Arrêt du 4 décembre 1998

Document Number
096-19981204-JUD-01-00-EN
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INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

FISHERIES JURISDICTION CASE

(SPAINv.CANADA)

JURISDICTION OF THE COURT

JUDGMENTOF 4 DECEMBER1998

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE DE LA COMPÉTENCE
EN MATIÈRE DE PÊCHERIES

(ESPAGNE c. CANADA)

COMPÉTENCE DE LA COUR Officia1citati:n
FisheriesJurisdiction (Spain v. Canada),
Jurisdiction of the Court, Judgment,J. Reports 1998, p. 432

Mode officielde citation:
Compétence en matièrede pêcheries(Espagne c. Canada),
compétencede la Cour, arrêt,C.I.J. Recueil 1998,432

Salesnumber
ISSN 0074-4441 Nodevente: 714
ISBN 92-1-070783-4 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

ANNÉE 1998 4 décembre

Rôle général
4 décembre 1998 no 96

AFFAIRE DE LA COMPÉTENCE

EN MATIÈRE DE PÊCHERIES

(ESPAGNE c. CANADA)

Objet du différend - Rôle de la requêteau regard dela déterminationdes
questionssur lesquelles la Courdoit se prononcer - Définitiondu différendpar
la Cour - Actions spécijîquesdu Canada prises sur lefondement de certains

textes législatifset réglementaires,et conséquences juridiques de ces actions.
Compétencede la Cour - Question du ressort de la Cour elle-même -
Absence de charge de lapreuve.
Déclarationsd'acceptationde lajuridiction obligatoirede la Cour - Condi-
tions et réserves entant qu'éléments servant à déterminerl'étenduede l'accepta-
tion de lajuridiction de la Cour et non à déroger à une acceptation plus large

déjàdonnée - Interprétationdes diversélémentsd'unedéclarationcommefor-
mant un tout - Déclarations successives - Régimes'appliquant à l'interpréta-
tion des déclarationsen tant qu'actes unilatéraux etrégimeétablipour l'inter-
prétation destraités - Interprétationdes termespertinents d'une déclaration, y
compris les réserves,d'une manière naturelle et raisonnable, compte dûment
tenu de l'intention de I'Etat déclarant - Recherche de l'intention - Règle
contra proferentem - Principe de l'effet utile - Défaut de pertinence de la

licéité desactes couverts par une réserveaux fins de l'interprétationde cette
réserve - Article 33 de la Charte.
Alinéa d) du paragraphe 2 de la déclarationdu Canada du IO mai 1994 -
Intention ayant présidé à l'adoption dece texte - Liens entre la nouvelledécla-
ration du Canadaet sa nouvelle législationsur laprotection despêches côtières
- Débatsparlementaires.

Interprétationdu texte de la réserve:
((Différendsauxquels pourraient donnerlieu» - Caractère largeet englobant
de laformule - Différends ayantpour «objet» les mesures viséesdans la

réserve,y ((ayant trait» ou y trouvant leur ((origine)).
((Mesuresde gestion et deconservation» - «Mesure» en tant qu'acte,démarche
oufaçon d'agir - ((Mesure)) de nature ((législative» - Relations entre loi etrèglementsd'application dansle système législatifdu Canada et d'autrespays
- Interprétationd'un instrument international a l'aune dudroit international
- Distinction entre définitiond'une notion et licéitéd'un acte inclus dans le

champ d'application decette notion - Mesures «de gestion et de conservation»
en tant que mesures ayant pour objet de géreret de conserver des ressources
biologiques - Qualificationpar référence Sdes critèresfactuels et scientifiques
- Mesures de gestion et de conservationau sens communément admisen droit
internationalet dans la pratique internationale.
((Adoptéep sar leCanadapour les navirespêchand tans la zonederéglementation de

I'OPAN,tellequedéjniedansla conventionsur lafuture coopération multilatérale
dansles pêched se l'AtlantiqueNord-Ouest,1978)) - Zone constituantunepartie
dehautemer - Sens a attribuerau terme«navires» - Interprétation((naturelleet
raisonnable»du texte - Intentionde son auteur - Débats parlementaires.
«Et l'exécutionde tellesmesures)) - Emploi delaforce - Sanctionspénaleset
exécutiondemesuresdegestion et de conservation-Législation et réglementa-

tion canadiennes - Restrictionsfaisant entrer l'emploiautoriséde laforce dans
la catégoriebien connue desmesures d'exécution à desfins de conservation -
Arraisonnement, inspectionet saisie d'unnavire de pêchee ,t usage minimal de
laforce à cesfins, en tant qu'éléments inclus dans n laotion d'exécutionde me-
sures de gestionet de conservationselon uneinterprétation((naturelleet raison-
nable))de cette notion.

Interprétationde la réservene préjugeant pasla licéité des actes qui y sont
visés- Absence de raison d'appliquerleparagraphe 7de I'article79 du Règle-
ment pour déclarer que l'objection du Canada n'a pasun caractère exclusive-
ment préliminaire.
((Réserveautomatique» - Intégritédu pouvoir de laCour d'interpréter la

réservedu Canada - Conclusions de la Coursur sa compétence découlandte
cette interprétationseule.
Non-lieu - Non pertinence de l'examen enI'espèce.

Présents: M.SCHWEBEL,~Y~S~M ~~.~~E;ERAMANTRvY i,e-présidentM; M.ODA,
BEDJAOUIG , UILLAUME R,ANJEVA,HERCZEGHS,HI, FLEISCHHAUER,
KOROMAV , ERESHCHETIN, MmeHIGGINSM , M. PARRA-ARANGUREN,
KOOIJMANS, REZEKj,uges; MM. LALONDE T,ORRES BERNARDEjZ ug, es
ad hoc; M. VALENCIA-OSPIN gAe,ffier.

En l'affairede la compétenceen matièrede pêcheries,
entre

le Royaume d'Espagne,

représenté par
M. JoséAntonio Pastor Ridruejo, chef du servicejuridique international du
ministèredes affairesétrangères, professeur de droit internationalà l'univer-
sitéCornplutensede Madrid,

comme agent et conseil (jusqu'au31 octobre 1998);M. Aurelio PérezGiralda, directeur du servicejuridique international du minis-

tère des affaires étrangères,
comme agent (à compter du le' novembre 1998);
M. Pierre-Marie Dupuy, professeur de droit international à l'universitéPan-

théon-Assas (ParisII),
M. Keith Highe-, membre des barreaux du district de Columbia et de New
York,
M. Antonio Remiro Brotons, professeur de droit international à l'université
autonome de Madrid,
M. Luis Ignacio Sanchez Rodriguez, professeurde droit international à l'Uni-
versitéComplutense de Madrid,
comme conseilset avocats;

M. Félix ValdésValentin-Gamazo, ministre-conseiller de l'ambassade d'Es-
pagne aux Pays-Bas,

comme coagent ;
M. Carlos Dominguez Diaz, secrétaire d'ambassade, sous-directeur généraaulx
organisations internationales de gestion de pêcheriesau ministère de l'agri-
culture et des pêcheries,
M. Juan José Sanz Aparicio,secrétaire d'ambassade,membre du servicejuri-
dique international du ministère des affaires étrangères,

comme conseillers,

le Canada,
représentépar

S. Exc. M. Philippe Kirsch, c.r., ambassadeur et jurisconsulte, ministère des
affaires étrangèreset du commerce international,
comme agent et avocat;

M. Blair Hankey, avocat général délégué,ministère des affaé irtrsangèresetdu
commerce international,
comme agent adjoint et avocat;

M. L. Alan Willis, c.r., ministèrede la justice,
comme conseil principal et avocat;

M. Prosper Weil, professeur émérite de l'universitéde Paris,
comme conseil et avocat;

MmeLouise de La Fayette, Université deSouthampton,
M. Paul Fauteux, ministère des affaires étrangèree st du commerce internatio-
nal,
M. John F. G. Hannaford, ministère des affairesétrangères etdu commerce
international,
MmeRuth Ozols Barr, ministèrede la justice,
MmeIsabelle Poupart, ministère des affaires étrangèree st du commerce inter-
national,
MmeLaurie Wright, ministèrede la justice,

comme conseils ;M. Malcolm Rowe, c.r., Gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador,

M. Earl Wiseman, ministèredes pêcheset des océans,
comme conseillers ;
MmeManon Lamirande, ministère de la justice,
MmeMarilyn Langstaff, ministèredes affairesétrangères etdu commerceinter-
national,
MmeAnnemarie Manuge, ministère des affaires étrangères etdu commerce

international,
M. Robert McVicar, ministère desaffaires étrangèreset du commerceinterna-
tional,
MmeLynn Pettit, ministèredes affairesétrangèreset du commerceinternational,
comme agents administratifs,

LACOUR,

ainsi composée,
après délibéreén chambre du conseil,

rend l'arrêtsuivant:
1. Le 28mars 1995,le Royaume d'Espagne (dénomméci-après 1'«Espagne»)

a déposéau Greffe de la Cour une requête introductive d'instance contrele
Canada au sujet d'un différend relatifà la modification, le 12mai 1994,de la
Loi canadienne sur la protection des pêchescôtières,et aux modifications sub-
séquentesdu règlementd'application de ladite loi, ainsi qu'a certaines actions
menéessur la base de cette loi et de ce règlement modifiésn,otamment la pour-
suite, l'arraisonnement et la saisieen haute mer, le 9 mars 1995,d'un bateau de
pêche - l'Estai - battant pavillon espagnol. La requête invoquait comme
base de compétencede laCour lesdéclarationspar lesquellesles deux Etats ont
accepté la juridiction obligatoire decelle-ciconformémentau paragraphe 2 de
l'article 36 de son Statut.
2. Conformémentau paragraphe 2 de l'article40 du Statut, la requêtea été
immédiatement communiquéeau Gouvernement canadien par le greffier; et,

conformément au paragraphe 3 de cet article, tous les Etats admis à ester
devant la Cour ont été informés de la requête.
3. Par lettre du 21 avril 1995,l'ambassadeur du Canada aux Pays-Bas a fait
connaître à la Cour que, de l'avisde son gouvernement, celle-cin'avait
((manifestement pas la compétencenécessairepour se prononcer sur la
requête introduitepar l'Espagne ..., en raison de l'alinéa d) du para-
graphe 2 de la déclarationdu 10mai 1994par laquellele Canada a accepté

la compétence obligatoire de la Cour».
4. Au cours d'une réunionque leprésident de laCour a tenue avec lesrepré-
sentants des Parties le 27 avril 1995, en application de l'article 31 du Règle-
ment, l'agent du Canada a confirméla position de son gouvernement selon
laquelle la Cour était manifestement dépourvue de compétence en l'espèce.A
l'issue decette réunion,il a été convenuqu'il serait statué séparémenta,vant
toute procédure surle fond, sur la question de la compétence de la Cour; les
Parties sont égalementconvenuesdes délaispour le dépôtdes piècesde la pro-

cédure écrite sur cette question.
Par ordonnance du 2 mai 1995,le président, compte tenu de l'accord inter-
venu entre les Parties, a décidéque les piècesde la procédure écrite porteraient
d'abord sur la question de la compétencede la Cour pour connaître du diffé-rend et a fix éu 29 septembre 1995et au 29 février1996,respectivement, les
dates d'expiration des délaispour le dépôt d'unmémoirede l'Espagne et d'un
contre-mémoiredu Canada sur cette question.
Le mémoireet lecontre-mémoireont été dûment déposés dans les délais ainsi
prescrits.
5. La Cour ne comptant sur le siègeaucun juge de la nationalité des Parties,

chacune d'elles s'estprévaluedu droit que lui confèrele paragraphe 3 de l'ar-
ticle 31 du Statut de procéderà la désignationd'unjuge ad hoc pour siéger en
l'affaire: l'Espagne a désignéà cet effet M. Santiago Torres Bernardez, et le
Canada M. Marc Lalonde.
6. Lors d'une réunionque le présidentde la Cour a tenue avecles agents des
Parties le 17avril 1996,en application de l'article 31 du Règlement, l'agentde
l'Espagne a expriméle souhait de son gouvernement d'être autorisé à présenter
une répliqueet l'agentdu Canada a indiqué que son gouvernementy était opposé.
Chacune des Parties a ultérieurement confirmé ses vuesà cet égardpar écrit,le
Canada dans des lettres de son agent datéesdu 22 avril et du 3 mai 1996,et
l'Espagne dans des lettres de son agent datéesdu 25 avril et du 7 mai 1996.
Par ordonnance du 8 mai 1996,la Cour a décidé qu'elle étaitsuffisamment
informéeà ce stade des moyens de fait et de droit sur lesquels les Parties se
fondaient au sujet de sa compétenceen l'espèce,et que la présentation, par
celles-ci,d'autres piècesde procédure surcette question n'apparaissait en con-
séquencepas nécessaire.L'affairse'estdonc alors trouvée enétat pource qui est
de la question de la compétencede la Cour.
7. Par lettre du 8juin 1998,l'agent de l'Espagne,se référantau paragraphe 4

de l'article 56 du Règlement, a fait tenir à la Cour cinq documents officiels
canadiens, ayant fait l'objet d'une publication, qui n'avaient pas éantérieu-
rement produits. Copie en a été communiquée à l'agent du Canada, qui, par
lettre du 9 juin 1998,a d'une part fait valoir que, de l'avisde son gouverne-
ment, la disposition invoquéepar l'Espagne ouvrait la possibilité demention-
ner au cours de la procédure orale des documents tirésde publications faci-
lement accessibles,mais n'envisageait pasleur production, et a d'autre part
indiqué qu'en dépid te la date tardive à laquelle les documents en question
avaient été présenté lesCanada ne s'opposait pas à leur production, afin d'évi-
ter de retarder les travaux de la Cour.
8. Conformémentau paragraphe 2 de l'article 53du Règlement, la Cour,
après s'être renseignéaeuprès des Parties, a décidéque des exemplaires des
piècesde procédureet des documents y annexés seraientrendus accessiblesau
public à l'ouverture de la procédure orale.
9. Des audiences publiques ont été tenuesentre le 9 et le 17juin 1998, au
cours desquellesont étéentendus en leurs plaidoiries et réponses:

Pour ['Espagne: M. JoséAntonio Pastor Ridruejo,
M. Luis Ignacio SanchezRodriguez,
M. Antonio Remiro Brotons,
M. Keith Highet,
M. Pierre-Marie Dupuy.

Pour le Canada: S. Exc. M. Philippe Kirsch,
M. Blair Hankey,
M. L. Alan Willis,
M. Prosper Weil. 10. Dans la requête,les demandes ci-aprèsont été formuléepsar l'Espagne:

«Quant à la nature précise de laréclamation,le Royaume d'Espagne
demande :
A) que la Cour déclareque la législationcanadienne, dans la mesure où

elle prétend exercer une juridiction sur les navires battant pavillon
étrangeren haute mer, au-delà de la zone économiqueexclusive du
Canada, est inopposable au Royaume d'Espagne;
B) que la Cour dise et juge que le Canada doit s'abstenir de réitérerles
actes dénoncés, ainsi qu'offrirau Royaume d'Espagne la réparation
due, concrétiséeen une indemnisation dont le montant doit couvrir
tous les dommages et préjudices occasionnés;

C) que, en conséquence, la Cour déclare aussique l'arraisonnement en
haute mer, le 9 mars 1995, du navire sous pavillon espagnol l'Estai
et les mesures de coercition et l'exercicede lajuridiction sur celui-ciet
sur son capitaine constituent une violation concrète des principes et
normes de droit international ci-dessusindiqués.»

11. Dans la procédure écrite,les conclusions ci-aprèsont étéprésentéespar
les Parties:

Au nom du Gouvernement espagnol,
dans le mémoire:

«Le Royaume d'Espagne prie la Cour de dire et juger que, nonobstant
tout argument contraire, sa requête estrecevable et que la Cour a, et doit
exercer, sa compétencedans cette affaire.»

Au nom du Gouvernement canadien,
dans le contre-mémoire :

((Plaisea la Courdire et juger qu'elle n'estpas compétentepour statuer
sur la requête déposépear l'Espagne le 28 mars 1995.))

12. Dans la procédure orale,les conclusions ci-aprèsont été présentée psar
les Parties:

Au nom du Gouvernementespagnol,
à l'audiencedu 15juin 1998 :

«A la fin de nos plaidoiries,nous constatons de nouveau que le Canada
a abandonné son allégation selon laquelle le différend qui l'oppose à
l'Espagne n'aurait plus d'objet.Du moins, il semble avoir compris qu'on
ne peut pas prétendre que la requête espagnoleé , tantdépourvue d'intérêt
pour l'avenir, n'équivaudraitqu'à la demande d'unjugement déclaratoire.
Il ne dit plus non plus, et nous en prenons acte, que l'accord entre l'Union
européenne etle Canada aurait éteintle présent différend.
Dans ces conditions, les conclusions finales de l'Espagne sont les sui-

vantes :
Nous avons constatétout d'abord que l'objetdu différendest le défaut
du titre du Canada pour agir en haute mer à l'encontredes navires battant
pavillon espagnol,l'inopposabilitéà l'Espagne de la législationcanadienne
des pêches, etla réparationdes faits illicitesperpétrésà l'égard des navires espagnols.Cesquestionsne sont pas comprisesdans la réserve du Canada
à la compétence de la Cour.
Nous avons égalementconstatéque le Canada ne peut pas prétendre
subordonner l'applicationde sa réserveau seul critèrede sa législation
nationale etde sapropre appréciation, sansméconnaîtrle a compétence de
votre propre compétence,que vous détenezau titre du paragraphe 6 de
l'articl36de votre Statut.
Nous avonsconstatéenfinque l'usage dela force employé dans I'arrai-
sonnement del'Estaiet dans leharcèlementd'autresbateauxespagnolsen
haute mer, ainsique celuiprévudans lesloiscanadiennesC-29et C-8,ne
contrevientaux dispositionsde la Charte.éservecanadienne, parce qu'il

Pour l'ensembledes raisons qui précèdent, nous prionlsa Cour de dire
etjuger qu'elle estcompétentedans la présente affaire))

Aunom duGouvernementcanadien,
a l'audiencedu 17juin 1998 :

((Plaiseala Courdire etjuger qu'ellen'estpas compétentepour statuer
sur la requêtedéposép ear YEspagnele 28mars 1995.~

13. La Cour commencera par décrirele contexte dans lequel s'inscrit
la présenteaffaire.
14. Le 10mai 1994,le Canada a déposéauprès du Secrétairegénéral
de l'Organisation des Nations Unies une déclaration d'acceptation de la

juridiction obligatoire de la Cour qui étaitainsi libellée:
«Au nom du Gouvernement du Canada,

1)Nous notifions par la présente l'abrogation de l'acceptation par
le Canada de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de
Justice, acceptation qui a jusqu'à présentproduit effet en vertu de la
déclaration faite le 10 septembre 1985 en application du para-
graphe 2 de l'article 36 du Statut de ladite Cour.
2) Nous déclarons que le Gouvernement du Canada, conformé-

ment aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la
Cour, accepte comme obligatoire de plein droit et sans convention
spéciale,sous condition de réciprocitéet jusqu'à ce qu'il soit donné
notification de l'abrogation de cette acceptation, la juridiction de la
Cour en ce qui concerne tous les différendsqui s'élèveraientaprèsla
datedela présente.déclaration,au sujet de situations ou de faits pos-
térieursà ladite déclaration, autres que:

a) les différends au sujet desquels les parties en cause seraient
convenues ou conviendraient d'avoir recours à un autre mode de
règlement pacifique ; b) les différends avecle gouvernementd'un autre pays membre du
Commonwealth britannique des nations, différendsqui seront
réglésselon une méthodeconvenue entre lesparties ou dont elles
conviendront ;
c) les différends relatifsà des questions qui, d'après le droit inter-
national, relèvent exclusivementde la juridiction du Canada; et
d) lesdifférendsauxquelspourraient donner lieu lesmesures de ges-
tion et de conservation adoptées par le Canada pour les navires
pêchantdans la zone de réglementation de I'OPAN, telle que
définiedans la conventionsur la future coopération multilatérale
dans les pêchesde l'Atlantique Nord-Ouest, 1978,et l'exécution
de telles mesures.

3) Le Gouvernement du Canada se réserve égalementle droit de
compléter,modifier ou retirer à tout moment l'une quelconque des
réservesformulées ci-dessus,ou toutes autres réservesqu'il pourrait
formuler par la suite,moyennant une notification adresséeau Secré-
taire généralde l'Organisation des Nations Unies, les nouvelles
réserves, modificationsou retraits devant prendre effet partir de la
date de ladite notification.
Nous vous prions de bien vouloir transmettre la présente noti-
fication aux gouvernements de tous les Etats qui ont acceptéla

clause facultative ainsi qu'au greffier de la Cour internationale de
Justice.
Les trois réserves définiesux alinéasa), b) etc) du paragraphe 2 de la
déclaration ainsi mentionnée indiquent troiscatégories de différendsqui
figuraient déjà dans la déclaration antérieuredu Canada en date du

10 septembre 1985. En revanche, l'alinéa d) de la déclaration de 1994
énonçaitune quatrième et nouvelle réserveexcluant en outre de la com-
pétence dela Cour:
«d) les différendsauxquels pourraient donner lieu les mesures de
gestion et de conservation adoptées par le Canada pour les
navires pêchant dansla zone de réglementation de I'OPAN,

telle que définiedans la convention sur la future coopération
multilatéraledanslespêches del'Atlantique Nord-Ouest, 1978,
et l'exécution detelles mesures)).
15. Le jour mêmedu dépôt desa nouvelle déclaration,le Gouverne-
ment canadien présentait au Parlement le projet de loi C-29 dont le texte

modifiait la Loi sur la protection des pêchescôtières en en étendant
l'applicationà la zone de réglementationdel'organisation des pêchesde
l'Atlantique Nord-Ouest (OPANO). Le projet de loi C-29 a étéadopté
par le Parlement et a reçu la sanction royale le 12mai 1994.
Aux termes de l'article2 de la loi modifiéesur la protection des pêches
côtières, la «zone de réglementation de 170PAN» était définiecomme
«[l]apartie en haute mer de la zone de compétencede l'organisation des
pêchesde l'Atlantique Nord-Ouest». Le nouvel article 5.1 de la loi contenait la déclaration suivante:
«5.1. Le Parlement, constatant que les stocks chevauchants du

Grand BancdeTerre-Neuveconstituent une importante sourcemon-
diale renouvelable de nourriture ayant assuré la subsistance des
pêcheursdurant des siècles,que ces stocks sont maintenant menacés
d'extinction, qu'il est absolument nécessaireque les bateaux de
pêchese conforment, tant dans les eaux de pêchecanadiennes que
dans la zone de réglementationde l'OPAN, aux mesures valables de
conservation et de gestion de ces stocks, notamment celles prises
sous le régimede la convention sur lafuture coopérationmultilaté-
rale dans lespêches de['Atlantique Nord-Ouest, faiteà Ottawa le
24 octobre 1978 et figurant au no 11 du Recueil des traitésdu
Canada (1979), et que certains bateaux de pêcheétrangers conti-

nuent d'exploiter ces stocks dans la zone de réglementation de
1'OPAN d'une manière qui compromet l'efficacitéde ces mesures,
déclareque l'article 5.2 a pour but de permettre au Canada de
prendre les mesures d'urgence nécessairespour mettre un terme àla
destruction de ces stocks et les reconstituer tout en poursuivant ses
efforts sur le plan international en vue de trouver une solution au
problèmede l'exploitationindue par lesbateaux de pêcheétrangers. »

Quant au nouvel article 5.2, il étaitainsi libellé:
((5.2.Il est interdit aux personnes se trouvaàtbord d'un bateau
de pêcheétranger d'uneclasseréglementairede pêcher,ou de sepré-
parer à pêcher,dans la zone de réglementation de l'OPAN, des
stocks chevauchants en contravention avec les mesures de conserva-

tion et de gestion prévuespar les règlements.
Les articles 7 (((Visitedes bateaux de pêche»),7.1 («Mandat») et 8.1
(((Usagede la force») de la loi modifiéerégissaient l'activides gardes-
pêchecanadiens dans la zone de réglementationde I'OPANO. Ces textes
se lisaient comme suit:

((7. Le garde-pêchepeut,en ce qui a trait à tout bateau de pêche
se trouvant dans les eaux de pêchecanadiennes ou dans la zone de
réglementationde 1'OPAN :

a) en vue de s'assurer du respect de la présenteloi et de ses règle-
ments, monter à bord du bateau et procéder à la visite des lieux;

b) procéder,en vertu d'un mandat délivrésous le régimede l'ar-
ticle 7.1, la fouille du bateau et de sa cargaison.»

«7.1. 1)S'ilest convaincu, sur la foi d'une dénonciation sousser-
ment, qu'il y a des motifs raisonnables de croirea la présencedans
un lieu - y compris un bateau ou un autre véhicule - de poissons ou d'objets qui ont été obtenusou utilisés encontravention de la
présente loiou de ses règlementsou qui serviront à le prouver, le
juge de paix peut, sur demande ex parte, délivrerun mandat auto-
risant, sous réserve desconditions qu'il y fixe, le garde-pêche qui y
est nommé à perquisitionner dans ce lieu afin d'ychercher ces pois-
sons ou ces objets.
2) Le garde-pêche peutexercer sans mandat les pouvoirs visés à
l'alinéa7 b) lorsque l'urgence dela situation rend difficilementréa-

lisable l'obtention du mandat, àcondition que les circonstances en
justifient la délivrance.
((8.1. Le garde-pêcheest fondé à employer, conformément aux
modalités et dansles limitesprévuespar règlement,une force qui est
soit susceptible de désemparer un bateau de pêcheétranger, soit
employéedans l'intention de le désemparer, si les conditions sui-

vantes sont réunies:
a) il procède légalement à l'arrestation du capitaine ou du respon-
sable du bateau;
b) lui-mêmeestime, pour desmotifs raisonnables,cette force néces-
saire pour procéderà l'arrestation.»

Enfin, le nouvel article 18.1,relaàil'application du droit pénal,por-

tait:

«Tout fait - acte ou omission- qui constituerait au Canada une
infractionà une loi fédéraleest réputé yavoir été commiss'ilest sur-
venu, au cours de l'application de la présenteloi:
a) soit dans la zone de réglementation de l'OPAN, à bord ou au
moyen d'un bateau de pêcheétranger ayant servi à commettre
une infraction viséeà l'article 5.2;

b) soit au cours d'une poursuite entamée alors que le bateau de
pêcheétrangersetrouvait dans leseaux de pêchecanadiennesou
dans la zone de réglementationde l'OPAN.»

16. Le 12mai 1994, enadoptant le projet de loi C-8, le Canada a par
ailleurs modifiél'article 25 de son code criminel, relatif l'usage de la
force par les officiers de police et tout autre agent de la paix assurant
l'exécution deslois. Les dispositions de cet article s'appliquaient égale-
ment aux gardes-pêchedu fait que les tâches de ces derniers compor-
taient,à titre incident, cellesd'agent de la paix.
17. Le Règlementsur la protection des pêcheriescôtièresa à son tour
étémodifiéle 25mai 1994.

Les nouveaux articles 19.3 à 19.5réglementaient l'«usagede la force»
par les gardes-pêchecanadiens en application de l'article 8.1 de la loi
modifiée.
Pour sa part, le nouveau paragraphe 2 de l'article21 du règlement dis-
posait ce qui suit: ((2)Pour l'application de l'article 5.2 de la loi
a) constituent des stocks chevauchants :

i) dans la division 3L, la division 3N et la division 30, les
stocks de poissons mentionnésau tableau 1du présent article,
ii) dans la division 3M, les stocks de poissons mentionnés au
tableau II du présent article;
b) les classes réglementaires de bateaux de pêcheétrangers sont
respectivement les bateaux sans nationalité et les bateaux de
pêcheétrangers qui naviguent sous le pavillon d'un Etat viséau
tableau III du présent article;

c) de pêcher,de se préparerconsàrpêcherou de prendre et garder leson

stocks chevauchants. »
Parmi les ((stockschevauchants » mentionnésau ((Tableau 1» figurait le
((flétandu Groenland)) (égalementappelé,en français, ((flétan noir))).
C'étaitlà le seul stock mentionnéau ((Tableau II». Le ((Tableau III» fai-

sait mention du Belize, des îles Cayrnan, du Honduras, du Panama, de
Saint-Vincent-et-les Grenadines et de la Sierra Leone.
18. Ce règlementa de nouveau étémodifié le3 mars 1995.
Dans leur version amendée,les alinéasb) à d) du paragraphe 2 de
l'article 21 se lisaient ainsi:

«b) les classes réglementairesde bateaux de pêcheétrangers sont:

i) les bateaux de pêcheétrangers sans nationalité,
ii) lesbateauxde pêcheétrangersquinaviguent souslepavillon
d'un Etat viséau tableau III du présent article,
iii) lesbateaux depêcheétrangersqui naviguent souslepavillon
d'un Etat viséau tableau IV du présentarticle;

c) en ce qui concerne les bateaux de pêcheétrangers des classes
viséesaux sous-alinéas b) i) ou ii), constitue une mesure de
conservation et de gestion l'interdiction de pêcher,de se prépa-
rer àpêcherou de prendre et de garder les stockschevauchants
figurant aux tableaux 1ou II du présent article;

d) en ce qui concerne les bateaux de pêcheétrangersde la classe
viséeau sous-alinéab) iii), constituent des mesures de conser-
vation et de gestion les mesures viséesau tableau V du présent
article.

Le ((Tableau IV»visait l'Espagneet lePortugal. Pour sa part, le ((Tableau
V», sous le titre ((Mesuresde conservation et de gestion)),formulait en
premier lieu l'interdiction suivante

«1. Interdiction de pêcherou de prendre et de garder du flétandu
Groenland dans la division 3L, la division 3M, la division 3N et la division 30 pendant la période commençant le 3 mars et se termi-
nant le31décembrede chaque année.»

19. Le 9 mars 1995,l'Estai, navire de pêchebattant pavillon espagnol
et ayant àson bord un équipageespagnol,a été arraisonné à environ 245
millesdes côtes canadiennes,dans la division 3L de la zone de réglemen-
tation de l'OPANO (régiondu «Grand Banc»), par des bâtiments de la
marine canadienne. Le navire a étésaisi et son capitaine arrêté sousle
chef de violationsde la Loi sur la protection des pêchescôtièreset de son
règlementd'application. Ils ont étéconduits au port canadien de Saint
John's (Terre-Neuve)où un acted'accusation aété dressédu chefd'infrac-
tion aux textes sus-indiqués,et notamment de pêche illégaldeu flétandu
Groenland; une partie des captures se trouvant à bord a étéconfisquée.
L'équipagea immédiatement étérelâché. Le capitaine a été libéré le
12mars 1995contre paiement d'une caution; le navire a quant à lui été
restituéle 15mars 1995après dépôt d'une garantie.
20. Le jour mêmede l'arraisonnement de l'Estai, l'ambassade d'Es-

pagne au Canada a adressé deuxnotes verbales au ministère canadien
des affaires étrangères etdu commerce international. Aux termes de la
seconde, «[l]eGouvernement espagnol condamn[ait] catégoriquementla
poursuite et leharcèlementd'un vaisseau espagnol par des vaisseauxde la
marine canadienne, en flagrante violation du droit international en
vigueur, puisque ces faits [avaient eu] lieu au-delà des 200 milles». Le
10 mars 1995, le ministèreespagnol des affaires étrangères a fait tenàr
l'ambassade du Canada en Espagne une note verbale qui contenait le
passage suivant:

«En effectuant ledit arraisonnement, les autorités canadiennesont
violéla norme universellement acceptéede droit international cou-
tumier, codifiéeaux articles 92 et concordants de la convention de
1982 sur le droit de la mer, conformément à laquelle 1'Etat du
pavillon possède unejuridiction exclusive sur les navires en haute
mer ...

Le Gouvernement espagnol considère que l'acte illicite commis

par les navires de la marine canadienne ne peut en aucune manière
êtrejustifiépar de présuméespréoccupations de conservation des
pêcheriesde la zone, car elleviole cequi est établi dans la convention
[OPANO] dont le Canada est partie. »
Le 10 mars 1995, le ministère canadien des affaires étrangères etdu

commerce international a à son tour adressé unenote verbale à l'ambas-
sade d'Espagne au Canada, dans laquelle il était indiqué que«[l']Estai
a[vait] résistéaux tentatives d'arraisonnement que les inspecteurs cana-
diens [avaient] effectuéesconformément à la pratique internationale)) et
que ((l'arrestation de'Estai a[vait] étérendue nécessairepour mettre fin
à la surpêchedu flétandu Groenland pratiquée par les pêcheursespa-
gnols». Enfin, le 10mars 1995encore, la Communauté européenneetsesEtats
membres ont saisileministèrecanadien des affairesétrangèresetdu com-
merce international d'une note verbale qui se lisait notamment ainsi:
((L'arraisonnement d'un bateau dans les eaux internationales par

un Etat autre que celui dont le bateau bat pavillon et de lajuridiction
duquel il relèveconstitue un acte illégaltant au regard de la conven-
tion deI'OPANOque du droit international coutumier et ne saurait se
justifier de quelque façon que ce soit. Par cette action, le Canada non
seulementviole de façon flagrante le droit international, mais ne res-
pecte pas non plus le comportement normal des Etats responsables.
Cet acte est particulièrementinacceptableparce qu'il sape tous les
efforts déployépar la communauté internationale, notamment dans
le cadre de laA0 et de la conférencede l'organisation des Nations
Unies sur les stocks de poissons chevauchants et les stocks de pois-
sons grands migrateurs, pour parvenir à une conservation efficace
par le renforcement de la coopérationen matièrede gestion des res-
sources halieutiques.
Cette grave violation du droit international dépassede loin la

question de la conservation des pêcheries. et arraisonnement est un
acte illégalportant atteintela souverainetéd'unEtat membre de la
Communauté européenne.De surcroît, les navires canadiens ont,
par leur comportement, manifestement mis en danger la vie de
l'équipage etla sécuritdu bateau espagnol en cause.
La Communauté européenne etses Etats membres exigent que le
Canada restitue immédiatement le bateau, répare les dommages
occasionnés,cessede harceler les bateaux battant pavillon des Etats
membres de la Communauté et abroge sans délaila loi sous le cou-
vert de laquelle il prétend prendre cettemesure unilatérale.))

21. Le 16avril 1995a étéparaphéun ((Accordentre la Communauté
européenneetle Canada sur les pêchesdans le contexte de la convention
OPANO, constituésousformed'un compterendu concertéetsesannexes,
d'un échangede lettres et d'un échangede notes)); cet accord a étésigné
à Bruxellesle 20 avril 1995.
Aux termes de la section A (((Mesuresde contrôle et d'application)))
du compte rendu concerté, la Communauté etle Canada convenaientde
propositions qui «constitu[erai]ent la base d'un document à élaborer
conjointement et à soumettre à la commission des pêchesde 1'OPANO
pour examen et approbation, en vue de l'établissementd'un protocole de
renforcement desmesuresdeconservationetd'application de 1'OPANO» ;

en mêmetemps, lesparties décidaientdemettre immédiatementen Œuvre,
à titre provisoire, certaines mesures de contrôle et d'application. Par
ailleurs, la section B (((Total des captures autorisées et limites de cap-
ture))), elles s'accordaient sur le total de captures autoriséesde flétandu
Groenland dans la zone pour 1995,ainsi que sur certaines modalités de
gestion de ce stock halieutique. Ala section C (((Questionsconnexes))),le
Canada prenait l'engagement «[d']abroge[r]les dispositionsdu règlementdu 3 mars 1995pris en
application de la loi sur la protection de la pêchecôtière, assujettis-
sant les navires espagnols et portugais certaines dispositionsde la
loi et interdisantcesnavires de pêcherle flétannoir dans la zone de
réglementationde I'OPANO» ;
il étaitau demeurant précisédans cette section que, pour la Communauté
européenne, serait considéréecomme une infraction au compte rendu

concerté«toute réintroduction des navires d'un des Etats membres de la
Communauté européenne dans des lois assujettissant à la juridiction
canadienne lesnavires en haute mer». Il y étaitaussi indiquéque, pour le
Canada, serait considérée comme une infraction au mêmecompte rendu
((toute défaillance systématique et prolongéede la Communauté
européenneen matière de contrôle de ses navires de pêchedans la

zone de réglementationde l'OPAN0, ayant clairement entraînéune
violation sérieuse des mesures deconservation et d'application de
I'OPANO».
Pour sa part, le point 1 de la section D (((Dispositions générales»)du
compte rendu portait:

«La Communauté européenne et le Canada maintiennent leurs
positions respectives sur la conformité de l'amendement de la loi
canadienne sur la protection de la pêchecôtièredu 25 mai 1994,et
des règlements suivants, avec le droit coutumier international et la
convention OPANO. Rien dans le présent compterendu concerténe
porte préjudiceà toute convention multilatérale à laquelle la Com-
munauté européenne etle Canada, ou un des Etats membres de la
Communautéeuropéenne etle Canada, sont parties ou à leur capa-
citéde préserver etde défendre leursdroits conformémentau droit

international, ni aux avis des partiesà l'égardde toute question
concernant le droit de la mer.)
Enfin, il était indiqàéla section E («Mise en Œuvre»)que «le ...compte
rendu concerté cesse[rait]d'êtreapplicable le 31 décembre1995ou lors
de l'adoption par l'OPANO des mesures décritesdans [ledit] compte
rendu ..si elle [était]antérieuàela date précitée)).

L'échangede lettres constatait quant àlui l'accord des parties sur deux
points. Il était entendu, d'une part, que le dépôt d'une garantie pour la
restitution del'Est atile paiement d'une caution pour la libération de
son capitaine
«ne signifi[aient]pas que la Communauté européenneou ses Etats
membres reconnais[saient]la légalidel'arrestation ou la juridiction
du Canada au-delà de la zone canadienne de 200 milles en ce qui

concerne les navires de pêchebattant le pavillon d'un autreEtatn
et, d'autre part, que

«le procureur généraldu Canada tiendr[ait] compte de l'intérêt public dans sa décision concernant les poursuites judiciaires à

l'encontre du navire Estai et de son capitain...les cautions et les
captures ou leur valeur [devant être] restituésu capitaine))
en cas de suspension des poursuites. La Communauté insistait sur le
caractère essentiel d'une telle suspension pour l'application du compte
rendu concerté.
22. Le 18avril 1995,les poursuites contre l'Estai et son capitaine ont
été abandonnées sur ordre du procureur généraldu Canada; la garantie a

étérendue et Ia caution remboursée avec intérêlte 19 avril 1995, et la
partie des captures qui avait été confisquéaeété ultérieurementrestituée.
Le le' mai 1995,le Règlementsur la protection des pêcheriescôtières a
été modifié à l'effet de rayer l'Espagne et le Portugal du tableau IV de
l'article1.Enfin, lespropositions d'améliorationdesmesures decontrôle
de la pêcheet de leur application, contenues dans l'accord du 20 avril
1995,ont étéadoptéespar 1'OPANO àsa réunion annuellede septembre
1995; elles sont devenues des mesures exécutoirespour toutes les parties
contractantes à compter du 29 novembre 1995.

23. Aucune des deux Parties ne conteste qu'il existe un différendentre
elles. LesParties, toutefois, ne qualifient pas celui-cide la mêmemanière.
Pour l'Espagne, le différenda traità l'absence de titre du Canada pour
exercer sajuridiction en haute mer, ainsi qu'à l'inopposabilité auxEtats
tiers, y compris l'Espagne,de sa législationet de sa réglementationmodi-
fiéessur la protection des pêchescôtières. L'Espagne soutient en outre
que le Canada, par son comportement, a violéles droits qu'elletient du

droit international, et qu'une telle violation lui ouvre un droitépara-
tion. Pour le Canada, le différendconcernel'adoption de mesures de ges-
tion et de conservation des stocks halieutiques pour les navires pêchant
dans la zone de réglementationde l'OPAN0, ainsi que l'exécution deces
mesures.
24. L'Espagne fait valoir que sa requêten'a pas pour objet de saisirla
Cour d'un différendportant sur la pêcheen haute mer ou la gestion et la
conservation des ressources biologiques dans la zone de réglementa-
tion de I'OPANO. Affirmant que la juridiction exclusive qu'elle a sur
les navires battant son pavillon en haute mer a étéignoréeet bafouée,
l'Espagne expose que

«[l]'objet de la requête espagnole concerneessentiellement le titre
que le Canada aurait, en général etvis-à-visde l'Espagne, pour fon-
der sa prétention d'exercer en haute mer sa juridiction sur des na-
vires battant le pavillon espagnol et leurs équipageset pour avoir
recoursà ces finsà la force armée)).

25. L'Espagnesoutientpar ailleursquel'accorddu 20avril 1995entre la
Communautéeuropéenneet leCanada sur lespêches dans lecontextede la
convention OPANO (voir paragraphe 21ci-dessus)a réglé entre le Canadaet la Communautécertains aspectsd'un différendprovoqué par lesactions
unilatéralesdu Canada dans la zone de haute mer soumise à la réglementa-
tion de I'OPANO(organisationdont sont membres aussi bien la Commu-
nauté que le Canada). L'Espagne souligne aussi qu'elle a coopéré à la
conclusion de cet accord en tant qu'Etat membre de la Communautéà
laquelle, expose-t-elle,les compétencesen matièrede gestion et de conser-
vation des pêchesont été transférées. Maisse,lonl'Espagne,sa requêteest
fondée sur undroit qui lui estpropre et porte sur un différenddont l'objet
est autre que celuicouvert par l'accord; ce différendne seréduit doncpas
à une simplequestion de gestion et de conservation des pêches.
26. Le Canada estime pour sa part que:

«ce sont les mesures de gestion et de conservation adoptées par le
Canada pour les navires espagnols pêchant dans la zone de régle-
mentation de l'OPAN0, et l'exécution detelles mesures, qui ont
donnélieu à la présenteaffaire.»
A l'audience, le Canada a soutenu que la requêtede l'Espagne constitue

«une demande en responsabilitéinternationale du Canada en raison
de la prétendue violation par le Canada des obligations internatio-
nales qui lui incombent en vertu des principes et règles du droit
international général)),

et a fait valoir qu'un différend estconstituépar un ensemble indivisible
de donnéesfactuelleset de règlesde droit. De l'avisdu Canada, il ne peut
y avoir compétence dela Cour pour l'une de ces composantes et incom-
pétencepour l'autre.
27. Seréférant aux notes de protestation quelui ont adresséesla Com-
munauté européenne et l'Espagne (voir paragraphe 20 ci-dessus), le
Canada fait observer qu'on n'y trouve pas trace d'une distinction quel-
conque entre un différendl'opposant à la Communauté et un différend
l'opposant à l'Espagne, et que tant les protestations de la Communauté
que cellesdes autoritésespagnoles «se placent les unes comme les autres,
et de manièreindissociable, sur le double terrain des règlesgouvernant la
protection des pêcherieset des principes du droit international général)).

Le Canada soutient que cette conclusion est corroborée par l'accorddu
20 avril 1995entre la Communauté européenne etle Canada, dans la
mesure où «[1]àencore les questions de pêcheet les questions de juridic-
tion étatique, de titreset de respect des droits de 1'Etat du pavillon
s[eraie]ntétroitementmêlées)).
28. L'Espagne souligne avec insistance qu'en tant que demandeur en
l'espèceelle a toute latitude pour qualifier le différendqu'elle souhaite
voir réglerpar la Cour.

29. Il ne fait pas de doute qu'il revient au demandeur, dans sa requête,
de présenterà la Cour le différenddont il entend la saisir et d'exposerles
demandes qu'il lui soumet. Le paragraphe 1de l'article40 du Statut de la Cour exiged'ailleursque
l'«objet du différend))soit indiqué dansla requête; etle paragraphe 2 de
l'article 38 de son Règlementrequiert pour sa part que la((nature précise
de la demande)) y figure. La Cour a eu l'occasion, par le passé, deseréfé-
rer à plusieurs reprisesà ces dispositions. Elle les a qualifiéesd7«essen-
tielles au regard de la sécurijuridique et de la bonne administration de
lajustice))et, sur cette base, a conclu l'irrecevabilitéde demandes nou-
velles, formulées encours d'instance, qui, si elles avaient étéaccueillies,
auraient transformé l'objet du différend originellementporté devant elle
aux termes de la requête(Certaines terres àphosphates à Nauru (Nauru
c. Australie), exceptionspréliminaires,arrêt,C.I.J. Recueil 1992,p. 266-
267; voir aussi Administration du prince von Pless, ordonnancedu
4février1933, C.P.J.I. sérieAIB no52, p. 14,et Sociétécommerciale de
Belgique, arrêt,1939, C.P.J.I. sérieAIB no 78, p. 173).

Aux finsd'identifier satâche dans toute instanceintroduite par un Etat
contre un autre, la Cour commence par examiner la requête(voir Inter-
handel, exceptions préliminaires,arrêt,C.I.J. Recueil 1959,p. 21 ;Droit
de passage sur territoire indien,fond, arrêt,.I.J. Recueil 1960,p. 27; et
Essais nucléaires(Australie c. France), arrêt, C.IJ.. Recueil 1974,p. 260,
par. 24). Toutefois, il arrive que des incertitudesou des contestations sur-
gissent quant à l'objet réeldu différenddont la Cour est saisie ou à la
nature exacte des demandes qui lui sont soumises. En pareil cas, la Cour
ne saurait s'entenir aux seuls termes de la requêteni, plus généralement,
s'estimer liéepar les affirmations du demandeur.

Mêmedans une instance introduite par voie de compromis, la Cour a
déterminéelle-même,après avoir examinétous les documents pertinents,

quel était l'objet du différend porté devant elle, alors que les parties
étaienten désaccordsur la qualification de celui-ci (voir Différendterri-
torial (Jamahiriya arabe libyennelTchad), arrêt,C.I.J. Recueil 1994,
p. 14-15,par. 19,et p. 28, par. 57).
30. Il incombe à la Cour, tout en consacrant une attention particulière
à la formulation du différend utiliséepar le demandeur, de définirelle-
même,sur une base objective, le différendqui oppose les parties, en exa-
minant la position de l'une et de l'autre:

((C'est donc le devoir de la Cour de circonscrire le véritablepro-
blèmeen cause et de préciser l'objetde la demande. Il n'ajamais été
contesté que la Cour est en droit et qu'ellea mêmele devoir d'inter-
préterles conclusions des parties; c'est l'undes attributs de sa fonc-

tion judiciaire. » (Essais nucléaires(Nouvelle-Zélande c. France),
arrêt,C.I.J. Recueil 1974, p. 466, par. 30; voir aussi Demande
d'examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l'arrêtrendu
par la Cour le 20 décembre1974 dans l'affaire des Essais nucléaires
(Nouvelle-Zélande c. France), ordonnance du 22 septembre 1995,
C.I.J. Recueil 1995,p. 304, par. 55.)Il ressort de lajurisprudence de la Cour que celle-ci nesecontente pas de
la formulation employéepar le demandeur, lorsqu'elle déterminel'objet
du différend. Ainsi, dans l'affaire du Droit de passage sur territoire
indien, la Cour, pour appréciersa compétence,a précisé l'objet du litige
dans les termes suivants:
«Un passage de la requêteintitulé «Objetdu différend»a présenté

cet objet comme l'opposition de vues surgie entre les deux Etats
quand, en 1954, l'Inde s'estopposée à l'exercicedu droit de passage
du Portugal. Si tel était l'objet du différendsoumis à la Cour, la
contestation de compétencesoulevée nepourrait être retenue. Mais
il résultait déjàde la requête etil a été amplementconfirmépar la
suite de la procédure, les conclusions des Parties et les déclarations
faitesàl'audienceque ledifférend soumisàla Cour a un triple objet:

1) Existence contestéed'undroit de passage au profit du Portugal;

2) Manquement que l'Inde aurait commis, enjuillet 1954, à sesobli-
gations concernant ce droit de passage;
3) Redressement de la situation illégalerésultant de ce manque-
ment. » (Droit depassage surterritoire indien,fond, arrêt,C.Z.J.
Recueil 1960, p. 33-34.)
31. La Cour détermineelle-mêmequel est le véritabledifférendporté
devant elle (voir Délimitationmaritime et questions territoriales entre

Qatar et Bahreïn, compétenceet recevabilité,arrêt,C.I.J. Recueil 1995,
p. 24-25). Elle se fonde non seulement sur la requête etles conclusions
finales, mais aussi sur les échangesdiplomatiques, les déclarations pu-
bliques et autres élémentsde preuve pertinents (voir Essais nucléaires
(Australie c. France), arrêt,C.I.J. Recueil 1974, p. 262-263).
32. Ce faisant, la Cour établit une distinction entre le différend lui-
mêmeet les arguments utiliséspar les parties à l'appui de leurs conclu-
sions respectives sur ce différen:

«la Cour a exercé à maintes reprises le pouvoir qu'elle possède
d'écarter,s'il est nécessaire,certaines thèsesou certains arguments
avancéspar une partie comme élémend te sesconclusions quand elle
les considère,non pas comme des indications de ce que la partie lui
demande de décider,mais comme des motifs invoquéspour qu'elle
se prononce dans le sens désiré)) (Essais nucléaires (Australie
c. France), arrêt,C.I.J. Recueil 1974, p. 262, par. 29; voir aussi
Pêcheriesa,rrêt,C.1J. Recueil 1951, p. 126; Minquiers et Ecréhous,
arrêt,C.I.J. Recueil 1953, p. 52, et Nottebohm, deuxième phase,
arrêt,C.Z.J. Recueil 1955, p. 16).

33. Aux fins de se prononcer sur la question préliminaire de compé-
tence qui sepose dans la présenteaffaire, la Cour déterminera quel est le
différend qui oppose l'Espagne au Canada, en tenant compte de larequête de l'Espagneainsi que des divers exposésécritset orauxprésentés
à la Cour par les Parties.
34. Ledépôt dela requêtea été suscitépar certainesactions spécifiques
du Canada dont l'Espagne prétendqu'elles ont violéses droits en vertu
du droit international. Ces actions ont étéprises sur le fondement de
certains textes législatifset réglementairesadoptés par le Canada, que
l'Espagne estime contraires au droit international et inopposablesà elle-
même.C'est dans ce contexte qu'il faudrait considérer les textes légis-
latifs et réglementairesdu Canada.
35. Les actions spécifiques(voir paragraphe 34 ci-dessus) ayant donné

naissance au présentdifférendsont les activitéscanadiennes en haute mer
qui ont traità la poursuite de l'Estai, aux moyens employéspour l'arrai-
sonner, à l'arraisonnement lui-même, ainsiqu'à la saisie du navire et à
l'arrestation de son capitaine en vertu de la législationcanadienne sur les
pêchescôtièreset de sa réglementationd'application telles que modifiées.
Dans son essence, le différendentre les Parties porte sur la question de
savoir si cesactions ont violélesdroits que l'Espagne tient du droit inter-
national et s'ilsexigent réparation.l appartient maintenant à la Cour de
décidersi les Parties lui ont conféréune compétencepour connaître de ce
différend.

36. Selon l'Espagne, le Canada, en déposant une déclarationen vertu

du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut, a accepté enprincipe la juridic-
tion de la Cour; c'est donc à lui qu'il incombe d'établir que la réserve
figurant à l'alinéad) du paragraphe 2 de cette déclaration exclut de cette
juridiction le différendqui oppose les Parties. Pour sa part, le Canada
affirme qu'il revientà l'Espagne d'établir pour quelle raison les termes
clairsde l'alinéad) du paragraphe 2 ne soustraient pas cette questionàla
juridiction de la Cour.
37. La Cour fera observer qu'établir oune pas établirsa compétence
n'est pas une question qui relèvedes parties; elleest du ressort de la Cour
elle-même. S'ie lst vrai que c'est la partie qui chercheà établir un fait
qu'incombe la charge de la preuve (voir Activitésmilitaires et paramili-
taires au Nicaragua et contre celui-ci(Nicaragua c. Etats-Unis d'Améri-
que), compétenceet recevabilité,arrêt,C.I.J. Recueil 1984, p. 437,

par. 101),cela est sans pertinence aux fins d'établirla compétence dela
Cour, car il s'agità d'«une question de droit qui doit être tranchéeà la
lumière desfaits pertinents)) (Actions arméesfrontalièreset transfronta-
lières(Nicaragua c. Honduras), compétenceet recevabilité,arrêt,C.I.J.
Recueil 1988, p. 76, par. 16).
38. Il en résulte qu'iln'y a pas de charge de la preuve en matière de
compétence.C'est à la Cour elle-mêmede décider,compte tenu de tous
les faits et de tous les arguments avancéspar les parties,si la force des
raisons militant en faveur de sa compétence est prépondérante ets'il
existe «une volonté des Parties de [lui] conférer juridiction)) (Actionsarméesfrontalièreset transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), com-
pétenceet recevabilité,arrêt,C.I.J. Recueil 1988, p. 76, par. 16; voir
aussi Usinede Chorzow, compétence,arrêtno 8, 1927, C.P.J.I. sérieA
no9, p. 32).

39. Pour établirla compétencede la Cour, l'Espagne s'estfondée uni-
quement sur les déclarations faites par les Parties en vertu du para-
graphe 2 de l'article 36 du Statut. Par lettre du 21 avril 1995,le Canada
a fait savoiràla Cour que, selon lui, celle-cin'avait pas compétencepour
connaître de la requête carle différendentrait dans les prévisionsde

l'alinéad) du paragraphe 2 de la déclarationcanadiennedu 10mai 1994.
Le Canada a développé cette thèse dans son contre-mémoirede février
1996et l'a confirmée à l'audience.
40. L'Espagne semble parfois soutenir que la réservedu Canada n'est
pas valide ou est inopéranteen raison de son incompatibilité avec le Sta-
tut de la Cour, la Charte des Nations Unies et le droit international. Tou-
tefois, la position de l'Espagne paraît principalement êtrequ'aux fins
d'éviter une tellincompatibilitéil y aurait lieu de donner de l'alinéad)
du paragraphe 2 de la déclarationune interprétation différentede celle
qu'avance le Canada. Au paragraphe 39 de son mémoire, l'Espagne
expose ainsi ce qui suit:

«Bien que la Cour ait évitéj,usqu'à présent,de seprononcer d'une
manière concrètesur la compatibilité ou l'incompatibilité,avec le
Statut, de la teneur littéralede certaines réserves,et sur laquelle cer-
tainsjuges se sont prononcés,en donnant lieu à un grand débat doc-
trinal, la réserveà l'alinéad) du paragraphe 2 de la déclaration
canadienne ne pose pas de problèmesde cette nature.
Il peut y avoir des réservesqui, du fait de leur rédaction, sont
incompatibles avec le Statut, mais celle du Canada ne l'est pas. Par
contre, ce qui peut êtreincompatibleavecle Statut, c'estune certaine
interprétation de celle-cique le Canada prétendrait maintenant pré-

senter comme l'unique et authentique interprétation de sa réserve en
vue de se dérober à la juridiction de la Cour.

Ily a ou il peut y avoir non seulement des réservesantistatutaires,
mais il y a aussi des interprétationsantistatutaires de certaines ré-
serves.»
Sidans sesplaidoiries l'Espagne a évoquél'«invalidité» elta «nullité» de

la réserveainsi que le fait que celle-ciserait sans effet et ne s'appliquerait
à «rien», là encore l'accent étaitmis sur la nécessid'une interprétation
de ladite réservequi soit compatible avec le droit international.
41. En conséquence, la Cour est parvenue à la conclusion que l'Es-
pagne soutientquel'interprétation queleCanada cherche àfaire prévaloirde l'alinéad) du paragraphe 2 de sa déclarationva à l'encontre non seu-
lement du Statut, mais aussi de la Charte et du droit international géné-
ral, et ne saurait donc être retenue. La question portée devant la Cour est
dèslors de savoir si le sens qui doit êtreattribué la réservedu Canada
permet à la Cour de se déclarer compétentepour statuer sur le différend
porté devant elle par la requête de l'Espagne.

42. L'Espagne et le Canada ont tous deux reconnu que les Etats dis-
posent d'une grande liberté pour formuler, limiter, modifier leur déclara-
tion d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour en vertu du

paragraphe 2 de l'article 36 du Statut, ou mettre fià celle-ci. Tous deux
aussi conviennent qu'une réservefait partie intégrante d'une déclaration
d'acceptation de la compétencede la Cour.
43. Cependant, des vues différentesont été exprimées s'agissant des
règles de droit international qui s'appliquent à l'interprétation des ré-
serves figurant dans les déclarations facultativesfaites en vertu du para-
graphe 2 de l'article 36 du Statut. Selon l'Espagne, ces réserves nesau-
raient être interprétées d'une manière qui permettrait auxEtats qui les
formulent de mettre en pérille systèmede la juridiction obligatoire. Par
ailleurs, le principe de l'effet utile signifie qu'une réservedoit être inter-
prétéepar rapport àl'objet et au but de la déclaratioà,savoir l'accepta-
tion de la juridiction obligatoire de la Cour. L'Espagne se défend de
soutenir que les réservesà la juridiction obligatoire de la Cour devraient
faire l'objet d'une interprétation restrictive; elle explique sa poàicetn

égard dans les termes suivants:
«On nous fait dire que l'Espagne défendla portée la plus limi-
téepermise des réserves,à savoir, une interprétation restrictive de
celles-c...Ce n'est pas exact. L'Espagne soutient la portée la plus
limitée permisedans le cadre du respect de la règlegénéraled'inter-
prétation énoncée à l'article 31 de la convention de Vienne sur le
droit des traités.

L'Espagne fait encore valoir que la règle contra proferentem, suivant
laquelle, lorsqu'un texte est ambigu, il doit être interprété cocelui qui
l'a rédigé,s'applique en particulier aux actes unilatéraux comme les
déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour et les
réservesqu'ellescontiennent. Enfin, l'Espagne souligne qu'une réserve à
l'acceptation de la juridiction de la Cour doit être interprétéde façon

telle qu'ellesoit conforme,et non pas contraire, au Statut de la Couà,la
Charte des Nations Unies et au droit international général.
Pour sa part, le Canada insiste sur la nature unilatéralede ces décla-
rations et réserves,et soutient que ces dernièresdoivent être interprétées
d'une manièrenaturelle, dans leur contexte et en tenant compte de façon
toute particulière de l'intention de'Etatqui les a formulées.
44. La Cour rappelle que l'interprétation des déclarations faites envertu du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut et des réserves qu'elles
contiennenta pour but d'établir siun consentement mutuel a été donné à
sa compétence.
Il appartientàchaque Etat, lorsqu'ilformule sa déclaration,dedécider
des limitesqu'ilassigne à son acceptation de lajuridiction de la Cour: «la
juridiction n'existe que dans les termes où elle a étéacceptée))(Phos-

phates duMaroc, arrêt,1938, C.P.J.I. sérieAIB no 74,p. 23). Les condi-
tions ou réserves,de par leur libellé,n'ont doncpas pour effetde dérogerà
une acceptation de caractèreplus large déjà donnée.Elles servent plutôt
à déterminer l'étendue de l'acceptation par 1'Etatde lajuridiction obliga-
toire de la Cour; il n'existe donc aucune raison d'en donner une inter-
prétationrestrictive. Tous leséléments d'une déclarationfaiteen vertu du
paragraphe 2 de l'article 36 du Statut, qui, pris ensemble, comportent
l'acceptation de la compétencede la Cour par YEtat auteur de la déclara-
tion, doivent être interprétécsomme formant un tout, auquel doivent être

appliquésles mêmesprincipesjuridiques d'interprétation.
45. Cela est vrai alors mêmeque, comme dans la présenteaffaire, les
termes pertinents de l'acceptation par un Etat de la compétencede la
Cour, ainsi que les limites apportées à cette acceptation, modifient
l'expression antérieured'un consentement donné demanière plus large.
Une réserveadditionnelle incluse dans une nouvelle déclarationd'accep-
tation de la juridiction de la Cour, qui remplace une déclaration anté-
rieure, ne doit pas être interprétéecomme dérogeant à une acceptation
plus généraledonnée dans cette déclaration antérieure;il n'y a donc pas
de raison d'interpréterune telle réservede façon restrictive. Ainsi, c'estla

déclaration telle qu'elle existe qui,à elle seule, constitue l'ensemble à
interpréter,et les mêmes règled s'interprétationdoivent êtreappliquées à
toutes ses dispositions,y compris cellesqui contiennent des réserves.
46. Une déclaration d'acceptation de la juridiction obligatoire de la
Cour, qu'elleait étéou non assortie de limites précises,constitue un acte
unilatéralrelevant de la souverainetéde YEtat. En mêmetem~s.A ,le éta-
blit un lien consensuel et ouvre la possibilité d'unrapport juridictionnel
avec les autres Etats qui ont fait une déclaration en vertu du para-
graphe 2de l'article36du Statut, et constitue «une offre permanenteaux
autres Etats parties au Statut n'ayant pas encore remis de déclaration

d'acceptation)) (Frontièreterrestre et maritime entre le Cameroun et le
Nigéria,exceptionspréliminaires, C.Z.J. Recueil 1998,p. 291,par. 25). Le
régimequi s'applique à l'interprétation des déclarationsfaites en vertu
de l'article36du Statut n'est pas identiqueàceluiétablipour l'interpréta-
tion des traitésDarla convention de Vienne sur le droit des traités\ibid2.
p. 293,par. 30).Dans sesexposés,l'Espagnea déclaré que «cela ne signifie
pas que lesrèglesjuridiques et de l'art de l'interprétationdes déclarations
(et des réserves)ne coïncident pas avec celles qui régissentl'interpréta-
tion des traités)).La Cour relèveque les dispositionsde la convention de

Vienne peuvent s'appliquer seulement par analogie dans la mesure où
ellessont compatibles avec le caractèresui generisde l'acceptation unila-
téralede la juridiction de la Cour. 47. De fait, la Cour a précisédans des arrêts antérieursles règles à
suivre pour l'interprétation des déclarations etdes réservesqu'ellescon-
tiennent. Toute déclaration «doit être interprétée telle qu'elle se pré-
sente, en tenant compte des mots effectivementemployés)) (Anglo-Iranian
Oil Co., exception préliminaire,arrêt, C.I.. Recueil 1952, p. 105).Toute
réservedoit être appliquée ((telle qu'elle est» (Certains emprunts nor-
végiens,arrêt, C.I.J. Recueil 1957, p. 27). Ainsi, les déclarations et les
réservesdoivent êtreconsidérées comme un tout. En outre, «la Cour ne
saurait se fonder sur une interprétation purement grammaticale du texte.
Elle doit rechercher l'interprétation quiest en harmonie avec la manière

naturelle et raisonnable de lire le texte.))glo-Iranian Oil Co., excep-
tion préliminaire,arrêt, C.I.J.Recueil 1952, p. 104.)
48. Par ailleurs, étant donné qu'une déclarationen vertu du para-
graphe 2 de l'article 36 du Statut est un acte rédigéunilatéralement, la
Cour n'a pas manqué de mettre l'accent sur l'intention de 1'Etat qui
déposeune telle déclaration.Aussi bien, dans l'affairede I'Anglo-Iranian
Oil Co., la Cour a-t-elle jugé que les termes restrictifs choisis dans la
déclaration de l'Iran étaient«une confirmation décisivede l'intention du
Gouvernement de l'Iran, lorsqu'il a acceptéla juridiction obligatoire de
la Cour» (ibid., p. 107).
49. La Cour interprète donc les termes pertinents d'une déclaration,
y compris les réservesqui y figurent, d'une manière naturelle et rai-
sonnable, en tenant dûment compte de l'intention de 1'Etat concerné à
l'époque oùcedernier a acceptélajuridiction obligatoire de la Cour. L'in-
tention d'un Etat qui a formulé uneréservepeut être déduite nonseule-

ment du texte mêmede la clause pertinente, mais aussi du contexte dans
lequel celle-cidoit êtrelue et d'un examen des éléments de preuve relatifs
auxcirconstances de son élaboration et auxbutsrecherchés.Dans l'affaire
du Plateau continental de la mer Egée,la Cour a affirméqu'il résultait
clairement de sajurisprudence que pour interpréter la réserve en cause
«il conv[enait]de prendre en considération l'intentiondu Gouverne-
ment de la Grèce à l'époque oùcelui-ci a déposéson instrument

d'adhésion à l'ActegénéralC . 'est eneffet compte tenu de cette juris-
prudence que la Cour a demandé à ce gouvernement de lui fournir
tous leséléments dont il disposait au sujet des explicationsdonnéeà
l'époque relativementà l'instrument d'adhésion.»(Plateau continen-
tal de la mer Egée, arrêtC, .I. Recueil 1978, p. 29, par. 69.)
Dans la présente affaire, la Cour dispose de telles explications sous la

forme de déclarationsministérielles, dedébats parlementaires, de projets
législatifset de communiquésde presse canadiens.
50. En outre, quand une déclaration existantea étéremplacéepar une
nouvelle déclaration qui contient une réserve, commedans la présente
affaire, on peut aussi établirles intentions du gouvernement intéressen
comparant les termes des deux instruments.
51. La règle contra proferentem peut jouer un rôle dans l'interpréta-
tion de dispositions conventionnelles.Toutefois, il découle del'analyse qui précèdeque cette règlen'a pas de rôle àjouer en l'espècedans l'inter-
prétationde la réservecontenue dans la déclaration unilatérale faite par
le Canada en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut.
52. Les deux Parties se sont référéed sevant la Cour au principe de
l'effetutile. Ce principejoue certes un rôle important en droit des traités
et dans lajurisprudence de cette Cour; toutefois, s'agissant d'une réserve
àune déclaration faiteen vertu du paragraphe 2 de l'article 36du Statut,
ce qui est exigéen tout premier lieu est qu'elle soit interprétée d'une
manièrecompatible avec l'effetrecherchépar 1'Etatqui en est l'auteur.
53. L'Espagne soutient qu'en cas de doute lesréservesfigurant dans les
déclarations doivent être interprétées d'une manière qui soit compatible
avec le droit existant et qu'aucune interprétation incompatible avec le

Statut de la Cour, la Charte des Nations Unies ou le droit international
généralne saurait êtreadmise. Elle appelle l'attention sur la conclusion
suivante de la Cour dans l'affaire du Droit de passage sur territoire
indien,où la Cour avait à se prononcer sur la compatibilitéd'uneréserve
avec le Statut:
«C'est une règled'interprétation qu'untexte émanant d'un gou-

vernement doit, en principe, être interprété comme produisant et
étantdestiné à produire des effets conformes et non pas contraires
au droit existant.(Droit depassage sur territoire indien,exceptions
préliminaires,arrêt, C.I.J. Recueil 1957, p. 142.)
L'Espagne fait valoir que, pour se conformer à ces préceptes,il y a lieu
d'interpréter la formule «les différendsauxquels pourraient donner lieu

lesmesures de gestion et de conservation adoptéespar le Canada pour les
navires pêchantdans la zone de réglementationde I'OPAN ...et l'exécu-
tion de telles mesures» comme ne visant que des mesures qui, dèslors
qu'ellesconcernent des espaces de haute mer, doivent s'inscrire dans un
cadre conventionnelou êtredirigéescontre des navires apatrides. Ellefait
en outre valoir qu'une exécutionen haute mer de tellesmesures qui impli-
querait un recours à la force contre des navires battant pavillon d'autres
Etats ne saurait être compatibleavec le droit international et que, de ce
fait également,la réservedoit recevoir une interprétation différente de
celle que lui donne le Canada.
54. La thèse del'Espagnen'est pas compatible avecle principed'inter-
prétationselon lequel une réservefigurant dans une déclaration d'accep-
tation de la juridiction obligatoire de la Cour doit être interprétée'une
manière naturelle et raisonnable en tenant dûment compte des intentions

de 1'Etatauteur de la réserveet du but de la réserve.En effet, les Etats
peuvent formuler des réservesexcluant la compétencede la Cour pour
des motifs divers; il arrive qu'ils le fassent, précisément,parce que la
conformité au droit de leur position ou de leur politique est perçue
comme étant aléatoire. La Cour n'a jamais donné à entendre, dans sa
jurisprudence, qu'une interprétation privilégiantla conformité au droit
international des actes exclusde la compétencede la Cour est la règlequi
s'imposepour l'interprétationde telles réserves : «Les déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la
Cour sont des engagements facultatifs, de caractère unilatéral, que
les Etats ont toute libertéde souscrireou de ne pas souscrire.Etat
est libre en outre soit de faire une déclaration sans condition et sans
limite de durée, soit de l'assortir de conditions ou de réserves.))
(Activitésmilitaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), compétenceet recevabilité,
arrêt,C.I.J. Recueil 1984, p. 418, par. 59.)

La conclusion de la Cour dans l'affaire duDroit depassage surterritoire
indien, qu'invoque l'Espagne et qui porte sur la question de l'éventuel
effet rétroactif d'uneréserve,ne déroge pas à ce principe. Le fait qu'un
Etat puisse éprouverdes doutes quant à la compatibilité de certains de
ses actes avec le droit international ne constitue pas une exception au
principe du consentement àlajuridiction de la Cour età la libertéde for-
muler des réserves.
55. Il existe une distinction fondamentale entre l'acceptation par un
Etat de la juridiction de la Cour et la compatibilitéde certains actes avec

le droit international. L'acceptation exige le consentement. La compati-
biliténe peut êtreappréciéeque quand la Cour examine le fond, après
avoir établi sa compétenceet entendu les deux parties faire pleinement
valoir leurs moyens en droit.
56. Que les Etats acceptent ou non la juridiction de la Cour, ils de-
meurent en tout état de cause responsables des actes portant atteinte
aux droits d'autres Etats qui leur seraient imputables. Tout différendà
cet égarddoit êtreréglé par des moyens pacifiques dont le choix est laissé
aux parties conformément àl'article 33 de la Charte.

57. Aux fins d'établir si les Parties lui ont donné compétence pour
connaître du différenddont elleest saisie,la Cour doit présent procéder
à l'interprétation de l'alinéad) du paragraphe 2 de la déclaration du
Canada, compte tenu des règlesd'interprétation qu'ellevient de dégager.

58. Avant toutefoisd'entrer dans l'examendu textemêmede la réserve,
la Cour estime devoir faire deux observations qui lui paraissent essen-

tiellesà l'effet d'apprécier l'intention qui a présidà l'adoption de ce
texte. La première observation a trait à l'importance que cette réserve
revêtau regard de l'acceptation, par le Canada, de la juridiction de la
Cour; la seconde concerne les relations qu'entretiennent cette réserveet
la législationcanadienne sur la protection des pêchescôtières.
59. La Cour a déjàindiqué(voir ci-dessusparagraphe 14)que la décla-
ration canadienne en vigueur remplace une déclaration antérieure, datée
du 10septembre 1985.La nouvelle déclarationne diffèrede la précédente
que sur un point: l'adjonction, au paragraphe2, d'un alinéad) contenantla réserveàl'examen.Il s'ensuitque cette réserveconstituenon seulement
un élément indissociable dela déclarationen vigueur mais aussi une com-
posante essentiellede celle-ci, et,donc, de l'acceptation par le Canada de
la juridiction obligatoire de la Cour.
60. S'agissant des objectifs assignésà cette réserve,la Cour ne peut
manquer de constater, au vu des faits sommairement exposés ci-dessus
(paragraphes 14et suivants), l'étroitesse des liensqui unissent la nouvelle
déclaration du Canada à sa nouvelle législationsur la protection des
pêchescôtières.La nouvelle déclaration a été déposéeauprès du Secré-
taire généralle 10mai 1994, soit le jour mêmeoù le projet de loi C-29

étaitprésentéau Parlement canadien; les termes dans lesquelsle Canada
acceptait la juridiction obligatoire de la Cour à cette date rappellent
d'ailleurs ceux du projet de loi alors discuté.Au demeurant, il ressort
l'évidencedes débats parlementaires et d'explications diversesdonnées
warles autorités canadiennesaue la nouvelle déclaration étaitdestinéeà
prévenirl'exercice,par la Cour, de sa juridiction sur des questions sus-
ceptibles de se poser quantà la licéité,u regard du droit international,
de la législationmodifiéeet de sa mise en Œuvre.Ainsi, le 10mai 1994,le
Canada a publiéun communiqué depresse sur la ((surpêcheétrangère)),
qui faisaitconnaître la politique qu'il menait dans ce domaine et ajoutait:

((Aujourd'hui, le Canada a modifiéson acceptation de la compé-
tence obligatoirede la Cour internationale de JustiàeLa Haye afin
d'empêchertoute situation qui pourrait anéantir les efforts du
Canada pour protégerses stocks. C'est là une mesure temporaire en
réactionà une situation d'urgence.»

En outre, le 12mai 1994,le ministre canadien des affaires étrangères a
précisédevant le Sénat:
«Afin de protéger l'intégritde cette loi, nous avons présenté une
réserve, commevous le savez, auprès de la Cour internationale de
Justicealléguant que,évidemment,cette réserveserait temporaire..»

61. La Cour rappelle qu'aux termes de l'alinéad) du paragraphe 2 de
la déclaration canadienne sont exclus de la compétence dela Cour

«les différends auxquelspourraient donner lieu les mesures de ges-
tion et de conservation adoptées par le Canada pour les navires
pêchant dans lazone de réglementationde I'OPAN, telle que définie
dans la convention sur la future coopération multilatérale dansles
pêchesde l'Atlantique Nord-Ouest, 1978, et l'exécution detelles
mesures» (voir paragraphe 14ci-dessus).

Pour le Canada, le différend soumisà la Cour est précisément de ceux
qu'il a entendu viser dans le texte précité;il entre entièrement dans les
prévisions dece texte et la Cour n'a, partant, pas compétencepour en
connaître. Pour l'Espagne, au contraire, quelles qu'aient étéles intentions du
Canada, ellesn'ont pas trouvéleur expressiondans le libelléde la réserve,
qui ne couvre pas le différend;la Courest donc compétente.L'Espagnea
globalement recours à quatre argumentspour fonder sa thèse:en premier
lieu, le différenddont elle a saisi la Cour échapperait à la réservecana-
dienne en raison de son objet; en deuxièmelieu, la loi modifiéesur la pro-
tection des pêchescôtièreset son règlementd'application ne sauraient, en
droit international, constituer des ((mesures de gestion et de conserva-
tion»; en troisième lieu,la réservene viserait que les «navires» apatrides
ou battant un pavillon de complaisance; et, en quatrième lieu, la pour-

suite, l'arraisonnement et la saisie de'Estai ne sauraient êtreconsidérés,
en droit international, comme((l'exécutionde ..mesures»de gestionet de
conservation. La Cour examinera chacun de ces arguments ci-après.

62. La Cour commencera par relever qu'en excluant de sa juridiction
les((différendsauxquelspourraient donnerlieu))lesmesures de gestion et
de conservation qu'ellementionne et leur exécution,la réserve neréduit
pas lecritèred'exclusionau seul«objet »du différend.La version anglaise
((disputesarising out of or concerning))laisse plus clairement apparaître
le caractère large et englobant de la formule. Aux termes de la réserve
sont exclus non seulement les différendsaui auraient directement vour
«objet» les mesures envisagéeset leur exécution, mais aussi ceux qui y

auraient «trait » («concerning))) et, plus généralement, tousceux qui y
trouveraient leur «origine» (((arisingout of))), c'est-à-direles différends
qui, en l'absencede tellesmesures, ne seraientpas nés.Ainsi, la portée de
la réservecanadienne semblemêmeplus large que cellede la réservedont
la Grèceavait assorti son adhésion à l'Acte général d'arbitragede 1928
(((différendsayant trait au statut territorial de la Grèce») et que la Cour
avait étéamenée à interpréterdans l'affaire du Plateau continentalde la
mer Egée(C.I.J. Recueil 1978, p. 34, par. 81 et p. 36, par. 86).

63. En l'espèce,la Cour a déjàconclu à l'existenced'un différendentre
lesParties et l'a identifié (voir paragraphe35ci-dessus).Il lui faut donc
présent recherchersi cedifférenda pour objet les mesures viséesdans la
réserve etlou leur exécution,y a trait ou y trouve son origine. Pour ce
faire, la question essentielle que la Cour doit maintenant trancher est

celledu sens à attribuer aux expressions((mesuresdegestion et de conser-
vation..» et ((exécutionde tellesmesures))dans le contexte de la réserve.

64. L'Espagne reconnaît que le terme ((mesure))est un «mot abstrait
qui signifieun acte ou une disposition, une démarche oule cours d'uneaction, conçue dans un but précis))et, qu'en conséquence,dans son sens
le plus générall,'expression((mesurede gestionet de conservation))doit
êtrecomprise comme visant un acte, une démarcheou une façon d'agir
ayant pour but d'assurer la ((gestionetla conservation du poisson)).
Toutefois, selonl'Espagne, cette expression,dans le contexte particulier
de la réservecanadienne, doit êtreinterprétée de façon plus restrictive.
L'Espagne a, dans un premier temps, fait valoir que la réserve ne
s'appliquait pas à la législation canadienne, entant que «titre juridique
d'origine etfondamental interdisant la pêcheen haute mer»ou cadre de
référence))m, ais seulement aux «conséquencesde cette loi en matière de

conservation et de gestion des ressources)) c'est-à-dire aux ((procédés
concrets ...d'application de la loi». Cependantà l'audience,ellen'a plus
insistésur cette thèse.
Le principal argument espagnol, soutenu tout au long de la procédure,
est que l'expression «mesures de gestion et de conservation)) doit, en
l'occurrence,être interprétée conformémean ut droit international et, par
conséquent,exclure en particulier toute«mesure» unilatéralepar laquelle
un Etat porterait atteinte aux droits d'autresEtats en dehors des zonessou-
mises à sa juridiction. II s'ensuivrait, pour l'Espagne, que ne pourraient,
concrètement,être considéréscomme de(s(mesuresde gestion etde conser-
vation))au regard du droit international que deux typesde mesures: celles
prises par un Etat côtier en ce qui concerne sazone économiqueexclusive;
et cellesconcernant des espacessituésau-delà, pourvu qu'elles s'inscrivent
dans un cadreconventionnelou soient dirigées contre des naviresapatrides.

Les mesures neremplissant pas ces conditions ne constitueraient pas des
mesuresde gestionet de conservationmais desfaits illicitespurs et simples.
Et l'Espagne dese référer, en exposant cette thèse,à l'alinéab) du para-
graphe 1de l'article premierde l'«Accordaux finsde l'applicationdes dis-
positions de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer du
10décembre1982relatives à la conservation età la gestion des stocks de
poissons dont les déplacements s'effectuenttantà l'intérieur qu'au-delàde
zones économiquesexclusives(stocks chevauchants)et des stocks de pois-
sons grands migrateurs)) (dénommé ci-aprèls '«accord des Nations Unies
de 1995sur les stocks chevauchants))),qui est ainsiconçu:

«1. Aux fins du présentaccord :
.............................
b) On entend par ((mesures de conservation et de gestion)) les
mesures visant à conserver età gérerune ou plusieurs espèces
de ressources biologiques marines qui sont adoptéeset appli-
quéesde manière compatible avec les règlespertinentes du
droit international tellesqu'elles ressortentdela convention et
du présentaccord. »

65. Le Canada souligne pour sa part le sens très large du mot
«mesure». Il y voit un ((termegénérique)q )ui, dans lesconventions inter-
nationales, englobe lois, règlements et actes administratifs. Par ailleurs,pour leCanada, l'expression((mesuresdegestionetdeconser-
vation » est ((descriptive» et non «normative» :elle recouvre ((toutes les
mesures prises par les Etats relativement aux ressources biologiques de
la mer». Et le Canada d'ajouter qu'une ((catégoriegénérique n'est jamais
limitéeaux exemples connus qu'ellerenferme)). Enfin, le Canada précise
que l'accord des Nations Unies de 1995sur les stockschevauchants n'est
pas pertinent aux finsde déterminer quelest le sensgénéral de l'expression
en cause et quelle peut êtresa portée dans d'autres instrumentsjuridiques.
66. La Cour n'a pas à s'attarder sur la question de savoir si une
«mesure» peut êtrede nature «législative». Commeles deux Parties en
ont convenu, dans son sens ordinaire, ce mot vise de façon très large un

acte, une démarche ouune façon d'agir, sans limite particulièrequant à
leur contenu matériel ouau type de but qu'ilspoursuivent. De nombreux
textes internationaux incluent les((lois»parmi les ((mesures» auxquelles
ils se réfèrent(voir par exemple, en ce qui concerne les ((mesuresde ges-
tion et de conservation)), lesarticles 61et 62de la convention des Nations
Unies de 1982sur le droit de la mer). Il n'y a pas lieu de considérer qu'il
en irait autrement de la réservecanadienne à l'examen, dont le texte
mêmese réfèrenon àdes mesures adoptéespar le pouvoir exécutif,mais
par le «Canada», c'est-à-direpar 1'Etatdans son ensemble, dont le pou-
voir législatif estun élémenctonstitutif. Au demeurant, ainsi que la Cour
l'a relevéci-dessus (voir paragraphe 60), cette réserveavait précisément
pour but de protéger «l'intégrité» de la loi canadienne surla protection
des pêchescôtières.Toute conclusion en sens contraire ignorerait donc
l'intention manifeste du déclarant et priverait sa réservede son effet utile.
67. La Cour fera de surcroît observer que, dans le systèmelégislatifdu

Canada et de nombreux autres pays, la loi et sesrèglementsd'application
ne peuvent êtredissociés.La loi établitle cadre juridique généralet le
règlement permet d'appliquer la loi en fonction de circonstances qui
varient et évoluentdans le temps. Le règlementqui met en Œuvreune loi
n'a pas d'existencejuridique sans cette loi; à l'inverse,la loi peut néces-
siter un règlementd'application pour déployerses effets.

68. La Cour partage les vues de l'Espagne selon lesquellestoute inter-
prétation d'un instrument international doit se faire à l'aune du droit
international. Toutefois, lorsque l'Espagne expose que l'expression
«mesures de gestion et de conservation» utiliséedans la réservecana-
dienne ne peut que recouvrir des mesures ((conformes au droit interna-
tional», elle semble confondre deux choses. Une chose est en effet de
rechercher si une notion est connue d'un systèmejuridique - en l'occur-

rence le droit international, si elleentre dans lescatégoriesqui lui sont
propres et si elle y revêt unsens particulier: la question de l'existenceet
du contenu de la notion dans le systèmeest une question de définition.
Autre chose est de rechercher si un acte déterminé,inclus dans le champ
d'application d'une notion connue d'un systèmejuridique, enfreint les
prescriptions normatives de ce système:la question de la conformité de
l'acte au systèmeest une question de licéité. 69. A ce stade de la procédure,la Cour est seulementappelée à statuer
sur sa compétencepour connaître du différend.A cet effet, elledoit inter-
préterles termes de la réservecanadienne et, notamment, s'enquérirdu
sensque l'expression((mesuresde gestion et de conservation» y revêt à la
lumièredu droit international.
70. Selon le droit international, pour qu'une mesure puisse être quali-
fiéede ((mesurede gestion et de conservation», il suffit qu'elleait pour
objet de géreret de conserver desressourcesbiologiques et réponde, àcet
effet,à diverses caractéristiquestechniques.
C'est dans ce sens que les termes ((mesuresde gestion et de conserva-
tion» ont depuis longtemps été comprispar les Etats dans les traités
qu'ilsconcluent. C'estlà notamment le sensattribué à cestermes au para-
graphe4 de l'article62 de la convention des Nations Unies de 1982sur le
droit de la mer (voir aussi convention de 1923 entre les Etats-Unis

d'Amérique etle Canada pour la préservation despêcheriesde flétan
dans l'océanPacifique du Nord, en particulier les articles1et 2; conven-
tion de 1930 entre les Etats-Unis d'Amérique etle Canada pour la
conservationde la pêchedu flétandans l'océanPacifique du Nord et la
mer de Béring,art. 1,2 et 3 ;convention internationalepour lespêcheries
de l'Atlantique Nord-Ouest de 1949, art. IV, par. 2, et, en particulier,
art.VIII; convention de 1959sur les pêcheries del'Atlantique du Nord-
Est, art. 7; convention de 1973pour les pêcherieset la conservation des
ressources biologiques dans la mer Baltique et les belts, art.et, en par-
ticulier, art.. Cf. convention de Genève de 1958 sur la pêcheet la
conservation des ressourcesbiologiques de la haute mer, art. 2). La même
utilisation de ces termes peut êtretrouvéedans la pratique des Etats.
Ceux-cidécriventcommunémentcesmesures dans leur législationet leurs
actes administratifs en se référant des critèrestels que la limitation des
prises par l'instauration de contingents,la régulationdes prises par'éta-

blissement de périodes etde zones où la pêcheest autorisée,et la régle-
mentation de la taille des captures ou des caractéristiquesdes engins de
pêchequi peuvent êtreutilisés(voir, parmi maints autres exemples, le
décretlégislatifalgérien no 94-13 du 28 mai 1994fixant les règlesgéné-
rales relativesà la pêche;la loi argentine no 24922 du 6 janvier 1998
établissantle régimefédéralde pêche; l'ordonnancemalgache no 93-022
de 1993portant réglementationde la pêcheet de l'aquaculture; la loi néo-
zélandaisede 1996sur lespêcheries;ou encore, pour l'Union européenne,
les textes de base que constituent le règlement (CEE) no 3760192du
20 décembre1992instituant un régimecommunautaire de la pêcheet de
l'aquaculture, et le règlement(CE) no 894197du 29 avril 1997prévoyant
certaines mesures techniques de conservation des ressources de pêche.
Pour ce qui est de la pratique deI'OPANO, voir le document de l'Orga-
nisation intitulé ((Conservation and Enforcement Measures » (NAFOI
FClDoc. 9611)).Le droit international qualifie donc les ((mesuresde ges-

tion et de conservation» par rapport à des critères factuels et scienti-
fiques.
Danscertainsaccordsinternationaux(par exemplel'accorddesNationsUnies de 1995sur les stocks chevauchantset l'«Accord visant à favoriser
le respect par les navires de pêcheen haute mer des mesures internatio-
nales de conservationet de gestion))(FAO, 1993),non entrésen vigueur),
les parties ont expressémentprécisé«[a]ux fins [de 1'1accord)) que les
mesures qui sont généralement considéréec somme des ((mesures de
conservation et de gestion))doivent être conformes aux obligations de
droit international au'elles ont assumées envertu de ces accords. telles
que le respect du principe de rendement constant maximum, la prise en
considération des besoins des Etats en développement, l'obligation
d'échanger desdonnées scientifiques, le contrôle effectif, par1'Etat du
pavillon, de ses navires et la tenue de fichiers détaillésconcernant les
navires de pêche.
La questionde savoir par qui des mesures de gestion et de conservation

peuvent êtreprises et quels espaces elles peuvent concerner n'est consi-
déréeni en droit international de façon générale nidans ces accords
comme un élément dela définition des mesures de gestionet de conserva-
tion. L'autoritédont semblablesmesures émanent, la zone qu'elles affec-
tent et la manière dont leur exécution est prévuene font pas partie des
caractéristiques essentielles inhérentesla notion mêmede mesures de
gestion et de conservation; elles sont en revanche des élémentsqui
entrent en ligne de compte aux fins d'apprécier lalicéitésdites mesures
au regard du droit international.
71. En lisant le texte de la réserved'une manière ((naturelleet raison-
nable)), rien ne permet de conclure que le Canada aurait eu l'intention
d'utiliser l'expression((mesuresde gestion et de conservation)) dans un
sens différentde celui communémentadmis en droit international et dans
la pratique internationale. Au contraire, toute autre interprétation de

cette expression priverait la réservede son effet voulu.
72. La Cour a procédé ci-dessus à une brève description des modi-
ficationsapportées par le Canada, le 12mai 1994, à sa Loi sur la protec-
tion des pêchescôtières et, les 25mai 1994et 3 mars 1995, à son Règle-
ment sur la protection des pêcheriescôtières (voir paragraphes 15, 17
et 18).
Il apparaît clairement,àla lecture de l'article 5.2de la loi modifiée,que
celui-ci a pour seul objet de formuler une interdiction de pêcher; quant
aux articles 7, 7.1 et 8.1 de ladite loi, ils traitent des moyens propres
donner effet à cette interdiction. Il en va de mêmedes dispositions cor-
respondantes du règlement modifié.Dans sa version du 25 mai 1994,le
paragraphe 2 de l'article 21 du règlement,qui met en Œuvrel'article 5.2
de la loi, détermineles stockschevauchants protégés,ainsi que les ((clas-
sesréglementaires»de navires et préciseque, pour cesnavires,((constitue

une mesure de conservation et de gestion l'interdiction de pêcher,de se
préparer àpêcherou de prendre et garder les stocks chevauchants)). Pour
sa part, le tableau V jointà l'article 21 du règlement tel que modifiéle
3 mars 1995énumère sept types de((mesuresde conservation et de ges-
tion» qui s'appliquent aux navires battant pavillon espagnol et portu-
gais: les deux premiers déterminentles espècesde poissons dont la pêcheest interditeà certains endroits eà certaines périodes; les deux suivants
précisent quelssont les engins de pêcheinterdits; le cinquièmea traitàla

taille des captures; et enfin, les deux derniers énoncent certaines règles
auxquelles les navires doivent se conformer aux finsdes contrôlesà effec-
tuer par les gardes-pêche.
73. La Cour infère de ce qui précède queles «mesures» prises par le
Canada en modifiant sa législationet sa réglementationsur la protection
des pêchescôtières constituent des ((mesuresde gestion et de conserva-
tion» au sens où cette expression est communément comprise en droit
international, ainsi que dans la pratique internationale, et a été utilisée
dans la réservecanadienne.

74. Les mesures de gestion et de conservation auxquelles la réserve à

l'examen se'réfèresont celles qui sont ((adoptéespar le Canadapour les
navirespêchant dans la zone de réglementationde I'OPAN, telle que dé$-
nie dans la convention sur la future coopération multilatérale dansles
pêclzesde l'Atlantique Nord-Ouest, 1978)).
Le paragraphe 2 de l'article 1 de ladite convention définitla «zone de
réglementation))de 1'OPANO comme étant «la ~artie de la zone de la
c&vention qui s'étend au-delà des régions d&s lesquelles les Etats
côtiers exercent leur juridiction en matière de pêche));pour sa part, le
paragraphe 1 du mêmearticle définitla «zone de la convention)) comme
étant«la zone à laquelles'applique la...convention», et circonscrit cette
zone en termes de coordonnées géographiques.
La «zone de réglementation))de 1'OPANOconstituedonc sansconteste
une partie de haute mer. La Cour n'a pas à revenir sur les doutes que ce
membre de phrase contenu dans la réservea pu susciter chez la Partie

espagnole, compte tenu de l'interprétation que celle-ciprône de l'expres-
sion ((niesures de gestion et de conservation)). La Cour est quant à elle
parvenue à la conclusion que cette expression devait être entendue dans
son sens généralet usuel, sans aucune connotation particulière de lieu.
75. En conséquence,la seule question que pose encore ce membre de
phrase est celle du sens à attribuer au terme «navires». En effet, selon
l'Espagne, il résulteraitdes débats parlementairesqui ont précédél'adop-
tion du projet de loi C-29 que celui-cin'étaitdestiné s'appliquer qu'aux
navires apatrides ou battant un pavillon de complaisance. Compte tenu
des liens aui existent entre cette loi et la réserve. celle-ci necouvrirait
donc que les mesures dirigéescontre de tels navires.
Le Canada reconnaît que, lors de la discussion du projet de loi C-29,
mention a été faite à plusieurs reprises des navires apatrides ou battant
un pavillon de complaisance,car ceux-ci constituaient alors le danger le

plus imminent pour la conservation des stocks dont la protection était en
jeu. Toutefois, le Canada nie que son intention ait éde limiter le champ
d'application de la loi et de la réserve ces seules catégories de navires.
76. La Cour commencera par faire observer une fois encore que lesdéclarations d'acceptation de sa juridiction doivent être interprétéesen
harmonie avec la manière ((naturelleet raisonnable)) de lire le texte, eu
égard à l'intention du déclarant. Le texte de la réservecanadienne vise
«les navires pêchant...)), c'est-à-dire tousles navires qui s'adonàela
pêchedans la zone indiquée,sans aucune exception. Il auraità l'évidence
étéaisépour le Canada, si telle avait étésa véritable intention, de quali-
fier le terme «navires» de façon à réduire la portéedu mot dans le
contexte de la réserve.De l'avis de la Cour, l'interprétation suggépar
l'Espagne ne peut êtreacceptéecar elle va à l'encontre d'un texte clair
qui, de surcroît, apparaît traduire l'intention de son auteur.
77. Par ailleurs, la Cour ne peut pas partager les conclusions que

l'Espagne tire des débats parlementairesdont elleexcipe.Certes, il ressort
à l'évidencedes réponses que le ministre canadien des pêcheset des
océanset le ministre canadien des affaires étrangèresont données aux
questionsqui leur ont étéposéesà la Chambre des communeset au Sénat
que les navires apatrides et ceux battant un pavillon de complaisance
étaientles principaux visés,à ce moment, par le projet de loi; mais ils
n'étaient pas les seuls. Ainsi, le ministre des pêcheset des océans a
indiquéce qui suit devant la Chambre des communes:

«l'expression ((bateau d'une classe réglementaire» permet simple-
ment au gouvernement de désigner uneclasse ou un genre de bateau
qui, selon ce que nous avons déterminé, pratique la pêched'une
manière qui va àl'encontre des règlesde conservation et contre qui
des mesures peuvent donc êtreprises.
Par exemple, nous pourrions désignerlesbateaux sansnationalité.
Nous pourrions aussi désignerles bateaux sous pavillon de complai-

sance. C'est tout ce que cela veut dire.» (Les italiques sont de la
Cour.)
Pour sa part, le ministre des affaires étrangèresa déclaréau Sénat:

«Nous avons dit dès le début, et les représentants du Canada à
l'étranger dansles différentesambassades ont expliqué à nos parte-
naires européens et autres, que cette mesure s'adressait au premier
chefà l'endroit de bateaux qui n'ont pas de drapeau ou des bateaux
qui ont ce que l'on appelle des drapeaux de convenance.)) (Les ita-

liques sont de la Cour.)
Par ailleurs, l'explication suivante,donnée par le ministre des pêcheset
des océans à la présidentede la Chambre des communes, ne laisse aucun
doute sur la portée du projet de loi:

«Le projet de loi donne au Parlement le pouvoir de désigner
n'importe quelle classe de bateaux de pêche,aux fins des mesures de
conservation. On ne précisepas contre qui ces dispositions seraient
appliquées.On dit clairement cependant que tout bateau de pêchequi

ne respecte pas lesbonnes règlesde conservation généralemenrtecon-
nues, comme celles de I'OPAN, par exemple, pourrait, aux termes des pouvoirs accordéspar ce projet de loi, s'exposeàdes mesures de
la part du Canada. Il n'y a pas d'exception.»

L'inclusion, le 3 mars 1995, des navires battant pavillon espagnol et
portugais parmi les ((classesréglementaires de bateaux de pêcheétran-
gers» (voir paragraphe 18 ci-dessus) confirme ce qui précède.De fait, il
ne faut pas perdre de vue qu'en recourant aussi bien au règlementqu'à la
loi pour légiféreren la matière la possibilitéd'ajouter des classes régle-
mentaires de navires avait, dèsle début,été délibérémeln aitsséeouverte,
le terme «classe» visant non seulement les types de navires mais aussi les
pavillons que battent les navires.

78. La Cour en vient maintenant à l'examen de l'expression «et I'exé-
cution de telles mesures)), sur le sens et la portée de laquelle les Parties
s'opposent. L'Espagne soutient que l'exercicepar le Canada de sajuridic-
tion sur un navire espagnol en haute mer, qui a entraîné l'usage de la
force, n'entre pas dans les prévisionsde la réservedu Canada concernant
la juridiction de la Cour. Elle avance plusieurs arguments connexes à
l'appui de cette thèse. L'Espagne affirmetout d'abord que l'emploi de la
force par un Etat contre un navire de pêched'un autre Etat en haute mer
.est nécessairementcontraire au droit international; et que, la réservedu

Canada devant être interprétée en conformitéavec le droit existant, on ne
saurait interpréter le membre de phrase ((l'exécutionde telles mesures))
qui y figure comme englobant un tel emploi de la force. Elle fait en outre
valoir que cet emploi particulierde la forcel'encontre de l'Estai étaiten
tout état de cause illicite et constituait une violation du paragraphe 4 de
l'article de la Charte, ouvrant ainsiun motif d'action distinctnon prévu
par la réserve.
79. La Cour a déjàindiqué qu'aucune règle d'interprétation n'exige
que des réservessoient interprétéescomme visant uniquement des actes
compatibles avec le droit international. Comme il a été expliqué plus
haut, ce serait là confondre licéides actes et consentement à lajuridic-
tion (voir paragraphes 55 et 56 ci-dessus). Aussi la Cour n'a-t-elle pàs
examiner plus avant ces aspects de l'argumentation de l'Espagne.

80. L'article 18.1 de la loi de 1994prévoit que l'exécutionde ses dis-
positions dans la zone de réglementation de 1'OPANO est soumise à
l'application du droit pénal. De plus, l'article 25 du code criminel a été
modifiésuite à l'adoption du projet de loi C-8 (voir paragraphe 16ci-des-
sus). L'Espagne soutient à cet égardque le Canada a ainsi prévul'appli-
cation de sanctions ~énalesrelevant du droit ~énalet non l'exécution de
mesures de gestion et de conservation. L'Espagne prétend aussi que
l'expression «l'exécution detellesmesures»figurant à l'alinéad) du para-
graphe 2 de la déclaration du Canada ne mentionne pas l'emploi de la
force et que ce membre de phrase ne devrait pas être interprété commeincluant cet emploi - d'autant plus que les dispositionspertinentes de la
convention des Nations Unies de 1982sur le droit de la mer relatives aux
mesures d'exécutionne font pas non plus mention de l'emploi de la force.
81. La Cour relèveraque, suite à l'adoption du projet de loi C-29, la
Loi sur la protection des pêchescôtièresautorise les gardes-pêcheà mon-
ter àbord de tout bateau de pêcheet à l'inspecter dans la zone de régle-
mentation de I'OPANO, ainsiqu7«à employer,conformémentaux moda-
litéset dans les limites prévues par règlement, une force qui est soit

susceptible de désemparer un bateau de pêcheétranger, soit employée
dans l'intention de le désemparer))si le garde-pêche((estime,pour des
motifs raisonnables, cette force nécessairepour procéder à l'arrestation))
du capitaine ou de l'équipage (art. 8.1). Des dispositions de cette nature
et de ce type figurentdans la législationde divers Etats concernant la ges-
tion et la conservation des pêches, demêmequ'à l'alinéa f) du para-
graphe 1 de l'article 22 de l'accord des Nations Unies de 1995 sur les
stocks chevauchants.
82. La modificationapportée en mai 1994au Règlementsur la protec-
tion des pêcheriescôtières précisede façon plus détailléequ'un garde-
pêche nepeut employer la force en application de l'article 8.1 de la loi

qu'aprèss'êtreconvaincu qu'il n'est pas possiblede procéder à l'arraison-
nement par des moyens ((moins violents qu'il serait raisonnable d'utiliser
dans les circonstances))et avoir tiré un ou plusieurs coups de semonce
aux alentours du bateau de pêche, à une distancesans danger (art. 19.4et
19.5). Ces restrictions font égalemententrer l'emploi autorisé de la force
dans la catégorie bien connue des mesures d'exécution à des fins de
conservation.
83. Quant àla thèse de l'Espagne selon laquelle l'article18.1de la loi
de 1994et la modificationde l'article 25 du code criminel constituent des
mesures de droit pénal qui ne relèventpas de l'exécution de mesures de
conservation des pêcheset n'entrent donc pas dans le champ d'appli-
cation de la réserve,la Cour relèvera que l'objet de ces textes législatifs

semble avoir été deréglementeret de limiter tout emploi autorisé de la
force, ce qui l'a fait entrer dans la catégoriegénérale des mesuresd'exé-
cution visant à assurer la conservation des pêches.
84. Pour tous ces motifs, la Cour estime que l'emploi de la force tel
qu'autorisé par la législationet la réglementation canadiennes susmen-
tionnéesrelèvede ce qui est communément considéré comme l'exécution
de mesures de gestion et de conservation et, partant, entre dans les pré-
visions de l'alinéa) du paragraphe 2 de la déclarationdu Canada. Il en
est ainsi bien que la réservene mentionne pas expressément l'emploi dela
force. L'arraisonnement, l'inspection et la saisie d'un navire de pêche
ainsi que l'usage minimal de la forceà ces fins sont inclus dans la notion
d'exécutionde mesures de gestion et de conservation selon une interpré-

tation ((naturelleet raisonnable)) de cette notion. 85. Dans le présentarrêt, la Cour a dû procéderà l'interprétationdes
termes de la réserve canadienne pour déterminer si les actes dont l'Es-
pagne fait grief au Canada entrent ou non dans les prévisionsde cette
réserveet, partant, si elle a ou non compétence.Pour ce faire, ellen'a pas
eu à examiner ou à préjuger laquestion de la licéides actes viséà l'ali-
néa d) du paragraphe 2 de la déclarationdu Canada.
La licéitédes actes que la réserveà la déclaration du Canada entend

exclurede la compétencedela Cour ne présentantpas de pertinence aux
fins d'interpréter les termes de cette réserve,la Cour n'a pas de raison
d'appliquer le paragraphe 7 de l'article 79 de son Règlement pour dé-
clarer que l'objection du Canada à sa compétencen'a pas dans les cir-
constances de l'espèceun caractère exclusivementpréliminaire.

86. Au cours de la procédure, l'Espagnea fait valoir que la réserve
contenue à l'alinéad) du paragraphe 2 de la déclaration du Canada
pourrait revêtirles caractéristiquesd'une ((réserveautomatique)) et donc

s'avérercontraire au paragraphe 6 de l'article 36 du Statut. ressort de
l'interprétationde ladite réserve,laquelle la Cour a procédéci-dessus,
que son texte n'est pas libellé endes termes tels que son application
dépendrait du bon vouloir de son auteur. La Cour a eu toute latitude
pour interpréter ce texte et c'est de cette interprétation seule que dépend
la réponse à la question de savoir si la Cour a ou non compétenceen
l'espècepour connaître du différendqui lui a été soumis.

87. La Cour considèrequeledifférendquiopposelesParties, tel qu'iden-
tifiéau paragraphe 35 du présentarrêt,trouve son origine dans les modi-

ficationsapportéespar le Canada àsa législationeà sa réglementationsur
la protection des pêches côtière,insi que dans la poursuite, l'arraisonne-
ment et la saisie del'Estai qui en ont résul.l ne fait pas davantage de
doute pour la Cour que ledit différenda trèslargement trait à ces faits.
Compte tenu de la qualificationjuridique que la Cour a donnéeà ceux-ci,
elleconclut que le différendque lui a soumis l'Espagneconstitue un diffé-
rend auquel ont «donn[é]lieu» des ((mesuresde gestionet de conservation
adoptées parle Canada pour lesnavirespêchant dansla zone de réglemen-
tation de l'OPAN» et ((l'exécutionde telles mesures)). Il s'ensuit que ce
différendentre dans les prévisionsde la réservecontenueà l'alinéd) du
paragraphe 2 de la déclaration canadienne en date du 10 mai 1994. La

Cour n'a partant pas compétencepour statuer sur le présent différend.

88. La Cour note enfin que, dans son contre-mémoirede février1996,
le Canada a soutenu que tout différendavec l'Espagne avait étéréglé,depuis le dépôt de la requête,par l'accord conclu le 20 avril 1995 entre
la Communauté européenneet le Canada, et que les conclusions de l'Es-
pagne n'avaient plus d'objet. Cependant, au début des plaidoiries cana-
diennes, l'agent du Canada a informéla Cour que son gouvernement en-
tendait contester la compétence decette dernière sur la seule base de sa
réserve:«C'est sur ce problème,et sur nul autre, que la Cour est appelée

à statuer. » Cette position a été confiràéla fin de la procédure orale.
L'Espagne n'en souligne pas moins le ((devoirstatutaire qu'a la Cour de
vérifierl'existence d'un différendentre Etats pour exercer sa fonction)).

Il est de fait qu'il appartàela Cour de s'assureà,la demande d'une
partie ou d'office,qu'un différendn'a pas perdu son objet depuis l'intro-
duction de la requête et qu'ily a toujours lieu de statuer sur ce différend
(voir Cameroun septentrional, exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.
Recueil 1963, p. 38, et Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt,
C.I.J. Recueil 1974, p. 271, par. 58). La Cour a cependant abouti en
l'espèceàla conclusion qu'ellen'a pas compétencepour statuer sur le dif-
férendqui lui a étésoumis par l'Espagne (voir paragraphe 87 ci-dessus).

Elle estime que, dans ces conditions, ellen'a paschercher d'officesi ce
différend est ou non distinct de celui ayant fait l'objet de l'accord du
20 avril 1995 entre la Communauté européenne et le Canada et si elle
aurait dû ou non prononcer le non-lieu.

89. Par ces motifs,

Par douze voix contre cinq,

Dit qu'elle n'a pas compétence pour statuer sur le différend porté
devant elle par la requêtedéposéepar le Royaume d'Espagne le 28 mars
1995.

POUR:M. Schwebe1,président; M. Oda, Guillaume,Herczegh, Shi,Fleisch-
hauer, Koroma, Mme Higgins,MM. Parra-Aranguren,Kooijmans, Rezek,
juges;M. Lalonde,juge ad hoc;
CONTRE: M. Weeramantry, vice-présidenM;M. Bedjaoui, Ranjeva,Veresh-
chetin,jugesM. Torres Bernardez,juge ad hoc.

Fait en anglaiset en français, le texte anglaisfaisant foi, au Palaisde la
Paix,à La Haye, le quatre décembremil neuf cent quatre-vingt-dix-huit,
en trois exemplaires, dont l'un restera déposéaux archives de la Cour etles autres seront transmis respectivement au Gouvernement du Royaume
d'Espagne et au Gouvernement du Canada.

Le président,
(Signé) Stephen M. SCHWEBEL.

Le greffier,
(Signé) Eduardo VALENCIA-OSPINA.

M. SCHWEBEp r,ésident, et MM. ODA,KOROMA et KOOIJMANjS u,ges,
joignentà l'arrêtles exposés de leur opinion individuelle.

M. WEERAMANTR vic,-président,MM. BEDJAOUR I,ANJEVeAtVERESH-
CHETIN j,ges, et M. TORREBERNARDE jZ,e ad hoc,joignenàl'arrêtles
exposés de leuropinion dissidente.

(Paraphé) S.M.S.
(Paraphé) E.V.O.

Bilingual Content

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

FISHERIES JURISDICTION CASE

(SPAINv.CANADA)

JURISDICTION OF THE COURT

JUDGMENTOF 4 DECEMBER1998

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE DE LA COMPÉTENCE
EN MATIÈRE DE PÊCHERIES

(ESPAGNE c. CANADA)

COMPÉTENCE DE LA COUR Officia1citati:n
FisheriesJurisdiction (Spain v. Canada),
Jurisdiction of the Court, Judgment,J. Reports 1998, p. 432

Mode officielde citation:
Compétence en matièrede pêcheries(Espagne c. Canada),
compétencede la Cour, arrêt,C.I.J. Recueil 1998,432

Salesnumber
ISSN 0074-4441 Nodevente: 714
ISBN 92-1-070783-4 INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

1998 YEAR 1998
4 December
General List
No. 96 4 December1998

FISHERIES JURISDICTION CASE

(SPAIN v. CANADA)

JURISDICTION OF THE COURT

Subject of the dispute - Role of the Application with regard to the determi-
nation of the questions on which the Court must adjudicate - Definition of the
dispute by the Court - Spec$c acts taken by Canada on the basis of certain
enactments and regulations, and legal consequencesof those acts.

Jurisdiction of the Court - Question to be determined by the Court itself-
No burden of prooj
Declarations of acceptance of the Court's compulsoryjurisdiction - Condi-
tions and reservations as elements serving to determine the scope of acceptance
of the Court's jurisdiction and not as derogations from a wider acceptance
alreadygiven - Interpretation of the variouselements of a declarationasform-
ing a single whole - Successive declarations - Régimeapplicable to the inter-
pretation of declarations as unilateral acts, and that establishedfor the inter-

pretation of treaties - Interpretation of the relevant terms of a declaration,
including reservations, in a natural and reasonablemanner, due regard being
had to the intention of the declarantState - Ascertaining the intention - Con-
tra proferentem rule - Effectiveness principle - Legality of the acts covered
by a reservation not relevant for purposes of interpretation of that reservation
- Article 33 of the Charter.
Subparagraph 2 (d) of the Canadiandeclarationof IO May 1994 - Intention
ut the time of the subparagraph's adoption - Links between Canada's newdec-

laration and its new coastaljîsheries protection legislation - Parliamentary
debates.
Interpretation of the text of the reservation:
"Disputes arising out of' - Broad and comprehensive characterof the phrase

- Disputes havingas their "subject-matter" the measuresreferred to in the res-
ervation, "concerning" such measures or having their "origin" therein.
"Conservation and managementmeasures" - "Measure" as an act, step orpro-
ceeding - "Measure" of a "legislative" nature - Relationship between a stat- COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

ANNÉE 1998 4 décembre

Rôle général
4 décembre 1998 no 96

AFFAIRE DE LA COMPÉTENCE

EN MATIÈRE DE PÊCHERIES

(ESPAGNE c. CANADA)

Objet du différend - Rôle de la requêteau regard dela déterminationdes
questionssur lesquelles la Courdoit se prononcer - Définitiondu différendpar
la Cour - Actions spécijîquesdu Canada prises sur lefondement de certains

textes législatifset réglementaires,et conséquences juridiques de ces actions.
Compétencede la Cour - Question du ressort de la Cour elle-même -
Absence de charge de lapreuve.
Déclarationsd'acceptationde lajuridiction obligatoirede la Cour - Condi-
tions et réserves entant qu'éléments servant à déterminerl'étenduede l'accepta-
tion de lajuridiction de la Cour et non à déroger à une acceptation plus large

déjàdonnée - Interprétationdes diversélémentsd'unedéclarationcommefor-
mant un tout - Déclarations successives - Régimes'appliquant à l'interpréta-
tion des déclarationsen tant qu'actes unilatéraux etrégimeétablipour l'inter-
prétation destraités - Interprétationdes termespertinents d'une déclaration, y
compris les réserves,d'une manière naturelle et raisonnable, compte dûment
tenu de l'intention de I'Etat déclarant - Recherche de l'intention - Règle
contra proferentem - Principe de l'effet utile - Défaut de pertinence de la

licéité desactes couverts par une réserveaux fins de l'interprétationde cette
réserve - Article 33 de la Charte.
Alinéa d) du paragraphe 2 de la déclarationdu Canada du IO mai 1994 -
Intention ayant présidé à l'adoption dece texte - Liens entre la nouvelledécla-
ration du Canadaet sa nouvelle législationsur laprotection despêches côtières
- Débatsparlementaires.

Interprétationdu texte de la réserve:
((Différendsauxquels pourraient donnerlieu» - Caractère largeet englobant
de laformule - Différends ayantpour «objet» les mesures viséesdans la

réserve,y ((ayant trait» ou y trouvant leur ((origine)).
((Mesuresde gestion et deconservation» - «Mesure» en tant qu'acte,démarche
oufaçon d'agir - ((Mesure)) de nature ((législative» - Relations entre loi etute and implementing regulations within the legislativesystem of Canada and

other countrles - Interpretation of an international instrument in the light of
international law - Distinction between thedefinition of a concept and the
legality of an actfalling within the scope ofthat concept - "Conservation and
management" measures as measures havingas their purpose the conservation
and management of living resources - Characterizationby reference tofactual
and scientijîc criteri- Conservationand management measures in thesense
generally accepted in internationallaw andpractice.

"Taken by Canada with respect to vesselsjîshing in the NAFO Regulatory
Area, as dejîned in the Convention on FutureMultilateral Co-operation in the
Northwest Atlantic Fisheries, 1978" - Area constituting part of the high seas
- Meaning to be attributed to the word "vessels" - "Natural and reasonable"
interpretation of the text- Declarant's intention - Parliamentary debates.

"And the enforcement ofsuchmeasures" - Useofforce - Penal sanctionsand
enforcement of conservationand management measures - Canadianlegislation
and regulations - Restrictions bringing the authorizeduse of force within the
recognized categoryof measuresof enforcementfor purposes of conservation -
Boarding, inspectionandseizure of aJishing vessel,andminimal use offorce for

these purposes, as elements coming within the conceptof enforcement of con-
servation and management measures accordingto a "natural and reasonable"
interpretation of that concept.

Interpretation of the reservationnot prejudging the legality of theacts cov-
ered thereby - No reason to apply Article 79, paragraph 7, of the Rules in
order to declare that Canada's objection is not of an exclusively preliminary
character.
"Automatic reservation" - Courtnot deprived of its competence to interpret
Canada's reservation - Court'sjîndings on itsjurisdiction resultingfrom that

interpretation alone.
Mootness - Determination not necessary in thiscase.

JUDGMENT

Present: President SCHWEBEL V;ice-President WEERAMANTR JYud;ges ODA,
BEDJAOUIG , UILLAUME R,ANJEVAH , ERCZEGHS ,HI, FLEISCHHAUER,
KOROMAV , ERESHCHETH INI, GINSP, ARRA-ARANGUREN, KOOIIMANS,
REZEK;Judges ad hoc LALONDET ,ORRES BERNARDEZ R;egistrar

VALENCIA-OSPINA.

In the fisheriesjurisdiction case,

between
the Kingdom of Spain,

represented by
Mr. JoséAntonio Pastor Ridruejo, Head of the International Legal Serviceof

the Ministry of Foreign Affairs, Professor of International Law at the Com-
plutense University of Madrid,
as Agent and Counsel (until 31 October 1998);règlementsd'application dansle système législatifdu Canada et d'autrespays
- Interprétationd'un instrument international a l'aune dudroit international
- Distinction entre définitiond'une notion et licéitéd'un acte inclus dans le

champ d'application decette notion - Mesures «de gestion et de conservation»
en tant que mesures ayant pour objet de géreret de conserver des ressources
biologiques - Qualificationpar référence Sdes critèresfactuels et scientifiques
- Mesures de gestion et de conservationau sens communément admisen droit
internationalet dans la pratique internationale.
((Adoptéep sar leCanadapour les navirespêchand tans la zonederéglementation de

I'OPAN,tellequedéjniedansla conventionsur lafuture coopération multilatérale
dansles pêched se l'AtlantiqueNord-Ouest,1978)) - Zone constituantunepartie
dehautemer - Sens a attribuerau terme«navires» - Interprétation((naturelleet
raisonnable»du texte - Intentionde son auteur - Débats parlementaires.
«Et l'exécutionde tellesmesures)) - Emploi delaforce - Sanctionspénaleset
exécutiondemesuresdegestion et de conservation-Législation et réglementa-

tion canadiennes - Restrictionsfaisant entrer l'emploiautoriséde laforce dans
la catégoriebien connue desmesures d'exécution à desfins de conservation -
Arraisonnement, inspectionet saisie d'unnavire de pêchee ,t usage minimal de
laforce à cesfins, en tant qu'éléments inclus dans n laotion d'exécutionde me-
sures de gestionet de conservationselon uneinterprétation((naturelleet raison-
nable))de cette notion.

Interprétationde la réservene préjugeant pasla licéité des actes qui y sont
visés- Absence de raison d'appliquerleparagraphe 7de I'article79 du Règle-
ment pour déclarer que l'objection du Canada n'a pasun caractère exclusive-
ment préliminaire.
((Réserveautomatique» - Intégritédu pouvoir de laCour d'interpréter la

réservedu Canada - Conclusions de la Coursur sa compétence découlandte
cette interprétationseule.
Non-lieu - Non pertinence de l'examen enI'espèce.

Présents: M.SCHWEBEL,~Y~S~M ~~.~~E;ERAMANTRvY i,e-présidentM; M.ODA,
BEDJAOUIG , UILLAUME R,ANJEVA,HERCZEGHS,HI, FLEISCHHAUER,
KOROMAV , ERESHCHETIN, MmeHIGGINSM , M. PARRA-ARANGUREN,
KOOIJMANS, REZEKj,uges; MM. LALONDE T,ORRES BERNARDEjZ ug, es
ad hoc; M. VALENCIA-OSPIN gAe,ffier.

En l'affairede la compétenceen matièrede pêcheries,
entre

le Royaume d'Espagne,

représenté par
M. JoséAntonio Pastor Ridruejo, chef du servicejuridique international du
ministèredes affairesétrangères, professeur de droit internationalà l'univer-
sitéCornplutensede Madrid,

comme agent et conseil (jusqu'au31 octobre 1998);Mr. Aurelio PérezGiralda, Director of the International Legal Serviceof the
Ministry of Foreign Affairs,
as Agent (from 1 November 1998);

Mr. Pierre-Marie Dupuy, Professor of International Law at the University
Panthéon-Assas (Paris II),
Mr. Keith High-t, Member of the Bars of the District of Columbia and New
York,
Mr. Antonio Remiro Brotons, Professor of International Law at the Autono-
mous University of Madrid,
Mr. Luis Ignacio Sanchez Rodriguez, Professor of International Law at the

Complutense University of Madrid,
as Counsel and Advocates;
Mr. FélixValdésValentin-Gamazo, Minister-Counsellor, Embassy of Spain to

the Netherlands,
as Co-Agent;
Mr. Carlos Dominguez Diaz, Embassy Secretary, Assistant Director-General

for International FisheriesManagement Organizations, Ministry of Agricul-
ture and Fisheries,
Mr. Juan José SanzAparicio,Embassy Secretary,Department of International
Legal Affairs, Ministry of Foreign Affairs,
as Advisers,

and

Canada,
represented by

His Excellency Mr. Philippe Kirsch, Q.C., Ambassador and Legal Adviser to
the Department of Foreign Affairs and International Trade,

as Agent and Advocate;
Mr. Blair Hankey, Associate General Counsel, Department of Foreign Affairs
and International Trade,

as Deputy Agent and Advocate;
Mr. L. Alan Willis, Q.C., Department of Justice,

as Senior Counsel and Advocate;
Mr. Prosper Weil, Professor Emeritus, University of Paris,

as Counsel and Advocate;
Ms Louise de La Fayette, University of Southampton,
Mr. Paul Fauteux, Department of Foreign Affairs and International Trade,

Mr. John F. G. Hannaford, Department of Foreign Affairs and International
Trade,
Ms Ruth Ozols Barr, Department of Justice,

Ms Isabelle Poupart, Department of Foreign Affairs and International Trade,

Ms Laurie Wright, Department of Justice,
as Counsel ;M. Aurelio PérezGiralda, directeur du servicejuridique international du minis-

tère des affaires étrangères,
comme agent (à compter du le' novembre 1998);
M. Pierre-Marie Dupuy, professeur de droit international à l'universitéPan-

théon-Assas (ParisII),
M. Keith Highe-, membre des barreaux du district de Columbia et de New
York,
M. Antonio Remiro Brotons, professeur de droit international à l'université
autonome de Madrid,
M. Luis Ignacio Sanchez Rodriguez, professeurde droit international à l'Uni-
versitéComplutense de Madrid,
comme conseilset avocats;

M. Félix ValdésValentin-Gamazo, ministre-conseiller de l'ambassade d'Es-
pagne aux Pays-Bas,

comme coagent ;
M. Carlos Dominguez Diaz, secrétaire d'ambassade, sous-directeur généraaulx
organisations internationales de gestion de pêcheriesau ministère de l'agri-
culture et des pêcheries,
M. Juan José Sanz Aparicio,secrétaire d'ambassade,membre du servicejuri-
dique international du ministère des affaires étrangères,

comme conseillers,

le Canada,
représentépar

S. Exc. M. Philippe Kirsch, c.r., ambassadeur et jurisconsulte, ministère des
affaires étrangèreset du commerce international,
comme agent et avocat;

M. Blair Hankey, avocat général délégué,ministère des affaé irtrsangèresetdu
commerce international,
comme agent adjoint et avocat;

M. L. Alan Willis, c.r., ministèrede la justice,
comme conseil principal et avocat;

M. Prosper Weil, professeur émérite de l'universitéde Paris,
comme conseil et avocat;

MmeLouise de La Fayette, Université deSouthampton,
M. Paul Fauteux, ministère des affaires étrangèree st du commerce internatio-
nal,
M. John F. G. Hannaford, ministère des affairesétrangères etdu commerce
international,
MmeRuth Ozols Barr, ministèrede la justice,
MmeIsabelle Poupart, ministère des affaires étrangèree st du commerce inter-
national,
MmeLaurie Wright, ministèrede la justice,

comme conseils ;Mr. Malcolm Rowe, Q.C., Government of Newfoundland and Labrador,
Mr. Earl Wiseman, Department of Fisheries and Oceans,
as Advisers;
Ms Manon Lamirande, Department of Justice,
Ms Marilyn Langstaff, Department of Foreign Affairsand InternationalTrade,

Ms Annemarie Manuge, Department of Foreign Affairs and International

Trade,
Mr. Robert McVicar, Department of Foreign Affairs and International Trade,

Ms Lynn Pettit, Department of Foreign Affairs and International Trade,
as Administrative Officers,

composed as above,
after deliberation,

delivers thefollowing Judgment:
1. On 28 March 1995, the Kingdom of Spain (hereinafter called "Spain")
filed inthe Registry of the Court an Application instituting proceedingsagainst
Canada in respect of a dispute relating to the amendment, on 12May 1994,of
the Canadian Coastal Fisheries Protection Act, and the subsequent amend-
ments to the regulations implementing that Act, as well as to specificactions

taken on the basis of the amended Act and its regulations, including the pur-
suit, boarding and seizureon the high seas, on 9 March 1995,of a fishingvesse1
- the Estai - flyingthe Spanish flag. The Application invoked as the basis of
thejurisdiction of the Court the declarations wherebyboth States have accepted
its compulsoryjurisdiction in accordance with Article 36, paragraph 2, of its
Statute.
2. Pursuant to Article 40, paragraph 2, of the Statute, the Application was
forthwith communicated to the Canadian Government by the Registrar; and,
pursuant to paragraph 3 of that Article, al1States entitled to appear before the
Court were notified of the Application.
3. By letter of 21 April 1995,the Ambassador of Canada to the Netherlands
informed the Court that, in his Government's opinion, the Court

"manifestly lacksjurisdiction to deal with the Application filed by Spain
. ..by reason of paragraph 2 (d) of the Declaration, dated 10May 1994,
whereby Canada accepted the compulsoryjurisdiction of the Court".

4. At a meeting between the President of the Court and the representatives
of the Parties held on 27 April 1995,pursuant to Article 31 of the Rules of
Court, the Agent of Canada confirmed his Government's position that the
Court manifestly lacked jurisdiction in the case. At the close of the meeting it

was agreed that the question of the jurisdiction of the Court should be sepa-
rately determined before any proceedings on the merits; agreement was also
reached on time-limits for the filing of written pleadings on that question.

By Order of 2 May 1995,the President, taking into account the agreement
reached between the Parties, decided that the written proceedings should first
be addressed to the question of the jurisdiction of the Court to entertain theM. Malcolm Rowe, c.r., Gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador,

M. Earl Wiseman, ministèredes pêcheset des océans,
comme conseillers ;
MmeManon Lamirande, ministère de la justice,
MmeMarilyn Langstaff, ministèredes affairesétrangères etdu commerceinter-
national,
MmeAnnemarie Manuge, ministère des affaires étrangères etdu commerce

international,
M. Robert McVicar, ministère desaffaires étrangèreset du commerceinterna-
tional,
MmeLynn Pettit, ministèredes affairesétrangèreset du commerceinternational,
comme agents administratifs,

LACOUR,

ainsi composée,
après délibéreén chambre du conseil,

rend l'arrêtsuivant:
1. Le 28mars 1995,le Royaume d'Espagne (dénomméci-après 1'«Espagne»)

a déposéau Greffe de la Cour une requête introductive d'instance contrele
Canada au sujet d'un différend relatifà la modification, le 12mai 1994,de la
Loi canadienne sur la protection des pêchescôtières,et aux modifications sub-
séquentesdu règlementd'application de ladite loi, ainsi qu'a certaines actions
menéessur la base de cette loi et de ce règlement modifiésn,otamment la pour-
suite, l'arraisonnement et la saisieen haute mer, le 9 mars 1995,d'un bateau de
pêche - l'Estai - battant pavillon espagnol. La requête invoquait comme
base de compétencede laCour lesdéclarationspar lesquellesles deux Etats ont
accepté la juridiction obligatoire decelle-ciconformémentau paragraphe 2 de
l'article 36 de son Statut.
2. Conformémentau paragraphe 2 de l'article40 du Statut, la requêtea été
immédiatement communiquéeau Gouvernement canadien par le greffier; et,

conformément au paragraphe 3 de cet article, tous les Etats admis à ester
devant la Cour ont été informés de la requête.
3. Par lettre du 21 avril 1995,l'ambassadeur du Canada aux Pays-Bas a fait
connaître à la Cour que, de l'avisde son gouvernement, celle-cin'avait
((manifestement pas la compétencenécessairepour se prononcer sur la
requête introduitepar l'Espagne ..., en raison de l'alinéa d) du para-
graphe 2 de la déclarationdu 10mai 1994par laquellele Canada a accepté

la compétence obligatoire de la Cour».
4. Au cours d'une réunionque leprésident de laCour a tenue avec lesrepré-
sentants des Parties le 27 avril 1995, en application de l'article 31 du Règle-
ment, l'agent du Canada a confirméla position de son gouvernement selon
laquelle la Cour était manifestement dépourvue de compétence en l'espèce.A
l'issue decette réunion,il a été convenuqu'il serait statué séparémenta,vant
toute procédure surle fond, sur la question de la compétence de la Cour; les
Parties sont égalementconvenuesdes délaispour le dépôtdes piècesde la pro-

cédure écrite sur cette question.
Par ordonnance du 2 mai 1995,le président, compte tenu de l'accord inter-
venu entre les Parties, a décidéque les piècesde la procédure écrite porteraient
d'abord sur la question de la compétencede la Cour pour connaître du diffé-dispute and fixed29 September 1995and 29 February 1996,respectively,as the
time-limits for the filing of a Memorial by Spain and a Counter-Memorial by
Canada on that question.

The Memorial and the Counter-Memorial were duly filed within the time-
limits so prescribed.
5. Since the Court included upon the Bench no judge of the nationality of
the Parties, each of them availed itselfof the right conferred by Article 31,para-
graph 3, of the Statute to proceed to choose a judge adhoc to sit in the case:
Spain chose Mr. Santiago Torres Bernardez, and Canada Mr. Marc Lalonde.

6. At a meeting held between the President of the Court and the Agents of
the Parties on 17April 1996,pursuant to Article 31 of the Rules of Court, the
Agent of Spain expressed the wish ofhis Government to be authorized to sub-
mit a Reply and the Agent of Canada stated that his Government was opposed
thereto. Each of the Parties subsequently confirmed its views on the matter in
writing, Canada in letters from its Agent dated 22 April and 3 May 1996,and
Spain in letters from its Agent dated 25 April and 7 May 1996.
By Order of 8 May 1996,the Court decided that it was sufficientlyinformed,
at that stage, of the contentions of fact and law on which the Parties relied with
respect to its jurisdiction in the case, and that the presentation, by them, of
further written pleadings on that question therefore did not appear necessary.
The case was consequentlyready for hearing with regard to the question of the

jurisdiction of the Court.
7. By letter of 8 June 1998,the Agent of Spain, referring to Article 56, para-
graph 4, of the Rules of Court, submitted to the Court five officia1Canadian
documents which had been published but not previously produced. A copy
thereof was communicated to the Agent of Canada, who, by letter of 9 June
1998, stated that, in his Government's opinion, the provision referred to by
Spain afforded the possibility of making reference in oral arguments to docu-
ments which were part of readily available publications, but did not contem-
plate their production, adding that despite the late date of submission of the
documents in question Canada would not object to their production, in order
to avoid delaying the work of the Court.

8. In accordance with Article 53, paragraph 2, of the Rules of Court, the
Court, after ascertaining the views of the Parties, decided that copies of the
pleadings and documents annexed should be made accessibleto the public on
the opening of the oral proceedings.
9. Public sittings wereheld between9 and 17June 1998,during which plead-
ings and replies were heard from the following:

ForSpain: Mr. José AntonioPastor Ridruejo,
Mr. Luis Ignacio Sanchez Rodriguez,
Mr. Antonio Remiro Brotbns,
Mr. Keith Highet,
Mr. Pierre-Marie Dupuy.

ForCanada: H.E. Mr. Philippe Kirsch,
Mr. Blair Hankey,
Mr. L. Alan Willis,
Mr. Prosper Weil.rend et a fix éu 29 septembre 1995et au 29 février1996,respectivement, les
dates d'expiration des délaispour le dépôt d'unmémoirede l'Espagne et d'un
contre-mémoiredu Canada sur cette question.
Le mémoireet lecontre-mémoireont été dûment déposés dans les délais ainsi
prescrits.
5. La Cour ne comptant sur le siègeaucun juge de la nationalité des Parties,

chacune d'elles s'estprévaluedu droit que lui confèrele paragraphe 3 de l'ar-
ticle 31 du Statut de procéderà la désignationd'unjuge ad hoc pour siéger en
l'affaire: l'Espagne a désignéà cet effet M. Santiago Torres Bernardez, et le
Canada M. Marc Lalonde.
6. Lors d'une réunionque le présidentde la Cour a tenue avecles agents des
Parties le 17avril 1996,en application de l'article 31 du Règlement, l'agentde
l'Espagne a expriméle souhait de son gouvernement d'être autorisé à présenter
une répliqueet l'agentdu Canada a indiqué que son gouvernementy était opposé.
Chacune des Parties a ultérieurement confirmé ses vuesà cet égardpar écrit,le
Canada dans des lettres de son agent datéesdu 22 avril et du 3 mai 1996,et
l'Espagne dans des lettres de son agent datéesdu 25 avril et du 7 mai 1996.
Par ordonnance du 8 mai 1996,la Cour a décidé qu'elle étaitsuffisamment
informéeà ce stade des moyens de fait et de droit sur lesquels les Parties se
fondaient au sujet de sa compétenceen l'espèce,et que la présentation, par
celles-ci,d'autres piècesde procédure surcette question n'apparaissait en con-
séquencepas nécessaire.L'affairse'estdonc alors trouvée enétat pource qui est
de la question de la compétencede la Cour.
7. Par lettre du 8juin 1998,l'agent de l'Espagne,se référantau paragraphe 4

de l'article 56 du Règlement, a fait tenir à la Cour cinq documents officiels
canadiens, ayant fait l'objet d'une publication, qui n'avaient pas éantérieu-
rement produits. Copie en a été communiquée à l'agent du Canada, qui, par
lettre du 9 juin 1998,a d'une part fait valoir que, de l'avisde son gouverne-
ment, la disposition invoquéepar l'Espagne ouvrait la possibilité demention-
ner au cours de la procédure orale des documents tirésde publications faci-
lement accessibles,mais n'envisageait pasleur production, et a d'autre part
indiqué qu'en dépid te la date tardive à laquelle les documents en question
avaient été présenté lesCanada ne s'opposait pas à leur production, afin d'évi-
ter de retarder les travaux de la Cour.
8. Conformémentau paragraphe 2 de l'article 53du Règlement, la Cour,
après s'être renseignéaeuprès des Parties, a décidéque des exemplaires des
piècesde procédureet des documents y annexés seraientrendus accessiblesau
public à l'ouverture de la procédure orale.
9. Des audiences publiques ont été tenuesentre le 9 et le 17juin 1998, au
cours desquellesont étéentendus en leurs plaidoiries et réponses:

Pour ['Espagne: M. JoséAntonio Pastor Ridruejo,
M. Luis Ignacio SanchezRodriguez,
M. Antonio Remiro Brotons,
M. Keith Highet,
M. Pierre-Marie Dupuy.

Pour le Canada: S. Exc. M. Philippe Kirsch,
M. Blair Hankey,
M. L. Alan Willis,
M. Prosper Weil. 10. In the Application, the followingrequests were made by Spain:
"As for the precise nature of the complaint, the Kingdom of Spain
requests :

(A) that the Court declare that the legislation of Canada, in so far as it
claims to exerciseajurisdiction over ships flyinga foreign flag on the
high seas, outside the exclusive economic zone of Canada, is not
opposable to the Kingdom of Spain;
(B) that the Court adjudge and declare that Canada is bound to refrain
from any repetition of the acts complained of, and to offer to the
Kingdom of Spain the reparation that is due, in the form of an indem-
nity the amount of which must cover al1 the damages and injuries

occasioned ;and
(C) that, consequently, the Court declare also that the boarding on the
high seas, on 9 March 1995, ofthe ship Estai flyingthe flag of Spain
and the measures of coercion and the exerciseofjurisdiction over that
ship and over its captain constitute a concrete violation of the afore-
mentioned principles and noms of international law."

11. In the written pleadings,the followingsubmissionswerepresented by the
Parties :

On behalf of the Spanish Government,
in the Memorial:

"The Kingdom of Spain requests the Court to adjudge and declare that,
regardless of any argument to the contrary, its Application is admissible
and that the Court has, and must exercise,jurisdiction in this case."

On behalf of the Canadian Government,
in the Counter-Memorial :

"Mav it ~leasethe Court to adiudge and declare that the Court has no
jurisdiitionto adjudicate upon the ~i~lication filedby Spain on 28 March
1995."
12. In the oral proceedings,the followingsubmissionswerepresented by the
Parties :

On behalf of the Spanish Government,

at the sitting of 15June 1998 :
"At the end of Our oral arguments, we again note that Canada has
abandoned its allegation that the dispute between itself and Spain has
become moot. At least, it appears to have understood that it cannot be

asserted that the Spanish Application, having no further purpose for the
future, merely amounted to a request for a declaratory judgment. Nor
does it say - a fact of which we take note - that the agreement between
the European Union and Canada has extinguished the present dispute.
Spain's final submissions are therefore as follows:

We noted at the outset that the subject-matter of the dispute is Canada's
lack of title to act on the high seas against vessels flyingthe Spanish flag,

the fact that Canadian fisheries legislation cannot be invoked against
Spain, and reparation for the wrongful acts perpetrated against Spanish 10. Dans la requête,les demandes ci-aprèsont été formuléepsar l'Espagne:

«Quant à la nature précise de laréclamation,le Royaume d'Espagne
demande :
A) que la Cour déclareque la législationcanadienne, dans la mesure où

elle prétend exercer une juridiction sur les navires battant pavillon
étrangeren haute mer, au-delà de la zone économiqueexclusive du
Canada, est inopposable au Royaume d'Espagne;
B) que la Cour dise et juge que le Canada doit s'abstenir de réitérerles
actes dénoncés, ainsi qu'offrirau Royaume d'Espagne la réparation
due, concrétiséeen une indemnisation dont le montant doit couvrir
tous les dommages et préjudices occasionnés;

C) que, en conséquence, la Cour déclare aussique l'arraisonnement en
haute mer, le 9 mars 1995, du navire sous pavillon espagnol l'Estai
et les mesures de coercition et l'exercicede lajuridiction sur celui-ciet
sur son capitaine constituent une violation concrète des principes et
normes de droit international ci-dessusindiqués.»

11. Dans la procédure écrite,les conclusions ci-aprèsont étéprésentéespar
les Parties:

Au nom du Gouvernement espagnol,
dans le mémoire:

«Le Royaume d'Espagne prie la Cour de dire et juger que, nonobstant
tout argument contraire, sa requête estrecevable et que la Cour a, et doit
exercer, sa compétencedans cette affaire.»

Au nom du Gouvernement canadien,
dans le contre-mémoire :

((Plaisea la Courdire et juger qu'elle n'estpas compétentepour statuer
sur la requête déposépear l'Espagne le 28 mars 1995.))

12. Dans la procédure orale,les conclusions ci-aprèsont été présentée psar
les Parties:

Au nom du Gouvernementespagnol,
à l'audiencedu 15juin 1998 :

«A la fin de nos plaidoiries,nous constatons de nouveau que le Canada
a abandonné son allégation selon laquelle le différend qui l'oppose à
l'Espagne n'aurait plus d'objet.Du moins, il semble avoir compris qu'on
ne peut pas prétendre que la requête espagnoleé , tantdépourvue d'intérêt
pour l'avenir, n'équivaudraitqu'à la demande d'unjugement déclaratoire.
Il ne dit plus non plus, et nous en prenons acte, que l'accord entre l'Union
européenne etle Canada aurait éteintle présent différend.
Dans ces conditions, les conclusions finales de l'Espagne sont les sui-

vantes :
Nous avons constatétout d'abord que l'objetdu différendest le défaut
du titre du Canada pour agir en haute mer à l'encontredes navires battant
pavillon espagnol,l'inopposabilitéà l'Espagne de la législationcanadienne
des pêches, etla réparationdes faits illicitesperpétrésà l'égard des navires vessels.These matters are not included in Canada's reservation to the
jurisdiction of the Court.
Wealso notedthat Canada cannot claimto subordinatethe Application
ofitsreservationto the solecriterionofitsnational legislationand itsown
appraisal without disregardingyour competence, under Article 36, para-
graph 6,of the Statute, to determineyour ownjurisdiction.

Lastly, we noted that the use of force in arresting the Estai and in
harassing other Spanish vessels on the high seas, as well as the use
of force contemplatedin Canadian BillsC-29 and C-8, can also not be
included in the Canadian reservation, because it contravenes the pro-
visionsof the Charter.
For al1the abovereasons,weask the Court to adjudge anddeclarethat
it hasjurisdiction in this case."

On behalf of the Canadian Government,

at the sittingof 17June 1998:

"May it please the Court to adjudgeand declarethat the Court has no
j1995."ction toadjudicateupon the ApplicationfiledbySpainon 28March

13. The Court will begin with an account of the background to the
case.
14. On 10 May 1994Canada deposited with the Secretary-General of
the United Nations a declaration of acceptance of the compulsory juris-
diction of the Court which was worded as follows:

"On behalf of the Government of Canada,
(1) 1givenotice that 1hereby terminate the acceptance by Canada
of the compulsory jurisdiction of the International Court of Justice
hitherto effective by virtue of the declaration made on 10September
1985in conformity with paragraph 2 of Article 36 of the Statute of

the Court.
(2) 1 declare that the Government of Canada accepts as compul-
sory ipsfoacto and without special convention, on condition of reci-
procity, the jurisdiction of the International Court of Justice, in con-
formity with paragraph 2 of Article 36 of the Statute of the Court,
until such time as notice may be given to terminate the acceptance,
over al1disputes arising after the present declaration with regard to
situations or facts subsequent to this declaration, other than:

(a) disputes in regard to which the parties have agreed or shall
agree to have recourse to some other method of peaceful settle-
ment ; espagnols.Cesquestionsne sont pas comprisesdans la réserve du Canada
à la compétence de la Cour.
Nous avons égalementconstatéque le Canada ne peut pas prétendre
subordonner l'applicationde sa réserveau seul critèrede sa législation
nationale etde sapropre appréciation, sansméconnaîtrle a compétence de
votre propre compétence,que vous détenezau titre du paragraphe 6 de
l'articl36de votre Statut.
Nous avonsconstatéenfinque l'usage dela force employé dans I'arrai-
sonnement del'Estaiet dans leharcèlementd'autresbateauxespagnolsen
haute mer, ainsique celuiprévudans lesloiscanadiennesC-29et C-8,ne
contrevientaux dispositionsde la Charte.éservecanadienne, parce qu'il

Pour l'ensembledes raisons qui précèdent, nous prionlsa Cour de dire
etjuger qu'elle estcompétentedans la présente affaire))

Aunom duGouvernementcanadien,
a l'audiencedu 17juin 1998 :

((Plaiseala Courdire etjuger qu'ellen'estpas compétentepour statuer
sur la requêtedéposép ear YEspagnele 28mars 1995.~

13. La Cour commencera par décrirele contexte dans lequel s'inscrit
la présenteaffaire.
14. Le 10mai 1994,le Canada a déposéauprès du Secrétairegénéral
de l'Organisation des Nations Unies une déclaration d'acceptation de la

juridiction obligatoire de la Cour qui étaitainsi libellée:
«Au nom du Gouvernement du Canada,

1)Nous notifions par la présente l'abrogation de l'acceptation par
le Canada de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de
Justice, acceptation qui a jusqu'à présentproduit effet en vertu de la
déclaration faite le 10 septembre 1985 en application du para-
graphe 2 de l'article 36 du Statut de ladite Cour.
2) Nous déclarons que le Gouvernement du Canada, conformé-

ment aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la
Cour, accepte comme obligatoire de plein droit et sans convention
spéciale,sous condition de réciprocitéet jusqu'à ce qu'il soit donné
notification de l'abrogation de cette acceptation, la juridiction de la
Cour en ce qui concerne tous les différendsqui s'élèveraientaprèsla
datedela présente.déclaration,au sujet de situations ou de faits pos-
térieursà ladite déclaration, autres que:

a) les différends au sujet desquels les parties en cause seraient
convenues ou conviendraient d'avoir recours à un autre mode de
règlement pacifique ; (b) disputes with the Government of any other country which is a
member of the Commonwealth, al1of which disputes shall be
settledinsuch manner as the parties have agreed or shall agree;

(c) disputes with regard to questions which by international law
fa11exclusivelywithin the jurisdiction of Canada; and
(d) disputesarising out of or concerningconservation and manage-
ment measures taken by Canada with respect to vesselsfishing
in the NAFO Regulatory Area, as definedin the Convention on
Future Multilateral Co-operation in the Northwest Atlantic
Fisheries, 1978,and the enforcement of such measures.

(3) The Government of Canada also reserves the right at any

time, by means of a notification addressed to the Secretary-General
of the United Nations, and with effect as from the moment of such
notification, either to add to, amend or withdraw any of the fore-
going reservations, or any that may hereafter be added.

It isrequestedthat this notification be communicated to the Gov-
ernments of al1the States that have accepted the Optional Clause
and to the Registrar of the International Court of Justice."

The three reservations set forth in subparagraphs (a), (b) and (c) of
paragraph 2 of the above-mentioned declaration had already been
included in Canada's prior declaration of 10 September 1985.Subpara-
graph (d) of the 1994declaration, however, set out a new, fourth reser-
vation, further excluding from the jurisdiction of the Court:

"(d) disputes arising out of or concerning conservation and man-
agement measures taken by Canada with respect to vessels
fishing in the NAFO Regulatory Area, as defined in the Con-
vention on Future Multilateral Co-operation in the North-
west Atlantic Fisheries, 1978, and the enforcement of such
measures."

15. On the same day that the Canadian Government depositedits new
declaration, it submitted to Parliament Bill C-29 amending the Coastal
Fisheries Protection Act by extending its area of application to include
the Regulatory Area of the Northwest Atlantic Fisheries Organization
(NAFO). Bill C-29 was adopted by Parliament, and received the Royal
Assent on 12May 1994.
Section 2 of the Coastal Fisheries Protection Act as amended defined
the "NAFO Regulatory Area" as "that part of the Convention Area of
the Northwest Atlantic Fisheries Organization that is on the high
seas . . .". b) les différends avecle gouvernementd'un autre pays membre du
Commonwealth britannique des nations, différendsqui seront
réglésselon une méthodeconvenue entre lesparties ou dont elles
conviendront ;
c) les différends relatifsà des questions qui, d'après le droit inter-
national, relèvent exclusivementde la juridiction du Canada; et
d) lesdifférendsauxquelspourraient donner lieu lesmesures de ges-
tion et de conservation adoptées par le Canada pour les navires
pêchantdans la zone de réglementation de I'OPAN, telle que
définiedans la conventionsur la future coopération multilatérale
dans les pêchesde l'Atlantique Nord-Ouest, 1978,et l'exécution
de telles mesures.

3) Le Gouvernement du Canada se réserve égalementle droit de
compléter,modifier ou retirer à tout moment l'une quelconque des
réservesformulées ci-dessus,ou toutes autres réservesqu'il pourrait
formuler par la suite,moyennant une notification adresséeau Secré-
taire généralde l'Organisation des Nations Unies, les nouvelles
réserves, modificationsou retraits devant prendre effet partir de la
date de ladite notification.
Nous vous prions de bien vouloir transmettre la présente noti-
fication aux gouvernements de tous les Etats qui ont acceptéla

clause facultative ainsi qu'au greffier de la Cour internationale de
Justice.
Les trois réserves définiesux alinéasa), b) etc) du paragraphe 2 de la
déclaration ainsi mentionnée indiquent troiscatégories de différendsqui
figuraient déjà dans la déclaration antérieuredu Canada en date du

10 septembre 1985. En revanche, l'alinéa d) de la déclaration de 1994
énonçaitune quatrième et nouvelle réserveexcluant en outre de la com-
pétence dela Cour:
«d) les différendsauxquels pourraient donner lieu les mesures de
gestion et de conservation adoptées par le Canada pour les
navires pêchant dansla zone de réglementation de I'OPAN,

telle que définiedans la convention sur la future coopération
multilatéraledanslespêches del'Atlantique Nord-Ouest, 1978,
et l'exécution detelles mesures)).
15. Le jour mêmedu dépôt desa nouvelle déclaration,le Gouverne-
ment canadien présentait au Parlement le projet de loi C-29 dont le texte

modifiait la Loi sur la protection des pêchescôtières en en étendant
l'applicationà la zone de réglementationdel'organisation des pêchesde
l'Atlantique Nord-Ouest (OPANO). Le projet de loi C-29 a étéadopté
par le Parlement et a reçu la sanction royale le 12mai 1994.
Aux termes de l'article2 de la loi modifiéesur la protection des pêches
côtières, la «zone de réglementation de 170PAN» était définiecomme
«[l]apartie en haute mer de la zone de compétencede l'organisation des
pêchesde l'Atlantique Nord-Ouest». The new Section 5.1 of the Act contained the following declaration :
''5:I.Parliament, recognizing

(a) that straddling stocks on the Grand Banks of Newfoundland
are a major renewable world food source having provided a
livelihood for centuries to fishers,
(b) that those stocks are threatened with extinction,
(c) that there is an urgent need for al1fishingvesselsto comply in
both Canadian fisherieswaters and the NAFO RegulatoryArea
with sound conservation and management measures for those
stocks, notably those measures that are taken under the Con-
vention on Future Multilateral Co-operation in the Northwest
Atlantic Fisheries,done at Ottawa on October 24, 1978,Canada
Treaty Series 1979No. 11,and

(d) that some foreign fishing vessels continue to fish for those
stocks in the NAFO Regulatory Area in a manner that under-
mines the effectivenessof sound conservation and management
measures,
declares that the purpose of section 5.2. is to enable Canada to take
urgent action necessaryto prevent further destruction of those stocks
and to permit their rebuilding, while continuing to seek effective
international solutions to the situation referred to in paragraphd)."

The new Section 5.2 read as follows:

"5.2. No person, being aboard a foreign fishing vessel of a pre-
scribed class, shall, in the NAFO Regulatory Area, fish or prepare to
fish for a straddling stock in contravention of any of the prescribed
conservation and management measures."

Sections 7 ("Boarding by protection officer"), 7.1 ("Search") and

8.1 ("Use of force") of the Act as amended dealt with the activities of
Canadian fisheries protection officers within the NAFO Regulatory
Area. These sections read as follows:
"7. A protection officer may

(a) for the purpose of ensuring compliance with this Act and the
regulations, board and inspect any fishing vessel found within
Canadian fisherieswaters or the NAFO Regulatory Area; and
(b) with a warrant issued under section 7.1, search any fishing
vessel found within Canadian fisheries waters or the NAFO
Regulatory Area and its cargo."

"7.1. (1) Ajustice of the peace who on ex parte application is sat-
isfied by information on oath that there are reasonable grounds to
believe that there is in any place, including any premises, vessel or Le nouvel article 5.1 de la loi contenait la déclaration suivante:
«5.1. Le Parlement, constatant que les stocks chevauchants du

Grand BancdeTerre-Neuveconstituent une importante sourcemon-
diale renouvelable de nourriture ayant assuré la subsistance des
pêcheursdurant des siècles,que ces stocks sont maintenant menacés
d'extinction, qu'il est absolument nécessaireque les bateaux de
pêchese conforment, tant dans les eaux de pêchecanadiennes que
dans la zone de réglementationde l'OPAN, aux mesures valables de
conservation et de gestion de ces stocks, notamment celles prises
sous le régimede la convention sur lafuture coopérationmultilaté-
rale dans lespêches de['Atlantique Nord-Ouest, faiteà Ottawa le
24 octobre 1978 et figurant au no 11 du Recueil des traitésdu
Canada (1979), et que certains bateaux de pêcheétrangers conti-

nuent d'exploiter ces stocks dans la zone de réglementation de
1'OPAN d'une manière qui compromet l'efficacitéde ces mesures,
déclareque l'article 5.2 a pour but de permettre au Canada de
prendre les mesures d'urgence nécessairespour mettre un terme àla
destruction de ces stocks et les reconstituer tout en poursuivant ses
efforts sur le plan international en vue de trouver une solution au
problèmede l'exploitationindue par lesbateaux de pêcheétrangers. »

Quant au nouvel article 5.2, il étaitainsi libellé:
((5.2.Il est interdit aux personnes se trouvaàtbord d'un bateau
de pêcheétranger d'uneclasseréglementairede pêcher,ou de sepré-
parer à pêcher,dans la zone de réglementation de l'OPAN, des
stocks chevauchants en contravention avec les mesures de conserva-

tion et de gestion prévuespar les règlements.
Les articles 7 (((Visitedes bateaux de pêche»),7.1 («Mandat») et 8.1
(((Usagede la force») de la loi modifiéerégissaient l'activides gardes-
pêchecanadiens dans la zone de réglementationde I'OPANO. Ces textes
se lisaient comme suit:

((7. Le garde-pêchepeut,en ce qui a trait à tout bateau de pêche
se trouvant dans les eaux de pêchecanadiennes ou dans la zone de
réglementationde 1'OPAN :

a) en vue de s'assurer du respect de la présenteloi et de ses règle-
ments, monter à bord du bateau et procéder à la visite des lieux;

b) procéder,en vertu d'un mandat délivrésous le régimede l'ar-
ticle 7.1, la fouille du bateau et de sa cargaison.»

«7.1. 1)S'ilest convaincu, sur la foi d'une dénonciation sousser-
ment, qu'il y a des motifs raisonnables de croirea la présencedans
un lieu - y compris un bateau ou un autre véhicule - de poissons vehicle, any fish or other thing that was obtained by or used in, or
that willafford evidencein respect of, a contravention of this Act or
the regulations, may issue a warrant authorizing the protection
officer named in the warrant to enter and search the place for the
fish or other thing subject to any conditions that may be specifiedin
the warrant.
(2) Aprotection officermay exercisethepowersreferred to inpara-
graph 7 (b) without a warrant if the conditions for obtaining a war-
rant exist but, by reason of exigent circumstances, it would not be
practical to obtain a warrant."

"8.1. A protection officer may, in the manner and to the extent
prescribed by the regulations, use force that is intended or islikelyto
disable a foreign fishing vessel, if the protection officer

(a) is proceeding lawfully to arrest the master or other person in
command of the vessel; and
(b) believes on reasonable grounds that the force is necessary for
the purpose of arresting that master or other person."

Finally, the new Section 18.1, which wasconcerned with the applica-
tion of crirninal law, stated:

"An act or omission that would be an offence under an Act of
Parliament if it occurred in Canada is deemed to have been commit-
ted in Canada if it occurs, in the course of enforcingthis Act,

(a) in the NAFO Regulatory Area on board or by means of a for-
eign fishingvesselon board or by means of which a contraven-
tion of section 5.2 has been committed; or
(b) in the course of continuing pursuit that commenced whilea for-
eign fishing vessel was in Canadian fisheries waters or the
NAFO Regulatory Area."

16. On 12May 1994,following the adoption of BillC-8, Canada also
amended Section 25 of its Criminal Code relating to the use of force by
police officers and othei peace officers enforcing the law. This Sec-
tion applied as wellto fisheriesprotection officers,sincetheir duties inci-
dentally included those of peace officers.

17. On 25 May 1994 the Coastal Fisheries Protection Regulations
were also amended.

The new Sections 19.3to 19.5regulated "the use of force" by Canadian
fisheriesprotection officerspursuant to Section 8.1 of the amended Act.

The new subsection 2 of Section 21 ofthe Regulations provided as fol-
lows : ou d'objets qui ont été obtenusou utilisés encontravention de la
présente loiou de ses règlementsou qui serviront à le prouver, le
juge de paix peut, sur demande ex parte, délivrerun mandat auto-
risant, sous réserve desconditions qu'il y fixe, le garde-pêche qui y
est nommé à perquisitionner dans ce lieu afin d'ychercher ces pois-
sons ou ces objets.
2) Le garde-pêche peutexercer sans mandat les pouvoirs visés à
l'alinéa7 b) lorsque l'urgence dela situation rend difficilementréa-

lisable l'obtention du mandat, àcondition que les circonstances en
justifient la délivrance.
((8.1. Le garde-pêcheest fondé à employer, conformément aux
modalités et dansles limitesprévuespar règlement,une force qui est
soit susceptible de désemparer un bateau de pêcheétranger, soit
employéedans l'intention de le désemparer, si les conditions sui-

vantes sont réunies:
a) il procède légalement à l'arrestation du capitaine ou du respon-
sable du bateau;
b) lui-mêmeestime, pour desmotifs raisonnables,cette force néces-
saire pour procéderà l'arrestation.»

Enfin, le nouvel article 18.1,relaàil'application du droit pénal,por-

tait:

«Tout fait - acte ou omission- qui constituerait au Canada une
infractionà une loi fédéraleest réputé yavoir été commiss'ilest sur-
venu, au cours de l'application de la présenteloi:
a) soit dans la zone de réglementation de l'OPAN, à bord ou au
moyen d'un bateau de pêcheétranger ayant servi à commettre
une infraction viséeà l'article 5.2;

b) soit au cours d'une poursuite entamée alors que le bateau de
pêcheétrangersetrouvait dans leseaux de pêchecanadiennesou
dans la zone de réglementationde l'OPAN.»

16. Le 12mai 1994, enadoptant le projet de loi C-8, le Canada a par
ailleurs modifiél'article 25 de son code criminel, relatif l'usage de la
force par les officiers de police et tout autre agent de la paix assurant
l'exécution deslois. Les dispositions de cet article s'appliquaient égale-
ment aux gardes-pêchedu fait que les tâches de ces derniers compor-
taient,à titre incident, cellesd'agent de la paix.
17. Le Règlementsur la protection des pêcheriescôtièresa à son tour
étémodifiéle 25mai 1994.

Les nouveaux articles 19.3 à 19.5réglementaient l'«usagede la force»
par les gardes-pêchecanadiens en application de l'article 8.1 de la loi
modifiée.
Pour sa part, le nouveau paragraphe 2 de l'article21 du règlement dis-
posait ce qui suit: "(2) For the purposes of section 5.2 of the Act,
(a) straddling stocks are,

(i) in Division 3L, Division 3N and Division 30, the stocks of
fish set out in Table 1to this section, and
(ii) in Division 3M, the stocks of fish set out in Table II to this
section;
(b) vessels without nationality and foreign fishing vessels that fly
the flag of any state set out in Table III to this section are pre-
scribed classes of vessels; and

(c) a prohibition against fishingfor straddling stocks,preparing to
fish for straddling stocks or catching and retaining straddling
stocks is a prescribed conservation and management measure."

The "straddling stocks" referred to in "Table 1" included the "Greenland
halibut" (also called in French "flétannoir"). This was the only stock
mentionedin "Table II". "Table III" specifiedBelize,the CaymanIslands,
Honduras, Panama, Saint Vincent and the Grenadines and SierraLeone.

18. These Regulations were further amended on 3 March 1995.
In their amended version, paragraphs (b) to (d) of Section 21 (2)read
as follows:
"(b) the following classes of foreign fishing vessels are prescribed
classes namely

(i) foreign fishing vesselswithout nationality,
(ii) foreign fishingvesselsthat fly the flag of any state set out
in Table III to this section, and
(iii) foreign fishingvesselsthat flythe flag of any state set out
in Table IV to this section;

(c) in respect of a foreign fishing vessel of a class prescribed by
subparagraph (b) (i) or (ii), prohibitions against fishing for
the straddling stocks set out in Table 1 or II to this section,
preparing to fish for those straddling stocks and catching and
retaining those straddling stocks are prescribed conservation
and management measures; and
(d) in respect of a foreign fishing vessel of a class prescribed by
subparagraph (b) (iii), the measures set out in Table V to
this section are prescribed conservation and management
measures".

"Table IV" referred to Spain and Portugal. "Table V", which washeaded
"Prescribed Conservation and Management Measures", began by laying
down the following prohibitions :

"1. Prohibitions against fishing for, or catching and retaining,
Greenland halibut in Division 3L, Division 3M, Division 3N or ((2)Pour l'application de l'article 5.2 de la loi
a) constituent des stocks chevauchants :

i) dans la division 3L, la division 3N et la division 30, les
stocks de poissons mentionnésau tableau 1du présent article,
ii) dans la division 3M, les stocks de poissons mentionnés au
tableau II du présent article;
b) les classes réglementaires de bateaux de pêcheétrangers sont
respectivement les bateaux sans nationalité et les bateaux de
pêcheétrangers qui naviguent sous le pavillon d'un Etat viséau
tableau III du présent article;

c) de pêcher,de se préparerconsàrpêcherou de prendre et garder leson

stocks chevauchants. »
Parmi les ((stockschevauchants » mentionnésau ((Tableau 1» figurait le
((flétandu Groenland)) (égalementappelé,en français, ((flétan noir))).
C'étaitlà le seul stock mentionnéau ((Tableau II». Le ((Tableau III» fai-

sait mention du Belize, des îles Cayrnan, du Honduras, du Panama, de
Saint-Vincent-et-les Grenadines et de la Sierra Leone.
18. Ce règlementa de nouveau étémodifié le3 mars 1995.
Dans leur version amendée,les alinéasb) à d) du paragraphe 2 de
l'article 21 se lisaient ainsi:

«b) les classes réglementairesde bateaux de pêcheétrangers sont:

i) les bateaux de pêcheétrangers sans nationalité,
ii) lesbateauxde pêcheétrangersquinaviguent souslepavillon
d'un Etat viséau tableau III du présent article,
iii) lesbateaux depêcheétrangersqui naviguent souslepavillon
d'un Etat viséau tableau IV du présentarticle;

c) en ce qui concerne les bateaux de pêcheétrangers des classes
viséesaux sous-alinéas b) i) ou ii), constitue une mesure de
conservation et de gestion l'interdiction de pêcher,de se prépa-
rer àpêcherou de prendre et de garder les stockschevauchants
figurant aux tableaux 1ou II du présent article;

d) en ce qui concerne les bateaux de pêcheétrangersde la classe
viséeau sous-alinéab) iii), constituent des mesures de conser-
vation et de gestion les mesures viséesau tableau V du présent
article.

Le ((Tableau IV»visait l'Espagneet lePortugal. Pour sa part, le ((Tableau
V», sous le titre ((Mesuresde conservation et de gestion)),formulait en
premier lieu l'interdiction suivante

«1. Interdiction de pêcherou de prendre et de garder du flétandu
Groenland dans la division 3L, la division 3M, la division 3N et la Division 30 during the period commencing on March 3 and terrni-
nating on December 31 in any year."
19. On 9 March 1995,the Estai, a fishingvesselflyingthe Spanish flag
and manned by a Spanish crew, was intercepted and boarded some 245
miles from the Canadian coast, in Division 3L of the NAFO Regulatory
Area (Grand Banks area), by Canadian Government vessels.The vessel
was seizedand its master arrested on charges of violations of the Coastal

Fisheries Protection Act and its implementing regulations. They were
brought to the Canadian port of St. John's, Newfoundland, where they
were charged with offencesunder the above legislation, and in particular
illegal fishing for Greenland halibut; part of the ship'scatch was confis-
cated. The members of the crew were released immediately. The master
was released on 12 March 1995,following the payment of bail, and the
vesselon 15March 1995,following the posting of a bond.

20. The same day that the Estai was boarded, the Spanish Embassy in
Canada sent two Notes Verbales to the Canadian Department of Foreign
Affairs and International Trade. The second of these stated inter alia
that: "the Spanish Government categorically condemn[ed] the pursuit
and harassment of a Spanish vessel by vesselsof the Canadian navy, in
flagrant violation of the international law in force,ince these acts [took]
place outside the 200-milezone". On 10March 1995,the Spanish Minis-
try of Foreign Affairs sent a Note Verbale to the Canadian Embassy in
Spain which contained the following passage :

"In carrying out the said boarding operation, the Canadian
authorities breached the universally accepted nom of customary
international law codifiedin Article 92 and articles to theame effect
of the 1982Convention on the Law of the Sea, according to which
ships on the high seas shall be subject to the exclusivejurisdiction of
the flag State. . .

The SpanishGovernment considers that the wrongful act commit-
ted by ships of the Canadian navy can in no way bejustified by pre-
sumed concern to conserve fisheriesin the area, since it violates the
established provisions of the NAFO Convention to which Canada is
a party."

In its turn, on 10 March 1995the Canadian Department of Foreign
Affairs and International Trade sent a Note Verbale to the Spanish
Embassy in Canada, in which it was stated that "[tlhe Estai resisted the
efforts to board her made by Canadian inspectors in accordance with
international practice" and that "the arrest of theEstai was necessary in
order to put a stop to the overfishing of Greenland halibut by Spanish
fishermen". division 30 pendant la période commençant le 3 mars et se termi-
nant le31décembrede chaque année.»

19. Le 9 mars 1995,l'Estai, navire de pêchebattant pavillon espagnol
et ayant àson bord un équipageespagnol,a été arraisonné à environ 245
millesdes côtes canadiennes,dans la division 3L de la zone de réglemen-
tation de l'OPANO (régiondu «Grand Banc»), par des bâtiments de la
marine canadienne. Le navire a étésaisi et son capitaine arrêté sousle
chef de violationsde la Loi sur la protection des pêchescôtièreset de son
règlementd'application. Ils ont étéconduits au port canadien de Saint
John's (Terre-Neuve)où un acted'accusation aété dressédu chefd'infrac-
tion aux textes sus-indiqués,et notamment de pêche illégaldeu flétandu
Groenland; une partie des captures se trouvant à bord a étéconfisquée.
L'équipagea immédiatement étérelâché. Le capitaine a été libéré le
12mars 1995contre paiement d'une caution; le navire a quant à lui été
restituéle 15mars 1995après dépôt d'une garantie.
20. Le jour mêmede l'arraisonnement de l'Estai, l'ambassade d'Es-

pagne au Canada a adressé deuxnotes verbales au ministère canadien
des affaires étrangères etdu commerce international. Aux termes de la
seconde, «[l]eGouvernement espagnol condamn[ait] catégoriquementla
poursuite et leharcèlementd'un vaisseau espagnol par des vaisseauxde la
marine canadienne, en flagrante violation du droit international en
vigueur, puisque ces faits [avaient eu] lieu au-delà des 200 milles». Le
10 mars 1995, le ministèreespagnol des affaires étrangères a fait tenàr
l'ambassade du Canada en Espagne une note verbale qui contenait le
passage suivant:

«En effectuant ledit arraisonnement, les autorités canadiennesont
violéla norme universellement acceptéede droit international cou-
tumier, codifiéeaux articles 92 et concordants de la convention de
1982 sur le droit de la mer, conformément à laquelle 1'Etat du
pavillon possède unejuridiction exclusive sur les navires en haute
mer ...

Le Gouvernement espagnol considère que l'acte illicite commis

par les navires de la marine canadienne ne peut en aucune manière
êtrejustifiépar de présuméespréoccupations de conservation des
pêcheriesde la zone, car elleviole cequi est établi dans la convention
[OPANO] dont le Canada est partie. »
Le 10 mars 1995, le ministère canadien des affaires étrangères etdu

commerce international a à son tour adressé unenote verbale à l'ambas-
sade d'Espagne au Canada, dans laquelle il était indiqué que«[l']Estai
a[vait] résistéaux tentatives d'arraisonnement que les inspecteurs cana-
diens [avaient] effectuéesconformément à la pratique internationale)) et
que ((l'arrestation de'Estai a[vait] étérendue nécessairepour mettre fin
à la surpêchedu flétandu Groenland pratiquée par les pêcheursespa-
gnols». Also on 10 March 1995, the European Community and its member

States sent a Note Verbale to the Canadian Department of Foreign
Affairs and International Trade which included the following:
"The arrest of a vessel in international waters by a State other
than the State of which the vessel isflying the flag and under whose
jurisdiction it falls, is an illegal act under both the NAFO Conven-
tion and customaryinternational law, and cannot bejustified by any
means. With this action Canada is not only flagrantly violating
international law, but is failing to observe normal behaviour of

responsible States.
This act is particularly unacceptable since it undermines al1 the
efforts of the international community, notably in the framework of
the FA0 and the United Nations Conference on Straddling Fish
Stocks and Highly Migratory Fish Stocks, to achieve effective con-
servation through enhanced cooperation in the management of fish-
eries resources.

This serious breach of international law goes far beyond the ques-
tion of fisheries conservation. The arrest is a lawless act against
the sovereignty of a Member State of the European Community.
Furthermore, the behaviour of the Canadian vessels has clearly
endangered the lives ofthe crew and the safety of the Spanish vessel
concerned.
The European Community and its Member States demand that
Canada immediately release the vessel, repair any damages caused,
cease and desist from its harassment of vessels flying the flag of
Community Member States and immediately repeal the legislation
under which it claims to take such unilateral action."

21. On 16 April 1995, an "Agreement constituted in the form of an
Agreed Minute, an Exchange of Letters, an Exchange of Notes and the
Annexes thereto between the European Community and Canada on fish-
eries in the context of the NAFO Convention" was initialled; this Agree-
ment was signed in Brussels on 20 April 1995.
In Part A ("Control and Enforcement") of the Agreed Minute, the
Community and Canada agreed on proposals which would "constitute
the basis for a submission to be jointly prepared and made to the NAFO

Fisheries Commission, for its consideration and approval, to establish a
Protocol to strengthen the NAFO Conservation and Enforcement Mea-
sures" ;at the same time the parties decided to implement immediately,
on a provisional basis, certaincontrol and enforcement measures. In Part
B ("Total Allowable Catch and Catch Limits"), they agreed on the total
allowable catch for 1995 for Greenland halibut within the area con-
cerned, and to certain management arrangements for stocks of this fish.
In Part C ("Other Related Issues") Canada undertook to Enfin, le 10mars 1995encore, la Communauté européenneetsesEtats
membres ont saisileministèrecanadien des affairesétrangèresetdu com-
merce international d'une note verbale qui se lisait notamment ainsi:
((L'arraisonnement d'un bateau dans les eaux internationales par

un Etat autre que celui dont le bateau bat pavillon et de lajuridiction
duquel il relèveconstitue un acte illégaltant au regard de la conven-
tion deI'OPANOque du droit international coutumier et ne saurait se
justifier de quelque façon que ce soit. Par cette action, le Canada non
seulementviole de façon flagrante le droit international, mais ne res-
pecte pas non plus le comportement normal des Etats responsables.
Cet acte est particulièrementinacceptableparce qu'il sape tous les
efforts déployépar la communauté internationale, notamment dans
le cadre de laA0 et de la conférencede l'organisation des Nations
Unies sur les stocks de poissons chevauchants et les stocks de pois-
sons grands migrateurs, pour parvenir à une conservation efficace
par le renforcement de la coopérationen matièrede gestion des res-
sources halieutiques.
Cette grave violation du droit international dépassede loin la

question de la conservation des pêcheries. et arraisonnement est un
acte illégalportant atteintela souverainetéd'unEtat membre de la
Communauté européenne.De surcroît, les navires canadiens ont,
par leur comportement, manifestement mis en danger la vie de
l'équipage etla sécuritdu bateau espagnol en cause.
La Communauté européenne etses Etats membres exigent que le
Canada restitue immédiatement le bateau, répare les dommages
occasionnés,cessede harceler les bateaux battant pavillon des Etats
membres de la Communauté et abroge sans délaila loi sous le cou-
vert de laquelle il prétend prendre cettemesure unilatérale.))

21. Le 16avril 1995a étéparaphéun ((Accordentre la Communauté
européenneetle Canada sur les pêchesdans le contexte de la convention
OPANO, constituésousformed'un compterendu concertéetsesannexes,
d'un échangede lettres et d'un échangede notes)); cet accord a étésigné
à Bruxellesle 20 avril 1995.
Aux termes de la section A (((Mesuresde contrôle et d'application)))
du compte rendu concerté, la Communauté etle Canada convenaientde
propositions qui «constitu[erai]ent la base d'un document à élaborer
conjointement et à soumettre à la commission des pêchesde 1'OPANO
pour examen et approbation, en vue de l'établissementd'un protocole de
renforcement desmesuresdeconservationetd'application de 1'OPANO» ;

en mêmetemps, lesparties décidaientdemettre immédiatementen Œuvre,
à titre provisoire, certaines mesures de contrôle et d'application. Par
ailleurs, la section B (((Total des captures autorisées et limites de cap-
ture))), elles s'accordaient sur le total de captures autoriséesde flétandu
Groenland dans la zone pour 1995,ainsi que sur certaines modalités de
gestion de ce stock halieutique. Ala section C (((Questionsconnexes))),le
Canada prenait l'engagement "repeal the provisions of the Regulation of 3 March 1995pursuant
to the Coastal Fisheries Protection Act which subjected vesselsfrom

Spain and Portugal to certain provisions of the Act and prohibited
these vesselsfrom fishingfor Greenland halibut in the NAFO Regu-
latory Area" ;
it was further stated that, for the European Community, "any re-inser-
tion by Canada of vesselsfrom any European Community member State
into legislation which subjects vesselson the high seas to Canadian juris-
diction" would be considered as a breach of the Agreed Minute. It was
likewisestated in that Part that Canada would regard as a breach of the

Agreed Minute
"any systematic and sustained failure of the European Community
to control its fishing vessels in the NAFO Regulatory Area which
clearly has resulted in violations of aerious nature of NAFO con-
servation and enforcement measures".

Point 1 of Part D ("General Provisions") of the Agreed Minutes pro-
vided as follows:

"The European Community and Canada maintain their respective
positions on the conformity of the amendment of 25 May 1994to
Canada's Coastal Fisheries Protection Act, and subsequent regula-
tions, with customary international law and the NAFO Convention.
Nothing in this Agreed Minute shall prejudice any multilateral con-
vention to which the European Community and Canada, or any
Member State of the European Community and Canada, are parties,
or their ability to preserve andefend their rights in conformity with
international law, and the views of either Party with respect to any
question relating to the Law of the Sea."

Finally, Part E ("Implementation") stated that the "Agreed Minute
[would] cease to apply on 31 December 1995 or when the measures
described in this Agreed Minute [were]adopted by NAFO, if this [should
bel earlier".
The Exchange of Letters noted the agreement of the parties on two
points. It was agreed, on the one hand, that the posting of a bond for the
release of thevesse1 Estai and the payment of bail for the release of its
master

"[could] not be interpreted as meaning that the European Commu-
nity or its Member States recognize[d]the legalityof the arrest or the
jurisdiction of Canada beyond the Canadian 200-milezone against
fishingvessels flyingthe flag of another State"

and, on the other hand, that
"the Attorney-General of Canada [would] consider the public inter- «[d']abroge[r]les dispositionsdu règlementdu 3 mars 1995pris en
application de la loi sur la protection de la pêchecôtière, assujettis-
sant les navires espagnols et portugais certaines dispositionsde la
loi et interdisantcesnavires de pêcherle flétannoir dans la zone de
réglementationde I'OPANO» ;
il étaitau demeurant précisédans cette section que, pour la Communauté
européenne, serait considéréecomme une infraction au compte rendu

concerté«toute réintroduction des navires d'un des Etats membres de la
Communauté européenne dans des lois assujettissant à la juridiction
canadienne lesnavires en haute mer». Il y étaitaussi indiquéque, pour le
Canada, serait considérée comme une infraction au mêmecompte rendu
((toute défaillance systématique et prolongéede la Communauté
européenneen matière de contrôle de ses navires de pêchedans la

zone de réglementationde l'OPAN0, ayant clairement entraînéune
violation sérieuse des mesures deconservation et d'application de
I'OPANO».
Pour sa part, le point 1 de la section D (((Dispositions générales»)du
compte rendu portait:

«La Communauté européenne et le Canada maintiennent leurs
positions respectives sur la conformité de l'amendement de la loi
canadienne sur la protection de la pêchecôtièredu 25 mai 1994,et
des règlements suivants, avec le droit coutumier international et la
convention OPANO. Rien dans le présent compterendu concerténe
porte préjudiceà toute convention multilatérale à laquelle la Com-
munauté européenne etle Canada, ou un des Etats membres de la
Communautéeuropéenne etle Canada, sont parties ou à leur capa-
citéde préserver etde défendre leursdroits conformémentau droit

international, ni aux avis des partiesà l'égardde toute question
concernant le droit de la mer.)
Enfin, il était indiqàéla section E («Mise en Œuvre»)que «le ...compte
rendu concerté cesse[rait]d'êtreapplicable le 31 décembre1995ou lors
de l'adoption par l'OPANO des mesures décritesdans [ledit] compte
rendu ..si elle [était]antérieuàela date précitée)).

L'échangede lettres constatait quant àlui l'accord des parties sur deux
points. Il était entendu, d'une part, que le dépôt d'une garantie pour la
restitution del'Est atile paiement d'une caution pour la libération de
son capitaine
«ne signifi[aient]pas que la Communauté européenneou ses Etats
membres reconnais[saient]la légalidel'arrestation ou la juridiction
du Canada au-delà de la zone canadienne de 200 milles en ce qui

concerne les navires de pêchebattant le pavillon d'un autreEtatn
et, d'autre part, que

«le procureur généraldu Canada tiendr[ait] compte de l'intérêt est in his decision on stayingthe prosecution against the vesse1Estai
and its master; in such case, the bond, bail and catch or its proceeds
[would]be returned to the master".

The European Community emphasized that the stay of prosecution was
essential for the application of the Agreed Minute.

22. On 18April 1995the proceedings against the Estai and its master
were discontinued by order of the Attorney-General of Canada; on
19April 1995the bond was discharged and the bail was repaid with inter-
est; and subsequentlythe confiscated portion of the catch was returned.
On 1 May 1995 the Coastal Fisheries Protection Regulations were
amended so as to remove Spain and Portugal from Table IV to Sec-
tion 21. Finally, the Proposa1 for Improving Fisheries Control and

Enforcement,contained in the Agreement of 20 April 1995,wasadopted
by NAFO at its annual meeting held in September 1995 and became
measures binding on al1contracting parties with effect from 29 Novem-
ber 1995.

23. Neither of the Parties denies that there exists a dispute between
them. Each Party, however, characterizes the dispute differently. Spain
has characterized the dispute as one relating to Canada's lack of entitle-
ment to exercisejurisdiction on the high seas, and the non-opposability
of its amended Coastal Fisheries Protection legislation and regulations to
third States,includingSpain. Spainfurther maintains that Canada, by its
conduct, has violated Spain's rights under international law and that
such violation entitles it to reparation. Canada States that the dispute .
concernsthe adoption of measures for the conservation and management
of fisheriesstocks with respect to vesselsfishingin the NAFO Regulatory
Area and their enforcement.

24. Spain contends that the purpose of its Application is not to seise
the Court of a dispute concerning fishing on the high seas or the man-
agement and conservation of biological resources in the NAFO Regula-
tory Area. Claiming that its exclusivejurisdiction over ships flyingits flag

on the high seas has been disregarded and swept aside, it argues that

"the object of the Spanish Application relates essentially to Can-
ada's entitlement in general, and in particular in relation to Spain,
to exercise its jurisdiction on the high seas against ships flying
the Spanish flagand their crews,and to enforce that right by a resort
to armed force".

25. Spain maintains that the Agreement of 20April 1995between the
European Community and Canada on fisheries in the context of the
NAFO Convention (see paragraph 21 above) settled as between Canada public dans sa décision concernant les poursuites judiciaires à

l'encontre du navire Estai et de son capitain...les cautions et les
captures ou leur valeur [devant être] restituésu capitaine))
en cas de suspension des poursuites. La Communauté insistait sur le
caractère essentiel d'une telle suspension pour l'application du compte
rendu concerté.
22. Le 18avril 1995,les poursuites contre l'Estai et son capitaine ont
été abandonnées sur ordre du procureur généraldu Canada; la garantie a

étérendue et Ia caution remboursée avec intérêlte 19 avril 1995, et la
partie des captures qui avait été confisquéaeété ultérieurementrestituée.
Le le' mai 1995,le Règlementsur la protection des pêcheriescôtières a
été modifié à l'effet de rayer l'Espagne et le Portugal du tableau IV de
l'article1.Enfin, lespropositions d'améliorationdesmesures decontrôle
de la pêcheet de leur application, contenues dans l'accord du 20 avril
1995,ont étéadoptéespar 1'OPANO àsa réunion annuellede septembre
1995; elles sont devenues des mesures exécutoirespour toutes les parties
contractantes à compter du 29 novembre 1995.

23. Aucune des deux Parties ne conteste qu'il existe un différendentre
elles. LesParties, toutefois, ne qualifient pas celui-cide la mêmemanière.
Pour l'Espagne, le différenda traità l'absence de titre du Canada pour
exercer sajuridiction en haute mer, ainsi qu'à l'inopposabilité auxEtats
tiers, y compris l'Espagne,de sa législationet de sa réglementationmodi-
fiéessur la protection des pêchescôtières. L'Espagne soutient en outre
que le Canada, par son comportement, a violéles droits qu'elletient du

droit international, et qu'une telle violation lui ouvre un droitépara-
tion. Pour le Canada, le différendconcernel'adoption de mesures de ges-
tion et de conservation des stocks halieutiques pour les navires pêchant
dans la zone de réglementationde l'OPAN0, ainsi que l'exécution deces
mesures.
24. L'Espagne fait valoir que sa requêten'a pas pour objet de saisirla
Cour d'un différendportant sur la pêcheen haute mer ou la gestion et la
conservation des ressources biologiques dans la zone de réglementa-
tion de I'OPANO. Affirmant que la juridiction exclusive qu'elle a sur
les navires battant son pavillon en haute mer a étéignoréeet bafouée,
l'Espagne expose que

«[l]'objet de la requête espagnole concerneessentiellement le titre
que le Canada aurait, en général etvis-à-visde l'Espagne, pour fon-
der sa prétention d'exercer en haute mer sa juridiction sur des na-
vires battant le pavillon espagnol et leurs équipageset pour avoir
recoursà ces finsà la force armée)).

25. L'Espagnesoutientpar ailleursquel'accorddu 20avril 1995entre la
Communautéeuropéenneet leCanada sur lespêches dans lecontextede la
convention OPANO (voir paragraphe 21ci-dessus)a réglé entre le Canadaand the Community certain aspects of a dispute provoked by the uni-
lateral actions of Canada within the area of the high seas subject to regu-
lation by NAFO (an organization of which both the Community and
Canada are members). Spain also stressesthat it CO-operatedin the con-
clusion of this Agreement as a member state of the Community, to which,
it states, competence in respect of fisheriesconservationand management
has been transferred. However, according to Spain, its Application is
based on a right exclusiveto itself and concerns a dispute whose subject-
matter differs from that covered by the Agreement; this dispute, there-

fore, is not merely a matter of fisheriesconservation and management.
26. For its part, Canada is of the view that:
"this case arose out of and concerns conservation and management
measures taken by Canada with respect to Spanish vesselsfishing in
the NAFO Regulatory Area and the enforcement of such measures".

Canada contended at the hearing that Spain's Application constitutes
"a claim in State responsibility on account of Canada's allegedviola-
tion of the international obligations incumbent upon it under the
rules and principles of general international law",

and maintained that a dispute consists of an indivisiblewhole comprising
facts and rules of law. In its viewthe Court cannot havejurisdiction with
regard to one of these elements and not havejurisdiction with regard to
the other.
27. Canada, referring to the notes of protest addressed to it by the
European Communityand by Spain (seeparagraph 20 above), points out
that they contain no trace of any distinction between a dispute with the
European Community and a dispute with Spain, and that both the pro-
tests of the Community and those by the Spanishauthorities "are founded
on the dual, inextricably linked grounds of the fisheriesprotection legisla-
tion and general principles of international law". Canada argues that this
conclusion is confirmed by the Agreement of 20 April 1995between the
European Community and Canada, inasmuch as "here, too, those ques-
tions relating to fisheries and those relating to State jurisdiction, legal

entitlement and respect for the rights of the flag State are closely
interlinked".

28. Spain insists that it is free, as the Applicant in this case, to
characterize the dispute that it wishes the Court to resolve.

29. There is no doubtthat it is for the Applicant, in its Application, to

present to the Court the dispute with which it wishes to seise the Court
and to set out the claims which it is submitting to it.et la Communautécertains aspectsd'un différendprovoqué par lesactions
unilatéralesdu Canada dans la zone de haute mer soumise à la réglementa-
tion de I'OPANO(organisationdont sont membres aussi bien la Commu-
nauté que le Canada). L'Espagne souligne aussi qu'elle a coopéré à la
conclusion de cet accord en tant qu'Etat membre de la Communautéà
laquelle, expose-t-elle,les compétencesen matièrede gestion et de conser-
vation des pêchesont été transférées. Maisse,lonl'Espagne,sa requêteest
fondée sur undroit qui lui estpropre et porte sur un différenddont l'objet
est autre que celuicouvert par l'accord; ce différendne seréduit doncpas
à une simplequestion de gestion et de conservation des pêches.
26. Le Canada estime pour sa part que:

«ce sont les mesures de gestion et de conservation adoptées par le
Canada pour les navires espagnols pêchant dans la zone de régle-
mentation de l'OPAN0, et l'exécution detelles mesures, qui ont
donnélieu à la présenteaffaire.»
A l'audience, le Canada a soutenu que la requêtede l'Espagne constitue

«une demande en responsabilitéinternationale du Canada en raison
de la prétendue violation par le Canada des obligations internatio-
nales qui lui incombent en vertu des principes et règles du droit
international général)),

et a fait valoir qu'un différend estconstituépar un ensemble indivisible
de donnéesfactuelleset de règlesde droit. De l'avisdu Canada, il ne peut
y avoir compétence dela Cour pour l'une de ces composantes et incom-
pétencepour l'autre.
27. Seréférant aux notes de protestation quelui ont adresséesla Com-
munauté européenne et l'Espagne (voir paragraphe 20 ci-dessus), le
Canada fait observer qu'on n'y trouve pas trace d'une distinction quel-
conque entre un différendl'opposant à la Communauté et un différend
l'opposant à l'Espagne, et que tant les protestations de la Communauté
que cellesdes autoritésespagnoles «se placent les unes comme les autres,
et de manièreindissociable, sur le double terrain des règlesgouvernant la
protection des pêcherieset des principes du droit international général)).

Le Canada soutient que cette conclusion est corroborée par l'accorddu
20 avril 1995entre la Communauté européenne etle Canada, dans la
mesure où «[1]àencore les questions de pêcheet les questions de juridic-
tion étatique, de titreset de respect des droits de 1'Etat du pavillon
s[eraie]ntétroitementmêlées)).
28. L'Espagne souligne avec insistance qu'en tant que demandeur en
l'espèceelle a toute latitude pour qualifier le différendqu'elle souhaite
voir réglerpar la Cour.

29. Il ne fait pas de doute qu'il revient au demandeur, dans sa requête,
de présenterà la Cour le différenddont il entend la saisir et d'exposerles
demandes qu'il lui soumet. Paragraph 1 of Article 40 of the Statute of the Court requires more-
over that the "subject of the dispute" be indicated in the Application;
and, for its part, paragraph 2 of Article 38 of theules of Court requires

"the precise nature of the claim" to be specifiedin the Application. In a
number of instances in the past the Court has had occasion to refer to
these provisions. It has characterizedthem as "essential from the point of
viewof legal security and the good administration ofjustice" and, on this
basis, has held inadmissible new claims, formulated during the course of
proceedings, which, if they had been entertained, would have trans-
formed the subject of the dispute originally brought before it under the
terms of the Application (Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauru
v. Australia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1992,
pp. 266-267; see also Prince von Pless Administration, Order of 4 Febru-
ary 1933, P.C.I.J., Series AIB, No. 52, p. 14, and SociétéCommerciale
de Belgique, Judgment, 1939, P.C.Z.J., Series AIB, No. 78, p. 173).
In order to identify its task in any proceedings instituted by one State
against another, the Court must begin by examining the Application (see
Interhandel, Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1959,
p. 21 ;Right of Passage overIndian Territory, Merits, Judgment, I.C.J.
Reports 1960, p. 27; Nuclear Tests (Australia v. fiance), Judgment,
I.C.J. Reports 1974, p. 260, para. 24). However, it may happen that
uncertainties or disagreements arise with regard to the real subject of

the dispute with which the Court has been seised,or to the exact nature
of the claims submitted to it. Insuch cases the Court cannot be restricted
to a consideration of the terms of the Application alone nor, more
generally, can it regard itself as bound by the claims of the Applicant.
Even in proceedings instituted by Special Agreement, the Court has
determined for itself, having examined al1 of the relevant instruments,
what was the subject of the dispute brought before it, in circumstances
where the parties could not agree on how it should be characterized (see
Territorial Dispute (Libyan Arab JamahiriyalChad), Judgment, I.C.J.
Reports 1994, pp. 14-15,para. 19, and p. 28, para. 57).
30. Ttis for the Court itself, while giving particular attention to the
formulation of the dispute chosen by the Applicant, to determine on an
objective basis the dispute dividing the parties, by examining the position
of both parties:

"[Ilt is the Court's duty to isolate the real issue in the case and to
identify the object of the claim. It has never been contested that the
Court is entitled to interpret the submissions of the parties, and in
fact is bound to do so; this is one of the attributes of its judicial

functions." (Nuclear Tests (New Zealand v. France), Judgment,
I.C.J. Reports 1974, p. 466, para. 30; seealso Requestfor an Exami-
nation of the Situation in Accordance with Paragraph63 of the
Court's Judgment of 20 December 1974 in the Nuclear Tests (New
Zealand v.France) Case, Orderof22 September 1995,I. C.J. Reports
1995, p. 304, para. 55.) Le paragraphe 1de l'article40 du Statut de la Cour exiged'ailleursque
l'«objet du différend))soit indiqué dansla requête; etle paragraphe 2 de
l'article 38 de son Règlementrequiert pour sa part que la((nature précise
de la demande)) y figure. La Cour a eu l'occasion, par le passé, deseréfé-
rer à plusieurs reprisesà ces dispositions. Elle les a qualifiéesd7«essen-
tielles au regard de la sécurijuridique et de la bonne administration de
lajustice))et, sur cette base, a conclu l'irrecevabilitéde demandes nou-
velles, formulées encours d'instance, qui, si elles avaient étéaccueillies,
auraient transformé l'objet du différend originellementporté devant elle
aux termes de la requête(Certaines terres àphosphates à Nauru (Nauru
c. Australie), exceptionspréliminaires,arrêt,C.I.J. Recueil 1992,p. 266-
267; voir aussi Administration du prince von Pless, ordonnancedu
4février1933, C.P.J.I. sérieAIB no52, p. 14,et Sociétécommerciale de
Belgique, arrêt,1939, C.P.J.I. sérieAIB no 78, p. 173).

Aux finsd'identifier satâche dans toute instanceintroduite par un Etat
contre un autre, la Cour commence par examiner la requête(voir Inter-
handel, exceptions préliminaires,arrêt,C.I.J. Recueil 1959,p. 21 ;Droit
de passage sur territoire indien,fond, arrêt,.I.J. Recueil 1960,p. 27; et
Essais nucléaires(Australie c. France), arrêt, C.IJ.. Recueil 1974,p. 260,
par. 24). Toutefois, il arrive que des incertitudesou des contestations sur-
gissent quant à l'objet réeldu différenddont la Cour est saisie ou à la
nature exacte des demandes qui lui sont soumises. En pareil cas, la Cour
ne saurait s'entenir aux seuls termes de la requêteni, plus généralement,
s'estimer liéepar les affirmations du demandeur.

Mêmedans une instance introduite par voie de compromis, la Cour a
déterminéelle-même,après avoir examinétous les documents pertinents,

quel était l'objet du différend porté devant elle, alors que les parties
étaienten désaccordsur la qualification de celui-ci (voir Différendterri-
torial (Jamahiriya arabe libyennelTchad), arrêt,C.I.J. Recueil 1994,
p. 14-15,par. 19,et p. 28, par. 57).
30. Il incombe à la Cour, tout en consacrant une attention particulière
à la formulation du différend utiliséepar le demandeur, de définirelle-
même,sur une base objective, le différendqui oppose les parties, en exa-
minant la position de l'une et de l'autre:

((C'est donc le devoir de la Cour de circonscrire le véritablepro-
blèmeen cause et de préciser l'objetde la demande. Il n'ajamais été
contesté que la Cour est en droit et qu'ellea mêmele devoir d'inter-
préterles conclusions des parties; c'est l'undes attributs de sa fonc-

tion judiciaire. » (Essais nucléaires(Nouvelle-Zélande c. France),
arrêt,C.I.J. Recueil 1974, p. 466, par. 30; voir aussi Demande
d'examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l'arrêtrendu
par la Cour le 20 décembre1974 dans l'affaire des Essais nucléaires
(Nouvelle-Zélande c. France), ordonnance du 22 septembre 1995,
C.I.J. Recueil 1995,p. 304, par. 55.)The Court's jurisprudence shows that the Court will not confine itself to
the formulation by the Applicant when determiningthe subject of the dis-
pute. Thus, in the case concerningthe Right of Passage overIndian Ter-
ritory, the Court, in order to form a viewas to itsjurisdiction, definedthe
subject of the dispute in the following terms:

"A passage in the Application headed 'Subject of the Dispute'
indicates that subject as being the conflict of views which arose
between the two States when, in 1954,India opposed the exerciseof
Portugal's right of passage. If this were the subject of the dispute
referred to the Court, the challenge to the jurisdiction could not be
sustained. But it appeared from the Application itself and it was
fully confirmed by the subsequent proceedings, the Submissions of
the Parties and statements made in the course of the hearings, that
the dispute submitted to the Court has a threefold subject:
(1) The disputed existenceof a right of passage in favour of Portu-

gal ;
(2) The allegedfailure of India in July 1954to comply with its obli-
gations concerning that right of passage;
(3) The redress of the illegal situation flowing from that failure."
(Right of Passage over Indian Territory, Merits, Judgment,
I.C.J. Reports 1960,pp. 33-34.)
31. The Court willitself determine the real dispute that has been sub-
mitted to it (seeMaritime Delimitation and Territorial Questions between
Qatar and Bahrain, Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.C.J.

Reports 1995,pp. 24-25). It will base itself not only on the Application
and final submissions, but on diplomatic exchanges, public statements
and other pertinent evidence (see Nuclear Tests (Australia v. France),
Judgment, I.C.J. Reports 1974,pp. 262-263).
32. In so doing, the Court will distinguish between the dispute itself
and arguments used by the parties to sustain their respective submissions
on the dispute :
"The Court has . . .repeatedly exercised the power to exclude,

when necessary, certain contentions or arguments which were
advanced by a party as part of the submissions, but which were
regarded by the Court, not as indications of what the party was ask-
ing the Court to decide, but as reasons advanced why the Court
should decide in the sense contended for by that party." (Nuclear
Tests (Australia v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974,p. 262,
para. 29; see also cases concerning Fisheries, Judgment, 1C.J.
Reports 1951, p. 126; Minquiers and Ecrehos, Judgment, I.C.J.
Reports 1953, p. 52; Nottebohrn, Second Phase, Judgment, I.C.J.
Reports 1955,p. 16.)

33. In order to decide on the preliminary issue of jurisdiction which
arises in the present case, the Court will ascertain the 'dispute between
Spain and Canada, taking account of Spain's Application, as well asIl ressort de lajurisprudence de la Cour que celle-ci nesecontente pas de
la formulation employéepar le demandeur, lorsqu'elle déterminel'objet
du différend. Ainsi, dans l'affaire du Droit de passage sur territoire
indien, la Cour, pour appréciersa compétence,a précisé l'objet du litige
dans les termes suivants:
«Un passage de la requêteintitulé «Objetdu différend»a présenté

cet objet comme l'opposition de vues surgie entre les deux Etats
quand, en 1954, l'Inde s'estopposée à l'exercicedu droit de passage
du Portugal. Si tel était l'objet du différendsoumis à la Cour, la
contestation de compétencesoulevée nepourrait être retenue. Mais
il résultait déjàde la requête etil a été amplementconfirmépar la
suite de la procédure, les conclusions des Parties et les déclarations
faitesàl'audienceque ledifférend soumisàla Cour a un triple objet:

1) Existence contestéed'undroit de passage au profit du Portugal;

2) Manquement que l'Inde aurait commis, enjuillet 1954, à sesobli-
gations concernant ce droit de passage;
3) Redressement de la situation illégalerésultant de ce manque-
ment. » (Droit depassage surterritoire indien,fond, arrêt,C.Z.J.
Recueil 1960, p. 33-34.)
31. La Cour détermineelle-mêmequel est le véritabledifférendporté
devant elle (voir Délimitationmaritime et questions territoriales entre

Qatar et Bahreïn, compétenceet recevabilité,arrêt,C.I.J. Recueil 1995,
p. 24-25). Elle se fonde non seulement sur la requête etles conclusions
finales, mais aussi sur les échangesdiplomatiques, les déclarations pu-
bliques et autres élémentsde preuve pertinents (voir Essais nucléaires
(Australie c. France), arrêt,C.I.J. Recueil 1974, p. 262-263).
32. Ce faisant, la Cour établit une distinction entre le différend lui-
mêmeet les arguments utiliséspar les parties à l'appui de leurs conclu-
sions respectives sur ce différen:

«la Cour a exercé à maintes reprises le pouvoir qu'elle possède
d'écarter,s'il est nécessaire,certaines thèsesou certains arguments
avancéspar une partie comme élémend te sesconclusions quand elle
les considère,non pas comme des indications de ce que la partie lui
demande de décider,mais comme des motifs invoquéspour qu'elle
se prononce dans le sens désiré)) (Essais nucléaires (Australie
c. France), arrêt,C.I.J. Recueil 1974, p. 262, par. 29; voir aussi
Pêcheriesa,rrêt,C.1J. Recueil 1951, p. 126; Minquiers et Ecréhous,
arrêt,C.I.J. Recueil 1953, p. 52, et Nottebohm, deuxième phase,
arrêt,C.Z.J. Recueil 1955, p. 16).

33. Aux fins de se prononcer sur la question préliminaire de compé-
tence qui sepose dans la présenteaffaire, la Cour déterminera quel est le
différend qui oppose l'Espagne au Canada, en tenant compte de lathe various written and oral pleadings placed before the Court by the
Parties.
34. The filing of the Application was occasioned by specific acts of

Canada which Spain contends violated its rights under international law.
These acts were carried out on the basis of certain enactments and regu-
lations adopted by Canada, which Spain regards as contrary to interna-
tional law and not opposable to it. It is in that context that the legislative
enactments and regulations of Canada should be considered.

35. The specificacts (see paragraph 34 above) which gave rise to the
present dispute are the Canadian activities on the high seas in relation to
the pursuit of the Estai, the means used to accomplish its arrest and the
fact of its arrest, and the detention of the vesse1and arrest of its master,
arising from Canada's amended Coastal Fisheries Protection Act and
implementing regulations. The essenceof the dispute between the Parties
is whether these acts violated Spain's rights under international law and
require reparation. The Court must now decide whether the Parties have
conferred upon it jurisdiction in respect of that dispute.

36. As Spain seesit, Canada has in principle accepted the jurisdiction
of the Court through its declaration under Article 36,paragraph 2, of the
Statute, and it is for Canada to show that the reservation contained in
paragraph 2 (d) thereto does exempt the dispute between the Parties
from thisjurisdiction. Canada, for its part, asserts that Spain must bear
the burden of showing why the clear words of paragraph 2 (d) do not
withhold this matter from the jurisdiction of the Court.

37. The Court points out that the establishment or otherwise of juris-
diction is not amatter for the parties but for the Court itself.Although a
party seekingto assert a fact must bear the burden of proving it (seeMili-
tary and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua
v. United States of America), Jurisdiction and Admissibility, Judgment,
I.C.J. Reports 1984, p. 437, para. 101), this has no relevance for the
establishment of the Court's jurisdiction, which is a "question of law to
be resolved in the light of the relevant facts" (Border and Transborder
Armed Actions (Nicaragua v. Honduras), Jurisdiction and Admissibility,

Judgment, I.C.J. Reports 1988, p. 76, para. 16).

38. That being so, there is no burden of proof to be discharged in the
matter of jurisdiction. Rather, it is for the Court to determine from al1
the facts and taking into account al1 the arguments advanced by the
Parties, "whether the force of the argumentsmilitating in favour ofjuris-
diction is preponderant, and to 'ascertain whether an intention on therequête de l'Espagneainsi que des divers exposésécritset orauxprésentés
à la Cour par les Parties.
34. Ledépôt dela requêtea été suscitépar certainesactions spécifiques
du Canada dont l'Espagne prétendqu'elles ont violéses droits en vertu
du droit international. Ces actions ont étéprises sur le fondement de
certains textes législatifset réglementairesadoptés par le Canada, que
l'Espagne estime contraires au droit international et inopposablesà elle-
même.C'est dans ce contexte qu'il faudrait considérer les textes légis-
latifs et réglementairesdu Canada.
35. Les actions spécifiques(voir paragraphe 34 ci-dessus) ayant donné

naissance au présentdifférendsont les activitéscanadiennes en haute mer
qui ont traità la poursuite de l'Estai, aux moyens employéspour l'arrai-
sonner, à l'arraisonnement lui-même, ainsiqu'à la saisie du navire et à
l'arrestation de son capitaine en vertu de la législationcanadienne sur les
pêchescôtièreset de sa réglementationd'application telles que modifiées.
Dans son essence, le différendentre les Parties porte sur la question de
savoir si cesactions ont violélesdroits que l'Espagne tient du droit inter-
national et s'ilsexigent réparation.l appartient maintenant à la Cour de
décidersi les Parties lui ont conféréune compétencepour connaître de ce
différend.

36. Selon l'Espagne, le Canada, en déposant une déclarationen vertu

du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut, a accepté enprincipe la juridic-
tion de la Cour; c'est donc à lui qu'il incombe d'établir que la réserve
figurant à l'alinéad) du paragraphe 2 de cette déclaration exclut de cette
juridiction le différendqui oppose les Parties. Pour sa part, le Canada
affirme qu'il revientà l'Espagne d'établir pour quelle raison les termes
clairsde l'alinéad) du paragraphe 2 ne soustraient pas cette questionàla
juridiction de la Cour.
37. La Cour fera observer qu'établir oune pas établirsa compétence
n'est pas une question qui relèvedes parties; elleest du ressort de la Cour
elle-même. S'ie lst vrai que c'est la partie qui chercheà établir un fait
qu'incombe la charge de la preuve (voir Activitésmilitaires et paramili-
taires au Nicaragua et contre celui-ci(Nicaragua c. Etats-Unis d'Améri-
que), compétenceet recevabilité,arrêt,C.I.J. Recueil 1984, p. 437,

par. 101),cela est sans pertinence aux fins d'établirla compétence dela
Cour, car il s'agità d'«une question de droit qui doit être tranchéeà la
lumière desfaits pertinents)) (Actions arméesfrontalièreset transfronta-
lières(Nicaragua c. Honduras), compétenceet recevabilité,arrêt,C.I.J.
Recueil 1988, p. 76, par. 16).
38. Il en résulte qu'iln'y a pas de charge de la preuve en matière de
compétence.C'est à la Cour elle-mêmede décider,compte tenu de tous
les faits et de tous les arguments avancéspar les parties,si la force des
raisons militant en faveur de sa compétence est prépondérante ets'il
existe «une volonté des Parties de [lui] conférer juridiction)) (Actionspart of the Parties exists to confer jurisdiction upon it"' (Border and
Transborder Armed Actions (Nicaragua v. Honduras), Jurisdiction and
Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports 1988, p. 76, para. 16; see
also Factory ut Chorzdw, Jurisdiction, Judgment No. 8, 1927, P.C.I.J.
Series A, No. 9, p. 32).

39. As the basis of jurisdiction, Spain founded its claim solelyon the
declarations made by the Parties pursuant to Article 36, paragraph 2, of
the Statute. On 21 April 1995Canada informed the Court, by letter, that
in its view the Court lacked jurisdiction to entertain the Application

because the dispute was within the plain terms of the reservationin para-
graph 2 (d) of the Canadian declaration of 10 May 1994.This position
was elaborated in its Counter-Memorial of February 1996, and con-
firmed at the hearings.
40. Spain appears at times to contend that Canada's reservation is
invalid or inoperative by reason of incompatibility with the Court's Stat-
ute, the Charter of the United Nations and with international law. How-
ever, Spain'sposition mainly appears to be that these claimed incompat-
ibilities require an interpretation to be given to paragraph 2 (d) of the
declaration different from that advanced by Canada. In its Memorial at
paragraph 39 Spain thus stated:

"Although the Court has hitherto avoided making a concrete
determination on the compatibility or incompatibility, with the Stat-
ute, of the literal content of certain reservations, and on which cer-
tainjudges have commented,initiating a major doctrinal debate, the
reservation in paragraph 2 (d) of the Canadian declaration does not
raise any problems of this kind.
There may be reservations which, owing to their wording, are
incompatible with the Statute, but the Canadian declaration is not
one of them. On the other hand, what may be incompatiblewith the

Statute is a certain interpretation of that reservation which Canada
now appears to claim to present as the sole authentic interpretation
of its reservation with a view to evading the jurisdiction of the
Court.
There are - or there may be - not just anti-statutory reserva-
tions; there are alsoanti-statutory interpretationsof certain reserva-
tions."

While in the oral argument reference was made by Spain to "invalidity"
and "nullity", and to the reservation being without effectand applying to
"nothing", here again the emphasis was on the need for an interpretation
of the reservation that would be compatible with international law.
41. Accordingly, the Court concludes that Spain contends that the
interpretation of paragraph 2 (d) of its declaration sought for by Canadaarméesfrontalièreset transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), com-
pétenceet recevabilité,arrêt,C.I.J. Recueil 1988, p. 76, par. 16; voir
aussi Usinede Chorzow, compétence,arrêtno 8, 1927, C.P.J.I. sérieA
no9, p. 32).

39. Pour établirla compétencede la Cour, l'Espagne s'estfondée uni-
quement sur les déclarations faites par les Parties en vertu du para-
graphe 2 de l'article 36 du Statut. Par lettre du 21 avril 1995,le Canada
a fait savoiràla Cour que, selon lui, celle-cin'avait pas compétencepour
connaître de la requête carle différendentrait dans les prévisionsde

l'alinéad) du paragraphe 2 de la déclarationcanadiennedu 10mai 1994.
Le Canada a développé cette thèse dans son contre-mémoirede février
1996et l'a confirmée à l'audience.
40. L'Espagne semble parfois soutenir que la réservedu Canada n'est
pas valide ou est inopéranteen raison de son incompatibilité avec le Sta-
tut de la Cour, la Charte des Nations Unies et le droit international. Tou-
tefois, la position de l'Espagne paraît principalement êtrequ'aux fins
d'éviter une tellincompatibilitéil y aurait lieu de donner de l'alinéad)
du paragraphe 2 de la déclarationune interprétation différentede celle
qu'avance le Canada. Au paragraphe 39 de son mémoire, l'Espagne
expose ainsi ce qui suit:

«Bien que la Cour ait évitéj,usqu'à présent,de seprononcer d'une
manière concrètesur la compatibilité ou l'incompatibilité,avec le
Statut, de la teneur littéralede certaines réserves,et sur laquelle cer-
tainsjuges se sont prononcés,en donnant lieu à un grand débat doc-
trinal, la réserveà l'alinéad) du paragraphe 2 de la déclaration
canadienne ne pose pas de problèmesde cette nature.
Il peut y avoir des réservesqui, du fait de leur rédaction, sont
incompatibles avec le Statut, mais celle du Canada ne l'est pas. Par
contre, ce qui peut êtreincompatibleavecle Statut, c'estune certaine
interprétation de celle-cique le Canada prétendrait maintenant pré-

senter comme l'unique et authentique interprétation de sa réserve en
vue de se dérober à la juridiction de la Cour.

Ily a ou il peut y avoir non seulement des réservesantistatutaires,
mais il y a aussi des interprétationsantistatutaires de certaines ré-
serves.»
Sidans sesplaidoiries l'Espagne a évoquél'«invalidité» elta «nullité» de

la réserveainsi que le fait que celle-ciserait sans effet et ne s'appliquerait
à «rien», là encore l'accent étaitmis sur la nécessid'une interprétation
de ladite réservequi soit compatible avec le droit international.
41. En conséquence, la Cour est parvenue à la conclusion que l'Es-
pagne soutientquel'interprétation queleCanada cherche àfaire prévaloirwould not only be an anti-statutory interpretation, but also an anti-
Charter interpretation and an anti-general international law interpre-
tation, and thus should not be accepted. The issue for the Court is conse-
quently to determine whether the meaning to be accorded to the Canadian
reservation allows the Court to declare that it has jurisdiction to adju-
dicate upon the dispute brought before it by Spain's Application.

42. Spain and Canada have both recognized that States enjoy a wide
liberty in formulating, limiting, modifying and terminating their declara-
tions of acceptance of the compulsory jurisdiction of the Court under
Article 36, paragraph 2, of the Statute. They equally both agree that
a reservation is an integral part of a declaration acceptingjurisdiction.

43. However, different viewswere proffered as to the rules of interna-
tional law applicable to the interpretation of reservations to optional dec-
larations made under Article 36, paragraph 2, of the Statute. In Spain's

view, such reservations were not to be interpreted so as to allow reserving
States to undermine the system of compulsory jurisdiction. Moreover,
the principle of effectivenessmeant that a reservationmust be interpreted
by reference to the object and purpose of the declaration, which was the
acceptance of the compulsory jurisdiction of the Court. Spain did not
accept that it was making the argument that reservations to the compul-
sory jurisdiction of the Court should be interpreted restrictively; it
explained its position in this respect in the following terms:

"It is said that Spain argues for the most restrictive scopepermit-
ted of reservations, namely a restrictive interpretation of them . . .
This is not true. Spain supports the most limited scope permitted in
the context of observing of the general rule of interpretation laid
down in Article 31 of the Vienna Convention on the Law of Trea-
ties."
Spain further contended that the contra proferentem rule, under which,
when a text is ambiguous, it must be construed against the party who

drafted it, applied in particular to unilateral instruments such as declara-
tions of acceptance of the compulsoryjurisdiction of the Court and the
reservations which they contained. Finally, Spain emphasized that a res-
ervation to the acceptance of the Court's jurisdiction must be interpreted
so as to be in conformity with, rather than contrary to, the Statute of the
Court, the Charter of the United Nations and general international law.
For its part, Canada emphasized the unilateral nature of such declara-
tions and reservations and contended that the latter were to be inter-
preted in a natural way, in context and with particular regard for the
intention of the reserving State.
44. The Court recalls that the interpretation of declarations madede l'alinéad) du paragraphe 2 de sa déclarationva à l'encontre non seu-
lement du Statut, mais aussi de la Charte et du droit international géné-
ral, et ne saurait donc être retenue. La question portée devant la Cour est
dèslors de savoir si le sens qui doit êtreattribué la réservedu Canada
permet à la Cour de se déclarer compétentepour statuer sur le différend
porté devant elle par la requête de l'Espagne.

42. L'Espagne et le Canada ont tous deux reconnu que les Etats dis-
posent d'une grande liberté pour formuler, limiter, modifier leur déclara-
tion d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour en vertu du

paragraphe 2 de l'article 36 du Statut, ou mettre fià celle-ci. Tous deux
aussi conviennent qu'une réservefait partie intégrante d'une déclaration
d'acceptation de la compétencede la Cour.
43. Cependant, des vues différentesont été exprimées s'agissant des
règles de droit international qui s'appliquent à l'interprétation des ré-
serves figurant dans les déclarations facultativesfaites en vertu du para-
graphe 2 de l'article 36 du Statut. Selon l'Espagne, ces réserves nesau-
raient être interprétées d'une manière qui permettrait auxEtats qui les
formulent de mettre en pérille systèmede la juridiction obligatoire. Par
ailleurs, le principe de l'effet utile signifie qu'une réservedoit être inter-
prétéepar rapport àl'objet et au but de la déclaratioà,savoir l'accepta-
tion de la juridiction obligatoire de la Cour. L'Espagne se défend de
soutenir que les réservesà la juridiction obligatoire de la Cour devraient
faire l'objet d'une interprétation restrictive; elle explique sa poàicetn

égard dans les termes suivants:
«On nous fait dire que l'Espagne défendla portée la plus limi-
téepermise des réserves,à savoir, une interprétation restrictive de
celles-c...Ce n'est pas exact. L'Espagne soutient la portée la plus
limitée permisedans le cadre du respect de la règlegénéraled'inter-
prétation énoncée à l'article 31 de la convention de Vienne sur le
droit des traités.

L'Espagne fait encore valoir que la règle contra proferentem, suivant
laquelle, lorsqu'un texte est ambigu, il doit être interprété cocelui qui
l'a rédigé,s'applique en particulier aux actes unilatéraux comme les
déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour et les
réservesqu'ellescontiennent. Enfin, l'Espagne souligne qu'une réserve à
l'acceptation de la juridiction de la Cour doit être interprétéde façon

telle qu'ellesoit conforme,et non pas contraire, au Statut de la Couà,la
Charte des Nations Unies et au droit international général.
Pour sa part, le Canada insiste sur la nature unilatéralede ces décla-
rations et réserves,et soutient que ces dernièresdoivent être interprétées
d'une manièrenaturelle, dans leur contexte et en tenant compte de façon
toute particulière de l'intention de'Etatqui les a formulées.
44. La Cour rappelle que l'interprétation des déclarations faites enunder Article 36, paragraph 2, of the Statute, and of any reservations
they contain, is directed to establishing whether mutual consent has been
given to the jurisdiction of the Court.
Itis for each State, in formulating its declaration, to decide upon the
limits it places upon its acceptance of thejurisdiction of the Court: "This
jurisdiction only existswithin the limitswithin whichit has beenaccepted"
(Phosphates in Morocco, Judgment, 1938, P.C.I.J., Series AIB, No. 74,
p. 23). Conditions or reservations thus do not by their terms derogate
from a wider acceptancealready given. Rather, they operate to definethe
parameters of the State's acceptanceof the compulsoryjurisdiction of the
Court. There is thus no reason to interpret them restrictively. Al1 ele-
ments in a declaration under Article 36, paragraph 2, of the Statute
which, read together, comprise the acceptance by the declarant State of
the Court's jurisdiction, are to be interpreted as a unity, applying the

same legal principles of interpretation throughout.

45. This is true even when, as in the present case, the relevant expres-
sion of a State's consentto the Court's jurisdiction, and the limits to that
consent, represent a modification of an earlier expression of consent,
given within wider limits. An additional reservation contained in a new
declaration of acceptance of the Court's jurisdiction, replacing an earlier
declaration, is not to be interpreted as a derogation from a more com-
prehensive acceptance given in that earlier declaration; thus, there is no
reason to interpret such a reservation restrictively. Accordingly, it is the
declaration in existencethat alone constitutes the unity to be interpreted,
with the same rules of interpretation applicable to al1 its provisions,
including those containing reservations.

46. A declaration of acceptance of the compulsoryjurisdiction of the

Court, whether there are specifiedlimits set to that acceptance or not, is
a unilateral act of State sovereignty. At the same time, it establishes a
consensualbond and the potential for ajurisdictional link with the other
States which have made declarations pursuant to Article 36,paragraph 2,
of the Statute, and "makes a standing offer to the other States party to
the Statute which have not yet deposited a declaration of acceptance"
(Land and Maritime Boundary between Cameroonand Nigeria, Prelimi-
nary Objections, I.C.J. Reports 1998, p. 291, para. 25). The régimerelat-
ing to the interpretation of declarations made under Article 36 of the
Statute is not identical with that established for the interpretation of trea-
ties by the Vienna Convention on the Law of Treaties (ibid., p. 293,
para. 30).Spain has suggested in its pleadings that "[tlhis does not mean
that the legal rules and the art of interpreting declarations (and reserva-
tions) do not coincide with those governing the interpretation of trea-
ties". The Court observes that the provisions of that Convention may

only apply analogously to the extent compatible with the sui generis
character of the unilateral acceptance of the Court's jurisdiction.vertu du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut et des réserves qu'elles
contiennenta pour but d'établir siun consentement mutuel a été donné à
sa compétence.
Il appartientàchaque Etat, lorsqu'ilformule sa déclaration,dedécider
des limitesqu'ilassigne à son acceptation de lajuridiction de la Cour: «la
juridiction n'existe que dans les termes où elle a étéacceptée))(Phos-

phates duMaroc, arrêt,1938, C.P.J.I. sérieAIB no 74,p. 23). Les condi-
tions ou réserves,de par leur libellé,n'ont doncpas pour effetde dérogerà
une acceptation de caractèreplus large déjà donnée.Elles servent plutôt
à déterminer l'étendue de l'acceptation par 1'Etatde lajuridiction obliga-
toire de la Cour; il n'existe donc aucune raison d'en donner une inter-
prétationrestrictive. Tous leséléments d'une déclarationfaiteen vertu du
paragraphe 2 de l'article 36 du Statut, qui, pris ensemble, comportent
l'acceptation de la compétencede la Cour par YEtat auteur de la déclara-
tion, doivent être interprétécsomme formant un tout, auquel doivent être

appliquésles mêmesprincipesjuridiques d'interprétation.
45. Cela est vrai alors mêmeque, comme dans la présenteaffaire, les
termes pertinents de l'acceptation par un Etat de la compétencede la
Cour, ainsi que les limites apportées à cette acceptation, modifient
l'expression antérieured'un consentement donné demanière plus large.
Une réserveadditionnelle incluse dans une nouvelle déclarationd'accep-
tation de la juridiction de la Cour, qui remplace une déclaration anté-
rieure, ne doit pas être interprétéecomme dérogeant à une acceptation
plus généraledonnée dans cette déclaration antérieure;il n'y a donc pas
de raison d'interpréterune telle réservede façon restrictive. Ainsi, c'estla

déclaration telle qu'elle existe qui,à elle seule, constitue l'ensemble à
interpréter,et les mêmes règled s'interprétationdoivent êtreappliquées à
toutes ses dispositions,y compris cellesqui contiennent des réserves.
46. Une déclaration d'acceptation de la juridiction obligatoire de la
Cour, qu'elleait étéou non assortie de limites précises,constitue un acte
unilatéralrelevant de la souverainetéde YEtat. En mêmetem~s.A ,le éta-
blit un lien consensuel et ouvre la possibilité d'unrapport juridictionnel
avec les autres Etats qui ont fait une déclaration en vertu du para-
graphe 2de l'article36du Statut, et constitue «une offre permanenteaux
autres Etats parties au Statut n'ayant pas encore remis de déclaration

d'acceptation)) (Frontièreterrestre et maritime entre le Cameroun et le
Nigéria,exceptionspréliminaires, C.Z.J. Recueil 1998,p. 291,par. 25). Le
régimequi s'applique à l'interprétation des déclarationsfaites en vertu
de l'article36du Statut n'est pas identiqueàceluiétablipour l'interpréta-
tion des traitésDarla convention de Vienne sur le droit des traités\ibid2.
p. 293,par. 30).Dans sesexposés,l'Espagnea déclaré que «cela ne signifie
pas que lesrèglesjuridiques et de l'art de l'interprétationdes déclarations
(et des réserves)ne coïncident pas avec celles qui régissentl'interpréta-
tion des traités)).La Cour relèveque les dispositionsde la convention de

Vienne peuvent s'appliquer seulement par analogie dans la mesure où
ellessont compatibles avec le caractèresui generisde l'acceptation unila-
téralede la juridiction de la Cour. 47. In the event, the Court has in earlier cases elaborated the appro-
priate rules for the interpretation of declarations and reservations. Every

declaration "must be interpreted as it stands, having regard to the words
actually used" (Anglo-Iranian Oil Co., Preliminary Objection,Judgment,
I.C.J. Reports 1952, p. 105). Every reservation must be given effect "as
it stands" (Certain Norwegian Loans, Judgment, I.C.J. Reports 1957,
p. 27).Therefore,declarations and reservations are to be read as a whole.
Moreover, "the Court cannot base itself on a purely grammatical inter-
pretation of the text. It must seek the interpretation which is in harmony
with a natural and reasonable way of reading the text." (Anglo-lranian
Oil Co., Preliminary Objection, Judgment, I.C.J. Reports 1952, p. 104.)

48. At the same time, since a declaration under Article 36, para-
graph 2, of the Statute, is a unilaterallydrafted instrument, the Court has
not hesitated to place a certain emphasis on the intention of the depos-
iting State. Indeed, in the case concerning Anglo-Iranian Oil Co., the
Court found that the limiting words chosen in Iran's declaration were "a
decisive confirmation of the intention of the Government of Iran at the
time when it accepted the compulsoryjurisdiction of the Court" (ibid.,
p. 107).
49. The Court will thus interpret the relevant words of a declaration

including a reservation contained therein in a natural and reasonable
way, having due regard to the intention of the State concerned at the time
when it accepted the compulsoryjurisdiction of the Court. The intention
of a reserving State may be deduced not only from the text of the relevant
clause, but also from the context in which the clause is to be read, and an
examination of evidence regarding the circumstances of its preparation
and the purposes intended to be served. In the Aegean Sea Continental
Shelf case, the Court affirmed that it followed clearly from its jurispru-
dence that in interpreting the contested reservation

"regard must be paid to the intention of the Greek Government at
the time when it depositedits instrument of accession to the General
Act; and it was with that jurisprudence in mind that the Court asked
the Greek Government to furnish it with any available evidence of
explanations of the instrument of accession given at that time"
(Aegean Sea Continental Shez Judgment, I.C.J. Reports 1978,
p. 29, para. 69).
In the present case the Court has such explanationsin the form of Cana-
dian ministerial statements, parliamentary debates, legislative proposals

and press communiqués.
50. Where, moreover, an existing declaration has been replaced by a
new declaration which contains a reservation, as in this case, the inten-
tions of the Government may also be ascertained by comparing the terms
of the two instruments.
51. The contra proferentem rule may have a sole to play in the inter-
pretation of contractual provisions. However, it follows from the fore- 47. De fait, la Cour a précisédans des arrêts antérieursles règles à
suivre pour l'interprétation des déclarations etdes réservesqu'ellescon-
tiennent. Toute déclaration «doit être interprétée telle qu'elle se pré-
sente, en tenant compte des mots effectivementemployés)) (Anglo-Iranian
Oil Co., exception préliminaire,arrêt, C.I.. Recueil 1952, p. 105).Toute
réservedoit être appliquée ((telle qu'elle est» (Certains emprunts nor-
végiens,arrêt, C.I.J. Recueil 1957, p. 27). Ainsi, les déclarations et les
réservesdoivent êtreconsidérées comme un tout. En outre, «la Cour ne
saurait se fonder sur une interprétation purement grammaticale du texte.
Elle doit rechercher l'interprétation quiest en harmonie avec la manière

naturelle et raisonnable de lire le texte.))glo-Iranian Oil Co., excep-
tion préliminaire,arrêt, C.I.J.Recueil 1952, p. 104.)
48. Par ailleurs, étant donné qu'une déclarationen vertu du para-
graphe 2 de l'article 36 du Statut est un acte rédigéunilatéralement, la
Cour n'a pas manqué de mettre l'accent sur l'intention de 1'Etat qui
déposeune telle déclaration.Aussi bien, dans l'affairede I'Anglo-Iranian
Oil Co., la Cour a-t-elle jugé que les termes restrictifs choisis dans la
déclaration de l'Iran étaient«une confirmation décisivede l'intention du
Gouvernement de l'Iran, lorsqu'il a acceptéla juridiction obligatoire de
la Cour» (ibid., p. 107).
49. La Cour interprète donc les termes pertinents d'une déclaration,
y compris les réservesqui y figurent, d'une manière naturelle et rai-
sonnable, en tenant dûment compte de l'intention de 1'Etat concerné à
l'époque oùcedernier a acceptélajuridiction obligatoire de la Cour. L'in-
tention d'un Etat qui a formulé uneréservepeut être déduite nonseule-

ment du texte mêmede la clause pertinente, mais aussi du contexte dans
lequel celle-cidoit êtrelue et d'un examen des éléments de preuve relatifs
auxcirconstances de son élaboration et auxbutsrecherchés.Dans l'affaire
du Plateau continental de la mer Egée,la Cour a affirméqu'il résultait
clairement de sajurisprudence que pour interpréter la réserve en cause
«il conv[enait]de prendre en considération l'intentiondu Gouverne-
ment de la Grèce à l'époque oùcelui-ci a déposéson instrument

d'adhésion à l'ActegénéralC . 'est eneffet compte tenu de cette juris-
prudence que la Cour a demandé à ce gouvernement de lui fournir
tous leséléments dont il disposait au sujet des explicationsdonnéeà
l'époque relativementà l'instrument d'adhésion.»(Plateau continen-
tal de la mer Egée, arrêtC, .I. Recueil 1978, p. 29, par. 69.)
Dans la présente affaire, la Cour dispose de telles explications sous la

forme de déclarationsministérielles, dedébats parlementaires, de projets
législatifset de communiquésde presse canadiens.
50. En outre, quand une déclaration existantea étéremplacéepar une
nouvelle déclaration qui contient une réserve, commedans la présente
affaire, on peut aussi établirles intentions du gouvernement intéressen
comparant les termes des deux instruments.
51. La règle contra proferentem peut jouer un rôle dans l'interpréta-
tion de dispositions conventionnelles.Toutefois, il découle del'analysegoing analysis that the rule has no role to play in this case in inter-
preting the reservation contained in the unilateral declaration made by
Canada under Article 36, paragraph 2, of the Statute.
52. The Court was addressed by both Parties on the principle of effec-
tiveness. Certainly,this principle has an important role in the law of trea-
ties and in the jurisprudence of this Court; however, what is required in
the first place for a reservation to a declaration made under Article 36,
paragraph 2, of the Statute, is that it should be interpreted in a manner
compatible with the effect sought by the reserving State.
53. Spainhas contended that, in case of doubt, reservationscontained
in declarations are to be interpreted consistently with legality and that
any interpretation which is inconsistent with the Statute of the Court,
the Charter of the United Nations or with general international law is
inadmissible. Spain draws attention to the following finding of the
Court in the Right of Passage over Indian Territory case, where the
Court had to rule on the compatibility of a reservation with the Statute:

"It is a rule of interpretation that a text emanating from a Gov-
ernment must, in principle, be interpreted as producing and as
intended to produce effects in accordance with existing law and not
in violation of it." (Right of Passage overZndianTerritory, Prelimi-
nary Objections, Judgment, I. C.J. Reports 1957, p. 142.)

Spain argues that, to comply with these precepts, it is necessary to inter-
pret the phrase "disputes arising out of or concerning conservation and
management measures taken by Canada with respect to vesselsfishingin
the NAFO Regulatory Area . . .and the enforcement of such measures"
to refer only to measures which, since they relate to areas of the high
seas, must come within the framework of an existing international agree-
ment or be directed at stateless vessels.It further argues that an enforce-
ment of such measures which involves a recourse to force on the high seas
against vessels flying flags of other States could not be consistent with
international law and that this factor too requires an interpretation of the
reservation different from that given to it by Canada.

54. Spain'sposition is not in conformity with the principle of interpre-
tation whereby a reservation to a declaration of acceptance of the com-
pulsory jurisdiction of the Court is to be interpreted in a natural and
reasonable way, with appropriate regard for the intentions of the reserv-
ing State and the purpose of the reservation. In point of fact, reservations
from the Court's jurisdiction may be made by States for a variety of rea-
sons; sometimes precisely because they feel vulnerable about the legality
of their position or policy. Nowhere in the Court's case-law has it been
suggested that interpretation in accordance with the legality under inter-
national law of the matters exempted from thejurisdiction of the Court is
a rule that governs the interpretation of such reservations : qui précèdeque cette règlen'a pas de rôle àjouer en l'espècedans l'inter-
prétationde la réservecontenue dans la déclaration unilatérale faite par
le Canada en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut.
52. Les deux Parties se sont référéed sevant la Cour au principe de
l'effetutile. Ce principejoue certes un rôle important en droit des traités
et dans lajurisprudence de cette Cour; toutefois, s'agissant d'une réserve
àune déclaration faiteen vertu du paragraphe 2 de l'article 36du Statut,
ce qui est exigéen tout premier lieu est qu'elle soit interprétée d'une
manièrecompatible avec l'effetrecherchépar 1'Etatqui en est l'auteur.
53. L'Espagne soutient qu'en cas de doute lesréservesfigurant dans les
déclarations doivent être interprétées d'une manière qui soit compatible
avec le droit existant et qu'aucune interprétation incompatible avec le

Statut de la Cour, la Charte des Nations Unies ou le droit international
généralne saurait êtreadmise. Elle appelle l'attention sur la conclusion
suivante de la Cour dans l'affaire du Droit de passage sur territoire
indien,où la Cour avait à se prononcer sur la compatibilitéd'uneréserve
avec le Statut:
«C'est une règled'interprétation qu'untexte émanant d'un gou-

vernement doit, en principe, être interprété comme produisant et
étantdestiné à produire des effets conformes et non pas contraires
au droit existant.(Droit depassage sur territoire indien,exceptions
préliminaires,arrêt, C.I.J. Recueil 1957, p. 142.)
L'Espagne fait valoir que, pour se conformer à ces préceptes,il y a lieu
d'interpréter la formule «les différendsauxquels pourraient donner lieu

lesmesures de gestion et de conservation adoptéespar le Canada pour les
navires pêchantdans la zone de réglementationde I'OPAN ...et l'exécu-
tion de telles mesures» comme ne visant que des mesures qui, dèslors
qu'ellesconcernent des espaces de haute mer, doivent s'inscrire dans un
cadre conventionnelou êtredirigéescontre des navires apatrides. Ellefait
en outre valoir qu'une exécutionen haute mer de tellesmesures qui impli-
querait un recours à la force contre des navires battant pavillon d'autres
Etats ne saurait être compatibleavec le droit international et que, de ce
fait également,la réservedoit recevoir une interprétation différente de
celle que lui donne le Canada.
54. La thèse del'Espagnen'est pas compatible avecle principed'inter-
prétationselon lequel une réservefigurant dans une déclaration d'accep-
tation de la juridiction obligatoire de la Cour doit être interprétée'une
manière naturelle et raisonnable en tenant dûment compte des intentions

de 1'Etatauteur de la réserveet du but de la réserve.En effet, les Etats
peuvent formuler des réservesexcluant la compétencede la Cour pour
des motifs divers; il arrive qu'ils le fassent, précisément,parce que la
conformité au droit de leur position ou de leur politique est perçue
comme étant aléatoire. La Cour n'a jamais donné à entendre, dans sa
jurisprudence, qu'une interprétation privilégiantla conformité au droit
international des actes exclusde la compétencede la Cour est la règlequi
s'imposepour l'interprétationde telles réserves : "Declarations of acceptance of the compulsoryjurisdiction of the
Court are facultative, unilateral engagements, that States are abso-
lutely free to make or not to make. In making the declaration a State

is equally free either to do so unconditionally and without limit of
time for its duration, or to qualify it with conditions or reserva-
tions." (Military and Paramilitary Activities in and againstNicara-
gua (Nicaragua v. United States of America), Jurisdiction and
Admissibility, Judgment, I. C.J. Reports 1984, p. 418, para. 59.)
The holding of the Court relied on by Spain in the Right of Passage over
Indian Territory case, which was concerned with a possible retroactive
effect of a reservation, does not detract from this principle. The fact that
a State may lack confidence as to the compatibility of certain of its

actions with international law does not operate as an exception to the
principle of consent to the jurisdiction of the Court and the freedom to
enter reservations.
55. There is a fundamental distinction between the acceptance by a
State of the Court's jurisdiction and the compatibility of particular acts
with international law. The former requires consent. The latter question
can only be reached when the Court deals with the merits, after having
established itsjurisdiction and having heard full legal argument by both
parties.
56. Whether or not States accept the jurisdiction of the Court, they
remain in al1cases responsible for acts attributable to them that violate
the rights of other States. Any resultant disputes are required to be
resolved by peaceful means, the choice of which, pursuant to Article 33
of the Charter, is left to the parties.

57. In order to determine whether the Parties have accorded to the
Court jurisdiction over the dispute brought before it, the Court must now
interpret subparagraph (d) of paragraph 2 of Canada's declaration,
having regard to the rules of interpretation which it has just set out.

58. However, before commencing its examination of the text of the

reservation itself, the Court feelsbound to make two observations which
it considers essential inorder to ascertain the intention which underlay
the adoption of that text. The first of these concerns the importance
attaching to the reservation in the light of the acceptance by Canada of
the Court's jurisdiction; the second concerns the relationship between
that reservation and the Canadian coastal fisheries protection legislation.
59. The Court has already pointed out (see paragraph 14 above) that
the current Canadian declaration replaced a previous one, dated 10 Sep-
tember 1985. The new declaration differs from its predecessor in one
respect only: the addition, to paragraph 2, of a subparagraph (d) con- «Les déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la
Cour sont des engagements facultatifs, de caractère unilatéral, que
les Etats ont toute libertéde souscrireou de ne pas souscrire.Etat
est libre en outre soit de faire une déclaration sans condition et sans
limite de durée, soit de l'assortir de conditions ou de réserves.))
(Activitésmilitaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), compétenceet recevabilité,
arrêt,C.I.J. Recueil 1984, p. 418, par. 59.)

La conclusion de la Cour dans l'affaire duDroit depassage surterritoire
indien, qu'invoque l'Espagne et qui porte sur la question de l'éventuel
effet rétroactif d'uneréserve,ne déroge pas à ce principe. Le fait qu'un
Etat puisse éprouverdes doutes quant à la compatibilité de certains de
ses actes avec le droit international ne constitue pas une exception au
principe du consentement àlajuridiction de la Cour età la libertéde for-
muler des réserves.
55. Il existe une distinction fondamentale entre l'acceptation par un
Etat de la juridiction de la Cour et la compatibilitéde certains actes avec

le droit international. L'acceptation exige le consentement. La compati-
biliténe peut êtreappréciéeque quand la Cour examine le fond, après
avoir établi sa compétenceet entendu les deux parties faire pleinement
valoir leurs moyens en droit.
56. Que les Etats acceptent ou non la juridiction de la Cour, ils de-
meurent en tout état de cause responsables des actes portant atteinte
aux droits d'autres Etats qui leur seraient imputables. Tout différendà
cet égarddoit êtreréglé par des moyens pacifiques dont le choix est laissé
aux parties conformément àl'article 33 de la Charte.

57. Aux fins d'établir si les Parties lui ont donné compétence pour
connaître du différenddont elleest saisie,la Cour doit présent procéder
à l'interprétation de l'alinéad) du paragraphe 2 de la déclaration du
Canada, compte tenu des règlesd'interprétation qu'ellevient de dégager.

58. Avant toutefoisd'entrer dans l'examendu textemêmede la réserve,
la Cour estime devoir faire deux observations qui lui paraissent essen-

tiellesà l'effet d'apprécier l'intention qui a présidà l'adoption de ce
texte. La première observation a trait à l'importance que cette réserve
revêtau regard de l'acceptation, par le Canada, de la juridiction de la
Cour; la seconde concerne les relations qu'entretiennent cette réserveet
la législationcanadienne sur la protection des pêchescôtières.
59. La Cour a déjàindiqué(voir ci-dessusparagraphe 14)que la décla-
ration canadienne en vigueur remplace une déclaration antérieure, datée
du 10septembre 1985.La nouvelle déclarationne diffèrede la précédente
que sur un point: l'adjonction, au paragraphe2, d'un alinéad) contenanttaining the reservation in question. It follows that this reservation is not

only an integral part of the current declaration but also an essential com-
ponent of it, and hence of the acceptance by Canada of the Court's com-
pulsory jurisdiction.
60. As regards the objectives which the reservation was intended to
achieve, the Court is bound to note, in view of the facts as summarized
above (paragraphs 14 et seq.), the close links between Canada's new dec-
laration and its new coastal fisheries protection legislation. The new dec-
laration was deposited with the Secretary-Generalon 10May 1994,that
is to Saythe very same day that BillC-29 was submitted to the Canadian
Parliament; moreover, the terms in which Canada accepted the compul-
sory jurisdiction of the Court on that day echo those of the Bill then
under discussion. Furthermore, it is evident from the parliamentary
debates and the various statements of the Canadian authorities that the
purpose of the new declaration was to prevent the Court from exercising
its jurisdiction over matters which might arise with regard to the inter-
national legality of the amended legislation and its implementation.
Thus on 10May 1994Canada issued a News Release on "Foreign Over-
fishing", explaining its policy in this field and adding tha:

"Canada has today amended its acceptance of the compulsory
jurisdiction of the International Court of Justice in the Hague to
preclude any challenge which might undermine Canada's ability to
protect the stocks. This is a temporary step in response to an emer-
gency situation."

Further, on 12 May 1994, the Canadian Minister for Foreign Affairs
made the following statement in the Senate:
"As you know, to protect the integrity of this legislation, we
registereda reservation to the International Court ofJustice, explain-
ing that this reservation would of course be temporary . . ."

61. The Court recalls that subparagraph 2 (d) of the Canadian decla-

ration excludes the Court's jurisdiction in the following terms:
"disputes arising out of or concerning conservation and manage-
ment measures taken by Canada with respect to vesselsfishingin the
NAFO Regulatory Area, as defined in the Convention on Future
Multilateral Co-operation in the Northwest Atlantic Fisheries, 1978,
and the enforcement of such measures" (see paragraph 14above).

Canada contends that the dispute submitted to the Court ispreciselyof
the kind envisaged by the cited text; it falls entirely within the terms of
the subparagraph and the Court accordingly has no jurisdiction to enter-
tain it.la réserveàl'examen.Il s'ensuitque cette réserveconstituenon seulement
un élément indissociable dela déclarationen vigueur mais aussi une com-
posante essentiellede celle-ci, et,donc, de l'acceptation par le Canada de
la juridiction obligatoire de la Cour.
60. S'agissant des objectifs assignésà cette réserve,la Cour ne peut
manquer de constater, au vu des faits sommairement exposés ci-dessus
(paragraphes 14et suivants), l'étroitesse des liensqui unissent la nouvelle
déclaration du Canada à sa nouvelle législationsur la protection des
pêchescôtières.La nouvelle déclaration a été déposéeauprès du Secré-
taire généralle 10mai 1994, soit le jour mêmeoù le projet de loi C-29

étaitprésentéau Parlement canadien; les termes dans lesquelsle Canada
acceptait la juridiction obligatoire de la Cour à cette date rappellent
d'ailleurs ceux du projet de loi alors discuté.Au demeurant, il ressort
l'évidencedes débats parlementaires et d'explications diversesdonnées
warles autorités canadiennesaue la nouvelle déclaration étaitdestinéeà
prévenirl'exercice,par la Cour, de sa juridiction sur des questions sus-
ceptibles de se poser quantà la licéité,u regard du droit international,
de la législationmodifiéeet de sa mise en Œuvre.Ainsi, le 10mai 1994,le
Canada a publiéun communiqué depresse sur la ((surpêcheétrangère)),
qui faisaitconnaître la politique qu'il menait dans ce domaine et ajoutait:

((Aujourd'hui, le Canada a modifiéson acceptation de la compé-
tence obligatoirede la Cour internationale de JustiàeLa Haye afin
d'empêchertoute situation qui pourrait anéantir les efforts du
Canada pour protégerses stocks. C'est là une mesure temporaire en
réactionà une situation d'urgence.»

En outre, le 12mai 1994,le ministre canadien des affaires étrangères a
précisédevant le Sénat:
«Afin de protéger l'intégritde cette loi, nous avons présenté une
réserve, commevous le savez, auprès de la Cour internationale de
Justicealléguant que,évidemment,cette réserveserait temporaire..»

61. La Cour rappelle qu'aux termes de l'alinéad) du paragraphe 2 de
la déclaration canadienne sont exclus de la compétence dela Cour

«les différends auxquelspourraient donner lieu les mesures de ges-
tion et de conservation adoptées par le Canada pour les navires
pêchant dans lazone de réglementationde I'OPAN, telle que définie
dans la convention sur la future coopération multilatérale dansles
pêchesde l'Atlantique Nord-Ouest, 1978, et l'exécution detelles
mesures» (voir paragraphe 14ci-dessus).

Pour le Canada, le différend soumisà la Cour est précisément de ceux
qu'il a entendu viser dans le texte précité;il entre entièrement dans les
prévisions dece texte et la Cour n'a, partant, pas compétencepour en
connaître. For Spain, on the other hand, whatever Canada's intentions, they were
not achieved by the words of the reservation, which does not cover the
dispute; thus the Court has jurisdiction. In support of this view Spain
relies on four main arguments: first, the dispute which it has brought
before the Court falls outside the terms of the Canadian reservation by
reason of its subject-matter; secondly, the amended Coastal Fisheries
Protection Act and its implementing regulations cannot, in international

law, constitute "conservation and management measures"; thirdly, the
reservation covers only "vessels" which are stateless or flying a flag of
convenience; and fourthly, the pursuit, boarding and seizure of the Estai
cannot be regarded in international law as "the enforcement of. . ."con-
servation and management "measures". The Court will examine each of
these arguments in turn.

62. The Court will begin by pointing out that, in excluding from its
jurisdiction "disputes arising out of or concerning" the conservation and
management measures in question and their enforcement, the reservation

does not reduce the criterion for exclusion to the "subject-matter" of the
dispute. The language used in the English version - "disputesarisingout
of or concerning" - brings out more clearly the broad and comprehensive
character of the formula employed. The words of the reservation exclude
not only disputes whose irnmediate "subject-matter" is the measures in
question and their enforcement, but also those "concerning" such mea-
sures and, more generally, those having their "origin" in those measures
("arising out of ') - that is to Say,those disputes which, in the absence of
such measures, would not have come into being. Thus the scope of the
Canadian reservation appears even broader than that of the reservation
which Greece attached to its accession to the General Act of 1928("dis-
putes relating to the territorial status of Greece"), which the Court was

called upon to interpret in the case concerning the Aegean Sea Continen-
tal Shelf (1C.J. Reports 1978, p. 34, para. 81, and p. 36, para. 86).
63. The Court has already found, in the present case, that a dispute
does exist between the Parties, and it has identified that dispute (seepara-
graph 35 above). It must now determine whether that dispute has as its
subject-matter the measuresmentioned in the reservation or their enforce-
ment, or both, or concerns those measures, or arises out of them. In
order to do this. the fundamental auestion which the Court must now
decide is the meaning to be given to the expression "conservation and
management measuves . . ."and "enforcement of such measures" in the
context of the reservation.

64. Spain recognizes that the term "measure" is "an abstract word sig-
nifying an act or provision, a démarcheor the course of an action, con- Pour l'Espagne, au contraire, quelles qu'aient étéles intentions du
Canada, ellesn'ont pas trouvéleur expressiondans le libelléde la réserve,
qui ne couvre pas le différend;la Courest donc compétente.L'Espagnea
globalement recours à quatre argumentspour fonder sa thèse:en premier
lieu, le différenddont elle a saisi la Cour échapperait à la réservecana-
dienne en raison de son objet; en deuxièmelieu, la loi modifiéesur la pro-
tection des pêchescôtièreset son règlementd'application ne sauraient, en
droit international, constituer des ((mesures de gestion et de conserva-
tion»; en troisième lieu,la réservene viserait que les «navires» apatrides
ou battant un pavillon de complaisance; et, en quatrième lieu, la pour-

suite, l'arraisonnement et la saisie de'Estai ne sauraient êtreconsidérés,
en droit international, comme((l'exécutionde ..mesures»de gestionet de
conservation. La Cour examinera chacun de ces arguments ci-après.

62. La Cour commencera par relever qu'en excluant de sa juridiction
les((différendsauxquelspourraient donnerlieu))lesmesures de gestion et
de conservation qu'ellementionne et leur exécution,la réserve neréduit
pas lecritèred'exclusionau seul«objet »du différend.La version anglaise
((disputesarising out of or concerning))laisse plus clairement apparaître
le caractère large et englobant de la formule. Aux termes de la réserve
sont exclus non seulement les différendsaui auraient directement vour
«objet» les mesures envisagéeset leur exécution, mais aussi ceux qui y

auraient «trait » («concerning))) et, plus généralement, tousceux qui y
trouveraient leur «origine» (((arisingout of))), c'est-à-direles différends
qui, en l'absencede tellesmesures, ne seraientpas nés.Ainsi, la portée de
la réservecanadienne semblemêmeplus large que cellede la réservedont
la Grèceavait assorti son adhésion à l'Acte général d'arbitragede 1928
(((différendsayant trait au statut territorial de la Grèce») et que la Cour
avait étéamenée à interpréterdans l'affaire du Plateau continentalde la
mer Egée(C.I.J. Recueil 1978, p. 34, par. 81 et p. 36, par. 86).

63. En l'espèce,la Cour a déjàconclu à l'existenced'un différendentre
lesParties et l'a identifié (voir paragraphe35ci-dessus).Il lui faut donc
présent recherchersi cedifférenda pour objet les mesures viséesdans la
réserve etlou leur exécution,y a trait ou y trouve son origine. Pour ce
faire, la question essentielle que la Cour doit maintenant trancher est

celledu sens à attribuer aux expressions((mesuresdegestion et de conser-
vation..» et ((exécutionde tellesmesures))dans le contexte de la réserve.

64. L'Espagne reconnaît que le terme ((mesure))est un «mot abstrait
qui signifieun acte ou une disposition, une démarche oule cours d'uneceived with a precise aim in view" and that in consequence, in its most
general sense, the expression "conservation and management measure"
must be understood as referring to an act, step or proceeding designed

for the purpose of the "conservation and management of fish".
However, in Spain's view this expression, in the particular context of
the Canadian reservation, must be interpreted more restrictively.
Initially, Spain contended that the reservation did not apply to the
Canadian legislation, which merely represented "the legal title which
[was] theorigin and basis of the prohibition of fishingon the high seas",
or "frame of reference". The reservation covered only "the consequences
of that Act for the conservationand management of resources", that is to
say "the actual procedures for enforcement or implementation of the
Act". However, in oral argument, it no longer pursued this point.
Spain's mainargument, on which it relied throughout the proceedings,
is that the term "conservation and management measures" must be inter-
preted here in accordance with international law and that in consequence
it must, in particular, exclude any unilateral "measure" by a State which
adversely affected the rights of other Statesoutside that State'sown area
of jurisdiction. Hence, in international law only two types of measures

taken by a coastal State could, in practice, be regarded as "conservation
and management measures" : those relating to the State's exclusiveeco-
nomic zone; and those relating to areas outside that zone, in so far as
these came within the framework of an international agreement or were
directed at statelessvessels.Measures not satisfying these conditions were
not conservation and management measures but unlawful acts pure and
simple. In the course of this argument, Spain referred to Article 1(1) (b)
of the "Agreement for the Implementation of the Provisions of the
United Nations Convention on the Law of the Sea of 10December 1982
Relating to the Conservation and Management of Straddling Fish Stocks
and Highly Migratory Fish Stocks" (hereinafter referred to asthe "United
Nations Agreement on Straddling Stocks of 1995"), which reads as
follows

"1. For the purposes of this Agreement:
.............................
(b) 'Conservation and management measures' means measures to
conserve and manage one or more species of living marine
resources that are adopted and applied consistent with the rele-
vant rules of international law as reflected in the Convention
and this Agreement."

65. Canada, by contrast, stresses the very wide meaning of the word
"measure". It takes the view that this is a "generic term", which is used
in international conventions to encompass statutes, regulations and
administrative action.action, conçue dans un but précis))et, qu'en conséquence,dans son sens
le plus générall,'expression((mesurede gestionet de conservation))doit
êtrecomprise comme visant un acte, une démarcheou une façon d'agir
ayant pour but d'assurer la ((gestionetla conservation du poisson)).
Toutefois, selonl'Espagne, cette expression,dans le contexte particulier
de la réservecanadienne, doit êtreinterprétée de façon plus restrictive.
L'Espagne a, dans un premier temps, fait valoir que la réserve ne
s'appliquait pas à la législation canadienne, entant que «titre juridique
d'origine etfondamental interdisant la pêcheen haute mer»ou cadre de
référence))m, ais seulement aux «conséquencesde cette loi en matière de

conservation et de gestion des ressources)) c'est-à-dire aux ((procédés
concrets ...d'application de la loi». Cependantà l'audience,ellen'a plus
insistésur cette thèse.
Le principal argument espagnol, soutenu tout au long de la procédure,
est que l'expression «mesures de gestion et de conservation)) doit, en
l'occurrence,être interprétée conformémean ut droit international et, par
conséquent,exclure en particulier toute«mesure» unilatéralepar laquelle
un Etat porterait atteinte aux droits d'autresEtats en dehors des zonessou-
mises à sa juridiction. II s'ensuivrait, pour l'Espagne, que ne pourraient,
concrètement,être considéréscomme de(s(mesuresde gestion etde conser-
vation))au regard du droit international que deux typesde mesures: celles
prises par un Etat côtier en ce qui concerne sazone économiqueexclusive;
et cellesconcernant des espacessituésau-delà, pourvu qu'elles s'inscrivent
dans un cadreconventionnelou soient dirigées contre des naviresapatrides.

Les mesures neremplissant pas ces conditions ne constitueraient pas des
mesuresde gestionet de conservationmais desfaits illicitespurs et simples.
Et l'Espagne dese référer, en exposant cette thèse,à l'alinéab) du para-
graphe 1de l'article premierde l'«Accordaux finsde l'applicationdes dis-
positions de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer du
10décembre1982relatives à la conservation età la gestion des stocks de
poissons dont les déplacements s'effectuenttantà l'intérieur qu'au-delàde
zones économiquesexclusives(stocks chevauchants)et des stocks de pois-
sons grands migrateurs)) (dénommé ci-aprèls '«accord des Nations Unies
de 1995sur les stocks chevauchants))),qui est ainsiconçu:

«1. Aux fins du présentaccord :
.............................
b) On entend par ((mesures de conservation et de gestion)) les
mesures visant à conserver età gérerune ou plusieurs espèces
de ressources biologiques marines qui sont adoptéeset appli-
quéesde manière compatible avec les règlespertinentes du
droit international tellesqu'elles ressortentdela convention et
du présentaccord. »

65. Le Canada souligne pour sa part le sens très large du mot
«mesure». Il y voit un ((termegénérique)q )ui, dans lesconventions inter-
nationales, englobe lois, règlements et actes administratifs. Canada further argues that the expression "conservation and manage-

ment measures" is "descriptive" and not "normative"; it covers "the
whole range of measures taken by States with respect to the living
resources of the sea". Canada further States that "a generic category is
never limited to the known examples it contains". Finally, Canada con-
tends that the United Nations Agreement on StraddlingStocks of 1995is
not relevant for the purpose of determining the general meaning of the
expression in question and its possible scope in other legal instruments.
66. The Court need not linger over the question whether a "measure"
may be of a "legislative" nature. As the Parties have themselves agreed,
in its ordinary sense the word is wide enough to cover any act, step or
proceeding, and imposes no particular limit on their material content or
on the aim pursued thereby.Numerous international conventions include
"laws" among the "measures" to which they refer (see for example, as
regards "conservation and management measures", Articles 61 and 62 of
the 1982United Nations Convention on the Law of the Sea). There is no
reason to suppose that any different treatment should be applied to the
Canadian reservation, the text of which itself refers not to measures

adopted by the executive but simply to "Canada", that is to Saythe State
as a whole, of which the legislature is one constituent part. Moreover, as
the Court has already pointed out (see paragraph 60), the purpose of the
reservation was specifically to protect "the integrity" of the Canadian
coastal fisheries protection legislation. Thus to take the contrary view
would be to disregard the evident intention of the declarant and to
deprive the reservation of its effectiveness.
67. The Court would further point out that, in the Canadian legisla-
tive system as in that of many other countries, a statute and its imple-
menting regulations cannot be dissociated. The statute establishes the
general legal framework and the regulationspermit the application of the
statute to meet the variableand changingcircumstancesthrough a period
of time. The regulationsimplementingthe statute can have no legal exist-
ence independently of that statute, while conversely the statute may
require implementing regulations to give it effect.
68. The Court shares with Spain the view that an international instru-
ment must be interpreted by reference to international law. However, in
arguing that the expression "conservation and management measures" as

used in the Canadian reservation can apply only to measures "in con-
formity with international law", Spain would appear to mix two issues.It
is one thing to seek to determinewhether a concept is known to a system
of law, in this case international law, whether it falls within the categories
proper to that system and whether, within that system, a particular
meaning attaches to it: the question of the existence and content of the
concept within the system is a matter of definition. It is quite another
matter to seek to determine whether a specificact falling within the scope
of a concept known to a system of law violates the normative rules of
that system: the question of the conformity of the act with the system is
a question of legality. Par ailleurs,pour leCanada, l'expression((mesuresdegestionetdeconser-
vation » est ((descriptive» et non «normative» :elle recouvre ((toutes les
mesures prises par les Etats relativement aux ressources biologiques de
la mer». Et le Canada d'ajouter qu'une ((catégoriegénérique n'est jamais
limitéeaux exemples connus qu'ellerenferme)). Enfin, le Canada précise
que l'accord des Nations Unies de 1995sur les stockschevauchants n'est
pas pertinent aux finsde déterminer quelest le sensgénéral de l'expression
en cause et quelle peut êtresa portée dans d'autres instrumentsjuridiques.
66. La Cour n'a pas à s'attarder sur la question de savoir si une
«mesure» peut êtrede nature «législative». Commeles deux Parties en
ont convenu, dans son sens ordinaire, ce mot vise de façon très large un

acte, une démarche ouune façon d'agir, sans limite particulièrequant à
leur contenu matériel ouau type de but qu'ilspoursuivent. De nombreux
textes internationaux incluent les((lois»parmi les ((mesures» auxquelles
ils se réfèrent(voir par exemple, en ce qui concerne les ((mesuresde ges-
tion et de conservation)), lesarticles 61et 62de la convention des Nations
Unies de 1982sur le droit de la mer). Il n'y a pas lieu de considérer qu'il
en irait autrement de la réservecanadienne à l'examen, dont le texte
mêmese réfèrenon àdes mesures adoptéespar le pouvoir exécutif,mais
par le «Canada», c'est-à-direpar 1'Etatdans son ensemble, dont le pou-
voir législatif estun élémenctonstitutif. Au demeurant, ainsi que la Cour
l'a relevéci-dessus (voir paragraphe 60), cette réserveavait précisément
pour but de protéger «l'intégrité» de la loi canadienne surla protection
des pêchescôtières.Toute conclusion en sens contraire ignorerait donc
l'intention manifeste du déclarant et priverait sa réservede son effet utile.
67. La Cour fera de surcroît observer que, dans le systèmelégislatifdu

Canada et de nombreux autres pays, la loi et sesrèglementsd'application
ne peuvent êtredissociés.La loi établitle cadre juridique généralet le
règlement permet d'appliquer la loi en fonction de circonstances qui
varient et évoluentdans le temps. Le règlementqui met en Œuvreune loi
n'a pas d'existencejuridique sans cette loi; à l'inverse,la loi peut néces-
siter un règlementd'application pour déployerses effets.

68. La Cour partage les vues de l'Espagne selon lesquellestoute inter-
prétation d'un instrument international doit se faire à l'aune du droit
international. Toutefois, lorsque l'Espagne expose que l'expression
«mesures de gestion et de conservation» utiliséedans la réservecana-
dienne ne peut que recouvrir des mesures ((conformes au droit interna-
tional», elle semble confondre deux choses. Une chose est en effet de
rechercher si une notion est connue d'un systèmejuridique - en l'occur-

rence le droit international, si elleentre dans lescatégoriesqui lui sont
propres et si elle y revêt unsens particulier: la question de l'existenceet
du contenu de la notion dans le systèmeest une question de définition.
Autre chose est de rechercher si un acte déterminé,inclus dans le champ
d'application d'une notion connue d'un systèmejuridique, enfreint les
prescriptions normatives de ce système:la question de la conformité de
l'acte au systèmeest une question de licéité. 69. At this stage of the proceedings, the task of the Court is simply to
determine whether it hasjurisdiction to entertain the dispute. To this end
it must interpret the terms of theCanadian reservation, and in particular
the meaning attaching in the light of international law to the expression
"conservation and management measures" as used in that reservation.
70. According to international law, in order for a measure to be char-
acterized as a "conservation and management measure", it is sufficient
that itspurpose is to conserve and manage living resources and that, to
this end, it satisfiesvarious technical requirements.
It is in thisense that the terms "conservation and management mea-
sures" have long been understood by States in the treaties which they
conclude.Notably, this is the sense in which "conservation and manage-
ment measures" is used in paragraph 4 of Article 62 of the 1982United
Nations Convention on the Law of the Sea (see also 1923 Convention
between the United States of America and Canada for the Preservation
of the Halibut Fisheries of the Northern Pacific Ocean, especially Ar-
ticles1 and 2; 1930Convention between the United States of America

and Canada for the Preservation of the Halibut Fisheries of the Northern
Pacific Ocean and Bering Sea, Arts. 1, 2 and 3; 1949International Con-
vention for the Northwest Atlantic Fisheries, Art. IV (2) and especially
Art. VIII; 1959North-East Atlantic Fisheries Convention, Art. 7; 1973
Convention on Fishing and Conservation of the Living Resources in the
Baltic Sea and the Belts, Art. 1 and especiallyArt. X. Cf. 1958Geneva
Convention on Fishing and Conservation of the Living Resources of the
High Seas, Art. 2). The same usage is to be found in the practice of
States. Typically, in their enactments and administrative acts, States
describe such measures by reference to such criteria as: the limitation of
catches through quotas; the regulation of catches by prescribingperiods
and zones in which fishing is permitted; and the setting of limits on the
size offish whichmay be caught or the types of fishinggear which may be
used (see, among very many examples, Algerian Legislative Decree
No. 94-13of 28 May 1994,establishingthe general rules relating to fish-
eries; Argentine Law No. 24922of 6 January 1998,establishingthe Fed-
eral Fishing Régime;Malagasy Ordinance No. 93-022of 1993regulating

fishingand aquaculture; New Zealand Fisheries Act 1996;as well as, for
the European Union, the basic texts formed by Regulation (EEC)
No. 3760192of 20 December 1992,establishinga Community system for
fisheries and aquaculture, and Regulation (EC) No. 894197of 29 April
1997,laying down certain technical measures for the conservation of fish-
eries resources. For NAFO practice, seeits document entitled Conserva-
tion and Enforcement Measures (NAFOlFClDoc. 9611)).International
law thus characterizes"conservation and management measures" by ref-
erence to factual and scientificcriteria.

In certain international agreements (for example the United Nations 69. A ce stade de la procédure,la Cour est seulementappelée à statuer
sur sa compétencepour connaître du différend.A cet effet, elledoit inter-
préterles termes de la réservecanadienne et, notamment, s'enquérirdu
sensque l'expression((mesuresde gestion et de conservation» y revêt à la
lumièredu droit international.
70. Selon le droit international, pour qu'une mesure puisse être quali-
fiéede ((mesurede gestion et de conservation», il suffit qu'elleait pour
objet de géreret de conserver desressourcesbiologiques et réponde, àcet
effet,à diverses caractéristiquestechniques.
C'est dans ce sens que les termes ((mesuresde gestion et de conserva-
tion» ont depuis longtemps été comprispar les Etats dans les traités
qu'ilsconcluent. C'estlà notamment le sensattribué à cestermes au para-
graphe4 de l'article62 de la convention des Nations Unies de 1982sur le
droit de la mer (voir aussi convention de 1923 entre les Etats-Unis

d'Amérique etle Canada pour la préservation despêcheriesde flétan
dans l'océanPacifique du Nord, en particulier les articles1et 2; conven-
tion de 1930 entre les Etats-Unis d'Amérique etle Canada pour la
conservationde la pêchedu flétandans l'océanPacifique du Nord et la
mer de Béring,art. 1,2 et 3 ;convention internationalepour lespêcheries
de l'Atlantique Nord-Ouest de 1949, art. IV, par. 2, et, en particulier,
art.VIII; convention de 1959sur les pêcheries del'Atlantique du Nord-
Est, art. 7; convention de 1973pour les pêcherieset la conservation des
ressources biologiques dans la mer Baltique et les belts, art.et, en par-
ticulier, art.. Cf. convention de Genève de 1958 sur la pêcheet la
conservation des ressourcesbiologiques de la haute mer, art. 2). La même
utilisation de ces termes peut êtretrouvéedans la pratique des Etats.
Ceux-cidécriventcommunémentcesmesures dans leur législationet leurs
actes administratifs en se référant des critèrestels que la limitation des
prises par l'instauration de contingents,la régulationdes prises par'éta-

blissement de périodes etde zones où la pêcheest autorisée,et la régle-
mentation de la taille des captures ou des caractéristiquesdes engins de
pêchequi peuvent êtreutilisés(voir, parmi maints autres exemples, le
décretlégislatifalgérien no 94-13 du 28 mai 1994fixant les règlesgéné-
rales relativesà la pêche;la loi argentine no 24922 du 6 janvier 1998
établissantle régimefédéralde pêche; l'ordonnancemalgache no 93-022
de 1993portant réglementationde la pêcheet de l'aquaculture; la loi néo-
zélandaisede 1996sur lespêcheries;ou encore, pour l'Union européenne,
les textes de base que constituent le règlement (CEE) no 3760192du
20 décembre1992instituant un régimecommunautaire de la pêcheet de
l'aquaculture, et le règlement(CE) no 894197du 29 avril 1997prévoyant
certaines mesures techniques de conservation des ressources de pêche.
Pour ce qui est de la pratique deI'OPANO, voir le document de l'Orga-
nisation intitulé ((Conservation and Enforcement Measures » (NAFOI
FClDoc. 9611)).Le droit international qualifie donc les ((mesuresde ges-

tion et de conservation» par rapport à des critères factuels et scienti-
fiques.
Danscertainsaccordsinternationaux(par exemplel'accorddesNationsAgreement on StraddlingStocks of 1995and the "Agreement to Promote
Compliance with International Conservation and Management Measures
by Fishing Vesselson the High Seas" (FAO, 1993),neither of which has
entered into force) the parties have expressly stipulated, "for purposes of

th[e] Agreement", that what is generally understood by "conservation
and management measures" must comply with the obligations of inter-
national law that they have undertaken pursuant to these agreements,
such as, compatibility with maximum sustainable yield, concern for the
needs of developing States, the duty to exchange scientificdata, effective
flag State control of itsvessels, and the maintenance of detailed records
of fishing vessels.

The question of who may take conservation and management mea-
sures, and the areas to which they may relate, is neither in international
law generally nor in these agreements treated as an element of the defini-
tion of conservation and management measures. The authority from
which such measures derive, the area affected by them, and the way in
which they are to be enforced do not belong to the essential attributes
intrinsic to the very concept of conservation and management measures;
they are, in contrast, elements to be taken into consideration for the pur-
pose of determining the legality of such measures under international

law.
71. Reading the words of the reservation in a "natural and reason-
able" manner, there is nothing which permits the Court to conclude that
Canada intended to use the expression "conservation and management
measures" in a sense different from that generally accepted in interna-
tional law and practice. Moreover, any other interpretation of that
expression would deprive the reservation of its intended effect.
72. The Court has already given a brief description of the amendments
made by Canada on 12May 1994to the Coastal Fisheries Protection Act
and on 25 May 1994and 3 March 1995to the Coastal Fisheries Protec-
tion Regulations (see paragraphs 15, 17 and 18).

It is clear on reading Section 5.2 of the amended Act that its sole pur-
pose is to prohibit certain sorts of fishing, while Sections 7, 7.1 and 8.1
prescribe the means for giving effect to that prohibition. The same
applies to the corresponding provisions of the amended Regulations. In
its version of 25 May 1994,subsection 2 of Section 21 of the Regulations,

which implements Section 5.2 of the Act, definesthe protected straddling
stocks and "the prescribed classes" of vessels, and states that for such
vessels "a prohibition against fishing for straddling stocks, preparing to
fish for straddling stocks or catching and retaining straddling stocks is
a prescribed conservation and management measure". Table V to Sec-
tion 21 of the Regulations as amended on 3 March 1995lists seven types
of "conservation and management measures" applicable to ships flying
the Spanish or Portugueseflag; the first two of these specifythe speciesof
fish in respect of which fishing is prohibited in certainareas and duringUnies de 1995sur les stocks chevauchantset l'«Accord visant à favoriser
le respect par les navires de pêcheen haute mer des mesures internatio-
nales de conservationet de gestion))(FAO, 1993),non entrésen vigueur),
les parties ont expressémentprécisé«[a]ux fins [de 1'1accord)) que les
mesures qui sont généralement considéréec somme des ((mesures de
conservation et de gestion))doivent être conformes aux obligations de
droit international au'elles ont assumées envertu de ces accords. telles
que le respect du principe de rendement constant maximum, la prise en
considération des besoins des Etats en développement, l'obligation
d'échanger desdonnées scientifiques, le contrôle effectif, par1'Etat du
pavillon, de ses navires et la tenue de fichiers détaillésconcernant les
navires de pêche.
La questionde savoir par qui des mesures de gestion et de conservation

peuvent êtreprises et quels espaces elles peuvent concerner n'est consi-
déréeni en droit international de façon générale nidans ces accords
comme un élément dela définition des mesures de gestionet de conserva-
tion. L'autoritédont semblablesmesures émanent, la zone qu'elles affec-
tent et la manière dont leur exécution est prévuene font pas partie des
caractéristiques essentielles inhérentesla notion mêmede mesures de
gestion et de conservation; elles sont en revanche des élémentsqui
entrent en ligne de compte aux fins d'apprécier lalicéitésdites mesures
au regard du droit international.
71. En lisant le texte de la réserved'une manière ((naturelleet raison-
nable)), rien ne permet de conclure que le Canada aurait eu l'intention
d'utiliser l'expression((mesuresde gestion et de conservation)) dans un
sens différentde celui communémentadmis en droit international et dans
la pratique internationale. Au contraire, toute autre interprétation de

cette expression priverait la réservede son effet voulu.
72. La Cour a procédé ci-dessus à une brève description des modi-
ficationsapportées par le Canada, le 12mai 1994, à sa Loi sur la protec-
tion des pêchescôtières et, les 25mai 1994et 3 mars 1995, à son Règle-
ment sur la protection des pêcheriescôtières (voir paragraphes 15, 17
et 18).
Il apparaît clairement,àla lecture de l'article 5.2de la loi modifiée,que
celui-ci a pour seul objet de formuler une interdiction de pêcher; quant
aux articles 7, 7.1 et 8.1 de ladite loi, ils traitent des moyens propres
donner effet à cette interdiction. Il en va de mêmedes dispositions cor-
respondantes du règlement modifié.Dans sa version du 25 mai 1994,le
paragraphe 2 de l'article 21 du règlement,qui met en Œuvrel'article 5.2
de la loi, détermineles stockschevauchants protégés,ainsi que les ((clas-
sesréglementaires»de navires et préciseque, pour cesnavires,((constitue

une mesure de conservation et de gestion l'interdiction de pêcher,de se
préparer àpêcherou de prendre et garder les stocks chevauchants)). Pour
sa part, le tableau V jointà l'article 21 du règlement tel que modifiéle
3 mars 1995énumère sept types de((mesuresde conservation et de ges-
tion» qui s'appliquent aux navires battant pavillon espagnol et portu-
gais: les deux premiers déterminentles espècesde poissons dont la pêchecertain periods; the next two specify the types of fishing gear which are
prohibited; the fifth lays down size limits; while the last two lay down
certain rules with which ships must comply in connection with inspection
by protection officers.

73. The Court concludes from the foregoing that the "measures" taken
by Canada in amending its coastal fisheries protection legislation and
regulations constitute "conservation and management measures" in the
sense in which that expression is commonly understood in international
law and practice and has been used in the Canadian reservation.

74. The conservation and management measures to which this reserva-

tion refers are measures "taken by Canada with respect to vesselsJishing
in the NAFO Regulatory Area, as dejïned in the Convention on Future
Multilateral Co-operation in the Northwest Atlantic Fisheries, 1978".

Article 1,paragraph 2, of that Convention defines the NAFO "Regu-
latory Area" as "that part of the Convention Area which liesbeyond the
areas in which coastal States exercise fisheriesjurisdiction"; paragraph 1
of this same Article states that the "Convention Area" is "the area to
which this Convention applies" and definesthat area by reference to geo-
graphical CO-ordinates.

The NAFO "Regulatory Area" is therefore indisputably part of the
high seas. The Court need not return to the doubts which this part of the
reservation may have raised on the Spanish side, in view of the construc-
tion placed by the latter on the expression "conservation and manage-

ment measures". For its part the Court has determined that this expres-
sion must be construed in a general and customary sense, without any
special connotations with regard to place.
75. Thus the only remaining issue posed by this part of the reservation
is the meaning to be attributed to the word "vessels". Spainargues that it
is clear from the parliamentary debates which preceded the adoption of
Bill C-29 that the latter was intended to apply only to stateless vesselsor
to vesselsflying a flag of convenience. It followed, according to Spain -
in view of the close links between the Act and the reservation - that the
latter also covered only measures taken against such vessels.
Canada accepts that, when Bill C-29 was being debated, there were a
number of references to stateless vesselsand to vesselsflying flagsof con-
venience, for at the time such vesselsposed the most immediate threat to
the conservation of the stocks that it sought to protect. However, Canada

denies that its intention was to restrict the scope of the Act and the res-
ervation to these categories of vessels.
76. The Court will begin by once again pointing out that declarationsest interditeà certains endroits eà certaines périodes; les deux suivants
précisent quelssont les engins de pêcheinterdits; le cinquièmea traitàla

taille des captures; et enfin, les deux derniers énoncent certaines règles
auxquelles les navires doivent se conformer aux finsdes contrôlesà effec-
tuer par les gardes-pêche.
73. La Cour infère de ce qui précède queles «mesures» prises par le
Canada en modifiant sa législationet sa réglementationsur la protection
des pêchescôtières constituent des ((mesuresde gestion et de conserva-
tion» au sens où cette expression est communément comprise en droit
international, ainsi que dans la pratique internationale, et a été utilisée
dans la réservecanadienne.

74. Les mesures de gestion et de conservation auxquelles la réserve à

l'examen se'réfèresont celles qui sont ((adoptéespar le Canadapour les
navirespêchant dans la zone de réglementationde I'OPAN, telle que dé$-
nie dans la convention sur la future coopération multilatérale dansles
pêclzesde l'Atlantique Nord-Ouest, 1978)).
Le paragraphe 2 de l'article 1 de ladite convention définitla «zone de
réglementation))de 1'OPANO comme étant «la ~artie de la zone de la
c&vention qui s'étend au-delà des régions d&s lesquelles les Etats
côtiers exercent leur juridiction en matière de pêche));pour sa part, le
paragraphe 1 du mêmearticle définitla «zone de la convention)) comme
étant«la zone à laquelles'applique la...convention», et circonscrit cette
zone en termes de coordonnées géographiques.
La «zone de réglementation))de 1'OPANOconstituedonc sansconteste
une partie de haute mer. La Cour n'a pas à revenir sur les doutes que ce
membre de phrase contenu dans la réservea pu susciter chez la Partie

espagnole, compte tenu de l'interprétation que celle-ciprône de l'expres-
sion ((niesures de gestion et de conservation)). La Cour est quant à elle
parvenue à la conclusion que cette expression devait être entendue dans
son sens généralet usuel, sans aucune connotation particulière de lieu.
75. En conséquence,la seule question que pose encore ce membre de
phrase est celle du sens à attribuer au terme «navires». En effet, selon
l'Espagne, il résulteraitdes débats parlementairesqui ont précédél'adop-
tion du projet de loi C-29 que celui-cin'étaitdestiné s'appliquer qu'aux
navires apatrides ou battant un pavillon de complaisance. Compte tenu
des liens aui existent entre cette loi et la réserve. celle-ci necouvrirait
donc que les mesures dirigéescontre de tels navires.
Le Canada reconnaît que, lors de la discussion du projet de loi C-29,
mention a été faite à plusieurs reprises des navires apatrides ou battant
un pavillon de complaisance,car ceux-ci constituaient alors le danger le

plus imminent pour la conservation des stocks dont la protection était en
jeu. Toutefois, le Canada nie que son intention ait éde limiter le champ
d'application de la loi et de la réserve ces seules catégories de navires.
76. La Cour commencera par faire observer une fois encore que lesof acceptance of itsjurisdiction must be interpreted in a manner which is
in harmony with the "natural and reasonable" way of reading the text,
having due regard to the intention of the declarant. The Canadian reser-
vation refers to "vesselsfishing. ..",that is to say al1vesselsfishingin the
area in question, without exception. It would clearly have been simple
enough for Canada, if this had been its real intention, to qualifythe word
"vessels" so as to restrict its meaningin the context of the reservation. In

the opinion of the Court the interpretation proposed by Spain cannot be
accepted, for it runs contrary to a clear text, which, moreover, appears to
express the intention of itsauthor.
77. Furthermore, the Court cannot share the conclusions drawn by
Spain from the parliamentary debates cited by it. It is, indeed, evident
from the replies given bythe Canadian Ministers of Fisheries and Oceans
and for Foreign Affairs to the questions put to them in the House of
Commons and in the Senate that at that time the principal target of the
Bill was stateless vessels andthose flying flags of convenience; however,
these were not the only vessels covered. Thus the Minister of Fisheries
and Oceans expressed himself as follows before the House of Commons:

"as to what is meant by 'vesselsof a prescribed class',it is simply a
reference that allows the government to prescribe or designate a
class, a type or kind of vesselwe have determined is fishingin a man-
ner inconsistent with conservation rules and therefore against which
conservation measures could be taken.
For example, we could prescribe stateless vessels. Another
example is that we could prescribe flags of convenience. That is al1
that is meant." (Emphasis added.)

Similarly, the Minister for Foreign Affairs stated in the Senate:

"We have said from the outset, and Canada's representatives
abroad in our various embassies have explained to Our European
partners and other parties, that this measure is directedfirst of al1
toward vessels that are unflagged or that operate under so-called
flags of convenience." (Emphasis added.)

Furthermore, the following statement by the Minister of Fisheries and
Oceans to the Speaker of the House of Commons leaves no doubt as to
the scope of the proposed Act:
"The legislation givesParliament of Canada the authorityto desig-
nate any class of vessel for enforcement of conservation measures.
The legislation does not categorize whom we would enforce against.
The legislation makes clear that any vessel fishing in a manner

inconsistent with good, widely acknowledged conservation rules
could be subject to action by Canada. We cite as an example thedéclarations d'acceptation de sa juridiction doivent être interprétéesen
harmonie avec la manière ((naturelleet raisonnable)) de lire le texte, eu
égard à l'intention du déclarant. Le texte de la réservecanadienne vise
«les navires pêchant...)), c'est-à-dire tousles navires qui s'adonàela
pêchedans la zone indiquée,sans aucune exception. Il auraità l'évidence
étéaisépour le Canada, si telle avait étésa véritable intention, de quali-
fier le terme «navires» de façon à réduire la portéedu mot dans le
contexte de la réserve.De l'avis de la Cour, l'interprétation suggépar
l'Espagne ne peut êtreacceptéecar elle va à l'encontre d'un texte clair
qui, de surcroît, apparaît traduire l'intention de son auteur.
77. Par ailleurs, la Cour ne peut pas partager les conclusions que

l'Espagne tire des débats parlementairesdont elleexcipe.Certes, il ressort
à l'évidencedes réponses que le ministre canadien des pêcheset des
océanset le ministre canadien des affaires étrangèresont données aux
questionsqui leur ont étéposéesà la Chambre des communeset au Sénat
que les navires apatrides et ceux battant un pavillon de complaisance
étaientles principaux visés,à ce moment, par le projet de loi; mais ils
n'étaient pas les seuls. Ainsi, le ministre des pêcheset des océans a
indiquéce qui suit devant la Chambre des communes:

«l'expression ((bateau d'une classe réglementaire» permet simple-
ment au gouvernement de désigner uneclasse ou un genre de bateau
qui, selon ce que nous avons déterminé, pratique la pêched'une
manière qui va àl'encontre des règlesde conservation et contre qui
des mesures peuvent donc êtreprises.
Par exemple, nous pourrions désignerlesbateaux sansnationalité.
Nous pourrions aussi désignerles bateaux sous pavillon de complai-

sance. C'est tout ce que cela veut dire.» (Les italiques sont de la
Cour.)
Pour sa part, le ministre des affaires étrangèresa déclaréau Sénat:

«Nous avons dit dès le début, et les représentants du Canada à
l'étranger dansles différentesambassades ont expliqué à nos parte-
naires européens et autres, que cette mesure s'adressait au premier
chefà l'endroit de bateaux qui n'ont pas de drapeau ou des bateaux
qui ont ce que l'on appelle des drapeaux de convenance.)) (Les ita-

liques sont de la Cour.)
Par ailleurs, l'explication suivante,donnée par le ministre des pêcheset
des océans à la présidentede la Chambre des communes, ne laisse aucun
doute sur la portée du projet de loi:

«Le projet de loi donne au Parlement le pouvoir de désigner
n'importe quelle classe de bateaux de pêche,aux fins des mesures de
conservation. On ne précisepas contre qui ces dispositions seraient
appliquées.On dit clairement cependant que tout bateau de pêchequi

ne respecte pas lesbonnes règlesde conservation généralemenrtecon-
nues, comme celles de I'OPAN, par exemple, pourrait, aux termes NAFO conservation rules. Any vessel from any nation fishing at
variance with good conservation rules could under the authority
granted in the legislation be subject to action by Canada. There are
no exceptions."
This is confirmed by the inclusion in the "prescribed classes of foreign
fishingvessels", as a result of the amendment of 3 March 1995,of vessels
flyingthe Spanishand Portuguese flags (seeparagraph 18above). Indeed,
it should not be forgotten that, through the enactment of the legislation
by means of regulations as well as statute, from the outset the potential

was deliberately left open to add prescribed classes of vessels,the term
"class" referring not only to types of vesselsbut also to the flags the ves-
sels were flying.

78. The Court must now examine the phrase "and the enforcement oJ
such measures", on the meaning and scope of which the Parties disagree.
Spain contends that an exerciseof jurisdiction by Canada over a Spanish
vessel on the high seas entailingthe use of force falls outside of Canada's
reservation to the Court's jurisdiction. Spain advances several related
argumentsin support of this thesis. First, Spain says that the use of force
by one State against a fishing vessel ofanother State on the high seas is
necessarily contrary to international law; and as Canada's reservation
must be interpreted consistently with legality, it may not be interpreted to
subsume such use of force within the phrase "the enforcement of such
measures". Spain further asserts that the particular use of force directed
against the Estai was in any event unlawful and amounted to a violation
of Article 2, paragraph 4, of the Charter, givingrise to a separate cause of
action not caught by the reservation.

79. The Court has already indicated that there is no rule of interpreta-
tion which requires that reservations be interpreted so as to cover only
acts compatible with international law. As explained above, this is to
confuse the legality of the acts with consent to jurisdiction (see para-
graphs 55 and 56 above). Thus the Court has no need to consider further
these aspects of Spain's argument.
80. By Section 18.1of the 1994Act, the enforcement of its provisions
in the NAFO Regulatory Area was made subject to the application of
criminal law. In turn, Section 25 of the Criminal Code was amended fol-
lowing the adoption of Bill C-8 (seeparagraph 16above). Spain contends
in this context that Canada has thus provided for penal measures related
to the criminal law and not enforcement of conservation and manage-
ment measures. Spain also contends that the expression "enforcement of
such measures" in paragraph 2 (d) of Canada's declaration contained no

mention of the use of force and that the expression should not be inter-
preted to include it - not least because the relevant provisions of the des pouvoirs accordéspar ce projet de loi, s'exposeàdes mesures de
la part du Canada. Il n'y a pas d'exception.»

L'inclusion, le 3 mars 1995, des navires battant pavillon espagnol et
portugais parmi les ((classesréglementaires de bateaux de pêcheétran-
gers» (voir paragraphe 18 ci-dessus) confirme ce qui précède.De fait, il
ne faut pas perdre de vue qu'en recourant aussi bien au règlementqu'à la
loi pour légiféreren la matière la possibilitéd'ajouter des classes régle-
mentaires de navires avait, dèsle début,été délibérémeln aitsséeouverte,
le terme «classe» visant non seulement les types de navires mais aussi les
pavillons que battent les navires.

78. La Cour en vient maintenant à l'examen de l'expression «et I'exé-
cution de telles mesures)), sur le sens et la portée de laquelle les Parties
s'opposent. L'Espagne soutient que l'exercicepar le Canada de sajuridic-
tion sur un navire espagnol en haute mer, qui a entraîné l'usage de la
force, n'entre pas dans les prévisionsde la réservedu Canada concernant
la juridiction de la Cour. Elle avance plusieurs arguments connexes à
l'appui de cette thèse. L'Espagne affirmetout d'abord que l'emploi de la
force par un Etat contre un navire de pêched'un autre Etat en haute mer
.est nécessairementcontraire au droit international; et que, la réservedu

Canada devant être interprétée en conformitéavec le droit existant, on ne
saurait interpréter le membre de phrase ((l'exécutionde telles mesures))
qui y figure comme englobant un tel emploi de la force. Elle fait en outre
valoir que cet emploi particulierde la forcel'encontre de l'Estai étaiten
tout état de cause illicite et constituait une violation du paragraphe 4 de
l'article de la Charte, ouvrant ainsiun motif d'action distinctnon prévu
par la réserve.
79. La Cour a déjàindiqué qu'aucune règle d'interprétation n'exige
que des réservessoient interprétéescomme visant uniquement des actes
compatibles avec le droit international. Comme il a été expliqué plus
haut, ce serait là confondre licéides actes et consentement à lajuridic-
tion (voir paragraphes 55 et 56 ci-dessus). Aussi la Cour n'a-t-elle pàs
examiner plus avant ces aspects de l'argumentation de l'Espagne.

80. L'article 18.1 de la loi de 1994prévoit que l'exécutionde ses dis-
positions dans la zone de réglementation de 1'OPANO est soumise à
l'application du droit pénal. De plus, l'article 25 du code criminel a été
modifiésuite à l'adoption du projet de loi C-8 (voir paragraphe 16ci-des-
sus). L'Espagne soutient à cet égardque le Canada a ainsi prévul'appli-
cation de sanctions ~énalesrelevant du droit ~énalet non l'exécution de
mesures de gestion et de conservation. L'Espagne prétend aussi que
l'expression «l'exécution detellesmesures»figurant à l'alinéad) du para-
graphe 2 de la déclaration du Canada ne mentionne pas l'emploi de la
force et que ce membre de phrase ne devrait pas être interprété comme 1982United Nations Law of the Sea Convention relating to enforcement
measures also make no mention of the use of force.

81. The Court notes that, following the adoption of Bill C-29, the
Coastal Fisheries Protection Act authorized protection officersto board
and inspect any fishing vessel in the NAFO Regulatory Area and "in
the manner and to the extent prescribed by the regulations, use force
that is intended or is likely to disable a foreign fishing vessel", if the
officer "believes on reasonable grounds that the force is necessary for
the purpose of arresting" the master or crew (Section 8.1). Such pro-
visions are of a character and type to be found in legislation of various
nations dealing with fisheries conservation and management, as well
as in Article 22 (1) (f) of the United Nations Agreement on Straddling
Stocks of 1995.

82. The Coastal Fisheries Protection Regulations Amendment of May

1994 specifiesin further detail that force may be used by a protection
officerunder Section 8.1 of the Act only when he is satisfiedthat board-
ing cannot be achieved by "less violent means reasonable in the circum-
stances7'and if one or more warning shots have been fired at a safe
distance (Sections 19.4and 19.5). These limitations also bring the author-
ized use of force within the category familiar in connection withenforce-
ment of conservation measures.

83. As to Spain's contention that Section 18.1of the 1994Act and the
amendment of Section 25 of the Criminal Code constitute measures of
penal law other than enforcement of fisheriesconservation measures, and
thus fa11outside of the reservation, the Court notes that the purpose of
these enactments appears to have been to control and limit any author-
ized use offorce, thus bringing it within the general category of measures
in enforcement of fisheriesconservation.

84. For al1 of these reasons the Court finds that the use of force
authorized by the Canadian legislation and regulations falls within the

ambit of what is commonly understood as enforcement of conservation
and management measures and thus falls under the provisions of para-
graph 2 (d) of Canada's declaration. This is so notwithstanding that the
reservation does not in terms mention the use of force. Boarding, inspec-
tion, arrest and minimum use of force for those purposes are al1con-
tained within the concept of enforcement of conservation and manage-
ment measuresaccording to a "natural and reasonable" interpretation of
this concept.incluant cet emploi - d'autant plus que les dispositionspertinentes de la
convention des Nations Unies de 1982sur le droit de la mer relatives aux
mesures d'exécutionne font pas non plus mention de l'emploi de la force.
81. La Cour relèveraque, suite à l'adoption du projet de loi C-29, la
Loi sur la protection des pêchescôtièresautorise les gardes-pêcheà mon-
ter àbord de tout bateau de pêcheet à l'inspecter dans la zone de régle-
mentation de I'OPANO, ainsiqu7«à employer,conformémentaux moda-
litéset dans les limites prévues par règlement, une force qui est soit

susceptible de désemparer un bateau de pêcheétranger, soit employée
dans l'intention de le désemparer))si le garde-pêche((estime,pour des
motifs raisonnables, cette force nécessairepour procéder à l'arrestation))
du capitaine ou de l'équipage (art. 8.1). Des dispositions de cette nature
et de ce type figurentdans la législationde divers Etats concernant la ges-
tion et la conservation des pêches, demêmequ'à l'alinéa f) du para-
graphe 1 de l'article 22 de l'accord des Nations Unies de 1995 sur les
stocks chevauchants.
82. La modificationapportée en mai 1994au Règlementsur la protec-
tion des pêcheriescôtières précisede façon plus détailléequ'un garde-
pêche nepeut employer la force en application de l'article 8.1 de la loi

qu'aprèss'êtreconvaincu qu'il n'est pas possiblede procéder à l'arraison-
nement par des moyens ((moins violents qu'il serait raisonnable d'utiliser
dans les circonstances))et avoir tiré un ou plusieurs coups de semonce
aux alentours du bateau de pêche, à une distancesans danger (art. 19.4et
19.5). Ces restrictions font égalemententrer l'emploi autorisé de la force
dans la catégorie bien connue des mesures d'exécution à des fins de
conservation.
83. Quant àla thèse de l'Espagne selon laquelle l'article18.1de la loi
de 1994et la modificationde l'article 25 du code criminel constituent des
mesures de droit pénal qui ne relèventpas de l'exécution de mesures de
conservation des pêcheset n'entrent donc pas dans le champ d'appli-
cation de la réserve,la Cour relèvera que l'objet de ces textes législatifs

semble avoir été deréglementeret de limiter tout emploi autorisé de la
force, ce qui l'a fait entrer dans la catégoriegénérale des mesuresd'exé-
cution visant à assurer la conservation des pêches.
84. Pour tous ces motifs, la Cour estime que l'emploi de la force tel
qu'autorisé par la législationet la réglementation canadiennes susmen-
tionnéesrelèvede ce qui est communément considéré comme l'exécution
de mesures de gestion et de conservation et, partant, entre dans les pré-
visions de l'alinéa) du paragraphe 2 de la déclarationdu Canada. Il en
est ainsi bien que la réservene mentionne pas expressément l'emploi dela
force. L'arraisonnement, l'inspection et la saisie d'un navire de pêche
ainsi que l'usage minimal de la forceà ces fins sont inclus dans la notion
d'exécutionde mesures de gestion et de conservation selon une interpré-

tation ((naturelleet raisonnable)) de cette notion. 85. In this Judgment, the Court has had to interpret the words of the

Canadian reservation in order to determine whether or not the acts of
Canada, of which Spain complains, fa11within the terms of that reserva-
tion, and hence whether or not it has jurisdiction. For this purpose the
Court has not had to scrutinize or prejudge the legality of the acts
referred to in paragraph 2 (d) of Canada's declaration.
Becausethe lawfulnessof the acts which the reservation to the Canadian
declaration seeksto excludefrom the jurisdiction of the Court has no rele-
vance for the interpretation of the terms of that reservation, the Court has
no reason to apply Article 79,paragraph 7, of its Rules in order to declare
that Canada's objection to the jurisdiction of the Court does not possess,
in the circumstances of the case, an exclusivelypreliminary character.

86. In the course of the proceedings Spain argued that the reservation
contained in paragraph 2 (d) of Canada's declaration might be thought
to have the characteristics of an "automatic reservation" and thus be in
breach of Article 36, paragraph 6, of the Statute. It is clear from the
Court's interpretation of the reservation as set out above that it cannot

be regarded as having been drafted in terms such that its application
would depend upon the will of its author. The Court has had full free-
dom to interpret the text of the reservation, and its reply to the question
whether or not it has jurisdiction to entertain the dispute submitted to it
depends solely on that interpretation.

87. In the Court's view, the dispute between the Parties, as it has been
identified in paragraph 35 of this Judgrnent, had its origin in the amend-
ments made by Canada to its coastal fisheries protection legislation and
regulations and in the pursuit, boarding and seizure of the Estai which
resulted therefrom. Equally,the Court has no doubt that the said dispute
is very largely concerned with these facts. Having regard to the legal
characterization placed by the Court upon those facts, it concludes that
the dispute submitted to it by Spain constitutes a dispute "arising out of'
and "concerning" "conservation and management measures taken by
Canada with respect to vessels fishing in the NAFO Regulatory Area"
and "the enforcement of such measures". It follows that this dispute

comes within the terms of the reservation contained in paragraph 2 (d)
of the Canadian declaration of 10 May 1994. The Court consequently
has no jurisdiction to adjudicate upon the present dispute.

88. Finally,the Court notes that, in its Counter-Memorial of February
1996,Canada maintained that any dispute with Spain had been settled, 85. Dans le présentarrêt, la Cour a dû procéderà l'interprétationdes
termes de la réserve canadienne pour déterminer si les actes dont l'Es-
pagne fait grief au Canada entrent ou non dans les prévisionsde cette
réserveet, partant, si elle a ou non compétence.Pour ce faire, ellen'a pas
eu à examiner ou à préjuger laquestion de la licéides actes viséà l'ali-
néa d) du paragraphe 2 de la déclarationdu Canada.
La licéitédes actes que la réserveà la déclaration du Canada entend

exclurede la compétencedela Cour ne présentantpas de pertinence aux
fins d'interpréter les termes de cette réserve,la Cour n'a pas de raison
d'appliquer le paragraphe 7 de l'article 79 de son Règlement pour dé-
clarer que l'objection du Canada à sa compétencen'a pas dans les cir-
constances de l'espèceun caractère exclusivementpréliminaire.

86. Au cours de la procédure, l'Espagnea fait valoir que la réserve
contenue à l'alinéad) du paragraphe 2 de la déclaration du Canada
pourrait revêtirles caractéristiquesd'une ((réserveautomatique)) et donc

s'avérercontraire au paragraphe 6 de l'article 36 du Statut. ressort de
l'interprétationde ladite réserve,laquelle la Cour a procédéci-dessus,
que son texte n'est pas libellé endes termes tels que son application
dépendrait du bon vouloir de son auteur. La Cour a eu toute latitude
pour interpréter ce texte et c'est de cette interprétation seule que dépend
la réponse à la question de savoir si la Cour a ou non compétenceen
l'espècepour connaître du différendqui lui a été soumis.

87. La Cour considèrequeledifférendquiopposelesParties, tel qu'iden-
tifiéau paragraphe 35 du présentarrêt,trouve son origine dans les modi-

ficationsapportéespar le Canada àsa législationeà sa réglementationsur
la protection des pêches côtière,insi que dans la poursuite, l'arraisonne-
ment et la saisie del'Estai qui en ont résul.l ne fait pas davantage de
doute pour la Cour que ledit différenda trèslargement trait à ces faits.
Compte tenu de la qualificationjuridique que la Cour a donnéeà ceux-ci,
elleconclut que le différendque lui a soumis l'Espagneconstitue un diffé-
rend auquel ont «donn[é]lieu» des ((mesuresde gestionet de conservation
adoptées parle Canada pour lesnavirespêchant dansla zone de réglemen-
tation de l'OPAN» et ((l'exécutionde telles mesures)). Il s'ensuit que ce
différendentre dans les prévisionsde la réservecontenueà l'alinéd) du
paragraphe 2 de la déclaration canadienne en date du 10 mai 1994. La

Cour n'a partant pas compétencepour statuer sur le présent différend.

88. La Cour note enfin que, dans son contre-mémoirede février1996,
le Canada a soutenu que tout différendavec l'Espagne avait étéréglé,since the filing of the Application, by the agreement concluded on
20 April 1995between the European Community and Canada, and that
the Spanish submissions were now without object. However, at the begin-
ning of Canada's oral argument, its Agent informed the Court that his
Government intended to challenge the Court's jurisdiction solely on the
basis of its reservation: "It is on this problem, and no other, that the
Court is called upon to rule." This position was confirmed at the end of
the oral proceedings. Spain nonetheless draws attention to the "Court's
statutory duty to verify the existence of a dispute between States inrder

to exercise its function".
It is true that it is for the Court to satisfy itself, whether at the instance
of a party orproprio motu, that a dispute has not become devoid of pur-
pose since the filing of the Application and that there remains reason to
adjudicate that dispute (see Northern Cameroons (Cameroon v. United
Kingdom), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1963,
p. 38; Nuclear Tests (Australia v. France), Judgment, I.C.J. Reports
1974, p. 271, para. 58). The Court has, however, reached the conclusion
in the present case that it has no jurisdiction to adjudicate the dispute
submitted to it by Spain (see paragraph 87 above). That being so, in the
view of the Court it is not required to determineproprio motu whether or
not that dispute is distinct from the dispute which was the subject of the
Agreement of 20 April 1995 between the European Community and
Canada, and whether or not the Court would have to find it moot.

89. For these reasons,

By twelve votes to five,

Finds that it has no jurisdiction to adjudicateupon the dispute brought

before it by the Application filed by theKingdom of Spain on 28 March
1995.
IN FAVOUR P:resident Schwebel; Judges Oda, Guillaume, Herczegh, Shi,
Fleischhauer, Koroma, Higgins, Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek;
Judgead hocLalonde ;

AGAINST V:ice-PvesidentWeeramantry; JudgesBedjaoui, Ranjeva,Veresh-
chetin; Judgead hocTorres Bernardez.

Done in English and in French, the English text being authoritative, at
the Peace Palace, The Hague, this fourth day of December, one thousand
nine hundred and ninety-eight, in three copies, one of which will bedepuis le dépôt de la requête,par l'accord conclu le 20 avril 1995 entre
la Communauté européenneet le Canada, et que les conclusions de l'Es-
pagne n'avaient plus d'objet. Cependant, au début des plaidoiries cana-
diennes, l'agent du Canada a informéla Cour que son gouvernement en-
tendait contester la compétence decette dernière sur la seule base de sa
réserve:«C'est sur ce problème,et sur nul autre, que la Cour est appelée

à statuer. » Cette position a été confiràéla fin de la procédure orale.
L'Espagne n'en souligne pas moins le ((devoirstatutaire qu'a la Cour de
vérifierl'existence d'un différendentre Etats pour exercer sa fonction)).

Il est de fait qu'il appartàela Cour de s'assureà,la demande d'une
partie ou d'office,qu'un différendn'a pas perdu son objet depuis l'intro-
duction de la requête et qu'ily a toujours lieu de statuer sur ce différend
(voir Cameroun septentrional, exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.
Recueil 1963, p. 38, et Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt,
C.I.J. Recueil 1974, p. 271, par. 58). La Cour a cependant abouti en
l'espèceàla conclusion qu'ellen'a pas compétencepour statuer sur le dif-
férendqui lui a étésoumis par l'Espagne (voir paragraphe 87 ci-dessus).

Elle estime que, dans ces conditions, ellen'a paschercher d'officesi ce
différend est ou non distinct de celui ayant fait l'objet de l'accord du
20 avril 1995 entre la Communauté européenne et le Canada et si elle
aurait dû ou non prononcer le non-lieu.

89. Par ces motifs,

Par douze voix contre cinq,

Dit qu'elle n'a pas compétence pour statuer sur le différend porté
devant elle par la requêtedéposéepar le Royaume d'Espagne le 28 mars
1995.

POUR:M. Schwebe1,président; M. Oda, Guillaume,Herczegh, Shi,Fleisch-
hauer, Koroma, Mme Higgins,MM. Parra-Aranguren,Kooijmans, Rezek,
juges;M. Lalonde,juge ad hoc;
CONTRE: M. Weeramantry, vice-présidenM;M. Bedjaoui, Ranjeva,Veresh-
chetin,jugesM. Torres Bernardez,juge ad hoc.

Fait en anglaiset en français, le texte anglaisfaisant foi, au Palaisde la
Paix,à La Haye, le quatre décembremil neuf cent quatre-vingt-dix-huit,
en trois exemplaires, dont l'un restera déposéaux archives de la Cour etplaced in the archives of the Court and the others transmitted to the
Government of the Kingdom of Spain and the Government of Canada
respectively.

(Signed) Stephen M. SCHWEBEL,
President.

(Signed) Eduardo VALENCIA-OSPINA,
Registrar.

President SCHWEBEanLd Judges ODA,KOROMA and KOOIJMAN aSpend
separate opinions to the Judgment of the Court.

Vice-PresidentWEERAMANTRY, Judges BEDJAOUR I,ANJEVaAnd VERESH-
CHETIN a,nd Judge ad hoc TORRSERNARDEaZ ppend dissenting opinions
to the Judgment of the Court.

(Znitialled) S.M.S.
(Znitialled) E.V.O.les autres seront transmis respectivement au Gouvernement du Royaume
d'Espagne et au Gouvernement du Canada.

Le président,
(Signé) Stephen M. SCHWEBEL.

Le greffier,
(Signé) Eduardo VALENCIA-OSPINA.

M. SCHWEBEp r,ésident, et MM. ODA,KOROMA et KOOIJMANjS u,ges,
joignentà l'arrêtles exposés de leur opinion individuelle.

M. WEERAMANTR vic,-président,MM. BEDJAOUR I,ANJEVeAtVERESH-
CHETIN j,ges, et M. TORREBERNARDE jZ,e ad hoc,joignenàl'arrêtles
exposés de leuropinion dissidente.

(Paraphé) S.M.S.
(Paraphé) E.V.O.

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Compétence de la Cour

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Arrêt du 4 décembre 1998

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