Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel
AFFAIREDEL'APPELCONCERNANTLA COMPÉTENCE
DU C;ONSEILDIEL'OACI
Arrêt du 18 août 1972
Dans son arrêtdans l'affairede l'Appelconcernant la Pitkistan nie qu'un tel régimeait jamais existéet sou-
compétencedu Conseilde I'OACI(Indec. Pakistan), la tient quelesdeuxtraités n'ont pas cesséd'êtreapplica-
Cour, par 13voix contre 3, a rejetéles objections du bles depuis 1966.
Gouvernement pakistanais sur la question de sa com-
péteniceet dit qu'elle était compétente pourconnaître Le 4 février1971, à la suite d'un accident relatif au
de l'appel de l'Inde. dktournement d'un avionindienvers lePakistan, l'Inde
a :suspendulessurvols de sonterritoire par lesappareils
Par 14voix contre 2, elle a décidé quele Conseil de civils pakistanais. Le 3 mars 1971, le Pakistan, allé-
1'OAiZI est compétentpourconnaîtrede larequêteet de guant que l'Indeavait violélestraités,a saisile Conseil
la plainte dont leouverne:mentpakistanais 1';isaisi le de I'OACI (Organisation de l'aviation civile interna-
3 mars 1971et elle a rejeté en conséquence: l'appel tionale):a) d'une requête présentée en vertu de l'arti-
intejeté devant ellepar le (iouvernement indiencontre cle 84 de la Convention de Chicago et de l'article II,
la décision par laquelle le Conseils'était déclarcom- section 2, de l'Accord de transit: 6)d'une plainte pré-
péterntsur ces demandes. se:ntéeen vertu de l'article II, section 1,de l'Accordde
Aux fins de l'affaire, la Cour était composte:comme tr.ansit. L'Inde ayant opposé des exceptions prélimi-
suit :M. Ammoun, vice-présidentfaisant fonction de naires d'incompétence, le Conseil s'est dtclaré com-
président; sir Muhammad Zafrulla Khan, prtsident; pktent par décisionsdu 29juillet 1971.Le 30août sui-
sir Gerald Fitzmaurice, MM. Padilla Nervo, Forster, vant, le Gouvernement indien a intejeté appel contre
Gros, Bengzon, Petrén, Lachs, Onyeama, Dillard, ces décisions,invoquantcomme sourcede sondroitde
1gnac:io-Pinto,de Castro, Morozov, Jiménez de Aré- recours et comme fondement de la compttence de la
chaga, juges; M. Nagendrii Singh, juge ad hoc. Crourl'article 84de la Convention de Chicago et l'arti-
cleII, section2, de'Accord detransit(ci-aprèsdénom-
SirMuhammad Zafrulla IKhanet M. Lachs ointjoint à mts les clausesjuridictionnelles des traités).
1'arrêd:tes déclarations. Compétencede la Cour pour connuître de l'appel (pa-
Mld. Petrtn, Onyeama, Dillard,deCastro et Jimtnez ragraphes 13 à 26 de l'arrêt)
de Aréchaga y ont joint liasexposts de leur opinion
individuelle. Le Pakistan soulèvedes objections quant à la com-
Mld. Morozov et Nage:ndra Singh y ont joint les pktence de la Cour pour connaître de l'appel. L'Inde
exposésde leur opinion dissidente. faitobserver que le Pakistann'a pas soulevécesobjec-
tions comme excevtions oréliminairesen vertu de l'ar-
* ticle 62du ~èglemênd te ia Cour, maislaCourconstate
* * qu'elledoit toujourss'assurer de sacompétenceet, s'il
y a lieu, l'examiner d'office.
Faits et thèses principalesdes parties (paragraphes 1 La thèsedu Pakistan est tout que est
à 12de l'arrêt) empêchée d'invoquer la compétencede la Cour parce
Dans son arrêt.la Cour rappelle qu'elle n'a à s'oc- qii'elle soutienà,propos du différend. queles traités
cupe.rdes faitsserattachant aufonddu différendoudes nt: sont pas en vigueur et parce qu'il en résulterait, si
thèsesdes parties à ce sujet que dans la mesure où ces ce:laétaitexact, que leurs clauses juridictionnelles se-
élémentspeuvent concerner la question purement ju- raient inapplicables. La Cour estime que la thèse du
ridictionnelle qui seule a étéportte devant elle. Piikistan n'est pas fondéecar : a) l'Inde ne dit pas que
CC:Straités multilattraux ne sont plus en vigueur de
E~ vertu de la convention de chicago de 1944re- façon dtfinitive mais dit qu'ils sont suspendus ou ne
Chicago de 1944relatif au transit des service:; aériens SC'ntas appliquts en fait entre elle et le ~akistan; 6)la
~~1~~e"siop ~urement ~nilattrale d'un traitt ne peut
intemationaux, les civils pakistanais avaient suffireà rendre inoptrantes ses clauses juridiction-
le droit de survoler le territoire indien. A l ~ ~ , ~ ~ nelles;c)lacompttencede laCourne saurait êtrertglée
d'hostilitésentre l'Indeet 1: akistan survenue:senaoût par des considtrationsde forclusion; d) lesparties doi-
1965?les survols ont tté suspendus, mais ftvrier vent êtrelibresd'invoquer desclausesjuridictionnelles
1966les Parties sesont mises d'accord pour leUrreprise Sa.nsrisquer de rdduireà néant leur thèseau fond.
immtSdiatesur la mêmebase le l.ac,ût 1965.
Le Pakistan interprète cet:engagement comnie signi- Le Pakistan soutient ensuite que les clauses juridic-
fiantquelessurvolsdevaientreprendresur labase dela tionnelles des traitésprévoientun appel devant la Cour
Convention de Chicago et de l'Accord de transit, mais contre les décisions définitivesdu Conseil sur le fond
l'Inde soutientque ces deuxtraités, suspenduspendant des différends et non contre ses décisions provisoi-
leshostilités,n'ont pasétéremis en vigueurentant que res ou préliminaires.La Cour pense qu'une décision
tels et queles survols ontepris sur labase d'u.nrégime di1Conseil sur sa compétence ne se range pas dans
spécial les subordonnant à autorisation de ly1.nde.Le la mêmecatégorieque des décisiorisprocédurales ou
107interlocutoiresportant sur la fixation de délais,la pro- dehors du champde compétence du Conseil. Elle sou-
duction de documents, etc. En effet : a) bien qu'une tient que les traités n'ont jamaiséremis en vigueur
décisionsurlacompétence netranche pas lefond même depuis 1965et qu'en toutcas elleétaitfondéeàymettre
du procès, c'est quand mêmeune décision fondamen- fin ouà en suspendre l'applicationà partir de 1971en
tale qui peut réglerl'affaire en ymettant fin; 6) une raison d'une violation substantielle commisepar lPa-
exception d'incompétence a notamment pour intérêt kistanà l'occasion du détournement d'avion. L'Inde
d'offrirà l'une des parties la possibilitéd'éviter un ajoutequelesclausesjuridictionnellesdestraités n'au-
sion sur lacompétencecomporte un certain examen duci- torisent le Conseiàconnaître que des désaccords sur-
fond; 6)lesquestionsdecompétencepeuventaussi être veriantà propos de I'interprbtation ou de l'application
importantes et complexes que celles qui se posent à a traitdleur extinction oàlleur suspension. Bien quee
propos du fond; e) permettre à un organeinternational
de connaître du fond d'un différend tantque sa com- rend, laCourobserve m:a) queles notifications del'Inde
pétencen'est pas établie serait contraire aux normes de 1965et 1971paraissent avoir concerné les survols
reconnues d'une bonne administration de lajustice. plutôtque lestraitéseux-mêmes; b)qu'ilne semblepas
que l'Inde ait jamais précisé quelles dispositions des
En ce qui concerne plus particulièrementsaplainte traitésauraientétéviolées;c)quelajustificationqu'elle
au Conseilde I'OACI,lePakistan afait valoirqu'elle se fournit pour avoir suspendu l'application des traités en
fonde sur l'article II, section 1,de l'Accord de transit 1971est tiréenon pas de leurs dispositions mais d'un
(alors que la requête se fonde sur l'article 84 de la principe du droit international généralou du droit des
Convention de Chicago et sur I'article II, section 2, de traités.Au surplus on ne saurait admettre qu'une sim-
l'Accord de transit). Orlesdécisionsprises par le Con- pleassertionunilatéralede ces thèses. contestéespar la
seil sur la base de l'article II, section 1, ne constituePartie adverse. élimine lacompétencedu Conseil.
vas matière àavvel. car elles ne portent vas sur des
actes illicites oÛdes violations dei traités?comme les Passant à l'aspect positif de la question, la Cour
décisionsprises en vertu des deux autres dispositions constate quelademande du Pakistanrévèlel'existence
ci-dessusmentionnées),mais surdesmesuresqui,tout d'un désaccord à propos de l'interprétation ou de l'ap-
en étant licites, entraînent une injustice ou un pré- plication des traités et que les moyens de défensede
judice. La Cour constate qu'en l'espèce la plainte du l'Inde soulèvent aussi des problèmes d'interprétation
Pakistan ne concerne guère le genre de situation que ou (l'applicationdeces instmments. En premier lieu, le
l'article11, section 1, vise surtout; en effet I'injus- Pak.istancite des dispositions précises des traités que
tice et le préjudice invoqués dans cette plainte sont l'Inde aurait violéesen refusant les survols et l'Inde
le résultat d'une mesure qui est taxéed'illicite parce formule des griefs relatiàsune violation substantielle
qu'elle aurait violéles traités. Contenant exactement de la Convention qui aurait étécommise par le Pakis-
les mêmesgriefs de violation destraités quela requête, tan :pour vbrifier le bien-fondé de ces accusations
la plainte peut lui êtreassimiléeen ce qui concerne le réciproques, le Conseil serait inévitablementmen6 à
droit d'appel: toute autre solutionpourrait condiiirà interpréterouà appliquerlestraités. En deuxièmelieu,
des situations paradoxales. l'Indesoutient que lestraitésauraientbtéremplacéspar
En lé objectionsà la de laCour un régimespéci'alm, ais ilparaît clair queles article; 82
fondéessur ~'i~~~~li~~bild i~es traitésen tant que tels et 83de la Convention de Chicago (relatifsà l'abroga-
ou sur~~i~~~~li~~bid lieeurs clauses juridictionnelles tion d'arrangements incompatibles et à l'enregistre-
ne sauraient êtreretenues. La Cour est donc corn- ment de IIC3uveauxarrangements) entrent enjeu quand
petente en vertu de ces clauses et ilest sans pertinence cefiaines parties prétendentlaremp1acertot Oulement
d'examiner les objections visant d'autres fondements partiellement par un autre accord entre elles; tout ré-
possibles de la compétencede la Cour. gime spécialou tout dbsaccord au sujet de l'existence
Au sur~lus, puisque c'est la première fois qu'elle a d'un pareil régimesoulèvedoncdesproblèmes d'inter-
I'occasionde Statuersur un appel, laCour observeque, prél:ationou d'application deces articles. En troisième
en prévoyant un appel devant la Cour contre les dé- lieu, sil'Inde soutie-t ce qui est lefondement même
cisions du Conseil de I'OACI, les traités ont rendu de son attitude- que les traités sont suspendus ou
possible uncontrôle de lalégalitdeces décisionsparla éteintsentre elleet lePakistan, cedernier faitvaloirque
Cour et que* de ce point de vue, rien ne Permet de le problèmeest envisagépar les articles 89et 95 de la
distinguerlecontrôle de lacompétenceetceluidufond. Convention de Chicago et par les articles 1 et III de
l'A<:cordde transit; or les deux Parties ont donnédes
interprétationsdivergentesde ces dispositions, quipor-
Compétence dl,conseil de /90~~~poLlrconnaître du tent sur l'étatde guerrOU de crise nationale et sur la
fond de I'affuire (paragraphes 27à 45 de l'arrêt) dénonciationdes traitbs.
La Cour conclut que le Conseil est compétent en
En ce qui concerne le bien-fondédes décisionsdu l'espèceet qu'elle n'a paà définirl'étendueexacte de
Conseil de I'OACIen date du 29juillet 1971,ils'agitde cette compétenceau-delà de ce qu'elle a indiqué.
savoir si l'affaire soumise au Conseil par le Pakistan L'I~~~soutient encore, ce que le pakistan conteste,
implique, aux termes des clausesjuridictionnelles des que les décisionspar lesquelles le conseil déclaré
traités, un désaccord à propos de l'interprétation ou com,pétenten l'espèce ont étévioléespar des irré-
de l'application d'une ou plusieurs dispositions de ces gularitésde proc~dure et que la cou, d.evrait en con-
traités. S'il en est ainsi, le Conseilàepremière vue séquenceles déclarernulles et le dossier au
compétent, que des données extérieures aux traités conseil pour qu'il statue de nouveau. L~ cour con-
puissent aussi êtreinvoquéesou non. sidère que les irrégularités alléguéesà les supposer
L'Inde s'efforcede montrerque ledifférendpeutêtre vérifiées, e constituent pas une atteinte fondamentale
résolusans référence aux traités et se situe donc en aux exigences d'une bonne procédure et que la com-
IO8péteiicedu Conseilest une questionjuridique objective pu se ralliàrladécisionde la Cour relativà sapropre
dont la réponse ne saurait dépendre de ce qui s'est compétence.
passc!devant le Conseil.
M. JiménezdeArécha~a(ovinion individuelle) s'est
Déclarationset opinions i.rzdii~iduellsu disdidentes rallié audispositifde7arrQts.ans toutefoisapprouver la
MIM.Morozov etNagentlra Singh(opinions(lissiden- de la cour quant à sa compétence pour
tes) in'ontpu se ralliàrla décisionde la Coiursur la statuer en appel sur la décisiondu Conseil relatàvla
compétencedu Conseil de:I'OACI. pjainte du Pakistan.
MM. Lachs (déclaration),Dillard et de Castro (opi-
Sir Muhammad Zafrulla Khan (déclaration) et n:ionsindividuelles) ont ajoutéà l'arrêt des observa-
MM. Petrén etOnyeama (opinionsindividuelles) n'ont tions complémentaires.
Résumé de l'arrêt du 18 août 1972