considerable

importance.Atnotime have the residentsof these villagespaid taxes of any
kind to theauthontiesin Cameroon"(CMN, vol. II,p. 424, par. 17.38).
Ou encore :

"The interviewswith local chiefsshow a general absence of Cameroonian
activity"(ibid.,p. 436,par. 17.80).
Ou encore :

"no information is given relating to any Cameroonian presence or
administrationin the region either in 1987 or before or after 1987. No
documentsare cited and noadministrativeacts are referred tom(ibid., par.
17.81).

3.69 Le Camerounreviendra surles soi-disant manifestationsde souveraineté

du Nigéria dansla zone du lac Tchad,essentiellementpour mettre en cause la responsabilité

internationale de cedernierdu faitde la violationmanifestede la souverainetédutemtoire de
la République duCameroun (v.infra, chapitre 11, section 3). Il se limitera ici à quelques

exemples du fonctionnementpacifiquedes servicespublics camerounaisdans le secteur, en

rappelant qu'il s'agitd'unezoneéloignéep ,eu sûre,d'un accèsdifficile.Le droit international

n'exige pasla même densité deprésence souveraine dans des zones peuplées, urbaines, d'une
part, des zones dépeupléesa,u climatdifficile,d'autrepart. Au demeurant,les membres de la

C.B.L.T. avaient décidé d'exercer encommun certaines de ces attributions, notamment le

maintien de l'ordreet la luttecontrelebanditisme(annexesRC 177et 178).

3.70 Surtout, l'invasion des villages par les forces armées nigérianeset

l'expulsion des autoritéscamerounaises,voire des ressortissants du Cameroun à partir de

1984,puis après1987,limitentpar force l'exercicepacifique de la souverainetédu Cameroun.

Le dessein des autoritésnigérianesest clair : pousser les populations nigérianes à s'installer,
puis s'emparer,aubesoinpar la forcemilitaire,des richesses piscicolesdu lac Tchad (annexe

RC 161). Au terme du processus, en1994, le commissaire spécial dela sûreténationale ne

peut que dresser la liste des 18villages occupéspar la force par le Nigéria(MC, Livre VIi,

annexe 364), liste qui correspond,ou peu s'en faut,à la liste des villages revendiquéspar le
Nigéria.3.71 On comprend dès lors que les manifestations de souveraineté

camerounaise soient, pour l'essentiel, antérieureà 1984. Les documents administratifs
révèlent,dans ces limites et contraintes, une présence incontestablede l'autoritépublique

camerounaise.

3.72 Pour lacommoditéde la lecture, le Camerounrenvoieà l'annexe figurant
à la suite du présentchapitre,qui récapitule, villageparvillage, lesdocuments produits par le

Camerounet leurréférence auxannexes àlaréplique.Afin d'éviter toute équivoqueuantà la

localisation des lieux-dits,le Cameroun a utiliséles appellations employéespar LeNigéria

dans le contre-mémoire(vol. II, pp. 413-414, par. 17.3). Cene présentationn'implique en
aucune mesure une reconnaissance quelconque par la République du Cameroun des

appellations ou des orthographesnigérianeset moins encore de la souverainetérevendiquée

par le Nigénasurces localités.

3.73 Les villagesfont l'objet de tournées administratives régulse la part

du chef de districtde Hile-Alifa puis du sous-préfetn note ainsi des visitàsAisa Kura

(1985), à Bashakka (1985), à Chika'a (1982, 1984, 1985),à Darak (1985, 1987), à "Petit

Darak" ou DarakGana(1985), à Karakaya (1985),à Katti Kime (1982, 1985, 1990)à Naga'a

(1982, 1984, 1985),àNaira (1985),à Nimeiri (1985),à Sokotoram(1985). Le Ministrede la
pêcherencontre agriculteurset éleveursde KattiKime en 1985.

3.74 II est décidde créerun centre de pêche à Katti Kime. La coopération

japonaise, sollicitée, finle projet dans le cadre d'un projet de développementde la pêche
continentale. Aprèsune étudepréliminaire, une visite alieu sur placeà Katti Kime le 9

septembre 1984. L'Agence japonaise pour la coopération internationale remetun rapport

favorable en avril1985.Unesubventionest accordéejusqu'à concurrencede six centmillions

de yens japonais pourréaliserle projet, subvention accordée parI'Echange de notes du 11
juillet 1985 conclu entre les deux gouvernements. La réalisation du projetest confàéla

"Overseas AgrofishenesConsultantsCo, Itd.Tokyo" par conventiondu 3 décembre1985.Le

contrat pour la fourniturede l'équipementest passé avecMitsuiITaikei le 5 mars 1986.Une

équipejaponaise conduit une "detailed surveyand confirmation of construction site for
Makari control post" àMakari (Katti Kime) le 12 mai 1986. Le matérielest réceptionné à

Maga le 10février1987.Le 10février1987,le matériel livréest toujours dans les containers.

Le 10 février1988,le chefdu servicedes pêchesde l'extrême-nord doit informeleministèreque le bâtiment de pêche a été occupp éar les Nigérianset la plaque portant l'inscription

"coopérationCameroun-Japon 1987" arrachée.Il recommande en conséquenceque le poste
de contrôle de pêchede Katti Kime ne figure pas sur le programme de déplacementde la

missionjaponaise si la situationn'évolue pasfavorablement.

3.75 Le recensement général dela population est faitn 1983 àChika'a, à

Gorea Gutun, àKatti Kime, àNaga'a ;en 1984 àChika'a, àDarak, à Fagge,à Gorea Changi,
à Gorea Gutun, à Kaforam, à Katti Kime, à Naga'a, àSagir, à Sokotoram. Une tournéede

sensibilisationaux actions fémininesest organiséeen 19àChika'a, àGorea Changi, àKatti

Kime et àNaga'a.

Les impôts sont prélevés Chika'aen 1983-1984, 1985-1986,1986-1987
3.76
et en 1988; àDarak en 1985-1986, 1986-1987, 1988 ; àFagge en 1985-1986,1986-1987; à

Gorea Changi en 1985-1986, 1986-1987 et 1988 ; àGorea Gutun en 1989, 1991-1992et en

1993 ; à Kaforam en 1988; à Katti Kime en 1983-1984,en 1985-1986, en 1986-1987, en

1988, en 1990-1991 ; àNaga'a en 1983-1984, 1985-1986,1986-1987, 1988 ; Sokotoramen
1985-1986 et 1986-1987. On notera une tournée d'inspection fiscaleet de recouvrement des

impôts forfaitaires, notammentà Darak, les 15-16 mars 1987. La perception de l'impôtà

Darak suscite un incident avec les autoritésnigérianesen 1987. Les remises ne peuvent pas

êtreeffectuéesen zone occupéeen 1988, ce qui concerne les localités deChika'a, Darak,

Kafouram,Naga'a, Sagir, Sokotoram.

3.77 La désignationdes chefs traditionnels est assuréepar l'autorité publique

à Chika'a en 1986 et en 1988. Chika'a est recenséecomme chefferie traditionnelle du 3t"

degré en 1997 et 1999; désignation à Darak en 1986, en 1988 et recensement comme
chefferie traditionnelle en 1997 et 1; àFagge en 1986 et 1988 ; àGorea Changi en 1985

et en 1999; à Gorea Gutun en 1986, 1988, 1997 et 1999 ; àKafuram en 1997 et 1999; à

Kamunna en 1997 et 1999 ; àKatti Kime en 1985et 1999 ; àMurdas en 1997et 1999 ; à

Naga'a en 1986, 1988, 1997 et 1999; àSagir en 1986, 1988, 1997 et 1999;à Sokotoramen

1986 et 1988.En 1984, lagendarmerie doit intervenàrKatti Kime dans un litige relaàla
chefferie et aux terrains.

3.78 Les campagnes électoralessontl'occasion de manifestationsde l'autorité

publique. Les bureaux de vote sont organisésen 1983à Chika'a,à Darak, àGorea Gutun, àKatti Kime, àNaga'a, à Sokotoram. On note une tournéede campagneélectoraleen 1983 à
Chika'a, àGorea Gutun, àKatti Kime, àNaga'a. Une informationestdonnéesur les élections

municipales en 1987 àChika'a, àGorea Changi, à Gorea Gutun,à Kaforam, à Katti Kime,à

Naga'a, àSagir.

3.79 La réglementation des marchés publicset l'interdiction de ventes

clandestines donnent lieudes interventions en 198à Chika'a, Gorea Gutun,Katti Kime et

Naga'a. La circulation des biens et des personnesarak età Katti Kime fait l'objet d'une

note du préfetdu département du Logone-et-Chariau chef de district en 1987.

3.80 Des distributions de vivres sont assuàéChika'a,à Darak,à Fagge, à

Gorea Gutun, à Gorea Changi, àKatti Kime,à Naga'a, àSagir etàSokotoramen 1985.Une

aide est transmisàKatti Kime en 1986aprèsun incendie de quartier.Des droits de place sur

les marchés sont perçus Katti Kime en 1983-1984et en 1989.Des taxes sur le poisson sont
perçues dans lamême localiten 1983,puis en 1984-1985.

3.81 La gendarmerie a l'occasion d'intervenià plusieurs reprises dans des

affaires pénales. Elle transmet au procureurde Kousseri une enqsur un meurtreàGorea
Changi en 1986. Elle constate un litige foncierà Katti Kime en 1984. Elle procède à

l'arrestation et au transfàrKousseri d'un voleur dans la mêmelocalitéen 1986. Elle

réprimeun trafic de stupéfiants et d'eau decolàgNaga'a en 1982.

3.82 On notera la contribution des blamas (chefs) de Chika'a, Gorea Gutun,

Katti Kime et Naga'a aux activités culturelleset folkloriquesorganiséesAlifa en 1982.

Ainsi que l'attribution au blama de Katti Kime de la décorationdu méritecamerounais en

1987, tant pour son activitéde chef de village que pour ses qualitésd'éleveur (annexeRC
160).Et les impôtsimputésau blama de Darak en1986-1987.

3.83 Cet ensemble de documents atteste un exercice pacifique de la

souveraineté du Cameroun,jusqu'en 1987pour le moins, dans des conditionsconformes aux
exigences du droit international, Si la présencedes autoritéscamerounaisesse fait plus rare

aprèscette date, c'est que les forcesesnigérianes l'interdisent. Section 4 : LE TITRE HISTORIOUE INVOOUE PAR LE NIGERIA
NE RESISTEPAS A L'EXAMEN

3.84 Le Nigéria invoquedes considérations historiques générales,sans

pertinencepour le présent débat.

3.85 Le "titre historique" invoqué par le Nigéria apparaît après les

indépendances,de l'aveu même duNigéria :

"Permanent settlementsbegan to be established at the end of the 1950s.
Katti Kime, originally an island, was established by Nigerians as a
settlement for fishingas early as 1959.The establishment ofmilar fishing
settlements continued throughout the1960s" (CMN, vol. II, p. 335, par.
14.2 ; italiques ajoutés).

3.86 L'assèchementdu lac Tchad et la pression démographique conduisent le

Nigéria à installer des villages en territoire cameroànmesure de l'évolutiondu climat et

de la population20.Cette intrusion est en général ledit personnes privées, suivies dansun

second temps par les services publics nigérians,qui viement légitimer l'usurpationde
souveraineté.

3.87 Il faut distinguerparmi les villages revendiquéspar le Nigéria.Certains

se trouvent effectivement dans la zone de souveraineténigériane. II en est ainsi des six
premiers villages énuméréd sans le tableau du contre-mémoire (voliI ,. 336, par. 14.5):

Koloram, Sabon Tumbu, Jribrillaram,Doron Mallam, Kirta Wulgo et Sagir. Ces villages se

trouvent en effetà l'ouest de la frontièreconventiomelle de 1931, Sagir étanttraversépar

celle-ci. La logique du contre-mémoirenigérianexplique la singularit: le Nigéria,refusant
de considérerqu'il y a une frontièreconventionnelle dans le lac Tchad, est amené à

revendiquer tous les villages installésdepuis 1959, même ceux quise trouvent sur son

tenitoire...

3.88 La questionestde savoir si cetteapplication de la théorieduensraum

est conformeau droit des gens.LeNigéria avait-ille droit d'étendresa souverainetésur le lac

Tchad à mesure de l'assèchementde celui-ci et à l'est de la frontière conventiomelle

consacréepar l'Accord Henderson-deFleuriaudu 9janvier 1931 ?

20V. l'annexeRC 161 précitée,qui indiquela raison pour laquelle la partie camerounaise du lac Tchad suscite
tant de convoitisesau Nigéria.

140 3.89 Le Nigéna ne précisepas la qualification juridique du titre temtonal

qu'il avance.Il ne prétendpas que la zone du lacTchad était res nullius avant l'occupation

nigériane.Il n'ose pasavouer que le titre temtonal revendiquése fonde sur la conauête.Et
pourtant, le Nigériaa occupépar la force un temtoire qui ne lui appartenait pas. La conquête

ne saurait établirun titre temtonal conforme au droit international. Oppenheirn le faisait

observer dès 1917 : "There is not an atom of sovereigntyin the authonty of the o~cupant"~'.

Laprohibition du recours à la force,généralisép ear l'article 2, paragraphe 4,de la Charte des

Nations Unies, a entraînécomme conséquence inéluctablela nullité de touttitre temtonal

fondé surla conquête.La Conventionde Vienne sur le droit des traitésconstate la nullitédes
traités arrachés par la forceen son article 52. Le Juge Jessup précise:

"C'est unebanalité dedire que le droit internationalne reconnaît pas de titre
fondésurlaconquête militaire"Z2.

3.90 L'interdictiondu recours à la force a entraîné,comme conséquence,la
disparition de la conquête commemode d'acquisitiontemtonale. C'est la règle ex injuria non

oriturjus. La Déclaration relativeaux principes de droit international touchant les relations

amicales et la coopération entreEtats (Résolution2625 (XXV) du 24 octobre 1970) l'affirme

clairement :

'Wulleacquisitiontemtonale obtenuepar la menace ou l'emploi de la force
ne serareconnuecomme légale".

La formule est reprise par les résolutions de l'Assemblée générale,notamment par la

résolution 2734 (XXV)du 16décembre1970 et 3314 (XXIX) du 14décembre1974. Elle est

rappelée parle Conseilde sécuritén ,otamment lorsde l'affaire irakiennepar la résolution662
(1990) du 9 août 1990. La nullitéde toute acquisition de temtoire vaut mêmeen cas de

recours à la force conformément auxrègles de la Charte et par exemple en cas de légitime
l
défense,ce qui n'est certainementpas le cas de l'invasion et de l'occupation des villages du

lacTchad par le Nigériaz'.SirRobertJennings résumela situation en constatant :

2i 'The LegalRelationsbehveenanOccupyingPowerandtheInhabitants"L ,.Q.R.,vol. 33, 1917,p. 364.
22 Opinion dissidentejoinàel'arrêdtu 18juillet 1966, affairesduSud-Ouest africain(deuxièmephase),Rec.
1966,p. 418. Docûine unanime.Pour uneanalyserécentduproblème,v. S. Konnan,TheRight of Conquest.
TheAcquisition ofTerritorybyForce inInternationalLawand Practice, ClarendonPress,Oxford, 1996,i+
342 p.

23Parex., Bowen :"itis impossibleto conceiveof self-defence asjustifyingtheacquisitionof title to temtory.
One can conceive of self-defencejustikng the temporaryoccupationof temtorybut never the permanent "any attempt to draw a legal distinction between situations whereconquest
can nowadays confer a title and those where it cannot is umealistic and
unworkable in a society where there are as yet no courts with compulsory

jurisdiction to decidesonice an issue-24.

Section 5 : LE CAMEROUN N'A JAMAIS ACQUIESCE A UNE
AUTRE FRONTIERE QUE LA FRONTiERE
CONVENTIONNELLE

3.91 Le Nigéria allègueun acquiescement camerounais à l'extension de

souverainetédu Nigénasur les villages revendiqués.Comme l'a dit la Chambre de la Cour

dans l'affairedu Golfe duMaine, l'acquiescement se définit comme:

"une reconnaissance tacite manifestéepar un comportement unilatéral que
l'autrepartiepeut interprétercommeun consentement"*'.

3.92 L'acquiescement à la modification d'une frontière doit êtrele fait des

autoritéscompétentes pour engager 1'Etat. La jurispmdence internationale n'attache pas

d'importance décisive à l'attitude des autorités locales,surtout lorsqu'elles sont en

contradictionavec celle des autorités centrales.La jurispmdence reconnaît que lesprises de
position locales ne sauraient prévaloir face à la position exprimée par les autorités

centrales.Dans l'affaire duTemplede PréahVihéar :

"la Cour juge difficiled'admettreque ces actes émanantd'autorités locales
aient annulé et neutralisél'attitude uniformeet constante des autorités

centrales siamoisesà l'égardu tracéde la kontièreindiquésurlacarte"26.

3.93 Sitôt que les autorités centrales camerounaisesont étémises devant la
revendicationnigériane, ellesont réagide manièreàpréserverles droits du Cameroun.

3.94 La première occasion a été danlse cadre de la Commission dubassindu

lac Tchad.Celle-ci s'est vueconfierune mission de démarcationde la frontière.Lesautorités

camerounaisesont participéavec les autres Etats membres àla définition desinstrumentsde

référencede la frontière. Ellesont ainsi eu l'occasionde prendre position sur les instmments

acquisitionof title", in "International Law Relating to Occ:A Rejoinder", L.Q.R.,vol.87, 1971,

p. 475.
24TheAcquisitionofTemitory inInternationalLaw,ManchesterUniversityPress, 1963,p. 55.
2' C.LJ.arrê12 octobre 1984, affaire de la Délimitationde lafrontièremaritime dans la régiondu Go& du
Maine,Rec. 1984,p. 305, par. 130.
26C.I.J.,arrêt,15juin 1962,Rec. 1962,p. 30.de référence etle tracé dela délimitation frontalière,avec les autres Etats membres de la
C.B.L.T.

3.95 La seconde occasion a étéla prétention officiellement avancée parle

Nigéria dans sa note diplomatique du 14 avril 1994 (MC, Livre VII, annexe 355). Le
ministère camerounais des Affaires étrangères a immédiatemenrtéagi,par note du 21 avril

1994,en affirmant la souveraineté du Camerounsur Darak et les villages environnants (MC,

Livre VII, annexe 357, p. 2889) et a décidé,en conséquence, de déposer la requête
supplémentaire devantlaCour internationale de Justice.

3.96 La cohérence de la position du gouvernement de la Républiquedu

Cameroun est àcomparer avec l'incohérencedes positions expriméesparles représentantsdu
gouvernementdu Nigéria,en particulier au sein de laC.B.L.T.

section 6 : LE NIGERIA NE SAURAIT AUJOURD'HUIREMETTRE
EN CAUSE LA DELIMITATION CONVENTIONNELLE

3.97 La thèsenigérianedu titre historiqueest nouvelle. Ellea éavancée pour

la première foisdans lecontre-mémoire du Nigéria.

3.98 Pendant des décennies, le Nigéna a accepté la délimitation

conventionnelle. II n'a jamais soulevé la moindre objection a l'égard des cartes, tant

officielles que non officielles, qui ont illustréla frontière conventionnelledansle lac Tchad.
Mieux encore, il a lui-mêmeaffirmé à de nombreuses reprises son acceptation de la ligne

conventionnelle. Ceci en particulier dans le cadre de la C.B.L.T., et ceci pendant de longues

années. LeNigéna a formellement accepté, dansce cadre, la délimitationde la frontièrepar

référenceà I'Echange denotes du 9janvier 1931.

3.99 Mieux encore, le comportement du Nigériatout au long de la procédure

constitue un estoppel que leCameroun oppose à laprétention du Nigéna.

3.100 La Cour a rappelé, dans son arrêt du 11 juin1998,les conditions qui

doivent être réuniesour constituerun estoppel endroit internation:l "L'existence d'une tellesituationsupposerait quele Cameroun ait adoptéun
comportement ou fait des déclarationsqui auraient attesté d'une manière
claire et constante qu'il avait acceptéde réglerle différendde frontières
soumis aujourd'hui a la Cour pardes voies exclusivementbilatérales.Elle

impliqueraitenoutre quele Nigéria, se fondant surcette attitude,aitmodifié
sa position à son détrimentou ait subi un préjudice quelconque(Plateau
continental de la mer du Nord, arrêt, C.Z.J.Recueil 1969, p. 26, par 30;
Dzfférend frontalier, terrestre, insulaire et maritime (El
Salvador/Honduras),requête àjn d'intervention,arrêt,C.I.J.Recueil 1990,

p. 118, par. 63y27.

3.101 En l'espèce, le Nigéria n'a, à aucun moment, dans le cadre d'une
procédure internationalede démarcationde la frontièredans le lac Tchad, remis en cause les

instruments de délimitation cités.Il a "adoptéun comportementou fait des déclarationsqui

[ont] attesté d'une manière claireet constante qu'il avait accepté" cette délimitation

conventionnelle et ceci tout au long d'uneprocédurede démarcation qui a duré plus de dix
années.

3.102 Le Cameroun s'est fondésur cette attitude du Nigériapour collaborer a

l'opération de démarcation en toute bonne foi. Pour faciliter le déroulementserein des

opérationsde démarcation, il a considérq éuelestatuquo devait être respecté surle terrain en
attendant la fin des opérationsde démarcation.On peut ainsi lire dans un communiqué

commun du présidentdu gouvernementlocal de Ngala et du préfetde Kousseri daté du 14

juin 1988 :

"(1) BOüNDARY DEMARCATION :

"The meeting discussed extensivelyon the problem being posed by the
absence of a clearly demarcatedboundary line in the Lake area and took
note of the existing effort being made by the four countries: Nigeria,

Cameroun, Chad and Niger over thedemarcation of the borders and noted
the steps/measures taken by Lake Chad Basin Commission and the four
countries.

"After a long deliberation on the issue of withdrawal of both countries

forces apart from the joint patrolteam, the meeting finally agreed to limit
their respective SecurityForcesto areas presently occupied by them till the
demarcationis markedoutbybothrespectivecountries" (annexeRC 172).

3.103 Le Cameroun n'avait aucune raison de penser que ces opérations

risquaient demettre encause sa souverainetésurlapartie du lacTchad que les instrumentsde

27 C.I.J., affairede laFrontière terrestre etmaritimeentrele Camerounet le Nigéria(exceptionspréliminaires),
Rec. 1998,p. 303, p57.

144 délimitation lui laissaient,puisque le Nigériareconnaissait par ailleurs avec constance les

instmments de délimitation qui établissaientsa souveraineté sur les zones aujourd'hui

contestées.Si le Nigéria étaitujourd'hui endroit d'avancer par ailleursun comportement sur

le terrain contraire la position constantede ses représentants au sein dela C.B.L.T., il en
résulterait incontestablement une modification de la position relative des Parties a son

détriment, puisquele Cameroun"se fondant sur cette attitude, [aurait] modifiésa positiona

son détriment [et aurait]subiunpréjudice" dece fait.

3.104 Le Nigénane peut donc plus contester aujourd'hui une ligne frontière

qu'il a formellement acceptéependant de longues annéesdans le cadre d'une procédure

internationalede délimitation.

CONCLUSION

1 3.105 En résumél,aRépubliquedu Camerounfait les constatationssuivantes :

1. La kontière entre le Camerounet le Nigéria a été délimitéepar 1'Echangede lettres
Henderson-de Fleuriau du 9 janvier 1931, reprenant la Déclaration Thomson-Marchand,

précisant laDéclarationMilner-Simondu 10juillet 1919.Elle est constituéedans le secteur

du lac Tchad par une ligne droite tracéeentre les points de coordonnées géographiques
suivants: le point triple de latitude 13"05'00"0 nord et de longitude 14"04'59"9 ;le point

doublede latitude 12"32'17"4 nordet de longitude 14'12'1l"7 est.

1 Cette délimitationconventionnellene saurait être affectée par l'absenee ratification
2.
nigérianede l'opérationde démarcationsur leterrain dans le cadre des travauxde la C.B.L.T.

3. Le titre historique invoqué parle Nigéria,du fait de l'occupation illicite dutemtoire
camerounais par des particuliers, puis des services administratifs et des forces armées du

Nigéria,ne saurait valoir face une frontière conventionnelleconsolidée parla règlede l'uti

possidetis.

4. Loin d'acquiescer aux prétentions du Nigéria, le Cameroun s'est opposé, par

i'intermédiairede ses autoritéscompétentes pourengager 1'Etatsur le plan international, aux
prétentionsdu Nigéria sitôtqu'ielna eu connaissance.5. Le Nigéna, ayant accepté la délimitation conventionnelle dans le lac Tchad,
notamment lors des travaux de démarcation entrepris dans le cadre de la C.B.L.T., est

aujourd'hui empêché, par le jeu de la règle de l'estoppel, d'affirmer une quelconque

souverainetésur Darak et lesvillages avoisinants. ANNEXE

MANIFESTATIONS DE SOUVERAINETE CAMEROUNAISES DANSLES

VILLAGES DU LAC TCHAD REVENDIQUES PAR LE NIGERIA

Numérotation par référence à la carte 42 de l'atlas annexéau contre-mémoire de la
République fédéraledu Nigéria,vol. II : Lac Tchad2*
Villages classéspar ordre alphabétique
En italiques, villages situéà l'ouest du 14eméridien, donc au Nigéria

NOM No ACTIONS CAMEROUNAISES
carte

Aisa Kura 30 - 1985 : Tournéeadministrative du chef de district de Hile-Alifaà
"Aïssa Koura" (annexeRC 109)
Bashakka 29 - 1985 : Tournée administrativedu chef de district de Hile-Alifaà
"Ba'achaka" (annexesRC 109 et 119)
Chika'a 2 - 1982 : Touméedu chef de district (annexe RC 73)
- 1982 : Réglementation des marchés de denrées alimentaires
(OU Tchika) (annexeRC 76)

- 1983 : Bureau de vote pour 1984(annexes RC 92 et95)
- 1983 : Tournéede campagneélectorale (annexeRC 77)
- 1983 : Recensement (annexeRC 79)
- 1983-1984 :impôts (annexesRC 91 et 94)
- 1983 : Sensibilisation ; recmtement de stagiaires ; centre de
formation pour jeunes agriculteurs (annexe RC 83)
- 1984: Tournée du sous-préfet pour régler des problèmesde
limitesentre villages (annexe RC 120)

- 1984 : 317 habitants au recensement camerounais du district de
Hile-Alifa (annexe RC 97)
- 1985 : Visite des îles par le chef de distnct (annexeRC 119)
- 1985 : Distribution de vivres (annexe RC 131)
- 1985-1986 :Impôts (annexe RC 135) ; désignationdes chefs
traditionnels de 3"degré(annexe RC 132)
- 1986-1987 :Impôts (annexeRC 150)
- 1987 : Patrouille camerounaise menacée par la "MobilePolice"

nigériane (annexeRC 168)
- 1987 : Information sur les élections municipalesde 1987(annexe
RC 167)
- 1987 : Sensibilisation aurecensement générad les populationspar
le chef de distnct (annexe RC 155)
- 1987 : Tournéede sensibilisation aux actions féminines, (annexe
RC 151)
- 1988 : impôts (annexe RC 175)

28V. la carte R4, ci-dessus. - 1988 :Désignationde chefs traditionnels de 3' degré(annexe RC

169)
- 1997 :Recensé comme chefferie du 3' degré "dans la zone
occupéepar l'armée nigériane( "annexe RC 225)
- 1999 :Recensé comme chefferie du 3e degré "dans la zone
occupéeparl'armée nigériane".
Nombre d'hab. : 2 000 (annexe RC 230)

Dambaure 20
Darak 8 - 1983 :Bureau de votepour 1984(annexe RC 92)
- 1984 :Recensement desîles habitées (annexeRC 99)
- 1984 :107 habitants au recensement camerounais du district de
Hile-Alifa (annexesRC 97et 109)
- 1985 :Tournéeadministrative du chef de district de Hile-Alifa
(annexeRC 119)
- 1985 :Distnbution devivres (annexe RC 130)

- 1985-1986 :impôts (annexeRC 135)
- 1986 :Désignationde chefs traditionnels de 3' degré(annexe RC
132)
- 1986-1987 : impôts (annexeRC 150)
- 1986-1987 :Impôts divers imputés aublarna de Darak (annexe
RC 176).
- 15-16 mars 1987 :Touméede contrôle et recouvrement d'impôts
forfaitaires(annexesRC 154et 156)

- 1987 :Chefs camerounais percevant les impôts arrêtés par des
militaires nigérians(OC, Livre II, annexe 1)
- 1987 :Circulation des biens et personnes à Darak (annexe RC
152)
- 1988 : impôts (annexeRC 175)
- 1988 :Désignationde chefs traditionnels de 3' degré(annexe RC
169)
-1997: Recensé comme chefferie du 3' degré "dans la zone

occupéepar l'armée nigériane( "annexe RC 225)
-1999 :Recensé comme chefferie du 3e degré "dans la zone
occupéepar l'armée nigériane".
Nombre d'hab. :3 000 (annexe RC 230)
DarakGana 9 -1985 :Tournéeadministrative du chef de district de Hile-Alifa à
"Petit Darak" (annexe RC 109)
-1985 : Création clandestine d'un débarcadère a Petit Darak
(annexe RC 109)

Doron Liman 5
DoronMallam
Dororoya 12

Fagge (Fadja) 14 -1984 : 236 habitants au recensement camerounais du district de
Hile-Alifa (annexeRC 97)
- 1985-1986 :Impôts(annexeRC 135)
-1985 : Distnbution devivres (annexe RC 117)
-1986-1987 :impôts (annexeRC 150)
-1986 : Désignationde chefstraditionnels de 3edegré(annexe RC
132) - 1988 : Désignationde chefs traditionnels de3edegré (annexeRC
132)
GarinWanzam 11
GoreaChangi 6 - 1983 : Installationparle Blarnade Karénade son fils(annexe RC
87)
- 1984 : 76 habitants au recensement camerounais du district de

Hile-Alifa(Gore-Tchandi) (annexeRC 97)
- 1985 : Désignationde chefs traditionnelsde 3"degré(annexeRC
132)
- 1985 : Distributionde vivres (annexeRC 130)
- 1986-1987 :Impôts(annexeRC 150)
- 1986 : Enquête du procureur de Koussen surun meurtre (annexe
RC 148)
- 1987 : Tournéede sensibilisationaux actions féminines (annexe

RC 151)
- 1987 : Informationsur les électionsmunicipalesde 1987 (annexe
RC 167)
- 1987 : Sensibilisation au recensement général des populations,
par lechefde district (annexeRC 155)
- 1988 : Impôts(annexeRC 179)
- 1999 : Recensé comme chefferiedu 3e degré "dans la zone
occupéeparl'arméenigériane".

Nombred'hab. :300 (annexeRC 230)
GoreaGutun 15 - 1982 : Contributionaux activités culturelles(annexReC 75)
- 1983 : Tournéede campagne électorale (annexeRC 77)
- 1983 : Bureau devote pour 1984(annexeRC 95)
- 1983 : Recensement(annexeRC 79)
- 1984 : 168 habitants au recensement camerounaisdu district de
Hile-Alifa(annexeRC 97)
- 1985 : Distributionde vivres (annexesRC 130et 131)

- 1986 : Désignationde chefs traditionnels du 3edegré(annexeRC
132)
- 1987 : Informationsur les électionsmunicipalesde 1987(annexe
RC 167)
- 1987 : Sensibilisation au recensement généraldes populations,
par lechefde district (annexeRC 155)
- 1988 : Désignationde chefs traditionnelsdu 3"degré(annexeRC
169)
- 1989 : Perception d'impôts (GoréeTalgoutourn) (annexe RC

181).
- 1990-1991 :Tournéede recensementfiscal(annexeRC 186)
- 1992-1993 :Impôts(annexeRC 196)
- 1997 : Recensé comme chefferiedu 3e degré "dans la zone
occupéepar l'armén eigériane" (annexe RC 225)
- 1999 : Recensécomme chefferie du 3" degré "dans la zone
occupéeparl'arméenigériane"
Nombred'hab. :500 (annexeRC 230)

Jribrillaram 23
Kaforam 16 - 1984 : 102 habitants au recensement camerounaisdu district de
Hile-Alifa(annexeRC 97)- 1987 : Tournée fiscale (annexe RC 156)

- 1987 : Informationsur les élections municipales de1987(annexe
RC 167)
- 1987 : Sensibilisationau recensementgénéraldes populationspar
lechefde district(annexe RC 155)
- 1988 : Impôts (annexeRC 175)
- 1997 : Recensé comme chefferie du 3e degré "dans la zone
occupéepar l'arméenigériane"(annexe RC 225)

- 1999 : Recensé comme chefferie du 3' degré "dans la zone
occupéepar l'arméenigériane"
~oibre d'hab. : 300 (annexeRC 230)
- 1997 : Recensé commecheffene du 3e degré "dans la zone
occupéepar l'arméenigériane"(annexe RC 225)
- 1999 : Recensé comme chefferie du 3" demé "dan- la zone
occupéepar l'arméenigériane"
Nombre d'hab. :150 (annexeRC 230)

- 1985 : Tournéeadministrative du chef de district de Hile-Alifa

(annexesRC 109et 119)

- 1982 : Tournéedu chefde district (annexeRC 73)
- 1982 : Réglementation des marchés de denrées alimentaires
(annexeRC 76)
- 1982 : Contributionaux activitésculturelles (annexeRC 75)

- 1983 : Tournéedecampagneélectorale(annexe RC 77)
- 1983 : Bureaude votepour 1984(annexes RC 92 et95)
- 1983 : Perceptiondetaxes sur le poisson (annexe RC 86)
- 1983 : Problèmesdeperception detaxes (annexe RC 88)
- 1983-1984 :Impôts(annexe RC 89)
- 1984-1985 :Droit deplace sur le marché(14 ordres
derecette) (annexeRC 108).
-1984-1985 :Perceptionde taxes surlepoisson (annexeRC 115)
-1984: Tournée du sous-préfet pour régler des problèmes de

limitesentrevillages (annexe RC 120)
-1984.Visite japonaise de Katti Kime dans le cadre du projet de
pêchecontinentale(annexe RC 102)
-1984 :239 habitants au recensement camerounais du district de
Hile-Alifa(annexeRC 97)
-1984 :Procès-verbalde gendarmerie : litige de cheffene et de
terrains (annexeRC 105)
-1985 :Tournéedu Ministre de la pêche ; rencontre avec les

éleveurs etpêcheursde Katti Kirne Ii (annexesRC 114 et
116)
-1985-1986 :Impôts(annexe RC 135)
-1985 :Désignationde chefs traditionnels du 3e degré(annexeRC
132)
-1985: Rapport de l'agence japonaise de coopération
internationale sur l'implantation à Makary(Katti Kime)
d'uncentredepêche artisanale(annexe RC 118) - Il juillet 1985 :Signature de l'accord entre les gouvernements
camerounais etjaponais (annexe RC 127)
- 3 décembre 1985 :Signature de la convention avec la Overseas
Agrofisheries Consultants (annexe RC 133)
- 1985 :Rapport du chef de district: incidents avec les
ressortissantsmaliens (annexe RC 112)
- 25 mars 1986 : Signature du contrat pour la fourniture
d'équipementpour le centre de pêcheavec MitsuiîTaisei

(annexeRC 138)
- 12mai 1986 :Visite de Katti Kime par une équipejaponaisepour
"detailed survey" (annexe RC 144).
- 19 août 1986 : Annonce de l'envoi du matérielde pêche à Katti
Kime (annexeRC 144)
-1986 :Arrestation et transferàKousseri d'un voleur (annexe RC
142)
-1986 :Tentative inhctueuse d'exécution d'une contrainte par
corps(annexe RC 141)

-1986-1987 :Impôts (annexeRC 150)
-1986 :Aides aprèsincendiede quartier (annexe RC 139)
- 1986 et 1987 :Envoi de matérieldans le cadre de la coopération
Cameroun-Japonpour le centre de pêche (annexesRC 147
et 158)
-12-13mars 1987:Tournée de contrôle et de recouvrement
d'impôts forfaitaires(annexes RC 154et 156)
-1987 :Tournéede sensibilisation aux actions féminines (annexe

RC 151)
-1987 :Information sur les élections municipalesde 1987 (annexe
RC 167)
-1987 :Circulation des biens et des personnes à Katti Kimé
(annexeRC 152)
-1987 :Attributionde la décoration du mérite camerounaisau chef
de village de Katikime Ii(annexe RC 160)
-1988 :Impôts(annexe RC 179)
-1988 :Constat de l'occupation du centre de pêche construitpar la

coopérationCameroun-Japon(annexeRC 174)
-1989 :Perceptionde droit de place (annexe RC 182)
-1990-1991 :Tournéederecensement fiscal (annexe RC 186).
-1999: Recensé comme chefferie du 3e degré "dans la zone
occupéepar l'arméenigériane".
Nombre d'hab. : 250 (annexe RC 230)

Kirta Wulgo 19
Koloram 22
LogoLabi 33

LokoNaira 28
Mukdala 2 - 1997 :Recensé commechefferie du 3' degré "dans la zone

occu.éeD.rl'arméenigér-ane"(annexe RC 225)
- 1999 : Recensé comme chefferiedu 3' degré "dans la zone
occupéepar l'arméenigériane"
Nombred'hab. :200 (annexeRC 230)
Iaga'a - 1982 : Tournéedu chefde district (annexeRC 73)
- 1982 : Réglementation des marchés de denrées alimentaires
(annexeRC 76)
- 1982 : Répressionde trafic de stupéfiantset d'eau de cologne
(annexeRC 74)

- 1982 : Contributionaux activitésculturelles (annexeRC 75)
- 1983 : Tournée decampagne électorale(annexe RC 77)
-1983 : Bureaude votepour 1984(annexesRC 92 et 95)
- 1983 : Recensement(annexe RC 79)
- 1983-1984 :impôts(annexe RC 90)
- 1983 : Sensibilisation; recmtement de stagiaires ; Centre de
formationpourjeunes agriculteurs(annexe RC 83)
- 1984 : 316 habitants au recensement camerounais du distnct de
Hile-Alifa(annexeRC 97)

- 1984 : Bureaux de vote élections présidentielles14.1.1984
(annexeRC 96)
- 1984 : Tournéedu sous-préfet pour régler des problèmes de
limites entrevillages (annexeRC 120)
- 1985-1986 :Impôts(annexe RC 135)
- 1985 : Distributionde vivres (annexesRC 130 et 131)
- 1986-1987 :impôts (annexesRC 150)
- 1986 : Désignationdechefs traditionnelsde 3e degré(annexeRC
132)

- 1987 : Patrouille camerounaise menacéepar la police nigériane
(annexeRC 168)
- 1987 : Information surles élections municipalesde 1987 (annexe
RC 167)
- 1987 : Tournéede sensibilisation aux actions féminines(annexe
RC 151)
- 1988 : Impôts (annexeRC 175)
- 1988 : Désignation chefs traditionnelsdu 3e degré(annexe RC
169)
- 1997 :Recensé commechefferie du 3e degré "dans la zone
occupéepar I'armén eigériane"(annexe RC 225)

-1999 :Recensé commechefferie du 3e degré "dans la zone
occupéeparI'arméenigériane"
Nombre d'hab. :2000 (annexeRC 230)
Naira -1985 :Tounée administrativedu chef de district de Hile-Alifa
(annexeRC 109)
-1985 :Tournée administrative duchef de distnct de Hile-Alifa
(annexesRC 109et 119)

NjiaBuniba
RaminDorinna
Sabon Tumbu -1984 : Recensement desîles habitées (annexeRC 99)
Sagir 18
(Sur la ligne) -1984 : 101 habitants au recensement camerounais du district de
Hile-Alifa (annexeRC 97)
-1985 :Distribution de vivres (annexesRC 117et 130)
-1986 :Désignationde chefs traditionnels de 3edegré (annexeRC
132)
-1987 : Information sur les élections municipalesde 1987(annexe
RC 167)
-1988 :Désignation de chefs traditionnels du 3edegré (annexeRC

169)
-1997 :Recensé comme chefferie du 3e degré "dans la zone
occupéepar l'arméenigériane" (annexeRC225)
-1999 :Recensé comme chefferie du 3e degré "dans la zone
occupée par l'armée nigériane"
Nombre d'hab. :400 (annexe RC 230)
-1983 :Bureau de vote pour 1984(annexeRC 92)
Sokotoram 27
-1984 :Recensement îleshabitées(annexe RC 99)
- 1984 :40 habitants au recensement camerounais du district de
Hile-Alifa (annexeRC 97)
-1985 :Distribution de vivres (annexeRC 109)
-1985 :Tournéeadministrative du chef de district de Hile-Alifa à
"Sokotrame" (annexeRC 109)
-1985-1986 :Impôts (annexeRC 135)
-1986-1987 :Impôts (annexeRC 150)
-1986 :Désignationde chefs traditionnels de 3' degré (annexe RC

132)
-1987 :Tournéefiscale(annexe RC 156)
-1988 :Désignation de chefs traditionnels de 3' degré (annexeRC
169)
Wulgo 2 1 CHAPITRE4.

DU LAC TCHAD ABAKASSI4.01 Le chapitre 2 du mémoire du Cameroun était consacré à une étude

détaillée des différents traitésertinents concernant la délimitation de la frontière entre le
Cameroun et le Nigéria à partir du point triple dans le lac Tchadjusqu'au point G dans les

eaux au large de Bakassi qui est situéà environ cinq milles marins au-delà de la limite des

eaux temtonales des deux Etats. Commecela est indiquéau paragraphe 2.146 du mémoiredu

Cameroun (p. log), la frontière dans le lac Tchad sur toute sa longueur (environ 61,7
kilomètres) aaussi fait l'objetd'une démarcationsur le terrain suite aux efforts de la C.B.L.T.,

organisation intergouvernementale alors composée de quatre Etats membres (Cameroun,

Niger,Nigéria,et Tchad) qui occupent lebassin du lac.

4.02 Au paragraphe 9.1 des conclusions de son mémoire,le Camerounprie la

Cour de dire etjuger:

"(a) Que la frontièrelacustreet terrestre entre le Cameroun et le Nigeria suit
le tracé suivan:

"- du point de longitude 14'04' 59"9999 à l'estde Greenwich et de latitude

de 13'05' OO"0001,nord, ellepasse ensuite par le point situà 14'12' 11-7
de longitudeest et 12'32' 17-4 de latitude nor;

"- dece point, elle suit le tracéfixé parla Déclarationfranco-britanniquedu
10 juillet 1919, tel que précisé par lesalinéas3 à 60 de la Déclaration
THOMSONiMARCHAND confirmée par1'Echangede lettres du 9janvier

193 1,jusqu'au 'picassezproéminent' décrip tar cette dernièredispositionet
connu sous le nom usuelde 'MontKombon' :

"-du Mont Kombon, la frontièrese dirige ensuitevers la 'borne 64' viséeau
paragraphe 12 de l'Accord germano-britannique d'Obokum du 12 avnl
à la section 6 (1) du Nigeria
1913 et suit, dans ce secteur, le tracé décrit
(Protectorate and Cameroons) Order in Council britannique du 2 août
1946 ;

"-de la 'bome 64' elle suit le tracé décritpar les paragraphes 13 à 21 de
l'Accord d'Obokum du 12 avnl 1913 jusqu'à la bome 114 sur la Cross

River :

"- dece point,jusqu'à l'intersection de la ligne droitejoignant BakassiPoint
àKing Point et du centredu chenal navigable de YAkwayafé,la frontièreest
déterminée par lesparagraphes 16 à 21 de l'Accord germano-britanniquedu
11mars 1913".

4.03 Au paragraphe 18.26de son contre-mémoire (vol. II, p. 486), le Nigéria

reconnaît lesquatre secteurs de la frontièreterrestre actuelle entre le lac Tchad et Bakassi.Ce

sont précisément les quatre secteurs de la frontière terrestre que le Cameroun prie, dans sarequête, laCour de confirmer comme ayant été délimité pasr les instruments pertinents. DU
reste, auparagraphe 18.28 de soncontre-mémoire(vol.II,p. 487),le Nigénaconfirmeque la

frontière terrestreentre le lac Tchad et Bakassi "as it is today" résulte"principalement" des

instrumentssuivants :

1. La Déclaration Thomson-Marchand 1929-1931, précisant l'ancienne
Déclaration Milner-Simonde1919 ;

2. leNigena (Protectorateand Cameroons)Orderin Council, 1946 ;

3. L'Accord anglo-allemandsigné à Obokumle 12avril 1913 ;

4. L'Accord anglo-allemanddu 11mars 1913.

4.04 Au paragraphe 18.29 de son contre-mémoire(vol. II, pp. 487-488), le

Nigénareconnaîtque :

"Each of these instruments was preceded by earlier texts which also
delimited the relevant line wholly or in part, but as those earlier texts were
to a large extent superseded by the later instuments listed above it is those
instruments whichpnncipally delimitthe currentboundary".
Ce faisant, sous réservedu terme "principally", il admetque, quelles que puissent êtreles

imperfections et imprécisions de ces instruments, ils délimitentnéanmoins la frontière

terrestrede manière complète.LeCameroun est donc fondé àdemander à la Courde "speczfy
definitively" (CMN, vol. III,conclusions, p. 832, par. 26.5) sa frontière terrestre avec le

Nigénaentre le lac Tchad et lamer à la lumièrede ces instruments face aux violations de

cette frontièrede la part duNigéna.

4.05 Toutefois, le Nigéna invoque l'invaliditépartielle de l'Accord anglo-

allemand du 11 mars 1913 afin d'appuyer sarevendicationsur la presqu'île de Bakassi. En

outre, le Nigéna a émisdes réservessur l'applicationde certaines des dispositions d'autres
instruments figurant sur la liste et en tire la conclusion que "those instruments cannot, as

asserted by Cameroon, be regarded as the definitive specification of the land boundary

between Lake Chad and Bakassi,as sought by Cameroon"(CMN,vol. II, pp. 509-553et 554,

pars. 19.2-19.104et 19.109).

4.06 En dépitde ces réservesqui, pour la Partie nigériane, signifientque ces

instrumentsne peuvent être considéréscomm ledétermination définitivede la frontièreentre

le lac TchadetBakassi, leNigéna précise : "The examples given of deficiencies in the terms of the delimitation also
show that the difficulties to which they give nse essentially involve issues
of demarcation. Accepting inpnnciple, asNigeria does, that the instruments
establish generally speaking the boundary between the two countries, it is
apparent that what is involved is not any dispute about the delimitation of
the boundary, but rather questions about thedemarcation on the ground of a
boundary the delimitation ofwhich is othenvise agreed in principle" (CMN,

vol. II, p. 535, par. 19.54).
"It is also the case that questionswhich anse in the context of locally agreed
vanations to or interpretations of the boundary (..) can, in Nigeria's view,
be best considered within the framewok of a joint demarcation of the
boundary" (CMN, vol. II,p. 535,par. 19.55).

4.07 En réalité,les réserves du Nigéria au sujet de la précision de ces

instruments en matièrede délimitation dela frontière terrestreentre les deux pays sont dues à
la confusion délibéréq eu'il opère entredélimitationet démarcation(v. supra, chapitre 2, par.

2.116 et S.).

4.08 Dans le présentchapitre, le Cameroundémontreraque, contrairement aux
arguments avancéspar le Nigéna dans son contre-mémoire,les instruments sur lesquels il se

fondepour déterminerla frontière,délimitentenfait précisément ed téfinitivementla frontière

(section 1). Les questionsposéespar leNigénasontdes questions de démarcation qui,comme
le Nigéna le précise à juste titre, se prêtenà êtrerésolues"within the framework of a joint

demarcation of theboundary" (CMN, vol. II,p. 535,par. 19.55)(section2).

Section 1 : LES INSTRUMENTS PERTINENTS

1 - Du lac Tchad au Mont Kombon

4.09 Historiquement, trois instnunents ont régi cette partie de la frontière
terrestre entre le Nigéna etle Cameroun, à savoir:

- L'Accord Picot-Strachey (Echangede notes des 3 et 4 mars 1916) ;

- La DéclarationMilner-Simon du 10juillet 1919 ;
- La DéclarationThomson-Marchand (confirméepar 1'Echangede notes du 9

janvier 1931).4.10 L'AccordPicot-Stracheyest le traité conclu parla France et la Grande-
Bretagne qui régissait l'administration provisoire du Kamerun allemand occupé

conjointement par les deux puissances après le déclenchementde la Première Guerre

mondiale en 1914. Le 23 février 1916, Picot et Strachey, les représentants françaiset

britannique, ont signéune carte délimitant,de manière provisoire, et uniquement pour la
durée dela guerre, leurs sphères respectives d'occupationde ce qui étaitencore le Kamerun

allemand.

4.11 La DéclarationMilner-Simon du 10 juillet 1919 délimitela frontière
terrestre entrela France et la Grande-Bretagne.Il s'agit de la première véritable délimitation

de la frontièredans ce secteur, délimitation confirmée et précisée ultérieuremen ptar la

Déclaration Thomson-Marchand.

4.12 La Déclarationa étésignée respectivement par le Secrétaired'Etat

britanniqueaux colonies, Lord Milner, et Henry Simon, Ministre kançais des colonies. Les

signatairesconviennentde :
"déteminerla frontière séparant lestemtoires du Cameroun respectivement

placéssous l'autoritéde leurs gouvernements, ainsiqu'elle est tracéesur la
carte Moiselau 11300000 annexée àla présente déclarationet définiepar la
descnption(. .) égalementci-jointe" (MC, LivreIII, annexe 107).
Cette descriptiongénéralede la frontière a été reproduite sur uearte jointe en annexe a la

Déclarationetellereprésentela frontièrenord tellequ'onla connaîtaujourd'hui.

4.13 La DéclarationMilner-Simon est un accord international conclu entre la

France et la Grande-Bretagne. Ladescnption de la frontière qu'elle comporte confirmela

divisiondel'ancienne colonieallemandeduKamerunentre les deuxEtats.

4.14 En vertu de l'article 119di Traitéde Versailles de 1919, l'Allemagne

renonçait en faveur desprincipales Puissances alliéeset associéesa toutes ses possessions

d'outre-mer, y comprisle Kamerun,et, dans l'article 22 du Pactede la Société des Nations,
qui fait partie du Traité,il étaitprévuque ces temtoires seraient administrés par des

mandatairespourle comptede la SociétédesNations.

4.15 Suite à la décision des principales Puissancesalliées etassociéesdu 7

mai 1919,la France et la Grande-Bretagneont présenté une recommandation conjoint e laSociétédes Nations sur l'avenir du Togo et du Cameroun. Dans le préambule de cette

recommandation,elles notaient que :
"[la France et la Grande-Bretagne] ont fixé, d'abord, les limites des
temtoires qui devraient êtreplacés dans leurs zones respectives et cette

mesure préparatoire afait l'objet des déclarations..)signées à Londres le
10juillet 1919".

L'article premier dela recommandationconjointe disposait que :
"La France et la Grande-Bretagne acceptent d'assumer, sous le régimedu

mandat, l'administration des temtoires qui faisaient antérieurementpartie
du Togo et du Cameroun, étant entendu que les régions situées
respectivement à l'ouest età l'est de la ligne de démarcation fixéepar
l'article lm des déclarations franco-anglaises, ci-annexéesen date du 10
juillet 1919, seraient administrées, les premières, par le Gouvernement
Britanniqueet, les secondes,par le Gouvernementde laRépublique.

"La délimitation sur le terrain de ces frontières serait effectuée
conformémentaux clauses insérées dans les dites déclarations" (MC, Lime
In, annexe 110).

4.17 La DéclarationMilner-Simon du 10 juillet 1919 est un traitébilatéral
entre la France et la Grande-Bretagne.Cependant, le fait que l'articlemdu mandat pour le

Cameroun britannique définisse le temtoire couvert par le mandat comme comprenant la

partie de l'ancienne colonie du Cameroun située à l'ouest de la ligne Milner-Simon est un

élémentessentiel pour le statut de cette ligne, étant donné que cela représente une
reconnaissancepar la communautéinternationale - via la Société des Nations- de ce que le

temtoire ainsi dé$ni se trouvait dès lors soumis au système des mandats. La Déclaration

Milner-Simonconfirmait donc la division de l'ancienne colonie allemandedu Kamerun entre

la France et la Grande-Bretagne.Elle constituait un facteur clépour l'attributiondu mandaà
ces deux pays. Dans une note du 2 octobre 1921 aux Puissances mandataires, approuvéepar

leConseilde la Société des~ations,le Présidentde cette instance écri:

"le Conseil, conformément à la recommandation concertéeprésentée par les
Gouvernements de la République française et le Gouvernement de Sa
Majesté britannique en date du 17 décembre1920, approuve l'application
du système des mandats à ces temtoires et confirme en principe les
déclarations signées parles représentants des Gouvernements fkançais et

britannique le 10juillet 1919,concernant les sphèresrespectives destinéeà
êtreplacéessous l'autorité dechacun de ces deux gouvernements" (MC,
Livre III, annexe 121).

4.18 La DéclarationThomson-Marchandconfirméepar 1'Echangede notes de
Fleuriau-Hendersondu 9janvier 1931 (MC, Livre IV, annexe 157). Il s'agit là du troisièmeetdernier instrument juridique délimitantle secteur septentrional de la frontière terrestre et

faisant l'objetd'un accord entrela Grande-Bretagne etla France. LaDéclaration a été le fruit
d'une sériede négociations localesentreles administrateurs des deuxPuissances mandataires

visant l'application pratique sur le terrain de la Déclaration Milner-Simon. Les

administrateurs ont établi une série deprocès-verbaux couvrantl'ensemble de la frontière
entre les deuxtemtoires sous mandat.

4.19 La DéclarationThomson-Marchand est plus détailléeet précisesur la

ligne frontièreque ne l'étaitla DéclarationMilner-Simonde 1919,dont elle confirme le tracé.
Cela ressort de 1'Echangede notes de Fleuriau-Henderson confirmantla Déclaration,dont les

dispositions pertinentes sont reproduites dans le chapitre 3 de la présente répliqu(v. supra,

chapitre 3, pars. 3.06 et 3.07). Il en résulteque 1'Echangede notes de Fleuriau-Henderson du

9 janvier 1931 confirme la Déclaration Thomson-Marchand qui, à tous égards, était
considéréepar les deux gouvernements,britannique et français, comme définissant laligne

Milner-Simon de manière plus préciseet non pas comme y dérogeant.La démarcationde la

ligne frontièresur le terrain devait êtentreprise par la Commissionenvisagéea l'article 2de
la DéclarationMilner-Simonde 1919(MC, Livre In, annexe 107).Les commissairesétaient

responsables de la démarcation de la frontière, la délimitationayant été effectuée par la

Déclaration Milner-Simon et préciséepar 1'Echange de notes de 1931 confirmant la

DéclarationThomson-Marchand.

4.20 Au paragraphe 19.53 de son contre-mémoire(vol. II, pp. 534-535), le

Nigériamonte en épinglece qu'il stigmatisecommela nature "geographicallydefective" de la

délimitation frontalière adoptéedans la Déclaration Thomson-Marchand. Le Cameroun
constate que les deux Puissances mandataires n'avaient pas pu avancer bien loin dans la

démarcationde la frontière terrestreavantle déclenchement delaDeuxièmeGuerremondiale

en 1939.

4.21 Il est toutefois significatif que le Nigéna, au paragraphe 19.54 de son

contre-mémoire (vol. II, p. 535), reconnaisse que les problèmes sur lesquels il attire

l'attention sontdes problèmes de démarcationet non de délimitation :
"The examples given of deficiencies in the terms of the delimitation also

show that the difficulties to which theyive rise essentiallyinvolve issuesof
demarcation. Accepting in principle, as Nigeria does, that the instruments
establish generally speaking the boundary between the two countries, it is apparent that what is involved is not any dispute about the delimitation of
the boundary, but rather questions aboutthe demarcation on theground ofa
boundary the delimitation of which is otherwise agreed in principle"
(italiques ajoutés).

Le Cameroun consacre la section 2 du présentchapitre à une analyse des problèmes poséspar

l leNigériaau sujet de la démarcationde la frontièreentrele lac Tchad et lamer.

4.22 Il convient de rappeler que l'article le' du mandat sur le Cameroun
l
britannique et français n'autorisait que des modificationstrèslimitées dela frontièreséparant

les temtoires sous mandat britannique et sous mandat françaisau Cameroun, selon un accord

l passé entreles gouvernements britannique et français:
"Cette ligne pourra, toutefois, être légèrement modifiée par accord
intervenant entre le Gouvemement de Sa Majesté Britannique et le
Gouvemement de la République française, sur les points où, soit dans

l'intérêdtes habitants, soit par suite de l'inexactitude de la carte Moisel au
1 :300.000me,annexée àla Déclaration,l'examen deslieux ferait reconnaître
comme indésirablede s'en tenirexactement à la ligneindiquée.
"La délimitation sur le terrain de ces frontièressera effectuée conformément
aux dispositionsde la dite Déclaration"(MC, Livre N, annexe 127).

4.23 Hors ces modifications limitées apportées à la frontière,la définitionde

la kontière entre les deux temtoires du Cameroun sous mandatne pouvait être modifiée palra
Grande-Bretagne et la France sans l'accord exprèsdu Conseil de la Sociétédes Nations.

Aucune modification de ce genre n'a eu lieu. Cela confirme la thèse du Cameroun selon

laquellela définitionde la frontière, reconnuepar la communautéinternationale dans l'article
lm des mandats, telle que la déterminela Déclaration Milner-Simonde 1919, n'a jamais été

modifiée maisqu'elle a été précisée parla DéclarationThomson-Marchand, confirméepar

1'Echangede notes de Fleunau-Henderson de 1931.

4.24 La Commissionpermanente des mandats, créée peu après l'institutiondu

régime desmandats par la Sociétédes Nations, a suivi, dans le cadre de ses attributions, la
question des frontières entre les temtoires sous mandatbritanniqueet français.

l 4.25 Le rapport de la Commission permanente des mandats au Conseil de la
Société des Nations du 5 mars 1928en donne un exemple :

"On more than one occasion in the past the Commission and the Council
have interested themselves in the problem of frontiers between the mandatedtemtories, because, in certain cases, it appeared that theoriginal
lines of demarcation dividedtribes which according to traditional native
organisationformedaunit. It appeared atone time that this criticismapplied
to certain partsof thefrontiers between theCameroons under Frenchand
British mandate andTogolandunderFrench andBritish mandate, and 1am

sure that theCouncil will beglad to note that, accordingto the declaration
of the British Under-Secretaryof State for the Colonies, it has now been
found, by agreement with the French authonties, that no important
modificationsof these frontiers are considered necessary" (MC, Livre N,
annexe150 ; italiquesdansletexte).

4.26 Le rapport du gouvernementbritannique sur le Cameroun sous mandat

britannique pour 1937montreclairementque la démarcation frontalière entre les temtoires du

Cameroun sousmandatbritannique etfrançaisavaitbienpeu progressé.Le rapport précise :
"The work ofdelimitingthe frontier between the Cameroons under French
andBritish Mandatebegan inDecember(. ..).

"Thewholeof the creek areafrom the sea to the mouth of the Mungoriver
was explored by launch and the positions of the pillars fixed (...)It is
unlikelythat thedemarcationof thewhole frontiercan be completedin less
thanfiveyears"WC, LivreIV, annexe 176 ; italiques ajoutés).
Le déclenchementdelaguerredeux ansplustardinterrompitla démarcation.

4.27 Les travaux de démarcationde la frontière entre les temtoires sous
mandats britannique et françaisfurent entamésen décembre1937 à partird'un point sur la

côte qui, àce jour (an 2000) est situé auCamerounen raison de l'incorporationde la partie

méridionalede l'ancien Cameroun britanniqueauCamerounsuite auplébiscitede 1961.

4.28 De plus amplesdétailssur les progrès limitésde la démarcationde la

frontière entre1931et 1939 figurentdans le rapport annueldu gouvemement britanniquesur

l'administrationdu Cameroun sous tutelle de la Grande-Bretagne pour l'année1949 (MC,
Livre IV, annexe 193).

4.29 Suite àla dissolutionofficiellede la Sociétdes Nations le 14avril 1946

(les éléments de contrôledu systèmedes mandats ayantcesséd'être opérationnels fin1939),
les deux temtoires du Cameroun, anciennement administréspar la Grande-Bretagne et la

France conformément aux mandats de la Société des Nations, sont devenus des temtoires

sous tutelle administrés parla Grande-Bretagneet la France dans le cadre des accords de
tutelle des Nations Unies, approuvéspar l'Assemblée générale de l'organisation des Nations

Unies le 13décembre1946(MC,Livre N, annexes 180et 182).4.30 L'articlele'de l'accordde tutelle pour le temtoire du Cameroun sous

administrationduRoyaume-Unidispose :

"Le Temtoire auquel cet accords'applique comprend lapartie du Cameroun
qui se trouve à l'ouestde la frontièreétabliepar la Déclarationfianco-
britannique du 10juillet 1919et déterminéd e'unefaçonplus précise dansla
Déclarationfaite par le Gouverneurde la Colonie et du Protectorat du

Nigeria et le Gouverneurdu Camerounsous mandat français et confirmée
par l'échange deNotesquia eulieu le9janvier 1931entrele Gouvernement
de Sa Majestépour le Royaume-Uniet le Gouvernement français"WC,
Livre IV, annexe 182 -v. aussisupra,chapitre2par. 2.129).
Le temtoire du Cameroun soustutelle françaiseest décrid te manièremoins détailléeL .'article

ler de l'accordde tutelle pour le temtoire du Cameroun sous administration française dit

simplement :
"Le Temtoire auquel s'applique le présentAccord de tutelle comprend la
partie du Camerounqui estsituée à l'estde la lignefixéepar la Déclaration

franco-britanniquedu 10juillet 1919".

4.31 Il est intéressantde noter que les temtoires sous tutelle britannique et
française sont tous deux définisen tant que temtoires, mais dans des termes légèrement

différents. Les accordsde tutelle font tous deuxréférenceà la DéclarationMilner-Simonde

1919qui délimitela frontière entrela Grande-Bretagneet la France.Cependant, seul l'accord

de tutelle britannique fait référenceà la DéclarationThomson-Marchand qui apporte des
précisions supplémentaires sur la ligne (v.fra, pars.4.37-4.38).

4.32 Les autorités detutelle ont exercéleurs responsabilités selonles termes
du système international de tutelle. Elles ne pouvaient juridiquement pas effectuer de

modificationdesaccords de tutellesansl'approbationdel'Assemblée générale.

4.33 La nature du systèmede tutelle international et des accords de tutelle
pour les Cameroun bntannique et français étaittelle que la définition dutemtoire figurant

dans ces accords constituait une obligation juridique pour l'autorité chargéede

l'administration mais aussipour les Nations Unies elles-mêmes. Ld aéfinitiontemtonale des

deux entités constituait un élémentfondamental des accords de tutelle approuvés par
1'Assemblég eénéralec,onformémentauxarticles79 et85de la ChartedesNationsUnies.4.34 Seul un accord passé entre la Puissance administrante et l'Assemblée

généralepouvait modifier la définition territoriale approuvéepar l'Assembléegénérale
conformément à la Charte des Nations Unies applicable aux temtoires sous tutelle et les

termes des accords de tutelle eux-mêmes. Touten ne contestant pas la validitéde la

DéclarationMilner-Simonde 1919 etde la DéclarationThomson-Marchandde 1929-1931, à

l'exceptiondesconsidérationsnotées auxparagraphes 18.5et 18.57, et19.2à 19.53du contre-
mémoire(vol.II, pp. 478 et 501, et pp. 509-534), le Nigériaécrit néanmoinsau paragraphe

19.68de soncontre-mémoire (vol.II, p. 542) que

'Nevertheless, Nigeria draws attention to the fact that the Trusteeship
Agreements forthe British and French Cameroons are, in relation to the
Thomson-MarchandDeclaration, in different terms. In short, the British
Tmsteeship Agreementdefines the boundary of the British Tmst Temtory
by reference to that Declaration, while the equivalent provision of the
French Trusteeship Agreement makes no mention of it. The fact that the

Thomson-Marchand Declaration was not mentioned in the French
Tmsteeship Agreement does not necessarily affect its validity, but does
emphasise that (as noted in paragraph 19.53 above [v. supra, par. 4.201)
these agreed borderdelimitations were not regarded as final and definitive
settlements,but ratherhad an approximateandprovisional character".

4.35 Au paragraphe 19.70 de son contre-mémoire (vol. II, pp. 542-543), le

Nigériaécrit:

"It thus appears that the western boundary of Cameroon was, upon its
anainment of Independence from Frenchadministration, determined solely
by referenceto the Milner-Simon Declaration,and that, as againstNigeria,
Cameroon cannot claim by way of succession under the Tmsteeship
Agreement that its boundary is determined by the Thomson-Marchand
Declaration. Cameroon's submission that the Court should specify the
course of the boundary in terms of, inter alia, the Thomson-Marchand

Declaration thus appears to be an attempt to make good the defect in
Cameroon'sposition resulting fromthe terms of the Trusteeship Agreement
for theFrench Cameroons".

4.36 A l'évidence, cetargument est sans fondement. L'Echangede notes de

Fleuriau-Henderson de 1931 montre que l'objet de la Déclaration Thomson-Marchand,
confirmépar l'Echangede notes, étaitde décrirela ligne plus précisément que dansla

Déclaration Milner-Simon de 1919.Cela, pour aider la future commission de "délimitation"

dont la fonctionétaitd'effectuerla démarcation surleterrain. Cette interprétation authentique
de la descriptionde la lignefigurantdans la DéclarationMilner-Simon,ne dérogeaitpas et ne

pouvaitpasdéroger à laDéclarationMilner-SimonellemêmeL . a frontière terrestre,délimitée

par la DéclarationMilner-Simon, étaitla frontière approuvée par la Société des Nations à l'articlla des deux mandats sur le Cameroun, les éclaircissements apportés parla

DéclarationThomson-Marchandn'existantpas à l'époque.

4.37 Il est donc inexact d'avancer,comme le fait leNigériaque, la Déclaration

Thomson-Marchand n'étantpas mentionnéedans l'accord de tutelle français, "these agreed

border delimitations were not regarded as final and definitive settlements, but rather had an
approximateand provisional character" (CMN, vol. II, p. 542, par. 19.68).La description de

la ligne dans la Déclaration Thomson-Marchandne comportait aucun élémentapproximatif

ouprovisoire,mêmes'ilrestait à effectuer la démarcation.

4.38 Le Nigériale confirme lui-même. Au paragraphe 19.62de son contre-

mémoire(vol. II, p. 540), il admet que, pour le secteur compris entre l'embouchure de1'Ebeji

etleMont Kombon(Hill 1660),la délimitation dela frontière estrégiepar les paragraphes 1 à

22 de la Déclaration Milner-Simon de 1919, suivie de la Déclaration Thomson-Marchand
confirméepar l'Echangede notes de Fleunau-Henderson du 9 janvier 1931. La Déclaration

Thomson-Marchanda été convenue uniquement pour clarijier les termes de la Déclaration

Milner-Simonantérieure,parune interprétation conjointedu texte de celle-ci, et non pas pour

lamodifier ou y dérogeren ce qui concerne la délimitationde la frontièredans ce secteur.Le
1
fait que l'accord de tutelle kançais ne fasse aucune mention de la DéclarationThomson-

1 Marchand estsanspertinence.

1 4.39 Conformément au système de tutelle, les autorités chargéesde

l'administrationont présenté des rapports annuelsau Conseil de tutelle pour examen lors de
débats orauxavec questions et réponses écrites. a question des frontièresdes temtoires sous

tutelle a été traitée dans les rapports annuels sousu Conseil de tutelle par les Puissances
1
administrantes.

4.40 Lerapport annuelbritannique pour 1949 décrit lesprogrès réalisé àscette

date en matière de délimitation et de démarcation de la frontière entre les Cameroun

britanniqueet français de l'époque

"The boundary between the French and United Kingdom Trusteeship
temtories throughout the Cameroons is based on the line described in the
Milner-Simon declaration of 1919 and shown on the map published with it
(Moisel, scale 1 :300,000). In the northem areas, particularly, the Milner-
Simon line for the most part followed the indications of streams and water- sheds appearing on that map: it has since been proved that the map is

inaccurate for themountain and river systemsof theless accessibleregions
and, in consequence,there are sections inwhichneitherthe mappedline nor
its verbal descriptiontallies with the actual terrain.In the early years of the
French and British Mandatory Administrations, a number of minor
adjustments of the frontier were found necessary and were effected. By
1930the work hadbeen camiedso far thatthe Govemorswere ableto agree
upon a Protocol descnbing almost the whole length of the portion thus
provisionnally defined. This protocol wasratified as a 'preliminarystudy'
by the British andFrench Governments in1931andformedthe basis for the

final delimitation by the joint French and British boundary commission
which be.an wo.k in December 1937. The Commission continued work
until 22 Apnl, 1938, when the wet season brought its activities to a
temporary stop. It reassembled on3rdNovember, 1938, and continuedthe
delimitation of the frontier until May. By the end of the secondseason the
section of the frontierdelimited had reached fromthe Coast to the vicinity
of Mount Manengubain Kumba Division, distanceof some 135miles. The

outbreak of warpreventedthereassemblyofthe Commissionin the 1939-40
dry season. It hasnot met since,but theNigerianGovernmentis considering
the possibility ofresuming thedelimitation"(MC,LivreIV, annexe 193).

4.41 11ne fait donc aucun doute que la Déclaration Milner-Simode 1919et
la DéclarationThomson-Marchand, confirmép ear 1'Echangede notes de Fleuriau-Henderson

du 9 janvier 1931, délimitaient de manière définitivl ea frontièredans ce secteur. Ces

instrumentsprévoyaientun processusde démarcationsubséquent. Lestravaux de démarcation
avaient étéentamés aucours des années1930pour la partie méridionale de la ligne décrite

dans la DéclarationMilner-Simon, précisée parla Déclaration Thomson-MarchandM . ais la

démarcation dansce secteur n'est,aujourd'hui,plus pertinenteen raison du rattachementdu
Cameroun méridional àla Républiquedu Cameroun.

5 2- Du MontKombon à la borne64

4.42 La frontière internationale duMont Kombonà laborne 64 suitl'ancienne

délimitation administrativedu Camerounbritannique qui le divisaiten Cameroun méridional
et septentrional.

4.43 La description de la ligne originelle de division entre les parties
méridionaleet septentrionale du Cameroun britannique figuredansI'Orderin Councildu 26

juin 1923(MC,Livre IV, annexe 130). L'Orderénonce :
"III. Theportions of the British Cameroonswhich lie to the northward of
the line descnbed in the schedule to this Order shall, subject to the

provisions of the aforesaid mandate,be administered as if they formed part
of the Northem Provincesof the Protectorate (...).
"IV. The portion of the Bntish Cameroonswhich lies to the southward of
the line descnbed in the schedule to this Order shall, subject to the
provisions of the aforesaid mandate,be administered as if it formed part of
the SouthemProvinces of the Protectorate (...).
"SCHEDULE

"The linereferred to in ArticlesIiI andIV shallbe drawn as follows:
"1. From a point on the old Anglo-German Frontier in approximately
Lat.7"34'3OWN S.outhwards along the 'Bezirks-grenze' to its junction with
the RiverDonga.
"2. Thence the River Donga upstream to its junction with the tribal
boundary between KAKAandKAMBILA.
"3. Thence the tribal boundary between KAKA and KAMBILA to the

point where it meets the parallel ofLatitude'30'N.
"4. Thence following the parallel of Latitude 6' 30' eastwards to the
point where it meets the Franco-British Frontier".

4.45 Le Nigeria (Protectorate and Cameroons) Order in Council du 2 août
1946définitla délimitationadministrativede 1923plus endétail.

4.46 L'Orderin Councilde 1946dispose à l'article6, paragraphe 1,que:

"The portions of the Cameroonswhich lieto the northward, and the portions
of the Cameroons which lie to the southward, of the line described in the
schedule to this Order shall, subject to the provisions of the aforesaid
Mandate or to the provisions of any terms of Trusteeship, which may
hereafter be approved by the United Nations, be administered as if they
formed part of the Northem Provinces of the Protectorate and of the
SouthemProvinces of the Protectoraterespectively" (MC, Livre IV, annexe
181).

4.47 La ligne séparant les portions nord et sud du Cameroun sous mandat

britanniquefigurait dans la deuxièmeannexe de l'Orderqui décritla ligne comme suit

"From boundary post 64 on the old Anglo-German frontier the line follows
the River Gamma upstream to the point where it is joined by the River
Sama; thence up the River Sama to the point where it divides into two;
thence a straight line to the highest point of Tosso Mountain; thence a
straight line eastwards to a point on the main Kentu-Bamenda road where it
is crossedby an unnamed tributaryof the River Akbang (Heboro on Sheet E

of Moisel'smap on scale 11300,000) - the said point being marked by a
cairn; thence down the stream to itsjunction with the River Akbang; thence
the River Akbang to its junction with the River Donga; thence the River
Donga to its junction with the River Mburi; thence the River Mburi southwardsto itsjunction with an unnamed streamabout one mile north of
the point where the new Kumbo-Banyo road crosses the River Mburi at
Nyan (alias Nton), the said point being about four miles south-eastby east
of Muwe; thence along this unnamed stream on a general true bearing of
120"for one and a half miles to its source at a point on the new Kumbo-

Banyo road, near the source of the River Mfi; thence on a true bearing of
100"for three and five-sixths miles along the crest of the mountains to the
prominent peak which marks the Franco-British frontier" (MC, Livre IV,
annexe 181).

4.48 La ligne séparantles parties méridionaleet septentrionale du Cameroun

britannique décrite dans1'Orderin Council de 1946 a étéréaffirmée dans The Northern
Region, WesternRegionand Eastern Region (DefinitionofBoundaries)Proclamation, entrée

en vigueur le 30 septembre1954(MC, Livre V, annexe 202). Selon lestermes de la première

annexe (Part III, sector O) de la Proclamation, la ligne de division au sud de la régionnord

suivait précisément la définitiofgurant dansl'Orderde 1946.Ce tracéa été rappelé dans le
Nigeria (Constitution)Order in Council de 1954(MC, Livre V, annexe201). Il a constituéla

ligne séparant les partiesseptentrionale et méridionale duCameroun britannique jusqu'à

l'expiration del'accorddetutelleen 1961.

4.49 A cepropos,leNigériaécritdans son contre-mémoire

"In addition to the delimitation of the boundary by the 1946 Order in
Council, Nigeria also notes the subsequent delimitation of the relevant
bouidary in the Northern Region, Western Region and Eastern Region
(Definitionof Boundaries) Proclamation, 1954"(Cm, vol. II, p. 547,par.

19.80).

4.50 Le Nigériane conteste donc pas la validité dela Proclamation de 1954

mais, auparagraphe 18.42de soncontre-mémoire(vol. LU, p. 494),il faiun commentairesur

les contradictions quiexisteraiententre la descriptiondans le secteur Ode la première annexe

à la Proclamationde 1954(MC, Livre V, annexe 202) et la description correspondante du
mêmesecteurdansla deuxièmeannexede 1'Orderde 1946.

4.51 Il faut cependantnoter quela Proclamationde 1954est entréeenvigueur

le 30 septembre 1954, immédiatement avanlt'entréeen vigueur, au leToctobre1954, de
l'Order in Councilde 1954.LaProclamation de 1954énonce danssonpréambule :

"(..)WHEREASit is expedientto define the boundariesof eachRegion in
a singleProclamation,but withoutvarying thesame".La Proclamation décrit ensuite la limite entre les parties septentrionale et méridionale du
Camerounbritannique. Les "Southem Cameroons" sont décritsdans la deuxièmeannexe du

Nigeria (Constitution) Order in Council de 1954 (MC, Livre V, annexe 201) comme

comprenant :

"That part of the Cameroons that, immediately before the commencement of
this Order,was comprised in the formerEastern Region".

4.52 Les frontièresdes SouthernCameroonssont préciséesdans la partie II de
la troisièmeannexe de la Proclamation de 1954. La question soulevée par le Nigéna au

paragraphe 18.42de son contre-mémoire(vol.II,p. 494) trouve de fait sa réponse,donnéepar

le Nigéna lui-mêmea ,u paragraphe 19.82 (vol. II, p. 547) où, après avoir affirmé que la

délimitationfrontalièreconvenue étaitentachée, àcertains endroits, d'incertitudes techniques,
il déclareque "[tlhese do not mean that the delimitationas such is in dispute or rejected".

4.53 Enfin, le Nigériaaffirme :

"More generally, it is important to recall that the boundary in this Sector
was originally prescribed as an internalboundary between two parts of the
British Cameroons. Such intemal, inter-provincial or inter-regional
boundaries are seldom prescribed with the care which should attend the
delimitation of an international boundary. In terms of local social and
economic factors, such as trans-houndarytribal movements or farming, so

long as both provinces or regions are part of the same country, the precise
line of the boundary has a reduced significance. When, as in the present
situation, a boundary originally delimited as an internal boundary becomes
an intemational boundary without any more specific delimitation, its
imperfectionsfor internationalpurposes become more evident" (CMN, vol.
II, pp. 547-548, par. 19.84;italiquesdans le texte).

4.54 Cet argument est dénuéde tout fondement en droit international pour les

motifs suivants :

1. La détermination du tracé de la limite entre les parties nord et sud du
Cameroun britannique a étéfaite à l'originepar I'Orderin Councildu Cameroun

sous mandat britanniquede 1923 (MC, Livre IV, annexe 130). 2. La deuxièmeannexede l'Orderde 1946a définila ligneplus en détail.
3. Dans la mesure où il existeraitdes contradictionsentre lesdescriptionsde cette

limite dans la deuxième annexeà l'Order de 1946 et dans celles de la partie III,

secteurO de la première annexede la proclamation de 1954,ces contradictionsne
peuvent en aucun cas êtreattribuées au Camerounet ne luisont pas opposables.

Le Camerounprend comme fondement,comme il en a le droit,le tracéde la ligne

décrite dansla deuxièmeannexe de l'Order inCouncilde 1946 (MC, Livre V,

annexe 181) comme étantcelui qui délimite cesecteur de la frontièreterrestre
actuelleentre le Camerounet leNigéria.

4.55 En effet, en dépitde l'argumentavancé auparagraphe 19.84du contre-

mémoire nigérian (volI .I, pp. 547-548), les arrangements constitutionnels misen place, au
Cameroun bntannique, par la Puissance mandataire et par l'autoritéde contrôle dans le

systèmede tutelle des Nations Unies, étaientclairs àtous égards.La délimitationtemtoriale

des deux parties du Camerounavaitété bien définieparl'Orderde 1946.

4.56 Il est important de noter que la division du Camerounbritannique en

deux parties, méridionaleet septentrionale, a étémaintenue dans le cadre des plébiscites

supervisés par les Nations Unies, organissn 1959et 1961.Les plébiscitesont étéorganisés
séparément dansla partie nord et la partie sud du Cameroun britannique. Le premier

plébiscite, pour la partie nord, organiséen 1959, suite à la résolution 1350 (XILT)de

l'Assemblée généraled 1u3mars 1959,a donnéune majorité enfaveur d'unajournementde la
décision. Les plébiscites ultérieus,r la question de fond, qui ont organisés séparément

dans les parties septentrionaleet méridionale du Camerounbritanniqueen février1961, ont

vu une majoritéde voix dans lapartie méridionale s'exprimeren faveurd'unrattachementau

Cameroun, et, dans la partie septentrionale, une majorité se dégager en faveur d'un
rattachement au Nigéna. Ces plébiscites ont étéeffectués dans le cadrede la délimitation

temtonale énoncée par I'Orderde 1946.

4.57 Suite aux résultats desdeux plébiscites de1961, l'ancienneligne de
division interne entre les partiessud et nord du Camerounbritannique est devenueune partie

de la frontière internationaleséparanlte Cameroundu Nigéria. 4.58 Du reste, le Nigéria areconnu expressémenlta frontièreentre les parties

nord et sud du Cameroun britannique dans un Echange de lettres en date du 29 mai 1961,

entre le Haut-Commissaire britannique auNigériaet le PremierMinistrede la Fédéraduon
Nigéria(MC,pp. 246-249,pars.3.246-3.253).

4.59 En outre, le Nigérian'ajamais éledeprotestationcontre les frontières
du Camerounseptentrional et n'ajamais, en aucunemanière,suggérqu'iln'étaitpas satisfait

de la définitiontemtonale de son territoire. Par son attitude, leNigéria areconnu lafiontière

existante, y compris la partie qui constituait anciennementla limite séparantle Cameroun
septentrionaldu Camerounméridionaldurant lesrégimesdemandatset de tutelle instituantle

gouvernement britannique Puissance mandataire puis Puissance administrante (v. supra,

chapitre2,pars. 2.140-2.144).

1 8 3 - De la borne 64à la Cross River(borne 114)

4.60 Le Nigériaconvient avec le Camerounque la frontièreterrestre dans ce
secteur est définie par deux accords internationaux conclus entre le Royaume-Uni et

l'Allemagne:

1.le Traité anglo-allemanddu 11mars 1913signéà Londreset qui traite
(1) de l'établissemt e la frontièreentre leNigériaet le Camerounde Yola mer et(2)de

la réglementationde la navigationsurla CrossRiver(MC,LivreIII,annexe82);et

2. l'Accord anglo-allemand du 12 avril 1913 signéà Obokum sur la

démarcationde la frontière anglo-allemande entrele Nigériaet le Cameroun, de Yolala

Cross River(MC, Livre III, annexe86).

4.61 Ce secteurdela frontièreterrestreest dànla foisdélimiet démarqué,

par les paragraphes 13à 21 de l'Accord anglo-allemanddu 12 avril 1913 qui couvre la
kontièreà partir de la borne 64 sur la rive nord de la Gammajusqu'à laCross River. Ce fait

n'est pas contestépar le Nigéria. Lepréambule del'Accordanglo-allemand précisaitque

c'étaitsouséservede l'accordultérieurdes deux gouvernements.L'approbatia été donnée
par un Echangede notes endatedu 6juillet 1914(MC,LivreIII, annexe 93).4.62 Le Traitéanglo-allemanddu 11mars 1913délimitaitla frontièrede Yola

à la mer. Les dispositionspertinentespour ce secteur figurent aux articles à 15. L'Accord
anglo-allemanddu 12avril 1913sur la démarcationde la frontière couvraitune grande partie

de la frontière délimitépear le Traitédu 11mars 1913qui le précédait d'unmois. De fait, la

frontière délimitée danle Traitédu 11mars 1913 avaitdéjà faitl'objet d'unaccord antérieur
en date du 6 octobre 1909(MC, Livre II, annexe 55),jamais entré envigueur en raison du

refus du gouvernement allemand de le ratifier, pour la raison qu'il ne comportait pas de

dispositionssur la libertédenavigationsur la CrossRiver (MC, Livre II,annexe58).

4.63 Le Camerounpartage la position exprimée par leNigériaconcernant la

relation existant entre leTraitédu 11mars 1913et I'Accordultérieur du 12avril1913 :

"Because of the close relationship in practice between the non-approved
1909 text and the Yola-Cross Riverprovisions of the Treaty of 11 March
1913,the demarcationof the Yola-CrossRiver stretch of boundary recorded
in the Demarcation Agreement of 12 Apnl 1913 was in substance the
effective demarcation and more precise delimitation of the equivalent

provisionsoftheMarch 1913Treaty.As the latertreaty to be concluded and
approved, the Demarcation Agreementof 12 April 1913 (...)is, for the
stretchof boundarycoveredby it, the govemingtext" (CMN,vol. II,p. 498,
par. 18.48).

4.64 En revanche,le Camerounne souscnt nullement à d'autresaff~rmations

du Nigénafigurant au chapitre 18de son contre-mémoire.La question de savoir si le Traité
anglo-allemand du 11 mars 1913 (ainsique l'Accordanglo-allemand du 12 avril 1913) a été

abrogé suite à l'article289 du Traitéde Versailles est traitée au chapitre5, section 3, de la

présente réplique.Le Cameroun constate, cependant, que la frontière dans ce secteur,

démarquée par l'Accorddu 12 avril 1913,n'estredevenue une frontière internationaleentre
Etats souverains qu'aprèsquela populationde la partie méridionale duCamerounbritannique

eut voté lors du plébiscite supervisépar les Nations Unies en 1961 pour demander son

rattachement à la République duCameroun.

4.65 Au paragraphe19.81de son contre-mémoire(vol. II,p. 547), le Nigéna

écritque

"subject to the considerations noted in paragraphs 18.54-18.57 and
paragraphs 19.2-19.53,Nigeria in pnnciple accepts the delimitation of the
boundary as set out in that Schedule [presumably the SecondSchedule to
the 1946Order].In particular,and in relation to the Sector ofthe boundary now underconsideration,Nigeria does not challenge the legal validityof the
Orderin Council".
La délimitationde la frontièredans ce secteur est donc achevée. LeNigérian'a poséaucune

question sur le caractèredéfinitif dela frontière établie par l'Accord anglo-allemand du12

avril 1913.

4.66 On sait que ce secteur de la frontièrefit l'objet d'une démarcation avant

la guerre par lapose de 114bornes frontière.L'annexe de Yaoundéde l'Institut géographique
national de Parisvérifiaen 1965l'étatde toutes les bornes pertinentes nà 114(lesbornes

1 à 64 concernaientle secteur de Yola, qui se trouve aujourd'hui au Nigéria).L'équipede

l'I.G.N. établitdes fiches de renseignement séparéespour chacudes bornes. Elle releva que

les bornes 97, 98 A, 100, 101et 102 étaient cassées et que les bornes 77,99 et 109 avaient
disparu. L'ensembledes autresbornes étaitenplace et en bon état (annexe 16).

4.67 11faut ajouter que leigériane saurait contester la validitéjuridique de

la Proclamation de 1954 sur la Northern Region, Western Region and Eastern Region
(DefinitionofBoundaries),dernier instrument de déterminationdes frontières des différentes

régions duNigénajuste avant laconstitution de la Fédération du Nigéran 1954 (MC, Livre

V, annexe 202).Les termes de la Proclamation de 1954, et particulièrement la division de la

troisième annexe en deux parties, montre la détermination du gouvernementbritannique de
conserver lesSouthernCameroonscomme entité administrativedistincte.

4.68 Il n'estdonc pas douteux que l'Accordanglo-allemand du 12 avril 1913
opéraitune démarcationdéfinitivede la frontière dans ce secteur, objet d'une délimitation

effectuéeparleTraitédu 11mars 1913.

$4 - De la Cross River à la mer :l'appartenance dela péninsule
deBakassiau Cameroun

4.69 Dans ce secteur, la frontière terrestre est déterpar les paragraphes

16 à 22 du Traitéanglo-allemand du 11mars 1913.

4.70 L'histoiredes événementsqui ont amené à la conclusion du Traitéanglo-

allemand du 11 mars 1913, dans la mesure où ils intéressentle quatnème secteur de la

frontière,figureauxparagraphes2.6 à2.35, 2.47à 2.58 et 2.75 du mémoiredu [email protected], 66-72et 76-77). Lesparagraphes2.85 à [email protected]) expliquentlarelationexistant

entre lesparagraphes 16 à 22 du Traitéanglo-allemanddu 11mars 1913et lesTraitésanglo-
allemands antérieurs (maisnon ratifiés), enparticulier l'Accord Moor-Puttkamed ru 16 avril

1901 (MC, Livre II, annexe 23), le Protocole Henmann-Woodroffe d'ami11906(MC, Livre

II, annexe39) et l'Accordanglo-allemand du 6 octobre 1909 (MC, Livre II, annexe 55).La

délimitationde ce secteur de la frontière avaitfait l'objetd'un premieraccordauniveau local

entre le Gouverneur allemand du Kamerun et le Haut-Commissaire pour le Nigénasud en
1901, la délimitation ayantétéprécisée en 1906et à nouveau en 1909. Lepoint de départ de

la délimitation sur 1'Akwayafén'a fait l'objet d'aucune contestation entre les deux

gouvernementspar la suite.

Ni l'AccordMoor-Puttkamerdu 16 avril 1901, ni le ProtocoleHenmann-
4.71
Woodroffed'avril 1906,ni l'Accordanglo-allemanddu 6 avril 1909n'ont effectuédirectement

une délimitation formelle dela frontièrequi part du centre du chenal navigablesur une ligne

joignant BakassiPoint et KingPoint dansl'embouchurede 1'Akwayafé.Aucundeces accords

n'a été approuvé ou ratifié parles deux Parties. Il faut toutefois souligner que les deux
gouvernements sont convenusde fixer le point de départde la ligne dans l'embouchurede

1'Akwayafé dès1901, le motifprincipal de la non approbationou de la non-ratification par les

deux gouvernements (que ce soit en 1901,en 1906et ou 1908) étantla déterminationdu

gouvernementallemand de voir incorporer dans le texte final de tout nouvelaccordportant

sur la délimitation allant de Yolajusqu'à la mer des dispositions concernant la liberté de
navigation surla Cross River.

4.72 La frontièredans ce secteur, de la Cross Riverà la mer, telle qu'elle est

déf~e dans le Traitédu 11mars 1913,est définitive.Elle n'a jamais été modifiéeà cejour,
que ce soit par les signataires de l'accord (1'Allemagneet le Royaume-Uni) ou par leurs

successeurs,le Cameroun et le Nigéria.Comme leremarque Brownlie :

"(iv) CrossRiver southwardsto the sea.
"This part of the boundary depends upon paragraphs XVI to XXII of the
Anglo-GermanAgreement ofMarch 11, 1913"'.

4.73 Le libelléde la Proclamation du 30 septembre 1954 sur la Northern

Region, Western Region and Eastern Region (Definition of Boundaries) (MC, Livre V,

IAfncan BoundaiieC. Hurst& Company,Londres,1979,p. 556.

176annexe 202) montreque, même durantla périodede régimede tutelle, lafrontièreorientalede
la régionest du Nigénaétait, étant donné la loien vigueur au Nigéria,clairement séparée du

temtoire du Cameroun méridionalsous tutelle britannique. Dans la partie 1 de la troisième

annexe de cette Proclamation, les "Boundariesof the EasternRegionexcludingtheSouthern

Cameroons" sontdéfinies dans lestermessuivants,enpartant de lamervers le nord :
"East. From the seathe boundary followsthe navigablechannelof the River

Apka-Yafe; thence follows the thalweg of the aforesaidRiver Apka-Yafe
upstream to its confluencewith the Rivers Apka-Korumand Ebe (dividing
the mangrove islandsnear Ikang as shownonmapT.S.G.S. 2240,Sheet2 of
Treaty Senes 1913,No. 13)".

4.74 La définition de cette partie de la frontièrede l'EasternRegion du

Nigéria,excluantle Cameroun méridional,en se rapprochantde lamer,coïncideparfaitement
avec la délimitationde la frontièreentrele Cameroun et leNigériaauparagraphe 18du Traité

anglo-allemand du 11 mars 1913, la seule différenceétantqu'elle part de la mer vers

l'intérieur desterres et nonde l'intérivers la mer.

4.75 Le Cameroun reviendra au chapitre 5, section 2, de la présenteréplique

sur l'argumentdu Nigéria selonlequel il aurait héritdes "KingsandChiejiof Old Calaba?'

d'un prétendu titre pré-colonial surla presqu'île de Bakassi. Le Cameroun conteste cet

argument, en fait et en droit : le Nigérian'a pas démontréque les "Rois et Chefs d'Old
Calabar" aient étéhabilitésàdéteniret exercerdes droits de souverainetésurun temtoire, etil

n'a certainement pas apportéla preuve que, en tant qu'entité,ils aient exercédes droits de

souveraineté à quelque moment que ce soit et sur quelquepartie du temtoire que ce soit de la
presqu'îlede Bakassi.

4.76 Le chapitre 5, section 3,de la présenterépliqueexpose la position du

Cameroun sur l'application dans letemps de ces dispositions du Traitéanglo-allemanddu 11
mars 1913.Cetraitésitue lapresqu'île deBakassi auCameroun. Section 2 : LES ccDIFJ?iCULTES"RECENSEES PAR LE NIGERIA

4.77 Le Nigéria tente,dans son contre-mémoire,de créer laconfusionsur des

questions fondamentalementclaireset de mêler distinctionsjuridiques et factuelles.Il cherche

à affirmer commevalide "inprinciple" les instrumentsjuridiques essentiels qui délimitentla

frontière terrestre, tout en donnant simultanémentl'impression que, "in practice", les
problèmestouchant ces instruments remettentenjeu le fondementjuridique de leur validité.

La présente section traite plus particulièrementdes problèmes de textes et de cartes

artificiellement soulevéspar le Nigéria pourtenter de remettre en question le fondement

juridique desdélimitationsconventionnelles.

1- Les prétendues contradictions ou incertitudes textuelles

relevéespar leNigéria

4.78 Le Nigériaa relevéune sériede prétendues difficultés textuelles.Il en

fournit quatreexemples qui montreraientque la lignede délimitation est difficiàesituer sur

le terrain. Ce faisant, il cherchea monter en épinglede soi-disant problèmesde délimitation

qui se révèlent,dans la plupart des cas, n'être quees questions de démarcation.Une telle
approchene saurait emporterla conviction.

A - L'embouchurede I'Ebeji

4.79 Le premier exemple concerne"the mouth of the Ebeji River" (CMN, vol.

II, pp. 526etS.,pars. 19.40et S.).Cette questiona été traiear ailleurs (v.supra, chapitre 3,

pars. 3.13 et S.), et il a étédémontréque le point identifiépar la C.B.L.T. correspond à
l'embouchurede l'Ebejitelle qu'elleexistait en 1931et telle qu'elleétaitdécritesur la carte

Thomson-Marchand.

B - Jimbare

4.80 Le deuxième exemple concerneJimbare où la ligne serait difficile à

tracer sur la carte en applicationdes paragraphes 35,36 et 37 de la DéclarationThomson-

Marchand. 4.81 Il faut noter en passant les différences apparentes existant entre la
représentationdelarégionpar le Nigéna sursa carte 69qui, selon le contre-mémoirenigérian

"comprises the relevant parts of the DOS 1 :50,000 map sheets 217SE and 218SW (actual

size) of the area" (CMN, vol. LI,p. 529, par. 19.45),et la carte 217 SEà laquelle il est fait

référence. Une tellecomparaisonmontreque les "Alantika Mountains" ont été remplacéep sar
les "Balakossa Mountains". Cetamendement apportéparleNigénasur sa carte 69 par rapport

à la carte originale est reconnuexpressémentpar le Nigénadans une petite note annexée àla

I carte 69 visant à établir unecohérence entre ladescription des montagnes et la carte

Thomson-Marchand. Il s'agitlà d'un exemple de problème que pose la démarcation d'une
frontière délimitée.

4.82 Cette partie de la frontièreest délimitéeaux paragraphes 35 à 37 de la
DéclarationThomson-Marchand,dontles dispositionspertinentes se lisent ainsi :

"(35) Puis(...)par la ligne de partage des eaux de la Benoué aunord-ouest
et du Faro ausud-est jusqu'au pic du sud des monts Atlantikas en un point

situéà 2 kilomètresau nord de la source de la nvièreMali.
"(36) De ce pic, par la nvière Sassiri, laissant Kobi en zone française et
Kobi Leinde en zone anglaise, Tebou et Tscho à la France, jusqu'à son
confluent avec le premier misseau venant de la chaîne des Balakossa (ce
confluent touche la piste Kobodji Mapeo). De ce ruisseau la frontière se
dirigeversla sud,laissant Uru Belloà l'Angleterre etNananoua àla France.
"(37) Ensuite elle rejoint l'ancienne frontière aux environs de Lapao en

temtoire français et suit la ligne de partage des eaux de la chaîne des
Balakossa jusqu'à un point situé à l'ouest de la source de Labidje ou
Kadam, rivière qui se jette dans le Mayo Deo, d'une part, et la nvière
Sampeequi sejette dans la rivièreBaleo, au nord-ouest, d'autrpart" (MC,
LivreN, annexe 157).

4.83 Dans ses commentaires sur la frontière Jimbare, le Nigéna ne remet en

question qu'une partiede la frontièretelle que la décrit laDéclaration, dansla mesure où il
l
admet que les caractéristiquesdéterminantesmentionnéesaux paragraphes 35, 36 et 37 de la
Déclaration(le pic du suddes montsAtlantikas, la source de la nvière Mali,la nvière Sassiri,

le point de confluence entre cette nvière et le misseau non identifiévenant de la chaîne des

Balakossa et la ligne de partage des eaux de la chaîne des Balakossa) font l'objetnaccord

1 (CMN, vol. II, p. 529, par. 19.45). La "difficulté"qu'il invoque concerne principalement la
phrase du paragraphe 36 de la Déclarationqui énonceque "[dle ce misseau [c'est-à-dire le

misseau venant de lachaînedes Balakossa] la frontièrese dirige vers le sud".4.84 Comme le note le Nigéria (CMN, vol. II, p. 531, par. 19.47), la

descriptionde la frontière figurantauxparagraphes3à 37de la Déclaration a étrepriseplus
longuementdans le document signépar le lieutenant Logan(District Officer,par autorisation

du résidentde 1'AdamawaProvince, Nigéria)et le lieutenant LeBrun (chef de subdivision,

par autorisationdu chef de la circonscriptionde Garoua, Cameroun) le 16 octobre 1930.Le
documentLogan-Le Brun décritla sectionde frontiérede manièreplus détaill:e

"From this summit (known as Hossere BILA), by the course of the stream
LEEVDEdown-stream to its confluence with the stream SISSERI. (The

KOJOLI-MAPEO track crosses the SISSERI immediately below the
confluence) :thencethe course of the SISSERI upstream to its sourcein a
marsh approximately300 yardsto the NORTHof the village ofNANAWA
(marked by a large blazed tree and cairn); thence in a straight line on a
bearing of 188degrees(tme) for a distanceof 600 yards to a blazedtree on
a small eminence at the WESTERN limit of the village of NANAWA;
thence following the centre line of the marshes separatingNANAWAand

WAMGO BELLO (UR0 BELLO), and WAMGO BELLO and YERIMA
SAMMA, leaving NANAWA and YERIMA SAMMA to FRANCE, and
WAMGO BELLO to GREAT BRITAIN; thence the course of the stream
NYEM-SENGA (emanating from the last mentioned marsh) downstreamto
its confluence with the stream Mayo SILBA (marked by a blazedpalrn-tree
and cairn); thence the course of the Mayo SLBA downstream to the

junction with it of a stream known as KOMBUNGA (site ofjunction is
marked by a large blazed tree and cairn, and about 100 yards ftom the
junction, the KOMBUNGAdescends a steep rocky face); thence the main
(Northerly) course of the KOMBUNGA upstream to where its headwaters
cross the LAPAO-WURO TAPARE track (marked by a blazed tree and
caim); thence the line of the WURO TAPAREtrack (clearedand blazed)to
the point (marked by a large blazed tree) where it crosses a small stream

called WUSIMA (one of the headwaters of the Mayo KADAR); leaving
SAJJO BALKOSSA to FRANCE and NYARGAN to GREAT BRITAiN"
(CMN, vol. X,annexe332 ; majuscules dansle texte).

4.85 Sur la base de cette description plus détailde la ligne frontalière,il
apparaîtque la délimitation tellequ'elleest présentée ne pose de problème.Le niveaude

description est fort précis. Il est cohérent avec les termes de la DéclarationThomson-

Marchand, ce que le Nigéria ne conteste pas.Il est aussi conformeà la carte camerounaise

I.G.N. de la région(carte no 12 de l'atlas cartographique joint à la présenteréplique,
égalementreproduite page suivante). Onpeut souligner en particulier que la lettre Logan-Le

Brun précise quela rivière Sassin (contrairement à ce qui est présentésur la carte 69 du

Nigéria)se dirige vers le sud, ce qui fait que la frontière figurantsur la carte l'atlas

du Cameroun avecune ligne qui suit la nvière vers le sud à partir du point de confluence
correspond au texte. La frontière est donc correctement délimitée parla Déclaration Thomson-Marchand précisée parle document Logan-Le Brun et va de la confluence de la

rivièreSassiri avec le misseau non identifiévers le sud, en suivantcemisseau non identifié, et
se poursuit vers le sud le long de la rivièresin vers le point où elle rejoint l'ancienne

frontièredans larégionde Lapao, commele précisele documentLogan-LeBmn.

4.86 Il n'estpas toujours facile de retrouver aujourd'huiun certain nombre de

noms de lieux mentionnés dans les instruments d'avant-guerre. Celan'affecte pas la

l délimitation conventionnellemais peut susciterdes questions dedémarcation.

C - Le franchissementdu Mayo Yim

l 4.87 Le troisième exemple invoquépar le Nigénase rapporte au "Yin" ou

l "Yim Crossing", au sujet duquel se poseraient quatre problèmes techniquesdistincts (CMN,
vol. II, pp. 532-535,pars. 19.50 et S.).LaDéclarationThomson-Marchandtraite de cettezone
1
1 aux paragraphes48 et 49.
"(48) Puis elle atteint le mont Lowul, qui se tàoenviron 2 kilomètres
de la route Banyo-Kotcha (route de Fort-Lamy).Du sommet de la passe de
Genderou l'azimut du mont Lowul est 296. De ce sommet, situà3 milles

et demi du gîte d'étape,qui se trouve et qui est situé entreun pic des monts
M'Bailadji(à l'ouest)et une collinemoins éleappeléeHosere Burutol (à
l'est), le mont M'Bailadji eàl'azimut 45et le mont Burutelà l'azimut
185.
"(49) La frontièreest ensuite détermipar une ligne qui franchit la Mayo
Yim en un point situé à environ 4 kilomètresàl'ouest du chiffre 1.200
(chiffre indiquant la hauteur en mètres d'unemontagne de forme conique
(sur la carteisel, section E 2) jusqu'à un pic de forme conique, le mont
Golungel, au pied duquel(en zone française) setrouveune source natronnée
bien connue des pasteurs. Du gîte d'étape decompagnieMassa situé surla
piste Kontcha-Banyo (route de Fort-Lamy) on aperçoit le mont Golungel
sous l'azimut 228. Du mêmepoint le mont Lowul est à l'azimut 11. Le
lahoréde Banaré se trouveen temtoire britannique" (MC, Livre IV, annexe
157).

4.88 Le Nigériaaffirme que, sur quatrepoints, "thisdelimitationechnically

defective, andannot be readily applied in a demarcation on the ground (CMN, volII,p.
532, par. 19.51). Cet aveu est important dans la mesure où il démoàl'évidenceque les

critiques du Nigéna concernent la démarcationet non la délimitation.Il faut prendre en

compte le contexte de cette section de la ligne de délimitation.Entreles latitudes 7"et 7' 50',
une chaîne demontagnes, relativementélevées(2000 m), sépareleNigénadu Cameroun.Lesvillages y sont rares et les voies decommunicationpresque inexistantes. Les rédacteursde la
Déclarationde 1931 ne pouvaient établirla délimitation qu'ense fondant sur les lignes

naturelles du relief. Ils ont décique les rivièrescoulant vers l'ouest étaient nigérianes,

celles coulantvers l'est étaientcamerounaises.La seule exceptioà ce choix a été le bassin

supérieurdela rivière Yim,traverséà l'époque par l'uniquepiste Kontcha-Banyo, section de
la grandepiste Fort Lamy-Baré,entrela passede Genderouau nord et le village de Jacuba au

sud. Pourmaintenir cettepisteentemtoire camerounais, ladélimitation a contourné le bassin

par l'ouestàpartir du mont Lowulcoupant la rivièreYim auxpieds des monts Golurde.

4.89 Les réponses du Camerounaux quatrepoints soulevésparle Nigériasont

les suivantes.En premier lieu, selonla Partie nigériane,le Hosere Lowul (le mont Lowul)

"cannot be identified with certainty£romavailablemaps", mêmesi elle admet que "various

magnetic bearings to that peak are given" (CMN, vol.II, p. 532, par. 19.51). En outre, elle
affirmeque la grand route "Kwantcha-Banyo"(c'est-à-direla route Kontcha-Banyo (route de

Fort-Lamy)) n'estpas représentéseur les cartesdisponibles et qu'ellen'estpas visible sur les

photos aériennes à partir desquelles a étéétablie la carte DOS (ibid.). Cependant, la
localisationdu mont Lowul est une questionde démarcationet ne remet pas en question la

validitéde la ligne de délimitatien tant quetelle. Au surplus, comme le Nigéria lui-même

est obligéde l'admettre,le montLowulest positionnéclairement par la Déclarationhomson-

Marchand et d'une façonbeaucoupplus préciseque cela est en généralle cas dans des
instruments de délimitationcomparablesainsi que dans la Déclaration mêmec ,eci pour les

raisons évoquéesci-dessu( sv.supra,par. 4.88).

4.90 Le secondpoint soulevépar le Nigériaest que la frontièreest délimitée
par une ligne coupant le MayoYirn à un point donné, maisque rien n'estdit sur le tracé de

cette ligne elle-même (àsavoirsi ce devrait êt"a watershed line ? or a straight line ? or a

track line?" (CMN, vol. II, pp. 532-533, par. 19.51))ni sur sa direction, si ce n'est qu'elle
aboutità un point précisésurleMayoYim (ibid.). Le fondde l'affaireest simple. La frontière

établiepar la Déclarationest une ligne qui rejoint deuxpics précisément définis (lme ont

Lowul etlemont Golungel)enpassantpar unpoint donné qui traversela rivière (Mayo) Yim.

Il est important de relever que, contrairemenàce qu'écrit le Nigérial,e "end point" de la
lignene se situe pas "at the pointspecifiedonthe Maio Yim" (ibid.). La ligne qui descend du

mont Lowul ne s'arrêtepas au Yim mais le traverse pour aller jusqu'au mont Golungel

(paragraphe49 de la Déclaration).Il n'y adoncpas deux lignes, comme semblele suggérerleNigéna(Lowul - Yim, Yim - Golungel),mais une ligne unique qui rejoint les pics du Lowul

et du Golungel. En ce quiconcernelanature même dela ligne, il fautrappeler que la frontière
ne suit pas, dans ce secteur, la ligne de partage des eaux pour des raisons stratégiques

évidentes (v.supra,par. 4.88), ce qui exclut l'hypothèseévoquée parle Nigéria. Etantdonné

la nature accidentéedu terrain, on doit aussi exclure la possibilité de"track line" évparée

le Nigéria,idéequi n'estmentionnéenulle part ailleurs, ce qui renvoie à l'idéed'une ligne
droite. Les paragraphes 48et 49 de la Déclaration précisent clairemetue la ligne frontalière

va du pic du Lowul au pic du montGolungel en passant par le point de croisement avec la

Yim. Cette façonde décrire la lignefrontalière impliqueàl'évidenceque I'ontrace une ligne

droite d'un poinà un autre en s'assurantque la ligne franchit bien la Yim conformémentàla
description. Aucun document officiel ne fait naître le moindre doute à l'encontre de cette

approche et aucunealtemativen'estcrédible.

4.91 Le troisièmeargumentdu Nigéria estque le point où la ligne joignant les

deux pics traverse le Mayo Yim n'estpas suffisamment précisé pour une démarcation. Là
encore, force est de noter que l'argumentn'affecteen rien la validitéde la délimitationen soi,

mais fait ressortir une fois de plus de possibles difficultés liéàsla démarcation dont le

processus risque de se trouver compliqué.En tant que tel, l'argumentn'estpas pertinent. Du

reste, il tombe dès lors que I'onadmet le principe d'une ligne droite allant du sommet du
Lowul à celui du Golungel,seule hypothèse crédible,comme le Cameroun vient de l'établir.

Au demeurant, le processus de démarcationdes tronçons de la frontière délimités, qun i'ont

pas encore étédémarqués à cejour, fera suite a la décisionde la Cour dans la présenteaffaire

et ne devrait pas poser de problèmesinsurmontables. La Déclaration est relativementclaire.
Le point de croisement se situe sur une ligne à "environ 4 kilomètres à l'ouest du chiffre

1.200 (chiffre indiquant lahauteur en mètresd'une montagne de forme conique (sur la carte

Moisel, section E2) (DéclarationThomson-Marchand,par. 49 ;v. carte 72, CMN, atlas, vol.

II)). Il s'agiten tout étatde caused'unequestion de démarcation,qui ne peut avoir d'influence
sur la ligne de délimitationconventionnelleconvenue.

4.92 Le quatrièmepoint avancé parle Nigériaconcerne "some uncertainty

over the location of Hosere Gulungel" (CMN, vol. II, p. 533, par. 19.51 (4)). Ce point serait
certainement entaché d'incertitudsi l'on ne prenaitpas en compte le reste du paragraphe 49

de la Déclaration.Le Nigéria interrompten effet la citation, aprèsla mention de "a prominentconicalpeak,HosereGulungel"(CMN, vol. II,p. 532,par. 19.50).La phrase continuecomme

suit:
"au pied duquel (en zone française) se trouve une source natronnéebien
connue des pasteurs.Du gîte d'étapede compagnie Massa situésurla piste

Kontcha-Banyo (route de Fort-Lamy) on aperçoit le mont Golungelsous
l'azimut 228. Dumêmepoint le montLowul est à l'azimut 11.Lelahoréde
Banarése trouveen temtoire britannique"(MC, Livre iV, annexe157).

4.93 Cela préciseclairement lepositionnementdu mont (Hosere) Golungel,ne
serait-ce que par la référencequi est faite aux coordonnéesmagnétiques,tout comme aux

structures physiques, pour aider à l'identification. La situation est encore précispar le

paragraphe50de la Déclarationqui énonce :

"(50) Le mont Golungel est le premier pic de la chaîne des Gomide ou
Golurde, qui comprend six pics. La frontière les suit jusqu'àun petit mont
du nom Bolsurnbre"(ibid.).

4.94 La description de cette partie de la frontière est formulée,il faut le

répéterd,e manièreclaire et plutôtplus préciseque ceque l'ontrouve généralemend tans les
accords de délimitation.Il existecertes des incertitudesquaàtla fixation sur le terrainde la

ligne de délimitation, étantdonnéles conditions géographiques difficiles,mais il s'agitde

questions de démarcation typiques, susceptibles d'êtrerésolues lors de la phase de

démarcation sur le terrain.Commel'admet leNigéria lui-même ",it is apparent thatwhat is
involvedis not any dispute aboutthe delimitation of theboundary, butrather questions about

the demarcationon the groundof a boundary the delimitationofwhich is othenviseagreed in

principle" (CNM, vol. II, p. 535,par. 19.54). Le fait que le Nigérià,plusieurs reprises,ait
exagéré l'importancede tels problèmesde démarcationquand ils se présententn ,e changerien

à cette conclusion.Les cartes courantes donnent toutes les indications nécessaiàcet égard

(v. la carte R 6, extrait de la carte du Nigéria (feuilleno 12, éd. 1945)reproduite page

suivante ;v. aussi lacarte no72dans l'atlas du contre-mémoire,vol.I).

D - Typsan

Le Nigériarevient égalementsur la question de la région deTypsanet de
4.95
Kontcha(Cm, vol. II, pp. 543et S.,pars. 19.73et S.).La Cour a fait référencedansson arrêt

du Il juin 1998 a "la contestationpar le Nigéria dela validitédes titres existantssur(...)~ypsan"' et au fait que ce pays "soitclairementen désaccordavec le Cameroun en ce qui
concerne (...) ~ypsan"'. Dans ce secteur, la frontière est précisée principalemena tu

paragraphes40,41 et 42 delaDéclaration Thomson-Marchandqui énoncentque :

"(40) Puisuneligneparallèle à la route deFort-Lamy-Baréen se maintenant
à une distance de 2 kilomètres de cette route, quise trouve toujours en
temtoire français.
"(41) Puis par une ligneparallèle et distantede 2 kilomètres à l'ouest de

cette routequi estapproximativementcellemarquéeFaulbom,janvier 1908,
sur la carte Moisel, jusqu'au point sur le Mayo Tipsal (Tiba, Tibsat, ou
Tussa surlacarteMoisel) à environ2 kilomètresau sud-ouestdu point ou le
Mayo Tipsal esttraversépar la piste.
"(42) Puis par le Mayo Tipsal en amont de son confluent avec le Mayo
Mafu, qui vient de l'ouest,jusqu'à un point situéenviron 12kilomètresau
sud-ouestdeKontscha"(MC, LivreIV, annexe 157).

4.96 Le Nigéria prétend démontrerqlu eeCameroun aignoré laligne fixéepar

la Déclarationet qu'ila empiétésur le territoirenigérianàl'ouest.Le Cameroun estaccuséde

s'êtretrompéen revendiquant une bornefrontièreallemande et de rechercher "to assert a

boundary6.5 krns.to the Westof the Typsanimmigrationpost along theroadto Bospan, asif
Typsanwere part of Kontcha"(CMN,vol. II, p. 545, par. 19.76).A l'appuide ses dires, la

Partie nigériane s'appuisurune carte fallacieuseet fait une lecture erronéedes termes de la

Déclaration.Le croquis no73 produitpar le Nigéria (intitulé"Kontcha-Tipsan 1") est censé

être"[elxtracted from D.O.S. 1:50,000 sheet 238SW and 258NW. Il s'agit en fait d'un
assemblagepartielde cesdeuxcartes.Cecroquis est reproduit page suivante (carteR 7).

4.97 Sur ce croquis figurent différents marquagesqui se chevauchent, y
compris, en bleu, la ligne censéeêtre celle revendiquée palre Cameroun. Le Nigéna attire

l'attentionsur ce point dans le titre de ce croquis intitulé "Inconsistent boundary depiction

betweenadjacent Cameroonmaps".Toutefois,le report en surchargebleuen'est pas en place

par rapport aux cartes LG.N. au 1:200 000 (Tchamba et Tignere), car contrairement à
l'affirmation nigériane,les frontièresdessinées sur les feuilles camerounaisese raccordent

'C.I.J.,affairede laFrontièreterrestreet maritimeentrele Camerounet le Nigéria(erceptionrprélimlinaires),
Rec. 1998,p. 315,par.89.
'Ibid.,~.316,par. 92.très bien sur le huitièmeparallèle,toutcomme les rivièresDeo et Typsan (v. les cartes R 8 et
R 9, pages suivantes). Les efforts déployéspar le Nigéria pour remettre en question la

représentationde la ligne frontièrepar leCamerounne résistent pàsl'examen.

4.98 En outre, l'examende la carte du Cameroun à l'échellede 1:200 000,

reliant les feuilles Tchamba et Tignere(carte R 8),montrà l'évidenceque la "Boundary on
Cameroon maps" revendiquéepar leNigériasur sa carte 73 est erronée (v. carteR 7). Certes,

si la frontièredu Cameroun, telle que laprésenteleNigéna,était exacte, celasignifierait que

le Cameroun aurait revendiquéune lignesituée 2km à l'estde la vraie frontière. Comme le

précise la Déclaration Thomson-Marchand au paragraphe 41, la frontière suit "une ligne
parallèleet distante de 2ilomètres à l'ouest decette route qui est approximativementcelle

marquée Faulbom, janvier 1908,sur la carte Moisel". Il s'agitlà de la suite de la disposition

du paragraphe 40 de la Déclarationqui indique que la frontière continue par "une ligne

parallèleà la route de Fort-Lamy-Baréen se maintenant à une distance de 2 kilomètres de
cette route, qui se trouve toujours en temtoire français". En d'autres termes, l'arrangement

frontalierprévoyaitque la grande routeFort Lamy-Barérestait "en temtoire fiançais" et donc

camerounais. La ligne de délimitationdans cette régions'aligne donc sur cette route pour

tracer une ligne parallèlela routeà deux kilomètresà l'ouest.La ligne va, pour ce tronçon
frontalier, jusqu'au point sur le Mayo Typsanà2 km environ au sud-ouest du point où ce

Mayo est traversépar lapiste. Ces indicationssonttrèsprécises. Toutce qui est sàtI'estde

cette ligne parallèlàla route est en temtoire camerounais et tout ce qui àsl'ouest esten

temtoire nigérian.

4.99 Le Nigéria aindiquésur sa carte 73 par un point rouge en surcharge le

lieu où est supposése trouver le "Tipsan Immigration Post" (v. carte 7). Cet endroit est

indiscutablement situé en temtoire nigériancomme on le voit sur cette carte. Il semble
toutefoisque le Nigériacherche àopérerune confusionentre ce poste et la localitéde Typsan.

En réalité, lalocalitéde Typsan elle-mêmeest situéedu côté camerounais de la ligne de

délimitation définie dansla DéclarationThomson-Marchand et le Nigéna a cherché à établir

un poste d'immigration dans cette localité, ensus du poste figurant sur la carte 73 (v. MC, p.
591, pars. 6.92-6.94 etinfra, chapitre 11, par. 11.222). Le village de Typsan se trouvà

environ 3 kilomètres de la ville camerounaise de Kontcha (district de Kontcha,

arrondissement du Mayo Baleo). Cette localitése trouve dans une zone inondable et1:200000CAMEROUN. Assemblagedes feuillesadjacente TCHAMBA et TIGNÈREalluvionnaire, le long du Mayo Typsan et est peuplée de populations qui y pratiquent
l'agriculture.

E - Sapeo

4.100 Le Nigériaconclut la section de son contre-mémoire consacrée à la

Déclaration Thomson-Marchand par une réaffirmationde son acceptation du caractère

contraignantde l'instrument.Il y estsoulignéque le'Nigeria subscnbes to the delimitation set

out in the Thomson-MarchandDeclaration" (CMN,vol. II,p. 545, par. 19.76). On pourrait
croire que cela est clair et sans ambiguïté; ce n'estpas le cas. Au moins en une occasion, le

Nigériaprétendque les termesdela Déclaration n'établissen ptas la ligne de délimitation.

4.101 Cette contestationconcernela régionde Sapeo. Le Nigéria reconnaîtque
cette zone a étéplacée dans cequi est aujourd'huile Camerounpar la DéclarationThomson-

Marchand, maisil prétendque ceciest démentipar "the long-establishedlocalusage" (CMN,

vol. 11,~.522, par. 19.32).

4.102 La lettre Mair-Pition du 21 février 1921(CMN, vol. X, annexe 331)

demande que cette zone soit placéesous juridiction britannique, tandis qu'une zone située

entre le Mayo Laro et Kontcha serait placéesous juridiction française pour faciliter la
const~ction d'une route.Cet arrangementa été confirméen 1930par une note signéepar le

lieutenant Logan et le lieutenant LeBmn en date du 16 octobre. Toutefois, cette

de modification n'a pas été introduite dans laDéclaration Thomson-Marchand, signée

ultérieurement (contrairement à la rectificationen faveur de la France qui figure dans cette
Déclaration).La lettre Mair-Pition précisait expressémen qtue cet aménagementdevait être

confirmépar les deux gouvernements,ce qui n'ajamais étéfait, comme l'admetle Nigéna

(CMN, vol. II,pp. 524-525,par. 19.38).

4.103 Le Nigériainvoque une soi-disant acceptation par le Cameroun de la

ligne modifiéedu fait d'une lettreen date du 17 mars 1979, émanantdu sous-préfetde

l'arrondissement de Poli et adresséeau préfetdu département dela Bénoué.Toutefois, la
position du premier étaitévidemmentfondéesur la croyance - inexacte - que la lettre Logan-

Le Brun constituaitbien un accord(CMN,vol. X, annexe 333).Mais les termes de cette lettren'ontpas été repris ultérieurementdans la DéclarationThomson-Marchand et l'auteurde la

lettrede 1979(un simple sous-préfet)n'avaiptasbien compris la situationjuridique réelle.

4.104 Le Nigériacherche à étayer sonargument en présentant différentecsartes

d'électeursnigériansainsi que des reçus d'impôtscommunaux provenant de la "Sapeo area"

(CMN,vol. X, annexe 334). Ce document ne faitpas expressément référenc eSapeo,mais,
de toute manière,il peut difficilementêtreconsidérécomme suffisantpour modifier la ligne

de délimitationconventionnelle. La minceur des preuves de "long-established practice",

jointeà l'absenced'approbationpar les deux Etats de la modification un temps envisagée,

suffitàexcluretoute modificationde la ligneayantfait l'objetde l'accordde délimitation.

§2 - L'utilisation des cartes par les Parties

4.105 Le relevé ci-dessous répartit en quatre catégories les productions

cartographiquesnigérianes :

1) 23 cartes ou croquis spécialementréalisés (no1, 2, 3, 5, 27, 34, 35,

36,38,40 à 49,51, 52,57 et 76) ;
2) 28 reproductionsde carteséditéems ais surchargées(no29, 30,37, 53,

54,55,56,58 à75, et 77à 80) ;

3) 23reproductionsde cartesanciennes, historiquesou thématiques(no4,

11,12 à26,28,31 à 33,38 et 50) ;
4) 6photographiesaériennesou images satellite(no6 à 10,et 39).

4.106 On peut noter que la représentationde la frontièreest toujours faite par

un trait de couleur en surcharge, et sa concordance avec la description contenue dans les
instrumentsjuridiques varie selon le but de la démonstration :tantôt c'est le texte qui est

retenubar exemplenuméros64 à 66 et 73 et 74),tantôt c'est lacartederéférence (6et 68).

4.107 Plusieurs de ces cartes tendentàjeter la confusion sur les questions en
jeu. La carte 73, par exemple, sur la question de Typsan, donne la localisation (selon le

Nigéna)du "Tipsan Immigration Post", mais, curieusement, ne figure pas la localitéde

Typsan elle-mêmeL .a carte73 est en fait une compilation d'extraits dedeux cartes. En outre,

leNigériaatracésur sa carteau 150 000 une lignede frontière identiqueà celle tracée surlescartes "camerounaises" au 1:200 000. Les cartes nigérianes (au1:50 000) qui ont servi de

base aux extraits de cartes du contre-mémoire nigérian ont été confectionnées à partir des

cartes nigérianessur lesquelles on a omis de reproduire la ligne frontière.Par exemple,il est
dit que la carte61 est un "compositeof parts of the Cameroon 1:200,000maps GAROUAand

TSCHAMBA(enlarged x 4 to 1:50,000)of the same area" (CMN,vol. II, p. 513,par. 19.12).

Sur cette carte figure en surcharge la ligne frontalière supposdu Cameroun, en bleu, avec

l'emplacementsupposédes bornes 6,7 et 8 et lenom des localitésde Tonbi et Wamrni,qui ne
figurentpas sur la carte originaledu Cameroun (v. réplique, atlas cartographique,cartesnoà

13).On peut aussimentionner la carte63 qui prétend êtru en extrait de la carte I.G.N.France

1:50 000 NC-32-XVIII-3a-3b, 1955 ;cette carte a été agrandie à l'échelle de1:28 000 :la

légendefigurantdans le coin enhautàgauche est donc erronée.

4.108 En outre, le Nigéria croit pouvoir contester les cartes I.G.N. du

Cameroun. Le Nigéna cherche à faire valoir que "Cameroon's own officia1maps showa

boundary which is in places demonstrably inconsistent with the boundary as delimited"

(CMN, vol. II, p. 509, par. 19.2; v. aussi pp. 510-511, par. 19.6 et pp. 516-517, par. 19.20).

Rien de plus n'estprécisé,en dehors des quatre cas spécifiquesoù il est dit qu'ily a des
"deparhues on Cameroon's official maps kom the boundary line as delimited in the

instrumentsonwhich Cameroonrelies" (CMN, vol. II, p. 511,par. 19.6).

4.109 Les cartes "officielles" camerounaises que le Nigéna critique sont des

cartes aux échelles du 1:50 000 et 1:200 000 qui sont le produit et la propriété d1'1nstitut
géographique national français, même si, quelques années après l'indépendance du

Cameroun, ces cartes ont été repriseset, pour certaines, mises à jour par le Centre

géographique national du Cameroun (C.G.N.), aujourd'hui devenu l'Institut national de

cartographie(I.N.C.). Ces cartesne sont donc pas des "official maps" du Camerounet ne sont
pas "origin or provenance" du cameroun4.Elles ne doivent certainement pas être considérées

comme "the best available evidenceof Cameroon's officia1position" (CMN, vol. II, p. 510,

par. 19.6).Ellesse limitentàrefléter laposition adoptéeparl'I.G.N.lorsqu'illes a établies.Le

Nigérial'admetcertes pour la carte63, qui est la carte I.G.N.France 1:50 000NC-32-XVIII-
3a-3b, 1955sur laquelle il estnotéqueles croix portées surla carte "represent theIGN'sview

of the boundary between British and French Mandated Territories as defined by the 1931

4Sentence arbitrale, 18février1977,affaireduCanalde Beagle,R.S.A.,vol.XXI,p.168

201Declaration".De toute manièreet ainsi que cela aété noté ci-dessus,au chapitre2, section 2,

5 3, les seules cartes réellementsignificatives pour déterminerle titre sont celles qui sont
annexéesaux instruments dedélimitation.

4.110 Par ailleurs, le Nigénaprésente cequ'il appelle"four clearexamples of
(...)deparîures on Cameroon's officia1 maps from the boundary line as delimited in the

instruments on which Cameroon relies" (CMN, vol. II, p. 511, par. 19.6). Le Cameroun

démontreraci-après qu'in l'enest rien.

4.111 La frontièredans cetterégionestdélimitéa euxparagraphes23 et 24 de la

DéclarationThomson-Marchandqui dispose cequi suit :
"(23) Ensuite,franchissantHumunsisur le côté fiançais, ellepasse entre les

montagnes de Jel et KamaleMogode, enzone fiançaise, et suit la ligne de
partage deseaux.
"(24) Passant Humsiki, la frontièretraverse le Mont Kuli, laissant à la
France lesterres cultivées dela valléeàl'ouest du village" (MC, Livre IV,
annexe 157).

4.112 La frontièredans ce secteur est présentéesur deux cartes jointes au

contre-mémoire nigérian (no 58 et 59). La premièrede ces cartes est la carte nigérianeau
150 000, D.O.S. feuille 136 SW, dont l'originalne comporte aucune ligne frontalière.La

deuxième carte(v. carte R 10, page suivante) est extraite d'une "Cameroon1:50,0b Sheet

NC-33-XIV-4a", avec une ligne bleue en surchargecensée représenterla "Boundary on

Cameroonmap". Cela ne correspond pas àla carte camerounaisepertinente car la ligne bleue
remplace la limite noire de la kontière non abomée.Le tracébleu masque la ligne noire

discontinuede la kontière"non abomée" enattentede démarcation(v. carte R 11,reproduite

ci-après).Ce tracéreprend celuide la carte de 1931commecelles du Nigéna(1:500 000 du

Survey Department, 1953, Administration Map 1:lM édit. 1972) (v.cartes R 12 et R 13,
reproduitesci-après).

4.113 LeNigénase plaint de ce quela"blue line" en question "manifestlydoes
not followthe watershed, asrequired by the termsof theThomson-MarchandDeclaration,but

instead followsa line someone or two kilometrestotheWest (i.e.intoNigeria), further down

the escarpment"(Cm, vol.II, p. 512,par. 19.9).---- Line ofWatersindicated
bythe1931 Declaration

- BoundatyonCameroonrnapExtrait de 'Administration Map of Nigea1:1 000 000, édition1960. 4.114 L'argumentse concentre donc sur lesens à donner à l'expression"ligne

de partage des eaux". Dans d'importants tronçons de la frontièreseptentrionale, la ligne
frontière suit le tracé naturel d'une ligne de partage des eaux. La controverse entre le

Cameroun et le Nigériarésulte d'une divergencesur lereport de la lignede partage des eaux
sur les cartes.

l 4.115 La ligne de partage des eaux constitue en généralla division ou la
séparationde deux bassins hydrographiques. Maisce n'estpas toujoursaussi simple. Comme
1
Cukwurahl'aécrit :

"the term 'watershed'in common languagehas a doublemeaning. It is used
not only to definethe basin or drainagearea of a river but also to designate
the crest or water-parting line separating contiguouswater-basins. For
delimitation purposes, however, the second meaning is usually intended.
Even here, too, there will still be some difficulty in fixing the true
watershed, if the documentary definition is notclearly specific. The true
topographic watershed, for instance, is as different from the apparent
topographic watershed as the true watershedis different fromthe crest line.
The latter may refer to the water-parting(hydrographic crest), or to high
peaks (orographic crest) or to the summits of the steepest slopes

(transportationalormilitary crest)"'.
Cukwurahconclut :
"watershed boundaries may not correspond with the zone of the highest
peaks. Sometimesthey contain eccentricwatenvays,lakes and swampswith
outlets in both directions, thus distortingthe topographicalformation of the

dividing line. Unless a pnor survey is canied out to reveal nature's
adjustment inthe tenitory to be delimited,it will surely be futile to attempt
precision in documentarydefinitionsW6.

4.116 Certes, dans l'affairede 1902 entre'Argentineet le Chili, le Tribunal a
l
notéexpressémentque la frontièreorographique, déterminée par les sommets les plus élevés
l
1 des montagnesen question, et la frontièrehydrographiquede partagedes eaux, qui marque la
ligne séparantles bassins versants des rivièresallant dans une direction ou dans une autre,

I sont fréquemmentirréconciliables7.Il s'ensuit que la ligne de partage des eaux indiquéeà

TheSettlementofBoundaryDisputesinInternationalLaw,MancheUniversity Press,1967,p.42.
'Sentencearbitra, 0 novembre1902,TheCordilleraoftheAndesBoundary,R.S.A.,iX,p.40.l'article23 de la DéclarationThomson-Marchandpeutêtreassimilée à une rupture de pente

entre deuxbassins hydrographiquesetnonnécessairementàune lignetopographique.

4.117 Il fautnoterque la carteMoiselde 1912au 1:300000 qui a servi de base

à la DéclarationMilner-Simonne comportaitpas de courbes de niveau. Quant à la carte au

1:1000000 illustrant la DéclarationThomson-Marchand,elle ne comportait que des courbes
de niveau figuratives qui ne pouvaient pas être utilisées poulra déterminationdes limites

exactes de bassins hydrographiques,comme prétendle faire aujourd'hui leNigéria surune

carte au 1:50 000. A ce titre d'ailleurs,il faut rappeler ici les recommandations de J.R.V.

Prescott:
"it is importantto study themaps available to the negotiatorsbecause these

maps willgivea good indicationof the perceptionof the area held of them.
Many of the decisionsofnegotiators,which subsequently created problems,
areinexplicableifanalysedon modemmaps but thoroughly comprehensible
whenrelatedto the mapsavailabledunng the negotiations"*.

4.118 En conclusionsur ce point, les cartes I.G.N. ne sont pas incorrectes et

sont en tous points conformesaux dispositions des paragraphes 23 à 25 de la Déclaration
Thomson-Marchand.

4.119 Il faut enfinnoter que, au voisinagede Humsiki (ou Roumsiki), ce n'est

pas la ligne de partage deseauxqui constituela ligne frontière. Conformément au paragraphe
24de la Déclaration,la frontièretraversele MontKuli, laissanàla France lesterres cultivées

de la valléeà l'ouest duvillage.La ligneverte ajoutéeen tirets et en surcharge par la Partie

nigérianesur les carteso58 et29 duNigéria estinexacte àcet égard (v.supra, carte R 10).

B - Budunga

4.120 La frontière danscettezone est établiepar les paragraphes 33 et 34 de la

Déclaration :

"(33) Puis par une ligne partant du repère No.6 et passant par le repère
No. 7pourfinirau No.8.
"(34) De ce repèreNo. 8, placésur la rive gauche du Mao Youwai, petit
coursd'eauvenantde l'ouestpour sejeter dans le Faro, par une ligne droite
orientéesud-ouestqui atteint le sommetdu mont Wamrni,pic élevéa ,u nord

Political FrontiersandBoundaries,Unwin,Londres,1987,p.67.

212 d'une chaîne de montagnes qui s'étendvers les Alantikas et qui est situéà
l'est de l'anciennebome frontièreNo. 10"(MC, LivreN, annexe 157).

4.121 La ligne frontalièreest ainsidéterminéear le positionnement des bornes
6, 7 et 8 et le Mont Wammi. Le Nigériaavance qu'une inspectionfin 1998avait révélé que les

bornes 6 et 8 avaient été détruitems ais que leurs positions pouvaient êtredéduitesd'autres

éléments,alors que la bome 7 avait étéidentifiée quoiqueendommagée(Cm, vol. II, pp.

512-513, par. 19.10).Le Nigérias'estimecapablede reconstruire la ligne frontière même si,
élément intéressantl,es coordonnéesG.P.S. ne sont pas indiquées.Il avance toutefois que

l'alignement du Cameroun, tel qu'il est présenté dans ses cartes, pêche à trois égards.En

premier lieu, la lignene passe pas par la position établie poubome 7, deuxièmement, ilne

positio~e pas correctement la borne 8 et, troisièmement,la ligne du Mont Wammi n'est pas
droite comme elle devrait l'être, ais courbe(CMN,vol. II, p. 513, par. 19.12).

4.122 Le Nigéna s'appuie,pour trouver l'emplacementde la borne 6, sur une

référence au coursdu Mayo Hesso à proximitéde sa confluence avec le Mayo Budunga.
Alors qu'il déclare que"[aln inspection in late 1998 revealed that Beacon 6 has been

destroyer, il conclut : "its location in the position shown on Map 60 in the Atlas can be

deduced with reasonable accuracy by reference to the course of the Maio Hesso, near its
confluence with the Maio Budunga" (CMN, vol. II, pp. 512-513, par. 19.10). Cette

affirmation laisse perplexe dès lors que, si le paragraphe 32 de la DéclarationThomson-

Marchand parle en effet d'une "borne no 6 de l'anciennefrontièreanglaise-allemande", sans

autre précision,on ne s'explique pas comment le Nigénaa pu situer cette borne no 6 à la
confluence du Mayo Hesso avec le MayoBudunga quin'estmentionnéni dans la Déclaration

Thomson-Marchand, ni sur la carte qui y est annexée.Pour la borne 7, le Nigéna dit l'avoir

trouvée,tandis qu'ildéterminela borne 8 par l'extrapolationdes positions des deux bornes

précédentes et dupetitcours d'eausortant de laKarinPass (ibid.).

4.123 II faut cependant mentionnercertains autres éléments. En premierlieu,la

Déclaration même comporte certaineisndications utiles. Parexemple, le paragraphe 32 de la

Déclaration Thomson-Marchand faitréférence à la frontièreen disant qu'elle passe "par le
cours du Mao Hesso jusqu'à la borne No. 6 de l'anciennekontière anglaise-allemande" (MC,

Livre W, annexe 157). En d'autres termes, si on lit ensemble les paragraphes 32 et 33, il

semble exact que laborne 6 soit la mêmeque "la bomeNo. 6 de l'ancienne frontièreanglaise-allemande". Deuxièmement,la borne 8se trouve"placé[e]sur la rivegauche du MaoYouwai,
petit coursd'eauvenantde l'ouestpour sejeter dans leFar(ibid.).

4.124 La "Delimitationof the Yola Arc" du10août 1903figure en annexe1du

Traitéanglo-allemanddu 19mars1906portant sur la frontière entrelestemtoires britannique
et allemanddeYola au lac Tchadsigné à Londres (MC, Livre Ii ,nnexe 37). Le parcoursde

la ligne est déctommesuit (dansla mesure oùcela estpertinentpour la présenteaffair:)

"3.The linethenfollowsthemedian line of the Faroup-stream, as faras the
junction oftheMao Hesso with the main Stream;and aftenvards themedian
line of the Mao Hesso, as far as a post, No. 6, on the lefi bank of the Mao
Hesso,about3kilom.,north-west of Beka.It thenruns from the medianline
of the riverat nght angles to its course,to No. 6post.
"4. From No. 6post the line runs straightto a conspicuous rock, on a slight
eminenceon the road fromGurin to Karin. This rock has a boundarymark

(No. 7)'DLB (' eutsch-British)cut into it.From this rock it runs straightto
a post, No. 8,fixedon the road atthe entranceto the pass throughtheKarin
hills, northofthe village ofKarin".

4.125 Les indicationsainsi données permettentde situer assez précisémenltes
bornes concernéesL. a borne6 est donc situéesur la rive gauche du Mayo Hesàoenviron3

kilomètresaunordouest deBeka.Cette localité figuresur la carte no61 de l'atlasnigérian et

sur la carte no 10 de l'atlascartographique joànla présente répliqueet reproduite page

suivante.Tracer unelignenordouest de Beka vers la rive gauche deMayo Hesso àenviron 3
kilomètresest un simple exercice de démarcation.Il est intéressantde noter que la carte

soumise à la Cour en tant que carte nigérianeno 60, assemblage partiel des feuilles DOS

150 000 197SE(v. infra,carte R 14,reproductionde l'original)et 218NE, est de faitcoupée
à la ligne de 8' 55'N, ce qui exclut Beka, dont n'apparaissentque les trois premièreslettres.

Cela est aussivraide la carte 62(v. cartereproduite ci-après),assemblage de deuxcartes

nigérianes.Etantdonné quele positionnementde Beka estcmcial pour la déterminationde la

borne 6, celalaisseégalementperplexe.

4.126 En ce qui concerne la borne 7, on note que le Nigériadéclarequ'elleest

"identified by cairnsof stones"(Cm, vol. II, p. 513, par. 19.10),tandis que l'instrumentde
1903 déclare clairemenque la bome 7 est "a conspicuous rock, on a slight eminenceon the

road fromGurin toKarin.Thisrockhas a boundarymark (No. 7) 'DJB' (Deutsch-British)cut

into it". Celanecorrespondpaàun cairn de pierre et nécessite des éclaircissements. R 15

BUDUNGA 3 ExtranefromD.O.S1:50.000 sheet197SEand218NE

IT&E Reproduction carie de l'Atlas du C.M. Nigerian. 4.127 Pour la borne 8, en ce qui concerne le Nigéria,il s'agit d'une simple

extrapolation fondée sur le positionnementdes bornes 6 et 7 (CMN, vol. II, p. 513, par.
19.10). Naturellement, si les bornes 6 et 7, et plus particulièrementla première, sont

identifiées de manière incorrecte,cela donnera aussi une borne 8 inexacte. C'est là que

l'instrumentde 1903 est d'unutile secours.l préciseque la bome 8 est situéesur une ligne

droite a partir de la borne 7 et "fixed on the road at the entranceto the passthrough the Karin
hills, north of thevillage of Karin". Cependant,si l'onexaminelescartes60 et 62 du Nigéna,

il apparaîà l'évidenceque ce que le Nigéria appelle"BP8" n'estpas situésur une routemais

surun cours d'eau,alors que le positionnement de la bome 8, selon leCameroun, et telqu'il

est portésur les cartes 61 et 62, est bien situé surune route'entréed'unepasse dans les
hauteurs de Karin.

4.128 Il est possible de préciserplus avantle positionnementde la borne 8 en

prenant ensemble la description de l'instrument de 1903et celle du paragraphe 34 de la
Déclaration Thomson-Marchandqui préciseque cette borne est situéesur la rive gauche du

Mayo Youwai.Il y a un endroit où lesdeux descriptions serecoupentet c'estlà que se situela

ligne figurant surla carte 62 de l'atlasnigérian.Le Camerounet le Nigéria tombentd'accord

pour dire que l'extrémitde ce tronçon fiontalier est le Mont Wammi.L'affirmation nigériane
selon laquellela ligne de la carte du Cameroun allant de la bome 8 au Mont Wammi est une

ligne courbe allant vers le sud-ouest et non une "ligne droite"Cm, vol. II,p. 513, par.

19.12) estdénuédee fondement. Laligne se dirige clairementversle sud-ouestcomme ellele

doit et la courbetient au fait que la carte 61 du Nigénaest un agrandissement d'unecarte au
1:200000 àl'échellde 150 000.
1

1
C- MontKombon

4.129 L'appellation"MontKombon" a été employée pour lapremière foisdans

The Geographer américain et n'est pas issue d'une disposition des instruments

conventionnels, mêmesi elle a été utiliséepar ~rownlie~.Le terme lui-même ne figurepas

dans la DéclarationThomson-Marchandau paragraphe 60,qui énonce que la frontière
"suit la ligne departagedes eaux au traversdesmontsGesurniou Hambere,

au nord des sources des Mayo Kombe, Guret Malamjusqu'à un pic assez
proéminent, quiest àl'azimut 17en se plaçant surun tumulus depierres de

AfricanBoundaries,C. Hu&sCompany,Londres,1979,p.554.

221 8 pieds de haut élevéle 15 septembre 1920 sur le côté sud de la piste
Banyo-Kumbo-Bamenda à environ1mille du gîted'étapede N'Yorong et 8
milles et demiduvillage deSonkorong"(MC, Livre IV, annexe 157).

4.130 Le NigériaavancequeleCameroun,par ces termes, fait référence à deux
monts différents figurantsur la carteau 150 000NC-32-XVIII-3a-3b (Cm, atlas, carte 63).

Il s'agitlà d'unecarte de l'Institutgéographiquenational français de 1955 et non d'unecarte

officielledu Cameroun commeleNigénase plaît à le dire. Le Nigériapréfèrese référe,our

le montpertinent,à ce qu'ilappelle"Hill 1660"(CMN,vol. II, p. 514,par. 19.14).

4.131 Le paragraphe 61 de la Déclaration contribue à une identification

correcte.Il énonceque lepic enquestion"est situà l'est de la sourcevisible du MayoMfi ou

Baban" et que la frontière"[dle ce pic ..) continuede suivre la ligne de partage des eaux"
(MC, Livre IV, annexe 157).Enoutre, leBritishOrder in Councildu 2 août 1946indiqueque

la frontière entre les parties méridionaleet septentrionale des Cameroun britannique, à

l'endroitconcerné,se dirige "alongthis unnamedstream on a general tme bearing of 120" for

one and a half miles to its sourceata point onthe newKumbo-Banyo road, near thesource of
the RiverMfi; thence on a hue bearing of 100"for three and five-sixths miles alongthe crest

of the mountains to the prominentpeak which marksthe Franco-British frontier" (MC, Livre

IV, annexe 181).

4.132 Ces descriptionsconstituentun fondement solide pour une démarcation

sur le terrain en ce qui concerne le "Hill 1660" du Nigéria. Il faut noter que ce terme

n'apparaîtsur aucune carte pertinente,pour autantque le Cameroun le sache. Le Nigéria lui-
mêmeadmet qu'il ne correspondpas àla description figurant dans la Déclaration,dans la

mesure où il ne se trouve pas sur unrelevéde 17àpartir du cairn (Cm, vol. II, p. 514, par.

19.14).La carte 63 n'estpas unecarte camerounaiseofficielle, commele reconnaît le Nigéna.

Elle décritla vision que pouvaitavoir l'I.G.N. françaisde la frontièreentre les temtoires sous
mandat français et britannique. Les descriptionsqui figurent aux paragraphes 60 et 61 de la

Déclaration,combinéesavec l'Orderin Councilde 1946 fournissent suffisamment d'éléments

pour effectuerune démarcation. D- Bissaula - Tosso

4.133 La frontière danscette zone est préciséedans la deuxième annexe du

Nigeria (Protectorate and Cameroons) Order in Council de 1946.Elle part du sommet de la

"Tosso Mountain" en ligne droite "eastwards to a point on the main Kentu-Bamenda road
it is crossed by an unnamed bibutary of the River Akbang (Heboro on Sheet E of
where
Moisel's map on Scale11300,000)"(MC, Livre IV, annexe 181).

4.134 Le Nigériaprésentetrois cartes. Les cartes numérotées64 et 66 sont des

extraits des cartes du Nigériaau150 000 sheet 293 NE et NW, alors que la carte numéro 65
estun agrandissementau 150 000 de la carte Nkambe du Cameroun au 1:200 000, sur lequel

est tracéeen surchargeen bleu la ligne frontière duCameroun ainsi que le positionnement de

certains sites. Le Nigénaavance que la ligne kontièredu Cameroun, telle qu'elle figure sur ce

qu'il s'obstine appeler"Cameroon'sown official maps", et telle qu'elle estmise en surcharge
sur les "cartes assemblages"du Nigéna,est inexacte, d'abordparce que la ligne frontièrene

croise pas la route Kentu-Bamenda à l'intersection avec la nvière, dont la description figure

dans l'Orderin Council.

4.135 Le Nigériaprétendensuiteque, sur la carte qu'ilattribue au Cameroun, la

frontière suitl'affluent nord-ouestet non l'afîluentsud de 1'Akbang(CMN, vol. II, pp. 515 et

S.,pars. 19.16 et S.).Onnotera que 1'Orderin Council fait référenceà un caim qui marque le

point ou la route Kentu-Bamendacroise un affluent non identifiéde la rivière Akbang. Le
Nigériaaffirme l'avoiridentifiéet déclare: "The GPS position of the caim referred to in the

Order in Council is also shown [on Map 641"(Cm, vol.II,p. 515, par. 19.16). Cependant,

cette position est marquéesur la carte, non pas avec les coordonnéeshabituelles, mais par un

point rouge assez gros en surcharge. Ni la carte, ni le texte ne donnent la liste des
coordonnéesG.P.S. queleNigéna dit avoiren sa possession. La "GPS Position for the caim"

est aussi en surcharge surla carte du Cameroun, agrandie dans les cartes duigéna 65 et 66.

On ne peut doncpas direque le positionnementdu caim en questionsoit précisé.

4.136 Il convient en premier lieu d'identifier la rivièreAkbang. La carte 64 du

Nigéna semble l'indiquerpar un tiret vert en surcharge. C'estlà que figure le mot "Akbang".

Cependant, cette carte est "[elxtracted from D.O.S. 1:50,000 sheet 293 NE. La feuilleoriginale293 NE ne comporte pas cette mention, ajoutéepar le Nigéria.Il est intéressande

noter qu'aucunedes trois cartes présentées par lNigériaen illustration de cette partiede la
frontièrene va au-delà de 10°30'Evers l'est. Ellessonttoutes coupéesàcet endroit.Cela est

surprenant. Si l'on compare ces cartes avec, par exemple, la carte no 20 de l'atlas

cartographique camerounaisjoint à la présenteréplique(v. page suivante) et avecla feuille

nOll de la carte du Nigéna au 1500 000 de 1953 (v. carte R 16 ci-après),on voit, sur les
parties des cartes situéesà l'estde 1Oo30'E,que l'&bang se dirige clairement dans une

directionnord-sud. Cela concorde avec la feuille E2 de la carte Moisel, viséepar l'Orderin

Council et reproduite ci-après (carteR 17), et entraîneune interprétationfort différde la
ligne frontière.

4.137 Les trois cartes pertinentesreprésententd'une manièreidentiquele cours

de I'Akbanget de son affluent gauche. Lecours d'eauindiquépar la ligne à tirets vertssur la
carte 64 du Nigéria n'espas l'&bang mais constitue, avecla ligne pointilléebleue,l'affluent

mentionnédans l'Order in Council.Il s'agit donc de1'Akbangqui, comme cela est expliqué

ci-dessus, coulevers l'ouestjusqu'àce qu'il rencontrela route qui suit une directionnord-sud

de Kentu-Bamenda ; on amiveau point qui constitue le positionnement correct de la ligne
frontièretel qu'ilfigure sur la feuilleno 11de la carte au 1500 000 du Nigériaet sur la carte

no 20 de l'atlascartographiquejoint à cette réplique (v.page suivante). En conséquence,la

manièredont le Nigériaa présenté ses cartes 64, 65 et 66 entraîne une interprétation erronée
de la lignefrontièredans cetterégion.

CONCLUSION

4.138 Le Nigériaa soulevé un certain nombre de cas très spécifiquesde

difficultéslocales de démarcationpar rapport aux dispositions textuelles desinstmmentsde

délimitationen vigueur. Ces difficultés,dont certaines sont artificielles mais dont d'autres
peuvent être réelles, pourront être résolues p ar Parties au stade d'une démarcation

effectuéede bonne foi.

4.139 Dans certains secteurs de la frontière terrestre qui séles deuxEtats,
les instmments de délimitation pertinents, comptetenu des connaissances et des techniques

géographiquesdisponiblesà l'époqueoù ils ont été rédigés, peuvent faireproblèmelors du

processus de démarcation dela ligne sur le terrain. C'est un phénomèneinévitable etloin - - - - - -
10.20.- - b~ 10.130. OD Atlas cartographiq-extrait n20d'êtrerare dans de telles situations. Il est, en revanche, inacceptable d'avancer, commele fait
le Nigéria,que des incertitudes dece genre surcertains points localisésjettent un doute sur la

validitédes inshuments de délimitationeux-mêmes.

4.140 Le Nigéna, en ce qui concerne les cartes, a adoptéune approche inédite
et discutable. Son utilisation de cartes assemblées et de lignes en surimpression d'une

précision douteusea crééune illusion de rigueuret de précision. CHAPITRE5.

LAPENINSULEDEBAKASSI5.01 Du point de vue de la géographiephysique, Bakassi est l'unedes quatre

presqu'îlesqui forment le complexeestuarien duRiodelRey, au fonddugolfede Guinée ;les
trois autressont, d'esten ouest

- la presqu'îledu Pélican;

- lapresqu'îleduFiari ;

- la presqu'îled'Erong.

Ces quatrepresqu'îles sontséparéespal res rivièresMeme,Andokat,NgossoetAkwayafé.

5.02 Ce complexe s'étendsur présde 60 km de long entreI'Akwayaféet la

bordure occidentale duMontCameroun et sur 30 km de profondeur en moyenne,soit prèsde

1800km2. ils'agitd'un milieuamphibie, caractérisépar une absencd ee reliefet par des sols

marécageux, une hydrographie abondante et une végétationfaite essentiellement de
mangrove. Le climat est un climat de mousson guinéenne,chaud et pluvieux, fortement

influencé parla présencedes grands massifs volcaniquesdu Mont Camerounet des Monts

Rumpi.

5.03 La péninsulede Bakassi, ainsi définie, relèveadministrativementdu

département du Ndian,dans la province du sud-ouestdont le chef-lieu estBuea. A ce titre,

Bakassi constitue le ressort temtorial de trois des sept arrondissements que compte le
départementduNdian (v. carteR 18,reproduitepagesuivante) ;il s'agitd:

-l'arrondissementd'Isangele(enpartie) ;

-l'arrondissementde KomboAbedimo ;

- l'arrondissementd'Idabato.

Sur la base des chiffies établispar le Recensement générad l e la Population etde l'Habitat

(R.G.P.H.)de 1987 soumis àun taux de croissance annuelle de 2 %, on peut estimer que la
péninsule deBakassicomptaitun peu plus de 10000habitants permanentsen 1999.

5.04 Le péninsulede Bakassi est située à l'est de l'Akwayafé,qui forme la

kontièreinternationale suivantle Traitéanglo-allemanddu 11mars 1913.Cettedélimitation a
été confirmé pear la S.D.N.dans le cadre des mandatsaccordés à la Grande-Bretagne età laFrancesur le Cameroun,puis àl'occasiondes accords de tutelle conclus entre cesdeuxpays

et l'organisationdesNations Uniesendécembre 1946.

5.05 La délimitation opérée parle Traité de 1913 a bénéficié de la

reconnaissancedu Nigérialui-mêmen ,otamment àtraversle comportement dece paysdansle

processusde décolonisationdu Camerounsous tutellebritanniqueen 1961.

5.06 Dans le présentchapitre, la Républiquedu Cameroun expose quelques

éléments relatifà la géographiede Bakassi (section l), avant de procéderà un examen

critiquedes prétendus titres précolonique le Nigériainvoqueà l'appuide sa revendication
sur Bakassi (section 2; le Cameroun montre ensuite que les tentatives nigérianesvisànt

affaiblirle Traité anglo-allemand de 1913 sont vaines(section3), d'autantque la délimitation

établie par leditTraitéa étélargement confirmée parla suite, aussi bien avant qu'aprèsles
indépendances (section 4).

Section1 : ELEMENTSDE GEOGRAPHIE

g1 - Géographie physique

5.07 La configuration géographique dela péninsulede Bakassi est constituée
d'éléments facilement observableà travers les diverses descriptions qui en sont faites (v.

carte R 19,reproduite ci-après).

5.08 De forme approximativement trapézoïdale,la péninsule de Bakassi
mesure 12km de large, 26 km de long et 35 km de hauteur entre le petit villagede Wekeau

Nord et celui de Kombo a Munja sur la bordure côtière méridionale.Elle couvre une

superficie totalede 6km2, soitplusdu tiers du complexeestuarien du Rio delRey.

5.09 Limitéeà l'ouestpar 1'AkwayaféetàPestpar la crique duRio delRey,la

péninsule de Bakassi estelle-mêmeforméede nombreuses petites îles délimitées par un

réseaude cnques. Les altitudes sont faibles, généralementinférieuresà un mètre. Dans
l'ensemble,ces îlots ont une forme de cuvette déprimdans laquelle l'eau est stagnanteou

sub-affleurante et les sols vaseux. Des chenaux de vidange s'y organisent en un réseau

arborescentcaractéristiquequimorcelleles levées alluvialesenborduredes cnques. Extraide la Carte duCameroun
&1 : 200 O00MUNDEMBA, édition1990.
8" 30' 8" 40' L5.10' En ce qui concerne la végétationl,a zone est essentiellement couvertepar

une forêtde palétuviers, avec prédominance de Rhizophoraracémoza(palétuvierrouge), et

d'Avicennia(palétuvierblanc). Cette forêe tst surtoutdéveloppéele long de grands chenaux,

particulièrementsur les rives convexes des nombreux méandres quiserpentent parmi ce
réseaude criques.

5 2- Gkographieéconomique

5.11 L'intérêétconomiquede lapéninsulede Bakassi tient à :

- une fauneaquatiqueimportante et diversifiée;

-une activitécommerciale sous diverses formes ;

-une exploitationpétrolière.

5.12 L'importance des ressources halieutiques explique que la pêchesoit

l'activité principades populations. La pêche industriellen'estguèredéveloppée,au contraire

de la pêche artisanale laquelle se consacrentpratiquement tous les habitants de la presqu'île.

Comptetenudes contraintes liées àla configurationgéographiquedes lieux, la production est,
pour l'essentiel,fuméeavant d'être écoulée sur le marché:de ce fait, les activités depêcheet

de fumage impliquent une large exploitation du bois. A cet égard,le Rhizophora est une

essence trèsprisée, autantpour son écorcequi sert àteindre les filets de pêche, quepour son
bois dur, excellent pour le fumage des poissons, et pour la construction des habitations dans

ceszones marécageuses.

5.13 L'ensemblede la régiondu Rio del Rey est connu comme ayant étéd ,e
tous temps,une zone de prédilectionde l'activitécommerciale, notamment pour le commerce

de contrebande. Cela est dû essentiellement à I'inorganisation du réseau des voies de

communicationle long de la frontière entre le Camerounet le Nigériadans ce secteur. A quoi

il faut ajouter que la mobilité transfrontalièredes populations dans la zone de Bakassi a
toujours étételle que, mêmedu temps où la "Cameroons Province" partageait une frontière

commune avec la "Calabar Province", il existait une totale liberté de mouvement des

personnes entre les deux secteurs, susceptible de favoriser le développement de diverses
activitésenmarge de touteréglementationde part et d'autre.5.14 Enfin, la péninsulede Bakassi et son plateaucontinental constituent une

des zones pétroliferesles plus importantesdu Cameroun.L'exploration pétrolière commence
effectivement avec l'octroi du permis H-14Rio del Reyà la sociétéElf Serepca le 27 mai

1964 (annexeRC 14). Le permis couvre la partie sud de la péninsule de Bakassi etla partie

off-shoredu Rio del Reysur une surfacede 2.950km2.Lasurfaceestréduite à 1.475km2lors

du renouvellementde 1968 (annexeRC 19). Elf Serepca forequatre puitsen 1967-1968.De
1969 à 1975, sept campagnes d'acquisition sismiqued'une duréed'au moins deux mois

chacune sont menéespar les sociétés Elf Serepceat Pecten. Une campagnede forage de 25

puits est menée pendantcette période,qui permet de découvrir les champsde pétrole

d'Asoma,de Bétikaet de Kole au débutdes années1970.Les recherches s'intensifientdans
ces années. En l'espace de 12 ans (1976-1988), environ 140 puits d'exploration et

d'appréciation eprèsd'une cinquantainede puits dedéveloppement sont forés.

5.15 Six titres miniers (1 permis de rechercheet 4 concessions valables pour

hydrocarbures liquidesou gazeux) ontétéaccordéspar le Cameroun dansla zone concernée,

àdifférentessociétés pétrolières entre 1et 1990(annexe RC41):

Titre Minier Date d'octroi Société Superficie

Concession Ekundu 18août 1977 Elf Serepca 170km2

ConcessionMokoko Abana 14avril 1981 PectenCam 98lan2
ConcessionMoudi 07juillet 1981 Tepcam

Puis Perenco 215km2

ConcessionKitaEden 13octobre 1980 Elf Serepca 185lan2
Permis H-60 30 août 1990 Elf Serepca 845,8km2

Sandy Gaz Elf Serepca

5.16 Toutes ces activités ont étémenées sans aucune revendication ou

protestation du gouvernement nigérian. n seul incidentde caractère pétrolieràenoter:le

survol, par un hélicoptère de l'armée nigérinenovembre 1989,du site de forage du puits
Betika Ouest, qui a obligél'opérateurElf Serepcaà retirer l'appareilde forage. Au total,

depuis les débutsde l'exploration pétrolen 1964,lazone situéeau large dela péninsulede

Bakassi a fait l'objet de prospections importantes sous l'autoritédu gouvernement duCameroun. Elle est aujourd'hui couverte par une concession d'hydrocarbures (SandyGaz),

deuxpermis d'exploration (PermisH-60, H-59) et troisblocs OLHP 9 et 10et MLHP9, issus
des anciens permis H 37 et H 35 (annexe RC 41) (v. les cartes R 24 et R 25 reproduitesdans

le chapitre 9 de la présente réplique).C'est cette activité économiquepacifique, essentielle

pour l'avenir du Cameroun, qui est compromise par les opérations militaires et les
revendicationsinjustifiéesdu Nigéria.

Section 2 : LES «TITRES» PRÉ-COLONIAUX INVOOUES PAR LE
NIGERIA

5.17 Le Nigériaallégue qu'il existaitun titre pré-colonial surBakassi ayant

survécuau colonialisme et a la décolonisation. Ainsiqu'ille soulign:
"The title of Nigeria to Bakassi was originally a title vested in theKings and
Chiefs of Old Calabar.The original title of Old Calabar was not affectedby

the Anglo-Geman Treaty of 11 March 1913 (...) and was eventually
absorbed in the emerging entity of Nigeria. By the time of Independencein
1960 the original title to Bakassi vested in Nigeria as the successor to Old
Calabar" (Cm, vol. 1,p. 211,par. 10.1).

5.18 Le Cameroun montrera dans cette section que l'onpeut se demandersi

une entité dénommée "Kings and Chiefs of Oid Caiabar"a bien existéen tant que telle et

détenuun titre temtonal pertinent et si cette entité,upposer qu'elle ait existé,a réellement
eu le contrôle de Bakassi. De toutes manières, le droit international reconnaît la validitédu

titre colonial sur le temtoire, qu'ils'agisse d'une colonieou d'un protectorat colonial.Surtout,

le Cameroun est titulaire d'un titretemtonal valide sur Bakassi (tout comme sur le reste de

son temtoire tel qu'ilest délimitépar les instruments conventionnels auxquelsleréfèredans
la présente affaire),qui prime surtout autretitre éventuelantérieur.

1- Le Nigérian'établitpas l'existence d'un titre"Calabar"sur
Bakassi

5.19 Pour contrerl'obstacle que constituele Traité anglo-allemanddu 11mars
1913 qui confirme la îrontièreNigéria-Cameroun"from Yola to the sea" et qui reconnaît

Bakassi comme étant en temtoire allemand, le Nigériaavance l'argument selon lequel ce

Traité ne pouvait concerner Bakassi puisque la Grande-Bretagne ne jouissait pas de la

souverainetéterritoriale sur Bakassi (CMN, vol. 1, p. 156, par. 8.26) qui n'était donc passusceptible d'être transmiseà un tiers. Cette revendicationse fonde sur deux allégations
inexactes. La première concernela prétendue souveraineté des "Kings and Chiefs of Old

Cnlabar" sur Bakassi et la seconde la transmissionde cette "souveraineté" à la Grande-

Bretagne par l'établissement d'un protectoratansle sens du droit international de l'époque,

par le Traité deprotectorat de1884.

5.20 La première proposition suppose l'existence d'une entité dénommée

"Rois et Chefsd'Old Calabar",ayant capacité àdétenirdestitres endroitinternational(A). Le

Nigéria doit,de surcroît, prouverque Bakassi setrouvaitdans la zone soumiseàl'autorité de

cette entité (B).

A - Les "Rois et Chefsd'OldCalabar" constituaient-ils une entitéde
droit internation?l

5.21 Curieusement,le Nigénaestréticentquant àla nature de ce qu'il appelle

"Old Calabar". Il fait référencà un "Efik polity" qui créeun certain nombre de villes et
autres établissementset poursuiten affirmantque:

"Many oftheirtoms - DukeTown,Creek Town,Henshaw Town, Obutong
Town - were clustered together in the heart of the area which became

known as OldCalabar" (CMN,vol.1,p. 59,par. 4.15).

5.22 Ce que le Nigénaappelle "this uniquepolity" étaitun système politique

dans lequelchaque communautéétaitdirigéepar sonpropreroi ou chef.Au cours de certaines

périodes,ces dirigeants indépendantsse sont affrontentre eux (CMN,vol. 1,pp. 59-60,par.

4.17). Le Nigéria souligne l'influence Efiktant en termes d'activité commerciale qu'en ce
qui concerne les établissements.Il avance que celle-cicouvrait le sud-est du Nigénajusqu'à

l'ouest du Camerounet aux îles au large de ce qui est aujourd'huila Guinée équatoriale

(CMN, vol. 1,pp. 61-62, par.4.23).La zone relevantde l'administration directedes "Rois et

Chefs d'Old Calabar", déclarele Nigéna, est "shown in the Atlas at Map 14" (ibid.).
Toutefois, la carte 14de cet atlas est simplementune carte du delta du Niger datant de 1888.

Elle ne fait nullement apparaîtrela zone revendiquée. lle fait figurerla ville marquéeOld

Calabar sur un affluent apparentde la Cross Riveret les mots "Old Calabar" figurent aussi

plus au nord surun arc qui va d'une zoneàl'ouestdela CrossRiver à une zone apparemment
situéele long de 1'Akwayafé.Toutefois, souscesmots figure le titre "Balondo" dans un arc

avec, dessous,"Efut", les deuxtermes couvrantdeszonesaunord de la presqu'île de Bakassi.La légende"Efut" apparaît dans une zone bien à l'estde l'estuaire duRio del Rey.Aucunmot

ni titre ne figuresur la presqu'île deBakassi.

5.23 Cette carte présentesimplement,dans une zone du sud-estdu Nigériaet

de l'ouest du Cameroun, trois groupementsparticuliers dont aucun ne concerne directement

Bakassi. Aucune frontière spécifiqun e'est représentée.

5.24 Sans aucun doute,les activités commerciales Efikse sont déroulées sur
une vaste zone de ce qui est actuellement le sud-estdu Nigéria et l'ouestdu Cameroun.

Toutefois la composition ethnique de cette zone était et demeure considérablemen tlus

complexe que ne l'admet le Nigéria.Lazonefrontalièredu sud-est duNigénaet de l'ouestdu

Cameroun(si l'onpeut, par commodité, appeler ainsliazone générale qui intéresselaprésente
affaire) présentait, surtout durantla période visée (à savoir les années1880), "a complex

pattern of humansettlement"'.

5.25 Le professeur Anene note que les responsables britanniques avaient,

durant la colonisation, une approche simpliste pourtracer une frontière ethnique entre les
peuples bantou et semi-bantou, le long deRio del Rey et du Ndian. Dans de nombreux cas,

des tribus de l'une de ces peupladesavaientadoptéla langue de l'autre2, ce qui obèretoute

recherche des affinités ethniqueset a fortiori,toute tentative d'en tirer des avantages

politiques. Nombre de groupes et de tribus ont traverséet retraverséla zone en question.
Anene note que :

"The Efik 'sub-tribe'which moved into the estuaries of the Cross and
Calabar rivers alsoraisesno ethnicproblem except in the neighbourhoodof
Rio del Rey, where Efik fishermenfounded Fish Towns. The two Semi-

Bantu 'tribal'groupsdirectlyaffectedby the boundary are the Ekoi and the
Boki. In regard to these peoples, it is necessary to reiterate that the term
'tribe' is dangerously misleading. The groups not only lack self-
consciousness and politicalfocus,they also include a considerable diversity
of ancestralstock"'.

5.26 Anene conclut :

"In conclusion, the Cross River-Cameroon zone traversed by the first
section of the internationalboundary [Le.between Nigeria and Cameroon]
is one in which we shouldnot talk glibly of tnbes and clans. It has been

suggested that the use of the terms Ekoi 'cluster', Boki 'cluster', Idoma
'cluster' is a more appropriatedescription of the peoples occupying the

'J.C.Anene,TheInternationalBoundariesofNigeria1885-1960,Longman,Londres,1970,p. 52
Ibid..pp54-55.
3Ibid.,p. 56. boundary zone. The complexity of linguistic pattern and the diversity of
onginare perhaps without parallel in any Mcan temtory. In a situation
such as this, any question of ethnic demarcation is both difficult and

meaningless'*.

5.27 Les responsablesbritanniquesont mis l'accent sur le rôledes Efik, quand
ils ont renforcéleur influence et leur contrôle politique afin de contrer la France et

l'Allemagne. Durant la période concernée, le début et le milieu des années 1880,les

Britanniques ont exercéune influence considérablesur la Cross River et donc sur la ville

dW'Old Calabar". Le consul Hewett, dans une lettre à Earl Granville, Secrétaired'Etat aux
Affairesétrangèrese,n date du 27septembre 1884,écrit :

"Old Calabar. - This country, with its dependencies, extends from Tom
Shots (which lies immediately to the eastward of Qua Ibo) to the River

Rumby (on the Westof CameroonMountains), both inclusive" (CMN, vol.
VI, annexe74,p. 762).

5.28 De mêmel ,econsul Johnstonnotait,dans une lettreendate du 23 octobre

1890adressée auForeign Ofice :
"Originally, (i.e., in 1884, when Hewett made the Treaties) the mle of the
Old Calabar Chiefs extended far beyond the AkpayaféRiver to the very

base of the Cameroons, butthe Calabarrace (the Efik people) and language
only went as fareast as the rightbank of the Ndian Rive(...The trade and
mle of the OldCalabar Chiefs extended,in 1887, considerablyfurther to the
east than the Ndian River, asdid also the scope of our Treaties with Chief
Yellow Duke and others (...) If we admitted Germany to the banks of the

Akpayafé,our traders, Black andWhite, fear that somethingwould occurto
the detriment of Old Calabar commerce" (CMN, vol. VI, annexe 75, p.
765).

5.29 Toutefois,tout en notant aupassage que les consuls ne s'accordaient pas

sur les limites du domaine revendiqué pour les Efik, il est important de situer ces
revendicationsdans leurcontexte.Comme le souligne Anene :

"It is true that the British n-gotiators claimed that there was an Efik
commercialempirebecause theyoccupiedCalabar andnot because they had

reliable evidenceof the existenceof such an empirew5,

"Itis hardly surprisingthat Johnstonand his Foreign Office masters tried to
insinuatepolitical significance intowhat was no more than the role of Efik

traders asmiddlemenW6.

Ibid p.59.
Ibid p.65.
Ibid., 74.5.30 L'accélération du rythme des négociations entrela Grande-Bretagneet

l'Allemagnea eu des conséquences surleterrain. Comme l'écritAnene :

"the local British officiais urged the Efik traders to redouble their
commercial activities, particularlyin the regionbetween the Akpayafeand
the Ndian nvers. This kind of energy on the part of the Efik might well
convince the local Germans that there was indeed an Efik commercial
empire which an intemational boundary should as much as possible

respectn7.

5.31 Le peuple Efik n'étaitpas le seul dans la région, comme l'atteste la
déclarationde S.A.R. chief Esoh Itoh Stephen, chef du clan Balondo, en date du 20 juillet

1999 (annexeRC 232). Le document note que le peuple Balondoest arrivé dansla zonede

Bakassi en provenance des environs de Douala, donc plus au sud, et non pas du Nigéria

commeon l'adit quelquefois. Aprèsque lesBalondo furent installésdans la région,ils eurent
des contacts avec lesCalabar (Efik)qui appelèrentle peuple Balondodes ba fut"^.

5.32 On peut se faire une idée dela régionpar le "Assessment Report Fish

Towns RiodelRey Area" (British Report, nondatémais apparemmentdes années1920,p. 1,
annexeRC4). Celui-cipréciseque les habitantsdes dix villes delarégion

"are of mixed ongin, and few, if any, can be said to claim these towns as
their permanent placeofresidence (...)
'Wuinbersof Calabar men come to the toms for fishing and trading and
these usually rent ahouseor a portion of one f?omthe IFIALES,or elselive

in their canoes.
"Both IFIALES and Calabarmen employ mostlyBIBI0 men as labourers.
"In addition a very fewfrom the BALUNDUtribe of Kumba Divisionmay
be founf19.

5.33 La frontière duRio delRey ne coïncidait pasavec les divisionsethniques

ou les fluxcommerciaux.Lazone frontalièrea connuun brassageimportant de diversgroupes
ethniques ayant souvent tendance à se déplacer. Les activités commerciales Efik se sont

développées sur une grande partie de la zone, mais chercher à définir une frontièrede

souveraineté tenitonale sur ces bases est,a tout le moins, hasardeuxet prêàecontroverse.

'Ibid.,pp.79-80.
Parex.TheMedian,vol. 2, no 63du27janvier1993,p. 16.
V. aussiReportontheIsangeliCommunityof theKumbaDivision CameroonsProvinceby AssistantDistrict
OfficerAnderson(annexeRC5)5.34 Le Nigéria affirme que les Etats-citésde la région de Calabar

constituaient durant la période pré-colonial"an acephalousfederation"(CMN, vol. 1,p. 67,
par. 5.1). La portéejuridique de laqualificationn'estpas évidente.Cela sembleimpliquerun

groupementd'unitésindépendantessans autoritécentrale (ibid.). LeNigéria affirme ensuite

que :
"These City States were the holders of an original orhistonc title over the

cities and their dependencies, and the BakassiPeninsula was for long a
dependency ofOIdCalabar" (Cm, vol.1,p. 67,par. 5.2).

5.35 Cela impliquedonc qu'OldCalabarétaitl'un deces Etats-cités.11existe

toutefois une référence à "[tlhe status of Old Calabar and its component City States as

independent entities with international legalpersonality"(CMN,vol. 1,p. 74, par. 5.15 ;v.
aussi p. 76,par. 5.20). Cela tendraàtaffirmer la coïncidenceentre"Old Calabar" et la région

même deCalabar. Si ce n'est pas le cas, "Old Calabar"consistaiten une séried'Etats-cités

indépendants dansla région deCalabarqui étaient,enréalitéi,ndépendants.Danstous les cas
de figure,l'identitédu détenteurdutitre n'est pas évidente.

5.36 Par la suite,dans son contre-mémoirel ,e Nigériaidentifie "Old Calabar"

avec DukeTown (CMN, vol. 1,p. 90, par. 6.27). Toutefois, quelquesparagraphes plus loinet
en faisant référence spécifiquement au Traité d protection du 10 septembre 1884, "Old

Calabar" est définicomme étant"apparently a compendiousname for the various kings and

chiefs inthe area of the CalabarRiver" (CMN, vol. 1,p. 93,par. 6.32).

5.37 Il faut préciserce point. Si, commele prétendle Nigéria,"Old Calabar"

détenaitun titre temtorial souverain qui s'est perpétujusqu'à l'indépendance du Nigéria,il

faut savoir précisément quidétenaitce titre. Etait-ce la régionde Calabar (1'"acephalous
federation") incluant la ville d'OldCalabar? Etait-ce"Old Calabar"correspondant à l'entité

décrite comme formée d'un certainnombre dYEtats-citéisndépendantso , u encorel'unede ces

dernière unités?L'absence d'une identificationclaire du détenteurdu titre est une faiblesse,

parmi d'autres,de la thèsenigériane.

5.38 Le "Traité de protection" du 10 septembre 1884 entre la Grande-

Bretagne et les "Rois et Chefs d'Old Calabar" constituent la cléde voûte de toute la thèse
nigériane.Selon le Nigéria,ce traité passé entre deux personnesjuridiques internationales

indépendantes acrééune relation particulière entre les Parties mais n'a pas modifié lasituation de la souverainetétemtonale, qui reste à "Old Calabar". Cela ne ressort pas de

l'examen du traité lui-même L.e statut et la naturedes "Rois et Chefs d'OldCalabar" sont loin
d'êtreclairs. Le Nigéna lui-même hésite.Le contre-mémoireindique au paragraphe 6.32

(Cm, vol.1,p. 93) que :

"The second, and final, treaty in the present context'was the Treaty of
Protection with the Kings and Chiefs of Old Calabar, concluded on 10
September 1884 (NC-M 23). Again the parties were the Bntish Queen

(represented by the British Consul,Hewett) and the Kings and Chiefs of Old
Calabar, apparently a compendiousname for the various kings and chiefs in
the area of the Calabar River".

5.39 On ne peut dire qu'il s'agissede l'affirmation,claire, de l'existence d'une
personnalité juridique internationale distincteld Calabar". C'est plutôt une réaffirmation

de l'opinion émise précédemment seloln aquellelesvilles et établissementsle long de Calabar

River constituaient une sorte d"'acephalousfederation"(CMN, vol. 1,p. 67, par. 5.1). Le

terme "acephalous"signifie "sans tête" ou "sans chef ou ne se reconnaissant pas de chef ou

de re~~onsable"'~.Le major Macdonald (nommécommissaire des districts du Niger en 1889)
entreprit d'explorer la région et, commel'écritAnene, "[he] made his way to Old Calabar

where he found a congenes of independent 'kingdoms'and 'dukedoms""'. Ilest donc plus

vraisemblable que la Grande-Bretagne avait conclu des arrangements avec nombre de

pouvoirs indépendants les uns des autres; ce point de vue est renforcé par l'examen de

l'article IV du Traitéqui énonce:
"All disputes between the Kings and Chiefs of Old Calabar, or between
them and British or foreign traders, or between the aforesaid Kings and

Chiefs and neighbouring tnbes, which cannot be settled amicably between
the two parties, shall be submittedto the British Consular or other officers
appointed by Her Bntannic Majestyto exercisejurisdiction in Old Calabar
temtones for arbitration and decision, or for amangement. The said Kings
and Chiefs shall have the nght to appeal to Her Majesty's Secretary of State

for Foreign Affairs against the decision of the Consular or other officers"
(CMN, vol. IV, annexe 23).

5.40 La nature des compétences conférées à la Grande-Bretagne est

difficilement conciliable avec la notion selon laquellela Grande-Bretagne concluait un traité
avec une personne juridique reconnue au plan international capable de détenir un titre

10OxfordEnglishDictionary,ClarendonPress,Oxford,2éd.,1989,vol. 1,pp. 96-97, «headless»or«having
orrecognisingnogoverningheadorchief».
" J.C.Anene, SouthernNigeria in Transiti1885-1906: Theoryand Practice in a Colonial Protectorate,
University Press,Cambridge,1966,p. 124.internationalsur un temtoire. Cela ressort,en particulier, du fait que la Grande-Bretagneest

autoriséeà réglerlesdifférendsentreles"Rois et Chefs d'OldCalabar".

5.41 En recherchant lanature juridique exacte dW'Old Calabar" au regard du
droit international,le critère essent"àlappliquer lorsqu'il est prétenduqu'un groupe, qu'il

soit composéd'États, de tribus ou d'individus,est une entitéjuridique distincte de ses

membre^" '^tde savoir si l'entitéen cause se trouvait dans une situation "telle qu'elle ait

vis-à-vis de sesMembresdes droits dont elle ait qualitépour leur demander le respect" ou si
l'entitéen cause est "une entitécapable d'êtrebénéficiaired'obligations incombant à ses

membres"". Ce critèrene semble pas avoir été satisfait dans lecas du regroupement

"acephalous"des"Rois et Chefsd'OldCalabar".

B - Lapéninsulede Bakassi relevait-ellede l'entité"Old Calabar"?

5.42 La deuxièmequestion consiste à savoir si la presqu'île de Bakassi se

trouvait sousl'autoritd'"0ld Calabar",quelleque soit la manièredont cette entité,ce groupe
ou regroupementestdéfini.LeNigériaadopte différentes approches àcet égard.En premier

lieu, il affirme que

"By virtue of the activities of the Houses of Old Calabar in founding
settlements of increasing permanence in the previously unsenled Bakassi
Peninsula,the dominionsof Old Calabar came to include the settlementsin
~akassi specificallyidentified in Chapter 3 " (CMN, vol. 1,pp. 61-62, par.

4.23).

5.43 Le Nigéria confinne que le "original title to the Bakassi Peninsula [was]

vested in OldCalabar"(Cm, vol. 1,p. 74, par. 5.15),puis il avanceque Bakassiétait en fait

une "dependency" d'Old Calabar(Cm, vol. 1,pp. 74-75,par. 5.16). Il fait ensuiteune autre

référence à l'"existenceof the sovereign authority of OldCalabar in the Bakassi Peninsula"
(CMN, vol. 1,p. 75, par. 5.19).

5.44 Le "Traité de protection" du 10 septembre 1884 ne fait pas

spécifiquementmention de la presqu'île de Bakassi. Il ne se réferequ'aux temtoires des

"Rois et Chefs d'Old Calabar".Trois déclarations sont jointesau traité,émanantdes rois et

des chefs de TomShot, Eîut et Idommbi respectivement (voir les annexes au traité,CMN,

'C.I.J.,avisconsultatif,16 octobre1975,affaireduSahara Occ, ec.1975,p. 63.
l3c.I.J., avis consultatif,11 avril 1949, affairede la Réparationdes dommagessubis au service desNations
Unies,Rec. 1949,p. 178.vol. DI,annexe23). Aucunede ces déclarationsreconnaissant l'autorité et la compétence des

"Rois et Chefsd'Old Calabar" ne mentionne spécifiquementBakassi. Au surplus, on ne voit
pas clairementquelle étaitla relation entre les "Kings andChiefs" de Tom Shot, Efut et

Idommbi et les "Kings and Chiefs of Old Calabar", surtout en ce qui concerne les droits

temtonaux revendiqués.L'acceptationde l'autorité et de la compétencedes dernierspeut être

interprétédeedifférentesmanières, allant de lasimplelimitation de la capacitéà concluredes

traités avec des puissances étrangères à une forme de protectorat. Cela excluait
l'assujettissementtotal menant à l'extinction complèted'une identitépropre, sinon de telles

déclarationseussené t té sans obje. a questionde savoirdans quelle mesureune telle relation

peutêtre considéréc eomme ayanteu des répercussions temtoriales resteouverte.

5.45 En ce qui concerne la question temtoriale, le Nigériaveut tout et son
contraire.D'unepart, il déclare dansson contre-mémoireque Bakassi se situait "within the

domains of the Kings and Chiefs of Old Calabar" et, d'autre part, que "the Efut country

'about the RiodelRey"' étaitcouvertpar la déclaration des "King and Chiefsof Efut" (CMN,

vol. 1,p.94, par.6.33). Incidemment, il affirme aussique le Traitéde 1884ne couvraitpas
seulementla régionsituée autour duRio del Rey mais aussi "temtory even further to the

East" (ibid.). Il est regrettable que le Nigériase soit gardéde préciserla limite entre le

temtoire relevantd'"0ld Calabar" tel qu'il lerevendique, etle temtoire faisant partie d'Efut,

et doncrelevantde l'annexeau Traitétel qu'il l'interprète.

5.46 L'établissement d'un titre souverain suppose un minimum de précision.

La position du Tribunal arbitral dans l'affaire Erythrée/ïémen (Phase 1: Tem'torial

Sovereigntyand ScopeofDispute) estpertinente à cet égard:

"The problem involved is the establishment of tenitonal sovereignty, and
this is no light matter. One might suppose that for so important a question
there must be some absolute minimum requirement for the acquisition of
such a right, and that in pnnciple it ought not normally to be merely a
relativequestion"14.

5.47 La Cour, examinant la questionde l'établissement d'un lien entre 1'Etat

chérifienet le peuple du Sahara occidental au moment de la colonisation, a soulignéque,

même si lastmctureparticulièrede 1'Etatconcernédevait être priseen compte, le facteur clé

-
14Sentencearbitra, octobre1998,par.453.était d'apporterla démonstrationd'une "manifestation ou d'[un] exercice authentique de

l'autoritéétatique";elle ajoutait:

"Il s'ensuit que le caractèreparticulier de l'État marocain et les formes
particulières sous lesquelles sa souverainetéa pu en conséquence se
manifester ne dispensentpasla Cour d'examinersi, au momentpertinent, la

souveraineté marocaine s'exerçait ou se manifestait effectivementau Sahara
~ccidental"'~.

5.48 Le Nigéria,de toute évidence,n'aaucunementréponduauxquestions qui

seposent au sujetde la nature et de l'emprised"'0ld Calabar",nonplus quesurla réalité de la

détention d'un titresur Bakassi. Celaest important dans lamesure où leNigénaaffirme avec
insistance qu'une telle entité auraitété détentrice d'un titresur Bakassijusqu'en 1960. De

fait, le titre revendiquén'a pas été établi.

§ 2 - La non-pertinencedeprincipedes"titres"pré-coloniaux

5.49 Mêmesi le Nigériaavait pu établirun titre temtorial tel que celui qui

aurait été détenp uar "Old Calabar" commeil le prétend, saportéen'auraitaujourd'hui qu'une

valeur historique. L'interposition d'activitésjuridiquec solonialesdans detellescirconstances
a pour effet de supplanter tous les titres pré-coloniaux. Quelle quesoit la dimensionmorale

(ou immorale) de l'histoire de la colonisationet de la décolonisation qui l'a suivie, le droit

international reconnaît la validité des titresacquis par les puissances coloniales et, en

particulier, celle des régimes frontaliers établis par les traitésconclus entre les puissances

coloniales.

5.50 Comme l'a souligné la Cour, "[plar le fait de son accession à

l'indépendance, le nouvel Étataccède à la souveraineté avec l'assiette et les limites

temtonales qui lui sont laissées par l'État~olonisateuf"~.En d'autres termes,c'est le régime

temtonal établipar la puissance coloniale,que ce soit unilatéralementou bilatéralementpar

accord avecd'autresEtats, qui est à l'originede l'assiette territorialedu nouvelEtat, et nonpas

quelquetitre pré-colonialque ce soit. Dans laprésenteaffaire,le différenddoit être résols uur
la base des actes des puissances coloniales ; les activités pré-coloniales ne sont pas

pertinentes.

16.I.J.,avis consulta16foctobre1975,affaire duSahara occidentai,R1975,p.44.
C.I.J., arr, 2décembre 1986,affaire duD%férendfrontali, ec.1986p.568.5.51 Dans l'affaire du Dzflérendterritorial(Libye~Tchad)l,a Libye a tenté de

fonder son titre sur la régionrevendiquée sur "une imbrication de droits et de titres", y

compris ceux de "populations autochtones" et "ceux de l'ordre senoussi (confrérie religieuse

fondéevers le début duXEe siècle, qui aexercéune grandeinfluence et une certaine autorité

dans le nord et le nord-est de ~'~fn~ue)"". Toutefois, la Cour, confrontée à un traité valide
conclu en 1955entre la France et la Libye, a estimé :

"Il ressort clairement des considérationsci-dessus que le différend soumisà
la Cour, qu'on le qualifie de différendtemtorial ou de différend frontalier,

est régléde maniéreconcluante par un traitéauquel la Libye est une partie
originelle et le Tchad une partie ayant succédéà la France. La Cour, étant
parvenue à la conclusion que ce traitécontient une frontière convenue, n'a
pas à examiner l'histoire des 'confins' revendiqués parla Libye sur la base
d'un titre héritédes peuples autochtones,de l'Ordre senoussi, de l'Empire

ottoman et de l'Italie...)

"De même,I'effectivitéde l'occupationdes zones pertinentes dans le passé
et la question de savoir si cette occupation a étéconstante, pacifique et
reconnue ne sont pas des points que la Cour doit trancher dans la présente

affaire(...) La notion de terra nullius et la nature de l'administration
senoussi, ottomane ou française ne sontpas plus des facteurs à prendre en
considération. Pour le mêmemotif, la notion de sphère d'influence et la
doctrine de l'hinterland n'ont pasà entrer dansle champ d'investigation de
la Cour en l'espèce. De même,la Courn'a pas à s'interroger sur les règles

de droit intertemporel (...). Le traitéde 1955 a déterminéde manière
complètela frontièreentrela Libye et le cha ad"'^.

5.52 Le principe selon lequel les prétendustitres pré-coloniauxne peuvent

prévaloirsur des actes juridiques internationaux ultérieursvalides, mêmes'ils ont été passés
par des puissances coloniales ou quasi coloniales, a étéconfirmé parle Tribunal arbitral dans

l'affaire Erythrée/Yémen(Phase I : Territorial Sovereignty and Scope of Dispute). Le

Tribunala déclaré :

"Whatever may have been the links between the coastal lands and the
islands in question, the relinquishment by the Ottoman Empire of its
sovereignty over the islands by virîue of Article 16 of the 1923 Treaty of
Lausanne (...) logically and legally adversely affects any pre-existing

titie"'g.

5.53 En conséquence,un instrument relatif à la cession d'untitre temtorial par
la puissance souveraine reconnue au plan international ne peut que l'emporter sur tout titre

17C.I.J.,arrt,février1994,Rec. 1994,p. 15.
Ibid .p.38et40, pars.75-76.
19Sentencearbitral, octobre1998,par.124.antérieur à celuide la puissancecoloniale.Dans de telles circonstances,le titre préexistantne

peut subsister en tant que tel ou êtreinvoquécontre la puissance souveraine ou ses

successeurs.

5.54 D'autres tribunaux internationauxont aussi étéclairs sur la non-

pertinence de titres pré-coloniaux.Dans l'affaireRannde Kutch, le Président duTribunala

noté que :
"Pakistan, at a late stage in the proceedings, introducedthe argument that

the rights claimed by Pakistan are those of the people of the Muslim unit
whichwasconqueredby the British in 1843andthen, as it were, restoredto
the MuslimStateof Pakistan in1947"~'.

Toutefois, il a concluque :

"Whiletheprincipleof whichit is an illustrationis of interest, applicationof
such a principle would be difficultand would introduce an element of
instabilityin the relationship between nations which for a long time have
beenunderforeigndominationn2' .

5.55 La thèsedu Nigériaselon laquelle sa frontièresud-est devrait refléter

celle du titretemtorial pré-colonial revendiquéaunom d'''0ldCalabar"revient à demanderle

retour à une situation antérieure,affirméemais nullement établieau demeurant. Une telle

revendication serait non seulement contraire a la reconnaissance par la communauté
internationale dela validité des titres coloniauétablispar des traitéspassés durant lapériode

coloniale, mais aurait de gravesrépercussionssur le principe fondamentalde la stabilitédes

frontières.Comme l'a noté un auteur :

"the logicalconsequencesof a doctrine of reversion may create a threatto
the secuntyof legalrelations:thus it would followthat the successor would
not beboundby temtorial gants or recognition of temtorial changes by the
previoush01der"~~.

5.56 La possibilitéd'unretour a une situation antérieure("reversion") a été

discutée devantle Tribunal arbitraldans l'affaire Erythréeh'émenL . e Yémenaffirmait qu'il

détenaitla souverainetésurlesîlesméridionalesde la mer Rouge envertu d'un titre ancienou

historique qui n'avaitpas étéaffectépar l'annexionottomane du Yémenet lui avait survécu.
Le Tribunal, dans sadécisionunanimea , déclaréque :

Sentencearbitrale,19 févr968,I.L.R.,vol. 50,p.471.
'Ibid.
221Browmlie.PrinciplesofPublicInternationalLaw,ClarendonPress,Oxfo5&, éd.,1998,p. 671. "It has not been established in these proceedings to the satisfaction of the
Tribunalthat the doctrineof reversionispart of international lawW2 '

Le Tribunal-poursuiten notant dans ses conclusions que "nor is the Tnbunal aware of any

basis for maintainingthat reversion is an accepted pnnciple or mle of general international

~aw"~~.

5.57 Le Tribunal observe pourtant que la thèse du retour à la situation

antérieurepouvaitsemblerplus solideque si la souverainetéottomane avait expressément été
abandonnéeen faveur des puissances alliées conformément à une disposition du Traité de

Lausanne :

"which provision would certainly have excluded any possibility of the
operationof a doctrineof rever~ion"~~.

5.58 Mais, leTribunal a estiméque

"The correct analysisof Article 16 [of the Treaty of Lausanne 19231is, in
the Tribunal'sview, the following: in 1923Turkey renounced title to those

islands over which it had sovereigntyuntil then. They did not become res
nullius- that is to say, open to acquisitive prescription - by any State,
including any of the High Contracting Parties (including Italy). Nor did
they automatically revert (insofar as they had ever belonged) to the Imam

[of Yemen]. Sovereign title over them remained indeterminate pro
tempore"26.

5.59 Ainsi, on pourrait au mieux parler de suspension de souveraineté, créée

par 1'Etatsouveraindétenteurdu titre, maisen aucun casdu retour à la situationantérieure.

5.60 Par conséquent, tout droittemtorial susceptible d'avoir été détenu au

moment de la colonisation par les"Rois et Chefs d'Old Calabar" (ou, en leurs lieu et place,
par le Nigéria)ne pourrait avoir étémaintenu contre une activité internationale valide

effectuéepar lapuissancecoloniale reconnue.

''Sentencearbitral9octobre1998,PhaseI: TerritorialSovereigntyandScopeof Dispute,par125.
24Ibid.,par443.
25Ibid.,par445.
26Ibid.,pa165. 9 3 - La thèsenigérianesur la nature des protectorats

5.61 Le Nigériaa consacréune section du chapitre6 de son contre-mémoire

aux protectoratsen droit international.Elle ne réponden aucunemanièreauxquestionsposées
dans laprésente affaire.Le Cameroun examineraci-après (v.infra,pars. 5.69et S.)le concept

de protectorat en droit international durant la période coloniale. Liminairement,il faut

préciserla nature des arrangements passésentre les puissances coloniales et les chefs

africains, étantentendu que ces instruments doivent êtreévalués conformémen au droit

applicable durantla périodeen cause. Ainsi quel'arbitre Max Huber l'a noté danls'affairede
1% de Palmas, "un actejuridique doit êtreapprécié à la lumière du droit del'époque"27 D. e

même, dans l'affaire Erythréeflérnen l, Tribunalarbitral asouligné:

"The arguments advanced by Yemen in this respect must be evaluated
within the historical and legal context that prevailed during the relevant
period, extending fÏom the end of the 19IhCentury until the dissolutionof

the Ottoman~m~ire"~'.

5.62 On citera encore le principe de contemporanéitéq ,ui est liéà celui du
droit intertemporel,selonlequelles demandes faitesdoivent être examinées à la lumièrede la

situationtelle qu'elle existaàtl'époque .

ème .
5.63 Le dernierquart du XE siècle a marqué le débutde ce que l'ona plus

tard appelé"scramble for Afiica", une formule qui exprime assez précisément la force de
l'expansion coloniale des grandespuissances européenned se l'époque. Leconsulbritannique

Edward Hewett s'est particulièrement activé pourobtenir la signatured'accordspar les chefs

locaux d'Afrique de l'ouest, mêmesi son impuissance à devancer l'activitéallemande au

Cameroun lui a attiréle sobriquet de "Too Late ~ewett"'~. De tels accords avec leschefs

locaux étaientsurtout le produit d'une rivalitéentre puissances européennes ainsiqu'une
manière admisede régulerla concurrence qu'elles se livraient. Les puissances coloniales

étaient préparées à accepter que de tels traitéspasséspar leurs rivaux créentun droit de

préemptionsur leurs proprestentatives de prisedecontrôle tenitonal. Le statut précisaccordé

en droitinternational àdetels traitésa étéet demeureune questiond'unecertaineimportance.

'Sentencearbitral, avril1928,R.G.D.I.P., 1935,p. 172.
lSentencearbitrale,9 octobre1998,Phase:TerritorialSovereignfyandScopofDispute,par.12;v. aussi
les pars. 147et444.
29V. parexempleC.LI.,avis consultatif,16 octobre1975,Sahara occidental,Rec. 1975,p. 39 et la sentence
30bitrale,21octobre1994,Lagunadel Desierto (Argentine/Chili),I.L.R.,vol. 113,pp.49 et56.
V. T.Packenham,The Scramblefor Africa, 1876-1912,WeidenfeldetNicolson,Londres,1991,p. 215. L'utilisation du terme "traité"ne comportait pasd'indication du statut
5.64
international de la partie avec laquelle la puissance colonialepassait contrat. Il constituait

plutôt un termegénérique sans significationjuridiquebien précise.A titre d'exemple,on peut

citer la section III de I'Order in Council du 16 février1906, concernant le protectorat
internationalduNigériaqui indique quele terme "Treaty" :

"includes any treaty,convention, agreementor arrangement,made by or on
behalf of Her lateMajestyQueen Victoriaor HisMajestywith anycivilised
Power, or with any native tnbe, people, chief, or king, and any regulation

appendedto anysuchtreaty, convention,agreementor arrangement"(CMN,
vol. IV, annexe 37).

5.65 L'arbitre Max Huber a analysé, dansl'affaire de l'lle de Palmas, la
nature de telsarrangements.Il a notéque

"Les contrats intervenus entre un Etat ou une Compagnie telle que la
Compagnie néerlandaisedes Indes orientaleset des princes indigènes ou
chefs de tribus non reconnus comme membres de la communautédes

nations, ne sont pas, au sens du droit international, des traités ou
conventions susceptiblesde créer des droitset des obligations de l'ordrede
ceux qui, en droit international, naissentdes traités. Maisd'autre part, des
contrats de cette nature ne sontpas entièrement dépourvud s'effets indirects
sur des situationsrégies parle droit international; s'ilsne constituentpas des
titres ausens du droitinternational, ils sontnéanmoindes faits dontledroit

international doit tenircomptedans certainscasw3'.

5.66 La CO& a mentionnéla question dans l'affairedu Sahara occidental en

notant que :

"Quelles qu'aient pu êtreles divergences d'opinions entre les juristes, il
ressort de la pratique étatiquede la période considéré qeue les temtoires
habitéspar des ûibus ou des peuples ayant une organisation sociale et
politique n'étaient pas considéré csmme terra nullius.On estimait plutôt
en généralque la souveraineté à leur égard ne pouvait s'acquérir

unilatéralement par l'occupation dela terra nullius en tant que titre
originaire, mais au moyen d'accords conclusavecdes chefs locaux (...) on
voyait dans ces accords avec les chefs locaux, interprétés ou non comme
opérantune cession effective dutemtoire, un mode d'acquisition dérivé et
non pas des titres originaires acquis parl'occupationd'uneterra n~llius"~~.

5.67 La réponse du Secrétaire d'Etat aux colonies au cours d'un débat

parlementaire en février 1955 concernant l'apparenteincompatibilitéentre des accords de

" Sentencearbitral, avril1928,R.G.D.I.P.,1935,pp. 186-;italiquesdansletexte.
''C.I.J.,avis consultatif,16octobre 1975,Rec.,1975,p.39.

259protectoratantérieurs avecdes tribus Somali etun traitécontradictoire passéavec 1'Ethiopie

en 1897montre que le gouvernementbritannique lui-mêmr eeconnaît quelesaccords avec les

chefslocauxne correspondaientpas àdestraités internationaux.Il a notéque:
"the 1897 Treaty is an international instrument, whereas the other

Agreementswerenot"".

5.68 Par conséquent,il est clair que les accords avec des chefs locaux

excluaient la possibilité juridique d'acquisition d'un titre juridique selon les modes

applicablesaux temtoires réputétserra nullius(occupation). Il apparaît tout aussi clairement

que de tels accords marquaient l'acceptation d'une certaine forme de personnalitédes

populations locales par la puissance coloniale. Toutefois, de tels arrangements ne
constituaient, à la lumière du droit intertemporel, ni des traités entre Etats, ni la

reconnaissanced'unepersonnalitéjuridique internationaleen tantque telle. S'agissant du sud-

est duNigéna,comme dansd'autres cas, lestraités signés avec les chefs locaux avaient pour

conséquenced'exclure une occupationde la zone concernée en tant queterra nullius et

constituaient une source valable de titre par rapport auxautres puissances coloniales. Ils
avaientune pertinence interne en termesde relations au sein des temtoires contrôlés parla

puissancecoloniale et vis-à-visde I'extérieurour exclure toute manifestationde prétentions

souverainespar d'autrespuissancescoloniales.

A - Naturedesprotectoratsinternationaux

5.69 En droit internationalclassique,un protectorat est créélorsqu'un Etat

plus faible se place, par traité, sous laprotection d'un Etat plus fort, transférant aiàsce

dernierla gestion d'affairesinternationalesimportantes34.Toutefois, cet énoncé de principe

dépenddes circonstancesprécisesentourant laconclusionde l'accordet onnote des variations
considérables d'un cas à l'autre.Ainsi que la Cour permanente de Justice internationale l'a

noté dansl'affaire desDécretsdenationalitépromulgués en Tunisieet auMaroc :

"L'étenduedes pouvoirs d'un Etat protecteur sur le temtoire de 1'Etat
protégé dépend,d'unepart, des traitésde protectorat entre 1'Etatprotecteur
et 1'Etat protégé,et, d'autre part, des conditions dans lesquelles le

protectorat a étéreconnupar de tierces Puissances vis-à-vis desquelleson a
l'intention de se prévaloirdes dispositions de ces traités. Malgré les traits
communsqueprésententles protectoratsde droit international,ils possèdent

3ParliamentaryDebates(Hansard),inquièmsérie, ol. 597, session 1954-55,col. 1686,(annexeRC8).
"V. SU RobertJenningseSirArthurWatts,(eds.),Oppenheim's InternatLlaw,vol. 1,Longman,Londres,
gh"éd.,1992,pp.267-268. des caractèresjuridiquesindividuels résultant decsonditionsparticulières de
leur genèseetde leur degré dedéveloppement" 35.

5.70 Un exemple classique deprotectoratest celui du protectorat sur les îles
ioniennes, exercépar la Grande-Bretagne entre1815et 1864sur la base de traitéssignésavec

la Russie, l'Autriche et la Pmsse. Ce type de protectoratsa été appelé "protectoratrs éels"

quand I'Etatprotégé est considér comme relativementdéveloppé et ne doip tas êtreabsorbé

par 1'Etatprotecteur36. Le protectorat de droitinternationalest caractérisé par un lien entre

deuxEtats, qui résulted'un traité internationaclonclu entre1'Etatprotecteur et1'Etatprotégé.

5.71 Le professeurLampuédéfinitlerégimedeprotectorat comme :

"celui d'uneunion internationalede deuxEtats. C'est cette union qui détient
les compétences publiques dansle pays protégé. Ces compétences sont

exercées,par suite, par un organe composés ,auf dans les matières où1'Etat
protégé a délégu àé1'Etatprotecteur,c'est àdire aux organes propresde ce
dernier, la mission de le représenter.Cette dernière situationse rencontre
notamment dansle domainedes relationsdiplomatiques.Au contraire, c'est
l'intervention d'un organe composéqui se produit dans le domaine des

questions intérieures, c'està dire dans le domaine de la législation et de
l'admini~tration"~~.

5.72 Lampué souligne que le protectorat international "forme une

communautépolitique". Tela été le cas

"de la Régencede Tunis, de l'Empirechérifien, des Royaumesde l'Annam
et du Cambodge. Malgré les liens très étroits qui l'unissent à 1'Etat
protecteur, 1'Etatprotégé garde la qualitéd'Etat et possèdela personnalité
du droit international.Il est bien vraique la libertéd'action de ses organes

constitutionnels est très réduite, maiselle l'est en vertu d'un traité
international. L'Etat protégén'est donc passoumis au droit étatique de
1'Etatprotecteur,mais seulementet directementau droit international.Il est
vrai encore que les relations diplomatiquesde 1'Etatprotégé sont assurées
par le gouvernement de 1'Etatprotecteur, parceque ce dernier représente

1'Etatprotégé dans la vie internationale.Mais cette représentationne porte
pas atteinteà la personnalité de1'Etatprotégé ; elle affecte seulement le
mode d'exercice des facultés que la personnalité du droit des gens
comporte"38.

35C.P.J.I.,avisconsultatif, 7f1923,SérieB, no4, p.27.
37V. R.Robbins,"The LegalStatusof AdenColonyandtheAdenProtectorate",A.J.LL.,1939,p.713.
P. Lampué", Lerégime législatifpsays deprotectora. evuedu droitpublic etde la sciencepolitiqueen
Franceetà 1'étranger,1939,p11
Ibid.,p6.
l5.73 Le deuxièmetype de protectoratlargementreconnu comme particulieret

distinct est le protectoratco~onial'. ette forme de protectorat, n'estpaun "protectorat de

droit international",maisun"protectoratde droitinterne".

B - Protectoratscoloniaux

5.74 Dansson contre-mémoirel ,eNigénaignore ce qui est l'élémenc tlé dans

le processus d'évolutiondu titre temtonal sur la régionconcernée.Il a affirméque le Traité

du 10 septembre 1884passé avecles"Rois et chefsd'Old Calabar",par lequel étaitaccordé la
"favour and protection"de la Couronne britannique,laissait intact le titreà la souveraineté

temtonale réputé inhérentau premier et que ce titre a perduré jusqu'à l'indépendancd eu

Nigéria(CMN,vol. 1,pp. 125-126,par. 6.90 et p. 203, par. 9.73).Ceci signifie que le Traité

de 1884n'avaitentraîné aucune modificationdela souverainetétemtoriale. Cela est inexact.

5.75 L'évolutiondu modèle classiquede protectorat, surtout en Afrique à la

fin du xIX"' siècle, a fait l'objetde nombreuses études.Le tournant de cette évolution,

commencéequelques années plustôt, a été la Conférenceet l'Acte de Berlin de 1885,dont

l'article35 établitle principede l'occupationeffectivedu temtoire aîiicain.. Cette disposition
ne faisait pas spécifiquementréférence aux protectorats. Un spécialistede ces questions a

expliquéce silence:

"But notwithstandingthe letter of article 35 and the traditional meaningof
Protectorate,the institution in its application to Aiiica tended to degenerate
behind thescenesof the Berlin Conference. For, according to article34the

establishmentof a Protectorateby one Europeanpower had to be notifiedto
the othersignatones of theBerlin Actwho had the nght to raise objections.
If no objectionswere raised, the signatones were presumed to have agreed
to thenght of thenotifyingpowerto deal with theprotected Africancountry
beyond the traditional notionsof the institution of Protectorate. It was
understood thatthe notifymgpower had carte blanche to interfere also with

the interna1sovereigntyof the protected country with aview to absorbingit
by annexation. It is at this point that the classicProtectorate tended to be
convertedinto a new institutionwhich rnost of the positivist lawyersof the
endof the 19thcentury and the beginning of the 20thcentury definedas the
colonial~rotectorate'*~.

5.76 Lindleyadécritce même processus en ces termes:

"Anessentialfeature of the colonial protectorateis that it is recognisedby
the other membersof the International Family as giving to the protecting

3C. RousseaqDroitinfernofionalpublict,omeII,SiParis1,74, p. 277,par.123.
'OC.H.AlexandrowiczT, heEuropeon-Africnonfrontafion,,Sijthoff,Leiden,1973, pp.69-70.

262 Power the nght, as against themselves, to take steps in the direction of
annexingthe protectedtemtory to its dominions (...).

"The first step in the acquisition of temtory inhabited by backward peoples
was normally the conclusion of a treaty with the local mlers, and this step
either amounted to, or was followed soon aftenvards by, the establishment
of a protectorate. (...)
"Just as there is considerable variation in the proportion of sovereignty

conveyed by the different treaties, so the amount of sovereignty which is
actually exercised by the protecting State varies within wide limits. in al1
casesthe external sovereignty is assumed.In intemal affairs, the sovereignty
of the local der may be scarcelyimpaired ; or it may be superseded by that
of the protecting Power to any extent, such supersession usually proceeding

gradually. (...)
"The necessary and sufficient condition forthe setting up of a protectorate is
the conclusion of an agreement with the local independent government or
chiefbywhich the external relationsof the district to be protected are placed
in the hands of the protecting Power. To this extent, the modem colonial

protectorates correspond with the protectorates of the older types. The
distinguishing feature of the colonial protectorate is, however, as we have
noticed, its recognition as a step, or a possible step, in the long-drawn-out
process by which it has been customary for the Powers to extend their
control and dominion inrecent times7*'.

5.77 Dans l'Acte généralde la Conférence de Bruxelles de 1890, les

puissances sont tombéesd'accord pour se reconnaître l'obligation d'abolir l'esclavage et

d'ouvrir l'Afriqueaux activitéscommerciales. Celapouvait se faire par :
"Organisation progressive des services administratifs, judiciaires, religieux

et militaires dans les temtoires d'Afrique placéssous la souverainetéou le
protectorat desnationscivilisées" (italiquesajoutés).

Aucune différence n'estfaite entre les colonies et les protectorats en ce qui concerne ces

obligationsou les mécanismesde contrôlede leur mise en Œuvre.

5.78 La nature précisedu protectoratcoloniala été largementreconnue dansla

doctrine. Robbins conclut : "[ilnternational law recognizes a distinction between a 'real

protectorate'and 'colonial protectorate'in that it deals with the former and not the latter (. ..).

No otherPower in the international community can lawfullyprevent the protecting state from
annexinga protectorate of the colonial type if it wills to do SO"~~, alors que Kohen note que

"[die l'examende ces accords on peut conclure que, tout en parlant de l'établissementd'un

II
TheAcquisitionandGovernment ofBuckwurdTerritory inInternational LawL , ongman,Londres,1926,pp.
426' 187 et203.
TheLegalStaîusofAden Colonyand theAdenProtectorate ",A.J.I.L.,1939,pp.714-715.protectorat sur lespeuplesen question, lesPuissancescoloniales s'attribuaient,plusou moins

enmême tempsl ,a souverainetésur les territoiresque ces peupleshabitaienfA3.

5.79 Crawford déclare que "filustifiable or not, it is clear that, qua

protectorate, the colonial protectorate wasnot a separatejuridical institution atall: the whole

point ofidentifyingit as colonialwas that theextentof governmentalauthoritywithrespectto
the territory was plenary"44. Oppenheim préciseque "[tlhe true intemational concept of

protectorate is not always accurately reflected in the terminology used by states for their

intemal or constitutional purposes, as in the case of those British 'protectorates'formerly

exercised over certain Afiican tribes, acquired through agreements with the chiefs of the
tribes :those 'protectorates' possessedno intemationalstatus at ail'*'.

5.80 Lord Lugard, ancien gouverneurgénérad lu Nigéria,a inventé leconcept

de "indirect rule" des temtoires coloniaux. Etudiantla nature des protectoratsen Inde et en

Afrique, à la lumièrede son expériencepratique et de ses études théoriquesi,l note que la
notion de protectorat étaitdifficile à définirmais que "in al1cases the protected State has

parted with its freedom of action in foreign affairs". Insistant sur les différences entreles

protectoratsen Inde et en Afrique, il déclareque,dans le deuxièmecas, "native Governments
were incapableof maintaininglaw and ~rder"~~.IIconclut en disant :

"We arrive, then at the generalconclusion that 'forpurposes of municipal
law an Afiican protectorateisnot, butforpurposesof internationallawmust
be treatedas if it were, apart ofBritish dominion^ ('^.'

"Thus the term 'protectorate'gradually changed its meaning fromthat of a
pact with the der of a State, which maintained its interna1but not its
extemal sovereignty, to a declaration of the territorial status of a region
included in the Empire, in which not only the extemal, but in varying
degreestheintemal sovereigntyalso,had passedtothe controllingPower, in
many cases (since unexplored regions were included) without even the

'treaty' consentof the people. Powers of administration coequalwith those
of a colonyhavebeen a~sumed"~~.

4Possessioncontestéeetsouverainetétenftoriale, PressesUniversitaires de France,Genève,Pks 1997,p. 113.
44 TheCreationofStatesinInternationalLaw, ClarendonPress, Oxford, 1979,p. 199.
455.Su Robert Jennings et Sir ArthurWatts (eds.), Oppenheim'sInternational La1,Longman, Londres,
9- éd., 1992,pp.268-269.
* TheDualMandate in BritishTropicalAfrica, Frank Cass, Londres, 5& éd., 1965,pp. 32-3il est a noter
ue la quatrièmeéditiona publiée en1929 et que Lugardest décédé 1945.
' Ibid., p. 5-citant Sir Courtenay Ilbert, GovemmeofIndia, being a Digest of the StatuteLaw relating
thereto,withHistoricalInnoduction,Clarendon Press, Oxford,p. 431.
TheDualMandateinBritish TropicalAfrica,Frank Cass,Londres, 5& éd.,1965,p.35.5.81 Cette opinion théorique et pratique se retrouve dans les décisions

judiciaires. L'arbitre MaxHuber relèvedans l'affairede l'lledePalmas que :
"Les rapports juridiques crééspar des contrats de cette nature [entre la

Puissance coloniale et les autoritésindigènes]affectent généralementla
forme de la vassalitéou du protectorat dit colonial. Au fond, il n'y a pas là
d'accord entreégaux ;c'est plutôt une formed'organisation intérieured'un
temtoire colonial, sur la base de l'autonomie des indigènes. Afin de
régulariserla situationà l'égarddes autresEtats, cette organisation doit être
complétée par l'établissementdes autorités nécessaires pour assurer

l'accomplissement des obligations imposéespar le droit international à tous
les Etats relativement à leur propre temtoire. Et c'est ainsi la suzeraineté
exercéesur 1'Etatindigènequi devient labase de la souverainetétemtonale
à l'égarddes autresmembres de lacommunautédes nations'd9.

5.82 Sir Humphrey Waldock , dans son cinquième rapport à la Commission

du Droit international sur la succession en matièrede traités,en 1972, a proposéun projet

d'articlesconcernant, entre autres, les "Etats protégés".Il définitainsi cetteexpressio:
"Cette catégorie de territoires dépendantscomprend les temtoires qui ont

conservé, dansune certaine mesure, unepersonnalitéinternationaledistincte
pendant qu'ils se trouvaient sous la dépendance d'unautre Etat. Elle
englobe donc les Etats protégésm , ais nonpasce qu'il estconvenu d'a peler
les protectorats coloniaux, qui entrentdanslacatégoriedes colonie^ J."^

5.83 Compte tenu de ce que, dans la pratiquede l'époque,il n'y avait que peu

de différencede fond, au plan international, en termes d'acquisition temtonale, entre les
colonies et les protectorats coloniaux, il est intéressantde s'interrogersur les motifs pour

lesquels lespuissances ont adopté, à certains moments, ladeuxième formulelors du processus

de colonisation. Il semble qu'il yavait essentiellement deux raisons. Toutd'abord, le droit a

l'époque, reconnuet codifiédans l'article 35 de l'Acte de Berlinde 1885,énonçait qu'il était
nécessaire qu'il y ait occupation effective pour qu'un temtoire soit reconnu au plan

international comme tombant sous l'autorité colonialeet que son titre revienne à une

puissance donnée. Dans le cas de protectorats, cette exigence n'étaitpas posée. Comme

Oppenheiml'a noté :
"In the second half of the nineteenth century,the desire of States to acquire

as colonies vast temtories which they were not able to occupy effectively at
once, led to agreements with the chiefs of natives inhabiting unoccupied
temtones by which these chiefs committedthemselvesto the 'protectorate'
of States that aremembers of the international comrnunity. These so-called
protectorates were certainly not protectorates in the technical sense of the

49Sentence arbitrale4, avril1928,R.G.D.I.P.,1935,p. 187.
50Ann.C.D.I.,1972,vol. Ip.4;italiquesdansle texte. term, which denotes that relationship between a strongState and a weak

State whereby a treaty the weak Statehas put itselfunder the protection of
the strongandtransferredto the latter themanagementof its more important
international relation^"^'.

5.84 La deuxièmeraison, liée à la première, concerne le coût. Comme

Packenhaml'a écrit à propos, précisémend t,e la régionen cause dans laprésente espèce :

"But how to rescuethe OilRiversfromthe French ? The Cabinet naturally
plumped for thecheapestpossibleanswer. This brought them straight back
to Hewett's and Anderson's plan. A paper protectorate, with virtuallyno

administration, wouldcost nothingcompared with a real colony - at least in
the earlyyears. Soprotectorateit mustbe"52.

5.85 Les autrespuissances colonialesont suivi une approche etune pratique

parallèles à celles adoptéespar les Britanniques en matière de protectorat colonial.

L'Allemagne, par exemple,considérait le protectorac tomme une relation de souveraineté

entre l'Empire allemand et le temtoire en question. Comme l'a noté Karl Gareis,par

exemple :

"en pratique, ledéveloppementdu protectorat progressedans une direction
où 1'Etatdes indigènes, quipour un certain temps est encore considéré
comme existant,disparaît progressivementet s'éteinttout au moins en tant
qu'entitéétatiqueou assimilée, alorsque le pouvoir de protection se

manifestecommepouvoir souverainde 1'Etatqui assume de plus en plus de
tâches. Le pouvoir colonial de protection d'aujourd'huin'est autre que le
pouvoir souverainlui-mêmen , i plus, ni moins ;partant, il faut reconnaître.
que les temtoires placés sousun pouvoir de protection colonial se trouvent

envers 1'Etat qui exerce ce pouvoir exclusivement dans un rap ort P
constitutionnelet qu'ils sontpour tousles autresEtatsterres étrangères " 3.

51 L. Oppenheim, InternotionalLaw:A Treatise,H.Lauterpacht (ed.), Longman, Londres, 8(m:éd., 1955, p.
561.
52TheScrambleforAfrica 1876-1912,Weidenfeld et Nicolson,Londres, 1991,p. 198.
53 Deutsches Kolonialrecht, 2, Aufl. 1902, Emil Roth, Giessen, p. 3. ("erfahmngsgem2ss schreitet aber die
Entwicklung des Protektorats in der Richtung vor, dass das eine Zeit lang noch als vorhanden gedachte
Staatswesen des Eingeborenen als autonomes Gemeinwesen bald mehr und mebr verschwindet und mindestens
als staatsahnliches Wesen ganz untergeht, wogegen sich die Schutzgewalt als die sich immer mehr Aufgaben
stellende souverine Staatsgewalt geltendmacht. In der heutigen kolonialen Schutzgewalt, dem kolonialen oder
staatsrechtlichten Protektorate, erblicken wir nichts geringeres und nichtss die Landeshoheit selbst;

infolgedessen muss anerkannt werden,dass sich die unter einer koioniaien Schutzgewalt stehendenniebiete
dem diesse Gewalt ausübenden Staatelediglich in einem staatsrechtlichen Verhaltnisse befinden und dass sie für
alle anderen Staaten Ausland sind"). V. aussi von Stengel, Die Rechtsverhültnisseder deutschen Schutzgebiete,
Tübingen und Leipzig, JCB Mobr, Paul Siebeck, 1901, p. 32 :"Die Schutzgebiete sind daher eigentliche
Kolonien, die als überseeische Provinzen des deutschen Reiches seiner Souverinitat unterstehen" ("Les
temtoires protégés sont donccoloniesau sens propre du terme, assujetties, en tant que provinces d'outre-mer
del'Empireallemandà la souverainetédecelui-c;traductionde la Républiquedu Cameroun.5.86 Mêmesi les Français avaient adoptéune approche plus centraliséeet
autoritaire que les Britanniques,guidés parla notion de "indire rute", en ce qui concerne

l'administration de colonies, leur position en ce qui concerne le statut des protectorats

coloniauxrestait similaire.

5.87 En réalité,le temtoire d'un "protectorat colonial", commele fait
remarquer le professeur Lampué, faisait partiedu territoire de 1'Etat colonisateur et la

souverainetédecelui-cis'yappliquait pleinement :

"C'est le régime qui existe dans certaines dépendances coloniales
françaises,notamment dansle temtoire de Luang-Prabang,quifaitpartie du
Laos. Uneconventiona bien été passée, le 24 avril 1917, entre le roi de ce
pays et le gouverneur générad le l'Indochine,mais elle n'a pasle caractère

d'un traitéinternational,puisqu'elle n'a pas étéconclue et ratifiée, suivant
les prescriptionsconstitutionnelles, par le chef de l'Etat français; elle a
seulement une valeur administrative. Ainsi donc, bien que les décrets
organiques fassent rentrerce pays dans un temtoire plus étendu qualifié de
'protectorat du Laos', il s'agit, au regard du droit international, d'un
temtoire co~onial"~~.

5.88 Parmi les plus célèbres accords de protectorat,on peut citer les

nombreusesconventionsconclues par Savorgnan de Brazza, aucours de ses explorationsdans

le bassin du Congo, après 1875 et 1878. Des accords ont été passéspar lui avec toute une

série dechefs et de rois indigènesd'Afrique équatorialeA . près lui,Crampel, au coursde ses
missions en 1888et 1889,apassé ungrandnombre de conventionsde ce genre avecles chefs

indigènesdu bassin du Congo. D'autres accords ont été passésen Afrique occidentale, en

Gambie, dans le Fouta Djalon au Sénégal, notamment en Casamanced ,'autres encoresur la

côte de Somalie. Ces accordsne sont pas des traités internationaux : ce sont des accords
d'ordre interne qui faisaient naître des obligations d'ordre administratif, mais non des

engagementsd'ordre international.Ilsn'ontd'ailleurs pasété publiésdans les recueilsd'actes

diplomatiques.

54"Lerégimelégislatifdepaysdeprotectorat, eme du droitpublic et de la sciencepolitique enFrance età
l'élranger,1939,p. 6. C- Exercice du titre temtorial par la puissance coloniale sur des

protectorats

5.89 On peut considérer que l'une des principales conséquencesde la

souverainetétemtonale est la compétencede 1'Etatdecéder une partie du temtoire surlequel
elle s'exerceà un autre Etat. Commele Tribunal l'a souligné dans l'affaire EythréeA'émen

"[aln essentialcomponent of sovereign title is the right to alienatewsS. n d'autrestermes, la

cession de temtoire reconnue internationalement par un Etat à un autre confirme le titre

souverain de 1'Etatcédant. L'absencede contestationrend la cession irrévocable. Onpeut

doncvérifierle titre temtorial souveraind'un Etat surune région donnée par la cessionvalide

et incontestéedu temtoire en question à un autre Etat.Et il existe, en effet, d'assez nombreux

exemples de telles cessions de parties d'un protectorat colonial à un autre Etat, ce qui

confirme la thèse selon laquelle une puissance détientun titre temtorial souverain sur le
protectorat en question, celui sur lequel la modificationterritoriale s'opère.Tel a étéle cas

notammenten Somalieet au~en~a~~.

5.90 Des lors, à la lumièred'unepratiqueinternationaleconstante,on ne peut

soutenirque le statutde protectoratcolonial ait impliquéque le chef local, dont l'accord passé

avecla puissance colonialemarquaitle débutde l'acquisition,conservaitquelquedroit quece

soit enmatière de souveraineté temtoriale dans le sensque le droit internationaldonneàcette

expression. L'Etat protecteur étaiten mesure d'exercer pleinement sa propre souveraineté
temtoriale sur la zone en question. Comme le conclut Crawford en matièrede protectorats

coloniaux :

"As a result, the protecting State had international hill powers: it was
competent for exarnple, to cede protected temtory without consent and in

breach of theprotectorate agreements"''.

55
Sentence arbitra9, octobre 19, hase1: TerritorialSovereignfyandScopeofDispute,par.147.
56V. le Traiet i'Echangede notesdu 14 mai 1897 et le Tradu 29 novembre1954 entrel'Ethiopieet la
Grande-Bretagnec,itésin 1.Brownlie,Afncan Boundaries,C.H&rCompany,Londres,1979,pp.830et Sou
57cessionduJubalandparlaGrande-Bretagnà l'ItalieparleTradu 15juillet 1924(ibid.,p.943).
Crawford,TheCreationofStatesinIntemaiionalLaw,ClarendonPress,Oxford,1979,p. 200.5.91 Plusieurs conclusions s'imposent :

1. Le processus de colonisationeuropéenne del'Afriques'est fait enpartie

par des acquisitions coloniales directes (que ce soit par conquêteou par cession de
souverainetépar leschefs locaux) et en partiepar la création deprotectorats.

2. La création de protectorats était une pratique reconnue en droit

international, mais sa nature a considérablementvariéselon les régions.La nature etl'étendue
de tels accords dépendaienten grande partie des circonstances dans une situation donnée.

L'utilisation du protectorat colonial, surtouten Afiique, comme instmmentd'acquisition, était

clairement différentedu protectorat classiquecar 1'"Etat"protégé étaitcensé,selon lapratique

de l'époque,en être à un stade de développement moins avancé que la Malaisie ou les Etats
du golfe persique par exemple. Il était clair pour les puissancescolonialesque la création de

protectorats non seulement excluait toute activitéde la part d'autres puissances mais aussi

constituait un système d'acquisition coloniale excluant touteforme de personnalitéjuridique
internationale du temtoire ainsi acquis.

3. L'élémentclédu "protectorat colonial" étaitle postulat de souveraineté

extérieurede 1'Etatprotecteur. Il s'est manifestéde différentesmanières, mais principalement
par l'acquisition et l'exercicede la capacité etde la compétencede céderune partie des

territoires couverts par les protectorats par des traités internationaux,sansaucuneintervention

de la population ou de l'entitéen question.

4. Il n'y avait pas de différencede fond entre le statutde colonie et le statut

de protectorat colonial au regard du droit international.

5. En revanche, il existait des différences entrele statut de colonie et celui

de protectorat colonial dans ledroitnationd aespuissances coloniales. 5 4 - La confusion du Nigériaau sujet des conséquencesinternes
et internationalesdu statut de protectorat

5.92 Le Nigéria tentede transposer leseffets internesdu statut de protectorat

sur la scène internationale. Il attire l'attention sur les différences existant en droit
constitutionnel britannique entre ce statut et celui d'une colonie et cherchà leur faire

produire des effets auplaninternational.

5.93 Dans les protectorats coloniaux,les chefs locaux n'étaient reconnus
comme ayant conservé quelquesouveraineté externeque ce soit, ni en doctrine ni dans la

pratique internationale de l'époque.L'Etat protecteur obtenait dans les circonstances de

l'époqueun titre équivalenten droit internationalà une souverainetétemtoriale pleine et
entièresur sonprotectoratcolonial.

5.94 En outre,la pratique internationale montreclairement que lesprotectorats
coloniaux ont été assimilés à des colonies aux fins de la décolonisationet qu'aucune

distinctionn'a étéfaite entreles deux.Ence qui concernelesprincipes d'autodéterminatioet

de succession d'Etats, les protectorats coloniaux ont été traitésxactement comme des

colonieset aucune règle ouprocédure spécialne'aété appliqué nei mêmesuggérée.Cela a été
le cas pour des temtoires qui étaientdes protectorats (comme la Sierra Leone) et des

temtoires qui étaientun "mélange"de protectoratset de colonies (tels que le Kenya ou le

Nigéria).

5.95 Cela ne signifie pas que le statut interne de tels protectorats était

identique à celui des colonies au regard du droit constitutionnel de 1'Etatprotecteur. En

Grande-Bretagne,il existait une distinction claàrdes fins internes,entre les colonies et les
protectorats: les premières étaient considérée comme faisant partie des dominions de la

Couronneet possédaient doncdespouvoirs privilégiés ; les secondsétaient régsar une série

de Foreign Jurisdiction Acts (de 1843 à 1913,la loi de 1890étantla plus importante). Ces
lois ont étadoptées en raison dedoutes exprimés au sujet de l'étenduedes prérogatives dela

Couronne. La première deces lois, adoptéeen 1843, concerne les pouvoirs accordésaux

consuls dans l'Empire ottoman.Ultérieurement,ces lois ont été appliquéesaux protectorats. Le droit britannique faisait évidemmentla distinction entre Etats protégés et protectorats

coloniaux.

5.96 La différence de statut des divers temtoires dépendants en droit

constitutionnel britannique aétédécritepa Wr ight:

"Coloniesaredependenciesthathave been annexed by the Crown. They are
thus partofthe King'sdominions,and their inhabitantsare British subjets.
"(...)legally,a protectorateis a dependency that has not been annexed: it is

not part of the dominions of the Crown and its inhabitants are not Bntish
subjects.(...)
"Colonial protectorates may be described as dependencies which
arecolonies in everything but legal status. Their administration is that of
crown colony governement; in many cases they are administered as one
with a contiguous colony; the only difference is that their administration

derives probably kom the Foreign Jurisdiction Act instead of from the
prerogative, the British Settlements Act, or the other sources that have
alreadybeen menti~ned"~'.

5.97 Techniquement, les protectorats étaient, en Afnque, différents des

colonies au plan intemational dans la mesure où l'obligation d'occupation effective neleur

était pas applicable, ce qui présentait des avantages financiers. Au plan interne les
conséquences concernaientsurtout la qualitéde citoyen. Lugard présente les chosescomme

suit :

"A Crown colony is annexed temtory, and an integral part of the King's
dominions, acquiredeitherby conquest, settlement, or cession, and since al1
inhabitantsbom in it have the status of Bntish subjects, herein appeared to
reside the chiefdistinctionbetween it and a protectorate"59.

5.98 Les habitants des protectorats n'étaient pas sujets britanniques mais

étaient placéssous protection britannique ("British protected persons"). Toutefois, les
Foreign Jurisdiction Acts, particulièrementcelui de 1890, avaient pour effet la confirmation

de l'exercice de la compétencede la Couronne dans un protectorat, comme si ce protectorat

était une colonie. Les pouvoirs de l'exécutif colonialdans un protectorat étaient ainsi

assimilés aux pouvoirspouvant être exercés dans une colonieN . i la validitédes Foreign
Jurisdiction Acts ni I'exercice des pouvoirs qui en découlent n'ont étéassujettis au

58Britishcolonial Constitutions1947,ClarenPress,Oxford,1952,pp.5,7 et8.
59TheDualMandateinBritish TropicaAl fnca,FrankCass,Londres,5cmeéd.,1965,p.36.consentement d'un des chefs locaux constituant l'entitéou le groupe protégé. Dans cette

mesure, la souveraineté interneest passée entièrement à la puissance coloniale et ceci est

confirmépar les modificationset les changementsde statut qui se sont produits dansnombre

de temtoires.

5.99 Les pouvoirs de l'autorité colonialeen matière d'exercice de sa

compétence surle protectorat étaientassimilés àceux pouvantêtreexercésdans une colonie.

Les obligationsqui en découlentpour lapopulation localedifféraientpeu entreunprotectorat

et une colonie. La Grande-Bretagne bénéficiait dans ses colonies, au plan constitutionnel
interne,d'un statutde souveraintemtorial alors que, dans unprotectorat, ellerestait puissance

protectrice. Une conséquence importanteen est que les habitantsdu temtoire ne devenaient

pas sujetsbritanniques.

5.100 En conclusion, la différenciation destatut n'étaitimportante au plan
internationalqu'ence qui concerne l'exigence d'occupation effectiveet, au plan interne,ence

qui concerne lacitoyenneté ou, par exemple,la levéedes capitaux sur le marché.Toutefois,

de tels facteurs n'empêchaient nullementla puissance coloniale de conclure des traités

internationaux avec d'autres Etats afin de modifier les frontières de ces temtoires, pas

davantagequ'ilsn'ontempêché la puissance colonialede modifierles frontièresinternesou le
statut même dela région.Il est du reste arrivéque la Grande-Bretagne transforme des

protectoratsen colonies,notamment au Kenyaet au Bechuanaland.Anene en a conclu àjuste

titre que:

"The niceties of the legal distinction betweenannexations and protectorates
were whittled down to a point where any distinction ceased to have any
practicalmeaning" 60.

§5- L'erreur nigériane sur la nature des "protectorats" en
l'espèce

5.101 Dans son contre-mémoire,le Nigériaa décrit l'histoire del'évolution

internede la région concernée (CMN,vol. 1,pp. 111-117,par.6.66).

5.102 Le protectorat britannique des districts du Niger a été crée én 1885,

unifiant lesrégionscouvertespar lestraitésde protection, de Lagosjusqu'au Rio del Rey. En

M
Southem Nigeriain Transition1885-19:TheoryandPractice ina ColonialProtectorate.University Press,
Cambridge,1966,p. 112.

2721887, ce protectorat a été élargi pour couvrirles zones de Bas Niger administréespar la

"Royal Niger Company" (CMN, vol. VI, annexe 85).Unepartie au moins de cette zone est
devenue le protectorat des "Oil Rivers" (CMN, vol. VI, annexe 86). En 1893, le protectorat

des "Oil Rivers", partie du protectorat britannique des districts du Niger, est devenu le

protectorat de la "Niger Coast" (CMN, vol. VI, annexe87) et, en janvier 1900,des temtoires

sous administration de la "Royal Niger Company" situésdans une zone spécifiée ontété
constituésen Nigériadu nord pendant que d'autres temtoires, administréspar la "Royal Niger

Company", étaient ajoutés au protectorat de la "Niger Coast" pour constituerle protectorat du

Nigénaméridional (CMN,vol. VI, annexe 88).

5.103 En 1906, la Colony of Lagos a pris le nom de Colony of Southern

Nigeria, alors que la région duLagos protectorate était fusionnéeavec le Southern Nigeria

Protectorate (CM, vol. IV, annexe 37), tandis qu'en 1911, certaines fonctions exercées
dans la Colony ofLagos et dans le Southern NigeriaProtectorate étaient combinées (CMN,

vol. V, annexe 44). En 1914,lesProtectorates ofSouthern Nigeria et duNorthern Nigeriaont

étéréuniset le temtoire a pris le nom de Colony and Protectorate of Nigeria. C'est cette

entitéqui a accédéà l'indépendanceen 1960.

5.104 En d'autres termes, durant la période critique,le temtoire couvert par le

protectorat du 10 septembre 1884 a étéfusionné avecd'autres régionset la configuration
temtonale des protectorats de la région a changet a étéremodelée, sansqu'onéprouveni le

besoin ni la nécessitéde consulter fût-ce un seul deschefs des tribus concernées.La pratique,

en ce qui concerne le Nigéna,est remarquablementconstante. Elle confirme que la puissance

coloniale étaià mêmede modifier, comme elle l'entendait,l'emprisetemtonale des différents
protectorats concernés. Cela montre aussi que la définitiontemtoriale du Nigéria,tel qu'il a

accédé à l'indépendance, aétéréaliséepar la Grande-Bretagne sur la base de changements

apportés aux structures territoriales des protectorats concernés. Le Cameroun n'a pas

connaissance de quelque objection que ce soit a l'encontre de ce processus, fondéesur les
accords de protectorat originels.

5.105 Mêmeen ce qui concerne la "souverainetéinterne" (infernalsovereignty)
de tels protectorats, la pratique établitque la puissance coloniale au Nigériane se sentaitpas

tenue, que ce soit conformément aux accords de protectorats ou pour une autre raison, dedemander le consentement ou l'accord deses interlocuteurs antérieurssur les nombreux
changementsqui sont intervenus.

5.106 Le Nigéria nonseulementignore les conséquences juridiques de telles

pratiques mais ne tire pas les conclusionsnécessaide sespropresthèses.Le Nigéria est né
de la consolidation de la colonie de Lagos et d'un grand nombrede protectorats. Dans de

nombreux cas, comme pour Bakassi, les frontières du Nigéna sont issues de traités

internationaux passésavec d'autres puissancescoloniales aprèsla créationde protectorats, et

en dehors de touteconsultation ultérieuredes intéressés.

5.107 Dans la régionde la frontièreoccidentaleduNigéria,la Grande-Bretagne

et la France, dans les années 1880,à partir de leurs bases respectives situéesa Lagos àt
Porto Novo (Dahomey), ont commencéa signerdes traités de protection. En particulierd,es

protectorats ont ététablissur Katanu et Appa,intégrés au protectorat de Lagos. Toutefois,

l'effet du Traité de1889 avec la France et la délimitationdes sphères d'influence respectives

des deux Etats ont fait passer Katanu et Appa dans la sphère française.Les populations
concernées, anciennement sous protectionbritannique, se sont vus garantir la protection

fiançaise, ainsi que le roi de Porto Novo, et les temtoires d'Appa et de Porto Novo ont été

divisésentre la Grande-Bretagne etla rance^ '.es Traités franco-anglais du 14juin 1898 et

du 19 octobre 1906ont confirmé lesfrontièrestracées. UnEchangede notes ultérieuren date
du 18février1914a amendé lalignede 1906surcertains pointsdedétail.

5.108 En ce qui concerne la frontièreseptentrionale duNigériaavec le Niger,

un processus similaire de délimitation de frontières, principalement sur la base de
négociationsanglo-françaises,a étésuivi sanstenir aucun compte des accords locaux62.En

1885, un traité signavec les sultans descapitalesjumelles des Fulani (Sokoto etwandu)

reposait le problèmedes estimations assez exagéréed se l'étenduede l'empire Fulani. Ces
estimations ont étéfaites dansdes traitésdontla conclusion aétobtenue par l'agent général

de la Royal Niger Companyen 1894. En 1890,laGrande-Bretagneet la France ont établila

ligne Say-Bma qui avait, entre autres,pour objet d'assurer que la sphère d'action de la

Niger Companyincluait l'ensemble duroyaumede Sokoto.

J.C .nene, TheInremarionalBoundariesofNigena, 1885-1960,Longman,Londres,1970,p. 184.
6Ibid., chapitre7.5.109 Le Traitédu 14juin 1898,entre la Grande-Bretagne et la France opérait

une division dans les provinces nord de Sokoto. En 1900, le protectorat du Nigéria

septentrional a étécréé.La frontièrede 1898 a été modifiéd ee façon substantielle par le
Traité anglo-françaisdu 8avril 1904,faisant passerles régions au nord etàl'ouestde Sokoto

ainsi qu'une partie dulac Tchad, de la Grande-Bretagne à la colonie française du Tchad.

Lugard anotéque :

"The Emir of Sokoto feltdeeply the loss of the temtory ceded to France,
which had beenassuredto himby the government when he accepted British
protection"63

5.110 On a débattudu point desavoir sices régions étaient soulse contrôle de

Sokoto.Le faitest que la Grande-Bretagnene s'estpas considérée incompétentepour conclure

le Traité frontalierde 1904 avec la France et céderdes temtoires sous sa protection, pas
davantage qu'ellene s'estsentieobligéed'obtenirle consentementdes chefs, sultans ou émirs

concernés.

5.111 Si elle venait à êtreconsacrée, lacontestation par le Nigéria de
l'appartenancede Bakassi au Cameroun, quirésulted'un accord international,le Traité du11

mars 1913,au motif que celui-cin'estpas cohérentavec des traitésde protectorat antérieurs,

fragiliseraittoutes les autresfrontièresduNigéria.L'argument avancédans le contre-mémoire

du Nigériaaurait pour conséquence la remise en cause de la frontièreBénin-Nigéria ou de la

frontièreNiger-Nigéria.L'approcheadoptéepar le Nigéria, non seulement irait à l'encontre
des principes du droit international,mais pourrait déstabiliser l'ensemble dela région,sans

parler des répercussionspossibles sur le reste de l'Afrique si une telle doctrine devait

s'appliquer au continent. La thèse du Nigéria n'est pas seulement erronée; elle est

dangereuse.

Section 3 : LESTRAITES ANGLO-ALLEMANDS DE 1913

5.112 Dans son contre-mémoire,le Nigéria soulève une sériede questions

concernant lesdeux Traitésanglo-allemandsde 1913qui délimitent"from Yola to the sea" et

démarquent "fromYola [et notammentde la borne frontière641 to the Cross River [borne

frontière1141"le tronçon situéleplus au sudde la frontière terrestre séparanlte Cameroun du

Lord Lugard,ColonialReports,Annunl,NorthernNigeria,citéinJ.C.Anene, TheInternationalBoundariesof
Nigeria1885-1960,Longman,Londres,1970,p.281.Nigéria(v. MC, Livre ilI,annexes 82 et 86 ;CMN, vol. n, pp. 499 et S.,pars. 18.52etS.et
pp. 548 et S.,pars. 19.85 et s). Le Nigériaaccepte que ces traités soient contraignan"in

principle". Néanmoins, lesarguments qu'ilprésentevisent à priver ces instruments de leur

effetjuridique (ou tout aumoinsàle réduire).Cetteremarques'appliqueplus particulièrement

à latentativeconsistanà exclure lapresqu'îlede Bakassidu champ d'application du Traitdu
11 mars 1913. Or, les dispositions des Traitésanglo-allemands de 1913 sont toujours

juridiquementcontraignantespour la déterminationde tout le tracé dela ligne frontalièreen

questiondanslesecteur delapresqu'île deBakassi.

1- La conclusion du Traité anglo-allemand du 11 mars 1913et

de L'Accorddu 12avril 1913

5.113 Le Traité anglo-allemanddu 11mars 1913 délimitela partie méridionale

de la frontièreterrestre entrele Cameroun et le Nigéria,tandis que l'Accord du 12 avril de la

même année effectue une démarcation entre les deux pays en ce qui concerne la partie de

l'anciennefrontière anglo-allemande situéau nord de la Cross River. Il y a accord entreles
Parties sur diverses questionsjuridiques relatives aux instruments susmentionnés(v. supra,

chapitre2, section 2).Mais il ressort du contre-mémoidu Nigéria quesur certains points,en

particulier ence qui conceme la question de la souverainetésur la presqu'île de Bakassi, les
Partiesont des vues radicalementopposées.

5.114 Le premier point d'accord concerne l'existence, dans l'Accord de

démarcationdu 12 avril 1913,d'une démarcation de la frontièrecommune à partir du point
auquella lignemédiane dela Gamana River rencontreune ligne qui relie les bornes frontière

64 et65 vers le sud "to Pillar 114at a bend inthe crossRiver about2 '/zmiles up-stream from

Obokumon the north bankof this River" (MC,Livre Ei, annexe 87).Lapartie de la frontière

ainsidéfiniecomprend le secteur situé entrlees lettresF et G sur la carteno 55 de l'atlasjoint
au contre-mémoiredu Nigéria.Cependant, les bornes frontièrementionnéesne servent pas

seulement"[to]help to delimitthe Nigeria-Cameroonboundary", comme l'affirme le Nigéria

(CMN,vol. II,pp. 538-539, par. 19.59).Ellesreprésententla ligne frontalière en vigueurtelle
qu'elle a étédémarquée surle terrain par la Commission frontalièreanglo-allemande de

191211913 dirigéeparNugent et Detzner. Lorsd'une expéditionde reconnaissanceentreprise

en 1965par l'antennede Yaoundéde l'Institutgéographiquenationalde Paris, il a étévérifié que pratiquement toutes ces bornes frontièresétaientencore en place (v. supra, chapitre 4,

par. 4.66).

5.115 La raison pour laquelle en 191211913cette démarcation n'a pas été
poursuivie plus avant verslesud est expliquéepar leNigéria dans les termessuivants :

"the two Governments did so because in their view the portion of the
boundary between the Cross River and the sea had been marked with
boundarypillars by the Boundary Commission which had operated in 1905-
1906"(CMN,vol. 1,p. 173,par. 8.62).

La partie méridionalede cette démarcationse traduit par les bomes frontière érigées sulra

rive nord de I'AkpakorumRiver, dont la frontière suit le cours jusqu'à la mer. Ainsi, une
démarcationcomplètede la frontièredela CrossRiverjusqu'à lamer est réalisée.
l

l
l 5.116 Cette situation topographique doit être priseen considération : il s'agit
d'une ligne frontière suivant lecours d'un fleuve et débouchant dansl'estuaire de la Cross

River. Aucune conclusionnepeut être tiréd eu fait que

"the pillars erected dunng that demarcation involved the erection of no
pillars inthe Bakassi area, the southernmostpillar being erected on the nght
bank of the Akpakomm River, some 60 kilometres North of Bakassi Point
and some 25 kilometres North of the waterfall that intempts navigation on
theAkpaYafe" (CMN,vol. 1,pp. 173-174,par. 8.62).

Il convient de rappeler (v. MC, p. 485,par. 4.416), toujours dans ce contexte, la remarque de

S. B. Jones :
"Boundanes not naturally markedare usually made visible by the erection

of stones,signs,beacons, pillars,or monuments"".

l La frontièreétantdéfiniepar desrepères naturels(le cours de I'Akpakorum/Akwayaféjusqu'à

l'estuaire dela Cross River),il n'est pas nécessairede disposer de signes frontaliers artificiels

quels qu'ils soient.

5.117 LeCamerounn'a pas connaissancede quelque précédenq t uece soit dans

l l'histoire de la démarcationfrontièreselon lequel l'érectionde bomes dans le lit d'une rivière
îrontière aurait été requise. Dans une telle hypothèse,on se réfêre à des principes reconnus
l
comme celui du thalweg ou de la ligne médianeou à la description conventionnelle etlou

Handbook onBoundary-Making J,ohnson,rééditin,ewYorknondres,1971,p.201 ;italiquesajoutés.

l

277cartographique qui règle les questions d'attribution d'îles éventuelles dansla rivière

concernée. Toutes ces méthodes traditionnelles ont étéutilisées dans les instruments
juridiques applicablesen la présente espèceD. e plus, il fautrappeler qu'en limitant latâchede

la Commission Nugenmetzner au secteur de la frontière au nord de la Cross River, les

Britanniqueset les Allemands étaientmus par une commune conviction que le cours entier de
la frontièreau sud de ce point jusqu'à la mer avait déjàfait l'objet d'une démarcationen

1905-1906. Ainsi, dans une lettre en date du 16juillet 1912, le Foreign Officebritannique

précise :

"It is of course understood that the boundary to be demarcated is that
between Yola and the Cross River only, as the portion between the Cross
River and the Sea was marked with boundary pillars by the Commission
which operated in 1905-6" (MC, Livre III, annexe 76 ; italiques ajoutés).

Dans sa réponse,du 16 août 1912, l'ambassade d'Allemagne à Londres fait part de son

accord
"The Imperia1Govemment agree with the view of the British Govermnent

that the delimitation should on& extend to the section from Yola to the
Cross River, as thesouthernsection is alreadyfurnished withposts" (MC,
Livre III,annexe 77 ; italiquesajoutés).

5.118 En second lieu, le Cameroun et le Nigéria semblent s'accorder sur les

raisons pour lesquelles une telle démarcationa été effectuée avanlta conclusion du traitéde
délimitation correspondant, c'est-à-dire du Traitéanglo-allemand signéle 11 mars 1913.A

cet égard,le Cameroun n'a rien à ajouter aux explications duNigéria selonlesquelles, depuis

1901(c'est-à-direla date del'AccordMoor-Puttkamer non ratifié),
"the common assumption [was] that the adjusted boundary to be agreed

would begin in the South in the Cross River estuary and follow the lower
course of the AkpaYafe, i.e. still putting Bakassi on the German sideof the
line" (CMN, vol. 1,pp. 147-148,par. 8.8).

5.119 Les Parties sont en outre d'accord pour considérer qu'avant 1913,il
n'existait pas d'instrument conventionnel allouant la presqu'île de Bakassi au Cameroun

allemand d'une façon juridiquement contraignante. Le Cameroun n'a jamais soutenu le

contraire et l'impression que le Nigériaessaie aujourd'hui de créeà cet égardest fallacieuse

(CMN,vol. I,pp. 152-153,~~. 8.16).

5.120 En revanche, le Cameroun réaffirmesa position selon laquelle au moins

depuis 1901, la Grande-Bretagne et l'Allemagne ont partagé le pointde vue selon lequel letracéde la frontièrede faitsuivait précisément la ligne qui a finalementété confirméepalr es
Accords de 1913.En ce qui concerne l'appartenancede la presqu'île deBakassiau Cameroun

allemand, les dispositions frontalièresde 1913 n'ont crééaucune surprise. Au contraire, les

deux Parties avaient déjàaccepté,dans les faits, ces dispositions depuis plus d'une décennie.

Il est curieux que le Nigéna,d'une part, critique ce point de vue comme étant"without any
legal foundation" (CMN, vol. 1,p. 153,par. 8.16)alors que, d'autre part, il semblepartager le

point de vue du Cameroun sur cette caractéristique essentiellede l'origineet de l'histoire dela

rédactiondes Traités de 1913. Que les Partiesaient déjà accepté ce tracéde lafrontièrebien

avant sa consécrationfinale sous la forme d'un traité ressortnon seulement de la citation
susmentionnée tiréedu paragraphe 8.8 du contre-mémoire nigérianm , ais aussi dela position

du Nigériasur les conséquences de l'Accord (non approuvé) du6 octobre 1909. Ainsi, en

insistant particulièrement sur la délimitation dansla régionde Bakassi, le Nigériaaffirme

correctement :
"It is apparent that this part of theboundary was delimitedin terms virtually
identical with those of the equivalent provisions of the (non-approved)

Agreement of 6 October 1909. Thus although that Agreement was not
approved by the two Governments at that time, its substance was in this
respect eventually approved by them in concluding the Treaty of 11March
1913. This is borne out by Article XXX of the March 1913 Treaty, which
confirmecithe maps signed (but not approved [. .]) on 6 October 1909by
the British and German delegates, and treated them as an integralpart of the
1913Treaty" (CMN, vol. 1,pp. 155-156,par. 8.23).

Il n'est pas concevable que les travaux de démarcationtrèscoûteux et difficiles- y comprisla

pose de plus de 100 bornes frontièredans des secteurstrès éloignés eq tuasiment inaccessibles

- aient étémenéssans que les deux Parties fussentconvaincues que la ligne ainsi démarquée

étaitbien la ligne frontière,même en l'absence de confirmation définitivepar untraitéformel.

5.121 Le Cameroun a déjà exposéde façon détaillée etsur la base d'une

documentation abondante (v. MC, pp. 450 et S.,pars. 4.292 et S.)que le retard pris par cette
confirmation finale n'avait rien àvoir avec quelque désaccord que cesoit sur le tracéde la

frontière elle-même. ilétaitdû à une controverse sur certaines questions économiques,en

particulier au sujet de l'étendueet des conditions de la libertéde navigation sur la Cross

River. La Républiquedu Cameroun considèreque le fait que, pendant plus de dix ans avant
l'entréeen vigueur du traité fixant définitivement le tracéde la frontièreet réglantdu même

coup la question de la souverainetésur la presqu'îlede Bakassi, cette zone était considérpearles Parties impliquéescomme étantdéjàplacéedefait sous domination allemande, ne peut

êtredénué de toutesignificationjuridique.

5.122 On notera en passant qu'aucuneobjectionn'a jamais étéformuléecontre

cet état defaitau nom des "Rois et Chefs d'OldCalabar", que ce soit avant ou après 1913, à

supposer qu'unetelle entitéaitjamais existé.

5.123 Le Cameroun et le Nigériasont égalementd'accord sur le fait que les

deux Traités,aprèsavoir fait l'objet d'une ratificationen bonne et due forme par les Parties

contractantes, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, sontentrésen vigueur avant qu'éclatela
Première Guerremondiale. Le Traitédu 11mars 1913 est entréen vigueur à la signature (v.

MC, pp. 448-449,pars. 4.286-4.287 et les référencec sitées,et CMN, vol. 1,pp. 177-180,par.

9.3) alors que l'Accord de démarcation du 12 avril 1913 est devenu juridiquement

contraignant pour les Parties par un Echangedenotes en date du 6juillet 1914(v. CMN, vol.

1,pp. 172-173,par. 8.60, qui comporte des référencep slus détaillées,t CMN, vol. II,p. 497,
par. 18.47).

5.124 Enfin, le Nigérian'a pas revendiquél'existence de quelque instrument
juridiquement obligatoire que ce soit, plus tardif,qui aurait pu supplanter les dispositions des

Accords de 1913,en particulier celles du Traitédu 11mars 1913concernant la délimitation

dans la régionde Bakassi. Ceci confirme la position du Cameroun selon laquelle la ligne

frontièreétablieparl'instrument de mars 1913,qui couvre la frontièrecommune au sud de la
Garnana jusqu'à l'estuaire de la Cross River, estdemeuréejuridiquement inchangéependant

plus de 85 ans et a ainsi répondu auxattentesde ses rédacteursen devenant un "definitive

settlemen f".

5.125 Le litige entre le Camerounet le Nigénaconcernant la souverainetésur
la presqu'iledeBakassi peut serésumer àdeuxpoints essentiels :

- premièrement, le Nigéna soutient que, conformément au

principe nemodarquod nonhabet, la partie de l'article 18du Traitéde mars 1913relative a la
délimitationde la frontière dans la régionde Bakassi n'a pas d'effet juridique. La substance

de cette affirmation a déjàété réfutéeailleursdans cette réplique(v. supra, chapitre 2, pars.

2.24 et S.et chapitre 5, pars. 5.19 et S.).Il y sàrnouveau faitréférence ci-aprèà s seule finde démontrer les conséquences illogiquesqu'elle entraînerait du point de vue du droit des
traités.

- deuxièmement, le Nigéria affirme que le Traité du 11mars 1913

est lui-même devenucaduc en vertu de l'article 289 du Traité de Versailles. Toutefois, il

l'affirme sans contester la permanencede la validité dela ligne frontièreen tant que telle,
l'exception de la question de la souverainetésur la presqu'îlede Bakassi.

§ 2 - L'absence d'effetjuridique du Traitéde Versailles du 28
juin 1919sur le Traité anglo-allemanddu 11mars 1913

5.126 Dans son contre-mémoire,le Nigéna soutient que le Traité du 11 mars

1913est
"lapsed as a resultof theFirst World War"

et invoque l'argument suivant :

"Article 289of the Treaty of Versailles provided for the revival of pre-war
bilateraltreaties concluded by Gemany on notification to Germany by the
other party. However, GreatBritain took no steps to revive theMarch 1913
Treaty. In the terminology of Article 289 it was and remained abrogated.

Cameroon did not therefore succeed to the Treaty itself' (CMN, vol. 1,
p.170, par. 8.53).

5.127 Cette argumentationn'est pas fondée.Elle passe sous silence le fait que
le traitéfrontière enjeu dans la présenteaffairene peut entrer dans le champ d'application de

l'article 289 du Traitéde Versailles du 28 juin 1919. Toute autre solution constituerait une

interprétation erronée de cettedisposition en elle-même,mais encore reviendrait à nier les
effets juridiques découlantde la perte de ses colonies par l'Allemagne en vertu du même

Traité.Enfin, l'argument du Nigériane peut être conciliéavec les règles relatives a la

succession d'Etats aux instmmentsjuridiques ayant une portéeterritoriale, en particulier les

traités fixant une frontière.

A- Le sens et la portéede l'article 289 du Traitéde Versailles du 28
juin 1919

5.128 Il est significatif que le contre-mémoirene reproduit que pour partie

l'article 289 du Traité deVersailles,à savoir la disposition sur laquelle le Nigériase fondepour parlerd'une "abrogation" du Traitéanglo-allemanddu 11 mars 1913. L'article complet

dispose :
"Chacune des Puissances alliéesou associées, s'inspirant desprincipes
générauxou des stipulations particulières du présent Traitén ,otifiera a

l'Allemagne les conventions bilatérales oules traitésbilatéraux, dontelle
exigerala remise envigueur avecelle.

"La notificationprévueauprésentarticle sera faite,soit directement, soitpar
l'entremise d'une autrePuissance. Il en sera accuséréceptionpar écritpar
l'Allemagne ;la date de laremiseen vigueur seracellede la notification.

"Les Puissances alliéesou associées s'engagent entreellesa ne remettre en
vigueur avec l'Allemagne queles conventions ou traités quisont conformes
aux stipulationsdu présentTraité.

"La notification mentionnera éventuellementcelles des dispositions de ces
conventionsou traitésqui,n'étant pas conformes aux stipulations duprésent

Traité, ne serontpas considérées comme remises en vigueur. En cas de
divergenced'avis, la SociétédesNations seraappelée Aseprononcer.

"Un délaide six mois, qui courra depuis la mise,en vigueur du présent
Traité,est imparti aux Puissances alliéesou associées pour procéder à la
notification.

"Les conventions bilatérales ettraités bilatéraux,qui auront fait l'objet
d'une telle notification,seront seuls remis en vigueur entre les Puissances
alliéesou associéeset l'Allemagne; tous les autres sont et demeureront
abrogés.

"Les règles ci-dessussontapplicables àtoutes les conventions bilatéraleou

traités bilatéraux existant entre toutesles Puissances alliéeset associées
signataires au présentTraité etl'Allemagne, mêmesi lesdites Puissances
alliéeset associéesn'ontpas été en étadte guerreavecelle".

5.129 Le Nigériasemble vouloir faire croire que le régime ainsi établipar
l'article289 duTraitéde Versailles devait êtreapplicableà tous lestraitésbilatérauxconclus

entre l'Allemagneet les Puissances alliéeset associées.Cette lecturerepose toutefois surune

interprétatiosuperficielleetpurement littéraledu paragraphe 7 de l'article289 lu hors deson

contexte.

5.130 Etant donné le contexte de I'article 289, sa position dans la structure

systématique duTraité, l'historiquede sa rédaction,l'objet et le but qu'ilpoursàila lumière
du Traitédans son ensemble, l'interprétation donnéepar le Nigériaest insoutenable. Si ces

facteurssontpris en considération,ils conduisent àl'évidencea un résultat opposé. A suivrelesvues du Nigéna,I'article 289 incluraitdans son champd'application lestraités réalisanlta

délimitationdes anciennes colonies allemandes. Il n'ajamais étésérieusementavancéque le

Traité anglo-allemandde 1913 ou que tout autre traité ayant un contenu similaire entraient

dans le champ d'application de I'article 289 du Traitéde Versailles. Récemment, dans

l'affaire concernant l'lle de Kasikili/Sedudu (BotswanaBVamibie),le Traitéanglo-allemanddu
le'juillet 1890 a constituéle fondement sur la base duquel le compromis entre les Parties

pnait la Cour de délimiterun secteur frontalier entre les deux Etats en litige, respectivement

anciennescolonies de la Grande-Bretagne et de 1'~llemagne~~.

5.131 Alors que cette affaire a donnélieu à une analyse fouilléede toutes les

facettes imaginables de cet instrument juidique antérieur à la Première Guerre mondiale,
aucunedes Parties n'a évoqué un effet possible du Traitéde Versailles sur lavaliditéjuridique

du Traité anglo-allemanddejuillet 1890,ni, afortiori, cherché à en tirer parti. Dans son arrêt

du 13 décembre 1999,la Cour n'a pas hésité à considérercet instnunent juridique comme

créateur de droits et d'obligations juridiques entrele Botswana et la Namibie, deux Etats

également successeurs des anciennes puissances coloniales qu'étaient l'Allemagne et la

Grande-Bretagne.

5.132 L'analyse de la teneur juridique de l'article 289 du Traité deVersailles

conduit aux conclusions suivantes.

5.133 Le Traité depaix de Versailles, composéde 440 articles et d'annexes
dont certaines sont fort longues, règle de manière exhaustive de nombreuses questions

juridiques et politiques en suspens entre l'Allemagne etles Puissances alliéeset associéesau

lendemain de la Première Guerre mondiale. Le Traité comprend,inter alia, des dispositions

portant sur les frontières de l'Allemagne (partie II), des "clauses politiques européennes"

(partie III), d'autres concernant les droits et intérêts allemandh sors de l'Allemagne (partie

N), des clauses économiques (partie X) et règlenombre d'autres questions. Chacunede ces
parties a été préparée pu ane commission distincte de la Conférence pourla paix au sein de

laquelle les grandes puissances étaitreprésentées par des experts compétents su lesdifférents

sujets.

65
V. l'article 1" de l'Accord spécial sig15lfévrier 1996 et entréen vigueur le 15 mai 1996, notifié
conjointementà la Cour le 29 mai 1996, qui énon:"La Cour est priéede déterminer, surla base du Traité
anglo-allemanddu le'juillet 1890 et des règleset principes du droit international, la frontière entrela Namibieet
le Botswana autour de'île de KasikiliISeduduainsi que le statutjuridique de cette île".

2835.134 L'article 289,la dispositioninvoquéepar le Nigéna,figure dans la partie

X du Traité,à savoir parmi les "clauses économiques" du Traité. Ces clauses économiques
ont étéélaborées parme commission spéciale dontle programmede travail avaitété préparé

le 27 janvier 1919 par un comitéde rédaction économique C.e programme, accepté sans

modification par le Conseil des Dix, prévoyaitl'ordredujour suivant pour les travaux dela

commissionsur la question à traiter en l'occurren:e
"V. ABROGATION ORREVIVALOFECONOMICTREATIES

"To consider what Treaties and Conventionsof an economic character to
which enemy States were parties should be revived or abrogated
respectively.

"(ünder this heading will be considered, amongothers, the Conventions
relatingto Industrial Property,Copyright,Posts and Telegraphs,etc.)"66.

5.135 Il n'entre pas dans les intentions du Cameroun de rappeler en détail

l'historique complexede la rédaction desclauses régissantle statut d'après-guerredes
conventions et traités multilatéraux ebtilatéraux.l n'est pas nécessaire degloser sur le

contexte économiqueet politique de ces dispositions.Il suffit de rappeler que la partiX,

section II, du Traité de Versailles, entendait apporter une réponse aux questionsfort

complexes poséespar la fin des mesures prisesdurantla guerre interdisantle commerceavec

l'ennemi et la reprise des échangeséconomiquesavec l'Allemagne. Comme l'écritLord
McNair,

"[tlhere is probably no branch ofthe life of a nation that is more dislocated
by war thanits commerce"67.

5.136 C'est ainsi que la commissionet ses sous-comités avaient pourmission

spécifiquede traiter du démantèlement etdu rétablissement des aspects économiquee st

commerciauxdes relations internationalesdurantlapériode d'après-guerre. Telle étalitseule

fonction qu'ils étaient appelésa remplir. L'objet même des dispositions élaborép ear la
commission économique et les instancessubordonnéesétait d'élaborer, danu sn contexte

historique et politique spécifique,une réponsepragmatiquemais faisant autoritàla question

66H.M.V.Temperley(ed.),A History of thePeace Conferenceof Paris, vol. V, Henry Frowdea&d Hodder
Stoughton, Londr, 921,p. 53.
6TheLawof Treaties,ClarendonPress, Oxford, , .718.de l'effet de la guerre sur les traitéscommerciaux, questionsur laquelle la doctrine et la

pratique desEtats étaient divisées l'époque68.

5.137 Personne n'ajamais soutenuque des traitéstels que le traité de frontière

en cause dans la présente affaire, seraient affectéspar une guerre. Lord Mc Nair est
catégoriquesurce point :

"nghts of a permanentcharacter, connected withsovereignty andstatus and
temtory, such as (...)a boundary treaty (...)are not affected by the

outbreak ofwar betweenthecontractingparties"69.

Ildonne l'exemplesuivant :

"Thus it was not considerednecessary when framing the Peace Treaty of
Versailles (..) even tomention theAnglo-GermanTreaty of 1 July 1890,
which provided interalia forthe cessionof Heligoland by Great Britain to
Germany, and for certainmutual adjustements of the boundaries of the
Afican spheresof influence ofthesetwo~owers"~~.

5.138 Dans une étudeantérieure, le même auteur étaid téjàarrivé à la même

conclusion :

"Personne ne soutiendraitnonplus que la Guerrede 1914entre l'Allemagne
et la Grande-Bretagnea abrogéle Traitéanglo-allemandde 1890"~'.

Mutatis mutandisceci s'appliqueauTraitédu 11mars 1913entrelesdeux mêmes puissances.

5.139 Ainsi la questionde l'effetde la guerresur la catégoriede traitésdont il

est question dans la présente affaire n'étaitaucunement teintée de l'incertitude qui

compliquaitlaquestion des effetsduTraitédeVersaillessurlestraitésde commerce. Deplus,
les déclarations précitées nleaissent aucune espècede doute :personne n'a jamais songé à

soumettre des traités frontièrou d'autres traitéde nature temtonale au régime juridique de

l'article 289 du Traitéde Versailles, destinéàétablir les conditions permettant à certains

traitésantérieursà la guerre d'êtreéventuellementremis en vigueur. En l'absence de toute

"abrogation" due au déclenchementde la guerre(ce qui étaitconforme à l'opinion juridique

unanime de l'époque),ce régime juridiquene s'appliquaitpas auxtraités frontière.

68 V.ibid .,718 et S.; McNair mentionne en la divergence de points de vue juridiques des
Britanniques etdes Américains sur cette question,p. 719,note4.
69Ibid ..705.
'OIbid .p,705-706.5.140 La position des principales Puissances alliées sur la question du

traitement des traités commerciaud'avant-guerreet les principesà suivre pour un règlement

pacifique futur avaient déjà étéformulés dans les Recommandations de la Conférence

économique des Alliésqui s'était tenueParis du 14 au 17juin 1916. Elles énonçaient, entre

autres:
"Constatant que la guerre a mis finà tous les traitésde commerce qui les

liaient aux Puissances ennemies, et considérantqu'il est d'un intérêt que,
pendant lapériodede reconstitutionéconomique qui suivrala cessation des
hostilités,la liberté d'aucun des Alliése soit gênéepar la prétentionque
pourraient émettre les Puissances ennemiesde réclamerle traitement de la
nation la plus favorisée,les Alliésconviennent que le bénéfice de ce

traitement ne pourra êtreaccordé à ces puissances pendant un nombre
d'annéesqui sera déterminé par voied'entente entre eux"72.

5.141 Toutefois, comme l'a souligné à juste titre A.A. Young, Présidentdu

sous-comité des tarifs,de la sectionéconomique delaConférencepour la paix,

"[tlhe clauses fixing the status of multilateral and bilateral conventionsand
treaties arecarefullyphrased so as toavoid any implication that a particular
doctrine is adopted with respect to the termination or non-termination of
commercialtreatiesby the factofwar"".

Il est intéressantde noter que, en faisant référencà des "traités commerciaux", l'undes

experts lesplus éminentsayantparticipé à la Conférencepour la paix confirme expressément

ce qui ressortdéjàà liévidencedu titre de l'ordredujour du27 janvier 1919 citéci-dessus,à

savoir que les traitésviséà l'articl289 étaient uniquementceux de nature économiqueou

commerciale.

5.142 Il ne fait aucun doute que la notion de traité "économique" ou

"commercial" a &téentendue dans un sens large :il s'agissait d'inclure, entreautres, des

traitésportantsurdes questionstellesque le traitementdesbiens, des navires et des personnes

étrangers, lescommunications (par chemin de fer, voies navigables, route, poste, télégraphe

ou téléphone) l,aprévention des maladies,la pêcheen mer, les brevets et lesmarques, etc.La
disposition étaitmêmedestinée àcouvrir des traitésde caractère économique au sens le plus

largeduterme,telsque ceuxtraitantde procédurecivileoude la protection desmineurs.

72LordMcNair, "Lesffets dela guerresurles tra,.C.A.D.I.,1937,t. 59, p. 538.
ParliameniaryPapers, 1916,Cd.8271, citéin LordMcNair,Law of Treaties,ClarendonPress, Oxford, 1961,
719.
P;"CommerciaPl olicyin German,Austrian,HungananandBulgafianTreatiin H.M.V.Temperley(ed.),A
HistoryofthePeace ConferenceofParis, V,HenryFrowde andHodder & Stoughton,Londres,1921,p. 79.5.143 Il est donc exactque tout un réseaud'accordsbilatéraux a été couvertpar

l'article 289 du Traitéde Versailles, et que peu de traitésbilatérauxont étéeffectivement
remis envigueur74.

5.144 Il est cependant indéniable que le champ d'application de cette

dispositionse limitait aux seuls traitésaractèreéconomique,au sens large du terme. Iln'est

donc pas surprenant que Lord McNair donne les exemples suivants de traitésbilatérauxnon
remis en vigueur seloncette disposition

"Treaties of 26 January (3 Apnl) 1830 with Oldenburg and of 4 November
1862with Bavaria, relating to an alien's right to withdraw his property ; a

Treaty of Navigation of 30 Apnl 1868, and two Treaties of Commerceof 5
December 1876 and 26 November 1877 with Austna; two Treaties of
Commercewith Bulgaria of 9 December 1905and9 February 1909"'~.

Il faut noter que cette listene comprend que des traitéàcaractèreéconomiqueet pas un seul

traitéde naturepolitique ou assimilée.

B - Le contextedu Traitéde Versailles

5.145 Un examen du contexte du Traitéde Versailles renforce les conclusions
du Cameroun.

5.146 La section Iide la partieX du Traité deVersailles traite

du sort des traités multilatéraux (articles282-288) et bilatéraux(article 289) conclus entre

l'Allemagne etles Puissances alliées ou associées. Cettesection est complétéepar un certain
nombre de dispositions sur des questions particulières, concernant les traités en général

(articles290à 295).

5.147 L'article 282, le tout premier article de la sectionII, dispose dans son

introduction:

"Dès la mise en vigueur du présent Traitéet sous réserve des dispositions
qui y sont contenues, les traités, conventions et accords plurilatéraux,de

74V. pourla Belgique(Reichsgesetzblatr,19,ol. II,p. 1937,ourla Tchécoslovaqui(Reichsgesetzblatr,
1921p,. 504),ourlaFrance(Reichsgesetzblarr,192,ol. 1,p. 94,ourlaGrande-Bretagn(eL.N.T.S.,1921,
vol.V,p.304)G,rèce(Reichsgesetzblatt,19,ol. II,p. 154pourl'Italie(Reichsgesetzblatt,1,ol.II,p.
1577).
''TheLawof Treaties,ClarendoPress,Oxford,1961,. 724. caractère économiqueou technique, énuméréc si-après et aux articles
suivants, seront seuls appliquésentre l'Allemagne etcelles des Puissances
alliéeset associéesqui y sontParties".

Donc, en ce qui concerne les traitésmultilatéraux,l'article282 dispose expressément quela

sectionii du Traitéde Versailles régit les traiàécaractèreéconomiqueet technique et eux

seuls. Par conséquent,des traitéstels que les Conventionsde La Haye et d'autresaccords de

nature humanitairene figurentpas dans la liste des traités maintenu, êmes'il était évident
que les partiesn'avaient pas l'intention d'abrogertelles conventions.

5.148 On ne trouve pas de clause comparable pour les traitésbilatéraux.

L'article289,dans son paragraphe7, fait simplement référenc e"tous les traités:
"Les règles ci-dessus sontapplicableà toutes lesconventionsbilatérales ou
traitésbilatérauxexistant entre toutes les Puissances alliées etassociées

signataires du présent Traitéet l'Allemagne,mêmesi lesdites Puissances
alliéeset associéen'ont pasété enétatde guerreavecelle".

5.149 Si on considèrele titre générle la partie ("Clauses économiques"e )t
la dispositionexpresse au tout débutde la sectioii(article282),on peut en conclure que les

rédacteurs ontestiméqu'il étaitinutile de réitérer le champ d'application précis de cette

disposition.Il n'y avait aucune raison de faire une distinction entre I'article 282 (traités

multilatéraux)et l'article 289 (traitésbilatéraux)en ce qui concerneleur objet.Il est possible
que la formule utilisée au paragraphe7 soit le résultatd'une rédaction hâtive.Toutefois, il

sembleque la raison principalequi a guidé cetteformulationdutexte soit duà une différence

de techniques de rédaction.Si les rédacteursdu Traitéde paix étaient confiants dans leur

capacité àfixer expressémentle sort de tous les traités multilatérxcaractère économique
dans le cadre duTraitéde paix lui-même,il n'en allaitpas de même pour le réseaucomplexe

et compliquédes traitésbilatérauxavec l'Allemagne. Tandisque les traités multilatéraux à

remettre en vigueur figuraient individuellement sur la liste de l'article 282, il n'était pas

possible de faire de mêmepour les traitésbilatéraux dansles délais impartis. En outre,la
Conférencepour la paix n'étaitpas considérée comme l'enceinteadéquatepour déciderde

questions qu'il valait mieux laisserà la discrétionde chacune des Puissances alliées ou

associées.La manière dont cette discrétiondevait jouer est précisée en détail danl ses

paragraphes de l'article 289 précédant leparagraphe 7. Ces dispositions de procédure
s'appliquaientà "tous les traités"pertinents. Contrairementau traitement réservaux traitésmuItilatéraux,le Traitéde paix lui-même ne contenaitaucune disposition sur la remise en

vigueur ou l'abrogationde traités bilatéraàxcaractèreéconomique.

5.150 La terminologie utilisée l'article289,paragraphe 7, par contraste avec

le traitement des traités multilatéraux daa même sectiondu Traité depaix s'expliquedonc

aisément.

5.151 Ilfaut enfin rappeler que l'article 289 fait partiedes dispositions du
Traité de paix contre lesquellesl'Allemagne s'est élevéa evec la plus grande véhémence,

notamment en raison de l'applicabilitéde l'articàecertainespuissancesqui n'étaientpas en

guerre contrel'Allemagne.Toutefois, lesprotestationsde l'Allemagnen'ont paseu d'échoet

donc "tous les traités",mêmeceux conclus avec les pays non belligérantsen question,
tombaient dans le champ d'application de cette disposition.On peut donc penser que le mot

"tous" dans la dispositionen cause avait aussipourbut de soulignerle caractère exhaustifdu

champ d'application de l'article.

5.152 En outre, il existe des raisons spécifiquespour lesquelles les traités
concernant la délimitationdes anciennescoloniesde l'Allemagne, ycompris le Traitédu 11

mars 1913, rie peuvent être considéré comme tombant dans le champ d'application de

l'article 289.

5.153 D'abord, à suivre les thèses du Nigéna, nombre de frontières

internationalesen Afnque aujourd'hui se verraientprivéesde leur fondement conventionnel,

une base juridique qui, il fautle répéte, 'a jamais été contestéeans son principe dans le

passé.Les frontières concernées comprendraientcelles entre la Tanzanie et ses voisins, le

Kenya, l'Ouganda, la RépubliqueDémocratiquedu Congo, la Zambie, le Malawi et le
Mozambique, les frontières entrela Namibie et l'Afriquedu Sud, la Zambie, le Botswanaet

l'Angola, celles entrele Togo et le BurkinaFaso,le Bénin etle Ghana ainsique les frontières

du Cameroun avecle Tchad, la RépubliqueCentrafricaine,le Congo, leGabon et la Guinée

équatoriale76.

76Pourdes détail,. 1.Browniie,AfiicanBoundaries,C.&uCompany, Londres1,979,passim.5.154 La plupart de ces frontièresse fondententièrementou en partie, sur des
traitésantérieursà la PremièreGuerre mondiale, conclus par l'Allemagne avec les autres

puissancescolonialesde l'époque.Les fiontièresainsi établiesentre1884 et 1914ont toujours

été considérées comm" ehéritéespar les nouveaux Etats accédant à l'indépendance dans le
cadre dela successiond'Etats.L'idéeque tous ces traitésauraientdisparu en vertude l'article

289 du Traitéde Versailles serait dangereuse et déstabiliseraitle paysage politique sur de

vastespans ducontinentafricain,ce qui n'étaitcertainementpas l'intention desrédacteursdu

TraitédeVersailles.Toutaucontraire.

5.155 Dans sa partie IV (articles 118à 158), le Traitéde paix comporte un

ensembleexhaustifde règlesrégissantlesdroits et les intérêts allemands horse l'Allemagne

et comprend,en particulier,dans ça section 1 (articles 1à9 127), une série dedispositions
concemantl'avenirdescolonies allemandes.

5.156 Etant donnéque, envertude l'article 119du Traitéde Versailles,

"L'Allemagne renonce,en faveur des Principales Puissances alliéeset
associées,àtous sesdroitset titres sur sespossessionsd'outre-mer",

il est impossible d'imaginerque le Traitéde délimitationdu 11 mars 1913 soit soumis au
régimede l'article 289du Traitéde Versailles. Dans son paragraphe7, cette disposition fait

expressément référence àdes traités"existants" entre l'Allemagneet les Puissances alliéeset

associées.En vertu de l'article119 cité ci-dessus, aumoment mêmee ,t dufaitde l'entréeen
vigueur du Traitéde Versailles, l'Allemagne ne détenaitplus aucun titre juridique sur ses

anciennes coloniescar d'autresEtats (les Puissances alliéeset associées) l'avaient remplacée

dans sa responsabilitéen matièrede relations internationales de ses anciens temtoires. Il y

avait donc eu succession d'Etats pour les colonies allemandes, y compris le Cameroun
allemand. Ainsi, au momentmême de l'entrée en vigueur du Traitéde Versailles, il n'était

plus possible d'appliquer l'article289 au Traitéanglo-allemand du 11 mars 1913, car les

Puissancesalliéeset associées,en tant que bénéficiaires de cetdisposition, détenaientéjà,

du fait de la succession d'Etats, tous les droits et devoirs découlant de la souveraineté
temtoriale sur lesanciennescolonies allemandes, y compris ceux découlantdu Traitédu 11

mars 1913.Lapossibilitéde remettre en vigueur ou d'abroger lesinstruments conventionnels"existants", possibilité ouvertepar l'article 289, ne pouvait, d'évidence,s'appliquer aux
traitésenquestion ici.

5.157 Enfin, il existe, dans le Traitéde paix lui-même,nombre de preuves du

caractèrede lexspecialis des dispositions concernant les droits et les intérsllemands hors
de 1'Allemagne(partie IV du Traitéde Versailles)vis-à-vis des articles 28à295, c'est-à-dire

les dispositionsconcernantle sortdes traitésinternationauxallemands d'avant la guerre.

5. 158 Il convient enparticulier d'attirer l'attention sur l'article 125 du Traitéde
Versaillesquidispose :

"L'Allemagne renonce à tous droits issus des Conventions et Arrangements
passés avec la France le 4 novembre 1911 et le 28 septembre 1912
relativement à l'aque équatoriale. Elle s'engage a verser au
Gouvernement français, suivant l'évaluation qui sera présentéepar ce

Gouvernement et approuvéepar la Commission des réparations, tous les
cautionnements,ouvertures de compte,avances, etc.,réalisés en vertude ces
actes au profit deAllemagne".

5.159 En outre, dans ies articles 128 et 129, on trouve des dispositions

expressesrelativesau sort de certainstraitésbilatérauxentre la Chine et l'Allemagne et, dans
l'article 135,des dispositions analogues concemant des traitésentre le Siam et l'Allemagne,

la Chineet le Siamétant tousdeux signataires du Traitéde Versailles.

5.160 De telles dispositions auraient ésuperflues si onprenait pour hypothèse
que l'article 289du Traité de Versailles couvrait l'intégraldes traitésbilatéraux.L'article

125 du Traitéde paix est particulièrement significatif a cet égard.Les accords franco-

allemands qui y sont mentionnéscomportent, entre autres, une nouvelle délimitation dela
frontièreentre 1'Afiiqueéquatorialefrançaiseet le Cameroun et ils ne sontpas a l'avantagede

la France. Si l'on suivait le point de vue nigérianselon lequel les traitésde délimitation

concernant lespossessions coloniales allemandes entreraient dans le champ d'application de

l'article 289du Traitéde Versailles, l'article 125aurait été superflupuisque la France aurait
pu refuser tout simplement la remise en vigueur des Traitésdu 4 novembre 1911 et du 28

septembre 1912et, ce faisant, aurait "exclu" leseffetsjuridiques de ces instruments.

5.161 En conclusion, il paraît incontestable que le Traitéanglo-allemand du 11
mars 1913netombait pas dans le champ d'application de l'article 289 duTraitéde Versailleset aucun doute raisonnable ne subsiste à cet égard.Le Traité de 1913 pas plus quela

délimitation quiy est consacréen'ont été affectés palr Traité de Versailles.

Le Traitédu 11 mars 1913 n'estpasentaché d'erreur
§ 3 -

5.162 Le Nigéria soutient égalemen qtuele Traitédu 11mars 1913n'a pas créé

d'effet juridique et, en particulier, ne pouvait placer demanièredéfinitivela presqu'îlede

Bakassi au Cameroun, alorscolonie allemande, du fait que la Grande-Bretagnen'avait pas la

capacitéjuridique de conclure un tel traité.Comme celaa été montrédans laprésente réplique

(v. supra, chapitre 2, pars. 2.24 et S.et pars. 5.19 et S.),cette allégation est manifestement

dénuée de tout fondement.

5.163 Toutefois, siaux finsde la discussion,on seplaçaitdans cettehypothèse,

ce que le Nigéria tente d'invoquer ici n'esrtien d'autre que l'invaliditépartielle du Traitédu

11 mars 1913.Le seul fondement ayant un semblant de vraisemblancejuridique à cette fin

serait une erreur commise par la Grande-Bretagne,Etat prédécesseur du Nigéria, quant àsa
capacitéjuridique à conclurece traité frontalier.

5.164 Une erreur de ce type peut ne pas être dénuée de toute pertinence

juridique inlimine.Les instances judiciaires internationalesont toutefois toujours faitpreuve

d'une attitude restrictive et prudente vis-à-vis de l'acceptation d'une demande fondée sur
l'erreur. Les cas dans lesquels une erreur sur le fond a étéinvoquée entant que vice du

consentementsontrares, laplupart concernantdes erreursdecartes77.

5.165 On ne peut releverune seule affairedans laquelleun Etat invoquant une

erreur de droit ait eu gain de cause. Ceci est dû en particulierà l'applicationde la règle-
ancrée dans le droit international coutumier et aujourd'hui codifiée dans l'article48,

paragraphe 2, de la Conventionde Viennesur le droit des traités- selon laquelleune erreurne

peut êtreinvoquée parun Etat s'il a contribué à celle-ci par sa propre conduite ou si les

circonstancesétaientde nature à rendre 1'Etatconscientd'unepossibleerreur.Ce principede

base des règlesapplicablesà l'erreur a étconfirmépar lajurisprudencede la Cour :

77V. Sir Humphrey Waldock, deuxième rapport le droit des ûaités,Ann. C.D.I., 1963, vol. II,p. 41. V.
également,Sir Robert Jennings etMurr Watts (eds.), OppenheimSInfernationalLaw, v1,Longman,
Londres, 9"éd.,1992,pp. 1288-1289,par. 638 et les référencesdonnéesa1-6.tes "C'est unerègle de droit établie qu'une partienseaurait invoquerune erreur
comme vice du consentementsi elle a contribuéà cette erreur par sa propre

conduite, si elle étaiten mesure de l'éviterou si les circonstances étaient
telles qu'elle avait été avertiee la possibilitéd'une erreur"78.

5.166 Mêmesi l'on supposait l'existence d'une erreur dans la présenteaffaire,

ce que le Cameroun conteste formellement,la thèsede l'invaliditédu Traitédu 11mars 1913
développép ear le Nigénane répondrait pasaux conditions rappelées parcettejurisprudence.

Il appartenaità la seule Grande-Bretagnede connaître l'étendue de ses relations enmatièrede

traitésaveclesrois et chefs indigèneset les limitesque ces relations pouvaientimposera son

pouvoir de concluredes traités.De plus, la Grande-Bretagne aurait facilementpu éviter cette

erreuren se reportant à ses propres accords avecles "Rois et Chefs d'Old Calabar". Pour ces
raisons, en vertu des règles de droit international bien établies, l'erreur ne saurait être

invoquéepar le successeur decelle-ci danslaprésente affaire.

5.167 Il est pour le moins remarquable qu'il ait fallu plus de 86 ans aprèsla

conclusion duTraitéde mars 1913pour que soit invoquéepour la première foisl'invalidité
partielle de ce traité antérieur à la Première Guerre mondiale sur le fondement d'une

incapacité alléguée à conclure des traitésde la part de l'une desParties contractantes.Ni le

Nigénani sonprédécesseurl,a Grande-Bretagne,n'avaient jamaisinvoquécet argument,pas

plus qu'un autre argument, de quelquenature qu'il soit, remettant en cause la validitédu

Traitéfrontalier du 11 mars 1913. Bien au contraire, jusqu'au début desannées1990,le
Nigénaavait de manièrenon équivoque confirmé et acceptéla ligne kontièrede 1913par sa

pratique diplomatique et consulaire, ses publications géographiques etcartographiques

officielleset,enfin,ses déclarations etsa conduite sur la scènepolitique.La mêmechose était

vraie en ce qui concerne l'appartenancede la presqu'île de Bakassi au Cameroun.Celui-ci,

pour sa part,pouvait se fonder et s'est fondé sucres déclarationset sur cette conduitecomme
étantle reflet de la conviction communeque le Traitédu 11mars 1913 définittoujours le

secteurméridional de la frontière commune,ycompris la région deBakassi.

C.I.J.arrêt15juin 1962, affairedu Templede PréahVihéar,Rec.1962,p.;v. aussiC.P.J.Iarrê, avril
1933,affaireduStatutjuridiquedu Groënlandoriental,SérieAIB,no53,pp.71 et91.

2935.168 Nonobstant certaines ambiguïtésquant au fondement du principe
79 .
applicable (estoppel, forclusion, acquiescement) , il est évidentque, compte tenu des

circonstances décrites ci-dessus, le Nigériane peut aujourd'hui invoquer l'invalidité(sur
quelque fondement que ce soit) d'un traitéfrontalierconclu en 1913 et demeuré incontesté

depuis lors, soit durant plus de 80 ans. A cet égard,il suffitde rappelerla positionde la Cour

internationalede Justice dansl'affaire duTempledePréahVihéar I

"tenant comptedes événementu sltérieurs(,..) la Thaïlande,en raison de sa
conduite, ne saurait aujourd'hui[en 19621affirmerqu'elle n'a pas accepté
la carte. Pendant cinquante ans cet État a joui des avantages que la
convention de 1904 lui assurait, quand ce ne serait que l'avantage d'une

frontièrestable.La France et, par l'intermédiaire de celle-ci, le Cambodge
se sont fiésà sonacceptation delacartev8'.

5.169 Il apparaîtdonc que tous les arguments que ledéfendeurprétendfonder

sur le droitdes traitésafin d'exclure l'applicationdesTraitésde1913dans la présente affaire

sont manifestement sans fondement. Le Nigériafait une mauvaise interprétationde la
situation juridique au moment de la conclusion de ces accords et de celle qui a suivi la

Première Guerre mondiale ; il négligeun fait capital, à savoir que les Traités de1913 ont

rempli le rôle qui leur était assignésur le terrainpendantde nombreuses décennies à l'entière

satisfactionde toutes les Partiesconcernées.

Section 4 : LA CONFIRMATIONDUTITRECONVENTIONNEL

5.170 Le titre camerounais sur la péninsule de Bakassi est un titre

conventionnel. Le Cameroun n'évoque doncles effectivitésqu'à titre subsidiaire, pour

confirmer le titre conventionnel (v. supra, chapitre 2, pars. 2.63 et S.). Avant les

indépendances,l'administration britannique respecterigoureusementla kontièredéfiniepar le

mandat qui luiest attribuépar la Société des Nations et refuse,contrel'avis d'administrateurs
locaux, tout rattachement de Bakassi à la provincedeCalabar($1).Après les indépendances,

''Pour une discussion de l'étenduedesdifférentsconceptsv. not.l'opinion dissiSirGeraldFitzmaurice
dans l'affairedu Templede PréahVihéarR, ec. 1962, pp. 62;6D.W. Bowett, "Estoppel before International
Tnbunals and its Relation to Acquiescence", B.Y.I.L., 1957, pp. 197-202 et H. Thirlway, "The Law and
Procedure of the International Court ofJustice 1960-1989",B.Y.I.L.,1989,pp. 29-49. Plus particulièrementsur
la pertinence du principe de l'estoppelen relation avec l'erreurv. L. Dubouis,"L'erreur en droit international
public",A.F.D.I., 1963, pp. 191-227,qui observàjuste tit:"En premier lieu, l'estoppel apparaîtcomme
particulièrement bienvenu en matièred'erreur" (p. 211). Pour une vue plus large de la doctrine et de la
jurispmdence applicables v. SirRobertJennings et Sir ArthurWatts(eds.), Oppenheim'sInternationalLaw, vol.
1,Longman,Londres, 9'" éd.,1992,p.527, note 6.
C.I.J., arrêt,uin 1962,Rec.1962,p, 32.l'administration effective de la péninsulepar le Cameroun est reconnue par le Nigéna et

notamment par sesreprésentantsdiplomatiqueset consulairesaccréditésau Cameroun (52).

1 - La confirmation, du titre conventionnel avant les
indépendances

5.171 Le contre-mémoire du Nigéria appelle quelques observations sur ce

point. II confirme la frontière conventionnelle dans sa relation de la pratique de
l'administration britannique avant les indépendances.

5.172 LeNigéna invoque le rattachementadministratifde Bakassi à la province

du Nigéria méridional.Il insiste sur des actes d'administration personnelle concernant des
pêcheursdes "jîsh-towns". Ces élémentsne prouvent en aucune manière une gestion de

Bakassi par le Nigéria "à titre de souverain" (A). En revanche, le Nigéria concède que

l'administration britannique a toujours considéré que lapéninsule de Bakassi devait être

administrée à partir de Victoria, comme entité séparée, aison de la nécessitéde respecter
les frontières du mandat international (B). Le Nigériareconnaît donc que Bakassi était

camerounaise lorsdes indépendances.

A - La Grande-Bretagne n'a jamais administréBakassi "à titre de
souverain"

5.173 Dès l'établissementdu mandat britannique sur le Cameroun occidental,
la Grande-Bretagne'demanda, pour des raisons de commoditéadministrative, à pouvoir gérer

le Cameroun septentrional à partir de la province contiguë du Nigéria dunord et, pour la

mêmeraison, le Camerounméridional àpartirde la provincedu Nigéria du sud. Lafacilitélui

fut accordée sans problème parla Commission des mandats de la Sociétédes Nations, mais
dans le respect des frontièresdu mandat.

5.174 Ainsi, dans une correspondance en date du 16 août 1922 adresséeau

Secrétaired'Etat aux Colonies, le gouverneur du Nigériaproposait que lui fût établie une
délégation spécialeàl'effetd'administrerprovisoirement leterritoire adjacent qui venait d'être

placésous mandat. Dans sa réponsedatéedu 14 novembre 1922, le Colonial Ofice indique

que le mandat britannique ayant étéconfirmépar le Conseil de la Sociétédes Nations, il
convenait désormaisde prendre des dispositions permanentes pour la future administrationd'un temtoire qui, alorsconsidéré comme zone d'occupationdes forces armées britanniques

depuis la victoire du généralDobell sur les troupes allemandes, était administrépar le
gouvemeurduNigériaen vertu d'une habilitationspécialede Sa Majesté endate du 23 mars

1916(MC, LivreIV, annexe 129).

5.175 Le Secrétaired'Etat aux Colonies précisaitque de telles dispositions

devaient fairel'objetd'unOrder in Council et, en vue de l'élaborationde ce dernier,donnait

des orientationsprécises relatives au découpage administratif dont le tenitoire devait faire

l'objet. Aux yeux du Colonial Office, les régions comprises dansla partie britannique du
Cameroun comportaient trois groupes :un groupe correspondant à une portion du Bomou, un

groupe constituéde deux bandes de territoire allant du sud du Bomou à la frontière

septentrionalede laprovince deBamendaenpassant par le Mayo Tiel et le sud dela province

nigérianede Yolaet, enfin,le troisièmegroupeprésenté comme étant
"the southempart of the British sphere,which since the Britishoccupation
has been administeredfrom Buea on the same lines as one of the Southem

provincesofNigeria" (MC,Livre IV,annexe 129).

5.176 Puis, suit une description détaillée d"this Cameroons Provinceas it is

called"(ibid.).

5.177 Après avoirrappelélestermesde l'article9 du mandat, la correspondance
du ColonialOfficedemandait alors qu'ilsoit énoncé dans 1'Orderin Council à venir, que les

deux premiers groupes décritsci-dessus seraient administrés comme partiedes provinces

septentrionalesdu protectorat du Nigéria,et que le troisième groupe serait administré soit

comme séparé du temtoire sousjuridiction du gouvemeurdu Nigéria,soit commepartie des
provinces méridionalesdu protectorat du Nigéria : c'est cette deuxième formule qui devait

êtreretenueun an plus tard par l'articleIV du British CarneroonsOrder in Councildu 2 juin

1923(MC, LivreIV, annexe 130).

5.178 Le rapportbritannique a la Commission des mandats pour 1924 sur le

Camerounmetles chosesaupoint :

"while the mandated area is administered, in accordance with Article 9 of
the Mandate, as though it formed an integral part of Nigeria, this
administrative arrangement implies neither fusion nor incorporation. The
position is, therefore, instrict accord with the letter and the spirit of the
Mandate"(MC,Livre IV, annexe 137 ;italiques dans le texte). 5.179 Des commodités géo-ethniquesont toujours étié nvoquées parla Grande-

Bretagnepourjustifier ces "arrangements" ; elles guidaient déjàles orientations définiespar
le Colonia Olfjce dans sa correspondance du 14novembre 1922, on les retrouve également

dans le rapport établipour 1949 (annéede la premièrevisite d'unemission du Conseil de

tutelle)sur leCamerounsous tutelle britannique. LeRoyaume-Uni y exposaitque :

"The Cameroons under UnitedKingdom Trusteeship consists of two narrow
strips of temtory nowhere wider than 100 miles, extending far some 700
miles along the Eastern frontier on Nigeria, and separated from each other
by some 50 miles of Nigerian temtory. The terrain is generally mountainous
and difficult and contains a wide vanety of ethnic and linguistic groups

among its estimated population of 1.030.000 ; for these reasons, the
administration of the Trust Temtory as a separate unit, distinct from
Nigeria, is impracticable".

5.180 Ce point de vue sera confirméplus tard,en 1958,par la mission de visite

desNationsUnies dans lesterritoires sous tutelle de l'Afrique occidentale8'.

5.181 Cette approche britannique de l'administration du Cameroun a du reste

toujours bénéficié de la compréhension dela communauté internationale.La Commission

permanente desmandats de la S.D.N. pouvait ainsi affirmer, dans le rapport de sa 3' session

que :

"The Commission fully recognises that the incorporation of Togoland with
the Gold Coast is necessited by circumstances and is in no way an
infringementof the mandate" WC, Livre IV, annexe 132).

5.182 Dans ces conditions, la remarque, factuellement exacte, du Nigénaselon

laquelle,de 1913 à 1960,"Bakassi was administeredaspart of the Britishmandate temtory of
the Southem Cameroons" (CMN, vol. 1,p. 182,par. 9.11 ; v. aussi ibid.,p. 226, par. 10.32),

est la simple description d'une situation de fait sans incidence juridique particulière sur le

problème de.fonden débat.

81V.Rapportsurle CamerounsousadministratioduRoyaume-Uni,Tl1426 et Add.1,Conseilde telle, 23Lrm
session,supplémento2, New York,1959,pars.15-16.5.183 Comme on l'a faitobserver, l'exercice des fonctions d'administrateur,

quelles qu'ensoient les modalités, ne saurait fonderla souveraineté sur un territoire.C'est ce

que traduit l'exigenceclassique de "possessionà,titre de ~ouverain"~~ D.ans cetteperspective,
les pouvoirs de la puissance administrante dans le cadredu mandatou de la tutelle sont par

excellence des pouvoirs d'administration pure, qui ne sauraient entraîner de transfert de

souveraineté.

5.184 En définitive, ilest àretenir que ces arrangementsadministratifs,fondés
depuis 1916 sur des considérationspurement pratiques, n'ontjamais été interprétés comme

entraînant une quelconque remise en cause des frontièresreconnues du Cameroun sous

mandat puis sous tutelle britannique ou, conséquemment,de l'une quelconque de ses

dépendances territoriales. Bienévidemment,leur validitén'apas pu davantage être affectée

par les nombreuxactes d'organisation internedu protectorat du Nigériaet des territoiresqu'il
administraitcomme en faisant partie, ycomprisceux relatifsàleursfrontières.

5.185 Le contre-mémoire du Nigériafait grand cas de l'origine ethnique des

habitants des "jish-towns" avant l'indépendanceet de la présence,depuis 1960, d'une

importante coloniede ressortissants de nationalité nigérianeC . 'est l'évidence.Le Cameroun
ne nie pas que Bakassi ait étélargement peuplée à partir du Nigéria etque la plupart des

pêcheursqui exploitent les eaux au large de la péninsulesont d'originenigériane (v.supra,

pars. 5.22 et S.;v. aussi, chapitre 1,par. 1.08).Il range ainsi autitre des élémentd se preuve

allégués l'utilisationde passeports nigérians (CMN, vol. 1,p. 256,par. 10.112)ou encore les

registres paroissiaux (CMN, vol. 1,p. 244, par. 10.72). Ces particularités s'expliquent palre
fait que cette partie du Cameroun britannique étaitadministrée commepartie intégrante du

Nigéria,commele Cameroun l'arappeléci-dessus.

5.186 Sous le titre "Tbe Settlement of Nationals of the Claimant State", le

contre-mémoire invoque l'autorité de la doctrine, de la jurispmdence arbitrale et de la
jurisprudence de la Cour (CMN, vol. 1,pp. 234-237, pars. 10.50-10.55).Il admet cependant

*'C.P.J.Larrêt5,avril 1933, affaireduStatutjuridique du Groënland oriental,SérieAB, 11'53,1933,pp. 45-
46 ;E. Audiiet,"Dela prescriptionacquisitiveen droit internationaplublic",R.G.D.I.P.,18;D.H.N.23
Johnson,"AcqiiisitPrescriptionin Internatiol aw",B.Y.I.L.,1950,vol. XXVII,pp. 344-34;M. Kohen,
Possessioncontestéeet souveraineté territo,aris,P.U.F.,1997,p. 193. que l'installation de ressortissants nationaux est "by no means decisive" pour établirun titre

desouveraineté(ibid.,p. 234,par. 10.51).

5.187 On observera que les "j'ïsh-towns"étaientet sont occupéesde manière

essentiellement saisonnière, la nature de la péninsulede Bakassi se prêtantmal à une

installationpermanente. Onpeut rapprocher cettesituationdecelle examinéepar la Cour dans

l'affairede l'Ile de Kasikili/Sedudu(Botswana/Namibie).La Coury souligneque :
"les Masubia utilisaient l'île de façon intermittente, au grédes saisons et

selon leurs besoins, à des fins exclusivementagricoles ; cette utilisation,
antérieureà l'établissementde toute administration coloniale dansla bande
de Caprivi,semble s'êtreensuitepoursuiviesans êtreliée à des prétentions
temtoriales de la Puissance administrant le~a~rivi"~'.

5.188 Telle était certainement la position des autorités britanniques. Telle

semble avoir étéla positiondes autorités duNigériapendantles premièresdécennies suivant

l'indépendance.

B - L'administration britannique a toujours considéréla péninsule
de Bakassi comme faisantpartie du temtoire du Cameroun sous

mandat, puis soustutelleinternationale

5.189 L'administration britannique n'a jamais eu le moindre doute sur
l'appartenance de la péninsulede Bakassi au temtoire du Cameroun sousmandat. Elle en a

tiréimmédiatementla conclusion que Bakassi et les fish-towns qui s'y trouvaient devaient

êtreadministrées à partir de Victoria, de Kumba ou de Buéaavec le reste du Cameroun

méridional. En conséquence, elle a refusé de faire droit aux demandes répétées
d'administrateurslocaux derattacher Bakassi,pour desraisons de commodité administrative,

à lacirconscription de Calabar.

5.190 Le Cameroun constate l'accord des Partiessur ce point. Il ne répétera

donc pas ses thèses oucelles du Nigéria,mais s'attachera "à faire ressortir les points qui les
divisent encore" (Règlement de la Cour, article 49, paragraphe 3), en s'appuyant

principalementsur les écrituresdu défendeur.

l
C.I.J.,arr13décembre 1999,par.98.5.191 Certes, le contre-mémoire du Nigéria impute cette position des

fonctionnairesbritanniques àune erreur deleurpart :"However,forthe reasons alreadystated
in Chapters6 to 8, thoseBritishofficialswhobelievedthat at leastin theory Bakassi was part

of the Mandated Temtory were simplymistaken" (CMN, vol. 1,p. 185, par. 9.19). Mais le

Nigériane contestepas le fait que telle étaitla position de l'administration et la réadans

les faits. Bakassi étaitbien administréeàpartir de Buéaet de Kumba, non de Calabar. Au
contraire, il foumit dans ses écrits etdans ses annexes une abondance de documents qui

dispense le Cameround'enrajouter (CMN, vol.1,pp. 185-196,pars. 9.17-9.44).

5.192 Les administrateurs locaux se plaignaient en effet de la difficulté
d'administrer les "jkh-towns" à partir de Victoria ou de Kumba pour deux raisons

principales :la péninsulede Bakassiétait très éloignéet d'accès difficilàpartir de Victoria,

alors qu'ellejouxtait laprovincede Calabar ;laplupart des occupantsdes "jish-towns"étaient

originaires de Calabar, non de la province du Cameroun. Ces difficultésse manifestaient
surtout aumomentdela collectede l'impôt.

5.193 Dès 1922,F.B. Carr, acting divisional officer, transmet un rapport très

complet sur "The FishTowns of the Rio-Del-Reyand of the Bakassi People"; il décrit avec

précisionla frontière:
"6. The district is bounded on the north by the Issangli and Archibong
peoples, onthe north west by the Akwa Jafe which fonns the boundary

betweenthe CalabarProvinceandthe Cameroons.The southem boundaryis
formedby theBight of Biafia andthe open sea" (annexe RC 3).

5.194 D'aprèsles rapports des administrateurs britanniques de la périodedu
mandat, la péninsuledeBakassi estpeuplée de groupes villageois originaires duCameroun et

notamment d'Isangeled'une part, les pêcheurs EkoisI,bibios et ibios du Nigériaconcentrés

dans les "jïsh-towns"d'autre part (CMN, vol. VII, annexe 122, not. pp. 1043-1045). Un

administrateurobserve :
"(1) Theinhabitantsof the FishTowns Area are temporary settlersfrornthe

EketandOronClansofEketDivision.

"(2) The inhabitants of Isangeli comprise 3 village groups of which one
Bateka,reportedthe oldest,is ofBalundu stockand the other two Oronand
Amotocomefromnear Itu. "(3) The Isangeli Village Groups are permanent settlements but the
Fishtown villages (32) comprise only a few settlements tending to become
permanent,anda majority of fishingcamps.

"(4) The Fishtown villages lay no serious claim to the ownershp of the
land".

5.195 Les problèmesd'administration se cristallisent autour de la collecte de
1
l'impôt.Commel'indiquel'acting residentde la provincedu Cameroun en 1935,
"As 1see it, the whole question is really 'whoought to collectthe Fishtowns
tax"' (CMN,vol.VII, annexe 126).

Mais il constate quetoute modificationrisquerait de seheàrdes objectionsde la part de la

Commission permanente des mandats. Il ajoute que les pêcheurseux-mêmesn'ont pas

exprimédeposition àcet égard,alors que les Isangelede la division de Kumba et, dans une
moindre mesure, les Bamusso de la division de Victoria revendiquent certains droits de

propriétédans lesecteur.IIconclu:

"Unless therefore 1receive instructions or representations to the contrary, 1
would prefer to leave matters as they are rather than to put fonvard
proposals which might have no other result than to cause suspicion at
Geneva"(ibid.).

1 5.196 Cependant,l'année suivante,le résidentàBuéase déclarefavorable au
"tm rais' à partir de Calabar plutôt que de Victoria (CMN, vol. VII, annexe 127). La

proposition de rattachementdes "jsh-towns"àCalabar est transmise par le Secrétairede la

province de Lagos au gouverneur. Elle se heurte le 16 septembre 1936à une fin de non-
l
recevoir expriméeencestermes :
"1.(...) am directed by the Governorto inform you that there are certain
objectionsto the transfer of a portionof Mandated tenitory on the coast to a
Provinceof Nigeria.

"2. Apart fromminor legislative difficulties and the complications which
would inevitablyarise from smuggling operations in the Fish-Town area,
there is the possibility of the action being misconstrued at Geneva and the
suggestion of some ultenor motive put forward"(Cm, vol. VII, annexe
133).

l Le gouverneur craint en clair que la Commission des mandats ne voie dans la mesure

proposéeune annexion déguisée de Bakassi par le Nigéria.Il propose en conséquenceune
imposition des pêcheursau départ deCalabar qui seraient ignoréspar le fisc pendant leur
~
séjourauCameroun.5.197 L'affaire en reste là.Lapropositionn'est plusreprise,que ce soit sous le
régime dumandat ou sous celui de la tutelle àpartir de 1946. L'échangede correspondance

montre à l'évidenceque tous les administrateurs, à quelque niveau que ce soit, sont

convaincus que Bakassi et les 'ffish-towns"sontbien situéesau Cameroun.Ils divergent sur

les solutions concrètes etles modifications souhaitablesde la situation administrative. Mais
aucun ne prétendque la frontièrepasse par le Rio del Rey et laisse les "jish-towns" au

Nigéria.

5.198 En 1960, lors des indépendances,il n'y a pas de doute dans l'esprit de
l'administration coloniale britanniquequant au tracéde la frontière,qui passe bien dans

I'Akwayafé.Bakassi appartient au Cameroun. Telle est la situation au regard de l'uti

possidetis.

§ 2- La confirmation du titre conventionnel après les
indépendances

5.199 Le Cameroun a montré dans son mémoire comment le titre

conventionnel, constituépour la péninsule deBakassipar le Traitéanglo-allemanddu 11mars

1913, a étéconfirmépar le comportement des deux Etats Parties au différend après leur
indépendance.

5.200 Cette confirmation découlede plusieurs élémentsE . n premier'lieu, le
Nigéna a régulièrement réaffirmé la pertinence des instruments conventionnels applicables

lors desnégociationsqui ont portésur lafirontière,èsles années1960 (MC, pp. 157et S.).En

second lieu, les effectivités camerounaisessurla péninsulede Bakassi n'ontnullement donné

lieuà des protestations systématiquesde la part du Nigéria, qui a, au contraire, admisla
présence camerounaisesur le terrain (MC,pp. 486et S.).

5.201 Ces éléments de reconnaissance,qui ont étédétaillédsans le mémoiredu

Cameroun, ne constituent pas un "titre" autonomequi fixerait à lui seul cette partie de la
frontièreterrestre.Il s'agitbien d'uneconfirmation quinon seulement laisse intact maismême

renforce le titre conventionnelqu'il suffitd'appliquerpour trancherlelitige.5.202 Le Nigéna se garde bien de répondre à l'ensemblede l'argumentation

camerounaise dans son contre-mémoire.En réalité,il préfëre se placer entièrement et
exclusivementsur le terrain des "effectivités" pourprétendreqàetout lemoins pendant les

premières annéesqui,ont suivi les indépendances,le Camerounaurait implicitement reconnu

l'appartenancede Bakassi au Nigéria. Le Camerounrépondra à cette curieuse argumentation

(A), mais il rappellera d'abord la pertinence des autres élémentsde reconnaissance sur
lesquels leNigénapréfère,de manièresignificative,garderun silencepresque complet(B).

A - La confirmation de la frontière de 1913 découlant des
négociationsdirectesentrele Camerounet leNigéna

5.203 Dèsle débutdes années1960,des délégationsnationaled su Cameroun et

du Nigériase sont rencontréespour régler certainslitigesentrepopulationsfrontalièresdusen

grande partieàdes problèmes de démarcationD . 'emblée,esdeux Etatsont fait référencaux

conventions de l'époque colonialeet, loin de les remettre en cause, se sont attachàsles
interpréteret a les mettre en Œuvresur le terrain.

5.204 Divers élémentsd ,ont certains événementsolitiques majeurscomme la

guerre du Biafra, expliquent que'onn'ait pu assurerle bornagede l'entièrede la frontière
terrestre. Mais cet étatde fait ne peut êtreinterprécomme une remise en cause du titre

conventionnel existant. Au contraire, le Cameroun a déjàrelevéque, en 1991 encore, un

comitéétaitinstitué en vued'assurer"l'inventaire de tous les accords, traitéset documents

permettant la délimitation de la kontière terrestre" pour, sur cette base, aboutir à
"l'élaborationd'un rapportpermettantlmatérialisat diolnfrontière terrestre" (MC,p. 160,

par. 3.43 etMC, Livre VII, annexe 315; italiquesajoutés).

5.205 concernant plus spécifiquementBakassi,les discussionsqui ont aboutà
la délimitationdes débuts dela frontière maritimesont particulièrementintéressantes. Elles

montrent que l'appartenance dela péninsuleau Camerounétait acceptée par les deux Etats

intéressés.5.206 Il faut,danscetteperspective,rappeler:

- la note du 27 mars 1962envoyéepar le mi+stère des Affaires étrangères nigérian, dans

laquelle celui-ci reproduitexplicitement ladescriptionde la ligne contenuedans le Traitédu
11mars 1913(MC,p. 161,par.3.46et MC,LivreV, annexe 229) ;

- l'Accord de YaoundéII du 4 avril 1971, confirmant que "[lles deux Chefs d'Etat sont
d'accord pour considérercomme frontièrela ligne de compromis qu'ils ont tracée (...)

conformémentau traitéanglo-allemandde 1913" (MC, p. 163, par. 3.49, et MC, Livre V,

annexe 242) ;

- l'Accord de Maroua du ler juin 1975, dans lequel les Chefs d'Etat du Cameroun et du

Nigénaconfirment encoreune fois la pertinence des "traités et conventions internationaux"

(MC, p. 164, par. 3.50 et MC, Livre VI, annexe 251), et auquel est annexée unecarte qui
confirme l'appartenancedeBakassi auCameroun(carte 3433,MC, carte M 23,p. 527).

5.207 Ces instruments ont étéélaborésou conclus par des personnes
compétentespour engagerle Nigéria, qu'is l'agissedu Ministre des Affaires étrangères ou du

Chef de 1'Etatlui-même.Ils traduisent tous laconviction que le Traité de1913 constitue un

titre conventionnel valableet pertinent, sans qu'aucune exceptionou atténuationne vienne
empêcher son applicationà la péninsulede Bakassi.La reconnaissance dela souverainetédu

Cameroun en découle donc,non seulementde manière implicite (absencede protestation ou

de remise en cause), mais mêmede manière explicite (réaffirmationde la frontière

conventionnellement établie).

5.208 Le Nigériane répondque de manière très superficielleà l'argumentation

développée longuemenp tar le Cameroundans son mémoire.A vrai dire, le contre-mémoire
nigérianse résume àquelquesaffirmationssur la valeurjuridique de l'Accordde Maroua qui,

selonle Nigéria, ne seraitpasvalidà défautde ratification ultérieuredans son ordrejuridique

interne et qui, en tout état decause, ne pourrait être utilisé pour étirfrontière terrestre
(CMN,vol. 1,pp. 216-218,pm. 10.11-10.15). 5.209 Le comportementdu Nigéna,qui est loin de se résumer àI'acceptationde

l'Accordde Maroua,attested'unereconnaissance non équivoquede la ligne établieen 1913,à
Bakassi comme ailleurs. Les Accords de YaoundéII et de Maroua, tout comme la note du

Ministre des Affaires étrangèresde 1962, ne sont que les signes les plus ostensibles de ce

comportement. Le fait que le Nigériapréfèreles ignorer aujourd'huiatteste de la faiblesse de

son argumentationjuridiquesurce point.

5.210 Concernant plus spécifiquement la valeur juridique de l'Accord de

Maroua, le Camerounest égalementobligé de renvoyer à son mémoire(MC, pp. 134 et S.,

pars. 2.232 et S.)qui est, là encore, purement et simplement ignorépar le Nigéria.Pour le
surplus, il sepermetde renvoyeràla partie dlaprésenterépliquespécifiquementconsacrée à

cette question (v.infra,chapitre8, section2).

5.211 Par ailleurs,il est exact qàl'instar del'Accordde YaoundéII, celui de
Maroua vise essentiellement à assurer une délimitation de la frontière maritime. Il est en

revanche erronéd'endéduirequ'onne pourrait en aucun cas y avoir recours pour établià,

titre incident,uneconfirmationde la frontièreconventionnelledans son secteur terrestre.

5.212 Tout est évidemmentquestiond'interprétationdes instrumentspertinents.

Or, ceux-ci ne laissent aucundoute sur la volontéde leurs auteurs de considérer,sans aucune

exception ni limitation, leTraitéde 1913comme constituant un titre conventionnel valable et

pertinent pour délimiter la frontientre les deux pays. En dépitdes dénégationsdu Nigéria,
il est incontestable que la délimitation conventionnelledans son ensemble est confirméeà

Maroua, tout comme elle l'a constamment été lors des négociationsvisant à établirune

frontièremaritime. La carte 3433, qui fait partie intégrantede l'Accord de Maroua, est

particulièrementillustrativede cepoint de vue, dans la mesure où elle ne peut êtreinterprétée
que comme confirmantla souverainetédu Cameroun sur Bakassi(v. MC, carte M 23,p. 527).

5.213 Il està cet égard,particulièrement singulier pour le Nigériad'affirmer

l'indépendance absoluedesdélimitationsterrestre d'unepart et maritime d'autre part alors que,
dans le mêmetemps mais àd'autres fins,il affirmeque la secondene pourra êtreopéréeque

postérieurement à la réalisation définitive de la première. Le Cameroun répondra

ultérieurementà cette tentativenigériane de ressusciter uneexceptionpréliminairequi n'apas

été retenuepar la Cour (v. infra,chapitre 7, pars. 7.09 et S.).A ce stade, il suffit de releverqu'il existe une certaine dépendanceentre la fin de la frontière terrestre etle débutde la

kontièremaritime, et que c'estdans ce contexte que l'onpeut établir que lesdeux Etats ont,
lors des négociationsde Yaoundépuis de Maroua, confirméle titre conventionnelde 1913

dans son ensemble(MC, pp. 501et S.,pars. 5.12 et S.).

En conclusion, les négociationsqui ont marquépendant de nombreuses
5.214
années les relationsentre le Camerounet le Nigénamontrent, sans aucun doutepossible,une

conviction commune de se référeraux instruments conventionnels existantpour réglerles

incertitudesd'untracéfrontalierétablien 1913. L'appartenance dela péninsulede Bakassiau
Cameroun,étantconsacréedans ces instruments, afait l'objet d'une reconnaissanceexpresse

de la part du Nigéna.C'est sansdoute pour échapperaux conséquencesinéluctablesde son

comportement que 1'Etatdéfendeurtente de placer le débat surle terrain exclusif des

"effectivités",terrain sur lequelil n'est pourtantguèremieux placé.

B - La confirmation de la frontièrede 1913 découlant del'exercice
effectif par le Cameroun de sa souveraineté et de sa
reconnaissance parleNigéna

5.215 Le Camerouna déjà insistésur le rôle réduit des effectivitélsorsquele

titre conventionnelétablitclairementle tracéde la frontière litigieuse, comme dansla présente

espèce (v.supra, chapitre 2,pars. 2.63-2.67).Dans lecas de Bakassi, ce rôle estencorelimité
par la circonstanceque, commeon vient de le voir, le titre conventionnel a faitl'objetd'une

reconnaissance expresse de la part des deux Etats concernésdans le cadre de négociations

bilatérales directes postérieures l'indépendance.Les effectivités nepouvant que servir

d'indice permettant de révéler laposition des Parties, et cette position étant clairement
précisée par ailleurs,n entre icidans le domaine dela confirmation d'untitre déjàconfirmé

lors de cesnégociations.

5.216 En réalité,our fonder sa récenteprétention sur lapéninsule deakassi,

le Nigénadevrait démontrerune véritable cessionde cette partie du temtoire camerounais à

son bénéfice. Cette cession résulterait de l'exercice public, pacifique et continu des

compétencessouveraines sur lapéninsule qui, toujourspar hypothèse, pourrait êtrnterprété
comme une reconnaissance claireet non équivoque parle Cameroun de la souveraineté du

Nigénasur Bakassi. L'examendes effectivitésdevrait donc révéler un accord qui dérogerait

au titre conventionnel existant, cequi nécessiteraitune preuve particulièrementindiscutablene laissant aucun doute sur la réalité de l'administrationcontinue et incontestée de la

presqu'île parleNigériaet sur sa reconnaissancepar le Cameroun.

5.217 Cette preuve, le Nigériaest,évidemmentincapable de l'apporter, fût-ce

primafacie. L'administration de la péninsule par le Cameroun dès les lendemains de son

indépendance montre sa conviction d'y agir a titre de souverain. Un examen attentif du
comportement du Nigéria atteste au demeurant d'une profondeambiguïtéque l'onne peut

certainement pas interpréter comme une remiseen cause de la souverainetécamerounaise.

1O) L'exercice pacifiquede la souverainetécamerounaise

5.218 Le mémoire du Cameroun comportede nombreux éléments attestant de

l'exercicede sa souveraineté surcette partie de laprovince du sud-ouestdans laquelle Bakassi

est administrativement située(MC, pp. 486 et S.,pars. 4.420 et S.).Lesactes de législationou
d'administration couvrent le domaine de lajustice (MC, pp. 494-495,pars. 4.450-4.45l), les

services de police, de gendarmerie, et de douan(MC, p. 493, pars. 4.444-4.445),le domaine

fiscal (MC, pp. 493-494, pars. 4.446-4.449) et d'autres services publics, notamment en

matière scolaire (MC, pp. 495-496, pars. 4.452-4.456). Les particularitésgéographiques
(climat, relief) et humaines (présencede nombreux habitants d'originenigériane)n'ont pas

empêché leCameroun d'exercer sa souverainetéde manière continue et pacifique dans

l'ensemblede lapéninsule.

5.219 Dans son contre-mémoire,le Nigériadéveloppeune argumentation non

dépourvued'ambiguïtés. Touten contestant les sources sur lesquelles s'appuientcertaines des

démonstrations figurant dansle mémoire camerounais, il sembleadmettre que, au moins à

partir de 1973,le Cameroun a manifestésavolonté d'agira Bakassi à titrede souverain.

5.220 Ce dernier élément mérite toute l'attention la Cour. LeNigériainsiste

sur la distinction entre deux périodes,l'uneantérieure, l'autrepostérieure3(CMN,vol. 1,

pp. 267 et S.).Ce n'estque durant la première quele Cameroun auraitomis de démontrerson
intention d'administrer effectivement la péninsule. Cette interprétationest évidemment

totalement contredite par les faits, comme on le constatera ci-après.Mais, en tout étatde

cause, on relèveraque le Nigériane nie doncpas que, au moins a partirde 1973,leCameroun

a clairement montré sa volonté d'exercersa souveraineté sur Bakassi. Or, c'est bienl'établissementde cette volontéqui estjuridiquement pertinente, et ce indépendammentdu
débatsur l'importancedes effectivités.

5.221 En tout état decause,il est évidentque la souverainetédu Cameroun sur

Bakassi s'est manifestée dès lelsendemainsde l'indépendanceL. e Cameroun maintient à cet
égard l'ensembledes élémentscontenus dans son mémoire, etrenvoie pour les sources

documentaires pertinentesaux annexesqui y sont mentionnées.A ce stade, il tientàajouter

les éléments suivants quis'étendent sur unepériode quicommence, dès le retour du

Camerounméridionalau Cameroun,bienavant 1973.

i) Règlement par les autorités camerounaises d'un différend
opposant certainescommunautéslocales (1962-1963)

5.222 La manièredontlesplus hautesautoritésdu Cameroun ont réglé certains

différends opposantdes communautéslocalesdès 1962montre leur indéniable convictio de
l'exercicecamerounais de la souveraineté sur lapéninsulede Bakassi. Cet événementq ,ui

atteste égalementde la reconnaissancepar le Nigériade cette souveraineté,est présenté ci-

dessous(v. pars. 5.240 et S.,lesextraitscitéset lesréférencesjointes).

Rapport sur l'économidee la préfecturedu Ndian pour le mois
ii)
denovembre1968

5.223 Un rapport sur l'économiede la préfecture du Ndian (à laquelle

appartient Bakassi) pour le mois de novembre 1968 révèle l'inquiétude du sous-préd fet

l'arrondissementde Bamusso quant à l'infiltrationde soldats nigérians, apparemmetue à la

guerre civile de l'époque (annexeRC 17). Le rapport se termine par une demande
d'augmentation d'effectifsen vue de maintenir l'ordredans la région.Dans une lettre du 15

janvier 1969annexée à ce rapport etadresséeau Secrétairepermanent,M. Nchanji,deuxième

sous-secrétaire, demande que lesproblèmesde sécurité soienp tris en charge à un niveau

supérieur,parlePremier Ministrelui-même.

5.224 Les demandes formuléespar les autoritéslocales semblent dans une

certaine mesure avoir été suiviesd'effets.Le ler février 1969, un rapport d'un conseiller
technique sur les tensions engendrésarla guerrecivilenigérianementionne que "In recognition of the need for greater supervisionofthe area a sub-division
was establishedat Bamusso, one at Ekondo-Titiand a full division at Ndian.
In addition, forces of law and order and Customs posts have been
established" (annexeRC 17).

5.225 Le 4 février 1969,le secrétaire permanent note que les difficultés

rencontrées dans la zone par i'administration camerounaise se poursuivront

vraisemblablementtant que durerala guerre civileau Nigéna.Il écrit quelquesjours plustard
au PremierMinistre pour l'informerque

"The Federal Authonties must be fully aware of the situation in this Sub-
Division (...).On our part, we may request the Ministnes of Intenor and
Natural Resourcesto tackle the question ofroads (community Development
roads) water supply, developmentof foodproduction,marketingof fish and

food" (annexeRC 17).

~a~~ort politique et économiquedu sous-préfet de~amusso
iii)
pour le mois de février1969

5.226 Dans son rapport politique et économiquepour le mois de février 1969,
le sous-préfet de l'arrondissementde Bamusso (départementdu Ndian) note de nouvelles

difficultés avec les immigrants nigérianIl précisepar ailleurs qu'un pontest en construction

qui relierales deux villages de Bassenge1et II. Le sous-préft ote encoreque
"The population of Atahong and suburbanareas are now agreeable to tax

payrnents to Cameroon owing to the effect of the visit of the Federal
Inspecterof Administrationthere" (annexeRC 18).

iv) Transfertdu chef-lieudu districtde Jabane (1971)

5.227 En 1971, on propose de déplacerle chef-lieu du district de Jabane

(arrondissementde Bamusso, département du Ndian) deJabane1 à Jabane LI,et ce en raison
des risques persistants d'inondation (annexe RC 28). La suggestion est écartée parle

Secrétaire général du ministèd re l'Administrationtemtonale, qui demande, dans une lettre

datéedu 24 novembre 1971,quele chef-lieu soittransféré à Idabato1(annexeRC 28).

Nomination des percepteursd'impôtspour l'année1972-1973
v)

5.228 Un documentadministratif camerounaisrecense les percepteurs d'impôts
de la communede Tiko pour l'année1972-1973pour la zonede Tiko, les ports de pêche et lazone de Mungo (annexe RC 34). Des détails sont apportés sur les noms, les tribus et les
villages.

vi) Nomination du sous-préfet de l'arrondissement d'Ekondo
(septembre 1976)

5.229 Une lettre du préfetdu départementdu Ndian certifie la nomination de

M. Ekane John Nkwelle au poste de sous-préfetde l'arrondissement d'Ekondo (annexe RC
44). Ce dernier a assuméses fonctionsàEkondo Titi à partir du 16octobre 1976.

vii) Plan de développementrégional de la province du sud-ouest
(juin 1985)

5.230 Un plan de développement régionalde la province du sud-ouest, établi

par le ministère du Plan et de l'Aménagementdu temtoire, donne le détaildes activitésdans
les départementsduNdian et de la Manyu (annexeRC 126). L'ony trouve des cartes ainsi que

des statistiques démographiquesdétailléespour les années 1984 et 1985, couvrant les

départementsdu Fako, de laMeme, du Ndian et de la Manyu. Ce document fournit également

une liste des établissementsindustrielsde la provincedu sud-ouest en 1984.

viii) Procès-verbalde la réunion du Comitéde développement (15
octobre 1988)

5.231 Le procès-verbalde la premièresession du Comitéde développement de

l'arrondissement de 1988-1989, tenue le 15 octobre 1988 a Kombo Abedimo, aborde des

questions d'infrastructure, de services sociaux ou de santé (annexe RC 180). Des activités
spécifiques sont détaillées.Des renseignements similaires se retrouvent dans les procès-

verbaux d'autresréunions(annexeRC 180).

Liste des établissementsde santédans la province du sud-ouest
ix)
(septembre 1992)

5.232 Un document administratif camerounais fournit une liste détailléedes

établissementsde santédes départementsdu Fako, de la Manyu, de la Meme et du Ndian

(annexe RC 197). X) Protestationsofficiellesdu Cameroun àl'occasiond'incidentssur
Bakassi

5.233 On rappellera d'abordpour mémoireles protestations camerounaiseslors

de l'incursion militairedu 16 mai 1981 (MC, pp. 568-569, pars. 6.20-6.27), puis lors des
incursionsdejanvier-février1994(MC,pp. 570-574, pars.6.28-6.46).

5.234 Le Camerouna d'ailleurs réagp iar la voiediplomatique àplusieursautres
occasions pour protester contreles atteintesà sa souverainetéterritoriale dans le secteur de

Bakassi :

- Le 4 mars 1970,il a protestécontre un incident maritime à l'entréedu Rio del Rey (annexe
RC 20) ;

- le 27 octobre 1980, par note verbale, le ministère des Affaires étrangères soulignela

violation de la souverainetécamerounaise par une opérationde police nigériane à Jabane
(annexeRC 51) ;

- ce même ministèreprotestele 7 août 1985contre l'interception d'une pirogue camerounaise
par la douane nigérianeau lieu-dit "pêcherieforisane", entre Ekondo-Titi et Idabato (OC,

Livre II, annexe 1,pp.382-383) ;

- le 19février1986,c'est unchalutier camerounaisqui est arraisonnépar la marinenigériane
dans leseauxcamerounaisesau large de SandyPoint(annexeRC 146) ;

- le 25 mars 1988,le Cameroun doitrappeler au Nigéria quela pêcheet la navigation sont

interditesdanslazonepétrolière of-shore de Kole (annexeRC 170) ;

- le 16 mai 1991,le ministèredes Relations extérieuressaisit l'ambassade duNigénade la

présencepersistante, àJabane,d'un détachemend t e police nigérian.Il souligne la gravitéde
la situation et ses implicationspour les relations de bon voisinage entre les deux Etats. Il

demandele retraitimmédiatdu détachementen question(Cm, vol. VIIi, annexe220);- enfin, par note du 4 janvier 1994, le ministère camerounaiss'émeutde la présenced'un

contingent militaire nigérian considérablà Idabato(Cm, Livre VII, annexe 328). C'estle

débutde l'invasionde la péninsule.

5.235 Ces documents sont variés,et attestent de manière uniformeque le

Cameroun a toujoursentenduagir sur la péninsuledeBakassi à titre de souverain,comme sur

n'importequelleautre partie de sontemtoire. Ils s'étendent ar ailleurssurunelonguepériode

de temps, et ne sont nullement limités aux annéespostérieures à 1973. Ils contredisent

clairementlesallégationsduNigéria,selon lesquellesle Cameroun se seraitabstenud'exercer
sa souverainetédansles premièresannéesaprèsl'indépendance.

5.236 A cet égard,le Cameroun ne parvient pas à déduiredes 24 pages du

contre-mémoirenigérian consacréesthéoriquement à"The AcquiescenceofCameroon in face

of the Peaceful Exercise of Sovereignty by Nigena" (Cm, vol. 1,pp. 260-280) et à la
"Recognition and Admissions by Cameroon in face of the Peaceful Exerciseof Sovereignty

by Nigena" (CMN, vol. 1,pp. 280-284) un seul élément probane tn ce sens. On y retrouve

plutôt une correspondance diplomatique qui confirme régulièrementla conviction du

Cameround'exercersa souveraineté à Bakassi 84.

5.237 C'est cette souveraineté, établie par les instruments conventionnels

pertinents,qui a fait l'objetd'unereconnaissancepar leNigéria.

2O) La reconnaissance par le Nigéria de la souveraineté
camerounaise

5.238 Si leNigériaa clairement confirméle titre conventionneltout au longdes

échanges bilatéraux qui,dès lesannées 1960, ontportésur la démarcationde la ffontière

terrestre (v.supra, pars. 5.203-5.214),son comportement face aux effectivitéscamerounaises

est certainement beaucoup plus ambigu. 11ressort du contre-mémoiredu Nigériaque, en

certaines occasions,des fonctionnairessubalternessemblentincidemmentavoirconsidéréque
l'administrationnigérianes'étendaità certaines partiesde la péninsule. Cependant,jamais les

autorités centrales nigérians'ontofficiellement revendiquél'appartenancede tout ou partie

du temtoire de Bakassi. Tout au contraire, leurs réactions face à certaines manifestations

84
Un seul document est plus ambigu, mais il mentionne clairement que la position du gouvernement
camerounais estréserv,e quilui ôte ài'évidencevaleurjuridique (CMN,v1,p. 283,par. 10.192).

312claires de souveraineté ne peuvent s'interpréter quecomme une confirmation de la

souveraineté camerounaise. A titre d'exemple, on mentionnera ci-dessous trois éléments
probants.

i) L'absence de remise en cause de la souverainetécamerounaise à
l'occasionde l'éditionde cartes

5.239 L'examen du matériau cartographique existant est particulièrement
significatif à cet égard.Comme le Cameroun l'arappelé dansson mémoire,le Nigérian'a,

jusqu'en 1992, jamais remis en cause les cartes qui situent toutes Bakassi en temtoire

camerounais (MC,p. 301, par. 3.344).Plusieurs cartes administrativesnigérianesreproduisent

d'ailleurs elles-mêmesle tracéofficiel sans aucune forme de réserveou de revendication. On
peut notamment citer les cartes répertoriéedans le mémoiredu Cameroun comme les cartes

M 17(éditée en 1963,réimpriméeen 1968),M 20 (éditée en 1960),M 21 (éditée en 1972),M

55 (éditéeen 1965), M 57 (éditéeen 1966) et M 71 (éditéeen 1974). Sans avoir valeur

conventionnelle en tant que telles, ces cartes attestent d'uncomportementconstant du Nigéna
qui n'a pas entendu remettre officiellement en cause la souverainetécamerounaise sur

Bakassi. Il esthautement significatif derelever l'absencede réponsede la part du Nigénadans

son contre-mémoire à cette partie de l'argumentationcamerounaise.

ii) La confirmation de la souverainetécamerounaise à l'occasionde
différendsopposant certainescommunautéslocales

5.240 Dans les premiers mois de 1962, M. A.H. Ikwang, consul du Nigériaa

Buéa, envoie plusieurs lettres au Secrétariat du Premier Ministre camerounais. ilfait état

d'une plainte adresséeau gouvernement fédéral du Nigéria pad res communautésvivant dans
les villages de Ekang et ikpai, au sujet d'un différend surl'usagede terres les opposant au

village d'0tua5.Selon les termes d'unelettrerédigéele 16mai 1962par le consul nigérian,

"what is possibly in dispute is the boundary between the villages of Otu and
Ekang, which appears to lie somewhere insidethe Cameroons.The point at
issue is the question of allowing the Ekang andikpai people permission to
continue to farm the portion of their land which lies in West Cameroon not,
as it appears, the detennination of the internationalbounday which is the

Awa river.
"(...) It is, therefore, a matter for your Govemment to decide as to the
boundary between the Otu and Ekang people and to consider
sympathetically what concessions can be made to the natives of Ekang and

''Cevillageestsituéducôtécamerounaisdelafrontièrea,unordde lapéninsueakassi. Ikpai to ensurethe continued utilisation of their farmlands which now lie
within theterritoryof West Cameroon"(annexeRC 10 ;italiquesajoutés).

5.241 Le Secrétariadt u PremierMinistre du Camerounréponddansun premier

temps en demandant au consulde luicommuniquerle nom d'unofficiel nigérianavec lequel

les autoritéscamerounaises pourraientcollaborerpour préciserle tracé exact dela frontière
dans la zonelitigieuse (lettredu 20juin 1962,annexe RC 11).Selon un rapport établi parce

Secrétariat,leconsul a réponduen relevant"that the Nigerian~WestCameroon boundarywas

in question,but rather simplythe permission forthe Ekang Ikpai people to continue to

farm in anarea of the Otupeoplewhilein factresideingovertheriver, within Nigeria(annexe
RC 9,par.5 ;soulignédans le texte).

5.242 Une réuniona alors lieu, le 13juillet 1962,entre le consul nigérianet le

SeniorDistrict Oficer deMarnfe.Lerapportmentionneque :
"1. The Nigerian Consul said there was no dispute about the boundary

whichhis governmentacceptedto beAwaRiver.

"2. His request wasthat the Nigerians whose farmlands fa11within West
Cameroon temtory should be allowed to continue using them even if the
permission is grantedonly for a specific period" (annexe RC 12 ; italiques
ajoutés).

5.243 Le Senior District Oficer camerounais remarque que la requête du

consul "wouldappear to be amatterfor highlevel discussion" (ibid.),et demandedèslors des

instructionsau bureau du PremierMinistre. C'est surla base d'instructions précises qu'isle
rend alorssur le terrain, et rencontreles Otu, le25juillet 1962.Le chef de ceux-cilui fait part

de leur acceptation de principe de la possibilitépour les populations de Ekang et ikpai de

continuer àcultiver leursterres,"on conditionthatthey crossoverto West Cameroontemtory

so that they may pay tax to West Cameroon government" (ibid., par. 2 (iii)). Les Otu
craignentpar ailleurs que cespopulationsne cherchent à revenirs'établir suleursterres.

5.244 L'affaireest alors traitéesuccessivement par les ministères camerounais

des Affairesétrangèreset de la Justice. Finalement,une solutionau conflit est proposée, qui

consiste à confier les problèmesde propriété de la terre aux juridictions compétentes,et à
permettrepar ailleurs aux Nigériansde Ekang etIkpai de continuer àcultiver la terre pendant

une périodede deux ans. Une lettre du 22 juillet 1963, en provenance du Premier Ministre,

relèvequeleMinistre desAffairesétrangères "should, in case such as this, give information only to the Nigerian
Govermnent,leaving it to them to inform their people if they wish" (annexe
RC 13,par. 6).

5.245 Cet épisodeprésenteun intérêftondamental àun double titre.

5.246 D'abord,il montre bien que, contrairemenàce que prétendle Nigéria,le
Cameroun a entendu agir dans la région de Bakassi à titre de souverain, et ce dès son

accession à l'indépendance.La correspondance établit que, aux yeux du Cameroun, aucun

problème de délimitationfrontalièrene se posait dans cette zone. Tout au plus pouvaient, le

cas échéant, subsisterdes problèmes de démarcation, à régler au cas par cas avec la
collaboration des autoritésnigérianes.

5.247 Ensuite, l'épisodconfirme une fois de plus l'absencede remise en cause

de la frontière conventionnelle par les autorités nigérianes. Alors que les autorités
camerounaises font officiellement appeà leurs homologuesnigérians pourréglerun éventuel

problème de démarcation,ceux-ci répondent explicitementqu'aucunproblèmene subsiste sur

la délimitation, et mêmesur la localisation, de la frontière. Référence estd'ailleurs

explicitement faità la rivièreAwa.

5.248 La correspondancecitéemontre aussi que les autorités nigérianesétaient

parfaitement au courant de l'évolutionde la question. C'eàtelles que les communautés de

Ekang et Ikpai se sont adresséeàl'origine,et c'estavec elles que le consul n'apu manquer de
communiquer, tout commec'est à ellesque les autorités camerounaisesont dû transmettre leur

décision.Mais, visiblement, le Nigériaconsidérait quecette question ne revêtait qu'unintérêt

mineur, ce qui explique que son gouvernement ait préféré la laisser traiter par le consul

nigérian àBuéa.Le comportementnigérianpeut donc difficilement êtreinterprétéautrement
que comme une reconnaissance claireet non équivoquede la souveraineté camerounaise dans

la région.

iii) La confirmation de la souveraineté camerounaise à l'occasion
des activités consulaires nigérianes, notamment dans la
délivrancede passeports

5.249 L'incidentqui vient d'être mentionné, ainsi que les événemenrteslatésci-

dessous, témoignentdu fait que les plaintes ou revendications éventuelles des ressortissantsnigériansrésidantou déployantleurs activités entemtoire camerounais étaienttraitéespar la
voie normale des consulats nigériansau Cameroun. Le gouvernement du Nigénan'a en

revanche jamais pris prétextede ces incidents pour revendiquer la souverainetésur les

temtoires concernés, y comprisdans la régionde Bakassi. En laissant ces problèmesêtre

géréspar ses autorités consulairst, en s'abstenant deformulerlui-même desrevendications
au niveau intergouvernemental,leNigéria confirmaitune foisencore sa reconnaissancede la

souverainetécamerounaise.

5.250 Cette activitéconsulaire s'est notamment traduite par la délivrancede
passeports aux ressortissants nigérianssituéssur l'ensembledu temtoire camerounais,y

comprisdanslarégionde Bakassi.

5.251
Ainsi, au termede la guerre civile (a la fin desannées1960),les autorités
consulairesnigérianesont entreprisdes efforts considérablespourreprendre contact avec les

communautésde ressortissants nigérians présents orésidantsur le temtoire duCameroui.

En juin 1970, le consul nigérian, M. Sanosi, s'est renduà Bui pour y rencontrer la
communauténigériane locale. Ilmentionne dans son rapportque

"there was a greatneed for Passports and he had decided to tour nght into
the remote areas to assist the people by issuing passports to thern and
thereby reducingtheir expencest& fromBuea" (annexe RC22).

5.252 Il conseille aussà la communauté nigériane"to be loyal and law

abiding"et "to study the lawsandregulations ofCameroon"(ibid.).

5.253 Les difficultés entourantla délivrance de passeportspar le consulatdu

Nigéria à Buéa à cette époquesont confirmées pard'autresdocuments. Le premierest un

rapport du 17juin 1970 établipar le commissariat spécial(Special Branchà Victoria, qui

laisse entendre que des agents peu scmpuleux détourneraient lesystème en soudoyantde
jeunes responsablesdu consulat pour obtenir des passeportspour leurs clients sansrespecter

toutes les conditionslégales nécessaiàcette fin (annexeRC 23). Le second est unerequête

du 7 août 1970du consulat nigériaàBuéaaux commandantsdesbrigades de gendarmeriede

Eyumodjok et Bakebe demandant que des mesures soient prises pour empêcherl'entréeau
Cameroun d'enfantsinscrits frauduleusementsur des passeports nigérians(annexe RC25).

Les autorités camerounaisesrépondentqu'ilappartient aux autorités nigériaresponsablesde la délivrancede passeports de prendre elles-mêmes des mesurespour remédier à cette

situation (annexeRC 25).

5.254 Des visites ultérieuresauprèsdes communautés deNigériansvivant au

Cameroun ont étéeffectuées parle nouveau consul général duNigéria àBuéa,M. John

Onchie, enjuin 1972.Des rapports sur ses visitàNkambe (dans le départementdu Donga-
Mantung, dans la partie nord de l'ancienCamerounméridional britannique) les 14 et15juin

1972 (annexe RC 35), à Kumbo (au sud de Nkambe) le 15 juin 1972 (annexe RC 30), à

Mamfe (dans la partie centralede l'ancienCamerounméridional britannique)les16et 17juin

1972 (annexe RC 29) et àKumba (au nord de Buéaet à l'est de Bakassi) le 26 juin 1972
(annexe RC 31) ont étérédigés à cette époquepar des policiers locaux du commissariat

spécial(SpecialBranch). Lors de ces visites, le consulgénéral rencontrailtesmembresde ces

communautés nigérianes du Cameroun, et assurait le paiement de pensions aux personnes

retraitées. Le problème majeur demeurala délivrancede passeports. Dansce contexte,il est
intéressantderelever que lanote sur la visite du consul générNigériaàMamfe,les 16et

17juin 1972,révèle que "he will non longer issue passports through agents, concludingthat

agentsused to trade with the passports" (annexeRC 29). Dans sa note sur sa vàKumba,

il indique de mêmeque "many of the Nigerians who were working in the Consulateat Buea
have been transferred because of spoiling the name of Nigeria for their wrong doings"

(annexeRC 31).

5.255 On signalera encore uneréuniontenueàBuéa,le 30juin 1972, àlaquelle
participait le consul de l'ambassade du NigéàiYaoundé, ainsiqu'environ25 déléguée s,n

provenance de différentes parties dutemtoire camerounais. Certainsparticipantsy formulent

des plaintes au sujet de la pénuriede passeports nigérians. Selonle procès-verbalde la

réunion,le consul nigériànBuéarépond notamment enleur reprochantd'aider les
"infiltrators in the Carneroon whohelp to exhaust the passports whichare

meant for those who have been here [in Cameroon] for over 30 years or
before Re-unification" (annexeRC 32).

5.256 On note aussi, le 26juin 1973,une correspondancedu consulgénéral du
Nigéria àBuéarelative aux difficultésde collecte de l'impôt àtl'arrestation d'un certain

Etim William, arrêtà Atabonget injustementdétenu àYaoundé(annexeRC 36).5.257 Le consul général effectueune tournéeen janvier 1974 qui le mène à

Atabong et Abana(annexe RC 38). Son successeurrefait latoumée en décembre de la même
année (annexeRC 39).

5.258 Le consul général du Nigériaà Buéas'exprime ainsi le28 septembre

"You will recall that when 1 last saw you in your office in August 1
mentioned my intentionto visit theNigerian Communitiesin the creeksand

Border Areas of Cameroon.This is a follow-up of the directives arising
from the recent meeting of theHeads of State of our sister countries"
(annexe RC 46).

La touméeprévueest organiséepour assurerle suivi du sommet des Chefs d'Etat. Elle

comprendnotammentIsangele,puis Idabato.

5.259 En juillet 1980,le consul générvlisite Idabatopendant deuxjours pour

y délivrer despasseports("PassportWorK')(annexeRC 49).

5.260 Dans les années1980encore, onobserve de sincères tentativesde la part

des autorités desdeux Parties en vue d'informer lespêcheursnigérianssaisonniers se rendant

sur la presqu'ilede Bakassi qu'ils'agissaitbien d'untemtoire camerounais. C'est dansce but

qu'une délégationconjointe camerouno-nigériane faitune touméedes creek villages de
Bakassi au mois dejanvier 1982.Un rapport completde cette mission conjointe, ainsi qu'un

rapport complémentairejoint (annexeRC 70) montrequ'ils'agissaitde toute évidenced'une

visite "éducative"du type de celle effectuéedans la région de Bakassi en 1973 par
l'ambassadeurnigérian au Cameroundel'époque (annexeRC 37).

5.261 Le 7 septembre 1982,le consulat gknéralprévoitune tournéedu vice-

consul et d'autres membres du consulat généraldu Nigéna avec accomplissement de
"ConsularDuties"a Isangele, Archibong,Idabato,Kombo Abedimo et Jabane (annexe RC

72).

5.262 Le 25 janvier 1983 est organiséle "maiden tour" du nouveau consul

général,qui comprend Kombo Abedimo, Jabane et Idabato (annexe RC 78). Le consul

généraldemande à la marine camerounaise de mettre une embarcation à sa disposition (annexe RC 80). Le rapport camerounais relate les difficultés rencontrées parle consul
générad lu Nigéria (annexeRC 82).A Idabato,le consul général s'exprime ainsi

"Responding, the Consul-General thanked his country people for the kind
words expressed to him and his entourage. He told them that they were

living in Cameroonsoiland that the boundaries made by Colonial Masters
should be highlyobserved.As strangers, he continued, they should obey the
laws in Cameroon and constituted authonties" (annexe RC 82 ; italiques
ajoutés).

l Les termes soulignés montrent, une fois encore, que les autorités nigérianes ne remettent

nullement en cause la souverainetédu Cameroun, mais cherchent seulement à améliorer les

conditionsde vie de leurs ressortissantsvivant en temtoire étranger.

5.263 La délégation est mieux reçue à Kombo Abedimo, où les ressortissants

nigérianspromettent de respecter les lois et de payer les impôts. Mais le consul général est

obligéd'écourtersa visite à Jabane en raison de l'hostilité rencontré(ibid. et rapport Ake du
2 mai 1983sur le mêmeincident, annexeRC 84). L'incident rappelle les difficultés constatées

par les administrateurs britanniques avant l'indépendance, notamment lorsdes "ta-raids". II

faut encore noter qu'à aucun moment le consul généraldu Nigéria n'en tire comme

conséquenceque Bakassi n'est pas situéeen territoire camerounais. Au contraire, il exhorte
sescompatriotes à respecter les loiset autoritéscamerounaises(ibid.).

5.264 L'ambassadeurdu Nigéria,S.E. A. Yusufari, effectue une tournéede la

circonscription du Ndian en décembre1986,comprenant une étapea Idabato le 18 décembre
pour rencontrer les autorités administratives camerounaises et la communauté nigériane

(annexeRC 149).

5.265 Tous ces événements témoignen dte la volonté des deux Etats intéressés

de réglerles problèmes nés dela présenced'un nombre important de ressortissants d'origine

nigérianeau Cameroun, y comprisdans la régionde Bakassi. Il est clair que, aux yeux de l'un

commede l'autre,on ne se trouvaitpasdans le cadre d'un conflitterritorial ou fiontalier;mais
danscelui de problèmes devoisinage entrepopulationsd'origines différentes.

5.266 Jusqu'au milieu des années 1980, les autorités diplomatiques et
consulaires nigérianes ontdonc confirmé,par une pratique administrative régulière, l'accord

des deux Etats sur l'appartenancede la péninsule deBakassi à la Républiquedu Cameroun.
lDe l'avis du Cameroun, ce comportement est constitutif d'une pratique ultérieurementsuivie

par les Parties au sens de l'article 31, paragraphe 3, alinéab) de la Convention de Vienne sur

le droit destraités,voire d'un accord sur l'interprétaet l'application des traités(article

paragraphe3,al. a) )86.

5.267 En somme, la pratique des Etats concernés depuis la conclusion des

accords internationauxpertinentsrévèleune confirmation de la souverainetécamerounaisesur

Bakassi et de la frontière de'Akwayafé.Le Royaume-Uni a scmpuleusement respectécette

frontièreen tant que puissance administrante du mandat, puis de la tutelle. Les autorités

camerounaises et nigérianesont confirmé cettekontière issue de la décolonisationpar leur

comportement depuis les indépendances, comportement constitutif d'une pratique ultérieure
au sens de l'article de la Conventionde Vienne sur le droit des traités.

5.268 En conclusion, un examen de l'ensemble de la périodequi commence à

l'indépendancedes deux Etats et qui se poursuit jusqu'au changement total d'attitude du

Nigénadans les années1990montre que le titre conventionnel constituépar le Traitéanglo-

allemand de 1913 a été confirmé. Cettc eonfirmation découled'aborddes prises de position

officiellesarrêtéeà l'occasiondes discussions et négociationsqui ont expressémentportésur
la localisationde lakontière,pendant lesquellesl'appartenance deBakassi au Camerouna été

régulièremenr tappeléeet admise, comme l'attestentnotamment les Accords de YaoundéII et

de Maroua, y compris la carte qui y est annexée.La confirmation du titre conventionnel

s'observeaussi sur le terrain, le Cameroun ayant exercé sa souveraineté dans la régionde

Bakassi de manièreparfaitement normale étant donnéles particularités locales.De même,et
sous réserve des réflexes de quelques fonctionnaires subaltemes héritésdes traditions

administratives britanniques, l'attitude du Nigéria nepeut, dans l'ensemble, êtreinterprétée

que comme une acceptation tacite de cette souveraineté. Divers exemples, dont celui du

différendayantopposé certainescommunautéslocales concernantl'usagede terres aux abords

de la kontière, sont particulièrement significatàcet égard.Pendant de nombreuses années,

le Nigéna anon seulement respecté mais aussi confirmé les engagements conventionnels
situant la frontièràl'ouestde la presqu'île de Bakassi. Il ne peut plus aujourd'huirenier ces

engagements.

V. C.I.Jarrêt1,décembre1999a,ffaidrel'lldeKasikili/Sedudu(Botswana/p Nami3bie), CHAPITRE 6.

LE TRACE DE LA FRONTIERE DU LACTCHAD AU POIGT 6.01 Dans les chapitres précédents, leCameroun a réaffirmé saposition

concernant le tracé de sa frontière terrestre avec la République fédéraledu Nigéria.
L'ensemble du tracéde la frontièreest fixépar des instruments conventionnels valides et

applicables qui délimitentla frontière.Ceci est vrai pour l'ensemble de la frontièreterrestre,

mais égalementde la premièrepartie de la frontièremaritime -jusqu'au point G.

6.02 Pour donner à la Cour une description détailléede la ffontière, le
Cameroun choisit de présenterun tableau plutôt que de répéter lesélémentsde sa position

sous la formed'untexte. Ce tableau se limitepour l'essentiel à la communication des données

contenues dans les instruments juridiques pertinents, non seulementen ce qui concerne les

coordonnées géographiques(colonne 2), mais égalementpour ce qui est de la description

textuellede lafrontière(colonne5),qui est la transcriptionexactedes instruments juridiques.

6.03 Une seule exception a été faite àcette règle, pourdes raisons purement

pratiques ; elleconcerne la partie de la kontièresituéeentre l" Mont Kombon " et " laborne

frontière n064 ". Dans l'instrument juridique pertinent,I'Order in Council de 1946, cette

partie de la frontièreest décrited'ouesten est, tandisque dans le tableaujoint, elle l'est dans
l'autre sens (v.no74 à82).

6.04 Les cartes auxquelles il est fait référenceà la colonne 7 sont des cartes

officielles auxquelles les instruments juridiques pertinents se réfèrent. Ainsi, les

représentationssur ces cartes - en particulier le tracéde la frontiè-eexpriment l'accord des
Parties contractantes. Les deux dernières colonnes du tableau résument les positions

respectives desParties. Une liste desabréviationsutiliséesfigure en finde chapitre.

6.05 Le tableau met en évidence plusieurséléments quel'on peut rappeler et

résumercommesuit :

a> Des instrumentsjuridiques délimitentl'ensemblede la frontière,du point

triple dans la régiondu lac Tchadjusqu'au point G dans le golfe de Guinée.La démarcation

n'a étéeffectuéeque sur certainesparties de la frontière(no 1-15,40, 45, 46,48 et 83-144 du

tableau). La frontière maritime jusqu'au point G est déterminée très précisémep natr des
coordonnéesgéographiques.b) Les instruments juridiques applicables déterminentla frontière en se
référanptarfoisà certaines caractéristiquestopographiquesfacilement identifiables telles que

des sommets,la lignedepartagedes eaux, le coursdecertains fleuves ourivières.

C) il y a lieu de relever que les secteurs de la frontièredont le Nigéna

conteste le tracéont fait l'objet non seulement d'une délimitation conventionnelle, mais
également d'une démarcationprécise etcomplète.Cela est vrai de la frontièredans la région

dulacTchad,ainsique de lapartie méridionale dela frontièreterrestre,ycomprisla péninsule

deBakassi.Lessources, tantbritanniquesqu'allemandes,confirment que,de l'avis desParties

concernées,unedémarcationcomplète jusqu'à la meravait étéeffectivementréalisée avanlta

PremièreGuerremondiale (v.MC,pp. 69-98,pars.2.62-2.98 ;pp. 442-445,pars. 4.269-4.276
etsupra, chapitre5,pars. 5.117-5.118).

d) De fait, les désaccords sur le tracé réelde la frontière concernent

essentiellement des problèmes de démarcationet non de délimitation. Les instruments
juridiques existants qui délimitentla frontière sur toute sa longueur constituent une base

juridique suffisantepour sa démarcationcomplète surle terrain.

6.06 Pour les commoditésde consultation, le tableau ci-aprèspublié dansle

formatA4, a été repris au formatA3 dans un appendicequi faitpartie du Livre1de la présente
réplique. Letracéde lafrontiére dutripoint au lacTchad au point G

llgdata

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Letracede lafrontlere
Positionsdes Partles

W
W
W - -- p ~ - p~~ -

Letrac6dmlahontlbra Posltlonsdes Paitles Liste des abréviations
. s

Carte 3433 BritishAdmiraltyChartNo. 3433 (1970)

CBLTnGN Commission du bassin du lac Tchad/lnstitut géographique
national

CMN Contre-mémoire dela République fdeuraléria(mai
1999)

GSGS GeographicalServiceof theGeneralStaff
WW ProtocoleHenmannlWoodroffe(avril 1906)

J/G Protocole du 10 août 1903 (Delimitationof the Yola Arc)
(Jackson et Glauning) (Annexe 1au Traitéanglo-allemand du
19mars1906)

Maroua Accord de Maroua signé parle PrésidentAhidjo et le Général
Gowon(1"juin 1975)
Mars 1913 Agreementbetween Germanyand Great Bntain respecting the
Regulationof thentierbetweenNigena and the Cameroons
and the Navigation on the Cross River signed at London (11
mars 1913)

MC Mémoirede la RépubliqueduCameroun(16 mars 1995)

Moisel Karte von Kametun (Carte du Cameroun) 1:300 000 (1911-
1913)
MIS DéclarationMilnerISimon(IOjuillet 1919)

NIC AccordNgohICoker 1971(YaoundéII)

N/D Agreement concerning theDemarcationof the Anglo-Geman
Boundarybetween Nigena and the CameroonsfromYolato the
Cross River with 8 accompanying maps signed at Obokurn
(AccordNugentlDetzner, 12avril 1913)
Order Nigeria (Protectorate and Cameroons) Order in Council (2
August 1946)

RC Répliquedela Républiquedu Cameroun(4 avril 2000)

TIM DéclarationThomson/Marchand(191)1193
TSGS Topographical ServiceofthealStaff 2ème
PARTIE

LA FRONTIERE MARITIME CHAPITRE7.

LA NECESSITED'UNE DELIMITATIONMARITIMERAPIDE,

COMPLETEET DEFINITIVE7.01 Lapartie de son contre-mémoire que le Nigériaconsacrea la délimitation
maritime est extrêmement sommaire (vol.II, Part. IV, pp. 555-622). Outre cette grande

brièvetée, lle se caractérisepa:

- le traitement indifférencque 1'~tatdéfendeur réserve à l'ensemble dela

délimitation maritime,sans opérer dedistinction entre lapartie d'ores et déjà délimitée,
jusqu'au point G, par l'Accordde Maroua, et celle qui n'apu l'êtred,u fait que le Nigériane

s'estpas prêté aux nécessairesnégociations ;et

- l'approcheexclusivementnégative retenuepar la Partie nigériane,qui se

borne à critiquer la lignede délimitation proposépear le Cameroun en se refusant àindiquer
cellequi lui paraît devoir s'imposer.

7.02 En ce qui concerne le premier point,la Républiquedu Cameroun tient à

rappeler qu'elle a, dans son mémoire,soigneusement distingué les deux secteursde la
délimitation maritime à laquelle il est demandéa la Courdeprocéder (MC, pp. 497-558,not.

pp. 499-500, "Les deux secteurs frontaliers"). Pour sa part, au contraire, le Nigériaprocède

par amalgame et prétend réfuter l'argumentationdu Cameroundans un chapitre unique, dans
lequel il traite pêle-mêdleu secteur délimitpar l'Accord de Maroua etdecelui qui n'a pasfait

i'objetd'une délimitation conventionnelle(CMN,vol.II,chapitre23, pp. 601-622).

7.03 Mêmesi, dans la perspective du Nigéria,la distinction retenue par le
Camerounn'apas lieu d'êtred ,u fait que cet Etatne reconnaîtpas- à tort (v. infrc,apitre 8,

pars. 8.30 et S.) - la validitéde l'Accord de Maroua (qui concerne pour partie la mer

temtonale mais qui prolonge la délimitationau-delà),il n'enreste pas moins qu'iln'estpas

acceptable de procéder decette manièreindifférenciéeC . omme le Cameroun le démontrera
ci-dessous (chapitres 8 et 9), les principes applicablàsla délimitation dela mer temtonale

ne sont pas ceux qui s'imposenten matière dedélimitationdes plateaux continentaux et des

zones économiques exclusivesrespectifsdes Parties (tandisque ceux qui doivent êtremis en

Œuvre dansces deux derniers cas se confondentlargement - v. infra chapitre 9, pars. 9.08-
9.17).

7.04 Au demeurant, le Cameroun considère qu'in l e fait aucun doute que sa
frontièremaritime a été fixée conventionnellemejn utsqu'aupoint G, tel quele définitl'Accord

de Maroua. Dans les deux chapitres suivantsde sa réplique,il répondra donc aux arguments

indifférenciés du Nigéri en distinguant lesdeuxsecteursde la frontière maritime.7.05 Dans le présent chapitre, la Républiquedu Cameroun se bornera à
aborder les élémentsde l'argumentation nigériane qui concernent effectivement la

délimitationmaritimedans son ensemble et, en particulier, le refus de la Partie nigérianede

présenterla lignededélimitationmaritimequi lui parait devoirêtreretenue.

7.06 Non sans cynisme, le Nigéria indique d'emblée dans l'introductiondu

chapitre de son contre-mémoire qu'il prétenc donsacrer a la réfutation de la délimitation

maritime proposéepar le Cameroun (vol. II, chapitre 23, "Maritime Delimitation: The
Rebuttal of Cameroon'sClaim-Line") :

"In the circurnstances, Nigeriadoes not formulate its own maritimeclaim
vis-à-vis Cameroon inthis Counter-Memoriaf'(vol. LI , m, p. 604,par.
23.4).

7.07 A l'appuide son refus de formuler ses propres prétentions, leNigéria

avance quatreargumentsqui, selonlui, le dispenseraientderévéler la Cour sa positionsur le

fond de laquestion.D'unepart :
"In the present case, Cameroonis the Applicant,and it is for Cameroonto

assertandjustify its claim.Nigeria has no similaronus" (CMN, p. 603,par.
23.3).

D'autrepart :

"As noted already, it is Nigeria's positionthat Cameroon's maritime claim
beyondPointG:

"(1) should be postponed until the determinationof the extent of the land
temtory ofthe Parties,onwhich it is dependent;

"(2) should be determined in the first place by agreement, in accordance
with the parties'clear and express obligationsunder Articles 76 and 83 of
the 1982Convention,and on the basis of the land boundary as determined
bythe Court;

"(3) in any event, in the circumstances of the present case, cannot be

decided on because the claim presented by Cameroon necessarily and
inevitablyinvolvesthe nghts of third States,specifically Equatonal Guinea
and Sâo Tomée Principe, which have not consented to the jurisdiction of
the Court"(CMN,vol. Iip,p. 603-604,par. 23.3).7.08 Les deux derniers prétextes avancés par le Nigéria concernent

exclusivement la délimitation dela frontière maritime au-delà du pointt feront l'objet de

développementsdans le chapitre 9 ci-après. Dans le présentchapitre, le Cameroun se limitera
donc à montrer qu'il n'existeaucune raison, ni juridique ni pratique, de dissocier l'examen de

la délimitationmaritime de celui de la fkontièreterrestre, dans l'espoir d'écarter,une fois pour

toutes, les demandes, quasiment obsessionnelles, du Nigéria qui s'efforce de remettre en

question les décisions arrêtées pa Cour avec l'autoritéqui s'attachela chosejugée dans
son arrêt du11 juin 1998 relatif aux exceptions préliminaires, en particulier en ce qui

concerne la septième exception soulevée parle défendeur (section 1).11abordera ensuite les

problèmes de preuve posés par le refus de la Partie nigériane de préciserla ligne (ou,
alternativement, les lignes) de délimitation maritime qui lui paraissent convenables (section

2).

Section 1: UNICITE DE LA REQUETE CAMEROUNAISE ET
UNITE DE LA DELIMITATION DE LA FRONTIERE
ENTRE LE CAMEROUN ET LE NIGERIA

7.09 Le Nigéria sembleavoir oublié les questionsqu'ila lui-même soulevées

durant la phase des exceptions préliminaires, qui ont fait l'objet de longs débatsdevant la
Cour, et que celle-ci a tranchées sansla moindre équivoquepar son arrêtdu Il juin 1998.

C'esttout particulièrementle cas de la septième exception préliminaireque la Cour a rejetée

sans ambiguïtédans ses deux branches, ce qui ne le dissuade pas de souleveànouveau, au
méprisdu principe de la resjudicatd aes questions qu'il avait lui-même présentées comme

étantpurement préliminaires et sur lesquelles la Cour s'estprononcéesans équivoque, qu'il

s'agissede l'ordredans lequel les conclusions camerounaises relatives à la fkontièreterrestre

d'unepart et,à la délimitation maritime, d'autrepart, devraient êtreabord(5s1) ou de la
dissociation qu'ils'efforce d'opérerentre ces deux aspects essentiels et indissociables de la

requête(5 2). tj 1 - La question de l'ordre dans lequel la délimitation de la
frontière terrestre et de la frontière maritime doivent être
examinéesa été tranchéepar la Cour

7.10 Dans son contre-mémoire, leNigériaréintroduitle"problème" - qui n'en

estpas un-de l'ordredans lequel la Cour devraitexaminerla questiondela délimitationdela
frontière terrestred'une partet de la frontièremaritimed'autre part.

7.11 Dans un premier temps, il cite, sans autre commentaire,le paragraphe

106de l'arrêd telaCour du Il juin 1998(CMN,vol.II,p. 560,par. 20.3) :
"il serait difficile. sinon imoossible. dedéterminerauelleest la délimitation

de la frontière maritime entre les Parties aussilongtempsque la questiondu
titre concernantlapresqu'îlede Bakassi n'aurapas été réglée" ;

la Cour relèveaussitôtaprès queles deux questionsluiétantsoumises,
"c'està elle qu'ilappartientde régler l'ordre dans lequelelle examineraces

questions, de telle sorte qu'elle puissetraiter au fondchacune d'entreelles.
C'estlà une question qui relèvedu pouvoir discrétionnaire de la Cour et qui
ne saurait fonderune exception

7.12 Mais le Nigéria segarde de reproduire le passage pertinent dans son

intégralitéet omet de rappeler que la Haute Juridiction a considéré que :"[plar voie de
conséquencele moyen doit êtreécarté"*c ,e qui constitue une décisionlimpide, revêtuede

l'autoritéde la chosejugée. En outre, quelquespagesplus loin, il laisse entendre qu'ilestdans

l'impossibilité de proposer une délimitation maritimd eu fait qu'il contestele tracé dela

frontière terrestre:
"Equally, the Court has jurisdiction over the land boundary.But this leaves

u~esoived an important questionof legal logic anda fundamentalissue of
method. The Court cannot begin the task of maritimedelimitation before
determining the location of the land boundary. Nor can it proceed on the
basis of a prejudgrnent as to the location of that boundary. The relevant
considerations will be different ifCameroon'scontentionsare upheld than
they will be if Nigeria'sare upheld, and there may beother elementsin the

eventual judgment on the land boundary, especiallyrelating to Bakassi,
which are relevant forthesepurposes"(CMN, vol.II,p. 596,par. 22.4).

'Affairede la Frontièreterrestre et maritimeentre le CamerounNigéria(exceptionspréliminaires, ec.
1998, pp.320-321,par.106.
Ibid. 7.13 Bien que les "autres éléments" auxquels le Nigériafait allusion ne soient
pas précisés, il n'espasdouteux que la décision queprendrala Cour sur l'appartenancede la

péninsulede Bakassi à l'une ou l'autre des Parties aura une incidence sur le tracéde la

frontière maritimedans son ensemblepuisque le pointdedépartde la ligneseradifférent.

7.14 Mais, comme lors de la phase préliminaire, le Nigériaconfond ici deux

problèmes bien différents :celui de l'ordre dans lequel les deux questions doivent être

tranchéesd'unepart ; celui de lapossibilité pourla Courdeseprononcer,d'autrepart. Par une
formule lapidaireet claire, laCoura tranchél'uneet l'autredans sonarrêtdu Il juin 1998

"Les deuxquestions [de la souverainetésur la presqu'îlede Bakassi et de la
délimitation maritime] étantainsi soumises à la Cour, c'està elle qu'il

appartient de régler l'ordre danlequelelle examineraces questions [la Cour
règleainsi le problèmede méthodesoulevépar la Partie nigériane], de telle
sorte qu'ellepuissetraiter au fond chacuned'entreellesn3.

7.15 En vain laPartie nigérianeinvoque-t-elle"the interests of the pnority of
issues and the economy of pleading in maritime delimitation" (CMN,vol. II, pp. 596-597,

par. 22.6).La question de la "prioritédes problèmes""relève dupouvoirdiscrétionnairede la

cour'* et on se demande en quoi une solution consistant à inviter les Partieà déposerde

nouvelles pièces de procédure écriteet à entamer un nouveau round de plaidoiries orales
pourrait constituer une "économiede plaidoiries" ...Ce faisant, le Nigériaremet en cause

l'autoritédela chosejugée, ceque nila Cour, ni le Cameroun nesauraientaccepter.

§2- L'unicitéde l'objet de la requêtene peut êtreremise en
cause

7.16 Pour tenter d'éviter que la Cour se prononce sur les demandes
camerounaisesrelatives à la délimitation maritime,la Partie nigériane"revientà la charge",

plus subrepticement, d'une autre manière. Elle suggèreque la Cour devrait exercer son

pouvoir discrétionnaire detellemanière qu'ellese prononce d'abordsur les questionsrelatives
à la frontièreterrestre (CMN, vol. II, p. 595, par. 22.3). Sous cette forme et s'ils'agitd'une

question purement méthodologique,ce que le Nigéria semble concéderdansun premier temps

'Ibid., p.321,par.106.
'Ibid.(CMN, vol.II, p. 596,par.22.4),cettesuggestionrelève d'une logique à laquelle le Cameroun

n'a rien à redire, commeil l'aindiqué à plusieurs reprises durant la phase des exceptions

préliminaires (v. OC,p. 161,pars. 7.16-7.17,CR 9814,p. 52 (M. Bipoun Wourn) ou CR 9816,

pp. 51-53 (M. Pellet)).

7.17 En revanche, le Cameroun ne saurait admettre la conclusion que le

Nigéria tirede cette considérationpuremenm t éthodologique,qui le conduit àaffirmer que "it

is appropnate to separatethe two phases of the case" (CMN, vol. II, p. 597, par. 22.6), dont

l'une serait consacréeà la délimitationde la kontière terrestre et la seconde à celle de la
kontièremaritime, cettedemièredevantêtre"postponeduntil the determinationof the extent

of the land territory of the Parties, on which it is dependent" (CMN, vol. II, p. 603, par.

23.3 (1)). Une telle demandede disjonction d'instanceest totalement inacceptable aux yeux

du Cameroun et constitueune nouvelleremise en cause de l'autoritéde la chosejugéepar la

Cour dans son arrêd t u Il juin 1998.

7.18 Le Nigéria avait fait valoir à l'appui de sa septième exception

préliminaire(v. EP, pp. 114-115, pars. 7.3-7.5, CR 9812,pp. 46-48 (M. Crawford) ou CR

9815,p. 56 (M. Crawford))trèsexactementlesmême moyens que ceux qu'ilinvoque dans son

contre-mémoirepour tenter de convaincre la Cour d'examiner laprésente affaire endeux
temps (CMN,pp. 595-597,pars. 22.3 à 22.6). Celle-ci les a rejetés5.Il n'existe aucuneraison

pour qu'elley fassedroitmaintenant.

7.19 Dèssa première requêtel,e Cameroun a saisi la Cour d'une demande

unique portant à la fois surla délimitationdela frontière terrestreet maritime avec le Nigéria
jusqu'à la limite des zones maritimes que le droit international place sous la juridiction

respective des deux Etats. Cette demande a étéconfirmée dansla requête additionnellequi a

étéjointe à la requêteinitialeavecle consentementdu~i~éria~.

Ibid., pp.320-321, par. 106.
V. l'ordonnancedu 16 juin1994, 1994,p. 106 etl'intmêmeéquela Coura donnéà l'affa:Frontière
terrestre maritime entre leCamerounetleNigéria (Camen. Nigéria).7.20 Le litige est engagépar la requêtedu Cameroun, telle que celui-ci l'a

amendée, avec l'accord de la Partie nigériane et l'assentiment de la Cour. Ce sont les

demandes y figurant qui lientle contentieux et qui, conjointement avec les conclusions du
mémoireet sousréserve des modificationsque 1'Etatrequérantpeut y apporter ultérieurement

dans des limites précises7,définissent l'objet etle caractère du différend que la Cour est

appelée à trancher.Dèslors, le défendeurne saurait en limiter la portéeen tentant d'empêcher

la Cour de se prononcer sur l'une ou l'autre des conclusions qu'il a formuléeset qui sont

étroitementliées,et à l'égarddesquelles elle a, au surplus, expressément reconnu avoir

compétence.

7.21 Il existe d'ailleursun précédent très clair ence sens. Dans l'affairedes

Pêcheries norvégiennesl,eRoyaume-Uni(pourtant demandeur) avait modifiéses conclusions

initiales, quiportaient précisémenstur la validité oula non-validitédes lignes de délimitation

de la zone de pêchenorvégienne,en un "ensemble de propositions" sur la base desquelles il

demandait à la Cour de rendre un arrêtqui aurait donnéaux Parties des directives en vue de
négociations futures.La Cour s'yest refuséeen faisant valoir que:

"Ce sont là des éléments qui, le cas échéant,ourraient fournir lesmotifs de
l'arrêettnon enconstituerl'objet"'.

7.22 Il doit en aller de même enla présente espèce :le Cameroun a saisi la
Cour d'undifférenddont le caractèreest défini dans sa requête et précisé dansson mémoire;

ce différendporte sur la délimitationde l'ensemblede la frontière, terrestre et maritime,entre

les Parties. LeNigénane peut le transformer en un autredifférend en demandant à la Cour de

ne pas se prononcersur un aspect essentiel de ce litige ou, comme il le fait implicitement, en

lui suggérantde se prononcer sur un ensemble de propositions sur la base desquelles les

Parties seraientappeléesà négocierune incertaine délimitation.

7.23 Ce serait d'autant plus inacceptable en la présente espèce que,

contrairement à ce qu'affirmele Nigéna, les relations entreles deux aspects de la délimitation

que le Cameroun prie la Cour de déciderou, selon les cas, de confirmer, ne sont pas "à sens

unique". S'ilest exact que la délimitationde la frontière terrestre conditionne en partie celle

7
V. C.P.J.Larrêt10 octobre1927,Concessions MavrommatiàJérusalem(réadaptation)(compétence),Série
8, no 11,p. 11;v. aussiinfra,chapitre11,pars.11.07et 11.10.
C.I.J.,arrê18décembre1951,Rec. 1951,p. 126.de la frontièremaritime ou, en tout cas, son point de départ,l'inverse estvrai égaleme:les

accords successifs conclus par les Parties ou leurs prédécesseursen ce qui concerne la
délimitation maritimeconfirment et renforcent la position camerounaiseen ce qui concerne

l'appartenancede la péninsulede Bakassi. Les deux aspects du différendunique qui est

soumis à la Cour sont donc indissociables et ne sauraient être examinés séparémentE .t s'il

peut sembler logique,primafacie, que la Cour examine la question de la frontière terrestre
avant celle de la frontière maritime, l'inverseest également possiblepartantde l'Accordde

Maroua de 1975, la Cour peut en déduire l'appartenancede la presqu'îlede Bakassi au

Camerounsans mêmeavoirbesoin d'examinerlavalidité (contestéebien àtortpar leNigéria)

de la Conventionde 1913.

7.24 L'intervention de la Guinéeéquatoriale dans la présente affairene

modifie en rien les donnéesdu Sans doutela Guinée équatoriala e-t-elle clairement

indiquéqu'ellen'entendait intervenir qu'ence qui concerne la délimitation maritime, et la
Cour a-t-elle jugé sa requête à fin d'intervention recevable dans cetteseule mesure (v.

l'ordonnance du21 octobre 1999, pars. 16 et 18.1),mais cette décisionn'impliquenullement

que lesdélimitationsterrestre etmaritime doiventfairel'objetd'unexamenséparé.

7.25 Du reste, dans l'affaire du Dtfférendfrontalier terrestre, insulaire et

maritime, la Chambre de la Cour n'avait pas jugé utile de dissocier l'examendu point

particulierà propos duquel l'interventiondu Nicaragua avait été jugér eecevableg.La Cour

semble d'ailleursêtreconsciente de la nécessité de ne pas retarder indûment le règlement
global de l'affaire uniqueque le Cameroun lui a soumisepuisqu'ellea, d'oreset déjà,fixéles

délaisdans lesquels l'Etatintervenant sera appelé à déposer sadéclarationécriteet ceux

impartis aux Parties au principal pour y répondre (ordonnance précitéd eu 21 octobre 1999,

par. 18.2).

7.26 Si, par impossible, la Cour devait accéderà la demandedu Nigéna, elle

ne réglerait pasl'ensembledu différendque lui a soumis le demandeur et statuerait infra

petita, àla grande déceptionde la Républiquedu Camerounqui lui fait confiancepour régler
le différend frontalieropposant les deux pays. Celle-ci a portéce différend devant laHaute

Juridiction avec lacertitudequ'ellese prononcera sur la délimitationd'unefrontière stableet

'V. C.I.J.,arrêt1,1 septembre1992,Rec. 19351..

350définitive depuisle lac Tchad jusqu'à la limite extérieure deszones maritimes que le droit

international place sous la juridiction respective des deux pays et que, ce faisant, elle lèvera

l'incertitude qui hypothèque l'exploitation de ses ressources maritimes dans la zone non
délimitée ertalentit son effort de développement.,

Section 2 : LES CONSEOUENCES DU REFUS NIGERIAN DE
DEFENDRE UNE LIGNE DE DELIMITATION - LA
CHARGE DE LA PREUVE

7.27 Dans la présente section, le Cameroun s'emploiera à répondre à la

prétention dela Partie nigériane selon laquelle c'eàtlui seul qu'incomberait lacharge de la

preuve au prétextequ'il est la Partie requérante, ce quijustifierait le refus duigériade
préciserle tracéde sa frontière maritime avecle Cameroun (v. supra,par. 7.07; v. également

supra, chapitre 2, section 3). Une telle position témoigned'une incompréhension ou d'une

déformation profondesdes règles relatives à la procéduredevant la Cour et constitue une

nouvelle tentative de la Partie nigériane de tournerle refus par la Haute Juridiction de faire

droit àsa septièmeexception préliminaire.

7.28 Il ne fait aucun doute que c'estau requérantqu'ilincombe de prouver le

bien-fondéde ses allégations, tanten faitqu'en droit,conformément à l'adageactori incumbit

probatio'O.

Mais le Nigériaseméprendsur laportéeréellede ce principe. Commel'a
7.29
écritD.W. Sandifer dans un ouvrage qui fait autoritéen la matière,"[tlhe broad basic rule of

burden of proof adopted, in general,by international tribunals resemblesthe civil lawrule and

may be simply stated: That the burden ofproof rests upon him who asserts theaffirmative of

a proposition which if not substantiated will result in a decision adverseto his contention"".

'OV. Sentencearbitrale,30juin 1930,Responsade l'Allemagnàraison desactescommis postérieurement
au 31juillet 1914 et avantque le Portugalneparàila guerre(affaireduLysne?,R.S.A.,vol. II,;. 1040
v. aussi, par ex., I'opinionindividuelle de Sir Hersch Lauterpacht dans I'affairerelative à Certains emprunts
norvégiens,Rec. 1957, p. 39 ou I'opinion dissidentecommune de Sir Percy Spender etSir Gerald Fitzmaurice
dans les affairesduSud-Ouestafncain (erceptionspréliminaires),Rec. 1962,p.473.
"EvidenceBeforeIntemational Tribunals,Foundation Press, Chicago, 1939,pp.92-93."En d'autrestermes, le grand principe serad'imposer à celui mime qui a avancéle fait, la

charge de la preuve"'2.

7.30 Telle a été lapositionconstantede la Cour :

"c'est en définitiveau plaideur qui cherche à établirun fait qu'incombela
chargede lapreuve"13.

7.31 Dès lors, le fardeau de la preuve peut incomber au défendeur lorsque
celui-ci avanceun argumentou s'appuiesurun fait enréponseaux allégations du requérant 14.

Ainsi, dansl'affaire relativeaux Concessions Mavrommatisà Jérusalem,la Cour permanente

a considéré qu'ilappartenait "à la Partie défenderessede prouver la non-validité des

con~essions"~~.

7.32 Il convientdu reste de relever qu'enl'espèce,le Nigériane se conforme

pas à la position de principe erronéequ'il adopte, et qu'il s'efforcd ee réfuter, bienque de

manière sommaire,l'argumentationcamerounaise.Toutefois, ce faisant, il ne s'acquitte pas

complètement des obligations qui lui incombent à l'égardde la Cour et de la Partie

camerounaiseen vue d'unebonneadministrationde lajustice.

7.33 Selon le dictum célèbrede la Commission des Réclamations entre les

Etats-UNSet le ~exique dans l'affaireParker :

"While ordinarily it is encumbent upon the party who alleges a fact to

introduceevidenceto establishit, yet before this Commission thismle does
not relieve the respondentfrom its obligation to lay before the Commission
al1evidencewithinitspossessionto establish thetmth whatever it maybe.

"( ...the partiesbefore this Commission are sovereign Nations whoare in
honor boundtomake full disclosuresof the facts in each case so far as such

l21.-C.Witenberg,"Onusprobandidevantlesjuridictionsarbitrales", .G.D.I.P.,1951,p. 32;italiquesdans le
texte;v. aussiS. Roseme, TheLawandPractice ofthe InternationalCourt,Nijhoff,LaHaye, 1997,vol. III,p.
1079.
''C.I.J.,arrêt,6 novembre1984,affairedesActivités militaistparamilitairesau Nicaragua etcontre celui-
ci (compétencede la Cour et recevabilitéde la requéte),Rec. 1984, p. 437, par. ;v. aussi l'arrdtu 20
décembre 1988,Actionsarméesfrontalièreest transfrontalièr, ec. 1988,p. 76, par.16.
l4V. 1.-C.Witenberg,"Onusprobandi devantles juridictionsarbitrales",R.G.D.I.P., 1951, p. 323 ou D.W.

Sandifer,EvidenceBeforeInternationalTribunals,FoundatioPress,Chicago, 1939,p. 93.
l5C.P.J.I.,arrêt2,6 mars 1925, SérieA, no 5, p. 2;v. aussi C.P.J.I.,arrêt5, avril 1933, affairedu Statut
juridique du Groënland oriental,SériAIB,no 53, p. 49 ;ou C.I.J.,arrêt1,5juin 1962, affairedu Templede
PréahVihéarR , ec. 1962,pp. 15-16. facts are within their knowledge, or can reasonably be ascertained by
them"I6.

7.34 Ceci met en évidenceun autre principe bien établi du droit dela preuve

devant lesjuridictions internationales :le devoir qu'ontles Etats de coopérer pleinementavec

les cours et tribunaux envue de permettre la pleinemanifestation de la vérité".Comme on l'a

écrit,le but d'uneprocédure devant laCour est de conduire le processus de transformation

d'un litige politique en un différendjudiciaire jusqu'à son terme "in an orderly manner,

applying for that purpose not the arts of diplomacy but the discipline of the law and of the

judicial process"'8. Cet objectif ne peut être atteint si l'unedes Parties s'abstient d'indiquer

positivement la solutionau différendqui lui paraîts'imposeren droit et en fait.

7.35 En vain le Nigérias'abrite-t-ilà cet égarddemère un passage de l'arrêt

rendu par la Cour le Il juin 1998(le paragraphe 109)qu'ilinterprètecomme signifiant qu'il

ne serait pas tenu aux obligations usuelles en matièrede preuve du fait que l'affaire a été

soumise à la Cour par requêteet non par un compromis (CMN, vol. II, p. 603, par. 23.3).

Outre que le passage en question ne dit rien de tel, les modalités d'introductionde l'instance

envisagées par l'article36 de son Statut et organisées par les articles38 à 43 du Règlement
n'influent nullementsurles règles relatives à la procédure et aux moyens de preuve, quifont,

à de très raresexceptionsprès,l'objetde dispositions communes, quel qu'aitétéle mode de

saisine de la Cour (articles4 à 72).

7.36 Au paragraphe 109 de l'arrêt qu'ellea rendu sur les exceptions

préliminaires duNigéria,la Cour écartela secondebranche de la septième exceptionsoulevée

par la Partie nigérianeenobservant
"qu'enl'espèceellen'a pas été saisis eur la base du paragraphe 1 de l'article

36 du Statut et, par application de cet article, conformément à la partie XV
de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, relative au
règlementdes différendssurgissantentre les parties à la convention à propos
de l'interprétatioou de l'applicationde cette dernière. Elle aétésaisie sur la

base de déclarationsfaitesen vertu du paragraphe 2 de l'article36 du Statut,

l6 Sentence arbitrale,31 mars1926, R.S.A..vol. N, p. 3; v. aussi la décisionde la Commissiondes
Réclamationfsranco-mexicaine, 9 octobre1928, GeorgesPinson, opiniondu Sur-ArbiVerzijl,R.S.A..vol.
II,p. 327.
" V. not.1.-C.Witenberg,"Lathéoriedespreuvesdevantlesjuridictionsinternationale, .C.A.D.1.,1936-II,
t.56, pp. 47-48 et 97 ou D.W. Sandifer,EvidenceBeforeInternationalTribunals,FoundationPress,Chicago,
1839,pp. 84-85et97.
S. Roseme, TheLawandPractice of the InternationalCourt1920-1996, vol. III, Procedure,Nijhoff,La
Haye, 1997,p. 1079. déclarationsquine contiennent aucune condition relative à des négociations
préalables àmenerdans un délairai~onnable"'~.

Cet extrait de l'arrêtde 1998 présente une certaine pertinence pour apprécierla portéede

l'exigenced'unedélimitation conventionnelle (v. infra, chapitre 9, pars. 9.22-9.34), mais il

n'ena aucuneen ce qui conceme le fardeau de la preuveincombant aux Parties.

7.37 Que l'affaire ait été introduitepar requête ou par compromis,celui-ci

demeure identique. Comme le Cameroun l'amontréci-dessus (v.supra, pars. 7.28-7.33),c'est

à chaque Partie qu'ilincombe de prouver le bien-fondéde ses dires, et elles ont toutesdeux

l'obligationde coopéreravec la Cour en vue de lui permettre de s'acquitterpleinementde ses
fonctions judiciaires, conformément à l'exigence fondamentale de son Statut qui lui donne

"mission", dans l'une commedans l'autrede ces hypothèses,"derégler(. ..) les différendsqui

lui sont soumis" (article 38 ; italiques ajoutés). Cette tâche se trouve considérablement

compliquéesi l'unedes Parties se refuse a indiqueràla Cour (età l'autre Partie, qui setrouve

ainsi privée dela possibilitéde répliquer,età l'Intervenant)la solution qu'il conviendraitde
donner, selonelle, au différendenquestion.

7.38 En refusant de proposer une ligne de délimitation maritime (en deçà

comme au-delà du point G d'ailleurs), le Nigéria,en même temps qu'il remeten cause la
décision de la Cour sur sa septième exception préliminaire(v. supra, pars. 7.10-7.15),

s'efforcede priver la Haute Juridiction de la possibilité de "traiterau fond" la questionde la

délimitationmaritime, alorsmêmeque rien ne l'empêche d'envisager alternativementl'une ou

l'autredes deux solutions théoriquementpossibles en ce qui concerne la souverainetésur la

péninsule deBakassi.

7.39 Ceci étant,il n'estpas douteux que "[plleading is an act of stateet que

laPartie nigérianeest en droit de défendre sa cause comme ellel'entend.Mais elle le faàses

risques et périlset ne saurait se plaindre que la Cour se prononce sur les principes et laligne
de délimitationmaritime proposéspar le Cameroun sans avoir été à même deprendre en

considérationles principeset la lignequi ont la préférenceduNigéna.

'C.I.J.,arrêt,l ju1998,Rec. 1998,pp.321-322,par.109.
S. Rosenne,The Law and Practice of InternationaCouri 1920-1996, vol. III,Procedure, NiLaoff,
Haye,1997,p. 1095.7.40 Cela ne signifie pas que, de l'avis du Cameroun, la Cour devrait lui

adjuger lebénéfice de ses conclusions sans autreexamen. En réalitél ,eNigériase comporte à

cet égardcomme une Partie faisant défautet place laCour, mutatismutandis,dans la situation

envisagée par l'article53 du Statut :il "s'abstientde faire valoir ses moyens" et, dèslors, le
Camerounest en droit de "demander à la Cour de luiadjuger ses conclusions"après qu'ellese

sera assuréeque celles-ci "sont fondéesenfait eten droit".

7.41 L'attitudedu Nigérian'estpas sans rappeler celle de l'Albanià propos de

la fixationdu montant des réparationsdans l'affairedu Détroitde Corfou.Alors qu'ilavait eu

"toute latitude (...) pour défendre sa cause" et après avoir, "par deux fois contesté la
compétence dela Cour" (ce que fait, en réalité,la Partie nigériane),ce pays s'estensuite

raviséet a demandéune prolongation du délaiqui lui avait été imparti pour exposer ses vues.

La Cour arefuséde donner suite à cette demandeet constatéque :

"L'attitude adoptée par le Gouvemement albanais a pour effet de le
soumettre aux dispositions de l'article53 du Statut, applicableàlaprocédure
par défaut.Cet article autorise, d'unepart, le Gouvemementdu Royaume-

Uni à demander à la Cour de lui adjuger ses conclusions;il prescrit, d'autre
part, à la Cour, de s'assurerque lesdites conclusions sont fondées enfait et
en droit. Tout en prescrivant ainsià la Cour de procéder à un examen des
conclusions de la Partie comparante, l'article 53 n'a pas pour effet de lui
imposer la tâche d'en vérifier l'exactitudedans tous les détails- tâche qui,

dans certains cas et en raison de l'absencede contradiction, pourraits'avérer
pratiquement impossible. Il suffit que, par les voies qu'elle estime
appropriées, la Cour acquière la conviction que ces conclusions sont
fondéesw2'.

7.42 Il en va de mêmeen la présente espèce.En aucune manière, laPartie

nigériane ne saurait, comme elle s'y emploie par une stratégiejudiciaire fort discutable,

empêcherla Cour de statuer complètement sur l'affaire qui lui est soumise et à l'égardde

laquelle elle a affirmésa compétence, aprèss'êtreassurée dubien-fondé desconclusions

camerounaises.

21
C.I.J.,arr1,5décembre 1949,affairduDéIroitde Corfoulfuation du montantdes réparationsear la
Républiqupeopulaired'Albanie au Royaume-Udie Grande-Bretagnet d'irlandeduNord),Re1949,p.248. CHAPITRE 8.

L'ACCORDDE MAROUAET LE SECTEURDELIMITE

(JUSQU'AUPOINTG)8.01 L'historique completdes traités et accords touchant la question de la

délimitation maritimeexistante entre les Parties pour les premiers 17,7 miles nautiques a été
présentéen vingt-huitpages environ et en quelque cinquante-cinq paragraphes au chapitre 5du

mémoiredu Cameroun (MC, pp.500-529,pars. 5.06-5.62).Cet historiquecomprend l'examende

l'Accordanglo-germaniquede 1913; les notes de 1972et les efforts ultérieursde la Commission

mixte créée par la Déclarationde Yaoundéle 14 août 1970, notamment lors de ses réunionsde
Yaoundéen août 1970("Yaoundéi"), de Lagos en octobre 1970, et d'avril 1971 à Yaoundé à

nouveau ("YaoundéII").

8.02 Le mémoiredu Cameroun présenteet analyse égalementles travaux de la

Commission mixte lors de sa quatrième réunionen juin 1971 ainsi que de celle d'août1972 à

Garoua. Il décriten outre la réunionentre les Chefsd'Etatdes PartiàKano en septembre 1974
et, enfm de parcoursde cesnégociations, laréunion de Marouaenjuin 1975au cours de laquelle

a étéadoptéela "Déclarationde Maroua"(étant donné que la Déclarationde Maroua constitueun

accord passé entreles Chefs d'Etat des deux pays, le Cameroun s'y réfèredans la présente

réplique en tant qu' "Accord de Maroua"). La délimitation quien résulte aétérésuméeau
paragraphe 5.61 (MC, pp. 525-529). Toutes ces réunions sont décrites etprésentées

systématiquementdans les paragraphes2.215 à2.244 du mémoire duCameroun (MC, pp. 128-

138)et font l'objetd'unrésumé auparagraphe 2.250 (MC,p. 141)(v. également infra,chapitre9,

par. 9.25).

8.03 L'historique (MC, pp.501-529, pars. 5.11-5.62) montre que les Parties sont

parvenues a des accords successifs aboutissant à la délimitation du secteurde la frontière

maritime jusqu'au point G ;que les responsables nigériansà tous les niveaux ont acceptéles

termes de l'Accordanglo-germaniquede 1913notamment des articles 18 à22, et que les accords
passésentre le Camerounet le Nigéria ontincontestablementconfirmé leuraccord sur le faitque

la souveraineté surle territoirede lapresqu'îlede Bakassi était camerounaiseetnon nigériane.

8.04 Le Cameroun estime qu'il n'est pas nécessairede reprendre le détaildes

explications figurant dansson mémoiresur ce point. Néanmoins,le Nigéria anégligé toutecette
analyse et n'a pas jugébon de traiter cet aspect important du différend oud'yrépondresur lefond. Il s'estcontentéde présenter sesconclusions sousforme d'uneou deux affirmationsdans le

contre-mémoire (vol. II, conclusions, pp. 833-834). convient doncde reprendre brièvement la
question du fait qu'environ cinq annéesse sont écouléesdepuis la soumission du mémoiredu

Cameroun en mars 1995 (section l), avant d'établirle caractère juridiquementobligatoire de

l'AccorddeMaroua(section 2).

Section 1 : RAPPEL HISTORIQUE

8.05 La frontière maritimeentre le Nigénaet le Cameroun n'avaitété délimitée
que partiellement par le Traitéanglo-allemand du 11 mars 1913. Ses articles 1à 22 fixent le

tracéde la frontièredans la zone de la presqu'île deBakassiet l'estuairede 1'AkwayL.'article

18 spécifieque la frontière"follows the thalweg of the Akpakorum (Akwayafe) River,dividing

the Mangrove Islandsnear Ikang in the way shown onthe aforesaid map T.S.G.S.2240,sheet2"
et qu'elle continuede suivre le thalwegde ce cours d'eau"as far as a straight linejoining Bakasi

Point and King Point". L'article21 indique ensuite que "[flrom the centre of the navigable

channel on a linejoining Bakasi Point and King Point, theboundary shall followthecentre ofthe

navigable channelof the Akwayafe River as far as the 3-mile limit of temtonal jurisdiction"
(MC, LivreIII,annexe 82).

8.06 La frontière ainsifixée dansles eaux de l'estuairedes Cross et Akwayafé
Rivers se prolonge donc jusqu'à la ligne qui étaitalors considéréecomme la limiteextérieure

"approximative"des eaux temtoriales appartenant respectivementauNigériaet au Cameroun.Le

mot "approximative"est mentionnécar il a étéau centredu désaccord relatif ausensqui doit être

donné àl'expression"the centre ofthenavigable channelof the AkwayafeRiver".

8.07 A l'issuedu premiertour des négociationsqui a eu lieu àYaoundéd, u 12au

14août 1970("YaoundéY), les deux délégations ont faitdes recommandationsgénérale àsleurs

gouvernements respectifs à propos de l'avenir des discussions sur la délimitation(v. MC, pp.
128-129,pars.2.215-2.218).8.08 "Yaoundé1" n'étaitpas un instrument conventionnel ayant, par lui-même,
forcejuridique. Les deux signataires du document (El Hadj B. Malabu, ambassadeurdu Nigéria

et J.C. Ngoh, inspecteur généralde l'administration (gouverneur) pourla province du sud-ouest

du Cameroun) ont simplement indiqué qu'ils "[olnt décidé defaire les recommandations

suivantes à leurs gouvernements respectifs" (v. requête introductive d'instance,29 mars 1994,
annexe6).

8.09 Lors d'une deuxième réuniondes deux délégations à Lagos du 15 au 25

octobre 1970, il a été décidé d'un commu acncordd'utiliser commecartesde travail les cartes de

l'amirauté britanniqueno1860 et 6245. Les deux délégations sonp t arvenuesà un accord sur le
tracéde la frontière maritimejusqu'au pointoù 1'Akwayafé débouchedans l'estuairede la Cross

River, c'est-à-direjusqu'à laligne droite joignant Tom Sbot Point (au NigéràaSandyPoint (au

Cameroun). Au-delà de ce point, les deux délégations avaient depositionsdivergentes(pour les

raisons indiquéesau paragraphe 5.25, p. 509 du mémoiredu Cameroun ; v. aussi MC, pp. 131-
132,pars. 2.226-2.228).

8.10 La réunion suivante aeu lieu à Yaoundédu 26 mars au4 avril 1971. La

délégation camerounaise étad ite nouveau dirigéepar M. J.C. Ngoh et la délégatinigérianepar

M. R.C. Coker, directeur du cadastre. Pendant la réunion,la délégationigérianeintroduisit une
nouvelle carte, la carte de l'amirautébritannique no 3433. Elle fut acceptée(avec quelques

réticences) comme carte de travail par la délégation camerounaise,en plus de la carte de

l'amirauté britanniqueno6245 (v. MC, Livre V, annexe 245, pars. 5 et 6). Cependant, les

discussions au niveau officiel n'ontpas permis de faire progresser la déterminationdu tracédu
"navigable channel of the Akwayafe River" (v. MC,pp. 509-513,pars 5.27-5.29et pp. 129-131,

pars. 2.215-2.219).

8.11 Il se trouve cependant que les deux Chefs d'EtatétaieàtYaoundéle 4 avril
1971.Une fois mis au courant de l'impassedes négociations,ils réussirent trouver une solution

de compromis qui a été incorporée à ce qui estaujourd'hui connucommel'Accord de Yaoundé

II. Sur le fond, cette secondeDéclaration(signéepar M. Ngoh pour le Camerounetpar M. Cokerpour le Nigéria)reflétait l'accord entreles Chefs d'Etat, comme en témoigne leur signature

apposéesur lacarte.Elle est rédigée commesuit
"4. Le 4 avril 1971, la Commission a reçu des deux Chefs d'Etat, après
consultation des deuxChefsde Délégations, les inshuctions suivantes :

"1") Les deux Chefsd'Etat sont d'accord pour considérercomme frontière la
ligne de compromis qu'ils onttracéed'un commun accord sur la carte no 3433
de l'Amirautébritannique jusqu'à la limite de 3 milles marins de la ligne
joignant les points SANDY et TOMSHOT conformément au traité anglo-
allemand de 1913. Les deux Chefs d'Etat ont portéleur signature sur ladite

carte.

"2') L'application des Conventionsde Genève sur le droit de la mer de 1958
pour la démarcationdu reste de la frontière maritime" (MC, Livre V, annexe
242).

8.12 Cette "ligne de compromis" représentée surla carte de la page 515 du

mémoiredu Cameroun est, à l'évidence, lus favorable au Nigériaque la ligne d'équidistance.

Cette "ligne de compromis", joignant lespoints 1 et 12 sur la carte de l'amirautébritannique

no3433, s'explique par le fait que les deux Chefs d'Etat souhaitaient un résultatpositif aux
travaux de la Commission mixte ; elle étaitcontenuedans la Déclarationdu 21 juin 1971et était

définiepar les coordonnéesgéographiquesde 20 points acceptés surla frontière indiquéesur la

carte no 3433 (MC, Livre V, annexe243).En outre,cette déclarationde la Commissionmixtedu
21 juin 1971 faisait quelques recommandationsgénéralesaux deux gouvernements et décidait

également derepousserla rédaction d'unprojet detraitésur la frontièremaritime jusqu'àce que la

délimitationde la kontière maritimetout entièreait étéachevée(v.MC, pp. 129-131,pars. 2.219-

2.225).

8.13 Ce fut la découvertedans les années 1960et au début des années 1970

d'importants gisements de pétroledans l'estuairedes Cross et Akwayafe Rivers et au large de la

presqu'île de Bakassi, suivie de la multiplicationpar quatre du prix du pétroleen 1973, qui ont
exacerbéles tensionsdans la région.Une séried'incidentseut lieu dans la presqu'îlede Bakassi et

les eaux qui l'entourent au débutdes années1970,presque en mêmetemps que la reprise des

réunionsde la Commission mixte (v.MC,pp. 574-575,par. 6.50 etLivre V, annexe 237).8.14 Les premiers contretemps importants au sein de celle-ci se produisirent lors

d'une réunion de mai 1972, au cours de laquelle la délégation nigérianesouleva certains
problèmestechniques concemant la mise enŒuvre.de"Yaoundé II"(l'Accord du 21juin 1971).

8.15 En fait, le seul progrèsréalisé la frontière maritimejusqu'à la fin de 1974

a étél'accord conclu le le'septembre 1974 dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler la
"Déclarationde Kano" (v.MC,pp. 133-134,pars. 2.229-2.231).

8.16 Celle-ci a pour origine une sériede heurts entre des navires nigérians et

camerounais dans les chenaux de la CrossRiver, de Calabar et de I'Akwayafé.Lors de la réunion

des deux Chefs d'Etatà Kano le ler septembre 1974, le PrésidentAhidjo et le GénéralGowon
interdirent toute activitéd'explorationpétrolière dansun couloir de 2 milles de pari et d'autre

d'uneligne reliant la bouéedu chenal aux bouées existantesno 1, 2 et 3 comme indiqué sy la

carte no 3433. Il s'agissaitd'un expédietemporaire destinéà éviterde nouveaux incidents dans

la zone concernée pendantlapoursuitedesnégociations.

8.17 Les bouéesen question sont celles qui marquent les chenaux des Cross et

CalabarRivers. Quant à la zonedans laquellel'explorationpétrolière était interditee,lle favorisait

davantageles intérêtnsigérians quelesintérêts camerounaisd ,ans la mesure où elle se trouvait en

majeurepartie à l'estde la ligne quiauraitrésulté de l'applicade la Convention de Genèvesur
la mer temtonale et la zone contiguë (v. MC, Livre VI, annexe246).

8.18 La Déclarationde Kano ne mit pas fin aux incidents dans la zone maritime

côtièreen litige. Le Cameroun se rendit compte qu'uneffort important s'imposaitpour établir,sur

la base d'un accord, une frontière maritimedéfinitive allant au-delàdu point 12 de la ligne de
compromis acceptéeen 1971 (MC, Livre V, annexe 242 ; v. infra, la carte R 22 figurant dans le

chapitre9 à la suite du par. 9.65).

8.19 Il est cependantsignificatifque le Nigéria n'avaitpas dénoncéla Déclaration
de Kano ni contesté savaleur obligatoire,pas davantage qu'il n'avait remisen cause l'AccorddeYaoundéII. Bien que les incidents se fussent poursuivis, la zone de sécuritéconvenue entrele

Président Ahidjoet le Général Gowon demeurai etnvigueur.

8.20 Une réunion ultérieuredes deux Chefs d'Etat concernant les échanges

bilatérauxentrele Cameroun etleNigéria s'est tenue à Maroua les30 mai et 1erjuin 1975 ;cette

réunion entre lePrésident Ahidjo etle Général Gowon, qui a étm éarquéepar l'adoption de

l'Accordde Maroua, en fixant le tracé dela frontière maritime dupoint 12jusqu'aupoint G,
constitua un net progrès (v. MC, pp. 134-138, pars. 2.232-2.244). Le Communiquéconjoint,

signé par les deux Présidentsàl'issuede leurs délibérations, précisaiue les deux Chefsd'Etat,

aprèsexamende la questionde la frontièremaritimeentre le Nigériaet le Cameroun
"se sont mis entièrementd'accord sur le tracéprécis de la frontièremaritime

telle que le définitla déclaration de Marouadu ler juin 1975et son annexe"
(MC,Livre VI, annexe 250 ; italiques ajoutés).

8.21 Un autre passage de ce Communiqué conjointtémoigne de l'esprit de

coopération qui prévalait alor:
"Les deux chefsd'Etatontréaffirmé leur engagement à garantir auxbateauxdes

deux pays la liberté etla sécuntéde la navigation dans le chenal de Calabar
CrossRiver" (ibid.).

8.22 La ligne tracée dans l'Accord de Maroua n'était guèrefavorable au

Cameroun. Elle étaitmêmeplus avantageuse pourle Nigériaque la "ligne de compromis"du 4
avril 1971, et que l'autre ligne résultantdes points déf~s par MM. Ngoh et Coker, dans la

Déclaration de la Commission mixte du21juin 1971(MC, LivreV,annexe 243).

8.23 Trois ans et demi après les négociationréussiesayant aboutià l'adoptionde

l'Accordde Maroua,eut lieu une autre réunionde la Commissionmixte à Jos (Nigériadu ler au
4 novembre 1978. Lors de cette réunion,la délégation nigériand eéclaravouloir remettre en

question l'Accord de Maroua fixant la frontière maritime jusqu'au point G. La délégation

camerounaise n'étaitpas prête ne serait-ce qu'à prendre note de cette déclarationdu Nigéna,
estimantque les accords bilatéraux signés par deuC xhefs d'Etatne pouvaient pas être remisen

question par des commissions d'experts. En conséquence il, n'a même pas étépossible aux deuxdélégations dese mettre d'accordsur l'adoption d'uncommuniqué conjoint ;le rapport de la
délégationcamerounaise se trouveen annexe 253 du mémoire(LivreVI).

8.24 Le Nigériaaffirme maintenant que, lors de la réunionentre les deux Chefs

d'Etat du 7 au 9 août 1977 à Garoua, le GénéralObasanjo du Nigéria auraitdit au Président

Ahidjo que sonpays n'acceptaitpas la Déclaration de Maroua, car ellen'avaitpas été ratifié par
le Conseil militaire suprêmedu Nigéna(v. CMN, vol. 1,p. 217, par. 10.13).11n'existe aucune

trace de document corroborant cette assertion mais cela ne modifie en rien les donnéesdu

problème. Detoutes manières,le Cameroun n'ajamais acceptécette dénonciationunilatéralede

laDéclaration.

8.25 La Cour ne trouvera pas, dansle contre-mémoiredu Nigéria,la relation des

négociations intenses menéesau début des années 1970 pour parvenir à un accord sur la

délimitation dece qui était alors considéré comme étantapproximativementla limite extérieure

des deux mers temtoriales. La raison de ce mutisme nigérian est claire :le Nigériasait qu'un
examen objectif de sa conduite durant cette période démontrera inévitablemen qtue,à tous les

niveau (Chefs d'Etat, ministres, et hauts fonctionnaires), les autoritésnigérianes compétentes

ont accepté lestermes des articles 18 à 22 du Traitéanglo-allemand du 11 mars 1913comme

fixant la frontière maritime entre le Nigéna et le Cameroun jusqu'à la limite de trois milles
marins définiedans l'article22 "as a line 3 nautical miles seaward of a linejoining SandyPoint

andTom Shot Point" (MC, LivreIII, annexe 82).

8.26 Un point particulier mériteque l'ons'yarrête quelquepeu :il s'agitdu lien

logique entre l'Accordpartiel de 1971et l'Accord de Maroua. Comme cela estprécisé ci-dessus
(v.supra, par. 8.1l),les deux Chefsd'Etatse trouvaient à Yaoundéle 4 avril 1971, à la finde la

troisième réunionde la Commission mixte (entre le 26 mars et le 4 avril). Ils ont constaté

l'impassedes négociations relatives auchenal navigable de 1'Akwayafé (v. MC, pp. 509-513,
pars. 5.27-5.29) et ils sont convenus d'une solution de compromis, objet de la deuxième

"Déclarationde Yaoundé"("YaoundéII").8.27 Les points tracéssur la ligne de délimitation adoàtYaoundé II sont les

points 1à 12vers le laràepartir de la ligne quirelieTom ShotPoint et SandyPoint. Lepoint 12

constitue le point de départde la ligne établiepar l'Accordde Maroua. En outre, ce demier fait
spécifiquement référenceà Yaoundé IIcomme exprimant "[lia ligne frontière adoptée par les

deux Chefs d'Etatn(MC,Livre VI, annexe251,p. 2081).

8.28 En faisant référenceau "point 12 de longitude 24' 38" E et de latitude

04' 31' 26" N, situà la limite de lafrontière maritimeadoptée par lesdeux Chefs d'Etat4e
Avril 1971" (ibid;italiques ajoutés), lesdeux Chefsd'EtatréunàMaroua en 1975 sont donc

tombés d'accord pour considérerue la ligne fixàYaoundéII en 1971constituait une frontière

maritime "adoptée"de leur propre autorité,ayant pris effeta signature, sans nécessd'une

ratification ultérieure. Lestermes de l'Accord de Maroua confirment donc que son "contexte",
son "objet et son but" sont identiquesux de l'Accordde Yaoundé IIde 1971,que le Nigéria

ne remet pas en cause. Dans les deux cas, il s'estagi d'effectuer une délimitation prompte et

rapide de ce qui étaitalors considéré comes eauxtemtoriales desParties.

8.29 Il faut noter en outre que le motifpour lequel la réunionde Garoua d'août
1972 a sembléremettre momentanémenten question les conclusions de Yaoundé IItenait aux

dispositions de la Convention de Genèveeà des détailstopographiqueàprendre en compte,et

nonpas à la capacité desChefs d'Etat ou autres représentants du Nigéria et duCameroun, non

plus qu'àune prétendue "non-ratification"de l'Accordde YaoundéII par les autoritésnigérianes
(v. infra,pars. 8.39-8.62).

Section2 : LA VALEUR JURIDIQUEMENT OBLIGATOIRE DE
L'ACCORD DEMAROUA

8.30 Le Nigéria consacre moins de trois pages et cinq brefs paragraphes à

l'Accordde Maroua, malgréson importance auxfinsde laprésente affaire (CMN,vol. 1,pp. 216-

218, pars. 10.11-10.15). Dans ces trois courtes pages, le Nigéna se liàil'allégationselon
laquellel'Accord de Maroua 'kas not ratified hy the Supreme Military Council" après sa

signature par le Général Gowon, hef de 1'EtatduNigéria(CMN, vol. 1,p. 216, par. 10.12à,etl'affirmation que "[Tlhe Government of Nigeria regards the [Maroua] Declaration as lacking

legal validity..."(CMN, vol. 1,p. 217, par. 10.13).

8.31 Aucunejustification n'est avancée à l'appuide cette affirmation et le contre-

mémoire seborne à répéterq , ue
"Since then [1977], in bilateral summits between heads of state and between

boundary experts, Nigeria has confirmedthat the Maroua Declaration was not
ratified and was therefore not binding on Nigeria" (CMN, vol. 1,p. 217, par.
10.14 ;v. aussi ibid.par. 10.13et infra,par. 8.59).

Il n'enreste pasmoinsque lesfaits sontlà :plus de deux ans aprèsla réussite
8.32
de la négociation de l'Accord de Maroua, le Camerouna vu s'effondrer les espoirsqu'ilpouvait

légitimementnoumr, du fait de la volte-face desautoritésnigérianes.

8.33 Le Cameroun consacrerala fin de cechapitre à la question du statut et de la

validité de l'Accord de Maroua du 1" juin 1975 et établira successivement que celui-ciest un

traité valide, entréen vigueur du fait desa signaturepar lesChefs d'Etatdes deux pays, ce que la
doctrine nommeun accord en formesimplifiée1 (5 1)etque cette constatation est confirmée parle

recours aux règles habituellesd'interprétation detsraités(5 2).

L'Accordde Maroua estun accord en forme simplifiée entré en
$1-
vigueur duseulfaitdesa signaturepar les deux Chefs d'Etat

8.34 L'article 49, paragraphe 3, du Règlement de la Cour énonceque : "La

répliqueet la duplique (...)ne répètenp tas simplement les thèses des parties mais s'attachent à

faire ressortir les points qui les divisent encore".Le Cameroun se trouve donc confronté à la

difficultésuivante : il doit "faire ressortir les points qu(...) divisent encore" les Parties alors

V. not. P.-M. Dupuy, Droit internotionalpublic,Dalloz, Paris,4'- éd.,1999,;J. Cornbacau eS. Sur, roit
international public,Montchrestien, Paris,éd., 1999,p. 119; ou P. Daillier et A. Pellet, Droit international
public(UguyenQuocDinh), L.G.D.J., Paris,C?éd., 1999,pp. 141-144.même que le Nigérian'a avancé aucun argumentjuridique à l'appui del'affirmation,qui tient en

une phrase desoncontre-mémoire,et qui contestelavalidité et l'effet de l'Accordde Maroua.

8.35 Le Nigériase borne à affirmer qu'un Chef d'Etatnigérian n'avaitpas le

pouvoir constitutionnel d'aliéneoru de céderune partie du temtoire nigérianet que l'Accordn'a
pas étératifiépar le Conseil militairesuprême(Cm, vol. 1,pp. 216-217,pars. 10.12-10.14).

8.36 La première questionde droit qui se pose dans ce contexte est la suivante :

Un Etat est-il engagé parla signature d'un accordécritsignépar le Chef de 1'Etat ? (Cette

questionest indissociable decelle de savoir quandun Etat se trouve engagéet ces points seront

traités ensemble).

8.37 Ce n'estque si la réponse à cette première question s'avère négativ qu'une
seconde questionse pose sur la "ratification" ultérieurepar le Conseil militairesuprême -ou un

autre organeintérieurde l'Etat.Cette secondequestionest la suivante :Un Etat peut-il invoquer

des exigencesde son droit nationalcomme une condition nécessaire à l'entréeen vigueur d'un

accord international?

8.38 Or, non seulement, il ne peut faire de doute qu'au regard du droit
international lasignature du Chefde 1'Etatengage celui-ci(A) et que les règles constitutionnelles

intemesnesontpas un motif susceptible d'entacher d'invalidité un traité régulièrement con (clu

mais encore,en laprésente espècel,a Constitution nigériane n'imposait nullemenq tue les traités

fussent ratifiépar le Conseil militaire suprême à la date de la signature de l'Accordde Maroua

(C).
A - La signaturedes Chefsd'Etat engage 1'Etat

8.39 Aux termes de i'article 11 de la Convention de Vienne, le consentement à

être lipar un traitépeut être exprimésous diverses formes dontl'uneestla signature2.En outre,

'"Modesd'expressionuconsentementà étreliépar untra:té
'le consentementd'unÉtatà êtreliépar un traité pet trexprimépar la signature,l'échanged'instmments
constituauntraité, aatification, l'accepl,approbatiou l'adhésion,u partoutautremoyenconvenu".V.
aussi lesarticlàs14et 16delaConventiondeViennesurle droitdestraités.l'article 12' est très clair sur les effets de la signature. Il énonce sans ambiguïtéque le

consentement.d'unEtat à êtrelié parun traité peut être exprimé pa la signature si les Etats en

négociationsont tombés d'accordpour dire que la signature doit avoir cet effet ; cela ressort

clairementdu texte de l'Accord de Marouaet de sa référence à Yaoundé II (v.supra,par. 8.28).

8.40 L'article 12 prévoitque le consentement s'exprime par la signature lorsque

l'intention de 1'Etatde donner cet effet à la signature ressort des pleins pouvoirs de son

représentant.Il est axiomatique que les Chefs d'Etat jouissent de tels "pleins pouvoirs" en

l'absencede la notification du contraire. Lors de leur réunion à Maroua en juin 1975 les deux

Chefsd'Etatne sont pas convenus du contraire.

8.41 La signature par le Chef de 1'Etatnigériande l'Accord de Maroua et du

Communiquéconjoint, ainsi que 1'Echangeultérieurde notes par les deux Chefs d'Etat àpropos

des corrections à l'Accord de Maroua, considérés indépendamment ou ensemble (v i. fra,pars.
8.68-8.74),suffisent à établirleur opposabilitéau Nigéria.

8.42 Cette règlegénéraleest unanimement reconnue. Lord McNair, dans TheLaw

of Treaties,évoquela question de laDéclarationIhlen qui ajouéun si grand rôle dans l'affaire du

Groënland oriental devant la Cour permanente4,et conclut que "the general practice of States

recognizesthat a Minisier of Foreign Affairsis competent to make agreements of certainkindson

behalf of his State, and so as to bind his State, whether or not he is in fact authonzed by the

constitutional law and practice of his State to do so, and whether or not he has obtained the

approval of his Govemment for the particular agreement that he make~"~.Applicable à un

Ministre des Affaires étrangères, ce principe vaut afortiori pour un Chef d'Etat,comme l'étaitle
Général Gowon lorsqu'il asignél'Accordde Maroua.

3 "Expression,par lasignature,du consentemàêtreliépar untraité
"1. Leconsentementd'unÉtatàêtreliépar untraités'expnrnepar la signaturedu représentantde :et État
"(a) lorsquele mitéprévoitque la signatureauracet;effet
"(b) lorsqu'il est parailleurs établi queles États ayanà la négociationétaient convenusque la signature
aurait cet ef;ou "(c) lorsque l'intentionde l'Étatde donner càtla signature ressort des pleinspouvoirsde
sonreprésentantou a été exprimée au courdse lanégociation".
4C.P.J.L,arrê, avril 1933,affaire du Statutjuridiquedu Groënlandoriental, SérieAiB, no53,p. 22.

TheLawof Treaties,ClarendonPress, Oxford, 1961,p. 75.8.43 La question des "pleins pouvoirs" ne semble pas non plus pertinente.

Comme le résume Paul Reuter "on doit souligner que les Chefs dYEtat, les Chefs de

gouvernementet les ministres desAffaires étrangères n'ontjamais besoin depouvoirs (art. 7 CV
[Convention de Vienne sur le droit des traités] : ce sont eux qui les délivrent aux autres

repré~entants"~ C.omme l'écrivenltes auteurs de laneuvièmeéditiond'oppenheim'sInternational

Law au sujetde l'article7,paragraphe2(a), de la ConventiondeVienne :

"Heads of Stateand heads of govemment nowadaysrarely exercise the treaty-
making powerin person, but do so throughrepresentatives. Should they wish,
however, to perform in person any act relating to the conclusion of a treaty,
they (and also ministers for foreignaffairs) havesufficientauthority in virtue of

their functionsto be considered asrepresentingtheirstate"'.

8.44 Le principeselon lequel un Chef d'Etatengage I'Etatest maintenant intégré
dans le droit des traités et est d'application universelle. Ainsi que le précise le mémoire du

Cameroun, l'article7 de la Conventionde Vienne sur ledroit des traitésétablitclairementque les

Chefs d'Etatsont "considérés comme représentant dse leur Eta(...)pour tous les actes relatifà

la conclusion d'untraitr8 (v.MC,pp. 129-130,par. 2.221et pp. 137-138,par. 2.243, relatif aux

débatsmenésau sein de la C.D.I.).

8.45 Se référana tu commentaire de cettedisposition parla Commission du Droit

international,Sir Ian Sinclair écri:

"the Commission recognised that the non-production of full powers might
involve a certainrisk for one or otherof the Statesconcemed, in the sense that
it might be subsequently claimed that an act relating to the conclusion of a
treaty had beenperformed withoutauthority"' .

Introduction audroit des traités,PressesUniversitaires de France,Paris, 3& éd.,1995,p. 57;italiques
ajouté;v. aussi P. Daillier et A. Pellet,Droit internationalpublic(NguyenQuoc Dinh),L.G.D.J., Péd.,, 6"
1999,pp. 126-128,pars. 69-70.
' Sir Robert Jennings et Sir Artbu Watts, (eds.), Oppenheim'sInternationalL1,Longman,Londres, 9&
éd., 1992,p. 1221,par. 597. Danslanotede basde page 5, lesauteursdonnentle commentaire suivant "Apartfrom
HeodrofState,the matter is as a matterof customary internationallaw subjectto someuncertainty" (ib;d.,p. 1221
italiquesajoutés).
LeNigériaa signéla Conventionde Vienne sur le droit destraitésle 23 mai 1969et l'aratifiée le 31juillet 1969.
LeCamerouna accédé à la Conventionle 23 octobre 1991.LaConventionest entréeen vigueur le27janvier 1980.
The ViennoConventionon the LawofTreaties,ManchesterUniversityPreszLr éd.,1984,p. 31.Il poursuit :
"Partly to guard against this risk and also to respect accepted international
practice, paragraph 2 of Article7 of the Convention establishes that, 'in virtue
of their functions and withouthaving to produce full powers', Heads of State,

Heads of Government and Ministersfor Foreign Affairs are considered as
representing theirStatefor the purpose of al1acts relating to the conclusionof
a ~reat~"'~.

8.46 Il convient de rappeler à cet égard les développements figurant aux

paragraphes 2.221 à 2.225 et 2.241 du mémoiredu Cameroun(MC, pp. 129-131et 137) - et tout

particulièrement à la discussion de la Cour dans l'affairede la Délimitation maritimeet des

questions territoriales entre Qatar etahreïn".

8.47
Dans son récentarrêtsur les exceptions préliminaires dans l'affaire du
GénocideI2,la Cour a écarté ladeuxièmeexception de la Yougoslavie selon laquelle M. Alija

Izetbegovic n'avaitpas le pouvoir d'intenterune procédurecontre la Yougoslavie au nom de la

osn nie-~erzé~ Estimiante''avoirpas, pour se prononcer sur cette exception, à examiner

les dispositions de droit interne invoquéesà l'appui ou à l'encontre de ladite exceptionau cours
de la procédure,la Cour énoncelarèglegénérale suivante :

"Conformémentau droit international, il ne fait pas de doute que tout chef
d'Etat est présumépouvoir agir au nom de I'Etat dans ses relations
internationales (voir par exemple la convention de Vienne sur le droit des

traités,art. 7,par. 2 a))"I4.

'OIbid.;italiquesajoutés.
IIC.I.J., arrêt,Ie'juillet 1994,(compétenceet recevabilite),Rec. 1994,pp. 121-122.
l2C.I.J., arrêt,11juillet 1996, affaire de l'Applicationde Inconvention pour lapréventionet la répressiondu crime
de génocide,Rec. 1996,p. 595.
l3"Aux termes de la deuxième exception dela Yougoslavie, la requête serait irrecevableparce que M. Alija
Izetbegovic n'auraitpas occupéles fonctionsde présidentde la Ré-umais seulement celles deprésidentde
la présidenc- au moment où ila donnél'autorisationd'inh-oduirel'instance, et que cette autorisation aurait de ce
fait étéaccordéeen violation de règlesde droit interned'importancefondamentale. La Yougoslavie a également
soutenu que M. Izetbegovic n'aurait pas mêmeexercélégalemenàl'époque,les fonctions de présidentde la
résidence",Rec. 1996,pp. 621-622, par.44.
Italiques ajoutés.La Court pou:"Or, comme laCourl'a constatédans son ordonnancedu 8avril 1993(C1.J.
Recueil 1993, p. 11,par. 13),au moment dudépôtde lareq, .Izetbegovicavaitété reconn,n particulierpar
l'organisation des Nations Unies, comme étantle chef d'Etat de la Bosnie-Herzégovine.De surcroît, la qualitéde
chef d'Etat a continué delui êtrereconnue dansde nombreusesenceintes internationales par la suite et plusieurs
accords internationa-parmi lesquels les accords de Dayton-Pans-portent sa signature. La deuxième exception
préliminairede laYougoslavie doiten conséquenceaussiêtrerejetée",ibid.8.48 Il peut être utileici de se référàl'opinionexpriméeen 1974dans les écrits

de l'éminenjturistenigérian(et ancienPrésidentde la Cour) T. O. lias". Dans son ouvrage, The

ModernLaw ofTreaties16,ChiefJustice Elias estimeque le texte de l'article 7 dela Convention

de Vienne est "in conformity with the practice of the vast majority of States and accurately

reflected customaryinternationallaw".

8.49 Enoutre,conformémentàl'article47de la Convention de Viennesur le droit

des traités,mêmesi le Chef de 1'Etatnigériann'avaitpas été autorisé à conclure l'Accord de

Maroua selonle droit nationalnigérian, l'expressionde son consentement n'en auraitpas moins

engagéle Nigéna,sauf si le Cameroun avait reçu auparavantnotification de la restriction de sa
capacité à engagerle consentementde l'Etat :

"Si le pouvoird'un représentand t 'exprimerle consentement d'unÉtat àêtre lié
par un traitédéterminé a fait l'objet d'une restriction particulière, le qite ce

représentantn'a pas tenu compte de celle-ci ne peut pas êtreinvoquécomme
viciant le consentement qu'il a exprimé, à moins que la restriction n'ait été
notifiée,avant 1'expressiondece consentement,aux autres Etats ayantparticipé
a la négociation"(italiquesajoutés).

B - La non pertinencedu droit national

8.50 LeNigéria semble estimer que la "ratification" étaitnécessaireen vertu de

son propre droit interne (CMN,vol. 1,p. 216, par. 10.12).Il ne précisepas quelles dispositions
l'auraient imposée,ni si et comment cette exigence aurait étéportée à la connaissance du

Cameroun. Lefait est qu'unetelle limitation, si elle existait en 1975, n'ajamais été portéea la

connaissance du Cameroun et, l'eût-elle été, elleaurait étéen contradiction avec la pratique

antérieuredesdeuxEtats(v.par exemple,l'AccorddeYaoundéII de 1971).

8.51 Il est important en l'occurrence de faire la distinction entre lesmodalités

d'entréeen vigueur d'untraitéauplan internationalet les formalitésexigéesparle droitnational :

ILeJugeEliasétaiAt ttorneyGeneralduNigérientte 1960et 1972, ilfutMinistrede la JusticeduNigéria de 1960
à1966 ; àla datedecette publicationi,l étaitChiefJustice of theSupremeCourtof Nigeria (1972-1979, Annuaire
C.I.J.,83-1984,$38 (1984),p.15.
j6T.O.Elias,TheModemLaw of Treaties,OceanaPublications,NewYork,1974,p. 50. "~atification is defined in the Vienna Convention on the Law of Treaties 1969
as 'the international act so named whereby a state establishes on the

international plane its consent to be bound by a treaty'. This must be
distinguished frornparliamentary or other domestic ratification (or approval) of
a treaty: although such ratification rnay be connected with the international act
of ratification, they are separate procedural acts canied out on different planes.

Also to be distinguished is the exchange of instruments of ratification, which
takes place subsequently"".

Un autre auteurconfirmecette importantedistinction :

"Article 14 [of the Vienna Convention] sets out the circurnstancesin which the
consent of a State to be bound by a treaty is expressed by ratification. In this
context, the expression'ratification'bears the meaning set out in Article 2(1)@)
of the Convention - that is to say, 'the international act ...whereby a State

establishes on the international plane its consent to be bound by a treaty'.
Ratification in this sense must not be confused with the approval of the
legislature or other State organ whose approval may be constitutionally
necessary as a conditionprecedent tothemakingof the internationala~t"'~.

Selon AlexandmBolintineanu :

'TJo hierarchy was established [in the Vienna Convention] between more
formal or complex procedures, such as ratification, implying the

accomplishment of two successive international acts (signature followed by an
exchange or deposit of an instrument of ratification), and the less forma1 or
simplified proceduresrequinng a singleinternational act, such as signature and
exchange of instrumentsconstitutinga treaty"19.

ChiefJusticeEliaspartageaitcette opinion en 1974 :

"The expansion of intercourse between States, especially in economic and
technical fields, led to an ever-increasing use of less formal types of

international agreements amongst which were exchange of notes, and these
agreements are usually intended by the parties to become binding by signature
al~ne"~~.

" SirRobertJenningset SirArthurWatts,(eds.),Oppenheim's InternationalLaw, vol. 1,Longman,Londres,9&
éd.,1992,pp. 1226-1227,par.602.
l8SirIanSinclair,The ViennaConventionon theLawof Treaties, ManchesteU r niversityPress,2- éd.,1984,p.
41 ;italiquesajoutés.
l9"Expressionof Consentto Be BoundbyaTreatyintheLightof the 1969ViennaConvention"A , .J.I.L.,1974,pp.
673-674.
20TheModemLawof Treaties,OceanaPublicationsN , ew York,1974,p.24.Eliaspoursuivait :

"On the other hand, the exchangeof notes or the other informa1agreements,
though employedfor its ease and convenience, has sometimes expressly been
made subject torat$cation hecauseof constitutional requirementsin one or the
other of thecontracting Statesw2'.

Il faut noterque l'exigence de ratificationest soigneusement qualifiéecomme devant êtrefaite

"expressly".Ce n'est certainementpas le cas pour les Accords de YaoundéII ou de Maroua. De

fait,l'article46de la Conventionde Vienne sur ledroitdes traitésénonceune règle claire :

"Dispositions du droit interne concernant la compétencepour conclure des
traités

"1. Le fait que le consentementd'un État à êtreliépar un traité aété exprimé
en violation d'une disposition de son droit interne concernant la compétence
pour conclure des traités nepeut être invoqué par cet État comme viciant son

consentement, à moins que cetteviolation n'ait étmanifesteet ne concerneune
règlede sondroitinterne d'importancefondamentale.

"2. Une violationest manifeste sielle est objectivement évidentepour toutÉtat
se comportanten la matière conformément à la pratiquehabituelle et de bonne
foi" (italiquesajoutés).

8.55 Le moinsque l'onpuisse direest que ni la lecture de l'Accordde Maroua,du

Communiquéconjoint et de 1'Echangede lettres de juinljuillet 1975, ni la référencefaite à

Yaoundé ildans l'Accord de Maroua, n'établissent que le Nigériaaitjamais fait savoir que la

conclusion de l'Accord de Maroua par le Général Gowon constituait une "violation d'une
dispositionde son droit interne concernant la compétencepour conclure des traités (...)viciant

son consentement"ou qu'uneéventuellelimitationdece genre dans ledroit national nigérianétait

"objectivementévidentepour toutÉtat se comportanten la matière conformément à la pratique

habituelle et de bonne foi", encore moins qu'elleétait"manifeste". Cela n'étaitévidentpour

aucun Etat, ni pour le Cameroun, ni mêmepour le Nigéria (v.aussi MC, pp. 137-138, pars.
2.241-2.243relatifs àl'affaireQatar/Bahreïn).

21
Ibid .italiquajoutés8.56 La prétendue "non-ratification"de l'Accord de Maroua en droit interne
nigérianne peut donc avoir aucune incidence au plan du droit international. Il est tàufait

évident que,en l'an 2000 comme en 1975, le droit international n'impose pasla "ratification"

formelle d'untraité conclu parun Chef d'Etatlorsque ceci n'estpas expressémentprévu.Si une

telle exigenceavaitexisté, elle auraitdû être manifeu êtreobjectivementévidente.

8.57 Comme cela est rappelé ci-dessus,sauf indication contraire, le Chef d'un

Etat a la capacité d'engagerl'Etatpar un accord international.Un tel engagement est valableet

prend effetàlasignature. En signant l'Accordde Maroua, le Chef de 1'Etatnigérian amarquéson

accord à ce que la délimitation maritimeconvenue soit opposable à son pays, tout comme il
l'avaitfaiten 1971àYaoundé Ii.

C - L'inexistence d'une exigence de "ratification" parle Conseil
militairesuprême à la datepertinente

8.58 A titre subsidiaire,etbien que celan'aitpas d'incidenceauplan international,

il convient de remarquer qu'entout étatde cause, le droit constitutionnel nigériann'imposait

nullementla ratification des traitéspar le Conseil militaire suàrla dateà laquellel'Accord
de Maroua a étéconclu.

8.59 Selon le Nigéria,lors de la rencontre de Garoua, "on 7 to 9 August 1977,
GeneralObasanjoinformed President Ahidjo thatNigena didnot accept the MarouaDeclaration.

General Obasanjo also told President Ahidjo that,as NigerianHead of State, he was a trusteeof

Nigerian property, both land andtemtorial waters, and [that]he could not alienatethemor give

them away unconstitutionally. He explained that the Declaration had not been ratified by the
Supreme Military Council, and [that it] was therefore regarded as a nullity by Nigena." (CMN,

vol.1,p. 217, par. 10.13).Il n'enétaitrien, en tout cas au moment de la signature de l'Accord,le

1"juin 1975. Durant la deuxièmesessionde la réunionconjointe des experts Cameroun-
8.60
Nigéria sur les questionsdes frontièresd'Abujadu 15 au 19 décembre1991, un long débat a

opposéles deux délégations au sujet de cette prétenduerègle constitutionnelle.A cette occasion,

la Partie nigériane s'estappuyée sur un décretno 32 de 1975 qui aurait posé cette exigencez2.

Maisil estapparu, au coursdecette mêmediscussion,quecedécret,d'unepart avaitété adopté le

15octobre 1975soit aprèsla signature de l'Accordde Maroua, et,d'autre part,qu'ilcontenait, en

ce qui concerne la ratification des traités, desrègles rétroactivespuisqu'elles prétendaient
s'imposer à compter du 29juillet 1975(article21(1) - v. annexeRC40).

8.61 Ces éléments établissentclairementque le décretn'étaitpas applicable à la

date à laquelle l'Accord deMaroua a été concluet que,bien évidemmentla Partie camerounaise

ne pouvait avoir connaissancede cette exigence àcettedate si bien que, de toutes manières,elle

ne sauraitluiêtre opposée envertu de l'article46précité(v.supra,par. 8.54) de la Convention de

Viennesur le droit des traités.

8.62 Conscients de la faiblesse de l'argument, lesexperts nigérians, lors dela
réunion d'Abuja de décembre 1991,"declaredthatDecreeNo. 32of 1975wasnot promulgating a

new law which became retro-active. What that Decree did was to authenticate a rule of

Customary International Law to the effect that al1treaties haveto be ratified by the agreeing

parties except otherwise stated" (MC, Livre VII, annexe 313, pp. 2594-2595). Comme le

Camerounl'amontréci-dessus(pars. 8.50-8.57)l'argumentest dépourvude fondement en droit

internationalpublic.

22
I A vraidue, on cherche envain dansle texte du déc,uiest muetsurle pouvoirde conclureles trai, ne
dispositionexpresseen ce sens.Peut-es expertsnigérifnsaient-ils alluauxdispositions,trèsgénérales et
assez obscure, el'article8 relatifaux"functionsof theSupremeMilitaryCouncil"(v. annexeRC40). 5 2 - Le caractère obligatoire de L'Accordde Maroua est confirmé
par le recours aux règles usuellesd'interprétation

8.63 Les dispositions de l'article 31 de la Convention de Vienne sur

l'interprétationdes textes de traités sont bien connues23.Selon le paragraphe 1 de cette

disposition, l'Accordde Maroua "doit être interprétd ée bonne foi suivant le sens ordinaire à

attribuer [à ses] termes (...)dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but".

Interprété conformément à cette "règlegénérale d'interprétation"i,l n'estpas douteux qu'il devait

prendre effet immédiatement à la signature. Cette conclusion est confirméepar la pratique

ultérieuredes Partieset I'interprétation qu'enontdonnéeles tiers.

A - Le texte, l'objetet lebut del'Accordde Maroua

8.64 L'Accord de Maroua ne subordonnait son entrée en vigueur a aucune

condition, notamment de délai. Il est donc entréen vigueurdès sasignature. Son texte confirme
d'ailleursclairementque telle étaitbien l'intentiondes Parties.

8.65 Le temps des verbes utilisés pourdécrire les actionsdes deux Chefs d'Etat
est le passépour des actions qui ont été prises et qui ontpris effet ("[lies deux Chefs d'Etatdu

Nigériaet du Cameroun se sont mis d'accordpour prolonger le tracéde la kontière maritime

entre les deux pays" et "[Iles deux Chefs d'Etatont tenu a rappeler" la liberté etla sécurité de

navigation dans lechenal de CalabarICrossRiver)(MC,LivreVI, annexe251; italiques ajoutés).

23
"Règlegénéraled'interprétation
"1. Un traitédoit êtreinterprétéde bonne foi suivant le sens ordànattribuer aux termes du traitédans leur
contexte et la lumièredeson objet et de son but.
"2.Aux fuis de l'interprétation d'unl, contextecomprend, outrele texte, préambuleet annexe i:clus
"(a) tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre touteà l'occasion dela conclusion du
traité
"@) tout instrument établipar une ou plusieurs Pàl'occasionde la conclusion du traitéet acceptépar les autres
Parties en tant'inshumentayant rapport au traité.
"3.Il sera tenu compte,en même tempsque du contex:e
"(a) de tout accord ultérieur intervenu entre les Partiesau sujet de I'interprétationdu traitéou de l'application de ses
disposition;
" (b) de toute pratique ultérieurement suiviedans l'applicationdu traitépar laquelle est établil'accoàddes Parties
l'égardde l'interprétationdu t;aité
" (c) de toute règle pertinentede droit intemationalapplicable dansles relations entre les Parties".8.66 Au contraire, celuiutilisépour décrirel'effet des mesures arrêtéep sar les
Chefs d'Etatestle présent, que cela concernedes dispositionsd'ordre généra (l"La ligne frontière

adoptéepar lesdeux Chefs d'Etatest définiecomme suit (...)")ou de caractère particulier("[dlu

point 12 (...)lafrontièremaritimese dirige (...)")(ibid.;italiques ajoutés).

8.67 Cette volontéde considérerle traitécomme un accord en forme simplifiée
devant entrer immédiatementen vigueur est attestéeen outre par son but et son objet qui ne

ressortentpas directementde son texte mais découlentdu contexte dans lequel il a étésignéet

que le Camerouna rappeléci-dessus(pars. 8.07-8.20) : il s'agissaitde mettre définitivement fin

aux incidentsmaritimes quise poursuivaient au largede la presqu'îlede Bakassi depuis le début
des années1970 etil n'estpas douteuxque l'affaireétaiturgente.

B - Le contexte - Le Communiquéconjoint et 1'Echangede lettres

ultérieur

8.68 Le Communiquéconjoint publiéen même temps quel'Accordde Maroua et

les lettres des 12 juin et 17 juillet 1975 constituent un élémentdu contexte "aux fins de

l'interprétationdu traité" ausens de l'article 31, paragraphe 2, de la Convention de Vienne et

montrent que les Parties entendaientbien donner effet immédiata l'Accordauquel elles étaient
parvenues.Auxtermes du Communiquéconjoint, les deux Chefs d'Etatprécisent qu'ils"se sont

penchésplusparticulièrementsur l'examende la questionde la frontière maritime entre lesdeux

pays et se sont mis entièrement d'accordsur le tracéprécisde lafrontière maritime telle que le

définitla déclarationde Maroua du 1"juin 1975 et son annexe" (MC, Livre VI, annexe 250 ;
italiquesajoutés).

8.69 Les Parties étaient du resteégalementliées parles termes du Communiqué

conjoint. La Cour a reconnu qu'aucuneraison en droit international, ne s'oppose à ce qu'un
communiqué conjointde cette nature impose des obligationsjuridiquement contraignantesaux~ignataires*~ P.uisque le Communiqué constitueun véritable engagementinternationai l, en vade

même afortiori du traité auquel ilse réfèrel,'Accord de Maroua.

8.70 Le principe selon lequel'l'~ccord de Maroua est entré en vigueur à sa

signature conformément àla position des deux Chefs d'Etatsignataires est confirméen outrepar
I'Echangede lettres ultérieurqui apporteunecorrection technique dela ligne convenuele lmjuin.

Cettecorrespondancen'auraiteu aucun sens si les deux Partiesn'avaientpas eu la convictionque

l'Accordde Maroua était déjà en vigueur etdevait êtrecomgé.

8.71 Le 12juin 1975, le Chefde 1'Etatdu Cameroun a écrit à celui du Nigériaau

sujetde la correctiond'uneerreur de calcul des coordonnées du pointB sur la ligne délimitép ear
l'Accordde Maroua danslestermes suivants :

"J'estime pour ma part que votre réponse [à cette lettre], reconnaissant

l'existence de cette erreur et confirmant la justesse des coordonnéesréellesdu
point B, pourrait êtreconsidérée,au même titreque cette lettre, comme des
annexes valides à la déclarationde Maroua.

"Toutefois, je suis disposé à examiner toute autre proposition qu'il plairait à
Votre Excellence de faire dans le sens de comger cette erreur" (requête

introductived'instance, 29mars 1994,annexe 3 ;italiques ajoutés).

8.72 Il est difficile d'interprécette lettre autrement que comme confirmantque

l'Accordde Maroua étaitdéjà pleinementen vigueur et que, dès lors, il fallait lui apporterune
correctionpar une "annexe valide". Ceci ressort égalementde la réponsereçue un mois plus tard

du Chefde 1'Etatnigérian,le 17juillet 1975 :

"My Dear President andBrother,

"1 thank you for your letter of 12~ June on the subject of the Maroua
Declaration, and for your kindness in pointing out the error which occurredin

" Dansl'affaire de la Délimitation maritime et des quetesmtoriales entre Qatar et Bahrein. (compétetce
recevabilité), R1994, p. 120,par. 23, la Cour a rappelé les termesde sodansl'affaire Plateaucontinental
de la mer Egée,Rec. 1978, p. 39, par. :"Par ailleurs, comme la Cour l'a notédans le cas d'un communiqué
conjoint 'il n'existe pas de règlede droit internationalinterdisant qu'un communiquéconjoint constitue
international desàisoumettre un différeàdl'arbitrage ou au règlementjudici(...) En vue de déterminersi
un tel accord a été conclu,la Cour doit tenir compte avant tout des termes employéset des circonstances dans
lesquellesle communiquéa étéélaboré'ibid.)".V. ausS. Rosenne, Developmentsin the Law of Treaties1945-
1986,CambridgeUniversity Press, 1989, p. 100. the definition of the CO-ordinatesof poiBt on the line drawn on chart 3433.
(..)
"1also agree that your letter No. A 3lIf-CABIPRUCof 12~June, and myreply
should be considered as valid annexes to the Maroua Declaration" (ibid. ;
italiques ajoutés).

8.73 Prises séparémeno tu ensemble,ces lettres reflètentclairementla conviction

des deux Chefsd'Etatselon laquellel'Accordde Maroua étaitpleinement envigueuret que, à cet

effet, il nécessitaitune correction par le biais d'uneexevalide".Quel aurait été l'objet d'un
Echange de lettres devant être considérée comme des annexes, si le document auquel elles

devaient êtreannexée ns'étaitpas lui-mêmvalide ?

8.74 Cet Echange de lettres peut aussiêtreconsidérécomme un "accordultérieur
intervenu entre les Parties au sujet de l'interprétationdu traitéou de l'application de ses

dispositions" ausens du paragraphe3 (a) de l'article31de la Conventionde Vienne de 1969.

C - La pratiquesubséquente

8.75 La Déclarationde Maroua a été enregistrée pa le Cameroun auprès du

Secrétariatdes Nations Unies en 1981 (NO d'enregistrement19976)et a été publiée aR uecueil

des Traités desNations lJnies2'.Outre qu'elle confirmeque l'Accordest entré en vigueur, cette
publication reprend l'intégralitédu texte de la Déclarationde Maroua et du Communiqué

conjoint, et comporteune note précisantque : "Par un accordsousforme d'unéchangede lettres

en date àYaoundédu 12juin 1975et à Lagos au 17juillet 1975,lequelest entréen vigueur le 17
juillet 1975 par l'échange desdites lettres, le troisième paragraphe de la Déclaration

susmentionnée aétémodifié".Le Nigéna n'a pasréagi à cette publication en 1981. Aucune

protestation, dénonciation ouréserven'est parvenue aux NationsUnies ni au Cameroundepuis

lors. L'Accordde Maroua a, de même,étépubliéen 1987 dans la compilation des Maritime
Boundaiy Agreements (1970-1984)préparéeet publiéepar la Divisiondes Nations Unies pour

les Affaires maritimes (Bureau des affaires juridiques). Cette publication comprend le texte del'Accordde Maroua et leslettres échangées entre les deuxChefsd'EtatZ6L .a encore, le Nigérian'a

réagipar aucune communication a cette publication (qui date de 1987) et ni la Division des

Nations Unies pour lesAffairesmaritimes ni leCamerounn'ontreçu la moindreprotestation.

8.76 L'Accordde Maroua a aussi été publié dans le rapport no 4-1 dans la série

International Maritime Boundaries2'.Dans cette étudeconcise qui fait autorité,l'Accord de

Maroua a été décritcommeentrant en vigueur "Immediatelyupon signature"28.Ni les éditeurs de

la série,ni le Cameroun n'ontreçu de protestation de la pari du Nigéria contre cette publication

bien connue.

8.77 De plus, aprèsle début dela présente affaire, leprofesseur Charney a écrit

dans un volume ultérieurde la sérieInternationalMaritimeBoundaries que "it is not clear what

questions regarding the delimitation of the maritime boundaryare before the ICJ and the impact,

if any, a judgment by the Court would have on the maritimeboundary established in 1975;'29.

L'annexede ce volume continue à faire référence à la Déclaration de Marouacomme "Entered

into Force: Immediately upon ~ignature'"~.La encore,leNigérian'apas réagi.

8.78 La pratique du Nigériaen ce qui concerneles concessions qu'ila accordées,
confirme égalementqu'enréalité, cet Etat avaitle sentiment d'être lié par l'Accordde Maroua.

Malgré les réserves que l'on peut avoir sur la présentationqu'en donne le contre-mémoire

nigérian (CMN, vol. II, pp. 564-565 et cartes 20.4 et 20.5), cette pratique montre que,

globalement, les concessions du Nigéna au nord du point G ont, de fait, respectéla ligne de

délimitation del'Accordde Maroua.

26Division des Affaues maritimesetdu droit de la mer, TheLawof the Sea, Maritime Boundary Agreements (1970-
1984),New York, United Nations,pp. 97-99.
27A. O. Adede, Report No. 4-1 "Cameroon-Nigeria," in J. 1.Chamey et L. M. Alexander, (eds.), International
Maritime Boundaries, vol.Nijhoff, Dordrecht, 1993,p. 8V..MC, LivreVI, annexe 251,p. 2084.
Ibid. L'auteur de ce rapport, A.O. Adede, a qualifiél'Accord de Maroua Pexample of a maritime boundary
delimitation by an agreement in which the two parties attemptedto achieve equitable results by addressing specific
controversies arising from resource,geographical, andgeomorphologicalconsiderations" (ibid., p.843).
291.1. Chamey, "Cameroon-Nigeria" in 1.1. Chame& L. M. Alexander,(eds.),International Maritime Boundaries,
vol. III, Nijhoff, Dordrecht, 1998,p. 2249iques ajoutés.
'OIbid.8.79 Les seules zones de chevauchement sont situées dans les concessions

nigérianesOPL230(Monipulo) etOPL 98 (NNF'CIAddax).La première aété accordée,s'il faut
en croire le contre-mémoiree,n octobre 1991(CMN, vol. II, p. 564, par. 20.14), soit longtemps

aprèsla datecritique.Pour leurpart, les concessionscamerounaisesont toujours scmpuleusement

respectéla lignedeMaroua (v. lescroquis R 24 et R 25 figurant dans le chapitre à la suitedes

pars. 9.108 et 9.11- pour une discussionplus généralede la question des concessions, v. infra,
chapitre 9, pars.9.96-9.117).Quantà la concessionnigérianeNo. OPL 98,juste au norddu point

G, elle a étéattribuée,selon le contre-mémoire,a 'NNPC/Addax" (CMN, vol. 1,p. 564, par.

20.14) etlou à "Ashland" (CMN,vol. II,carte no20.5). La date indiquéepour la concession
initiale est "March 1973,"àsavoir antérieurea l'Accord de Maroua (CMN, vol. II, p. 564,par.

20.14) ;la concessionen cours estidentifiée comme datant du 6mai 1998 (ibid.), sansqu'ilsoit

possible de déterminerla date a laquelle le petit chevauchement que l'onrelève sur les croquis

nigériansestintervenu.

8.80 Au demeurant,il est frappant de constater qu'àces exceptions trèslimitées

près, lesconcessionsnigérianes accordéeasvant 1991ont, de l'aveumêmede la Partie nigériane,

respectéla lignedeYaoundéIIjusqu'aupoint 12et cellede Marouajusqu'aupoint G.

8.81 Entout étatde cause, aucune des concessions nigérianesne semblese fonder

sur l'hypothèsed'unesouveraineténigériane sur lapresqu'îlede Bakassi. S'il enavait éainsi,les
concessionsseraientparties del'estdu méridiensitué à 30'de longitude et se seraientétendues

bien à l'estvers environ 42'.

8.82 D'autres considérationsde simple bon sens confirment ces analyses. Si
l'affirmation du Nigéria selon laquelle la dénonciation de l'Accord de Maroua a été

communiquéeauCamerounen 1977étaitcrédible,leNigéria devrait expliquer pourquelleraison

il n'apas protestéquand le Camerouna enregistrél'Accord de Maroua auprèsdu Secrétariatdes

Nations Uniesqui,depuis lors,continue àle faire figurer comme étant définitivementnvigueur
à la date de sa signature (v. le Recueil des Traités des Nations Unies, site intemet

htb://untreatv.un.org consultéle 21mars 2000, annexeRC 244).8.83 Un Etat ne peutpas faire un choixentre les traitéset les accords auxquels il a
souscrit,enfonctionde ses intérêtsimmédiats s, rtouten matière d'accords frontaliers.

8.84 Le Cameroun tient à préciser, en tout état de cause, que si la Cour
reconnaissaitau Nigériale droit de revenir sur sa position antérieureen ce qui concerne le tracé

de la frontièremaritime jusqu'au point G, il conviendrait alors d'appliquer les dispositions

pertinentesde laConventionsur ledroit de la mer.

8.85 Fidèle à ses engagements, le Cameroun considèrecependant qu'il aaccepté

une solutionqui lui est moins favorable du fait de la signature de l'Accordde Maroua qui lie les

deux Etats signatairesavec toutes lesconséquences,qui s'ensuivent.

8.86 L'importancede l'Accord de Maroua, en conjonction avec celui de Yaoundé

II, pour la présenteaffaire ne doit pas êtresous-estimée.Non seulement il établitla frontière

maritime de 1975jusqu'au point G,mais encore il démontre clairement quele Nigériaadmettait
que l'extrémitéde sa frontièreterrestre avec le Cameroun était situàl'ouestde la presqu'île de

Bakassi.

8.87 La lettre de l'Accordde Maroua et des instruments collatérauxdu lmjuin

1975,l'Echangede lettres subséquent,leur combinaison avec l'Accordde Yaoundé IIne peuvent

laisser subsisteraucun doute sur l'intention des deux Parties de fixer définitivementleurfrontière

maritimejusqu'aupoint G.

i) La signaturede l'Accord de Maroua par les Chefs d'Etat du Nigéria etdu Cameroun le

lmjuin 1975exprime le consentementdes deux Etats àêtre liépsar ce traité.

ii) La publication du Communiquéconjoint signé parles deux Chefs d'Etat constitue une

autrepreuvede ce consentement.

iii) La validitéde l'Accord de Maroua a étéconfirmée par l'Echange ultérieurde lettres

entre les Chefsd'Etatdes deux pays.iv) La référence àYaoundé IIdans l'Accordde Maroua confirmeque la nature du premier
n'estpas juridiquement différentede celle du deuxième ;il s'agit, dansles deux cas, d'accords

internationaux conclus par écritentre Etats, quelles qu'aientétéleur dénomination particulière.

Lesdeux Accords sontentrésen vigueurimmédiatementet àla signature,par la volontédesdeux
Chefsd'Etat ; le Communiquéconjoint publiésimultanément etI'Echangede lettres subséquentle

confirmentde manière indiscutable.

V) Ces conclusions sont confirméespar la notoriétéacquise par la frontière maritime
partielle établiepar l'Accordde Maroua, tel qu'ila étnotifiéau Secrétariatdes Nations Unies et

publiédans toute une sériede publications largement répandues et bien connues en matière de

délimitation de frontières maritimes.

Ces conclusions sont également confirmée psar la pratique contemporainedes Etats, par
vi)
la Convention de Vienne surle droit des traitéset par le fait quele droitinternationalseprononce

sans équivoqueen faveur dela stabilitéet delapermanence desaccordsfrontaliers - qu'ils'agisse
de frontières terrestresou maritimes.

vii) Enfin, il faut relever que la contestationpar le Nigériade la validitéde l'Accord de

Maroua créeune situation paradoxale :si I'Etatdéfendeuravait raisonde soutenir quel'Accord
de Maroua n'apas force obligatoireentre lesParties, la Cour devrait appliquerles dispositionsde

la Convention de 1982 sur le droit de la mer dont la mise en Œuvreaboutirait à un résultat plus

favorable auCamerounque celui résultant de l'application de l'Accordde Maroua3'.

''V. l'article15de la Convention. CHAPITRE 9.

LA DELIMITATIONMARITIME AU-DELADUPOINT G9.01 Comme le Cameroun l'arelevé ci-dessus (chapitre7, pars. 7.01-7.03), la
Partie nigérianes'emploie à réfuter, parune suite d'affirmationssommaires, la délimitation

maritime qu'ila défendue.Elle lefait dans un chapitreunique dans lequel elle traitepêle-mêle

du secteur délimitépar l'Accord de Maroua ,et de celui qui n'a pas fait l'objet d'une

délimitationconventionnelle(CMN, vol. II, chapitre 23,pp. 601-622). Pour les raisons qu'ila
indiquées(v. supra, chapitre 7, pars. 7.02-7.04), le Cameroun ne saurait la suivre sur ce

terrain : d'une part, par l'Accord de Maroua les deux Parties ont délimitéleur frontière

maritime par lavoie conventionnelle ;d'autre part eten tout étatde cause, le secteurmaritime

jusqu'au point G relève,pour l'essentiel,de la mer territoriale des deux Etaàslaquelle sont
applicables des principes de délimitation distincts deceux relatàfla délimitationdu plateau

continental et de la zone économique exclusive, qui devraient trouver applicationenl'espèce

si la Cour devaitconsidérerque l'Accordde Maroua n'estpas en vigueur.

9.02 A cet égard, uneclarification s'impose.A plusieurs reprises, le Nigéria

prétendque "Cameroon'slegislationembodies a claimto a 50 mile temtorial sea" (CMN,vol.

II, p. 562, par. 20.;v. aussi,p. 603, par. 23.2 et p. 619, par. 23.22(1)). Pour ce faire, il se
fonde sur la loi no 74/16 du 5 décembre 1974, quifixait la largeur de la mer temtoriale

camerounaise à 50 milles marin sv. CMN, vol. X, annexe 339). A la mêmeépoque, le

Nigériaconsidéraitque sa propremer territoriale s'étendaià30 milles marins de sescôtes (v.

le "Territorial WatersAct" de 1967, Chapter 428, article 1.(1), CMN, vol. X, annexe 336).
Toutefois, telle n'estplus la situationheure actuelle.

9.03 Le Nigériaest devenu partie à la Convention des Nations Unies sur le

droit de la mer le 14 août 1986et a modifiéen conséquencele Territorial WatersAct par le
décret no 1 du 1" janvier 1998, qui ramène de30 à 12 milles marins la largeur de sa mer

temtoriale (ibid.,p. 2533).

9.04
Pour sa part, le Cameroun a ratifiéla Convention deMontego Bay le 19
novembre 1985.Conformémentaux dispositions de l'article45 de sa Constitution

"Les traitésou accords internationaux régulièrement approuvés ou ratifiés
ont, dès leurpublication, une autoritésupérieure à celle des lois, sous
réservepourchaque accord ou traité,de son application par l'autrepartie".De ce fait, le Cameroun est liipsofacto par les dispositionsde la Conventionsur le droit de

la mer, quiont, dans son droitinterne, une valeur supérieureaux lois contraires.Il n'estdonc
pas indispensablede modifierles textes des lois antérieures pourque la limitededouzemilles

marinsfixée à Particle3 de la Convention s'imposedans l'ordreinternecamerounais.

9.05 En tout étatde cause, ces considérations sontsans incidence au plan
international. En application du principe selon lequel "[ulne Partie ne peut invoquer les

dispositionsde son droit interne comme justifiant de la non-exécutiond'untraité"(article 27

de la Conventionde Viennede 1969sur le droit destraités), leCamerounest lié àl'égardde

l'ensembledes autres Parties à la Convention de Montego Bay - dont le Nigéria- depuis
l'entréen vigueur de cet instrument,le 16novembre1994.

9.06 En conséquence,et contrairement à ce que laisse entendre la Partie

nigériane,on ne saurait douter que la délimitation des zones maritimesrespectives des deux
Etats au-delà du point G - qui se trouve à 15,49 milles marins environ de la côte

camerounaise la plus proche et à 16,02 milles marins environ de la côte nigériane laplus

proche - doit êtreeffectuée conformémentaux principes de délimitationapplicables aux

plateauxcontinentaux et aux zones économiques exclusivesde deux Etats dontles côtes sont
adjacentes,tels qu'ilssontdécrits ci-dessousdansleprésent chapitre,et non en applicationde

ceux relatifà la mer temtonale.

9.07 Au bénéficede cette remarque, la République duCameroun reviendra

brièvementsur les motifs quijustifient la délimitationéquitable proposéedans son mémoire

(section 3) avant d'examinerla question de l'incidencedes droits des tiers, sur laquelle le
Nigériapolarise largement l'attention (section4). Liminairement, il convient toutefois, d'une

part, de montrer qu'une ligneunique de délimitationdu plateau continental et de la zone

économiqueexclusive s'imposeen l'espèce(section 1) et, d'autrepart, de préciserà nouveau

que le prononcé judiciaire constitueen l'espècele mode de délimitationpertinentecompte
tenudescirconstances(section2). Section 1 : LA NECESSITE D'UNE I.ICNE UNIQUE DE
DEI~IMITATION DE LA FRONTIERE hlARlTIhlE

9.08 Le procédéde la ligne unique valant délimitation d'ensemble("all-
purpose line") est désormais bienétabli,aussi bien dans la pratique des Etats que dans la

jurisprudenceinternationale. Dans la présenteespèce,une telle ligne correspond à la ligne

équitable.

9.09 Pour ce qui est de la pratique des Etats, on dénombraiten 1996, une

cinquantained'accordsrecourant àcette formuleetce nombrene cessed'augmenter1.

9.10 Il s'agit là de la consécration d'une tendancequi s'étaitamorcéenon

seulementparmi les Etats, mais aussi au sein de la doctrine avant mêmel'adoption dela
Conventiondes Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre1982~.Ainsi, dans

l'affaireduPlateau continental (Tunisie/ Jamahiriyaarabe libyenne), à la question poséepar

le Juge Oda de savoir si la superposition de deux limites est admissible du point de vue de

"l'ordre public international", lesdeux Parties à l'instance donnèrentdes réponsesassez

proches, àunenuance près. Selon laTunisie, "il estdifficilede concevoirque les limites dela

zone économique exclusivepuissent différer de cellesdu plateau continentalà l'intérieur des

200milles".Quant àl'aLibye,elle "considère qu'entredes Etats dont lescôtes sont adjacentes

ou se font facela délimitation des zonesrespectivesde plateau continental etcelle des zones
économiquesrespectives devraient, dans la plupart des cas, coïncider". Mais en raison des

facteursintéressantsoit la pêches,oit les ressourcesdu plateau continental,il peut arriverque

"lesdeuxlimitesne coïncidentpas forcémentn3.

9.11 Examinant laquestion à la lumièredes tendances fortes du nouveaudroit

de la mer alorsen construction dans le cadre de la III"' Conférence des NationsUnies, le

Juge Odaconclut :

"La seule attitude raisonnable à adopter dans ces conditions consiste à
attendre que les deux régimes[celui du plateau continental et celui de la

2V.L. LucchinietM. Voeckel,Droitde la mer, t2,vol.1,Pedone,Paris1996,p.104,no631.
V. P. Reuter,"Une ligne unique de délimitation desespacesma?",MélangesGeorgesPerrin, Payot,
Lausanne, 1984,p. 251 ; S. O&, "Delimitation of a Single Maritime Boundary. The Contribution of
Equidistanceto Geographical Equity in the interrelated ofmthe Continental Shelf and the Exclusive
EconomicZone",Etudesen l'honneure Roberto Ago,Giuffré,Mila1987,vol. II,349.
Opiniondissidentejointe àl'atu24février1982Rec. 1982p.232, par127. zone économiqueexclusive] soient harmonisés et,d'ici là, à favoriser cette
harmoni~ation'~.

Cette harmonisationdevait se faire d'autantplus que "la délimitationde la zone économique
exclusive et la délimitation duplateau continental étaient traitées conjointemotu dans des

termes virtuellementidentiques" àla conférence5.

9.12 Lajurisprudence internationale alargement consacré cette pratique, avec
ou sans l'accorddes Parties. L'arrêinauguralà cet égardest celuirendupar une Chambre de

la Cour dans l'affairedu Golfe du Maine. La Chambre, saisiepar compromis, y souligne en

effet: "la responsabilité qui luiincombe du fait que la délimitationqu'elle est requise

d'accomplir est, pourla premièrefois dans la pratique judiciaire et arbitrale internationale,

une délimitationpar ligne unique dedeuxéléments différentsv P6.is,toutes analysesfaites, la
Chambrese prononcesous la formed'unobiter dictumdans lestermessuivants :

"En réalité, une délimitation palrigne unique, comme celle qui doit être
réaliséedans le cas d'espèce,à savoir une délimitationvalanà la fois pour

le plateau continental et la colonne d'eau sujacente, ne saurait être
effectuéeque par l'application d'un critèreou d'une combinaisodne critères
qui ne favorise pas l'unde ces deux objets au détrimentde l'autreet soit en
même temps susceptible de convenir également à une division de chacun
d'eux. A ce propos, il est d'ailleurs à prévoirque, avec l'adoption
progressive, par la plupart des Etats maritimes, d'une zone économique

exclusive et, par conséquent, avecla généralisationde la demande d'une
délimitation unique, évitant autant qu'ilest possible les inconvénients
inhérents à une pluralité de délimitationsdistinctes, la préférence ira
désormais, inévitablement,à des cntèresse rêtanm t ieux,par leur caractère
plus neutre,àune délimitationpolyvalente" .

9.13 La délimitationpar ligne unique fut appliquéepeu après,également à la

demande expresse des Parties, dans l'affaire de la Délimitationde la frontière maritime

Guinée/Guinée-~issau~.

9.14 Dans l'affaire dela Délimitation des espacesmaritimes entrele Canada

et la Républiquefrançaise, le Tribunalarbitral a, dans sa sentencedu 10juin 1992,calqué sa

position sur celle de la Chambre de la Cour ci-dessus rappelée(par.9.12). Il note qu'aucune

4Ibid.,p.233,par.129.
Ibid.,p. 234,par.131.
C.LJ., arr, 2 octobre 1984, affairede la Délimitationde lafrontière maritimedadu Golfeduon
M7ine, Rec. 1984,p. 326,par.192.
Ibid.,p.327,par.194.
Sentencearbitrale,14février1985,R.G.D.I.P.,1985, p.484.règle de droit international ne s'oppose à une délimitationau moyen d'une ligne unique,

indiquantqu'il n'y a pasen l'espèced'"obstacle matériel"l'empêchand te procéder ainsi, tout

comme la Cour qui avait relevé,dans l'espèceprécitéel,'absence d'"impossibilitématérielle"

à une délimitation unique9.

9.15 L'arrêrtendu par la Cour dans l'affairede la Délimitationmaritime dans

la régionsituéeentre le Groenland et Jan Mayen est plus significatif encore. Les Parties

étaienten désaccordsur la nature de la tâche de la Haute Juridiction que le Danemark avait

saisie par requêteet à laquelle il demandait de tracer une ligne de délimitation unique,

commune au plateau continental et aux zones de pêchet ,andis que la Norvège estimait que la
Cour devait se borner àrendre unjugement déclaratoire fixantles principes àadopter pour le

tracé de chacunede ces lignes de séparation,quitte à constater leur coïncidencei0. La Cour

s'enest montrée d'accord,maispour une raison bien précise :les sourcesdu droit applicableà

chacune des deux opérations de délimitationétaient,en l'espèce,différentes(il s'agissait dela

Convention de Genève de 1958 sur le plateau continental d'une part, du droit coutumier
d'autre part)". En la présenteoccurrence, les deux Etats sont parties à la Convention des

Nations Unies sur le droit de la mer ;et s'il est vrai que celle-ci traite de la délimitationdu

plateau continental d'une part et de la zone économiqueexclusive d'autre part dans deux

articles distincts, ceux-ci, comme la Cour l'arelevédans son arrêtde 1993, sont rédigésen

termes identiques :

"le paragraphe 1 de l'article 74 et le paragraphe 1 de l'article 83 de la
convention disposent que la délimitationdu plateau continental et dela zone
économique exclusive entre Etats dont les côtes se font face ou sont
adjacentes doit êtreeffectuée

'par voie d'accord conformémentau droit international tel qu'il est visé à
l'article38 du Statut de la Cour internationalede Justice, afin d'abouàiune
solution équitable"'I2.

9.16 Au demeurant, dans cette affaire, la Cour a, en réalité, procédé au tracé

d'une ligne de délimitation uniquei3 et, pour les raisons développées ci-dessus, telle estla

solution qui, de l'avis du Cameroun, devrait prévaloir,sauf si des circonstances particulières,

que le Cameroun n'aperçoit pas en la présente espèce, appelaient une dissociation. Elle

10.G.D.I. 1P92,p.692, par. 37.
IIC.I.J.,arrêt1,4juin 1993, Rec. 1993,pp. 56-57, par.41.
Ibid.,pp.57-58,par.44.
l2Ibid.,p. 59, par.48.
''V. not.ibid., p.77, paou8ledispositif,p. 82, par.94.s'impose d'autant plusen l'occurrenceque les deuxEtats ont, dansl'Accordde Maroua, d'ores
et déjàrecouru a une ligneuniquede délimitation ence qui concernela délimitationde leurs

espaces maritimes respectifsentre la limite extérieurede leur mer temtoriale et le point G,

soit sur unedistanced'environ cinqmilles marins.

9.17 L'attrait de cette "délimitation a double effet" tient à des raisons

pratiques évidentes.La ligne unique permet en effet d'éviteren pratique les conflits qui

pourraient résulter de lignes différentes pour le plateau continental et pour la zone

économique exclusiveen raison du chevauchement des juridictions différentes dansune
mêmezone maritime.Ceciétant, laRépubliquedu Cameroun considèreque le résultatserait

tout aussi satisfaisantsi la Cour devaitopterpour deux lignes distinctes etconsidérer,comme

elle l'a fait dans l'affairede Jan Mayen, que, dans les circonstances de l'espèce, elles se
recouvrent.

9.18 La ligne polyvalente proposéepar le Cameroun prend en compte les

facteurs existantsdans lesespacesmaritimes entrantdans la zonede délimitation,notamment
les concessions pétrolièresdonnant droit a l'exploration et l'exploitation off shore des

ressourcesdu plateau continentalenhydrocarbures.

9.19 L'attributiondes concessions pétrolièresa, jusqu'a une période très
récente (octobre1991,s'il fauten croire le contre-mémoirenigérian ; CMN, vol. IIp. 564,

par. 20.14), respecté depart et d'autre la ligne résultant del'Accord de Maroua de 1975

jusqu'au point G (v.supra,chapitre8,pars. 8.78-8.80),et les droitsd'aucun Etattiers ne sont
en cause dans ce secteurde la frontière.Au-delàdu point G, la ligneunique proposéepar le

Cameroun ne remet pas encause,dans l'ensemble, les concessionspétrolières existantes l,s

quelques chevauchements observés résultant de concessionsrécentesétablies par le Nigéna

aprèsla survenancedu différendet la saisine de la Cour par le Cameroun,ou de concessions
dont l'existencen'avaitpas été portéa ela connaissance du Cameroun(v. infra, pars. 9.96 et

S.),en violation des engagementspris à Abuja en décembre1991 (MC, Livre Vii, annexe

313). Section 2: LA METHODE DE DELIMITATION PERTINENTE -
L'OBJECTION NIGERIANE FONDEE SUR L'ABSENCE
DE DELIMITATION CONVENTIONNELLE

La stratégiejudiciairedu Nigéria neva pas sans paradoxe: alors que ce
9.20
pays récusecatégoriquement ladélimitation conventionnelleopéréepar les Parties jusqu'au

point G (v.supra,chapitre 8), il insàsmaintes reprises sur l'impossibilité de fairedroit aux

conclusions camerounaisesrelativesà la délimitation au-delàde ce point, au prétexteque les
Parties n'auraientpas délimitéce secteur de leur frontièremaritime par voie d'accord, et se

déclaremaintenantdisposé à mener des négociations auxquellesil s'est toujoursrefjusqu'à

présent.On ne peut voir dans ces contradictions que l'unedes manifestations de l'objectifdu

Nigénavisant à empêcherla Cour, par tous les moyens, de se prononcer sur la délimitation
maritime.

9.21 Or il n'est pas exact que, compte tenu des circonstances de l'espèce,de

nouvelles négociationssoientjuridiquement nécessairesou pratiquement possibles(5 1). Et,
en tout état decause, la Républiquedu Cameroun, dont la longue patience a étédéçue,ne

saurait envisager que la délimitation maritimede sa frontièrecommune avec le Nigéna soit

remise à un arrêt ultérieuru, pire encore,à des négociations au résultat aléatoire dola

lenteur ne pourrait qu'aggraver le très important préjudiceéconomique et financier qu'elle
subit en conséquence dela situation actuelle et pne la Cour de bien vouloir s'acquitter de

manièreaussicomplèteet définitiveque possible desamissionjudiciaire (5 2).

1- Des négociations ont eu lieu entre les Parties et leur reprise

ne serait pas fondéeen droit

9.22 Invoquant les articles 76 (qu'il sembleconfondre avec l'article74) et 83
de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, le Nigériaaffirme qu'au-delà du

point G la délimitationmaritimedevraitêtre fixpar voie d'accord(v. CMN, vol.II pp. 603-

604, par. 23.3(2)) et conclut en demandaàtla Courde dire etjuger
"that the parties are under an obligation, pursuant to Articles 76 [74?] and

83 of the United Nations Law of the Sea Convention, to negotiatein good
faithwith a view to agreeing on an equitable delimitation of their respective
maritime zones, such delimitation to take into account, in particular, the
need to respectexisting nghts to explore and exploit the mineral resources
of the continental shelf, granted by either party prior to 29 March 1994
without written protest fiom the other, and the need to respect the reasonable maritime claims of third States" (CMN, vol. III, conclusions,
P. 834;(5)(b)).

9.23 Ce faisant, la Partie nigériane "ressuscite" laseconde branche de sa

septième exceptionpréliminaire,que la Cour a cependant rejetéepar son arrêtdu 11 juin

199814,puisque, en réalitéc,ette conclusion revientà demander à la Haute Juridictionde ne

pas seprononcer sur la conclusiondu Camerounlapriant de bienvouloirdéteminerla limite
des zonesmaritimesrelevantrespectivement dechacunedes Parties.

9.24 Fidèle àla position affirméelors de la phase préliminairede la présente

procédure,le Nigériatente, en des termes àpeinevoilés,de convaincre laCourderevenir sur

cette décisionet de renoncer àl'exercicede sa compétence auprofit d'un règlemenp tar voie

de négociations entrelesParties. Déjà,dans sa septième exceptionpréliminaire,il demandait
expressément àla Courde conclureque :

"at thejuncture where there is a determination of the questionof title over
the Bakassi Peninsula, the issues of maritime delimitation will not be

admissiblein the absence of sufficient action by theParties, on a footing of
equality,to effect a delimitation 'by agreementon the basis of international
law"'(EP,vol. 1,p. 129,par. 7.33(2)).

9.25 Or, anticipant cette objection, le Cameroun avait, dans son mémoire

(MC, pp. 503-523, pars. 5.17-5.60), exposéde manière détaillée ld eéroulement desdiverses

réunionsde la Commissionmixte d'expertsqui se sont tenues à partir de 1970:du 12 au 14
août 1970 à Yaoundé(MC, Livre V, annexe 240), du 15 au 25 octobre 1970 à Lagos (MC,

LivreV, annexe 241), du26 mars au4 avril 1971 à nouveau àYaoundé (MC,LivreV, annexe

242) puis encore du 14 au 21juin 1971 à Lagosoù fut adopté le tracé de la frontièr- très

favorable au Nigéna - jusqu'aupoint 12 (MC, Livre V, annexe 243). Les négociationsse

poursuivirent ensuite d'abordau sein du sous-comitétechnique, puis au niveau des Chefs
d'Etat,et furent marquéespar lesrencontres de Garoua qui n'aboutit pas,en août 1972,celle

de Kano, qui se traduisit par la Déclarationdu 1" septembre 1974 (MC, Livre VI, annexe

246), et celle de Maroua,au coursde laquelle fut conclul'Accorddu 1"juin 1975(MC, Livre

VI, annexe 251) grâce aux concessions faites par le Président camerounais.Elles se

14
Rec. 1998,pp. 321-322, pars. 107-109, et p. 3261)g)..118

394poursuivirent au-delà (v. la réunionde Jos du lmnovembre 1978où la délégation nigériane

bloqua toutprogrès - MC, LivreVI,annexe 253), et le faitqu'ellesn'aboutirentpas ne signifie
évidemment pasque des négociationsn'eurent pas lieu entre les deux pays :elles furent

intenses et, dès l'origine, elles ont porté sur l'ensemblede la frontière maritime. Cette

démonstration a été réitérée dla essobservations écritesdu Cameroun sur les exceptions

préliminaires duNigéna (OC, pp. 164-166, pars. 7.28-7.36),ainsi que dans ses plaidoiries

durant cette phasepréliminaire(v. CR 9814,pp. 49-52 (M. BipounWourn)et CR 9816,p. 55
(M. Pellet)).

9.26 Ainsi, dès l'origine,les négociations entre lesdeux Etats ont portésur

l'ensemble de la frontière maritime, comme l'a reconnu Chief Akindjide, co-agent de la
République fédérale du Nigérila u,i-même (vC. R 9811,pp. 53-54).Et c'estd'ailleurs cequi a

conduit la Commission mixte des experts sur les questions frontalières à décider, après

d'intenses discussions,àl'issue dela réunionqui s'est tenueà Lagos du 14 au 21 juin 1971,

qu'il serait"procédé, à une date ultérieure,à la délimitationde la frontièresur le plateau

continental conformément à la Conventionde Genève surle Plateau continental"(MC, Livre
V, annexe 243 ; v. aussi le procès-verbalde la réunionde Yaoundé (26mars-4 avril 1971),

MC, LivreV, annexe 242).

9.27 En tout étatde cause, la Cour a levétout doute pouvant subsister à ce

sujet danssonarrêt duIl juin 1998 :
"En sus de ce qui a étéavancé parles Parties,la question pourraitse poser

de savoir si, au-delàdu point G, le différenentre lesParties a été défidie
manièresuffisammentprécisepour que la Cour puisseen êtrevalablement
saisie. La Cour observeranon seulementquelesPartiesn'ontpas soulevéce
point, mais que le Cameroun et le Nigériaont entamédes négociationsen
vue de lafwation de l'ensemblede leurfrontière maritime.C'estau coursde
ces négociations quela déclarationde Maroua, relative au tracé dela

frontière maritime jusqu'au point G, avait été arrêté Pea.r la suite, cette
déclaration aété considérée comme obligatoirepar le Cameroun,mais non
par le Nigéria.LesParties n'ontpas été enmesure de se mettre d'accordsur
la continuationdesnégociationsau-delàdupoint G, commele Camerounle
souhaite.11enrésulte qu'ielxisteà ce sujetundifférendentre lesParties qui,

en définitiveet comptetenu des circonstancesde l'espèce,est suffisamment
précisépour pouvoirêtre porté devantla ~our"'~.

l5Ibid .,322,par. Il;italiquesajoutés.9.28 Le Camerouns'estdonccontentéde tirer lesconséquencesd'une situation

de blocage dans les négociationsn, éeà la fois de l'obstructiondu Nigériaet de son refus de
reconnaîtreleseffets qui s'attachentaux résultadesnégociations.

9.29 Pas davantagequ'ilne l'afait au cours de la phase préliminaire (v. CR
9814,pp. 47-48 (M. Bipoun Woum) et CR 9816,pp. 53-54 (M. Pellet)), le Cameroun ne

conteste pas que la délimitationmaritime aurait d2i êtreeffectuée "par voie d'accord

conformémentau droit intemational", qu'il s'agisse du plateau continental ou de la zone

économique exclusiverespectifsdes Parties, en application des directives figurant dans les
articles 74 et 83 de la Conventiondes Nations Uniessur le droit de la mer (aussibien que des

dispositions de l'article 6de la Conventionde Genèvede 1958 sur le plateau continental).

Mais cequi aurait dû êtrefaitn'apas pu l'êteu fait de l'obstmctiondu Nigéria.

9.30 Du reste, l'obligationde négocier découlantdes articles 74 et 83 ne

saurait être interprétéceomme ouvrant une voie sans issue. Elle n'enfermenullement les

Parties dans la logique absurdedutout ou rien, solution négociée ou absencee délimitation,
lors même qu'ie lst avéréque les négociationsn'ontpas abouti ou ne peuvent aboutir. Une

telle interprétationde ces dispositionsreviendraàdénier toutrôle à la Justice internationale

dans le règlementdes différendsrésultan tes délimitations maritimes.Or, précisémente,lles

y renvoient expressémenten précisantque si les Etats concernés"ne parviennent pas à un
accorddans un d6lai raisonnable",ils "ont recours auxprocéduresljudiciaires ou arbitrales]

prévues a la partie XV".

9.31 A la vérité, l'obligatdne négocierqui résultedes articles 74 et 83 de la
Convention des Nations Uniessur le droit de la mer n'apas la signification absolue et rigide

que lui donne la Partie nigérianet n'ade sensque si elle est exécutée de bonne foi. lle doit

être interprétéeà la lumièredes règleset principesgénéraux auxquels le droit international
(que vise expressémentces dispositions) soumettoute obligation de ce genre : elle ne

s'imposeque si les Parties secomportent "de telle manière que la négociationait un sens, ce qui n'est pas le cas

lorsque l'uned'elles insiste sur sa propre position sans envisager aucune
m~dification"'~.

9.32 Enla présente espèce, den ségociations menées avec une Partie qui remet
aussitôt en cause, en droitcomme en fait, les résultats obtenus après les travaux d'experts des

deux pays et d'intensesdiscussionsentre les Chefs d'Etat ne pouvaient avoir aucun sens. Dès

lors, le Cameroun n'avait pas d'autre choix que de porter devant un tiers impartial, en

I'occurrencela Cour internationalede Justice, le différend l'opposantau Nigéria àproposde la

délimitation dela frontièremaritime, puisqu'ilétait avéré qulee processus de négociations à

ce sujet étaitdansl'impasse.

9.33 La Partie nigériane,a, par son attitude, privé de toute signification

l'obligation denégocieret elle ne peut, maintenant, se prévaloirde son propre comportement

fautif pour empêcherla Républiquedu Cameroun d'obtenirle règlementcomplet et définitif

du différend quil'oppose à elle, auquel celle-ci aspire et auquel elle a droit. Nemo auditur

propriam rurpitudinemallegans.Comme l'arappeléla Courpermanente :

"C'est, du reste, un principe généralement reconnupar la jurisprudence
arbitraleinternationale,aussi bien que par lesjuridictions nationales, qu'une
Partie ne saurait opposer à l'autre le fait de ne pas avoir rempli une

obligationou de ne pas s'être servi d'un moyen de recours, si la première,
par un acte contraire au droit, a empêché la seconde de remplir l'obligation
en question,ou d'avoir recours à lajuridiction qui lui aurait étéouverte"".

9.34 Au demeurant,quand bien mêmele Nigénane serait pas responsablede

cette situationde blocage(quodnon),la solutionqu'ilpropose ne serait pas acceptable. Le fait

est que des négociations onteu lieu et qu'ellessont arrivées à une impasse. C'estprécisément

dans une telle hypothèseque les paragraphes 2 des articles 74 et 83 de la Convention de

Montego Bay ont prévul'obligationpour les Parties de recourir à une tierce partie. Il serait

16C.I.J., arrêt,0 février1969,affairesduPlateau continentalde la mer duNord, Rec. 1969, p. 47, p;v.85
aussi C.P.J.I., arrêt3,0 août 1924, affairesdes Concessions Mavrommatisen Palestine, SérieA, no2, ;. 13
C.I.J., arrêsu21 décembre 1962,affaireduSud-Ouestaficain (exceptionspréliminR aic.1962,,p.345 et
du 27 février1998, affaire relative des Questionsd'interprétationet d'application de la Conventionde
Montréalde 1971 résultandt e l'incidentaérien de Lockerbie (exceptpréliminaires), Rec.1998, pp. 16-17,
pars.20-21 etp. 122,par.20;et l'opinionindividuelleduJugeKooijmansjointà l'arrdtu 11juin 1998,affaire
de laFrontière terrestetmaritimeentre le Camerounet le Nigéria(exceptionsprélimin p.i55,sa)r.4.
17C.P.J.I.,arrêt,6juillet 1927,affairede l'Usinede Chorzow(compétenc, érieA,no9, p. 31;v. aussiC.I.J.,

arrêt2,5 septembre1997,affaireduProjet Gabcikovo-Nagymaros1, 997,p.67, par.110.absurde que la Cour, aprèsavoirreconnu sa compétence,exerce celle-ci avec pour seul effet

de renvoyer les Parties à une négociation qu'ellesont, à l'évidence, été incapabld ee mener

dansle "délairaisonnable" prévupar cette disposition.

9.35 Comme l'adit la Cour à plusieurs reprises, le règlement judiciaire des
différends internationauxest "un succédanéau règlementdirect et amiable de ces conflits

entre lesparties"i8.Un "succédané" est, conformément à la définitionhabituelle,"ce quipeut

remplacer,substituer" (Petit Robert, vol.l), ou, comme lemarque bien la traduction anglaise

de ce mot retenuepar les arrêts précité us,e"alternative".Faute pour lesPartiesd'avoir puse

mettre d'accord,il appartient à la Cour de se substituer à elles et de délimiterla frontière

maritime communesur laquellecelles-cin'ontpu semettred'accordau-delà dupoint G.

Il convientdepréciseràcet égardqu'aucune dispositionde la Convention
9.36
n'interditque les limites de la zone économiqueexclusiveet du plateau continentald'unEtat

côtier soient fixéespar unejuridiction internationale,à la demande expresse de cet Etatdans

le cadre du règlement d'undifférendporté devantellei9.Ce n'estni plus, ni moins ce que le

Cameroun demande à la Cour dans la présenteespèce,dans une zone où les prétentionsde

plusieursEtatspeuvent se trouveren concurrence.

9.37 Le fait pour un Etat de n'avoir pas proclamé unezone économique

exclusivene signifienullementunrenoncement decetEtat à une telle zone.Il n'est sansdoute

pas inutile de rappeler àcet égardque, dans sa requête,le Cameroun demande à la Cour de

procéder à ladélimitation desa kontièremaritime avecleNigéria"jusqu'ala limitedes zones

maritimes que le droit internationalplace sous lajuridiction respective desdeux Etats".Cette

demande appelle la Cour à aller aussi loin dans la délimitationde cette frontièreque les

circonstancespertinentes et les règlesdu droit positifle lui permettent.

18
C.P.J.I., ordonnance,19 août 1929, affaires des Zonesfranches de la Haute-Savoie etdu pays de Gex
(deuxièmephase),SérieA, no22, p. 1;v. aussiC.I.J., at,0février1969, affairesduPlateaucontinentalde
la merdu Nord,Rec. 1969,p. 47,par.87.
lV., ausujetdeszones de pêch:C.I.J.,arrê1,4juin 1993,affairede la Délimitation maeonsla région
située entre Groenlandet Jan Mayen, Rec.993,p. 78, par.80, etsupra, par.9;bienqueles notionsde
zone de pêcheet de zone économiquexclusivene se recouvrentpas entièremen(tv. l'opinion indieuduelld
vice-président da,ibid., pp. 89 etS.),le prse pose dansles mêmetsermes. 5 2- La Cour doit s'acquitter de manière complète de sa mission
judiciaire

9.38 Tout semble montrer que 1e.Nigériaespèretoujours, à force d'insistance,

amener la Cour à se dédireen renonçant aux décisions très clairesprisesdans son arrêt du11

juin 1998 ou en acceptant que les Parties rouvrent les discussions sur les points qu'elle a
clairement et définitivement tranchés dans cet arrêt.La Républiquedu Cameroun est

convaincue que la Cour ne saurait se laisser entraîner dans de tels errements, et que, se

laissant guider en l'occurrence par les principes clairs et désormaisbien établis qu'elle a

dégagés, elle procéderaà une délimitationstable,définitive etla plus complètepossible, de la

frontièremaritime entre les deuxPartiesà i'affairequi lui a soumiseenmars 1994.

9.39 Le Cameroun rappelle que, si l'affaire est aujourd'hui devant la Cour,

c'est faute pour lesdeux Etats d'avoirpu s'accorderen vue d'acheverla délimitationmaritime

engagée à Maroua. Il tientà préciser, sans aucune ambiguïté,qu'iln'est,pour sa part, pas

disposé à ouvrir à nouveau des négociations20 dont l'expériencemontre que l'onne peut en

attendre de résultat.

9.40 Il souhaite rappeleà cetégard que,du fait des incertitudesquipèsentsur

la délimitation maritimeentre les deux Etats,il ne peut exploiter pleinementles ressources

shore de son plateau continental qui s'avèrentcependant trèsprometteuses.La remisede cette

délimitation àun arrêtultérieur ou, pireencore, à des négociationsau résultat aléatoirene
pourrait qu'aggraverle très important préjudiceéconomique eftinancierqu'ilsubit de ce fait.

9.41 Même si lesEtats qui saisissentla Cour ou un tribunalarbitralpeuvent se

borner à demander àcelle-ci de formuler des principes ou des règlesdestinés à guider les

Parties dans des négociations ultérieuren vue d'aboutirà une délimitation,comme celaétait
le cas, par exemple, dans les affaires du Plateau continentalde la merdu Nord, ils peuvent

aussi s'adresseà unejuridiction internationale en vue d'obtenir"le tracéproprement dit de la

ligne de délimitationn2'.Tel a été le casde i'arbitragefranco-britanniquedans les affaires du

IoV. CMN,vol. II,p. 597,par.2;p.604, par.23.4,etp. 834,p(5)@) desconclusionsnigérianes.
" V. C.LJ.arrêt,1 septembre1992,affaireduDifférendfrontalierterrestre, insulaireet maritime,Rec. 1992,
p.586, par.380,renvoyaàl'affaireGave duMaine.Plateau continental de la mer d'lroise2', de la Délimitation de la frontière maritime

~uinée/~uinée-~issau~ 'U de la Délimitation desespaces maritimes entre le Canada et la

RépubliquefrançaiseZ4;et la Chambrede la Cour saisie de l'affairede la Délimitationde la

fionfière maritimedans la région duGolfeduMainen'apas hésité à s'acquitter dela tâche qui

lui avait étéconfiée par les Parties "consistant à déterminer le tracé de la ligne de

délimitati~n"~~.

9.42 Sans doute, dans cette affaire, la Cour avait-elle étésaisie par

compromis, mais, comme le Camerounl'arappelédans le chapitre 7 de la présente réplique

(pars. 7.35-7.37),le mode de saisinedela Courn'aqu'uneincidencemineure surla procédure

d'examendes affaires, et ellen'ena aucunesur l'exercicede sa compétence ;qu'elle soit saisie

par requêteou par la notification d'uncompromis,celle-ci est la mêmeet la mission de la

Cour est identique :"régler conformémen atu droit international les différendsqui lui sont
soumis" et pourlesquels elle a compétence - ce qu'ellea reconnu en l'espèce parson arrêtdu

Il juin 1998.Cette solution est au surplus conforme à l'esprit eà la lettre des articles 74,

paragraphe 2, et 83, paragraphe2, de la Conventiondes Nations Unies sur le droit de la mer,

qui renvoient àun règlementpar tierce partie silesEtats dont les côtes sont adjacentesou se

font face ne parviennent pas à un accord sur la délimitation de leur zone économique

exclusive oudeleur plateau continental.

9.43 Du reste, dans l'affairede laDélimitationmaritime dans la régionsituée

entre le Groenlandet JanMayen,la Cour,saisiepar voie de requête, a fait droità la demande

du Danemark "[dle tracer une ligne uniquede délimitationde la zone de pêcheet du plateau

~ontinental"'~,alors même quela Norvègelui demandaitde se borner à rendre unjugement

"déclaratoireen ce qui concerne lesbases de la délimitation,tout en laissant aux Parties le

soin de négocierl'articulation(ou la démarcation) précise du tracé"27L. a Haute Juridiction a
estiméencetteoccasion

"qu'elle ne s'acquitteraitpas complètementde son obligation de statuer sur

le différendsi elle ne donnait qu'uneindication générale de la façon dont
devrait êtrefixéela ligne de délimitationet s'en remettait à un accord

22
Sentence arbitrale,30 juin 1977, affairede la Délimitationdu plateau continentalentre Royaume-Unide
Grande-Bretagne etd'mande duNordetRépubliquefrançaise,.S.A..vol. XVIII,p. 175.
''Sentencearbitrale,14 février1985,R.G.D.I.P.,1985,p.484.
25Sentencearbitrale,10juin 1992,R.G.D.I.P.,1992,p. 673.
C.I.J., arrt,2octobre 1984,Rec. 1984,p.267,par.25.
26C.I.J., arrt,juin1993,Rec.1993,p.42,par.9.
" Ibid., p. 56,par.41. ultérieur entreles Parties, comme la Norvège l'a instamment demandé.La
Cour est convaincuequ'elle doit définirla ligne de délimitationde telle sorte
que les questionsqui resteraieàtrésoudresoient strictement des questions
relativesauxtechniqueshydrographiquesque les Parties, avec l'aidede leurs
experts,peuventcertainement ré~oudre"~'.

Le problème se pose dans les mêmestermes en l'espèce,il doit être résolu de la même
manière.

9.44 La Républiquedu Cameroun attend depuis plus de quarante ans que sa

frontière maritime avecle Nigériasoit fixéeafin de pouvoir exploiter sans entrave et dans le
respect du droit internationalles importantesrichesses naturelles de cette zone. Elle a soumis

à la Cour le différendqui l'oppoàeson voisin sur ce point il y a maintenant plus de six ans et

est en droit d'attendre un arrêtqui règle celui-ci complètement et définitivement. Elle

renouvelle sa pleine confiance la Haute Juridiction pour y procéder et demeure convaincue
que cette confiance ne sera pas déçue,en dépit dela dialectique déployéà cet égard parla

Partienigériane.

Section 3 : LE TRACE DE LA FRONTIERE MARITIME AU-DELA

DUPOINT G

9.45 Le Cameroun a indiqué, surle schéma figurant à la page 556 de son

mémoire, la ligne de délimitationqui lui paraît répondre aux exigences d'une solution

équitable conformeau droit international.l s'estexpliquésur les principes qui justifient ce

tracédans le chapitre 5 de cemémoire(MC,pp. 529-558).

9.46 Le Nigéria,qui s'abstient poursa part de proposer une ligne quelconque

(v. supra, chapitr7, pars. 7.27et S.),critique brièvement'cette ligne de délimitationdans le

chapitre 23 de son contre-mémoire (CMN, vol. ri,pp. 603-622), dans lequel, après avoir
expliquéqu'àses yeux la lignede délimitation camerounaise consistaiten une "Affirmative

Action atNigeria's Expense"ou une '"maritime exclusionline excludingNigeria"' (ibid., pp.

604-609), il affirme que, "[iln any event, Carneroon's Claim-Line lacks any basis in
international law" (ibid.,p. 611).

ibid., p.par.89.9.47 Le Cameroun s'emploiera à montrer que la délimitationqu'il propose se
traduit par une ligne équitablerépondantpleinement aux exigences du droit positif de la

délimitationmaritime. Il montrera dans une section distincte que cette ligne préserveen outre

les intérêtdses Etats tiers, dont elle tient pleinementcompte (section4).

Une ligne équitable préservant le drod ies Parties
5 1 -

9.48 Le droit positif de la délimitationdes frontièresmaritimes estdominépar

le principe fondamental selon lequel toute délimitationdoit aboutirà une solution équitable.
Une telle solution ne peut êtreobtenue que sur la base de la prise en compte d'un certain

nombre de facteurs et de l'applicationde certains principes que le Juge a appelésdepuis les

affaires du Plateau continentalde la mer du Nord les "principes équitables"29-terminologie

ambiguë. Ces "principes équitableswconstituent avec les "circonstances pertinentes", "les

deux facesd'unemême réalité ;c'est leurconjugaison qui forme l'équité 'en tan qtue notion
j~ridi~ue""~.

9.49 Dans son entreprise de contestation de la ligne de délimitationmaritime

au-delàdu point G proposéepar le Cameroundans sonmémoire,leNigénadéclare :
'Tt is not the function of the Court to apportion the continental shelf by

reference to general considerations of equity" (CMN, vol. II, p. 620, par.
23.22 (3)).

9.50 Cette affirmation qui ne s'accompagne d'aucune démonstrationmais
seulementde longues citations de passages des arrêtsrendus par la Cour dans les affairesdu

Plateau continental de la mer du Nord, du Plateau continental (Jamahiriya arabe

IibyenneiMalte),et de Jan Mayen, insinue que la ligne en question ne tient pas comptede la

situationconcrètedans la zone àdélimiter.

9.51 Il n'enest rien en vérité. e tracé proposéest le résultatd'uneméthodede

délimitation quis'appuie sur les règles fermement établies enla matière, et qui prend en

compteles circonstancespertinentes enlaprésente espèce.En cela, ce tracéobéit à une norme
fondamentale qui doit guider toute opérationde délimitation maritime, et que la Cour a

énoncéd eans l'affaireGolfedu Maine dansles termes suivants :

lC.I.J.,arr,0 févier 1969,Rec. 1969,p. 47,par. 85.
'P. Weil,Perspectives dudroitde la délimitationmaritime,Pedone, Paris, 1988,p. 226.

402 "la délimitationdoit êtreréalisée par l'application de critères équitableset
par l'utilisationde méthodespratiques aptes à assurer, compte tenu de la
configuration géographique de la région et des autres circonstances
pertinentes de l'espèce,un résultatéquitablew3'.

9.52 Après avoir examiné toute; les circonstances pertinentes qui, dans la

présenteespèce,doivent être prisesen considérationen vue d'aboutir à une solution équitable

(A), le Cameroun vérifiera l'équitédu résultat (B). Ce faisant, il répondraaux brèves

objections dudéfendeur,quipeuvent êtreregroupées ainsi :

- en premier lieu, la ligne proposée par le Cameroun serait une ligne d'équité tracée
exclusivement aux dépensduNigéna ;

- en deuxième lieu, ce tracé, en réalisant abusivement le désenclavementdu plateau

continental et de la zone économiqueexclusive camerounais, empiéteraitsurleprolongement

naturel du territoire nigérian;
- en troisièmelieu, il ne tiendrait aucun compte des considérations decontiguïté (reproche

qui rejoint, dans une large mesure, la position de la Guinéeéquatorialeexclusivementfondée

sur l'équidistance);

- en quatrième lieu, cette ligne ferait une application erronée du principe de

proportionnalité,dont leNigérias'efforcede réduireconsidérablementla portée ;
- en cinquièmelieu et enfin, elle serait contraire à la pratique des Etats de la région en

matièredeconcessions pétrolières (v. infra, pars. 9.96et S.).

A - Lescirconstances pertinentesde l'espèce

9.53 Les facteurs à prendre en considération dans la présente espècesont

essentiellement des facteurs géographiques, notamment la configuration des côtes et la

présence del'îlede Bioko.

La configuration des côtescamerounaises etnigérianes
1')

9.54 La côte joue un rôle fondamental dans l'expression du titre sur les

espaces maritimes, et en particulier sur le plateau continental. En effet, comme la Cour l'a

rappelédans l'affaire du Plateau continental (Tunisie/Jarnahiriyaarabe libyenne), "c'estla

" C.I.J.arrêt12 octobre1984, affaide la Délimitationde lafrontière maritimedans larigdunGolfedu
Maine,Rec. 1984,p.300, par.112.côte du temtoire de 1'Etatqui est déterminantepour créerle titre sur les étenduessous-

marinesbordant cettecôtew3'.Mais, c'estla configurationdes côtesqui constitue,au regardde

lajurisprudence constantede la Cour et des tribunauxarbitraux,une circonstance pertinente

fondamentale à prendre en compte dans toute délimitationmaritime. Dès 1969, en effet,la

Cour la mentionnait en premièreposition parmi"les facteurs à prendre en c~nsidération"~~.

Entrent en ligne de compte,la ligne de côte, sessinuosités,ses promontoires ou échancrures,
laprésencede rochersou d'un chapeletd'îles à ses abordsplusou moins immédiats, etc.

9.55 En l'espèce, leCamerounprésente une côte concavequi le situe au creux

du golfe de Guinée.Cette situation ne peut êtresans effet sur la délimitationde la kontière

maritime avec sonvoisinPartie à l'instance.Laconcavitéa été du reste l'unedes particularités

physiques à laquellela Cour s'est trouvée confrontée dans la esfaires du Plateau continental

de la mer du Nord ; le caractèrerentrant descôtesde la République fédérale d'Allemagn l'ea
amenéeàexclure l'applicationde l'équidistance qui "tend à infléchirles lignesde délimitation

vers la c~ncavité"~~ L.es Partiesà l'affairede la Délimitationdes espaces maritimes entre le

Canada et la République française ont également identifié laconcavité des côtes canadiennes

comme formant la zonegéographiquepertinente àprendre en compte dans la délimitation de

la kontièremaritime entrela France et le Canadadanscetterégion3'.

9.56 Dans l'affairedes deux Guinée(Délimitationde la frontière maritime

GuinéelGuinée-Bissau), le Tribunal arbitral s'appuiesur ce facteurde concavitépour écarter
la méthode d'équidistancequi, eln 'espèceprésentait

"[l']inconvénientd'avoir pour résultatque le pays situé aucentre [en

l'occurrence,la Guinée]est enclavé par les deuxautreset se trouve empêché
deprojeter sontemtoire maritimeaussi loinvers le largeque lui permettrait
le droit internati~nal"~~.

9.57 Cette remarque s'applique parfaitementà la situation du Cameroun dans

la présente espèce ; elle rappelle sa situationau fond du golfe de Guinéeou il est encadré,

lC.I.J.,arrêt,4 févri1982,Rec. 1982,p. 61,par.7;v.aussiC.I.J.,Rec. 1984,p.296,par.102.
3C.I.J.,arrêt,0 févri1969,affairesduPlateaucontinentalde la merduNord, Rec. 1969,p. 53, par.;v.1
aussila sentencearbitraledu 14 février dansl'affaiDélimitationde lafrontièremaritimeGuinédGuinée
31ssau,R.G.D.I.P.,1985,pp.526-527,par.106.
C.I.J.,arrêt,0 févri1969,Rec. 1969,p. 17,par.8.
" Sentencearbitrale, 10j1992,R.G.D.I.P..1992,p.689,par.26.
Sentencearbitrale, 14 fév1985,R.G.D.I.P.,1985,p.526,par.104.d'un côtépar le Nigéria dont l'avancée des côtes au niveau de West Point donne un effet

rentrant à la côte camerounaise, et de l'autre parla partie continentalede la Guinée équatoriale

(le Rio Muni) dont l'onentation vers l'ouest àl'embouchureduNtemquifait frontièreentre les

deux pays, gêne à tout le moins la projection frontale du temtoire camerounaisvers le large

(v. la carteR 20 figurant page suivante), sansparler de l'effetde l'îlede Bioko (v. infra,pars.

9.61-9.62).

9.58 S'y ajoute, le changement de la direction générale de la côte nigériane à

partir dlAkasso.A partir de ce point en effet,cette côte qui estàpeu prèsrectiligneentre West
Point et Akasso - si l'on fait abstraction de la petite "baie" de Bonny - permettant une

projection frontale sur cette distance de 260 km environ sur les 546 km environ de la côte

nigériane, tournebmsquement vers l'ouestet se détachenettement de la limite intérieuredu

golfe de Guinéeen élargissantamplement l'ouverturemaritime de la côte du Nigéria(v. la

carte R 20, ci-jointe). Autrement dit, la majeure partie de la côte de ce pays est tournéevers

l'extérieurdu golfe et oriente la direction généraledu littoranigérian vers l'ouest.

9.59 Cette orientation générale de la côte, ou plutôt son changementbrusque,

est tenue par la jurisprudence pour une circonstance à prendre en compte aux fins de
délimitation.Dans l'affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriyaarabe libyenne), la

Cour examine attentivement "le changement radical de la direction généraledu littoral

tunisien que représentele golfe de ~abès"~'et considèrequ'unelignejoignant lepoint le plus

occidental de ce golfe à Ras Kapoudia "refléteraitle changement générad le direction de la

côte t~nisienne"~'.De même, dansl'affaire desdeux Guinée,le Tribunalarbitralprocède dela

sorte pour tracer une ligne droite reliant la pointe des Almadies (Sénégal) au Cap Shilling

(Sierra Leone), ligne qui "aurait l'avantage de donner plus d'importance à l'onentation

générale du litt~ral"~'de l'ensembledela région ouest-afiicaine.

" C.I.J.,arrê24févrie1982, Rec.1982,p.86,par.122.
"Ibid., p88,par.128.
l9Sentence arbitral14 févrie1985,Délimitatiode lafrontièremaritimeGuinéelGuiné Beissau,R.G.D.I.P.,
1985,p. 529,par.110.9.60 On ne peut donc nier l'importancede la prise en compte de ce facteur

géographiquequ'est lechangement subit de la direction généraledes côtes, au moins dans la
déterminationde la zone pertinente (v. infra,par. 9.84), en particulier lorsque la délimitation

s'opère,comme c'est le casen la présente espèce,dans un golfe, et que le traitdominantde la

configurationgénérale descôtes à prendre en considération estleur extrême concavité.

2') La présencede l'îledeBioko

9.61 L'autreparticularitétrèsfrappantede la géographie maritimede la région

tient à la présence, face à la côte du Cameroun, de l'île de Bioko, partie insulaire de la

République de Guinée équatoriale dont la partie continentale est le Rio Muni. Elle est

cependantplus proche des côtes camerounaises, dontle point le plus rapprochése trouve à 17

milles marins, que du Rio Muni dont elle est séparép ear 80 milles marins environ.

9.62 La délimitation proposéepar le Cameroun tient pleinement compte de

cette circonstance trèsparticulièreet des intérêtdse la Guinéeéquatoriale,comme le montre

clairement l'orientation généralede cette ligne, qui s'infléchit versl'ouest partir du point G

fixp éar l'Accordde Maroua (v. ci-aprèsla carte R 21),infléchissementdont le Nigénaserait
mal venu de se plaindre au prétexteque l'"onne refait pas la géographie":il ne s'agit pasde

cela, mais de déterminer comment faire partager équitablement à l'ensemble des Etats

intéressésles problèmes résultantde la géographie.

B- La méthode miseenŒuvre

9.63 Il n'existepas, en matière de délimitationmaritime, une méthode unique

de délimitation.Le choix de toute méthode en cedomainedoit tenircomptedes circonstances

propres à chaque espèce, chaque affaire étant,comme on l'a souvent écrit un ~ninrrn~~.

Comme l'adit le Tribunal arbitraldans le différendfranco-britannique :
"le choix de la méthode oudes méthodesde délimitationdoit (..) être fait

dans chaque cas à la lumièrede cescirconstances et sur la base de la règle

10 - -
V. P. Weil,Perspectives du droit de la délimitationmaritime,Pedone,Paris, 1988,p. 181 ou L.A. Willis,
"From Precedentto Precedent:the Triumphof Pragmatismin the Lawof Maritime Boundaries" A,nnuaire
canadiende droit international,,pp.3-60. R 21
LA LIGNEEQUITABLE fondamentale qui veut que la délimitationsoit conforme à des pnncipes
équitables'*'.

Et la Chambrede la Cour constituée dansl'affairedu Govedu Maine affirme dansle même

sens,dans son arrêdte 1984, que :

"les critères les plus appropriés et la méthode ou la combinaison de
méthodes la plus apte à assurer un résultat conformeaux indications
donnéespar le droit, ne peuvent le plus souvent êtredéterminés que ar
rapport au cas d'espèceet aux caractéristiquesspécifiquesu'ilprésente'.r

9.64 Le Cameroun a retenupou la délimitationde sa frontièremaritimeavec

le Nigénaune approche segmentée obéissant au mouvementde cette frontièreet commandée

par l'équitdurésultat.

1") Une approchesegmentée dela frontière maritime

9.65 Le premier segment de la frontière maritime au-delà dupoint fixépar

l'Accordde Marouava du point G aupoint H tels que figuréssur le croquisde la page556du

mémoiredu Cameroun et reportés sur le schéma R 22 plus précisde la page suivantede la
présente réplique. Ce segmentramènela frontière proposéepar le Cameroun à la ligne

d'équidistance queist le minimum applicable.

9.66 Or, comme le Cameroun l'a indiqué dans son mémoire,la ligne résultant

de l'Accordde Maroua n'estmême pas fondéesur l'applicationde la méthoded'équidistance.
Elle est situéenettementàl'est delaligne d'équidistanc(MC,p. 535,par. 5.82,etp. 536,par.

5.84). Leprolongementde la lignede Maroua au-delà du point G serait inéquitable àl'égard

du Cameroun etne serait en aucuncasconforme àdespnncipes équitables.

9.67 Ceci étant, le Cameroun n'entend pas réclamer l'application de la
méthode d'équidistance à la délimitationde l'ensemblede la frontière maritimeau-delà du

point G. Le segment H à 1suit globalementcette méthode,mais seulement commeamorce

41
Sentence arbitr3,0juin 1977,Délimitatioplateau continental entre Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d'lrlandedu Nordet Républiquefiançaise,R.S.A.,vol. XVIII,p. 188,par.97.
42C.I.J.,arr1,2 octobre1984, affairedelaDélimitationde lafrontièremaritimedans ldu Golfedu
Maine, Rec. 1984, p. 290, par.;8v. aussi C.I.J., a, 4 février1982, affaire du Plateau continental
(Tunisie/Jamahirarabe libyenne),p.92,par.132.d'une ligneéquitable quise veut avant tout pratique. Dèslors que le choix de la méthodeest
soumisau but équitable,il est ouverà une pluralité d'approches.Il est signifiàcet égard

que la Courait envisagé une "combinaison de méthodes" dans l'affairedu Golfedu aine^',

l'objectif de l'"utilisation deces] méthodes pratiques" étant d'aboutir à un "résultat

équitable'44.

9.68 Les segments 1 àJ etJ àK obéissenta la recherched'uneligne équitable

non baséesur l'équidistance, mais ne sacrifiant poiàtun désirde "refaire la nature" pour

réaliser unejustice distributive. Ils sont le résultat d'une combinaison de facteurs

géographiques et de la prise en compte d'autrescirconstances pertinentesproàrlaprésente
espèce, et leur caractère équitable estétabliaprès vérification,comme le Cameroun le

montreraplusloin danscette section (v. infra,pars. 9.80-9.95).

2') Une méthode conditionnép ear l'équitdu résultat

9.69 Le principe de l'équidistancen'est pas un principe de droit coutumier

s'imposantautomatiquementdans toute délimitation dela frontièremaritime entre Etatsdont

les côtes sontadjacente^ L^^. ameroun pense, comme il l'aindiquédans son mémoire,qu'il
n'estpas nécessairede revenir ici sur l'histoirede l'applicationdu principe de l'équiIlstance.

suffit de rappelerque sa primautéen tant que "principe"plutôt que "méthode"s'estérodau

cours des années,depuis l'arrêtde 1969, et que "les tribunaux s'enservent habituellement

pour donnerun 'point de départ'à une ligne provisoire, une premièreétapedu processusde
délimitationàmodifier et ajuster ultérieurementen conformitéavec les principes équitables

pouramver à un résultatéquitable"(MC,p. 532,par. 5.69).

9.70 La méthode utiliséepar le Cameroun pour le tracé de la ligne de
délimitationfigurant ci-après est fondsur l'équit. ais le Camerounn'apas recherchéune

équitécontralegemou une solutionexaequoet bonoau nom d'une"justice distributive"qu'il

43C.I.J.,arr12 octobre 1984, affairede la Délimitationde lafrontière maritimedans la régiondu GoIfedu
Maine, Rec.1984,p. 314, par.161.
44Ibid.,p.300,par.1;v. supra,par.9.51.
V.C.I.Jarrê2t,0 février1969,affairesduPlateaucontinentalde la mer duNord,Rec. 1969,p.45, par.81.ne réclame nullement. Il s'est efforcé de mettre en Œuvre l'équité dans le droit, en se

conformantde la sorte à lajurisprudence de la Courqui indiquait à ce sujet dans son arrêt du
20 février1969 :

"il ne s'agitpas d'appliquer l'équitésimplement comme une représentation
de lajustice abstraite,mais d'appliquerune règlede droit.. .74.

Et dans celuidu 24 février1982 :

"la notion juri.>A7e d'équité est un principe générad lirectement applicable
en tant que droit .

9.71 L'équitémise en Œuvre par le Cameroun se vérifie principalement à

travers le résultat,mêmesi l'adjectiféquitablequalifie également lesprincipes applicables.

Cela est conforme à l'opinionde la Cour telle qu'elle l'a exprimée notammend tans son arrêt
de 1982 précitéE . n effet, après avoirobservé quel'équité porte égalemes nutr les moyens à

employer pourparvenir à un résultatéquitable,la Couraffirme :

"C'est néanmoinsle résultatqui importe : les principes sont subordonnés à
l'objectif à atteindre. L'équitéd'un principe doit être appréciée d'après
l'utilitéqu'ilprésentepouraboutir à un résultat équitableT.ous les principes

ne sont pas en soi équitables ;c'estl'équité de la solution qui leur confere
cette qualité"48.

9.72 Le test de l'équité qui est effectuéau paragraphe 2 ci-dessous permet

précisémentd'établl ir caractèreéquitabledu résultat auquelle Camerounest parvenu dans la
déterminationdu tracéde la fkontièremaritime figurantsurle schémaR 21 reproduit supra.

§ 2 - Principes applicables et vérificationde l'équitédu résultat

9.73 Les principes applicables en matièrede délimitationmaritime sont ceux

que la jurisprudence appelle les "principes équitables".Dans l'affairedu Golfe du Maine, la
Chambre de la Cour observait que "[lles critèreséquitables (...)n'ontpas étél'objetd'une

définition systématique,d'ailleursdifficile à donner à priori à cause de leur adaptabilité très

variable à des situations concrètesdifférenteCA9L . a Cour a essayéde combler cette lacune

dans l'affaire du Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), sans prétendre

47Ibid.,p.47,par.85.
48C.I.J.,arrt,ffaireduPlateaucontinental(Tunisie/Jamahiarabe libyenne, ec. 1982, p.60,par.71
Ibid.,p.59,par.70.
49C.I.J., arr,2 octobre 1984,affairede la Délimitationde lafrontièremaritimedans la régiondu Golfe du
Maine,Rec.1984,p.312, par.157. établir une liste définitive et exhaustive des "principes équitables". La Cour recense

notamment :

"le principe qu'il ne saurait êtrequestion de refaire complètement la
géographieni de rectifier les inégalités de la nature ; le principe voisin du
non-empiétement d'unepartie sur le prolongement naturel de l'autre(. ..), le
principe du respect dû à toutes ces circonstances pertinentes ; le pnncipe
suivant lequel, bien que tous les Etats soient égauxen droit et puissent

prétendre à un traitement égal,'l'équité n'implique pas nécessairement
l'égalité'(...) ni ne viseà rendre égalce que la nature a fait inégal ; et le
principe qu'ilne saurait êtrequestiondejustice distributi~e"~~.

1 9.74 Certains de ces principes s'appliquent à la détermination du tracé,

1 cependant que d'autres servent àla vérificationducaractèreéquitabledu résultat obtenu.

l
A - Les principes applicables àladétermination du tracé

1') Le "prolongement naturel" à la lumièredu critèrede la distance

9.75 Retenue dans les affaires du Plateau continentalde la mer du Nord, la

définition duplateau continental considérécomme le "prolongement naturel du territoire" a
profondémentévolué,en particulier depuis l'adoptionde la Convention des Nations Unies sur

le droit de la mer. Désormais, si ridéeselon laquellechaque Etat doit se voir attribuer, "dans

toute la mesure du possible" la zone du plateau continental qui forme son prolongement

naturel5' demeure incontestée,le critèrede distance est désormais privilégié pour opérl er

délimitation enrésultant.

9.76 Dès l'affaire duPlateau continental(Tunisie/Jamahiriyaarabe libyenne),

en 1982,la Cour avait relevéque les "nouvelles tendancesdu droit de la mer" s'écartaientdu

"principe suivant lequel ce serait le prolongement naturelqui (...)constituerait la seule base"

du titre de 1'Etatcôtier5'. Et,en 1985,dans l'affaire duPlateau continental(Jamahiriyaarabe
libyenne/Malte), elle affirmetrès clairementque :

"le critèrede distance doit dorénavants'appliquer au plateau continental
comme à la zone économiqueexclusive".

C.I.J.,arrt,juin1985,Rec. 1985,pp.39-40,par.46.
5'C.I.J.mit,20 février1969,Rec.1969,p. 53,par.101C) 1).
52C.I.J.arrê24 février 1982,ec.1982,p.48, par.48.

419Et ce, "indépendamment de la disposition relativàla distanceque l'ontrouve au paragraphe

1de l'article76"de la Conventionde Montego~a~''.

9.77 Dans la présente espèce où esetn questionla délimitation dela frontière

maritime entredeux Etatsdont les côtes sont adjacentes,le Cameroun et le Nigéria semblent

partager, dans la zone du tracéde la ligne de délimitation proposée par le Cameroun, un

mêmeplateau continentalprolongeant leurs côtes. Autrement dit,lors mêmeque l'onferait
encore référence au pnncipe du prolongement naturel, celui-ci ne pourrait s'appliqueren

l'occurrence,en particulier dans sa conception purement physique formuléepar l'arrêtde

1969.C'estdonc lepnncipe dela distance qui doit naturellement s'appliquerdans la présente

affaire.

9.78 Ce principede la distance appliquéen vue du tracé d'uneligne unique à

effet doublepermet à la foisd'attribuerau Camerounla part du plateau continental auquel il a
droit naturellement commetous les Etats côtiers, et la zone économique exclusivequi lui

revient surla basedes règlespertinentes du nouveau droit delamer.

2') Le rôle dela distance

9.79 L'arrêdte la Cour rendu en 1985 dans l'affairedu Plateau continental

(Jamahiriyaarabe libyenne/Malte)consacre le déclinde la théoriedu prolongement naturel.

En effet, comme onl'arappeléci-dessus (par. 9.76) la Cour affirme dans cet arrêtque "le
critère de distance doit dorénavant s'appliquer au plateau continentac lomme à la zone

économique exclu~ive"~~.En ajoutant immédiatement quece critère doit s'appliquer

"indépendammentde la disposition relative à la distance que l'ontrouve au paragraphe 1de

l'article7es5, la Courreconnaîtà ce principe qualitéde normecout~rnière~~.

B - Incidence des principes appliqués et vérificationde l'équité du
résultat

9.80 L'opérationde vérification intervientau dernier stade du processus de

délimitation,autermedu raisonnementet une fois tracéela lignede délimitation.C'estce qui

" C.I.J.,arrt,juin1985,Rec. 1985,p. 33,par.34.
54Ibid.
''Ibid.
56V. L.LucchinietM.Voelkel,Droitde lamer,tome2, vol. 1,Pedone,Pks, 1996,p.216, par.716.ressort de la jurisprudence internationale en matièrede délimitati~n~~ b,ien qu'ilressorte de

l'arrêd t e la Cour dans l'affairede laDélimitation dans la régios nituéeentre le Groenland et

Jan Mayen que la vérification du résultat puisse faire également partie intégrantede

l'opérationqui conduit à la fixation de la ligne définitive.C'est,en tout cas, à la vérification

du résultat équitable de la ligne qu'il proposepour la délimitationde la frontièremaritime au-

delà du pointG que le Camerounentendprocéder à présent.

9.81 Cette vérification peut être effectuée au moyen du critère de

proportionnalitéqui a largement guidéle Cameroun dans le tracé proposé. Dansles affaires

du Plateau continentalde la mer duNord,la Coura défini laproportionnalitécomme :

"le rapport raisonnablequ'une délimitation (...)devrait faire apparaîtreentre
l'étendue deszones de plateau continental relevant de l'Etat riverain et la

longueur de son littoralmesurée suivant ladirectiongénérale de celui-ci"58.

Ce principe a été mis en Œuvredepuis lors dans toutes les affaires de délimitation maritime

portéesdevantla Cour ou soumises à l'arbitrage59.

9.82 Bien entendu, la proportionnalité ne saurait être envisagée

indépendamment des autres critères, facteurs ou principes pertinents en matière de

délimitation.Commel'arappeléleTribunalarbitral dansl'affaire Eiythréeflémen à la suite de

la Cour dans l'affaire Libye/Malte60,laproportionnalité

"is not an independentmode or pnnciple of delimitation, but rather a test of
the equitablenessof a delimitation arrived atby some other me an^"^',

9.83 Dans la présente espèce,il importe d'indiquer ce que le Cameroun

considère comme la zone pertinente au sens de la jurisprudence de la cour6'. Celle-ci

recouvre une aire comprise entre la ligneréelledes côtes partant d'Akasso/Brassau Nigériaet

~ ~- -~
''V. not.:C.I.J.,arrêt,24 février 1982,affaireduPlateaucontinental(Tunisie/Jamahiriyaarabe libyenne),Rec.

1982,p. 91,pars. 130-131 ;C.I.J., arrêt,12octobre 1984,affairede laDélimitationde lafrontièremaritime dans
la régiondu Goye duMaine, Rec.1984,pp. 339-344, pars.230-241 ;sentencearbitrale, 10juin 1992,affairede
la Délimitation deespaces maritimes entre le Canada et lRaépubliquefrançaise,R.G.D.I.P., 1992,pp. 707-
708, pars. 92-93.
C.I.J., arrêt0,février 1969,Rec. 1969,p. 54,par. 101D) 3).
59V. à cetégardlajurispmdence citéedanslemémoireduCameroun, p.534,par. 5.76.
M) C.I.J., arrêt,21 mars 1984, affaire du Plateaucontinental (Jamahiriarabe libyenne/Malte),Requêtede
I'ltalieàfin d'htervenfion,Rec. 1984,p. 24,par. 39.
6'Sentencearbitrale, 17décembre1999,SecondStage :MaritimeDelimitation,par. 165.
62V. not.: C.LJ.,arrêt, 12 octobre1984,affairede la Délimitationde lafrontière maritime dans aégiondu
Gave du Maine, Rec.1984,pp. 268-271,pars. 28-35 ;C.I.J., arrêt, 3 juin1985,affaire du Plateau continental
(Jamahiriya arabelibyenne/Malte),Rec. 1985,pp. 49-50, pars. 67-68;C.I.J., arrê14juin 1993,affaire de la

Délimitation maritimdeans la région situéeentrele Groenland et Jan Maye, ec. 1993,pp. 47-48,pars. 18-21.passantpar Bonny, West Point, Tom Shot Point (Nigéna); puis de Tom Shot Point àSandy

Point (Cameroun), East Point, Cap de Bunja (ou Debundsha), Cap Nachtigal, Pointe
Malimba, Campo(Cameroun) ; puis de Campo à Gabo San Juan à l'extrémité sud dRio

Muni (Guinéeéquatoriale);puis de Gabo San Juan à Cap Estera au Gabon, Ngombé,Cap

Lopez (Gabon).Et de Cap Lopez, la zone est ferméepar une ligne droite allant de ce pàint

AkassoauNigéria.

9.84 Le choix d'Akasso comme point de départde la détermination dela

portion frontalièrepertinente correspond au pointà partir duquel les côtes du Nigéna

connaissentun changementbmsque de leur directiongénérale rendant non pertinentpour la
délimitationde la frontièremaritime entre le Cameroun et le Nigéna la portion de la côte

nigériane allantd'Akassoàla frontière avecle Bénin(v. le croquis R 23 ci-après).C'estun

raisonnement similaire que le Tribunal a appliquédans l'affaire opposant'Erythréeet le

Yémen :
"the relevant proportion of the Eritrean coast, which can be said to be

'opposite' that of Yemen, as ceasing where the general direction of that
coastmeets a linedrawn fromwhatseems to be the northernterminus of the
Yemen land frontierat nght angleswith the general directionof the Yemen
~oast"~'.

Dans laprésenteespèceA , kassocorrespondà unpointéquivalent.

M..
9.85 La zone pertinente ainsi définiese divise en trois secteurs décritsde

façonprécisedans le mémoiredu Cameroun (MC,pp. 553-554, pars. 5.119-5.121),et dont le
degrédepertinencevarie à mesureque l'onva descôtesvers le large.

9.86 La ligne G-K connaît au départn décrochementG-H pour retrouver au

point H (de coordonnées 8'21'16"E et4°17'0 0 "la ligne d'équidistance, écartéeprofit
d'un compromistrès favorable auNigéna dans le cadre des négociations ayantabouti à

l'AccorddeMarouade 1975.

9.87 A partir du point H, le tracés'oriente légèrement verI'ouest afin de
prendreencomptela direction généraledes côtes,notamment le changementplein ouest dela

" Sentencearbitrale, 17décembre1999,Second Stage:MaritimeDelimitation,par.167.
V. supra,note 62.

422LA LIGNE EOUITABLE(limes de construction) direction généraledes côtes nigérianes àpartir d'Akasso, et la présence de l'île équato-
guinéennede Bioko.

9.88 A son point de départ,le segmentH-1suit la ligne d'équidistancedont il

s'écarteprogressivement àmesure que l'ons'approchedu point 1.Ce point 1(de coordonnées

7' 55' 40"E et 3' 46'00"N) correspond à la proportionnalitéentre, d'unepart, la portion de la
côte nigérianeallant de Bonny au point d'aboutissementdu tracéde la frontière terrestre au

milieu de l'embouchurede llAkwayafé,telle que définiepar les Accords de 1913, et, d'autre

part, la côte camerounaise allant de ce point médàal'embouchurede 1'Akwayafé à Campo.

Le choix de Bonny s'expliquepar le fait qu'ilest le pointrtir duquel s'incurvent lescôtes
nigérianes pourformer avec les côtes camerounaisesle fond du golfe de Guinée.Le rapport

de proportionnalitéentre les portions pertinentes respectivesde la côte camerounaise et de la

côte nigérianeest d'environ1à 2,3.

9.89 Dupoint de vue de la strictelogiquegéographique, laligne de support du

point 1traduisant la proportionnalitéaurait dû partir, du côté duNigéria,dlAkasso qui est le

point à partir duquel s'opèrele changement de la direction générale des côtes nigéria,tse

non pas de Bonny. Mais le choix d'Akasso aurait eu pour conséquence d'orienterle tracé
encore plus àl'ouest,créantun effet de fermeturevis-à-visdes côtesnigérianes,et aboutissant

de la sortà un résultatinéquitable.

9.90 Le segment 1-Jprolonge la ligne équitableentre le point 1précédemment
justifié et le point J (de coordonnées 7" 12' 08" E et 3' 12' 35" N) traduisant la

proportionnalité surune ligne AkassoICaboSanJuan.

9.91 Pour obtenir la proportionnalité conformément à la recherche d'un
résultat équitable,cetteligneAkassoICaboSanJuan est diminuéedu segmenten pointillés sur

la carte allant de CaboSan Juan à Campo et correspondant à l'influencede la côte équato-

guinéennesurla longueurtotale de la portion pertinentedes côtes des deux Parties. Le rapport

de proportionnalité entre les portionspertinentes respectivesde la côte camerounaise et de la

côte nigériane dans ce deuxième secteurest deà11,25.

9.92 Le segment J-K prolonge la ligne équitabledu point J ci-dessus justifié

au point K (de coordonnées6' 45'22" E et 3' 01' 05"N) obtenu àpartir de i'applicationduprincipe de proportionnalique traduit le point K sur la ligne AlcassolCapLopez, diminuée

d'un segmentenpointilléssur la carte allant de Cap Lopez àCabo San Juan et correspondant
à l'influencede la côte gabonaisesur la longueurtotale de la portion pertinente des côtes des

deux Parties.Le rapport de proportionnalité entreles portions pertinentes respectivesde la

côte camerounaiseet de la côte nigériane dansce troisième secteur est, commedans le cas

précédent, de 1à 1,25.

9.93 A partirdeK, la ligne se prolonge"jusqu'àla limite extérieuredes zones

maritimesqueledroit internationalplace souslajuridiction respectivedes deux Parties" (MC,

p. 670, par. 9.1 c)). Le Camerounayant demandé àla Cour, dèssa requête du29 mars 1994,
de procéder à la déterminationde ces limites, se gardera de le faire lui-même.Il se doit en

revanche d'insistersur le fait que le tracéG-H-1-J-Kqu'ilpropose n'estnullement le résultat

d'une équité abstraite et ne vise aucunementà"refaire la géographie".C'est, comme il l'a

montré aux paragraphes 9.63 à 9.68, une ligne résultant de la prise en compte des

circonstances pertinentes propresà la présenteespèce et de l'application de principeset
critèrespermettantd'aboutirà une "solution équitable".Le test de proportionnalité effectué

segment par segment sur i'ensemblede la ligne confirme pleinement le résultat équitable

auquelon aboutitpar ce tracé.

9.94 Au-delàde la ligne elle-mêmec ,'estle résultat d'ensemblequ'ilconvient

d'apprécier.Il n'est pas indifférenà cet égard quela Cour ait coutume d'insister sur la

"solution équitable"et pas uniquement sur la "ligne équitable". Lacarte R 21 (v. ci-dessus)
figurant la ligneproposéeconfirme le caractère équitablde la solution préconisée. Ellne

présenteaucuneffetdéraisonnable.

9.95 Tel est l'objectif mêmee toute opérationde délimitationmaritime :que

la lignetracée ménageàchacundes Etats Parties un espace suffisant, dans le respectdu droit

international,afinque sesintérêsssentielsne soientpasmis en cause. De ce pointde vue, la
délimitationde la frontière maritimeentre le Cameroun et le Nigéria au-delàdu point G ne

saurait priver l'uneou l'autredes Parties des droits souverains qui leur reviennent sur le

plateau continental et la zone économique exclusive.La ligne équitableproposéepar le

Camerounréalisecet équilibre; le Nigéria n'enpropose aucune autre et se borneà tenter de
dénierauCamerountout droit àune délimitationéquitable. tj3 - La pratique des Etats de la régionen matière de concessions
pétrolières

9.96 Le Nigériafait grand cas,de la prétendue "massive activity in the

grantingof concessionsand in the exploration and exploitation of the continental shelf in the
areain question"(CMN,vol. II, p. 564, par. 20.13).

9.97 Il fait valoirque "the conductof the parties in establishingdefacto lines

by suchpractices as the grantingof oil concessionsand exploration and exploitation permits

canhave majorsignificanceso faras their continentalshelfboundaries areconcerned" (CMN,
vol. II, p. 581, par. 21.24) et affirme que "Cameroon'sclaim-line wholly disregards the

established,relativelyconcordantconcessionspracticeof both itself andNigeria" (CMN, vol.

11,p. 620,par. 23.22(6)).

9.98 Or, nonseulementla Partienigérianesollicite à l'excèsle droit applicable

à cet égard, maisencore la situation concrètene correspond guère à celle qu'il décrit très
partiellement.

A - La pertinence limitéede la pratique des Etats en matière de
concessionspétrolières

9.99 Pour "démontrer"le poids qu'auraitla pratique des Etats en matièrede

concessionspétrolièresl,e Nigérias'appuieexclusivementsur l'arrêd te la Cour du 24 février

1982,dont il cite, hors de leur contexte, de longs extraits (CMN, voII,pp. 582-583, pars.
21.25-21.26).Enréalitéc ,ommel'asoulignéla Chambre constituéedansl'affaire duGolfedu

Maine(dontla Partie nigérianes'emploied , e manièrediscourtoise (CMN,vol. 11,p. 585,par.

21.27infine), àneutraliserl'importance):

''i elt vraiqu'encette affaire [Tunisie/Jamahiriyaarabe libyenne]la Cour a
pris argumentdu fait constituépar la séparationdes zones des concessions
pétrolières octroyées parles deux Etats en cause; mais elle a pris
particulièrement en considération le comportement des Puissances
antérieurement responsablesdesaffaires extérieuresdela Tunisie, la France, et de la Tripolitaine, l'Italie, dans lequel elle a reconnu l'existenced'un
modus vivendi, comportementque les deuxEtats,devenusindépendants,ont
continué à respecter quand ils ont commencé à accorder des concessions
pétrolières"65.

9.100 Ce ne sont doncnullementl'eslimites des concessionspétrolières en tant

que telles que la Cour a prises en considération dansl'affairedu Plateau continental

(Tunisie/Jamahiriyaarabe libyenne), mais une ligne de facto, trèsancienne, que les deux

Parties et les Etats auxquels elles avaient succédéavaient toujours respectéedans leurs

rapports interse, ce que confirme pleinement,en effet, la lecturede l'arrêd te 1982.Plusieurs
éléments l'établissen:

-la Courpose d'emblée que "la ligneen direction du nordservant de limiteaux zones

pétrolièreslibyennes" ne remplit pas "les conditions qui [la rendrait opposable] à l'autre

-elle insiste sur le fait que la "ligne defacto" sur laquelleelle se fonde(et qui n'avait
fait l'objetd'aucunecontestationni immixtion)"n'étaitni arbitraireni sansprécédent entre les

deux état^" ^t';

- elle limite soigneusement l'impactde cette ligne sur la délimitation retenueen

précisantqu'ilne s'agit que d'unindice6*,qu'ellen'utiliseque "pourdéfinirl'angulationde la
ligne initialeà partir de la limite extérieuredes eaux temtoriales", sans lui reconnaître "des

effets équitablesplus loin enmer"69.

9.101 Au surplus, dans son arrêt du10 décembre1985 sur la Demande en

révisionet en interprétationde l'arrêtdu 24février 1982, elle confirme à nouveau la portée
limitéede la prise en considérationde cette ligne :elle traduit approximativementce que les

deux Parties tiennent pour une limite équitable en cequi conceme"le point de départ"de la

délimitation7'.

9.102 Laportée limitéeque l'onpeut reconnaîtreauxconcessionspétrolières est

du reste conforme à l'essence même de l'institution dp ulateau continental.Dèsles affairesdu

65C.I.J., arrêt,12 octobre 1984, affairede la Délide lafrontièremaritimedansla région duGoFedu
Maine, Rec.1984,p. 310, par. 150.
66C.I.Jarrêt24 février1982,Rec. 1982,p. 83,par. 117.
"Ibid., p. 84, par.119.
ibid., p. 84,par.118.
69~bid.,p. 87, par.125.
'OC.I.J., Rec. 1985,p. 213, par.38.Plateau continental de la mer du Nord, la Cour a fortementmarquéque tout Etat avait un

"droit inhérent"sur son plateau continental, précisant :

"Qui plus est,ce droit est indépendantde son exerciceeffectiY7'.

Or, ense fondant surles concessions que les Etats en causepeuvent avoir,ou non, accordées,

on fait référence à des instrumentspurement unilatéraux(qui, au surplus, en l'espèce,ne sont

pas compatibles - v. infra, pars. 9.106 et S.), qui tiennent en échec le principe de la

délimitation par voie d'accordauquel le Nigériaaffecte d'accorderun grand poids tout en

mésestimant sa portée (v. supra, pars 9.20 et S.). "La transformation de l'unilatéral à
l'équitablene trouve pas d'e~~lication"~~.

9.103 Au reste, même ainsilimitée,la jurispmdence de 1982 est demeurée

isolée.Dès 1988, le professeur Prosper Weil écrivait :"On peut penser que désormaiscette

circonstance pertinente très discutable [le comportement des Parties] n'inte~iendra plus
qu'exceptionnellement"73.Et, en effet, dans aucun des arrêts ou sentences arbitrales rendus

depuis lors les limites des concessions pétrolièresn'ontjoué un rôle significatif pour fixer

l'étendue des zones maritimesrespectives des Parties :

- en 1984, dans l'affairedu Golfe du Maine, la Chambre de la Cour, à l'issue d'une

longuediscussion des thèses desParties sur ce point, a conclu à l'inexistence d'uneobligation

juridique qui s'imposerait à celles-ci sur la base de leurs comportements respectifs74et a

ajouté,de manière particulièrementclaire, que"l'ampleurrespective [des] activitéshumaines
liées à la pêche - ou à la navigation, à la défense,ou d'ailleurs à la recherche ou à

l'exploitation d'hydrocarbures - ne saurait entrer en considérationen tant que circonstance

pertinente ou, si l'onpréfère,en tant que critèreéquitable à appliquer à la déterminationde

la ligne de délirnit~tion"~~;

- dans l'affaire du Plateau continental (Jamahiriyaarabe libyenne/Malte), la Cour,

tout en reconnaissant que la pratique des Etats pouvait constituer un indice des vues des

71C.I.J.,arrêt,0 février1969,Rec. 1969,p.22, par.19.V. aussii'article77, par3, delaConventiondes
NationsUniessurle droitdelamer.
72 C.I.J.,arrêt2,4 fémier1982, affairedu Plateau continental(Tunisie/Jamahiriyaarabe libyenne), opinion
73ssidenteduJugeGros, Rec. 1982,p. 15v. aussil'opinion dissidentuugeEvenseq ibid.,p. 318.
74Perspectives dudroit de la délimitationmaritime,Pedone,Paris,1988,p.274.
C.I.J.,arrêt, 1o2ctobre 1984,affairede la Délimitationde lafrontière maritime dans la Go@ du du
Maine,Rec. 1984,p.312, par.154.
''Ibid.,p. 342,par.23;italiquesajoutés.Parties surune solutionéquitable,a constatéquecettepratique différaitdes thèses desParties

en procédureetne pouvaitêtre prise en c~nsidération~~;

- de même, dans lesaffaires relatives à la Délimitation de la frontière maritime
Guinée/Guinée-Bissau et à la Délimitationdes espaces maritimes entre le Canada et la

Républiquefrançaise,les tribunauxarbitraux ont refuséd'accorderun poids quelconque aux

pratiques pétrolières des

- et si le Tnbunal arbitral constituépour connaître du différendentre I'Erythréeet le

Yémena, dans sa premièresentence, accordéune grande attentionaux accords et activités
pétroliers des Parties pour déterminer lasouveraineté sur les îles contestées 78, il est

particulièrementsignificatifqu'ilait, au contraire,refuséde se fondersur la ligne résultant

des concessions pourprocéder,dans sa seconde sentence, à la délimitation maritimeentre

les deuxEtats :

"Tbose lines can hardly be taken as governing once that sovereignty has
been dete~mined"~'.

Et si, en fin de compte, le Tribunal a tranché,pour l'essentiel, en faveur d'une ligne

d'équidistance entreles côtes des deux Etats, correspondant en partie avec les limites des

concessions pétrolières, il prend soin de préciserqu'ilne se fonde pas, pour autant, sur ces

limitesE0.

9.104 Dans cette dernière affaire, le Tribunal arbitral fixe donc la frontière

maritime entre les deux Etatssans s'arrêter au fait qu'elle pourrait remettreen question des

concessions pétrolières dontcertaines sont déjàfort anciennes8',et rappelle la conclusion de

la Cour dans les affaires du Plateau continental de la mer du Nord et les considérations

développéespar le Juge es su su^r^anon-pertinencede l'unité de gisement83.Dans son arrêt
de 1969en effet,

76C.I.J.,arrêt, 3 juin 1, ec. 1985, pp. 28-29, pars. ;4v. aussi l'ordonnanceen indication de mesures
conservatoiresdu 11se~tembre1976 dansl'affairedu Plateaucontinentalde la merEgée,Rec. 1976,p. 10,par.
30.
77V. la sentence arbitrale du 14février 1985,R.G.D.Z.P.,1985,p. 513, pars. 62-63, et celle du 10juin 1992,
R.G.D.Z.P.,1992,p. 706,par. 89.
Sentence arbitrale, 9 octobre 1998,: TerritorialSoveigntyand ScopeofDispute, pars. 389439.
79Sentence arbitrale, 17décembre1999,Second St:MaritimeDelimitation,par. 83.
Ibid., par. 132.
81Plusieurs remontaientaux années 19;. sentence arbitrale,9octobre 1998,Phase1: TerritorialSovereignty
andScope ofDispute,pars. 393 S.
Opinion individuellejoiàtl'arrtu20 février1969,affairesdu Plateau continentalde la merdu Nord, Rec.
1969,pp. 66-84.
83Sentence arbitrale, 17 décembre1999,Second Stage:MaritimeDelimitation,par. 84;v. aussi par. 132. "La Cour ne considère pas que l'unitéde gisement constitue plus qu'un
élémend t e fait qu'il est raisonnable de prendre en considération au cours
d'unenégociation surune délimitati~n"'~.

9.105 Il ressort de ce bref exposé

- qu'ilest inexact que "[c]oncurrent, or relatively concurrent, activity by neigbouring
States, even in the absence of a forma1agreement, may be decisive of the legal position"

(CMN, vol. II, p. 587, par. 21.31); tout au plus une telle activité peut-elle constituer, à

certaines conditions, l'indice de ce que les Parties ou l'une d'entre elles tiennent pour

équitable ;
- qu'il est tout aussi inexact que "[nlo court or tribunal dealing with maritime

delimitationhas ever displaced long-standing [oil concessions]" (CMN, vol. II, p. 613, par.

23.18 (iii); bien au contraire, aucunejuridiction internationale ne s'est jamais arrête une

telle considération(y compris dans l'affaireunisie/Jamahiriyaarabe libyenne, dans laquelle
la ligne arrêtépear la C.I.J. ne correspond pas entièrementaux concessions accordées parla

~unisie'~)et ;

-qu'il est,dèslors, entièrement"concevable" (v.CMN, ibid.) que les Partiesdoivent, à

la suite de l'arrte la Cour, revoir les droits et concessions pétroliers qu'ellesont accordés
dans la zonemaritimelitigieuse.

B - La présentation erronée faite parle Nigériade la pratique des
Etats concernésen matièrede concessions pétrolières

9.106 La Partie nigériane prétenddécrire lasituation existante en matière de
concessionspétrolières aux paragraphes 20.13 à 20.17 de son contre-mémoire(CMN, vol. II,

pp. 564-565). Elle le fait de manièrepartielle et,à certains égards, erronée,et en tire des

conclusions inexactes eu égardaux principes juridiques applicables que la Républiquedu

Camerounabrièvementdécrits ci-dessus.

9.107 Auparagraphe 20.14, le Nigéria présente un tableau des concessions qu'il

a accordées.Lescoordonnéesactuellesde certaines de cesconcessions figurent à l'annexe 341

du contre-mémoire(telle qu'amendéele 15 septembre 1999), sans que l'originede ce qui
semble êtreun document composite soit précisée.Cette présentation est complétép ear deux

" C.I.J.,mêf 20février1969,affaires duPlateau continentalde la merdu Nord, Rec. 1969,p.52,par.97.
C.I.J., mêf10 décembre1985, Demande en révisionet en interprétationde l'arrêtdu 24février 1982 en
l'affairedu Plateau continentalsiefJamahiriyaarabe libyenne), Rec.1985, p.213, par.38.

431schémas cartographiquessur lesquels est reportée laligne de délimitationéquitableproposée

par le Cameroun. La premièreest intitulée : "Map of existing Nigerian and Equatonal

Guinean Oil Concessionsin relation to Cameroon'sClaim Line" (schéma20.4); la seconde :

"Existing Nigerian Concessions :Areas of Overlap" (schéma20.5), ces chevauchements

semblant êtreceux existant entre les concessions camerounaises d'une part et nigérianes
d'autrepart. Ces indicationsappellent lesremarquessuivantes.

9.108 En premier lieu, alors que le Nigériaaffirme que "the relevant licences

mostly date back several decades" (CMN, vol. II,p. 564, par. 20.13 ; v. aussi p. 613, par.

23.18 (iii)),les limites decelles-ci,telles qu'elles sontreproduites sur leschéma 20.4 (figurant

après la p. 566), sont, semble-t-il, les limites actuelles quià l'exceptionde la concession

OML 67 (Mobil), qui paraît remonter au mois de décembre 1968 (Cm, vol. Ii ,. 565,par.
20.14), sonttoutes postérieures à 1990, soità une datebien postérieure à la date critiquedans

cette affaire, puisque le différend est nà la fin des années1970, lorsque,pour lapremière

fois, leNigériaa remis encause la frontièremaritimerésultant del'Accordde Maroua.Il n'en

reste pas moins que la limiteorientale de la concessionOPL 98 (NNPCIAddax),accordéeen

1973et redéfinieen 1998,suit trèsexactement la frontièremaritime définie parl'Accordde

Maroua du point D au point G, ce qui témoignede la conviction du Nigériadu caractère

contraignantde cette ligne à son égard(v. le croquisR 24 figurantpagesuivante).Au surplus,
trois de ces concessions ont étéaccordées ou redéfinies par le Nigériaaprèsle dépôtde la

requête camerounaiseE . ntout étatde cause,mise àpart, peut-être(mais leNigérias'estgardé

d'enannexerle texte à soncontre-mémoire),laconcession Mobilprécitéei,l estpatentque les

concessions sur lesquelles s'appuie le Nigéria ne remontent nullement à "plusieurs

décennies";elles apparaissentbien plutôt comme des preuves de circonstance (sev-serving

evidence) et ont étéaccordéespar la Partie nigérianedans le vain espoirde renforcer son

argumentation juridique. Ace titre, elles ne présentent aucune pertinence aux fins du
règlementduprésentlitiges6.

86V. not. la sentence arbitrale deMaxHuber en date d1928dans l'affairedeI'llede Palmas,R.G.D.I.P.,
1935,p.169 et p201 ;C.I.J.,arr,0juin1959,affaire de la Souveraineté surcertainesparcellesfrontalières,
Rec.1959,pp. 227-228ou C.I.J.arrêt12 avri1960,affaire du Droit de passage surtemtoire indien, Rec.
1960,pp.28-29. R 24
Concessionspétrolières récendusNigeria.9.109 En second lieu,les schémas cartographiquesno20.4 et 20.5 présententla
curieuse caractéristique dene coïncider ni en ce qui concerne la limite extérieuredes

concessions nigérianes,ni en ce qui concerne le tracéde la ligne de délimitation équitable

proposéepar le ~ameroun~'.A ce titre, ils sont difficilement utilisables et peu crédibles.Il

n'en restepas moins qu'ils montrent les chevauchementsconsidérablesexistant entre

- lesconcessionsnigérianeset équato-guinéenned s'une part(schéma20.4) ; et
- celles accordées par le Camerounetpar le Nigénad'autrepart(schéma20.5).

9.110 Le Camerouna reporté surle croquis R 25joint (reproduit ci-après)d'une

part les limites et les coordonnéesdes concessions nigérianes communiquéep sar le Nigéna

dans son contre-mémoire (sans les textes officiels matérialisant leur octroi), d'autrepart, les
limites de ses propres permis ou concessions, telles qu'elles résultentdes décrets les

accordant, qui sont joints à la présente réplique (annexesRC 14, 19, 33 et 41). Elles

confirment

-lerespectpar le Camerounde la lignede Marouajusqu'aupoint G ;
- laconvictiondu Camerounque la ligne frontalière entre les deuxpays devait, au-delà

du point G, se situer à l'ouest decelui-ci ; cette conviction se traduit par le "décrochement"

vers I'ouestde la concessionEkunduaccordéele 18 août 1977(v. les croquis R 24 et R 25) ;

et

- les chevauchements inacceptables dont fait étatle Nigériamais dont il tire des
conclusions erronées en tentand t e les minimiser.

9.111 Le Nigériareconnaît du reste leur existence et relève au passage leur

caractère"significant" dans lapartie"factuelle" de son contre-mémoirepuisqu'ilécnt :
"It will be notedthat there is significant overlap between certain Equatonal

Guinea concessionsand the Nigenan concessions OPL 223, 222 and 221"
(CMN,vol.II,p. 565,par. 20.16) ;
et

"There are Cameroonconcessionsto the East of concessions OPL 230, OPL
98,OML67,andOPL 224, with a certain degreeof overlap" (CMN,vol. II,
p. 565, par.20.17).

87Au surplusni les coordonnéed ses concessions nigériane,elles qu'ellesfigurentdansle contre-mémoire
nigérian,ni lesdatesde leurslimitesactuelles,nesontétaysarquelquepreuvedocumentaire complètq euece
soit. R 25

Concessions pétrolières camerounaises et nigériane-chevauchements.Ceci veut dire qu'au moins septdes huit concessionsnigérianesprésentéec somme pertinentes

chevauchent soit des concessionscamerounaises, soitdes concessionséquato-guinéennes(et,
probablementles unes et les autresdans aumoins deux hypothèses).

9.112 On comprend, dans ces conditions, que le Nigéna manifestequelque

gêne àaffirmer l'existenced'une"ligne defacto" lorsqu'il entreprendl'analyse juridique de
cette situation ("Concurrent, or relatively concurrent,activ..",CMN,vol. II, p. 587, par.

21.31, italiques ajoutés,v. aussi, p. 620, par. 23.2; " [Cameroon's]own concession (...)

largely confirms (...)[Nigenan arrangements]", CMN,vol. II, p. 613, par. 23.18(iii)). Il ne

l'affirme pas moins (ibid.), alors que la non-concordance patente (et,dans certains cas,
importante) des limites des concessions pétrolières nepeut, à l'évidence,que conduire à

conclure à l'inexistence d'une quelconque ligne de facto sur laquelle la Cour pourrait

s'appuyer poury voir l'éventuel indicees vues des Partiesausujetd'unelimite équitable.

9.113 Dès lors, le Cameroun, qui considèreque ces éléments sont, pour des

raisons de droit et de fait, dépourvusde pertinence juridique aux fins de la délimitation

maritime, estime qu'il estinutile de discuter dans le détail lesinformationspartielles que la

Partie nigériane a utiliséedans son contre-mémoire. Il relèvecependant que celle-ci s'est

abstenue de communiquer à la Haute Juridiction les donnéesen sa possession, notamment
celles sur lesquelles elles'est foneour établirlesschémas no20.4 et20.5.

9.114 Il convient au demeurant d'observerque le Nigériaest mal fondé à se

prévaloir dusilence gardépar le Cameroun ausujet des concessionsnigérianes(Cm, vol. II,
p. 565, par. 20.15, et p. 613,par. 23.18 (iii)). Le Cameroun, eneffet,n'apas connaissancede

protestations officielles émanantdu Nigériaau sujet des concessions camerounaises, lors

même que celles-ci empiètentsulr eszones qu'ilsembleconsidérer commesiennes.

9.115 Le silencedu Cameroun est d'autant plusexplicable (etcelui du Nigéria

d'autantmoins) que, lors de la rencontre d'Abujadu 15 au 19 décembre1991, les experts

camerounais et nigérians surles problèmes frontaliers "ont convenu que chaque pays

continuera l'exploitation des ressources transfrontalièrestlou celles situées dansla zone
frontalièreen veillantà tout mettre en Œuvrepour informer au préalable l'autre partie afin

d'évitertoute nuisance" (MC, Livre VII, annexe 313, p. 2600). Conformément à cet

engagement,le Cameroun - qui, soucieux de ne pas envenimerle différend,n'apas accordédenouvelles concessionsdansla zonelitigieusedepuis 1980 - a scmpuleusementinforméles

autorités nigérianes, en1992, deson intention d'entreprendre desactivitésd'explorationau-
delà du point G. Celles-cin'ontpas réagi.Contrairementà leur promesse,elles n'ontpas non

plus informéle Cameroun(quin'avaitaucuneraisonde s'enquérirde l'existenced'instruments

qui devaient lui être notifiéd)es nouvelles concessionsqu'ellesont multipliées depuislors

pour tenter de créerun fait accomplicontraireà la ligne de délimitation équitablproposée
par le Cameroun.

9.116 Il va de soi, cependant, que celle-ci ne saurait êtreaffectéepar de telles
manŒuvreset que,danscesconditions,le comportementdu Nigériaenla matièrene constitue

pas un élémentpertinent qui doive êtrepris en considérationaux fins de la délimitation

maritime au-delàdupoint G.

9.117 Celle-ci doit donc êtretracée conformément à la méthode et aux

principes décrits dansles paragraphes1 et 2 de la présente sectionet selon le croquis 21

reproduit ci-dessus. Ce tracéne porte nullement atteinteaux droits des tiers qui ne font pas

obstacle à ce que la Cour fasse droit aux conclusionsdu Cameroun, comme cela est établi
dansla section suivante.

Section 4 : L'INCIDENCEDESDROITS DESTIERS

9.118 A denombreusesreprises,leNigériainsiste sur lefait que la Cour n'a pas

compétencepour examiner la requête camerounaisd eès lors qu'elleporte sur la délimitation

maritimeau-delàdu point G,auprétexteque celle-ciporterait atteinteaux droits des tiers

"(2) is firmlyof the opinion that the Court lacksjurisdiction to deal with
Cameroon'sclaim-line,to the extent that it impinges on areas claimed by
Equatonal Guineaand/or Si50Tomée Principe, or at least that Cameroon's
claim-lineis inadmissible to that extent" (CMN, vol. II, pp. 598-599, par.

22.11 ;v. aussi,not.,p. 597,par. 22.7,ou p. 608,par.23.12 (ii)).

9.119 Ce faisant,la Partie nigérianereprendla huitièmeexception préliminaire

qu'elleavait soulevéelorsdelaprécédentephase del'affaire : "la question de la délimitation maritimemet nécessairementen cause les
droits et les intérêtsEtatstiers et(..) la demande àce sujet est irrecevable
au-delàdupoint G.

"Partant, leNigéria prieofficiellementla Courde dire etjuger :

"1) qu'ellen'a pas compétencepour connaître des demandes formulées à

l'encontre de la Républiquefédéraledu Nigéria par la République du
Cameroun; etlou

"2) que les demandes formulées à l'encontrede la République fédérale du
Nigériapar la République du Cameroun sont irrecevables dansla mesure

préciséepar lesprésentes exceptions préliminaires"88.

9.120 La Courayantdéclaré dans son arrêtdu Il juin 1998que cette exception
"89 il
n'avaitpas, "dans les circonstancesde l'espèce,un caractère exclusivement préliminaire ,
convient d'y revenir, à la lumière des faits nouveaux que constituent la requête à fin

d'interventiondela Républiquede Guinéeéquatoriale endatedu 30juin 1999 et l'ordonnance

de la Cour accueillantcetterequête endate du 21 octobre 1999.

1- La décisionde la Cour relative à la huitième exception
préliminairedu Nigéria

9.121 Les deux Parties se sont longuement expliquées sur leurs positions

respectives à cesujetgo.La Courles a résumées ains i

"Le Nigénaévoquela configuration particulièredu golfe de Guinéeet sa
forme concave,le fait que cinq Etats sont riverains de ce golfe et qu'aucune
délimitationn'aété effectuée par void e'accordentre ces Etats pris deux a
deux dans la zone en litige. Dans ces conditions, la délimitation des zones

maritimesrelevant de deux des Etats riverains du golfe aura nécessairement
des incidences directes sur les autres. Le Nigéria soutient aussi que la
situationexistant entre le Cameroun et le Nigénaest différente de cellequi
étaità la base de l'affaireduDzfférend frontalier (BurkinaFaso/République

duMali) (arrêt, C.I.J.Recueil 1986, p. 554),puisque cette affaireconcernait
une frontière terrestre pour la délimitation de laquelle les principes
applicables sont différents de ceux qui gouvernent la délimitation de
frontièresmaritimes. L'affaire du Plateau continental (Jamahiriya arabe
libyenne/Malte)(requête à fin d'intervention,arrêt,C.I.J. Recueil 1984, p.

3) diffëre aussi de la présente affaireen ce sens que les zones auxquelles

88
C.I.J., arrêt,Il juin 1998, affaire de la Frontièreterrestre et maritime entrele Cameroun et le Nigéria
89xceptionspréliminaireR,ec. 1998,p. 289,par. 19.
Ibid ..326,par. 118,2).
90V., en ce qui concernele Cameroun,OC,pp. 171-183; CR9814,pp. 53-62(M. Highet) et pp.58-60 (M.
Pellet), et, pour cequi estdu Nigéria,EP, pp. 131-141;CR9812,pp. 52-60(M. Crawford) et CR 9815,pp. 59-63
(M. Crawford). avaient traitlesrevendicationsd'unEtat tiers (l'Italie)étaient connues; enfin,
dans l'affairedu Plateau continental (Tunisie/Jamahiriyaarabe libyenne)
(requéte(ifind'intervention, arrêt, .I.J.Recueil 1981, p. 3), la Cour s'est
bornée à énoncerdes principes applicables à la délimitationdu plateau

continental dans un contexte donné sans pour autant tracer une ligne
particulière.Le Nigéna reconnaît qu'envertu de l'article59 du Statut les
Etats tiers ne sont pas formellement liéspar les décisionsde la Cour; il
soutient néanmoinsque la protection qu'offre l'article59 du Statut est
insuffisante,du fait qu'en dépitdes dispositions de cet articledes décisions

de la Cour pourraient, dans certaines situations particulières, avoir à
l'évidence des effets juridiqueset pratiques directà l'égardd'Etatstiers,
ainsi que surle développementdudroitinternational.

"Le Cameroun soutient que la délimitation maritimequ'ilprie la Cour de

confirmer pour une partie et de déterminer pour une autre concerne
exclusivement les Parties au présentdifférend.De l'avisdu Cameroun,les
intérêtdse tousles autresEtats sontpréservépar l'article59duStatutetpar
le principeselonlequel toute délimitationentredeux Etats estres interalios
acta. Se référant lajurisprudence de la Cour, le Cameroun soutientque la
Cour n'a pas hésité à procéder à des délimitationsmaritimes dans des

affaires dans lesquelles les droits des Etats tiers étaientplus clairementen
cause qu'ilsne le sont dans la présenteespèce.Le Camerounestime aussi
que la pratiqueconventionnelle desEtats confirme qu'unedélimitationn'est
nullementrendueimpossiblepar l'existencedes intérêts d'Etatsvoisinswg'.

9.122 En décidant,en applicationdes dispositions de l'article79,paragraphe7,

de son Règlement,que l'exception n'avaiptas, dans lescirconstances particulièresde l'affaire,

un caractère exclusivement préliminaire (v. supra, par. 9.120), la Cour renvoie en quelque
sorte les Parties dos à dos. Elle n'en donne pas moins des indications d'une extrême

importancepour la présente phasede la procédureen ce qui concerne la portéepossible de

l'exception.

9.123 En premierlieu, elle précise,delamanière laplus claire

"que le problèmedes droits et des intérêts des Etats tiers ne se pose en

l'espècequ'ence qui conceme le prolongement, au-delà du point G, de la
frontièremaritimevers le large,telque le Cameroun ledemande"g2.

91
C.I.J., ar,ltjuin1998, affaire laFrontièreterrestre et maritime entrele Camerounet le Nigéria
erceptionspréliminaires),Rec. 1998, pp.322-323, p14.. 113-1
" Ibid..p.323, par.115. ce que le Nigériase garde de rappeler (bien qu'il citeun autre passage de l'arrêd t u Il juin

1998 dans lequel la Cour rappelle sa position sur ce point - CMN, vol. II par. 20.5, p. 561-

et qu'ilsembleen convenir, à regret, au paragraphe 23.3, page 603de soncontre-mémoire).

9.124 Toutefois, et en deuxième lieu, mêmeau-delà du point G, la Haute

Juridiction exclutpar avance de faire droit entièrement à la huitièmeexceptionnigériane.Ceci

résultea contrario du paragraphe 116 infine de son arrêt, danslequel, après avoir indiqué
l
qu'illui est nécessaire d'examinerla demande du Cameroun au fondpour pouvoir déterminer

si et dans quelle mesure le tracérevendiqué affecterait lesdroits et intérêtd s'Etatstiers, elle
précise :

"En même temps,la Cour ne saurait exclure que l'arrêtdemandé parle
Cameroun puisse avoir sur les droits et intérêtd ses Etats tiers une incidence

telle que la Cour serait empêchée de rendre sa décision en l'absence de ces
Etats, auquel cas la huitième exceptionpréliminairedu Nigeria devrait être
retenue, tout au moinsenpartie"93.

9.125 La Partie nigériane elle-même sembled'ailleurs consciente de

l'irrecevabilité,au moins partielle, de son objection. En effet, tout en maintenant que la Cour

ne devrait pas se prononcer sur la requêtecamerounaise "to the extent that it impinges on
areas claimed by Equatonal Guinea andfor S5o Tomé-e-Principe (which areas are

provisionally identified in Figure 20.3 herein [ce schéma figureentreles pages 564 et 565 du

contre-mémoire nigérian]),or altematively that Cameroon's claim is inadmissible to that

extent"(CMN,vol. III, conclusions 5 (a),p. 834 ; italiques ajoutés), leNigéria écriq tue :"For

about 80per cent. of its lengthfrom Point G, that claim-line cuts into maritimezones claimed
by the other two States" (CMN, vol. II, p. 563, par. 20.11 ;v. aussi p. 597, par. 22.8),

concédantainsi qu'aumoins les vingt pour cent restants ne tombentpas sous le coup de son

objection.

9.126 Du reste, et c'estun troisième élémentc ,omme la Cour, citant son arrêt

du 30 juin 1995 rendu dans l'affairerelative au Timor oriental, le rappelle également : "elle
n'estpas nécessairement empêchée de statuerlorsqu learrêqtu'il luiestdemandéde rendre est

susceptible d'avoir des incidences sur les intérêts juridiques d'un Etatqui n'estpas partie à

instance"^^.

93Ibidp,.324,par.116; italiquesajoutés.
9Ibidc .tantl'arrrtndu dansl'affaire relaeuTimor orientalRec. 1995,p. 104,par.34.9.127 A cet égard,le Cameroundemeureconvaincuque la Chambre de la Cour

a poséet résolule problèmedans l'affaireduDifférendfrontalierentre le BurkinaFaso et le

Mali :
''Ils'agiten effetpour la Chambrenon pas de fixer un point triple, ce qui

exigerait le consentementde tous les Etats concernés, maisde constater, au
vu des moyens de preuveque lesParties ont mis à sa disposition,jusqu'où
s'étend la frontière héritéede 1'Etat colonisateur. Certes une telle
constatation implique,comme corollairelogique, à la fois la présence du
temtoire d'un Etattiers au delà du point terminal et l'exclusivité des droits

souverains des Partiesjusqu'àce point. Toutefois ce n'estlà qu'unedouble
présomption,fondamentale danstout litige territorial. Cette présomption
demeure en principeirréfragable dansle contexte judiciaire d'une affaire
déterminée,en ce sens que ni l'une, ni l'autre des parties en litige ne

pourrait, aprèsavoir déclaré posséderune frontière commune avec l'autre
jusqu'à un point déterminés ,e raviser pour exciper de l'existencede la
souverainetéd'unÉtat tiers; mais ladite présomptionne constitue pas pour
autant une cause d'opposabilitée ,n dehors de ce contexte, à l'encontrede
1'Etattiers. C'estd'ailleurslàtoutle sensde l'article59 dtat tut"^'.

9.128 11n'enirait différemmenq t ue dans l'hypothèseoù "les intérêtsjuridiques
d'un Etat tiers'seraient non seulementtouchéspar une décision,mais constitueraienti'objet

même deladite décision'(Or monétaire pris à Romeen 1943, C.Z.J.Recueil 1954,p. 32), de

sorte que la Cour devrait exercer le pouvoir qu'elle possède de 'refuser d'exercersa

juridiction' (C.I.J.Recueil 1984,p. 431,par.

9.129
Mais tel n'estpas le cas en la présente occurrence.Le ~ameioun ne
demande nullement à la Cour de se prononcer sur le tracéde sa frontière maritime avecla

Républiquede Guinée équatorialeouSEOTomé-e-Principe ni même d'indiquer l'emplacement

d'unpoint triple éventueloù serejoindraient les frontièredes Parties et celle de l'unou l'autre

de ces Etats ;et le Nigéria,qui serefuseà formuler sespropres prétentionsen ce qui concerne

sa frontièremaritime avec leCameroun(CMN,vol.II,p. 604, par. 23.4 ;v. supra, chapitre7,
pars. 7.01et 7.06-7.07), ne le fait pasdavantage.Commel'indiquent clairementla requête du

Cameroun (p.14, par. 20 9) et les conclusionsde son mémoire(MC, p. 670, par. 9.l.(c),

deuxièmetiret) et de la présenteréplique(v. infra,chapitre 13,par. 13.01 c), celui-ci prie la

Cour de bien vouloir préciserle tracéde la frontièremaritime entre les deux Parties à la

présente instance 'Susqu'àla limite extérieure des zonesmaritimes que le droit international

9C.I.J.arrêt,2décembre 1986,Rec.1986,p.579,par.49.
9Ibid.;v. aussiC.I.arrêt,0juin1995,affaiduTimor oriental,Rec1995,p.105. place sous la juridiction respective des deux Parties". Mais, pour paraphraser l'arrêtde la

Chambre de la Cour dans l'affairedu ~ifférendfrontalier9', la Cour n'en déciderapas pour

autant que cette limite extérieureest un point triple intéressantla Guinéeéquatorialeou Sâo

Tomé-e-Principe ;conformément à l'article 59,du Statut, son arrêtne sera pas non plus

opposable à ces Etats en ce qui concerne le tracé de leurs propres frontières,sous la seule
réservede leur intervention (éventuelleen ce qui concerne le second des Etats mentionnés),

point que le Camerounaborderaci-après(pars. 9.135-9.138).

9.130 Comme l'afait remarquer la Cour dans l'arrêt qu'ella e rendu le Il juin

1998 sur les exceptions préliminairessoulevéespar le Nigéna dans la présente affaire, la

détermination dutripoint dansl'affairedu Différend frontalier "concernait (...) directement le

Niger"; or cet élémen" tn'apas empêché la Chambre de tracer la frontièreentre le Burkina
Faso et la Républiquedu Malijusqu'à son point extrêmem9D *.e même - et la Cour le relève

également dans son arrêt de 1998'' -, dans l'affaire du Différend territorial entre la

Jamahiriya arabe libyenneet le Tchad,la Cour n'apas hésité àdéterminerla frontièreentre le's

Parties malgré l'absence àl'instanceduNiger etdu oud dan"'.

9.131 Il est vrai queces raisonnements ont été mis en Œuvredans des affaires

qui portaient sur des frontièresterrestres ou lacustres. Mais le Cameroun éprouvequelque

difficultéàcomprendrepourquoiil en irait différemments'agissantde frontières maritimes.

9.132 Certes, dans l'affaire précitée du Diffërend fiontalier (Burkina

Faso/RépubliqueduMali,la Chambrede la Cour a estiméque "le processus par lequel lejuge

détermine le tracéd'unefrontièreterrestre entre deux Etats se distinguenettement de celuipar

lequel il identifie les principes et règles applicables à la délimitation du plateau

~ontinental"'~'.Toutefois,le résultatde ce processus est le mêmedans les deux cas :il s'agit

de déterminer le tracé d'une lignedont la conséquence est "de répartir les parcelles

l
! 97C.I.Jarrêt,2 décembre 1986,Rec. 1986,p. 580,par.50.
98Rec. 1998,p. 313,par.81.
IWbid.,pp.312-313,par.80.
101. C.I.J.,arrêt,février1994,Rec.1994,pp.33-34,pars.63-65.
C.I.J.,arrêt,2 décembre1986,Rec.1986,p. 578,par.47. .>>IO2
limitrophes de part et d'autrede ce trace , sans "qu'il y ait quoi que ce soit d'indivis à

partager"103(v.supra, pars. 9.41-9.44).

9.133 De même, qu'il s'agisse d'une frontière terrestro eu maritime, "[dl'une

manière générale,lorsque deux pays définissent entre eux une frontière, un de leurs

principaux objectifs est d'arrêter une solution stable et définitive"Io4.Et tel est égalementle

cas lorsque la Cour est compétentepour se prononcer sur un différend frontalier,qu'ilsoit

terrestre ou maritime, puisque "[lle recours àune délimitationpar voie arbitrale oujudiciaire

n'est endernièreanalyse qu'unsuccédané au règlementdirect et amiable entre les parties"105.

Il s'endéduit logiquementque la Cour ne possèdeen la matièreniplus ni
9.134

moins de droitsque les Partiesen ce sens que tout ceque celles-ci eussent pu déciderpar voie

d'accord, laHaute Juridiction peut également le décideravec l'autorité relativede la chose
jugéequi s'attache à ses décisions.Maisellene peut aller au-delà.Or, il ne peut fairede doute

que le Camerounet le Nigénaeussent été en droit de conclure un traitéen vue de déterminer

complètement les limites de leurs zones maritimes respectives. La pratique fourmille

d'exemples de tels accords, par lesquels deux Etats s'entendent pour fixer leur frontière

maritime jusqu'à un point triple qu'ils arrêtentbilatéralement,sans la participation de 1'Etat

tiers concernéio6.

IOIbid.,p. 563,par. 17.
'O3C.I.J., arr, 0 février1969, affairesdu Plateaucontinentalde la mer duNord, Rec. 1969,p. 22, par.20, et
C.I.J., arrêt,14juin 1993, affaire de la Délimitation maritieans la régionsituéeentre le Groenlandet Jan
Mayen,Rec. 1993,pp. 66-67, par.64.
10C.I.J., arrê, 5juin 1962,affairedu Templede PréahVihéarR , ec. 1962,p. 34.

'OSC.I.J., arrêt,12octobre 1984,affaire de la Délimitationde lafrontière maritimedans la régiondu Golfedu
Maine, Rec.1984,p. 266, par. 22 ;v. aussi C.P.J.I., ordonnance du 19août 1929, affaire des Zonesfianchesde
Haute-Savoie et du pays de Gex (deuxième phase), sérieA, no 22, p. 13,égalementcitéedans l'arrêptrécitdu
22 décembre 1986a ,ffaire du Derend frontalier, Rec. 1986,p. 577, par. 46; v. aussi supra, pars. 9.15et S.,la
~osition de la Cour dans l'affaire dela Délimitation maritimede la ré-ionsituéeentre le Groenland etJan
Mayen.
'" V. panni de trèsnombreux exemples, l'Accorddu 24 mai 1977entre la Grèceet l'Italie sur la délimitatden
leur plateau continental respectif dans la mer ionienne, que les Parties fixentjusqu'aux points où, selonelles,
pourraient commencerles zones marinesrelevant respectivementde l'Albanieau Nord et de la Libyeau sud (v.
l'article la, paragraphe 3; texte in J.I. Chamey et L.M. Alexander (eds.), International Maritime Boundaries,

vol. II,ASILNiJhoff, Dordrecht, 1993,p. 1598(v. aussi la carte illustrativefigurant p. 1;9le Traité sles
frontièresmaritimes entre les Etats-Unis et le Vénézuélau 28 mars 1978,qui dispose que la limite entreles
zones relevant de chacune des Parties s'arrêteàaun point triple dont l'extensionextrêmeà l'ouestne saurait
excéderun point géodésique précisé dans le Traité(article ;v. ibid., vo1,pp. 700-703) ;le Traitétripartite
conclu le 27 octobre 1993 entre l'Inde, Myanma et la niailande qui entérine le tripoint résultant des
délimitationsbilatéralesantérieures (en complétanàcet égardles dispositions de l'Accordindo-thailandaisde
1978quine fixaientpas la frontièreentre les deuxpaysjusqu'à ce point triple) (v. ibid., vol. III,pp. 2371-2373);
ou les Traitésdu 6 octobre 1965et du 25 novembre 1971entre le Royaume-Uni d'une part et les Pays-Bas ou
l'Allemagned'autrepart, dont le premier a du reste été modifien 1971, àla suite de l'arrêt la Cour sur le
Plateau continental e la mer duNord(v. ibid.,pp. 1835-1869). 9.135 Il doit en aller de mêmes'agissantde l'arrêtque la Cour est appelée à

rendre :celui-ci, du fait de son effet relatif (qui n'est,au minimum, pas moindreque celui des

traités),ne sera pasopposable en tant que tel aux,Etatstiers ; mais la délimitationen résultant
ne le serapas moins que si celle-ci avait étéfixéeconventionnellement,c'est-à-diredanstoute

la mesure où - mais seulement dans la mesure où - elle n'aura pas porté atteinteaux droits

que ceux-ci tirent soit des principes du droit coutumiersoit des traitéspar lesquelsils seraient

liés, qu'il s'agisse de traités bilatéraux conclusavec l'une des Parties ou d'instruments

multilatérauxégalementen vigueur àl'égardde l'unedes Parties ou desdeux.

9.136 11est vrai que, dans l'affairedu Plateau continental (Jamahiriyaarabe

libyenne/Malte), la Cour a pris grand soin de ne pas affecter les droits de l'~talie'~p,oint sur

lequel le Nigériaattire l'attention (v.not. CMN, vol. II, p. 598, par. 22.10). Toutefois, dans

cette affaire, la Cour a expressémentfondé lasolutionqu'elle aretenue sur les "particularités

de la présenteaffaire"'08.Ces "particularités" méritentd'êtresoulignées,car elles limitent,

voire mêmeexcluent, toutepossibilitéde transpositionde cette solutionen laprésenteespèce.

9.137 La Cour les a décrites ainsi:

"D'une part, on ne peut rien déduire du fait que la Cour a pris en
considération l'existencede prétentionsitaliennes qu'aucunedes Parties n'a
qualifiéesde manifestement déraisonnables. D'autre part, ni Malte ni la
Libye ne se sont laissées arrêterpar une vraisemblable limitation de la

portée del'arrêt de la Cour suite aux prétentionsitaliennes. La perspective
d'une telle limitation ne les a pas incitées a renoncer à leur opposition à
l'intervention de l'Italie; comme il est rappelé (...) ci-dessus, la Cour a
constaté,dans son arrêtdu 21 mars 1984,qu'enémettantun avis défavorable
à la demande italienne les deux pays avaient marqué leurpréférence pour

une portéegéographique limitéede l'arrêtque la Cour allait êtreamenée à
rendre"'09.

107
108.I.J.,arrt,juin1985,Rec. 1985,pp.24-28, pars.20-23.
Ibid p..8, par.3.
I IWIbid.9.138 La situation est très différenteen la présente occurrence. Outreque la
premièrephrasefigurant dansla citationci-dessusinvite à une très grandeprudence en ce qui

concerne la portéequ'ilconvientd'attribuerauprécédenc tonstituépar l'arrte 1985,dansla

présenteaffaire la République fédérald eu Nigériacomme la Républiquedu Cameroun ont

accueilli favorablementla requêtede la Républiquede Guinée équatorialeà fin d'intervention,
ce que la Cour a relevéexpressémentdans sonordonnance du 21 octobre 1999 bar. 12),

mêmesi la première a paru marquer deshésitationssur ce point (v. la lettre de l'Agentdu

Nigériaendatedu 13septembre 1999).

Les effets de la requêtede la Guinéeéquatoriale à fin
§ 2-
d'intervention

9.139 Dès son arrêtdu 11juin 1998, la Cour a du reste elle-mêmeclairement
envisagé lapossibilitéde l'interventiond'Etatstiers et plus particulièrementde la Guinée

équatoriale et de S2o Tomé-e-Principepuisque, après avoir relevé"que la situation

géographiquedes temtoires des autres Etatsriverainsdu golfe de Guinée,et en particulierde

la Guinée équatorialeet de Sao Tomé-e-Principe,démontre qu'en toute probabilité le
prolongement de la frontière maritimeentreles Partiesvers le large au-delà du point G finira

par atteindre les zones maritimes dans lesquellesles droits et intérêts du Cameroun et du

Nigériachevaucherontceux d'Etatstiers" et notéque, de ce fait, elle pourrait êtreempêchée

de rendre sa décisionenl'absencede cesEtats,elle ajoutai:
"La question de savoir si ces Etats tiers décideront d'exercer leursdroàts
intervention dansl'instanceconformémen atu Statutreste

9.140 Jusqu'à présent, S2o Tomé-e-Principen'a pas exercé son droit à

intervention évoqué par la Cour. Toutefois,en application de l'article81, paragraphe 1, du

Règlement,cette possibilité reste ouvertejusqu'àla clôture de la procédure écrite, voire au-

delà.

9.141 Pour sa part, la Républiquede Guinée équatoriale s'est prévalue d ce

droit en déposantau Greffe de la Cour une requêteà fin d'intervention fondéesur i'article62

du Statut. Limitant expressément sonintervention à la délimitation maritime, elle yprécise

'IoC.I.J.,arrêt,11 juin 1998, affaire de la Frontièreferrertreef marifime enfre le Cameroun ef le Nigéria
(ercepfionspréliminaires),Rec. 1324,par. 116.que tout en ne souhaitant pas devenirPartieà l'instanceet en ne demandant pas àla Cour de

se prononcer sur sa frontièremaritimeavec le Camerounet leNigéria, ellese propose
"to inform the Courtof Equatonal Guinea'slegal nghts and interests so that

these may remain unaffected as the Court proceeds to address the question
of the maritimeboundarybetween Cameroon and Nigeria" (p.4).

9.142 A cette fin, elle invoque la loi 1511984du 12 novembre 1984 sur la mer

tenitonale et la zone économiqueexclusive et le décretno 1 du 6 mars 1999,qui appliquent
exclusivement le pnncipe de l'équidistance.Par ailleurs, elle informe la Cour qu'elle a

entrepris des négociationsaux finsde la délimitationdesa frontière maritime avecle Nigéria,

ce qu'ignorait laRépubliquedu Cameroun.

Tout en émettant lesréserves lesplus expresses sur le bien-fondéet les
9.143
conséquences éventuellesde la délimitation unilatérale à laquelle a procédéla Guinée

équatonaledont les revendications, fondéesexclusivement sur le pnncipe de l'équidistance,

ignorentles circonstances géographiquesspéciales dela zone en litige1''et quanà l'issue des

négociationsentre la Guinéeéquatonale etle Nigéria,dont le résultatéventuelne saurait lui
êtreopposé,le Cameroun, par une lettre au Greffier en date du 16 août 1999 (annexe RC

239), a indiqué qu'iln'avait "pas d'objection de pnncipeà l'encontre de cette intervention,

limitéeà la délimitationmaritime, quipourrait permettreà la Cour d'êtremieux informée sur

le contexte global de l'affaire.et de trancher plus complètement le différend qui lui a été
soumis". L'Agent duCamerouna ajouté :

"Le Cameroun estime qu'unetelle intervention s'inscrit dans le cadre d'un
droit reconnuà tout Etat tiers intéresàune instance par les articles 62 du

Statut et 83 du Règlement et que, dans son principe, elle répond aux
préoccupationsque la Cour elle-mêmea exprimées lorsqu'ellea procédé à
l'examen de la huitième exception préliminaire soulevéepar le Nigeria à
l'encontrede la recevabilitéde la requête du Cameroun.

"A cette occasion, laCoura préciséqu'elle

'ne saurait exclureque l'arrtemandé parle Cameroun puisse avoir sur les
droits et intérêtdes Etats tiers une incidence telle que la Cour serait
empêchée de rendre sa décisionen l'absence de ces Etats, auquel cas la
huitième exception préliminaire du Nigeria devrait être retenue, toutau

moins en partie.La question de savoir si ces États tiers décideront d'exercer
leurs droitsà intervention dans l'instance conformémentau Statut reste
entière'(arrêtdu 11juin 1998, affaire de larontière terrestre et maritime

111
V.not.l'ardte la C.I.J. du20février1969,affairesduPlateau continentalde la merduNord,Rec. 1969, p.
49,par.89. entre le Camerounet le Nigeria (Exceptionspréliminaires),Rec. 1998, par.
116,p: 324).

"Il résultede ces considérations que,dès la phase préliminaire,la Cour a
envisagéla possibilitéd'uneinterventionde la part d'Etatstiers, au nombre
desquels se trouve à l'évidencela Républiquede Guinée équatoriale (cf.
ibidem, p. 324, par. 116). Dès lors que celle-ci exerce son droit à
intervention, laCour devrait êtràmêmede résoudreplus complètementle

différend quilui est soumis.

"Comme l'arappeléla Haute Juridiction, '[dl'unemanière générale , rsque
deux pays définissent entre eux une fi-ontière,un de leurs principaux
objectifsestd'arrêter unsolutionstableet définitive'(arrêtdu15juin 1962,

affaire du Temple de PréahVihéar,Rec. 1962, p. 34). De même,le but de
tout règlementjudiciaire est de réglercomplètementet définitivementles
différendssoumis à la Cour par les Parties. Le Cameroun considère que
l'interventionde la Guinéeéquatorialedoit permettre à la Cour de se

prononcer sur une délimitation dela frontière stableet définitiveà l'égard
des Etatsintéressés".

9.144 Pour sapart, par une lettredu 10août 1999 (annexeRC 237), le Nigéria,

estimant - à tort selon le Cameroun (v. infra, pars. 9.147-9.148)- que l'intervention dela
Guinéeéquatorialene modifiait pas la situationjuridique, s'en est remis à la sagesse de la

Courpourdécider dusortde la requête à find'intervention.Toutefois,par une secondelettre,

en date du 13septembre 1999(annexe RC 242),l'Agentde la Républiquefédérale du Nigéna

a contesté lesconséquenceset les effets que le Camerounattribue àl'interventionet demandé

enconsêquence la tenue d'uneprocédureorale,quela Cour ajugéeinutile.

9.145 Au regarddes dispositionsen vigueur, on peut distinguer deux catégories

d'interventionselon quel'intervenant indique savolontéd'êtreou de nepas êtrelié par l'arrêt

que la Courest appelée à rendre dans l'affaireen cau~e"~.Comme l'Agentde la République

du Cameroun l'aindiquéle 11 octobre 1999 dansune nouvelle lettreau Greffier de la Cour
(annexe RC 243), la Partie camerounaise ne contestepas le droit de la Guinéeéquatoriale

d'intervenir en tant que tiers intervenant, ce que la Cour a du reste admis en l'espèce

puisqu'elleaccueille la requêtde la Guinéeéquatoriale à fin d'intervention"dans les limites,

de la manièreet aux fins spécifiées"ans celle-ci1I3.

112
V. not.l'opinionindividuelleduJugeMbayejoàl'arrêt21 mars1984,affaireduPlateau continental
113mahinyaarabelibyenne/Malte),Requêde l'Italieàfin d'intervention, Rec.1984,pp. 43-48.
Ordonnancedu21 octobre1999,par.18.1.

450 9.146 Dans son arrêtdu 21 mars 1984 relatif à la Requêtede l'ltalie à fin

d'intervention,la Cour a soulignéque, "en faisant objection à l'intervention de l'Italie, la

Libye et Malte ont indiquéleur propre préférence"et pris le risque d'un arrêltimité à la zone

sur laquelle l'Italie n'avaitpas fait valoir deétentions"4.Et c'est aprèsavoir cité à nouveau

ce passage, et rappelé"que Malte et la Libye s'étaienttoutes deux opposées" à l'intervention,

que, dans son arrêtau fond du 3juin 1985, la Cour conclut que sa décision"doit, comme on

l'(...) laisséprévoir,êtred'uneportée géographiquelimitée,de manière à ne pas affecter les

l prétentionsde 1'1talie""~.C'est donc bien parce que l'Italie n'avaitpas été autorisé e

intervenir, notamment du fait que la Libye et Malte ne s'étaienp t as "laisséesarrêter par une

vraisemblablelimitation de la portéede l'arrêd t e la Cour suite aux prétentionsitaliennes"en
s'opposant àcette intervention, que la Cour n'apas procédé à une délimitation complèteH6.

9.147 Il s'endéduita contrario que, dans l'hypothèse inverseoù les Parties ne

s'opposentpas à l'interventionet où celle-ci est admise, comme dans la présente espèce,la

solution inverse doit prévaloir et la Cour peut (et doit, conformément à la mission lui

incombant de trancher complètement lesdifférendsqui lui sont soumis) procéder àune telle

délimitation complète, que celle-ci soit ou ne soit pas juridiquement obligatoire pour

l'intervenant, pointsur lequel il neparaît pas indispensable au Cameroun de se prononcer'17.

Ceci constitue assurément le seuil minimal, en deçà duquel l'institution de l'intervention

perdrait tout sonsens.

9.148 De même, dansla présente affaire,on ne pourrait expliquer laphrasepar

laquelle la Cour, dans son arrêt du Il juin 1998,prend soinde réserver"la questionde savoir

si [les] Etats tiers décideront d'exercer leurs droits à intervention""' si la réponse à cette

question devait demeurer sans incidence aucune sur l'étenduede la compétencede la Cour -

d'autantplus que cette phrase conclut précisémentles développementsconsacrés à l'examen

114Rec. 1984,p. 27,par.43.
Il5Rec. 1985, pp.25-26,par.21.
116Ibid., p. 28, par.23, v. supra, pars.9.143-145. V. aussi lesu 14awil 1981 et du 24 février1982
relatifsla Délimitationdu Plateau continental(TunisidJamahiriyaarabe libyenne),danslesquelsla Course
montresoucieusede ne pas empiétes rurles droitsdes tieàsla suite du rejetde la demanded'intervention
maltaiseàlaquelleles Parties s'étotposéesR, ec. 1981,p. 20,par.35, etRec. 1982,p. 91,par.130.
117V. cependantles opinionsindividuellesoudissidentestrès argumenosintesparle JugeOdaauxarrêdtses
14 avril 1981, affaire du Plateau continental(TunisidJamahiriyaarabe libyenne), Requête de Mtefin
d'intervention,Rec. 1980, pp. 23 eS.; 21 mars 1984, affairedu Plateau continental (Jamahiriyaarabe
IibyenndMalte),Requêtede l'Italieafin d'intervention,Rec. 1984, pp.S.et 11septembre1992,affairedu

Dzfférendfrontalieterresire, insulaireet maritime,Rec. 1992,pp.619-622.
"8Rec. 1998,p. 324,par. 116 ;v.supra,par. 9.139.de la huitième exception préliminaire duNigéria.Elle montre clairement que la Cour

considérait que sila Guinéeéquatonaleet SZoTomé-e-Principe intervenaient,cette exception
devaitêtrerejetée.

9.149 C'est ce qui s'est produit au moins en ce qui concerne la Guinée

équatonale.Celle-ci ayant demandé à intervenir, les Parties ne s'y sontpas opposéesà la
différencede ce qu'avaientfait Malte et la Libye à propos de l'interventionde l'Italie (v.

supra, par. 9.146). Et la Cour a admis cetteinterventionpar son ordonnance du 21 octobre

1999.

9.150 De ce fait, l'intervention dela Guinéeéquatorialelèveune bonne part de

l'hypothèque que faisait pesersur la délimitationcomplèteet définitiveque le Cameroun

appelle de ses vŒux,la présencedans le golfe deGuinéed'Etatstiers dontles droits et intérêts

risquent d'être touchépar l'arrêàintervenir.Au moment oùla présente réplique est rédigée
,520Tomé-e-Principen'a pas exercéson droit à interventionévoqué par la Cour ;et ce n'est

qu'ence qui concerne la zone intéressant cetEtat que les problèmes posés parla huitième

exception préliminaire nigériane continuenàse poser.De l'avisdu Cameroun,cette situation

n'est cependantpas de nature à empêcherla Cour de se prononcer (v. supra, pars. 9.121-
9.138).

9.151 En tout cas, en ce qui conceme le reste de la délimitationque la

Républiquedu Cameroun prie la Cour de bien vouloireffectuer, aucunobstacle ne s'oppose
plus a ce que la Cour y procède,dans le respect des droits des Etats tiàrcommencer par

ceux de la Guinée équatoriale, mais sans qu'il y ait lieu, pour la Haute Juridiction, de

s'imposer les restrictionsqui l'avaient conduite à ne pas répondre complètementaux

conclusions des Parties dans l'affaire du Plateau continental (Jamahiriya arabe
libyenne/Malte)en 1985.

9.152 Pour éviter toute équivoquseur cepoint, le Camerounsouhaite préciser

de la manièrela plus formelleque la conclusionquiprécède ne signifie nullementd ,ans son
esprit,que la Cour pourrait,en rendant sonarr,epastenir compte des droitsdes Etats tiers,

mais, bien au contraire, que la présencede la Guinéeéquatonale àl'instance lui permet de

prendre pleinementen considération les droits decetEtat et de tracer entrele Cameroun et le

Nigénaune frontière maritimequi les respecteentièrement.Cette précision est importante carl'argumentationdu Nigénasur le tracéde cette ligne est largement fondéesur l'impossibilité

où se trouverait la Cour de faire droit aux conclusionsdu Cameroun du fait de l'absence des
Etatstiers concernés et,enparticulier, de la Guinéeéquatoriale.

9.153 Pour sa part, la Partie camerounaise considère que la ligne dont elle

suggère ci-dessus le tracé(v. le schémacartographiqueR 21) réaliseunjuste équilibreentre
les droits respectifs des Parties plateau continental eà une zone économiqueexclusive,

compte tenu des circonstancesde l'espèce. 3ème
l PARTIE

LA RESPONSABILITEINTERNATIONALE

~ DU NIGERIA CHAPITRE 10.

LES PRINCIPES APPLICABLES10.01 La présente affaire porte avant tout sur un différend frontalier qui a
conduit le Cameroun à demander à la Cour de rétablirl'ordre territorial perturbé par les

agissements du Nigéna. Les conséquencesqui, selonle droit international géné, écoulent

de la commission d'un acte intemationalement illicite n'enprésententpas moins une grande

importance non seulement en eux-mêmes, maisaussi parce que le Nigéria cherche à faire

accepter une doctrine selon laquelleles atteintesouverainetétemtoriale échapperaientau
régimegénérad le la responsabilitéinternationale,n résulteraiten particulier qu'ilsuàfirait

un Etat d'affirmer qu'il s'est trompé sur letracé de ses frontières pour éviter que sa

responsabilité internationalesoit engagéedu fait de la violation de ltemtoriale de ses

voisins. Cette thèse ne saurait êtrere:elle met en danger les bases mêmesdu système de
maintien de lapaix et de la sécurinternationales.

10.02 Comme l'objectif principal du Cameroun est de rétablir l'unité et

l'intégrité de sontemtoire national, il entend se prévaloirdes règles de la responsabilité

internationale, en premier lieu pour obtenir la constatation par la Cour que les parties du
temtoire camerounais illicitement occupéespar le Nigéna doivent lui êtrerestituées. Les

autres aspectsde la responsabilitéont également leurimportance.En particulier, le Cameroun

estime avoir droità réparationpour ces occupations illicites et les moyens utilisés par le

Nigéna pour y procéder (notamment et surtout, l'usage illicite de la force). En revanche,
comme il l'expliquera plusprécisément danlsa section du chapitre 11, le Cameroun tieàt

préciser d'oreset déjàque, contrairemenà ce que veut faire accroire la Partie nigériane,il

n'entre pas dans ses intentions d'obtenir nécessairemenrtéparationdu préjudicesubi du fait de

chacun des incidents frontaliers attribuablesauNigéna considérésisolément.

Section 1: LES ELEMENTS DE LA RESPONSABILITE
INTERNATIONALEDU NIGERIA

8 1- Le principegénéral

10.03 Dans le droit international contemporain, peu de règles sont aussi
incontestées que celle prévoyant que tout fait intemationalement illicite entraîne la

responsabilité deson auteur. Expriméeavec une clartéparticulièrepar la Cour permanente deJusticeinternationaleen 1928dans l'affaire del'Usinede Chorzow ',elle a étéentérinée pal ra

Commissiondu Droit intemational dans sonprojet d'articles sur la responsabilitédes Etats.

L'articleler deceprojet est rédigé comme suit :
"Tout fait intemationalement illicite d'un Etat engage sa responsabilité

internationalen2.

10.04 Les gouvernementsayant commentéles textes proposéspar la C.D.I. ont

trèsfavorablement,accueillicette disposition. Il en est de mêmepour la doctrine juridique,

quasimentunanimesur ce point3.La C.D.I., qui, depuis 1997, révise leprojet d'articles à la
lumièredes suggestions reçues,n'a donc vu aucunenécessité de modifier le texte de l'article

le' adopté en1996, qui est demeuré inchangé4,reflétant une règle désormais consolidée,

conforme à lapratiqueinternationale,

10.05 Ni les"petites"ni les "grandes"affairesne sont soustraites àl'application

du principe de base de la responsabilité.Aprèsl'agression de l'Irak contre le Koweit, le
Conseil de sécurité aexpressément constatéque l'agresseur était responsablede tout

dommage qu'ilavait causédu fait de l'invasion et de l'occupation illicitesdu ~oweit~.Dans

l'affaire du Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, la Cour a eu

l'occasionde confirmer l'étatdu droit positif de façon concise mais claire en précisantles

conséquencesdécoulantde l'engagementde la responsabilitéde l'Iran qu'elle constataitpar

ailleurs:

"Une conséquence évidentede cette constatation est que 1'Etat iranien a
l'obligation deréparer le préjudiceainsi causé aux~tats-unis"6.

' C.P.J.I.,arr, 3septembre 1928,SérieA, no 17,p. 47.
Rapportdela C.D.I.surles travauxdesa quarante-huitièmesession,Ann. C.D.I. 1996,vol.II, 2'm'partie, p. 62.
' V. par ex., P. Daillier et A. Pellet, Droit intemationalpublic (NguyenQuoc Dinh),L.G.D.J., Pans, 6& éd.,
1999, p. 780, par. 49; Su Robert Jennings et Sir Arthur Watts, (eds.), Oppenheimk International Law,
Longman, Londres, 9& éd., 1992, p. 528 ; E. Jimenez de Arechaga, et A. Tanzi, "La responsabilité
internationale desEtatsinM. Bedjaoui, Droit internation:lBilan et perspectives, UNESCOIPedone, 1991,
pp. 347 et 36;v. également AmericanLaw Institute,Restatementof theLaw Third,TheForeignRelationsLaw
of theUnitedStates,ol. 2, AmencanLaw InstitutePublishers,St.Paul, 1987,p. 340, par. 901.
DOC.A/CN.4/L.569,4août 1998.
Conseildesécwitér,ésolution687(3 avril 1991),par. 16.
C.LJ.arrêt24mai 1980,Rec. 1980,pp. 41-42, par. 90. Le Nigériaayant violél'intégrité temtoriale du Cameroun,est donc dans l'obligation de
réparer tousles dommages subis par le Cameroun en conséquencede ces violations, telles

qu'elles sontdétailléesdanslaprésentepartie de la réplique.

10.06 D'après leprojet d'articles de la C.D.I., la responsabilitéd'un Etat est

engagéelorsque deux conditions cumulatives sont remplies. En premier lieu, il faut qu'un
comportement soit attnbuable à1'Etaten question, et, en second lieu, ce comportement doit

constituer une violation d'une obligation internationale de cet Etat. Bien que l'article 3 du

projet qui énonce cetterègleait étésoumis à certaines modifications d'ordre rédactionnelen

deuxièmelecture7,son contenu est restéintact. Pas davantage qu'à l'article ler, la C.D.I.n'a
trouvé la moindre raison d'apporter des amendements substantiels au texte approuvéen

premièrelecture en 1996.

l 5 2 - L'attribution

10.07 En ce qui concerne l'attribution au Nigénades actes qui constituent des

violations du droit international applicable, il convient de soigneusement distinguer selon les
circonstances. Pour ce qui est de la presqu'île de Bakassi et de la région dulac Tchad, le

Nigériaa maintenant clairement dévoilé ses intentions.Il désire annexerces temtoires. La

réalité surle terrain confirme cette volontépuisque le Nigériaa envoyé des contingents

militairesdans ces deux zones et essaie depuispeu d'y établirune administrationcivile. C'est
admetireouvertement le rôle que l'Etat nigérian lui-même ajouéet continue dejouer dansle

développementdu différend frontalier.On ne sauraitapportermeilleurepreuve de l'attribution

au Nigériades atteintes portées àla souverainetétemtoriale camerounaise. Seul 1'Etatlui-

mêmepeut être l'auteur d'une revendication temtoriale et d'une tentative de la réaliserpar la
force.

10.08 En ce qui concerne les multiples incidents survenusle long de la frontière

depuis la presqu'île de Bakassi jusqu'au lacTchad, la présente réplique montreclairement

dans quellemesure les autoritésnigérianes ontété impliquées (infra,chapitre 11,section4).
Le Cameroun reconnaît sans ambages que 1'Etatnigérian nepeut encourir de responsabilité

pour des actes commis exclusivement par des particuliers, et qui n'ont pas étéportés àla

'DOC.A/CN.4L.569 ,4ût1998p,.2.connaissance des autorités nigérianescompétentes.En effet, un Etat n'est directement

responsablequepour les actescommispar sespropresorganesetnonpas pour les activitésde
ses citoyensen tant que tels (art. 5 du projet de la C.D.I.sur la responsabilitédes Etats).Bien

que cette distinction entre actes officiels et actes privéspuisse parfoisparaître quelque peu

artificielle, le Cameroun reconnaît que le projet de la C.D.I. reflètela situation du droit

intemationaltel qu'il s'estformédans la pratique.

10.09 Toutefois,il convient de rappelerque tout Etataun devoir de vigilance à

l'égardde l'ensemble de son temtoire. Cette obligationvise notammentles activitésde ses

nationaux - même agissanten tant que personnes pnvées - lorsque celles-ci mettent en péril

l'intégritétemtoriale d'un Etat voisin. L'expression la plus manifestede ce devoir de

vigilance se trouve dans la célèbre sentence arbitrale rendue dans l'affairede la Fonderie de
Trail :

"no State has the right to use or permit the use of its temtory in such a
manner as to cause injury by fumes in or to the temtory of another or the

properties or persons therein, when the case is of serious consequence and
theinjury is establishedby clearandconvincingevidencen8.

Dans cetteespèce,ce n'est pas 1'Etatcanadien qui avait agi,maisune entrepriseprivée ayant

menéses activités pendant de longues annéesa ,lors que les autoritéscanadiennes avaient

connaissancedes dommagescauséspar les fuméesnocivessur letemtoire américainvoisin.Il

résulteclairement de cette décisionque les autoritésd'un Etat sont tenues d'empêcher ou

d'arrêterles agissements de personnespnvéesattentatoires aux droitsd'un autre Etat dès lors
qu'ellesen ont connaissance, ouauraient pu l'avoir sielles avaientagi avectoute la vigilance

requise (duediligence).

10.10 Le mêmeenseignement découlede l'arrêt de la Cour dans l'affaire du
Détroitde Corfou.Dans cettedécision,la Cour a soulignéendestermestrèsnets

"l'obligation, pour tout Etat, de ne pas laisserutiliser son temtoire aux fins

d'actes contrairesaux droits d'autres~tats"~.

Sentencearbitrale,11mars1941,R.S.A.,vol.III,p. 1965.
C.I.Jarrê9t,avril1949,Rec. 1949,p22.Partant, la responsabilité duNigéria peutêtreengagée mêmsei les actes illicites dont elle

découle sontle fait de particuliers non habilitéà exercer des compétencesde puissance
publique. Clest alors l'omissionde mettre fiàde tels actesqui constitue le fondement dela

responsabilité.11s'agit d'une responsabilitépar ricochet pour violation du devoir de faire

cesser des activitéscausantdes dommages à unautreEtat.

10.11 La responsabilité d'unEtatpeut, de plus, découlerde l'appui ouvert que
ses autoritésdonnent à des actes commis par des particuliers etqui seraient contraires aux

exigences du droit international. La Cour a expriméce principe dans son arrêt relatifau

Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhérano , ù elle a constatéque

l'occupation des bâtimentsde l'ambassadedes Etats-Unisainsi que la prise en otages des

citoyens américains affectés à cette ambassade avaient été pleinemena tpprouvéespar le

gouvernement iranien''.Unanimementapprouvé par la doctrine,ce principe a érécemment
ajouté parla C.D.I.aucorps de règles codifiantledroitde laresponsabilitédes Etats. L'article

15bis, adopté provisoirementpar la C.D.I.en 1998,est libellé commesui:

"Le comportement d'une personne,d'un groupeou d'une entitéqui n'est
pas attribuablà un Etat selon les articles 5, 7, 8, 9-ou 15 est néanmoins
considéré comme un fait de cet Etat d'aprèsle droit international si et dans
lamesure où 1'Etatentérineoufait sienlecomportementen question"11.

Par conséquent,dans lamesure où des autoritésnigérianeslocalesont agide concert avecdes

personnes privées violant l'intégrité temtorialdeu Cameroun, ou ont appuyé detelles

violations après qu'elles ontété commisesl,e Nigéria estresponsablede tous les doinmages
qui en ont résulté. eci sera montréen détaildansle chapitre suivantau regard des incidents

mentionnés par le Cameroundanssesprécédentesécritures.

53 - La violation par le Nigériade ses obligations envers le
Cameroun

10.12 Le deuxièmeélément constitutid f'un acte intemationalementillicite est

la violation d'une obligationinternationale,Dans son contre-mémoire,le Nigéna prétend à

maintes reprises qu'iln'a pas enfreintde règle le liant qu'il s'agittout simplement d'un
"disagreement about the application of a legalprinciple"qui, selon lui, ne constitue pas une

10C.LJ.,arrêt,4 mai1980,Rec. 1980,pp.33-35.
" DOC.NCN.4L.569,4 août1998,p.3.base susceptible d'engager aesponsabilité internationale(Cm, vol. a, p. 630, pars24.12 ;

p. 631, par. 24.1;p. 633, par.24.20; p. 634, par. 24.24 ; p. 640, par. 24.40). Cette thèseest
doublementfausse et n'est fondéesur aucunerègle de droit international.

10.13 En matièrede responsabilité,il existe une alternative nette et simple.OU

bien un Etat respecte ses engagements internationaux, qu'ils résultentde traitésou de la
coutume et qu'ils s'incarnentdans des principes ou dans des règles, distinction d'ailleurs

purement académiqueD . ansce cas, la questiond'une responsabilité éventueee seposepas.

Ou bien, dès lors qu'un Etat viole ses obligations internationales, sa responsabilité est

engagée.Tertiun mon datur. Bien sûr, il s'agit toujours de savoirquand et dans quelles

circonstancesunEtat peutêtreconsidéré comme ayantenfteint sesobligations internationales.
Mais aucun Etatne peut s'exonérer de sa responsabilité en alléguant qu'il acommis une

erreur dedroit.

A - La réalité concrètedu différend

10.14 II est bien évidentque les divergencesde vues séparantles Partiesne se

limitentpas àune oppositionthéorique.On peut admettreque le fait pour un Etat dedéfendre

une thèse juridique spécifique'entraîne pas sa responsabilité aussilongtemps que, par des

moyens pacifiques, il cherche à convaincre l'autre Partie du bien-fondé de sa thèse. Ici,
cependant, la situation est foncièrement différenLe Nigénane s'est pas borné à discuter

avec le Camerouncertainesdifficultés concernant lafrontière commune qui ontsurgidans la

pratique. Il a agi unilatéralement, eten plusieurs lieux, avec l'intensitéla plus extrême,à

savoir par la force militaire.C'est belet bien nier la réalid'alléguerqu'entre leNigéna
et le Cameroun il n'y auraitqu'une simple divergencede vues. En particulier, dans la

presqu'île de Bakassi, des lunes arméesont eu lieu, le Nigéna ayant attaquéles forces

camerounaiseslimitéesqui y étaient stationnéesL . e différendest donc bien réel,et il est

nécessairede l'apprécier à la lumière des règlesfixant le régime de la responsabilitéinternationale.En prétendantle contraire, leNigéria cherche, ici enàremettre en causela

décision,dépourvuede toute ambiguïté, prisepar la Cour dans l'arrdu 11juin 1998 sur les

exceptionspréliminaires'2.

B - L'interdiction absoluedu recouràla force

10.15 Pour l'essentiel, deux principes fondamentaux ont étéviolés par le

Nigéna : le pnncipe du non-recours à la force et celui de la souverainetéet de l'intégrité

temtonales des Etats. Le premier est inscritàl'article 2, paragraphe 4, de la Charte des

NationsUnies,mais égalementancré dans le droitcoutumiercomme l'aconstaté laCourdans

l'affaire desActivités militaireset paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ciilest

certes loisibàeun Etat de faire valoir que la situation sur le terrain ne corresponà las

délimitationde la frontière tellequ'elle résulte des instrumentsjuridiques pertiIlpeut
prétendre égalemenq tue les instruments qui portent réglementationde la frontière sont

entachésde vicesles rendantinvalides. Cependant,le droit international contemporainconnaît

uneinterdictionabsolue de recourià la force mée pour réaliserles revendications résultant

de telles contestations. Tous les différendsterritoriaux doivent êtrerésolus de manière

pacifique.Saufencas de légitimedéfense, l'interdictionmoyens coercitifsest absolueetne

connaît point d'exceptions. Il est patent que l'opération du Nigéria coea presqu'île de

Bakassi constitue l'exemple type d'une action militaire d'envergure qui remplit toutes les

conditionsd'une agression. Commele Cameroun l'a montré dans sonmémoire (MC, pp.615-
616, pars. 6.162-6.163), l'attaque contrela presqu'île suivait un plan soigneusement mis au

point. Elle engageait des contingents militaires massifs. En ce qui concerne les autres

violationsde la frontière commisespar le Nigéria,il ne convient pas, dans le contexte du

présentchapitre,de les passer enrevue une par une pourles appréciàla mesure du principe

de non-recours à la force; les explications nécessairesseront donnéesdans les chapitres

suivants.

10.16 Quoi qu'il en soit, et mêmedans les cas où les événementsdéclenchés

parleNigénan'atteignentpas lagravité d'uneviolation dupnncipe de non-recours à la force,
les atteintes aux droits du Cameroun s'analysent en autant de violations de sa souveraineté

13C.I.Ja.,êI,juin1998R,ec. 199,.315,par.87.
C.LJ.arrêt7juin1986R,ec. 198,.100,par.188.temtonale. LeNigéria a l'obligation,et il lui incombe toujours, de respecter la frontièretelle

qu'elle existait au moment où les deux pays ont obtenu leur indépendance. Il n'est pas

seulement interdit de violer par la force militaire des frontières internationales; les parties

intéressées sonten outre tenues de s'abstenir de tout autre acte d'interventionportant atteinteà

la souverainetétemtoriale de leurs voisins. Toutes les raisons avancéespar le Nigéria, qu'il

prétendsusceptibles de justifier son action au méprisde la délimitationentre les deux pays,

sont dépourvuesde fondementjuridique.

C - La clarté dela délimitationtemtoriale

10.17 Dans le présent chapitre,la République duCameroun nes'attacherapas à

démontrerque la presqu'île de Bakassi et la région deDarak envahiespar le Nigénarelèvent

de la souveraineté camerounaise, ceciayant été établi par ailleurs(v. supra, chapitres 2, 3 et

5). Cependant, il convient de rappeler en quelques mots l'argumentationcamerounaiseafin de

réfuter lathèsenigériane selon laquelle, même si les zones disputéesentre les deux Etats

appartenaient au Cameroun, le Nigérian'a commis aucun acte illicite, étantdonnéle manque

de clartéconcernant le tracéde la frontière.Ce prétendu manquede clarté estpure invention.

Aucun doute sérieux n'est permisen ce qui concerne l'appartenanceau Camerounde cesdeux

zones réclaméep sar le Nigéria.

10.18 Le fondement principal des droits souverains dontjouit le Cameroun est

constituépar le pnncipe de l'uti possidetis, principequi est applicable en Afnque au même

titre qu'en Amérique latinecomme l'a rappeléla ~our'~.Ce sont les frontières héritées du

passécolonialqui déterminentle statut territorial de tous les Etats afkicains.Avec unevigueur

remarquable, la Chambre de la Cour a souligné l'importance dece principe, particulièrement

pour lYAfiique,dans l'affaire duDifférend frontalier :

"Il constitue un pnncipe général,logiquement lié au phénomènede
l'accession à l'indépendance, où qu'ilse manifeste. Son but évidentest
d'éviter quel'indépendance etla stabilité des nouveaux Etats ne soient

mises en danger par des luttes fratricides néesde la contestation des
frontièresà la suite du retrait de lapuissance ad~ninistrante"'~.

~ p ~ ~

lC.I.J.,arrêt,2 décembre1986,affaireduDzfféï-endfrontaliBurkinaFaso/Républiqud eu Mali),Rec1986,
pp.565-567.
'Ibid.,p.565,par.20. 10.19 L'application de l'utipossidetis ne laisse planer aucun doute sur le tracé
de la frontière. L'ensemble de ce tracéest clairement définipar des traités ainsique par

d'autres actes internationaux dont la validitén'est pascontestable. Or, dans son contre-

mémoire,le Nigériane chercheni plus ni moins qu'à nierI'applicabilitédu pnncipe de I'uti

possidetis. Accueillir favorablement cette thèse révolutionnaireaurait pour conséquence

immédiate de bouleverser l'ensemble de l'ordre temtorial de l'Afrique toute entière.
Pratiquement toutes les frontièresafricainesseraientremisesen cause,et quasiment aucune ne

demeurerait stable. 11n'est nulbesoin de soulignerquel'attaque frontalemenée parle Nigéna

contre le pnncipe de I'utipossidetis n'est pas en conformité avec ledroit international en

vigueur, qui s'impose à tous lesEtats africains,ycomprisauNigéna.

10.20 La différenciation entreprincipes et règles, que le Nigéria cherche à

introduire au paragraphe 24.39 de son contre-mémoire (CMN,vol. DI, p. 640), n'a aucune

valeur. Ily est précis:

"it must be observed that the principleof utipossidetis juris isjust t-aa
'principle', and not a rule of law creating for successor States a specific
legal obligation".

Cette tentative de différenciation videraitle principe de l'uti possidetis de tous ses effets

juridiques. Or, l'argument selon lequel l'uti possidetis ne produirait aucune obligation

internationalepour un Etat successeurest en contradictionévidenteaveclajurisprudence de la

Cour dans l'affaire du Différend frontalier. C'est précisément lafonction de l'uti possidetis
que de lier les Etats issus de la décolonisationpar des traitésainsi que par d'autres actes

conclus avant leur accession à l'indépendance,donc par des Etats tiers (ou des organismes

internationaux),au premier rangdesquels on trouvelesanciennespuissances coloniales.

Par ailleurs, prétendre qu'un"principe" n'est pas susceptible de faire
10.21
naître des obligations juridiques s'imposant aux sujets dedroit international se trouvant dans

sa sphèred'application équivaut àpriver d'effet juridiquel'article 2 dela Charte des Nations

Unies qui classe toutes les règlesfondamentales du droit international moderne qu'il énonce

parmi les "principes". Si l'onprenait au sérieux l'argumentationdu Nigéria,le non-recours à
la force,pilier central d'un ordreaxésur la paix et la sécurinternationales,seraitun concept

dépourvude force contraignante,ne possédantpas laqualitéd'une"règle".Cette conséquenceabsurde montre à elle seule que la construction juridique suggérée parle Nigéria est
totalement irrecevable.

10.22 Au paragraphe24.39 de son contre-mémoire(Cm, vol. IIIp . 640), le

Nigéria ajoute quele principe de l'uti possidetis n'implique pas l'obligationd'un Etat

successeur de respecter ce principe sans égardpour les doutes et défauts("doubts and
defects") qui caractériset ne frontièreexistante. ne s'agit, encore une fois,de rien d'autre

que d'une tentativepourneutraliserl'applicationduprincipe del'utipossidetis. En effet,pour

prouver l'existence de"douteset de défauts",les auteurs du contre-mémoire remontent, ans

le chapitre IV,jusqu'audm siècle (CMN,vol. 1,p. 56, par. 4.4). Il va de soi qu'au cours
d'une histoire englobant plusde dix siècles,nombre de migrations et dechangements ont eu

lieu, qui sont du plus grandinténton seulementpour les historiens, maiségalementpour les

peuples du continentafricain eux-mêmesL . eur identité actuelleayant été façonnépear le

cours de l'histoire, ilsdoiventconnaître ce passépour se connaître eux-mêmesI6. outefois,

en droit, l'histoire dessièclesantérieàrla colonisation, souvent impénétrabln,e revêt pas
de pertinence. Les nationsafricaines ont, dans leur sagesse, délibérémentéféré s'en tenir

aux frontières tracéepar les puissances coloniales, mêmesi souvent ces frontièrespeuvent

paraître peu opportunesetparfoismême arbitraires.C'est l'essence mêmepd runcipe de l'uti

possidetis de faire fi des luttes du passé pour obtenir une stabilité de emtonal sur le
continenta6icain.

D - L'interdictiondu recourà la force s'imposesurtout par rapport
auxdifférendstemtoriaux

10.23 Il est clair que les frontières établies doiventêtre respectées,

particulièrementen casdedifférendrelatif àcesdernières.Il ne suffitpaspour un Etat denier

la validité d'un tradedélimitationpour qu'il puisse employelra force afinde faireprévaloir
sonpoint de vue subjectif.Le principede l'inviolabilitédes frontières acquiertson importance

précisément dans de telles situations, où un Etat prétendqu'une parcelle de temtoire en

possession d'un de sesvoisinsluiappartienten vertud'un titre plus solide.Tous les différends

internationaux doiventêtre réglds manière pacifique.Le Cameroun peutse prévaloir d'une

sériede traitésinternationauxqui lui amibuent la souveraineté surla presqu'île de Bakassiet

1C'estpourquoil'UNESCO alancédepuis1980sasérie "Histoirgeéneel'Afriquevenhuit volumes.la régionde Darak (v. supra, chapitre2, par. 2.09). Du reste, le Nigéria abesoin de centaines

de pages pour tenter de prouver que, du fait de certaines raisons historiques et de

développements factuels s'étant produitsaprèsl'accessiondes deux pays à l'indépendance,le

Cameroun aurait perdu ses titres temtoriaux. Certes, il est loisible à tout gouvernement de

présenter des revendications temtonales et de demanderque ces revendicationssoient traitées
dans le cadre d'une procédure de règlement pacifique des différends. Mais il lui est

catégoriquementinterditde recourir à la force pour imposer son point de vue par des moyens

de contrainte militaire.

10.24 La résolution2625 (XXV) adoptéele 24 octobre 1970 par l'Assemblée

généraledes Nations Unies, et reconnue par la Cour comme reflétantfidèlement le droit

coutumier en ce qui concerne le non-recours àla force", ne laisse subsisteraucune équivoque

à cet égard.Dans la partie qu'elle consacre spécifiquemen t ce principe, l'Assembléegénérale
rappelle que :

"Tout Etat a le devoir de s'abstenir de recouràrla menace ou à l'emploi de

la force pour violer les frontièresinternationalesexistantes d'un autre Etat
ou comme moyen de règlementdes différendsinternationaux,y compris les
différendstemtonaux et les questionsrelatives aux frontièresdes Etats".

Si l'interdiction du recoursà la force n'était pasapplicable aux différendsse rapportant aux

frontières internationalesdes Etats, le droit international inviterait quasiment les Etatsser
de la force pour réglerce genrede litiges. Dans l'intérêtu maintien de la paix internationale,

il est essentiel que le non-recourà la force s'imposecomme une règleabsolue, cédantle pas

seulement dans une situation de légitimedéfenseou enraison d'une autorisation donnée parle

Conseil de sécurité.

10.25 La pratique est entièrementen conformitéavec la codification du droit de

la Charte et desrègles coutumièresopérée par l'AssembléegénéraleA . insi, par exemple, dans

le cas des Iles Malouines, le Conseil de sécurité, tout maintenant un certain équilibreentre
les deux parties au conflit, a néanmoinsdemandé leretrait immédiatde toutes les forces

argentines des Iles(résolution502 (1982),paragraphe2), alors que l'Argentine arguait que ces

dernières avaient été occupéeisllicitement par la Grande-Bretagne au début du>m("" siècle

17
C.I.J.arrêt27juin 1986,affairdes Activités militast paramilitaires au Nicaraetcontre celui-ci,
Rec.1986,pp. 100-103.et que, en conséquence,l'ensemble de l'archipel lui revenait de plein droit. Le Conseil de
sécuriténe s'est pas laisséimpressionner par cette argumentation et a condamnéle recoursà

la force.Demême,l'invasiondu Koweit par les forces militaires irakiennes avait étjustifiée

par l'Irak par la thèse selon laquelle, en réalité,le Koweit n'étaitautre qu'une province de

l'Irak. Encoreune fois, le Conseil de sécurité a refusé de donner aval àcette construction

juridique aussiartificielleque fausse.Dans sa résolution660 (1990), il a vivement condamné
l'invasionduKoweit par les forcesirakiennes.

E - "Honest belief' et "reasonable mistake" n'excluent pas la
responsabilitédu Nigéria

10.26 Il est vrai que la responsabilitédu Nigériaest engagéeuniquement dans

les cas oùil avioléles principes et règlessusmentionnés.Le contre-mémoireinsistesur le fait

qu'en tout étatde cause, les autorités impliquées dans les actes contraires à l'intégrité
temtonale duCameroun ont agi de bonne foi. La thèsecentraledu Nigériaconsiste àaff~nner

"honest belief and reasonable mistake serve to preclude international
responsibility"(Cm, vol. iü, pp. 639 et 645, pars. 24.34 et 24.48).

Cette thèsen'estjustifiéeni sur le plan de la théoriejuridique, ni au regard des réalitésde
l'espèce.Il n'existe aucune exception au régime dela responsabilitéconçue dans les termes

utilisésparleNigéria.D'autrepart, il nepeut êtrequestionde bonne foi de la part du Nigéna.

10.27 Il convient de préciseren premier lieu que le droit international connaît
une liste exhaustivede circonstancesexcluantl'illicéité. Cette l,ue le projet de la.D.I. a

énoncée dansson projet d'articles surla responsabilité des Etats portant codificationdu droit

coutumierenvigueur, ne saurait êtrerallongéearbitrairementselon le bon vouloir de celui qui

cherche à seprocurer un avantagejuridique. Aucun des articles dece projet ne sauraittrouver

applicationen l'espèce.l est évident que le Cameroun n'a jamaisdonnéson consentement à
l'occupationde son temtoire par le Nigéria,que ce soit de façon directe ou indirecte (article

29). Les contre-mesures n'entrent pas en ligne de compte puisque le Cameroun n'a pas

enkeint les obligations qui lui incombent envers le Nigéria (article 30). Par ailleurs, les

contre-mesuresarméesn'ont plusde place dans le droit internationald'aujourd'hui11est clair
égalementque le Nigériane peut pas invoquer à son bénéfice l'étate nécessité (article 33). C'est en vain qu'on cherche les "honest belief and reasonable mistake" - "reasonable
mistake" constituant au surplus une association de termes bien curieuse- aans l'Œuvre dela

C.D.I.

10.28 11est également exclu de classer les "honest belief and reasonable
mistake"comme excluant l'idéede faute. Il résultedu projet de la C.D.I. sur la responsabilité

des Etats que la faute n'estpas un élémenctonstitutif du fait internationalementillicite. Ceci

ne signifie pas que la faute ne joue aucun rôle dans le régime de la responsabilité

internationale.Sur ce point, tout dépenddu contenu des règlesprimaires. Tantôt un certain

résultatdoit êtreatteint sans que 1'Etatqui n'y parvient pas puisse invoquer les circonstances
qui ont empêché ou retardé sonaction. Tantôt les Etats n'ont d'autre obligation que de

déployerleursmeilleurs efforts dans un sens donné.

10.29 En ce qui concerne le respect des frontières de leurs voisins, les
obligations découlantdu droit international sont particulièrement strictes. Les Etats eux-

mêmes sonttenus de s'abstenir de tout actede force au-delà des frontièresexistantes. Aucune

excuse ne sera admise s'ils ont envahi le temtoire d'un autre Etat. Utiliser la force est

absolumentproscrit.

10.30 Quant aux activitésde ses citoyens,un Etat est tenu de faire tout ce qui

peut raisonnablement lui être demandé afin d'évitelres atteintes aux temtoires des pays

voisins. Dans un domaine aussi fondamental, le plus haut niveau de diligence s'impose. On

est donc loin duparamètre suggérépar le Nigénaselon lequel "honestbelief and reasonable
mistake" excluraient toute responsabilité. Le critère décisif ne saurait êtrel'opinion du

gouvernementconcerné. Contrairement a la thèseavancéepar le Nigéna, lejugement à porter

sur un comportement controversédoit se baser sur des critèresobjectifs. Il faut se demander

quelle attitude peut êtreattendue d'un bon gouvemement, qui prend au sérieux ses

engagementsinternationaux.

10.31 Il est important de répéterqu'en ce qui concerne l'emploi de la force

militaire,"honestbelief andreasonable mistake"ne peuventjouer le moindre rôle. Le recours

à la force est interdit et proscrit, et aucun gouvemement ne peut faire valoir qu'il n'étaitpas
informéde ce principe fondamental du droit international contemporain qui s'est développésur la base de la Charte des Nations Unies, ou qu'il pensait qu'ilne s'appliquait pasà des
différendstemtonaux. AucunEtatnepeut se retrancherdemèreunehypothétique"bonne foi"

pour s'exonérerde sa responsabilitàcet égard.

10.32 En ce qui concerne les autres actes ayant portéatteinàel'intégritdu

Cameroun, leNigéria invoquelesdivergences devues entreles Partiesquant àl'appartenance
temtonale de la presqu'île de Bakassi et de la régionde Darak.Toutefois, l'argumentation

telle qu'elleestdéveloppéedans le contre-mémoirenemontrenullementque le Nigériaa fait

preuve de la diligence requise dans un cas de ce genrilest clair,surtout après l'ate la

Cour rendu dans l'affaire du Dzfférenfrontalier, qui n'a fait que confirmer la résolution de
l'organisation de l'Unitéafricainede 1964 sur l'intangibides frontièresen Afrique,que ce

sont les frontièreshéritées du colonialisme qui fotoi et que les éléments srapportant à

l'histoire des siècles antérieont étédélibérément excluA s.ucunEtat ne peut ignorerces

donnéesde base qui ont marquétoute l'histoire du continentdepuisla fin de la domination

étrangère. Quiconque veutbouleverserl'ordre établien affirmantque d'autres considérations
devraient êtrprises en compte introduit un élément grave'instabilité dans l'oreridique.

Conformémentaux principes fondamentauxde l'ordre publicafricain,les frontièresexistantes

doivent êtrerespectées, saufaccordentre les parties intéressé.estatu quo n'est donc pas

immuable et rigide.ilest toujourspossible de changerune délimitationqune correspondpas
aux besoins de deux nations voisinespar accord mutuel. Maisle Nigénane s'est même pas

engagédans la voie du changementpacifique, où des revendicationspolitiques peuvent être

présentéesen dehors des procéduresspécifiquementjuridiques. Il a tout de suite optépour

l'emploi de la force, tout au moinsen ce qui concernela presqu'îlede Bakassi etla régionde

Darak. Un Etat qui s'aventureà violer ouvertement l'un des principesfondamentauxdu droit
international ne saurait arguer après coup, alors que les faits sont soumis à un juge

international, qu'à son grand regret il s'est trompéet que, par conséquent,on ne peut lui

reprocher d'avoircommis un délitinternational.

F- Lalégitimedéfensene peut être invoquépar leNigéria

10.33 Complétantson argumentation, le Nigériafait valoir qu'il se trouvaiten

situation de légitime défensel,a presqu'île de Bakassi ainsi que la régionde Darak ayanttoujours étéplacées sous la souveraineténigériane(CMN,vol. DI, p. 630, par. 24.13;p. 639,
par. 24.35 ;p. 646, par. 24.49). Cet argumentconstitue unenouvelle fois une distorsion des

faits, au demeurant fort simples. En vertu du principe de l'uti possidetis, ce sont les

instruments internationaux pertinents qui déterminentles statuts temtoriaux respectifs du

Cameroun et du Nigéria.En prétendant quela situationréelle ne correspond pasau droit en

vigueur, le Nigériane saurait faire jouer en sa faveurl'article 51de la Charte des Nations
Unies. En temtoire camerounais, le Nigériane jouit pas d'un droit de légitimedéfense.

L'agression contre la presqu'île de Bakassi et la régionde Darak est donc et reste illicite.

Aucune circonstanceexcluantl'illicéité ne peutjouerici.

10.34 Pour conclure les développements consacrés à l'origine de la
responsabilité du Nigériao,n peut relever que, selonle projet d'articles de la C.D.I., le degré

de la faute sous-jacente à l'action de 1'Etatqui a commis le fait intemationalement illicite

n'estpas un élément constitutidfe la responsabilité.Leprojet ne connaît pas de circonstances

atténuantes.Tout au plus, en ce qui concerne la satisfactioncomme mode de réparation,le
texte de l'article 45 laisse-t-il entrevoir que son montant pourrait varier en fonction de la

gravité desreproches qu'on peut faire à1'Etatresponsable. Eneffet, selonle sous-paragraphe

c)du paragraphe2 de cettedisposition,la satisfactionpeutcomprendre

"en cas d'atteinte grave aux droits de 1'Etatlésé, des dommages-intérêts
correspondant à la gravité del'atteinte".

Mais cet élémentne pourrait être prisen considération, lecas échéant, qu'au stade de la

fixation des modalitéset du montant des réparations.Pour le reste, le caractère négligenou

intentionnel de la violation en question n'est pas retenucomme facteur susceptible d'influer

sur l'ampleurde la réparationque 1'Etatlésé est endroitd'obtenir.Le Nigériaest donc obligé
d'accorderune réparation totale et entièrepourles dommagesqu'il a causés au Cameroun.

§4 - Les conséquencesde la responsabilité du Nigéria

10.35 D'après les articles 41 et42 du projet de la C.D.I. sur la responsabilité

des Etats, les conséquences normalesd'un fait intemationalementillicite sont les suivantes:

i) la cessation du comportement illicite (article41), ce qui signifie en l'espèce quele Nigéria

doit se retirer de toutes les zones placées soussouverainetécamerounaise et ii) la réparation(article 42), qui comprendla restitution en nature, l'indemnisation, la satisfaction et les

assurances et garanties de non-répétitionL . es règles exposées dansle projet de la C.D.I.
reflètent toutesle droit international coutumieren vigueur et sont d'application générale.Il

n'existe pasde matière soumise à un autrerégime.Dans l'affaire.du Temple de PréahVihéar,

la Courn'adu restepashésité à tirer des conclusionstrèsconcrètesde son constat selonlequel

le temple se trouvait situéen temtoire cambodgien. Elle a donnésuite aux conclusions du

gouvernement cambodgien visant à obtenir réparation pour l'exercice illicite de la
souverainetéthaïlandaisesur le temple en spécifiantdans le dispositif de son arrêtque la

Thaïlande étaitdansl'obligation,d'une part, de retirer tousles élémentsde ses forcesarmées

et de sa police installésdans letemple et dans ses environs, et, d'autre part, deremettre au

Royaume du Cambodgeles sculptures,stèles, fragments de monuments, maquetteen grèset

poteries anciennesqui avaientété enlevésdutemplepar les autoritésthaï~andaises'~.

10.36 Dans cette espèce,la compétence de la Cour était fondée sur des

déclarationsfaitespar les deux Etats, le Cambodgeet la Thaïlande, en vertu de l'article 36,

paragraphe 2, du Statutde la Cour. LeCambodge avait donc toute latitude pourformulerses

conclusions. Dans les cas postérieursde différendstemtonaux, la Cour a toujours été saisie
sur la base d'un compromisqui définissait defaçon méticuleuse l'objet du différend don at

Cour pouvait connaître.De cefait, le requérant,même s'il a eu gain de cause, s'est toujours

vu empêcherd'allea ru7delàde l'objectifpremier du recours à lavoiejuridictionnelle,àsavoir

la clarification de la délimitationcontroversée. Cela estvrai aussi bien pour l'affaire du

Diffëvendfrontalier entre le BurkinaFaso et la République du~ali'~ que pour le Dflérend
frontalier terrestre, insulairetmaritime entre El Salvador et le ond dura s^ e Diffërend

territorial entrela Jamahiriyaarabelibyenneet le cha ad ^ '.conséquent, dans cesespèces,

la Cour n'a pas eu la possibilitéde s'exprimer surles suites qu'entraîne l'occupation illicite

du temtoire d'un autreEtat.

10.37 L'affaire du Temple reste donc le précédentde principe en ce qui

concerne les conséquencess'attachant à une violation de l'intégritéterritoriale. Comme le

montre cette affaire,la Couradéjàappliqué à des conflits temtonaux les principes de l'article

18C.I.J., arrêt1,5juin 1962,Rec.1962,pp. 11et37.
l9C.I.Jamêf 22 décembre986,Rec.1986,p.557.
C.I.J., arrêt1,1septembre1992,Rec.1992,p.356.
21C.LJ.,arrêt,fémier1994,Rec.1994,p. 9.41 du projetde la C.D.I. - en demandant que la Thaïlanderetire toutes ses forces de sécurité -

et ceux del'article 42 en conjonction avec l'article 43 (restitution en nature)- en décidant que

les objets retirésdu temple devaient tous êtrerendus au Royaume du Cambodge. Il est donc

faux deprétendre que lerégime normalde la responsabilitéinternationale ne s'applique pasen

cas de différendsterritoriaux.

Section 2 : LA PREUVE DE LA RESPONSABILITE

1 - La charge de la preuve

10.38 En la présente affaire, la responsabilité du Nigéria soulève trois

problèmesde preuve bien distincts. D'une part, il incombe aux Parties d'établir,et a la Cour

de dire et juger, qui est titulaire de la souveraineté dans les deux zones controversées : la

presqu'île deBakassi et la région de Darak, et,plus largement, de déterminerle tracé dela
frontière,qui ne concernepas directement les questionsde responsabilité22.Deuxièmement,la

Cour aura à se prononcer sur l'agression militaire contrela presqu'île de Bakassi et la région

de Darak.Enfin, la Cour est appelée à statuer sur les incidents de frontièreque le Cameroun a

détaillésdans ses piècesantérieureset qui sont décritsavec encore plus de précision dansla

présenteréplique.

A- L'occupation par la force d'une partie de la presqu'île de
Bakassi et de la régionde Darak

10.39 En ce qui concerne l'invasion de la presqu'île de Bakassi et de la région

camerounaise de Darak, la question de la charge de la preuve ne se pose à vrai dire pas

puisque leNigériareconnaît qu'ila envahi ces deux parties du temtoire camerounais avec ses

forces arméeset sa police et qu'il y a installécertains établissementspublics. La violation de

la souverainetécamerounaisea donc été matériellement admise. La mêmechose vaut pour le
secteurde Typsan.

" Quelles que soient les solutions retenues par laàCcet égard,la responsabilitédu Nigériase trouvera
engagéepour avoir remis le statu quo en question par la force. Sur la preuve du tracéde la frontière,v. supra,
chapitre2,pars.2.77 S.etchapitre7,pars. 7.27 S.10.40 Lajurispmdence internationaleétablitclairementque l'accorddes Parties

constitue un élémentpermettant de considérerles faits comme établis2'. De nombreux

précédentsmontrent que la preuve peut résulterde l'absence d'objection à une allégation

avancée par l'unedes ~arties*~. A fortiori doit-il en êtreainsi lorsquel'absence d'objection
laisse la place unerevendicationexplicite,commec'est le caspour leNigénaau sujetde son

occupation.

B - Les incidents defrontière

10.41 En ce qui concerne les incidents qui se sont produits toutau long de la

frontière, le fardeau de la preuve est réparti de manière différente. Il résulte de la
jurispmdence de la Cour que, dans une procédurecontentieuse, chaque Partie doitprouver les

faits qu'elle avance. Cette règle aétéappliquée etmaintenue dans le cas du Templede Préah

vihéarz5,dans l'affaire desActivitésmilitairesetparamilitaires auNicaragua etcontre celui-

ci (compétenceet re~evabilité)~~ a,insi que danscelle du ~zfférendfrontalier~~L.e Cameroun

ne nie pas qu'il lui incombe de faire la preuvede la réalité desfaits qu'ilmentionne, etdont

résultela responsabilité du Nigéna, comme il y a déjàprocédé dans ses écritura estérieures.

Puisque dans la majorité descas le Cameroun allègue, alors que le Nigéna conteste,le
Cameroun doit apporter la preuve requise ;inversement, en ce qui concerneses demandes

reconventionnelles, c'estleNigéna quidoit apporterla preuve des faits alléguéspalrui. Dans

la présenteréplique,d'autres précisionssur les faits en question sont apportées afin de

clarifier les faits pertinents dans toute la mesuredu possible. On ne sauraitnier la nécessité

pour la Partie défenderesseainsi que pour la Cour elle-même de connaître l'objet,le lieu, la

date et lamanière dontse sontproduits lesincidentsauxquelsle Camerounseréfëre.

" C.I.J.,arrê,2avril1960,affaireduDroit depassagesur territoire indien, Rec.1960,p.40.
''C.I.J.,arrê,4 mai 1980, affaire duPersonnel diplomatiqueet consulaire des Etas TéhéranR,ec.
1980,p. 10,par.13.
25C.I.J.,arrê,5juin 1962,Rec. 1962,p. 16.
26C.I.Jarrêt26 novembre1984,Rec. 1984,p. 437,par.101.
" C.I.J.,arr2,2 décembr1986,Rec. 1986,pp.587-588,par.65.10.42 Les mêmes conditions doivent être remplies pour les demandes

reconventionnelles du Nigéria, dont quelques unes sont marquées d'unmanque flagrant de

précision.C'est ainsi qu'au paragraphe 25.53 du contre-mémoireduNigéria(CMN, vol. IU,p.
818) référence est faità un incident qui a prétendumenteu lieuà Gaddamayo.Mais toutes les

indications susceptibles d'identifier cet incident font défaut.Surtout, la date laquelle cet

incident aurait eu lieu n'est pas mentionnée.En ce qui concerne les autres allégations,les

dates sont données,mais toutes les autres précisionsfactuelles sont extrêmement sommaires,

si bien que le Cameroun est dans l'impossibilitédese faireuneidéeprécise des faits.

10.43 Reconnaissant que la charge de la preuvelui incombe en ce qui concerne
les incidents qu'il avance, le Camerounestime avoir suffisammentétabliles faits.

10.44 Dans ses écritures,le Nigériainsiste beaucoup sur l'affaire duDétroit de

Corfou qui,à l'entendre, constituerait un précédent particulièremen etxigeant en matière de

preuve, précédent à l'aune duquel la réclamationcamerounaise devrait êtrerejetée(CMN, p.

645, par. 24.47). Mais la Cour a montré, dans cette espèce commedans nombre d'autres,

qu'elle étaitparfaitement consciente de la nécessitéd'apprécierles moyens de preuve offerts
par les Parties avec une certaine flexibilité, en fonction des circonstances caractérisantle

différenden question.

10.45 Dans l'affaire du Détroitde Coflou, la responsabilité internationalede

l'Albanie a été établieans que l'on ait puprouver de manièreirréfutablequ'unacte illicite lui

étaitimputable. En fait, la Cour n'a aucunement respecté lescritèresextrêmement stricts qui

sont présentés parle Nigériacomme "the standardofproof': elle n'a pu par exemple établir
la date précisede l'acte illicite, ni mêmed'ailleurs l'identitéde son auteur. La Cour, bien

plutôt, affirméque, en matière dedue diligence,on doitpouvoir

"recourir plus largement aux présomptionsde fait, aux indices ou preuves
circonstancielles(...)Ces moyens de preuve indirecte sont admis dans tous

les systèmes de droit et leur usage est sanctionné par la jurisprudence
internationale. On doit les considérer commeparticulièrement probants
quand ils s'appuient sur une série defaits qui s'enchaînent et qui conduisent
logiquement à une mêmecon~lusion"~~.

l8C.I.J.,arr, avri1949,Rec.1949,p.1810.46 Dans l'affairedu Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à

Téhéranl,a Cour a reconnu quedes articlesde presse peuventéventuellementservir de base

pour tirer des conclusions si,eu égardàla spécificité de la situation en question, la Partieà

laquelleincombe la chargede la preuvese voit dansl'impossibilité deprésenterdes preuves

plusdirectes ou plusdétailléesz9.

10.47 L'affaire desActivités militairesetparamilitaires auNicaragua et contre

celui-ci montre égalementque la jurispmdence internationale s'accommode mal d'une

conception rigide selon laquelle ledemandeur devraitprouver de manièreabsolue chaque

élémend te fait qui se trouveà la base de sa réclamation.En l'espècel ,es actions militaires et

paramilitaires des Etats-Unisont été établiesde manièreglobale, sans que la Cour se soit

attachée à la démonstrationde leur participation effective incident par incident. La

démonstrationd'unepolitiquede soutien à despersonnesprivées quipénètrene tn armes sur le

temtoire d'un Etat suffit à l'établissemendte la re~~onsabilité~~.

10.48 En outre, ilfaut tenir compte des circonstances factuelles qui prévalent

loindes centres urbains,dansles campagnes camerounaisessituéesprèsdela frontièreavecle

Nigéna.Tantôt il existequelquepart unposte de police,tantôt mêmecettecellule de base de

1'Etatfait défaut.Le Camerounestimequ'on nesaurait lui reprocher de n'avoir pas encore

atteint le même niveau bureaucratique queles Etats du monde industrialiséP . ar conséquent,il

fautse satisfaire, lecas échéand t,e messages,de rapportset d'autres piècesd'information qui

manquent d'uneperfection absolueet qui pourraient êtrecritiquéss'ils émanaient d'autorités

publiques d'un Etat qui a eu l'opportunitéde développer sonappareil administratif pendant

des siècles. Il est évidentque, bien souvent, au moment précis où un incident se produit,

aucuntémoin n'estprésent,ouil s'agit de simplesparticuliers.Dans la majeurepartie des cas,

un certain laps de temps est nécessaire avantque des agents publics arrivent sur les lieux.

Sommetoute, on nepeutpasattendredu Cameroun les mêmep sreuves quecelles qui seraient

de mise si un incident semblable s'était produit dans les zones urbanisées de pays

industrialisés. Dans dessituationsoù les moyensde preuve, de par la naturedes choses, sont

rares et parfois faibles, force est de s'accommoder des éléments de preuve effectivement

disponibles.

- - - ~
" C.I.J.arrê t4 mai 1980,Rec.1980,pp.9-10,par.12.
'C.LJ.,arrêt2,7juin1986,Rec.1986,p. 124,par242.10.49 S'agissant du fait que certains incidents sont rapportés dans des

documents dont les auteurs n'en ont pas étéles témoins directs,leNigériafait une confusion

entre les principesapplicablesen matière de preuve dansles procès civils internes, et ceux qui

s'appliquent en droit international dans un procès en responsabilité. En droit interne, le

témoignage d'un témoinoculaire a sans doute plus de valeur probante que celui d'une
personne qui n'a eu connaissancedes faits que par "ouï-dire".Il n'en va pas ainsi lorsque les

faits sont attestéspar une administration,et sont évoqués lorsd'un contentieux international.

Lorsque le témoinest une administration,par définition compartimentéeet hiérarchiséei ,l est

naturel que des informations soient récoltées par certains, synthétisées,rapportées ou
exploitéespar d'autres.Il n'est donc,par exemple, pas pertinent de s'inquiéter,comme le fait

le Nigéna, qu'un document de preuve émanant de services centraux de l'administration

camerounaise soit basé sur un document d'une sous-préfecture, lui-mêmefondésur les

informations donnéespar des fonctionnaires de cette sous-préfecture, ces derniers ayant

collecté les informations pertinentes auprès des administrés(CMN, vol. III, p. 673, par.
24.111). Il est bien évidentque les auteurs des notes des services centraux sont rarement

témoins directs des informations qu'ils exploitent. Mais cela n'ôte rien a la qualité des

informations retranscrites.

10.50 A l'inverse, leCameroun ne conteste évidemmentpas que les droits de la

défensedu Nigériadoivent être pleinement assurésU . ne réduction duniveau de précisiondes

preuves ne doitpasmettre en danger le caractère équitable dela procédure.La fairnes est une

exigence fondamentalequi ne doitjamais être sacrifiée. Mais il seraiitnjustifiéd'adopter des

solutions extrêmes. Il existe des solutions intermédiaires. Un moyen de preuve n'est pas
automatiquement inappropné ou inadmissible du seul fait qu'il ne présentepas, de façon

détailléet,outes les informationsdont la connaissance pourrait êtresouhaitable dans un autre

contexte. Il est clair que leur appréciation ne peut se faire qu'au cas par cas, sans qu'il soit

possible d'établir des critèrgénéraux dont dépendraitleur valeur probante. 52 - Le rôle des protestations

10.51 La Républiquedu Cameroun a examiné, dansle chapitre 2 de la présente

réplique, l'argument. du Nigéria selon lequel le Cameroun aurait perdu son titre de

souverainetésur la presqu'île de Bakassi, sur la régionde Darak ou sur celle de Typsandu fait

de ses hésitationsàéleverdes protestations formellesà l'encontre des activités desautorités
nigérianes.Elle a montréque la thèsedu Nigériaétaitinexacte en fait et infondéeen droit (v.

supra, chapitre2, pars. 2.152et S.)

10.52 En ce qui concerne plus particulièrementles incidents de frontière,une
protestationne constitue qu'unmoyen de preuve parmid'autres. Le cas échéant, ellpeut être

remplacée par d'autres moyens de preuve. Il n'existe aucune règle de droit international

prévoyantqu'un Etat est tenude protester sans délaicontre toute violation de ses droitsparun

autre Etat sous peine de se voir déchuipsofacto des droits qui découlent pour luide ce fait

délictuel.Il peut y avoir bien desraisons pour ne pas exacerber une situationde conflit.

10.53 Pendant longtemps, le Camerouna cm que ses relations avec leNigéria

pourraient êtreassainies par une entente bilatérale, sansl'intervention de tiers. Misant sur le

principe de bon voisinage, il a cherché à circonscrire les effets déplorables des actions
nigérianes danstoute la mesure du possible. Dès 1981,le Cameroun a clairement fait savoir

que s'il n'érigeaitpas chaque incident en affaire d'Etat, ce qui aurait été le cassi des

protestations avaient systématiquementétéémises,laraison en était qu'ilsouhaitait préserver

la paix et la sécurité dala région.La note du PrésidentAhidjo au Chef de 1'Etatnigérianen

date du 23 mai 1981 préciseà cet égard:
"maintes fois, notamment au cours des entretiens que nous avons eus

pendant votre Visite au Cameroun comme récemment encore, dansune
correspondance que je Vous ai adressée à la suite de l'enlèvementdu Chef
de District de la localité camerounaise d'IDIBAT0 et sa Suite par des
éléments de l'ArméeNigériane,j'ai attiréavec insistance votre attentionsur
les incidents qui interviennent fréquemment entre nos Populations
fi-ontalièreset la gravitédes risquesqu'ils emportent. (...)

"Dans la conjoncturedélicatequi est celle de notre Sous-Régionje n'hésite
pas à penser que Votre Excellence partage avec nous le sentiment quenos
deux Gouvernements ont un égalintérêt à conserver àcertains incidents, tel
celui qui vient de survenir, leur caractère local,àeŒuvrerensemble à la

préservationde la paix et de la sécuritélà où celles-ci seraientmenacées" (MC, Livre VI, annexe 259, pp. 2159-2160 ;v. aussila note de protestation
du 17mai 1981,OC, LivreII, annexe 1,appendice42).

10.54 Le Cameroun a en effet souhaitéconserver à de nombreux incidents un

caractère local, en vue de ne pas envenimer des relations avec le Nigériaqu'il voulait
pacifiques. LeNigériaen a reçu notification, de la façon la plus officiellequi soit, parle Chef

de 1'Etatcamerounaislui-même.Dèslors,leNigénane peut prétendrequ'il alégitimementpu

croire que le Cameroun abandonnait ses droits à l'égard de ces faits. Il connaissait

parfaitement sa position, qui était que tant qu'il étaitpossible de conservàrces faits un

caractère local, l'intérte la régioncommandait de le faire. Le Cameroun a observécette

position jusqu'au débutde l'année 1994.

10.55 Malheureusement,il s'est avéré à cette époquequ'il existait une stratégie

d'ensemble dela part du Nigénavisant à priver le Cameroun de sesdroits souverainstant sur

la presqu'île de Bakassi que dans la région de Darak, stratégie dontle contre-mémoire

confirme l'existence. C'est seulementaprèsavoir pleinement pris conscience de ces visées
annexionnistes du Nigériaque le Cameroun a commencé àprotester chaque foisqu'il s'est vu

lésé dansson intégritéterritoriale. Lors de l'incursion militaire dans le sud-ouest de la

presqu'île deBakassi, le Cameroun voulut d'abord croirequ'il s'agissait d'un"dépassement

de frontière" etnon d'un "geste d'hostilité" (dépêdee l'A.F.P.du 7janvier 1994,MC, Livre

VII, annexe 334, citéeinMC, p. 571, par. 6.35). Mais il dut se rendrebien viàel'évidence.
Dès lors que le Nigériaa envahi militairement certaines portions du temtoire camerounais,

que, par suite, la paix a étérompue, et que la sécuritéde la région est menacée, aucudes

incidents passés ne peut évidemmentplus s'analyser comme ayant un caractère purement

local, et le Nigériane sauraits'étonner quele Camerounles invoquedevantla Cour.

10.56 Par ailleurs, il convient de souligner la pertinence limitée des

protestations dans le contexte de la responsabilité internationale, S'il est vrai qu'une

protestation, en particulier lorsqu'elle n'a suscité aucunecontradiction, peutun élément

de preuve d'un fait, en revanche l'inexistence d'une protestationégardd'un fait ne prouve

pas son inexistence. Les protestations peuvent contribuàrprouver un fait, mais ne sont pas
indispensablesà cet effet.10.57 Deuxièmement, la protestation d'un Etat n'est ni indispensable, ni

suffisante, pour qualifier un fait d'illicite en droit international, On peut rappàlcet égard

qu'à propos de l'altercation de mai 1981, tant le Nigériaque le Cameroun ont élevédes

protestations (v. OC, Livre II, annexe 1, appendice 42 et CMN, vol. XI, annexe 344). Il est

clair que cesprotestations ne peuvent avoirune incidence sur la qualification des faits, car, si

c'étaitle cas,en l'espèceelles les qualifieraientde façontotalementcontradictoire.

10.58 La Cour a par ailleurs indiquéque dans les affaires impliquant les

autoritéslocales, il ne convient pas d'appliquer lesmêmes critèresde rigueur que lorsqu'il

s'agit derapports d'Etat à Etat au plus haut niveau ministériel. Cela signifie, d'une part,que

l'attitude des autorités locales ne saurait affecter la politique nationale en matière de

frontières3'et, d'autre part, que l'absence de protestation en cas d'incidents quià première

vue, ne semblent avoir qu'une dimension locale, ne revêt pas nonplus la même importance

que l'absencede protestation en cas deviolationsquiaffectent la nation entière.

31
V. C.LJ.,arrê15juin 1962,affaidu TempledePréahVihéarR , ec1962,p.30.1 CHAPITRE11.

LES FAITS INTERNATIONALEMENTILLICITES ATTRIBUABLES
AUNIGERIA(ETLEURS CONSEQUENCES)
1 11.01 La Républiquedu Cameroun a établi,dans le chapitre précédent, les
principes applicablesen ce qui concerne l'établissement dela responsabilité internationale du

Nigériapour l'ensembledes faits internationalement illicites qui lui sont attribuables, qu'ils

résultentdes actions ou des omissions de son gouvernement, de ses troupes ou de son
administration.Le présentchapitre a pour objet de faire application de ces principes aux faits

de la présente espèce.

11.O2 D'unefaçon générale, lNigérias'ingénieàentretenir sur ce point la plus

grande confusion en imputant au Cameroun des intentions qu'il n'a pas et en continuant

interpréterde manièreambiguë la décision pourtant parfaitement claireprise par la Cour sur
la sixièmeet, dans une certaine mesure, la cinquième, exceptions préliminairesqu'il avait

soulevées. C'est pourquoi, liminairement, et avant mêmede passer en revue les faits

internationalement illicites qui engagent la responsabilité du Nigéna dans les différents
secteurs de la frontière (sections 4), le Cameroun examinera brièvement et dans une

perspective globale les caractères que ceux-ci doivent présenter pour être pris en

considération cette fin (section 1).

l Section 1 : DETERMINATION DES FAITSPERTINENTS

11.03 La détermination des faits pertinents aux fins des conclusions du

Cameroun relativesàla responsabilitédu Nigéria doit être effecàela lumière,d'unepart,

des deux arrêtsantérieurs dela Cour dans la présente affaire3 1) et, d'autre part, des
objections quemultiplie la Partie nigéràl'encontre dela pertinence des faits avancés par

le Camerounet qui altèrenttotalement la portée etla nature même desconclusions deEtat

requérant(32).

9 1- La portéedes arrêtsde laCour des 11 juin1998 et 25 mars
1999

1 11.O4 D'une manière généralel ,a Partie nigériane fait preuve d'une grande

discrétionen ce qui concerneles phases précédentesla présenteaffaire qui ont conduit la
Cour a se prononcer successivement sur les exceptions préliminairespuis sur la requêteen

interprétationqu'ellea formée,au prix d'unretard de plusieurs annéesdans le règlement du

litige. Le contre-mémoirenigériseborne à -signaler les deux arrêtsantérieursde la Cour dans le chapitre introductif(CMN, vol.

1,pp. 4-5, pars. 1.10et 1.14) ;

-rappeler qu'ilsont rejeté les conclusions nigérianes (CMN,vol. III,p. 628,pars. 24.7
et 24.8) ;

-interpréter celuidu Il juin 1998 comme ne posant aucune limite à la facultépour le

Cameroun de présenter des faits nouveaux(CMN,vol. III,pp. 628-629,par. 24.9) ;

-tout en se contredisant d'ailleurs quelquepeu sur ce point (v. CMN, vol. III,p. 649,

par. 24.56, où le Nigéria reconnaîtque la Cour a rappeléi'exigenced'imputabilité des faits
internationalement illicites) ;et

- se prévaloirdu bénéficede cette interprétation presque caricaturaleaux fins de ses

propres demandes reconventionnelles (CMN, vol. In,p. 804, par. 25.6).

11 .O5 A vrai dire, ni le Cameroun, ni la Cour n'onteu la position sans nuances

que le Nigéria leur prête.

11.06 En premier lieu, il est bien évidentque la possibilité d'invoquer des

incidents ne saurait dispenser les Parties d'apporterla preuve de leur existence et de leur

caractère internationalement illicite. LaCour le rappelleavec une grande clarté :

"Cette constatation [selon laquelle la requête remplit les conditionsfixées
par le paragraphe 2 de l'article38 du Statut] ne préjugecependant en rienla
question de savoir si, compte tenu des éléments fournis à la Cour, les faits
allégués par le demandeur sont ou non établiset si les moyensinvoquéspar
lui sontou non fondés"'.

Telle a également toujours été la façon de voir du Cameroun (v. OC, p. 153, par.6.12 ; CR

9814, p. 33 (M. Kamto) ; CR 9816, pp. 47-48 (M. Bipoun Woum) ; observations sur la
demande en interprétation, p.8,par. 25). C'est dire qu'ilaccepte évidemment que lachargede

la preuve des faits qu'il invoque lui incombe, conformément aux principes et règles

applicables tels qu'ils sont exposésdans le chapitre 10ci-dessus (pars. 10.38et S.).

11.O7 En second lieu, il va tout autantde soi que, comme la Courl'arappelé :
"selon une pratique bien établie,lesEtats qui déposentune requête à la Cour

se réserventle droit de présenter ultérieurement deséléments de fait et de
droit supplémentaires.Cette libertéde présenterde tels éléments trouve sa
limite dans l'exigenceque 'le différendportédevant la Cour par requêtene

' C.I.J.arrêt11 juin 1998, affairde la Frontière terrestre et maritime entre le Comeroun leNigéria
(erceptionspréliminairesRec. 1998p. 319,par.100.

486 se trouve pas transforméen un autre différenddont le caractèrene serait pas
le même'(Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci(1Vicaruguuc. Etats-Unis dyméri ue), compétence etrecevabilité,
arrêt,C.I.J.Recueil 1984,p. 427, par. 80)"4.

Cette exigence fondamentale, que le Camerounne conteste en aucune manière(v. OC, p. 152,

par. 6.09 ; CR 9814,p. 36 (M. Kamto) ;observations sur la demandeen interprétation, p.9,

pars. 30-31), està nouveau rappeléepar la Cour dans son arrêtdu 25 mars 1999 relatif àla

1 Demande eninterprétationdu Nigéria(par. 15).

l 11.08 Conformément àlajurisprudence de la Cour,lesPartiesont la faculté

"de modifier (...)leurs conclusions primitives, non seulement dans les
mémoireet contre-mémoire(article40 [maintenant491du Règlement),mais
écriteque dans les
aussi tant dans les pièces ultérieuresde la procédure
déclarations qu'ellespeuvent faire au cours des débatsoraux (article 55 160,
paragraphe 21du ~è~lement)"~.

11.O9 Cette facultén'estsubordonnéequ'à deux conditions :

-en premier lieu, l'autre Partiedoit "toujours [être]en mesure dese prononcer sur les
conclusions amendée ;et,^
l
-en second lieu, comme la Cour l'arappelé àdeux reprisesdans laprésente affaire(v.

supra, par. 11.07) :

"il est évidentque la Cour ne saurait admettre,en principe [c'est-à-dire sauf
application du principe forum prorogatum, qui n'est pas en cause en
l'espèce], qu'un différendporté devant elle par requête puisse être
transformé, par voie de modifications apportéesaux conclusions, en un
autre différend dont le caractère ne serait pas le même.Une semblable

pratique serait de nature a porter préjudice aux États tiers qui,
conformément à l'article 40, alinéa 2, du Statut, doivent recevoir
communication de toute requête afin qu'ilspuissent se prévaloir du droit
d'intervention prévu par les articles 62 et 63 du Statut. De même, un
changement complet de la base de l'affaire soumise a la Cour pourrait
exercer une répercussionsur la compétencedecelle-ci"'.

11.10 Ces deux conditionssont à l'évidencerempliesen laprésente espèce :

3Ibid.,pp.318-319,par.99.
C.P.J.I.,arrêt,3septembre1928, Usinede Chonbw (fond),SérieA, no17,p. 7
5Ibid.
C.P.J.I.,arrêt,5juin 1939,Sociécommercialede Belgique,SérAB, no78,p. 173;v. aussi ordonnan4,
février1933,Administrationdu Prince VonPless, SérieA/B, no 52, ;C.I.J.,arrésu 18décembre 1951,
Pëcheries norvégienne, ec. 1951, p. 126,du 15juin 1962, Templede PréahVihéar,Rec.1962,p. 36 oudu26
juin 1992, Certainesterres àphosphaàeNauru,Rec. 1992,p. 26;et l'opinidissidente duJugeReaddans
l'affairedes Empruntsnorvégiens,6juillet 1957,Rec. 1957,pp. 80-81ou S. Rosenne,The Lawand Practice of
the International Court1920-1996,Nijhoff,Dordrecht,1997FI,Procedure,p. 1268. -Etat défendeur,le Nigériaa eu et aura à nouveau tout loisir d'examiner et de discuter

la matérialité etla nature juridique des faits invoqués parle Cameroun, et il leur consacre

d'ailleursde très longs développementsdans son contre-mémoire(CMN, vol. ID, pp. 651-

797) ;
-et la Cour a constaté sans ambiguïté e t deux reprises que "le Cameroun n'a pas

opéré une telle transformation du différend"en un autre différenddont le caractère ne serait

pas le même6.

$2- La nature et la portée des conclusions du Cameroun
relatives àla responsabilité du Nigéria

11.11 Il n'en demeure pasmoins utile de détermineravec précisionquel est le

caractèredu présent litige - c'est-à-direde l'objetréel des conclusionscamerounaisesrelatives

à la responsabilitéinternationale du ~i~éria' - dont celui-ci donne une image délibérément

déformée lorsqu'il tente de fairecroire que le Cameroun entend faire reconnaître par la Cour
sa responsabilitépour chacundes incidentsqu'ilinvoquepris isolément(v. not. CMN, vol. Ki,

p. 635,par. 24.28 (1) et l'ensembledes développementsde lapage 651 à la page 797).

11.12 Puisque le caractèredu différendtel qu'il estdéfinidans la requête(et la

requête additionnelle)d'unepart et dans le mémoire d'autre part, est restéessentiellement le
même(v. supra, par. 11.10), le plus simple, pour le définir, estde partir des conclusions de

cette demièrepièce.Les passagespertinentsaux finsdu présentchapitre sont les suivants :

"La Républiquedu Cameroun a l'honneurde conclure à ce qu'ilplaise a la
Cour internationalede Justicede due etjuger :

"d) Qu'encontestant les tracésde la frontièredéfinieci-dessus sub lifteras

a) et c), la République fédérald eu Nigeria a violé et viole le principe
fondamental du respect des frontières héritéesde la colonisation (uti
possidetis juris) ainsi que ses engagements juridiques relativement à la
démarcation des frontières dans le Lac Tchad et àla délimitationterrestreet

maritime.

6
C.I.J.arrêt,11juin 1998, affaire de la Frontièreterrestre et maritime entre le Cameroun et leNigéria
(exceptionspréliminaire, ec. 1998,p. 319,par.;arrèt,5 mars 1999,Demande en interprétatide l'arrêt
du Il juin998 en l'affairede laFrontière terrestre et maritile Camerounet le Nigéria(Camerounc.
Nigéria),exceptionsprélimin Rec.r999,par. 15.
'V. C.I.Jarrêt,5juillet 1974,CompétencenmatièredepêcheriesR, ec. 1974,p. 203, par. 72. "e) Qu'en utilisant la force contre la République du Cameroun, et, en
particulier, en occupant militairement des parcelles du temtoire
camerounais dans la zone du Lac Tchad et la péninsule camerounaisede
Bakassi, en procédant à des incursions répétées t,ant civiles que militaires,

tout le long de la frontière entre les deux pays, la Républiquefédérale du
Nigena a violé et viole ses obligations en vertu du droit international
conventionneletcoutumier.

"f) Quela Républiquefédéraledu Nigeriala e devoir exprèsde mettre fin à
sa présencetant civile que militaire sur le temtoire camerounais et, en
particulier, d'évacuesans délais etsans conditions ses troupes de la zone
occupéedu Lac Tchad et de la péninsule camerounaisede Bakassi et de
s'abstenirde tels faitsl'avenir;

"g) Quela responsabilité dela République fédérald eu Nigena est engagée
par les faitsinternationalementillicites exposés ci-dessus etprécisésdans le
corpsduprésentMémoire.

"h) Qu'enconséquence,une réparation est duepar la République fédérale
du Nigena à la Républiquedu Cameroun pour les préjudicesmatérielset
moraux subis par celle-ci selon des modalités àfixer par la Cour (MC, pp.
669-671,par. 9.1)".

11.13 Le Cameroun reconnaît que, comme l'écritle Nigéria à au moins cinq

reprises, en elle-même" ,a differencebetween States as to the proper application of apnnciple

or even a rule, of intemationallaw,does not itself give rise to any international responsibility

for either of them" (CMN,vol. III,p. 640, par. 24.40 ;v. aussi p. 629,par. 24.12 ;p. 630,par.

24.14 ;p. 632,par. 24.18 oup. 634,par. 24.24 infine). Aussi bien est-ilprêta admettre quela
rédactionde l'alinéad) des conclusions de son mémoire, reproduit ci-dessus, peutprêter à

confusion sur ce point si on sort cette demande de son contexte comme le fait le défendeur :

ce n'est pas le simple fait que le Nigéria"conteste" le tracéde la frontière qui engage sa

responsabilité, ce sont les voieset moyens qu'il a utilisés, etqu'il continue d'utiliser, pour

procéder àcette contestation.Pour lever toute ambiguïté,le Cameroun a préciséceci dans les
conclusions de la présenteréplique(v.infra, chapitre 13,par. 13.01)~.

11.14 Il n'en reste pas moins que, comme le Cameroun l'a établi dans le

chapitre 10 ci-dessus (pars. 10.15-10.16), le fait de ne pas respecter une frontière - en

l'espèce, une frontièrehéritéep,our l'essentiel, dela colonisation- constitue la violation d'un

Cet alinéaestdorénavantrédiainsi:"d) Qu'ententant de modifier unilatéralementet par la force les tracésde
la frontièref~e ci-dessussub [itteraea), et c), la Républiquefédérale duNigériaa violé et viole le principe
fondamental du respect des frontières hse la colonisationipossidetis juris) ainsi que ses engagements
juridiques relativementdélimitationterrestreet maritime".principe fondamental du droit internationalcontemporain(sans qu'ily ait lieu, à cet égard,de

faire une quelconque distinction entre règles et principes - v. supra, pars. 10.20-10.21)qui

engage, à l'évidence,la responsabilité internationale de son auteur sans que, comme le

Cameroun l'amontré(v. supra, pars. 10.26-10.31), 1'"honestbelief and reasonable mistake"
dont se prévautle Nigéria(v. CMN, vol. III, p. 639, par. 24.34 et p. 645, par. 24.48) puissent

s'apparenterenquoi que ce soit à une circonstance excluantl'illicéité.

11.15 Comme ceux qui le suivent, cet alinéad) des conclusions se rapporte

donc à l'essencemême - au caractère - de ce que le Cameroun reproche au Nigéria : la

violation du statu quo temtorial et l'utilisation de la force, armée ou non, pour imposer
unilatéralementsur le terrain sa propre vision de la frontière. Non sans paradoxe, la Partie

nigériane résume fort bien, dans un passage malheureusement isolé de son contre-mémoire,

les violations du droit international qui lui sont imputéespar le Cameroun, qui considèreen

effet quele Nigéria :

"- resorted to forceagainst Cameroon,contrary to the prohibition againstthe
use of forceaccepted as part of internationallaw ;

"- infnnged Cameroon'stemtonal sovereignty(including its temtonal sea) ;

"- intervened in Cameroon's affairs, contrary to the pnncipie of non-
intervention ;

"- militarily occupiedCameroonian temtory ; and

"- failed to respect Cameroon's sovereignty" (CMN, vol. III, p. 637, par.
24.32) ;

à quoi l'on peut ajouter que, du mêmecoup, le Nigéria a également violéle principe
fondamentalen vertu duquel "les États règlent leurs différendsinternationauxpardes moyens

pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsique la justice ne

soient pas mises en dangern9. Au surplus, ainsi que le Cameroun l'a établi dans son

mémorandumd'avril 1997,annexéà la présenteréplique(annexe RC 1),le Nigénan'atenu

aucun comptedes mesures indiquéespar la Cour dans sonordonnance du 15mars 1996.

9
Résolution2625 (XXV), adoptéele 24 octobre 1970par l'Assembléegénérale desNations Unies,"Déclaration
relative aux principes du droit intemational touchant les relations amicales et la coopération entre
conformément àla Charte des Nations Unies".11.16 Danscette perspective - la seule qui soit compatibleavec les conclusions

de la requête et dumémoirecamerounais - les incidents dont le Camerouna fait étatjusqu'à
présent, et ceuxqu'ilest en droit d'invoquer àl'avenirdès lorsqu'ilest en mesure de prouver

ce qu'ilavance et que le Nigéria est à même de ,les discuter, doivent êtreconsidéréspource

qu'ils sont: des moyens qui viennent à l'appui desconclusions figurant àla fin desdifférentes

pièces deprocédureécrite etqui seront finalisées, conformément aux dispositionsde l'article

60, paragraphe 2, du Règlement, à l'issue dudernierexposéqui seraprésenté en son nom.

11.17 Au stade actuel, la fonction de l'invocation de ces incidents par le

Camerounest double :

-certains d'entre eux, par leur caractère particulier de gravité,constituent, en eux-

mêmes desfaits intemationalement illicites qui engagent la responsabilitédu Nigériaet pour

lesquels le Cameroun demande expressément non seulement réparation maisaussi leur
cessation immédiate et des garanties de non-répétition ; tel est le cas de l'invasion et de

l'occupationde la péninsulede Bakassi et de larégionde Darak dans lazone du lacTchad ;

- tous ceux, très nombreux, qui se sont produits entre ces deux zones (sur la

souveraineté desquellesle Nigériane conteste pas qu'il existe undifférend),établissentquela

frontière entre lesdeux Etats est contestéesur toute sa longueur, commela Cour l'areconnu
en rejetant la cinquième exception préliminairedu ~i~éria"; la plupart de ces incidents

concourent en outre à établirque le Nigéria a violé les principesfondamentaux du droit

international analysés dansle chapitre 10 de la présente répliqueet brièvementrappelésci-

dessusdans les propres termes du Nigéna bar. ll. 15).

11.18 En ce qui concerne ce dernier point, la Cour a laissé entendre,dans son
arrêtdu 11 juin 1998, que tous les incidents dont le Cameroun a fait étatne mettent pas

nécessairementen causela responsabilitédu défendeur :certains d'entreeux

"sont survenus dans des zones difficiles d'accès,où la démarcation dela
frontière est inexistante ou imprécise. Et chaque incursion ou incident
signaléparle Cameroun n'estpas nécessairementimputable à despersonnes

dont le comportement serait susceptible d'engager la responsabilitédu
~i~éria"".

'OC.I.J., arrê,1 juin 1998, affaide la Frontière terrestre et maritime enleCameroun et Je Nigéria
(exceptionspréliminaires),Rec. 1998,pp.315-317,pars.90-94,etp. 325,par.118e).
" Ibid.p.315,par.90.11.19 Le Cameroun ne conteste pas ces deux éléments. Il reconnaît bien

volontiers - et c'est là toute la différence entredélimitationet démarcation - que, dans

quelques secteurs frontaliers, la démarcationest incertaine et a pu donner lieu à des méprises

ou à des incertitudes,en l'absencede tracé précis sur le terrain;ceci étant,ces secteurs sont
rares car la frontière terrestre camerouno-nigérianeest non seulemententièrement délimitée,

mais aussi, probablement, l'unedes plus largementdémarquées en Afrique. De même,il peut

se faire que certains incidents se soient produits sans que les autorités politiques,

administratives ou militaires nigérianesaientété impliquées.

11.20 Une remarque s'imposecependantsur ce point. Il ne suffit paà cet égard
que l'incidenten cause n'aitpas été "positivement" lefait de 1'Etatnigérian,de ses organes, de

personnes agissantpour son compte ou d'autresentitésexerçantdes prérogatives depuissance

publique, pour que le Nigéria soitexonéré de toute responsabilité(v. supra, chapitre 10,pars.

10.09-10.10). Conformémentau principe rappelé à l'article3 du projet d'articles adopté en

première lecturepar la C.D.I. sur la responsabilitédes Etats (et qui ne semble pas devoir être

modifiéen secondelecture) :
"Il y a fait internationalementillicitede l'Étatlorsque:

"
a) un comportement consistant en une action ou en une omission est
attribuable d'aprèsle droit international l'État"'2.

11.21 Il s'en déduitque le Nigériaest responsable non seulement des actes de

ses organes ou de ses démembrements,mais aussi de la négligencedont ceux-ci ont fait

preuve en ne faisant pas respecter la frontièreentre les deux Etats(v. supra, chapitre 10,pars.

10.08-10.11).Mêmesi le Cameroun reconnaîtpar ailleurs qu'ilconvient de tenir compte des
particularités locales et des difficultés- auxquelles il est lui-même confronté - tenant à

l'insuffisance des infrastructures administratives et des moyens (v. aussi supra, chapitre 10,

pars. 10.44 et S.). Mais celles-ci ne sauraient tout excuser, en particulier, les infiltrations,

souvent massives, de populations nigérianesen territoire camerounais que le Nigénaa laissé

se produire et, souvent, encouragéesensous-main.

11.22 C'est à la lumièrede cesconsidérationsquele Cameroun examinera, dans

le présent chapitre, les différents faits internationalement illicites qui engagent la

l2Ann. C.D.I.1996,vol. ii,'= partie,p. ;italiqueajoutés.

492responsabilité internationaledu Nigénaàson égard, soit du faitde l'actiondes autoritésde ce

pays, soit du fait de leur négligencede leur absencede vigilance. 11distinguera cet égard
l'invasion et l'occupation de la péninsule de Bakassi (section 2), celles de la région

camerounaise du lac Tchad (section 3), et les incidents qui se sont produits entre ces deux

zones (section 4).

11.23 Pour ce faire,le Camerounconsidèreque, conformément aux indications

résultantde l'arrête la Courdu 11juin 1998,confirméespar celuidu 25mars 1999,il est en

droit de se fonder sur des incidentsautres que ceux qui sont indiqués danssa requête du 29

mars 1994 et dans la requête additionnelldu 6 juin 1994 (v. notamment l'arrêt du 25 mars
1999,par. 16) dès lors que ces faits entrent dans le cadre du différendqui a été soumàla

Cour et dont le caractère aétérappeléi-dessus.Bien que leCameroun entende faire un usage

modéré de cette faculté,il tientréciserque ces incidentspeuvent, non seulement êtreceux

qui sont évoqués dans son mémoireou figurer dans le mémorandumqu'ila adressé à la Cour
le 9 avril 1997, mais aussi êtreentièrement nouveaux(puisque le Nigéna a tout loisir d'en

discuterla réalité ola pertinencedans saduplique).

11.24 A cet égard,le Cameroun relève quele contre-mémoire nigérianne fait
aucune allusion au mémorandumprécité quep ,our sa part, le Cameroun considère comme

étant une pièce de .procédure dans la présente affaire. Néanmoins, pour éviter toute

controverse inutile, ce document estannexéen tant qu'annexe1 àla présente réplique dontil

fait, avecses propres annexes,partie intégrante.

11.25 En outre,laRépubliquedu Camerountient à redire, de la manièrela plus

formelle et afin de ne laisser subsister aucuneambiguïté,qu'à l'exceptiondes occupations

massives de parties importantesde son temtoire au nord-ouest (régiondu lac Tchad) et au
sud-ouest (presqu'île deBakassi),ce sontmoins les incidents en eux-mêmes et pris isolément

qui importent que l'ensemblequ'ils constituentet qui établit, au-delà de tout doute,que le

Nigériadoit êtretenu pour responsablede violations graves, fréquentes et généralisées des

règleset desprincipes fondamentauxénoncésci-dessus (v .upra, par. 11.15)et de violations
répétée est délibérées da frontièreentre lesdeux pays.

11.26 Il va de soi, en outre, que ces incidents et leurs conséquences humaines,

économiques et financièresdevrontêtre prisen considération lorsquela Cour sera appelée àévaluerle préjudice subi par le Cameroun età fixer les modalitésde la réparation et le
montant de l'indemnisation quilui sont dues. Toutefois, le Cameroun a pné la Cour de bien

vouloir remettre cette évaluatàune phase ultérieurede la procédure(v. MC, p. 671, par.

9.2) et le Nigéna a procédéde la mêmemanière en ce qui concerne les demandes

reconventionnelles qu'il acru pouvoir formuler (CMN, vol. III, conclusions,pp. 834-835,par.
(7)).Il n'estdoncpas nécessaàrce stade de s'attardersurcet aspectde la question.

Section 2: LES INCURSIONS ET AUTRES ACTES ILLICITES

DANS LA PRESOU'ILE DE BAKASSI ET SON
INVASION

11.27 Dans son mémoire, le Camerouna dresséla liste d'un certain nombre de

faits intemationalement illicites commis dans la presqu'île de Bakassi et attribuables au

Nigéna.Il a d'emblée indiqué le caractère non exhaustifde cette liste, se proposant de n'y
inclure que quelques-unsdes faits les plus significatifs, pour les besoins de sa démonstration

(MC, p. 567, par. 6.11). Il s'agissait, pour le Cameroun, de démontrerque le Nigéna viole

régulièrement, etde longue date, ses droits souverains, ce qui engage sa responsabilité
internationale.

11.28 Au cours de la procédure, considérablement allongéepar le fait du

Nigéria,le Cameroun a présenté d'autres éléments factuelatifs aux événementssurvenus
dans la presqu'île de Bakassi postérieuremeàtla date du mémoire, à la fois lors de sa

demande en indication de mesures conservatoires, dans ses observations sur les exceptions

préliminaires, etdans un document intitulé le "mémorandumde la Républiquedu Cameroun

sur laprocédure"annexé àla présente réplique (annexeRI).

11.29 Dans son contre-mémoire,le Nigéna n'évoqueaucun des faits cités,ni

dans la demande en indication de mesures conservatoires, ni dans le mémorandum.Il choisit
de ne contester que ceux présentés dans le mémoi,t repris, pour certains d'entre eux, par

l'annexe 1 jointe par le Cameroànses observations sur les exceptions préliminaires(OC,

Livre II). Il les traite isolément, un par un, et parfois en plusieurs fois, sous la forme

d'"incidents". Il prétend répondre ainsiau Cameroun, dont la démarcheviserait, seàon lui,
engager sa responsabilité "as a result of the various incidents said by Cameroon to have

occurred" (CMN, vol. III, p. 635, par. 24.28) 11.30 Ceci dénature complètementla demande du Cameroun. Comme le
rappelle la section 1 du présentchapitre, son propos, en présentant cesfaits, n'est pas de

demander àla Cour de constater l'engagement de la responsabilitédu défendeur à propos de

chacun d'eux. Son but est de démontrerque le Nigéna a violéet viole encore les droits du

Cameroun fondéssur les pnncipes les plus fondamentaux du droit international public, et
notamment les principes suivants :

- non-recours à la force;

- intégritéterritonale;

- souverainetéterritoriale;
- non-intervention dansles affaires intérieures.

Dans le mémorandum,le Cameroun a en outre entendu montrer que le Nigénane respectait

pas les mesuresindiquées parla Cour dans son ordonnanceen date du 15mars 1996.

11.31 Le Cameroun prend note que certains, parmi les plus graves, des faits

qu'il a évoqués pour démontrer l'engagement dle a responsabilité internationaledu Nigéna

sont reconnuscomme avérés par le défendeur. En particulier, ily a accord entre lesParties sur
l'invasion puis la présence continuedes forces militaires nigérianes dansla presqu'île de

Bakassi depuis 1994.Dèslors, laresponsabilité du Nigéna ne peut faire de douteence qui les

concerne :quand bien même lapéninsulede Bakassi appartiendrait à ce pays, quod non,il

n'en aurait pas moins utiliséla force arméepour remettre en question le statu quo ante, en
violation d'un principe essentiel du droit international contemporain. Au surplus, comme

l'appartenance de Bakassi au Cameroun n'est pas contestable, ces faits, reconnus par le

Nigéna,constituent égalementdes violationsdes trois autrespnncipes rappelésci-dessus.

11.32 Au-delà de cette remarque, le Camerounentend répondre,pointpar point

le cas échéant, au contre-mémoire s,ans toutefois revenir sur les arguments auxquelsil a déjà

étéréponda uu chapitre 10de laprésente réplique.

11.33 Le Cameroun reprendra donc ci-aprèsles faits qui lui paraissent, à ce

stade, de nature à illustrer l'engagement de la responsabilité internationaledu Nigéna,en

adoptant, pour plus de clarté,un ordre chronologique de présentation.Il répliquera, s'ily a
lieu, aux arguments du Nigéna, touten présentant des élémentd se preuve supplémentairesle

cas échéant. 1 - L'incident du 25mai1970

11.34 Dans son mémoire,le Cameroun se réfere à un incident relaté par une

dépêche de 1'A.F.P.en date du le'juillet 1970,relatià l'arraisonnement de navires de pêche
camerounais dans les eaux camerounaises par un bâtiment de guerre nigérian (MC, p. 574,

par. 6.50 et MC, Livre V, annexe 237).

11.35 Le Nigériaconteste d'une part la matérialitéde ces faits, en indiquant

qu'ils ne sont attestésquepar une dépêchedp eressequi n'indique pas ses sources(CMN, vol.

III, p. 669, par. 24.99), d'autre part leur caractèreillicite, en soulignant que la rédaction dela

dépêche implique que les arraisonnements en causepourraient avoir eu lieu en haute mer, et
non dans les eaux territoriales camerounaises (CMN,vol. III, p. 669,par. 24.100).

11.36 Les faits,que le Ministre des Transports camerounais de l'époque appela
des "actes de piraterie" (annexe RC 24), sont confirméspar la plainte de ceux qui en furent

victimes. Il s'agit des responsables des sociétéde pêcheCotonnec, Crevettes du Cameroun,

Ekong, Pêcheriescamerounaises, S.A.P.I., Sipec, Sopecoba. Ces derniers ont adresséau chef

du service de la marine marchande, le 27 mai 1970,uneplainteindiquant :
"Comme suite àla réunionqui s'est tenue dans vos bureaux le 12 courant,
nous avons l'honneur de vous confirmer les arraisonnements fÏéquentset

intempestifs dont, depuis plusieurs semaines, nos chalutiers sont l'objet de
la part de la Marine de GuerreNigérienne.

"A cet effet, nous vous prions de bien vouloir trouver ci-joint copie des
rapportsde mer suivants :
-chalutier 'CATALAN' du 3.5.70
-chalutier 'ROCHELLA' du 14.5.70
-chalutier 'KERGROISE' du 16.5.70

Comme nous l'avons précisé,ces contrôles ou arraisonnements n'avaient
pas lieu d'être, étandtonnéque ceux-ci se sont effectués alors que nos
chalutiersse trouvaient soit dans les eaux camerounaises, soit dans les eaux
internationaleset, en aucun cas dansles eauxtemtoriales nigériennes.

"D'autre part, nous insistons sur le fait que ces contrôles et arraisonnements
ont étéeffectuésdans desconditionspour le moins anormales :

-menaces de mort et voies de faitsurcertains membres des équipages
-pillage et vol de provisions debord.

"Nous pensons qu'une représentationde la part du Ministère des Affaires
Etrangères du CAMEROUN auprès de l'Ambassade du NIGERIA
s'avèreraitnécessaire, afinqu'ilsoit mis un termeà ces contrôles abusifs, et que les remontrancesqui s'imposent soient adressées aux responsablesdes
navires de guerre nigérienset plus particulièrement au Commandant de
I'IBAHANII B O6" (annexeRC 21).

11.37 II résultede ce document d'une part que les faits ont incontestablement

eu lieu, et d'autrepari que s'il est vraique certainsdes arraisonnements ont effectivementpu
se produire en haute mer, ce qui ne les empêchepas d'être illicites et d'engagerla

responsabilitédu Nigéria, d'autresse sont déroulésans les eaux territoriales camerounaises.

A cet égard,dans son "rapport de mer" du 14 mai 1970,M. J.P. Le Romancer, le patron de
pêchecommandant le chalutier "Rochella", indique clairement qu'il a étécontrôlédans les

eaux camerounaises :

"devant la baie de Calabaralors quenous étionsà3 milles dans l'Est de la
BouéeNoire no 1et à 8millesde laPointe de Bakassi" (annexe RC 21).

11.38 Le Cameroun ajouteque ces faitsne sauraient êtreconsidérés comme les

seuls incidents illustrant la violation par le Nigéria de la souveraineté territoriale
camerounaise dans les eaux bordant lapresqu'îlede Bakassi avant le débutdes années 1980.

Certains exemples remontent même à une périodeantérieure aux années1970. On relève

notamment que, le 26 juin 1964,des policiers nigériansde la brigade maritime de&mg se

sont infiltrésen temtoire camerounais, poury intercepterune pirogue qui se trouvait dans le
Rio Del Rey, dans une pêcheriedénommée Okomkiet,qui figure sous le nom de "Big Ekom"

sur les cartescamerounaises de lapresqu'îledeBakassi(annexe RC 15).

11.39 En tout étatde cause, l'incident du 25 mai 1970, sans aucun doute
imputable auNigéria, constitue:

- uneviolation de la souverainetemtoriale camerounaise ;

- une violation à l'égarddu Cameroun du principe de non-intervention dans les

affaires intérieures.

§ 2- L'enlèvement et la séquestration de M. Esabe, chef de
district d91dabato,l21 janvier 1981 AKombo Abedimo

11.40 Le mémoirerend compte de cet enlèvement (MC, pp. 582-584, pars.
6.66-6.71) en se fondant sur deux notes des services de renseignement camerounais (MC,

Livre VI, annexe 257). Le Nigéria estimeque ces documents ne permettent pas de déterminer

le lieu de l'incident (CMN, vol. III, pp. 693-694, par. 24.185 et p. 695, par. 24.188), lenombre de soldatsnigériansimpliqués (CMN,vol. III, p. 694, pars. 24.186-24.187), la qualité
d'agentsduNigériades agresseurs(CMN, vol. III,p. 694, par. 24.187), et le nombre de civils

présentsdans l'équipecamerounaise(CMN, vol. III,p. 695, par. 24.188). En conséquence, le

contre-mémoiredoute de la matérialité mêmd ee l'incident. En outre, le Nigéna affirme que

l'attitude du Cameroun face à cet événement laisserait présumer qu'il l'a considérécomme
dénué d'importance.

A- Les faits

11.41 S'agissant d'abord des incertitudes nigérianes, sans doute seront-elles

levées a la lecture des complémentsque le Cameroun apporte au dossier relatif à cet

événement.Les faits, qui se sont produits dans le district de Kombo Abedimo, plus
exactement àIne Koi, sontrapportés avecforce détailsdans un récitétabli le30 janvier 1981

par la victimeelle-même,M. S.T. Esabe :

"On the 21" of January 1981, 1 lefi Idabato, the Headquarters of Idabato
District in Isangele Sub-Division of Ndian Division in the South West
Province, of the United Republic of Cameroun for a visit to fishing
Settlements within Idabato District,West of Idabato 1.1was accompaniedby

the followingofficers and boat crew : (...)

"2. While at INE KOI fishing port within Idabato District on this same day
at about 4pm having discussions with the Chief and people of the fishing
port, we were attacked by the Nigerian Army based at Ikang. The soldiers
came in three boats, heavily armed and ready for combat. They had steel
helmets andlova sacks on as well. Theywere twenty two in number and led

by a Lt who had an inscription of his name on the left chest pocket as 'D.O.
ALONGE'They came in three civilian canoes.

"3. As theywere landing at INE KOI Beach close to wherewe were Sitting,
they orderedthe army men 1came along with to surrender.To avoid loss of
life, 1 instmcted my men to obey and they did so. Every property in Our
possessionwas taken over by them. These included :

"a) Six (6)armyriffles (..)

"4. In the process of surrender, one of our army men, Ngwa Bidyinsi was
senously wounded on the head and others sustained minor injuries. The
followingproperties were alsomissing :a) one portfolio(...)

"5. After holding us captives in INE KOI for about two hours, we were
carried in four canoes to IKANGwhere we were detained for two days and
vigorously interrogated there. On 23rd January, 1981, at about lO.am, we
were blind-folded and carried into an army vehicle to Calabar. On amivalin
Calabar, we were separated intotwo groups and lockedup in Police cells in two separate police stations at about 6pm during which our eyes were
untied. Wewere detainedup to 29" January, 1981.

"6.While in Police custody, we were poorly fed and those who were sick
were notmedically attendedto. In fact, betweenMonday 26'hand Thursday,
29RJanuary, 1981 when we were released, we were given no food at all"

(annexeRC 56).

11.42 Ce récit, dont l'auteur, victime directe de l'incident,est clairement

identifié, répondà toutes les questions que se pose le Nigériadans le contre-mémoire,

notamment sur le nombre de soldats nigérians impliqués dans l'opérationv,ingt-deux, et sur

le nombre de pirogues civiles qui les véhiculaient,trois. 11en ressort égalementque deux
civils accompagnaientl'expédition camerounaisevictimede l'enlèvement,M. AkpanWilson

Ibet, homme d'équipage,et M. Edet Bassey, pilote de pirogue. Ce récitpréciseen outre

quelles ont étéles conditions de la détention, dontla duretéest d'ailleurs confirméepar

l'expertise médicale du ler février 1981effectuée par le médecin-capitaine Nkoumou
Samson,médecin-chefde l'infirmerie de garnison à Buéa(annexeRC 57).

11.43 Le récit du30 janvier 1981 du chef de district d'Idabato est utilement

complété palre rapport fait quelquesjours plus tard, le 4 février,par le consul du Camàroun
Calabar,au Ministre des Affaires étrangèreà Yaoundé. Leconsul a lui aussi étédirectement

mêlé à cet événement, puisqu'il a conduitles actions nécessaires à la libérationdes

Camerounais séquestrés au Nigéria. A cet égard,son rapport mentionne àplusieurs reprises

les contactsofficielspris par le Camerounavec les autoritésnigérianesresponsabl:s
"Vendredi, 23 janvier 1981 à 18h, alors que je me trouvais encore au
Cameroun pour la visite d'Etat que le Présidentde la RépubliqueFédérale

du Nigéria avait effectuée chez nous, mon Vice-Consul, Mr. MENGUE
EBENDENG Richard, a été informé de ce que neuf Camerounais parmi
lesquels le Chef de District d'IDABAT0, Arrondissement dlISANGELE
dans le Départementdu NDIAN de la Province du Sud Ouest ont été arrêtés
par l'ArméeNigériane,détenus pendantdeux jours a IKANG et conduits
après à Calabar, les yeux bandés, où ils ont été incarcéréd sans deux

Commissariatsde Police de la capitale du Cross River Stateàla disposition
du Nigeria SecurityOrganisation(N.S.O.) (...).

"Aussitôt, le Vice-Consul a entrepris les démarchesd'usage en pareilles
circonstances et rencontréles autorités Nigérianes compétenteq sui ont
promis, par la voie officielle d'informer leConsulat etpar écritdes mobiles
de l'arrestationde nos compatriote;ce qui a étéfait ..)

"Le jeudi 29janvier 1981, à 09H50 àmon arrivée à Calabar en provenance
de Douala et après qu'il m'ait accueilli,le Vice-Consul me tint informé de la situation qui prévalait. Immédiatementet ceci dès l'Aéroport,je me
rendis; en sa compagnie, au Commissariatde Police de l'Aéroport oùj'aipu
rencontrer le Sergent NANA. Il ne m'a pas été possible de rencontrerle
Chef de Distnct ESABE Simon, le Sergentde Police du Commissariat de
Housing Estate m'ayant laisséentendre que c'était des instructions du
Directeur du N.S.0 que je suis allévoir par la suite et qui, après mon
intervention, m'a donné desassurances quele Chef de District d'IDABAT0

et sa suite allaient êtrelibérés dalajournéeet qu'il ne me restait plus qu'à
aller voir le Commissaire de Police de 1'Etat du Cross River pour les
formalités de transfertdesdits individusàmon Consulat ; ce qui a étfait.

"C'est ainsiqu'à 16h30 les neufs camerounaiset le Canoe Boy nigérian ont
étéconduits à mon Consulat par un Officier de Police de 1'EtatMajor du

Cross River State. En attendant leur évacuation le lendemain sur le
Cameroun, les militaires ont étélogéspar mes soins au Consulat, le Chef de
District et le Commissaire spécial àma résidence. J'ai parla suite demandé
au Chef de District de me faire un rapport circonstanciéet détaillésur les
conditions de leur arrestation(..).

"Le Vendredi 3011181après avoir achetédes habits aux militaires pour
qu'ils ne voyagent pas en tenue camouflée entemtoire nigérianet loué un
mini bus aux neuf,j'ai dépeché Mr.NOKAMOdilon, un agent auxiliaire du
Consulat qui les a escortés jusqu'à la Brigade de Gendarmerie de
EYUMODJOK pour les remettre à la disposition du Préfet de Mamfé,
autorité administrative camerounaise la plus proche de ma mission
consulaire (...).

"D'après les informationsreçues, il y a contradictionentre le rapport a nous
adressépar laPolice et celui rédigépar leChef de Distnct ESABE Simon.

"En effet, d'après les autoritésnigérianes,Mr. ESABE et sa suite ont été
arrêtés à INE EKOI, en territoire nigérian,alors qu'ils étaienten train de

terroriser les habitantsudit village de pêcheurs.D'après les cartes à notre
disposition le village de pêcheursINE EKOI,dans la zone des criques où le
Chef de District d'IDABATO effectuait une mission officielle, selon sa
propre version,en vue de préparerla tournéeque le Préfetdu NDIANdevait
effectuer dans la dite localitédu 2 au 3/2/81, se trouve non en temtoire
nigérian maisen terre camerounaise (...).

"S'agissant des armes de nos militaires, leCommissairede Police du Cross
River State a laissé entendre qu'ellesne pourront être remisesaux autorités
camerounaises que par voie diplomatique"(annexeRC 58).

11.44 Le Nigériadit douter de la réalité mêmede ces faits (CMN, vol. III, p.

694,par. 24.187). On peut cependant regretter qu'il n'ait pasfondé sonargumentation sur les
recherches qu'il aurait pu mener dans ses propres archives. S'il l'avait fait, il n'auraitpu

manquer de trouver la lettre signée par M. O. Akpabio, "Commissioner of police 'B' Department (OPS) State Police Headquarters, Calabar", adresséele 5 février1981 au consul
du Cameroun à Calabar, qui confirme sans ambiguïtépossible les:faits

"Arrest of Foreign Nationals

"Further to my lette(...dated 26" January, 1981,1have to Saythat the
Police enquirieshave been concludedand that we haveficiallyreleased to
you the Camerounians, listed in myetter under reference as having been
arrested on 21/1/81.

"The arms and ammunition mentioned in that letter are still in our
possession until clearance obtained from Lagos on the subject, please"
(annexe RC 60).

1 11.45 Ce document montre en outre que la libération,le 29 janvier 1981 dans

l'après-midi,des Camerounais enlevéshuit jours plus tôt, n'a pas marquéle dénouementde
l'affaire. Les objets qui leur avaient étéconfisqués, tantpersonnels que militaires, ne leur

avaient pas été rendus.Dans un courrier du 9 novembre 1981adresséau Ministredes Affaires
1 étrangères,le Ministre camerounais de l'Administration temtoriale constate au demeurantque

plusieurs mois après, cesobjets n'avaient toujourspas été restitué(sannexeRC 68).

1 B - L'attitude du Cameroun

11.46 S'agissant de l'attitude du Cameroun face à l'enlèvement et la
l
1 séquestrationde ses agents, c'est sans aucun fondementque le Nigériaprétend eninférerune
présomption "that Cameroun thought the incident was too unsubstantial to be worth pursuing
l
or was othenvise not one for which Nigeria bore any responsibility" (CMN,IIIp.,695,
par. 24.189). Le Cameroun a conduit toutes les actions nécessairesa libérationde ses

agents. Sa gestion politique de l'incident est résuméedans un aide-mémoire sur les
"Démarchesdu Ministère des affaires étrangèresau sujet de l'enlèvementdu Chef de district
l
l d'Idabato et de ses collaborateurs par les autoritéskontalières nigérianes",établipar le

Secrétaire généralu ministèredes Affaires étrangères,M. Philippe Mataga, dont il ressort
clairement que le Cameroun apris le problème trèsau sérieux.Il in:ique

"Le 26 Janvier1981à 11 H 30,Monsieur le Premier Ministrem'a appeléau
téléphonepour m'informer que le Chef du district de IDABATO et neuf de
ses collaborateursont étéenlevésdepuis le 21 Janvier 1981par les autorités
frontalières nigérianes et amenésau Nigéria ou ils sont détenII.me
demandait donc de saisir l'Ambassade du Nigériaaoundé pour exigerla
libérationimmédiatedes fonctionnaires camerounais.'exhortait en outrede transmettre ces informations et ces instructiànnotre Ambassade à
Lagospour qu'unedémarcheparallèle soi etntreprisàce niveau.

"Le 26 janvier 1981 à 16 H 00, je recevais, sur convocation, le Chargé
d'Affaires duNigéna à Yaoundéet lui faisaispart de l'incident survenu le

21 Janvier 1981 dans la localitéprécitée. Aprèlsui avoir déclaré que le
Cameroun voulait en ce qui le concerne considérer que cet acte
foncièrement inamical émanaitd'agents subalternes,je lui ai exprimé
l'émotion ressentipar le Gouvernement enconstatantque l'enlèvementdu
Chefde district et de ses collaborateursa été exaélors que le Président
SHEHU SHAGARI se trouvait en visite officielle au Cameroun. Le

Cameroun, ai-je poursuivi, souhaite que cette question soit rapidement
régléepour éviter qu'ellen'acquièredes proportions embarrassantes. Le
Gouvernement Camerounaisexigedonc la libérationimmédiate duChef de
district et de ses collaborateurs dansle but de sauvegarder les excellentes
relations de bon voisinage qui existent entre le Cameroun et le Nigéria et

dont les deux chefs d'Etat se sontfélicités lola visite officielle que le
Présidentde la RépubliqueFédéraldeuNigériaa effectuéeau Cameroun.

"Le Chargé d'Affairesdu Nigériaa déclarétout ignorer de cet incident eta
présenté ses regretà ce sujet. Il a manifestéde l'étonnementdevant la
répétition, u côténigérian, d'agissementirresponsables dans cette partie

de la frontière.Il s'est demandési certains agents nigériansde Ee secteur
n'avaient pasde comptes personnelsà régleravec les Camerounais ou s'il
ne s'agissait pasà un niveau plusélevé,d'une volonté d'embarrasser le
Président SHEHUSHAGARI.Il a promisde saisirLagos tout ensoulignant
que la réponsese ferait peut-êtattendre étantdonnéque le Ministre des
Affaires Etrangères du Nigénase trouvait en visiàeParis. Le 26 janvier

1981 à 16H 30, j'ai rendu compteàMonsieur le Premier Ministre de la
teneur de cet entretien en mêmetemps que j'envoyais un télex à
l'Ambassade du Cameroun à Lagos (Cf. télexno 038/DIF'L/SGdu 26
janvier 1981[annexeRC 521).

"Le 27 janvier 1981,je recevais lemessageporténo A 31R du 26 janvier

1981de la Présidence dela Républiquesur le mêmeobjet, complétantles
informations de la veille (nom du Chef de district, nombre de ses
collaborateurs, lieu de détentionau Nigéna)et confirmant les précédentes
instructions [annexe RC 531.J'ai immédiatementtransmis ces nouvelles
donnéesau Chargé d'affairesduNigéria à Yaoundépar téléphone età notre
Ambassade à Lagos par télex(cf télexno 41/DIPL/SG du 27 janvier 1981

[annexeRC 541).

"Le 28janvier 1981à 15H 15,le Chargé d'Affaires du Nigéria 'informait
par téléphoneque le Chef de districtet ses collaborateurs serontrelâchésle
29janvier 1981dans la matinée. la questionde savoirpourquoiseulement
le 29 janvier 1981, il a réponduque ce délaiétait nécessairepour la

transmission des ordreà Calabar. Il s'est engagéde nous faire tenir les
détails sur l'incidentd'IDABAT0 dès qu'ilen aura eu communication du
MinistèreNigériandes AffairesEtrangères. "La teneur de cettedernièreconversationtéléphonique a été immédiatement

portée'àla connaissancede Monsieur lePremier Ministre par téléphone vers
15 H 50 et de la Présidencede la République par message porté no
908/DIPL/SG du 28 janvier 1981 (copie jointe) [annexe RC 551" (annexe
RC 69).

11.47 Il apparaît donc que le Cameroun s'est comportéavec toute la diligence
requise lorsde cet incident, pour obtenirla libérationrapide de ses agents par le Nigéria.Cette

libération n'aétéobtenue qu'aprèsde multiples efforts diplomatiques, et sans pour autant

clore le dossiersi le Camerouna obtenu la cessationde l'infraction, il esttoujoursrecevable
a réclamertant la réparationdu préjudicequ'il a subi, que des garantiesde non-répétiti. n

tout état de cause,ces faits, imputablesau Nigéria,illustrent

- la violation de la souveraintemtoriale du Cameroun;
- la violation à l'égarddu Cameroun du principe de non-intervention dans les

affaires intérieures.

53 - L'incident rapporté dans la note du 16 avril 1981 relatif à
l'occupation fréquentdee Jabane en 1981, et autresincidents
du mêmo erdre

11.48 Le Cameroun évoque dansson mémoirela présence de plus en plus
fréquenteconstatée en 1981de militairesnigériansdans le districtIdabato (MC,p. 577, par.

6.56, et LivreVIi, annexe 258).

11.49 Le Nigéna, dans son contre-mémoire,cite incorrectement le mémoire

comme alléguant "presence of Nigerian troopsin Idabato" (CMN, vol. III p. 678, par.

24.128). De la, il constate que le document sur lequel le Cameroun se fonde "makes no
mention of any soldiers having been in 'Idabato' (Atabong), as alleged in the Mernorial"

(CMN, vol. III, p. 678, par. 24.130). Le mémoiren'allègue pourtantnen de tel. En réalité,

tout comme la note du 16 avril 1981,il évoque laprésence de militaires nigérians"dans le
district d'ldabato".

11.50 Le Nigériacroit aussi pouvoir observer que l'incident n'est pas daté
(CMN, vol. In, p. 678, par. 24.129).Cette remarque s'explique mal, car la note du 16 avril

1981 exposeclairement que lesmilitaires nigérianont été surpri"le 11avril 1981vers 13h"(MC, Livre VI, annexe 258). La note précised'ailleurs que les militaires étaient encore

présentsle lendemain.

11.51 Enfin, le Nigéria objectequ'il n'est pas certain,ire la note du 16 avril

1981,que les soldats dont il est question soient bien des soldats nigérians(Cm,vol. III, p.

679, par. 24.130). L'objection s'explique égalementdifficilement, car la note du 16 avril
évoqueexpressémentdes soldats nigérians. Par ailleurs, on voit mal quel autre statut

pourraient avoir eu les vingt intrus arméset casqués réunisà Jabane en avril 1981, étant

donné laprésencefréquentede militaires nigérians à Jabane durant la première moitiéde

l'année1981.

11.52 En effet,bien d'autres incursionsde militaires nigérians ontobservées

tout au long de l'année1981,à Jabane, dans le district dlIdabato et, plus généralement,dans

lapresqu'îlede Bakassi. Quelquesexemples lemontrent.

11.53 Le 21janvier 1981,22 militairesnigérians enarmes enlevaient le chef de

district'Idabato,à Kombo Abedimo (sur cet événementv ,.supra,pars. 11.40 et S.).

11.54 Une nouvelle incursion eut lieudèsle mois suivant. Dans une note du 18

février1981,le sous-préfetdu départementdu Ndian (sous-préfecture dYIsangele),rapportait

au gouverneurde la province du sud-ouestà Buéa,que

"le15 février1981, des officiels de l'armée nigériane sont entrés danlses
campements de pécheurs de ENO-KOI, ABANA et INOSI du District
d'IDABAT0, bien armés.Ils sont arrivés à bord de quatre gands bacs à
moteur et ils étaienttous en tenue.On dit que leur intention est de s'installer
àENO-KOI d'autant plus qu'ilsprétendentque cette zone est une partie du

Nigéna. Ils sont, dit-on, prêtsà repousser toute action de la part du
Gouvernementcamerounais dansla région enquestion" (annexe RC 59).

Cette informationest recoupéepar un télexen date du 16février 1981,citépar le gouverneur

de laprovincedu sud-ouest,Fosi Yakurn-Ntaw, dans un télex du 20 février 1981 adressé à la

présidencede la République à Yaoundé :

"l'armée nigériane a déjà construit leurbarraque Inekon stop occupe
maisons d'Abana stop se trouveà Enonsi où elle demande à la population de
fairedes nattespour leur constructiondans dite localité"(annexe RC 61). 11.55 Une note du 30 avril 1981 de M. Paul Dontsop, Ministre des Affaires
étrangères,adresséeau Secrétairegénéralde la présidencede la République à Yaoundé,

révèleque les militaires nigériansontpoussé leurs infiltrationsjusqu'à KomboItindi, et dans

les installations pétrolières camerounaises.Il est en outre indiqué que des protestations

verbales ont sur ce point étadresséesau chargé d'affairesdu Nigériaa Yaoundé(annexeRC
62).

11.56 Enfin, le 16 mai 1981se produisait l'altercation se soldantpar la mort de
cinq soldatsnigérians aux abordsde lapêcheriede Coconot(v. infra, pars. 11.58-11.75).

11.57 En conclusion sur ce point, il est clair que des militaires nigériansont
fréquemmentoccupédes pêcheriesdu district d'Idabato en 1981, notamment les 11 et 12

avril, ou encore le 15février. Cesactes sont le fait de militaires nigérians,et sont imputables

auNigéria. Ilsconstituent des violationsde :
-
l'interdiction de porter atteintà l'intégritétemtoriale du Cameroun du fait de
l'occupationmilitaire d'une partie deson territoire

- l'interdiction du recourà la force contre le Cameroun ;
-
la souverainetétemtoriale du Cameroun ; et de
- l'obligationde non-interventiondans ses affairesintérieures.

5 4 - L'incursionmilitaire nigérianedu 16 mai 1981

11.58 Comme le Cameroun l'a indiquédans son mémoire, leNigéria porte la

responsabilitéd'un affrontement violent en date du 16 mai 1981 sur le Rio Del Rey. La

confrontation, entre des militaires nigérianset des militaires camerounais, s'est soldéepar le
décès de cinq militaires nigérians(MC,pp. 567-569,pars. 6.12-6.27).

11.59 Dans son contre-mémoire,le Nigériane met pas en doute l'altercation,
mais conteste la version camerounaise des faits (CMN, vol. IiI, p. 654, par. 24.66). Selon le

défendeur,l'altercation aurait eu lieu non pas dans le Rio Del Rey, mais dans 1'Akwayafé

(ibid.).Pour tenter d'étayer cetteaffirmation, leNigérias'appuie surdes documents, ainsi que
surl'attitude du Cameroun. A - Les "preuves" du Nigéna

11.60 Les seuls élémentsproduits par le Nigéria pourattester sa version des

faits sontles lettres adressées parle Présidentnigérianau Présidentcamerounais les 25 mai et

20juillet 1981,qui affirment,respectivement :
"we in Nigeria most emphatically and unequivocally assert that the sad

event (...)did take place on Nigerianterritory ..). The incident took place
on Akwa yaji River, about 2 Km South of Ikang, a Nigenan town" (CMN,
vol. XI, annexe344) ;

et
"the incident of the 16th of May, 1981which occured on the Akwa Yafe
river" (CMN,vol. XI, annexe 346).

11.61 Il va de soi que ces affirmations ne peuvent en aucun cas êtrereçues

comme des élémentssuffisantsde preuve que les faitsse sont produits dans l'Akwayafé,et ce

d'autant moins que dans sespropres lettres sur le mêmesujet, le Cameroun a affirméque les
faits s'étaient produitsdans leRio Del Rey (MC, LivreVI, annexes259 et 261).

11.62 Le Cameroun produit, pour sa part, d'autres élémentsque de simples

affirmations. Au soutien de la note de renseignement du 23 mai 1981 et de la dépêche de
l'A.F.P. du 8 juillet 1981, annexées au mémoire(MC, Livre VI, annexes 260 et 262), le

Camerounannexe à la présenteréplique lecompterendu du capitaine Seraphin Sintafeu, chef

du bureau de renseignements du deuxième secteur militaire, en date du 17 mai 1981. Ce
compte-rendu très circonstancié,rédigé dès le lendemain de l'incident, place clairement les

faits dansle Rio Del Rey :

"Au lieu de se mettre en route sur Idabato, l'équipagede notre PLASCOA
alla plutôt passer la nuià côté d'unepêcherie,(toujours dans le RIO DEL
REY) situéeun peu plus au Nord par rapport au point de station des
installations de la SociétéBOS ET KALIS. Après s'être ravitaillés en

cigarettes le 16/05/81 au matin vers 09 heures, nos marins s'apprêtaient
déjk moteurs en route, à aller récupérer leurbatteriesà BOS ET KALIS.
C'est alors qu'ils aperçurentau loinune pirogue et une coque chargéesde
'militaires' nigérians,fonçantà toute vitesse vers eux(...)A environ 100
mètresdu PLASCOA la pirogue nigériane hiffurqua vers la berge, pendant
que la coquese dirigea tout droit surle PLASCOA" (annexe RC 63).

11.63 Sont également produitsles témoignagesrecueillis par le Cameroun en

août 1999de deux des militaires camerounais impliquésdans l'altercation, le maître principal

Mahamat Mahamat, à l'époque secondmaître, et le maître pnncipal Meka Guy Richard (annexe RC 241).Ces deux témoins directs desfaitsreprennentle fildes événementse façon
préciseet circonstanciée,et placent sansambiguïté lieude l'incidentdans le Rio Del Rey.

11.64 Le Cameroun rappelle,au demeurant,qu'il avait officiellement proposé

au Nigénala mise enplace d'unecommissiond'enquête conjointepourrecouper les résultats
de sa propre enquêteD. ans sa lettredu 23mai 1981,lePrésidentcamerounaisproposait

"the settingup, byOurtwoGovemments,of a Joint Commissionof Enquiry
charged with venfying the facts reported on the circumstances, the place
and the causes of the incidentwhich took placeon 16may 1981" (CMN,

vol. XI, annexe 343,p. 2614).

11.65 Le Présidentnigérianrefusa catégoriquement cetteproposition dans sa

note du 25 mai 1981

"With regards to the proposal of a Joint Commission of Enquiry, Nigeria
has not the slightestdoubtas to wherethe incidenttook place and is of the
view that such Commission of Enquiry will serve no useful purpose"
(Cm, vol.XI, annexe344).

11.66 Un tel refus ne peut s'expliquerque par la crainte qu'une commission

d'enquêteconjointe confirme la position camerounaise.Mais puisque c'est le Nigénaqui a

empêché la mise en place d'une commission d'enquête mixte, on voitmal comment il
pourrait utilement opposerau Camerounlecaractèreunilatéralde l'enquêtequ'il adiligentée.

B - Les conclusions erronéesdu Nigéna tirées de l'attitude

concilianteduCameroun

11.67 Le Nigériacroit pouvoir appuyer sa version des faits sur l'attitude

conciliante du Cameroun,qui l'a conduità dédommagerles familles des victimes nigérianes

de l'altercation.Ce geste devrait êinterprétés,elonle contre-mémoire,comme une sorte de

reconnaissance par le Camerounde ses torts dans cetteaffaire (CMN, vol. III, pp. 654-655,
pars. 24.66-24.67).

11.68 Les termes dans lesquelsce dédommagementa été accordédémontrent
au contraire que leCameroun a toujoursmaintenusa version des faits. La lettre du 16juillet

1981, par laquellele PrésidentAhidjooffiaitune compensationaux victimes, commence par

ces mots trèsclairs "For the past two months an atmosphere of nefarious tension has been
prevailing betweenour two countries following the incident which occured
last May 16onthe RIO DEL REY "(CMN, vol. M, annexe 345).

11.69 Il est donc parfaitement impossible d'interpréterl'offre faite par le

Présidentdu Cameroun en juillet 1981 comme une reconnaissance que les faits se sont
produits dans I'Akwayafé.Sa signification ressort du reste de la lecture de la lettre du 16

juillet 1981:

"the Cameroonpeople, theu Govemment and myself consider the incident
that occured on 16 May as an unfortunate one that should in no way
degenerateinto a bmtai confrontation (..).Actually,what is the use of such
confrontation if notto endanger the development of our two countries, the
existenceand security of our brotherlypeoples and the stability of our sub-

region ?

"1therefore feel,Mr. President, that in the interest of peace, in the interest of
our old bonds of fraternity and fiiendship and for the safeguard and
strengtheningof our relations of good neighbourliness, we must transcend
the passions which tendto cristallize around this incident and find a lasting
peaceful solutionto it" (ibid).

11.70 C'est donc pour conjurer le risque que l'incident conduise à des

affrontementsencore plus graves entre les deux voisins que le Président Ahidjodécida,avec

beaucoupde sagesse,de faire un geste politique d'apaisement, geste ressenti comme d'autant

plus urgent àl'époqueque la tension aux frontièresmontait dangereusement. En dehorsde la
dépêche de 1'A.F.P.no 10516 du 8 juillet 1981 déjàannexéeau mémoire (MC,Livre VI,

annexe262),denombreuses autrespièces confirmentla dégradation rapidede la situationaux

frontièrescamerouno-nigérianes.

11.71 Dans sonrapport du 21 mai 1981,le consul du Cameroun à Calabar, M.

Georges NdandoNgoo, avertissait le Ministre des Affaires étrangèresdu Cameroun que le

Nigériavenaitdeposer un ultimatum :
"Le Gouvernement Fédéralaurait donné un délai de sept jours au

Gouvernement Camerounais pour présenter ses excuses aux familles
éprouvées fautede quoi il se verrait dans l'obligation de prendre des
mesuresénergiquesqui s'imposent"(annexe RC 64) ;

il ajoutait,donnantunpoids supplémentaire à la menacenigériane :

"On a constaté toutdernièrementun défilé de plusieurs camions transportant
les militairesnigérians arméset desengins vers la frontièreIKANGpour le
renfort" (ibid.).11.72 Au ministèredes Affaires étrangères,le Ministre, M. Paul Dontsop, fit

porterun message le 2juin 1981 au Secrétairegénérd ael la présidence, informantle Chefde

"détachementde l'armée nigériane d'Rang a étéérigé enbataillon stop
arméenigérianey serait en train d'aménagerun aérodrome stop à signaler
également renforcement en personnel et équipement militaires stop
populationsen totaliténigérianesauraient évacuépêcherie d'Achibongdans
arrondissement dYIsangelestop par ailleurs militaires nigérians arrivé s
Gold Coast, district deKombo Itindi, arrondissementd'Isangele, auraient

rassemblé population afin de rechercher un certain Kernmer Igbeta,
nigérian,soupçonné de complicité avelce Camerounstop un Camerounais
qui setrouvaitdans lesparagesaurait été malmené"(annexeRC 65).

11.73 Trois jours après,le 5 juin 1981, le même Ministre tenait informé le

Présidentcamerounais de :
"la manifestation des étudiants nigériansqui ont investi et saccagé
l'Ambassadedu Cameroun à Lagos, causant d'importantsdégâtsmatériels

(...>

"l'intransigeance duGouverneurClement Isongqui déclare inacceptablela
réponse du Gouvernement camerounaissur l'incident frontalier du 16mai
dernier et qui exige des autorités fédéraldses mesures énergiquesen vue
ramenergouvernementcamerounaisau bonsens" (annexeRC 66).

11.74 Le 24 juin, le Secrétaire général du ministère des Affairé estrangères

informait leSecrétariatgénérd al la présidencedes rumeurs d'attaque imminente :

"élémentnouveau concerne informations faisant état d'une attaque
éventuellede la Sonarapar Nigeria stop cette attaque serait prévuepour le
25juin 1981"(annexeRC 67).

11.75 Dans ce contexte, ilestclairque la décisiondu Président camerounaisl,e
16juillet 1981,d'offnr un dédommagement aux famillesdes victimes, n'a étéqu'un geste

d'apaisement, destinéà restaurerun climat de dialogueentre les deuxpays.

11.76 L'incident du16 mai 1981se qualifie donc commeune incursion active
de militaires nigériansarmés en temtoire camerounais. Elle est imputable au Nigéria,

puisqu'elle est le fait de membres en mission de l'armée régulièrd ee ce pays, dont, de

surcroît,les agissements ontété couverts au plus haut niveaude la hiérarchie nigérianeC. es
faitsconstituent: -
uneviolation de la souverainetéterritorialeduCameroun;
- uneviolation de l'interdictiondu recouàsla forcecontre leCameroun ;

- une violationà l'égarddu Cameroun du principe de non-intervention dansles

affaires intérieures.

5 5- L'incidentdu 16juin 1984

11.77 Le Cameroun a indiqué dansson mémoireque, le 16 juin 1984, une
patrouille des douanes maritimes nigérianes avait installun poste de contrôle dans les

parages du Rio Del Rey, dans les eaux territoriales camerounaises(MC, pp. 574-575, par.

6.50 et MC, Livre VI, annexe 270). Le contre-mémoiresoulève certainesobjections sur le
caractère illicite des faàtles supposer établis,et sur le nombre de bateaux effectivement

contrôlésparleposte illégal.

11.78 Quant à l'illicéitédes faits tels que rapportéspar le bulletin de

renseignements du 19juin 1984 (et non du 18juillet, contrairementàce qui est indiquéau

par. 6.50 du mémoire; MC, Livre VI, annexe 270 et OC, Livre Ii ,nnexe 1, p. 393), le

Nigériala conteste au motif que la localisation précisedu poste de douane nigérian installé
dans les paragesdu Rio Del Rey n'est pas indiquée(Cm, vol. III,p. 671,par. 24.10(2)).Il

en conclut qu'ilest possible que l'incident se soit produit dans la partiequ'il estimenigériane

du Rio Del Rey (CMN, vol. IIIpp. 671-672, par. 24.106). Cet argument se fonde sur le
postulat selonlequel la frontière entrele Cameroun et le Nigériase situe sur le Rio Del Rey.

Tel n'est pas lecas.

1 1.79 Le Nigéria observe encoreque le Cameroun n'a mentionné,dans ses

observations sur les exceptions préliminaires du Nigéria,qu'un seul bateau qui aurait été

contrôlépar le poste douanier nigérian(CMN, vol. IIi p. 671, par. 24.105). Effectivement,

dans ses observations,le Cameroundonne le nom d'unbateau qui a étéillégalementcontrôlé,
le "Kalu andBros" (OC, Livre II, annexe 1,p. 387).Cela suffitpour établirlepositiomement

d'un poste de douane nigérian dans leseaux territoriales camerounaises,etl'arraisonnement,

par les douaniersde ce poste, d'unnavire camerounais.11.80 Le positionnement de douaniersnigériansle 16juin 1984, et l'exercice
d'un contrôle douanier dans les eaux camerounaises, sont desactes illicites, imputables au

Nigéria, quicaractérisentlaviolation de :

- la souverainetétenitonale du Cameroun ;et de

- l'obligation denon-interventiondans sesaffaires intérieures.

tj6 - L'incident citépar lemessage du 2 décembre 1985, et les
autres incidents du mêmeordre

11.81 Le mémoire cite unenote derenseignementrenvoyant àun message du 2

décembre 1985,lui-mêmerépercutantun message du 19 novembre 1985 (MC, Livre VI,

annexe 277), qui indique que, selon les pêcheursde Inua Mba, les douanes et la police
nigérianesse livrent fréquemment àdes patrouillesdans les eauxcamerounaises (MC, p. 575,

par. 6.52).

11.82 Commeles autres, cet incidentn'a été évoqué par le Cameroun qu'à titre
d'illustration des nombreuses incursions nigérianesdans les eaux camerounaises. Bien que

d'autres exemples eussent pu être cités dèlse mémoire,le Cameroun a considéré qu'unseul

suffisait démontrer l'engagementde la responsabiliténigériane pouv riolation des droits que
le droit international lui reconnaît d'exercertitre exclusif dans les eaux qui relèvent de sa

souveraineté.Puisque'leNigéria a choisi demettreendoute laréalitémêm dee ces incursions,

le Cameroun non seulement en rapportera la preuve, mais présenterade surcroît d'autres

incidents,demêmenature,illustrant tout autantlesviolationscommisespar le Nigéria.

A - L'incidentévoqué explicitement parlemémoire

11.83 S'agissant tout d'abord de l'incident cité dansle mémoire,qui est une
incursion des douanes nigérianesdans les eaux camerounaises, leNigéria conteste sonlieu et

sa date, ainsi quele caractèreprobant des documentsproduitspar le Cameroun.

1") Lieu

11.84 Sur lepremier point, on remarquerade façongénérale que dans la mesure

ou le "poste de douane" nigérian en causedans cet incident n'estrien d'autre qu'unbateau, illui est loisible de se déplacercomme bon lui semble. Par suite, la localisation, en un lieu
unique, desincursions auxquellesles douanes maritimes nigérianesse livrent, est un exercice

qui, dans certainscas, peut être impossible. Cettmobilitéest par exemple attestéepar le

bulletin derenseignementsno54314de novembre 1985,selon lequel :

"De sourcebieninformée,la Police et la Douane Nigérianes patrouilleraient
dans nos eaux, surtout dans la circonscription de BAMUSSO et
particulièrement à INUA MBA, INUA BASSI, Gold Coast. Ces
patrouilleurs partentde IKAN, contournent la crique de IDABATO puis
fréquemment établissent des postesde contrôlà INUA BASS1 à quelques
centaines de mètres de l'entréede la crique qui mène à IDABATO. Ces
unités nigérianesà bord des embarcations contrôlenttoutes les pirogues

allant ou sortant du Nigéria, extorquent defortes sommes d'argent et de
grandes quantitéde poissonsaux pêcheurstant Camerounais que Nigérians
de la Côte(..).

"Cet état de choses peut facilement faire renaître un conflit entre le
Camerounet le Nigéria, puisque les patrouilles suscitéessont effectuéesau

niveau de INUA MBA, endroit où les Forces Camerounaises ont eu des
affrontementsavec les ForcesNigérianesle 16mai1981" (annexe RC 136).

11.85 La pêcheried'hua Mba semble êtreun lieu appréciépar les douanes
maritimes nigérianes, puisquec'est dans ses paragesque s'est produit l'incident évoquéns

le mémoire. A cetégard, le Nigéria suit une démarchequi peut laisser perplexe. Il objecte

d'abord quele lieude l'incursionalléguée n'est papsrécisexplicitementdans le corpsmême

du mémoire(CMN, vol.III, p. 673,par. 24.1IO),pour ensuite admettreque le Camerouna
localiséces faitsdans sesobservationssur les exceptions préliminairesMN, vol III, p. 673,

par. 24.112). Il ne peut doncy avoir aucun doute :l'affaire s'est produitedans la pêcherie

d'hua Mba, précision quiapparaîtau demeurant clairement dansle document sur lequel le
mémoires'appuiepourjustifierde cet incident,danslequel onpeut lire :

"une grandechaloupe nigérianeconstituéede douane et police maritime a
visitéetmouilléparages Inua Mbail y a trois mois" (MC, Livre VI, annexe

277).

11.86 Pourjustifier tout de même une discussion sur cette "non question"du

lieu de l'incident,le Nigériaéchafaude alors une thèselon laquellele Cameroun ignorerait

la localisationgéographiquede hua Mba. II se fonde à cet égardsur une analyse de croquis

qui révèleque lorsque le Camerounfait référence aux incidents dehua Mba, il évoquenon
pas spécifiquement cettepêcheriem, ais le chef-lieu de la sous-préfecturedont elle relèàe,

savoir Kombo Abedimo(CMN,vol. III, p. 673,par.24.113). 11.87 En réalitél,a pêcheried'InuaMba, correctement localiséepar le Nigéria
dans son contre-mémoire (carte24-3 du contre-mémoire), estconnue au Cameroun sous le

nom deForisane.C'estla raison pourlaquelle le nomd'Inua Mba n'apparaît passur les cartes

camerounaises.En tout état de cause,situéedans la presqu'île de Bakassi, cette pêcherieest
clairemententemtoire camerounais.

2") Date

11.88 Concernant la date de l'incident, s'il est vrai que le mémoiren'est pas

expliciteàcet égard,une datepeut être déduite a,umoins de façon approximative,de l'annexe

277 (MC,Livre VI), comme se situant trois mois avant le 19 novembre 1985, soit en août
1985.

11.89 Mais il serait sans doute vain de chercherà fixer une date, et une seule,
pour des agissementsdont, dèsle mémoire,le Cameroun avait spécifié qu'ilé s taientobservés

"régulièrement" (MC, p. 575, par. 6.52). La réalité esen effet que les agissements dans les

eaux camerounaisesdes douanesmaritimes, maisaussi de l'arméeou de la police nigérianes,

n'ontpasété exceptionnelm s aisfréquents depuislemilieu des années1980.

11.90 Ceci est illustrépar une note de synthèsedu 28 novembre 1984 émanant

des services du ministère des Affaires étrangères, quidresse une liste des problèmes
répertoriéesntrele CamerounetleNigéria :

"letter (...)of 23/2/84 from the Ministryof Temtorial Administration stated
that elementsof the Nigerian Army intercepted a canoe transporting goods
of Cameroonian businessmen in Cameroonian Tenitonal waters and
conductedit to Calabar (...).

"Telex n0102 revealed that on 25th July 1984 a combined team of the
Nigerian Navy, Police and Customs anchored in two speed boats in
Mudemba and proceeded to Isangele, Idabatu Ngosso II and Opopo fishing
ports. They indoctrinatedNigeriancitizens resident therenot to pay taxes to
the Cameroongovernment (...).

"Telex n0106 revealed that on 23 july 1984, three Nigerian soldiers in a

flying boat came to Opopo and theatened the lives of certain Cameroonian
citizens.

"Telex of 12111/84from the Governorof the South WestProvince revealed
that the Nigerian Navy is stationed around Koumbo in ABEDEMO Sub Division and is sea monitoring the movement of boats and canoes at the
creeks" (annexe RC 106. Sur le contenu du telex du 12111/84, voir aussi
annexeRC 107).

11.91 Un message porté du ministère de l'Administration temtonale au

ministèredes Affairesétrangères en date du 22février 1985indiqueencore :
"Honneurvous répercuter informationreçuepar messagetelex du 18février
1985du Gouverneur de la Province du Sud-Ouestsignalantprésencele 14

févner 1985 à Navanga Ii dans le Rio Del Rey stop d'un Plascoa de la
Marine de guerre nigériane ayantà son bord 4 marinsstop cette situation a
été observép ear nos éléments de la base navale de Lobe en mission de
ravitaillementa cette datestopet fin" (annexeRC 113).

3") Preuves

11.92 Au titre des documents de preuve annexés à la présente répliquese

trouve la lettre du sous-préfetde Kombo Abedimoau préfet dudépartement du Ndian,en date

du 2 décembre1985,accompagnéede la lettred'envoi de ce documentau gouverneurde la

province du sud-ouest en date du 9 décembre1985 (annexe RC 134). Le sous-préfety
indique :

"On the 19th november, 19851proceeded to Fonsane, in the Companyof
the Commanderof the NavalBase, EkondoTiti(. ..).

"In a secret meeting with the Chief, he informed us that a large launch
belonging to the Nigenan Customs actually anchoredat Fonsane some 3
monthsago.He could not makeout how manyOfficerswere on bord.These
Customs said they were checking on petrol smugglers.They, however, did
not interceptany boat onthatday (...).

"Finallythe Chief saidhe usuallynotices Nigenan Customsor Water-Police

patrollingaround Fonsane upto RioDel Ref.

Ce document confirme, en tous points, celui que le Cameroun avait déjàannexé à son

mémoire(MC, Livre VI,annexe 277).

11.93 11est donc clair que l'incidentcité dans lemémoine peut êtreconsidéré

comme douteux. Du reste, bien d'autres incidents,du mêmeordre, ontété relevéesn 1985et

1986. B - Les incidents de mêmenature qui n'ont pas étéévoqués
explicitementdans le mémoire

11.94 Le Camerouna élevé des protestationsvigoureuseà plusieurs repriseà

l'encontre dela violation de ses eaux temtonales par des douanierset militaires nigérians,

lorsqu'il a pris la mesure du caractèrede plus en plus systématiqde ces incursions. C'est
ainsi qu'il a protesle 7 août 1985,le 2 décembre1985,et encorele24 févrieret le 12juillet

1986.

Dans sa protestationdu 7 août 1985, leministèredes Affaires étrangères
11.95
de la Républiquedu Cameroundénonce :

"la violation dutemtoire camerounaispar les douaniersnigérians.

"En effet le samediler septembre1984, dansla ProvinceCamerounaisedu

Sud-Ouest au lieudit 'pêcherieforisane'situéentreEkondo-Titi et Idabato,
toutes, localitéscamerounaises,ix douaniersnigériansàbord d'une pirogue
'MON ARK CUSTOMS PATROLMAN', ont intercepté une pirogue
camerounaise se déplaçantdans le sens Ekondo-Titi-Idabato. Après avoir
contrôlé lapirogue camerounaise, les douaniersnigériansont reproché au
propriétaire dela pirogue d'amener de la bière camerounaise en terre
nigériane,signifiantpar le fait mêmeque l'une des deuxlocalitésprécitées

est nigériane,ce quirelèved'uneméprise.

"Eu égard à cettesituation, le GouvernementCamerounais voudraitattirer
l'attention del'Ambassade sur la gravitéd'une telleviolation du temtoire
camerounais" (OC,Livre II, annexe 1,p. 382).

11.96 La protestation suivante trouve sa source dans un rapport adresséau

préfetde Mundemba le 5 juillet 1985,établipar M. J.P. Guemion,chef d'une mission de

prospection pétrolièrede la compagnie française de prospection sismique. Ce rapport

indique :
'Nous vous signalons que nous avons été interpellé psar la vedette des
Douanes Nigériannes,ce matin,vendredi5 Juillet vers 11H30,sur la rivière

du RIO DELREY.

"Nous remontionsle cours de la rivièreAVOSSEet allionsdébouchersur le
RIO DEL REY lorsque nous avons vula vedette au mouillage, portant la
mention 'CUSTOMS'peinte sur la cabine. Le personnel en uniforme qui
étaità bord nous a demandé denous présenter pour'un contrôlede la

Douane du Nigeria'puis, nous a invité àrepartir sansprocéderau contrôle
de l'embarcation, après que nous ayons décliné notre identité et justifié
notre emploidutemps. (...) "Compte du fait que cette présencepeut paraître inattenduà une douzaine
de kilomètresà l'intérieur dutemtoire CAMEROUNAIS, nous avons crû
bon devoustenir informé"(OC,Livre II,annexe 1,p. 395).

Le rapport est accompagnéd'une carte de la péninsulede Bakassi, sur laquelle le lieu précis

del'incidentest localisécommeétantbien à l'est duRio Del Rey.

11.97 Après recoupementde ces informations,le Cameroun a adressé une note

deprotestationdu 2 décembre1985extrêmementpréciseet circonstanciée:

"Il est revenuau Ministère qu'un navirede la flotte nigérianea patrouillé
dans les eauxdu RioDel Rey le 5juillet 1985à 1lh30 mn.

"Ce navire d'environ 22 mètres delong avait àson bord une vingtaine de
marins et de douaniers qui contrôlaient tous les bateaux et canots passant
par cet endroit.

"Par ailleurs,le Ministère voudraitattirer l'attention de l'Ambassade surla
présence insolitede ce navire aux abords des puits de pétrole camerounais,
présence d'autant plus dangereuse que la compagnie qui en assure
l'exploitation utilisedes explosifs.

"De plus, leDirecteur Adjoint de la Sismique et les exploitants pétroliers
qui setrouvaientsur les lieux ont même étinterpelléset interrogés avant de
recevoirl'ordre departir...).

"Le Ministèreseraitreconnaissant àl'Ambassade de bien vouloir intervenir
auprèsde son Gouvernement afin que la marine et les douaniers nigérians

cessent de violer les eaux temtoriales camerounaises et de patrouiller en
zone camerounaise"(OC,Livre II, annexe 1,p. 391).

11.98 Une autre protestation a été élevée l2 e4 février 1986, portant à la
connaissancede l'ambassade nigériane à Yaoundéque :

"- Un chalutierde la SociétCamerounaiseCHALUTCAM a été arraisonné
par la marine nigérianedans les eaux temtoriales camerounaises le 19
février1986 à 10H30(rivièreCALABAR, à5 miles de la pointe SANDY et

à 1 mile au sud approximativement à 8'25 longitudeEST et 4'33 latitude
nord.

"- Bien plus, des militaires nigériansont fait intrusion dans le chalutier et
ont forcél'équipage àles suivreàCalabar" (annexe RC 137).

11.99 A nouveaule ministèrea été contraintd'élever une protestatiocontre les

"provocations" nigérianes le 12 juillet 1986, constatant qu'une fois encore les eaux
temtoriales camerounaisesavaient étéviolées: "Dans la matinéedu 19 février1986 à 10H30,le Chalutier camerounais le
'MLTNGO'pêchanten pleines eaux territoriales camerounaises (latitude
4'31 Nord et longitude 8,28E, à 1 mille dans le Sud du piquet ELF AONT
età 2,8 milles de la côte Pointe Est Sandy)a été assailli et arraisonnépar

des militairesnigérians annés.

"Sous les injures, les imprécationset les menaces, le Chalutier camerounais
et tout sonéquipage ont étconduits sousescortejusqu'à Calabar.

"Après toute une journée passée à Calabar, et après que le Chef de
l'équipage du'MUNGO' eut prouvé grâce à une carte détailléed'ELF
SEREPCA que son chalutier pêchaitdans les eaux camerounaises,
l'équipage,dépouillédu fruitde sapêche a été libér(éan"nexe RC 145).

11.100 Etantle fait d'agents nigérians,ces faits, tout comme celui évoqué titre

d'exempledans le mémoire,sont imputablesauNigéna.Ils constituentdes violations de :
-
la souverainetéterritoriale du Cameroun; et de
- l'obligationde non-intervention danssesaffairesintérieures.

$7 - Les incursionsnigérianes récurrente asJabane a partir de la
seconde moitiédesannées 1980

11.101 L'occupation de Jabanepar des policiers et militaires nigériansapparaît,

a posteriori,comme faisant partie d'un plan visant à l'invasion de la presqu'île de Bakassi.

De par sa localisation, Jabane s'impose commeune parfaite "têtede pont" pour la réalisation

d'une telleopération.Dans son mémoire,le Camerouna montréque l'établissement de cette
"têtede pont" s'est faitrogessivement, de 1984 à 1993.C'estpourquoi il a évoqué diverses

notes et messages (par exemple, la fiche du colonelHans Anagho à l'attention du généradle

division chef d'état-majordes armées,en date du 15 mars 1984, annexe RC 98) illustrant

l'emprise progressive du Nigéria durant cette période(MC, pp. 577-582, pars. 6.56-6.63).
Puisque le Nigéria conteste ces faits (CMN, vol. III, pp. 680-692, pars. 24.134-24.179), le

Cameroun exposera ci-après l'ensemble du dossier relatif à l'occupation progressive de

Jabane à partir du milieudes années198013.Endehorsdes éléments déjàproduits à l'appuidu

mémoire,ce dossier en comprend nombre d'autres attestantdes incursions nigérianes,tant de
policiers que de militaires.

11.102 C'estle cas d'une note d'informationdu 28 mai 1984,indiquant que :

l3Pour plus de commodité,on traitera séparé, ansle paragraphe suivant, de l'enlèvement par la marine
nigériane depoliciers camerouàJabane en 1990.

517 "three NigerianSoldiers were seen in the house of Oron Chief of Inosi on
the momingof 27/05/84 at about 8 a. m.(...)They later left and went over
to Jabaneto meet their colleagueswho were waiting there. Wedo notknow
ifthey arestillat Jabane" (annexeRC 100).

11.103 Mention doit égalementêtrefaite d'une note du 5 juillet 1984, dans

laquelleleMinistredes Forcesarméesest informéque :
"un policiernigérianarmé s'est introduit, sans autre façon, dansnotre Pays

pour procéder àl'arrestation d'un dénommé Christophe SrOKARI,dans la
pêcheriede TINKORO, district de KOMBO ITINDI le 15 mai 1984"
(annexeRC 101).

11.104 Réagissantà une nouvelle incursion, le ministèredes Affaires étrangères

de la Républiquedu Cameroun adressa une note de protestation le 7 octobre 1985 à
l'ambassadeduNigéria à Yaoundé,indiquantque :

"Le 15 juillet 1985, deux soldats nigérians armésse sont introduits en
temtoire Camerounais et ont arrêté une ménagère nigériane, Madame
BOUBOU quirésidait à AFAGBAII, Sous-Préfecturede ISANGELE,dans
leDépartemend t u Ndian.

"Les deuxsoldatsont emmenéMadameBOUBOU àIKANG auNigéria.
"L'arrestation de madame BOUBOU faisait suite à une tentative
d'arrestation de son mari, Monsieur Wilson MONDAY, tentative
d'arrestationperpétrée par les deux mêmes soldats nigérian cs,nduits par
un autrenigérian,MonsieurKARIqui réside àJabane.
"MonsieurWilsonMondaya réussia leur échapper.

"Le Ministèredes Affaires Etrangèrestient a exprimer à l'Ambassade la
préoccupationdu Gouvernement Camerounais au sujet de ces violations
flagrantes de son temtoire, qui sont en effet susceptibles de remettre en
cause les excellentesrelations qu'entretiennentla Républiquedu Cameroun
et la RépubliqueFédérale du Nigéria.
"En conséquence, le Ministère des Affaires Etrangères demande a
l'Ambassaded'intervenir auprèsdes autorités Nigérianes compétentes afin

que tout soit mis en Œuvre pourque de tels incidents ne se reproduisent
plus" (annexeRC 129).

11.105 Cette protestation n'eutpas l'effet de stopper les incursions. Un télexdu

12février 1987duministèredel'Administrationtemtonale informeque :
"two nigerianpolice officersin uniform fromIketpolice station CrossRiver
State arrestedhere yesterday 31/1/87 stop Their names Corporal Michael

Eroma matriculeNO77026and police constable Barnard Nsabe matricule
NO91351stop kept under police custody awaiting instructions from higher
quarters"(annexeRC 153).11.106 Les incursions se sont au demeurant multipliéesdans les annéesqui ont
suivi. C'est ce que révèlele message du chef du poste frontièred'Idabato en date du 29

septembre 1990, cité par le mémoire(MC, p. 577, par. 6.56), mais critiquépar le contre-

mémoire commene spécifiant pasde dates précises (CMN,vol. III, p. 681, par. 24.141). La

critique s'explique cependant mal car le message du 29 septembre 1990 indique bien que
lorsquelecapitaineFerdinand Ndzomo a interrogéle chef de Jabane le 21 septembre 1990,ce

dernierluia indiquéque :

"Nigerian police and Navy visits Jabane and even spend nights there" (MC,
Livre VII, annexe304).

La phrasen'est pas conjuguéeau passé, maisau présent,pour indiquer le caractère désonnais

habituel des incursions nigérianes.En l'occurrence, il n'est pas contestable que la période

concernéesoit l'année 1990.

11.107 Le fait que l'année 1990 ait été marquée par l'intensificationdes

incursionsnigérianesest attesté parun message du 30 octobre 1990 du Secrétaire d'Etat àla

Défense,adresséau ministèredela Défense,qui faitlepoint sur les derniersévénements :
"Occupation pêcherie Jabane dans district Idabatopar Marine nigériane
depuis 02.10.90 a pris fin 7.10.90 suite incident sanglant entre troupe dite

occupation et un pêcheurIbo habitant Jabane (...). Rappel incidents depuis
10mois même lieu met en évidenceprovocations délibérée asutorités civiles
et militaires nigérianes province Cross River contre Cameroun (..). 7.3.90
stop capture 3 policiers camerounais pris en otage pendant 2 mois stop
17.3.90 stoptentative capture sous-préfetIsangele au large Rio Del Rey par
une patrouille 'water Police' nigérianestop 12 au 13.8.90 stop occupation
Jabane par troupe nigérianedans 6 embarcations stop menaces et pillage

stop 2 au 7.10.90 stop nouvelle occupationpar élémentsmarine conduits par
un officier stop FM0 Cameroun ont scrupuleusement respecté consignesne
pas rechercher rencontre ou conflit avec militaires ou policiers pays voisin
stop" (annexeRC 187).

11.108 Deux autres documents citéspar le Cameroun dans son mémoire(MC,

pp. 577-578,pars.6.57-6.58) vont dans le mêmesens. Il s'agit des messages du 10 décembre
1990(MC,LivreVIi, annexe 306), et du 13 décembre1990(MC, Livre VII, annexe 307), qui

renvoient tous les deux aux mêmes événements, à savoir l'enlèvement du drapeau

camerounais à Jabane, suivi de son remplacement par le drapeau nigérian,par des marins

nigérians (CMN,vol. III, p. 682, par. 24.144). Ces informations sont reprises par la lettre du
21 décembre1990 du gouverneur de la province du sud-ouest adresséeau Ministre de

l'Administrationtemtoriale (annexeRC 189).11.109 Le Nigéria objecte à propos des messages datés de décembre1990
qu'une date qui y est apposée manuellement,celle du 2.1.90,censéecorrespondreà la date de

leur archivage au dossier "Jabane", conduià douter de la crédibilitdes documents (CMN,

vol. Ki, pp. 682-684,pars. 24.144-24.153). Mais c'est là fairetropde cas d'une erreursomme

toute très banale.La date "2.1.90" inscrite de lamain de l'archivistedoit êtcomme étant
"2.1.91", le rédacteur ayant très probablement oublié qu'il venait de changer d'année.

L'erreur est souvent faite, en tout débutd'une nouvelle année,de continuer machinalement

reporter le chiffre correspondantà l'annéequi vient de s'achever. Le Cameroun voitmal

comment une erreur aussi bénignepourrait conduire à décrédibiliseres éléments de preuve
qu'il a invoquésàl'appui de sa thèse.

11,110 En tout étatde cause, la fin de l'année 1990 a été marquée par une

multiplication des incursions nigérianesà Jabane. Un message télexdu 7 décembre1990
indique que :

"tenue réunionà Jabane le 17111/90par 13 (..)marines nigérianes et police
ainsi que certains civils avec population Jabane et KomboAmunja stop y

étaient arrivéàlOHOOet en étaient repartisà 15H00stopdiscussion portait
sur constmction poste de police et prévision installationssociales stop"
(annexe RC 188).

11.111 Cela n'a pas laissé le Cameroun sans réactions. A cet égard, un

télégramme de janvier 1991 du ministère des Affaires étrangèresau ministère de
l'Administration temtoriale indique:

"présicam vient de me saisir A/S occupation Jabane par bataillon armée
nigérianeet changementdrapeau dite localitéstopcompte tenu gravité cette
information ai convoqué demain chargéd'affairesdu Nigéria pourprotester

contre cette situation" (annexeRC 190).

Cette convocation est également mentionnéedans la note verbale de protestation du 16

mai 1991(annexe RC 194).

11.112 Ces protestations n'ont pas eu l'effet escomptéde stopper l'entreprise
dans laquelle le Nigéria s'engageait de plus en plus clairement. Les manifestations de

l'emprise du Nigériasur Jabane se sont multipliêes,jusqu'à l'invasion militairede la fin de

l'année 1993.11.113 A cet égard,le Cameroun a citédans son mémoire (p. 578, par. 6.58) une
note du 4 septembre 1991 (MC, Livre VII, annexe 308). Il en ressort que, le 27 avril 1991,

l'on constatait que le drapeau nigérianavait étéhissé sur Jabane,et qu'une plaque "MBO

local Government" y avait étéinstallée. Le Nigériaprétend queces agissements sont

imputables à des agents locaux (CMN, vol. HI, p. 686, par. 24.158). Mais les activités des
agentspublics, mêmelocaux, sont,en droit international,imputablesàI'Etat.

11.114 Les faits tels qu'ils sont révélsar cette note du 4 septembre 1991 sont

confirméspar de nombreux autresdocuments.

11.115 Le message radio du 29 avril 1991 du commandant de la légionde la

régiondu sud-ouest à Buéaau ministère de la Défense à Yaoundésignale qu'un drapeau
nigérianflotte sur Jabane, et qu'une plaque est installéesur la berge portant l'inscription

"MBO local governement revenue office". En outre, il indique que "cinq élémentsnigérians

en uniforme [sont] venus collecter[des] taxes" entemtoire camerounais(annexeRC 192).

11.116 En réaction,le Ministre des Affairesétrangères, . Jacques RogerBooh-

Booh, indiquaau Ministre de l'Administration temtoriale, dansun télexdu 16mai 1991 :

"j'ai convoqué et remis ce jour à l'Ambassadeur du Nigéria une note
verbale invitant son gouvernement à amener lesdites autoritéà se retirer
immédiatement de cette localité dont occupation continue viole la
souverainetédenotre pays (...).

"Notre ambassade àLagos a égalementété invité àeentreprendre la même
action" (annexeRC 194).

11.117 Selon la notede protestation du 16mai 1991
"Des informationsconcordantes enprovenancede laProvince du Sud-Ouest

du Cameroun signalent la présencecontinue à Jabane de la police nigériane
de 1'EtatFédéréde AKWA IBOM.

"L'Administration de cet Etat donnerait l'impressionde vouloir annexer la
localitéde Jabane et une plaque y seraitdéjàinstallée.Enfin les autorités de
cet Etat auraientpromis aux populationsd'y construireun centre de santéet
une école.

"Cette attitude inamicale adéjàété portée à la connaissance du Chargé
d'Affaires del'Ambassade reçu auMinistèreenJanvier 1991. "Compte tenu des graves implications que revêtent ces actes sur la
souverainetédu Cameroun ainsi que sur les relations de bon voisinage
qu'entretiennentnos deux pays, le Ministère des Relations Extérieuresprie
l'Ambassade de la RépubliqueFédéraledu Nigériade bien vouloir saisir
son Gouvernementafin d'amener lesautorités de 1'Etatde AKWA IBOM à

se retirerdans les meilleursdélaisde la localité camerounaisede Jabaneàet
s'abstenirà l'avenir de tout acte susceptible de compromettre nos
excellentesrelationsd'amitiéet de coopération" (OC, Livre II, annexe 1,p.
373 et CMN,vol. VIII, annexe220).

11.118 Laprotestationfut une fois encore sans effet. Le Nigériane cessa pas ses

incursions, sans pour autant aller jusqu'à revendiquer la souveraineté sur ce temtoire

camerounais, revendication qui ne sera formuléequ'après la conquête militaired'une partie
de la presqu'île de Bakassi.Dans son mémoire,le Cameroun illustre d'ailleurs l'ambiguïtéde

l'attitude nigérianede cette époqueen citant une note du 27 août 1991 adresséeau Président

camerounais, selon laquelle le 12août 1991 des bateaux ont fui Jabane à l'approche d'une

mission des forces navales camerounaises(MC, p. 576, par. 6.53). Le Nigéria objecteque le
Cameroun n'apporte pas la preuve que les occupants des bateaux en question aient été des

agents nigérians(CMN, vol.Ki,p. 677,par. 24.124),mais leur présence àJabane durant l'été

1991est en totale cohérence avecle caractèredeplus en plus permanent de leurprésencedans

cette pêcheriedurantcettepériode.

11.119 D'ailleurs,l'année suivante,le Nigéria accentua encoreson implantation

en construisant une écoleàJabane. Le Camerounen rend compte dans son mémoire (MC,p.

579, par. 6.60). Le Nigérianele contestepas. Il admet qu'il a constràiJabane "a Nigerian
Government primary school" (Cm, vol. III, p. 690, par. 24.173) en 1992 (CMN, vol. 1,p.

251, par. 10.96).Ce fait estdoncétabli.

11.120 Il n'estdonc guère étonnantue le Cameroun ait étéconduit àréitérerses
protestations en mai et juin 1993. La note de protestation du 23 juin 1993 est reproduite au

mémoire(MC,p. 580-581,par. 6.62 etMC, LivreVII, annexe 326).

11.121 Il est par suite établi quedes incursions, tant policières que militaires,
ont fréquemment eu lieu à Jabane ainsi que dans d'autres pêcheriesde la presqu'île de

Bakassi, à partir de la secondemoitié desannées 1980,et cejusqu'à l'occupation militairede

1993. Ces actes sont athibuables au Nigériacar ils sont le fait d'agents de ce pays. Ils

constituent une violatio: -
de la souverainetétemtoriale du Cameroun ;
- de l'obligationdenon-interventiondans ses affairesintérieure; et

- de l'interdiction de porter atteintà l'intégritétemtoriale du Cameroun en

occupant militairement et civilement, temporairement ou durablement, une partie de son

temtoire.

98 - L'arrestation de trois policiers camerounais par la marine
nigériane le 6 mars 1990a Jabane

11.122 Le Cameroun indique dans son mémoire que le 6 mars 1990, trois

policiers camerounaiset leur pilote ont été arrêtàsJabane, puis séquestrésau Nigéria(MC,

p. 584, par. 6.72).

11.123 Le Nigériaconsacre de longs développements à ces faits (CMN, vol. III,

pp. 696-706, pars. 24.194-24.223). Deux de ses observations appellent une discussion, l'une
concernant le lieu, l'autreconcernant la date de ces faits. Les autres remarques du Nigéràa,

propos desquelles on verra qu'elles ne présentent pas d'intérêt dansle cadre de

l'établissement desfaitsillicitesque le Cameroun impute au Nigéria, n'appellent quede brefs

commentaires.

A - Lieu de l'enlèvement

11.124 Le Nigériadéveloppedeux arguments pour mettre en doute le fait que
l'enlèvement despoliciers camerounaisa eu lieu dans les eauxtemtonales camerounaises.

11.125 Il indique d'abord que le lieu de cet enlèvement, décrit de façon

approximative par le mémoire commeétant"au large de Jabane" (MC, p. 585, par. 6.74,
pourrait en réalitse situer dans laportion nigériane del'Akwayafé,c'est-à-dire dans les eaux

temtoriales nigérianes(CMN, vol. III, p. 703, par. 24.217). Cette thèsene tient cependant pas

à la lecture despreuves documentairesqui se trouvent dans le dossier.

11.126 Dans les documents pertinents, le lieu de L'enlèvement despoliciers

camerounais est définicomme étant : "en eau temtonale camerounaise" (note du 2/4/90 à

l'attention du D.G.S.N., MC, Livre VI, annexe 296, pp. 2493 et 2497); "à Jabane(Cameroun)" (télex duMinat au Minrex, du 30 mars 1990, MC, Livre VI, annexe 296, p.

2494) ; "àJabane" (leme du 18 avril 1990 de la présidence dela Républiqueau Minat, MC,
Livre VI, annexe 297, p. 2501). De façon plus précise,le témoignage de M.Martin Foukou

Aom, l'une des quatre victimes de l'enlèvement,indique qu'il s'estproduit aprèsque les trois

gendarmes camerounais et leur pilote furent anivés à Jabane, "filuste au moment de faire

l'escorte au Poste de Police", lequel se trouvàIdabato, au sud-est de Jabane (OC, LivreIV,
complément à l'annexe MC 300, p. 661). Selon le témoignage d'une autrevictime, M. Che

Ephraim :"[wlhen we were nearer to Jabana, we sawthe boat [14'(.).As we went closer,we

encounter three flying boats with Nigena Navy" (ibid., p. 662). D'aprèsle témoignaged'une

autre personne, M. Ndi Abang, l'arrestation aeu lieu aprèsavoir retrouvé la piroguà Jabane,

"[alu moment de l'escorter au poste de police, une pirogue est venue à notre rencontre, à
7h30m et avions aperçu lesmarins nigérians àl'intérieur"(ibid., p. 664).

11.127 Il en résulte clairement que le lieu de l'enlèvement des policiers

camerounaisse situait bien àproximitéimmédiatedeJabane, incontestablement dans les eaux

temtoriales camerounaises.

11.128 Le Nigériasouligne ensuite qu'en insistant pour obtenir une libération

rapide de ses fonctionnaires, le Cameroun a rappelésa propre attitude, conciliante, lorsqu'il

lui étaitarrivéde capturer des fonctionnaires nigériansen temtoire camerounais. Ceci ressort
en effet de la note de protestation adressée a l'ambassade du Nigériaà Yaoundéle 17avril

1990 :

"the Cameroon government is very concerned with the fate of these
Cameroonians who are still held in Nigena, and consequently wishes that
this matter should have a rapid solution, by way of releasingthem.

"It is to be recalled that Nigerian policemen who make incursions into
Cameroonian temtory have alwaysbeen arrested and released shortly after.
This is seen in the case of 2 Nigenan policemen who infiltrated into
Cameroon at Idabato in June 1989 and were released .Also in 1989, two

armed Nigerian policemen made an incursion into the Cameroonian fishing
port of Kombo. In October 1989,3 Nigerian policemen also infiltrated into
the Cameroonian village of Djibnlli. Again in November 1989, 6 armed
Nigerian policemen canied out an incursion into the Cameroonian island of
Kofta. In al1 these instances, the Nigerian policemen were arrested and
released shortlyafter.

"IIs'agitdelapiroguequelespoliciersavaientpourmissionderameàeIdabato "For al1 these repeated incursions by the Nigenan police, the Cameroon
Goveriunent could have made it a State matter, but it decided to treat them
at the various local levelswhere they occured.

"It is therefore not understood whv for a beni- case like that of the . .
Cameroonian policemen arrested by the Nigerian Marine, the Nigerian
Government should make it a state affair" (annexeRC 184).

11.129 Selon le Nigéria,une telle argumentation ne peut avoir de sens que si les

policiers camerounais ont été arrêté es temtoire nigérian,et non dans les eaux temtoriales
camerounaises (CMN, vol. III, pp. 703-704, par. 24.219). Mais cette interprétation est

erronée, carelle ne tient pas compte du contexte de l'époque,caractérisé parle fait que le

Nigériarefusait absolument,jusque-Ià, derelâcher les trois policierscamerounais.

11.130 Le Cameroun avait adressé unenote de protestation très vive dèsle 2

avril 1990 àl'ambassade du Nigéna à Yaoundé,s'indignant deceque :

"Trois Policiers Camerounais en uniforme effectuantune Mission Officielle
à bord d'un navire de la SûretéNationale Camerounaise ont été arrêté às
JABENE (Cameroun) avec le pilote et le navire puis transférés à Calabar
par la Marine Nigériane en patrouille dans les eaux temtonales

Camerounaises.

"Les trois Policiers ont pour noms ND1ABANG ;CHE Ephraim et Martin
FOKOU et le pilote du navire s'appelle Daniel MESEMBE MOBELA.

"Le Ministère tientà relever ici le caractèretrès inamicald'un tel acte qui

constitue une violation flagrante du Droit International. De plus, ce genre
d'agissement considéré commeune agression de la part de la Marine
Nigériane ne peut que nuire aux bonnes relations d'amitié et de bon
voisinage qu'entretiennent nos deux pays.

"A cet effet, le Ministère saurait grà l'Ambassade des mesures urgentes

qu'elle voudra bien prendre en vue d'amener les autorités nigérianes
compétentes à relaxer les trois Agents, le pilote et le navire Camerounais"
(OC, Livre II, annexe 1,p. 374).

11.131 En dépitdes "mesures urgentes" réclaméesl,es autoritésnigérianesfirent

preuve d'un manque total de diligence, comme l'atteste la note adresséepar le ministèredes
Affaires étrangèresàla présidence delaRépubliquele 23 avril 1990 :

"Having no response !Yomthe Nigerian Embassy, and Ourcompatnots not
yet released, the Nigerian Arnbassador in Yaounde, His Excellency
Hamman SAIDU was summoned to the Departmenton Wednesday, 18/4/90
and received in audience by the Secretary General of MINREX, Mr. Happy

TCHANKOU Jean Marie, assisted by the Director of Protocol Department, Mr. SADOUABDOULAYE,the Director and Deputy of the Department of

Afiican andAsian Affairs, Mr.NKOE NTONGA and Mrs. SA0 Madeleine
respectively, and the Chief of Service for Cameroonians Abroad and
Foreigners inCameroon,Mr. ETUNYICharles APARMADI.

"In the audience, the Secretary General clearly stated to the Ambassador
that he had called him on the matter of 3 Cameroonian policemen and a
driver who were on duty in Cameroonian temtorial waters within Idabato

District, but were arrestedby Nigerian Marines and taken to Calabar, where
they are stillder detention.The Secretary General hirther pointed out that
the policemenarrestedwere in uniforrn,which makes the matter serious. He
handed a remindingnote on this matter to the Ambassador.

"Taking the floor, the Nigerian Diplomat said this was one of the common
incidencesthat have occured inthe past on both sides and they have always

been thrashedon both sides as well. He said he thought it had already been
resolved, followingthe Ministry's first note on the matter. The Ambassador
then promised thathe will try to contact competent authorities in Lagos to
resolve thematter" (annexeRC 185).

11.132 A l'évidence,les réponsesde l'ambassadeur démontrent qu'il manquait

de l'autoriténécessairepourréglercette affaire. C'estdans ce contexte de blocage, conduisant
à une aggravation des tensions entre les deux pays, ce que le Cameroun a toujours souhaité

éviter,que le Cameroun a développéd , ans la note de protestation du 17 avril 1990, une

argumentation qui ne se prononcepas sur le lieu de l'enlèvementde ses trois fonctionnaires,
mais qui dit simplement que dans la mesure où les policiers nigérians sont aussitôt relâchés

lorsqu'ilssont capturésdansce que le Camerounconsidère comme étant ses eauxtemtonales,

le Nigériapourrait au minimumrendre la politesse au Cameroun, quel que soit par ailleurs le

lieu de la capture des policiers camerounais. LeNigériane peut donc pas inférerde l'attitude
camerounaiseque les troispoliciersont été enlevéen temtoire nigérian.

B - Datede l'enlèvement

11.133 Le contre-mémoireobserve que la date exacte de l'arrestation n'est pas

certaine: selon les preuves documentaires, ce serait le 6, le 7, ou encore le 8 mars 1990
(CMN, vol. IIIp.,705, par. 24.221).En réalité,n peut sans doute considérer quela datation

donnéepar les victimes elles-mêmes est la bonne. Or,ces dernières donnent toutespour date

le 6 mars. Au surplus, les divergencesde datationne sont pas de natureà faire douter de la

réalitémême des faits. C - Autresobjections

11.134 Le Nigéria met l'accent sur une faute de kappe contenue dans le

mémoire("Leurs chauffeurs",au lieu de "leur chauffeur", CMN, vol. IIi p. 697, par. 24.197
(2) renvoyantà MC,pp.584-585,pars. 6.72-6.73), et fait état de son incompréhensioquant à

la mission précisedes policiers camerounais arrêtés pare Nigéria, surle déroulementexact

de l'arrestation (CMN, vol. III, p. 704, par..220), sur l'administration précise impliquée

dans cette arrestation (la marineou la police)MN,vol. III, p. 705, par. 24.221) ou sur les
conditions de détentiondes policiers arrêtéIl suffira ici d'observer queces questions sont

sans aucune incidence sur le point de savoir si des policiers camerounais ont étéarrêsar

des forces nigérianesenterritoirecamerounais,ce qui est le cas.

11.135 En se rendant responsable de l'arrestation de trois policiers camerounais

le 6 mars 1990 àJabane,leNigéna a violé :
- la souverainettemtonale du Cameroun ;et

- l'obligationde non-interventiondans ses affaires intérieures.

5 9 -L'invasion militairenigérianede décembre1993-février1994

11.136 Dansson mémoire,le Camerounprésente un compte-rendu de l'invasion

de la presqu'île de Bakassi par le Nigéria, dont il a établila progression à l'aide des
informations en sa possession.l en ressort qu'elle débutele 28 décembre 1993, ets'intensifie

en février 1994,juste avant la saisine de la Cour par le Cameroun, par requêtedu 29 mars

1994 (MC, pp. 570-571,pars. 6.30-6.34).

11.137 Le contre-mémoire duNigénaconsacre d'abord sur ce sujet 13 pages à

contester les élémentssur lesquels le Cameroun s'appuie pour rétablirla chronologie et la

matérialitédes faits (CMN, vol.III, pp. 655-667, pars. 24.68-24.93). Puià,la page 668, il
admet sans ambiguïté :

"In December 1993, Nigenan troops were deployed to certain locations in
theBakassiPeninsula" (CMN,vol. III, p. 668,par. 24.94).

Et plus loin, il admetavoirmaintenu
"the presenceof its military forces in the Bakassi Peninsula from Febmary
1994onwards"(CMN, vol. III,p. 669, par. 24.96). 11.138 Le Cameroun constate qu'il y a accord entre les Parties sur les faits, à

savoir l'occupation soudaine de certaines parties de la presqu'île de Bakassi par les forces

militaires nigérianes,et leur maintien sur les lieux de façon constante depuis le débutde
l'année1994.

11.139 Il subsiste sans doute une divergence quant a la qualificationjuridique de

ces faits:pour le Cameroun, il s'agit d'une violation grave de sa souverainetéterritoriale,de
son intégritétemtoriale, des pnncipes de non-recours a la force et de non-intervention, alors

que le Nigériaprétend qu'il s'agit d'undéploiementde militaires sur son propre territoire

(CMN, vol. III, p. 668, par. 24.94). Mais les faits et leur imputation au Nigériane fontaucun
doute. Il ne fait aucun doute non plus que l'arméenigérianea pris le contrôle du sud-ouestde

la péninsule de Bakassi à la fin' de 1993, alors que, jusque-là, elle n'y détenaitaucune

position. Par suite, si ceci constitue,comme le Cameroun l'affirme, une violationpar la force
de sa souverainetéterritoriale, ainsi d'ailleurs que du statu quo territorial, la responsabilité

internationaledu Nigériaest engagée.

11.140 En conclusion sur cette invasion militaire, qui s'est transformée, depuis
lors, en occupation, les faits sont clairement établis. Il n'est pas contesté qu'ilssoient

attribuables auNigéria. Ilssuffisenta démontrer queleNigéria a violé les principessuivants :

- interdiction du recoursàla force contre leCameroun ;
- interdiction de porter atteinte à l'intégritétemtoriale du Cameroun par

l'occupation militaire d'une partie deson temtoire ;

- souverainetétemtoriale du Cameroun ;
-
non-interventiondans les affaires intérieuresdu Cameroun.

$ O - Les faits postérieurs au dépôtdu mémoire camerounais

11.141 A deux occasions, le Cameroun a été contraint par l'attitude desonvoisin

d'évoquerdes actes illicites perpétréspar les forces armées nigérianes : au moment de la

présentation desa demande tendant a l'indication par la Cour de mesures conservatoires ;en
produisant sonmémorandum surlaprocédure.11.142 Bien que le Nigéna n'y accorde aucune attention dans son contre-

mémoire,le Cameroun considèrequ'ils sont, tout autant que les autres faits, pertinents pour
soutenir sa demande s'agissant de la responsabilitéinternationaledu Nigéria.

A - Les faits évoquéslorsde la demande en indicationde mesures
conservatoires

11.143 Dans son ordonnance du 15mars 1996, la Cour observeque

"la Cour, dans le cadre de la présente procédureconcernant l'indication de
mesures conservatoires, n'est pas habilitéeà concluredéfinitivementsur les

faits ou leur imputabilité et que sa décisiondoit laisser intact le droit de
chacune des Parties de contester les faits alléguéscontre elle, ainsi que la
responsabilitéqui lui est imputéequant à ces faits, et de faire valoir, le cas
échéants ,es moyens sur le fond"15.

11.144 En l'occurrence, le Cameroun alléguait,et n'a pas cesséde le faire, un
certain nombre de faits de nature à démontrerl'engagement de la responsabilitédu Nigéria.

En particulier, le Nigériaa lancé,dans lajournéedu 3 février1996,des attaques à l'encontre

des positions militaires camerounaises le long de ce qui était'époquela ligne de cessez-le-

feu dans la presqu'île de Bakassi. D'importantes pertes en vies humainesainsi que des dégâts

matériels ont été enregistrés ducôté camerounais. En outre, l'opérations'est soldée par
l'occupation par les forces nigérianes de la sous-préfecture d'Idabato 1 et des localités

d'Uzama, de Kombo a Janea et d'Idabato II (ces faits, alléguéspar le Cameroun en mars

1996,sontrésuméspar la Cour dans son ordonnancedu 15mars 199616).

11.145 Durant la procédure relative à la demande en indication de mesures
conservatoires, les Parties ont pu présenter leurs pièces et arguments relatifs à ces

événements.Il en ressort que deux séries d'affrontements onteu lieu. La première à partir du

3 février1996, la seconde vers le milieu du même mois.

1") L'attaque nigérianedu 3 février1996

a) Le déclenchementde l'attaque

11.146 La façon dont l'attaque nigérianea étévécuedu côtécamerounais est

expliquée en détailpar le capitaine de corvetteJean-Pierre Meloupou, commandant uneunité

1s
Rec.1996,p. 23,par.43.
l6~ec.1996,p.17, par18.dans la marinenationale camerounaise,qui était présent sulrs lieuxàquelques centainesde

mètresde Diamond,tout prèsdlIdabato,pour unemissionpurement défensive.Le 2 février,il
étaitinforméde mouvements aériens inhabituels danscette localité occupée parles forces

nigérianes.Durantla nuit,à 23 h,deux embarcationsnigérianes avec chacune à leurbordtrois

militaires se portèrent à moins d'une centaine de mètres des positions camerounaises,

apparemment en mission de reconnaissance.Plus tard, les embarcations se retirèrent, pour
revenir le lendemain,3 févner,à 9h30. Le capitaineMeloupouordonna leur arrestation,mais

les embarcationsnigérianesrebroussèrentchemin avantd'être capturées, avan dte revenir sur

leurs positions initiales dèsque leurs poursuivantscamerounais furent retournésleur base.

Pour les faire fuià nouveau, les Camerounais tirèrentalors quelques coups de feu en l'air,
sans succès.Fut alors décidéde tenter une nouvellefois de les arrêter.Une embarcation

nigériane fut alors capturée,avec ses trois occupants, alors que l'autre parvenait encoàe

s'échapper.Lestrois occupants arrêtéfsurentquestionnés,sans résultat.C'est alors que, en

signe de détente,le capitaine Meloupou et quelques-unsde ses soldats firent relâche sur la
plage. Mais vers llh50, les forces nigérianouvrirentle feu sur lui et ses soldats, qui durent

se replier. Immédiatement aprèsu ,ne attaque générale fultancéesur Idabato 1 et II. Les

Camerounais se défendirent,et les combats se prolongèrenttoute la journée ainsi que le

lendemain (annexeRC 216).

11.147 Le témoignagede M. Meloupou est recoupé pard'autres rapports et

messages. C'est le cas du message radio du 3 févrierémanantde la gendarmerie locale,

adresséau ministèrede la Défense à Yaoundéet donnantles premiers éléments sur l'attaque

nigériane.Il indique que les forces nigérianesont attaquédans la journéedu 3 févriervers
midi les positions camerounaises à Idabato, et fait étatd'un bilan approximatifdes pertes

s'élevantàunmort et sixblessés du côté camerounais,trois prisonniers du côténigérian.Ces

trois prisonniers étaientles trois marins capturés dansl'embarcation nigérianejuste avant

l'ouverture deshostilités(annexeRC 203).

11.148 Un télégrammd eu 3 févrierde la gendarmerielocaleau gouverneurde la

province du sud-ouestà Buéa indiqueégalement que :

"attaque eni cejour zoneIdabato à 12h XX Riposte énergiqueamiXX (...)
combat continueXX Les forces amiesdemandent renfort deuxième échelon
et moyens aérienne pourévacuation blessésgraves" (annexeRC 204). b) Laprogressionnigériane

11.149 Alors que le 3 févrierle Cameroun ne pouvait imaginer quelle serait

l'ampleur de l'attaque nigériane,dès le lendemain il apparaissait aux autorités locales que

celle-ci ne se limiterait pas'extrême sud-ouesd te la presqu'île de Bakassi. C'est pourquoi
le télégramme du 4 février1996,émanantde la gendarmerie, donne l'alertea l'ensemble de

l'administration camerounaisedu sud-ouest, et demande de rendre compte de tout fait digne

d'intérêt (annexe RC 207).

11.150 Cette progression estconfirméepar le télégrammedu 7 févrierenvoyé

par le gouverneur de la provincedu sud-ouest,ObenPeter Ashu, au ministèrede la Défense.

Il en ressort qu'après la chute d'Idabato, le sous-préfet de l'arrondissement dont cette
commune dépend avaittrouvé refuge àMundembaoù il était arrivé le 6 févriers,ans avoir pu

emporter aucun document ni matériel, laissant le tout tomber aux mains des Nigérians

(annexeRC 208). Il en tirera d'ailleurs la conséquelogique, en demandant par télex du8

févrierqu'un moyen soittrouvépour éviterque le matérielradiocamerounaistombé entreles
mains ennemies ne leur serve àintercepter les communications camerounaises (annexe RC

210). En tout cas, de nombreuxsoldats camerounais,coupésde tout contact avec leurs chefs,

étaientéparpillés dansles mangroves.En outre, la ville'Isangele,qui se trouve tout au nord

de la presqu'île, étaitsoumiseun tir noum des forcesennemies depuis lundi 5 février 1996à
14 heures. Gagnée par la panique, la population civile avait commencé à être évacuée sur

Ekondo-Titi (ibid.).Craignantune progression encoreplus au nord-est des forces nigérianes,

Oben Peter Ashu demanda, dans son télégramme du mêmejour envoyéau Vice-Premier
Ministre, de prévoirun plan d'évacuationde Mundemba, ainsi que des moyens logistiques

supplémentaires(annexeRC 209).

!
2") Lanouvelleattaquenigériane

11.151 Le 17 février1996,les Ministres desAffaires étrangèredu Cameroun et

du Nigéria se mettaient d'accord,en présencede leur homologue du Togo, pour arrêter les
l
hostilités("stop al1hostilities").C'est ce qu'ilest convenu d'appeler l'Accord de Kara (OC,
Livre II, annexe 1,p. 497).11.152 En dépitde cet accord,le Nigéria, quiavaitcontinué d'avancerdepuisle

3 février, a poursuivi les hostilités, par des attaques d'artillerie sur des positions

camerounaises,occasionnant à nouveau des morts et des dégâtsmatériels (OC,Livre III,

annexe26).

11.153 Il ressort de la lettre du 26 février, duMinistre déléàla Défensedu

Cameroun que les localitésd'Idabato 1, Idabato II, Kombo a Janea, Uzarna, Guidi Guidi

étaientà la fin du mois de février1996,tombéesaux mains des militaires nigérians(annexe
RC 211). Une protestation formelle fut élevéepar le ministère des Relations extérieures

camerounaisle 28 févner1996(annexeRC 212).

3') La version nigériane desfaits n'a aucunfondement

11.154 Le Nigéria a donnésa version des faits lors des plaidoiries orales

relatives auxmesures conservatoires(CR 9614,pp. 75-90, (M. Watts)). Deux argumentsont

étéavancés,l'unthéorique,l'autre d'ordredocumentaire.

11.155 Selonle premier, leNigériane pourrait êtresoupçonné d'avoirlancéune

attaquesur lespositions camerounaisespour prendre le contrôle de nouveaux temtoires dans
la presqu'île de Bakassi, parcequ'il y étaitdéjà,et de longue date (CR 9614,pp. 87-8(h4.

Watts)). Ce serait donc, en toute logique, le Cameroun qui aurait attaqué lespositions

nigérianes.Cettethéorien'a cependanr tienàvoir avec la réalité.

11.156 Comme le Cameroun l'a indiqué (v. supra, pars 11.136-11.140), sous

réservedes incidents sporadiquesévoquéd sans les paragraphes 1à8de la présentesectionde

cechapitre,il est acquisqueles troupesnigérianes n'ont commencé à occuper une partiedela

presqu'îlede Bakassi qu'àla fin de l'année 1993,parle sud-ouest.De la, le Nigéria n'acessé
d'essayerd'étendre sa zone d'occupation, mais sana sucun succèsjusqu'à février1996.Les

incidents arméstels qu'ils sont relatés dansun document intitulé"Briefing sur l'opération

Delta"(annexeRC 218)peuvent serésumer ainsi :

- début janvier 1994, occupation par les forces nigérianes des localités
camerounaisesde Jabane 1et II, Diamond etKomboAbedimo ; - 18février 1994,les forcesnigérianestentent de délogerles forces camerounaises à

Kombo a Janea :selonla radio Kano, l'opérationse solde par une quarantaine de tuésdu côté

nigérianet un mort ducôtécamerounais ;
- 19 février1994, occupation par les forces nigérianes d'Akwa et Mbenmong à

l'ouest d'Isangele ;

- dejanvier à février 1995,lesvedettesnigérianesentament des actes de provocation
dans la crique d'Atabong ;

- 8 mai 1995, le Nigéria entreprendl'aménagementdu temtoire en inaugurant un

centre de santéà Jabane;
-
22 mai 1995,deux aéronefsnigérians violent l'espace aérien camerounaisau large
de Limbé aprèsavoirsurvolé les positionscamerounaisesde Bakassi. Le mêmejour, tentative

d'infiltration d'une patrouille nigériaàeOcontéprès d'Isangele. -Bilan :un mort du côté

nigérian ;
- 25 mai 1995, une patrouille nigériane conduitepar le capitaine David Faturnbi

Oluwole tente uneinfiltrationà Itabuna. Le capitaine est tuéet son corps abandonnésurplace,

il sera inhumépar les forces camerounaises avecles honneurs dus à son rang ;
- du 27 mai 1995 au 3juin 1996,des tirs de harcèlementpar les forces nigérianes à
l
Uzarna au nord-est deKombo Abedimo ;

- 16 juin 1995, les forces nigérianes s'emparent de la localité camerounaise de
Kombo Ampongo aunord-ouestd'Idabato ;

- 6 juillet 1995, une tentative de débarquement des Nigérians, repousséepar les

~ forces camerounaisessur la défensive àKombo a Wase ;
- le 4 août 1995,les élémentsdes forces nigérianesont tentésans succès de déloger

les forces camerounaisessur le centre du Rio Del Rey ;

- le 24 septembre 1995, à partir de Diamond, les forces nigérianes attaquent les

forces camerounaises à Idabato II et à Kombo a Munja par des tirs de mortiers et de
mitrailleuses.

11.157 Il en résulteque, contrairementà ses affirmations, le Nigéria n'étaitpas
déjàdans les placesqui ont servidethéâtreaux combats de février 1996.Son actionde février

1996, comme toutes les autres qu'il a menéesdepuis fin 1993 dans la presqu'île de Bakassi,

était belet bien offensive. 11.158 S'agissant du second argument développépar le Nigéria, l'argument
documentaire, il repose sur l'interprétationd'une courte sélection demessages adresséspar
~
des militairesnigéràd'autres militairesnigérians.
~

11.159 Dans le premier est indiqué d'une partque des forces camerounaisesse

sont infiltréesavers les criques,pour pàrquelques centaines de mètresdespositions
nigérianes, d'autre part que "the shelling is still continuing and the market is also a

target" (annexe RC 205). Le Nigérial'interprète comme indiquant que le Cameroun, après
s'être"infiltré",aurait déclenchélefeu (CR 9614,pp. 83-86)). C'estcependant une

toute autre lecture des événeque le document inspire. Le texte indique en réalité que,
faisant facà ce qui était perçu par le Nigéria comme une dangereuse "infiltration"

camerounaise (perception erronéepuisqu'il s'agissaittrès probablement de la descente du
capitainede corvetteoupou et de ses hommes surlaplage en signede détenteci-oquée

dessus, par. 11.146), les forcesnigérianes, pourprotégernon seulement leurs positions, mais
égalementle marché,qui eàtleurs yeux un objectif stratégique("a target"), ont déclenché

des bombardements pour maintenir l'eàndistance, se tenant "on alert" dans l'hypothèse
où une tentativepour repousser les Camerounais "infiltrés"serait décidée.

11.160 Le second document en provenance de la zone des combats parsenté

le Nigéria indiquequ'au 4 février1996,di, "camerounian attk has been repulsed and

driven out of own posn area" (annexe RC 206). De façon étonnante,le Nigériaen déduit que
les Nigérians sesont contentés de maintenir leurs positions, et de repousser l'assaillant(CR

9614, p. 87(M.Watts)). Le texte dit cependant tout autre:cce que les militaires
nigériansontressenti comme étantune attaque cameroàsavoir leur "infiltration",a été

non seulementrepoussée,mais enplus les Camerounais oexpulsésde leur proprezone
de positionnement"own posn area"). Les Nigériansn'ont par conséquentpas seulement

maintenu leurs positi:ils ont effectivement pris par la force des positions qui, jusque-là,
1 étaientdétenuespar les Camerounais.

11.161 Le Cameroun maintient donc que les actions militaires nigérianesde

février1996sont constitutives d'actes illicites. Elles se qualifient comme des violationsde la
souverainetétemtonale du Cameroun, du principe de non-àela force, et de l'intégrité

1 territoriale du Cameroun. B - Les faits évoquéd sans le mémorandum sulra procédure

11.162 En produisant ce mémorandum, reproduiten annexe 1 à la présente

réplique, leCameroun a voulu tenir la Cour informéedu non-respect par le Nigériades
mesures indiquéespar l'ordonnance de la Cour du 15 mars 1996. A ce titre, il a évoqué

comme constitutifsdeviolationsde sesdroitssouverains :

- Les attaques militaires lancéespar les troupes nigérianes arméed se mitrailleuses

lourdes et de mortiers sur les positions camerounaises à Inuamba et Benkoro, au sud de la

presqu'île de Bakassi, les 21, 22, 23, 24 et 25 avril 1996 (mémorandump ,. 5, par. 4 (2) ; et

pp. 7-8,par. 8 (2)-9) ;le harcèlement despositions camerounaises à l'arme automatiqueet au
mortier dans la journéedu 11 décembre (mémorandum, p. 6, par. 5 (2)),ainsi que les

tentatives d'infiltration accompagnées de pilonnagesdans la nuit du 31janvier au ler février

1997 (ibid.). Ces actes violent la souverainetétenitonale du Cameroun,le pnncipe du non-

recours à la force,l'interdictionde porter atteinteà l'intégrité temtoriale dCuameroun.Ils ne

respectentpas les mesures 1)et 3) de l'ordonnancede la Courdu 15mars 1996 ".

-La mise en Œuvre de travaux d'électrification et d'adduction d'eau dans des localités
situées en temtoire camerounais, mais occupées par les forces nigérianesdepuis les

événements du mois de février 1996(mémorandum, p. 8, par. 10). Ces actes constituentdes

violations de la souverainetétemtonale du Camerounet du pnncipe denon-intervention ; ils

sont contrairesaux mesures 1) et 4) indiquéespar la Cour dans son ordonnancedu 15 mars

199618.

11.163 LeCameroun maintientdonc intégralemens tes diresquantaux faits qu'il

a évoquéspostérieuremen at dépôtde sonmémoire, etdemande àla Courd'en tenircompte

lorsqu'elle déterminerala mesure dans laquelle le Nigéria a engagésa responsabilité

internationale.

" "1) (...) Les deux Parties veilàévitertout acte, et en particulier tout acte de leurs forces armées,qui
risquerait de porter atteinte aux droits dee Partie au regard de tout arrêtque la Cour pourrait rendre en
l'affaire, ou qui risqueraitd'aggraver ou d'étendrele différendportédevant elle
"3)(...) Les deux Parties veiàlce que la présencede toutes forces arméesdans la presqu'ile de Bakassi ne
s'étende pas au-delà des positionsoù elles se trouvaient avant ler1996", ordonnance, 15 mars 1996,
Rec. 1996,p. 24,par. 49.
La mesure 4) se lit ainsi"Les deux Parties prennent toutes les mesures nécessaires pourpréserverles
élémentsde preuvepertinents aux finsde la présenteinstance dans la zone en litige",,par. 49.11.164 En conclusion de cette section de sa réplique,le Cameroun entend

réaffirmer que les faits rapportés dansles paragraphes 1 à 10 ci-dessus démontrent

l'engagementde la responsabilitéinternationaleduNigéna.

Section 3 : L'OCCUPATION DE LA REGION CAMEROUNAISE DU
LAC TCHAD

11.165 Comme le Cameroun l'a indiqué dans son mémoire, la zone

camerounaise du lac Tchad subit une occupation militaire depuis le 2 mai 1987, date à

laquelle les autorités nigérianesont fianchi la frontière conventionnellement établie pour

envahir la région(MC, p. 587,pars. 6.81etS.et MC, Livre VI, annexe 283). Le Cameroun a
déjà montré quecette occupation sans titre ne pouvait en aucun cas produire des effets

juridiques surleplan temtonal (v.supra,chapitre3, pars. 3.84-3.90).

11.166 En revanche,cetteoccupationillicite engagela responsabilité duNigéria.

Le Cameroun établira les faits, puis montrera que les conditions juridiques nécessairàs

l'engagement dela responsabilitéinternationale sontréunies.

Les faits qui engagent la responsabilité internationale du
5 1-
Nigériasontétablis

11.167 Le Camerounrépondra auxarguments du Nigériarelatifà des incidents

particuliers mais, auparavant, il tàepréciserque la base factuellede l'établissementde sa

responsabilité, c'est-à-direl'invasion puis l'occupde la région dulac Tchad, ne saurait

êtrecontestée.Dans ces conditions, la réclamationdu Cameroun satisfait entièrement aux
standards depreuve reconnus parlajurispmdenceinternationale

A - L'occupationde la partie camerounaise de la région du lac
Tchadestétablie

11.168 En affirmant que"[ilnternationalresponsibility for discrete incidents has

to be establishedseparately for each incident" (CMN,vol. In, p. 647, par. 24.51), le Nigéria
tente de focaliserle débat surl'accessoire,et de détournerla Cour de l'essentiel.L'objetde la

requêtecamerounaise en responsabilitéest l'invasion et l'occupation d'une partie deson

temtoire par les autoritésnigérianes.Les incidents spécifiquesqui se sont sucdepuis les années 1980 ne sont que des élémentsqui attestent et illustrent cette occupation. Ils ne
fournissent donc pas l'objetessentielde la réclamation.

1 L'objetessentiel de la réclamationdu Cameroun est l'invasion et
l'occupationd'une partie de sontemtoire

11.169 Le mémoire duCameroun est très clair à ce sujet. Dans la partie du

chapitre consacré à la responsabilitéinternationale du Nigéna relative à la région du lac

Tchad, il mentionne "[ll'invasion et l'occupation nigérianes sur les terres camerounaises"
(MC, p. 587). Les conclusionsreprennentdes expressionssimilaires :

"en occupant militairement des parcelles du temtoire camerounais dans la
zone du Lac Tchad (. ..), la République fédérald eu Nigena a violéet viole

ses obligations en vertu du droit international conventionnel et coutumier"
(MC, p. 670,a1.e) ;

"(..) la Républiquefédérale du Nigena a le devoir exprèsde mettre fin à sa
présence tant civile que militaire sur le temtoire camerounais et, en
particulier, d'évacuersans délaiset sans conditions ses troupes de la zone
occupéedu Lac Tchad (...)(MC, p. 670, al. f))".

11.170 Il ne s'agit donc pas de formuler une multitude de réclamations en

responsabilité qui traiteraient séparément de chaque acte d'incursionpuis d'occupation du

Nigéria.Le Cameroun considèreplutôtque le Nigénaest l'auteur de ceque la Commission du

Droit international a désignécomme un délit continu,en citant expressémentcomme exemple
le cas de l'occupationd'unepartie d'untemtoire étranger19.

11.171 Dans cecontexte,les incidentsdont il sera questionci-dessous ne doivent

pas êtreconsidérés comme des basesautonomesde mise en cause de la responsabilité.Il s'agit
plutôt d'éléments attestant de l'occupation continue par le Nigéria d'une partie dutemtoire

I camerounais.

l9Ann .C.D.I., 1978, vol. U, lèrepartie, pp.39-40, par;v. 1. Pauwelyn,"TheConceptof a 'Continuing
Violation'of anInternationl bligatio:SelectedProblems", .Y.I.L.,1995,p.417. 2') Les faits qui constituent l'invasion puis l'occupation sont
reconnuspar leNigénalui-même

11.172 En tentant de limiter la discussionl'examend'incidentsparticuliers, la
stratégiedu Nigéria consisteà tenter de faire oublier qu'ilassume et revendique lui-même

expressément uneinvasionpuis une occupationde la région camerounaise du lac Tchad.

11.173 Devant l'abondance et la clarté des instruments conventionnels qui
reconnaissentla souverainetédu Cameroundans cette zone, le Nigériaa en effet été réduià

invoquer la conquête commetitre temtorial. Le Cameroun a, dans le détail,réfutécette

argumentation d'unautre âge sur le plan temtonal (v.supra, chapitre 3, pars. 3.89-3.90).Il

relève ici qu'elle implique une reconnaissance expressedes faits qui sont à la base de
l'engagementde sa responsabilité internationale,

11.174 Cette attitude cynique est d'ailleurs répétée danls'argumentationdu

Nigériasurlaresponsabilité.Celui-ciaffirmepar exempleque la zonelitigieuse.
"[is] occupied and administeredby Nigeria as of right, and any deployment
of Nigerian forces in that area was a lawful exerciseof Nigeria'stemtonal

sovereigntyoverthat area" (CMN,vol. III,p. 632,par. 24.19).

11.175 Il existe donc bien un accord entre les Parties sur la matérialité de

l'occupationmilitairede la zone du lac Tchadqui se trouveà l'estde la délimitationrésultant

des instrumentsconventionnelspertinents.Le différend porte surla qualificationjuridiquede

ces faits, le Cameroun considérantqu'ils'agit d'uoccupation illicite,le Nigériad'uneaction
menée surla base d'un titretemtonal. Mais il n'existe aucun désaccordpour ce qui est de

l'existencematériellede l'occupation. elle-cidoit doncêtreconsidéréeomme établie.

11.176 LeNigériadoit assumerles conséquenceslogiquesde son argumentation.
Il ne peutàla foisrevendiquerdes actesmatériels d'occupationpourétablirce qu'ilqualifiede

titre temtorial, et nier que cette occupation soit établieaux fins de l'administrationde la

preuvedansle cadre du litigerelatif laresponsabilité internationale, B - Les incursions nigérianesdans la régioncamerounaise du lac
Tchad sont établies

11.177 Le Nigériautilise, de manière récurrente, l'absence de précisions des

faits alléguéspar le Cameroun dans son mémoire, pournier l'existence de l'invasion etde
l'occupation militaire nigérianedes villages et îles camerounaisdans la région ets'abstenir de

répondre, au fond,sur tout autre incident que celui du 13mai 1989, sur lequel on reviendra

par la suite (pars. 11.197-11.200). Pour ce faire, le Nigéria critique la présence

1 d'approximations concernant certains noms ou situations géographiques de villages, ou
! encorecertainesdates d'incidents.

11.178 Les causes de ces imprécisionssont multiples : le caractère reculéde

cette région,son accès difficile, son instabilité géographiqueen raison de l'assèchementdu
lac Tchad et de l'alternance de périodes sècheset humides qui font varier la topographiedu

terrain ou encore la coexistence pour un mêmevillage des noms traditionnels et des noms

français héritésdu colonialisme (v. supra, carte R 4 indiquant la localisation des villages

litigieux).

11.179 L'existence de plusieurs dénominations est ainsi typique dansle cas du

village de Faransa. Certaines notes désignent en effet ce village par le nom de Faransia ou

encore de Fransia. Il ne fait cependant aucun doute que les incidents relatésse sont déroulés
dans le même village.

11.180 Les approximations ne remettent cependant aucunement en cause

l'existence de ces faits, c'est-à-dire la présence de militaires nigérianssur le temtoire

camerounais et la commission par ceux-ci de nombreuses exactions. Ces faits sont
effectivement relatéset corroboréspar de multiples rapports et notes provenant de différentes

sources,telles que le chef du district de Hile Alifa, l'état-major desarméesou encore le chef

de la PAMINT (Patrouille mixte internationale).

11.181 L'argumentation relative à l'occupation par le Nigériade la région dulac

Tchad a déjà été développée dans le mémoire WC, pp. 586-590, pars. 6.79-6.89) ;il n'est

doncpas question de la reprendre ici dans son ensemble,mais il convient de rappeler certains
incidents particuliers dans la région qui témoignent, de manike claire, de la politiqued'invasion puis d'occupation militaire des villages camerounaispar le Nigéria, et des
exactions commisespar l'armée nigérianceontreles citoyens etautoritéscamerounais.

Io) L'invasion et l'occupationmilitairesde villages camerounaisdu
lac Tchadpar leNigéria

11.182 L'invasion de la régioncamerounaise du lac Tchad a commencé de

manière pernicieuseau milieu des années1980.LeCameroun s'estplaint àplusieurs reprises

auprès des autorités nigérianesde violations de son temtoire et de son espace aérienpar
l'armée nigériane (annexe sC 125, 140et 143).

11.183 Cette invasion s'est systématiséeàpartir de février 1987 (annexe RC
231). En juin 1987, l'armée nigériane occupe un certain nombre de localitésen temtoire

camerounais, avant de regrouper une partie significativede ses forces de son coté dela

frontière.

"Dès le 14 juin 1987 les troupesnigérianesappuyées pardes avions de
chasseont commencé àoccuperlesIles Camerounaisesdu District deHILE
ALFA (MAKARY).Leur présencemassive s'est fait sentir dans les Iles
suivantes: NDIGUILI - FARANSA - KASUA MARIA - DARAK -
KATEKIME. Bien que ces troupesaient quitté certainesde ces Iles, les
militairesde la valeur d'une Brigadesonttoujoursa =GO, MONGONO
et dans leslocalitésenvironnantes.

"Les matériels suivantsontétidentifiéspendantl'incursion nigériane

-160BM dont 90demarqueégyptienne;
-80 VLTT ;
-80 Commandos ;
-30 Camionsdetransportdetroupes" (annexeRC 164).

11.184 L'occupation par l'armée nigériandee villages camerounais n'a ensuite

cesséde progresser. Ainsi, un rapport de l'état-mde la gendarmerienationale, en date du
29 août 1987,faisaitétatde treize villagesoccupés (M, ivreVI, annexe 283).En 1994,une

note du commandantde la troisièmerégionmilitairedu 20 décembre 1994 dénombraid tix-

huit villages et sixîles occupés (MC,LivreVII,annexe 377).

11.185 L'occupation militaire de ces îles et villages fut précédée darrivée

massive de pêcheurs nigériandsans une zonebénéficiand te meilleures conditions aquatiques
et halieutiques que la partie nigérianedu lac Tchad. Comme'a déjà relevéle ministère desRelations extérieures camerounaisdans la note de protestation adresséeà l'ambassade de la
Républiquefédérale du Nigériaà Yaoundéle 11avril 1994 :

"Les autoritéscamerounaises ont constaté que, par le passé,l'occupation
militaire nigériane de territoires camerounais suivait généralement
I'occupation illégalede certaines parties de ces temtoires par des citoyens

nigérians. L'occupation militairede Darak et de certaines parties de la
péninsule deBakassi en sont des exemples" (Requête additionnelle à la
requêteintroductive d'instancede la République du Cameroun,annexe 1).

11.186 L'invasion et l'occupation de Darak constituent en effet un exemple

typique de la politique d'expansion nigérianedans la région. Consécutivementl'occupation

civile, des militaires nigérianssont arrivés,le 17 juin 1987, par camions et ont enlevéle
drapeau camerounais (annexes RC 162 et 164).Puis, ils se sont installéssur l'île, dressant un

"camp militaire". Un rapport du chefde la PAMINT, relatifàun incident survenu le 4 juillet

1988 entre la PAMINT et les forces nigérianes situées à Darak, décrit précisément

l'occupationmilitaire du village tellequ'elle seprésentaitpoque, notammenten indiquant
la présencesur place d'officiers de l'arméenigériane.Ce rapport conteste en revanche une

quelconqueoccupation administrativedu village:

"il [le capitaine nigérian]m'a pris dans sa Land Rover pour me promener
dans DARAK et une fois de plus nous confirmons qu'il n'y a ni école,ni
maison mêmeen terre battue à DARAK, ni hôpital et autres comme
beaucoup ont laisséentendre" (annexeRC 173).

11.187 Il faut souligner que le Nigériareconnaît expressément la présence de

soldats nigérians dans la régionde Darak. Le contre-mémoire mentionne en effet l'envoi

périodiqued'unitésdu 21"' bataillonblindébasé àMaiduguri dans cette zone (CMN, vol. II,

p. 423, pars. 17.33-17.34).

11.188 Cette occupation militaire se poursuit depuis 1987 et ne cesse de se

renforcer, l'effectif des forces nigérianes bàsDarak est évaluéen décembre1996 àprès

de 500hommes équipés d'armes lourdes(annexe RC 219).

11.189 Des faits similairesse sont produits dans les différents villages occupés

depuis 1987.Plusieurs rapports et notes font état,de manière concordante, de l'établissement

de camps militaires nigérians etde la présencede nombreux soldats ou policiers nigérians
dans la région.11.190 Ainsi,une note du Secrétaired'administrationprincipale du 2juillet 1987
précise,par des données chiffiées, l'importance dela présence militaire nigérianedans les

villages de Ndiguili et deKassou Maria, où environ deux cents militaires étaient installés

(annexeRC 165 ;v. aussiMC, Livre VI, annexe 283).

11.191 Une des manifestations les plus symboliques de la revendication par le

Nigéria de la souveraineté sur ces villages occupés est l'enlèvement des drapeaux

camerounais et leur remplacement par des drapeaux nigérians. Cette pratique courante des
militaires nigérians est rapportéàde nombreuses reprises. De tels incidents se sont produits

plusieurs fois, notamment dans les villages de Faransa le 19 décembre1984 (OC, annexe 1,

appendice 3),de Sagir, Kaforam, Kassou Maria etDarak le 17juin 1987(annexe RC 163),de

Ndiguili et Faransa les 2 et 7 mai 1987, de Tchika, Bargaram et Naga le 1"'juillet 1987 au
moyen d'une expéditionforte de 35 personnes comprenant 25 militaires (annexe RC 165 ; v.

aussi OC, Livre II, annexe 1, appendice 2), ou encore de Faransa, Darak et Bargaram en

novembre 1987(annexe RC 231). Une note du chef de district de Hile Alifa du 13 août 1987

confirme ces différentsincidents et souligne que le drapeau nigérianflotte sur 9 villages
camerounaisoccupés :Bargaram, Sagir, Kaforam, Tchika, Naga, Gorea Changi, Katti Kime

etDarak1et II (annexe RC 166).

11.192 Concemant l'enlèvementdu drapeau camerounais de Faransa par deux
militairesnigériansle 19décembre 1984, leNigériasouligne, dans son contre-mémoire,qu'il

n'est pas fait mention dans la note du 23 février1985 du remplacement par le drapeau

nigériandu drapeau camerounais, mais seulement de son enlèvement(CMN, vol. III,p. 740,
par. 24.329).Un tel argument ne présente évidemmentaucune pertinence, l'enlèvementdu

drapeau camerounais constituant en lui-mêmeune atteinte symbolique à la souverainetédu

Cameroun.

2') Les exactions commises par les militaires nigérians contre les
citoyens et autoritéscamerounais

11.193 Le Nigériamène,dans cetterégion, une véritable politique d'intimidation

contre lescitoyens et chefs traditionnels camerounais. L'objectif du Nigériaest de vider ces

villagesde leurpopulation camerounaise et de mettre en place des chefs infeodésau Nigéria.
Ces opérationsréalisées,le Nigéria allègueensuite que la population, désormais à trèsfortemajoriténigériane, considèreson village comme faisant partie du temtoire nigérian (v.CMN,
vol.ii,appendicesau chapitre 17,pp. 441 et S.).

11.194 Dans les villages occupés par l'armée nigériane, la population

camerounaise n'a le choix qu'entre la soumission et la fuite, comme en témoignentles
mauvais traitements et sévices dont ont étévictimes les citoyens et chefs de villages

camerounais qui protestaient contre l'occupation nigériane (v.rapport de l'état-major dela

gendmene nationale, 29 août 1987,MC, Livre VI, annexe283). Les citoyens camerounais

restés sur les lieux sont régulièrementvictimes d'exactions diverses commises par les
militaires nigérians (annexe RC 104). L'arrestation arbitraire de Mohamed Djida par les

militaires nigérians, le21 mars 1985sur l'île de Faransa, et les mauvais traitements qu'il a

subis pendant sa détention de plusieurs semaines au Nigéna en sont un exemple
particulièrement révélateur(annexe RC 121). Ces exactions continuent encore comme en

témoignent lespropos du préfetdu départementde Logoneet Chari en août 1999 :

"les élémentsde l'armée nigériane ne cessent de commettre des exactions
sur les pauvres agriculteurs camerounais dans la zone occupéedu Lac
Tchad" (annexe RC 240).

11.195 Plusieurs rapports attestent également de la pratique régulière d'un

véritableracket dans la région (v.MC, Livre Vii, annexe 363,no 35 ; annexes RC 240et 231
concernantl'extorsion de sacs de maïsen avril 1994).

11.196 La destitution, voire l'arrestation de plusieurs chefs traditionnels

camerounaisfont l'objet de témoignagesconcordants (annexesRC 110, 111,235 et 236).Par
exemple,le 8janvier 1988, huit chefsde villages -dont ceux de Katti Kime 1,Gorea Changi,

Naga, Tchika et Sagir - ont étéarrètés,conduits a Woulgo au Nigéria,puis relaxés.Le 16

janvier 1988, les deux chefs de villages de Naga et Katti Kime ii sont destituéspar cent

policiers nigérians (annexeRC 231). La persécution parles autorités nigérianesdes anciens
chefs de villages camerounais se poursuit encore actuellement : en 1999,les ancienschefsde

Naga,Tchika et Gorea Changi ont été interpelléset séquestré(sannexes RC 238 et 240).

11.197 Outre les chefs traditionnels camerounais, des représentants de

l'administration camerounaise sont victimes d'exactions perpétrées par les militaires

nigérians. Ainsi, le 28 novembre 1984, cinq douaniers camerounais ont étéarrêtés et

emmenés à Gambarou au Nigéria(MC, Livre VII, annexe 363, no 12) ou encore le 13 mai1989, des policiers nigériansont saisi et confisquéprès de Blaram une embarcation des
servicesde pêche camerounaidsu poste de Blangoua.

11.198 En ce qui concerne ce dernier incident, le Nigéria allègue que les
circonstances de cette saisie ne sont pas claires et que la preuve de cet incident n'est pas

établie(CMN,vol. III, p. 716,par. 24.256). LeNigénafondecetteconclusion surl'existence

deprétenduescontradictionsentrela note duministèredesRelations extérieurdu Cameroun
à l'ambassade duNigéria àYaoundédu 12juin 1989(OC, LivreII, annexe 1,appendice5) et

deux rapports de l'état-majordes arméescamerounaisde 1994 (MC,Livre VIi, annexes 362

et 363).

11.199 Il fautenpremier lieu rappeler queces rapportsde l'état-majorn'ont pas

pour objet d'êtreexhaustifs sur le déroulementdes incidentsmentionnés,mais seulement de

dresser la liste des incidents frontaliers et violationsdu temtoire camerounais en indiquant,
brièvemen ut,résumé des faits.

11.200 En outre,il apparaît que les différences entre lanote du 12juin 1989 et

les rapports de l'état-major, misesen exergue par le Nigéria,sont en réalité extrêmement
ténueset sans conséquence juridique le lieu exactde l'incident, Blangouaou Blaram d'une

part, et lesauteurs de la saisie,policiers oumilitairesnigériansd'autrepart. Comptetenu de la

fonction des rapports de l'état-major,il est évidentque la version exacte des faits est celle
contenuedansla note du 12juin 1989 :

"la saisie par la police nigérianele 13 Mai 1989vers 16H30au niveau de
Blaram, campement de pêcheen territoire camerounais entreBlanaoua et
Kofia d'une embarcation camerounaise opérantau poste de pêchede

Blangoua" (OC,Livre Iiannexe 1,appendice5 ; soulignédansletexte).

Ces faits commis par les militaires et policiers nigérianssont attribuables au Nigéria et

engagentsa responsabilité internationale.

5 2- Les conditions juridiques nécessairesA l'engagement de la
responsabilité internationale du Nigériasont réunies

11.201 Les principesgénéraux relatiàsla mise en Œuvrede la responsabilitédu

Nigériaont étérappelésdanslechapitre précédentI.lss'appliquentau secteurdu lacTchad. A - L'occupationdutemtoire camerounaisest attribuableauNigéria

11.202 L'occupation dela régiondu lac Tchadet plusieursopérationsmilitaires

dans cette zone sont directement le fait d'organes de 1'Etat nigérian. Par ailleurs, en

s'abstenant deprendre des mesures tendant à empêcher ses ressortissants de pénétrer sle
temtoire camerounais, et, allant plus loin, en les encourageaàagir en ce sens, le Nigéna

voit sa responsabilité internationale engagée, conformément à la jurisprudence

internationalez0.

11.203 Le Nigéna se borne à répondre queplusieurs incidents impliquent des

personnesdont le comportementne luiestpas attribuable(CMN, vol. Iii p. 650, par. 24.58).

11.204 L'argument estévidemment inopérantL .e Cameroun ne nie pas que
l'invasionde certaines parcelles de son temtoire ait pu êtrea l'originele fait de personnes

privées,mais il relèveque le Nigériaa rapidement endossé les effets de ces incursions.Au

demeurant, le Nigériaassume et revendique explicitementl'occupation et l'administrationdu

temtoire litigieuxpar ses propres organes.Laquestionde l'imputabilité saurait donc prêter

à contestation.

11.205 En occupant de manièrecontinue une partie du temtoire camerounais

depuis de nombreuses années,et en se livrant à des opérations militaires offensives suce

temtoire, le Nigériaviole de manièreflagranteles principes les plus élémentairesdu droit
international contemporain (v.upra, chapitre 10,pars. 10.120.16).

11.206 Ce n'est pas - comme feint de le croire le Nigéna(CMN, vol. IiI pp.

632-633,par. 24.20) - l'existence dudifférend frontaliertant que tel qui est en cause, mais
bien son"règlement"militaire par le Nigéria aumépris desrègles du non-recours à la force,

du règlement pacifiquedes différendsainsi que du principe de non-intervention dans les

affaires qui relèvent dela compétencenationaledes Etats.

20
C.LJ., arrê4 mai 1980, affairedu Personnel diplomatique et consulairedes àtTéhéranR,ec.
1980,p.35,par.74. B - L'argumentfondé surl'"erreurraisonnable" ou la "bonne foi" ne
sauraitexonérerle Nigénade sa responsabilité

11.207 Le Cameroun a montré, dans le chapitre précédent,que l'erreur
raisonnablene saurait exclure la responsabilitédu Nigéria(v.upra, chapitre 10,pars. 10.26-

10.31).L'argumentest particulièrement mal fondé,s'agissant du lac Tchad.

11.208 Dans cette région, la frontière actuelle a étéétablie dans une série
d'instruments, depuis plusieurs dizaines d'années, pouratteindre un degré maximum de

précisionavec les travaux de la C.B.L.T. Le Nigénaa été étroitemena tssociéà l'ensemble

des opérationsde démarcation menéesdans ce cadre. Par ailleurs, le Nigéna a participéet

continue de participer aux activitésde laAMINT, police internationale du lac Tchad créée
dans le cadrede la C.B.L.T. Les patrouilles de la PAMINT connaissent bien la position des

bornes frontièresérigéesdans le cadre de l'opération de démarcation. Dans ces circonstances,

le Nigérianepeut certainementpas prétendrequ'il ignoraitoù passait une frontièrequ'il a lui-

mêmecontribué à matérialisersurle terrain eà surveillerpar la voie de ses représentants(v.
supra, chapitre 3,pars. 3.51-3.66).

11.209 Du reste,jusqu'àun passérécent,leNigérian'alui-même jamais remis en

cause cettepartiede la frontière, etn'ajamais émisde revendication qui viseraàtremettre en
cause le titre conventionnel. Le Nigéna n'a jamais prétendu non plus que cette frontière

n'existaitpas, ouqu'ellerestaitdéfinir.

11.210 Dans ces conditions, il est incongru de prétendre aujourdtui que le

Nigénaaitpu ignorer où passait la frontière,et qu'ilait en toute bonne foi envahipuis occupé

la zone située ducôtécamerounais. Si le Nigénaavait réellementeu des doutes à ce sujet, il

aurait dû en informer le Cameroun et réglerpacifiquement le différendqui en aurait résulté.
En réalité,c'est en toute connaissance de cause que cet Etat a choisi d'ignorer un titre

conventionnelpour tenter d'établirsa souverainetépar des actes de conquêtes contrairesaux

règles lesplusélémentairesdudroit international contemporain.

11.211 Le Cameroun ne dénie pas auNigériale droit de contester la pertinence

ou l'interprétatides titres conventionnels qui définissentla frontière commune.l considère

néanmoinsque tout différendfrontalier doit êtrerégléde manière pacifique, et que tout Etatqui enfieint cette obligation ne peut se retrancher demère une hypothétique "bonnefoi" pour
s'exonérerde sa responsabilité.Si le Nigériaa commis une erreur d'appréciation, ilne peut

certainementpas s'enprévaloirpourjustifierun recours à la force.

L'argument fondésur une "prescription extinctive" ne saurait
C -
être retenu

11.212 Le Nigéria allègue l'existence en droit international d'un principe de
"prescription extinctive" qui priverait de tout fondement les réclamations relativesà des

incidents vieux de nombreuses années (CMN, vol. III, p. 647, par. 24.52). 11càtson appui

la décisionde la Cour dans l'affairede Certainesterres àphosphateà Nauru, par laquelle il a

été établi que"even in the absence of any particular treaty provision, delay on the part of a
claimant State may render an application inadmissible" (Cm, vol. III, p. 648, par. 24.53).

Finalement, "Nigeria will draw attention to the occurrence of unreasonable delay in the

presentation or prosecution of claims in relation to each alleged incident which, in Nigeria's

submission,is now bmed by lapse of time" (CMN, vol. III, p. 648, par. 24.54).

11.213 Cet argument est d'abord difficilement compréhensible en fait. Le

Nigériane précisepas quels sont les incidents pour lesquels cette prescription aurait rendu
toute réclamationcaduque mais, en tout étatde cause, ces incidents datent, pour les plus

anciens d'entreeux, d'unequinzaine d'années. Surtout,on rappellera que l'objet principal dela

réclamationcamerounaise est l'occupation illicite continue du temtoire camerounais, qui se

poursuit toujours aujourd'hui. Invoquer une prescription extinctive pour un délit actuel et
continuconfine au surréalisme.

11.214 En conclusion, l'occupation de la région du lac Tchad par le Nigéria

engage laresponsabilitéinternationalede cet Etat. Ni les circonstancesparticulières de Nait,
aucuneconsidérationjuridique, nesont susceptiblesd'excuser l'illicéité eon comportement. Section 4 : LES INCIDENTS LE LONG DE LA FRONTIERE ENTRE
LE LACTCHAD ET BAKASSI

11.215 Le mémoire du Cameroun évoquetrois groupes de faits qui se sont
produits le long de la frontièreentre le lac Tchad et la presqu'îlede Ba:l'occupation de

Typsan (MC, pp. 590-592, pars. 6.90-6.95) ; les enlèvementset séquestrations d'autorités et

de citoyens camerounais par les forces arméesnigérianes (MC, pp.592-593, pars. 6.96-

6.102,); les autres incidents (MC, pp. 593-595, pars. 6.103-6.109).

11.216 Le contre-mémoireavance àleur sujet desobservationsgénérales (CMN,

pp. 641-652, pars. 24.41-24-62) auxquelles il est déjàrépondu auchapitre 10de la présente

réplique.Onn'y reviendra que pour indiquer qu'il ressort du dossierque le Cameroun a élevé
de nombreusesprotestations contre les incursions nigérianes surson temtoire. On peut relever

à cet égard,etàtitre d'exemples, lesprotestations suivan:es

- protestation du 27 avril 1985à propos de l'incursion de trois gendarmesà
Garoua(annexe RC 122) ;

-protestation du 14 septembre 1985 à propos de l'incursion de deux policiers

armés à Atta (i3ankim)(OC, Livre Iiannexe 1);

- protestation du 16 mars 1990 à propos de l'incursion de trois policiers
nigériansà Djibnlli (Koze), (annexe RC 183);

- protestation du 12 avril 1994à propos de Typsan (MC, Livre VII, annexe

355).

11.217 Le contre-mémoire fait égalementdes observations spécifiques sur

chacun des incidents évoqués parle Cameroun (CMN, vol. III, pp. 718-734, pars. 24.260-

24.306). Dans cette section de la réplique,le Cameroun répondra auxobjections du contre-
mémoire,et présentera,en tant que de besoin, des éléments supplémentairesdémontrant que

leNigéria a engagéen ces circonstances sa responsabilitéinternationale.

1 - L'occupation de Typsan

11.218 Dans son mémoire,le Cameroun a montréque le Nigéna occupe de

façon illicite la localité camerounaisede Typsan, qu'il a élevé uprotestationàcet égard(MC, pp. 590-592,pars. 6.90-6.95), et que la responsabilitéinternationale du Nigéria est
engagéedecefait(MC,p. 563,par. 6.05).

11.219 Dans son contre-mémoire, le Nigériarépondsur trois terrains. Il estime

d'abord que Typsan étanten temtoire nigérian,son occupation par des Nigériansne peut
présenteraucuncaractèreillicite (CMN, vol. III, pp. 719-720,pars. 24.263, 24.264, 24.267).

Mais Typsanest eta toujours étédu côté camerounaisdela frontière.

11.220 En outre, le Nigéria insiste sur l'absence de réactiondu Cameroun
pendant quinze années, alormême qu'il auraiét tinforméde l'occupation deTypsan depuis

1984, pour en conclurequ'une prescription extinctiverend ces faits insusceptibles d'action

contentieuse(CMN, vol.HI,p. 720,par. 24.266).

11.221 Cette argumentationne tient pas au regardde la réali,iendifférente de

celle que le contre-mémoireaffecte de considérer comme avérée. En fait,si des Nigérians

sont établisdepuis plusde vingt ansà Typsan, la revendication officielle du gouvernement
nigérianquant àla souverainetsurce village est récente.

11.222 Il résultedu dossier que,jusqu'au débutdes années1990, laprésencede

Nigérians à Typsawavait été expressémena tutorisée par le Cameroun,qui restait en
possession souveraineincontestée de ce village.Aucun différend n'existaitalors quant au

tracéde la frontièredans cetterégion.C'est d'ailleurspourquoi le déplacement,en 1984, du

poste émi-immigrationdu Nigéria à Typsan fut facilementtoléré:il permettait aux agents de
ce poste d'améliorer leur situation matérielle, sans pour autant impliquer aucune

revendicationtemtorialeou frontalière.

11.223 Autorisée,laprésencedeNigériansn'avait évidemment pasa donner lieu
a une quelconqueprotestation(A),jusqu'à ce qu'elle acquièrele caractère d'une occupation.

Insidieuseà partir de l'année 1990, lavolonté expansionnistedu Nigéria s'est nettement

révélée p,uis confirmée,partir de 1994,suscitant alorsles légitimesréactions camerounaises

(B). LeNigérian'a tenuaucuncompte deces riactions, et poursuit depuis 1994une politique
du fait accompli, enaccroissantd'une façon qu'il voudrait sans doute définitiveson emprise

sur Typsan (C).Il a en outreprofité de l'occupationTypsan pourmener des actionsvisant

à la destructiondepreuves0). A - Le Cameroun a toléréla présencepacifique de Nigérians à
Typsanjusqu'à 1994

11.224 Le rapport du sous-préfetde Mayo-Baleo en date du 13 avril 1997

expliquela chronologie des événementtsels qu'ilsse sont déroulésypsan :
"Il y a prèsde 20 ans, des ressortissantsNigérians del'ETHNIEMOUMIE,
avaient demandéau Lamido deKontcha, l'autonsation verbale de s'installer

à l'emplacement actueloù se trouve la localitéde Typsan, inoccupé,afin
d'y pratiquerl'Agriculture, lesolétantriche et fertile.

"S'appuyant sur l'esprit deraternitéqui existait entre les ressortissants de
ces deux Chefferies voisines (Lamidat de Kontcha (Cameroun)et celui de
Tongo (Nigéria)),et dont c'est la mêmefamille régnantede part et d'autre

de notre frontière.l'autonsation sollicitée leuaaccordée.

"Au fil du temps, cette population s'est accrue et s'est instalmanière
définitive surce terrain. Jusquelà, le conflit frontaliern'existait pasencore,
les populations en cause se soumettaient encore à l'autorité du Chef
Traditionnelde Kontcha, leurnouveaulieu d'accueil.

"En 1984, les services de police Emi-Immigration du Nigéria qui étaient
basés àMayo-Bagboua,jusqu'alors, àla vraie limite,se sont rapprochésde
Kontcha et précisément à Typsan, pour assurer la sécurité de leurs
ressortissants et pour se sécurisereux-mêmes,leur ancienposte étantsitué,
en pleinebrousse, loinde touteviehumaine. Les motifsdepouvoir fairedes
achats àKontcha étaientégalementinvoqués ;d'où cette passiviobservée

du côté dela Chefferie de Kontchaqui n'a pasvite compris qu'ils'agissait
d'une occupationenbonne et dueforme.

''i semble, selon des sourcesdignes de foi que, la décisiond'annexer
Typsan auNigéria auraitpris naissanceà partir duconflitdeBakassi.

"En effet, depuis donc ce conflit,les autoritésNigérianesont multipliédes
actes de provocations dans le but de créerun autre front de Guerre. Les
forces de sécuritébasées à Typsan ont étérenforcées,un poste Radio-
Emetteur-Recepteury a été implanté,la constructiondes infrastructuresen
matériaux définitifs (casede santé,Ecole, Puits, marché)a été entamée,
tandis que les travaux de construction du poste forestier et de chasse,
abandonnés àl'époque(parcequese trouvant entemtoire Camerounais)ont

été repriset achevés, etc.(..).

"Il importe de rappeler que les Lamibésde Kontcha etde Tongo sont tous
issus d'un même ancêtre, le postulant a poste du Lamido de Kontcha,
YérimaBakari étantde la mêmelignéeque le Lamidode Tongo actuel. Il
està espérerque ces liens de parenté très rapprocpsermettentàterme de
résoudre pacifiquementce conflitfrontalier" (annexeRC 223. Voir aussile

rapport du chef de district de Kontcha au préfetdu départementdu Faro et
Déodu 14juin 1999,annexeRC229).11.225 Il en résulteque, jusqu'à 1994, la présencede Nigérians à Typsan ne
pouvait, en aucune manière, apparaître comme une occupation. La teneur du rapport de M.

Francis Fai Yengo, gouverneur de la province de l'Adamaoua, en date du 6 juillet 1993,

explique d'ailleurs clairement que,à cette date, en dépitd'une situation frontalière qui

devenait confuse, aucun litige n'était encouvert entre le Camerounet le Nigériaà propos
de Typsan :

"j'ai l'honneur de vous rendre compte qu'il n'existe aucunlitige ouvert
entre le Cameroun et le Nigériaau niveau de notre frontière commune à
l'Ouest de la Province de I'Amadaoua aux confins des Départements du

Mayo-Banyo et du Faroet Déo.

"Toutefois, l'éventualid'un litigefrontaliern'estpas totalemeàtexclure
du côtédu Départementdu Faro et Déo à cause de l'imprécisionde la
frontièrà ce niveau.

"En effet, actuellementsituéeau niveau du coursd'eau Tipsane,la frontière
réellese trouverait bien au-delà en terre nigérianneau niveau du Mayo-
Djigawal, ruisseau qui se situe à quatre kilomètresde Kontcha premier
village camerounais. La frontière est matérialisée pardes amas depieme
placéspar les Français et Anglais vers les années1939-1945, de part et
d'autre du misseau sur une longueur non déterminée.

"L'on tient l'absence de querelle relativementa situationdécritesupra,au
fait qu'il existe de forts liens parentaux entre le Lamidat de Kontcha
(Cameroun) et celui de Tongoh (Nigéria)dont les différentsdescendants
peuvent prétendreautrône indifféremmentdepart et d'autrede la frontière"
(annexe RC 198).

11.226 Jusqu'à cette date, la situation n'étaitdonc pas de natàrinquiéterle

Cameroun. Dans le cas contraire, il aurait certainement réagi,comme il l'a d'ailleurs fait

lorsque, en 1988,deux bombardiers de l'armée nigérianont survolé sotemtoire dans lanuit

du 3 au 4 mai dans la zone de Kontcha (annexe RC 171). Ceci mis à part, la situation n'a
commencé à se dégrader gravement qu'à partir de 1994. Le rapport sur l'occupation de

Typsan, établipar le commissaire spécialAlbert Amougou Balla en date du 20 février1995,

explique ainsi l'enchaînement des fai:s

"Depuis fort longtemps, la délimitation de la frontière CAMEROUN-
NIGERIA était située au-delà de YOLA, la Capitale de 1'Etat de
l'Adamaoua enRépubliqueFédéraledu NIGERIA.Aprèsle referendum de
1961, les camerounais résidant entre la ville de YOLA et le village de
KONTCHA ont optépour la nationaliténigériane. Cequi a alors provoqué
une nouvelle délimitationde la frontière qui se trouve aujourd'hui être

situéeà 09 km de KONTCHA, soit 06 km de la rivièreTIPSAN, coulant elle-même à03 km de KONTCHA. On voit tout de suite qu'à partirde
KONTCHAjusqu'à YOLA, on avait affaire à une même famille,le tout
administréparleLamidodeKONTCHA.

"La nouvelle frontièreentre le CAMEROUN et le NIGERIA était placée à
06 km de TIPSANdans un bosquet où les camerounaisse disant nigérians

se sont installés.Ayant constatéque la terre à ce niveau n'était pas fertile,
ils ont contactéle Lamidode KONTCHA d'antanen vue de leur permettre
de s'installer surles rives du cours d'eau TIPSAN pour pratiquer de
l'agriculture et l'élevade petits mminants. Le Lamido de KONTCHA
d'alors, feuDEWAIBRAHIMAa agréé leur demande.

"Le poste de contrôle Emi/Irnmigrationnigérian implantéà cette même

frontière ayant constaté que les populations s'étaient déplacépesur
s'installeraux abordsde TIPSANen temtoire camerounais, a décidéde les
suivreà cet endroit pour éviter d'être isolé surtou et matière de
ravitaillement.

"Au courantde l'année1990, leposte en question s'est permis de hisser le

drapeau de1'Etatde l'Adamaouapour indiqueràses compatriotesle lieu où
ils pouvaient obtenir levisa d'entréeet de sortie du CAMEROUN.Dès lors
la frontièreentre les deux pays étaitdevenue un patrimoine familialcar
gérés parles Lamidas de KONTCHA (CAMEROUN) et de TONG0
(NIGERIA). Les deux peuples vivaient en étroite sympathie, amicaleet
fraternelle.

"Quand leshostilitésont déclenché entle CAMEROUN et le NIGERIA
dans la péninsulede BAKASSI, les Autorités nigérianes ont hisséle
drapeau fédéralen plus de celui de 1'Etat de l'Adamaoua au poste de
contrôleEmilimmigrationde TIPSAN"(annexeRC 202).

B - Lorsque la présence initialement tolérée'est transforméeen
une occupation, leCamerouna protestéet saisila Cour

11.227 L'année1994 marque donc le débutde l'occupation nigériane,qui a
commencéaumoment où ledrapeaunigérian aété arboréà Typsan. La réaction du Cameroun

s'est développéeen deux temps. D'abordfut élevéela protestation du 12 avril 1994 (MC,

LivreVII, annexe 355 ;v. aussiMC,pp. 591-592, par.6.95). Ensuite, et surtout,le Cameroun

a demandé à la Cour, dans sonmémoirede mars1995,de constater que la responsabilitédu
Nigériaétaitengagéepour l'occupationde Typsan. On voitmal de quelle meilleure manièreil

auraitpu contesterles actes nigérians.11.228 Depuis lors, l'emprise nigériane, tant matérielle qu'administrative, n'a

cessé de s'accentuer, comme le montrent de nombreux documents qui en jalonnent la

progression.

C - Depuis 1994, leNigéria poursuitune politique du fait accompli,
en accroissantrapidement son emprisesur Typsan

11.229 Dans un télex endate du 28 mars 1996, M. Gilbert Andze Tsoungui,

Vice-Premier Ministre chargéde l'Administration temtoriale, informe le Secrétariatgénéral

de la présidence dela Républiquecamerounaise de la multiplication des investissements

nigériansà Typsan :
"début travaux construction à Typsan par autorités nigérianes d'un
dispensairestop dans le cadre de leurprojet visày édifierégalementune
écolestop un forage d'eau et un marché pourleurspopulations stop travaux

sont exécutépsar l'entrepreneurEl HadjdamouTanko de Ganye (Nigéria)
stop et un instituteur se déploie déjàsur le terrain pour recenser enfants
nigériansstop" (annexeRC 213).

11.230 Cette information suscita des réactions du côté camerounais, en
particulier au niveau local.Dans une lettre du 7 avril 1996 adresséeau Larnido de Tongo au

Nigéna,le Larnidode Kontchaélevala protestation suivante:

"Il m'a été donné de constater, nosans regret, que les autoritésde votre
pays viennent d'achever, sansmon accord, la constmction d'un dispensaire
au Villa-e Tiosan situà environ trois km de KONTCHA vers le Nigér-a,
relevant de mon autorité depuis des décennies etreconnu comme tel et
s'apprêteraientncoredit-on ày construire une école, unmarchéet unpuits,

alors quelesmêmesinfrastructuresexistent déjàsurplaceà KONTCHA.

"Ces réalisations effectuéessont inopportuneset m'amènentvous signifier
mon mécontentement, pourn'avoir rien fait pour en empêcher,vous qui
connaissez pourtant bien la limite entre nos deux chefferies" (annexe RC
214).

11.231 Le Nigérian'en continua pas moins à consolider sa présence surplace.

Un message du 4 septembre1996en provenance du commandant de la légion del'Adamaoua

indique :
"primo stop 03 bâtiments en constmction en matériauxdéfinitifsstop dont
un bâtiment à deux appartements à usage poste de police stop bureaux et
logement stop un bâtiment à usage scolaire stop un bâtiment à usage

sanitaire stopautres installations stop 02 mâts de drapeaux fédéralet Etat
Adamaoua stop 01 puit d'eau potable stop secundo stop constructions
envisagéesdansproche avenir stop hangars marché importantstop bitumage route Nganye-Tongo environ 80 kms de Kontcha ville stop travaux
envisagéspour décembre 1996 stop stop activitésstop occupation
lieux par police nigérianepar effectif variable de5 à 07 hommes stop
renforcéepar 10gardes-chassequi surveillentla frontièrestop" (annexeRC
215).

11.232 Dans un rapport datédu 21 janvier 1997, le capitaineNouwou Samuel,

commandant la compagnie de gendarmerie de Tignère, résume lesévénements du mois

précédent,qui confirment l'accentuation de l'emprise nigériane, enparticulier au plan
administratif:

"Le 05 décembre 1996, les autorités Nigérianeo snt érigéle district de
TONG0 (Nigéria)en arrondissement. Le nouveau Sous-Préfetdu jeune
arrondissement a étéinstallé le13 décembre 1996par le Préfetde Ganyé

(Nigéria).(.)

"Le tout nouveausous-préfetde TONG0 a rendu visite aux populationsde
TYPSAN (occupé)le 22 Décembre 1996et dans son entretien avec ces
dernières, ila révéque l'érection deTONG0 en arrondissement ainsique
sa nomination ont un lien direct avec le problème TYPSAN.Il a ajoutéque
l'école publiquet le marchéde cette localité seront construitsenmatériaux

définitifs (...) L'idéed'occupation et de confiscation définitivede cette
portion du temtoire Camerounais est manifeste et sérieusement miseen
exécution.(..)

"La route YOLA-TONG0 en direction de TYPSAN occupéest en pleine
réfection par l'entreprise de l'ex-Président NigérianMOHAMED

BOUHARI" (annexeRC 1,p. 319).

1 1.233 Quelques jours plus tard, un message radio du 3 février 1997 en

provenancedela gendarmerie deTignèreprécise encore :

"gouvernement Nigéria procédera forage trois(3) puits à Typsan dans
prochains jours XX moyens financiers importants déjàremis Kaigaman
notable Lamido Tongo pour démarrage travauxXX et fin" (annexe RC
220).

11.234 La multiplication soudaine des investissements nigériansdans le village

de Typsan relève d'une stratégie du "fait accompli". En outre, le Nigérias'est également

engagé dansune démarchetendant à la destruction depreuves. D- L'occupation nigériane se traduit par des destructions de
preuves

11.235 L'undes élémentsqui permettent, au plan local, de vérifier le tracé de la

frontière tel qu'il a été considéréomme établi jusqu'au milieu des années 1990, consisteen
une sériede repères frontaliers,formésd'amas de pierres. Un bulletin de renseignements du

12mai 1998rapporte que leNigériaen a entreprisla destruction :

"Le 09 mai 1998, un informateur nous a fait savoir que le Lamido de
TONG0 (Nigéria) aurait envoyé ses gens courant mois Janvier 1998,
disperser les tas de cailloux entreposés par les colonisateurs pour
matérialiserla frontière....)

"Le 10 mai 1998le Larnido [deKontcha] a choisi deux de ses sujets qui se
sont rendu sur les lieux et ont constaté effectivementque les tas de cailloux
matérialisantla frontièreont étédispersés" (annexeRC 226).

11.236 Le message portédu chef dudistrict de Kontcha au préfetdu Faro et Deo

à Tignère,en date du 21 mai 1998,confirme cetteinformation :
"s'agissant résultats mission émissairesLamido de Kontcha stop intéressés
confirment les faits signalés dansmon message portédu 9 mai 1998 (...)'

dispersion des pierres par Lamido de Tongo a commencédepuis l'année
passée 1997 et se poursuit en s'intensifiant stop toutefois nouveau site
envisagé par Lamido de Tongo pour implantation nouvelle borne n'a pas
encoreété localisépar nos éléments" (annexe RC 227).

11.237 A la lumièrede ces faits, force est de constater que le Nigéria s'est lancé

à partir de 1994 dans une entreprise d'appropriation de la localité de Typsan et de ses
environs, qui constitue une violation de ses obligations internationales,Plus précisément, ces

faits constituent:

- une violation de la souverainetétemtoriale du Cameroun ;
- une violation à l'égard du Cameroun du principe de non-intervention dans les

affaires intérieures;

- une violation de l'intégritétenitonale du Cameroun.

11.238 Ces faits illicites sont agpravésdans la mesure où ils se perpétuent,a

travers notamment une politique de destruction de preuves, alors mêmeque l'affaire a été

portée devantla Cour. S'agissant en particulier des destructions de preuves, le Nigérian'apas
respecté les mesures indiquéespar la Cour dans son ordonnance du 15 mars 1996, enparticulier la quatrièmemesure,selon laquelle les Partiesdoivent prendre "toutes lesmesures

nécessairespourpréserverles élémentd se preuvepertinents aux fins de la présente instance
dans la zoneenlitigev2'.

$2 - Les voiesde fait nigérianesen territoire camerounais

A- Enlèvement d'un citoyen camerounais par trois policiers
nigériansaKolofatale 29mai 1989

11.239 Concernant l'enlèvement,le 29 mai 1989,en temtoire camerounaisprès

de la localité deKolofata dans le départementde Mayo-Sava, du citoyen camerounaisAli
Alhadji Abduramanpar trois policiersnigérians (MC,pp. 592-593,pars. 6.96-6.99), le contre-

mémoire oppose principalement des remarques sur le document sur lequel se fonde le

Cameroun pourleprouver, et sur lecaractèreancienetpurement localde l'incident.

11.240 A propos du document produitcomme élémend te preuve en annexe 290

au mémoire(MC,Livre VI), qui estla retranscriptiond'un message radio, le Nigériaobserve
d'abord que le Cameroun a mal rendu comptedes mentions indiquant les expéditeuret

destinataire dudit message lors de la rédactionde son mémoire(CMN, vol. III, p. 721, par.

24.269). Ceci est toutefois sans conséquencesur la valeur probante du document lui-même.

LeNigériaobserveensuite que ledocumentn'indiquepas avec précisionla date de l'incident.

Mais l'absence demention d'une date autreque celle de rédactiondu message, le 29 mai
1989, indique simplement que la date des faits est la même,l'auteur du message rendant

compte immédiatementdes événementd se lajoumée.

11.241 S'agissant du caractère prétendument anciende l'incident, outre

qu'aucune conclusionjuridique nepourraitenêtre tirée , Nigéria croit pouvoirl'établien se

fondant sur la date de production de son contre-mémoire,en 1999. C'est ainsiqu'il met en
exergue une duréede dix ans (CMN, vol. III, p. 722, par. 24.271). Cette appréciation est

totalement erronée, car dès son mémoire,produit en 1995, le Cameroun s'élevait

officiellement contre l'enlèvementetla séquestrationde son ressortissant.

11.242 L'allégationnigériane selon laquellecette affaireaurait étrégléeau plan
local, et ne pourraitdonc plus donnerlieu àl'engagementde sa responsabilitéinternationale,

2'Rec.1996,p.25,par49. n'est guèreplus convaincante (CMN, vol. HI,p. 722, par. 24.271). Sans doute la détention

illicite du citoyen camerounais au Nigéria a-t-elle cessé, puisque ledit citoyen a été

rapidement libéré. Maisceci n'a pas d'incidencesur l'engagement de la responsabilité du

Nigéria en raison des voies de fait réalisées par des policiers nigériansen tenitoue
camerounais. A cet égard,l'incidentne peut êtreconsidérécomme clos : la violation de la
l
souveraineté camerounaise qui en résulte engage la responsabilité du Nigéria, dont le

Camerounattend qu'il luioffre desgarantiessérieusesde non-répétition.

B - Arrestationle6juillet 1992de quatre citoyenscamerounais par
lapolicenigériane àMandurYang

11.243 Dans son mémoire,le Cameroun évoque cetincident (MC, p. 593,pars.

6.100-6.102 ;v. aussi CMN, vol. IIipp. 723-724, pars. 24.275-24.277). Le Nigériaprésente
ses objections habituelles sur la valeur probante des documents produits par le Cameroun,

auxquelles il n'est pasnécessairede répondre nouveau. Il estime, en outre, que l'incident a

étéréglé au niveau loc(aClMN,vol. IU,p. 725, par.24.280).

11.244 Sur ce dernier point, s'il est exact que les citoyens arrêtétemtoire

camerounais par des policiers nigérians ontpu être libérés, Cameroun ne considère pas
pour autant l'incident comme clos : la violation de sa souveraineté, même sielle fut en

l'occurrence ponctuelle, engage la responsabilitédu Nigéria, dontle Cameroun attend qu'il

luioffre de sérieusesgarantiesdenon-répétition. CHAPITRE 12.

LESDEMANDESRECONVENTIONNELLESFORMULEES

PAR LE NIGERIA12.01 LaRépublique fédéral deuNigériaformule au chapitre25 deson contre-
mémoire, une série de demandes reconventiomelles.Celles-ci visent à faire écheca la

demande duCameroun en vue d'obtenirde la Cour leprononcé delaresponsabilitédu Nigéria

pour les faits internationalementillicitescommispar cet Etat danssonentreprisede remiseen

cause de la îiontière entre les deux pays. Par ces demandes, le Nigéria cheràhdomer
l'illusion d'une fausse symétrieetà obtenir que la Cour constate la responsabilitédu

Cameroun, pour l'essentielsur la base des mêmesfaits invoquéspar cet Etat au soutiende la

responsabilité internationaledu Nigéria.

12.02 En formulant de telles demandes reconventionnelles,le Nigériane fait

qu'exercer un droit reconnuàtoute partieàune instance devant la Cour par l'article 80du

Règlementde cette dernière.e Camerounn'adonc aucuneobjectionquantauprincipemême

de ces demandes, d'autantplus que la Cour les a déclaréerecevables'.En revanche, il en
conteste le contenud'une part, parce quelesdemandesreconventionnellesdu Nigéria onun

caractère totalement artificiel (section1) et d'autre part, parce que les faits invoqués parle

Nigériaau soutien de ces demandesreconventiomelles manquentdetoute pertinence (section

2).

Section1 : 1.E CARACTERE ARTIFICIEL DES DEMANDES
RECONVENTIONNELLES DU NIGERIA

12.03 Le Nigéria justifie ses demandes reconventiomelles par l'idéeselon

laquelle
"the parties are and must be in a position of equalitybefore the Courtin al1

respects (.).Therefore,Cameroonhaving advancedits Stateresponsibility
claims, Nigeria maintains the following counter-claims"(CMN,volIII p,
804,par. 25.5).

12.04 Cet aveu traduit lecaractèrefondamentalementartificieldecesdemandes

reconventiomelles. Celles-ci sont faites, non pas parce qu'ellessontjustifiéesen fait,mais au
nom d'une curieuse conceptionde l'égalité entre les Paa une instance devantla Cour, qui'

commanderaitque chaque foisqu'une Partie formuleune demandeouexprimeuneprétention,

'C.I.J.,ordonnance,30juin 1999,affairede laFrontièreterresfreet maritime entreleCamerounetle Nigéria l'autre Partie fasse de même,lors même que demande serait dépourvue de toutebase
~ juridique ou factuelle.
l

1 12.05 En réalité,es demandesreconventionnellesconstituentpour cepays une
tentative deseprévaloir de sespropresviolationsdudroit internationaltellesque le Cameroun

les a exposées.En effet, en cheràprouver ses "effectividans les parties du temtoire
camerounais qu'ila envahieset occupeillégalement,leriaen vienà se prévaloirde ses

propres turpitudes en violation d'un principe bien établi:Nemo auditur propriam

turpitudinemallegans.

12.06 Ainsi, il affirmeauparagraphe25.27 de soncontre-mémoireque
"Nigeria's administrationof its villagesin LakeChad has been peacefuland
continuous"(CMN vol.III,p. 811).

12.07 Ignorant les instruments conventionnels portant délimitation des
frontières dansle lac Tchad ainsique lerésultatde la démarcationeous l'égidede la

C.B.L.T. par l'I.G.N.,leNigénafondesesprétentitres sur le temtoire camerounaisdansle

lac, notamment sur Darak et les autres localitéscamerounaises avoisinantes, sur des
"effectivités"qui auraientconsolidées historiquemett auraient reçues l'acquiescement

du Cameroun(CMN, vol.II,pp. 411etS.,pars. 17.1etS.).

12.08 C'est ainsi qu'il revendique dansla zone des actes d'administration en

temtoire camerounais effectuéspar le gouvernementfédéral aque par 1'Etatde Bomo,
notamment lemaintien de l'ordrepublicimpliquant lapolice nigériane(vol.ILp. 423,

pars.17.33-17.34), la collecte de l'impôt (CMN,vol. II, pp. 423-424, pars. 17.35-17.38),le
recensement (CMN,vol. II,p. 425, par. 17.40),la nomination de chefsde village (CMN, vol.

II, p. 426, par.44),la réglementationde la pêcheet sa mise en Œuvreavec l'aide de la
police ainsi que la délivrancedes licencesde pêche(Cvol. II, p. 431, par. 17.63), la

réglementationdu commerce(CMN, vol.IIp. 431,par. 17.66) etl'organisation d'opérations

électorales (CMN, vol.II, p. 432, pars. 17.67-17.70),qui constituent indéniablementde
graves atteintesa la souverainetéduCameroun.12.09 Il est significatif quetous ces actes illicites dont voudrait se prévaloirle

Nigéna commetitre de sa souverainetésur une grandepartie du temtoire camerounais dans le

lac Tchad sont postérieursà 1987,annéede l'invasion de cette partie dudit temtoire par les
populations nigérianesavec l'appui de la République fédérale du igériaàtravers ses forces

arméeset son administration.Le Nigénautilisera le même procédé àBakassi àla suite de

l'invasion militairede 1993(CMN,vol. 1,pp. 238-259,pars. 10.56-10.120).

12.10 Malgréune occupation relativement récente(1987), qui s'appuiesur des

structures administratives sommaires2,laprésence militaire nigérianeest suffisamment forte
pour empêcher lesautoritésadministratives camerounaises d'exercer normalement leurs

fonctions dans la zone. Aussi comprend-on que les populations de ces temtoires occupésdu

lac Tchad comme celles des zones occupéesde la péninsulede Bakassi soient amenées à se

soumettre à l'autoritédes forcesd'occupation.

12.11
Mais cela ne saurait effacer le caractère illicite des actes commis en
temtoire camerounais par les agents du Nigéria,ni exonérer celui-ci de sa responsabilité

internationale,

Section2 : REFüTATION DES DEMANDES RECONVENTIONNELLES
DUNIGERIA

12.12 La présentationfaite par le Nigériade ses demandes reconventionnelles

dans son contre-mémoiremanquede rigueur. Ainsi,alors que tous les faits invoqués peuvent

être localisés soit danla péninsulede Bakassi, soit dans le lac Tchad, soit dans la partie

centrale de la frontièreterrestreentre la péninsuleet le lac, le Nigénacréedans son contre-
mémoire unenibrique E, intitulée"Other cases", quiconstitue un véritable fourre-tout. Ony

V.CMN,vol. X, annexe 291, où ilest signalé l'achatd'une"govemmàDarak seulement en 1995trouvepêle-mêd les incidentsqui se seraientproduits aussàBakassi (Cm, vol.IIIp,.

822-824,pars. 25.68, 25.70,25.71, 25.76,25.77, 25.78) qu'en dehors(CMN,IIIp.,823,

pars. 25.69,25.73), notammentdans la partie septentrionalede la frontière(CII I,..

823-824,pars.25.72,25.74,25.75).

12.13 Afin de ne pas ajouteà la confusion et de faciliter la lecture de la

présente répliquel,e Camerounexaminerales faits dans l'ordre dans lequel ils sont présentés

dans le contre-mémoirduNigéna.

12.14 Ilmontrera qu'aucundes faits rapportéspar le Nigériane saurait asseoir

ses demandes reconventionnelles visaàtétablir laresponsabilitéinternationale de 1'Etat

camerounais,soit parce que le Nigérian'apporte pas lapreuve de leur existence, soit parce
qu'il tente simplementde détourneron avantagedes faits établiset étayéspCameroun

pour établirlaresponsabilitédu défendeur,sansy ajouter d'élsouveaux.

Dans la péninsulede Bakassi et leszones avoisinantes
g 1-

Onnereviendrapas ici sur laprétenduedémonstrationque

'Wigeria's administrationof the fishing villages in Bakassi since 1960has
been, forthe most part, continuous and acceptedby the inhabitants"(CMN,
VOI . p. 805,par. 25.8).

Le Camerouna prouvéabondamment qu'il atoujours exercé sa souverainetésur péninsule

litigieuse (v. MC, pp. 486-496,pars. 4.420-4.456et supra, chapitre 5, pars. 5.218-5.236)et

que cette souverainetéétaitreconnue et acceptée parle Nigéna(v. MC, pp. 148-174,pars.
3.13-3.81et supra, chapitre5, pars. 5.237-5.267)jusqu'à son invasionmilitaire de décembre

1993 àfévrier1994. Au demeurant, divers incidents évoqpar le Nigéria,notammentau

paragraphe25.71 de son contre-mémoire(CMN, vol. III, p. 823),qui renàoI'annexe403

(CMN, vol.Xi) et au paragraphe25.72 qui renvoàel'annexe 404 (ibid.), pour ne citer que
ceux invoquéà l'appui desdemandesreconventionnelles,confirmentcette assertion.

12.16 L'incidentrapporté auparagraphe 25.9 (CMN, volIIIp.,805) fait état
d'une prétendueattaque de gendarmescamerounaisen novembre 1976 sur la localitéd'Ufok

Akpa Ikong pour arrêterun criminel nomméEdet Asuquo. Toutefois, rien dans le contre-mémoireni dans le document354(CMN,vol. Xi) quiy est annexén'indiqueoùse situecette
localité;elle ne figureni sur la liste des localitésexiàtcejour a Bakassi(v.CMN,vol. 1,

pp. 41-43),ni sur la carte indiquantle "Bakassi Settlements1999(1:50,000)"produitepar le

Nigéria. Est-elle situéau Nigériaou dans la péninsulede Bakassi commele laissepenserle

contre-mémoirenigérian qui placecet incident sous la nibrique "The Bakassi Peninsula?Si

c'est le cas, alors il s'agit d'une opérade police ou de maintien de l'ordreexercéepar un
Etat souverain,le Cameroun,sur son temtoire, Bakassi.Il n'en iraitautrementque si Bakassi

était déclaréemtoire nigérian parla Cour.

12.17 Le Nigériaallègue auparagraphe25.10 de son contre-mémoire (CMN,
vol. Ei, pp. 805-806) qu'il yaurait eu une collecte d'impôt en temtoire nigérianpar sept

gendarmescamerounaisvenantdtIsangele.Les faits,qui se seraient déroulée sn 1991dans une

localitédénomméeNtakab maaisdont leNigénan'indiquepas non plus lalocalisationprécise

sur les documents qu'il a produits, sont un exemple de résistance à l'impôt de certaines

populations de la zone de Bakassi dont on sait qu'ellessont pour partie d'origine nigériane.
Ces populations frontalièresjouent également danscette zone sur leur situatioà chevalsur

les deux pays, enfaisant valoir devant l'administrationfiscale camerounaise qu'ellesse sont

acquittéesde leurs impôts au Nigéria etdevant l'administrationfiscalenigérianequ'elless'en

sont acquiîtéesau Cameroun. Le prétendu incident du 3 octobre 1991, s'il étaitétabli,
relèveraitdonc de l'exercice normal par leCamerounde son pouvoir régaliende collecter

l'impôt sur sontemtoire.

12.18 Selon le Nigéna, au paragraphe25.11du contre-mémoire (CMN,vol.Ki,

p. 806), une centaine de gendarmescamerounaisauraientenvahi les campementsde pêche et
harcelélesressortissants nigérians le 26 févrir993dans la localitécamerounaisede Jabane,

que le Nigéria appelleAbana. Si ce fait étaitétabli,il relèveraiten tout étatde cause d'une

opérationnormalede maintien de l'ordrepar la gendarmeriecamerounaisedansune partiede

son temtoire qui fait désormaisl'objet de convoitisesouvertes de son voisin,puisque c'esta
partir de 1992que le Nigéria amodifiéses cartes officiellespour placerBakassien temtoire

nigérian. Certes, afin dekapper les esprits et de donner de la consistance à sa note de

protestation, le Nigériaparle de "harassed and terrorise(...)Nigerian inhabitants"(ibid.).

Toutefois, on a du mal a savoir quelle signification il donne notamment au mot "harassed"
que l'on retrouve dans presque toutes ses notes de protestation postérieuràsl'invasiondeBakassi par son armée,et pourquoi la responsabilité dEtat devraitêtre engagédeu fait de
l'exercice normaldes pouvoirsdepolice sursontemtoire.

12.19 Au paragraphe 25.12 du contre-mémoire(CMN, vol. Ki, p. 806), le

Nigéna fait étatd'une attaque des embarcationsde commerçants nigérians pardes soldats

camerounais au moyen d'unimportant matérielde guerre composéd'hélicoptèresarmésde
roquettes et de bâtiments de la marine. On doit relever d'emblée,pour s'en étonner,la

disproportion entre les moyens qui auraientétainsi mobiliséspar l'arméecamerounaise et

leur cible. Cettedisproportionenlèvetoute crédibiaux allégationsnigérianes.L'incidentdu

27juillet 1993,s'ilétaitétabli,~o~rmerait, entoutétatde cause, le fait qu'à partir de 1992 le
Nigériaétait dansune logique de conquête de la péninsulede Bakassi. Du reste, la note de

protestation nigériane du 5 juillet 1993(CMN, vol.XI, annexe 357) est particulièrement

vague et n'indique pasle lieu où se serait produit l'incident. De plus, elle fait étatd'une

attaque par des hélicoptèremilitaires camerounais avecdes roquettes sans précisernon plus

le nombre d'hélicoptèresengagés, mais indiquant le nombre des prétendus 'Wigerian
Merchant Boats" couléssanssommation.

12.20 Les garde-côtes camerounaisn'ont jamais eu recours à des moyens de

guerre pour contrôler les embarcations relativement rudimentaires des pêcheurset des

commerçants nigérians.L'incident rapportépar le Nigéna, à le supposer avéré,constituait
plutôt un test de la défensecamerounaisepar l'armnigériane, prélude l'invasion militaire

de Bakassi quicommençaquatremoisplus tard àpartirde décembre1993.

12.21 S'agissant des incidents évoquésdu paragraphe 25.13 au paragraphe
25.25 (CMN, vol. Iiï pp. 806-810), ils sont postérieàrl'invasion de la péninsule par le

Nigéria puisqu'ils font référenàedes événementq sui se seraientproduits entre le 17janvier

1994 et le 25 février1999. A l'exception du paragraphe 25.15 (CMN,vol. Iiïp. 807), les

événementsvisésconcernent pour l'essentiel desopérations militairesdans une zone de

conflit arméoù l'intensité descombats a atteintdes degréstrès élevéà certaines périodes,
notamment en février-mars 1996I .l est pourlemoinsétonnantque leNigéria, dont lestroupes

occupent une grandepartie de la péninsule deBakassidepuis l'offensivede son armàecette

période, chercheà imputer au Cameroun des faits qui se seraient produits dans la zone

contrôlée par sestroupes.12.22 Le paragraphe 25.15 du contre-mémoiredu Nigéria(CMN, vol. m, p.
807) ne fait étatni de faits précis,ni mêmed'une initiative camerounaisede quelque fait

illicite que ce soit, mais seulement dessentimentsdu Chef de 1'Etatnigéàila suite de la

répliquedes soldats camerounais àl'offensivede l'arméenigérianesus-évoquée de février

1996.Il faudraitavoir une conceptiontrèsspécialedudroit internationalpour admettrequ'une
telle expressionde sentimentspersonnels,fussent-ilsceux d'un Chefd'Etat, puisse servir de

base à une demande reconventionnelle aux fins de l'établissementde la responsabilité

internationaled'un Etat.

12.23 Le Nigéria recourt à des témoignagesécrits pour établirque trois
pêcheurs nigérians auraienét tétuéspar des tirs de l'arméecamerounaise au cours d'une

attaque le 20 avril 1998(Cm, vol.ID, p. 810, par. 25.24).A supposer les faits établis, ilse

serait agid'uneriposte des troupes camerounaisescontreune tentative d'infiltrationdes forces

armées nigérianesdans ses lignes de défense dansune zone dont tout le monde sait qu'elle
constitueun théâtre d'opérationsilitaireset où les forcesarméesdes deux pays s'affrontent

sporadiquementdepuisl'invasion militairenigériaee 1993-1994.

12.24 Ainsi donc, aucundes fGtsinvoquéspar le Nigériaaux paragraphes25.9

à 25.25 (CMN, vol. Ki, pp. 805-810)ne saurait engager la responsabilité internationale du
Cameroun,soit parce qu'ils nesontpas établis,soitparcequ'ils relèventde l'exercice normal

par un Etat de sa souverainetésur son temtoire, soit enfin parce qu'ils sont liàsdes

opérationsmilitaires menées palre Cameroundans le cadre de la légitime défense contre une

arméed'invasionet d'occupation.LeCameroun estimeque la confirmation dela îkontièrepar
la Cour permettra de dire qui de luiou du Nigéria aagi sur son temtoire ou en temtoire

étranger, c'est-à-direen violationdesrèglesfondamentalesdu droit international.Les faits en

question ne peuvent en conséquence servir de base aux prétendues demandes

reconventionnellesformuléespar le Nigéria.

12.25 Le Nigériapeine à formuler ses demandes reconventionnelles dans la
zone du lacTchad en raison de l'absence,selon lui,de définitionde la îkonilse refuse aproposer une ligne frontièreet se contente de contester la kontière conventionnelle établie

depuis le débutdu siècle(v. supra, chapitre 3, par. 3.03). Il fournit sans doute un matériau
cartographiqueabondant, composéde croquis dessinés pour lacause. Mais aucun de ces

croquisne traceune ligne îkontièreet ne permetdonc de situer les localités revendisarep

le Nigénapar rapport à la zone du lac relevant dela souverainetéde chacun des quatre Etats

riverains.Lescartes43à 52de l'atlas cartographiquenigérian(CMN, atlas,vol. II, cartes40-
80) n'apportentaucune aidepour préciser lalocalisationdes incidents invoqués parrapàort

un espace de souverainetéclairement délimité.l est donc impossibleà la lumièrede ces

cartes, de diresi les localités du lac revendsar le Nigénasont situéesen ce pays ou en

temtoire camerounais et en vertu de quel traité.Or la localisation des incidents est un

préalableindispensablà l'imputationdes responsabilitésen droit international.

12.26 Les faits rapportés parle Nigériaaux paragraphes 25.2à 25.34 de son

contre-mémoire(CM', vol. III, pp. 811-813) montrent bien, du reste, qu'avant l'invasion

militaire nigérianede la zone camerounaise du lac Tchad à partir de 1987, les autorités
camerounaisesavaient le contrôleeffectif des localitésaujourd'hui occupéespar le Nigéna,et

y faisaientappliquerla loicamerounaise, ycomprispar les populationsd'originenigérianequi

y vivaient en bonne intelligence avec leurs hôtes camerounais. Le document 379 dont un

extraitest reproduitau paragraphe25.35 (CMN, vol.m, p. 813) est révélater cet égard.11

montre qu'en mai 1987, les autoritésnigérianesn'étaient pastoutà fait sûres que les 16
villages où elles signalaient elles-mêmàscette époquela présencede soldats et de civils

camerounaisétaientbien desvillagesnigérianspuisqu'ellesparlent de

"16 Villagesat the Shores ofthe Lake Chad which arebelieved to be within
our [Nigeria]temtorf' (CMN,vol. DI,p. 813,par. 25.35).

12.27 Depuis l'invasion de la majeure partie de la zone camerounaise du lac

Tchad à partir de 1987 par l'arméenigériane quiest venue transformer en une conquête

temtoriale l'immigrationdes pêcheurs etpaysansnigérianà la suite de l'assèchementde la
partienigérianedu lac, la souverainetédu Camerounest miàemal dansla zone, les autorités

camerounaisesayant de plus en plus de difficultàss'acquitter de leurs missions dans les

localitésoccupées.12.28 Au regard de ce qui précède, il apparaît que les demandes

reconventionnellesdu Nigériapropos des incidents dans le lac Tchad manquenttotalement

de basefactuelle.Comme àBakassi,la confirmationde la frontièrecamerouno-nigérianedans

le lactranchera la question de la souveraineté et, parsuite,celle de la responsabilitépour les
faitsillicitescommisdans lazone litigieuse.

$3 - Le secteurcentralde la frontièreterrestre

12.29 Comme le Nigériale rappelle lui-mêmau paragraphe 25.40(CMN,vol.

m, pp. 814-815),il apparaît clairemàla lecture de la reqet de la requête additionnelle

du Cameroun, que les questions de responsabilitéde 1'Etatne portaient pas sur le secteur

compris entre le nord de Bakassi et le sud du lac Tchad. Le Cameroun n'avait invoqué les
nombreux incidents survenus dans ce secteur de la frontière que pour prouveà, titre

principal, que le différend quioppose les deux pays s'étendégaleàecette partiede la

frontièreterrestre. Il était prévisible qu'un segtussi long d'une frontière,dont le
Cameroun convientavec le Nigéria(CMN,vol. II I,815,par 25.41) qu'elleest enpartie non

démarquée n,e pouvait êtàl'abri d'incidents.

12.30 Le Cameroun a démontré à suffisance dans son mémoire (v.MC, pp.

567-594, pars. 6.12-6.104) et dans ses observations sur les exceptions préliminairesdu
Nigéria(v. OC, Livre1,annexe 1) que cesincidents étaientimputables taàtdes citoyens

nigériansbénéficiantu soutien des autoritésciviles ou militairesnigérianes,tantôtauxforces

arméesnigérianes elles-mêmes, sans cherchr,ans tous les cas, à en tirer des conséquences

auplande la responsabilité.

12.31 Mais le Nigéria prétendant fonder quelques-unes de sesdemandes

reconventionnelles sur certains des incidents survenus dans ce secteur de la frontière, le
Camerouns'emploiera à démontrerla vacuitéde ces demandes.

12.32 T~san. Dans les paragraphes 25.43 à 25.49 de son contre-mémoire

(CMN,vol. iiIpp. 815-817) consacréà cette localité,le Nigériane rapporte aucun fait de
natureà engager la responsabilitédu Camerouilse contentede citer les divers documents

dans lesquels le Cameroun a indiqué que cette locase trouve en temtoire camerounais,sans démontreren quoi une telle indication pourrait constituer un fait internationalement
illicite. Pour le reste, le Nigérias'éveàtfaire croire que Typsan ferait partie de son

temtoire en vertu de la DéclarationThomson-Marchanddont il cite, au paragraphe 19.74

(CMN, vol. II,pp. 543-544), le passage pertinent délimitantla frontièredans ce secteur, et

prétend au paragraphe 19.76 in fine (CMN, vol. II , p. 544-545) que la revendication
camerounaisesur Typsan ne seraitpas fondéeparce que le Camerounrevendiquàcet endroit

"a boundary which has no justification in the Treaty". Le Cameroun a montrélors des

plaidoiriesorales comment le Nigériaavait interpde manièreinexacteles paragraphes41

et 42 de la DéclarationThomson-Marchand(CR9816,pp. 37-38 (M.Pellet))et il a amplement
démontré ci-dessuse,n réponseau chapitre 19du contre-mémoirdu Nigéria,que Typsan est

en temtoire camerounais (v.supra, chapitre 4, pars. 4.95-4.99).Ce n'est donc pas le lieud'y

revenir.

12.33 Madumiva.Au paragraphe 25.50de son contre-mémoire(CMN, vol. III,

p. 817), le Nigéria parlevaguement d'incursionsdu Cameroun dans son temtoire à cet

endroit, sanspourtant citerun seulcas ni un seul faitillicite.Au paragraphe25.51 (CMN,vol.

III,pp. 817-818),il fait allusionen des termes tout aussivagues àtrois autres incidents ainsi
qu'à unprétenduaccord créantun "no-man's-Ions'donton ignorela teneur, les signataireset

la date de signature.Au paragraphe25.52 (CMN,vol.III,p. 818),il parle de la rupture de cet

accord par un chef traditionnel camerounais, sans montrer en quoi les autorités de la

République duCameroun étaientimpliquéesdans cesfaits. Les faits alléguau paragraphe
25.53 (CMN, vol. III, p. 818) ne sont pas plus consistants puisqu'ilest seulement question

d'une prétendueinfiltration de soldats camerouàaGaddamayo,sans autre précisionsur la

date de ces événements, le nombrede soldats camerounais impliqués,les Nigérians

"harassefl',en particulier "thevehicle owners"concernLe.paragraphe 25.54 (CMN, vol.
iiI p. 818) est une complainte sans rapport avec la question de la responsabilité.Le

paragraphe 25.55 (CMN, vol. III, pp. 818-819) évoquedes conflits fonciers locaux entre

populationscamerounaiseset nigérianesqui, s'ils étaientétablis, seraientde purs actes privés

nepouvant enaucune façon engagerla responsabilitéde1'EtatcamerounaIien estde même
des événementé s voquésauparagraphe25.56 (Cm, vol. III,p. 819).

12.34 Laconclusionque le Nigéria tide ces prétendusfaits allégudans ces

paragraphes 25.50 à 25.56 prouve l'inconsistance juridique deces allégations. Réalisantqu'elles sonttoutesdes faits privés n'impliquant nullem1t'Etatdu Cameroun, leNigénase

livreà un montagejuridique visantà faireendosserlesditesallégationspar la Républiquedu
Cameroun. Sefondantsur de pures supputations,il en vientàla conclusionque tout cela n'a

pu se passer qu'avec l'appui desfonctionnaires.et gendarmescamerounais et que les chefs

traditionnels agissaient au nom du Cameroun (CMN,vol. IIip. 819, par. 25.57). Mais il

n'avance pasun seulfait pour étayerdetelles affirmations.

12.35 Tosso/Mberogo. Le Nigériareproduit au paragraphe 25.59 (CMN, vol.

KI, p. 820) de son contre-mémoireun extrait d'unenote de protestation datéedu 4 octobre

1976dans laquelleil rapporte que, le 4 mai 1976, 16policiers etsoldatscamerounaisauraient

traverséla kontièrepour pénétreransles villages nigériase Tosso,Bissaulaet Mbererogo,
sous prétextede localiser la démarcationde la kontière entrele Cameroun et le Nigéria.

N'ayantpu obtenirla coopérationdeschefs locaux, ilsseraientrepartis.Mais aussitôt,un autre

groupe d'environ40 soldats camerounaisarmésserait arrivé,aurait harcelé les populations

pour le paiementde l'impôten menaçant d'incendier lesases de ceux quirefuseraient de s'en
acquitter. Puis, ce groupe de soldatsaurait hisséle drapeaucamerounàBissaula età Lebo

avant de se rendre Mberogo oùils auraientcommisdesexactionssur lespopulations.

12.36 Le Nigéna n'établitnullement que le Cameroun aurait engagé sa
responsabilitéduseul fait dupassagede soldatscamerounaisdans le prétendu villagenigérian

de Tosso ou en invoquant des événementq sui auraienteu lieu dans un autre prétenduvillage

nigérianappeléMberogo. En effet, s'agissantde Tosso, la Républiquedu Cameroun tient à

indiquer qu'il existe dans les régionsfrontalièresdes deux pays de nombreuses localités de

part et d'autre dela frontièreportant lamêmedénomination.Il en est ainsi notamment de
Tosso qui désigneune localitécamerounaisesituée autourdu Mont Tosso,juste dans la zone

d'inflexiondu secteur de la frontière allantdu Mont Komboà la borne 64;on retrouve une

localitédu même nom du côtédu Nigéna,mais à unebonne distance dela kontière.II en est

égalementainsi des localitésd'Akwa (ou Archibong) dont l'une Akwa se situe du côté
camerounais de la frontièreà peu près àla latitude 04"48'7N et la longitude 08"37E, et

l'autre, Archibongvraisemblablementducôténigéria( nv. cartesR 28 etR 29 ci-après).

12.37 En ce qui concerneMberogoet les événementq sui s'y seraientdéroulés,
le Cameroun constateque le Nigénaet luine visentpas la même localitéL.e Nigénaparle deExtraitde la Carte du Camemun 1 :200 000 MUNDEMüAMberogo alors que le Cameroun fait référence à Mbelego. La différencedans l'orthographe

des deux noms (mêmesi la prononciationest voisine)montre qu'à i'évidenceil ne s'agit pas
de la mêmelocalité.Mberogo est bien une localité nigériane situéeà peu près àla latitude

06'55'2 N et à la longitude 10°13'05E, alors que Mbelego est une localitécamerounaise

située à peu près à la latitude 06'54' N età la longitude 10°10'04 E. Les deux localités

existent bel et bien, comme le Nigériales figurelui-mêmsur la carte au:50 000 (agrandie

à partir d'une carte au :200 000) produitedans l'atlas cartographiqueannexéàson contre-
mémoire(v. ci-aprèscartesR 26 etR 27).

12.38 Le Cameroun n'a jamaisrevendiquéle Tosso du Nigéria,ni Mbererogo,

ni de façon généraleaucune autre localiténigériane.ne le fait pas aujourd'hui non plus. La

présence desforces de maintien de l'ordre camerounaisesdans la localitéde Tosso située sur
son temtoire ne saurait en aucune façon êtreconsidérée comme un fait intemationalement

illicite du Cameroun. De même, la collecte d'impôàMbelego au Cameroun, que leNigéria

semble confondre avec Mberogo au Nigéria,participe des actes d'administration de son

temtoire par le Cameroun, constitue une manifestation de la souveraineté temtoriale de ce

pays et ne saurait,par conséquent,engager saresponsabilitéinternationale.

12.39 Okwa/Matene. Comme dans nombre de cas précédents, leNigéria,au

paragraphe 25.64(CMN, vol. iil p,. 821-822)de son contre-mémoire,tente de s'appuyersur

des faits invoquéspar le Cameroun en vue de prouver l'existence d'un différendsur la

frontièrepour asseoir sa demande reconventionnellevisanà faire prononcer la responsabilité
du Cameroun. il tente de justifier l'incidentpar le fait que le chef Kakwa Kunu du village

camerounais de Matene aurait imposéun prélèvement de "N 100" sur les habitants d'okwa,

suivi d'une attaque des villageois de Matenecontre ceux d'Okwa.Il convient de rappeler que

ces événements, relatés danusn document annexéau mémorandumdéposé parle Cameroun

au Greffe de la Cour en avril 1997 (annexe RC 1,p. 309), et dont le Nigériane rapporte
qu'une partie dans son contre-mémoire, étaientliés à la destmction, par les populations

nigérianesdu villaged'Okwa, de la borne 103 marquantla frontière entre le Cameroun et le

Nigériaàcet endroit. C'est cet actede vandalismequiavait suscitéla réactiondes populations

camerounaises du village de Matene. Le document révèlepar ailleurs que "[lle secteur
compris entre les bornes 99 et 92 constitueune véritablepassoire d'armes et de munitionsde Enlarged andextracted fromCameroon1: 200,000 sheetNKAMBE

1 I I I 1 km Reproduction partielle delacarte75 de l'Atlas du CM nighrian. tûlE R 27
Mbelego, Tosso (Cameroun)tous types etde tous calibres à destination principalement de Bamenda" (ibid., p. 313) au

Cameroun.

12.40 Il apparaîtclairementque lesautoritéscamerounaisesn'ontété informées

de ces événementq su'après-coup,et qu'une foisinformées,elles ont cherchéà faire faceà la

situation:mission du ministère chargé de la Défensesur le terrain ;réunionavec le sous-

préfet d'Akwaya ayant autorité surle secteur concerné; initiative dudit sous-préfetse
proposant"de rencontrerson homologue nigérian pourreplacer la borne 103"(ibid.).

12.41 En tout état decause, le procédéchoisi par le Nigéna tendantàretourner

contre le Cameroundes faits produits par ce pays pour étayerla responsabilitédu défendeur

est également inopéran etn l'occurrence,les faits invoquésse présentantcomme des attaques

lancéespar des villageois d'une localitécamerounaisecontre ceux d'une localiténigériane
voisineen réactioncontre des actes de vandalisme.Dans l'affaire de 1'Ilede Kasikili/Sedudu

(Botswana/1Varnibie) , Cour a constatéque "mêmesi des liens d'allégeanceont pu exister

entrelesMasubia etles autorités duCaprivi, il n'est pas établique des membresde cetteîribu

occupaientl'île 'àtitre de souverain', c'est-à-direy exerçaient des attributs de la puissance

publiqueau nomde ces autoritésm3 C.'estparce quede tels faits sont courantsen raison de la
contestation de la frontièrepar le Nigéria quele Cameroun a saisi la Cour aux fins de la

confirmationdela frontière.

12.42 Ainsi, pasplus que les cas précédentsa,ucun des incidents invoquéspar

leNigériaauxparagraphes25.45 à25.65 de son contre-mémoire (CMN, vol.DI, pp. 816-822)
ne saurait servir valablement debase à une demande reconventionnelle du Nigéria, ni,par

suite,engager laresponsabilitéinternationaledu Cameroun.

$4 - "Autres cas"

12.43 Au paragraphe 25.68 de son contre-mémoire(CMN, vol. iU, p. 822), le

Nigériafait étatd'un incident qui seraitsurvenule 3 septembre 1970"on the Nigerian sideof

theborder near Atabong" etqui aurait impliquédesmilitaires camerounais.La localisation de

C.LJ.,arrê13décembre 1999par.98.cet incident est imprécise, etpour cause. Atabong est la désignationnigérianedYIdabato,
localitésituée dansla péninsulecamerounaise de Bakassi. Or, la péninsule est séparée du

Nigéria parI'Akwayaféqui s'élargit considérablemen àt son embouchure vers la mer,zone

dans laquelle est situé AtabongIIdabato. Saufà faire croire que les soldats camerounais

avaient franchice fleuve pour procéder auxarrestations alléguse citoyens nigérians, ilest

inexact de direqueces arrestationsont pu se passer ducôténigériande la kontière.

12.44 En tout étatde cause, l'incident évoqayanteu lieu àBakassi,il n'a pu

se produire du côté nigériande la frontière. En conséquence, lefaits alléguésl,ors même

qu'ils seraientétablis, entrent dans le cadre normal desopérationsdepolice d'un Etat sur son
temtoire et nesauraientengagerlaresponsabilitéinternationaleduCameroun.

12.45 Le paragraphe 25.69 du contre-mémoiredu Nigéria(Cm, vol. llIp,.

823) allèguedesfaitsprivés, enl'occurrenceleprétendufranchissementde la frontièrepar des

populations camerounaises,suivis de la résistancede ces populationsa collectedes impôts
par des agentsde 1'Etatnigérianils'agitde faitsprivésauxquelsnesontpas mêlésdea sgents

de 1'Etatcamerounais,ainsi qu'ilressort de l'annexe40àlaquellerenvoiele contre-mémoire.

Dans ce document :

"[tlhe Embassy [of the Federal Republic of Nigeriain Yaounde]therefore,
requests that the Ministry [of Foreign Affairs of the United Republic of
Cameroon] bring this matter to the attention of the Cameroun authorities
with a view to taking necessary action to effect a permanent solution and

prevent a development thatcould hm the goodrelationsexistingbetween
Cameroun andNigeria"(CMN,vol. XI, annexe401).

12.46 Le Nigériaprétend,au paragraphe 25.70 (CMN,vol. iü, p. 823) appuyé
sur l'annexe402 de son contre-mémoire queles "Cameroonian authonties" auraientbattu le

chef du village camerounais d'Atabong(idabato) et auraient incendiédeux cases dans le

village le Il janvier 1982 pour refus de contribuerà une collectede fonds. De tels faits

constitueraient, s'ils étaient établis, des actesde police exercéspar les autoritésde police

camerounaise, en l'occurrence des gendarmes, en territoire camerounais.Le fait que cette
prétenduecollectede fonds étaitorganiséeen vue de préparerla visite de l'ambassadeurdu

Nigéna au Camerounprouve du reste qu'on était bien en temtoire camerounais. Dansle cas

contraire, la visite annoncéeaurait été cd'une autoritéadministrativeoumilitaire et non

pas celle d'un chef de mission diplomatique.Généralementu,ne telle autorité n'effectue pasde visite officielle dans son propre pays. Que l'opérationde collecte de fonds alléguée ait
éventuellementcontrariédes ressortissantsnigériansvivant auCamerounne sauraitconstituer

un fait intemationalement illicite du Cameroun ; les ressortissants étrangersdoivent se

soumettreaux lois et coutumesdupays hôte.

12.47 Les faits alléguésau paragraphe 25.71 du contre-mémoiredu Nigéria
(CMN, vol. III, p. 823), selon lesquels des gendarmes camerounais auraientmolestédes

pêcheursnigérians à Atabong (Idabato) au Cameroun pour essayerde leur extorquer de

l'argent,constituent égalementun cas de résistancede ressortissantsnigériansà l'application

de la loicamerounaise entemtoire camerounais.Il s'agit d'uncas de résistanceàl'impôt. Du

reste, le Nigériane conteste pas que ces faits se sont produits en temtoire camerounais,
Atabong(Idabato), Abana (Jabane) etInua Mba étant situé s Bakassidont la "camerounite"'

est établie.

12.48 Les allégationsdu paragraphe 25.72 (CMN,vol. ill,p. 823) du contre-
mémoire duNigéna faisant étatde trois soldats camerounaisarmésqui auraient traversé le

village de Bua dans le Bomo State au Nigéria,le 8 octobre 1984, pour arrêter douze

Nigérians,sont vagues, dans la mesure où elles n'identifientpas les Nigériansprétendument

victimes des faits imputésaux soldats camerounais,ni lasource d'informationdu ministère
desRelationsextérieures duNigéria.Pas davantagene donnent-ellesune identificationprécise

des trois soldats camerounaismis en cause dont rien ne prouve, au demeurant,qu'ils'agitde

Camerounais, dans une régionoù l'insécurité transfrontalièrechronique avait conduità la

création d'unepatrouille mixte au sein de la Commissiondu bassin du lac Tchad (C.B.L.T.)

en 1986.

12.49 Les faits alléguésar le Nigériaauparagraphe25.73 (CMN,vol. III, pp.

823-824) de son contre-mémoire, en dehors d'êtriemprécis,constituent des faits privés

impliquantun individu qui, d'aprèsl'annexe405 au contre-mémoire(CMN, vol. XI), aurait
revendiqué,de sa propre initiative, le village de Mubi-Tosoet se serait autoproclaméchef

dudit village. Nulle part il n'est fait référàune implicationdes autoritéscamerounaises

dans cettesituation, ni d'un quelconquesoutien qu'ellesauraient apporàél'intéressé.ln'y a

donc aucune base pour que de tels faits, lors mêmequ'ils seraient avérés,engagent la

responsabilitéinternationaleduCameroun.12.50 Commeles faits alléguésau paragraphe 25.72 (CMN, vol. iIIp.,823)et

qui auraient impliquédessoldatscamerounaisayantprétendumentfianchila frontièredansun

village nigériandans le Bomo State (v.supra,par. 12.48),ceux invoquésau paragraphe 25.74

du contre mémoire(CMN,vol. Jii, p. 824) concemant une situationsimilaire dans le même
Bomo Statene sont pas plusprécis.Ils ne permettentpas d'identifierles soldats en cause,et

de dire s'il s'agissaitbien de soldats camerounais ou non,dans une régionoù, comme on l'a

écritprécédemmentl,'insécurité transfiontalièreimplique les ressortissants des divers pays

concernés. La responsabilitédu Cameroun ne saurait donc êtreengagéepour des faits non
établisaveccertitudeet quinepeuventêtreimputésde façon certaineà ses agents.

12.51 Au paragraphe 25.75 du contre-mémoire(CMN, vol. III p. 824), le

Nigériacherche à tirer partied'undocument présentaux pages 247 et249 de l'annexe OC 1
des observationsdu Camerounsur les exceptionspréliminairesdu Nigéria.Le document en

question fait état de l'arrestation de deux gendarmes camerounais par des populations

nigérianesalors qu'ils effectuaientune opérationde simple police consistant à interpellerun

ressortissant nigériancirculantentemtoire camerounaisdans la zonefiontalière.Le document
reprisà l'annexe407 aucontre-mémoire décritde façontrèsprécisela situation en ces ter:es

"Selon les renseignements obtenus, ces deux élémentsde Gendarmerie
[HAMANADAMA et David KWAMENI]avaient poursuivi un cycliste
Nigérianjusqu'au village limitrophe de KARANCHI.En signe de riposte,

des villageoisles ont interceptéspour ensuite les conduire aux autoritésde
PoliceNigerianesetrouvant à KADAGALI.(. ..)

"Leurs deuxP.A, leurs insignes et leurs bérets sontconfisqués par ces
Nigeriansjusqu'àl'heure actuelle"(CMN,vol. XI, annexe407).

A l'évidence,ces faits, qui mettent en lumière l'agressivitédes populations nigérianes
impliquéeset encore plus la volontéd'humilier des gendarmes camerounais ainsi que leur

spoliation par des élémentses forcesde sécurinigériane,attestentde façon irréfutablede la

responsabilitéde la Républiquefédérale du Nigéria.En l'occurrence,les deux gendarmes

camerounais ont agi dans le cadre d'uneopérationde policàl'encontrede délinquantsayant
transforméleurpays d'origineenune sorte de sanctuaired'où, bénéficidte la complicitédes

populations locales et des forcesde sécurité, ils croient poaller opérerimpunémenten

temtoire camerounais.12.52 S'agissantdes faitsalléguéaux paragraphes25.77 et 25.78 (Cm, vol.

DI,pp. 824-825),ils se rapportent tous aux opérations militairesmenéeà Bakassi dans le
cadre des confrontationsqui ont opposà plusieurs reprisesles forces armées camerounaises

et nigérianesdansla péninsuledepuis l'invasionde celle-cipar les troupes nigérianesàpartir

de décembre1993. Il est donc de mauvais goût pour le Nigéria de recenser ses pertes

éventuellessubies au cours d'affrontements armésdont il est seul responsable. A Bakassi
comme ailleurs, le Cameroun se contente de défendreson temtoire et entend que soit

constatéelaresponsabilitde 1'Etatqui esàl'origine delatragédie qui frappelesfamillesdes

victimes et qui, en lui imposant un effort de guerre, a porté un coup sévère à son

développement.

12.53 Iisedéduit des développementq suiprécèdent qu'aucun des faitsallégués

par le Nigéria auxparagraphes 25.68 à 25.78 (CMN, vol. DI, pp. 822-825), et de façon

généraleau chapitre 25 de son contre-mémoire,ne saurait constituer une base factuelle

sérieuse, et encore moins un fondement juridique, pour asseoir les demandes
reconventionnellesdu Nigéria.Pas une seule de ces demandes ne présenteun fondement

suffisant pour êtreretenue. La Cour consacrerait une incongruité juridiquesi elle devait

admettre qu'à la faveur de demandesreconventionnelles,un Etat auteur de faits illicites, en

l'occurrenced'uneinvasionmilitaireet d'actes connexes,pourrait retournerla situationen sa

faveur, et donc contre 1'Etatvictime, en tirant parti de ses propres violations du droit
international, CHAPITRE13.

CONCLUSIONSDE LA REPUBLIQUEDU CAMEROUN13.01 La Républiquedu Camerouna l'honneurde conclure àce qu'ilplaiseà la
Cour internationalede Justicede dire etjuger:

a) Quela frontière terrestreentreleamerounet le Nigéria suitle tracé suivant :

- du point de longitude 14'04' 59" 9999 à l'est de Greenwich et de latitude

13'05'00" O001 nord, elle passe ensuite par le point situé à 14'12' 11" 7005 de
longitude est et 12'32' 17"4013 de latitude nord, conformément à la Déclaration

franco-britanniquedu 10juillet 1919 et à la Déclaration Thomson-Marchanddes 29
décembre 1929et 31 janvier 1930 confirméepar 1'Echangede lettres du 9 janvier

1931 :

- dece point, elle suitle tracéfixépar ces instrumentsjusqu'au"pic assez proéminent"

décritpar l'alinéa60 de la DéclarationThomson-Marchand etconnu sous le nom usuel
de "MontKombon" :

- du "Mont Kombon", la frontière se dirige ensuite vers la "borne 64" viséeau
paragraphe 12 de l'Accordgermano-britannique dObokum du 12 avril 1913 et suit,

dans ce secteur, le tracé décrit à la section 6 (1) du Nigeria (Protectorate and

Cameroons)Orderin Councilbritanniquedu 2 août 1946 ;

- de la "borne 64", elle suit le tracédécritpar les paragraphes 13 à 21 de l'Accord

dlObokurndu 12avril 1913jusqu'à labome 114 sur la CrossRiver ;

- de ce point, jusqu'à l'intersection de la ligne droite joignant Bakassi PoiàtKing

Point et du centre du chenal navigable de l'Akwayafé,la frontièreest déterminée par
les paragraphes16 à21 de l'Accordgermano-britanniquedu 11mars 1913.

b) Que, dès lors,notamment,la souverainetésur la presqu'îlede Bakassi d'unepart et sur
la parcelle litigieuseoccupéeparle Nigériadans la zone du lac Tchad d'autrepart, en

particuliersur Daraket sarégion, estcamerounaise.

c) Que la limite des zones maritimes relevant respectivement de la Républiquedu

Camerounet de laRépubliquefédérale du Nigéria suit le tracé suiva:t

- de l'intersectionde la ligne droitejoignant Bakassi PoànKing Point et du centredu

chenalnavigable de I'Akwayafé jusqu'au "point12", cette limite est déterminéepar la
"ligne de compromis" reportée surla carte de l'amirauté britannique no 3433 par les

Chefs d'Etatdes deux pays le 4 avril 1971 (Déclaration de Yaoundé) et,de ce "point
12"jusqu'au"point G, par la Déclarationsignée àMaroua le ler juin 1975 ; -du point G, cette limites'infléchtnsuite vers le sud-ouest dansla direction indiquée

par les points G, H de coordonnées8'21' 16"E et 4°17'00" N, 1 (7'55'40" E et
3O46'00"N), J '(7'12'08"E et 3'12'35" N) et K (6O45'22" E et 3'01'05"N),

représentéssur le croquis R 21 figurant à la page 411 de la présenterépliqueet qui
répond à l'exigence d'une solution équitable,jusqu'à la limite extérieuredes zones

maritimes que le droit international place sous la juridiction respective des deux

Parties.

d) Qu'ententant de modifier unilatéralementet par la force les tracés dela frontière

définieci-dessussub litterae a) c),la République fédéral deuNigériaavioléetviole
le principe fondamental du respect des frontières héritées de la colonisation (uti

possidetisjuris) ainsi que ses engagements juridiq.es.relativement à la délimitation
terrestreet maritime.

e) Qu'en utilisant la force contre la Républiquedu Cameroun, et, en particulier, en
occupant militairement des parcelles du temtoire camerounais dans la zone du lac

Tchad et la péninsule camerounaisede Bakassi, en procédant à des incursions
répétéet s,nt civiles quemilitaires,tout le long de la frontière entre lesdeux pays,la

République fédérale dN uigériaa violéet viole ses obligations en vertu du droit
internationalconventionnelet coutumier.

f) Que la République fédéral deu Nigéria ale devoir exprèsde mettre fin à sa présence
tant civile que militaire sur le temtoire camerounaiset, en particulier, d'évacuer sans

délaiet sans conditions ses troupesde la zone occupéedu lac Tchad etde lapéninsule
camerounaisede Bakassietde s'abstenirde tels faitsàl'avenir.

g) Que la responsabilité dela République fédérald eu Nigéria estengagéepar les faits
internationalement illicites exposés ci-dessuset précisés dansle mémoirede la

Républiquedu Camerounetdans la présenteréplique.

h) Qu'enconséquence, uneréparationest due par la République fédérald eu Nigériaàla

République du Camerounpour les préjudicesmatérielset moraux subis par celle-ci,
selondes modalités àfixerpar la Cour.

13.02 La Républiquedu Cameroun a par ailleurs l'honneurde prier la Cour de
bien vouloir l'autoriseràprésenterune évaluation dumontantde l'indemnité qui lui estdue en

réparationdes préjudices qu'elle asubis en conséquencedes faits intemationalementillicites
attribuablesà la Républiquefédérald eu Nigéria,dans unephaseultérieure dela procédure.1
13.03 La Républiquedu Cameroun prie en outre la Cour de déclarerque les

demandes reconventionnellesde la Républiquefédérale du Nigéria ne sontfondées ni en fait
ni en droitet de les rejeter.

13.04 Lesprésentes conclusionssontsoumisessous réserve detous éléments de
fait et de droit et de toutes preuves qui viendraient à être soumis ultérieurement ; la

Républiquedu Cameroun se réservele droit de les compléter ou de les amender, le cas

échéantc,onformémentaux dispositionsdu Statut et duRèglementde la Cour.

Le4 avril 2000,

LaurentESSO

Agentde la Républiquedu CamerounI LISTE DESCARTESILLUSTRATIVIS LISTEDESCARTESILLUSTRATIVES

Chapitre 3:
RI 3.15 CarteMoisel -Tchad
R2 3.20 Carte CBLT-Le Bipointàl'embouchurede 1'Ebeiji

R3 3.21 Carte annexéea l'Accordde 1906

R4 3.23 Lesvillages nigérianssur le lac Tchad
R5 3.30 Cartedela Déclarationde 1931

Planche1 3.61 Photode la Borne -Tripoint

Planche 2 3.61 Photode la BorneV-Bipoint
Planche 3 3.61 Photod'uneborne intermédiaire

Chapitre 4:
12 4.85 JIMBARE.Extraitno 12de l'Atlascamerounais

R6 4.94 YIMCROSSING -500 000NG-12
R7 4.96 TIPSAN - Carte 73 del'Atlasnigérian

R8 4.97' TIPSAN - Assemblagedes 200 000Tchamba et Tignere

R9 4.97 TIPSAN - 500 000NG-12
RI0 4.112 KAMALE -Carte 59 del'Atlasnigérian

R11 4.112 KAMALE -50 000IGN-NC-33-4aMOKOLO
KAMALE -500 000NG-8
R12 4.112
R13 4.112 KAMALE -Administration Mapl/lM-1960 Nigéria

1O 4.125 BUDUNGA -Extraitno 10de l'Atlascamerounais
R14 4.125 BUDUNGA -50 000NG-197SE

R15 4.125 BUDUNGA -Carte 62de l'AtlasNigérian

20 4.136 BISSAULA-TOSSO - Extraitno20 de l'Atlas camerounais
RI6 4.136 BISSAULA-TOSSO - 500 000NG-11

R17 4.136 BISSAULA-TOSSO- CarteMoiselE2 BanjoChapitre5 :

RI8 5.03 Cartedu départementduNDIAN

RI9 5.07 Carte de la presqu'île deBAKASSI

Chapitre9 :

R20 9.57 Cartemarine 7188
R21 9.62 La ligneéquitable

R22 9.65 Réduction partiellede la carte marine 7382. Du point G au
point H et amorce dela ligne équitable

La ligne équitable(lignesde construction)

Concessionspétrolièresrécentes duigéria
Concessions pétrolières camerounaises et nigérianes -
chevauchements

Chapitre 12 :

R26 12.37 MBELEGO -Extraitdela carte 75 de l'Atlasnigérian

R27 12.37 MBELEGO - Localisation de Mbelego et Tosso au
Cameroun
12.36 EKANG - Extrait de la carte du Camerouà 1 :200.000

MAMFE
12.36 AKWA - Extrait de la carte du Camerounà 1 :200.000
-EMBA LISTE DES ANNEXES A LA REPLIQUE
DE LA REPUBLIQUE DU CAMEROUN

DEPOSEE AU GREFFE

DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

1 ANNEXERC 1 Mémorandumde la Républiquedu Cameroun sur la
procédure

ANNEXERC 1 1884-1886

Treaties of Commerce, &C., between Great Britain and
nativeChiefs and Stateson the SomaliCoast. BFSP vols.
76, 99-106- 77, 1263-9(9 p.)

ANNEXERC 2 1897
Treaty betweenGreat Britain and Ethiopia (Frontiers of
British Protectorate on Somali Coast) signed by the
Emperor Menelek II, and his Majesty's Envoy Adis
Abbaba publié par IanBrownlie, Afncan Boundanes,
C. Hurst& Company, Londres,1979p.830 et S. (4 p.)

1 ANNEXERC 3 12mai 1922
FishTown, Rio del Rey Creeks. AssessmentReport onby
Mr F.B.Carr, ActingDivisionalOfficer(14p.)

12 avril1923
AssessmentReportson the Fish Townsof the Rio del Rey
Areaandthe BakolleTribe (7 p.)

1923-1924
A SupplementaryReportof the Tax Collectionin the Fish
Townsof the Rio del ReyCreek area of Kumba Division

covering asecondvisitduringthe year 1923-1924-(2 p.)
18 novembre 1924 :Fish Towns at Rio del Rey: Visiting
of (4P.)

16 avril1926
FishTownsof Riodel Rey :Fax (3p.)

30juin 1926
Fish Townsof Rio del Rey : Jurisdictionof courts therein

(2P.)
26juin 1931
Administrative Visitto the Fish Towns June 17" to June
26" , 1931(8 p.)

ANNEXERC 4 1922
AssessmentReportFishTownsRio delReyarea (11p.)ANNEXERC 5 1933( ?)
An intelligenceReport on the Isangeli cornmunityof the
Kumba division, Cameroons Province, by M. H.O.
Anderson,assistantdistrict officer(31 p.)

ANNEXERC 6 29 novembre 1954
Agreement between the United Kingdom and Ethiopia
relating to certain matters connectedwith the withdrawai

of British Militas, Administration from the territories
designateas the Resewed Area and the Ogaden (extrait)
(1 P.)

ANNEXERC 7 23 février 1955
BritishSomaliland(Anglo-EthiopianAgreement)(1p.)

ANNEXERC 8 25 février 1955

British Somaliland (Anglo-EthiopAgreement) HC Deb
vol. 537col. 1678à 1688(4 p.)

ANNEXERC9 3 février 1962

Complaint to Nigerian Consl y Ekang and Ikpai people
residingon the Nigerian sideof the MamfeINigeriaborder
who wish to continueto usOtu farm land within Mamfe
Division(8 p.)

ANNEXERC 10 16février1962
Lettre no NCB.32179 du consul du Nigéria à Buéaau
Secrétairedu Premier MinistreduCameroun occidental

(1 P.)

26 février1962
Lettre noNCB.32149du consul du Nigéria à Buéaau
Secrétairedu Premier MinistreduCameroun occidental

(1P.)

ANNEXERC 11 20juin 1962
Lettre no PM.10401S.1139A du Secrétaire du Premier

Ministre du Cameroun occidentalau consul du Nigéria
Buéa(1p.)

ANNEXERC 12 13juillet 1962
Lettredu chefde district de MaàfM. Ford (1p.)ANNEXERC 13 22 juillet 1963
Lettre DMJ 15917du chef de cabinet du Ministre de la
Justice de la République fédérale duCameroun au
Secrétaire'Eut auxAffaires étrangèràYaoundé(1 p.)

ANNEXERC 14 27 mai 1964
Décretno 64lDF1170 portant institution d'unpermis de
recherches minières(5 p.)

ANNEXERC 15 30juin 1964
Lettre no 13IBMMISMILdu chef de la BMMde Lobr au
Directeur du SEDOCet de la SécuritàYaoundé (2 p.)

ANNEXERC 16 1965
Frontière CamerounlNigéria: fiches donnant
renseignements sur les bornes frontières no 64 114

(52P.)

ANNEXERC 17 30 novembre 1968
Bamusso Sub-DivisionMonthlyEconomicReport(19 p.)

15janvier 1969
Note du Secrétaireassistantno(4 p.)

22janvier 1969

Lettre du Secrétaire permanentau Conseiller technique
(1 P.)

1" février1969
Note du Conseillertechnique(6 p.)

4 février 1969
Note du Secrktairepermanent(3 p.)

19février1969

Lettre du Secrétaire du PremierMinistre au Premier
Ministre (1p.)

ANNEXE RC 18 28 février1969

Bamusso Political andEconomic Reportfor the Monthof
February 1969(6 p.)ANNEXE RC 19 6 septembre 1969
Arrêté portanrtenouvellementde titre minier (2 p.)

ANNEXE RC 20 4 mars 1970
Noted'audience no21/CAB/DIPL/lA (2 p.)

ANNEXE RC 21 27 mai 1970
Lettre des sociétés d'armement à la pêche à

l'Administrateurde l'InscriptionmaritiàDouala (y sont
joints deux rapportsde mer des 3 et 14mai 197(5p.)

ANNEXE RC 22 15/17juin 1970

Note d'informationno 04/vo1.1/303de la sûreténationale
de Bui(3 p.)

ANNEXE RC 23 17juin 1970

Note d'information no S. 1l/vo1.6/506 du commissaire
spécialde Victoria(1 p.)

ANNEXE RC 24 4juillet 1970

Lettre du Ministredes Transportsau Ministre des Affaires
étrangères (p.)

ANNEXE RC 25 7 août 1970

Lettre no 1715.418du consul du Nigériaà la brigade de
gendarmerie d'Ayemodjock(1 p.)

19août 1970
Note no S.16/vo1.3/476du commissaire spécialde Mamfe

avecses annexes(5p.)

20 août 1970
Lettre du préfet de la Manyu à l'Inspecteur fédéral

d'administrationdu Cameroun occidentalBuéa (1p.)

26 août 1970
Lettre no0809/4/L/COCdu chef d'escadron, commandant
la légion de gendarmerie du Cameroun occidental à

l'Inspecteurfédérl'administrationàBuéa(1 p.)

28 (?)août 1970
Lettreno 334lCFIIFAICOCICC24/SP2 de l'Inspecteur
fédéral d'administratdu Cameroun occidental auconsul
du NigériaàBuéa(1 p.)ANNEXERC 26 6 novembre1970
AGLISF/70/32 - Etude des ressources en eau du bassin du
Tchad en vue d'un programme de développement.
Frontières internationdes cours d'eau du bassin du lac
Tchad(56p.)

ANNEXERC 27 3 septembre 1971
Lettreno 676/L/CF/MINATIDOT/OA/l du Ministre de
l'Administrationterritoriale au préfet du dépadte la

Mentchoum(1 p.)

ANNEXERC 28 3 septembre 1971
Lettreno6821L/CF/MINATIDOT/OA/1du Ministre de

l'Administrationterritoriale au Premier Ministre, chef du
gouvernementdu Camerounoccidental (5p.)

24 novembre1971
Lettreno PM0.403/85/225 du Secrétaire général du
Premier Ministre du Cameroun occidentalau Ministre de

l'Administrationterritoriale(1 p.)

ANNEXERC 29 19juin 1972
Note d'informationno 05/vo1.1/529 du commissaire aux

renseignementsgénérauxàMamfe (1 p.)

ANNEXERC 30 20 juin 1972
Note d'informationno R6/BU/vo1.2/246 du commissaire
spécialKumba(1 p.)

ANNEXERC 31 27juin 1972
Note d'information no A6/vo1.1/686 du commissaire
spéciaàKumba(2 p.)

ANNEXERC 32 3juillet 1972
Note d'information no 68lvo1.2/271 du commissaire
spécial Buéa(3 p.)ANNEXERC 33 31juillet 1972
Arréténo 004lMINMENlRN portant renouvellement de
titre minier (3 p.)

6 août 1976

Arréténo 010/MINMEN/DMG/SLportant renouvellement
d'un permis de recherches valables pour hydrocarbures
(3P.)

ANNEXERC 34 6 octobre 1972
Lettre no TAC. 6041809 du Secrétairegénéralde la
communede Tikoaupréfetdu Fako(Victoria) (4p.)

ANNEXERC 35 1972 (?)sansdate

Notede la préfecturde Donga Mantung(2 p.)

ANNEXERC 36 26juin 1973
Note no 6/73 du consul général du Nigéria à Buéa au
gouverneurde laprovincedu sud-ouesà Buéa (2p.)

ANNEXERC 37 4 août 1973
Discours de bienvenue des résidents nigérians de
Bamousso àl'ambassadeur nigériaet au consul générlà

l'occasionde leur visite(2 p.)
7 août 1973
Lettreno ABBIC.3/S.1/105du sous-préfetde Bamousso

au gouverneurdela provincedu Sud-ouest(2p.)
7août 1973
Note d'information du poste de sûreté de Bamousso

concernant lavisitede l'ambassadeur nigériatu consul
général(2 p.)
10août 1973

Lettreno ABBlC.31S1.1118 du sous-préfetde Bamousso
au gouverneurde laprovincedu sud-ouest(1 p.)

19septembre 1973
Lettre no 733/PSO/GC.l50/96/DA du gouverneur de la
province du sud-ouest au ministèrede l'Administration
territoriale àYaound(1 p.)

ANNEXERC 38 14janvier 1974
Lettreno NCB. 60lS.1 du consul général du Nigériaà
Buéaau gouverneurde la province du sud-ouest à Buéa
(3 P.)ANNEXE RC 39 19novembre 1974
Lettre no NCB. 60174du consulgénéral du NigériaàBuéa
au gouverneurde la province du sud-ouest àBuéa(2p.)

AiWEXE RC40 15octobre 1975
Constitution (Basic Provisions) Decree 1975 - Decree
no 32 (12p.)

ANNEXERC 41 18 septembre1976
Décret no 761438 portant institution d'un permis de
recherchespétrolières (p.)

18août 1977
Décret no 771325 portant institution d'une concession
d'hydrocarbures(2 p.)

13octobre 1980
Décret na 801420 portant institution d'une concession

d'hydrocarbures (4p.)

21janvier 1981
Décret no 811024 portant mutation d'un permis de
recherchespétrolières (2p.)

14 avril 1981
Décret no 811154 portant institution d'une concession
d'hydrocarbures (2 p.)

7 juillet 1981

Décret no 811261 portant institution d'une concession
d'hydrocarbures(3 p.)

30 août 1990
Décret no 9011256 portant institution d'un permis de

recherches valable pour hydrocarbures liquides et gazeux
(4 P.)

ANNEXERC 42 23 octobre 1976
Lettreno 1282ILICFIMINATIDAPIAAdu Ministred'Etat

chargé del'Administration territoriale au gouverneur dela
province dunord-ouest (1 p.)ANNEXERC 43 25 octobre 1976
Lettre no575/PSO/GC/149/vol.I 1u/g0uv/rneur
de la province du sud-ouestau Secrétairegénéralde la
présidencede la RépubliàuYaoundé(5 p.)

ANNEXERC 44 15novembre1976
Certificat de prise de service no DNN/P/94/2 du sous-
préfet'EkondoTiki(1p.)

26juin 1982
Décretno 821250portantnominationde sous-préf(1 p.)

13septembre1985
Décret no 8511228portant nomination de sous-préfets

(1 P.)

ANNEXERC 45 21janvier 1977
Rapport no 0018/4-CIE-TIGdu capitaine commandantde
la compagniede gendarmeriede Tignèresur la situation

transfrontalière,zoneTypsan(3 p.)

ANNEXERC 46 28 septembre1977
Lettre no CBC. 19/17duconsul général uigériaà Buéa

au gouverneurde laprovincedu sud-ouàsBuéa(2 p.)

ANNEXERC 47 30 octobre 1979
Bordereau no 79/79/B/CCNdu consulat du Cameroun à
Calabar avec, enannexe,les piècesadresséesau Ministère

des AffairesétrangèràYaoundé(4p.)

ANNEXERC 48 20 décembre1979
Lettre no 12977/1/SDAF du Ministre des Affaires

étrangèrede la Républiquenie du Camerounau Ministre
d'Eut chargéde l'AdministrationterritorialeàYaoundé(1
p.). Est jointe à cette lettre une note no 178179 du
12/12/1979(1 p.)ANNEXE RC 49 18juin 1980
Lettre no CBC. 19/32du consulgénéral du NiàBuéa
au gouverneur delaprovincedu sud-ouesta(2 p.)

23juin 1980
Lettreo CBC. 19/32du consulgénéral du NigéiaBuéa
au gouverneur delaprovincedu sud-oàBuéa(2 p.)

ANNEXE RC50 5 septembre1980
Lettreno CBC. 19/18du consulgénéral du NigàBuéa
au gouverneurdelaprovincedu sud-ouàBuéa(1 p.)

ANNEXE RC 51 13octobre 1980
Note verbale no10513/DIPL/Dl/SAF du ministère des
Affaires étrangèse la Républiqueunie du Camerounà
l'Ambassade de la République fédérale du Nigéràia
Yaoundé(1 p.)

27 octobre 1980
Note verbaleno 11003/DIPL/Dl/SAF du ministèredes
Affaires étrangèreea République unie duCamerouà
l'ambassade de la République fédérale du Nigéràia

Yaoundé(1 p.)

ANNEXE RC52 26janvier 1981
Télex no 38IDIPLISG de DIPLOCAM à Yaoundé à

AMBACAMàLagos(1 p.)

ANNEXE RC 53 26janvier 1981
Message porténo A31/F du Secrétaàrla présidence de

la Républiquedu Camerounau Ministred'Etat chargédes
Affaires étrangàYaoundé(1 p.)

ANNEXE RC54 27janvier 1981

Télex no 41/DIPL/SG de DIPLOCAM à Yaoundé à
AMBACAMLagos(2p.)

ANNEXE RC55 28janvier 1981

Message du Secrétairegénéral du minisees Affaires
étrangèresau Secrétaire généàala présidence dela
République (p.)ANNEXE RC 56 30janvier 1981
Rapport duchef de districtdabatoau sujet de l'attaque,
de l'arrestation et de la détentionillégale du chef de
districtdtIdabatopar l'arméenigériane(4 p.)

ANNEXE RC 57 1" février1981
Compte rendu d'expertise médicaleno 00761DVII.GIBuéa
du médecin chefde l'infirmerie de garnisoàBuéaau

gouverneur de la province du sud-ouestà Buéaaprès
l'arrestation d'une autoritécivile et de huit édesents
forcesde l'ordrepar l'arméenigériane(2

ANNEXE RC 58 4 février1981
Lettre no10I81ISGICCN du consul du Cameroun à
Calabar au Ministre des Affaires étrangèàeYaoundé
(4 P.)

ANNEXE RC 59 18février1981
Lettreno G.4003ICl10111 du sous-préfet d'Isangele au
gouverneur de la province du sud-ouestà Buéa(avec
traduction) (5p.)

ANNEXE RC 60 19février1981
Bordereau no 17/81/B/CON et pièces adressés par le
consulat duCameroun à Calabar au Ministèredes Affaires

étrangères Yaoundé.(3 p.)

ANNEXE RC 61 20 février1981
Télex message no 28lMRlGlGC.1011s.10ICB du

gouverneur de la province du sud-ouest à Buéa à
PRESICAM à Yaoundé.(1 p.)

ANNEXE RC 62 30 avril 1981

Message porténo 4365lJKNIMJ du Ministre des Affaires
étrangèresau Secrétairegénéralde la présidencede la
Républiqueà Yaoundé(2 p.) ANNEXERC 63 17mai 1981
Compte rendudu capitaine, chefde bureau renseignements
du 2& secteur militaire,sur l'incidentayantopposé, le 16
mai 1981, un détachementdes forces navalesn élément
nigérianarméet en tenue panachéedans le Rio del Rey

(4 P.)

~ ANNEXERC64 21 mai 1981
Lettreno 10181lCFdu consul du Cameroun à Calabar au
Ministredes Affaires étrangèàYaoundé(2 p.)

I ANNEXERC 65 2juin 1981
Message porté no159/1/S2 du Ministre des Affaires
étrangèresau Secrétaire générale la présidencede la
RépubliqueàYaoundé(2 p.)

5juin 1981
Lettreno 163111S2du Ministre des Affairesétrangèresau
Secrétairegénéralde la présidence dela Républiqueà
Yaoundé(2 p.)

ANNEXERC67 24juin 1981
Lettre no 18811lS2 du Secrétaire généraldéléguéaux
Affaires étrangères Secrétairegénéral dla présidence
de la République (1p.)

ANNEXERC 68 9 novembre 1981
l Lettre no 450ILICFIMINATIDAPIAA du Ministre de
l'Administration territoriale au Ministre des Affaires
étrangèreàYaoundé(2 p.)

ANNEXE RC 69 1981 (?)sans date
Aide-mémoire du Secrétaire général concernant les
démarchesdu ministère des Affaires étrangères au sujet de
l'enlèvement du chef de district d'ldabato et de ses
collaborateurs par les autorités frontalières nigérianes

(3 P.)ANNEXE RC 70 12janvier 1982
Lettre no 0002/PSNS/SW/CFdu chefde serviceprovincial
de la sûreté nationale dusud-ouestaudélégénéradle la
sûreté nationalà Yaoundé, avec un addendum du 14

janvier 1982(5 p.)

ANNEXE RC 71 16juillet 1982
Note verbale no 6887lDIPLIDllS2 du ministère des

Affaires étrangèresà l'ambassade de la République
fédérale du Nigéria (2 p.)

ANNEXE RC 72 7 septembre 1982

Lettre du consul général dNigériaà Buéaau préfetdu
Ndianà Mundemba(3 p.)

ANNEXE RC 73 30 septembre 1982

Programme prise de contact du chef de district de Hile-
Alifadans son unité administra(2p.)

ANNEXE RC 74 22 octobre 1982

Compte rendu no 002/LICFIDISTIHALdu chef de district
de Hile-Alifa au sous-préfet de l'arrondissement du
Serbeouel.(3 p.)

ANNEXE RC 75 16novembre 1982
Lettre no013ILIDISTIHAL du chef de district de Hile-
Alifa au préfet du départementeogoneet Chari (1 p.)

ANNEXE RC 76 26 novembre 1982
Lettre no014/L/LDIST/HAL du chef de district de Hile-
Alifaau préfet du département eogoneet Chari (2 p.)

ANNEXE RC 77 15janvier 1983
Programme detournéede recensement(1 p.)

5 avril 1983

Note no 141L/DIST/HAL au sujet d'une tournée de
reconnaissancedansle lac Tchaddu7 au 9/04/83 (1 p.)

Il mai 1983
Programme de tournée de campagne électorale dansle
districtde Hile-Alifa (1p.)ANNEXERC 78 25janvier 1983
Lettre du consul générlu Nigériaà Buéaau préfetdu
Ndian àMundemba(3p.)

ANNEXERC 79 15février1983
Tournéede recensement 198(1 p.)

ANNEXERC 80 16février 1983
Lettreno CBC. 20 du consulgénéralu Nigérià Buéaau
gouverneurde la provincedu sud-ouestàBuéa(3 p.)

ANNEXERC 81 4 mars 1983
Message porténo 1866du secrétaire général du ministère
des Affaires étrangèresau Secrétaire généralde la
présidencede la Républiq(2 p.)

ANNEXERC 82 23 mars 1983
Lettre no G.40/05/11ID/45/311 du chef de district
d'Idabatoau préfetdu NdianàMundemba(8 p.)

ANNEXERC 83 Mars 1983
Programme de tournée de sensibilisationpour le
recmtement des stagiaires au centre de formation des
jeunes agriculteurs deNgouma(1 p.)

ANNEXERC 84 2 mai 1983
Lettreno G.40/C/66/247du préfetdu NdianàMundemba
au gouverneur de la provincedu sud-ouesta(2 p.)

ANNEXERC 85 4juin 1983
Lettre no A3l/a/SG/PR du Secrétaire générad le la

présidencede la Républiquau gouverneurde la province
du sud-ouest Buéa (1p.)

ANNEXERC 86 1" août 1983

Quittancede taxes sur lepoisson(1p.)ANNEXE RC87 17août 1983
Lettreno 006/1/CFIDISTIHALdu chef de district de Hile-
Alifa au sous-préfetde l'arrondissement du Serbeoàel
Makasr (1 P.)

17août 1983
Lettreno 007lLICFIDISTIHAL du chef de district de
Hile-Alifaau sous-préfetde l'arrondissementdu Serbeouel
àMakary (3p.)

ANNEXE RC89 30août 1983
Fiched'impôt 198311984du villagede Kati Kime (1 p.)

ANNEXE RC90 30août 1983
Fiche d'impôt 198311984 des villages de Naga'a et

m or et al-m o (3p.)u ne

ANNEXE RC91 30 août 1983
Fiched'impôt 198311984du villagedechika (1p.)

ANNEXE RC92 10décembre1983
Districtde Hile-Al:liste des bureauxde vote (2 p.)

ANNEXERC93 1983(date?)

Lettreno 40ILIDISTIHALdu chef de district de Hile-Alifa
àM. Li Cherif, Blamade Katikirne(1 p.)

ANNEXE RC94 198311984
Impôt forfaitaire, exercice 198311984,sultanat de Makary

(62P.)

ANNEXE RC95 6janvier 1984
Arrêté no 004/A/MINATIDAPIAA fixant la liste des
bureaux de voteà l'occasion des électionsprésidentielles
du 14/01/1984(12p.)

ANNEXE RC96 12janvier 1984
Arrêtépréfectoralo 07IAPIDLC portant nomination des
présidentset assesseurs des bureaux de vote pour les
électionsprésidentielles4janvier 1984(5 p.)ANNEXE RC 97 3 février 1984
Tournéede recensement dans les villages du districtde
Hile-Alifa (3p.)

ANNEXE RC 98 15mars 1984
Fiche no 6103N.J.à l'attention du généralde division
chef d'état-majordes armées(2 p.)

ANNEXE RC99 10avril 1984
Programme de tournéede recensement des îles habitées
(1 P.)

28 mai 1984
ANNEXE RC100
Note d'information no 044lPSl147lRG concernant 3
soldatsnigériansvàInosi,district d'Idabato (1 p.)

ANNEXE RC101 5juillet 1984

Note no 1944ILICFIMINATIDAPIAA du Ministre de
l'Administration territoriale au Ministrehargédes
forces armées(1p.)

ANNEXE RC102 20 septembre 1984

Etudes préliminaires du projetde développementde la
pêchecontinentale p.)

ANNEXE RC103 30 octobre 1984

Note du sous-préfet deMakary au préfetdu département
de Logoneet ChariKousso(5 p.)

ANNEXE RC104 15novembre 1984

Noteno 076lCF du chef de district de Hile-Alifaau préfet
du Logoneet Char(2p.)

ANNEXE RC105 17novembre 1984
P.V. de la brigade dedarmeriede Makary surun litige

de chefferieet de terrain (15p.)ANNEXE RC 106 28 novembre 1984
Note no 105/DIPLIl/S2 du ministère des Affaires
étrangères surle différend frontaliereroun/Nigéria
(5P.)

ANNEXE RC 107 30 novembre 1984
Note no 009537 du Secrétairegénéraldu ministèredes
Affaires étrangères'ambassadeurdu Cameroun àLagos
(1 P.)

ANNEXE RC 108 198411985
Ordre de recet:droit de place surle marché (15 p.)

ANNEXE RC 109 Il janvier 1985

Programme de distribution des aides alimentaires aux
populations du district de Hile-Alifa frappéespar la
sécheresse(1 p.)

31 mai 1985
Lettre no911lDISTlHAL du chef de districtde Hile-Alifa

au commandant de brigade de gendarmerie de Makary
(1 P.)

4juin 1985
Lettre no 005lLICFIDISTIHAL du chef de district de
Hile-Alifa au sous-prte Makary (1 p.)

ANNEXE RC 110 5février1985
Bulletinde renseignements 01514(1 p.)

ANNEXE RC 111 7 février1985
Note no 0041CFdu chef de district de Hile-Alifaau préfet
de Logone et Chari(2 p.)

ANNEXE RC 112 9 février1985

Lettre du chef de district de Hile-Alifa au sous-préfetde
l'arrondissementde Makary (3 p.)

ANNEXE RC 113 22 février1985
Message porténo 1708 IMPIMINATIDAPdu Ministre de

l'Administration territoriale au Ministre des Affaires
étrangèresYaoundé(1 p.)ANNEXE RC 114 23 février1985
Note au sujet de la tournéede travail du Ministre de
llElevage, des Pêcheset des Industries animales dans
l'arrondissementde Makary(1 p.)

ANNEXE RC 115 27 février1985
Ordre de recett:taxe sur le poisson(2 p.)

ANNEXE RC 116 1" mars 1985
Note d'informationno230IDGSNICEIISOMau sujet de la
tournée du Ministre de I'Elevage, des Pêcheset des
Industries animales dans la province de l'extrême-nord
(4 P.)

ANNEXE RC 117 19mars 1985
Programme de distribution des vivres dans le district de
Hile-Alifa(2p.)

ANNEXE RC 118 Avril 1985
Rapport de l'étude des plans de base du projet de
développementde la pêche continentaleen République du
Cameroun(9 p.)

ANNEXE RC 119 3 avril 1985
Districtde Hile-Alifaprogrammede tournée au lacTchad
(1 P.)

ANNEXE RC 120 10avril 1984
Programme de tournée dusous-préfetde l'arrondissement
du Serbeouel dansle district de Hile-Alifa pour régler les
problèmesde limitesentre lesvillages(1p.)

ANNEXE RC 121 17avril 1985
Note no 000396lCFIPVIDGSNISPS NulE emice
provincialde la sûreténationalede l'extrême-(4rp.)

ANNEXE RC 122 27 avril 1985
Note verbale no 3403lDIPLlSACl5 du ministère des
Affairesétrangèresdu Cameroun à l'ambassade duNigéria
(1 P.)ANNEXERC 123 31mai 1985
Programme de distribution de l'aide alimentaire aux
sinistrésdeHile-Alifa(1 p.)

ANNEXE RC 124 4juin 1985
Lettre no OO~/L/CF/DIST/HAL du chef de district de Hile-
Alifaau sous-préfetde l'arrondissementde Makary (6 p.)

2 mai 1985
Lettre no030lCF du sous-préfetde Makary au préfet du
départementde Logoneet Chari (2p.)

ANNEXERC 125 20juin 1985
Note verbale no 04616/DIPLll/S2 du ministère des
Relations extérieures du Cameroun à l'ambassade du
Nigériaà Yaoundé (2p.)

ANNEXERC 126 Juin 1985
Rapport d'étudepour l'aménagemend t u littoral (16p.)

ANNEXERC 127 Il juillet 1985
~chan~ede notessignées parle Ministre de 1'Etatchargédu
Plan et del'Aménag-mentdu Territoire (Cameroun) et le
Vice-Ministreparlementaire desAffaires étrangè(11p.)

ANNEXERC 128 1"août 1985
Lettre no 135/A23/PS110 du commissaire spécial de
Mundemba au chef de service provincial de la sûreté
àBuéa(3 p.)
nationale

ANNEXERC 129 7 octobre 1985
Note verbale no 08071 du ministèredes Affaires étrangères

de la Républiqudu Cameroun à Yaoundéà l'ambassadede
la Républiquefédérale dNigéria(2 p.)

ANNEXERC 130 8 octobre 1985

Programme de distribution des vivres dans le district de
Hile-Alifa(4e"ephase) (2 p.) ANNEXE RC 131 10octobre 1985

Programme de distribution des vivres dans le district de
Hile-Alifa4hBChase) (1 p.)

ANNEXE RC 132 15novembre 1985
Arrêtépréfectoralno 090lAPlD23lSP portant désignation
des chefs de 3"e degré de l'arrondissement de Makary

(7 P.)

~' ANNEXE RC 133 3 décembre1985
Conventionno 316lC11985-86passéeavec I'OverseasAgro-
Fisheries Consultants CompanyLimited, Japon, pour les
prestations dans le cadre du projet "Pêchecontinentaleau
Camerounn (10p.)

1 ANNEXE RC 134 9 décembre1985
Lettre no G40lCl1411102 du préfet de Mundemba au
gouverneur dela province du sud-ouestéa(y estjointe
une lettre no.40/05/KA.C.9/58 du sous-préfetde Kombo
Abedimoau préfetde Mundemba)(5 p.)

ANNEXE RC 135 198511986
Rôle primitif no 301 d'impôt forfaitaire sur le revenu des
personnes physiques,district deHile-Alifa(6 p.)

ANNEXE RC 136 9janvier 1986
Lettre no00201/DIPLlD1/A/AF du ministèredes A,ffaires
étrangèresau Ministre déléàula présidence chargélae

Défenseà Yaoundéavec, en piècesjointes, une lettre du
Secrétaire générale la présidencedela Républiqueau
Ministre des Affaires étrangèreset un bulletin de
renseignementso 54314des 71819novembre 1985(3p.)

ANNEXE RC 137 24 février1986

Note verbale no 01257/DIPLIDl/A du ministère des
Affaires étrangèresde la République du Cameroun à
Yaoundé à l'ambassade de la République fédéraledu
NigériaàYaoundé(2 p.)ANNEXERC 138 25 mars 1986
Contrat avec le consortium MitsuiITaisei pour la
constructionet la fourniture de l'équiptour le projet

de développemendte la pêccontinentale enRépubliqudu
Cameroun (25 p.)

ANNEXERC 139 27 mars 1986

Lettre no 014//LIDIST/HAL du chef de district de Hile-
Alifaau sous-préfetde l'arrondissementde Makary(4p.)

ANNEXERC 140 3 avril 1986

Note verbale no 02283IDIPLISDAACISAC/5du ministère
des Relations extérieuresdu Camerounà I'ambassadedu
NigériaàYaoundé(1p.)

ANNEXERC 141 14avril 1986
P.V. d'enquête, gendarmerie nationep.)

ANNEXERC 142 16avril 1986

P.V. d'enquête, gendarmerie nationep.)

ANNEXERC 143 19avril 1986
Note verbale no 02750/DIPL/SDAACISAC/5du ministère

des Relations extérieures du Camerouà l'ambassadedu
NigériaàYaoundé (1p.)

ANNEXERC 144 Mai 1986

Monthiy Progress Report for inland waters fishery
developmentprojectin the Republicof Cameroon(4p.)

19août 1986
Lettre no 0825 du Secrétairegénéraldu ministère de

I'Elevage, des Pêcheset Industries animalesau chef de
sous-secteur de l'élevage, des pêcheest des industries
animalesde Makary (1p.)

ANNEXERC 145 12juillet 1986

Note verbale no 04677/DIPL/DllA/AF du ministère des
Affaires étrangèresde la République du Cameroun à
Yaoundé à I'ambassade de la République fédéraledu
NigériaàYaoundé(2p.)ANNEXE RC 146 18juillet 1986
Note verbale no 04871/DIPL/D1/AlAFdu ministèredes
Affaires étrangèresde la Républiquedu Cameroun à
l'ambassade de la République fédéraledu Nigéria à
Yaoundé(2 p.)

ANNEXE RC 147 19août 1986
Lettredu Ministre deI'Elevage,des Pêchst desIndustries
animales à Yaoundéau chef du sous-secteurde l'élevage,

des pêcheset desindustries animales deMakary(1p.)

3 mars 1987
Lettreno 226lMINEPIAlDIRPECdu Ministrede I'Elevage,
des Pêches et des Industries animalesau déléérovincial

de l'élevage,des pêcheset des industries animalesde
l'extrême-nordàMaroua(1 p.)

27 octobre 1987
Note no 411ILIDEPIAENISEPIALCdu chef de secteur de
l'élevage,des pêcheet des industriesanimales duLogone

et ChariàKousseri(1 p.)

ANNEXE RC 148 15octobre 1986
Message radiodu commandant de brigade de Makary au
procureur de la Républiquede Koussen, au préfet de

Kousseriet au sous-préft e Makary(1p.)

ANNEXE RC 149 26 novembre1986
Maiden Tour of Ndian Divisionby the Ambassadorof the

Federal Republic ofNigeria to the Republicof Cameroon
(2P.)

ANNEXE RC 150 198611987
Rôle primitifno 311 d'impôt forfaitairesur le revenudes

personnesphysiquesde Hile-Alifa (8p.)

ANh'EXERC 151 19janvier 1987
Programme de tournée de sensibilisation des actions

fémininesde la section départementale ddéveloppement
communautaire de Logoneet Chari à Kousseri dans le
districtde Hile-Alifaoisde février1987(1p.)ANNEXE RC152 6 février1987
Lettre no 014/L/CF/D23/SPdu préfetdu départementde
Logone etChan auchefde districtde Hile-Alifa(2 p.)

ANNEXE RC153 12février1987
Messagetélexno 122MTLX/MINAT/DAPdu ministèrede
l'Administration territorialeà Yaoundéau Ministre des
AffairesétrangèràsYaoundé(1p.)

ANNEXE RC154 10mars 1987
Programme de tournéede contrôle et de recouvrement
d'impôtforfaitaire198611987dansles villagesde KatiKime

IIet Darak(1 p.)

ANNEXE RC155 30mars 1987
Lettreno OO6/L/DIST/HAL du chefde districtde Hile-Alifa

aupréfetdudépartemend te Logoneet Chari (2 p.)

ANNEXE RC156 30mars 1987
Lettreno 007/L/DIST/HALdu chefde district de Hile-Aiifa

au sous-préfte l'arrondissement de Makaryp.)

ANNEXE RC157 8 mai 1987
Messageradio no 009/MRP/DIST/HALdu chef de district

de Hile-Aiifa au sous-préfet de Makaryet au préfetde
Koussen(départemend te Logoneet Chari) (1p.)

ANNEXE RC158 12mai 1987
Lettreno 005du délégué provincd
iael l'élevage,pêches
et des industries animalespour l'extrême-àMaroua au
Ministre del'Elevage,des Pècheset des Industries animales
à Yaoundé ( avec, en. annexe, le compte rendu de la
réception de l'équipement du cenre contrôle despêches
de KatiKie Makary)(4p)

ANNEXE RC159 13 mai 1987
Messagedu chefde la PAMINT(1p.)

ANNEXE RC160 20 mai 1987
Ordres nationaux:propositionpour la médailledu mérite
camerounaisdu chefde village deKatiKimeII (2 p.)ANNEXERC 161 17juin 1987
Lettre du chef de la subdivision active des douanes de
Kousseriau chef de secteurdes douanes del'extrême-àord
Maroua(3 p.)

ANNEXERC 162 17juin 1987
Messageno 87392lMWPAMINT(1 p.)

18juin 1987
Messageno 87396lMRIPAMINT(1 p.)

19juin 1987
Messageno 87121lMWPAMINTdu chefde la PAMINT
(1P.)

ANNEXERC 163 18juin 1987

es sa nge87120lMWPAMINTdu chefde la PAMINT
(1P.)

ANNEXERC 164 2juillet 1987
Synthèse mensuelle de renseignements no

870033lTRMISM7lEMIB2du mois dejuin 1987, ministère
de la Défense,troisième région milie4 p.)

ANNEXERC 165 2juillet 1987
Note no 029lCF du chef de district de Hile-Alifa au préfet

du département e Logoneet Chari (1 p.)

ANNEXERC 166 13août 1987
Message no23lDISTlHALdu chef de districtde Hile-Alifa
au sous-préfetde Makary pour le préfet de Logoneet Chari

(2P.)

ANNEXERC 167 20 octobre 1987
Lettre no 28ILIDISTIHALdu chef de districtde Hile-Alifa
aux blarnas des villages de Naga'a, Tchika, Kati Kimé1,

Kati Kimé II,Mafoulso III, Goretal-Goutoune, Kafouram,
Saguir, Gore-Tchandi.. avec, en annexe, l'arrêté
no01851AIMINATIDAP fixant la listedesbureauxde vote
l'occasion des élections municipalesdu 25 octobre 1987
(42P.)ANNEXERC 168 20 décembre1987
Compterendu de mission du SICAbaniMadji au Secrétaire
d'Etatàla Défense(2p.)

ANNEXERC 169 14janvier 1988
Arrêtépréfectoralno 005/AP/D23/SP portant désignation
des chefs traditionnelsde 3'" degrédans certaineslocalités
du districtde Hile-Alifa (2p.)

ANNEXERC 170 25 mars 1988
Note verbalede la Républiquedu Camerouà l'ambassade
de la Républiqfédéraldu Nigérià Yaoundé(1 p.)

ANNEXERC 171 3-4 mai 1988
Note verbaleno003814/DIPLISDAACISAC/5du ministère
des Relations extérieures du Camerounà Yaoundéà
l'ambassade de laRépubliquefédéreu Nigéria(1 p.)

ANNEXERC 172 14juin 1988
Communiquéconjoint (agenda + liste des participants)
(4 P.)

17juin 1988
Lettre no 079/SESI/DST/AOKRIdu chef d'antenne de la
surveillanceterritoriale deKousseri auSecrétairela
sécurité intériàYaoundé(2 p.)

ANNEXERC 173 9 juillet 1988
Rapport sur l'incident survenu le 4/07/1988au large de
Darak entre la PAMINT et les forcesnigérianesinsàallées
Darak (4p.)

ANNEXERC 174 18juillet 1988
Lettre au chefde serviceprovincialdes pêcI'extrême-
nord à Maroua au Ministre de l'Elevage,des Pêet des
Industries animalesoundé(3p.)

ANNEXERC 175 14septembre1988
Note no 054ILIDISTIHALdu chefde district de Hile-Alifa
au préfetde Logone etChariKousseri(1 p.)ANNEXE RC 176 Il octobre 1988
Quittanced'impôts 198711988(1 p.)

ANNEXE RC 177 31 octobre 1988
Communiquéconjoint de la'" réunionentre les autorités
de Logone et Chari (Républiquedu Cameroun) et cellesdes
circonscriptionsadministrativesde Ngala (3 p.)

ANNEXE RC 178 7 novembre 1988
Noted'informatino 0142/SESI/DST/AOKRI(6 p.)

ANNEXE RC 179 1988
Liste des collecteurs d'impôt forfaitaire du district de Hile-
Alifa(2 p.)

ANNEXE RC 180 198811989
Comitésde développementde l'arrondissement deKombo
Abedimoet du districtdabato(4p.)

ANNEXE RC 181 14février 1989et 1" mars 1991
Quittancesd'impôt forfaitaireet taxed'ambulance

ANNEXE RC 182 27 avril 1989

Quittancede droits de place sur le marché(1p.)

ANNEXE RC 183 16mars 1990
Note verbale no 02298 du ministère des Relations

extérieuresdu Cameroun Yaoundéà l'ambassade de la
Républiquefédéradu NigériaYaoundé(1 p.)

17avril 1990
ANNEXE RC 184
Note verbaleo 03188IDIPLISDAACISCE15du ministère
des Relations extérieures du Camerounambassade du
Nigéria Yaoundé(2 p.)

ANNEXE RC 185 23 avril 1990
Lettre no3385lSDAACISCE15du ministèredes Relations
extérieures au Secrétaire génal la présidencede la
RépubliqueYaoundé(2 p.)ANNEXE RC 186 18juin 1990
Programme de la tournéede recensement fiscal dans le
districtdeile-Alifa,exercice 199011991(2 p.)

ANNEXE RC 187 30octobre 1990
Message no 005699/4/MP/SED/245du Secrétaire
d1Etatà
la Défense au minisdee la Défense(1 p.)

ANNEXERC 188 7 décembre 1990
Télexno 298IMTLXIMINATIDOTISOA lBmOinistère
de l'Administrationterritoriale à Yaoundéau ministère des

Relations extérieuresndé(1 p.)

ANNEXE RC 189 21 décembre1990
Lettreno 107/L/SEC.l/SP du gouverneurde la provincedu
sud-ouest au Ministrede l'Administration terriàoriale
Yaoundé(4 p.)

ANNEXE RC 190 janvier 1991
Télégrammede DIPLOCAM Yaoundéau ministèrede
l'AdministrationterritàYaoundé(1 p.)

ANNEXE RC 191 26janvier 1991
District décisionno 02/91 to re-enforce the digging and
construction of pit-latrines throughoutFuru-Awa District
(1P.)

ANNEXE RC 192 3 mai 1991
Message no 402/TR/MINDEF101 du ministère de la
Défenseau Ministre des Relations extéràeYaoundé
aveccopied'un message radiop.)

ANNEXE RC 193 11mai 1991

Message télex no 569IMTLXIMINATIDAPISDAAdu
ministèrede l'Administrationterritoriale au ministère des
Relations extérieàYaoundé(1 p.)

ANNEXE RC 194 16mai 1991
Message télexno2058lDIPLIDl de DIPLOCAMYaoundé

au ministère de l'Administration terriàoYaoundé
(1P.) ANNEXERC 195 (?)juin 1991
Note verbale no1251114Nol.IIIl91 de l'ambassade de la
République fédéradlu Nigéria Yaoundé auministère des
Relations extérieude la Républiqdu Cameroun(1 p.)

ANNEXERC 196 199211993
Fiche d'impôtdu villagede Gore-Talgoutoune (2p.)

ANNEXERC 197 199211994
Carte sanitairedu sud-ouest. ProjetCamerounIGTZ
(Allemagne)

ANNEXERC 198 6juillet 1993

Lettre no0261ILHICFICABdu gouvemeurde la province
de l'Adamaoua au Vice-Premier Ministre chargé de
l'Administration territorialendé(2p.)

ANNEXE RC 199 1993

Efut Ekondoclan Councilalabar(4 p.)

ANNEXE RC 200 5 octobre 1994
A report about Mbelogo Village of the Furu-AwaSub-

Division (2 p.)

ANNEXERC 201 199411995
Dossier sur l'enlèvement parla police nigérianede deux

gendarmes camerounais Mbelego (16 p.)

1 ANNEXE RC202 20 février1995
Lettre no0024lCFIPSl226du commissaire spécialu Faro
et Deoà Tignèreau chef de service provincial dela sûreté

nationalede l'AdamaouaNgaoundere(3 p.)

1 ANNEXERC 203 3 février1996
Message radiono0247lLSOIREIRS4de COLEGION à

Buéaau ministèrede la DéfenseàYaoundé(1 p.)

1 ANNEXE RC 204 3 février1996
Message no 252lLSOIRTIRS14de COLEGION sud-ouest à
Buéaau gouvemeur de la province du sud-ouestà Buéa

(1 P.)3EM PEARTIE :LA RESPONSABILITEINTERNATIONALE DUNIGERIA...p. 455

CHAPITRE10 :LESPRINCIPES APPLICABLES .............................457................

SECTION 1: LES ELEMENTS DE LA RESPONSABILITE
INTERNATIONALEDUNIGERIA ...............................................5........
....
. . . .
5 1. Le pnncipe general............................................p..5.........
.....

5 3 .La violation par le Nigénade sesobligationsenvers
leCameroun..............................................................3.........
......................
p 464
A -La réalitéconcrète dduifféren.............................................
B -L'interdiction absoluedu recoursa la for.......................46......
C -La clartédela délimitationtemtonale ...........................466...............
D -L'interdiction du recouràla forces'imposesurtout
par rapportauxdifférendstemtonaux .....................................................
E -"Honestbelie...t "reasonablemistake"n'excluent
pas la responsabilitedu Nigér.....................................47................
F ...a légitime défense ne peut être invoquépear le
Nigena ...........................................................4.72.........
..........................

5 4 .Les conséquencesde la responsabilitduNigéria .................p.4..3..

SECTION2 :LA PREUVEDE LA RESPONSABILITE......................................475.p.

5 1 .La charge dela preuve...........................................4
.5.........................
A - ~'occu~ation par la force d'une partiede la
presqu'île deBakassiet de la régiondeDarak........................4..5...
B -Les incidentsde frontièr......................................:4..6......

5 2 .Le rôle des protestations.......................................4
80............................

CHAPITRE11 :LESFAITS INTERNATIONALEMENT ILLICITES
ATTRIBUABLEAU NIGERIA(ET LEURSCONSEQUENCES )...............4...

SECTION 1 :DETERMINATIONDES FAITSPERTINENTS...................................485

5 1 .La portée desarrêtsde la Courdes Il jui1998 et25
mars 1999.............................................................85.........
............................p
5 2- La nature et la portée desconclusionsdu Cameroun
relativesàla responsabilité du Nigé................................p..........ANNEXERC 213 28 mars 1996
Message télex no 152IlMTLXIVPMIATIDAPlS DuAA
Vice-Premier Ministre chargé de l'Administration
territoriale au Secrétagénéralde la présidencede la

Républiqueà Yaoundé (1 p.)

ANNEXERC 214 8 avril 1996

Lettre no 24/LIH49.011SP du sous-préfet de
l'arrondissementde Mayo Baleoau préfetdu département
de Faroet Déoà Tignère(3 p.)

27 septembre 1996
ANNEXERC 215
Lettre no 0977 du ministèredes forces armées auVice-
Premier Ministre chargéde l'Administrationtemtorialà
Yaoundé avec, enannexe, un message rad(2 p.)

ANNEXERC 216 1996(?)sans date
Afidavit du capitaine decorvette, commandantde l'unitéde
la marinenationale camerounaisedabato(3p.)

ANNEXERC 217 1996(?)
Note verbale no 08646(?)lDIPLIDl du ministère des
Relationsextérieuresau haut commissariatde la République
fédérale du Nigériaaoundé(2 p.)

ANNEXERC 218 1996(?)
Briefingsur l'opération Dea6 p.)

ANNEXERC 219 9 janvier 1997
Note no lIDGSNIDST1131à l'intentiondu chef du secteur
opérationnele la surveillancedu territoireàMaroua (1 p.)

ANNEXERC 220 3 février1997
Messageradio no 2314-JOICIEde COCOMPGENDTignère
àCOLEGIONNgaoundere(1 p.)

ANNEXERC 221 2 avril 1997
Noteverbaleno 00828lDIPLIDl du ministèredes Relations
extérieures de la République du Cameroun au haut
commissariat de la République fédérale dN uigéria à
Yaoundé(2 p.)ANNEXERC222 10avril 1997
Noteverbaleno 00846lDIPLlD1du ministèredes Relations
extérieures de la République du Cameroun au haut
commissariat de la Républiquefédéraledu Nigéria à
Yaoundé (2 p.)

ANNEXERC223 13avril 1997
Rapport du sous-préfet de Mayo-Baleo sur le conflit
frontalierde Typsan(3 p.)

ANNEXERC224 8juin 1997
A report on the Tour to MbelogoVillage carriedoutby the
DivisionalOfîïcer for Furu-AwaSub-Divisi(5p.)

ANNEXERC225 1997
able arelatif au rattachementdes chefferies de 3"Vegré
de l'arrondissementde Hile-Alifaaux différenteschefferies
de 2*""degré(lawanat ou sultanat)des arrondissements de

Makary,Fotokol. (3 p.)

ANNEXERC226 12mai 1998
Bulletin de renseignements no 00214-BR au sujet de la

dispersion, par le Larnido de Tongo (Nigéria),de tas de
cailloux matérialisant la frontentre le Nigériaet le
Cameroun(1 p.)

ANNEXERC227 20 mai 1998

Messageportédu chef de district de Kontcha au préfetde
Faroet DeoàTignère(1 p.)

ANNEXERC228 199811999

Report on the JukunKuteb Tribal Conflict: hosting of
Refugees, visitof the Nigerian Consul General,Evacuation
(11P.)

ANNEXERC229
14juin 1999
Lettre no039lLIH49-04lSPdu chef de district de Kontcha
aupréfet dudépartementdu Faro etDeo àTignère (3 p.) ANNEXE RC 230 6juillet 1999
Lettre no 031lLlK23-07lSP du sous-préfet de
l'arrondissement de Hile-Alifa aupréfetdu départementde
Logone et Chari à Kousseri (y est jointe une fiche des
chefferies de 3"""degréde l'arrondissementde Hile-Alifa

situées dansla zoneoccupéeparl'arnigériane(7 p.)
l
l
l ANNEXE RC 231 20juillet 1999
Inventaire, référence0-SED no 0228714.MRPISED1220
des incidentsavecle Nigéria dansla zonefrontalièreavec la

province de l'extrême-nord depuis 10p.)

ANNEXE RC 232 20juillet 1999
Note du chef Esoh Itoh Stephen au Président de la
République duCameroun (8p.)

ANNEXE RC 233 22juillet 1999
Message no 9900600lMRFIDELTAIEM102 de
COMDELTA au ministèrede la Défense(1 p.)

ANNEXE RC 234 23juillet 1999
Message no 9900601IMRFIDELTAIEMIOl de
COMDELTA au ministèrede la Défense(4p.)

ANNEXE RC 235 7 août 1999

Procès-verbal d'audition de MM Abdourassoul Adjit,
Ahmat Ramat, Ali Saleh, Idrissa Mihimit et Kamsouloum
Said (p.)

ANNEXE RC 236 9 août 1999

Procès-verbal d'auditionde M. AhmatTom(2p.)

ANNEXE RC 237 10août 1999
Lettre no B0.16IS.4NIII de l'Agent de la République
fédéraldu Nigériaau Greffier de la C.I.J. (2p.)ANNEXE RC 238 12août 1999
Messageno 291/CIE/KS/4TO(1 p.)

25 août 1999
Message no 0788IMRISPSNIEN/DARG/81du chef du

service provincial de la sûreté nationalede l'extrême-
nord (1 p.)

ANNEXE RC 239 16août 1999

Lettrede l'Agentde la RépubliquCamerounau Greffier
de la C.I.J. (2p.)

ANNEXE RC 240 17août 1999
Note du préfetdu département deLogone et Chari au

gouverneurde laprovincede l'extrême-nor2.)p

ANNEXE RC 241 25 août 1999
Affidavitsur l'incidentsurvenule 15 mai 1981 dans le Rio

del Rey(4p.)

ANNEXE RC 242 13septembre1999
Lettre no B0.16/S.4/T/37 de l'Agent de la République

fédéraleu Nigériau Greffierde la C.I.J. (2p.)

ANNEXE RC 243 Il octobre 1999
Lettrede l'agentde la République duCamerounau Greffier
de la C.I.J. (3p.) et corrigendumdu 19octobre 1999(1p.)

ANNEXE RC 244 21mars2000
Consultation del'Accordde Maroua sur le site intemet des
NationsUnies(http:1luntreaty.un.org)(2 p.)TABLE DES MATIERES Sigleset abreviations .................................................P..l.......
...........

Schémade la replique ...............................................P..5.......
.............

CHAPITRE 1 :INTRODUCTION GENERALE ..................................1....

SECTION 1: LES RELATIONS ENTRE LE CAMEROUN ET LE
NIGERIA ...........................................................
..........p..13...............................

5 1 . Stabi. .épolitiq...au Cameroun et évolutionde la
situationpolitique auNigena ..........................................p................
2 . La détermination du Cameroun à régler.
pacifiquement et définitivement.le différendentre les
deuxEtatspar un arrêd t e la Courplutôt quepar unaccord
partielentre les Parties........................................................................
.......17

SECTION2: LA PROCEDURE ......................................................9......
..........

51 .Les différentesétapesde la procédure .................................2........
A .Les mesures conservatoires .......................................................
B . L'examendes exceptionspréliminaires...........................................p.25
C - La demandeeninterprétationde l'arrêd tu 1l juin 1998..................p.27

52 . Manifestationsdansle contre-mémoirede la stratégie
dilatoire duNigena ...................................................p..3.....
.............
A .Responsabilité .................................................p...........
.........
B -Démarcation ...................................................p.......
.............
C -La remise à une phaseultérieurede la délimitation
maritime ...........................................................p.
3.......................

SECTION3 :CONSIDERATIONSGENERALESSURLECONTRE.MEMOIRE .p .33

SECTION4 :PLANDE LA REPLIQUE .........................................p..................lERE PARTIE LA FRONTIERETERRESTRE...................................................p. 41

CHAPITRE2 :LES PRINCIPESAPPLICABLES .....................................

SECTION 1: L'ACCEPTATION. PAR LE NIGERIA. DES
INSTRUMENTSJURIDIOUESDEFIN.SSANTLAFRONTIEREET SES
CONSEQUENCES .........................................................
............................
51 .Constatationde l'accord desParties ..............................p............

52 .La tâche delaCour........................................................................
.. 51

53 .La prétenduedivisibilitédes instmments
conventionnels .......................................................p 52..................

54 .Les ambiguïtés de la thèsenigériane..............................p 57.......

SECTION 2 :LA PREDOMINANCE DU TITRECONVENTIONNEL ............p..60
5 1.Les titre frontaliersreconnusvalidesparles Parties
et leur forcejuridiqu....................................................0.......
.........

52 . Le rôle confinnatifdes "effectivité"................................5.......

53 . Les cartes.........................................................68....................

SECTION 3 :LA PREUVEDUTRACE ..........................................p 71.............

5 1. La chargedelapreuve ...........................................p............
5 2. Les modes d'administration delapreuve...........................................p.73

.
SECTION 4 :LA METHODEDE DELIMITATION ...............................p.7.....
5 1. Le mode deraisonnementnigérianetsesdangers ....................7......

5 2. La nécessitéde se placerà la datedel'indépendanc.e.......................... 79

5. 3 .. La confusion opéréepar le Nigéna entrela
delimitationet ladémarcation ...........................................8..........
5 4. Le rôle de l'acquiescement.......................................p....................

A . Les acquiescementsnigérians ........................................................p.89
B - Les prétendus acquiescementsdu Cameroun
alléguéspar leNigéria .............................................p...........
.
5 5 .Le rôle desprotestations..................................................................p.94CHAPITRE3 :LE SECTEURDULACTCHAD ..............................p............

SECTION 1: LA FRONTIERE DANS LE LAC TCHAD FAIT BIEN
L'OBJETD'UNEDELIMITATIONCONVENTIONNELLE .....................p...01...

5 1 -L'Echangede lettresHenderson-deFleuriau ......................................
5 2 -La délimitation conventionnelleansle lac Tcha.................p..1.4

5 3 - La frontière estconfirméepar lescartes officielles
annexées aux instrumentsdedélimitatio n..................................................

5 4 -Lavolonté d'établi rne frontièrstableet définiti.................1.0

5 5 -L'absence dedémarcationne saurait remettre en
causela délimitationconventionnellede la frontière.................p...2...

SECTION 2: LE DEROULEMENT DES OPERATIONS DE
DEMARCATION DANS LE CADRE DE LA COMMISSION DU
BASSIN DU LAC TCHAD CONFIRME LA DELIMITATION
CONVENTIONNELLE DE LAFRONTIERE ...........................................................p. 122
..
4 1-La saisinede la C.B.L.T........................................p....4.......
3 2 -Lerappel des instrumentsdela délimitationpréalab l............p....6.

5 3 - Le mandat confiépar lesParties à la C.B.L.T. se
limiteà la démarcation dela frontière,à l'exclusionde
touteopération de délimitati.n.....................................p...2.............

5 4 - Le refus de ratification du procès-verbal de
démarcation parle Nigéna ne remet pas en cause la
délimitationconventionnelle........................................p...28...............

SECTION 3 :LE CAMEROUNA ADMINISTREPACIFIQUEMENTLA
ZONE CONTESTEE ET Y A EXERCE SA SOUVERAINETE
CONFORMEMENTAUX EXIGENCESDUDROITINTERNATIONAL .........p..135

SECTION 4 :LE TITRE HlSTORIQUEINVOQUEPAR LE NIGERIA
NE RESISTEPASA L'EXAMEN .............................................p...40........
.......

SECTION 5: LE CAMEROUN N'A JAMAIS ACQUIESCE A UNE
AUTRE FRONTIEREQUE LAFRONTSERE CONVENTIONNELLE ............p...42

SECTION 6 :LE NIGERIA NE SAURAIT AUJOURD'HUI REMETTRE
EN CAUSELADELIMITATIONCONVENTIONNELLE .......................p...4.....CHAPITRE 4 :DULAC TCHAD A BAKASSI ................................p..1...........

SECTION 1:LESINSTRUMENTSPERTINENTS ..................................5......

5 1. Du lacTchadauMontKombon ....................................1...........

5 2. Du MontKombon àlaborne 64 .....................................168................

5 3 .De la borne 64àla CrossRiver (borne114)......................................... 173
5 4 . De la Cross River à la mer : l'appartenance dela
péninsuledeBakassiau Cameroun ............................................................

SECTION2 : LES"DIFFICULTES"RECENSEESPARLENIGERIA ...............1..8
5 1 . Les prétendues contradictions ou incertitudes
textuelles relevéepar leNigeria.................................................................
A L'embouchurede 1'Ebeji .........................................p 178.....................
B .Jimbare ........................................................p.......
.....................
C .Le franchissementduMayo Yim.......................................................183
D - Typsan..............................................................86........
......................1
E -Sapeo ..........................................................p 199.......................

5 2 .L'utilisation descartespar les Parties.................................................. 200
A - Karnale........................................................p 202..
.....................
B - Budunga .........................................................2...
...................
C - MontKombon ..........................................................
.............
D - Bissaula- Tosso ..........................................................
.............

CHAPITRE 5 :LA PENINSULE DE BAKASSI: ..................................2..3......

SECTION 1 :ELEMENTSDEGEOGRAPHIE ...........................................................

51 .Géographiephysique ..................................................9................
..
. .
52 .Géographieeconomique...................................................................p.243

SECTION 2 : LES "TITRES" PRE-COLONIAUX INVOQUES PAR LE
NIGERIA........................................................................
......5......................................2

'61 . Le Nigéria n'établit pas l'existence d'un titre
Calabar"surBakassi .................................................p....5.....
.........
A .Les "Rois et Chefs d'OldCalabar" constituaient-ils
une entité dedroitinternational?............................................................. 246
B - La péninsulede Bakassi relevait-elle de l'entité
"Old Calabar"? ......................................................252...............
.................
5 2 . La non-pertinence de principe des "titres" pré-
coloniaux........................................................................
...............................254

5 3. La thèsenigérianesur la nature desprotectorats.................................. 258
A -Nature desprotectoratsinternationaux...............................6..... B -Protectorats coloniaux ......................................................................
C - Exercice du titre temtorial par la puissance
colonialesur des protectorats.................................................................

5.4 - La confusion du Nigénaau sujet des conséquences
interneset internationalesdu statut de protectorat....................................
5 5 -L'erreur nigériane surla nature des "protectorats" en

l'espèce...........................................................
...........................

SECTION3 :LESTRAITESANGLO-ALLEMANDSDE 1913 ...................p....5.
5 1 -La conclusion du Traité anglo-allemanddu 11mars
..........................................................
1913et de l'Accorddu 12avril 1913
5 2 -L'absenced'effetjuridique du Traité de Versaillesdu
28juin 1919sur leTraitéanglo-allemanddu 11mars 1913 .......................
A - Le sens et la portéede l'article 289 du Traité de
Versailles du 28juin 1919 ..........................................p. 281......................
B -Le contexteduTraitéde Versailles ..................................................

5 3 -Le Traitédu 11mars 1913n'estpasentachéd'erreur ...............p. 292....

SECTION4 :LA CONFIRMATIONDUTITRECONVENTIONNEL .............p...94

5 1 - La confirmation du titre conventionnel avant les
independances ........................................................p. 295..................
A - La Grande-Bretagnen'ajamais administréBakassi
"à titre de souverain...............................................p..............
.....
B -L'administration britannique a toujours considérléa
péninsulede Bakassicomme faisant partie dutemtoire
du Cameroun sous mandat, puis sous tutelle
internationale......................................................p...9...
.................

5 2 - La confirmation du titre conventionnel aprèsles
independances ........................................................p. 302..
....................
A - La confirmation de la frontière de1913 découlant
des négociations directes entrele Cameroun et le
Nigéna ............................................................p....3.....................
B - La confmation de la frontière de1913 découlant
de l'exercice effectif par le Cameroun de sa
souveraineté et desareconnaissanceparle Nigéna ...............................
1") L'exercice pacifique de la souveraineté
camerounaise ...................................................p. 307...
............
2") La reconnaissance par le Nigéria de la
souverainete camerounaise .......................................p. 312...................

CHAPITRE6 : LETRACEDE LAFRONTIEREDU LAC TCHADAUPOINTG...... p. 3212EME PARTIE :LA FRONTIERE MARITIME ....................................................p. 339

CHAPITRE 7 :LANECESSITED'UNEDELIMITATION MARITIME RAPIDE,
COMPLETEETDEFINITIVE ............................................................
.............

SECTION 1 :UNICITEDE LA REQUETECAMEROUNAISEET UNITE
DE LA DELIMITATIONDE LA FRONTIEREENTRELE CAMEROUN
ET LE NIGERIA ...........................................................
...............................

5 1- La question de l'ordredans lequel la délimitationde
la frontière terrestreet de la frontièremaritime doivent
êtreexaminéesa été tranchéepar la Cour ..............................p....6.......

5 2 -L'unicitéde l'objetde la requêtene peut être remise
encause ................................................................
.47...........................

SECTION 2: LES CONSEQUENCES DU REFUS NIGERlAN DE
DEFENDRE UNE LIGNE DE DELIMITATION - LA CHARGEDE LA
PREWE ........................................................................
.......51.....................................3

CHAPITRE 8 :L'ACCORD DE MAROUA ET LE SECTEURDELIMITE
(JUSQU'AU POINT G) .........................................................p....7.................

SECTION 1 :RAPPEL HISTORIQUE ...............................................6..............
..

SECTION 2 : LA VALEUR JURIDIQUEMENT OBLIGATOIRE DE
L'ACCORDDE MAROUA ..........................................................66.......
..................

5 1 - L'Accord de Maroua est un accord en forme
simplifiéeentré en vigueurdu seul fait de sa signaturepar
lesdeuxChefs dtEtat........................................................................
...........p.367
A -La signaturedesChefs d'Etat engage1'Etat....................................p.368
B -La non pertinencedu droit national .................................7..........
C - L'inexistenced'uneexigence de "ratification"par le
Conseil militaire suprêmeà la date pertinent...........................7...

5 2 - Le caractèreobligatoire de l'Accordde Maroua est
confirmépar le recours auxrègles usuellesd'interprétation.......................p. 377
A - Le texte, l'objetet le but de I'AccorddeMaroua....................37.....
B - Le contexte - Le Communiquéconjoint etI'Echange
de lettres ultérie....................................................3............
.......
C -La pratique subséquente............................................380...............CHAPITRE9 :LA DELIMITATION MARITIMEAU-DELADU POINTG ....p. 385

SECTION 1 : LA NECESSITE D'UNE LIGNE UNIQUE DE
DELIMITATIONDE LA FRONTIEREMARITIME .................................89.....

SECTION 2: LA METHODE DE DELIMITATION PERTINENTE -
L'OBJECTION NIGERIANE FONDEE SUR L'ABSENCE DE
DELIMITATIONCONVENTIONNELLE ............................................93............

5 1- Des négociations ont eu lieuentre les Partieset leur
reprisene serait pas fondéeen droit.......................................93.........

5 ...... Cour doit s'acquitterde manière complètede sa
missionjudiciaire ........................................................99
..............

SECTION 3 :LE TRACE DE LA FRONTIERE MARITIME AU-DELA
DU POINT G .............................................................
.....p.401..............................

5 1 -Une ligne équitablepréservantle droit des Parties............................
A - Les circonstancepertinentesde l'espèce..........................................
1") La configuration des côtes camerounaises et
nigérianes.........................................................403
..................
2") La présencede file de Bioko .......................................................
B - La méthodemiseen Œuvre ........................................4.9.........
1")Une approchesegmentée dela frontièremaritime........................ 413
2") Une méthode conditionnée par l'équité du
résultat.........................................................p.417......................

5 2 -Principes applicables et vérification de l'équité du
résultat..............................................................
..41...........................
A -Les principes applicablesàla déterminationdu tracé ......................
1') Le "prolongement naturel" à la lumière du
cntere de la distanc.................................................9........
..
2O)Le rôle deladistance ...................................................................
B - Incidence des principes appliquéset vérification de
1equitédu résultat ...............................................................
.........

5 3 - La pratique..es Etats de la régionen matière de
concessions pétrolieres................................................p.427...........
.......
A - La pertinence limitéede la pratique des Etats en
matièrede concessionspetrolieres .........................................................
B - La présentation erronée faite par le Nigériade la
pratique des Etatsconcernésen matière de concessions
petrolieres.........................................................p.43 1......................

SECTION4 :L'INCIDENCEDES DROITSDES TIERS ...........................p..4.......

1 - La décision de la Cour relative à la huitième
exception preliminaireduNigena. .........................................4..........

52 - Les effets de larequêtde la Guinée équatorial e fin
d'interventio.........................................................p.
4.....................3EM PEARTIE :LA RESPONSABILITEINTERNATIONALE DUNIGERIA...p. 455

CHAPITRE10 :LESPRINCIPES APPLICABLES .............................457................

SECTION 1: LES ELEMENTS DE LA RESPONSABILITE
INTERNATIONALEDUNIGERIA ...............................................5........
....
. . . .
5 1. Le pnncipe general............................................p..5.........
.....

5 3 .La violation par le Nigénade sesobligationsenvers
leCameroun..............................................................3.........
......................
p 464
A -La réalitéconcrète dduifféren.............................................
B -L'interdiction absoluedu recoursa la for.......................46......
C -La clartédela délimitationtemtonale ...........................466...............
D -L'interdiction du recouràla forces'imposesurtout
par rapportauxdifférendstemtonaux .....................................................
E -"Honestbelie...t "reasonablemistake"n'excluent
pas la responsabilitedu Nigér.....................................47................
F ...a légitime défense ne peut être invoquépear le
Nigena ...........................................................4.72.........
..........................

5 4 .Les conséquencesde la responsabilitduNigéria .................p.4..3..

SECTION2 :LA PREUVEDE LA RESPONSABILITE......................................475.p.

5 1 .La charge dela preuve...........................................4
.5.........................
A - ~'occu~ation par la force d'une partiede la
presqu'île deBakassiet de la régiondeDarak........................4..5...
B -Les incidentsde frontièr......................................:4..6......

5 2 .Le rôle des protestations.......................................4
80............................

CHAPITRE11 :LESFAITS INTERNATIONALEMENT ILLICITES
ATTRIBUABLEAU NIGERIA(ET LEURSCONSEQUENCES )...............4...

SECTION 1 :DETERMINATIONDES FAITSPERTINENTS...................................485

5 1 .La portée desarrêtsde la Courdes Il jui1998 et25
mars 1999.............................................................85.........
............................p
5 2- La nature et la portée desconclusionsdu Cameroun
relativesàla responsabilité du Nigé................................p..........SECTION2 :LESINCURSIONSETAUTRES ACTESILLICITESDANS
LA PRESQU'ILEDE BAKASSIETSONINVASION ............................p...9........

5 1.L'incidentdu 25 mai 1970 ............................................96....................4

4 2. L'enlèvementet la séquestration de M . Esabe. chef
de district d'ldabato. le 21 janvier 1981 à Kombo
Abedimo ..........................................................
..........................
A Les faits........................................................................
......................498
B - L'attitude du Cameroun ....................................................................
§ 3 . L'incident rapporté dansla note du 16 avril 1981
relatià l'occupation fréquentede Jabane en 1981. et
. . .
autresincidents dumême ordr ............................................03............
44 .L'incursionmilitairenigériane du 16mai 1981.................................... 505
A -Les preuves duNigena.. ......................................p 506......................
B - Les conclusions erronéesdu Nigériatirées de
l'attitude concilianteduCameroun .........................................................

55..L'incidentdu 16juin 1984 ..................................................................

56 .L'incident citépar lemessagedu2 décembre1985.et
lesautres incidentsdu même ordre............................................................ 511
A -L'incidentévoqué explicitementparle mémoire.............................p. 511
1")Lieu ..............................................................11........
....................5
2") Date .......................................................p 513.
.....................
3 ) Preuves ....................................................p 514..
................
B - Les incidents de mêmenature quin'ont pas été
évoqués explicitementdans le mémoire ...........................................

5 7 . Les incursions nigérianesrécurrentes à Jabane à
partirde la secondemoitiédesannées1980..............................................p. 517
8 . L'arrestation detrois policiers camerounaispar la
manne nigériane le 6mars 1990 àJabane ...................................3..........
A .Lieu de l'enlèvemen t.........................................p....3...............

B .Date de l'.nl.vemen t.........................................p...26...................
C .Autres ob~ections..............................................p..5...............
.....
4 9 . L'invasion militaire nigérianede décembre1993-
février1994................................................................7.......
........................

5 10 . Les faits postérieurs au dépôt du mémoire
camerounais ............................................................5.8
........................
A .Les faits évoquél sors de la demandeen indication
demesures conservatoires ..............................................9..............
Io) L'attaquenigérianedu3 février1996..........................................p.529
a) Le déclenchement del'attaque.......................................................529
b) La progressionnigenane............................................................... 531
2") La nouvelleattaquenigériane .............................................
3O) La version nigériane des faits n'a aucun
fondement ........................................................................
...................532
B - Les faits évoqués dansle mémorandumsur la
procédure ........................................................................
..........................535SECTION 3 :L'OCCUPATIONDE LA REGION CAMEROUNAISEDU
LACTCHAD ........................................................
..................................

$ 1-.e,.faits q,i e.gagentla responsabilitéinternationale
duNigeriasont etabli.................................................5..6...
........
A -L'occupationde la partie camerounaisede la région
du lac Tchad est établie......................................................
...............
1°)L'objet essentielde la réclamationdu Cameroun
est l'invasion etl'occupation d'une partie de son
territoire....................................................p.537 ....................
2O) Les faits qui constituent l'invasion puis
l'occupationsontreconnus par leNigérialui-même ...............p.5.38
B - Les incursions nigérianes dans la région
camerounaisedu lacTchad sont établies..............................5.......
1") L'invasion etl'occupation militairesde villages
camerounaisdulacTchad par leNigéria .........................p.5..0...
2") Les exactions commises par les militaires
nigérians contre les citoyens et autorités
camerounais ....................................................5..2..
..............

5 2- Les conditionsjuridiques nécessairesà l'engagement
dela responsabilitéinternationaleduNigériasont réunie...................4
A - L'occupa.i,. du temtoire camerounais est
atîribuableauNigena ............................................p.5..5......
....
B - L'argument fondé sur l'"erreurraisonnable" ou la
"bonne foi" ne saurait exonérer le Nigéria de sa
responsabilit...................................................p.......
.................
C -L'argument fondé sur une "prescription extinctive"
ne sauraitêtrretenu.............................................p...4..........
......

SECTION 4: LES INCIDENTS LELONG DE LA FRONTIERE ENTRE
LE LACTCHADET BAKASSI .........................................................
..........

$1 -L'occupationdeTypsan ........................................p.....................
A - Le Cameroun a toléréla présencepacifique de
Nigériansà Typsanjusqu'à 1994...........................................................
B - Lorsque la présence initialement tolérées'est
transforméeen une occupation, le Cameroun aprotesté
et saisila Cou.............................................................
...............
C - Depuis 1994 ,e Nigériapoursuitune politique du
fait accompli, en accroissant rapidement son emprise
surTypsan ......................................................p.553 .....................
D - L'occupation nigériane se traduit par des
destructionsdepreuves...............................................5...........
..

$2 -Les voies de faitnigérianes entemtoire camerounai..................5.6
A - Enlèvementd'un citoyen camerounaispar trois
policiersnigérianà Kolofata le29mai 1989........................................
B - Arrestation le6 juillet1992 de quatre citoyens
camerounaispar lapolice nigérianeàMandur Yang ....................5..CHAPITRE12 :LESDEMANDESRECONVENTIONNELLES FORMULEES
PARLE NIGERIA .........................................................
...559.....................

SECTION 1: LE CARACTERE ARTIFICIEL DES DEMANDES
RECONVENTIONNELLES DUNIGERIA ........................................5.1............

SECTION 2 : REFUTATION DES DEMANDES
RECONVENTIONNELLES DUNIGERIA ......................................p 563....................
5 1 . Dans la péninsule de Bakassiet les zones
avoisinantes............................................................64..........
........................5

52 . Lac Tchad........................................................5.7
...................

53 . Le secteur central dela frontièreterre...................................
.
54 ."Autres cas" .....................................................5..
...............

CHAPITRE13 :CONCLUSIONSDELAREPUBLIQUEDUCAMEROUN .....589

LISTE DESCARTES ILLUSTRATIVES .........................................95......

LISTEDESANNEXES .......................................................p 601....................

TABLEDESMATIERES .....................................................p 633
..................

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Réplique de la République du Cameroun

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