COUR INTERNATIONADE JUSTICE
RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFSET ORDONNANCES
AFFAIREDE LA BARCELONA
TRACTION,LIGHTAND POWER
COMPANY,LIMITED
(NOUVELLE REQUÊTE: 1962)
(BELGIQUEc. ESPAGNE)
DEUXIÈME PHASE
INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE
REPORTSOF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONSAND ORDERS
CASECONCERNING
THE BARCELONATRACTION,LIGHT
AND POWERCOMPANY,LIMITED
(NEW APPLICATION:1962)
(BELGIUM v.SPAIN)
SECOND PHASE
JUDGMENT OF 5 FEBRUARY1970 Mode officielde citation:
BarcelonaTraction,Light and PowerCompany,Limited,
arrê, .I.J. Recueil 1970,p. 3.
Officialci:ation
BarcelonaTraction,Light andPower Company,Limited,
Judgment, I.C.J. Reports 1970,p. 3.
NOdevente:337 1
Salesnumber COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
1970
5février
Rôle généra :i
no 50 5février 1970
AFFAIRE DELA BARCELONA
TRACTION LIGHTAND POWER
COMPANYLIMITED
(NOUVELLE REQUÊTE: 1962)
(BELGIQUE c. ESPAGNE)
DEUXIÈME PHASE
Questionde recevabili-é Qualitédugouvernementdemandeurpour agir.
Demande présentéepour le compte de personnes physiques et morales qui
seraient actionnairesd'une société anonyme étrangèertevisantdesactesqualifiés
d'illicites dirigés contrecette sociétéature de la société anonyme en droit
interne en généra- Distinction entreatteinte aux droits de la soet atteinte
aux droitspropres del'actionnaire Distinction entre droitset intéts Aucune
atteinte aux droits propres de l'actionnaire n'est invo-uéLe préjudiceaux
intérêts des actionnaires découlantpdéjudiceaux droits de la sociétne sufit
pas àjustifier une réclamation.
Protection diplomatiquePrincipe généradle laprotectiondelasociétépar son
Etat national- Société constituée danunEtat tiers reconnupar lesdeux Parties
commeétant I'Etat national de la soc-étCirconstancespouvant éventuellement
justifer des exceptions au principe général:ypothèse de la disparition de la
société; hypothèsdeu défaut de qualipour agir de I'Etat national de la société
- Lefait que laprotection deI'Etatnational delasociété nptas poursuiviejus-
qu'au bout ne constitue pasun obstaclejuridique L'absence d'un lien de juri-
diction obligatoire entreEtatnational de la societ I'Etat défendeur n'est pas
pertinente.
Les investissementsà l'étrangercomme élément des ressources économiques
d'unenation -Préjudice causé à de tels investissemen-sAucune responsabilité
enl'absenced'atteinte aux droits reconnusdeI'Etat.
Applicabilité éventuelle de considérations d'équitéoit de protection des
itttérêdtses actionnaires encas d'inapplicabilité duprigénéra l Dificultés
d'ordre pratique engendréepsar tout systèmede droits concurrents ou subsidiaires
- Znapplicabilitdes considérationsd'équiti I'Etat nationalde la sociest en
mesured'agir.Présents:M. BUSTAMAN TERIVEROP ,résident;M. KORETSKY V,ice-Président;
sir Gerald FITZMAURICE M,M. TANAKAJ,ESSUPM , ORELLPI,ADILLA
NERVO,FORSTERG , ROS,AMMOUNB , ENGZON, PETRÉN,LACHS,
ONYEAMA, juges; MM. ARMAND-UGOR NI,PHAGEN,juges ad hoc;
M. AQUARONG E,reffier.
En l'affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited
(nouvellerequête:1962),
entre
le Royaume de Belgique,
représenté par
le chevalier. Devadder,jurisconsulte du ministère des Affaires étrangères
et du Commerce extérieur,
comme agent,
M. H. Rolin, professeur honoraire à la Facultéde droit de l'université libre
de Bruxelles,avocatàla Cour d'appel de Bruxelles,
comme coagent et conseil,
assistéspar
MmeS.Bastid, professeur àla Facultéde droit de l'universitéde Paris,
M. J. Van Ryn, professeur à la Faculté de droit de l'université libre de
Bruxelles,avocatàla Cour de cassation de Belgique,
M. M. Grégoire, avocatà la Cour d'appel de Bruxelles,
M. F. A. Mann, professeur honoraireà la Faculté de droit de l'université
de Bonn, solicitor prèsla Cour suprêmed'Angleterre,
M. M. Virally, professeuraux Facultés de droit des Universitésde Genèveet
de Strasbourg eà l'Institut universitaire de hautes études internationales
de Genève,
M. E. Lauterpacht, maître de conférencesà l'université de Cambridge,
membre du barreau anglais,
M. A. S. Pattillo, Q.C., membre du barreau de l'Ontario (Canada),
M. M. Slusny, chargéde coursà la Faculté de droit de l'université libre de
Bruxelles,avocatàla Cour d'appel de Bruxelles,
M. P. Van Ommeslaghe, professeur extraordinairà la Faculté de droit de
l'université librede Bruxelles,avoàla Cour d'appel de Bruxelles,
M. M. Waelbroeck,professeur extraordinaire à la Facultéde droit de l'Uni-
versitélibre de Bruxelles,
M. J. Kirkpatrick, chargéde cours àlaFacultéde droit de l'université libre
de Bruxelles,avocaà la Cour d'appel de Bruxelles,
comme conseils,
M. H. Bachrach, membre du barreau de l'Etat et du barreau fédéralde
New York,
comme conseil adjoint et secrétaire, et par
M. L. Prieto-Castro, professeurà la Faculté de droit de l'universitéde
Madrid,
M. M. Olivencia Ruiz, professeur à la Faculté de droit de l'université de
Séville,
M. J. Giron Tena, professeur à la Faculté dedroit de l'université deValla-
dolid,
comme conseils-experts endroit espagnol,
et
1'Etatespagnol
représentépar
M. J. M. Castro-Rial, professeur, conseiller juridique du ministère des
Affairesétrangères,
comme agent,
assistépar
M. R. Ago, professeurde droit internationalla Faculté dedroitdel'univer-
sitéde Rome,
M. M.Bos,professeur de droit international la Faculté dedroit del'univer-
sité d'Utrecht,
M. P. Cahier, professeur de droit international l'Institut universitaire de
hautes études internationales deGenève,
M. J. Carreras Llansana, professeuràla Faculté dedroit de l'universitéde
Navarre,
M. F. de Castro y Bravo, professeur, conseillerjuridique du ministèredes
Affaires étrangères,
M. J. M. Gil-Robles Quifiones,professeur a la Faculté dedroit de 1'Univer-
sitéd'Oviedo,
M. M. Gimeno Fernindez, magistrat à la Cour suprême, Madrid,
M. P. Guggenheim,professeur de droit international àYInstitutuniversitaire
de hautes études internationales deGenève,
M. E. Jiménezde Aréchaga,professeur de droit international àla Facultéde
droit de l'université de Montevideo,
M. A. Malintoppi, professeur de droit internationàla Facultédes sciences
politiques de l'université de Florence,
M. F. Ramirez,secrétairegénéradlel'Institut espagnoldemonnaieétrangère,
Madrid,
M. P. Reuter, professeuàla Faculté dedroit del'universitédeParis,
M. J. M. Rivas Fresnedo, inspecteur-expert du ministère des Finances,
Madrid,
M. J. L. Sureda Carrion, professeur à la Faculté dedroit de l'université de
Barcelone,
M. D. Triay Moll, inspecteur-expert duministèredes Finances, Madrid,
M. R. Uria Gonzilez, professeur à la Faculté de droit de l'université de
Madrid,
sir Humphrey Waldock, C.M.G., O.B.E., Q.C., professeur de droit inter-
national publicàl'universitéd'Oxford (chaireChichele),
M. P. Weil, professeuà la Faculté de droit del'universitéde Paris,
comme conseilsou avocats, et par
M. J. M. Lacleta y Mufioz, secrétaire d'ambassade,
M. L. Martinez-Agullo, secrétaire d'ambassade,
comme secrétaires,
ainsi composée,
rendl'arrêt suivant:
1. En 1958le Gouvernement belge a introduit auprès de la Cour internatio-
nale de Justice une requête contrele Gouvernement espagnol afin d'obtenir
réparation du préjudice quiaurait étécausé à la société BarcelonaTraction,
Light and Power Company, Limited, du fait d'actes prétendument contrairesau
droit international commis par des organes de 1'Etatespagnol. Après le dépôt
du mémoirebelgeet la présentation d'exceptions préliminairessoulevéespar le
Gouvernement espagnol, le Gouvernement belge a renoncé à poursuivre
l'instance, en raison de négociationsentre les représentantsdes intérêprivés
en cause.L'affaire aétérayéedu rôle généradlela Cour le 10avril 1961.
2. Le 19juin 1962,lesnégociationsprécitéesn'ayanptu aboutir, leGouverne-
ment belgea présenté àla Cour une nouvellerequêtedemandantréparation du
préjudice qu'auraient subides ressortissants belges, actionnaires de la société
Barcelona Traction, du fait d'actes prétendument contrairesau droit internatio-
nal commis àl'égard dela sociétéar desorganes de 1'Etatespagnol.Le 15mars
1963 le Gouvernement espagnol a soulevé quatre exceptions préliminaires à
l'encontre de la requêtebelge.
3. Par arrêt du24juillet 1964,la Cour a rejetéles deuxpremières exceptions
préliminaires. Selonla première,le fait qu'il avaitétémis fin, en application de
l'article 69, paragraphe 2, du Règlement de la Cour, à l'instance antérieure
relative aux mêmesévénementssurvenusen Espagne avait enlevéau Gouverne-
ment belge le droit d'introduire la présente instance. Selon ladeuxième, même
si tel n'étaitpas le cas, la Cour n'était pas compétente carla base juridiction-
nelle indispensable pour obliger l'Espagne à se soumettre à la juridiction de la
Cour n'existait pas. La Cour ajoint au fond les troisième et quatrièmeexcep-
tions préliminaires. Selonla troisième, la demandeétaitirrecevableparce que le
Gouvernement belge n'avait pas qualité pour intervenir ou présenter une
demandejudiciaire pour lecompted'intérêtb selgesdans unesociétécanadienne,
à supposer que le caractèrebelge de ces intérêts fût étabi,e queniait le Gou-
vernement espagnol. Selon la quatrième, mêmesi le Gouvernement belge avait
la qualité vouluepour agir, la demande n'en demeurait pas moins irrecevable
parce que les recours internes n'avaient pas été épuisés à l'égarddes actes
incriminés.
4. Les délaispour la suite de la procédure ont étéfixésou prorogés à la
demande des Parties par ordonnances des28juillet 1964,ll juin 1965,12janvier
et 23 novembre 1966, 12avril et 15 septembre 1967et 24 mai 1968. Dans la
dernière de ces ordonnances, la Cour a constaté avec regret que les délais
initialement fixéspar ellepour ledépôtdespiécesdelaprocédure écriten'avaient
pas été observés etque cette procédure avait étépar là considérablement
allongée.La procédure écrits e'estachevéelele'juillet 1968,date du dépôt dela
duplique du Gouvernement espagnol. 7 BARCELONA TRACTION (ARRÊT)
5.En applicationdel'article31,paragraphe 3,du Statut,M. WillemRipha-
gen, professeur de droit internationaà1'Ecoledes scienceséconomiquesde
Rotterdam, et M. Enrique C. Armand-Ugon, ancien présidentde la Cour
suprême deJusticedel'Uruguay et ancienmembre de laCour internationalede
Justice, ont étérespectivement désignépar le Gouvernementbelgeet par le
Gouvernementespagnolpour siéger comme jugesad hoc.
6. En applicationdel'artic44,paragraphe 2, du Règlement,les piècesdela
procédure écritoent, après consultationdesParties, étmisesà la disposition
des Gouvernements du Chili, des Etats-Unis d'Amériqueet du Pérou.En
applicationdu paragraphe 3du même article,ces piècesont, avecl'assentiment
desParties,étrenduesaccessiblesaupublic à dater du 10avril1969.
7. Au cours de soixante-quatreaudiencestenues entre le 15 avril et l22
juillet 1969,la Cour a entenduen leursplaidoirieset répon:pour leGouver-
nement belge, le chevalier Devadder, agent, M. Rolin, coagent et conseil,
MmeBastid, MM. VanRyn, Grégoire, Mann,Virally,Lauterpachtet Pattillu,
conseils; etpour leGouvernementespagnol,M. Castro-Rial,agent, MM. Ago,
Carreras,Gil-Robles,Guggenheim, Jiménez dA eréchaga,Malintoppi,Reuter,
Sureda,Uria,sir HumphreyWaldocket M. Weil, conseilsou avocats.
8. La Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, est une
société holding constituéeen 1911 àToronto (Canada), où se trouve son
siège.En vue de créeret de développeren Catalogne (Espagne) un réseau
de production et de distribution d'énergieélectrique,elle avait fondé un
certain nombre de sociétés auxiliaires- sociétésexploitantes, financières
et titulaires de concessions. Trois de ces sociétés;dont elle possédait
entièrement ou presque entièrement les actions, avaient étéconstituées
conformément au droit canadien et elles avaient leur siège au Canada
(il s'agissait de'Ebro Irrigation and Power Company, Limited, de la
Catalonian Land Company, Limited, et de l'International Utilities
Finance Corporation, Limited). Les autres avaient étéconstituées en
vertu du droit espagnol et avaient leur siège en Espagne. Lorsque la
guerre civile espagnole éclata, le groupe assurait, par les sociétésauxi-
liaires chargéesde l'exploitation, la majeure partie des besoins de la
Catalogne en électricité.
9. Selon le Gouvernement belge, quelques années après la première
guerre mondiale, les actions de la Barcelona Traction passèrent en grande
partie entre les mains de ressortissants belges, personnes physiques ou
morales, et un trèsfort pourcentage des actions n'a cessédepuis lors d'ap-
partenir àdes ressortissants belges, notamment àla Sociétéinternationale
d'énergie hydro-électrique (Sidro)dont le principal actionnaire,la Société
financière de transports et d'entreprises industrielles (Sofina), est elle-
mêmeune sociétéoù les intérêts belges sont prépondérants.De l'avis du
Gouvernement belge, lefaitque degros paquetsd'actions furent transférés pendant certaines périodes à des nomineesaméricains,pour protégerces
valeurs en cas d'invasion du territoire belge au cours de la seconde guerre
mondiale, est sans pertinenceà cet égard, carce sont des Belges,en parti-
culier la Sidro, qui sont demeurés les vrais propriétaires des titres.
Pendant un certain temps les actions furent confiéesà un trustee, mais le
Gouvernement belge affirme que le trust avait pris fin en 1946. Le Gou-
vernement espagnol fait au contraire valoir que la nationalité belge des
actionnaires n'est pas établieet que le trustee ou les nominees doivent
êtreconsidéréscomme les actionnaires véritablespour les actions dont
il s'agit.
10. La Barcelona Traction émitplusieurs sériesd'obligations ;certaines
étaient libelléesen pesetas, mais la plupart l'étaient en livres sterling.
Les émissionsétaient garanties par des Trust Deeds, la sûreté consistant
essentiellement en un privilègesur les actions et obligations de1'Ebroet
d'autres filiales et en une hypothèque constituéepar 1'Ebroen faveur de
la National Trust Company, Limited, de Toronto; le trustee pour les
obligationsen livres sterling étaitla National Trust. Le servicedes obliga-
tions en livres était assuré grâceà des versements faits à la Barcelona
Traction par les sociétés auxiliairesexerçant leur activitéen Espagne.
Il. En 1936 le service des obligations de la Barcelona Traction fut
interrompu du fait de la guerre civile espagnole. En 1940le paiement des
intérêtdses obligations en pesetas fut repris, avec l'autorisation de l'office
espagnol de contrôle des changes dont l'agrémentétaitnécessairecar il
s'agissait desdettes d'une sociétéétrangère,mais l'autorisation de trans-
férerdes devises pour le service des obligations en livres fut refuséeet le
paiement des intérêts ne reprit jamais.
12. En 1945la Barcelona Traction proposa un plan d'arrangèment qui
prévoyaitle remboursement de la dette en livres. Les autoritésespagnoles
ayant refuséd'autoriser les transferts de devises nécessaires,ce plan fut
modifié à deux reprises. Sous sa dernière forme, le plan prévoyaitnotam-
ment que 1'Ebroprocéderaitau remboursement anticipé d'obligations en
pesetas de la Barcelona Traction, ce qui demandait toujours une autori-
sation. Celle-cifut refuséepar les autoritésespagnoles. Plus tard, lorsque
le Gouvernement belge se plaignit des refus opposés aux transferts de
devises,à défautdesquels la dette obligataire ne pouvait être honorée,le
Gouvernement espagnol fit valoir que les autorisations de transfert
étaient subordonnées à la preuve que les devises devaient servir à rem-
bourser des dettes résultant d'apports effectifs de capitaux étrangers en
Espagne et que cette preuve n'avait pas été faite.
13. Par requêtedu 9 février1948,trois porteurs espagnols d'obligations
de la Barcelona Traction payables en livres, obligations qu'ils avaient
récemment acquises, demandèrent au tribunal de Reus (province de
Tarragone) la mise en faillite de la sociétépour non-paiement d'intérêts.
Cette requêtefut admise par ordonnance du 10 février1948et un juge-
ment prononçant la faillite fut rendu le 12février.Lejugement de faillite
comportait la nomination d'un commissaire et d'un séquestreprovisoireet un ordre de saisie des biens de la Barcelona Traction, de 1'Ebroet de
la Compafiia Barcelonesa de Electricidad, autre société auxiliaire.
14. La Barcelona Traction et 1'Ebroavaient remis en dépôtles actions
de 1'Ebro et de la Barcelonesa à la National Trust de Toronto, pour
garantir des obligations qu'elles avaient elles-mêmes émisesT . outes les
actions de 1'Ebroet toutes les actions ordinaires de la Barcelonesa étant
détenueshors d'Espagne, la prise de possession de ces actions fut quali-
fiéede «médiate et civilissime ))c'est-à-dire qu'elle ne s'accompagnait
pas d'une appréhensionmatérielle destitres. En application du jugement,
le commissaire à la faillite destitua immédiatement les principaux diri-
geants des deux sociétéset, dans les semaines qui suivirent, le séquestre
provisoire nomma des administrateurs espagnols et constata que les
sociétésétaient ainsi ((normalisées».Peu après la déclaration de faillite,
les requérants obtenaient que la prise de possession et les mesures con-
nexes fussent étenduesaux autres sociétés auxiliaires.
15. Des recours furent introduits en Espagne contre le jugement
déclaratifde faillite et les décisions connexespar la Barcelona Traction,
par la National Trust, par les sociétés auxiliaireset par leurs administra-
teurs ou leur personnel dirigeant. Toutefois la Barcelona Traction, qui
n'avait pas reçu notification de justice concernant la procédure defaillite
et n'avait pas étéreprésentéedevant le tribunal de Reus en février,n'agit
pas en justice avant le 18juin 1948. En particulier elle n'intenta pas de
recours en opposition contre lejugement de faillite dans le délaide huit
jours prévupar la loi espagnole à compter de la date de publication du
jugement. Le Gouvernement belge fait valoir que ce délaide huit jours
n'a jamais commencé à courir parce que la notification et la publication
n'avaient pas étéeffectuéesconformément à la loi.
16. Des déclinatoires contestant la compétencedu juge de Reus et la
juridiction espagnole furent présentéspar quelques obligataires et eurent
un effetsuspensifsur lesrecours; la décisionsurla question de compétence
se trouva encore retardéedu fait d'une longueprocédureintroduitepar la
sociétéGenora, créancièrede la Barcelona Traction, qui contestait à cette
dernièrele droit d'êtrepartie à la procédure sur la compétence.L'un des
déclinatoires ne fut finalement rejetépar la cour d'appel de Barcelone
qu'en 1963, après le dépôt de la requêtebelge devant la Cour inter-
nationale de Justice.
17. En juin 1949la cour d'appel de Barcelone rendit, à la demande de
la sociétéNamel, la sociétéGenora étant partie intervenante, un arrêt
qui ouvrait la voieà la convocation de l'assemblée des créanciers en vue
de l'élection des syndicsde faillite, en excluant l'effetsuspensif du déclina-
toire de compétence à l'égardde la procédurenécessaire à cette fin. Des
syndics furent alors éluset firent déciderque seraient créésde nouveaux
titres des sociétés auxiliaires,annulant les titres qui se trouvaient hors
d'Espagne (décembre1949)et que le siègede 1'Ebroet de la Catalonian
Land serait désormais à Barcelone et non plus à Toronto. Enfin, en août 1951, les syndics obtinrent du juge l'autorisation de vendre ((la totalité
des actions avectous leurs droits inhérents, représentantle capital soc»al
des sociétés auxiliaires, sousla forme des nouveaux titres de ces sociétés.
La vente eut lieu par adjudication publique le 4 janvier 1952sur la base
d'un cahier des charges et devint effectivele 17juin 1952.L'adjudicataire
fut une société nouvellementconstituée, Fuerzas Eléctricasde Cataluiia,
S.A. (Fecsa), qui obtint ainsi un contrôle complet de l'entreprise en
Espagne.
18. Des recours furent intentés sanssuccèsdevant le tribunal de Reus,
diversesjuridictions de Barcelone et la Cour suprêmed'Espagne, notam-
ment par la Barcelona Traction, par la National Trust et par la société
belge Sidro en tant qu'actionnaire de la Barcelona Traction contre la
vente et les opérationsqui l'avaient précédéoeu suivie. Selon le Gouver-
nement espagnol, il a été renduau total dans l'affaire, avant le dépôt de
la requêtebelge, 2736 ordonnances, 494jugements et 37 arrêts. Auxfins
du présentarrêt,il n'est pas nécessaire d'enfournir le détail.
19. Aprèslejugement de faillite, les Gouvernements du Royaume-Uni,
du Canada, des Etats-Unis et de la Belgique firent des démarchesauprès
du Gouvernement espagnol.
20. Le Gouvernement britannique fit une démarche auprèsdu Gou-
vernement espagnol dèsle 23 février1948 au sujet de la mise en faillite
de la Barcelona Traction et de la saisie de ses avoirs et de ceux debro
et de la Barcelonesa et il indiqua qu'il s'intéressaità la situation des
obligataires résidantau Royaume-Uni. Par la suite il appuya les démar-
ches faites par le Gouvernement canadien.
21. Le Gouvernement canadien adressa une sériede représentations
au Gouvernement espagnol dans desnotesdiplomatiques dontla première
était datéedu 27 mars 1948et la dernière du 21 avril 1952; en outre, des
démarchesd'un caractère moins officielfurent effectuéesen juillet 1954
et en mars 1955. Le Gouvernement canadien se plaignit d'abord des
dénis de justice qui auraient été commis en Espagne à l'égard de la
Barcelona Traction, de 1'Ebroet de la National Trust. Il fonda ensuite
plus particulièrement ses réclamations sur des actes dont la sociétéEbro
aurait étévictime en violation des dispositions conventionnelles appli-
cablesentre l'Espagneet leCanada. Le Gouvernement espagnol ne donna
aucune suite à une proposition canadienne de soumettre le différend à
l'arbitrage et le Gouvernement canadien se borna ensuite, avant d'inter-
rompre toute action, à s'efforcerde favoriser un règlementamiable entre
les groupes privés intéressés.
22. Le Gouvernement des Etats-Unis intervint auprès du Gouverne-
ment espagnol en faveur de la Barcelona Traction par une note du
22juillet 1949appuyant une note canadienne datée de la veille. Il pour-
suivit ensuite son action par la voie diplomatique et par d'autres moyens.
Comme le Gouvernement des Etats-Unis faisait étatd'intérêta sméricains
dans la Barcelona Traction, le Gouvernement espagnol en tire la con-clusion que, le Gouvernement des Etats-Unis ne protégeant habituelle-
ment que des investissements américains substantiels, il y a lieu de
présumer l'existenced'intérêts américain si considérablesque cela exclue
la prépondérancedes intérêtb selges. Le Gouvernement belge estime que
le Gouvernement des Etats-Unis avait la préoccupation plus générale
de voir appliquer un traitement équitable aux investissements étrangers
en Espagne et à cet égardil se réfèreentre autreàune note de ce gouver-
nement datéedu 5juin 1967.
23. Le Gouvernement espagnol ayant indiqué dans une note du
26 septembre 1949que 1'Ebron'avait pas apporté la preuve de l'origine
et de la réalité la dette obligataire, cequijustifiait lerefus destransferts
de devises,les Gouvernements belgeet canadien envisagèrentde proposer
au Gouvernement espagnol la constitution d'une commission tripartite
chargée d'examiner leproblème. Avant que la proposition ne lui fût
présentée, leGouvernement espagnol suggéraen mars 1950la création
d'une commission où seuls seraient représentés,aux côtésde l'Espagne,
le Canada et le Royaume-Uni. Les Gouvernements britannique et
canadien acceptèrent. Les travaux de la commission aboutirent à une
déclaration conjointe des trois gouvernements en date du Il juin 1951
où il étaitdit notamment que l'attitude adoptée par le Gouvernement
espagnol en n'autorisant pas les transferts de devises demandés était
pleinement justifiée. LeGouvernement belge protesta contre le fait qu'il
n'avait pas étéinvitéà désignerun expert pour prendre part à l'enquête
et réservases droits; devant la Cour, il a soutenu que la déclaration
conjointe de 1951qui se fondait sur les travaux de la commission, étant
res inter alios actne lui étaitpas opposable.
24. Le Gouvernement belge intervint auprès du Gouvernement espa-
gnol, le mêmejour que le Gouvernement canadien, par une note du
27 mars 1948. Son action diplomatique se poursuivit jusqu'au moment
où le Gouvernement espagnol repoussa une proposition belge de recours
à l'arbitrage (fin 1951). Après l'admission de l'Espagne aux Nations
Unies (1955) qui, ainsi que la Cour l'a constaté en1964, remettait en
vigueurla clausedejuridiction obligatoirecontenue dans letraitéispano-
belge de conciliation, de règlement judiciaire et d'arbitrage de 1927, le
Gouvernement belge tenta de nouvelles démarches. A la suite du rejet
d'un projet de compromis, il décida de soumettre unilatéralement le
litigeà la Cour.
25. Dansla procédure écritel,sconclusionsci-après ont étprésentéepsar
lesParties: Aunomdu Gouvernementbelge,
dans la requête:
«Plaise à la Cour
1"dire et juger que les mesures, actes, décisions et omissions des organes
de 1'Etatespagnol décritsdans la présente requêtesont contraires au droit
des gens et que 1'Etatespagnol est tenu, àl'égard dela Belgique, de réparer
le préjudice qui en est résultépour les ressortissants belges, personnes
physiques et morales, actionnaires de la Barcelona Traction;
2" dire et juger que cette réparation doit, autant que possible, effacer
toutes les conséquencesque ces actes contraires au droit des gens ont eues
pour lesdits ressortissants et que'Etatespagnol est tenu, dèslors, d'assurer,
si possible, l'annulation du jugement de faillite et des actes judiciaires et
autres qui en ont découlé, enassurant aux ressortissants belges léséstous
les effetsjuridiques devant résulterpour eux de cette annulation; détermi-
ner, en outre, l'indemnitéà verser par 1'Etatespagnol à 1'Etatbelge àraison
de tous les préjudices accessoires subis par les ressortissants belges par
suite des actes incriminés, en ce compris la privation de jouissance et les
frais exposéspour la défensede leurs droits;
3" dire et juger, au cas où l'effacement des conséquences des actes
incriminés se révélerait impossible,que 1'Etatespagnol sera tenu de verser
à 1'Etat belge, à titre d'indemnité, une somme équivalant à 88% de la
valeur nette de l'affaire au 12 février 1948;cette indemnité devant être
augmentée d'une somme correspondant à tous les préjudices accessoires
subis par les ressortissants belges par suite des actes incriminés, en ce
compris la privation de jouissance et les frais exposéspour la défensede
leurs droits1);
dans le mémoire:
(Plaise à la Cour
1. dire etjuger que lesmesures, actes, décisions et omissions des organes
de 1'Etatespagnol décrits dans le présent mémoiresont contraires au droit
des gens et que 1'Etatespagnol.est tenu, àl'égardde la Belgique, de réparer
le préjudice qui en est résultépour les ressortissants belges, personnes
physiques et morales, actionnaires de la Barcelona Traction;
II. dire et juger que cette réparation doit, autant que possible, effacer
toutes les conséquences que ces actes contraires au droit des gens ont
eues pour lesdits ressortissants et que1'Etat espagnol est tenu, dès lors, si
possible, d'assurer par voie administrative l'annulation du jugement de
faillite et des actes judiciaires et autres qui en ont découlé, enassurant
auxdits ressortissants belges léséstous les effetsjuridiques devant résulter
pour eux de cette annulation; déterminer, en outre, l'indemnité à verser
par 1'Etatespagnol à 1'Etatbelge à raison detous les préjudices accessoires
subis par les ressortissants belges par suite des actes incriminés, en ce
compris la privation de jouissance et les frais exposéspour la défensede
leurs droits; III. dire et juger, au cas où l'effacement des conséquences des actes
incriminés se révélerait impossibleq,ue 1'Etatespagnol sera tenu de verser
à 1'Etat belge, à titre d'indemnité, une somme équivalant à 88% du
montant de 88 600 000 dollars fixéau paragraphe 379du présentmémoire,
cette indemnitédevant êtreaugmentée d'une somme correspondant à tous
lespréjudices accessoires subispar lesdits ressortissants belgespar suite des
actes incriminés, ence compris la privation dejouissance, les frais exposés
pour la défensede leurs droits et l'équivalent encapital et intérêts du
montant des obligations de la Barcelona Traction détenuespar des ressor-
tissants belges et de leurs autres créancescharge des sociétésdu groupe,
dont le recouvrement n'a pu avoir lieu par suite des actes dénoncés .;
dans la réplique:
«Plaise à la Cour, rejetant toutes autres conclusions plus amples ou
contraires de 1'Etat espagnol,
dire et juger
1") que la requêteprésentéepar le Gouvernement belge est recevable;
2") que 1'Etat espagnol est responsable du préjudice subi par 1'Etat
belge dans la personne de ses ressortissants, actionnaires de la Barcelona
Traction, du fait des actescontraires au droit international commis par ses
organes et quiont conduit au dépouillementtotal du groupede la Barcelona
Traction;
3") que 1'Etatespagnol est tenu d'assurer la réparation dudit préjudice;
4") que ce préjudicepeut êtreévalué à 78 millions de dollars des Etats-
Unis représentant 88% de la valeur nette, au 12 février 1948, des avoirs
dont le groupe Barcelona Traction a étédépouillé;
5") que 1'Etatespagnol est, en outre, tenu de payer,à titre forfaitaire et
pour couvrir la perte de jouissance, un iatérêtcompensatoire au taux de
6% sur lesusdit montant de 78millions de dollars, et ce depuis le 12février
1948jusqu'à la date de l'arrêt;
6") que 1'Etat espagnol doit, en outre, payer une somme évaluéepro-
visoirement à 3 800000 dollars des Etats-Unis, destinée à couvrir les frais
exposéspar les ressortissants belges pour la défensede leurs droits depuis
le 12février 1948;
7") que 1'Etat espagnol sera redevable aussi d'une somme de 433 821
livres sterlingreprésentant le montant, en principal et intérêt,u 4janvier
1952, des obligations en livres de la Barcelona Traction détenues par
lesdits ressortissants, ainsi que d'une somme de 1 623 127 dollars des
Etats-Unis représentant la créance d'un desdits ressortissants à l'égard
d'une société filialede la Barcelona Traction, en ce compris une indemnité
forfaitaire pour manque à gagner résultant de la résiliation prématurée
d'une convention ;
qu'il sera dû sur ces sommes un intérêtde 6% l'an calculédepuis le
4janvier 1952en ce qui concerne le montant de 433 821 livres et depuis le
12 février 1948 en ce qui concerne le montant de 1623 127 dollars et ce
jusqu'à la date de l'arrêt;
8") que 1'Etatespagnol est également redevable des intérêts moratoires,
déterminéspar référenceau taux généralement usités ,ur le montant des indemnités,àcompter de la décisionde la Cour fixant celles-ci et jusqu'à
la date du paiement;
9") subsidiairement aux 4")à6")ci-dessus, que lemontant de l'indemnité
revenant à 1'Etatbelge sera établipar voie d'une expertise à ordonner par
la Cour; donner acte au Gouvernement belge qu'il se réservede présenter
en'prosécution de cause telles observations que de conseil concernant
l'objet et les modalités de cette mesure d'instruction;
10") et au cas où la Cour estimerait ne pouvoir, sans expertise, se
prononcer sur le montant final de l'indemnité revenant à 1'Etat belge,
prendre en considération l'ampleur considérable du préjudice causé, et
accorder, dès à présent, à valoir sur l'indemnité à déterminer après ex-
pertise, une indemnitéprovisionnelle, dont le montant est laissé à l'appré-
ciation de la Cour. 11
Au nom du Gouvernement espagnol,
dans le contre-mémoire:
(Plaise à la Cour
dire et juger
1. que la demande belge qui, tout gu long de lacorrespondance diploma-
tique et dans la première requête introduite devant la Cour, a toujours été
une demande formulée en vue de la protection de la société Barcelona
Traction, n'a pas changéde nature dans la deuxièmerequête,quelles que
soient les modifications apparentes qu'on y a apportées;
que mêmesi la demande belge avait véritablement pour objet, non pas
la société BarcelonaTraction mais ceux que le Gouvernement belge qualifie
tantôt d'«actionnaires belges », tantôt d'ilintérêtsbelges » dans cette
sociétéet lepréjudiceprétendument subi par ces ((actionnaires ))ou par ces
«intérêts 11,il n'en resterait pas moins que le Gouvernement belge n'a
valablement prouvé nique les titres de la société enquestion aient appar-
tenu aux dates critiques à des Iactionnaires belges 11,ni non plus, d'ailleurs,
qu'il y ait finalement, dans l'affaire soumise à la Cour, une présence
prépondérante d'(1intérêtsbelges )réels;
que même si lademande belge avait effectivement pour bénéficiairesde
prétendus Iractionnaires 1)de Barcelona Traction qui seraient 1belges 11,ou
encore de prétendus 11intérêtsbelges » réelsayant le volume qu'on voudrait
leur prêter, les principes générauxdu droit international régissant la
matière, confirméspar une pratique sans exceptions, n'admettent pas que
1'Etatnational d'actionnaires ou d'((intérêt ), quels que soient leur nombre
ou leur importance, puisse présenter en faveur de ces derniers une récla-
mation dans laquelle il ferait valoir un préjudiceprétendument illicite subi
par la société,qui a la nationalité d'un Etat tiers;
que, dès lors, le Gouvernement belge n'a pas qualité pour agir en la
présenteaffaire;
II. qu'une règle de droit international général, confirméedans la
jurisprudence tout comme dans la doctrine et reprise par l'article 3 du
traitéhispano-belge de conciliation, de règlementjudiciaire et d'arbitrage
du 19juillet 1927, exige que les particuliers prétendument léséspar une15 BARCELONA TRACTION(ARRÊT)
mesure contraire au droit international aient utiliséet épuiséles voies et
moyens de recours offerts par l'ordre juridique interne avant que la pro-
tection diplomatique et surtout judiciaire puisse êtreexercéeen leurfaveur;
que l'applicabilitéde cette règleà la présenteaffaire n'est pas contestée
et qu'il n'a pas étésatisfait la condition préalable poséepar elle;
III. que les procédés organiques de financement de l'entreprise de
Barcelona Traction, tels qu'ils ont étéconçus dèssa création et appliqués
constamment par la suite, ont placé celle-ci dans un état permanent de
faillite latente, et que la structure constitutionnelle du groupe et les
relations entre ses membres ont étéutiliséespour êtrel'instrument d'at-
teintes multiples et incessantes aussi bien aux intérêtsdes créanciers qu'à
l'économieet à la loi de l'Espagne, pays dans lequel l'entreprise devait
réalisertoutes ses affaires;
que ces mêmesfaits ont entraîné,de lapart de l'entreprise, une attitude
vis-à-vis des autorités espagnoles qui ne pouvait provoquer qu'un refus
pleinement justifiéde donner suite aux demandes de devises adresséesau
Gouvernement espagnol;
que la déclaration de faillite du12février1948, aboutissement naturel
des procédésde l'entreprise, et la procédure de faillite qui a suivi, ont été
en tout conformes aux dispositions de la loi espagnole en la matière, et
qu'au surplus ces dispositions sont comparables à celles d'autres légis-
lations et notamment à la législationbelge elle-même;
que le grief d'usurpation de compétence n'est pas fondé lorsque la
faillite d'une sociétéétrangèreest rattachée d'une façon quelconque à la
compétenceterritoriale de 1'Etat et qu'il en est certainement ainsi dans le
cas d'espèce;
que l'on ne saurait faire grief aux autoritésjudiciaires espagnoles d'un
ni de plusieurs dénisde justice au sens propre de ce terme, l'accès aux
tribunaux espagnols n'ayant jamais étérefusé à Barcelona Traction et les
décisions judiciaires statuant sur ses demandes et ses recours n'ayant pas
subi deretards injustifiésou déraisonnables; et qu'on ne peut pas non plus
décelerdans l'activité desautoritésespagnoles les élémentsd'une violation
du droit international autre qu'un dénide justice;
que la demande de réparation, dont le Gouvernement espagnol conteste
leprincipe même,constitue, au surplus, eu égardaux conditions de l'affaire,
un exercice abusif du droit de protection diplomatique à propos duquel le
Gouvernement espagnol ne renonce à aucun de ses droits éventuels;
IV. que, partant, la dem.ande belge est rejetéecomme irrecevable ou à
défaut comme non fondée)1;
dans la duplique:
(Plaise à la Cour
dire et juger
que la demande du Gouvernement belge est déclarée irrecevableou a
défautnon fondée. 1)
Au cours de la procédure orale, le texte suivant a étéprésenté à titre de
conclusions finales au nom du Gouvernementbelge,
après l'audience du 9 juillet 1969:
(1. Attendu quela Cour a constaté à la page 9 de son arrêtdu 24juillet
1964que (la requêteduGouvernement belge du 19juin 1962a pour objet
la réparation du préjudice qui aurait étécausé à un certain nombre de
ressortissants belges présentés commeactionnaires de la sociétéde droit
canadien Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, par le
comportement, prétendu contraire au droit des gens, de divers organes de
1'Etatespagnol àl'égard decette sociétéet d'autres sociétésde songroupe 1);
que c'estdonc manifestement à tort que le Gouvernement espagnol, dans
les conclusions jointes au contre-mémoire et dans les plaidoiries de ses
conseils, s'obstineà soutenir que la demande belge a pour objet la pro-
tection de la société BarcelonaTraction;
2. Que la Barcelona Traction a étédéclaréeen faillite par jugement du
tribunal de Reus, en Espagne, le 12février 1948;
3. Que cette sociétéholding avait à cette date une situation financière
parfaitement saine, comme l'avaient ses filiales, sociétéscanadiennes ou
espagnoles ayant leurs activités enEspagne;
4. Que, toutefois, la guerre civile d'Espagne et la deuxième guerre
mondiale avaient fait obstacle, de 1936 à 1944, à ce que la Barcelona
Traction pût recevoir, de ses filiales exploitant en Espagne, les devises
nécessairesau service des emprunts en livres sterling émispar elle en vue
du financement des investissements du groupe en Espagne;
5. Que pour remédier à cette situation, les dirigeants de la Barcelona
Traction convinrent en 1945avec les obligataires, en dépitde l'opposition
du groupe March, d'un plan d'arrangement qui fut approuvé par le
trusteeet ratifiépar le tribunal canadien compétent; que son exécutionfut
rendue impossible par suite de l'opposition des autorités espagnoles du
change, bien que lemode de financement finalement proposéne comportât
plus, pour l'économie espagnole,de sacrifice quelconque de devises;
6. Que prenant prétexte de cette situation, le groupe March, qui avait
dans l'intervalle procédéà de nouveaux achats d'obligations en quantités
considérables, demanda et obtint le jugement prononçant la faillite de la
Barcelona Traction;
'7. Que la procédure de faillite fut conduite de manière à aboutir à
l'adjudication au groupe March, qui eut lieu effectivement le 4 janvier
1952, de tous les actifs de la société faillie, d'une valeurtrès supérieure
son passif, moyennant prise en charge par l'adjudicataire lui-mêmedu
seul passif obligatoire, que, par de nouveaux achats, il avait concentré
entre ses mains à concurrence d'environ 85%, tandis que le prix en espèces
verséaux syndics, soit dix millions de pesetas environ 250 000dollars -,
insuffisant pour couvrir les frais de la faillite, ne leur permit de rien re-
mettre ni A la société faillie,nià ses actionnaires, ni mêmede payer ses
créancierschirographaires ;
8. Attenduque lesaccusations de fraude formuléespar le Gouvernement
espagnol contre la société BarcelonaTraction et l'allégation suivant la-
quelle cette sociétéseseraittrouvéeen étatpermanent defaillitelatente sont dénuéesde toute pertinence en la cause et, au surplus, entièrement mal
fondées ;
9. Attendu que les actes et omissions qui engagent la responsabilité
du Gouvernement espagnol sont imputés par le Gouvernement belge,
d'une part, à certaines autorités administratives, d'autre part,à certaines
autoritésjudiciaires;
Que l'examen d'ensemblede ces actes et omissions fait apparaître qu'in-
dépendamment de leurs vices propres, ils ont convergé versun résultat
commun, qui fut le détournement de la procédure de faillite de ses fins
légalesvers letransfert forcéet sansindemnité des entreprisesdu groupede
la Barcelona Traction au profit d'un groupe privé espagnol, le groupe
March;
Considérant que les autorités administratives espagnoles se sont com-
portées envers la Barcelona Traction et ses actionnaires d'une manière
abusive, arbitraire et discriminatoire, en ce que, dans le but de faciliter le
transfert du contrôle des biens du. groupe de la Barcelona Traction de
mains belges aux mains d'un groupe privé espagnol, elles ont notamment:
a) fait échouer,en octobre et en décembre1946,l'exécutionde la troisième
modalitéde financement du plan d'arrangement, en refusant d'autoriser
Ebro, sociétécanadienne ayant une résidence en Espagne, à payer en
monnaie nationale 64000 000 de pesetas à des résidents espagnols
pour lecompte de la Barcelona Traction, société non résidente,afin que
celle-ci remboursât ses obligations en pesetas circulant en Espagne, et
ce, bien que l'autorisation d'effectuer le paiement des intérêtsde ces
mêmesobligations n'ait pas cesséd'être accordé périodiquement à
Ebro jusqu'à la faillite;
b) en revanche, admis que Juan March, citoyen espagnol résidant notoi-
rement en Espagne, achetât à l'étranger desobligations en livres sterling
de la Barcelona Traction en quantités considérables;
c) fait un usage abusif d'une enquêteinternationale, à l'écartde laquelle
leGouvernement belge fut tenu, en altérant gravement le sens des
conclusions de la commission d'experts à laquelle elles attribuèrent la
constatation d'irrégularitésde tous genres de nature à entraîner pour
le groupe de la Barcelona Traction des sanctions rigoureuses, ce qui
permit aux syndics, à l'instigation de March, de provoquer la vente
prématurée et a vil prix des avoirs du groupe de la Barcelona Traction
et leur achat par le groupe March grâce à l'octroi detoutes les autori-
sations de change nécessaires;
Considérant que les tribunaux espagnols, en acceptant de connaître de
la faillite de la Barcelona Traction, société destatut canadien ayant son
siègesocial à Toronto, n'ayant en Espagne ni siège socialni établissementcommercial, n'y possédant aucun bien etn'y exerçant aucune activité, ont
usurpé un pouvoir dejuridiction qui ne leur appartenait pas selon le droit
international ;
Considérant que la limite territoriale des actes de souveraineté aété
d'autre part manifestement méconnuepar les mesures d'exécution prises
à l'égardde biens situés horsdu territoire espagnol sans le concours des
autoritésétrangères compétentes;
Qu'en effet, les organes de la faillite se virent conférer,par l'artifice de
la possession'médiateet civilissime, la facultéd'exercer en Espagne les
droits afférents aux actions setrouvant au Canada de plusieurs sociétés
filiales et sous-filiales, dont ils se réclamèrent, avec l'approbation des
autoritésjudiciaires espagnoles, pour remplacer les administrateurs de ces
sociétés,modifier leurs statuts, annuler les actions régulièrementémises
par elles et les remplacer par d'autres qu'ils firent imprimer en Espagne et
qu'ils livrèrentà Fecsa lors de la vente des biens de la sociétéfaillie, sans
qu'aucun effortfût tentépour obtenir de façon régulièrela possession des
vrais titres;
Quecette méconnaissanceestd'autant plus flagrante que trois desfiliales
étaientdes sociétésde droit canadien ayant leur siègesocial au Canada et
que les organes de la faillite prétendirent, avecl'approbation des autorités
judiciaires espagnoles, transformer deux d'entre elles en sociétés dedroit
espagnol,alors quepareil changement n'estpas admis par le droit régissant
le statut de ces sociétés;
III
DENIS DE JUSTICE LATO SENSU
Considérant qu'ungrand nombre de décisionsdes tribunaux espagnols
sont entachées d'erreur grossièreet manifeste dans l'application du droit
espagnol, d'arbitraire ou de discrimination, constituant au' regard du
droit international des dénis de justiceIato sensu;
Que notamment :
1) Les tribunaux espagnols ont accepté de connaître de la faillite de la
Barcelona Traction en violation flagrante des dispo~itionsapplicables du
droit espagnol, qui ne permettent pas de déclarer la faillite d'un débiteur
étranger lorsque ce débiteurne possède en territoire espagnol ni son
domicile ni tout au moins un établissement;
2) Ces mêmestribunaux ont déclaréla faillite de la Barcelona Traction
alors que celle-cin'était pasen étatd'insolvabilité, qu'elle n'était pas non
plus en état de cessation de paiements définitif,général et complet,et
qu'elle n'avait pas cessé sespaiements en Espagne; qu'il y avait là une
violation manifeste des dispositions légalesapplicables du droit espagnol,
et en particulier de l'article 876 du code de commerce de 1885;
3) Lejugement du 12février1948a omis d'ordonner la publication de la
faillite par annonce dans la localitédu domicile du failli, ce qui constitue
une violation flagrante de l'article 1044SO,du code de commercede 1829;
4) Les décisions qui refusèrent de respecterle patrimoine distinct des
sociétésfilialeset sous-filialesde la Barcelona Traction,en étendant àleurs
biens la saisierésultantde la faillite de la sociétémère tn méconnaissantainsi la personnalité juridique propre des sociétés filialeset sous-filiales,
pour l'unique motif que toutes leurs actions appartiendraient à la Barcelona
Traction ou à l'une de ses filiales, ne reposent sur aucune base légaleen
droit espagnol, sontpurement arbitraires et comportent en toute hypothèse
une violation flagrante de l'article 35 du code civil, des articles 116 et 174
du code de commerce de 1885 (pour ce qui concerne les sociétésde droit
espagnol) et de l'article 15 de ce mêmecode (pour ce qui concerne les
sociétésde droit canadien), ainsi quede l'article 1334de la loi de procédure
civile;
Si le patrimoine des fiiliales et des sous-filiales avait pu êtreenglobé
dans celui de la Barcelona Traction - quod non -, il eût fallu appliquerà
cette société lerégime spéciianlstituépour lecas de cessation de paiements
de sociétésde servicepublic par les dispositions impératives desarticles 930
et suivants du code de commerce de 1885,ainsi que par les lois des 9 avril
1904et 2janvier 1915,ce qui ne fut pas fait;
5) Les décisions judiciaires qui ont conféréaux organes de la faillite la
possession fictive (sous la qualification de (possession médiate et civilis-
sime ») des titres de certaines sociétésfilialeset sous-filiales,ne reposent sur
aucune base légaledans le droit espagnol de la faillite et sont purement
arbitraires; ellescomportent en outreune violation flagrante non seulement
duprincipe généralreconnu par le droit espagnol comme par la plupart des
autres droits, selon lequel nul ne peut exercer les droits incorporés dans
des titres négociablessans avoir la disposition des titres eux-mêmes, mais
aussi des articles 1334 et 1351 de la loi de procédure civile, ainsi que de
l'article 1046du code de commerce de 1829,qui exigent que les organes de
la faillite procèdentà l'appréhension matérielle des biensdu failli;
6) L'octroi au commissaire, par le jugement déclaratif de faillite, du
pouvoir de procéder àla révocation, à la destitution eà la nomination des
membres du personnel, employés et gérants, des sociétésdont toutes les
actions appartenaient à la Barcelona Traction ou à l'une de ses filiales, ne
repose sur aucune bases légaleendroit espagnol et constitue une violation
grossière des dispositions légales mentionnées sub 4), premier alinéa, ci-
dessus, et, en outre, de I'article 1045du code de commerce de 1829;
7) Les tribunaux espagnols ont approuvé ou toléréque les syndics se
constituent enprétendueassembléegénérald eedeux sociétésfilialesde droit
canadien, et qu'à ce titre ils les transforment en sociétésde droit espagnol,
méconnaissant ainsi gravement la règle consacréepar l'article 15 du code
de commerce de 1885selon laquelle le statut et le fonctionnement interne
des sociétésétrangèressont régis enEspagne par la loi de leur constitution;
8) Les tribunaux espagnols ont approuvé ou toléréque les syndics se
constituent en prétenduesassembléesgénérales eq tu'à ce titre ils modifient
les statuts des sociétésEbro, Catalonian Land, Unibn Eléctrica de Cata-
lufia, Electricista Catalana, Barcelonesaet Saltos del Segre, annulent leurs
titres et émettentdes titres nouveaux; ils ont ainsi manifestement violétant
l'article 15du code de commerce de 1885 (à l'égard des deux sociétéd se
droit canadien) que les articles 547 et suivants du mêmecode, lesquels ne
permettent l'émissionde duplicata que dans les conditions qu'ils déter-
minent; ils ont également gravementméconnules clauses des Trust Deeds
relatives au droit de vote, au mépris flagrant de la règlenon contestéedudroit espagnol selon laquelle lesactes accomplis et les conventions con-
clues valablement par le failli avant la date de cessation de paiements
telle qu'elle résulte des décisions judiciaires conservent leurs effeetts leur
force obligatoire a l'égard desorganes de la faillite (articles 878et suivants
du code de commerce de 1885);
9) Les tribunaux espagnols ont décidé à la fois de ne pas avoir égardà
la personnalité juridique distinctedes sociétés filialst sous-filiales(pour
justifier la saisie de leurs biens.enEspagne et leur inclusion dans la masse)
et de reconnaître cette mêmepersonnalité de manière implicite mais
certaine par l'attribution de la possession fictive de leurs titres aux or-
ganes de la faillite, rendant ainsi des décisions entachées d'unecontra-
diction interne évidente, révélatrice de leur caractère arbitraire et dis-
criminatoire;
10) L'assemblée générale des créancie ds 19 septembre 1949 appelée
anommer lessyndicss'esttenue, avecl'approbation desautoritésjudiciaires
espagnoles, en violation flagrante des articles 300 et 1342de la loi depro-
cédurecivile, 1044, 3",1060, 1061et 1063 du code de commerce de 1829,
en ce que: a) elle n'a pas été convoquéeau vu de la liste des créanciers;
b) quand cette liste a ététablie, ellenel'apas étéd'aprèsce qui résulte du
bilan ou des livreset documents de la société failliec,eslivreset documents
n'étant pas,de l'aveu du Gouvernement espagnol lui-même, en possession
du commissaire à la date du 8 octobre 1949et les autoritésjudiciaires
n'ayant envoyé, à aucun moment, une commission rogatoire a Toronto
(Canada) pour qu'ils soientmis à la disposition dudit commissaire;
11) En autorisant la vente des biens de la société failliealors que la
déclarationde faillite n'avait pas acquis un caractèreirrévocableet que la
procédureétaitsuspendue, les tribunaux espagnols ont violé,de manière
flagrante, tant les articles 919, 1167, 1319et 1331 de la loi de procédure
civile que les principes générauxdu droit de la défense;
Dans la mesure où cette autorisation sefondait sur le caractère préten-
dument périssable des biens à vendre, elle méconnaissait gravement
l'article 1055 du code de commerce de 1829 et l'article 1354 de la loi de
procédurecivile,qui permettent seulementde vendre des biens meublesqui
nepourraient seconserversanssedétériorer ou secorrompre;qu'à supposer
même - quod non - que ces dispositions pussent êtreappliquées glo-
balement aux biens de la Barcelona Traction, de ses filialeset de ses sous-
filiales, encore auraient-elles étévioléesde manièreflagrante et grossière,
l'ensemble de ces biens n'étant manifestement pas menacé d'un péril
imminent de grave dépréciation;qu'en effet,les seuls périlsinvoquéspar
les syndics, a savoir ceux résultant des menaces de poursuites contenues
dans la déclaration conjointe, ne s'étaient concrétiséen s,i au jour de la
demande d'autorisation de la vente, ni au jour de la vente, par aucune
procédure ou réclamation des autorités compétentes etne se réalisèrent
jamais, sinon dans une mesure insignifiante;
La seule sanction que les entreprises eurent finalement à supporter
quinze mois après la vente fut celle relative au délitmonétaire, qui avait
donnélieu dèsavril 1948 a un embargo pour un montant très supérieur;
12) L'autorisation de vendre et la vente, en tant qu'ellesportaient sur
les actions des sociétés filialeset sous-filiales sans livraison des titres,
constituaient une violation flagrante des articles 1461et 1462du code civilespagnol, lesquels exigent la livraison de la chose vendue, étant donnéque
les titres remisà l'adjudicataire n'avaient pas étéémis régulièrement et
étaient donc sans valeur légale; si l'autorisation de vendre et la vente
avaient porté,comme le soutient à tort le gouvernement défendeur,sur les
droits afférentsaux actions et obligations ou sur le pouvoir de domination
de la sociétéfaillie sur sesfiliales, ces droits eussent dû êtreévaluéscontra-
dictoirement, à peine de violer de manièreflagrante les articles 1084a 1089
du code de commerce de 1829 et l'article 1358 de la loi de procédure
civile; en tout état de cause, c'est en violation flagrante des dernières
dispositions citées que le commissaire a fixéun prix minimum exagé-
rément basen sefondant surune expertise uniiatérale, cequi, par l'effetdu
cahier des charges, permit au groupe March d'acquérir pour ce prix
minimum les biens mis en vente;
13) En approuvant, le jour mêmeoù il leur fut soumis, le cahier des
charges de la vente, puis en rejetant les recours introduits son sujet, les
autorités judiciaires ont commis une violation flagrante de nombreuses
dispositions d'ordre public du droit espagnol; ainsi, notamment, le cahier
des charges:
a) prévoyait lepaiement des créanciers obligataires, opération comprise,
en vertu de l'article322de la loi de vrocédurecivile. dans la auatrième
section de la faillite, alors queditésection étaittenue en suSpenspar
l'effet reconnu au déclinatoire Boter et qu'aucune exemption à la
suspension n'avait étédemandée ni obtenue par application de l'ar-
ticle 114, alinéa2, de la loi de procédure civile;
b) prévoyait le paiement des créancesobligataires avant qu'elles aient été
vérifiéeset colloauées var l'assemblée générale decsréancierssur avis
des syndics, contrairement aux articles-1101 à 1109 du code de com-
merce de 1829 et aux articles 1266 à 1274, 1286 et 1378 de la loi de
procédure civile;
c) n'imposait, au méprisdes articles 1236, 1240, 1512et 1513de la loi de
procédure civile, aucune consignation ou mise en dépôt du prix à la
disposition du tribunal;
d) donnait aux syndics le pouvoir de reconnaître, déterminer et déclarer
effectifslesdroits des obligations, au mépris,unepart, desarticles 1101
à 1109 du code de commerce de 1829et des articles 1266 à 1274 de la
loi de procédure civile qui réservent ces droitsà l'assemblée générale
des créanciers sous lecontrôle du juge, et, d'autre part, des articles 1445
et 1449 du code civil qui prescrivent que le prix de la vente doit être
certain et ne peut êtrelaissé à l'arbitraire d'une des parties contrac-
tantes;
e) substituait, au mépris des articles 1291 à 1294 de la loi de procédure
civile, l'adjudicataire aux syndics pour le paiement des créances obli-
gataires, tandis qu'en violation des principes générauxrelatifs à la
novation, il remplaçait la sûreté de ces créances,constituée en vertu
des Trust Deeds par des actions et obligations émisespar les sociétés
filialeset sous-filiales,par le dépôten banque d'une certaine somme, ou
par une simple garantie bancaire limitée à trois ans;f) déléguaità un tiers la fonction de payer certaines créances,au mépris
des articles 1291 et 1292 de la loi de procédure civile qui déterminent
la fonction des syndics dans cedomaine et ne permettent aucune délé-
gation;
g) ordonnait le paiement des créancesobligataires en livres sterling, alors
que l'exécutionforcéene peut avoir lieu qu'en monnaie nationale et
qu'en cas de faillite les diverses opérations qu'elles comportent im-
pliquent la conversion des créances en monnaie nationale au jour du
jugement déclaratifdefaillite, ainsi qu'il sedéduitdes articles 883et 884
du code de commerce de 1885;
Considérantqu'au cours de laprocédurede faillite les droits de la défense
furent gravement méconnus; que notamment:
a) le tribunal de Reus, en prononçant sur simple requête lafaillite de la
Barcelona Traction, inséra dans son jugement des dispositions qui
dépassaient de loin la constatation de la prétendue insolvabilité ou
cessation généralede paiements de la société faillie, seuleconstatation,
en plus de cellede la qualitédes requérants, qui lui fût permise dansune
telle procédure;
Cette méconnaissance des droits de la défensefut particulièrement
flagranteà l'égard des sociétés auxiliairesd,ont le tribunal ordonnait
de saisir les biens sans qu'elles eussent étéassignées et sans qu'elles
fussent déclarées enfaillite;
b) les sociétés auxiliairesainsi directement atteintes par le jugement du
12 février 1948 virent néanmoins rejeter comme non recevables pour
défautde qualitéles recours qu'elles introduisirent pour faire rapporter
l'ordre de saisie les concernant;
c) la poursuite de ces mêmesrecours et l'introduction de tous autres
furent également rendues impossibles aux sociétés auxiliairespar les
désistements auxquelsprocédèrentchaque fois les avoués,nommésen
remplacement des avouésoriginaires par les nouveaux conseils d'ad-
ministration directement ou indirectement mis en cause; ces change-
ments d'avouéset désistementsfurent effectuéspar les nouveaux con-
seils d'administration en vertu d'un mandat qui leur fut donné par le
séquestreprovisoire au moment mêmede leur désignation;
d) les recours des dirigeants des sociétés auxiliaires révoquépsar le com-
missaire furent de même déclarén son recevables par le tribunal de
Reus lorsqu'ils voulurent faire usage de la disposition spécifiquede
l'article 1363de la loi de procédurecivile, ouvrant un recours en réfor-
mation des décisions prisespar les commissaires de faillite;
e) il y eut discrimination de la part du premier juge spécial lorsqu'il
refusa d'admettre comme partie à la faillite la sociétécanadienne Na-
tional Trust Company, Limited, trustee des deux empruntsde la société
faillielibellésenlivressterling,et cebien qu'elle seréclamâtdela garantie
hypothécaire qui lui avait été donnéepar Ebro, alors qu'à la même
époque il admettait à la procédure le comité des obligataires désigné par Juan March, bien que National Trust et le comité tinssent leurs
pouvoirs des mêmes Trust Deeds;
f) les griefs contre le cahier des charges ne purent êtreni développésni
débattus, parce que l'ordonnance qui avait approuvé le cahier des
charges fut considéréecomme de simple routine;
Considérant que de nombreuses années s'écoulèrentaprès le jugement
de faillite et mêmeaprès la vente ruineuse des avoirs du groupe de la
Barcelona Traction, sans que ni la société faillieni les coïntéressésaient
eu la possibilité de se faire entendre sur les nombreux grief formulés
contre le jugement de faillite et les décisions connexes dans l'opposition
du 18juin 1948et dans divers autres recours;
Que ces retards furent causéspar le déclinatoire de juridiction fraudu-
leusement introduit par un comparse des requérants a la faillite et par des
incidents émanant d'autres hommes de paille du groupe March, lesquels
furent, comme le déclinatoire, constamment accueillis par les diverses
juridictions;
Que tant le droit international généralque le traité hispano-belge de
1927assimilent de tels retards à un refus d'audience;
Considérant que l'injustice manifeste résultant de l'acheminement de la
procédure vers la vente tandis que les recours relatifs à la régularitédu
jugement de faillite et même à la compétencejuridictionnelle destribunaux
espagnols demeuraient suspendus, fut réaliséepar les deux arrêtsrendus
par la mêmechambre de la cour d'appel de Barcelone le mêmejour,
7juin 1949; que dans l'un elle confirma l'admission à deux effets de l'appel
par Boter du jugement du juge spécialqui avait rejetéson déclinatoire;
que dans l'autre elle réduisitl'effetsuspensif accordé à ce mêmeappel en
distrayant de la suspension la co~ivocation de l'assemblée générale des
créanciers en vuede la nomination des syndics;
Considérant que les actes et omissions contraires au droit internationai
imputésaux organes de 1'Etat espagnol ont eu pour effet de dépouiller la
sociétéBarcelona Traction de la totalitédeson patrimoine et de lui enlever
l'objet mêmede son activité; qu'ils l'ont ainsi pratiquement détruite;
Que les ressortissants belges, personnes physiques et morales, action-
naires de la Barcelona Traction, dans laquelle ils occupaient une position
majoritaire et dirigeante, et notamment la sociétéSidro, propriétaire de
plus de 75% du capital social, ont subi de ce fait une atteinte directe et
immédiate a leurs intérêtset à leurs droits, qui se sont trouvés vidés de
toute valeur et de toute efficacité;
Que la réparation due a 1'Etat belge par 1'Etat espagnol, a la suite des
actes internationalement illicites dont ce dernier Etat est responsable, doit
êtrecomplète et se calquer autant que possible sur le dommage souffert
par les ressortissants pour lesquels 1'Etat belge a pris fait et cause; que,
la restitutiin integrum étant, dans les circonstances de la cause, pratique-ment et juridiquement impossible, la réparation du dommage souffert ne
peut avoir lieu que sous la forme d'une indemnité pécuniaire globale,
conformément aux dispositions du traité hispano-belge de 1927 et aux
règlesdu droit international général;
Considérant qu'en l'espèce lemontant de l'indemnité doit êtrefixéen
prenant comme base la valeur nette du patrimoine de la sociétéBarcelona
Traction au moment de sa mise en faillite, expriméeen monnaie demeurée
stable,à savoir le dollar américain;
Que la valeur de ce patrimoine peut êtredéterminéepar le coût de
remplacement des installations de production et de distribution d'électri-
citéau 12 février 1948 des sociétésfiliales et sous-filiales tel que ce coût
a été calculépar les ingénieursde la sociétéEbro en 1946;
Que d'après ces calculs, et après déduction de la dépréciationdue à
l'usure du matériel, la valeur des installations était à cette date de
116220 000 dollars E.U.; il y a lieu de diminuer ce montant de celui de la
dette obligataire de la Barcelona Traction en principal et intérêts échus,
soit 27 619 018 dollars E.U., ce qui laisse une valeur nette d'environ
88 600000 dollars E.U.; que ce résultat est confirmé:
1) par l'étude adresséele 5 février1949 au nom de 1'Ebro à la déléga-
tion technique spéciale pour la régulation et la distribution d'énergie
électrique(zone de Catalogne) (document nouveau belge no 50);
2) par la capitalisation des bénéficesréalisés aucours de l'année 1947;
3) par le bénéficeréalisépar Fecsa en 1956 - première année depuis
1948 où la situation des entreprises d'électricités'est trouvée pleinement
stabilisée et dernière année avant que les transformations apportées par
Fecsa à l'entreprise ne fissent obstaclà toute comparaison utile;
4) par les travaux des experts consultés par le Gouvernement belge;
Que l'indemnité due au Gouvernement belge doit être estimée, en
principal, au pourcentage de cette valeur nette correspondant à la partici-
pation des ressortissants belges dans le capital de la société Barcelona
Traction. soit 88%.
~u'en'effet, auxdates critiques du jugement de faillite et de l'introduc-
tion de la rea.ête.,le ca~ital de la Barcelona Traction était représenté
par 1798 854 actions, enApartieau porteur et en partie nominatiGes; que
le 12 février 1948 la Sidro possédait 1012 688 actions nominatives et
349905 actions au porteur; que d'autres ressortissants belges possédaient
420 actions nominatives et au moins 244 832 actions au porteur; que
1607 845 actions se trouvaient donc à cette date en mains belges, soit
89,3% du capital de la société, et que le 14 juin 1962 la Sidro possédait
1354 514 actions nominatives et 31 228 actions au porteur; que d'autres
ressortissants belges possédaient 2388 actions nominatives et au moins
200 000 actions au porteur; que 1588 130 actions se trouvaient donc à
cette date en mains belges, soit 88% du capital de la société;
Que l'indemnité demandéedoit couvrir, en outre, tous les préjudices
accessoires subis par lesdits ressortissants belges par suite des actes incri-
minés,en ce compris la privation de jouissance, les frais exposéspour la
défensede leurs droits et l'équivalent,en capital et intérêt,du montant des
obligations Barcelona Traction détenues par des ressortissants belges,
ainsi que de leurs autres créancesà charge des sociétésdu groupe, dont lerecouvrement n'a pu avoir lieu par suite des actes dénoncés;
Que le montant de ces indemnités, dues a 1'Etat belge du fait d'actes
contraires au droit international imputables à 1'Etat espagnol, ne peut
êtreaffectépar de prétendus griefs de ce dernier contre les personnes
privéesen cause, ces griefs n'ayant au surplus pas fait l'objet d'une de-
mande reconventionnelle devant la Cour;
Considérant que dans son arrêtdu 24 juillet 1964 la Cour a décidé de
joindre au fond la troisième exception préliminaire présentéepar le Gou-
vernement espagnol ;
Que le Gouvernement défendeur dénie à tort au Gouvernement belge
qualitépour agir en la présente instance;
Que la requêtedu Gouvernement belge du 14juin 1962a pour objet la
réparation du dommage causé a un certain nombre de ses ressortissants,
personnes physiques et personnes morales, en leur qualité d'actionnaires
de la société BarcelonaTraction, Light and Power Company, Limited, par
le comportement contraire au droit international de divers organes de
1'Etat espagnol à l'égardde cette société etde diverses autres sociétés de
son groupe;
Quele Gouvernement belge a établique 88% du capital de la Barcelona
Traction se trouvaient en mains belges aux dates critiques du 12 février
1948et du 14juin 1962et le sont restésde façon continue entre ces dates;
qu'une seulesociété beigel,a Sidro,possédait plus de 75% des actions; que
la nationalité belge de cette sociétéet le caractère effectif de sa nationalité
n'ont pas étécontestéspar le Gouvernement espagnol;
Que le fait que les actions nominatives dans la Barcelona Traction
possédéespar la Sidro étaientenregistréesau Canada au nom de nominees
américainsn'affectepas leur caractère belge; qu'en l'espèce,aux termesdes
législations applicables, lnominee ne pouvait exercer les droits attachés
aux titres inscrits en son nom que comme agent (mandataire) de Sidro;
Que la prépondérance des intérêtsbelges dans la sociétéBarcelona
Traction était bien connue des autoritésespagnoles aux différentesépoques
où sesontproduits les agissements qui leur sont reprochéset a étéexpressé-
ment reconnue par elles en plus d'une occasion;
Que la protection diplomatique dont a bénéficié pendant un temps la
sociétéde la part de son gouvernement national a cesséen 1952,bien avant
le dépôtde la requêtebelge, et n'a jamais été reprisedepuis;
Qu'en privant les organes statutaires désignéspar les actionnaires de la
Barcelona Traction de leur pouvoir de contrôle à l'égardde ses filiales, ce
qui a enlevé à la sociétél'objet mêmede son activité, et en la dépouillant
de l'intégralité deson patrimoine, les actes et omissions contraires au
droit international imputés aux autorités espagnoles ont pratiquement
détruit cette société etporté atteinte directement et immédiatement aux
droits et intérêts attachéà la situation juridique d'actionnaire telle que ledroit international la reconnaît; qu'ils ont causé ainsi un grave préjudice
aux actionnaires belgesde la sociétet vidéde tout contenu utile les droits
qu'ilspossédaienten cette qualité;
Qu'en l'absenced'une réparation accordée à la sociétpour le préjudice
qui lui a étéinflige et dont ils auraient bénéfien mêmetemps qu'elle-
même,les actionnaires belgesde la Barcelona Traction ont donc des droits
et intérêts distincet indépendantsà faire valoir; qu'ils ont effectivement
dû prendre l'initiative et supporter la charge de tous les recours intentés
par l'intermédiairedes organessociauxdevant lestribunaux espagnols;que
la sociétéSidro et d'autres actionnaires belges ont eux-mêmesintroduit
après la ventedes avoirs de la Barcelona Traction des actions dont le rejet
est dénoncépar le Gouvernement belge comme constitutif d'un déni de
justice;
Que le Gouvernement belge a qualité, en application des principes
générauxdu droit international en la matière, pour réclamerpar la voie
judiciaire internationale la réparation du dommage ainsi causéà ses res-
sortissants par les actes et omissionsinternationalement illicites impàtés
1'Etatespagnol;
VI1
EXCEPTIO DE NON-ÉPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNE
Considérant qu'aucune contestation sérieusen'est apparue entre les
Parties quant àlaportéedela règlede droit international repriàl'article 3
du traité de conciliation, de règlementjudiciaire et d'arbitrage, conclu
entre l'Espagneet la BelgiqueIe 19juillet 1927,qui subordonne le recours
aux procédures prévuespar ledit traité à l'utilisation préalable jusqu'à
jugement définitifdesvoiesderecours normales, accessibles,présentantdes
chances sérieusesd'efficacitéet ce dans les limites d'un délairaisonnable;
Considérant qu'enl'espècela Partie défenderesseévalueelle-même à
2736 le nombre des seules ordonnances rendues en la cause par les tri-
bunaux espagnols à la date de la requête belge;
Que la procédure écrite contientd'autre part l'indication de plus de
30 décisions renduespar le Tribunal suprême;
Qu'il n'est pas soutenu que l'ensemble des recours de la Barcelona
Traction et de sescoïntéressés,quiont donnélieu à ces décisions,aientété
inadéquatsou n'aient pas été poursuivis jusqu'à épuisement;
Que cette circonstance suffità faire obstaclà ce que la quatrième ex-
ception puisse êtreadmise comme écartantla demande belge;
Que seulspourraient êtreécartés ceuxdes griefspour lesquels leGouver-
nement espagnol établiraitl'absence ou l'insuffisancedes recours exercés;
Que cette preuve n'est pas rapportée;
1. Quant auxgriefs contre les actes des autorités administratives
Considérant qu'à tort le Gouvernement espagnol soutient que la ré-
clamation belge relative aux décisions d'octobre et décembre1946 viséesci-dessussub 1a) ne serait pas recevable à raison du défautpar Barcelona
Traction d'avoir exercécontre elles le recours hiérarchique et le recours
contentieux administratif;
Que le recours hiérarchique ne se concevait pas en l'espèce,étant par
définitioncelui qui peut êtreinterjetécontre la décision d'uneautorité
administrative devant une autre autorité qui lui est hiérarchiquement
supérieure, à savoir le ministre, alors que les décisions incriminées furent
prises avec le concours et l'approbation du ministre lui-même,et même
portéesàla connaissance des intéressép sar le ministre en mêmetemps que
par l'administration compétente;
Que le recours contentieux administratif ne pouvait pas davantage être
envisagécontre une décision qui manifestement n'entrait pas dans la cadre
de l'article 1" de la loi du 22 juin 1894,lequel n'admet un tel recours que
contre les décisions administratives émanant de l'administration dans
l'exercice de ses facultésréglementéeset portant «atteinte à un droit de
caractère administratif établiantérieurementen faveur du demandeur par
une loi, un règlementou un autre précepte administratif »,conditions qui
n'étaient manifestementpas remplies en l'espèce;
2. Quant au grief relatifau défaut de juridiction dutribunal de Reus pour
déclarerlafaillite de Barcelona Traction
Considérantqu'à tort le Gouvernement espagnolprétend tirer argument
du fait que la BarceIona Traction et ses coïntéressésauraient omis de
contester lajuridiction du tribunal de Reus par la voie d'un déclinatoire de
compétence, et laissépasser le délai d'opposition sans avoir contesté cette
juridiction;
Qu'eneffet,la contestation dejuridiction ne seconfond aucunement avec
la contestation de compétence ratione materiae et qu'elle peut êtreré-
gulièrement présentée cumulativement avecles moyens de fond;
Que la société faillie inscrivit cette contestation en têtedes griefs in-
diquésdans son écrit d'oppositiondu 18juin 1948;
Qu'elle dénonça le défaut de juridiction une nouvellefois dans sa
demande de nullitédu 5juillet 1948etdans l'écritdu 3septembre 1948,par
lequel elleconfirma son opposition au jugement de faillite;
Que National Trust présenta un déclinatoire formel de juridictiondans
l'écritpar lequel elle demanda à êtreadmise à la procédure de faillitele
27 novembre 1948;
Qu'enfinla Barcelona Traction, après avoir dès le23avril 1949comparu
à la procédure relative au déclinatoire Boter, déclara formellement se
joindre audit déclinatoirepar écritdu 11avril 1953;
Quela question dejuridiction étantd'ordre public, commela question de
compétence ratione materiae, le reproche de tardiveté ne pourrait être
retenu, mêmeen cas d'expiration du délai d'opposition prétendument
applicable;
3. Quant aux griefs relatifs aujugement defaillite et aux décisions connexes
Considérant qu'à tort le Gouvernement espagnol soutient que lesdites
décisionsn'auraient pasfait l'objet de recours adéquatspoursuivis jusqu'àépuisementou pendant une duréeraisonnable;
Qu'en effet, dèsle 16février1948,lejugement de faillite fit l'objet d'un
recours en rétractationde la part des sociétés auxiliairesEbro et Barcelo-
nesa;
Que celles-ci,sans doute, limitèrent leurs recours àla partie dujugement
qui leur portait grief, mais que lesdits recours n'en étaient pas moins
adéquatset que leur avortement se produisit dans des conditions qui font
elles-mêmesl'objetd'un grief exposé ci-dessus;
Que, contrairement à ce qui est affirmépar le Gouvernement espagnol,
la société faillieelle-mêmefit opposition du jugement par acte du 18juin
1948,confirméle 3 septembre de la mêmeannée;
Qu'envain le Gouvernement espagnolcritique le caractère sommairede
cet écrit,alors que la suspensionprononcéepar lejuge spécialà raison du
déclinatoireBoter empêchal'opposante de déposer, suivant l'articl3e26de
la loi de procédurecivile, l'écrit complémentaire développanstes moyens;
Qu'il ne peut davantage êtrequestion de tardiveté, alorsque la publi-
cation dela faillite au domicilede la sociétéfaillieeût seulepu faire courir
le délai d'opposition etque cette publication n'eut pas lieu;
Que le jugement de faillite et les décisions connexes furent du reste
égalementattaqués dans la demande incidente de nullité présentép ear la
Barcelona Traction le 5juillet 1948et développée le 31juillet de la même
année;
4. Quant aux griefsrelatifs au blocagedes recours
Considérant queles diverses décisions qui instaurèrent et prolongèrent
la suspension de la premièresection dela procédurede faillitefirentl'objet,
à diversesreprises,denombreuxrecoursde lapart dela BarcelonaTraction,
à commencer par l'incident de nullitéqu'elle introduisit le 5 juillet 1948;
5. Quant augrief relatif à la révocation dpersonnel dirigeant des sociétés
auxiliaires par ordonnancedu commissaire
Considérant que cette mesure fit également l'objet de demandes de
réformation dela part des intéressés,qui furent déclaréesirrecevablescon-
tre tout droit; que les recours formés'contreces décisionsfurent ajournés
jusqu'en 1963;
6. Quant àl'inobservation de lano-action clause
Considérant que cette clause fut expressémentviséepar la National
Trust dans sa demande d'admission à la procéduredu 27 novembre 1948;
7. Quant aux mesurespréparatoires à la venteet la vente
Considérantque la Partie adverse, tout en reconnaissant implicitement
que des recours adéquats ont été dirigécsontre la nomination des syndics
et l'autorisation de vendre, soutieàttort qu'il enaurait été autrementen
ce qui concerne: 1) l'absence d'établissementde la liste des créanciers préalablement à
la convocation de l'assembléedes créancierspour la nomination des syn-
dics, alors que ce vice fut dénoncédans lerecours attaquantla nomination
des syndics et dans la demande de nullitéde la vente;
2) certains actes et omissions des syndics, alors qu'ilsfurent visésdans
les recours interjetéscontre l'autorisation de vendre et contre la décision
approuvant le système d'évaluationunilatérale des biens;
3) le cahier des charges, alors qu'il a été attaquépar la Barcelona
Traction dans un recours en rétractation et en appel, ainsi que dans la
demande de nullitédu 27 décembre1951 contenant une pétition formelle
de déclaration de nullité de l'ordonnance qui approuvait ledit cahier des
charges et dans une demande du 28 mai 1955 (documents nouveaux du
Gouvernement belge, 1969, no 30); la mêmecontestation fut formuléepar
Sidro dans son action du 7 février1953(documentsnouveaux du Gouver-
nement espagnol, 1969),ainsi que par deux autres actionnaires belges de la
Barcelona Traction, MmeMathot et M. Duvivier, dans leur demande du
26 mai 1955(documents nouveaux du Gouvernement belge, 1969, no29);
8. Quant aux recours exceptionnels
Considérant qu'à tort le Gouvernement espagnol oppose à la demande
belge que la Barcelona Traction n'aurait pas fait usage, contre lejugement
de faillite, de certainsrecours exceptionnels, tels que lerecours en revision,
le recours en responsabilité civile et l'action pénalecontre les juges, ainsi
que du recours en audience;
Que le premier d'entre eux ne pouvait manifestement pas êtreenvisagé,
non seulement àraison de la nature du jugement de faillite, mais encore
parce que ledit jugement demeura jusqu'en 1963 frappé d'opposition, et,
surabondamment, parce que la Barcelona Traction, ses filiales et coïnté-
ressés n'eussentpas étéen mesure d'établir les faits de subornation, vio-
lation ou machination frauduleuse, qui seuls eussent pu donner ouverture
à pareil recours ;
Que les recours en responsabilité civile et action pénale contre lesjuges
n'étaient pas adéquats, vu qu'ils n'étaient pas susceptibles d'entraîner
l'annulation oula réformationdesdécisionsconstitutives dedénisdejustice;
Que de même, lerecours en audience que la loi espagnole accorde au
défaillant n'étaitmanifestement, en l'espèce, ni accessibleà la Barcelona
Traction, ni adéquat ;
PAR CES MOTIFS et tous autres qui ont étédéveloppéspar le Gouver-
nement belge au cours de la procédure,
Plaise à la Cour, rejetant toutes autres conclusions plus amples Ou
contraires de 1'Etatespagnol,
Faire droit aux demandes du Gouvernement belge formulées en con-
clusions [dans] la réplique» Lesconclusionsfinalessuivantesont été présentées
au nom du Gouvernement espagnol,
àl'audience du 22 juille1969:
(Considérant quele Gouvernement belge n'a qualitépour agir dans
la présente affaire, i au titre de la protection de la société canadienne
BarcelonaTraction,niautitre dela protection deprétendus 1actionnairesj)
belgesde ladite société;
Considérantqu'il n'aété satisfait aux exigencesde la règlede I'épui-
sementdesrecoursinternes,nipar la société BarcelonT araction,nipar ses
prétendus «actionnaires );
Considérant qu'aucune violation d'unreègleinternationale obligeant
l'Espagnen'ayant étéétablie, l'Espagne n'a encouru envers 1'Etatde-
mandeur aucune responsabilité à aucun titre; que, notamment:
a) l'Espagnen'estresponsabled'aucuneusurpation decompétence du fait
de l'actionde sesorganesjudiciaires;
b) lesorganesjudiciairesespagnolsn'ont pas violélesrèglesdedroit inter-
national prescrivant d'ouvrir aux étrangerls'accèsaux tribunaux, de
statuer sur leurs demandes et de ne pas soumettreleursrecours à des
délaisinjustifiés;
c) iln'ya pas eud'actesdu pouvoirjudiciaire espagnolpouvant entraîner
la responsabilité internationale del'Espagnedu fait du contenu des
décisionsjudiciaires;
d) il n'ya eu, de la part desautorités administrativeespagnoles,aucune
violation d'une obligation-internationale du fait d'abus dd eroit ou
d'actesdiscriminatoires;
Considérant quepour ces motifs et pour tous autres motifsexposés
dans les écritureset lesplaidoiries,les demandesbelgesdoivent être con-
sidérées comme irrecevablo es non fondées;
Le Gouvernement espagnol présente à la Cour ses conclusionsfinales:
Plaiseà la Cou dire etjuger que lesdemandesdu Gouvernementbelge
sont rejetées»
26. Ainsi qu'il a étéindiqué plus haut, le Gouvernement espagnol a
soulevéquatre exceptions préliminaires à l'encontre de la requêtebelge.
Par arrêt du 24 juillet 1964, la Cour a rejetéles première et deuxième
exceptions préliminaires (voirparagraphe 3) et elle a joint au fond les
troisièmeet quatrième. Selon ces deux dernières,en résumé,le Gouverne-
ment belge n'avait pas qualité pour présenter une demande à raison
d'un dommage causé à une sociétécanadienne, même siles actionnaires
étaient belges, et les recours internes utilisables en Espagne n'avaient
pas étéépuisés.
27. Dans la procédure écriteet orale qui a suivi, les Parties ont fourni
à la Cour une documentation et des explications abondantes touchant
aussi bien les exceptions préliminaires non tranchéesen 1964que le fond
de l'affaire. La Cour considère à ce propos qu'il y a lieu de relever la
longueur inusitée de la présente instance, qui provient des trèslongsdélais demandés par les Parties pour la préparation des pièces de la
procédure écriteet du fait qu'elles ont en outre sollicitéde façon répétée
la prorogation de ces délais. La Cour n'a pas cru devoir rejeter ces
demandes et imposer ainsi aux Parties des limitations quantà la prépara-
tion et à la présentation des arguments et moyens de preuve qu'elles
estimaient nécessaires. Elledemeure cependant convaincue que, pour
préserverl'autorité de la justice internationale et dans l'intérêtdeson
bon fonctionnement, les affaires devraient être régléessans retard
injustifié.
28. Par souci de clarté, la Cour résumera la demande et indiquera
lesentitésenjeu. La demande a étéprésenté pour lecompte de personnes
physiques et morales qui seraient ressortissantes belges et actionnaires
de la Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited. Il ressort
clairement des conclusions du Gouvernement belge que l'objet de sa
requêteétait d'obtenir réparation du dommage qui aurait étécausé à
ces personnes par le comportement prétendument contraire au droit
international dediversorganesde 1'Etatespagnol à l'égardde la Barcelona
Traction et d'autres sociétésdu mêmegroupe.
29. Dans la première de ses conclusions, plus spécialementdans le
contre-mémoire, le Gouvernement espagnol a soutenu que la requête
belge de 1962 visait, quoique de façon déguisée, le mêmoebjet que la
requêtede 1958, à savoir la protection de la sociétéBarcelona Traction
comme telle, en tant que personne morale distincte, et que la demande
doit par conséquent êtrerejetée.Or, en soumettant sa nouvelle requête
sous la forme qu'il a choisie, le Gouvernement belge s'est borné à user
de la liberté que possède tout Etat de formuler sa demande comme il
l'entend. La Cour est donc tenue d'examiner la demande eu égard au
contenu que le Gouvernement belge lui a explicitement donné.
30. Les Etats que la présenteaffaire concerne principalement sont la
Belgique,Etat national despersonnes qualifiéesd'actionnaires, l'Espagne,
Etat dont les organes auraient commis les actes illicites incriminés,et le
Canada, Etat selon les lois duquel la Barcelona Traction a été constituée
et sur le territoire duquel elle a son siège (registered ofice ou, selon
l'expression employéedans les statuts de la société,headofice).
31. La Cour a ainsi à examiner une sériede problèmesrésultant d'une
relation triangulaire entre'Etatdont des ressortissants sont actionnaires
d'une sociétéconstituée conformémentaux lois d'un autre Etat sur le
territoire duquel ellea son siège,Etatdont des organes auraient commis
contre la société desactes illicites préjudiciablestantà la sociétéqu'à
ses actionnaires, et'Etatselon les lois duquel la société s'estconstituée
et sur le territoire duquel elle a son siège. 32. Cela étant, il est logique que la Cour commence par traiter ce
qui a été originairement présenté commle 'objet de la troisième exception
préliminaire,à savoir la question du droit de la Belgique à exercer la
protection diplomatique d'actionnaires belges d'une société,personne
morale constituéeau Canada, alors que les mesures incriminéesont été
prisesà l'égard nonpas de ressortissants belges mais de la société elle-
même.
33. Dès lors qu'un Etat admet sur son territoire des investissements
étrangersou des ressortissants étrangers, personnesphysiques ou morales,
il est tenu de leur accorder la protection de la loi et assume certaines
obligations quant àleur traitement. Ces obligations ne sont toutefois ni
absolues ni sans réserve.Une distinction essentielle doit en particulier
être établientre les obligations des Etats envers la communauté inter-
nationale dans son ensemble et celles qui naissent vis-à-vis d'un autre
Etat dans le cadre de la protection diplomatique. Par leur nature même,
les premières concernent tous les Etats. Vu l'importance des droits en
cause, tous les Etats peuvent êtreconsidéréscomme ayant un intérêt
juridique à ce que ces droits soient protégés;les obligations dont il s'agit
sont des obligations erga omnes.
34. Ces obligations découlentpar exemple, dans le droit international
contemporain, de la mise hors la loi des actes d'agression et du génocide
mais aussi des principes et des règlesconcernant les droits fondamentaux
de la personne humaine, y compris la protection contre la pratique de
l'esclavage et la discrimination raciale. Certains droits de protection
correspondants se sont intégrésau droit international général (Réserves
à la convention pour la préventioent la répression du crimede génocide,
avis consultatif, C.I.J. Recueil951, p. 23); d'autres sont conféréspar
des instruments internationaux de caractère universel ou quasi universel.
35. Les obligations dont la protection diplomatique a pour objet
d'assurer le respect n'entrent pas dans la mêmecatégorie. En effet, si
l'on considère l'une d'elles enparticulier dans un cas déterminé, onne
saurait dire que les Etats aient tous un intérêt juridiqàece qu'elle soit
respectée.Un Etat ne peut présenterune demande de réparation du fait
de la violation de l'une de ces obligations avant d'avoir établiqu'il ena
le droit, car les règlesen la matière supposent deux conditions:
((Premièrement, 1'Etatdéfendeur amanqué à une obligation envers
1'Etatnational,à l'égardde ses ressortissants. Deuxièmement, seule
la partie envers laquelle une obligation internationale existe peut
présenteruneréclamation àraison de laviolation de celle-ci.))(Répara-
tiondes dommagessubis au servicedes Nations Unies,avisconsultatif,
C.I. . Recueil1949, p. 181et 182.)
En l'espèce,il est donc capital de rechercher si les pertes qu'auraient subi
des actionnaires belges de la Barcelona Traction ont eu pour cause la
violation d'obligations dont ils étaient bénéficiaires.Autrement dit, un
droit de la Belgique a-t-il été viodu fait que des droits appartenant à des ressortissants belges, actionnaires d'une société n'ayantpas la
nationalitébelge, auraient étéenfreints?
36. C'est donc l'existenceou l'inexistenced'un droit appartenant à la
Belgiqueet reconnu comme tel par le droit international qui est décisive
en ce qui concerne le problèmede la qualitéde la Belgique.
((Ce droit ne peut nécessairementêtreexercé[par un Etat] qu'en
faveur de son national, parce que,en l'absence d'accordsparticuliers,
c'est le liende nationalité entre1'Etat et l'individu qui seul donne
à 1'Etatle droit de protection diplomatique. Or, c'est comme partie
de la fonction de protection diplomatique que doit êtreconsidéré
l'exercicedu droit de prendre en mains une réclamationet d'assurer
le respect du droit international.Chemindefer Panevezys-Saldutis-
kis, arrêt,939, C.P.J.Z.sérieAIB no76,p. 16.)
Il s'ensuit que la mêmequestion est déterminantepour ce qui est de la
responsabilitéde l'Espagne enversla Belgique. La responsabilitéest le
corollaire nécessairedu droit. En l'absence d'un traitéapplicable en la
matière entre les Parties, cette question fondamentale doit être tranchée
d'aprèsles règlesgénérales de la protection diplomatique.
37. En cherchant à définirle droit applicable dans la présente affaire,
la Cour doit penser à l'évolutioncontinue du droit international. La
protection diplomatique concerne un secteur très délicat des relations
internationales puisque l'intérêtd'un Etat étranger à protéger ses res-
sortissants se heurte aux droits du souverain territorial, fait dont le
droit généralen la matière a dû tenir compte afin d'éviterles abus et
les frictions. Etroitement liée dèsson origine au commerce international,
la protection diplomatique4 s'est tout particulièrement ressentie du
développement des relationséconomiques internationales ainsi que des
transformations profondes qui se sont produites dans la vie économique
des nations. Ces derniers changements ont engendré en droit interne
des institutions qui ont débordéles frontièreset ont commencé à exercer
une influence considérablesur les relations internationales. L'un de ces
phénomènes, spécialemenitntéressantdans la présente affaire, concerne
la sociétéanonyme.
38. Dans ce domaine, le droit international est appelé à reconnaître
des institutions de droit interne qui jouent un rôle important et sont très
répandues sur le plan international. Il n'en résulte pas nécessairement
une analogie entre ses propres institutions et celles du droit interne
et cela ne revient pas faire dépendreles règlesdu droit international de
catégories de droit interne. Cela veut simplement dire que le droit
international a dû reconnaître dans la sociétéanonyme une institution
crééepar les Etats en un domaine qui relève essentiellement de leur
compétencenationale. Cette reconnaissance nécessiteque le droit inter-national se réfèreaux règles pertinentes du droit interne, chaque fois
que se posent des questionsjuridiques relatives aux droits des Etats qui
concernent le traitement des sociétéset des actionnaires et à propos
desquels le droit international n'a pas fixéses propres règles.C'est pour-
quoi, vu la pertinence en l'espèce desdroits de la sociétanonyme et des
droits des actionnaires dans l'ordre interne, la Cour doit examiner leur
nature et leur interaction.
39. Envisagéedans une perspective historique, la sociétécorrespond
à une évolution résultant des nécessités nouvelleset toujours plus
nombreuses qui se font sentir dans le domaine économique; c'est une
entitéqui notamment permet d'agir dans des cas dépassantla capacité
normale des individus. A ce titre, elle est devenue un facteur puissant de
la vie économiquedes nations. Le droit interne a dû tenir compte de ce
phénomène,d'où l'ampleur croissante de la réglementation régissantla
créationet le fonctionnement de la sociétéd , otée d'unstatut qui lui est
particulier. Elle a des droits et des obligations qui lui sont propres.
40. Il est cependant inutile d:examiner les multiples formes que
prennent les différentesentités juridiques dans le droit interne car la
Cour ne doit se préoccuperque de celle dont la société en cause dans la
présente affaire,la Barcelona Traction, offre un exemple - à savoir la
sociétéanonyme, dont le capital est représentépar des actions. Il existe
d'autres sociétésdépourvuesd'une personnalité morale indépendanteet
désignées sous des noms divers selon les systèmesjuridiques nationaux.
La différencejuridique entre les deux sortes de sociétéstient à ce que
l'élémend téterminant est,dans le cas de la sociétanonyme, la cohésion
de la personnalitéjuridique et, dans le cas desautres sociétésl,'autonomie
conservéepar les membres qui les composent.
41. Le droit interne déterminenon seulement la situation juridique de
la sociétéanonyme mais aussi la situation juridique des personnes qui
possèdent des actions de cette société.L'actionnaire ne saurait être
identifiéà la société,dont il est séparépar de nombreuses barrières.
C'est sur une stricte distinction entre deux entitésséparéesl,a sociétet
l'actionnaire, chacune dotéed'un ensemble dedroits distincts, que repose
la notion de sociétéanonyme et que se fonde sa structure. La séparation
des patrimoines de la sociétéet de l'actionnaire est une manifestation
importante de cette distinction. Tant que la société subsiste, l'actionnaire
n'a aucun droit à l'actif social.
42. Une des caractéristiquesessentielles de la structure de la société
anonyme est que la société est la seule pouvoir agir, par l'intermédiaire
de ses administrateurs ou de sa direction intervenant en son nom, pour
toute question de caractère social. Cela s'expliquefondamentalement par
l'idée qu'endéfendantses propres intérêts lasociété sert aussi ceux des
actionnaires. Normalement aucun des actionnaires ne peut intenter une action isolément,que cesoit au nom de la sociétéou en son nom propre.
Si les actionnaires n'approuvent pas les décisions prisespour la société,
ils peuvent les modifier ou remplacer la direction conformément aux
statuts ou aux dispositions de la loi ou prendre toute mesure autorisée
par la loi. Ainsi, en vue de protégerla sociécontre des abus de la direc-
tion ou d'une majorité d'actionnaires,plusieurs systèmesde droit interne
accordent à des actionnaires (parfoisà un nombre déterminéde ceux-ci)
le droit d'intenter une action pour la défensede la sociétéet confèrent
certains droits aux actionnaires minoritaires pour les sauvegarder contre
toute décisionportant atteinte aux droits de la société à l'égardde la
direction ou des actionnaires majoritaires. Néanmoins les droits des
actionnaires à l'égardde la sociétéet de ses biens restent limités, cequi
est d'ailleurs un corollaire du caractère limité de leurresponsabilité.
43. La Cour rappelle qu'en constituant une sociétéles fondateurs
tiennent compte de tous les facteurs pertinents, dont ils pèsentles avan-
tages et les inconvénients.L'actionnaire agit de même, qu'ils'agissed'un
souscripteur du capital initial ou d'une personne qui achète par la suite
des actions de la société à I'un des actionnaires. 11peut rechercher un
placement sûr, des dividendes élevéosu un gain en capital- ou s'efforcer
de les combiner. Quoi qu'ilen soit, cela ne modifie pas le statut juridique
de la sociétéet ne change rien aux droits de l'actionnaire. Celui-ci doit
detoute manièreprendre en considérationle risque d'une baisse des divi-
dendes, d'une dépréciation du capital oumême d'uneperte, entraînées
par les aléas commerciaux ordinaires ou par un préjudiceque subirait
la sociétédu fait d'un traitement illicite.
44. Bien que la sociétéait une personnalité morale distincte, un dom-
mage qui lui est causéatteint souvent sesactionnaires. Mais le simple fait
que la sociétéet l'actionnaire subissent I'un et l'autre un dommage n'im-
plique pas que tous deux aient le droit de demander réparation. En effet,
si des dommages lésant simultanémentplusieurs personnes physiques ou
morales résultentd'un mêmefait, on ne peut en tirer aucune conclusion
juridique. Un créanciern'a aucunement le droit de demander réparation
à une personne qui, en portant préjudice à son débiteur, lui cause une
perte. Dans les cas de ce genre, la victime est atteinte dans ses intérêts
sans aucun doute, mais non dans ses droits. Ainsi, chaque fois que les
intérêts d'un actionnairesont léséspar un acte visant la société, c'est
vers la société qu'iloit se tourner pour qu'elleintente les recours voulus
car, bien que deux entitésdistinctes puissent souffrir d'un mêmepréjudice,
il n'en est qu'une dont les droits soient violés.
45. On n'en a pas moins soutenu dans la présente affaire qu'une
sociétén'esatutre chosequ'unmoyend'atteindre lesobjectifséconomiques
de ses membres, les actionnaires, et que ceux-ci constituent la réalité
qu'abrite la façade sociale. On a en outre soulignà maintes reprises qu'il existe entre une sociétéet ses actionnaires une relation que l'on peut
qualifier de communautéde destin. Peut-êtreles actes incriminés sont-ils
dirigéscontre la sociétéet non pas contre les actionnaires, mais cela
n'est vrai qu'enun sens purement formel: en réalité, sociéte ét action-
naires sont liésde manière tellementétroite queles actes préjudiciables
commis contre l'une entraînent nécessairementun dommage pour les
autres; aussi peut-on voir dans tout acte dirigécontre la sociétun acte
dirigécontre ses actionnaires, car on peut considérer qu'ensubstance,
c'est-à-dire du point du vueéconbmique,il y a identité entre eux. Cepen-
dant, même sila société n'esa tutre chose qu'un moyen pour les action-
naires de poursuivre leurs propres fins économiques,elle n'en possède
pas moins, tant qu'elle subsiste, une existenceindépendante.C'est pour-
quoi les intérêtsdes actionnaires peuvent êtredistinguésde ceux de la
sociétéet s'en distinguent en fait, de sorte que l'on ne saurait nier la
possibilitéd'une divergence entre les uns et les autres.
46. On a aussi soutenu que, tout en ayant été prises à l'égardde la
Barcelona Traction et lui ayant causéun préjudicedirect, les mesures
incriminéesauraient constitué unacte illicite vis-à-visde la Belgique du
fait qu'elles ont aussi, encore qu'indirectement, causéun préjudiceaux
actionnaires belges de la Barcelona Traction. Ce n'estlà qu'une nouvelle
manièrede présenter la distinctionentre la lésiond'un droit et la lésion
d'un simple intérêt. Maisc ,omme la Cour l'a indiqué,la preuve qu'un
préjudicea étécausé nesuffit pas ipsfoacto àjustifier une réclamation
diplomatique. Un dommage ou un préjudice peuvent léser une personne
dans des circonstances extrêmementvariées.Cela n'entraîne pas en soi
l'obligation de réparer.La responsabilité n'est pas engagée siun simple
intérêt esttouché;elle ne l'est que si un droit est violé,de sorte que des
actes qui ne visent et n'atteignent que lesdroits de la société n'impliquent
aucune responsabilité à l'égard desactionnaires même sileurs intérête sn
souffrent.
47. La situation est différente siles actes incriminéssont dirigéscontre
les droits propres des actionnaires en tant que tels. est bien connu que
le droit interne leur confère desdroits distincts de ceux de la société,
parmi lesquels le droit aux dividendes déclarésl,e droit de prendre part
aux assemblées généraleest d'y voter, le droit à une partie du reliquat
d'actif de la sociétlors de la liquidation. S'ilest portéatteintel'un de
leurs droits propres, lesactionnaires ont un droit de recours indépendant.
11n'y a pas de divergences de vues entre les Parties sur ce point.l con-
vient toutefois de distinguer entre une atteinte directe aux droits des
actionnaires et les difficultésou pertes financières auxquelles ils peuvent
se trouver exposésen raison de la situation de la société.
48. Le Gouvernement belge a soutenu que les actionnaires de nationa-
litébelge avaient subi un préjudicedu fait d'actes illicites desautorités
espagnoles, et en particulier que les actions de la Barcelona Traction,
sans cesser d'exister,avaient étvidéesde tout contenu économiqueréel.
Aussi a-t-il prétendu que les actionnaires avaient un droit de recoursindépendant, bien que les actes incriminéseussent étédirigéscontre la
société en tant que telle.Ainsileproblèmejuridique seréduit à déterminer
s'ilest légitime d'assimiler uneatteinte aux droits de la socié,ntraînant
un préjudicepour les actionnaires, àla violation de leurs droits propres.
49. La Cour ayant constaté,dans la requête ainsique dans la réponse
donnéepar un conseil le 8 juillet 1969, que le Gouvernement beigene
fondait pas sa demande sur une atteinte aux droits propres des action-
naires, elle ne saurait aller au-delà de la demande telle qu'elle a été
formuléepar le Gouvernement belge et n'examinera pas la question plus
avant.
*
50. Pour aborder maintenant l'affaire sous l'angle du droit inter-
national, la Cour doit, comme elle l'a déjàindiqué,partir du fait que la
présente espècemet essentiellement en jeu des facteurs tirés du droit
interne - à savoir ce qu'ily a de distinct et ce qu'ily a de commun entre
la sociétéet l'actionnaire- que les Parties ont pris chacune pour pré-
misse de leur raisonnement tout en en donnant des interprétations très
divergentes. Si la Cour devait se prononcer sans tenir compte des institu-
tions de droit interne, elle s'exposerait de graves difficultésjuridiques
et cela sans justification. Elle perdrait contact avec le réel,car il n'existe
pas en droit international d'institutions correspondantes auxquelles la
Cour pourrait faire appel. C'est pourquoi, comme il est indiqué plus
haut, non seulement la Cour doit prendre en considération le droit in-
terne mais encore elle doit s'y référer. C'es t des règlesgénéralement
acceptées par les systèmes de droit interne reconnaissant la société
anonyme, dont le capital est représentépar des actions, et non au droit
interne d'un Etat donné,que le droit international se réfère.Quand elle
fait appelàces règles,la Cour ne saurait les modifier et encore moins les
déformer.
51. Sur le plan international, le Gouvernement belge a avancél'idée
qu'il est inadmissiblede refuserà 1'Etatnational des actionnaires le droit
d'exercer sa protection diplomatique pour la seule raison qu'un autre
Etat possèdeun droit correspondant en ce qui concerne la sociétéelle-
même. Enbonne logique et en droit strict, cette façon de présenterla
prétention du Gouvernement belge selon laquelle il aurait qualitépour
agir postule l'existence du droit qu'il faudrait précisémentdémontrer.
En fait le Gouvernement belge a souligné àmaintes reprises qu'il n'existe
aucune règlede droit international déniant à 1'Etatnational des action-
naires le droit d'exercersa protection diplomatique pour obtenir répara-
tion à la suite d'actes illicites commispar un autre Etat contre la société
dont ses ressortissants sont actionnaires. En faisant valoir que ce droit
n'est pas expressément exclu,on implique a contrario qu'aucune règle
dedroit international ne confèreexpressémenu tn teldroità1'Etatnational
des actionnaires. 52. Il se peut que, dans tel ou tel domaine, le droit international n'offre
pas de règles précisesdans des cas particuliers. En l'espèce,la société
contre laquelle ont été commisdes actes qualifiés d'illicitesest expressé-
ment titulaire d'un droit, alors qu'aucun droit comparable n'est spécifi-
quement prévupour les actionnaires en ce qui concerne ces actes. Ainsi,
s'agissant de la position de la société,on peut se réclamer aussi bien
d'une règle positive de droit interne que d'une règle positive de droit
international. Pour ce qui est des actionnaires, malgré lesdroits qui leur
sont expressémentconféréspar la législationinterne comme il est dit au
paragraphe 42, on en est réduit dans les circonstances de la présente
affaireà invoquer le silence du droit international. Ce silence peut
difficilement être interpréten faveur des actionnaires.
53. Il est bien vrai, comme on l'a rappeléen plaidoirie au cours de la
présenteaffaire, que des réclamations concurrentes ne sont pas exclues
dans le cas d'une personne qui, entrée au service d'une organisation
internationale et gardant sa nationalité,bénéficià la fois du droit d'être
protégéepar son Etat national et du droit d'êtreprotégéepar I'organisa-
tion à laquelle elleappartient. Il s'agit cependant d'un cas où une personne
disposededeuxprotections fondéessurdesbasesdifférentest,outes deuxva-
lables.(RéparationdesdommagessubisauservicedesNations Unies,aviscon-
sultatif,C.I.J.Recueil 1949,p. 185.)Cettesituation n'offrepas d'analogie
avec celle d'actionnaires étrangers d'unesociété victimed'une violation
du droit international leur ayant causépréjudice.
54. L'argumentation du Gouvernement belge a reposéen partie sur
un essai d'assimilation entre intérêtet droits fondé sur l'emploi qui est
fait, dans nombre de traitéset d'autres instruments, de formules comme
biens, droits et intérêts. Celn'estpas concluant. Les biens sont normale-
ment protégéspar la loi. Les droits sont par définitionprotégéssur le
plan juridique, autrement ils ne seraient pas des droits. D'après le
Gouvernement belge, les intérêtsb , ien que distincts des droits, seraient
également protégéspar les règles conventionnelles auxquelles on fait
référence.La Cour est d'avis que, pour interpréter la règle de droit
international généralconcernant la protection diplomatique, ce qui
constitue sa tâche, elle n'a aucun besoin de déterminer le sens du terme
intérêtsdans les règlesconventionnelles, autrement dit d'établirsi par ce
terme les règlesen question indiquent plutôt des droits que de simples
intérêts.
55. La Cour examinera maintenant divers autres motifs pour lesquels
on pourrait concevoir que le Gouvernement belge soitjustifié à présenter
une demande pour le compte des actionnaires de la Barcelona Traction.
56. Pour les raisons indiquées précédemment,la Cour doit se référer
ici au droit interne. Il s'est trouvé parfois que la forme de la société anonyme et sa personnalité moralen'aient pasétéemployéesaux seules
fins initialement prévues; parfois la sociétéanonyme n'a pu protégerles
droits de ceux qui lui confiaient leurs ressources financières. Il en est
inévitablementrésulté un risque d'abus,comme cela a étéle cas pour
bien d'autres institutions juridiques. Là comme ailleurs, le droit a dû
devant la réalitééconomique prévoir des mesuresprotectrices et des
recours, aussi bien dans l'intérête ceux qui font partie de la sociétque
de ceuxqui, sesituant au dehors, ont àtraiter avecelle: le droit a reconnu
que l'existence indépendante de la personnalité moralene saurait être
considéréecomme un absolu. C'est dans cette perspective que l'on a
estimé justifiet équitable de((leverle voile socia))ou de ((faireabstrac-
tion de la personnalité juridique)) dans certaines circonstances ou à
certaines fins. Les nombreux précédentsdu droit interne montrent que le
voile est levé,par exemple, pour empêcherqu'on abuse des privilègesde
la personne morale, comme dans des cas de fraude ou d'agissements
coupables, pour protégerdes tiers tels que le créancierou l'acheteur, ou
pour assurer le respect de prescriptions légalesou d'obligations.
57. Par suite la levéedu voile est le plus souvent utiliséede l'extérieur,
dans I'intérêdte ceux qui traitent avec la société. Ellea cependant été
aussi mise en Œuvrede l'intérieur,dans I'intérên totamment des action-
naires, mais seulement dans des circonstances exceptionnelles.
58. Conformémentau principe énoncé ci-dessus,on peut admettre que
la levéedu voile, procédé exceptionneladmis par le droit interne à
l'égardd'une institution qu'ila lui-même crééje o,ue un rôle analogue en
droit international. Il en découleque, dans l'ordre international égale-
ment, il peut en principe y avoir des circonstances spécialesqui justifient
la levéedu voile dans l'intérêt deasctionnaires.
59. Avant de rechercher s'il existe de telles circonstances en l'espèce,
il est bon de mentionner deux cas particuliers impliquant que l'on aille
au-delà de la personnalité morale et dont des exemples ont étécitéspar
les Parties.Il s'agit en premier lieu du traitement des biens ennemis et
alliésdans lestraitésdepaix et autres instruments internationauxpendant
et après lapremièreet la deuxièmeguerre mondiale; et en second lieu du
traitement des biens étrangers à la suite des nationalisations opéréesces
dernièresannéespar de nombreux Etats.
60. Dans le premier cas, la législationsur les biens ennemis étaitun
instrument de guerre économique visant à priver l'adversaire des avan-
tages découlant de l'anonymatet de la personnalité distinctedes sociétés.
Aussi a-t-on considéréque la levéedu voile étaitjustifiéepar la nécessité
et l'a-t-on admise pour tous les organismes empreints d'un caractère
ennemi, même ceuxqui possédaientla nationalité de 1'Etat légiférant.
Les dispositions des traitésde paix avaient un objet précis:protégerles
biens alliéset saisir et regrouper les biens ennemis en vue de faire face aux demandes de réparation. Par leurs motifs, de telles dispositions
diffèrentradicalement de celles qui sont applicables dans des conditions
normales.
61. Relèvent égalementd'une catégorie distincteles arrangements qui
ont étéconclus au sujet desindemnitésdues àla suitede la nationalisation
de biens étrangers. Leur raison d'être, qusi'expliquepar une transforma-
tion structurelle dans l'économie d'unEtat, diffère aussi de celle des
dispositionsnormalement applicables. Des accords précis,dont lestermes
varient d'un casà l'autre, ont étéconclus pour répondre à des situations
précises.Loin de prouver l'existenced'une normequelconque concernant
lescatégoriesde bénéficiairedse l'indemnisation, cesarrangements ont un
caractèresui generis et ne peuvent en l'espèce servir d'exemples.
62. Les deux Parties n'en ont pas moins invoqué, au cours de la
procédure,des instruments internationaux et desjugements de tribunaux
internationaux qui concernent ces deux questions. Or il faut bien voir
qu'il s'agit,dans l'unet l'autre cas, deprocédés bparticuliersdécoulant
de circonstances propres aux situations en cause. Vouloir en tirer des
analogies ou des conclusions applicables à d'autres domaines, c'est
méconnaître leur nature particulière de lex specialis et s'exposer, par
conséquent, à des erreurs.
63. Les Parties ont également invoqué la jurisprudence arbitrale
généralequi s'est accumuléeau cours des cinquante dernières années.
Mais dans la majorité des cas les décisions citéesse fondent sur les
instruments qui établissentla juridiction du tribunal ou de la commission
des réclamations et déterminent les droits pouvant bénéficierd'une
protection, de sorte qu'elles nesauraient faire l'objet de généralisations
dépassantles circonstances particulières de l'espèce.D'autres décisions
en vertu desquelles desréclamationsont étéaccueilliesou rejetées à titre
d'exceptions, vu les faits de la cause, ne sont pas directement pertinentes
en la présente affaire.
64. La Cour recherchera maintenant s'il existe en l'espèced'autres
circonstances spécialesoù la règle générale pourrait ne pas avoir effet.
Deux situations particulières luiparaissent devoir retenir l'attentionce
sujet: le cas où la sociétéaurait cesséd'exister, le casoù1'Etatnational
de la sociétén'aurait pas qualitépour agir en faveur de celle-ci.
65. S'agissantde la premièrede ces éventualitésl,a Cour constate que
les Parties ont donnédesinterprétationsopposéesde la situation actuelle
de la Barcelona Traction. Il est néanmoinsconstant que cette sociétéa
perdu tous ses avoirs en Espagne et qu'elle a étéplacée sous receivership
au Canada, un receiver et administrateur ayant étédésigné.Il est in-
contestéqu'ellea été entièrementparalyséeau point de vue économique.
Ellea étéprivéedetoutes sessources de revenus en Espagne et le Gouver-
nement belge a affirmé qu'ellene pouvait plus réunirlesfonds nécessaires à sa défense en justice, de sorte que ce sont les actionnaires qui ont dû
les lui procurer.
66. On ne saurait néanmoins soutenir que la sociétéa disparu comme
personnemorale ni qu'elleaperdu lacapacitéd'exercerl'action sociale.Elle
était librede se prévaloir de sa capacité devantles tribunaux espagnols
et elle l'a fait. Elle n'est donc pas devenue juridiquement incapable de
défendreses propres droits ni les intérêts deses actionnaires. En particu-
lier une situation financièreprécairene peut êtreassimilée à la disparition
de l'entité sociale,ce qui est l'hypothèse considéréel:a situation juridique
de la société est seulpertinente et sa situation économiquene l'est pas,
non plus que lefait qu'elle puissetre (pratiquement détruite »,expression
sur laquelle on a fondé une argumentation mais qui manque de toute
précisionjuridique. Seule la disparition de la sociétéen droit prive les
actionnaires de la possibilité d'unrecours par l'intermédiairedela société;
c'est uniquement quand toute possibilitéde ce genre leur est ferméeque
la question d'un droit d'action indépendant peut se poser pour eux et
pour leur gouvernement.
67. En l'espècela Barcelona Traction est sous receivershipdans le pays
où elle a été constituée. Loin delaisser supposer que la personne morale
ou ses droits se soient éteints, cette situation indique plutôt que ces droits
subsistent tant qu'il n'y a pas liquidation. Bien qu'en étatdereceivership,
la sociétécontinue d'exister. De plus, il est de notoriété publiqueque ses
actions étaient cotéesen bourse encore récemment.
68. Les raisons de la nomination au Canada d'un receiver également
administrateur ont étédonnéesen ces termes:
((Dans le cas de la Barcelona Traction, il étaitévident,étant donné
le jugement espagnol de faillite du 12 février 1948, qu'il eût été
inutile de nommer quelqu'un uniquement à titre de receiver,car des
mesures positives devaient êtreprises si l'on voulait recouvrer les
biens saisis lors de la faillite en Espagne. ))(Audience du 2 juillet
1969 .)
Bref, un administrateur a été nommépour veiller aux droits dela société
et il a été directement ou indirectement en mesure de les défendre.Par
suite, même sila société est limitédeans sesactivitésaprès avoir été placée
sous receivership, il ne fait pas de doute qu'elle conserve sa capacité
juridique etque c'estl'administrateur nommé parlestribunaux canadiens
qui est habilité à l'exercer. La Cour ne se trouve donc pas devant la
première hypothèse signaléeau paragraphe 64 et n'a pas besoin de se
prononcer à cet égard.
69. La Cour examinera à présent la deuxième éventualité,celle où
1'Etat national de la sociétén'aurait pas qualitépour agir en faveur de
celle-ci.La première question à se poser est de savoir si le Canada- troi-sièmesommet de la relation triangulaire - est en droit 1'Etatnational
de la Barcelona Traction.
70. Lorsqu'il s'agit d'établirn lien entre une sociétéet tel ou tel Etat
aux fins de la protection diplomatique, le droit international se fonde,
encore que dans une mesure limitée,sur une analogie avecles règlesqui
régissentla nationalité des individus. La règletraditionnelle attribue le
droit d'exercerla protection diplomatique d'une société à 1'Etatsous les
lois duquel elle s'estconstituéeet sur le territoire duquel elle a son siège.
Ces deux critèresont été confirméspar une longue pratique et par maints
instruments internationaux. Néanmoinsdesliens plusétroits oudifférents
sont parfois considérés comme nécessairp eour qu'un droit de protection
diplomatique existe. Ainsi certains Etats ont pour pratique d'accorder
leur protection diplomatique à une sociétéconstituée selon leur loi
uniquement lorsque le siègesocial, la direction ou le centre de contrôle
de cette société strouve sur leur territoire ou lorsque la majorité ou une
partie substantielle des actions appartient à leurs ressortissants. C'est
dans ces cas seulement, a-t-on dit, qu'existe entre la sociétéet1'Etaten
question un lien de rattachement effectifcomme celuiqui est bien connu
dans d'autres domaines du droit international. Toutefois, sur le plan
particulier de la protection diplomatique des personnes morales, aucun
critère absolu applicable au lien effectif n'a étéaccepté de manière
généraleL . es critèresque l'on a retenus ont un caractèrerelatif et l'on a
parfois mis en balance les liens d'une société aveu cn Etat et ses liens
avec un autre. A cet égardl'on s'est référé à l'affaire Nottebohm et en
fait les Parties l'ont fréquemmentmentionnéeau cours de la procédure.
Toutefois, étant donnéles aspects de droit et de fait que présentela
protection en l'espèce,la Cour estime qu'il ne sauraity avoir d'analogie
avec les questions soulevéesou la décision priseen cette affaire.
71. Dans la présente affaire,il n'est pas contestéque la sociétés'est
constituéeau Canada et que son siègestatutaire s'ytrouve. La constitu-
tion de la sociétéconformémentau droit canadien a résultéd'un libre
choix. Non seulement la sociétéa étéformée,comme le voulaient ses
fondateurs, en vertu du droit canadien, mais encore elle est restée régie
par le droit canadien pendant plus de cinquante ans. Elle a conservéau
Canada son siège,sa comptabilitéet le registre de ses actionnaires. Des
réunionsdu conseil d'administration s'y sont tenues pendant de nom-
breuses années. La société figuredans les dossiers du fisc canadien.
Ainsi s'est crééun lien étroitet permanent que le passage de plus d'un
demi-siècle a encore renforcé.Ce lien n'est nullement affaibliparce que
la sociétéa exercé dèsle débutdes activités commercialesen dehors du
Canada, car tel étaitson objet déclaré.Les rapports entre la Barcelona
Traction et le Canada sont donc multiples.
72. Au surplus la nationalité canadienne de la société est généralement
reconnue. Il est vrai qu'avant l'introduction d'une instance devant la
Cour trois gouvernements en dehors du Gouvernement canadien (ceux
du Royaume-Uni, des Etats-Unis et de la Belgique) avaient fait desdémarchesau sujet de la manièredont la Barcelona Traction était traitée
par les autorités espagnoles. Le Gouvernement du Royaume-Uni est
intervenu pour le compte d'obligataires et d'actionnaires. Plusieurs dé-
marches ont également eulieu de la part du Gouvernement des Etats-
Unis mais elles n'ont pas étéeffectuées enfaveur de la sociétéBarcelona
Traction en tant que telle.
73. Les deuxgouvernements ont agi à certains moments en coopération
étroiteavec le Gouvernement canadien. Un accord a étéconclu en 1950
au sujet de la constitution d'une commission d'experts indépendante.
Alors que les Gouvernements belge et canadien avaient envisagé une
commission composée de membres belges, canadiens et espagnols, le
Gouvernement espagnol a suggéréune commission comprenant des
membres britanniques, canadiens et espagnols. Cette suggestion a été
acceptéepar les Gouvernements britannique et canadien et la commission
fut chargée notamment d'établir le montant des fonds importés en
Espagne par la Barcelona Traction ou l'une quelconque de ses filiales, de
déterminer et d'évaluerles biens et services introduits dans ce pays, de
détermineret d'évaluer les sommesretiréesd'Espagne par la Barcelona
Traction ou l'une quelconque de ses filiales et de calculer les bénéfices
réalisés enEspagne par la Barcelona Traction ou l'une quelconque de
ses filiales,ainsi que les sommes pouvant être retirédu pays au 31 dé-
cembre 1949.
74. Quant au Gouvernement belge, il a également agi au début en
coopération étroiteavec le Gouvernement caiadien. Il a admis le carac-
tère canadien de la sociétédans la présente instance.Il a expressément
déclaréque la Barcelona Traction n'avait ni la nationalité espagnole ni
la nationalité belge et qu'il s'agissaitd'une sociétécanadienne constituée
au Canada. Le Gouvernement belge a mêmereconnu qu'il ne se pré-
occupait pas du préjudice subipar la Barcelona Traction elle-même,car
cela regardait le Canada.
75. Pour sa part, le Gouvernement canadien lui-même,qui ne semble
jamais avoir doutéde son droit d'intervenir pour le compte de la société,
a exercépendant des annéesla protection de la Barcelona Traction par
des démarches diplomatiques, notamment par sa note du 27 mars 1948,
où il a affirméqu'un déni dejustice avait été commisl'égard des sociétés
Barcelona Traction, Ebro et National Trust et a demandél'annulation
du jugement de faillite.l a invoquéplus tard le traitéanglo-espagnol de
1922 et l'accord anglo-espagnol de 1924, applicables au Canada. De
nouvelles notes canadiennes ont étéadresséesau Gouvernement espagnol
en 1950, 1951et 1952.D'autres démarchesont eu lieu en 1954et le Gou-
vernement canadien a renouvelé en1955l'expression du vif intérêq t u'il
attachait au cas de la Barcelona Traction et de ses filiales canadien-
nes.
76. En somme il ressort du dossier qu'à partir de 1948le Gouverne-
ment canadien a fait auprès du ou verne m esengnol de nombreuses
démarchesdans lesquelles on ne saurait voir autre chose que l'exercicede la protection diplomatique de la société BarcelonaTraction. II ne
s'agit donc pas d'un cas où la protection diplomatique a étérefusée, ni
d'un cas où elle est restéethéorique.Il est en outre manifeste que, pen-
dant toute la duréede son actiondiplomatique, leGouvernementcanadien
avait pleine connaissance de l'attitude et de l'action du Gouvernement
belge.
77. Il est vrai qu'à un moment donné le Gouvernement canadien a
cesséd'agir pour le compte de la Barcelona Traction, pour des motifs
qui n'ont pas étépleinement révélés, bieq nu'un passage d'une lettre du
19juillet1955émanant du secrétaired'Etat aux Affaires extérieuresdu
Canada donne à penser que, pour le Gouvernement canadien, l'affaire
devait désormaisêtreréglée par des négociations privées. LeGouverne-
ment canadien n'en a pas moins conservéqualitépour exercer la protec-
tion diplomatique; aucun obstacle d'ordrejuridique ne l'a empêché de le
faire; aucun fait n'estintervenu quieût rendu cette protection impossible.
Le Gouvernement canadien a cesséson action de son plein gré.
78. La Cour rappelle que, dans les limites fixéespar le droit inter-
national, un Etat peut exercer sa protection diplomatique par les moyens
et dans la mesure qu'il juge appropriés,car c'est son droit propre qu'il
fait valoir. Si les personnes physiques ou morales pour le compte de qui
il agit estiment que leurs droits ne sont pas suffisamment protégés, elles
demeurent sans recours en droit international. En vue de défendreleur
cause et d'obtenir justice, elles ne peuvent que faire appel au droit in-
terne, si celui-cileur en offreles moyens. Le législateurnational peut im-
poser à 1'Etat l'obligation de protégerses citoyens à l'étranger.Il peut
égalementaccorder aux citoyens ledroit d'exigerque cette obligation soit
respectéeet assortir cedroit de sanctions. Maistoutes cesquestions restent
du ressort du droit interne et ne modifient pas la situation sur le plan
international.
79. L'Etat doit êtreconsidéré comme seum l aître de déciders'il ac-
cordera sa protection, dans quelle mesure il le fera et quand il y mettra
fin.Il possèdeà cet égardun pouvoir discrétionnairedont l'exercicepeut
dépendrede considérations,d'ordre politique notamment, étrangèresau
cas d'espèce.Sa demande n'étantpas identique à celle du particulieOU
de la sociétédont il épouse lacause, 1'Etatjouit d'une liberté d'action
totale. Quels que soient les motifs d'un changement d'attitude de sapart,
le fait ne saurait en soi justifier l'exerciced'une protection diplomatique
par un autre gouvernement, à moins qu'il n'y ait à cela un fondement
distinct et valable.
80. On ne saurait considérerque cela revienne à créer unesituation
où la violation du droit reste sans remède,autrement dit une situation de videjuridique. Les titulaires de droits ne sont aucunement obligésde les
exercer. Il arrive parfois qu'aucun recours ne soit exercé bienque des
droits aient étélésésD. ire qu'on créeainsi un vide serait assimiler un
droità une obligation.
81. De ceque le Gouvernement canadien a cesséd'assurer la protection
diplomatique de la Barcelona Traction, on ne saurait déduire qu'il
n'existe aucun recours contre le Gouvernement espagnol pour le pré-
judice causépar des actes des autoritésespagnoles qualifiés d'illicites.Ce
n'est pasun droit hypothétiquequi a étéconféréau Canada car il n'y a
pas d'obstacle juridique empêchantle Gouvernement canadien de pro-
tégerla Barcelona Traction. Rien par conséquentne vient étayerl'argu-
ment selon lequel la seule possibilitéd'obtenir réparation pour le tort
causé à la Barcelona Traction et, à travers elleà ses actionnaires était
que le Gouvernement belge saisissela Cour d'une réclamation.
82. La Cour ne saurait accepter non plus l'idéeque le Gouvernement
canadien devait forcément interrompre la protection qu'il accordait à
la Barcelona Traction et s'abstenir de l'exercer par d'autres voies,
simplement parce qu'il n'existait aucun lien de juridiction obligatoire
entre l'Espagne et le Canada. L'action judiciaire internationale n'est
qu'un des moyens dont disposent les Etats quand ils invoquent leur droit
d'exercer la protection diplomatique (Réparationdes dommages subisau
service des Nations Unies, avisconsultatif,C.I.J. Recueil 1949, p. 178).
L'absence d'un lien de juridiction ne peut être considérée,dans ce
domaine du droit international ni dans d'autres, comme entraînant
l'inexistenced'un droit.
83. Le droit de protection du Gouvernement canadien en ce qui
concernela Barcelona Traction n'estpas affectépar la procédureactuelle.
Le Gouvernement espagnol n'a jamais contestéla nationalité canadienne
de la sociétén,i dans sa correspondance diplomatique avec le Gouverne-
ment canadien ni devant la Cour. De plus, il a reconnu sans réserve,tant
dans ses écritures qu'au cours des plaidoiries prononcées pendant la
présente instance,que le Canada était 1'Etat national de la Barcelona
Traction. Par conséquent la Cour considère que le Gouvernement
espagnol n'a pas misen doute le droit du Canada de protégerla société.
84. Encore que la question du droit du Canada ne lui ait pas été
soumise,vu la nature de l'affaire,la Cour a estimé nécessaidel'éclaircir.
85. La Cour examinera maintenant la demande belge d'un point de
vue différent.Faisant abstraction du droit interne, elle s'appuiera sur
la règlesuivant laquelle, dans lesrelations interétatiques,lesréclamations
sont toujours le fait d'un Etat, que celui-cilesintroduise pour son proprecompte ou pour le compte d'un de ses ressortissants. Pour reprendre les
termes de la Cour permanente,
«Il n'y a donc pas lieu, à ce point de vue, de se demander si, à
l'origine du litige, on trouve une atteintà un intérêpt rivé,ce qui
d'ailleurs arrive dans un grand nombre de différendsentre Etats.1)
(Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêtno 2, 1924, C.P.J.Z.
sérieA no 2, p. 12. Voir aussi Nottebohm, deuxièmephase, arrêt,
C.Z.J.Recueil 1955,p. 24.)
86. Il s'ensuitque leGouvernement belgeaurait qualitépour introduire
une réclamations'il pouvait établir qu'unde ses droits a étélésé et que
les actes incriminés ont entraîné la violation d'une obligation inter-
nationale néed'un traité ou d'une règle générale de droit. On a émis
l'opinion qu'un Etat peut par suite formuler une réclamation lorsque
des investissements faits par ses ressortissantsà l'étrangersubissent de
la sorte un préjudiceet que, de tels investissements faisant partie des
ressources économiquesde la nation, tout préjudice qu'ilsviennent à
subir met directement en jeu les intérêts économiques d1 e'Etat.
87. Il est arrivé que des gouvernements interviennent en pareil cas,
non seulement quand leurs intérêts sont effectivement lésés,mais aussi
quand ils sont menacés. Il faut souligner cependant que ce genre d'action
est tout à fait différentde la protection diplomatique et se situe sur un
autre plan. Dès lors qu'un Etat admet sur son territoire des investisse-
ments ou des ressortissants étrangers, il est tenu, comme on l'a indiqué
au paragraphe 33, de leur accorder la protection de la loi. Mais il ne
devient pas l'assureur des ressources d'un autre Etat que ces investisse-
ments représentent.Tous les placements de cette nature comportent des
risques. La vraie question est de savoir s'il a eu violation d'un droit
qui ne saurait être quele droit de 1'Etatà ce que ses ressortissants
bénéficientd'un certain traitement garanti par le droit international
générae ln l'absence d'untraitéapplicable au cas d'espèce.D'autre part,
il a étésouligné qu'ence qui concerne les investissementsl'appartenance
effectiveà une économiedoit êtreprouvée.Cette preuve, ainsi qu'on l'a
admis, est parfois trèsdifficileaire, en particulier quand des entreprises
complexes sont en jeu. Ainsi le critère concret actuel serait remplacé
par un critère pouvant mener à une situation où aucune protection
diplomatique ne pourrait êtreexercée, avec cette conséquencequ'un
acte illicite commis par un autre Etat resterait sans remède.
88. Il suit de ce qui a déjà été exposé plhuaut que, s'agissant d'actes
illicites, dirigéscontre une sociétécapitaux étrangers, larèglegénérale
de droit international n'autorise que 1'Etat national de cette sociétéà
formuler une réclamation.
89. Compte tenu desimportants événements survenusdepuiscinquante
ans, de l'extension desnvestissémentsétrangerset de l'ampleur prisepar
l'activité des sociétéssur le plan international, notamment celle des sociétésholding, souvent multinationales, compte tenu aussi de la
prolifération des intérêts économiqued ses Etats, il peut êtrà première
vue surprenant que l'évolutiondu droit ne soit pas allée plusloin et que
des règles généralement reconnuesne se soient pas cristalliséessur le
plan international. Néanmoins un examen plus approfondi des faits
montre que le droit en la matière s'est forméen une période d'intense
conflit de systèmeset d'intérêts. Dersapports essentiellement bilatéraux
sont en cause, où les droits des Etats qui exercent la protection diploma-
tique et des Etats à l'égard desquels uneprotection est demandée ont
dû êtreégalement sauvegardés.Dans ce domaine comme dans d'autres,
un ensemble de règlesn'aurait pu mûrir qu'avecl'assentiment des intéres-
sés. Les difficultésauxquelleon se heurte se reflètentdans l'évolutiondu
droit en la matière.
90. C'est pourquoi, dans l'état présentdu droit, la protection des
actionnaires exige que l'on recoure à des stipulations conventionnelles
ou à des accords spéciaux conclusdirectement entre l'investisseur privé
et 1'Etat où l'investissement est effectué. LesEtats assurent de plus en
plus fréquemmentce genre de protection dans leurs relations bilatérales
ou multilatérales, soit au moyen d'instruments spéciaux soit dans le
cadre d'ententes économiquesde portéeplus générale.Toute une évolu-
tion a eu lieu depuis la deuxièmeguerre mondiale en matière de protec-
tion des investissementsà l'étranger,qui s'est traduite par la conclusion
de traités bilatérauxou multilatéraux entre Etats ou d'accords entre
Etats et sociétés. Cesinstruments contiennent des dispositions sur la
compétenceet la procédureen cas de différendsconcernant le traitement
des sociétésqui investissent par les Etats où les investissements sont faits.
Parfois les sociétésse voient conférerun droit direct de défendre leurs
intérêtscontre les Etats par des procéduresdéfinies.Aucun instrument
de ce genre n'est en vigueurentre les Parties la présente instance.
91. En ce qui concerne plus particulièrement les droits de l'homme,
auxquels le présentarrêta déjàfait allusion au paragraphe 34, on doit
noter qu'ils comportent aussi une protection contre le déni dejustice.
Toutefois, sur le plan universel, les instruments qui consacrent les droits
de l'homme ne reconnaissent pcs qualité aux Etats pour protéger les
victimes de violations de ces droits indépendamment de leur nationalité.
C'est donc encore sur le plan régionalqu'il a fallu chercher une solution
à ce problème. Ainsi, au sein du Conseil de l'Europe, dont l'Espagne
n'est pas membre, le problème de la recevabilité,auquel se heurte la
requêteen la présenteaffaire, est résolupar la Convention européenne
des droits de l'homme qui autorise chaque Etat partie àla convention à
porter plainte contre tout autre Etat contractaàtraison d'une violation
de la convention sans égard à la nationalité dela victime. 92. Puisque la règle généraleen la matière n'autorise pas le Gouverne-
ment belge à présenter une réclamation en l'espèce, on doit encore
rechercher si des considérations d'équitn'exigent pas, comme il l'a fait
valoir au cours de la procédure,qu'un droit deprotection lui soitreconnu.
Certes on a soutenu que, pour des raisons d'équité, unEtat devrait
pouvoir assumer dans certains cas la protection de ses ressortissants
actionnaires d'une société victimed'une violation du droit international.
Ainsi, une thèse s'est développée selon laquelle 1'Etat des actionnaires
aurait le droit d'exercer sa protection diplomatique lorsque1'Etat dont
la responsabilitéest en cause est1'Etatnational de la société. Quelleque
soit la validitéde cette thèse,elle ne saurait aucunement être appliquée
à la présente affaire, puisque l'Espagne n'est pas 1'Etat national de la
Barcelona Traction.
93. En revanche la Cour estime que, dans le domaine de la protection
diplomatique comme danstous lesautres domaines, le droit international
exige une application raisonnable. Il a étésuggéréque, si l'on ne peut
appliquer dans un cas d'espècela règle générale selon laquelle lderoit de
protection diplomatique d'une société revient à son Etat national, il
pourrait être indiqué,pour des raisons d'équité,que la protection des
actionnaires en cause soit assuréepar leur propre Etat national. L'hypo-
thèse envisagéene correspond pas aux circonstances de la présente
affaire.
94. Etant donnétoutefois la nature discrétionnaire de la protection
diplomatique, les considérations d'équité ne sauraient exiger plus que
la possibilitéde voir intervenir un Etat protecteur, qu'il s'agisse,en vertu
de la règle générale exposée plu haut, de1'Etatnational de la sociétéou,
à titre subsidiaire, de 1'Etatnational des actionnaires réclamant protec-
tion. Il convient aussi de tenir compte à ce sujet des conséquences
pratiques auxquelles on pourrait aboutir si l'on déduisaitde considéra-
tions d'équitéun droit plus large de protection pour 1'Etat des action-
naires. Il y a lieu tout d'abord de constater qu'en matière d'équitéil
serait difficiled'établirdes distinctions d'après des critèresquantitatifs:
il semble que chacun des actionnaires doive avoir la même possibilité
de bénéficiedre la protection diplomatique, qu'il possède 1pour cent ou
90 pour cent du capital social. Certes 1'Etat protecteur peut ne pas se
montrer disposé à prendre fait et cause pour le petit actionnaire isolé,
maisil paraît difficiledelui dénier ledroit delefaire au nom deconsidéra-
tions d'équité.Sur ce plan, la protection par 1'Etatnational des action-
naires ne saurait guèreêtredosée d'aprèsl'importance absolueou relative
du nombre d'actions en cause.
95. Il est vrai que le Gouvernement belge a égalementfait valoir que
les actions de la Barcelona Traction appartiendraient à des personnes
physiques ou morales de nationalité belge dans une proportion aussi
considérable que88 pour cent et il en tire argument non seulement pour
fixer le montant des dommages-intérêtsqu'il réclame, mais aussipour
établir son droit d'agir en faveur des actionnaires belges. Néanmoins cela n'affecte pas la thèse du Gouvernement belge en la matière, telle
qu'ellea étdéveloppée au cours dela procédure, quiimpliqueen dernière
analyse qu'il pourrait suffire qu'une seule action appartienne à un
ressortissant d'un Etat pour que celui-ci soit fondéà exercer sa protec-
tion diplomatique.
96. La Cour considère que l'adoption de la thèse de la protection
diplomatique des actionnaires cornme tels, en ouvrant la voie à des
réclamations diplomatiques concurrentes, pourrait créer un climat de
confusion et d'insécuritédans les relations économiquesinternationales.
Le danger serait d'autant plus grand que les actions des sociétésayant
une activitéinternationale sont très disperséeset changent souvent de
mains. On pourrait peut-êtrefaire valoir que, si le droit de protection
revenant aux Etats nationaux des actionnaires n'était considéréque
comme subsidiaire par rapport à celui de 1'Etat national de la société,
le risque d'inconvénientsde la nature envisagéeseraitmoindre. Toutefois
la Cour doit constater que l'essence d'un droit subsidiaire est de ne
prendre naissance qu'au moment où le droit original cesse d'exister.
Comme le droit de pr'otection revenant à 1'Etat national de la société
ne saurait êtretenu pour éteintdu fait qu'il n'estpas exercé,il n'est pas
possible d'admettre qu'en cas de non-exercice les Etats nationaux des
actionnaires auraient un droit de protection subsidiaire par rapport à
celui de 1'Etat national de la société.Au surplus l'examen de situations
de fait dans lesquelles on aurait éventuellement appliquer cette théorie
donne lieu aux observations suivantes.
97. 11peut y avoir différentscas dans lesquels lesactionnaires étrangers
d'une sociétédésirentavoir recours à la protection diplomatique de leur
propre Etat national.Il se peut que 1'Etatnational de la société se refuse
purement et simplement àlui accorder sa protection ou qu'il commence
à l'exercer-comme dans le cas présent- mais ne poursuive pas son
action jusqu'au bout. Il se peut aussi que 1'Etat national de la société
et 1'Etatqui a commis une violation du droit international à l'égardde
celle-ci parviennentà un règlement de l'affaire en s'entendant sur une
compensation destinée à la société,mais que les actionnaires étrangers
trouvent la compensation insuffisante. Or, sur le plan des principes, il
serait difficile de distinguer entre ces trois cas pour ce qui concerne la
protection des actionnaires étrangerspar leur Etat national puisque, dans
chacun de ces cas, ils auraient pu subir un préjudice réel.D'autre part,
l'Etat national de la sociétéest parfaitement libre de déterminer dans
quelle mesure il y a lieu pour lui de la protéger et il n'est pas tenu de
rendre publics les motifs de sa décision. Concilierce pouvoir discrétion-
naire de1'Etatnational de la société aveun droit de protection revenant
à 1'Etatnational des actionnaires serait particulièrement difficilelorsque
le premier Etat a conclu avec 1'Etatayant enfreint le droit international
à l'égardde la sociétéun accord qui alloue à celle-ci une compensation
considéréecomme insuffisante par les actionnaires étrangers. Si, après
un tel règlement,1'Etatnational de ceux-ci pouvait à son tour formulerune réclamation à cause des mêmes faits, cela serait denatuàeintroduire
dans la négociationde ce genre d'accords une insécuritécontraire à la
stabilitéque le droit international a pour objet d'établirdans lesrelations
internationales.
98. Il est bien vrai, comme il a été rappeléau paragraphe 53, que le
droit international reconnaît des droits de protection parallèles dans le
cas d'une personne entréeau service d'une organisation internationale.
Il n'est pas exclu non plus que des réclamations concurrentes puissent
être formulées pour le compte d'une personne ayant une double natio-
nalité bienque, en l'occurrence, lemanque d'un lien effectif avec l'un
des deux Etats puisse êtreopposé à l'exercicepar cet Etat du droit de
protection. Il faut toutefois constater que, dans ces deux genres de
situations, le nombre de protecteurs possibles est nécessairementfort
réduitet que normalement leur identitén'estpas difficiledéfinir.En cela
ces cas de double protection se distinguent nettement des prétentions
auxquelles la reconnaissance d'un droit généralde protection d'action-
naires étrangers par leurs Etats nationaux respectifs pourrait donner
lieu.
99. Il convient d'observer aussi que les fondateurs d'une société
orientéevers des activitésinternationales doivent tenir compte du fait
que les Etats ont le pouvoir discrétionnaire d'accorder ou de refuser la
protection diplomatique à leurs ressortissants. En établissantune société
dans un pays étranger, ses fondateurs sont normalement mus par des
considérationsspéciales;il s'agit souvent de profiter d'avantages fiscaux
ou autres offertspar1'Etathôte. Il ne sembleaucunement inéquitableque
les avantages ainsi obtenus aient pour contrepartie les risques crépar
le fait que la protection de la societ donc de ses actionnaires est ainsi
confiée àun Etat autre que 1'Etatnational de ces derniers.
100. Dans la présente affaire,il ressort de ce qui a été exposé plus
haut que la Barcelona Traction n'a jamais été réduiteà une impuissance
telle qu'elle n'ait pu s'adresser son Etat national, le Canada, pour
demander sa protection diplomatique, et que, autant que la Cour le
sache, rien n'aurait empêché leCanada de continuer à accorder sa
protection diplomatique à la Barcelona Traction s'il avait estimédevoir
le faire.
101. Pour les motifs ci-dessus indiqués, laCour n'est pas d'avis que,
dans les circonstances particulièresde la présenteaffaire, des considéra-
tions d'équitésoient de natureàconférerqualitépour agir au Gouverne-
ment belge.
102. Au cours de la procédure, les Parties ont présentéun grand
nombre de documents et autres moyens de preuve pour étayer leurs
5 1conclusions respectives. La Cour en a pris connaissance. D'un côté,il a
étésoutenu que les autorités administratives et judiciaires espagnoles
ont commis des actes illiciteset que ces actes engagent la responsabilité
internationale de l'Espagne.De l'autre, on a affirméque, dans la poursuite
de leur activité,la Barcelona Traction et ses filiales ont violé la loi espa-
gnole et causéun préjudice à l'économie espagnole.A supposer que les
faits soient établisdans les deux cas, les derniers ne sauraient en aucune
façon légitimerles premiers. La Cour a pu appréciertoute l'importance
des problèmesjuridiques soulevéspar l'allégationqui està la base de la
demande belge de réparation et qui concerne les dénisde justice qu'au-
raient commis des organes de 1'Etatespagnol. Cependant la possession
par le Gouvernement belge d'un droit de protection constitue une condi-
tion préalableà l'examen de ces problèmes.Attendu que la qualitépour
agir devant la Cour n'a pas étédémontrée,il n'y a pas lieu que la Cour
se prononce dans son arrêt sur tout autre aspect de l'affaire sur lequel
elle ne devrait prendre position que si le Gouvernement belge avait un
droit de protection à l'égardde ses ressortissants, actionnaires de la
Barcelona Traction.
103. En conséquence,
LACOUR
rejette la demande du Gouvernement belge par quinze voix contre
une, douze des voix de la majoritésefondant sur les motifs énoncésdans
le présentarrêt.
Fait en français et en anglais, le texte français faisant foi, au palais
de la Paix,à La Haye, le 5 février mil neufcent soixante-dix, en trois
exemplaires, dont l'un restera déposé auxarchives de la Cour et dont
les autres seronttransmis respectivement au Gouvernement du Royaume
de Belgique et au Gouvernement de 1'Etatespagnol.
Le Président,
(Signé)J. L. BUSTAMAN TERIVERO.
Le Greffier,
(Signé) S. AQUARONE. MM. PETRÉe Nt ONYEAMjA ug,es, font la déclaration commune sui-
vante :
Nous sommes d'accord avec le dispositif et les motifs de l'arrêt sous
réservede la déclaration suivante:
AUsujet de la nationalité dela Barcelona Traction, l'arrêt mentionne
l'existence d'opinions selon lesquelles on pourrait opposer l'exercice
du droit de protection diplomatique envers une société lemanque d'un
lien effectif entre la sociétéetEtatqui réclame ledroit de protection.
Dans ce contexte, l'arrêt évoque aussi la décisionrendue en l'affaire
Nottebohm selon laquelle l'absence d'un liende rattachement réelentre
un Etat et une personne physique ayant acquis sa nationalité peut être
opposée à l'exercicepar cet Etat de la protection diplomatiquà l'égard
de ladite personne. Le présentarrêtconclut ensuite que, étantdonnéles
aspects de droit et de fait que présentela protection en l'espèce, il ne
sauraity avoir d'analogie avecles questions soulevéesou la décision prise
en l'affaireottebohm.
Or, dans la présente affaire,le Gouvernement espagnol a fait valoir et
le Gouvernement belge n'a pas contesté que, laBarcelona Traction ayant
été constituée selon la loi canadienne et ayant son siège statutaireà
Toronto, elle est de nationalité canadienneet que le Canada est qualifié
pour la protéger.
Le droit de protection du Canada étant ainsi reconnu par les deux
Parties au litige, la première question qui s'imposeà la Cour dans le
cadre de la troisième exception préliminaire, réduità savoir si,àcôté
du droit de protection revenant à YEtat national d'une société,il peut
exister pour un autre Etat un droit de protéger desactionnaires de la
sociétéqui sont ses ressortissants. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu
pour la Cour d'aborder enl'espècela question de savoir si leprincipe du
lien effectif est applicablela protection diplomatique des personnes
morales et encore moins de faire des conjectures pour savoir si, dans
l'affirmative, des objections valables auraient pu être faites contre
l'exercicepar le Canada de la protection diplomatique de la Barcelona
Traction.
M. LACHSj,uge, fait la déclaration suivante:
Je souscris pleinement aux motifs et aux conclusions de l'arrêtmais
voudrais y ajouter l'observation suivante
La Cour a constaté, compte tenu des élémentsde droit et de fait
pertinents, que le demandeur, le Gouvernement belge, n'a pas qualité
en l'espèce.En mêmetemps, elle a dit que la procédure qui vient de
s'achever n'affecte pasle droit de protection du Gouvernement canadien
en ce qui concerne la Barcelona Traction. Je considère que l'existence de ce droit est une base essentielle de la
motivation de la Cour et que son importance est soulignéepar la gravité
de la demande et la nature particulière des actes illicites dont cette
demande accuse certaines autorités det défendeur.
M. BUSTAMAN YTRIVERO P,résident,sir Gerald FITZMAURMEM, .
TANAKA J,ESSUP, ORELLP I,ADILLNERVOG , ROSet AMMOUN ju,ges,
joignent l'arrêtles exposésde leur opinion individuelle.
M. RIPHAGEN ju,ge ad hoc, joànl'arrêtl'exposéde son opinion
dissidente.
(Paraphé)J.L. B.-R.
(Paraphé)S.A.
COUR INTERNATIONADE JUSTICE
RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFSET ORDONNANCES
AFFAIREDE LA BARCELONA
TRACTION,LIGHTAND POWER
COMPANY,LIMITED
(NOUVELLE REQUÊTE: 1962)
(BELGIQUEc. ESPAGNE)
DEUXIÈME PHASE
INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE
REPORTSOF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONSAND ORDERS
CASECONCERNING
THE BARCELONATRACTION,LIGHT
AND POWERCOMPANY,LIMITED
(NEW APPLICATION:1962)
(BELGIUM v.SPAIN)
SECOND PHASE
JUDGMENT OF 5 FEBRUARY1970 Mode officielde citation:
BarcelonaTraction,Light and PowerCompany,Limited,
arrê, .I.J. Recueil 1970,p. 3.
Officialci:ation
BarcelonaTraction,Light andPower Company,Limited,
Judgment, I.C.J. Reports 1970,p. 3.
NOdevente:337 1
Salesnumber COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
1970
5février
Rôle généra :i
no 50 5février 1970
AFFAIRE DELA BARCELONA
TRACTION LIGHTAND POWER
COMPANYLIMITED
(NOUVELLE REQUÊTE: 1962)
(BELGIQUE c. ESPAGNE)
DEUXIÈME PHASE
Questionde recevabili-é Qualitédugouvernementdemandeurpour agir.
Demande présentéepour le compte de personnes physiques et morales qui
seraient actionnairesd'une société anonyme étrangèertevisantdesactesqualifiés
d'illicites dirigés contrecette sociétéature de la société anonyme en droit
interne en généra- Distinction entreatteinte aux droits de la soet atteinte
aux droitspropres del'actionnaire Distinction entre droitset intéts Aucune
atteinte aux droits propres de l'actionnaire n'est invo-uéLe préjudiceaux
intérêts des actionnaires découlantpdéjudiceaux droits de la sociétne sufit
pas àjustifier une réclamation.
Protection diplomatiquePrincipe généradle laprotectiondelasociétépar son
Etat national- Société constituée danunEtat tiers reconnupar lesdeux Parties
commeétant I'Etat national de la soc-étCirconstancespouvant éventuellement
justifer des exceptions au principe général:ypothèse de la disparition de la
société; hypothèsdeu défaut de qualipour agir de I'Etat national de la société
- Lefait que laprotection deI'Etatnational delasociété nptas poursuiviejus-
qu'au bout ne constitue pasun obstaclejuridique L'absence d'un lien de juri-
diction obligatoire entreEtatnational de la societ I'Etat défendeur n'est pas
pertinente.
Les investissementsà l'étrangercomme élément des ressources économiques
d'unenation -Préjudice causé à de tels investissemen-sAucune responsabilité
enl'absenced'atteinte aux droits reconnusdeI'Etat.
Applicabilité éventuelle de considérations d'équitéoit de protection des
itttérêdtses actionnaires encas d'inapplicabilité duprigénéra l Dificultés
d'ordre pratique engendréepsar tout systèmede droits concurrents ou subsidiaires
- Znapplicabilitdes considérationsd'équiti I'Etat nationalde la sociest en
mesured'agir. INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE
1970
YEAR 1970 5 Februarj
General Lis
5 February1970 No. 50
CASE CONCERNING
THE BARCELONATRACTION,LIGHT
AND POWERCOMPANY,LIMITED
(NEW APPLICATION: 1962)
(BELGIUM v.SPAIN)
SECOND PHASE
Question of admissibility-Capaciof Applicant Government to act.
Claim brought on behalf of natural and juristic persons alleged to be share-
holders in foreign Iimited liability company and based on allegedly unlawful
measures taken against the company-Nature of corporate entities under mu-
nicipal law generally-Distinctiobetween injury to rights of company and
injury to direct rights of shareholders-Distinction between rights and interests-
No injury to shareholders' direct rights alleged-to shareholders' interests
resultingfrom injury to rights of company insuficient tofound claim.
Diplomatic protection-Generalprinciple of protection of company by com-
pany's national State-Company incorporated in third State, admitted by both
Parties to be company's national State-Possible circumstances involving
exceptions to general principle: case of disappearance of company; case of
company's national State Iacking capacity to act-Cessatiof protection by
company's national State not equivalent to legal impediment-Zrrelevanof
non-existence ofIink of compulsory jurisdiction between company's national
State and Respondent Governrnent.
Foreign investments as part of State's national economic resources-Znjury
thereto-No responsibility in absence of injury to recognized rights of State.
Possible relevance of considerationsof equity-Right ofprotection inrespectof
shareholders' interests if not possible to apply general principle-Practical
dificulties of any system of concurrent or secondary rights-Eqconsidera-
tions not applicable ifcompany's national State able to act.Présents:M. BUSTAMAN TERIVEROP ,résident;M. KORETSKY V,ice-Président;
sir Gerald FITZMAURICE M,M. TANAKAJ,ESSUPM , ORELLPI,ADILLA
NERVO,FORSTERG , ROS,AMMOUNB , ENGZON, PETRÉN,LACHS,
ONYEAMA, juges; MM. ARMAND-UGOR NI,PHAGEN,juges ad hoc;
M. AQUARONG E,reffier.
En l'affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited
(nouvellerequête:1962),
entre
le Royaume de Belgique,
représenté par
le chevalier. Devadder,jurisconsulte du ministère des Affaires étrangères
et du Commerce extérieur,
comme agent,
M. H. Rolin, professeur honoraire à la Facultéde droit de l'université libre
de Bruxelles,avocatàla Cour d'appel de Bruxelles,
comme coagent et conseil,
assistéspar
MmeS.Bastid, professeur àla Facultéde droit de l'universitéde Paris,
M. J. Van Ryn, professeur à la Faculté de droit de l'université libre de
Bruxelles,avocatàla Cour de cassation de Belgique,
M. M. Grégoire, avocatà la Cour d'appel de Bruxelles,
M. F. A. Mann, professeur honoraireà la Faculté de droit de l'université
de Bonn, solicitor prèsla Cour suprêmed'Angleterre,
M. M. Virally, professeuraux Facultés de droit des Universitésde Genèveet
de Strasbourg eà l'Institut universitaire de hautes études internationales
de Genève,
M. E. Lauterpacht, maître de conférencesà l'université de Cambridge,
membre du barreau anglais,
M. A. S. Pattillo, Q.C., membre du barreau de l'Ontario (Canada),
M. M. Slusny, chargéde coursà la Faculté de droit de l'université libre de
Bruxelles,avocatàla Cour d'appel de Bruxelles,
M. P. Van Ommeslaghe, professeur extraordinairà la Faculté de droit de
l'université librede Bruxelles,avoàla Cour d'appel de Bruxelles,
M. M. Waelbroeck,professeur extraordinaire à la Facultéde droit de l'Uni-
versitélibre de Bruxelles,
M. J. Kirkpatrick, chargéde cours àlaFacultéde droit de l'université libre
de Bruxelles,avocaà la Cour d'appel de Bruxelles,
comme conseils,
M. H. Bachrach, membre du barreau de l'Etat et du barreau fédéralde
New York,
comme conseil adjoint et secrétaire, JUDGMENT
President: President BUSTAMAN YTRIVERO;Vice-PresidentKORETSKY J;udges
Sir Gerald FITZMAURICE T,ANAKA,JESSUP,MORELLI,PADILLA
NERVO,FORSTER,GROS, AMMOUNB , ENGZON,PETRBNL , ACHS,
ONYEAMAJ;udges ad hoc ARMAND-UGON R,IPHAGEN;Registrar
AQUARONE.
In the case concerning the Barcelona Traction, Light and Power Company,
Limited (New Application : 1962),
between
the Kingdom of Belgium,
represented by
Chevalier Y. Devadder, Legal Adviser to the Ministry of Foreign Affairs and
External Trade,
as Agent,
Mr. H. Rolin, Professor emeritus of the Faculty of Law of the Free University
of Brusselsand Advocate at the BrusselsCourt of Appeal,
as Co-Agent and Counsel,
assisted by
Mrs. S. Bastid, Professor in the Faculty of Law of the University of Paris
Mr. J. Van Ryn, Professor in the Faculty of Law of the Free University of
Brussels and Advocate at the Belgian Court of Cassation,
Mr. M. Grégoire, Advocateat the Brussels Court of Appeal,
Mr. F. A. Mann, Honorary Professor in the Faculty of Law of the University
of Bonn, Solicitor of the Supreme Court, England,
Mr. M. Virally, Professor in the Faculties of Law of the Universities of
Geneva and Strasbourg and at the Graduate Institute of International
Studies in Geneva,
Mr. E. Lauterpacht, Lecturer in the University of Cambridge, Member of
the English Bar,
Mr. A. S.Pattillo, Q.C., Member of the Ontario Bar (Canada),
MI. M. Slusny, Lecturer in the Faculty of Law of the Free University of
Brusselsand Advocate at the BrusselsCourt of Appeal,
Mr. P. Van Ommeslaghe, Professeur extraordinairein the Faculty of Law
of the Free University of Brussels and Advocate at the Brussels Court of
Appeal,
Mr. M. Waelbroeck, Professeur extraordinairein the Faculty of Law of the
Free University of Brussels,
Mr. J. Kirkpatrick, Lecturer in the Faculty of Law of the Free University of
Brusselsand Advocate at the BrusselsCourt of Appeal,
as Counsel,
Mr. H. Bachrach, Member of the New York State and Federal Bars,
as Assistant Counsel andSecretary, et par
M. L. Prieto-Castro, professeurà la Faculté de droit de l'universitéde
Madrid,
M. M. Olivencia Ruiz, professeur à la Faculté de droit de l'université de
Séville,
M. J. Giron Tena, professeur à la Faculté dedroit de l'université deValla-
dolid,
comme conseils-experts endroit espagnol,
et
1'Etatespagnol
représentépar
M. J. M. Castro-Rial, professeur, conseiller juridique du ministère des
Affairesétrangères,
comme agent,
assistépar
M. R. Ago, professeurde droit internationalla Faculté dedroitdel'univer-
sitéde Rome,
M. M.Bos,professeur de droit international la Faculté dedroit del'univer-
sité d'Utrecht,
M. P. Cahier, professeur de droit international l'Institut universitaire de
hautes études internationales deGenève,
M. J. Carreras Llansana, professeuràla Faculté dedroit de l'universitéde
Navarre,
M. F. de Castro y Bravo, professeur, conseillerjuridique du ministèredes
Affaires étrangères,
M. J. M. Gil-Robles Quifiones,professeur a la Faculté dedroit de 1'Univer-
sitéd'Oviedo,
M. M. Gimeno Fernindez, magistrat à la Cour suprême, Madrid,
M. P. Guggenheim,professeur de droit international àYInstitutuniversitaire
de hautes études internationales deGenève,
M. E. Jiménezde Aréchaga,professeur de droit international àla Facultéde
droit de l'université de Montevideo,
M. A. Malintoppi, professeur de droit internationàla Facultédes sciences
politiques de l'université de Florence,
M. F. Ramirez,secrétairegénéradlel'Institut espagnoldemonnaieétrangère,
Madrid,
M. P. Reuter, professeuàla Faculté dedroit del'universitédeParis,
M. J. M. Rivas Fresnedo, inspecteur-expert du ministère des Finances,
Madrid,
M. J. L. Sureda Carrion, professeur à la Faculté dedroit de l'université de
Barcelone,
M. D. Triay Moll, inspecteur-expert duministèredes Finances, Madrid,
M. R. Uria Gonzilez, professeur à la Faculté de droit de l'université de
Madrid,
sir Humphrey Waldock, C.M.G., O.B.E., Q.C., professeur de droit inter-
national publicàl'universitéd'Oxford (chaireChichele),
M. P. Weil, professeuà la Faculté de droit del'universitéde Paris,
comme conseilsou avocats, and by
Mr. L. Prieto-Castro, Professor in the Faculty of Law of the University of
Madrid,
Mr. M. Olivencia Ruiz, Professor in the Faculty of Law of the University of
Seville,
Mr. J. Giron Tena, Professor in the Faculty of Law of the University of
Valladolid,
as Expert-Counsel in Spanish Law,
and
the Spanish State,
represented by
Mr. J. M. Castro-Rial, Professor, Legal Adviser to the Ministry of Foreign
Affairs,
as Agent,
assisted by
Mr. R. Ago, Professor of International Law in the Faculty of Law of the
University of Rome,
Mr. M. Bos, Professor of International Law in the Faculty of Law of the
University of Utrecht,
Mr. P. Cahier, Professor of International Law at the Graduate Institute of
International Studies in Geneva,
Mr. J. Carreras Llansana, Professor in the Faculty of Law of the University
of Navarre,
Mr. F. de Castro y Bravo, Professor, Legal Adviser to the Ministry of
Foreign Affairs,
Mr. J. M. Gil-Robles Quifiones, Professor in the Faculty of Law of the
University of Oviedo,
Mr. M. Gimeno Fernandez, Judge of the Supreme Court, Madrid,
Mr. P. Guggenheim, Professor of International Law at the Graduate Institute
of International Studies in Geneva,
Mr. E. Jiménezde Aréchaga, Professor of International Law in the Faculty
of Law of the University of Montevideo,
Mr. A. Malintoppi, Professor of International Law in the Faculty of Political
Science of the University of Florence,
Mr. F. Ramirez, Secretary-General of the Spanish Institute of Foreign
Exchange, Madrid,
Mr. P. Reuter, Professor in the Faculty of Law of the University of Paris,
Mr. J. M. Rivas Fresnedo, Inspector and Expert, Ministry of Finance,
Madrid,
Mr. J. L. Sureda Carrion, Professor in the Faculty of Law of the University
of Barcelona,
Mr. D. Triay Moll, Inspector and Expert, Ministry of Finance, Madrid,
Mr. R. Uria Gonzilez, Professor in the Faculty of Law of the University
of Madrid,
Sir Humphrey Waldock, C.M.G., O.B.E., Q.C., Chichele Professor of
Public International Law in the University of Oxford,
Mr. P. Weil, Professor in the Faculty of Law of the University of Paris,
as Counsel or Advocates, et par
M. J. M. Lacleta y Mufioz, secrétaire d'ambassade,
M. L. Martinez-Agullo, secrétaire d'ambassade,
comme secrétaires,
ainsi composée,
rendl'arrêt suivant:
1. En 1958le Gouvernement belge a introduit auprès de la Cour internatio-
nale de Justice une requête contrele Gouvernement espagnol afin d'obtenir
réparation du préjudice quiaurait étécausé à la société BarcelonaTraction,
Light and Power Company, Limited, du fait d'actes prétendument contrairesau
droit international commis par des organes de 1'Etatespagnol. Après le dépôt
du mémoirebelgeet la présentation d'exceptions préliminairessoulevéespar le
Gouvernement espagnol, le Gouvernement belge a renoncé à poursuivre
l'instance, en raison de négociationsentre les représentantsdes intérêprivés
en cause.L'affaire aétérayéedu rôle généradlela Cour le 10avril 1961.
2. Le 19juin 1962,lesnégociationsprécitéesn'ayanptu aboutir, leGouverne-
ment belgea présenté àla Cour une nouvellerequêtedemandantréparation du
préjudice qu'auraient subides ressortissants belges, actionnaires de la société
Barcelona Traction, du fait d'actes prétendument contrairesau droit internatio-
nal commis àl'égard dela sociétéar desorganes de 1'Etatespagnol.Le 15mars
1963 le Gouvernement espagnol a soulevé quatre exceptions préliminaires à
l'encontre de la requêtebelge.
3. Par arrêt du24juillet 1964,la Cour a rejetéles deuxpremières exceptions
préliminaires. Selonla première,le fait qu'il avaitétémis fin, en application de
l'article 69, paragraphe 2, du Règlement de la Cour, à l'instance antérieure
relative aux mêmesévénementssurvenusen Espagne avait enlevéau Gouverne-
ment belge le droit d'introduire la présente instance. Selon ladeuxième, même
si tel n'étaitpas le cas, la Cour n'était pas compétente carla base juridiction-
nelle indispensable pour obliger l'Espagne à se soumettre à la juridiction de la
Cour n'existait pas. La Cour ajoint au fond les troisième et quatrièmeexcep-
tions préliminaires. Selonla troisième, la demandeétaitirrecevableparce que le
Gouvernement belge n'avait pas qualité pour intervenir ou présenter une
demandejudiciaire pour lecompted'intérêtb selgesdans unesociétécanadienne,
à supposer que le caractèrebelge de ces intérêts fût étabi,e queniait le Gou-
vernement espagnol. Selon la quatrième, mêmesi le Gouvernement belge avait
la qualité vouluepour agir, la demande n'en demeurait pas moins irrecevable
parce que les recours internes n'avaient pas été épuisés à l'égarddes actes
incriminés.
4. Les délaispour la suite de la procédure ont étéfixésou prorogés à la
demande des Parties par ordonnances des28juillet 1964,ll juin 1965,12janvier
et 23 novembre 1966, 12avril et 15 septembre 1967et 24 mai 1968. Dans la
dernière de ces ordonnances, la Cour a constaté avec regret que les délais
initialement fixéspar ellepour ledépôtdespiécesdelaprocédure écriten'avaient
pas été observés etque cette procédure avait étépar là considérablement
allongée.La procédure écrits e'estachevéelele'juillet 1968,date du dépôt dela
duplique du Gouvernement espagnol. and by
Mr. J. M. Lacleta y Mufioz, Secretary of Embassy,
Mr. L. Martinez-Agull6, Secretary of Embassy,
as Secretaries,
composed as above,
delivers thefollowing Judgment:
1. In 1958 the Belgian Government filed with the International Court of
Justice an Application against the Spanish Government seeking reparation for
damage allegedly caused to the Barcelona Traction, Light and Power Com-
pany, Limited, on account of acts said to be contrary to international law
committed by organs of the Spanish State. After the filing of the Belgian
Memorial and the submission of preliminary objections by the Spanish Govern-
ment, the Belgian Government gave notice of discontinuance of the proceed-
ings, with a view to negotiations between the representatives of the private
interests concerned. The case was removed from the Court's General List on
10April 1961.
2. On 19June 1962,the negotiations having failed, the Belgian Government
submitted to the court a new~~~lication, claiming reparatioi for the damage
allegedly sustained by Belgian nationals. shareholders in the Barcelona Trac-
tio; company, on accounj of acts said to be contrary to international law
comrnitted in respect of the Company by organs of the Spanish State. On
15 March 1963 the Spanish Government raised four preliminary objections
to the Belgian Application.
3. Byits Judgment of 24 July 1964,the Court rejected the first two prelimi-
nary objections. The first was to the effect that the discontinuance, under
Article 69, paragraph 2, of the Court's Rules, of previous proceedings relative
to the same events in Spain, disentitled the Belgian Government from bringing
the present proceedings. The second was to the effect that even if this was
not the case, the Court was not competent, because the necessary jurisdictional
basis requiring Spain to submit to the jurisdiction of the Court did not exist.
The Court joined the third and fourth objections to the merits. The third was
to the effect that the claim is inadmissible because the Belgian Government
lacks any jus standi to intervene or make a judicial claim on behalf of Belgian
interests in a Canadian Company, assuming that the Belgian character of
such interests were established, which is denied by the Spanish Government.
The fourth was to the effect that even if the Belgian Government has the nec-
essaryjus standi, the claim still remains inadmissible because local remedies in
respect of the acts complained of were not exhausted.
4. Time-limits for the filing of the further pleadings were fixed or, at the
request of the Parties, extended by Orders of 28 July 1964, 11 June 1965,
12 January 1966, 23 November 1966, 12 April 1967, 15 September 1967 and
24 May 1968,in the last-mentioned of which the Court noted with regret that
the time-limits originally fixed by the Court for the filing of the pleadings had
not been observed, whereby the written proceedings had been considerably
prolonged. The written proceedings finally came to an end on 1 July 1968
with the filing of the Rejoinder of the Spanish Government. 7 BARCELONA TRACTION (ARRÊT)
5.En applicationdel'article31,paragraphe 3,du Statut,M. WillemRipha-
gen, professeur de droit internationaà1'Ecoledes scienceséconomiquesde
Rotterdam, et M. Enrique C. Armand-Ugon, ancien présidentde la Cour
suprême deJusticedel'Uruguay et ancienmembre de laCour internationalede
Justice, ont étérespectivement désignépar le Gouvernementbelgeet par le
Gouvernementespagnolpour siéger comme jugesad hoc.
6. En applicationdel'artic44,paragraphe 2, du Règlement,les piècesdela
procédure écritoent, après consultationdesParties, étmisesà la disposition
des Gouvernements du Chili, des Etats-Unis d'Amériqueet du Pérou.En
applicationdu paragraphe 3du même article,ces piècesont, avecl'assentiment
desParties,étrenduesaccessiblesaupublic à dater du 10avril1969.
7. Au cours de soixante-quatreaudiencestenues entre le 15 avril et l22
juillet 1969,la Cour a entenduen leursplaidoirieset répon:pour leGouver-
nement belge, le chevalier Devadder, agent, M. Rolin, coagent et conseil,
MmeBastid, MM. VanRyn, Grégoire, Mann,Virally,Lauterpachtet Pattillu,
conseils; etpour leGouvernementespagnol,M. Castro-Rial,agent, MM. Ago,
Carreras,Gil-Robles,Guggenheim, Jiménez dA eréchaga,Malintoppi,Reuter,
Sureda,Uria,sir HumphreyWaldocket M. Weil, conseilsou avocats.
8. La Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, est une
société holding constituéeen 1911 àToronto (Canada), où se trouve son
siège.En vue de créeret de développeren Catalogne (Espagne) un réseau
de production et de distribution d'énergieélectrique,elle avait fondé un
certain nombre de sociétés auxiliaires- sociétésexploitantes, financières
et titulaires de concessions. Trois de ces sociétés;dont elle possédait
entièrement ou presque entièrement les actions, avaient étéconstituées
conformément au droit canadien et elles avaient leur siège au Canada
(il s'agissait de'Ebro Irrigation and Power Company, Limited, de la
Catalonian Land Company, Limited, et de l'International Utilities
Finance Corporation, Limited). Les autres avaient étéconstituées en
vertu du droit espagnol et avaient leur siège en Espagne. Lorsque la
guerre civile espagnole éclata, le groupe assurait, par les sociétésauxi-
liaires chargéesde l'exploitation, la majeure partie des besoins de la
Catalogne en électricité.
9. Selon le Gouvernement belge, quelques années après la première
guerre mondiale, les actions de la Barcelona Traction passèrent en grande
partie entre les mains de ressortissants belges, personnes physiques ou
morales, et un trèsfort pourcentage des actions n'a cessédepuis lors d'ap-
partenir àdes ressortissants belges, notamment àla Sociétéinternationale
d'énergie hydro-électrique (Sidro)dont le principal actionnaire,la Société
financière de transports et d'entreprises industrielles (Sofina), est elle-
mêmeune sociétéoù les intérêts belges sont prépondérants.De l'avis du
Gouvernement belge, lefaitque degros paquetsd'actions furent transférés 5.Pursuant to Article31,paragraph 3,ofthe Statute,Mr. WillemRiphagen,
Professor of International Law at the Rotterdam School of Economics,and
Mr. Enrique C. Armand-Ugon, former Presidentof the Supreme Court of
Justice of Uruguayand a formerMemberofthe InternationalCourt ofJustice,
were chosen by the Belgianand Spanish Governmentsrespectivelyto sit as
judges ad hoc.
6. Pursuant to Article44,paragraph 2, of the Rulesof Court, the pleadings
and annexeddocumentswere,after consultationof the Parties, made available
to the GovernmentsofChile,Peruand the United StatesofAmerica.Pursuant
to paragraph 3 of the same Article, the pleadings and annexed documents
were, with the consent of the Parties, made accessibleto the publias from
10 April 1969.
7. At 64public sittingsheld between 15April and 22 July 1969the Court
heard oral arguments and replies by ChevalierDevadder, Agent,Mr. Rolin,
CO-Agena tnd Counsel,Mrs. Bastid, Mr. Van Ryn, Mr. Grégoire,MI. Mann,
Mr. Virally, Mr. Lauterpacht, and Mr. Pattillo, Counsel, on behalfof the
BelgianGovernmentand by Mr. Castro-Rial,Agent, Mr. Ago, Mr. Carreras
Mr. Gil-Robles, Mr.Guggenheim,Mr. Jiménez deAréchaga,Mr. Malintoppi,
Mr. Reuter, Mr. Sureda, Mr. Uria, Sir Humphrey Waldock and Mr. Weil,
Counselor Advocates,on behalfof the SpanishGovernment.
8. The Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, is a
holding company incorporated in 1911in Toronto (Canada), where it has
its head office. For the purpose of creating and developing an electric
power production and distribution system in Catalonia (Spain), it
formed a number of operating, financing and concession-holding
subsidiary companies. Three of these companies, whose shares it owned
wholly or almost wholly, were incorporated under Canadian law and had
their registered officesin Canada (Ebro Irrigation and Power Company,
Limited, Catalonian Land Company, Limited and International Utilities
Finance Corporation, Limited); the others were incorporated under
Spanish law and had their registered officesin Spain. At the time of the
outbreak of the Spanish Civil War the group, through its operating
subsidiaries, supplied the major part of Catalonia's electricity require-
ments.
9. According to the Belgian Government, some years after the First
World War Barcelona Traction's share capital came to be very largely
held by Belgian nationals-natural or juristic persons-and a very high
percentage of the shares has since then continuously belonged to Belgian
nationals, particularly the SociétéInternationale d'Energie Hydro-
Electrique (Sidro), whose principal shareholder, the SociétéFinancière de
Transports et d'Entreprises Industrielles (Sofina), is itself a company in
which Belgian interests are preponderant. The fact that large blocks of
shares were for certain periods transferred to American nominees, to pendant certaines périodes à des nomineesaméricains,pour protégerces
valeurs en cas d'invasion du territoire belge au cours de la seconde guerre
mondiale, est sans pertinenceà cet égard, carce sont des Belges,en parti-
culier la Sidro, qui sont demeurés les vrais propriétaires des titres.
Pendant un certain temps les actions furent confiéesà un trustee, mais le
Gouvernement belge affirme que le trust avait pris fin en 1946. Le Gou-
vernement espagnol fait au contraire valoir que la nationalité belge des
actionnaires n'est pas établieet que le trustee ou les nominees doivent
êtreconsidéréscomme les actionnaires véritablespour les actions dont
il s'agit.
10. La Barcelona Traction émitplusieurs sériesd'obligations ;certaines
étaient libelléesen pesetas, mais la plupart l'étaient en livres sterling.
Les émissionsétaient garanties par des Trust Deeds, la sûreté consistant
essentiellement en un privilègesur les actions et obligations de1'Ebroet
d'autres filiales et en une hypothèque constituéepar 1'Ebroen faveur de
la National Trust Company, Limited, de Toronto; le trustee pour les
obligationsen livres sterling étaitla National Trust. Le servicedes obliga-
tions en livres était assuré grâceà des versements faits à la Barcelona
Traction par les sociétés auxiliairesexerçant leur activitéen Espagne.
Il. En 1936 le service des obligations de la Barcelona Traction fut
interrompu du fait de la guerre civile espagnole. En 1940le paiement des
intérêtdses obligations en pesetas fut repris, avec l'autorisation de l'office
espagnol de contrôle des changes dont l'agrémentétaitnécessairecar il
s'agissait desdettes d'une sociétéétrangère,mais l'autorisation de trans-
férerdes devises pour le service des obligations en livres fut refuséeet le
paiement des intérêts ne reprit jamais.
12. En 1945la Barcelona Traction proposa un plan d'arrangèment qui
prévoyaitle remboursement de la dette en livres. Les autoritésespagnoles
ayant refuséd'autoriser les transferts de devises nécessaires,ce plan fut
modifié à deux reprises. Sous sa dernière forme, le plan prévoyaitnotam-
ment que 1'Ebroprocéderaitau remboursement anticipé d'obligations en
pesetas de la Barcelona Traction, ce qui demandait toujours une autori-
sation. Celle-cifut refuséepar les autoritésespagnoles. Plus tard, lorsque
le Gouvernement belge se plaignit des refus opposés aux transferts de
devises,à défautdesquels la dette obligataire ne pouvait être honorée,le
Gouvernement espagnol fit valoir que les autorisations de transfert
étaient subordonnées à la preuve que les devises devaient servir à rem-
bourser des dettes résultant d'apports effectifs de capitaux étrangers en
Espagne et que cette preuve n'avait pas été faite.
13. Par requêtedu 9 février1948,trois porteurs espagnols d'obligations
de la Barcelona Traction payables en livres, obligations qu'ils avaient
récemment acquises, demandèrent au tribunal de Reus (province de
Tarragone) la mise en faillite de la sociétépour non-paiement d'intérêts.
Cette requêtefut admise par ordonnance du 10 février1948et un juge-
ment prononçant la faillite fut rendu le 12février.Lejugement de faillite
comportait la nomination d'un commissaire et d'un séquestreprovisoireprotect these securities in the event of invasion of Belgian territory
during the Second World War, is not, according to the Belgian conten-
tion, of any relevance in this connection, as it was Belgian nationais,
particularly Sidro, who continued to be the real owners. For a time the
shares were vested in a trustee, but the Belgian Government maintains
that the tnist terminated in 1946.The Spanish Government contends, on
the contrary, that the Belgiannationality ofthe shareholders isnotproven
and that the trustee or the nominees must be regarded as the true share-
holders in the case of the shares concerned.
10. Barcelona Traction issued several series of bonds, some in pesetas
but principally in sterling. The issues were secured by trust deeds, with
the National Trust Company, Limited, of Toronto as trustee of the
sterling bonds, the security consisting essentially of a charge on bonds
and shares of Ebro and other subsidiaries and of a mortgage executed by
Ebro in favour of National Trust. The sterling bonds were serviced out
of transfers to Barcelona Traction effected by the subsidiary companies
operatingin Spain.
11. In 1936the servicingofthe BarcelonaTraction bonds wassuspended
on account of the Spanish civil war. In 1940payment of interest on the
peseta bonds was resumed with the authorization of the Spanish exchange
control authorities (required because the debt was owed by a foreign
company), but authorization for the transfer of the foreign currency
necessary for the servicing of the sterling bonds was refused and those
interest payments were never resumed.
12. In 1945Barcelona Traction proposed a plan of compromise which
provided for the reimbursement of the sterling debt. When the Spanish
authorities refused to authorize the transfer of the necessary foreign
currency, this plan was twicemodified.In its finalform, the plan provided,
inter aliaf,or an advance redemption by Ebro of Barcelona Traction
peseta bonds, for which authorization was likewise required. Such
authorization was refused by the Spanish authorities. Later, when the
Belgian Government complained of the refusals to authorize foreign
currency transfers, without which the debts on the bonds could not be
honoured, the Spanish Government stated that the transfers could not
be authorized unless it was shown that the foreign"currencv was to be
used to repay debts arising from the genuine importation of foreign
capital into Spain, and that this had not been established.
13. On 9 February 1948 three Spanish holders of recently acquired
Barcelona Traction sterling bonds petitioned the court of Reus (Province
of Tarragona) for a declaration adjudging the company bankrupt, on
account of failure to pay the interest on the bonds. The petition was
admitted by an order of 10February 1948and a judgment declaring the
company bankrupt was given on 12 February. This judgment included
provisions appointing a commissioner in bankruptcy and an interimet un ordre de saisie des biens de la Barcelona Traction, de 1'Ebroet de
la Compafiia Barcelonesa de Electricidad, autre société auxiliaire.
14. La Barcelona Traction et 1'Ebroavaient remis en dépôtles actions
de 1'Ebro et de la Barcelonesa à la National Trust de Toronto, pour
garantir des obligations qu'elles avaient elles-mêmes émisesT . outes les
actions de 1'Ebroet toutes les actions ordinaires de la Barcelonesa étant
détenueshors d'Espagne, la prise de possession de ces actions fut quali-
fiéede «médiate et civilissime ))c'est-à-dire qu'elle ne s'accompagnait
pas d'une appréhensionmatérielle destitres. En application du jugement,
le commissaire à la faillite destitua immédiatement les principaux diri-
geants des deux sociétéset, dans les semaines qui suivirent, le séquestre
provisoire nomma des administrateurs espagnols et constata que les
sociétésétaient ainsi ((normalisées».Peu après la déclaration de faillite,
les requérants obtenaient que la prise de possession et les mesures con-
nexes fussent étenduesaux autres sociétés auxiliaires.
15. Des recours furent introduits en Espagne contre le jugement
déclaratifde faillite et les décisions connexespar la Barcelona Traction,
par la National Trust, par les sociétés auxiliaireset par leurs administra-
teurs ou leur personnel dirigeant. Toutefois la Barcelona Traction, qui
n'avait pas reçu notification de justice concernant la procédure defaillite
et n'avait pas étéreprésentéedevant le tribunal de Reus en février,n'agit
pas en justice avant le 18juin 1948. En particulier elle n'intenta pas de
recours en opposition contre lejugement de faillite dans le délaide huit
jours prévupar la loi espagnole à compter de la date de publication du
jugement. Le Gouvernement belge fait valoir que ce délaide huit jours
n'a jamais commencé à courir parce que la notification et la publication
n'avaient pas étéeffectuéesconformément à la loi.
16. Des déclinatoires contestant la compétencedu juge de Reus et la
juridiction espagnole furent présentéspar quelques obligataires et eurent
un effetsuspensifsur lesrecours; la décisionsurla question de compétence
se trouva encore retardéedu fait d'une longueprocédureintroduitepar la
sociétéGenora, créancièrede la Barcelona Traction, qui contestait à cette
dernièrele droit d'êtrepartie à la procédure sur la compétence.L'un des
déclinatoires ne fut finalement rejetépar la cour d'appel de Barcelone
qu'en 1963, après le dépôt de la requêtebelge devant la Cour inter-
nationale de Justice.
17. En juin 1949la cour d'appel de Barcelone rendit, à la demande de
la sociétéNamel, la sociétéGenora étant partie intervenante, un arrêt
qui ouvrait la voieà la convocation de l'assemblée des créanciers en vue
de l'élection des syndicsde faillite, en excluant l'effetsuspensif du déclina-
toire de compétence à l'égardde la procédurenécessaire à cette fin. Des
syndics furent alors éluset firent déciderque seraient créésde nouveaux
titres des sociétés auxiliaires,annulant les titres qui se trouvaient hors
d'Espagne (décembre1949)et que le siègede 1'Ebroet de la Catalonian
Land serait désormais à Barcelone et non plus à Toronto. Enfin, en aoûtreceiver and ordering the seizure of the assets of Barcelona Traction,
Ebro and Compafiia Barcelonesa de Electricidad, another subsidiary
company.
14. The shares of Ebro and Barcelonesa had been deposited by Bar-
celona Traction and Ebro with the National Trust company of Toronto
as security for their bond issues.l1the Ebro and the Barcelonesa ordi-
nary shares were held outside Spain, and the possession taken of them
was characterized as "mediate and constructive civil possession", that
is to Saywas not accompanied by physical possession. Pursuant to the
bankruptcy judgment the commissioner in bankruptcy at once dismissed
the principal management personnel ofthe two companies and during the
ensuing weeks the interim receiver appointed Spanish directors and
declared that the companies were thus "normalized". Shortly after the
bankruptcy judgment the petitioners brought about the extension of the
taking of possession and related measures to the other subsidiary com-
panies.
15. Proceedings in Spain to contest the bankruptcy judgment and the
related decisions were instituted by Barcelona Traction, National Trust,
the subsidiary companies and their directors or management personnel.
However, Barcelona Traction, which had not received ajudicial notice of
the bankruptcy proceedings, and was not represented before the Reus
court in February, took no proceedings in the courts until 18June 1948.
In particular it did not enter a plea of opposition against the bankruptcy
judgment within the time-limit of eight days fromthe date of publication
of thejudgment laid down in Spanish legislation. On the grounds that the
notification and publication did not comply with the relevant legal
requirements, the Belgian Government contends that the eight-day time-
limit had never begun to run.
16. Motions contesting the jurisdiction of the Reus court and of the
Spanish courts as a whole, in particular by certain bondholders, had a
suspensive effect on the actions for redress; a decision on the question
ofjurisdiction was in turn delayed by lengthy proceedings brought by the
Genora company, a creditor of Barcelona Traction, disputing Barcelona
Traction's right to be a party to the proceedings on the jurisdictional
issue. One of the motions contestingjurisdiction was not finallydismissed
by the Barcelona court of appeal until 1963,after the BelgianApplication
had been filedwith the International Court of Justice.
17. In June 1949,on an application by the Namel company, with the
intervention of the Genora company, the Barcelona court of appeal gave
ajudgment making it possiblefor the meeting of creditors to be convened
for the election of therustees in bankruptcy, by excluding the necessary
procedure from the suspensive effect of the motion contesting jurisdic-
tion. Trustees were then elected, and procured decisions that new shares
of the subsidiary companies should be created, cancelling the shares
located outside Spain (December 1949), and that the head offices of
Ebro and Catalonian Land should henceforth be at Barcelona and not 1951, les syndics obtinrent du juge l'autorisation de vendre ((la totalité
des actions avectous leurs droits inhérents, représentantle capital soc»al
des sociétés auxiliaires, sousla forme des nouveaux titres de ces sociétés.
La vente eut lieu par adjudication publique le 4 janvier 1952sur la base
d'un cahier des charges et devint effectivele 17juin 1952.L'adjudicataire
fut une société nouvellementconstituée, Fuerzas Eléctricasde Cataluiia,
S.A. (Fecsa), qui obtint ainsi un contrôle complet de l'entreprise en
Espagne.
18. Des recours furent intentés sanssuccèsdevant le tribunal de Reus,
diversesjuridictions de Barcelone et la Cour suprêmed'Espagne, notam-
ment par la Barcelona Traction, par la National Trust et par la société
belge Sidro en tant qu'actionnaire de la Barcelona Traction contre la
vente et les opérationsqui l'avaient précédéoeu suivie. Selon le Gouver-
nement espagnol, il a été renduau total dans l'affaire, avant le dépôt de
la requêtebelge, 2736 ordonnances, 494jugements et 37 arrêts. Auxfins
du présentarrêt,il n'est pas nécessaire d'enfournir le détail.
19. Aprèslejugement de faillite, les Gouvernements du Royaume-Uni,
du Canada, des Etats-Unis et de la Belgique firent des démarchesauprès
du Gouvernement espagnol.
20. Le Gouvernement britannique fit une démarche auprèsdu Gou-
vernement espagnol dèsle 23 février1948 au sujet de la mise en faillite
de la Barcelona Traction et de la saisie de ses avoirs et de ceux debro
et de la Barcelonesa et il indiqua qu'il s'intéressaità la situation des
obligataires résidantau Royaume-Uni. Par la suite il appuya les démar-
ches faites par le Gouvernement canadien.
21. Le Gouvernement canadien adressa une sériede représentations
au Gouvernement espagnol dans desnotesdiplomatiques dontla première
était datéedu 27 mars 1948et la dernière du 21 avril 1952; en outre, des
démarchesd'un caractère moins officielfurent effectuéesen juillet 1954
et en mars 1955. Le Gouvernement canadien se plaignit d'abord des
dénis de justice qui auraient été commis en Espagne à l'égard de la
Barcelona Traction, de 1'Ebroet de la National Trust. Il fonda ensuite
plus particulièrement ses réclamations sur des actes dont la sociétéEbro
aurait étévictime en violation des dispositions conventionnelles appli-
cablesentre l'Espagneet leCanada. Le Gouvernement espagnol ne donna
aucune suite à une proposition canadienne de soumettre le différend à
l'arbitrage et le Gouvernement canadien se borna ensuite, avant d'inter-
rompre toute action, à s'efforcerde favoriser un règlementamiable entre
les groupes privés intéressés.
22. Le Gouvernement des Etats-Unis intervint auprès du Gouverne-
ment espagnol en faveur de la Barcelona Traction par une note du
22juillet 1949appuyant une note canadienne datée de la veille. Il pour-
suivit ensuite son action par la voie diplomatique et par d'autres moyens.
Comme le Gouvernement des Etats-Unis faisait étatd'intérêta sméricains
dans la Barcelona Traction, le Gouvernement espagnol en tire la con- Toronto. Finally in August 1951the trustees obtained courtauthorization
to sel1"the totality of the shares, with al1the rights attaching to them,
representing the corporate capital" of the subsidiary companies, in the
form of the newlycreated share certificates. The sale took place by public
auction on 4 January 1952 on the basis of a set of General Conditions
and became effective on 17 June 1952. The purchaser was a newly
formed company, Fuerzas Eléctricasde Cataluiia, S.A. (Fecsa), which
thereupon acquired complete control of the undertaking in Spain.
18. Proceedings before the court of Reus, various courts of Barcelona
and the Spanish Supreme Court, to contest the sale and the operations
which preceded or followed it, were taken by, among others, Barcelona
Traction,National Trustand the Belgiancompany Sidro as a shareholder
in Barcelona Traction, but without success. According to the Spanish
Government, up to the filing of the Belgian Application, 2,736 orders had
been made in the case and 494 judgments given by lower and 37 by
higher courts. For the purposes of this Judgment it is not necessary to go
intothese orders and judgments.
19. After the bankruptcy declaration, representations were made to
the Spanish Government by the British, Canadian, United States and
Belgian Governments.
20. The British Government made representations to the Spanish
Government on 23 February 1948 concerning the bankruptcy of Bar-
celona Traction and the seizure of its assets as well as those of Ebro and
Barcelonesa, stating its interest in the situation of the bondholders
resident in the United Kingdom. It subsequently supported the representa-
tions made by the Canadian Government.
21. The Canadian Government made representations to the Spanish
Government in a series of diplomatic notes, the first being dated
27 March 1948and the last 21 April 1952; in addition, approaches were
made on a less officia1level in July 1954and March 1955.The Canadian
Government first complained of the denials of justice said to have been
committed in Spain towards Barcelona Traction, Ebro and National
Trust, but it subsequently based its complaints more particularly on
conduct towards the Ebro company said to be in breach of certain
treaty provisions applicable between Spain and Canada. The Spanish
Government did not respond to a Canadian proposa1 for the submission
of the dispute to arbitration and the Canadian Government subsequently
confined itself, until the time when its interposition entirely ceased, to
endeavouring to promote a settlement by agreement between the private
groups concerned.
22. The United States Government made representations to the
SpanishGovernment on behalf of Barcelona Traction in a note of 22 July
1949,in support of a note submitted by the Canadian Government the
previous day. It subsequently continued its interposition through the
diplomatic channel and by other means. Sincereferencesweremade by the
United States Government in these representations to the presence ofclusion que, le Gouvernement des Etats-Unis ne protégeant habituelle-
ment que des investissements américains substantiels, il y a lieu de
présumer l'existenced'intérêts américain si considérablesque cela exclue
la prépondérancedes intérêtb selges. Le Gouvernement belge estime que
le Gouvernement des Etats-Unis avait la préoccupation plus générale
de voir appliquer un traitement équitable aux investissements étrangers
en Espagne et à cet égardil se réfèreentre autreàune note de ce gouver-
nement datéedu 5juin 1967.
23. Le Gouvernement espagnol ayant indiqué dans une note du
26 septembre 1949que 1'Ebron'avait pas apporté la preuve de l'origine
et de la réalité la dette obligataire, cequijustifiait lerefus destransferts
de devises,les Gouvernements belgeet canadien envisagèrentde proposer
au Gouvernement espagnol la constitution d'une commission tripartite
chargée d'examiner leproblème. Avant que la proposition ne lui fût
présentée, leGouvernement espagnol suggéraen mars 1950la création
d'une commission où seuls seraient représentés,aux côtésde l'Espagne,
le Canada et le Royaume-Uni. Les Gouvernements britannique et
canadien acceptèrent. Les travaux de la commission aboutirent à une
déclaration conjointe des trois gouvernements en date du Il juin 1951
où il étaitdit notamment que l'attitude adoptée par le Gouvernement
espagnol en n'autorisant pas les transferts de devises demandés était
pleinement justifiée. LeGouvernement belge protesta contre le fait qu'il
n'avait pas étéinvitéà désignerun expert pour prendre part à l'enquête
et réservases droits; devant la Cour, il a soutenu que la déclaration
conjointe de 1951qui se fondait sur les travaux de la commission, étant
res inter alios actne lui étaitpas opposable.
24. Le Gouvernement belge intervint auprès du Gouvernement espa-
gnol, le mêmejour que le Gouvernement canadien, par une note du
27 mars 1948. Son action diplomatique se poursuivit jusqu'au moment
où le Gouvernement espagnol repoussa une proposition belge de recours
à l'arbitrage (fin 1951). Après l'admission de l'Espagne aux Nations
Unies (1955) qui, ainsi que la Cour l'a constaté en1964, remettait en
vigueurla clausedejuridiction obligatoirecontenue dans letraitéispano-
belge de conciliation, de règlement judiciaire et d'arbitrage de 1927, le
Gouvernement belge tenta de nouvelles démarches. A la suite du rejet
d'un projet de compromis, il décida de soumettre unilatéralement le
litigeà la Cour.
25. Dansla procédure écritel,sconclusionsci-après ont étprésentéepsar
lesParties:American interests in Barcelona Traction, the Spanish Government
draws the conclusion that, in the light of the customary practice of the
United States Government to protect only substantial American invest-
ments abroad, the existence must be presumed of such large American
interests as torule out a preponderance of Belgianinterests. The Belgian
Government considers that the United StatesGovernment was motivated
by a more general concern to secureequitabletreatment of foreign invest-
ments in Spain, and in this context cites,nter alia, a note of 5 June 1967
from the United States Government.
23. The Spanish Government having stated in a note of 26 September
1949fhat Ebro had not furnished proof as to the origin and genuineness
of the bond debts, whichjustified therefusal offoreign currency transfers,
the Belgian and Canadian Governments considered proposing to the
Spanish Government the establishment of a tripartite committee to
study the question. Before this proposa1 was made, the Spanish Govern-
ment suggested in March 1950the creation of a committee on which, in
addition to Spain, only Canada and the United Kingdom would be
represented. This proposa1 was accepted by the United Kingdom and
Canadian Governments. The work of the committee led to a joint state-
ment of 11June 1951by the three Governments to the effect, inter alia,
that the attitude of the Spanish administration in not authorizing the
transfers of foreign currency was fullyjustified. The Belgian Government
protested against the fact that it had not been invited to nominate an
expert to take part in the enquiry, and reserved its rights; in the pro-
ceedings before the Court it contended that the joint statement of 1951,
which was based on the work of the committee, could not be set up
against it, being res interlios acta.
24. The Belgian Government made representations to the Spanish
Government on the same day as the Canadian Government, in a note of
27March 1948. It continued itsdiplomaticintervention until the rejection
by the Spanish Government of a Belgian proposa1 for submission to
arbitration (end of 1951).Afterthe admission of Spain to membership in
the United Nations (1955), which, as found by the Court in 1964,
rendered operative again the clause of compulsory jurisdiction contained
in the 1927Hispano-Belgian Treaty of Conciliation, Judicial Settlement
and Arbitration, the Belgian Government attempted further representa-
tions. After the rejection of a proposa1for a special agreement, it decided
to refer the dispute unilaterally to this Court.
25. In thecourseof thewritten proceedingst,hefollowingsubmissions were
presentedby the Parties: Aunomdu Gouvernementbelge,
dans la requête:
«Plaise à la Cour
1"dire et juger que les mesures, actes, décisions et omissions des organes
de 1'Etatespagnol décritsdans la présente requêtesont contraires au droit
des gens et que 1'Etatespagnol est tenu, àl'égard dela Belgique, de réparer
le préjudice qui en est résultépour les ressortissants belges, personnes
physiques et morales, actionnaires de la Barcelona Traction;
2" dire et juger que cette réparation doit, autant que possible, effacer
toutes les conséquencesque ces actes contraires au droit des gens ont eues
pour lesdits ressortissants et que'Etatespagnol est tenu, dèslors, d'assurer,
si possible, l'annulation du jugement de faillite et des actes judiciaires et
autres qui en ont découlé, enassurant aux ressortissants belges léséstous
les effetsjuridiques devant résulterpour eux de cette annulation; détermi-
ner, en outre, l'indemnitéà verser par 1'Etatespagnol à 1'Etatbelge àraison
de tous les préjudices accessoires subis par les ressortissants belges par
suite des actes incriminés, en ce compris la privation de jouissance et les
frais exposéspour la défensede leurs droits;
3" dire et juger, au cas où l'effacement des conséquences des actes
incriminés se révélerait impossible,que 1'Etatespagnol sera tenu de verser
à 1'Etat belge, à titre d'indemnité, une somme équivalant à 88% de la
valeur nette de l'affaire au 12 février 1948;cette indemnité devant être
augmentée d'une somme correspondant à tous les préjudices accessoires
subis par les ressortissants belges par suite des actes incriminés, en ce
compris la privation de jouissance et les frais exposéspour la défensede
leurs droits1);
dans le mémoire:
(Plaise à la Cour
1. dire etjuger que lesmesures, actes, décisions et omissions des organes
de 1'Etatespagnol décrits dans le présent mémoiresont contraires au droit
des gens et que 1'Etatespagnol.est tenu, àl'égardde la Belgique, de réparer
le préjudice qui en est résultépour les ressortissants belges, personnes
physiques et morales, actionnaires de la Barcelona Traction;
II. dire et juger que cette réparation doit, autant que possible, effacer
toutes les conséquences que ces actes contraires au droit des gens ont
eues pour lesdits ressortissants et que1'Etat espagnol est tenu, dès lors, si
possible, d'assurer par voie administrative l'annulation du jugement de
faillite et des actes judiciaires et autres qui en ont découlé, enassurant
auxdits ressortissants belges léséstous les effetsjuridiques devant résulter
pour eux de cette annulation; déterminer, en outre, l'indemnité à verser
par 1'Etatespagnol à 1'Etatbelge à raison detous les préjudices accessoires
subis par les ressortissants belges par suite des actes incriminés, en ce
compris la privation de jouissance et les frais exposéspour la défensede
leurs droits; Onbehalfof the Belgian Government,
in the Application :
"May it please the Court
1. to adjudge and declare that the measures, acts, decisions and omis-
sions of the organs of the Spanish State described in the present Applica-
tion are contrary to international law and that the Spanish State is under
an obligation towards Belgium to make reparation for the consequential
damage suffered by Belgian nationals, natural and juristic persons,
shareholders in Barcelona Traction;
2. to adjudge and declare that this reparation should, as far as possible,
annul al1the consequences which these acts contrary to international law
have had for the said nationals, and that the Spanish State is therefore
under an obligation to secure, ifpossible, the annulment of the adjudication
in bankruptcy and of the judicial and other acts resulting therefrom,
obtaining for the injured Belgian nationals al1 the legal effects which
should result for them from this annulment; further, to determine the
amount of the compensation to be paid by the Spanish State to the Belgian
State by reason of al1the incidental damage sustained by Belgian nationals
as a result of the acts complained of, including the deprivatio~ of en-
joyment of rights and the expenses incurred in the defence of their rights;
3. to adjudge and declare, in the event of the annulment of the con-
sequences of the acts complained of proving impossible, that the Spanish
State shall be under an obligation to pay to the Belgian State, by way of
compensation, a sum equivalent to 88 per cent. of the net value of the
business on 12 February 1948; this compensation to be increased by an
arnount corresponding to al1the incidental damage suffered by the Belgian
nationals as the result of the acts complained of, including the deprivation
of enjoyment of rights and the expenses incurred in the defence of their
rights" ;
in the Memorial :
"May it please the Court
1. to adjudge and declare that the measures, acts, decisions and omis-
sions of the organs of the Spanish State described in the present Memorial
are contrary to international law and that the Spanish State is under an
obligation towards Belgium to make reparation for the consequential
damage suffered by Belgian nationals, natural and juristic persons,
shareholders in Barcelona Traction;
II. to adjudge and declare that this reparation should, as faras possible,
annul al1 the consequences which these acts contrary to international
law have had for the said nationals, and that the Spanish State is there-
fore under an obligation to secure, if possible, the annulment by adminis-
trative means of the adjudication in bankruptcy and of the judicial and
other acts resulting therefrom, obtaining for the said injured Belgian
nationals al1 the legal effects which should result for them from this
annulment; further, to determine the arnount of the compensation to
be paid by the Spanish State to the Belgian State by reason of al1 the
incidental damage sustained by Belgian nationals as a result of the acts
complained of, including the deprivation of enjoyment of rights and the
expenses incurred in the defence of their rights; III. dire et juger, au cas où l'effacement des conséquences des actes
incriminés se révélerait impossibleq,ue 1'Etatespagnol sera tenu de verser
à 1'Etat belge, à titre d'indemnité, une somme équivalant à 88% du
montant de 88 600 000 dollars fixéau paragraphe 379du présentmémoire,
cette indemnitédevant êtreaugmentée d'une somme correspondant à tous
lespréjudices accessoires subispar lesdits ressortissants belgespar suite des
actes incriminés, ence compris la privation dejouissance, les frais exposés
pour la défensede leurs droits et l'équivalent encapital et intérêts du
montant des obligations de la Barcelona Traction détenuespar des ressor-
tissants belges et de leurs autres créancescharge des sociétésdu groupe,
dont le recouvrement n'a pu avoir lieu par suite des actes dénoncés .;
dans la réplique:
«Plaise à la Cour, rejetant toutes autres conclusions plus amples ou
contraires de 1'Etat espagnol,
dire et juger
1") que la requêteprésentéepar le Gouvernement belge est recevable;
2") que 1'Etat espagnol est responsable du préjudice subi par 1'Etat
belge dans la personne de ses ressortissants, actionnaires de la Barcelona
Traction, du fait des actescontraires au droit international commis par ses
organes et quiont conduit au dépouillementtotal du groupede la Barcelona
Traction;
3") que 1'Etatespagnol est tenu d'assurer la réparation dudit préjudice;
4") que ce préjudicepeut êtreévalué à 78 millions de dollars des Etats-
Unis représentant 88% de la valeur nette, au 12 février 1948, des avoirs
dont le groupe Barcelona Traction a étédépouillé;
5") que 1'Etatespagnol est, en outre, tenu de payer,à titre forfaitaire et
pour couvrir la perte de jouissance, un iatérêtcompensatoire au taux de
6% sur lesusdit montant de 78millions de dollars, et ce depuis le 12février
1948jusqu'à la date de l'arrêt;
6") que 1'Etat espagnol doit, en outre, payer une somme évaluéepro-
visoirement à 3 800000 dollars des Etats-Unis, destinée à couvrir les frais
exposéspar les ressortissants belges pour la défensede leurs droits depuis
le 12février 1948;
7") que 1'Etat espagnol sera redevable aussi d'une somme de 433 821
livres sterlingreprésentant le montant, en principal et intérêt,u 4janvier
1952, des obligations en livres de la Barcelona Traction détenues par
lesdits ressortissants, ainsi que d'une somme de 1 623 127 dollars des
Etats-Unis représentant la créance d'un desdits ressortissants à l'égard
d'une société filialede la Barcelona Traction, en ce compris une indemnité
forfaitaire pour manque à gagner résultant de la résiliation prématurée
d'une convention ;
qu'il sera dû sur ces sommes un intérêtde 6% l'an calculédepuis le
4janvier 1952en ce qui concerne le montant de 433 821 livres et depuis le
12 février 1948 en ce qui concerne le montant de 1623 127 dollars et ce
jusqu'à la date de l'arrêt;
8") que 1'Etatespagnol est également redevable des intérêts moratoires,
déterminéspar référenceau taux généralement usités ,ur le montant des III. to adjudge and declare, in the event of the annulment of the con-
sequences of the acts complained of proving impossible, that the Spanish
State shall be under an obligation to pay to the Belgian State, by way of
compensation,a surnequivalent to 88 per cent. of the surn of $88,600,000
arrived at in paragraph 379 of the present Memorial, this compensation
to be increased by an amount corresponding to al1 the incidental da-
mage suffered by the said Belgian nationals as the result of the acts
complained of, including the deprivation of enjoyment of rights, the
expenses incurred in the defence of their rights and the equivalent in ca-
pital and interest of the amount of Barcelona Traction bonds held by
Belgian nationals and of their other claims on the companies in the group
which it was not possible to recover owing to the acts complained of";
in the Reply :
"May it please the Court, rejectingany other submissions of the Spanish
State which are broader or to a contrary effect,
to adjuge and declare
(1) that the Application of the Belgian Government is admissible;
(2) that the Spanish State is responsible for the damage sustained by
the Belgian State in the person of its nationals, shareholders in Barcelona
Traction, as the result of the acts contrary to international law committed
by its organs, which led to the total spoliation of the Barcelona Traction
group ;
(3) that the Spanish State is under an obligation to ensure reparation
of thesaid damage;
(4) that this damage can be assessed at U.S. $78,000,000, representing
88 per cent. of the net value, on 12 February 1948, of the property of
which the Barcelona Traction group was despoiled;
(5) that the Spanish State is, in addition, under an obligation to pay,
as an all-embracing payment to cover loss of enjoyment, compensatory
interest at the rate of 6 per cent. on the said sum of U.S. $78,000,000,
from 12 February 1948to the date of judgment;
(6) that the Spanish State must, in addition, pay a surn provisionally
assessed at U.S. $3,800,000 to cover the expenses incurred by the Belgian
nationals in defending their rights since 12February 1948;
(7) that the Spanish State is also liable in the sum of £433,821 repres-
enting the amount, in principal and interest, on 4 January 1952, of the
Barcelona Traction sterling bonds held by the said nationals, as well as
in the sum of U.S. $1,623,127, representing a debt owed to one of the
said nationals by a subsidiary Company of Barcelona Traction, this sum
including lump-sum compensation for loss of profits resulting from the
premature termination of a contract;
that there will be due on those sums interest at the rate of 6 percent.
per annum, as from 4 January 1952so far as concerns the surn of £433,821,
and asfrom 12February 1948so far as concerns the surn of U.S. $1,623,127;
both up to the date of judgment;
(8) that the Spanish State is also liable to pay interest, by way of
interest on a surn due and outstanding, at a rate to be determined by indemnités,àcompter de la décisionde la Cour fixant celles-ci et jusqu'à
la date du paiement;
9") subsidiairement aux 4")à6")ci-dessus, que lemontant de l'indemnité
revenant à 1'Etatbelge sera établipar voie d'une expertise à ordonner par
la Cour; donner acte au Gouvernement belge qu'il se réservede présenter
en'prosécution de cause telles observations que de conseil concernant
l'objet et les modalités de cette mesure d'instruction;
10") et au cas où la Cour estimerait ne pouvoir, sans expertise, se
prononcer sur le montant final de l'indemnité revenant à 1'Etat belge,
prendre en considération l'ampleur considérable du préjudice causé, et
accorder, dès à présent, à valoir sur l'indemnité à déterminer après ex-
pertise, une indemnitéprovisionnelle, dont le montant est laissé à l'appré-
ciation de la Cour. 11
Au nom du Gouvernement espagnol,
dans le contre-mémoire:
(Plaise à la Cour
dire et juger
1. que la demande belge qui, tout gu long de lacorrespondance diploma-
tique et dans la première requête introduite devant la Cour, a toujours été
une demande formulée en vue de la protection de la société Barcelona
Traction, n'a pas changéde nature dans la deuxièmerequête,quelles que
soient les modifications apparentes qu'on y a apportées;
que mêmesi la demande belge avait véritablement pour objet, non pas
la société BarcelonaTraction mais ceux que le Gouvernement belge qualifie
tantôt d'«actionnaires belges », tantôt d'ilintérêtsbelges » dans cette
sociétéet lepréjudiceprétendument subi par ces ((actionnaires ))ou par ces
«intérêts 11,il n'en resterait pas moins que le Gouvernement belge n'a
valablement prouvé nique les titres de la société enquestion aient appar-
tenu aux dates critiques à des Iactionnaires belges 11,ni non plus, d'ailleurs,
qu'il y ait finalement, dans l'affaire soumise à la Cour, une présence
prépondérante d'(1intérêtsbelges )réels;
que même si lademande belge avait effectivement pour bénéficiairesde
prétendus Iractionnaires 1)de Barcelona Traction qui seraient 1belges 11,ou
encore de prétendus 11intérêtsbelges » réelsayant le volume qu'on voudrait
leur prêter, les principes générauxdu droit international régissant la
matière, confirméspar une pratique sans exceptions, n'admettent pas que
1'Etatnational d'actionnaires ou d'((intérêt ), quels que soient leur nombre
ou leur importance, puisse présenter en faveur de ces derniers une récla-
mation dans laquelle il ferait valoir un préjudiceprétendument illicite subi
par la société,qui a la nationalité d'un Etat tiers;
que, dès lors, le Gouvernement belge n'a pas qualité pour agir en la
présenteaffaire;
II. qu'une règle de droit international général, confirméedans la
jurisprudence tout comme dans la doctrine et reprise par l'article 3 du
traitéhispano-belge de conciliation, de règlementjudiciaire et d'arbitrage
du 19juillet 1927, exige que les particuliers prétendument léséspar une reference to the rates generally prevailing, on the amount of compensation
awarded, from the date of the Court's decision fixing such compensation
up to the date of payment;
(9) in the alternative to submissions (4) to (6) above, that the amount
of the compensation due to the Belgian State shall be established by
means of an expert enquiry to be ordered by the Court; and to place on
record that the Belgian Government reserves its right to submit in the
course of the proceedings such observations as it may deem advisable
concerning the object and methods of such measure of investigation;
(10) and, should the Court consider that it cannot, without an expert
enquiry, decide the final amount of the compensation due to the Belgian
State, have regard to the considerable magnitude of the damage caused
and make an imrnediate award of provisional compensation, on account
of the compensation to be determined after receiving the expert opinion,
the amount of suchprovisional compensation being left to the discretion
of the Court."
On behaifof the Spanish Governrnent,
in the Counter-Memorial:
"May it please the Court
to adjudge and declare
1. that the Belgian claim which, throughout the diplomatic correspond-
ence and in the first Application submitted to the Court, has always been
a claim with a viewto the protection of the Barcelona Traction company,
has not changed its character in the second Application, whatever the
apparent modifications introduced into it;
that even if the true subject of the Belgian claim were,not the Barcelona
Traction company, but those whom the Belgian Government characterizes
on some occasions as 'Belgian shareholders' and on other occasions as
'Belgian interests' inthat company, and the damage allegedly sustained
by those 'shareholders' or 'interests', itwould still remain true that the
Belgian Government has not validly proved either that the shares of the
company in question belonged on the material dates to 'Belgian share-
holders', or, moreover, that there is in the end, in the case submitted to
the Court, a preponderance of genuine 'Belgian interests';
that even if the Belgian claim effectivelyhad as its beneficiaries alleged
'shareholders' of Barcelona Traction who were 'Belgian', or yet again
alleged genuine 'Belgian interests' of the magnitude which is attributed
to them, the general principles of international law governing this matter,
confirmed by practice which knows of no exception, do not recognize
that the national State of shareholders or 'interests', whatever their
number or magnitude, may make a claim on their behalf in reliance on
allegedlyunlawful damage sustained by the company, which possessesthe
nationality of a third State;
that the Belgian Government therefore lacks jus standi in the present
case;
II. that a rule of general international law, confirmed both by judicial
precedents and the teachings of publicists, and reiterated in Article 3
of the Treaty of Conciliation, Judicial Settlement and Arbitration of
19 July 1927 between Spain and Belgium, requires that private persons15 BARCELONA TRACTION(ARRÊT)
mesure contraire au droit international aient utiliséet épuiséles voies et
moyens de recours offerts par l'ordre juridique interne avant que la pro-
tection diplomatique et surtout judiciaire puisse êtreexercéeen leurfaveur;
que l'applicabilitéde cette règleà la présenteaffaire n'est pas contestée
et qu'il n'a pas étésatisfait la condition préalable poséepar elle;
III. que les procédés organiques de financement de l'entreprise de
Barcelona Traction, tels qu'ils ont étéconçus dèssa création et appliqués
constamment par la suite, ont placé celle-ci dans un état permanent de
faillite latente, et que la structure constitutionnelle du groupe et les
relations entre ses membres ont étéutiliséespour êtrel'instrument d'at-
teintes multiples et incessantes aussi bien aux intérêtsdes créanciers qu'à
l'économieet à la loi de l'Espagne, pays dans lequel l'entreprise devait
réalisertoutes ses affaires;
que ces mêmesfaits ont entraîné,de lapart de l'entreprise, une attitude
vis-à-vis des autorités espagnoles qui ne pouvait provoquer qu'un refus
pleinement justifiéde donner suite aux demandes de devises adresséesau
Gouvernement espagnol;
que la déclaration de faillite du12février1948, aboutissement naturel
des procédésde l'entreprise, et la procédure de faillite qui a suivi, ont été
en tout conformes aux dispositions de la loi espagnole en la matière, et
qu'au surplus ces dispositions sont comparables à celles d'autres légis-
lations et notamment à la législationbelge elle-même;
que le grief d'usurpation de compétence n'est pas fondé lorsque la
faillite d'une sociétéétrangèreest rattachée d'une façon quelconque à la
compétenceterritoriale de 1'Etat et qu'il en est certainement ainsi dans le
cas d'espèce;
que l'on ne saurait faire grief aux autoritésjudiciaires espagnoles d'un
ni de plusieurs dénisde justice au sens propre de ce terme, l'accès aux
tribunaux espagnols n'ayant jamais étérefusé à Barcelona Traction et les
décisions judiciaires statuant sur ses demandes et ses recours n'ayant pas
subi deretards injustifiésou déraisonnables; et qu'on ne peut pas non plus
décelerdans l'activité desautoritésespagnoles les élémentsd'une violation
du droit international autre qu'un dénide justice;
que la demande de réparation, dont le Gouvernement espagnol conteste
leprincipe même,constitue, au surplus, eu égardaux conditions de l'affaire,
un exercice abusif du droit de protection diplomatique à propos duquel le
Gouvernement espagnol ne renonce à aucun de ses droits éventuels;
IV. que, partant, la dem.ande belge est rejetéecomme irrecevable ou à
défaut comme non fondée)1;
dans la duplique:
(Plaise à la Cour
dire et juger
que la demande du Gouvernement belge est déclarée irrecevableou a
défautnon fondée. 1)
Au cours de la procédure orale, le texte suivant a étéprésenté à titre de
conclusions finales allegedly injured by a measure contrary to international law should have
used and exhausted the remedies and means of redress provided by the
interna1 legal order before diplomatic, and above al1judicial, protection
may be exercised on their behalf;
thatthe applicability of thisrule to the present case has not been disputed
and that the prior requirement which it lays down has not been satisfied;
III. that the organic machinery for financing the Barcelona Traction
undertaking, as conceived from its creation and constantly applied there-
after, placed it in a permanent state of latent bankruptcy, and that the
constitutional structure of the group and the relationship between its
members wereused as the instrument for manifold and ceaselessoperations
to the detriment both of the interests of the creditors and of the economy
and law of Spain, the country in which the undertaking was to carry on
al1its business;
that these same facts led, on the part of the undertaking, to an attitude
towards the Spanish authorities which could not but provoke a fully
justified refusa1 to give effect to the currency applications made to the
Spanish Government ;
that the bankruptcy declaration of 12 February 1948, the natural
outcome of the conduct of the undertaking, and the bankruptcy proceed-
ings which ensued, were in al1respects in conformity with the provisions
of Spanish legislation on the matter; and that moreover these provisions
are comparable with those of other statutory systems, in particular Bel-
gian legislation itself;
that the cornplaint of usurpation of jurisdiction is not well founded
where the bankruptcy of a foreign Companyis connected in any way with
the territorial jurisdiction of the State, that being certainly so in the
present case;
that the Spanish judicial authorities cannot be accused of either one or
more denials ofjustice in the proper sense of the term, Barcelona Traction
never having been denied access to the Spanish courts and the judicial
decisions on its applications and appeals never having suffered unjustified
or unreasonable delays; nor is it possible to detect in the conduct of the
Spanishauthorities the elements of some breach of international law other
than a denial of justice;
that the claim for reparation, the very principle of which is disputed
by the Spanish Government, is moreover, having regard to the circum-
stances of the case, an abuse of the right of diplomatic protection in
connection with which the Spanish Government waivesnone of itspossible
rights ;
IV. that, therefore, the Belgian claim is dismissed as inadmissible or,
if not, as unfounded";
in the Rejoinder :
"May it please the Court
to adjudge and declare
that the claim of the Belgian Government is declared inadmissible or,
if not, unfounded."
In the course of the oral proceedings, the following text was presented as
final submissions au nom du Gouvernementbelge,
après l'audience du 9 juillet 1969:
(1. Attendu quela Cour a constaté à la page 9 de son arrêtdu 24juillet
1964que (la requêteduGouvernement belge du 19juin 1962a pour objet
la réparation du préjudice qui aurait étécausé à un certain nombre de
ressortissants belges présentés commeactionnaires de la sociétéde droit
canadien Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, par le
comportement, prétendu contraire au droit des gens, de divers organes de
1'Etatespagnol àl'égard decette sociétéet d'autres sociétésde songroupe 1);
que c'estdonc manifestement à tort que le Gouvernement espagnol, dans
les conclusions jointes au contre-mémoire et dans les plaidoiries de ses
conseils, s'obstineà soutenir que la demande belge a pour objet la pro-
tection de la société BarcelonaTraction;
2. Que la Barcelona Traction a étédéclaréeen faillite par jugement du
tribunal de Reus, en Espagne, le 12février 1948;
3. Que cette sociétéholding avait à cette date une situation financière
parfaitement saine, comme l'avaient ses filiales, sociétéscanadiennes ou
espagnoles ayant leurs activités enEspagne;
4. Que, toutefois, la guerre civile d'Espagne et la deuxième guerre
mondiale avaient fait obstacle, de 1936 à 1944, à ce que la Barcelona
Traction pût recevoir, de ses filiales exploitant en Espagne, les devises
nécessairesau service des emprunts en livres sterling émispar elle en vue
du financement des investissements du groupe en Espagne;
5. Que pour remédier à cette situation, les dirigeants de la Barcelona
Traction convinrent en 1945avec les obligataires, en dépitde l'opposition
du groupe March, d'un plan d'arrangement qui fut approuvé par le
trusteeet ratifiépar le tribunal canadien compétent; que son exécutionfut
rendue impossible par suite de l'opposition des autorités espagnoles du
change, bien que lemode de financement finalement proposéne comportât
plus, pour l'économie espagnole,de sacrifice quelconque de devises;
6. Que prenant prétexte de cette situation, le groupe March, qui avait
dans l'intervalle procédéà de nouveaux achats d'obligations en quantités
considérables, demanda et obtint le jugement prononçant la faillite de la
Barcelona Traction;
'7. Que la procédure de faillite fut conduite de manière à aboutir à
l'adjudication au groupe March, qui eut lieu effectivement le 4 janvier
1952, de tous les actifs de la société faillie, d'une valeurtrès supérieure
son passif, moyennant prise en charge par l'adjudicataire lui-mêmedu
seul passif obligatoire, que, par de nouveaux achats, il avait concentré
entre ses mains à concurrence d'environ 85%, tandis que le prix en espèces
verséaux syndics, soit dix millions de pesetas environ 250 000dollars -,
insuffisant pour couvrir les frais de la faillite, ne leur permit de rien re-
mettre ni A la société faillie,nià ses actionnaires, ni mêmede payer ses
créancierschirographaires ;
8. Attenduque lesaccusations de fraude formuléespar le Gouvernement
espagnol contre la société BarcelonaTraction et l'allégation suivant la-
quelle cette sociétéseseraittrouvéeen étatpermanent defaillitelatente sont on behalfof the Belgian Government,
after the hearing of 9 July 1969:
"1. Whereas the Court stated on page 9 of its Judgment of 24 July 1964
that 'The Application of the Belgian Government of 19 June 1962 seeks
reparation for damage claimed to have been caused to a number of Bel-
gian nationals,said to be shareholders in the Barcelona Traction, Light
and Power Company, Limited, a company under Canadian law, by the
conduct, alleged to have been contrary to international law, of various
organs of the Spanish State in relation to that Company and to other
companies of its group';
Whereas it was therefore manifestly wrong of the Spanish Government,
in the submissions in the Counter-Memorial and in the oral arguments
of its counsel, to persist in the contention that the object of the Belgian
claim is to protect the Barcelona Traction company;
2. Whereas Barcelona Traction was adjudicated bankrupt in a judg-
ment rendered by the court of Reus, in Spain, on 12February 1948;
3. Whereas that holding company was on that date in a perfectly
sound financial situation, as were its subsidiaries, Canadian or Spanish
companies having their business in Spain;
4. Whereas, however, the Spanish Civil War and the Second World
War had, from 1936 to 1944, prevented Barcelona Traction from being
able to receive, from its subsidiaries operating in Spain, the foreign
currency necessary for the service of the sterlingoans issued by it for the
financing of the group's investments in Spain;
5. Whereas, in order to remedy this situation, those in control of Bar-
celona Traction agreed with the bondholders in 1945, despite the opposi-
tion of the March group, to a plan of compromise, which was approved by
the trustee and by the competent Canadian court; and whereas its im-
plementation was rendered impossible as a result of the opposition of the
Spanish exchange authorities, even though the method of financing finally
proposed no longer involved any sacrifice of foreign currency whatever
for the Spanish economy;
6. Whereas, using this situation as a pretext, the March group, which
in the meantime had made further considerable purchases of bonds,
sought and obtained the judgment adjudicating Barcelona Traction
bankrupt ;
7. Whereas the bankruptcy proceedings were conducted in such a
manner as to lead to the sale to the March group, which took place on
4 January 1952, of al1the assets of the bankrupt company, far exceeding
in value its Iiabilities, in consideration of the assumption by the purchaser
itself ofsolely the bonded debt, which, by new purchases, it had concen-
trated into its own hands to the extent of approximately 85 per cent.,
whilethe cashprice paid tothe trustees inbankruptcy, 10,000,000pesetas-
approximately $250,000-, being insufficient to cover the bankruptcy
costs, did notallow them to pass anything to the bankrupt company or its
shareholders, or even to pay its unsecured creditors;
8. Whereas the accusations of fraud made by the Spanish Govemment
against the Barcelona Traction company and the allegation that that
company was in a permanent state of latent bankruptcy are devoid of al1 dénuéesde toute pertinence en la cause et, au surplus, entièrement mal
fondées ;
9. Attendu que les actes et omissions qui engagent la responsabilité
du Gouvernement espagnol sont imputés par le Gouvernement belge,
d'une part, à certaines autorités administratives, d'autre part,à certaines
autoritésjudiciaires;
Que l'examen d'ensemblede ces actes et omissions fait apparaître qu'in-
dépendamment de leurs vices propres, ils ont convergé versun résultat
commun, qui fut le détournement de la procédure de faillite de ses fins
légalesvers letransfert forcéet sansindemnité des entreprisesdu groupede
la Barcelona Traction au profit d'un groupe privé espagnol, le groupe
March;
Considérant que les autorités administratives espagnoles se sont com-
portées envers la Barcelona Traction et ses actionnaires d'une manière
abusive, arbitraire et discriminatoire, en ce que, dans le but de faciliter le
transfert du contrôle des biens du. groupe de la Barcelona Traction de
mains belges aux mains d'un groupe privé espagnol, elles ont notamment:
a) fait échouer,en octobre et en décembre1946,l'exécutionde la troisième
modalitéde financement du plan d'arrangement, en refusant d'autoriser
Ebro, sociétécanadienne ayant une résidence en Espagne, à payer en
monnaie nationale 64000 000 de pesetas à des résidents espagnols
pour lecompte de la Barcelona Traction, société non résidente,afin que
celle-ci remboursât ses obligations en pesetas circulant en Espagne, et
ce, bien que l'autorisation d'effectuer le paiement des intérêtsde ces
mêmesobligations n'ait pas cesséd'être accordé périodiquement à
Ebro jusqu'à la faillite;
b) en revanche, admis que Juan March, citoyen espagnol résidant notoi-
rement en Espagne, achetât à l'étranger desobligations en livres sterling
de la Barcelona Traction en quantités considérables;
c) fait un usage abusif d'une enquêteinternationale, à l'écartde laquelle
leGouvernement belge fut tenu, en altérant gravement le sens des
conclusions de la commission d'experts à laquelle elles attribuèrent la
constatation d'irrégularitésde tous genres de nature à entraîner pour
le groupe de la Barcelona Traction des sanctions rigoureuses, ce qui
permit aux syndics, à l'instigation de March, de provoquer la vente
prématurée et a vil prix des avoirs du groupe de la Barcelona Traction
et leur achat par le groupe March grâce à l'octroi detoutes les autori-
sations de change nécessaires;
Considérant que les tribunaux espagnols, en acceptant de connaître de
la faillite de la Barcelona Traction, société destatut canadien ayant son
siègesocial à Toronto, n'ayant en Espagne ni siège socialni établissement BARCELONATRACTION (JUDGMENT)
relevance to the case and, furtherrnore, are entirely unfounded;
9. Whereas the acts and omissions giving rise to the responsibility
of the Spanish Governrnent are attributed by the Belgian Governrnent
to certain administrative authorities, on the one hand,' and to certain
judicial authorities, on the other hand;
Whereas it is apparent when those acts and omissions are examined as
a whole that, apart from the defects proper to each, they converged to-
wards one cornmon result, narnely the diversion of the bankruptcy proce-
dure frorn its statutory purposes to the forced transfer, without compensa-
tion, of the undertakings of the Barcelona Traction group to the benefit
of a private Spanish group, the March group;
Considering that the Spanish administrative authorities behaved in an
irnproper, arbitrary and discriminatory rnanner towards Barcelona Trac-
tion and its shareholders, in that, with the purpose of facilitating the
transfer of control over the property of the Barcelona Traction group
frorn Belgian hands into the hands of a private Spanish group, they in
particular-
(a) frustrated, in October and Decernber 1946. the irnvlernentation of
the third hethod for financing the plan of cornpronke, by refusing
to authorize Ebro. a Canadian Company with residence in S~ain. to
pay 64,000,000 pesetas in the national currency to Spanish residents
on behalf of Barcelona Traction, a non-resident Company, so that
the latter rnight redeern its peseta bonds circulating in Spain,despite
the fact that Ebro continued uninterruptedly to be granted periodical
authorization to pay the interest on those sam.ebonds up to the tirne
of the bankruptcy ;
(b) on the other hand, accepted that Juan March, a Spanish citizen
manifestly resident in Spain, should purchase considerable quantities
of Barcelona Traction sterling bonds abroad;
(c) made irnproper use of an international enquiry, from which the
Belgian Government was excluded, by gravely distorting the purport
of the conclusions of the Cornrnittee of Experts, to whorn they
attributed the finding of irregularities of al1 kinds such as to entai1
severe penalties for the Barcelona Traction group, which enabled
the trustees in bankruptcy, at March's instigation, to bring about the
prernature sale at a ridiculously lowprice of thessets of the Barcelona
Traction group and their purchase by the March group thanks to the
granting of al1the necessary exchanee authorizations;
Considering that the Spanish courts, in agreeing to entertain the bank-
ruptcy of Barcelona Traction, a Company under Canadian law with its
registered office in Toronto, having neither registered officenor cornrner-commercial, n'y possédant aucun bien etn'y exerçant aucune activité, ont
usurpé un pouvoir dejuridiction qui ne leur appartenait pas selon le droit
international ;
Considérant que la limite territoriale des actes de souveraineté aété
d'autre part manifestement méconnuepar les mesures d'exécution prises
à l'égardde biens situés horsdu territoire espagnol sans le concours des
autoritésétrangères compétentes;
Qu'en effet, les organes de la faillite se virent conférer,par l'artifice de
la possession'médiateet civilissime, la facultéd'exercer en Espagne les
droits afférents aux actions setrouvant au Canada de plusieurs sociétés
filiales et sous-filiales, dont ils se réclamèrent, avec l'approbation des
autoritésjudiciaires espagnoles, pour remplacer les administrateurs de ces
sociétés,modifier leurs statuts, annuler les actions régulièrementémises
par elles et les remplacer par d'autres qu'ils firent imprimer en Espagne et
qu'ils livrèrentà Fecsa lors de la vente des biens de la sociétéfaillie, sans
qu'aucun effortfût tentépour obtenir de façon régulièrela possession des
vrais titres;
Quecette méconnaissanceestd'autant plus flagrante que trois desfiliales
étaientdes sociétésde droit canadien ayant leur siègesocial au Canada et
que les organes de la faillite prétendirent, avecl'approbation des autorités
judiciaires espagnoles, transformer deux d'entre elles en sociétés dedroit
espagnol,alors quepareil changement n'estpas admis par le droit régissant
le statut de ces sociétés;
III
DENIS DE JUSTICE LATO SENSU
Considérant qu'ungrand nombre de décisionsdes tribunaux espagnols
sont entachées d'erreur grossièreet manifeste dans l'application du droit
espagnol, d'arbitraire ou de discrimination, constituant au' regard du
droit international des dénis de justiceIato sensu;
Que notamment :
1) Les tribunaux espagnols ont accepté de connaître de la faillite de la
Barcelona Traction en violation flagrante des dispo~itionsapplicables du
droit espagnol, qui ne permettent pas de déclarer la faillite d'un débiteur
étranger lorsque ce débiteurne possède en territoire espagnol ni son
domicile ni tout au moins un établissement;
2) Ces mêmestribunaux ont déclaréla faillite de la Barcelona Traction
alors que celle-cin'était pasen étatd'insolvabilité, qu'elle n'était pas non
plus en état de cessation de paiements définitif,général et complet,et
qu'elle n'avait pas cessé sespaiements en Espagne; qu'il y avait là une
violation manifeste des dispositions légalesapplicables du droit espagnol,
et en particulier de l'article 876 du code de commerce de 1885;
3) Lejugement du 12février1948a omis d'ordonner la publication de la
faillite par annonce dans la localitédu domicile du failli, ce qui constitue
une violation flagrante de l'article 1044SO,du code de commercede 1829;
4) Les décisions qui refusèrent de respecterle patrimoine distinct des
sociétésfilialeset sous-filialesde la Barcelona Traction,en étendant àleurs
biens la saisierésultantde la faillite de la sociétémère tn méconnaissantcial establishment in Spain, nor possessing any property or carrying on
any business there, usurped a power of jurisdiction which was not theirs
in international law;
Considering that the territorial limits of acts of sovereignty were pat-
ently disregarded in the measures of enforcement taken in respect of
property situated outside Spanishterritory without the concurrence of the
competent foreign authorities;
Considering that there was, namely, conferred upon the bankruptcy
authorities, through the artificial device of mediate and constructive
civilpossession, the power to exercise in Spain the rights attaching to the
shares located in Canada of several subsidiary and sub-subsidiary com-
panies on which, with the approval of the Spanish judicial authorities,
they relied for the purpose of replacing the directors of those companies,
modifying their terrns of association, and cancellingtheir regularly issued
shares and replacingthem with others which they had printed in Spain and
deliveredto Fecsa at the time of the sale of the bankrupt company's pro-
perty, without there having been any effort to obtain possession of the
real shares in a renular way:
Considering th$ that disregard is the more flagrant in that three
of the subsidiarieswerecampanies under Canadian lawwiththeir reaistered
offices in Canada and thai the bankruptcy authorities purporte:, with
the approval of the Spanish judicial authorities, to transform two of
them into Spanish companies, whereas such alteration is not permitted
by the law governing the status of those companies;
III
DENIAL SF JUSTICE LATOSENSU
Considering that a large nurnber of decisions of the Spanish courts are
vitiated by gross and manifest error in the application of Spanish law,
by arbitrariness or discrimination, constituting in international law de-
nials of justice latsensu;
Considering that in particular-
(1)The Spanishcourts agreed to entertain the bankruptcy of Barcelona
Traction in flagrant breach of the applicable provisions of Spanish law,
which do not permit that a foreign debtor should be adjudged bankrupt
if that debtor does not have his domicile, or at least an establishment, in
Spanish territory ;
(2) Those same courts adjudged Barcelona Traction bankrupt whereas
that Companywas neither in a state of insolvency nor in a state of final,
general and complete cessation of payments and had not ceased its pay-
ments in Spain, this being a manifest breach of the applicable statutory
provisions of Spanish law, in particular Article 876 of the 1885Commer-
cial Code;
(3) The judgment of 12 February 1948 failed to order the publication
of the bankruptcy by announcement in the place of domicile of the bank-
rupt, which constitutes a flagrant breach of Article 1044 (5) of the 1829
Commercial Code;
(4) The decisions failing to respect the separate estates of Barcelona
Traction's subsidiaries and sub-subsidiaries, in that they extended to
their property the attachment arising out of the bankruptcy of the parentainsi la personnalité juridique propre des sociétés filialeset sous-filiales,
pour l'unique motif que toutes leurs actions appartiendraient à la Barcelona
Traction ou à l'une de ses filiales, ne reposent sur aucune base légaleen
droit espagnol, sontpurement arbitraires et comportent en toute hypothèse
une violation flagrante de l'article 35 du code civil, des articles 116 et 174
du code de commerce de 1885 (pour ce qui concerne les sociétésde droit
espagnol) et de l'article 15 de ce mêmecode (pour ce qui concerne les
sociétésde droit canadien), ainsi quede l'article 1334de la loi de procédure
civile;
Si le patrimoine des fiiliales et des sous-filiales avait pu êtreenglobé
dans celui de la Barcelona Traction - quod non -, il eût fallu appliquerà
cette société lerégime spéciianlstituépour lecas de cessation de paiements
de sociétésde servicepublic par les dispositions impératives desarticles 930
et suivants du code de commerce de 1885,ainsi que par les lois des 9 avril
1904et 2janvier 1915,ce qui ne fut pas fait;
5) Les décisions judiciaires qui ont conféréaux organes de la faillite la
possession fictive (sous la qualification de (possession médiate et civilis-
sime ») des titres de certaines sociétésfilialeset sous-filiales,ne reposent sur
aucune base légaledans le droit espagnol de la faillite et sont purement
arbitraires; ellescomportent en outreune violation flagrante non seulement
duprincipe généralreconnu par le droit espagnol comme par la plupart des
autres droits, selon lequel nul ne peut exercer les droits incorporés dans
des titres négociablessans avoir la disposition des titres eux-mêmes, mais
aussi des articles 1334 et 1351 de la loi de procédure civile, ainsi que de
l'article 1046du code de commerce de 1829,qui exigent que les organes de
la faillite procèdentà l'appréhension matérielle des biensdu failli;
6) L'octroi au commissaire, par le jugement déclaratif de faillite, du
pouvoir de procéder àla révocation, à la destitution eà la nomination des
membres du personnel, employés et gérants, des sociétésdont toutes les
actions appartenaient à la Barcelona Traction ou à l'une de ses filiales, ne
repose sur aucune bases légaleendroit espagnol et constitue une violation
grossière des dispositions légales mentionnées sub 4), premier alinéa, ci-
dessus, et, en outre, de I'article 1045du code de commerce de 1829;
7) Les tribunaux espagnols ont approuvé ou toléréque les syndics se
constituent enprétendueassembléegénérald eedeux sociétésfilialesde droit
canadien, et qu'à ce titre ils les transforment en sociétésde droit espagnol,
méconnaissant ainsi gravement la règle consacréepar l'article 15 du code
de commerce de 1885selon laquelle le statut et le fonctionnement interne
des sociétésétrangèressont régis enEspagne par la loi de leur constitution;
8) Les tribunaux espagnols ont approuvé ou toléréque les syndics se
constituent en prétenduesassembléesgénérales eq tu'à ce titre ils modifient
les statuts des sociétésEbro, Catalonian Land, Unibn Eléctrica de Cata-
lufia, Electricista Catalana, Barcelonesaet Saltos del Segre, annulent leurs
titres et émettentdes titres nouveaux; ils ont ainsi manifestement violétant
l'article 15du code de commerce de 1885 (à l'égard des deux sociétéd se
droit canadien) que les articles 547 et suivants du mêmecode, lesquels ne
permettent l'émissionde duplicata que dans les conditions qu'ils déter-
minent; ils ont également gravementméconnules clauses des Trust Deeds
relatives au droit de vote, au mépris flagrant de la règlenon contestéeducompany, and thus disregarded their distinct legal personalities, on the
sole ground that al1 their shares belonged to Barcelona Traction or one
of its subsidiaries, had no legal basis in Spanish law, were purely arbitrary
and in any event constitute a flagrant breach of Article 35 of the Civil
Code, Articles 116 and 174 of the 1885 Commercial Code (so far as the
Spanish companies are concerned) and Article 15 of the same Code (so
far as the Canadian companies are concerned), as well as of Article 1334
of the Civil Procedure Code;
If theestates of the subsidiaries and sub-subsidiaries could have been
included in that of Barcelona Traction-quod non-, it would have
been necessary to apply to that company the special régime established
by the imperative provisions of Articles 930et seq. of the 1885Commercial
Code and the Acts of 9 April 1904and 2 January 1915for the event that
public-utility companies cease payment, and this was not done;
(5) The judicial decisionswhich conferred on the bankruptcy authorities
the fictitious possession (termed "mediate and constructive civil posses-
sion") of the shares of certain subsidiary and sub-subsidiary companies
have no statutory basis in Spanish bankruptcy law and were purely ar-
bitrary; they comprise moreover a flagrant breach not only of the general
principle recognized in the Spanish as in the majority of other legal
systems to the effect that no person may exercise the rights embodied
in negotiable securities without having at his disposa1 the securitieshem-
selves but also of Articles 1334 and 1351 of the Civil Procedure Code
and Article 1046 of the 1829 Commercial Code, which require the bank-
ruptcy authorities to proceed to the material apprehension of the bank-
rupt's property;
(6) The bestowal on the commissioner by the bankruptcy judgment
of power to proceed to the dismissal, removal or appointment of members
of the staff, employees and management, of the companies al1 of whose
shares belonged to Barcelona Traction or one of its subsidiaries had no
statutory basis in Spanish law and constituted a gross violation of the
statutory provisions referred to under (4), first sub-paragraph, above
and also of Article 1045of the 1829Commercial Code;
(7) The Spanish courts approved or tolerated the action of the trustees
in setting themselves up as a purported general meeting of the two Cana-
dian subsidiaries and in transforming them, in that capacity, into com-
panies under Spanish law, thus gravely disregarding the rule embodied
in Article 15 of the 1885 Commercial Code to the effect that the status
and interna1 functioning of foreign companies shall be governed in Spain
by the law under which they were incorporated;
(8) The Spanish courts approved or tolerated the action of the trustees
in setting themselves up as purported general meetings and modifying,
in that capacity, the terms of association of the Ebro, Catalonian Land,
Union Eléctricà de Cataluïia, Electricista Catalana, Barcelonesa and
Saltos del Segre companies, cancelling their shares and issuing new
shares; they thus committed a manifest breach of Article 15 of the 1885
Commercial Code (so far as the two Canadian companies were concerned)
and Articles 547 et seq. of the same code, which authorize the issue of
duplicates only in the circumstances they specify; they also gravely
disregarded the clauses of the trust deeds concerning voting-rights, indroit espagnol selon laquelle lesactes accomplis et les conventions con-
clues valablement par le failli avant la date de cessation de paiements
telle qu'elle résulte des décisions judiciaires conservent leurs effeetts leur
force obligatoire a l'égard desorganes de la faillite (articles 878et suivants
du code de commerce de 1885);
9) Les tribunaux espagnols ont décidé à la fois de ne pas avoir égardà
la personnalité juridique distinctedes sociétés filialst sous-filiales(pour
justifier la saisie de leurs biens.enEspagne et leur inclusion dans la masse)
et de reconnaître cette mêmepersonnalité de manière implicite mais
certaine par l'attribution de la possession fictive de leurs titres aux or-
ganes de la faillite, rendant ainsi des décisions entachées d'unecontra-
diction interne évidente, révélatrice de leur caractère arbitraire et dis-
criminatoire;
10) L'assemblée générale des créancie ds 19 septembre 1949 appelée
anommer lessyndicss'esttenue, avecl'approbation desautoritésjudiciaires
espagnoles, en violation flagrante des articles 300 et 1342de la loi depro-
cédurecivile, 1044, 3",1060, 1061et 1063 du code de commerce de 1829,
en ce que: a) elle n'a pas été convoquéeau vu de la liste des créanciers;
b) quand cette liste a ététablie, ellenel'apas étéd'aprèsce qui résulte du
bilan ou des livreset documents de la société failliec,eslivreset documents
n'étant pas,de l'aveu du Gouvernement espagnol lui-même, en possession
du commissaire à la date du 8 octobre 1949et les autoritésjudiciaires
n'ayant envoyé, à aucun moment, une commission rogatoire a Toronto
(Canada) pour qu'ils soientmis à la disposition dudit commissaire;
11) En autorisant la vente des biens de la société failliealors que la
déclarationde faillite n'avait pas acquis un caractèreirrévocableet que la
procédureétaitsuspendue, les tribunaux espagnols ont violé,de manière
flagrante, tant les articles 919, 1167, 1319et 1331 de la loi de procédure
civile que les principes générauxdu droit de la défense;
Dans la mesure où cette autorisation sefondait sur le caractère préten-
dument périssable des biens à vendre, elle méconnaissait gravement
l'article 1055 du code de commerce de 1829 et l'article 1354 de la loi de
procédurecivile,qui permettent seulementde vendre des biens meublesqui
nepourraient seconserversanssedétériorer ou secorrompre;qu'à supposer
même - quod non - que ces dispositions pussent êtreappliquées glo-
balement aux biens de la Barcelona Traction, de ses filialeset de ses sous-
filiales, encore auraient-elles étévioléesde manièreflagrante et grossière,
l'ensemble de ces biens n'étant manifestement pas menacé d'un péril
imminent de grave dépréciation;qu'en effet,les seuls périlsinvoquéspar
les syndics, a savoir ceux résultant des menaces de poursuites contenues
dans la déclaration conjointe, ne s'étaient concrétiséen s,i au jour de la
demande d'autorisation de la vente, ni au jour de la vente, par aucune
procédure ou réclamation des autorités compétentes etne se réalisèrent
jamais, sinon dans une mesure insignifiante;
La seule sanction que les entreprises eurent finalement à supporter
quinze mois après la vente fut celle relative au délitmonétaire, qui avait
donnélieu dèsavril 1948 a un embargo pour un montant très supérieur;
12) L'autorisation de vendre et la vente, en tant qu'ellesportaient sur
les actions des sociétés filialeset sous-filiales sans livraison des titres,
constituaient une violation flagrante des articles 1461et 1462du code civilflagrant contempt of the undisputed rule of Spanish law to the effect that
acts performed and agreements concluded validly bythe bankrupt before
thedate of the cessation of payments as deterrninedin thejudicial decisions
shall retain their effects and their binding force in respect of the bank-
ruptcy authorities (Articles 878 et seq. of the 1885 Commercial Code);
(9) The Spanish courts decided at one and the same time to ignore
the separate legal personalities of the subsidiary and sub-subsidiary
companies (so as to justify the attachment of their property in Spain and
their inclusion inthe bankrupt estate) and implicitly but indubitably to re-
cognize those same personalities by the conferring of fictitious possession
of their shares on the bankruptcy authorities, thus giving decisions
which were vitiated by an obvious self-contradiction revealing their
arbitrary and discriminatory nature;
(10) The general meeting of creditors of 19 September 1949 convened
for the purpose of appointing the trustees was, with the approval of the
Spanish judicial authorities, held in flagrant breach of Articles 300 and
1342 of the Civil Procedure Code, and 1044 (3), 1060, 1061and 1063
of the 1829Commercial Code, in that (a)it was not convened on cogniz-
ance of the list of creditors;(6) when that list was prepared, it was not
drawn up on the basis of particulars from the balance-sheet or the books
and documents of the baakrupt company, which books and documents
were not, as the Spanish Government itself admits, in the possession of
the comrnissioner on 8 October 1949, while the judicial authorities had
not at any time sent letters rogatory to Toronto, Canada, with the request
that they be put at his disposal;
(11) By authorizing the sale of the property of the bankrupt company
when the adjudication in bankruptcy had not acquired irrevocability
and while the proceedings were suspended, the Spanish courts flagrantly
violated Articles 919, 1167, 1319and 1331 of the Civil Procedure Code
and the general principles of the right of defence;
In so far as that authorization was based on the allegedly perishable
nature of the property to be sold, it constituted a serious disregard of
Article 1055 of the 1829Commercial Code and Article 1354 of the Civil
Procedure Code, which articles allow the sale only of movable property
which cannot be kept without deteriorating or spoiling; even supposing
that those provisions could be applied in general to the property of Bar-
celona Traction, its subsidiaries and sub-subsidiaries-quod non-, there
would still have been a gross and flagrant violation of them, inasmuch as
that property as a whole was obviously not in any imminent dangerof
serious depreciation; indeed théonly dangers advanced by the trustees,
namely those arising out of the threats. of prosecution contained in the
Joint Statement, had not taken shape, either by the day on which autho-
rization to sel1was requested or by ihe day of the sale, in any proceedings
or demand by the competent authorities and did not ever materialize,
except to an insignificaniextent;
The only penalty which the undertakings eventually had to bear, 15
months after the sale, was that relating to the currency offence, which
had occasioned an embargofor a much higher sum as early as April 1948;
(12) The authorization to sel1and the sale, in so far as they related
to the shares of the subsidiary and sub-subsidiary companies without
delivery of the certificates, constituted a flagrant violation of Articlesespagnol, lesquels exigent la livraison de la chose vendue, étant donnéque
les titres remisà l'adjudicataire n'avaient pas étéémis régulièrement et
étaient donc sans valeur légale; si l'autorisation de vendre et la vente
avaient porté,comme le soutient à tort le gouvernement défendeur,sur les
droits afférentsaux actions et obligations ou sur le pouvoir de domination
de la sociétéfaillie sur sesfiliales, ces droits eussent dû êtreévaluéscontra-
dictoirement, à peine de violer de manièreflagrante les articles 1084a 1089
du code de commerce de 1829 et l'article 1358 de la loi de procédure
civile; en tout état de cause, c'est en violation flagrante des dernières
dispositions citées que le commissaire a fixéun prix minimum exagé-
rément basen sefondant surune expertise uniiatérale, cequi, par l'effetdu
cahier des charges, permit au groupe March d'acquérir pour ce prix
minimum les biens mis en vente;
13) En approuvant, le jour mêmeoù il leur fut soumis, le cahier des
charges de la vente, puis en rejetant les recours introduits son sujet, les
autorités judiciaires ont commis une violation flagrante de nombreuses
dispositions d'ordre public du droit espagnol; ainsi, notamment, le cahier
des charges:
a) prévoyait lepaiement des créanciers obligataires, opération comprise,
en vertu de l'article322de la loi de vrocédurecivile. dans la auatrième
section de la faillite, alors queditésection étaittenue en suSpenspar
l'effet reconnu au déclinatoire Boter et qu'aucune exemption à la
suspension n'avait étédemandée ni obtenue par application de l'ar-
ticle 114, alinéa2, de la loi de procédure civile;
b) prévoyait le paiement des créancesobligataires avant qu'elles aient été
vérifiéeset colloauées var l'assemblée générale decsréancierssur avis
des syndics, contrairement aux articles-1101 à 1109 du code de com-
merce de 1829 et aux articles 1266 à 1274, 1286 et 1378 de la loi de
procédure civile;
c) n'imposait, au méprisdes articles 1236, 1240, 1512et 1513de la loi de
procédure civile, aucune consignation ou mise en dépôt du prix à la
disposition du tribunal;
d) donnait aux syndics le pouvoir de reconnaître, déterminer et déclarer
effectifslesdroits des obligations, au mépris,unepart, desarticles 1101
à 1109 du code de commerce de 1829et des articles 1266 à 1274 de la
loi de procédure civile qui réservent ces droitsà l'assemblée générale
des créanciers sous lecontrôle du juge, et, d'autre part, des articles 1445
et 1449 du code civil qui prescrivent que le prix de la vente doit être
certain et ne peut êtrelaissé à l'arbitraire d'une des parties contrac-
tantes;
e) substituait, au mépris des articles 1291 à 1294 de la loi de procédure
civile, l'adjudicataire aux syndics pour le paiement des créances obli-
gataires, tandis qu'en violation des principes générauxrelatifs à la
novation, il remplaçait la sûreté de ces créances,constituée en vertu
des Trust Deeds par des actions et obligations émisespar les sociétés
filialeset sous-filiales,par le dépôten banque d'une certaine somme, ou
par une simple garantie bancaire limitée à trois ans; BARCELONA TRACTION(JUDGMENT) 21
1461 and 1462 of the Spanish Civil Code, which require delivery of the
thing sold, seeing that the certificates delivered to the successful bidder
had not been properly issued and were consequently without legal value;
if the authorization to sel1and the sale had applied, as the respondent
Govemment wrongly maintains, to the rights attaching to the shares
and bonds or to the bankrupt company's power of domination over its
subsidiaries,those rights ought to have been the subject of a joint valua-
tion, on pain of flagrant violation of Articles 1084 to 1089 of the 1829
Commercial Code and Article 1358 of the Civil Procedure Code: in any
event, it was in flagrant violation of these last-named provisions that the
commissioner fixed an exaggeratedly low reserve price on the basis of a
unilateral expert opinion which, through the effect of the General Condi-
tions of Sale, allowed the March group to acquire the auctioned property
at that reserve price;
(13) By approving the General Conditions of Sale on the very day
on which they were submitted to them and then disrnissing the proceed-
ings instituted to contest those conditions, the judicial authorities com-
mitted a flagrant violation of numerous ordre pubtic provisions of Spanish
law; thus, in particular, the General Conditions of Sale-
(a) provided for the payment of the bondholder creditors, an operation
which, under Article 1322 of the Civil Procedure Code, falls under
the fourth section of the bankruptcy, whereas that section was
suspended as a result of the effe~ts~attributed to the Boter motion
contesting jurisdiction, no exemption from that suspension having
been applied for or obtained in pursuance of the second paragraph of
Article 114of the Civil Procedure Code;
(6) provided for the payment of the debts owing on the bonds before
they had been approved and ranked by a general meeting of the
creditors on the recommendation of the trustees, contrary to Ar-
ticles1101 to 1109 of the 1829 Commercial Code and to Articles
1266 to 1274, 1286 and 1378 of the Civil Procedure Code;
(c) in disregard of Articles 1236, 1240, 1512and 1513 of the Civil Pro-
cedure Code, did not require the price to be lodged or deposited
at the Court's disposal;
(d) conferred on the trustees power to recognize, determine and declare
effective the rights attaching to the bonds, in disregard, on the one
hand, of Articles 1101 to 1109 of the 1829 Commercial Code and
of Articles 1266 to 1274 of the Civil Procedure Code, which reserve
such rights for the general meeting of creditors under the supervision
of the judge, and, on the other, of Articles 1445 and 1449 of the
Civil Code, which lay down that the purchase price must be a definite
sum and may not be left to the arbitrary decision of one of the
contracting parties;
(e) in disregard of Articles 1291 to 1294 of the Civil Procedure Code,
substituted the successful bidder for the trustees in respect of the
payment of the debts owing on the bonds, whilst, in violation of the
general principles applicable to novation, replacing the security
for those debts, consisting, pursuant to the trust deeds, of shares
and bonds issued by the subsidiary and sub-subsidiary cornpanies,
with the deposit of a certain sum with a bank or with a mere banker's
guarantee limited to three years;f) déléguaità un tiers la fonction de payer certaines créances,au mépris
des articles 1291 et 1292 de la loi de procédure civile qui déterminent
la fonction des syndics dans cedomaine et ne permettent aucune délé-
gation;
g) ordonnait le paiement des créancesobligataires en livres sterling, alors
que l'exécutionforcéene peut avoir lieu qu'en monnaie nationale et
qu'en cas de faillite les diverses opérations qu'elles comportent im-
pliquent la conversion des créances en monnaie nationale au jour du
jugement déclaratifdefaillite, ainsi qu'il sedéduitdes articles 883et 884
du code de commerce de 1885;
Considérantqu'au cours de laprocédurede faillite les droits de la défense
furent gravement méconnus; que notamment:
a) le tribunal de Reus, en prononçant sur simple requête lafaillite de la
Barcelona Traction, inséra dans son jugement des dispositions qui
dépassaient de loin la constatation de la prétendue insolvabilité ou
cessation généralede paiements de la société faillie, seuleconstatation,
en plus de cellede la qualitédes requérants, qui lui fût permise dansune
telle procédure;
Cette méconnaissance des droits de la défensefut particulièrement
flagranteà l'égard des sociétés auxiliairesd,ont le tribunal ordonnait
de saisir les biens sans qu'elles eussent étéassignées et sans qu'elles
fussent déclarées enfaillite;
b) les sociétés auxiliairesainsi directement atteintes par le jugement du
12 février 1948 virent néanmoins rejeter comme non recevables pour
défautde qualitéles recours qu'elles introduisirent pour faire rapporter
l'ordre de saisie les concernant;
c) la poursuite de ces mêmesrecours et l'introduction de tous autres
furent également rendues impossibles aux sociétés auxiliairespar les
désistements auxquelsprocédèrentchaque fois les avoués,nommésen
remplacement des avouésoriginaires par les nouveaux conseils d'ad-
ministration directement ou indirectement mis en cause; ces change-
ments d'avouéset désistementsfurent effectuéspar les nouveaux con-
seils d'administration en vertu d'un mandat qui leur fut donné par le
séquestreprovisoire au moment mêmede leur désignation;
d) les recours des dirigeants des sociétés auxiliaires révoquépsar le com-
missaire furent de même déclarén son recevables par le tribunal de
Reus lorsqu'ils voulurent faire usage de la disposition spécifiquede
l'article 1363de la loi de procédurecivile, ouvrant un recours en réfor-
mation des décisions prisespar les commissaires de faillite;
e) il y eut discrimination de la part du premier juge spécial lorsqu'il
refusa d'admettre comme partie à la faillite la sociétécanadienne Na-
tional Trust Company, Limited, trustee des deux empruntsde la société
faillielibellésenlivressterling,et cebien qu'elle seréclamâtdela garantie
hypothécaire qui lui avait été donnéepar Ebro, alors qu'à la même
époque il admettait à la procédure le comité des obligataires désigné(j) delegated to a third party the function of paying certain debts,
in disregard of Articles 1291 and 1292 of the Civil Procedure Code,
which define the functions of the trustees in this field and do not
allow of any delegation;
(g) ordered the payment of the debts owing on the bonds in sterling,
whereas a forced execution may only be carried out in local currency
and in the case of bankruptcy the various operations which it includes
require the conversion of the debts into local currency on the day
of the judgment adjudicating bankruptcy, as is to be inferred from
Articles 883 and 884 of the 1885 Commercial Code;
Considering that in the course of the bankruptcy proceedings the
rights of the defence were seriously disregarded; that in particular-
(a) the Reus court, in adjudicating Barcelona Traction bankrupt on
an ex parte petition, inserted in its judgment provisions which went
far beyond finding the purported insolvency of or a general cessation
of payments by the bankrupt Company, the only finding, in addition
to one on the capacity of the petitioners, that it was open to it to
make in such proceedings;
Thisdisregard of the rights of the defence was particularly flagrant
in respect of the subsidiary companies, whose property was ordered
by the court to beattached without their having been summonsed and
without their having been adjudicated bankrupt;
(b) the subsidiary companies that were thus directly affected by the
judgment of 12 February 1948 nevertheless had their applications
to set aside the order for attachment which concemed them rejected
as inadmissible on the grounds of lack of capacity;
(c) the pursuit of those remedies and the introduction of any other
such proceedings were also made impossible for the subsidiary
companies by the discontinuances effected each time by the solicitors
appointed to replace the original solicitors by the new boards of
directors directly or indirectly involved; these changes of solicitors
and discontinuances were effected by the new boards of directors
by virtue of authority conferred upon them by the interim receiver
simultaneously with their appointment;
(d) the proceedings for relief brought by those in control of the subsidiary
companies who had been dismissed by the commissioner were like-
wise held inadmissible by the Reus court when they sought to avail
themselves of the specific provisions of Article 1363 of the Civil
Procedure Code, which provide for proceedings to reverse decisions
taken by the commissioner in bankruptcy ;
(e) there was discrimination on the part of the first special judge when
he refused to admit as a party to the bankruptcy the Canadian Na-
tional Trust Company, Limi.ted, trustee for the bankrupt company's
two sterling loans, even though it relied upon the security of the
mortgage which had been given to it by Ebro, whereas at the same
time he admitted to the proceedings the Bondholders' Committee par Juan March, bien que National Trust et le comité tinssent leurs
pouvoirs des mêmes Trust Deeds;
f) les griefs contre le cahier des charges ne purent êtreni développésni
débattus, parce que l'ordonnance qui avait approuvé le cahier des
charges fut considéréecomme de simple routine;
Considérant que de nombreuses années s'écoulèrentaprès le jugement
de faillite et mêmeaprès la vente ruineuse des avoirs du groupe de la
Barcelona Traction, sans que ni la société faillieni les coïntéressésaient
eu la possibilité de se faire entendre sur les nombreux grief formulés
contre le jugement de faillite et les décisions connexes dans l'opposition
du 18juin 1948et dans divers autres recours;
Que ces retards furent causéspar le déclinatoire de juridiction fraudu-
leusement introduit par un comparse des requérants a la faillite et par des
incidents émanant d'autres hommes de paille du groupe March, lesquels
furent, comme le déclinatoire, constamment accueillis par les diverses
juridictions;
Que tant le droit international généralque le traité hispano-belge de
1927assimilent de tels retards à un refus d'audience;
Considérant que l'injustice manifeste résultant de l'acheminement de la
procédure vers la vente tandis que les recours relatifs à la régularitédu
jugement de faillite et même à la compétencejuridictionnelle destribunaux
espagnols demeuraient suspendus, fut réaliséepar les deux arrêtsrendus
par la mêmechambre de la cour d'appel de Barcelone le mêmejour,
7juin 1949; que dans l'un elle confirma l'admission à deux effets de l'appel
par Boter du jugement du juge spécialqui avait rejetéson déclinatoire;
que dans l'autre elle réduisitl'effetsuspensif accordé à ce mêmeappel en
distrayant de la suspension la co~ivocation de l'assemblée générale des
créanciers en vuede la nomination des syndics;
Considérant que les actes et omissions contraires au droit internationai
imputésaux organes de 1'Etat espagnol ont eu pour effet de dépouiller la
sociétéBarcelona Traction de la totalitédeson patrimoine et de lui enlever
l'objet mêmede son activité; qu'ils l'ont ainsi pratiquement détruite;
Que les ressortissants belges, personnes physiques et morales, action-
naires de la Barcelona Traction, dans laquelle ils occupaient une position
majoritaire et dirigeante, et notamment la sociétéSidro, propriétaire de
plus de 75% du capital social, ont subi de ce fait une atteinte directe et
immédiate a leurs intérêtset à leurs droits, qui se sont trouvés vidés de
toute valeur et de toute efficacité;
Que la réparation due a 1'Etat belge par 1'Etat espagnol, a la suite des
actes internationalement illicites dont ce dernier Etat est responsable, doit
êtrecomplète et se calquer autant que possible sur le dommage souffert
par les ressortissants pour lesquels 1'Etat belge a pris fait et cause; que,
la restitutiin integrum étant, dans les circonstances de la cause, pratique- BARCELONA TRACTION(JUDGMENT) 23
appointed by Juan March, although National Trust and the Com-
mittee derived their powers from the same trust deeds;
(f) the complaints against the General Conditions of Sale could be
neither amplified nor heard because the order which had approved
the General Conditions of Sale was deemed to be one of mere routine:
Considering that many years elapsed after the bankruptcy judgment
and even after the ruinous sale of the property of the Barcelona Traction
group without either the bankrupt company or those CO-interestedwith
it having had an opportunity to be heard on the numerous complaints
put forward against the bankruptcy judgment and related decisions in
the opposition of 18 June 1948 and in various other applications for
relief;
Considering that those delays were caused by the motion contesting
jurisdiction fraudulently lodged by a confederate of the petitioners in
bankruptcy and by incidental proceedings instituted by other men of
straw of the March group, which were, like the motion contesting juris-
diction, regularly admitted by the various courts;
Considering that both general international law and the Spanish-
Belgian Treaty of 1927regard such delays as equivalent to the denial of a
hearing ;
Considering that the manifest injustice resulting from the movement
of the proceedings towards the sale, whilst the actions contesting the
bankruptcy judgment and even the jurisdiction of the Spanish courts
remained suspended, was brought about by two judgments delivered
by the same chamber of the Barcelona court of appeal on the same day,
7 June 1949: in one of them it confirmed the admission, with two effects,
of the Boter appeal from the judgment of the special judge rejecting his
motion contesting jurisdiction, whereas in the other it reduced the sus-
pensive effect granted to that same appeal by excluding from the sus-
pension the calling of the general meeting of creditors for the purpose of
appointingthe trustees in bankruptcy;
Considering that the acts and omissions contrary to international
law attributed to the organs of the Spanish Statehad the effect of despoil-
ing the Barcelona Traction company of the whole of its property and of
depriving it of the very objects of its activity, and thus rendered it practi-
cally defunct ;
Considering that Belgian nationals, natural and juristic persons, share-
holders in Barcelona Traction, in which they occupied a majority and
controlling position, and in particular the Sidro company, the owner
of more than 75 per cent. of the registered capital, on this account suffered
direct and immediate injury to their interests and rights, which were
voided of al1value and effectiveness;
Considering that the reparation due to the Belgian State from the
Spanish State, as a result of the internationally unlawful acts for which
thelatterState isresponsible, must be complete and must, sofar aspossible,
reflect the damage suffered by its nationals whose case the Belgian State
has taken up; and that, since restitutio in integruis, in the circumstancesment et juridiquement impossible, la réparation du dommage souffert ne
peut avoir lieu que sous la forme d'une indemnité pécuniaire globale,
conformément aux dispositions du traité hispano-belge de 1927 et aux
règlesdu droit international général;
Considérant qu'en l'espèce lemontant de l'indemnité doit êtrefixéen
prenant comme base la valeur nette du patrimoine de la sociétéBarcelona
Traction au moment de sa mise en faillite, expriméeen monnaie demeurée
stable,à savoir le dollar américain;
Que la valeur de ce patrimoine peut êtredéterminéepar le coût de
remplacement des installations de production et de distribution d'électri-
citéau 12 février 1948 des sociétésfiliales et sous-filiales tel que ce coût
a été calculépar les ingénieursde la sociétéEbro en 1946;
Que d'après ces calculs, et après déduction de la dépréciationdue à
l'usure du matériel, la valeur des installations était à cette date de
116220 000 dollars E.U.; il y a lieu de diminuer ce montant de celui de la
dette obligataire de la Barcelona Traction en principal et intérêts échus,
soit 27 619 018 dollars E.U., ce qui laisse une valeur nette d'environ
88 600000 dollars E.U.; que ce résultat est confirmé:
1) par l'étude adresséele 5 février1949 au nom de 1'Ebro à la déléga-
tion technique spéciale pour la régulation et la distribution d'énergie
électrique(zone de Catalogne) (document nouveau belge no 50);
2) par la capitalisation des bénéficesréalisés aucours de l'année 1947;
3) par le bénéficeréalisépar Fecsa en 1956 - première année depuis
1948 où la situation des entreprises d'électricités'est trouvée pleinement
stabilisée et dernière année avant que les transformations apportées par
Fecsa à l'entreprise ne fissent obstaclà toute comparaison utile;
4) par les travaux des experts consultés par le Gouvernement belge;
Que l'indemnité due au Gouvernement belge doit être estimée, en
principal, au pourcentage de cette valeur nette correspondant à la partici-
pation des ressortissants belges dans le capital de la société Barcelona
Traction. soit 88%.
~u'en'effet, auxdates critiques du jugement de faillite et de l'introduc-
tion de la rea.ête.,le ca~ital de la Barcelona Traction était représenté
par 1798 854 actions, enApartieau porteur et en partie nominatiGes; que
le 12 février 1948 la Sidro possédait 1012 688 actions nominatives et
349905 actions au porteur; que d'autres ressortissants belges possédaient
420 actions nominatives et au moins 244 832 actions au porteur; que
1607 845 actions se trouvaient donc à cette date en mains belges, soit
89,3% du capital de la société, et que le 14 juin 1962 la Sidro possédait
1354 514 actions nominatives et 31 228 actions au porteur; que d'autres
ressortissants belges possédaient 2388 actions nominatives et au moins
200 000 actions au porteur; que 1588 130 actions se trouvaient donc à
cette date en mains belges, soit 88% du capital de la société;
Que l'indemnité demandéedoit couvrir, en outre, tous les préjudices
accessoires subis par lesdits ressortissants belges par suite des actes incri-
minés,en ce compris la privation de jouissance, les frais exposéspour la
défensede leurs droits et l'équivalent,en capital et intérêt,du montant des
obligations Barcelona Traction détenues par des ressortissants belges,
ainsi que de leurs autres créancesà charge des sociétésdu groupe, dont le BARCELONA TRACTION (JUDGMENT) 24
of the case, practically and legally impossible, the reparation of the dam-
age suffered can only take place in the form of an all-embracing pecu-
niary idernnity, in accordance with the provisions of the Spanish-Belgian
Treaty of 1927and with the rules of general international law;
Considering that in the instant case the amount of the indemnity
must be fixed by taking as a basis the net value of the Barcelona Traction
company's property at the time of its adjudication in bankruptcy, ex-
pressed in a currency which has remained stable, namely the United States
dollar;
Considering that the value of that property must be determined by
the replacement cost of the subsidiary and sub-subsidiary companies'
plant for the production and distribution of electricity at 12 February
1948,as that cost was calculated by the Ebro company's engineersin 1946;
Considering that, according to those calculations, and after deduction
for depreciation through Wear and tear, the value of the plant was at
that date U.S. $116,220,000; from this amount there must be deducted
the principal of Barcelona Traction's bonded debt and the interest that
had fallen due thereon, that is to Say, U.S. $27,619,018, which leaves
a net value of about U.S. $88,600,000,this result beingonfirmed-
(1) by the study submitted on 5 February 1949and on behalf of Ebro
to the Special Technical Office for the Regulation and Distribution of
Electricity (Catalonianregion) (Belgian New Document No. 50);
(2) by capitalization of the 1947profits;
(3) by the profits made by Fecsa in 1956-the first year after 1948 in
which the position of electricity companies was fully stabilized and the
last year before the changes made in the undertaking by Fecsa constituted
an obstacle to any useful comparison;
(4) by the reports of the experts consulted by the Belgian Government;
Considering that the compensation due to the Belgian Government
must be estimated, in the first place, at the percentage ofuch net value
corresponding to the participation of Belgian nationals in the capital
of the Barcelona Traction Company, namely 88 per cent.;
Considering that on the critical dates of the bankruptcy judgment
and the filing of the Application, the capital of Barcelona Traction was
represented by 1,798,854 shares, partly bearer and partly registered; that
on 12 Februar y948 Sidro owned 1,012,688registered shares and 349,905
bearer shares; that other Belgian nationals owned 420 registered shares
and at least 244,832 bearer shares; that 1,607,845 shares, constituting
89.3 per cent. of the company's capital, were thus on that date in Belgian
hands; that on 14 June 1962 Sidro owned 1,354,514registered shares and
31,228 bearer shares; that other Belgian nationals owned 2,388 registered
shares and at least 200,000 bearer shares; and that 1,588,130 shares,
constituting 88 per cent. of the company's capital, were thus on that
date in Belgian hands;
Considering that the compensation claimed must in addition cover al1
incidental damage suffered by the said Belgian nationals as a result of the
acts complained of, including the deprivation ofenjoyment of rights, the
expenses incurred in the defence of their rights and the equivalent, in
capital and interest, of the amount of the Barcelona Traction bonds held
by Belgian nationals, and of their other claims on the companies in therecouvrement n'a pu avoir lieu par suite des actes dénoncés;
Que le montant de ces indemnités, dues a 1'Etat belge du fait d'actes
contraires au droit international imputables à 1'Etat espagnol, ne peut
êtreaffectépar de prétendus griefs de ce dernier contre les personnes
privéesen cause, ces griefs n'ayant au surplus pas fait l'objet d'une de-
mande reconventionnelle devant la Cour;
Considérant que dans son arrêtdu 24 juillet 1964 la Cour a décidé de
joindre au fond la troisième exception préliminaire présentéepar le Gou-
vernement espagnol ;
Que le Gouvernement défendeur dénie à tort au Gouvernement belge
qualitépour agir en la présente instance;
Que la requêtedu Gouvernement belge du 14juin 1962a pour objet la
réparation du dommage causé a un certain nombre de ses ressortissants,
personnes physiques et personnes morales, en leur qualité d'actionnaires
de la société BarcelonaTraction, Light and Power Company, Limited, par
le comportement contraire au droit international de divers organes de
1'Etat espagnol à l'égardde cette société etde diverses autres sociétés de
son groupe;
Quele Gouvernement belge a établique 88% du capital de la Barcelona
Traction se trouvaient en mains belges aux dates critiques du 12 février
1948et du 14juin 1962et le sont restésde façon continue entre ces dates;
qu'une seulesociété beigel,a Sidro,possédait plus de 75% des actions; que
la nationalité belge de cette sociétéet le caractère effectif de sa nationalité
n'ont pas étécontestéspar le Gouvernement espagnol;
Que le fait que les actions nominatives dans la Barcelona Traction
possédéespar la Sidro étaientenregistréesau Canada au nom de nominees
américainsn'affectepas leur caractère belge; qu'en l'espèce,aux termesdes
législations applicables, lnominee ne pouvait exercer les droits attachés
aux titres inscrits en son nom que comme agent (mandataire) de Sidro;
Que la prépondérance des intérêtsbelges dans la sociétéBarcelona
Traction était bien connue des autoritésespagnoles aux différentesépoques
où sesontproduits les agissements qui leur sont reprochéset a étéexpressé-
ment reconnue par elles en plus d'une occasion;
Que la protection diplomatique dont a bénéficié pendant un temps la
sociétéde la part de son gouvernement national a cesséen 1952,bien avant
le dépôtde la requêtebelge, et n'a jamais été reprisedepuis;
Qu'en privant les organes statutaires désignéspar les actionnaires de la
Barcelona Traction de leur pouvoir de contrôle à l'égardde ses filiales, ce
qui a enlevé à la sociétél'objet mêmede son activité, et en la dépouillant
de l'intégralité deson patrimoine, les actes et omissions contraires au
droit international imputés aux autorités espagnoles ont pratiquement
détruit cette société etporté atteinte directement et immédiatement aux
droits et intérêts attachéà la situation juridique d'actionnaire telle que legroup which it was not possible to recover owing to the acts complained
of;
Considering that the amount of such compensation, due to the Belgian
State on account of acts contrary to international law attributable to the
Spanish State, cannot be affected by the latter's purported charges against
the private persons involved, those charges furthermore not having formed
the subject of any counterclaim before the Court;
Considering that in its Judgment of 24 July 1964 the Court decided
to join to the merits the third preliminary objection raised by the Spanish
Government ;
Considering that the respondent Government wrongly denies to the
Belgian Government jus stand ithe present proceedings ;
Considering that the object of the Belgian Government's Application
of 14 June 1962is reparation for the damage caused to a certain number
of its nationals, natural and juristic persons, in their capacity as share-
holders in the Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited,
by the conduct contrary to international law of various organs of the
Spanish State towards that company anci various other companies in its
WJUP;
Considering that the Belgian Government has established that 88 per
cent. of Barcelona Traction's capital was in Belgian hands on the critical
dates of 12February 1948and 14June 1962and so remained continuously
between those dates, that a single Belgian company, Sidro, possessed
more than 75 per cent. of the shares; that the Belgian nationality of that
company and the effectiveness of its nationality have not been challenged
by the Spanish Government;
Considering that the fact that the Barcelona Traction registered shares
possessed by Sidro were registered in Canada in the name of American
nominees does not affect their Belgian character; that in this case, under
the applicable systerns of statutory law, the nominee could exercise the
rights attaching to the shares entered in its name only as Sidro's agent;
Considering that the preponderence of Belgian interests in the Barcelona
Traction company was well known to the Spanish authorities at the dif-
ferent periods in which the conduct complained of against them occurred,
and has been explicitly admitted by them on more than one occasion;
Considering that the diplomatic protection from which the company
benefited for a certain time on the part of its national Government ceased
in 1952, well before the filing of the Belgian Application, and has never
subsequently been resumed;
Considering that by depriving the organs appointed by the Barcelona
Traction shareholders under the company's terms of association of their
power of control in respect of its subsidiaries, which removed from the
company the very objects of its activities, and by depriving it of the whole
of its property, the acts and omissions contrary to international law at-
tributed to the Spanish authorities rendered the company practically
defunct and directly and immediately injured the rights and interestsdroit international la reconnaît; qu'ils ont causé ainsi un grave préjudice
aux actionnaires belgesde la sociétet vidéde tout contenu utile les droits
qu'ilspossédaienten cette qualité;
Qu'en l'absenced'une réparation accordée à la sociétpour le préjudice
qui lui a étéinflige et dont ils auraient bénéfien mêmetemps qu'elle-
même,les actionnaires belgesde la Barcelona Traction ont donc des droits
et intérêts distincet indépendantsà faire valoir; qu'ils ont effectivement
dû prendre l'initiative et supporter la charge de tous les recours intentés
par l'intermédiairedes organessociauxdevant lestribunaux espagnols;que
la sociétéSidro et d'autres actionnaires belges ont eux-mêmesintroduit
après la ventedes avoirs de la Barcelona Traction des actions dont le rejet
est dénoncépar le Gouvernement belge comme constitutif d'un déni de
justice;
Que le Gouvernement belge a qualité, en application des principes
générauxdu droit international en la matière, pour réclamerpar la voie
judiciaire internationale la réparation du dommage ainsi causéà ses res-
sortissants par les actes et omissionsinternationalement illicites impàtés
1'Etatespagnol;
VI1
EXCEPTIO DE NON-ÉPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNE
Considérant qu'aucune contestation sérieusen'est apparue entre les
Parties quant àlaportéedela règlede droit international repriàl'article 3
du traité de conciliation, de règlementjudiciaire et d'arbitrage, conclu
entre l'Espagneet la BelgiqueIe 19juillet 1927,qui subordonne le recours
aux procédures prévuespar ledit traité à l'utilisation préalable jusqu'à
jugement définitifdesvoiesderecours normales, accessibles,présentantdes
chances sérieusesd'efficacitéet ce dans les limites d'un délairaisonnable;
Considérant qu'enl'espècela Partie défenderesseévalueelle-même à
2736 le nombre des seules ordonnances rendues en la cause par les tri-
bunaux espagnols à la date de la requête belge;
Que la procédure écrite contientd'autre part l'indication de plus de
30 décisions renduespar le Tribunal suprême;
Qu'il n'est pas soutenu que l'ensemble des recours de la Barcelona
Traction et de sescoïntéressés,quiont donnélieu à ces décisions,aientété
inadéquatsou n'aient pas été poursuivis jusqu'à épuisement;
Que cette circonstance suffità faire obstaclà ce que la quatrième ex-
ception puisse êtreadmise comme écartantla demande belge;
Que seulspourraient êtreécartés ceuxdes griefspour lesquels leGouver-
nement espagnol établiraitl'absence ou l'insuffisancedes recours exercés;
Que cette preuve n'est pas rapportée;
1. Quant auxgriefs contre les actes des autorités administratives
Considérant qu'à tort le Gouvernement espagnol soutient que la ré-
clamation belge relative aux décisions d'octobre et décembre1946 viséesattaching to the legal situation of shareholder as it is recognized by inter-
national law; that they thus caused serious damage to the company's
Belgian shareholders and voided the rights which they possessed in that
capacity of al1useful content;
Considering that in the absence of reparation to the Company for the
darnage inflicted on it, from which they would have benefited at the same
time as itself, the Belgian shareholders of Barcelona Traction thus have
separate and independent rights and interests to assert; that they did in
fact have to take the initiativefor and bear the cost of al1the proceedings
brought through the company's organs to seek relief in the Spanish
courts; that Sidro and other Belgian shareholders, after the sale of Bar-
celona Traction's property, themselves brought actions the disrnissal of
which is complained of bythe BelgianGovernment as constituting a denial
of Justice;
Considering that under the generalprinciples of international law in this
field the BelgianGovernmenthas jus standito claim through international
judicial proceedings reparation for the damage thus caused to its nationals
by the internationally unlawful acts and omissions attributed to the
Spanish State;
Considering that no real difference has ernerged between the Parties
as to the scope and significanceof the rule of international law embodied
in Article 3 of the Treaty of Conciliation, Judicial Settlement and Arbitra-
tion concluded between Spain and Belgium on 19July 1927,which rnakes
resort to the procedures provided for in that Treaty dependant on the
prior use, until a judgment with final effect has been pronounced, of the
normal means of redress which are available and which offer genuine
possibilities of effectivenesswithin the limitation of a reasonable time;
Considering that in this case the Respondent itself estimates at 2,736
the number of orders alone made in the case by the Spanish courts as of
the date of the Belgian Application;
Consideringthat in addition thepleadings refer to more than 30decisions
by the Suprerne Court;
Considering that it is not contended that the remedies as a whole of
which Barcelona Traction and its CO-interestedparties availed thernselves
and whichgaveriseto those decisionswereinadequate or werenot pursued
to the point of exhaustion;
Considering that this circurnstance sufficesas a bar to the possibility
d the fourth objection being upheld as setting aside the Belgian clairn;
Considering that the only cornplaints which could be set aside are
those in respect of which the SpanishGovernment proved failure to make
use of means of redress or the insufficiencyof those used;
Considering that such proof has not been supplied;
1. With Respect to the ComplaintsAgainst the Acts of the Administrative
Authorities
Considering that the Spanish Government is wrong in contending
that the Belgian complaint concerning the decisions of October andci-dessussub 1a) ne serait pas recevable à raison du défautpar Barcelona
Traction d'avoir exercécontre elles le recours hiérarchique et le recours
contentieux administratif;
Que le recours hiérarchique ne se concevait pas en l'espèce,étant par
définitioncelui qui peut êtreinterjetécontre la décision d'uneautorité
administrative devant une autre autorité qui lui est hiérarchiquement
supérieure, à savoir le ministre, alors que les décisions incriminées furent
prises avec le concours et l'approbation du ministre lui-même,et même
portéesàla connaissance des intéressép sar le ministre en mêmetemps que
par l'administration compétente;
Que le recours contentieux administratif ne pouvait pas davantage être
envisagécontre une décision qui manifestement n'entrait pas dans la cadre
de l'article 1" de la loi du 22 juin 1894,lequel n'admet un tel recours que
contre les décisions administratives émanant de l'administration dans
l'exercice de ses facultésréglementéeset portant «atteinte à un droit de
caractère administratif établiantérieurementen faveur du demandeur par
une loi, un règlementou un autre précepte administratif »,conditions qui
n'étaient manifestementpas remplies en l'espèce;
2. Quant au grief relatifau défaut de juridiction dutribunal de Reus pour
déclarerlafaillite de Barcelona Traction
Considérantqu'à tort le Gouvernement espagnolprétend tirer argument
du fait que la BarceIona Traction et ses coïntéressésauraient omis de
contester lajuridiction du tribunal de Reus par la voie d'un déclinatoire de
compétence, et laissépasser le délai d'opposition sans avoir contesté cette
juridiction;
Qu'eneffet,la contestation dejuridiction ne seconfond aucunement avec
la contestation de compétence ratione materiae et qu'elle peut êtreré-
gulièrement présentée cumulativement avecles moyens de fond;
Que la société faillie inscrivit cette contestation en têtedes griefs in-
diquésdans son écrit d'oppositiondu 18juin 1948;
Qu'elle dénonça le défaut de juridiction une nouvellefois dans sa
demande de nullitédu 5juillet 1948etdans l'écritdu 3septembre 1948,par
lequel elleconfirma son opposition au jugement de faillite;
Que National Trust présenta un déclinatoire formel de juridictiondans
l'écritpar lequel elle demanda à êtreadmise à la procédure de faillitele
27 novembre 1948;
Qu'enfinla Barcelona Traction, après avoir dès le23avril 1949comparu
à la procédure relative au déclinatoire Boter, déclara formellement se
joindre audit déclinatoirepar écritdu 11avril 1953;
Quela question dejuridiction étantd'ordre public, commela question de
compétence ratione materiae, le reproche de tardiveté ne pourrait être
retenu, mêmeen cas d'expiration du délai d'opposition prétendument
applicable;
3. Quant aux griefs relatifs aujugement defaillite et aux décisions connexes
Considérant qu'à tort le Gouvernement espagnol soutient que lesdites
décisionsn'auraient pasfait l'objet de recours adéquatspoursuivis jusqu'àDecember 1946referred to under 1 (a) above is not admissible on account
of Barcelona Traction's failure to exercise against them the remedies of
appeal to higher authority and contentious administrative proceedings;
Considering that the remedy of appeal to higher authority was incon-
ceivable in this case, being by definition an appeal which may be made
from a decision by one administrative authority to another hierarchically
superior authority namely the Minister, whereas the decisions complained
of were taken with the CO-operationand approval of the Minister himself,
and even brought to the knowledge of those concerned by the Minister
at the same time as by the competent administrative authority;
Considering that it was likewise not possible to envisage contentious
administrative proceedings against a decision which patently did not
fa11within the ambit of Article 1 of the Act of 22 June 1894, which re-
cognizes such a remedy only against administrative decisions emanating
from administrativeauthorities in the exerciseof their regulated powers and
"infringing a right of an administrative character previously established in
favour of the applicant byan Act,a regulation or someotheradministrative
provision", which requirements were patently not satisfied in this case;
2. With Respect to the Cornplaint concerningthe Reus Court's Lack of
Jurisdictionto Declare the Bankruptcyof Barcelona Traction
Considering that the Spanish Government is wrong in seeking to
derive an argument from the fact that Barcelona Traction and its co-
interested parties supposedly failed to challenge the jurisdiction of the
Reus court by means of a motion contesting its competence, and allowed
the time-limit for entering opposition to expire without having challenged
that jurisdiction;
Considering that in fact a motion contesting jurisdiction is not at al1
the same thing as a motion contesting competence ratione materiae and
may properly be presented cumulatively with the case on the merits;
Considering that the bankrupt Company contested jurisdiction at the
head of the complaints set out in its opposition plea of 18June 1948;
Considering that it complained again of lack of jurisdiction in its
application of 5 July 1948for a declaration of nullity and in its pleading
of 3 September 1948 in which it confirmed its opposition to the bank-
niptcy judgment;
Considering that National Trust submitted a forma1 motion contesting
jurisdiction in its application of27 November 1948 for admission to the
bankruptcy proceedings;
Considering that Barcelona Traction, after having as early as 23 April
1949 entered an appearance in the proceedings concerning the Boter
motion contesting jurisdiction, formally declared its adherence to that
motion by a procedural document of 11April 1953;
Considering that the question of jurisdiction being a matter of ordre
public, as is the question of competence ratione materiae, the complaint
of belatedness could not be upheld, even in the event of the expiry of the
allegedly applicable time-limit forentering a plea of opposition;
3. With Respect to the Complaints concerning theBankruptcy Judgment
and Related Decisions
Considering that the Spanish Government is wrong in contending that
the said decisions were not attacked by adequate remedies pursued toépuisementou pendant une duréeraisonnable;
Qu'en effet, dèsle 16février1948,lejugement de faillite fit l'objet d'un
recours en rétractationde la part des sociétés auxiliairesEbro et Barcelo-
nesa;
Que celles-ci,sans doute, limitèrent leurs recours àla partie dujugement
qui leur portait grief, mais que lesdits recours n'en étaient pas moins
adéquatset que leur avortement se produisit dans des conditions qui font
elles-mêmesl'objetd'un grief exposé ci-dessus;
Que, contrairement à ce qui est affirmépar le Gouvernement espagnol,
la société faillieelle-mêmefit opposition du jugement par acte du 18juin
1948,confirméle 3 septembre de la mêmeannée;
Qu'envain le Gouvernement espagnolcritique le caractère sommairede
cet écrit,alors que la suspensionprononcéepar lejuge spécialà raison du
déclinatoireBoter empêchal'opposante de déposer, suivant l'articl3e26de
la loi de procédurecivile, l'écrit complémentaire développanstes moyens;
Qu'il ne peut davantage êtrequestion de tardiveté, alorsque la publi-
cation dela faillite au domicilede la sociétéfaillieeût seulepu faire courir
le délai d'opposition etque cette publication n'eut pas lieu;
Que le jugement de faillite et les décisions connexes furent du reste
égalementattaqués dans la demande incidente de nullité présentép ear la
Barcelona Traction le 5juillet 1948et développée le 31juillet de la même
année;
4. Quant aux griefsrelatifs au blocagedes recours
Considérant queles diverses décisions qui instaurèrent et prolongèrent
la suspension de la premièresection dela procédurede faillitefirentl'objet,
à diversesreprises,denombreuxrecoursde lapart dela BarcelonaTraction,
à commencer par l'incident de nullitéqu'elle introduisit le 5 juillet 1948;
5. Quant augrief relatif à la révocation dpersonnel dirigeant des sociétés
auxiliaires par ordonnancedu commissaire
Considérant que cette mesure fit également l'objet de demandes de
réformation dela part des intéressés,qui furent déclaréesirrecevablescon-
tre tout droit; que les recours formés'contreces décisionsfurent ajournés
jusqu'en 1963;
6. Quant àl'inobservation de lano-action clause
Considérant que cette clause fut expressémentviséepar la National
Trust dans sa demande d'admission à la procéduredu 27 novembre 1948;
7. Quant aux mesurespréparatoires à la venteet la vente
Considérantque la Partie adverse, tout en reconnaissant implicitement
que des recours adéquats ont été dirigécsontre la nomination des syndics
et l'autorisation de vendre, soutieàttort qu'il enaurait été autrementen
ce qui concerne: the point of exhaustion or for a reasonable length of time;
Considering that in fact, as early as 16 February 1948,the bankruptcy
judgment was attacked by an application for its setting aside on the part
of the subsidiary companies, Ebro and Barcelonesa;
Considering that while those companies admittedly confined their
applications for redress to the parts of the judgment which gave them
grounds for complaint, the said remedies were nonetheless adequate and
they were brought to nought in circumstances which are themselves the
subject of a complaint which has been set out above;
Considering that, contrary to what is asserted by the Spanish Govern-
ment, the bankrupt company itself entered a plea of opposition to the
judgment by a procedural document of 18 June 1948, confirmed on 3
September 1948;
Considering that it is idle for the Spanish Government to criticize the
surnmary character of this procedural document, while the suspension
decreed by the special judge on account of the Boter motion contesting
jurisdiction prevented the party entering opposition from filing, pursuant
to Article 326 ofthe Civil Procedure Code, the additional pleading devel-
oping its case;
Considering that likewise there can be no question of belatedness,
since only publication of the bankruptcy at the domicile of the bankrupt
company could have caused the time-limit for entering opposition to
begin to run, and no such publication took place;
Considering that the bankruptcy judgment and the related decisions
were moreover also attacked in the incidental application for a declara-
tion of nullity submitted by Barcelona Traction on 5 July 1948 and
amplified on 31 July 1948;
4. With Respect to the Complaints concerning the Blocking of the Remedies
Considering that the various decisions which instituted and prolonged
the suspension of the first section of the bankruptcy proceedings were
attacked on various occasions by numerous proceedings taken by Barce-
lona Traction, beginningwith the incidental application for a declaration
of nullity which it submitted on 5 July 1948;
5. With Respect to the Cornplaint concerning the Dismissal of the Oficers
of the Subsidiary Companies by Order of the Commissioner
Considering that this measure was also attacked by applications for
its setting aside on the part of the persons concerned, which were quite
improperly declared inadmissible; and that the proceedings seeking
redress against those decisions were adjourned until 1963;
6. With Respect to the Failure to Observe the No-Action Clause
Considering that this clause was explicitlyreferred to by National Trust
in its application of 27 November 1948for admission to theproceedings;
7. With Respect to the Measures Preparatory to the Sale and the Sale
Considering that the other side, while implicitly admittingthat adequate
proceedings were taken to attack the appointment of the trustees and
the authorization to sel], is wrong in contending that this was supposedly
not so in respect of- 1) l'absence d'établissementde la liste des créanciers préalablement à
la convocation de l'assembléedes créancierspour la nomination des syn-
dics, alors que ce vice fut dénoncédans lerecours attaquantla nomination
des syndics et dans la demande de nullitéde la vente;
2) certains actes et omissions des syndics, alors qu'ilsfurent visésdans
les recours interjetéscontre l'autorisation de vendre et contre la décision
approuvant le système d'évaluationunilatérale des biens;
3) le cahier des charges, alors qu'il a été attaquépar la Barcelona
Traction dans un recours en rétractation et en appel, ainsi que dans la
demande de nullitédu 27 décembre1951 contenant une pétition formelle
de déclaration de nullité de l'ordonnance qui approuvait ledit cahier des
charges et dans une demande du 28 mai 1955 (documents nouveaux du
Gouvernement belge, 1969, no 30); la mêmecontestation fut formuléepar
Sidro dans son action du 7 février1953(documentsnouveaux du Gouver-
nement espagnol, 1969),ainsi que par deux autres actionnaires belges de la
Barcelona Traction, MmeMathot et M. Duvivier, dans leur demande du
26 mai 1955(documents nouveaux du Gouvernement belge, 1969, no29);
8. Quant aux recours exceptionnels
Considérant qu'à tort le Gouvernement espagnol oppose à la demande
belge que la Barcelona Traction n'aurait pas fait usage, contre lejugement
de faillite, de certainsrecours exceptionnels, tels que lerecours en revision,
le recours en responsabilité civile et l'action pénalecontre les juges, ainsi
que du recours en audience;
Que le premier d'entre eux ne pouvait manifestement pas êtreenvisagé,
non seulement àraison de la nature du jugement de faillite, mais encore
parce que ledit jugement demeura jusqu'en 1963 frappé d'opposition, et,
surabondamment, parce que la Barcelona Traction, ses filiales et coïnté-
ressés n'eussentpas étéen mesure d'établir les faits de subornation, vio-
lation ou machination frauduleuse, qui seuls eussent pu donner ouverture
à pareil recours ;
Que les recours en responsabilité civile et action pénale contre lesjuges
n'étaient pas adéquats, vu qu'ils n'étaient pas susceptibles d'entraîner
l'annulation oula réformationdesdécisionsconstitutives dedénisdejustice;
Que de même, lerecours en audience que la loi espagnole accorde au
défaillant n'étaitmanifestement, en l'espèce, ni accessibleà la Barcelona
Traction, ni adéquat ;
PAR CES MOTIFS et tous autres qui ont étédéveloppéspar le Gouver-
nement belge au cours de la procédure,
Plaise à la Cour, rejetant toutes autres conclusions plus amples Ou
contraires de 1'Etatespagnol,
Faire droit aux demandes du Gouvernement belge formulées en con-
clusions [dans] la réplique» (1) The failure to draw up a list of creditors prior to the convening of
the meeting of creditors for the appointment of the trustees, whereas this
defect was complained of in the procedural document attacking the
appointment of the trustees and in the application that the sale be declared
nul1 and void;
(2) Certain acts and omissions on the part of the trustees, whereas
they were referred to in the proceedingstaken to attack the authorization
to sel1and the decision approving the method of unilateral valuation of
the assets;
(3) The conditions of sale, whereas they were attacked by Barcelona
Traction in an application to set aside and on appeal, in the application
of 27 December 1951 for a declaration of nullity containing a forma1
prayer that the order approving the conditions of sale be declared nul1
and void, and in an application of 28 May 1955 (New Documents sub-
mitted by the Belgian Government, 1969, No. 30); the same challenge
was expressed by Sidro in its action of 7 February 1953 (New Docu-
ments submitted by the Spanish Government, 1969) and by two other
Belgian shareholders of Barcelona Traction, Mrs. Mathot and Mr. Duvi-
vier, in their application of 26 May 1955 (New Documents submitted by
the Belgian Government, 1969,No. 29);
8. With Respect to the Exceptional Remedies
Considering that the Spanish Government is wrong in raising as an
objection to the Belgian claim the allegation that Barcelona Traction did
not make use of certain exceptional remedies against the bankruptcy
judgment, such as application for revision, action for civil liability and
criminal proceedings against the judges, and application for a hearing
by a party in default;
Considering that the first of these remedies could patently not be
contemplated, not only on account of the nature of the bankruptcy
judgment, but also because until 1963there was an opposition outstanding
against that Judgment and, superabundantly, because Barcelona Traction,
its subsidiaries and CO-interestedparties would not have been in a position
to prove the facts of subornation, violence or fraudulent machination
which alone could have entitled such proceedings to be taken;
Considering that the remedies of an action for civilliability and criminal
proceedings against the judges were not adequate, since they were not
capable of bringing about the annulment or setting aside of the decisions
constituting denials of justice;
Considering that similarly the remedy of application for a hearing
accorded by Spanish law to a party in default was patently in this case
neither available to Barcelona Traction nor adequate;
FORTHESEREASONS a,nd any others which have been adduced by the
Belgian Government in the course of the proceedings,
May it please the Court, rejecting any other submissions of the Spanish
State which are broader or to a contrary effect,
To uphold the claims of the Belgian Government expressed in the sub-
missions [in] the Reply."
30 Lesconclusionsfinalessuivantesont été présentées
au nom du Gouvernement espagnol,
àl'audience du 22 juille1969:
(Considérant quele Gouvernement belge n'a qualitépour agir dans
la présente affaire, i au titre de la protection de la société canadienne
BarcelonaTraction,niautitre dela protection deprétendus 1actionnairesj)
belgesde ladite société;
Considérantqu'il n'aété satisfait aux exigencesde la règlede I'épui-
sementdesrecoursinternes,nipar la société BarcelonT araction,nipar ses
prétendus «actionnaires );
Considérant qu'aucune violation d'unreègleinternationale obligeant
l'Espagnen'ayant étéétablie, l'Espagne n'a encouru envers 1'Etatde-
mandeur aucune responsabilité à aucun titre; que, notamment:
a) l'Espagnen'estresponsabled'aucuneusurpation decompétence du fait
de l'actionde sesorganesjudiciaires;
b) lesorganesjudiciairesespagnolsn'ont pas violélesrèglesdedroit inter-
national prescrivant d'ouvrir aux étrangerls'accèsaux tribunaux, de
statuer sur leurs demandes et de ne pas soumettreleursrecours à des
délaisinjustifiés;
c) iln'ya pas eud'actesdu pouvoirjudiciaire espagnolpouvant entraîner
la responsabilité internationale del'Espagnedu fait du contenu des
décisionsjudiciaires;
d) il n'ya eu, de la part desautorités administrativeespagnoles,aucune
violation d'une obligation-internationale du fait d'abus dd eroit ou
d'actesdiscriminatoires;
Considérant quepour ces motifs et pour tous autres motifsexposés
dans les écritureset lesplaidoiries,les demandesbelgesdoivent être con-
sidérées comme irrecevablo es non fondées;
Le Gouvernement espagnol présente à la Cour ses conclusionsfinales:
Plaiseà la Cou dire etjuger que lesdemandesdu Gouvernementbelge
sont rejetées»
26. Ainsi qu'il a étéindiqué plus haut, le Gouvernement espagnol a
soulevéquatre exceptions préliminaires à l'encontre de la requêtebelge.
Par arrêt du 24 juillet 1964, la Cour a rejetéles première et deuxième
exceptions préliminaires (voirparagraphe 3) et elle a joint au fond les
troisièmeet quatrième. Selon ces deux dernières,en résumé,le Gouverne-
ment belge n'avait pas qualité pour présenter une demande à raison
d'un dommage causé à une sociétécanadienne, même siles actionnaires
étaient belges, et les recours internes utilisables en Espagne n'avaient
pas étéépuisés.
27. Dans la procédure écriteet orale qui a suivi, les Parties ont fourni
à la Cour une documentation et des explications abondantes touchant
aussi bien les exceptions préliminaires non tranchéesen 1964que le fond
de l'affaire. La Cour considère à ce propos qu'il y a lieu de relever la
longueur inusitée de la présente instance, qui provient des trèslongs The followingfinalsubmissionswerepresented
onbehalfof the Spanish Government,
at the hearing of 22 July 1969:
"Considering that the Belgian Government has no jus standi in the
present case,either for the protection of the Canadian Barcelona Trac-
tion company or for the protection of allegedBelgian 'shareholders'of
that company;
rule have not been satisfiedeither by the BarcelonaTraction company or
byits alleged'shareholders';
Consideringthat as no violation of an international rule binding on
Spain has been established, Spain has not incurred any responsibility
vis-à-visthe applicant State on any account; and that, in particular-
(a) Spainisnot responsiblefor anyusucpationof jurisdictionon account
ofthe action of itsjudicial organs;
(6) the Spanishjudicial organshavenot violatedtherulesofinternational
decision be given on their claims and that their proceedings fort a
redress shouldnot be subjectedto unjustifieddelays;
(c) rise to internationalresponsibilityonthe part of Spainonaccountof
the content ofjudicial decisions;and
(d) therehas notbeenon the part of the Spanishadministrativeauthori-
ties any violation of an international obligation on account of
abuseof rights or discriminatoryacts;
Consideringthat for these reasons, and any others expoundedin the
written and oral proceedings,the Belgianclaims mustbe deemedto be
inadmissibleor unfounded;
The Spanish Government presentsto the Court its final submissions:
May it please the Court to adjudge and declare that the BelgianGo-
vernment'sclaimsare dismissed."
26. As has been indicated earlier, in opposition to the Belgian Applica-
tion the Spanish Government advanced four objections of a preliminary
nature. In its Judgment of 24 July 1964the Court rejected the first and
second of these (seeparagraph 3above), and decided tojoin the third and
fourth to the merits. Thelatter were, briefly, to the effectthat the Belgian
Government lacked capacity to submit any claim in respect of wrongs
done to a Canadian company, even if the shareholders were Belgian, and
that local remedies available in Spain had not been exhausted.
27. In the subsequent written and oral proceedings the Parties supplied
the Court with abundant material and information bearing both on the
preliminary objections not decided in 1964and on the merits of the case.
In this connection the Court considers that reference should be made to
theunusual length of the present proceedings, which has been due to thedélais demandés par les Parties pour la préparation des pièces de la
procédure écriteet du fait qu'elles ont en outre sollicitéde façon répétée
la prorogation de ces délais. La Cour n'a pas cru devoir rejeter ces
demandes et imposer ainsi aux Parties des limitations quantà la prépara-
tion et à la présentation des arguments et moyens de preuve qu'elles
estimaient nécessaires. Elledemeure cependant convaincue que, pour
préserverl'autorité de la justice internationale et dans l'intérêtdeson
bon fonctionnement, les affaires devraient être régléessans retard
injustifié.
28. Par souci de clarté, la Cour résumera la demande et indiquera
lesentitésenjeu. La demande a étéprésenté pour lecompte de personnes
physiques et morales qui seraient ressortissantes belges et actionnaires
de la Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited. Il ressort
clairement des conclusions du Gouvernement belge que l'objet de sa
requêteétait d'obtenir réparation du dommage qui aurait étécausé à
ces personnes par le comportement prétendument contraire au droit
international dediversorganesde 1'Etatespagnol à l'égardde la Barcelona
Traction et d'autres sociétésdu mêmegroupe.
29. Dans la première de ses conclusions, plus spécialementdans le
contre-mémoire, le Gouvernement espagnol a soutenu que la requête
belge de 1962 visait, quoique de façon déguisée, le mêmoebjet que la
requêtede 1958, à savoir la protection de la sociétéBarcelona Traction
comme telle, en tant que personne morale distincte, et que la demande
doit par conséquent êtrerejetée.Or, en soumettant sa nouvelle requête
sous la forme qu'il a choisie, le Gouvernement belge s'est borné à user
de la liberté que possède tout Etat de formuler sa demande comme il
l'entend. La Cour est donc tenue d'examiner la demande eu égard au
contenu que le Gouvernement belge lui a explicitement donné.
30. Les Etats que la présenteaffaire concerne principalement sont la
Belgique,Etat national despersonnes qualifiéesd'actionnaires, l'Espagne,
Etat dont les organes auraient commis les actes illicites incriminés,et le
Canada, Etat selon les lois duquel la Barcelona Traction a été constituée
et sur le territoire duquel elle a son siège (registered ofice ou, selon
l'expression employéedans les statuts de la société,headofice).
31. La Cour a ainsi à examiner une sériede problèmesrésultant d'une
relation triangulaire entre'Etatdont des ressortissants sont actionnaires
d'une sociétéconstituée conformémentaux lois d'un autre Etat sur le
territoire duquel ellea son siège,Etatdont des organes auraient commis
contre la société desactes illicites préjudiciablestantà la sociétéqu'à
ses actionnaires, et'Etatselon les lois duquel la société s'estconstituée
et sur le territoire duquel elle a son siège.very long time-limits requested by the Parties for the preparation of their
written pleadings and in addition to their repeated requests for an ex-
tension of these limits. The Court did not find that it should refuse these
requests and thus impose limitations on the Parties in the preparation and
presentation of the arguments and evidence which they considered
necessary. It nonetheless remains convinced of the fact that it is in the
interest of the authority and proper functioning of international justice
for cases to be decided without unwarranted delay.
28. For the sake of clarity, the Court will briefly recapitulate the
claim and identify the entities concerned in it. The claim is presented on
behalf of natural and juristic persons, alleged to be Belgian nationals and
shareholders in the Barcelona Traction, Light and Power Company,
Limited. The submissions of the Belgian Government make it clear that
the object of its Applicationis reparation for damage allegedly caused to
these persons by the conduct, said to be contrary to international law,
of various organs of the SpanishState towards that company and various
other companies in the same group.
29. In the first of its submissions, more specifically in the Counter-
Mernorial, the Spanish Government contends that the Belgian Applica-
tion of 1962seeks, though disguisedly, the same object as the Application
of 1958, i.e., the protection of the Barcelona Traction company as such,
as a separate corporate entity, and that the claim should in consequence
be dismissed. However, in making its new Application, as it has chosen
to frame it, the Belgian Government was only exercising the freedom of
action of any State to formulate its claim in its own way. The Court is
therefore bound to examine the claim in accordance with the explicit
content imparted to it by the Belgian Government.
30. The States which the present case principally concerns are
Belgium, the national State of the alleged shareholders, Spain, the State
whose organs are alleged to have committed the unlawful acts com-
plained of, and Canada, the State under whose laws Barcelona Traction
was incorporated and in whose territory it hasits registered office("head
office" in the terms of the by-laws of Barcelona Traction).
31. Thus the Court has to deal with a series of problems arising out
of a triangular relationship involving the State whose nationals are
shareholders in a company incorporated under the laws of another State,
in whose territory it has its registered office; the State whose organs are
alleged to have committed against the company unlawful acts prejudicial
to both it and its shareholders; and the State under whose laws the com-
pany is incorporated, and in whose territory it has its registered office. 32. Cela étant, il est logique que la Cour commence par traiter ce
qui a été originairement présenté commle 'objet de la troisième exception
préliminaire,à savoir la question du droit de la Belgique à exercer la
protection diplomatique d'actionnaires belges d'une société,personne
morale constituéeau Canada, alors que les mesures incriminéesont été
prisesà l'égard nonpas de ressortissants belges mais de la société elle-
même.
33. Dès lors qu'un Etat admet sur son territoire des investissements
étrangersou des ressortissants étrangers, personnesphysiques ou morales,
il est tenu de leur accorder la protection de la loi et assume certaines
obligations quant àleur traitement. Ces obligations ne sont toutefois ni
absolues ni sans réserve.Une distinction essentielle doit en particulier
être établientre les obligations des Etats envers la communauté inter-
nationale dans son ensemble et celles qui naissent vis-à-vis d'un autre
Etat dans le cadre de la protection diplomatique. Par leur nature même,
les premières concernent tous les Etats. Vu l'importance des droits en
cause, tous les Etats peuvent êtreconsidéréscomme ayant un intérêt
juridique à ce que ces droits soient protégés;les obligations dont il s'agit
sont des obligations erga omnes.
34. Ces obligations découlentpar exemple, dans le droit international
contemporain, de la mise hors la loi des actes d'agression et du génocide
mais aussi des principes et des règlesconcernant les droits fondamentaux
de la personne humaine, y compris la protection contre la pratique de
l'esclavage et la discrimination raciale. Certains droits de protection
correspondants se sont intégrésau droit international général (Réserves
à la convention pour la préventioent la répression du crimede génocide,
avis consultatif, C.I.J. Recueil951, p. 23); d'autres sont conféréspar
des instruments internationaux de caractère universel ou quasi universel.
35. Les obligations dont la protection diplomatique a pour objet
d'assurer le respect n'entrent pas dans la mêmecatégorie. En effet, si
l'on considère l'une d'elles enparticulier dans un cas déterminé, onne
saurait dire que les Etats aient tous un intérêt juridiqàece qu'elle soit
respectée.Un Etat ne peut présenterune demande de réparation du fait
de la violation de l'une de ces obligations avant d'avoir établiqu'il ena
le droit, car les règlesen la matière supposent deux conditions:
((Premièrement, 1'Etatdéfendeur amanqué à une obligation envers
1'Etatnational,à l'égardde ses ressortissants. Deuxièmement, seule
la partie envers laquelle une obligation internationale existe peut
présenteruneréclamation àraison de laviolation de celle-ci.))(Répara-
tiondes dommagessubis au servicedes Nations Unies,avisconsultatif,
C.I. . Recueil1949, p. 181et 182.)
En l'espèce,il est donc capital de rechercher si les pertes qu'auraient subi
des actionnaires belges de la Barcelona Traction ont eu pour cause la
violation d'obligations dont ils étaient bénéficiaires.Autrement dit, un
droit de la Belgique a-t-il été viodu fait que des droits appartenant à 32. In these circumstances it is logical that the Court should first
address itself to what was originally presented as the subject-matter of the
third preliminary objection: namely the question of the right of Belgium
to exercise diplomatic protection of Belgian shareholders in a company
which is a juristic entity incorporated in Canada, the measures com-
plained of having been taken in relation not to any Belgian national but
to the company itself.
33. When a State admits into its territory foreign investments or
foreign nationals, whether natural or juristic persons, it is bound to
extend to them the protection of the law and assumes obligations con-
cerning the treatment to be afforded them. These obligations, however,
are neitherabsolute nor unqualified. In particular, an essential distinction
should be drawn between the obligations of a State towards the inter-
national community as a whole, and those arising vis-à-vis another State
in the field of diplomatic protection. By their very nature the former are
the concern of al1States. In viewof the importance of the rights involved,
al1States can be held to have a legal interest in their protection; they are
obligations erga omnes.
34. Such obligations derive, for example, in contemporary inter-
national law, from the outlawing of acts of aggression, and of genocide,
as also from the principles and rules concerning the basic rights of the
human person, including protection from slavery and racial discrimina-
tion. Some of the corresponding rights of protection have entered into the
body of general international law (Reservations to the Conventionon the
Prevention and Punishmentof the Crime of Genocide, Advisory Opinion,
I.C.J. Reports 1951, p. 23); others are conferred by international instru-
ments of a universal or quasi-universal character.
35. Obligations the performance of which is the subject of diplomatic
protection are not of the same category. It cannot be held, when one
such obligation in particular is in question, in a specific case, that al1
States have a legal interest in its observance. In order to bring a claim in
respect of the breach of such an obligation, a State must first establish its
right to do so, for the rules on the subject rest on two suppositions:
"The first is that the defendant State has broken an obligation
towards the national State in respect of its nationals. The second is
that only the party to whom an international obligation is due can
bring a claim in respect of its breach." (Reparation for Injuries
Suflered in the Service of the United Nations, Advisory Opinion,
I.C.J. Reports 1949, pp. 181-182.)
In the present case it is thereforv essential to establish whether theosses
allegedly suffered by Belgian shareholders in Barcelona Traction were the
consequence of the violation of obligations of which they were the bene-
ficiaries.In other words: has a right of Belgium been violated on account des ressortissants belges, actionnaires d'une société n'ayantpas la
nationalitébelge, auraient étéenfreints?
36. C'est donc l'existenceou l'inexistenced'un droit appartenant à la
Belgiqueet reconnu comme tel par le droit international qui est décisive
en ce qui concerne le problèmede la qualitéde la Belgique.
((Ce droit ne peut nécessairementêtreexercé[par un Etat] qu'en
faveur de son national, parce que,en l'absence d'accordsparticuliers,
c'est le liende nationalité entre1'Etat et l'individu qui seul donne
à 1'Etatle droit de protection diplomatique. Or, c'est comme partie
de la fonction de protection diplomatique que doit êtreconsidéré
l'exercicedu droit de prendre en mains une réclamationet d'assurer
le respect du droit international.Chemindefer Panevezys-Saldutis-
kis, arrêt,939, C.P.J.Z.sérieAIB no76,p. 16.)
Il s'ensuit que la mêmequestion est déterminantepour ce qui est de la
responsabilitéde l'Espagne enversla Belgique. La responsabilitéest le
corollaire nécessairedu droit. En l'absence d'un traitéapplicable en la
matière entre les Parties, cette question fondamentale doit être tranchée
d'aprèsles règlesgénérales de la protection diplomatique.
37. En cherchant à définirle droit applicable dans la présente affaire,
la Cour doit penser à l'évolutioncontinue du droit international. La
protection diplomatique concerne un secteur très délicat des relations
internationales puisque l'intérêtd'un Etat étranger à protéger ses res-
sortissants se heurte aux droits du souverain territorial, fait dont le
droit généralen la matière a dû tenir compte afin d'éviterles abus et
les frictions. Etroitement liée dèsson origine au commerce international,
la protection diplomatique4 s'est tout particulièrement ressentie du
développement des relationséconomiques internationales ainsi que des
transformations profondes qui se sont produites dans la vie économique
des nations. Ces derniers changements ont engendré en droit interne
des institutions qui ont débordéles frontièreset ont commencé à exercer
une influence considérablesur les relations internationales. L'un de ces
phénomènes, spécialemenitntéressantdans la présente affaire, concerne
la sociétéanonyme.
38. Dans ce domaine, le droit international est appelé à reconnaître
des institutions de droit interne qui jouent un rôle important et sont très
répandues sur le plan international. Il n'en résulte pas nécessairement
une analogie entre ses propres institutions et celles du droit interne
et cela ne revient pas faire dépendreles règlesdu droit international de
catégories de droit interne. Cela veut simplement dire que le droit
international a dû reconnaître dans la sociétéanonyme une institution
crééepar les Etats en un domaine qui relève essentiellement de leur
compétencenationale. Cette reconnaissance nécessiteque le droit inter- of its nationals' having suffered infringement of their rights as share-
holders in a Company not of Belgian nationality?
36. Thus it is the existence or absence of a right, belonging to Belgium
and recognized as such by international law, which is decisive for the
problem of Belgium's capacity.
"This right is necessarilylimited to intervention [by a State] on behalf
of its own nationals because, in the absence of a special agreement, it
is the bond of nationality between the State and the individual which
alone confers upon the Statethe right of diplomatic protection, and
it is as a part of the function of diplomatic protection that the right
to take up a claim and to ensure respect for the rules of international
law must be envisaged." (Panevezys-SaldutiskisRailway, Judgment,
1939,P.C.I. J., Series A/B, No. 76, p. 16.)
It follows that the same question is determinant in respect of Spain's
responsibility towards Belgium. Responsibility is the necessary corollary
of a right. In the absence of any treaty on the subject between the Parties,
this essential issue has to be decided in the light of the general rules of
diplomatic protection.
37. In seeking to determine the law applicable to this case, the Court
has to bear in mind the continuous evolution of international law.
Diplornatic protection deals with a very sensitive area of international
relations, since the interest of a foreign State in the protection of its
nationals confronts the rights of the territorial sovereign, a fact of which
the general law on the subject has had to take cognizance in order to
prevent abuses and friction. From its origins closely linked with inter-
national commerce, diplomatic protection has sustained a particular
impact from the growth of international economic relations, and at the
same time from the profound transformations which have taken place in
the economic life of nations. These latter changes have given birth to
municipal institutions, which have transcended frontiers and have begun
to exercise considerable influence on international relations. One of these
phenomena which has a particular bearing on the present case is the
corporate entity.
38. In this fieldinternational law iscalledupon to recognizeinstitutions
of municipal law that have an important and extensive role in the inter-
national field. This does not necessarily imply drawing any analogy be-
tween its own institutions and those of municipal iaw, nor does it amount
to making rules of international law dependent upon categories of muni-
cipal law. Al1it means is that international law has had to recognize the
corporate entity asan institution created by States in a domain essentially
within their domestic jurisdiction. This in turn requires that, whenever
legal issues arise concerning the rights of States with regard to the treat-national se réfèreaux règles pertinentes du droit interne, chaque fois
que se posent des questionsjuridiques relatives aux droits des Etats qui
concernent le traitement des sociétéset des actionnaires et à propos
desquels le droit international n'a pas fixéses propres règles.C'est pour-
quoi, vu la pertinence en l'espèce desdroits de la sociétanonyme et des
droits des actionnaires dans l'ordre interne, la Cour doit examiner leur
nature et leur interaction.
39. Envisagéedans une perspective historique, la sociétécorrespond
à une évolution résultant des nécessités nouvelleset toujours plus
nombreuses qui se font sentir dans le domaine économique; c'est une
entitéqui notamment permet d'agir dans des cas dépassantla capacité
normale des individus. A ce titre, elle est devenue un facteur puissant de
la vie économiquedes nations. Le droit interne a dû tenir compte de ce
phénomène,d'où l'ampleur croissante de la réglementation régissantla
créationet le fonctionnement de la sociétéd , otée d'unstatut qui lui est
particulier. Elle a des droits et des obligations qui lui sont propres.
40. Il est cependant inutile d:examiner les multiples formes que
prennent les différentesentités juridiques dans le droit interne car la
Cour ne doit se préoccuperque de celle dont la société en cause dans la
présente affaire,la Barcelona Traction, offre un exemple - à savoir la
sociétéanonyme, dont le capital est représentépar des actions. Il existe
d'autres sociétésdépourvuesd'une personnalité morale indépendanteet
désignées sous des noms divers selon les systèmesjuridiques nationaux.
La différencejuridique entre les deux sortes de sociétéstient à ce que
l'élémend téterminant est,dans le cas de la sociétanonyme, la cohésion
de la personnalitéjuridique et, dans le cas desautres sociétésl,'autonomie
conservéepar les membres qui les composent.
41. Le droit interne déterminenon seulement la situation juridique de
la sociétéanonyme mais aussi la situation juridique des personnes qui
possèdent des actions de cette société.L'actionnaire ne saurait être
identifiéà la société,dont il est séparépar de nombreuses barrières.
C'est sur une stricte distinction entre deux entitésséparéesl,a sociétet
l'actionnaire, chacune dotéed'un ensemble dedroits distincts, que repose
la notion de sociétéanonyme et que se fonde sa structure. La séparation
des patrimoines de la sociétéet de l'actionnaire est une manifestation
importante de cette distinction. Tant que la société subsiste, l'actionnaire
n'a aucun droit à l'actif social.
42. Une des caractéristiquesessentielles de la structure de la société
anonyme est que la société est la seule pouvoir agir, par l'intermédiaire
de ses administrateurs ou de sa direction intervenant en son nom, pour
toute question de caractère social. Cela s'expliquefondamentalement par
l'idée qu'endéfendantses propres intérêts lasociété sert aussi ceux des
actionnaires. Normalement aucun des actionnaires ne peut intenter une ment of companies and shareholders, asto which rights international law
has not established its own rules, it has to refer to the relevant rules of
municipal law. Consequently, in view of the relevance to the present case
of the rights of thecorporate entity and its shareholdersunder municipal
law, the Court must devote attention to the nature and interrelation of
those rights.
39. Seen in historical perspective, the corporate personality represents
a development brought about by new and expanding requirements in the
economic field, an entity which in particular allows of operation in
circumstances which exceed the normal capacity of individuals. As such
it has become a powerful factor in the economic life of nations. Of this,
municipal law has had to take due account, whence the increasing volume
of rules governing the creation and operation of corporate entities,
endowed with a specificstatus. These entities have rights and obligations
peculiar to themselves.
40. There is, however, no need to investigate the many different forms
of legal entity provided for by the municipal laws of States, because the
Court is concerned only with that exemplified by the company involved
in the present case: Barcelona Traction-a limited liability company
whose capital is represented by shares. There are, indeed, other associa-
tions, whatever the name attached to them by municipal legal systems,
that do not enjoy independent corporate personality. The legal diFerence
between the two kinds of entity is that for the limited liability company it
is the overriding tie of legal personality which is determinant; for the
other associations, the continuing autonomy of the several members.
41. Municipal law determines the legal situation not only of such
limited liability companies but also of those persons who hold shares in
them. Separated fromthe company by numerous barriers, the shareholder
cannot be identified with it. The concept and structure of the company
are founded on and determined by a firm distinction between the separate
entity of the company and that of the shareholder, each with a distinct set
of rights. The separation of property rights as between company and
shareholder is an important manifestation of this distinction. So long as
the company is in existence the shareholder has no right to the corporate
assets.
42. It is a basic characteristic of the corporate structure that the
company alone, through its directors or management acting in its name,
can take action in respect of matters that are of a corporate character.
The underlying justification for this is that, in seeking to serve its own
best interests, the company will serve those of the shareholder too.
Ordinarily, no individual shareholder can take legal steps, either in the action isolément,que cesoit au nom de la sociétéou en son nom propre.
Si les actionnaires n'approuvent pas les décisions prisespour la société,
ils peuvent les modifier ou remplacer la direction conformément aux
statuts ou aux dispositions de la loi ou prendre toute mesure autorisée
par la loi. Ainsi, en vue de protégerla sociécontre des abus de la direc-
tion ou d'une majorité d'actionnaires,plusieurs systèmesde droit interne
accordent à des actionnaires (parfoisà un nombre déterminéde ceux-ci)
le droit d'intenter une action pour la défensede la sociétéet confèrent
certains droits aux actionnaires minoritaires pour les sauvegarder contre
toute décisionportant atteinte aux droits de la société à l'égardde la
direction ou des actionnaires majoritaires. Néanmoins les droits des
actionnaires à l'égardde la sociétéet de ses biens restent limités, cequi
est d'ailleurs un corollaire du caractère limité de leurresponsabilité.
43. La Cour rappelle qu'en constituant une sociétéles fondateurs
tiennent compte de tous les facteurs pertinents, dont ils pèsentles avan-
tages et les inconvénients.L'actionnaire agit de même, qu'ils'agissed'un
souscripteur du capital initial ou d'une personne qui achète par la suite
des actions de la société à I'un des actionnaires. 11peut rechercher un
placement sûr, des dividendes élevéosu un gain en capital- ou s'efforcer
de les combiner. Quoi qu'ilen soit, cela ne modifie pas le statut juridique
de la sociétéet ne change rien aux droits de l'actionnaire. Celui-ci doit
detoute manièreprendre en considérationle risque d'une baisse des divi-
dendes, d'une dépréciation du capital oumême d'uneperte, entraînées
par les aléas commerciaux ordinaires ou par un préjudiceque subirait
la sociétédu fait d'un traitement illicite.
44. Bien que la sociétéait une personnalité morale distincte, un dom-
mage qui lui est causéatteint souvent sesactionnaires. Mais le simple fait
que la sociétéet l'actionnaire subissent I'un et l'autre un dommage n'im-
plique pas que tous deux aient le droit de demander réparation. En effet,
si des dommages lésant simultanémentplusieurs personnes physiques ou
morales résultentd'un mêmefait, on ne peut en tirer aucune conclusion
juridique. Un créanciern'a aucunement le droit de demander réparation
à une personne qui, en portant préjudice à son débiteur, lui cause une
perte. Dans les cas de ce genre, la victime est atteinte dans ses intérêts
sans aucun doute, mais non dans ses droits. Ainsi, chaque fois que les
intérêts d'un actionnairesont léséspar un acte visant la société, c'est
vers la société qu'iloit se tourner pour qu'elleintente les recours voulus
car, bien que deux entitésdistinctes puissent souffrir d'un mêmepréjudice,
il n'en est qu'une dont les droits soient violés.
45. On n'en a pas moins soutenu dans la présente affaire qu'une
sociétén'esatutre chosequ'unmoyend'atteindre lesobjectifséconomiques
de ses membres, les actionnaires, et que ceux-ci constituent la réalité
qu'abrite la façade sociale. On a en outre soulignà maintes reprises qu'il name of the company or in his own name. If the shareholders disagree
with the decisionstaken on behalf ofthe company they may,in accordance
with its articles or the relevant provisions of the law, change them or
replace its officers, or takesuch action as is provided by law. Thus to
protect the company against abuse by its management or the majority of
shareholders, several municipal legal systemshave vested in shareholders
(sometimes a particular number is specified)the right to bring an action
for the defence of the company, and conferred upon the minority of
shareholders certain rights to guard against decisions affecting the
rights of the company vis-à-vis its management or controlling share-
holders. Nonetheless the shareholders' rightsin relation to the company
and its assets remain limited, this being, moreover, a corollary of the
limited nature of their liability.
43. At this point the Court would recall that in forming a company, its
promoters are guided by al1the various factors involved, the advantages
and disadvantages of which they take into account. So equally does a
shareholder, whether heisan original subscriber ofcapital or a subsequent
purchaser of the company's shares from another shareholder. He may
be seeking safety of investment, high dividends or capital appreciation-
or a combination of two or more of these. Whichever it is, it does not
alter the legal status of the corporate entity or affect the rights of the
shareholder. In any event he is bound to take account of the risk of
reduced dividends, capital depreciation or even loss, resulting from or-
dinary commercial hazards or from prejudice caused to the company
by illegal treatment of some kind.
44. Notwithstanding the separate corporate personality, a wrong done
to the company frequently causes prejudice to its shareholders. But the
mere fact that damage is sustained by both company and shareholder
does not imply that both are entitled to claim compensation. Thus no
legal conclusion can be drawn from the fact that the same event caused
damage simultzneously affecting several natural or juristic persons.
Creditors do not have any right to claim compensation from a person
who, by wrongingtheir debtor, causes them loss. In such cases,no doubt,
the interests of the aggrieved are affected, but not their rights. Thus
whenever a shareholder's interests are harmed by an act done to the
company, it is to the latter that he must look to institute appropriate
action; for although two separate entities may have suffered from the
same wrong, it is only one entity whose rights have been infringed.
45. However, it has been argued in the present case that a company
represents purely a means of achieving the economic purpose of its
members, namely the shareholders, while they themselves constitute in
fact the reality behind it. It has furthermore been repeatedly emphasized existe entre une sociétéet ses actionnaires une relation que l'on peut
qualifier de communautéde destin. Peut-êtreles actes incriminés sont-ils
dirigéscontre la sociétéet non pas contre les actionnaires, mais cela
n'est vrai qu'enun sens purement formel: en réalité, sociéte ét action-
naires sont liésde manière tellementétroite queles actes préjudiciables
commis contre l'une entraînent nécessairementun dommage pour les
autres; aussi peut-on voir dans tout acte dirigécontre la sociétun acte
dirigécontre ses actionnaires, car on peut considérer qu'ensubstance,
c'est-à-dire du point du vueéconbmique,il y a identité entre eux. Cepen-
dant, même sila société n'esa tutre chose qu'un moyen pour les action-
naires de poursuivre leurs propres fins économiques,elle n'en possède
pas moins, tant qu'elle subsiste, une existenceindépendante.C'est pour-
quoi les intérêtsdes actionnaires peuvent êtredistinguésde ceux de la
sociétéet s'en distinguent en fait, de sorte que l'on ne saurait nier la
possibilitéd'une divergence entre les uns et les autres.
46. On a aussi soutenu que, tout en ayant été prises à l'égardde la
Barcelona Traction et lui ayant causéun préjudicedirect, les mesures
incriminéesauraient constitué unacte illicite vis-à-visde la Belgique du
fait qu'elles ont aussi, encore qu'indirectement, causéun préjudiceaux
actionnaires belges de la Barcelona Traction. Ce n'estlà qu'une nouvelle
manièrede présenter la distinctionentre la lésiond'un droit et la lésion
d'un simple intérêt. Maisc ,omme la Cour l'a indiqué,la preuve qu'un
préjudicea étécausé nesuffit pas ipsfoacto àjustifier une réclamation
diplomatique. Un dommage ou un préjudice peuvent léser une personne
dans des circonstances extrêmementvariées.Cela n'entraîne pas en soi
l'obligation de réparer.La responsabilité n'est pas engagée siun simple
intérêt esttouché;elle ne l'est que si un droit est violé,de sorte que des
actes qui ne visent et n'atteignent que lesdroits de la société n'impliquent
aucune responsabilité à l'égard desactionnaires même sileurs intérête sn
souffrent.
47. La situation est différente siles actes incriminéssont dirigéscontre
les droits propres des actionnaires en tant que tels. est bien connu que
le droit interne leur confère desdroits distincts de ceux de la société,
parmi lesquels le droit aux dividendes déclarésl,e droit de prendre part
aux assemblées généraleest d'y voter, le droit à une partie du reliquat
d'actif de la sociétlors de la liquidation. S'ilest portéatteintel'un de
leurs droits propres, lesactionnaires ont un droit de recours indépendant.
11n'y a pas de divergences de vues entre les Parties sur ce point.l con-
vient toutefois de distinguer entre une atteinte directe aux droits des
actionnaires et les difficultésou pertes financières auxquelles ils peuvent
se trouver exposésen raison de la situation de la société.
48. Le Gouvernement belge a soutenu que les actionnaires de nationa-
litébelge avaient subi un préjudicedu fait d'actes illicites desautorités
espagnoles, et en particulier que les actions de la Barcelona Traction,
sans cesser d'exister,avaient étvidéesde tout contenu économiqueréel.
Aussi a-t-il prétendu que les actionnaires avaient un droit de recours BARCELONA TRACTION(JUDGMENT) 36
that there exists between a company and its shareholders a relationship
describable as a community of destiny. The alleged acts may have been
directed at the company and not the shareholders, but only in a forma1
sense: in reality, company and shareholders are so closelyinterconnected
that prejudicial acts committed against the former necessarily wrong the
latter; hence any acts directed against a company can be conceived as
directed against its shareholders, because both can be considered in
substance, i.e., from the economic viewpoint, identical. Yet even if a
company is no more than a means for its shareholders to achieve their
economic purpose, so long as it is in essit enjoys an independent exis-
tence. Therefore the interests of the shareholders are both separable and
indeed separated from those of the company, so that the possibility of
their diverging cannot be denied.
46. It has also been contended that the measures complained of,
although taken with respect to Barcelona Traction and causing it direct
damage, constituted an unlawful act vis-à-visBelgium,because they also,
though indirectly, caused damage to the Belgian shareholders in Bar-
celona Traction. This again is merely a different way of presenting the
distinction between injury in respect of a right and injury to a simple
interest. But, as the Court has indicated, evidence that damage was
suffered does not ipso facto justify a diplomatic claim. Persons suffer
damage or harm in most varied circumstances. This in itself does not
involve the obligation to make reparation. Not a mere interest affected,
but solelya right infringedinvolvesresponsibility, so that an act directed
against and infringing only the company's rights does not involve
responsibility towards the shareholders, even if their interests are af-
fected.
47. The situation is different if the act complained of is aimed at the
direct rights of the shareholder assuch. It is well known that there are
rights which municipal law confers upon the latter distinct from those of
the company, including the right to any declared dividend, the right to
attend and vote at general meetings, the right to share in the residual-
sets of the company on liquidation. Whenever one of his direct rights is
infringed, the shareholder has an independent right of action. On this
there is no disagreement between the Parties. But a distinction must be
drawn between a direct infringement of the shareholder's rights, and
difficultiesor financialossesto which he may be exposed as the result of
the situation of the company.
48. The Belgian Government claims that shareholders of Belgian
nationality suffered damage in consequence of unlawful acts of the
Spanish authorities and, in particular, that the Barcelona Traction
shares, though they did not cease to exist, were emptied of al1 real
economic content. It accordingly contends that the shareholders had anindépendant, bien que les actes incriminéseussent étédirigéscontre la
société en tant que telle.Ainsileproblèmejuridique seréduit à déterminer
s'ilest légitime d'assimiler uneatteinte aux droits de la socié,ntraînant
un préjudicepour les actionnaires, àla violation de leurs droits propres.
49. La Cour ayant constaté,dans la requête ainsique dans la réponse
donnéepar un conseil le 8 juillet 1969, que le Gouvernement beigene
fondait pas sa demande sur une atteinte aux droits propres des action-
naires, elle ne saurait aller au-delà de la demande telle qu'elle a été
formuléepar le Gouvernement belge et n'examinera pas la question plus
avant.
*
50. Pour aborder maintenant l'affaire sous l'angle du droit inter-
national, la Cour doit, comme elle l'a déjàindiqué,partir du fait que la
présente espècemet essentiellement en jeu des facteurs tirés du droit
interne - à savoir ce qu'ily a de distinct et ce qu'ily a de commun entre
la sociétéet l'actionnaire- que les Parties ont pris chacune pour pré-
misse de leur raisonnement tout en en donnant des interprétations très
divergentes. Si la Cour devait se prononcer sans tenir compte des institu-
tions de droit interne, elle s'exposerait de graves difficultésjuridiques
et cela sans justification. Elle perdrait contact avec le réel,car il n'existe
pas en droit international d'institutions correspondantes auxquelles la
Cour pourrait faire appel. C'est pourquoi, comme il est indiqué plus
haut, non seulement la Cour doit prendre en considération le droit in-
terne mais encore elle doit s'y référer. C'es t des règlesgénéralement
acceptées par les systèmes de droit interne reconnaissant la société
anonyme, dont le capital est représentépar des actions, et non au droit
interne d'un Etat donné,que le droit international se réfère.Quand elle
fait appelàces règles,la Cour ne saurait les modifier et encore moins les
déformer.
51. Sur le plan international, le Gouvernement belge a avancél'idée
qu'il est inadmissiblede refuserà 1'Etatnational des actionnaires le droit
d'exercer sa protection diplomatique pour la seule raison qu'un autre
Etat possèdeun droit correspondant en ce qui concerne la sociétéelle-
même. Enbonne logique et en droit strict, cette façon de présenterla
prétention du Gouvernement belge selon laquelle il aurait qualitépour
agir postule l'existence du droit qu'il faudrait précisémentdémontrer.
En fait le Gouvernement belge a souligné àmaintes reprises qu'il n'existe
aucune règlede droit international déniant à 1'Etatnational des action-
naires le droit d'exercersa protection diplomatique pour obtenir répara-
tion à la suite d'actes illicites commispar un autre Etat contre la société
dont ses ressortissants sont actionnaires. En faisant valoir que ce droit
n'est pas expressément exclu,on implique a contrario qu'aucune règle
dedroit international ne confèreexpressémenu tn teldroità1'Etatnational
des actionnaires.independent right to redress, notwithstanding the fact that the acts
complained of were directed against the company as such. Thus the legal
issue is reducible to the question of whether it is legitimate to identify an
attack on company rights, resulting in damage to shareholders, with the
violation of their direct rights.
49. The Court has noted from the Application, and from the reply
given by Counsel on 8 July 1969,that the Belgian Government did not
base its claim on an infringement of the direct rights of the shareholders.
Thus it is not open to the Court to go beyond the claim as formulated by
the Belgian Government and it will not pursue its examination of this
point any further.
*
50. In turning now to the international legal aspects of the case, the
Court must, as already indicated, start from the fact that the present case
essentially involves factors derived from municipal law-the distinction
and the community between the company and the shareholder-which
themParties,however widely their interpretations may differ, each take as
the point of departure of their reasoning. If the Court were to decide the
case in disregard of the relevant institutions of municipal law it would,
without justification, inviteserious legal difficulties. It would lose touch
with reality, for there are no corresponding institutions of international
law to which the Court could resort. Thus theCourt has, as indicated, not
only to take cognizance of municipal law but also to refer to it. It is to
rules generally accepted by municipal legal systems which recognize the
limited company whose capital is represented by shares, and not to the
municipal law of a particular State, that international law refers. In
referring tosuch rules, the Court cannot modify, still lessdeform them.
51. On the international plane, the Belgian Government has advanced
the proposition that it is inadmissible to deny the shareholders' national
State a right of diplomatic protection merely on the ground that another
State possesses a corresponding right in respect of the company itself. In
strict logic and law this formulation of the Belgian claim to jus standi
assumes the existence of the very right that requires demonstration. In
fact the Belgian Government has repeatedly stressed that there exists no
rule of international law which would deny the national State of the
shareholdersthe right of diplomatic protection forthe purpose of seeking
redress pursuant to unlawful acts committed by another State against the
company in which they hold shares. This, by emphasizing the absence of
any express denial of the right, conversely implies the admission that
there is no rule of international law which expressly confers such a right
on the shareholders' national State. 52. Il se peut que, dans tel ou tel domaine, le droit international n'offre
pas de règles précisesdans des cas particuliers. En l'espèce,la société
contre laquelle ont été commisdes actes qualifiés d'illicitesest expressé-
ment titulaire d'un droit, alors qu'aucun droit comparable n'est spécifi-
quement prévupour les actionnaires en ce qui concerne ces actes. Ainsi,
s'agissant de la position de la société,on peut se réclamer aussi bien
d'une règle positive de droit interne que d'une règle positive de droit
international. Pour ce qui est des actionnaires, malgré lesdroits qui leur
sont expressémentconféréspar la législationinterne comme il est dit au
paragraphe 42, on en est réduit dans les circonstances de la présente
affaireà invoquer le silence du droit international. Ce silence peut
difficilement être interpréten faveur des actionnaires.
53. Il est bien vrai, comme on l'a rappeléen plaidoirie au cours de la
présenteaffaire, que des réclamations concurrentes ne sont pas exclues
dans le cas d'une personne qui, entrée au service d'une organisation
internationale et gardant sa nationalité,bénéficià la fois du droit d'être
protégéepar son Etat national et du droit d'êtreprotégéepar I'organisa-
tion à laquelle elleappartient. Il s'agit cependant d'un cas où une personne
disposededeuxprotections fondéessurdesbasesdifférentest,outes deuxva-
lables.(RéparationdesdommagessubisauservicedesNations Unies,aviscon-
sultatif,C.I.J.Recueil 1949,p. 185.)Cettesituation n'offrepas d'analogie
avec celle d'actionnaires étrangers d'unesociété victimed'une violation
du droit international leur ayant causépréjudice.
54. L'argumentation du Gouvernement belge a reposéen partie sur
un essai d'assimilation entre intérêtet droits fondé sur l'emploi qui est
fait, dans nombre de traitéset d'autres instruments, de formules comme
biens, droits et intérêts. Celn'estpas concluant. Les biens sont normale-
ment protégéspar la loi. Les droits sont par définitionprotégéssur le
plan juridique, autrement ils ne seraient pas des droits. D'après le
Gouvernement belge, les intérêtsb , ien que distincts des droits, seraient
également protégéspar les règles conventionnelles auxquelles on fait
référence.La Cour est d'avis que, pour interpréter la règle de droit
international généralconcernant la protection diplomatique, ce qui
constitue sa tâche, elle n'a aucun besoin de déterminer le sens du terme
intérêtsdans les règlesconventionnelles, autrement dit d'établirsi par ce
terme les règlesen question indiquent plutôt des droits que de simples
intérêts.
55. La Cour examinera maintenant divers autres motifs pour lesquels
on pourrait concevoir que le Gouvernement belge soitjustifié à présenter
une demande pour le compte des actionnaires de la Barcelona Traction.
56. Pour les raisons indiquées précédemment,la Cour doit se référer
ici au droit interne. Il s'est trouvé parfois que la forme de la société 52. International law may not, in some fields, provide specificrules in
particular cases. In the concrete situation, the company against which
allegedly unlawful acts were directed is expressly vested with a right,
whereas no such right is specifically provided for the shareholder in
respect of those acts. Thus the position of the company rests on a positive
rule of both municipal and international law.As to the shareholder, while
he has certain rights expressly provided for him by municipal law as
referred to in paragraph 42 above, appeal can, in the circumstances of the
present case, only be made to the silence of international law. Such
silence scarcely admits of interpretation in favour of the shareholder.
53. It is quite true, as was recalled in the course of oral argument in the
present case, that concurrent claims are not excluded in the case of a
person who, having entered the service of an international organization
and retained his nationality, enjoys simultaneously the right to be
protected by his national State and the right to be protected by the
organization to which he belongs. This however is a case of one person in
possession of two separate bases of protection, each of which is valid
(Reparation for Injuries Suflered in the Service of the United Nations,
Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1949, p. 185). There is no analogy
between such a situation and that of foreign shareholders in a company
which has been the victim of a violation of international law which has
caused them damage.
54. Partof the Belgianargument isfounded on anattempt to assimilate
interests to rights, relying on the use in many treaties and other instru-
ments of such expressions as property, rights and interests. This is not,
however, conclusive. Property is normally protected by law. Rights are
ex hypothesi protected by law, otherwise they would not be rights.
According to the Belgian Government, interests, although distinct from
rights, are also protected by the aforementioned conventional rules. The
Court is of the opinion that, for the purpose of interpreting the general
rule of international law concerning diplomatic protection, which is its
task, it has no need to determinethe meaning of the term interests in the
conventional rules, in other words to determine whether by this term the
conventional rules refer to rights rather than simple interests.
55. The Court will now examine other grounds on which it is con-
ceivable that the submission by the Belgian Government of a claim on
behalf of shareholders in Barcelona Traction may be justified.
56. For the same reasons as before, the Court must here refer to
municipal law. Forms of incorporation and their legal personality have anonyme et sa personnalité moralen'aient pasétéemployéesaux seules
fins initialement prévues; parfois la sociétéanonyme n'a pu protégerles
droits de ceux qui lui confiaient leurs ressources financières. Il en est
inévitablementrésulté un risque d'abus,comme cela a étéle cas pour
bien d'autres institutions juridiques. Là comme ailleurs, le droit a dû
devant la réalitééconomique prévoir des mesuresprotectrices et des
recours, aussi bien dans l'intérête ceux qui font partie de la sociétque
de ceuxqui, sesituant au dehors, ont àtraiter avecelle: le droit a reconnu
que l'existence indépendante de la personnalité moralene saurait être
considéréecomme un absolu. C'est dans cette perspective que l'on a
estimé justifiet équitable de((leverle voile socia))ou de ((faireabstrac-
tion de la personnalité juridique)) dans certaines circonstances ou à
certaines fins. Les nombreux précédentsdu droit interne montrent que le
voile est levé,par exemple, pour empêcherqu'on abuse des privilègesde
la personne morale, comme dans des cas de fraude ou d'agissements
coupables, pour protégerdes tiers tels que le créancierou l'acheteur, ou
pour assurer le respect de prescriptions légalesou d'obligations.
57. Par suite la levéedu voile est le plus souvent utiliséede l'extérieur,
dans I'intérêdte ceux qui traitent avec la société. Ellea cependant été
aussi mise en Œuvrede l'intérieur,dans I'intérên totamment des action-
naires, mais seulement dans des circonstances exceptionnelles.
58. Conformémentau principe énoncé ci-dessus,on peut admettre que
la levéedu voile, procédé exceptionneladmis par le droit interne à
l'égardd'une institution qu'ila lui-même crééje o,ue un rôle analogue en
droit international. Il en découleque, dans l'ordre international égale-
ment, il peut en principe y avoir des circonstances spécialesqui justifient
la levéedu voile dans l'intérêt deasctionnaires.
59. Avant de rechercher s'il existe de telles circonstances en l'espèce,
il est bon de mentionner deux cas particuliers impliquant que l'on aille
au-delà de la personnalité morale et dont des exemples ont étécitéspar
les Parties.Il s'agit en premier lieu du traitement des biens ennemis et
alliésdans lestraitésdepaix et autres instruments internationauxpendant
et après lapremièreet la deuxièmeguerre mondiale; et en second lieu du
traitement des biens étrangers à la suite des nationalisations opéréesces
dernièresannéespar de nombreux Etats.
60. Dans le premier cas, la législationsur les biens ennemis étaitun
instrument de guerre économique visant à priver l'adversaire des avan-
tages découlant de l'anonymatet de la personnalité distinctedes sociétés.
Aussi a-t-on considéréque la levéedu voile étaitjustifiéepar la nécessité
et l'a-t-on admise pour tous les organismes empreints d'un caractère
ennemi, même ceuxqui possédaientla nationalité de 1'Etat légiférant.
Les dispositions des traitésde paix avaient un objet précis:protégerles
biens alliéset saisir et regrouper les biens ennemis en vue de faire face sometimes not been employed for the sole purposes they were originally
intended to serve; sometimes the corporate entity has been unable to
protect the rights of those who entrusted their financial resources to it;
thus inevitably there have arisen dangers of abuse, as in the case of many
other institutions of law. Here, then, as elsewhere, the law, confronted
with economic realities, has had to provide protective measures and
remedies in the interests of those within the corporate entity as well as of
those outside who have dealings with it: the law has recognized that the
independent existence of the legal entity cannot be treated as an absolute.
It is in this context that the process of "lifting the corporate veil" or
"disregarding the legal entity" has been found justified and equitable in
certain cirsumstances or for certain purposes. The wealth of practice
already accumulated on the subject in municipal law indicates that the
veil is lifted, for instance, to prevent theisuse of the privileges of legal
personality, as in certain cases of fraud or malfeasance, to protect third
persons such as a creditor or purchaser, or to prevent the evasion of legal
requirements or of obligations.
57. Hence the lifting of the veil is more frequently employed from
without, in the interest of those dealing with the corporate entity. How-
ever, it has also been operated from within, in the interest of-anlong
others-the shareholders, but only in exceptional circumstances.
58. In accordance with the principle expounded above, the process of
lifting the veil, being an exceptional one admitted by municipal law in
respect of an institution of its own making, is equally admissible to play
a similar role in international law. It follows that on the international
plane also there may in principle be special circumstances which justify
the lifting of the veil in theinterest of shareholders.
59. Before proceeding, however, to consider whether such circum-
stances exist in the present case, it will be advisable to refer to two specific
cases involving encroachment upon the legal entity, instances of which
have been cited by the Parties. These are: first, the treatment of enemy
and allied property, during and after the First and Second World Wars,
in peace treaties and other international instruments; secondly, the
treatment of foreign property consequent upon the nationalizations car-
ried out in recent years by many States.
60. With regard to the first, enemy-property legislation was an in-
strument of economicwarfare, aimed at denying the enemy the advantages
to be derived from the anonymity and separate personality of corpora-
tions. Hence the lifting of the veil was regarded asjustified ex necessitate
and was extended to al1entities which were tainted with enemy character,
even the nationals of the State enacting the legislation. The provisions of
the peace treaties had a very specificfunction: to protect allied property,
and to seize and pool enemy property with a view to covering reparation aux demandes de réparation. Par leurs motifs, de telles dispositions
diffèrentradicalement de celles qui sont applicables dans des conditions
normales.
61. Relèvent égalementd'une catégorie distincteles arrangements qui
ont étéconclus au sujet desindemnitésdues àla suitede la nationalisation
de biens étrangers. Leur raison d'être, qusi'expliquepar une transforma-
tion structurelle dans l'économie d'unEtat, diffère aussi de celle des
dispositionsnormalement applicables. Des accords précis,dont lestermes
varient d'un casà l'autre, ont étéconclus pour répondre à des situations
précises.Loin de prouver l'existenced'une normequelconque concernant
lescatégoriesde bénéficiairedse l'indemnisation, cesarrangements ont un
caractèresui generis et ne peuvent en l'espèce servir d'exemples.
62. Les deux Parties n'en ont pas moins invoqué, au cours de la
procédure,des instruments internationaux et desjugements de tribunaux
internationaux qui concernent ces deux questions. Or il faut bien voir
qu'il s'agit,dans l'unet l'autre cas, deprocédés bparticuliersdécoulant
de circonstances propres aux situations en cause. Vouloir en tirer des
analogies ou des conclusions applicables à d'autres domaines, c'est
méconnaître leur nature particulière de lex specialis et s'exposer, par
conséquent, à des erreurs.
63. Les Parties ont également invoqué la jurisprudence arbitrale
généralequi s'est accumuléeau cours des cinquante dernières années.
Mais dans la majorité des cas les décisions citéesse fondent sur les
instruments qui établissentla juridiction du tribunal ou de la commission
des réclamations et déterminent les droits pouvant bénéficierd'une
protection, de sorte qu'elles nesauraient faire l'objet de généralisations
dépassantles circonstances particulières de l'espèce.D'autres décisions
en vertu desquelles desréclamationsont étéaccueilliesou rejetées à titre
d'exceptions, vu les faits de la cause, ne sont pas directement pertinentes
en la présente affaire.
64. La Cour recherchera maintenant s'il existe en l'espèced'autres
circonstances spécialesoù la règle générale pourrait ne pas avoir effet.
Deux situations particulières luiparaissent devoir retenir l'attentionce
sujet: le cas où la sociétéaurait cesséd'exister, le casoù1'Etatnational
de la sociétén'aurait pas qualitépour agir en faveur de celle-ci.
65. S'agissantde la premièrede ces éventualitésl,a Cour constate que
les Parties ont donnédesinterprétationsopposéesde la situation actuelle
de la Barcelona Traction. Il est néanmoinsconstant que cette sociétéa
perdu tous ses avoirs en Espagne et qu'elle a étéplacée sous receivership
au Canada, un receiver et administrateur ayant étédésigné.Il est in-
contestéqu'ellea été entièrementparalyséeau point de vue économique.
Ellea étéprivéedetoutes sessources de revenus en Espagne et le Gouver-
nement belge a affirmé qu'ellene pouvait plus réunirlesfonds nécessaires à sa défense en justice, de sorte que ce sont les actionnaires qui ont dû
les lui procurer.
66. On ne saurait néanmoins soutenir que la sociétéa disparu comme
personnemorale ni qu'elleaperdu lacapacitéd'exercerl'action sociale.Elle
était librede se prévaloir de sa capacité devantles tribunaux espagnols
et elle l'a fait. Elle n'est donc pas devenue juridiquement incapable de
défendreses propres droits ni les intérêts deses actionnaires. En particu-
lier une situation financièreprécairene peut êtreassimilée à la disparition
de l'entité sociale,ce qui est l'hypothèse considéréel:a situation juridique
de la société est seulpertinente et sa situation économiquene l'est pas,
non plus que lefait qu'elle puissetre (pratiquement détruite »,expression
sur laquelle on a fondé une argumentation mais qui manque de toute
précisionjuridique. Seule la disparition de la sociétéen droit prive les
actionnaires de la possibilité d'unrecours par l'intermédiairedela société;
c'est uniquement quand toute possibilitéde ce genre leur est ferméeque
la question d'un droit d'action indépendant peut se poser pour eux et
pour leur gouvernement.
67. En l'espècela Barcelona Traction est sous receivershipdans le pays
où elle a été constituée. Loin delaisser supposer que la personne morale
ou ses droits se soient éteints, cette situation indique plutôt que ces droits
subsistent tant qu'il n'y a pas liquidation. Bien qu'en étatdereceivership,
la sociétécontinue d'exister. De plus, il est de notoriété publiqueque ses
actions étaient cotéesen bourse encore récemment.
68. Les raisons de la nomination au Canada d'un receiver également
administrateur ont étédonnéesen ces termes:
((Dans le cas de la Barcelona Traction, il étaitévident,étant donné
le jugement espagnol de faillite du 12 février 1948, qu'il eût été
inutile de nommer quelqu'un uniquement à titre de receiver,car des
mesures positives devaient êtreprises si l'on voulait recouvrer les
biens saisis lors de la faillite en Espagne. ))(Audience du 2 juillet
1969 .)
Bref, un administrateur a été nommépour veiller aux droits dela société
et il a été directement ou indirectement en mesure de les défendre.Par
suite, même sila société est limitédeans sesactivitésaprès avoir été placée
sous receivership, il ne fait pas de doute qu'elle conserve sa capacité
juridique etque c'estl'administrateur nommé parlestribunaux canadiens
qui est habilité à l'exercer. La Cour ne se trouve donc pas devant la
première hypothèse signaléeau paragraphe 64 et n'a pas besoin de se
prononcer à cet égard.
69. La Cour examinera à présent la deuxième éventualité,celle où
1'Etat national de la sociétén'aurait pas qualitépour agir en faveur de
celle-ci.La première question à se poser est de savoir si le Canada- troi- BARCELONATRACTION (JUDGMENT) 41
could no longer find the funds for its legal defence,so that these had to be
supplied by the shareholders.
66. It cannot however, be contended that the corporate entity of the
company has ceased to exist, or that it has lost its capacity to take
corporate action. It was free to exercise such capacity in the Spanish
courts and did in fact do so. It has not become incapable in law of
defendingits own rights and the interests ofthe shareholders. In particular,
a precarious financial situation cannot be equated with the demise of the
corporate entity, which is the hypothesis under consideration: the com-
pany's status in law is alone relevant, and not its economic condition, nor
even the possibility of its being "practically defunct3'-a description on
which argument has been based but which lacks al1legal precision. Only
in the event of the legal demise of the company are the shareholders
deprived of the possibility of a remedy available through the company;
it isonly ifthey becamedeprived of al1such possibility that an independent
right of action for them and their government could arise.
67. In the present case, Barcelona Traction is in receivership in the
country of incorporation. Far from implying the demise of the entity or of
its rights, thisuch rather denotes that those rights are preserved forso
long as no liquidation has ensued. ~hoiigh in receivership, the company
continues to exist. Moreover, it is a matter of public record that the
company's shares were quoted on the stock-market at a recent date.
68. The reason for the appointment in Canada not only of a receiver
but also of a manager was explained as follows:
"In the Barcelona Traction case it was obvious, in view of the
Spanish bankruptcy order of 12February 1948,that the appointment
of only a receiver would be useless,as positive stepswould have to be
taken if any assets seized in the bankruptcy in Spain were to be
recovered." (Hearing of 2 July 1969.)
In brief, a manager was appointed in order to safeguard the company's
rights; he has been in a position directly or indirectly to uphold them.
Thus, even if the company is limited in its activity after being placed in
receivership, there can be no doubt that it has retained its legal capacity
and that the power to exercise it is vested in the manager appointed by
the Canadian courts. The Court is thus not confronted with the first
hypothesis contemplated in paragraph 64, and need not pronounce upon
it.
69. The Court will now turn to the second possibility, that of the lack
of capacity of the company's national State to act on its behalf. The first
question which must be asked here is whether Canada-the third apex ofsièmesommet de la relation triangulaire - est en droit 1'Etatnational
de la Barcelona Traction.
70. Lorsqu'il s'agit d'établirn lien entre une sociétéet tel ou tel Etat
aux fins de la protection diplomatique, le droit international se fonde,
encore que dans une mesure limitée,sur une analogie avecles règlesqui
régissentla nationalité des individus. La règletraditionnelle attribue le
droit d'exercerla protection diplomatique d'une société à 1'Etatsous les
lois duquel elle s'estconstituéeet sur le territoire duquel elle a son siège.
Ces deux critèresont été confirméspar une longue pratique et par maints
instruments internationaux. Néanmoinsdesliens plusétroits oudifférents
sont parfois considérés comme nécessairp eour qu'un droit de protection
diplomatique existe. Ainsi certains Etats ont pour pratique d'accorder
leur protection diplomatique à une sociétéconstituée selon leur loi
uniquement lorsque le siègesocial, la direction ou le centre de contrôle
de cette société strouve sur leur territoire ou lorsque la majorité ou une
partie substantielle des actions appartient à leurs ressortissants. C'est
dans ces cas seulement, a-t-on dit, qu'existe entre la sociétéet1'Etaten
question un lien de rattachement effectifcomme celuiqui est bien connu
dans d'autres domaines du droit international. Toutefois, sur le plan
particulier de la protection diplomatique des personnes morales, aucun
critère absolu applicable au lien effectif n'a étéaccepté de manière
généraleL . es critèresque l'on a retenus ont un caractèrerelatif et l'on a
parfois mis en balance les liens d'une société aveu cn Etat et ses liens
avec un autre. A cet égardl'on s'est référé à l'affaire Nottebohm et en
fait les Parties l'ont fréquemmentmentionnéeau cours de la procédure.
Toutefois, étant donnéles aspects de droit et de fait que présentela
protection en l'espèce,la Cour estime qu'il ne sauraity avoir d'analogie
avec les questions soulevéesou la décision priseen cette affaire.
71. Dans la présente affaire,il n'est pas contestéque la sociétés'est
constituéeau Canada et que son siègestatutaire s'ytrouve. La constitu-
tion de la sociétéconformémentau droit canadien a résultéd'un libre
choix. Non seulement la sociétéa étéformée,comme le voulaient ses
fondateurs, en vertu du droit canadien, mais encore elle est restée régie
par le droit canadien pendant plus de cinquante ans. Elle a conservéau
Canada son siège,sa comptabilitéet le registre de ses actionnaires. Des
réunionsdu conseil d'administration s'y sont tenues pendant de nom-
breuses années. La société figuredans les dossiers du fisc canadien.
Ainsi s'est crééun lien étroitet permanent que le passage de plus d'un
demi-siècle a encore renforcé.Ce lien n'est nullement affaibliparce que
la sociétéa exercé dèsle débutdes activités commercialesen dehors du
Canada, car tel étaitson objet déclaré.Les rapports entre la Barcelona
Traction et le Canada sont donc multiples.
72. Au surplus la nationalité canadienne de la société est généralement
reconnue. Il est vrai qu'avant l'introduction d'une instance devant la
Cour trois gouvernements en dehors du Gouvernement canadien (ceux
du Royaume-Uni, des Etats-Unis et de la Belgique) avaient fait desthe triangular relationship-is, in law, the national State of Barcelona
Traction.
70. In allocatingcorporate entities to States for purposes of diplomatic
protection, international law is based, but only to a limited extent, on an
analogy with the rules governing the nationality of individuals. The
traditional rule attributes theright ofdiplomaticprotection of a corporate
entity to the State under the laws of which it isincorporated and in whose
territory it has its registered office.These two criteria have been con-
firmed by long practice and by numerous international instruments.
This notwithstanding, further or different links are at times said to be
required in order that a right of diplomatic protection should exist.
Indeed, it has been the practice of some States to give a company in-
corporated under their law diplomatic protection solely when it has its
seat (siège social) or management or centre of control in their territory,
or when a majority or a substantial proportion of the shares has been
owned by nationals of the State concerned. Only then, it has been held,
does there exist between the corporation and the State in question a
genuine connection of the kind familiar from other branches of inter-
national law. However, in the particular fieldof the dipiomaticprotection
of corporate entities, no absolute test of the "genuine connection" has
found general acceptance. Such tests as have been applied are of a
relative nature, and sometimeslinkswith oneState havehad to be weighed
against those with another. In this connection referencehas been made to
the Nottebohm case. In fact the Parties made frequent reference to it in
the course of the proceedings. However, given both the legal and factual
aspects of protection in the present case the Court is of the opinion that
there can be no analogy with the issues raised or the decision given in
that case.
71. In the present case, it is not disputed that the company was in-
corporared in Canada and has its registered officein that country. The
incorporation of the company under the law of Canada was an act of
free choice. Not only did the founders of the company seek its incorpora-
tion under Canadian law but it has remained under that law for a period
of over 50 years. It has maintained in Canada its registered office, its
accountsand its share registers. Board meetings wereheld there for many
years; it has been listed in the records of the Canadian tax authorities.
Thus a close and permanent connection has been established, fortified by
the passage of over half a century. Thisconnection isin no way weakened
by the fact that the company engaged fromthe very outset in commercial
activities outside Canada, for that was its declared object. Barcelona
Traction's links with Canada are thus manifold.
72. Furthermore, the Canadian nationality of the company has
receivedgeneral recognition. Prior to the institution of proceedingsbefore
the Court, three other governments apart from that of Canada (those of
the United Kingdom, the United States and Belgium) made representa-démarchesau sujet de la manièredont la Barcelona Traction était traitée
par les autorités espagnoles. Le Gouvernement du Royaume-Uni est
intervenu pour le compte d'obligataires et d'actionnaires. Plusieurs dé-
marches ont également eulieu de la part du Gouvernement des Etats-
Unis mais elles n'ont pas étéeffectuées enfaveur de la sociétéBarcelona
Traction en tant que telle.
73. Les deuxgouvernements ont agi à certains moments en coopération
étroiteavec le Gouvernement canadien. Un accord a étéconclu en 1950
au sujet de la constitution d'une commission d'experts indépendante.
Alors que les Gouvernements belge et canadien avaient envisagé une
commission composée de membres belges, canadiens et espagnols, le
Gouvernement espagnol a suggéréune commission comprenant des
membres britanniques, canadiens et espagnols. Cette suggestion a été
acceptéepar les Gouvernements britannique et canadien et la commission
fut chargée notamment d'établir le montant des fonds importés en
Espagne par la Barcelona Traction ou l'une quelconque de ses filiales, de
déterminer et d'évaluerles biens et services introduits dans ce pays, de
détermineret d'évaluer les sommesretiréesd'Espagne par la Barcelona
Traction ou l'une quelconque de ses filiales et de calculer les bénéfices
réalisés enEspagne par la Barcelona Traction ou l'une quelconque de
ses filiales,ainsi que les sommes pouvant être retirédu pays au 31 dé-
cembre 1949.
74. Quant au Gouvernement belge, il a également agi au début en
coopération étroiteavec le Gouvernement caiadien. Il a admis le carac-
tère canadien de la sociétédans la présente instance.Il a expressément
déclaréque la Barcelona Traction n'avait ni la nationalité espagnole ni
la nationalité belge et qu'il s'agissaitd'une sociétécanadienne constituée
au Canada. Le Gouvernement belge a mêmereconnu qu'il ne se pré-
occupait pas du préjudice subipar la Barcelona Traction elle-même,car
cela regardait le Canada.
75. Pour sa part, le Gouvernement canadien lui-même,qui ne semble
jamais avoir doutéde son droit d'intervenir pour le compte de la société,
a exercépendant des annéesla protection de la Barcelona Traction par
des démarches diplomatiques, notamment par sa note du 27 mars 1948,
où il a affirméqu'un déni dejustice avait été commisl'égard des sociétés
Barcelona Traction, Ebro et National Trust et a demandél'annulation
du jugement de faillite.l a invoquéplus tard le traitéanglo-espagnol de
1922 et l'accord anglo-espagnol de 1924, applicables au Canada. De
nouvelles notes canadiennes ont étéadresséesau Gouvernement espagnol
en 1950, 1951et 1952.D'autres démarchesont eu lieu en 1954et le Gou-
vernement canadien a renouvelé en1955l'expression du vif intérêq t u'il
attachait au cas de la Barcelona Traction et de ses filiales canadien-
nes.
76. En somme il ressort du dossier qu'à partir de 1948le Gouverne-
ment canadien a fait auprès du ou verne m esengnol de nombreuses
démarchesdans lesquelles on ne saurait voir autre chose que l'exercicetions concerning the treatment accorded to Barcelona Traction by the
Spanish authorities. The United Kingdom Government intervened on
behalf of bondholders and of shareholders. Several representations were
also made by the United States Government, but not on behalf of the
Barcelona Traction company as such.
73. Both Governments acted at certain stages in close ceoperation
with the Canadian Government. An agreement was reached in 1950 on
the setting-up of an independent committee of experts. While the Belgian
and canadiin Governments contemplated a committee composed of
Belgian,Canadian and Spanish members, the Spanish Government sug-
gested a committee composed of British, Canadian and Spanish members.
This was agreed to by the Canadian and United Kingdom Governments,
and the task of the committee was, in particular, to establish the monies
imported into Spain by Barcelona Traction or any of its subsidiaries, to
determine and appraise the materials and services brought into the
country, to determine and appraise the amounts withdrawn from Spain
by Barcelona Traction or any of its subsidiaries, and to compute the
profits earned in Spain by Barcelona Traction or any of its subsidiaries
and the amounts susceptible of being withdrawn from the country at 31
December 1949.
74. As to the Belgian Government, its earlier action was also under-
taken in close CO-operationwith the Canadian Government. The Belgian
Government admitted the Canadian character of the company in the
course of the present proceedings. It explicitly stated that Barcelona
Traction was a company of neither Spanish nor Belgian nationality but a
Canadian company incorporated inCanada. TheBelgianGovernmenthas
even conceded that it was not concerned with the injury suffered by
Barcelona Traction itself,since that was Canada's affair.
75. The Canadian Government itself, which never appears to have
doubted its right to intervene on the company's behalf, exercised the
protection of Barcelona Traction by diplomatic representation for a
number of years, in particular by its note of 27 March 1948,in which it
alleged that a denial of justice had been committed in respect of the
Barcelona Traction, Ebro and National Trust companies, and requested
that the bankruptcy judgment be cancelled. It later invoked the Anglo-
Spanish treaty of 1922 and the agreement of 1924, which applied to
Canada. Further Canadian notes were addressed to the Spanish Govern-
ment in 1950,1951and 1952.Further approaches were made in 1954,and
in 1955 the Canadian Government renewed the expression of its deep
interest in the affair of Barcelona Traction and its Canadian subsidiaries.
76. In sum, the record shows that from 1948 onwards the Canadian
Governmentmade to the SpanishGovernment numerous representations
which cannot be viewed othenvise than as the exercise of diplomaticde la protection diplomatique de la société BarcelonaTraction. II ne
s'agit donc pas d'un cas où la protection diplomatique a étérefusée, ni
d'un cas où elle est restéethéorique.Il est en outre manifeste que, pen-
dant toute la duréede son actiondiplomatique, leGouvernementcanadien
avait pleine connaissance de l'attitude et de l'action du Gouvernement
belge.
77. Il est vrai qu'à un moment donné le Gouvernement canadien a
cesséd'agir pour le compte de la Barcelona Traction, pour des motifs
qui n'ont pas étépleinement révélés, bieq nu'un passage d'une lettre du
19juillet1955émanant du secrétaired'Etat aux Affaires extérieuresdu
Canada donne à penser que, pour le Gouvernement canadien, l'affaire
devait désormaisêtreréglée par des négociations privées. LeGouverne-
ment canadien n'en a pas moins conservéqualitépour exercer la protec-
tion diplomatique; aucun obstacle d'ordrejuridique ne l'a empêché de le
faire; aucun fait n'estintervenu quieût rendu cette protection impossible.
Le Gouvernement canadien a cesséson action de son plein gré.
78. La Cour rappelle que, dans les limites fixéespar le droit inter-
national, un Etat peut exercer sa protection diplomatique par les moyens
et dans la mesure qu'il juge appropriés,car c'est son droit propre qu'il
fait valoir. Si les personnes physiques ou morales pour le compte de qui
il agit estiment que leurs droits ne sont pas suffisamment protégés, elles
demeurent sans recours en droit international. En vue de défendreleur
cause et d'obtenir justice, elles ne peuvent que faire appel au droit in-
terne, si celui-cileur en offreles moyens. Le législateurnational peut im-
poser à 1'Etat l'obligation de protégerses citoyens à l'étranger.Il peut
égalementaccorder aux citoyens ledroit d'exigerque cette obligation soit
respectéeet assortir cedroit de sanctions. Maistoutes cesquestions restent
du ressort du droit interne et ne modifient pas la situation sur le plan
international.
79. L'Etat doit êtreconsidéré comme seum l aître de déciders'il ac-
cordera sa protection, dans quelle mesure il le fera et quand il y mettra
fin.Il possèdeà cet égardun pouvoir discrétionnairedont l'exercicepeut
dépendrede considérations,d'ordre politique notamment, étrangèresau
cas d'espèce.Sa demande n'étantpas identique à celle du particulieOU
de la sociétédont il épouse lacause, 1'Etatjouit d'une liberté d'action
totale. Quels que soient les motifs d'un changement d'attitude de sapart,
le fait ne saurait en soi justifier l'exerciced'une protection diplomatique
par un autre gouvernement, à moins qu'il n'y ait à cela un fondement
distinct et valable.
80. On ne saurait considérerque cela revienne à créer unesituation
où la violation du droit reste sans remède,autrement dit une situation deprotection in respect of the Barcelona Traction Company.Therefore this
was not a case where diplomatic protection was refused or remained in
the sphere of fiction. It is also clear that over the whole period of its
diplomatic activity the Canadian Government proceeded in full know-
ledge of the Belgian attitude and activity.
77. It is true that at a certain point the Canadian Government ceased
to act on behalf of Barcelona Traction, for reasons which have not been
fully revealed, though a statement made in a letter of 19July 1955by the
Canadian Secretary of State for External Affairs suggests that it felt the
matter should be settled by means of private negotiations. The Canadian
Government has nonetheless retained its capacity to exercise diplomatic
protection; no legal impediment has prevented it from doing so: no
fàct has arisen to render this protection impossible. It has discontinued
its action of its own free will.
78. The Court would here observe that, within the limits prescribed
by international law, a State may exercise diplomatic protection by
whatever means and to whatever extent it thinks fit, for it is its own right
that the State is asserting. Should the natural or legal persons on whose
behalf it is actingconsider that their rights are not adequately protected,
they have no remedy in international law. Al1they can do is to resort tû
municipal law, if means are available, with a view to furthering their
cause or obtaining redress. The municipal legislator may lay upon the
State an obligation to protect its citizens abroad, and may also confer
upon the national a right to demand the performance of that obligation,
and clothe the right with corresponding sanctions. However, al1 these
questions remain within the province of municipal law and do not affect
the position internationally.
79. The State must be viewed as the sole judge to decide whether its
protection will be granted, to what extent it is granted, and when it will
cease. It retains in this respect a discretionary power the exercise of
which may be determined by considerations of a political or other nature,
unrelated to the particular case. Sincethe claim of the State is not identi-
cal with that of the individual or corporate person whose cause is es-
poused, the State enjoys complete freedom of action. Whatever the
reasons for any change of attitude, the fact cannot in itself constitute a
justification for the exercise of diplomatic protection by another govern-
ment, unless there is some independent and otherwise valid ground for
that.
80. This cannot be regarded as amounting to a situation where a
violation of law remains without remedy: in short, a legal vacuum. videjuridique. Les titulaires de droits ne sont aucunement obligésde les
exercer. Il arrive parfois qu'aucun recours ne soit exercé bienque des
droits aient étélésésD. ire qu'on créeainsi un vide serait assimiler un
droità une obligation.
81. De ceque le Gouvernement canadien a cesséd'assurer la protection
diplomatique de la Barcelona Traction, on ne saurait déduire qu'il
n'existe aucun recours contre le Gouvernement espagnol pour le pré-
judice causépar des actes des autoritésespagnoles qualifiés d'illicites.Ce
n'est pasun droit hypothétiquequi a étéconféréau Canada car il n'y a
pas d'obstacle juridique empêchantle Gouvernement canadien de pro-
tégerla Barcelona Traction. Rien par conséquentne vient étayerl'argu-
ment selon lequel la seule possibilitéd'obtenir réparation pour le tort
causé à la Barcelona Traction et, à travers elleà ses actionnaires était
que le Gouvernement belge saisissela Cour d'une réclamation.
82. La Cour ne saurait accepter non plus l'idéeque le Gouvernement
canadien devait forcément interrompre la protection qu'il accordait à
la Barcelona Traction et s'abstenir de l'exercer par d'autres voies,
simplement parce qu'il n'existait aucun lien de juridiction obligatoire
entre l'Espagne et le Canada. L'action judiciaire internationale n'est
qu'un des moyens dont disposent les Etats quand ils invoquent leur droit
d'exercer la protection diplomatique (Réparationdes dommages subisau
service des Nations Unies, avisconsultatif,C.I.J. Recueil 1949, p. 178).
L'absence d'un lien de juridiction ne peut être considérée,dans ce
domaine du droit international ni dans d'autres, comme entraînant
l'inexistenced'un droit.
83. Le droit de protection du Gouvernement canadien en ce qui
concernela Barcelona Traction n'estpas affectépar la procédureactuelle.
Le Gouvernement espagnol n'a jamais contestéla nationalité canadienne
de la sociétén,i dans sa correspondance diplomatique avec le Gouverne-
ment canadien ni devant la Cour. De plus, il a reconnu sans réserve,tant
dans ses écritures qu'au cours des plaidoiries prononcées pendant la
présente instance,que le Canada était 1'Etat national de la Barcelona
Traction. Par conséquent la Cour considère que le Gouvernement
espagnol n'a pas misen doute le droit du Canada de protégerla société.
84. Encore que la question du droit du Canada ne lui ait pas été
soumise,vu la nature de l'affaire,la Cour a estimé nécessaidel'éclaircir.
85. La Cour examinera maintenant la demande belge d'un point de
vue différent.Faisant abstraction du droit interne, elle s'appuiera sur
la règlesuivant laquelle, dans lesrelations interétatiques,lesréclamations
sont toujours le fait d'un Etat, que celui-cilesintroduise pour son propreThere is no obligation upon the possessors of rights to exercise them.
Sometimes no remedy is sought, though rights are infringed. To equate
this with the creation of a vacuum would be to equate a right with an
obligation.
81. The cessation by the Canadian Government of the diplomatic
protection of Barcelona Traction cannot, then, be interpreted to mean
that there is no remedy against the Spanish Government for the damage
done by the allegedlyunlawful acts of the Spanishauthorities. It is not a
hypothetical right which was vested in Canada, for there is. no legal
impediment preventing the Canadian Government from protecting
Barcelona Traction. Therefore there is no substance in the argument that
for the BelgianGovernment to bringa claim before the Court represented
the only possibility of obtaining redress for the damage suffered by
Barcelona Traction and, through it, by its shareholders.
82. Nor can the Court agree with the viewthat the Canadian Govern-
ment had of necessity to interrupt the protection it was giving to Barce-
lona Traction, and to refrain from pursuing it by means of other pro-
cedures, solely because there existed no link of compulsory jurisdiction
between Spain and Canada. International judicial proceedings are but
one of the means available to States in pursuit of their right to exercise
diplomaticprotection (Reparationfor InjuriesSuffercn n theService ofthe
United Nations, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1949,p. 178).The lack
of ajurisdictional link cannot be regarded either inthis or in other fields
of international law as entailing the non-existence of a right.
83. The Canadian Government's right of protection in respect of the
Barcelona Traction company remains unaffected by the present pro-
ceedings. The Spanish Government has never challenged the Canadian
nationality of the company, either in the diplomatic correspondence
with the Canadian Government or before the Court. Moreover it has
iinreservedly recognized Canada as the national State of Barcelona
Traction in both written pleadings and oral statements made in the
course of the present proceedings. Consequently, the Court considers that
the SpanishGovernmenthas not questioned Canada's right to protect the
company.
84. Though, having regard to the character of the case, the question
of Canada's right has not been before it, the Court has considered it
necessary to clarify this issue.
85. The Court will now examine the Belgian claim from a different
point of view, disregarding municipal law and relying on the rule that in
inter-State relations, whether claims are made on behalf of a State's
national or on behalf of the State itself, they are alwaysthe claims ofthecompte ou pour le compte d'un de ses ressortissants. Pour reprendre les
termes de la Cour permanente,
«Il n'y a donc pas lieu, à ce point de vue, de se demander si, à
l'origine du litige, on trouve une atteintà un intérêpt rivé,ce qui
d'ailleurs arrive dans un grand nombre de différendsentre Etats.1)
(Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêtno 2, 1924, C.P.J.Z.
sérieA no 2, p. 12. Voir aussi Nottebohm, deuxièmephase, arrêt,
C.Z.J.Recueil 1955,p. 24.)
86. Il s'ensuitque leGouvernement belgeaurait qualitépour introduire
une réclamations'il pouvait établir qu'unde ses droits a étélésé et que
les actes incriminés ont entraîné la violation d'une obligation inter-
nationale néed'un traité ou d'une règle générale de droit. On a émis
l'opinion qu'un Etat peut par suite formuler une réclamation lorsque
des investissements faits par ses ressortissantsà l'étrangersubissent de
la sorte un préjudiceet que, de tels investissements faisant partie des
ressources économiquesde la nation, tout préjudice qu'ilsviennent à
subir met directement en jeu les intérêts économiques d1 e'Etat.
87. Il est arrivé que des gouvernements interviennent en pareil cas,
non seulement quand leurs intérêts sont effectivement lésés,mais aussi
quand ils sont menacés. Il faut souligner cependant que ce genre d'action
est tout à fait différentde la protection diplomatique et se situe sur un
autre plan. Dès lors qu'un Etat admet sur son territoire des investisse-
ments ou des ressortissants étrangers, il est tenu, comme on l'a indiqué
au paragraphe 33, de leur accorder la protection de la loi. Mais il ne
devient pas l'assureur des ressources d'un autre Etat que ces investisse-
ments représentent.Tous les placements de cette nature comportent des
risques. La vraie question est de savoir s'il a eu violation d'un droit
qui ne saurait être quele droit de 1'Etatà ce que ses ressortissants
bénéficientd'un certain traitement garanti par le droit international
générae ln l'absence d'untraitéapplicable au cas d'espèce.D'autre part,
il a étésouligné qu'ence qui concerne les investissementsl'appartenance
effectiveà une économiedoit êtreprouvée.Cette preuve, ainsi qu'on l'a
admis, est parfois trèsdifficileaire, en particulier quand des entreprises
complexes sont en jeu. Ainsi le critère concret actuel serait remplacé
par un critère pouvant mener à une situation où aucune protection
diplomatique ne pourrait êtreexercée, avec cette conséquencequ'un
acte illicite commis par un autre Etat resterait sans remède.
88. Il suit de ce qui a déjà été exposé plhuaut que, s'agissant d'actes
illicites, dirigéscontre une sociétécapitaux étrangers, larèglegénérale
de droit international n'autorise que 1'Etat national de cette sociétéà
formuler une réclamation.
89. Compte tenu desimportants événements survenusdepuiscinquante
ans, de l'extension desnvestissémentsétrangerset de l'ampleur prisepar
l'activité des sociétéssur le plan international, notamment celle desState. As the Permanent Court said,
"The question, therefore, whether the ... dispute originates in an
injury to a private interest, which in point of fact is the case in many
international disputes, is irrelevant from this standpoint." (Mavrom-
matis Palestine Concessions,Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J., Series
A, No. 2, p. 12. See also Nottebohm, SecondPhase, Judgment, I.C.J.
Reports 1955, p. 24.)
86. Hence the Belgian Government would be entitled to bring a claim
if it could show that one of its rights had been infringed and that the acts
complained of involved the breach of an international obligation arising
out of atreaty or a general rule oflaw. The opinion has been expressedthat
a claim can accordingly be made when investments by a State's nationals
abroad are thus prejudicially affected, and that since such investments
are part of a State's national economic resources, any prejudice to them
directly involves the economic interest of the State.
87. Governments have been known to intervene in such circumstances
not only when their interests were affected, but also when they were
threatened. However, it must be stressed that this type of action is quite
different from and outside the field of diplomatic protection. When a
State admits into its territory foreign investments or foreign nationals it
is, as indicated in paragraph 33, bound to extend to them the protection
of the law. However, it does not thereby become an insurer of that part
of another State's wealth which these investments represent. Every
investment of this kind carries certain risks. The real question is whether
a right has been violated, which right could only be the right of the
State to have its nationals enjoy a certain treatment guaranteed by
general international law, in the absence of a treaty applicable to the
particular case. On the other hand it has been stressed that it must be
proved that the investment effectivelybelongs to a particular economy.
This is, as it is admitted, sometimes very difficult, in particular where
complex undertakings are involved. Thus the existing concrete test
would be replaced by one which might lead to a situation in which no
diplomatic protection could be exercised, with the consequence that an
unlawful act by another State would remain without remedy.
88. It follows from what has already been stated above that, where it
is a question of an unlawful act committed against a company represent-
ing foreign capital, the general rule of international law authorizes the
national State of the company alone to make a claim.
89. Considering the important developments of the last half-century,
the growth of foreign investments and the expansion of the international
activities of corporations, in particular of holding companies, which are sociétésholding, souvent multinationales, compte tenu aussi de la
prolifération des intérêts économiqued ses Etats, il peut êtrà première
vue surprenant que l'évolutiondu droit ne soit pas allée plusloin et que
des règles généralement reconnuesne se soient pas cristalliséessur le
plan international. Néanmoins un examen plus approfondi des faits
montre que le droit en la matière s'est forméen une période d'intense
conflit de systèmeset d'intérêts. Dersapports essentiellement bilatéraux
sont en cause, où les droits des Etats qui exercent la protection diploma-
tique et des Etats à l'égard desquels uneprotection est demandée ont
dû êtreégalement sauvegardés.Dans ce domaine comme dans d'autres,
un ensemble de règlesn'aurait pu mûrir qu'avecl'assentiment des intéres-
sés. Les difficultésauxquelleon se heurte se reflètentdans l'évolutiondu
droit en la matière.
90. C'est pourquoi, dans l'état présentdu droit, la protection des
actionnaires exige que l'on recoure à des stipulations conventionnelles
ou à des accords spéciaux conclusdirectement entre l'investisseur privé
et 1'Etat où l'investissement est effectué. LesEtats assurent de plus en
plus fréquemmentce genre de protection dans leurs relations bilatérales
ou multilatérales, soit au moyen d'instruments spéciaux soit dans le
cadre d'ententes économiquesde portéeplus générale.Toute une évolu-
tion a eu lieu depuis la deuxièmeguerre mondiale en matière de protec-
tion des investissementsà l'étranger,qui s'est traduite par la conclusion
de traités bilatérauxou multilatéraux entre Etats ou d'accords entre
Etats et sociétés. Cesinstruments contiennent des dispositions sur la
compétenceet la procédureen cas de différendsconcernant le traitement
des sociétésqui investissent par les Etats où les investissements sont faits.
Parfois les sociétésse voient conférerun droit direct de défendre leurs
intérêtscontre les Etats par des procéduresdéfinies.Aucun instrument
de ce genre n'est en vigueurentre les Parties la présente instance.
91. En ce qui concerne plus particulièrement les droits de l'homme,
auxquels le présentarrêta déjàfait allusion au paragraphe 34, on doit
noter qu'ils comportent aussi une protection contre le déni dejustice.
Toutefois, sur le plan universel, les instruments qui consacrent les droits
de l'homme ne reconnaissent pcs qualité aux Etats pour protéger les
victimes de violations de ces droits indépendamment de leur nationalité.
C'est donc encore sur le plan régionalqu'il a fallu chercher une solution
à ce problème. Ainsi, au sein du Conseil de l'Europe, dont l'Espagne
n'est pas membre, le problème de la recevabilité,auquel se heurte la
requêteen la présenteaffaire, est résolupar la Convention européenne
des droits de l'homme qui autorise chaque Etat partie àla convention à
porter plainte contre tout autre Etat contractaàtraison d'une violation
de la convention sans égard à la nationalité dela victime.often multinational, and considering the way in which the economic
interests of States have proliferated, it may at first sight appear surprising
that the evolution of law has not gone further and that no generally ac-
cepted rules in the matter have crystallized on the international plane.
Nevertheless, a more thorough examination of the facts shows that the
law on the subject has been formed in a period charaêterized by an
intense conflict of systems and interests. It is essentiallybilateral relations
which have been concerned, relations in which the rights of both the
State exercising diplomatic protection and the State in respect of which
protection is sought have had to be safeguarded. Here as elsewhere, a
body of rules could only have developed with the consent of those
concerned. The difficulties encountered have been reflected in the evolu-
tion of the law on the subject.
90. Thus, in the present state of the law, the protection of shareholders
requires that recourse be had to treaty stipulations or special agreements
directly concluded between the private investor and the State in which the
investment is placed. States ever more frequently provide for such
protection, in both bilateral and multilateral relations, either by means
of special instruments or within the framework of wider economic
arrangements. Indeed, whether in the form of inultilateral or bilateral
treaties between States, or in that of agreements between States and
companies, there has since the Second World War been considerable
development in the protection of foreign investments. The instruments in
question contain provisions as to jurisdiction and procedure in case of
disputes concerning the treatment of investingcompanies by the States in
which they invest capital. Sometimes companies are themselves vested
with a direct right to defend their interests against States through pre-
scribedprocedures. No such instrument is in force between the Parties to
the present case.
91. With regard more particularly to human rights, to which reference
has already been made in paragraph 34 of this Judgment, it should be
noted that these also include protection against denial of justice. How-
ever, on the universal level, the instruments which embody human rights
do not confer on States the capacity to protect the victims of infringe-
ments of such rights irrespective of their nationality. It is therefore still
on the regional levelthat a solution to this problemhas had to be sought;
thus, within the Council of Europe, of which Spain is not a member, the
problem of admissibility encountered by the claim in the present case has
been resolved by the European Convention on Human Rights, which
entitleseach State which is aparty to the Convention to lodge acomplaint
against any other contracting State for violation of the Convention,
irrespective of the nationality of the victim. 92. Puisque la règle généraleen la matière n'autorise pas le Gouverne-
ment belge à présenter une réclamation en l'espèce, on doit encore
rechercher si des considérations d'équitn'exigent pas, comme il l'a fait
valoir au cours de la procédure,qu'un droit deprotection lui soitreconnu.
Certes on a soutenu que, pour des raisons d'équité, unEtat devrait
pouvoir assumer dans certains cas la protection de ses ressortissants
actionnaires d'une société victimed'une violation du droit international.
Ainsi, une thèse s'est développée selon laquelle 1'Etat des actionnaires
aurait le droit d'exercer sa protection diplomatique lorsque1'Etat dont
la responsabilitéest en cause est1'Etatnational de la société. Quelleque
soit la validitéde cette thèse,elle ne saurait aucunement être appliquée
à la présente affaire, puisque l'Espagne n'est pas 1'Etat national de la
Barcelona Traction.
93. En revanche la Cour estime que, dans le domaine de la protection
diplomatique comme danstous lesautres domaines, le droit international
exige une application raisonnable. Il a étésuggéréque, si l'on ne peut
appliquer dans un cas d'espècela règle générale selon laquelle lderoit de
protection diplomatique d'une société revient à son Etat national, il
pourrait être indiqué,pour des raisons d'équité,que la protection des
actionnaires en cause soit assuréepar leur propre Etat national. L'hypo-
thèse envisagéene correspond pas aux circonstances de la présente
affaire.
94. Etant donnétoutefois la nature discrétionnaire de la protection
diplomatique, les considérations d'équité ne sauraient exiger plus que
la possibilitéde voir intervenir un Etat protecteur, qu'il s'agisse,en vertu
de la règle générale exposée plu haut, de1'Etatnational de la sociétéou,
à titre subsidiaire, de 1'Etatnational des actionnaires réclamant protec-
tion. Il convient aussi de tenir compte à ce sujet des conséquences
pratiques auxquelles on pourrait aboutir si l'on déduisaitde considéra-
tions d'équitéun droit plus large de protection pour 1'Etat des action-
naires. Il y a lieu tout d'abord de constater qu'en matière d'équitéil
serait difficiled'établirdes distinctions d'après des critèresquantitatifs:
il semble que chacun des actionnaires doive avoir la même possibilité
de bénéficiedre la protection diplomatique, qu'il possède 1pour cent ou
90 pour cent du capital social. Certes 1'Etat protecteur peut ne pas se
montrer disposé à prendre fait et cause pour le petit actionnaire isolé,
maisil paraît difficiledelui dénier ledroit delefaire au nom deconsidéra-
tions d'équité.Sur ce plan, la protection par 1'Etatnational des action-
naires ne saurait guèreêtredosée d'aprèsl'importance absolueou relative
du nombre d'actions en cause.
95. Il est vrai que le Gouvernement belge a égalementfait valoir que
les actions de la Barcelona Traction appartiendraient à des personnes
physiques ou morales de nationalité belge dans une proportion aussi
considérable que88 pour cent et il en tire argument non seulement pour
fixer le montant des dommages-intérêtsqu'il réclame, mais aussipour
établir son droit d'agir en faveur des actionnaires belges. Néanmoins 92. Since the general rule on the subject does not entitle the Belgian
Government to put fonvard a claim in this case, the question remains to
be considered whether nonetheless, as the Belgian Government has con-
tended during the proceedings, considerations of equity do not require
that it be held to possess a right of protection. It is quite true that it has
been maintained that, for reasons of equity, a State should be able, in
certain cases, to take up the protection ofits nationals, shareholders in a
company which has been the victim of a violation of international law.
Thus a theory has been developed to the effectthat the State of the share-
holders has a right of diplomaticprotection when theState whose respon-
sibility is invoked is the national State of the company. Whatever the
validity of this theory may be, it is certainly not applicable to the present
case,since Spain is not the national State of Barcelona Traction.
93. On the other hand, the Court considers that, in the field of diplo-
matic protection as in al1other fields of international law, it is necessary
that the law be applied reasonably. It has been suggestedthat if in a given
case it is not possibleto apply the generalrule that the right of diplomatic
protection of a company belongs to its national State, considerations of
equity might cal1for the possibility of protection of the shareholders in
question by their own national State. Thishypothesis does not correspond
to the circumstances of the present case.
94. In view, however, of the discretionary nature of diplomatic pro-
tection, considerations of equity cannot require more than the possibility
for some protector State to intervene, whether it be the national State of
the company, by virtue of the general rule mentioned above, or, in a
secondary capacity, the national State of the shareholders who claim
protection. In this connection, account should also be taken of the
practical effects of deducing from considerations of equity any broader
right of protection for the national State of the shareholders. It must first
of al1be observed that it would be difficulton an equitable basis to make
distinctions according to any quantitative test: it would seem that the
owner of 1 per cent. and the owner of 90 per cent. of the share-capital
should have the same possibility of enjoying the benefit of diplomatic
protection. The protector State may, of course, be disinclined to take up
the case of the singlesmall shareholder,but it could scarcelybe denied the
right to do so in the name of equitable considerations. In that field, pro-
tection by the national state of the shareholders can hardly be graduated
according to the absolute or relative size of the shareholding involved.
95. The Belgian Government, it is true, has also contended that as
high a proportion as 88 per cent. of the shares in Barcelona Traction
belonged to natural or juristic persons of Belgian nationality, and it has
used this as an argument for the purpose not only of determining the
amount of the damages which it claims, but also of establishing its right
of action on behalf of the Belgian shareholders. Nevertheless, this does cela n'affecte pas la thèse du Gouvernement belge en la matière, telle
qu'ellea étdéveloppée au cours dela procédure, quiimpliqueen dernière
analyse qu'il pourrait suffire qu'une seule action appartienne à un
ressortissant d'un Etat pour que celui-ci soit fondéà exercer sa protec-
tion diplomatique.
96. La Cour considère que l'adoption de la thèse de la protection
diplomatique des actionnaires cornme tels, en ouvrant la voie à des
réclamations diplomatiques concurrentes, pourrait créer un climat de
confusion et d'insécuritédans les relations économiquesinternationales.
Le danger serait d'autant plus grand que les actions des sociétésayant
une activitéinternationale sont très disperséeset changent souvent de
mains. On pourrait peut-êtrefaire valoir que, si le droit de protection
revenant aux Etats nationaux des actionnaires n'était considéréque
comme subsidiaire par rapport à celui de 1'Etat national de la société,
le risque d'inconvénientsde la nature envisagéeseraitmoindre. Toutefois
la Cour doit constater que l'essence d'un droit subsidiaire est de ne
prendre naissance qu'au moment où le droit original cesse d'exister.
Comme le droit de pr'otection revenant à 1'Etat national de la société
ne saurait êtretenu pour éteintdu fait qu'il n'estpas exercé,il n'est pas
possible d'admettre qu'en cas de non-exercice les Etats nationaux des
actionnaires auraient un droit de protection subsidiaire par rapport à
celui de 1'Etat national de la société.Au surplus l'examen de situations
de fait dans lesquelles on aurait éventuellement appliquer cette théorie
donne lieu aux observations suivantes.
97. 11peut y avoir différentscas dans lesquels lesactionnaires étrangers
d'une sociétédésirentavoir recours à la protection diplomatique de leur
propre Etat national.Il se peut que 1'Etatnational de la société se refuse
purement et simplement àlui accorder sa protection ou qu'il commence
à l'exercer-comme dans le cas présent- mais ne poursuive pas son
action jusqu'au bout. Il se peut aussi que 1'Etat national de la société
et 1'Etatqui a commis une violation du droit international à l'égardde
celle-ci parviennentà un règlement de l'affaire en s'entendant sur une
compensation destinée à la société,mais que les actionnaires étrangers
trouvent la compensation insuffisante. Or, sur le plan des principes, il
serait difficile de distinguer entre ces trois cas pour ce qui concerne la
protection des actionnaires étrangerspar leur Etat national puisque, dans
chacun de ces cas, ils auraient pu subir un préjudice réel.D'autre part,
l'Etat national de la sociétéest parfaitement libre de déterminer dans
quelle mesure il y a lieu pour lui de la protéger et il n'est pas tenu de
rendre publics les motifs de sa décision. Concilierce pouvoir discrétion-
naire de1'Etatnational de la société aveun droit de protection revenant
à 1'Etatnational des actionnaires serait particulièrement difficilelorsque
le premier Etat a conclu avec 1'Etatayant enfreint le droit international
à l'égardde la sociétéun accord qui alloue à celle-ci une compensation
considéréecomme insuffisante par les actionnaires étrangers. Si, après
un tel règlement,1'Etatnational de ceux-ci pouvait à son tour formuler not alter the Belgian Government's position, as expounded in the course
of the proceedings, which implies, in the last analysis, that it might be
sufficientfor one single share tobelong to a national of a given State for
the latter to be entitled to exercise its diplomatic protection.
96. The Court considers that the adoption of the theory of diplomatic
protection of shareholders as such, by opening the door to competing
diplomatic clain~s, could create an atmosphere of confusion and in-
security in international economic relations. The danger would be al1the
greater inasmuch as the shares of companies whose activity is inter-
national are widely scattered and frequently change hands. It might
perhaps beclaimed that, ifthe right ofprotection belonging to thenational
States of the shareholders were considered as only secondary to that of
thenationalState ofthe company, therewould belessdanger ofdifficulties
of the kind contemplated. However, the Court must state that the essence
of a secondary right is that it onlycomes into existence at the time when
the original right ceases to exist. As the right of protection vested in the
national State of the company cannot be regarded as extinguished be-
cause it is not exercised, it is not possible to accept the proposition that
in case of its non-exercise the national States of the shareholders have a
right of protection secondary to that of the national State ofthecompany.
Furthermore, study of factual situations in which this theory might pos-
sibly be applied gives rise to the following observations.
97. The situations in which foreign shareholders in a company wish
to have recourse to diplomatic protection by their own national State
may Vary.It may happen that the national State of the company simply
refuses to grant it its diplomatic protection, or thatt begins to exercise it
(as in the present case) but does not pursue its action to the end. It may
also happen that the national State of the company and the State which
has committed a violation of international law with regard to the com-
matter, by agreeing on compensation
pany arrive at a settlement of the
for the company, but that the foreign shareholders find the compensation
insufficient. Now, as a matter of principle, it would be difficult to draw a
distinction between these three cases so far as the protection of foreign
shareholders by their national State is concerned, since in each case they
may have suffered real damage. Furthermore, the national State of the
company is perfectly free to decide how far it is appropriate for it to
protect the company, and is not bound to make public the reasons for
its decision. To reconcile this discretionary power of the company's
national State with a right of protection falling to the shareholders'
national State would be particularly difficult when the former State has
concluded, with the State which has contravened international law with
regard to thecompany,an agreement grantingthe company compensation
which the foreign shareholders find inadequate. If, after such a settlement,
the national State of the foreign shareholders couldin its turn put forwardune réclamation à cause des mêmes faits, cela serait denatuàeintroduire
dans la négociationde ce genre d'accords une insécuritécontraire à la
stabilitéque le droit international a pour objet d'établirdans lesrelations
internationales.
98. Il est bien vrai, comme il a été rappeléau paragraphe 53, que le
droit international reconnaît des droits de protection parallèles dans le
cas d'une personne entréeau service d'une organisation internationale.
Il n'est pas exclu non plus que des réclamations concurrentes puissent
être formulées pour le compte d'une personne ayant une double natio-
nalité bienque, en l'occurrence, lemanque d'un lien effectif avec l'un
des deux Etats puisse êtreopposé à l'exercicepar cet Etat du droit de
protection. Il faut toutefois constater que, dans ces deux genres de
situations, le nombre de protecteurs possibles est nécessairementfort
réduitet que normalement leur identitén'estpas difficiledéfinir.En cela
ces cas de double protection se distinguent nettement des prétentions
auxquelles la reconnaissance d'un droit généralde protection d'action-
naires étrangers par leurs Etats nationaux respectifs pourrait donner
lieu.
99. Il convient d'observer aussi que les fondateurs d'une société
orientéevers des activitésinternationales doivent tenir compte du fait
que les Etats ont le pouvoir discrétionnaire d'accorder ou de refuser la
protection diplomatique à leurs ressortissants. En établissantune société
dans un pays étranger, ses fondateurs sont normalement mus par des
considérationsspéciales;il s'agit souvent de profiter d'avantages fiscaux
ou autres offertspar1'Etathôte. Il ne sembleaucunement inéquitableque
les avantages ainsi obtenus aient pour contrepartie les risques crépar
le fait que la protection de la societ donc de ses actionnaires est ainsi
confiée àun Etat autre que 1'Etatnational de ces derniers.
100. Dans la présente affaire,il ressort de ce qui a été exposé plus
haut que la Barcelona Traction n'a jamais été réduiteà une impuissance
telle qu'elle n'ait pu s'adresser son Etat national, le Canada, pour
demander sa protection diplomatique, et que, autant que la Cour le
sache, rien n'aurait empêché leCanada de continuer à accorder sa
protection diplomatique à la Barcelona Traction s'il avait estimédevoir
le faire.
101. Pour les motifs ci-dessus indiqués, laCour n'est pas d'avis que,
dans les circonstances particulièresde la présenteaffaire, des considéra-
tions d'équitésoient de natureàconférerqualitépour agir au Gouverne-
ment belge.
102. Au cours de la procédure, les Parties ont présentéun grand
nombre de documents et autres moyens de preuve pour étayer leurs
5 1a claim based on the same facts, this would be likely to introduce intothe
negotiation of this kind of agreement a lack of security which would be
contrary to the stability which it is the object of international law to
establish in international relations.
98. It is quite true, as recalled in paragraph 53, that international law
recognizes parallel rights of protection in the case of a person in the
serviceof an international organization. Nor is the possibility excluded of
concurrent claims being made on behalf of persons having dual national-
ity, although in that case lack of a genuine link with one of the two States
may be set up against the exerciseby that State of the right of protection.
It must be observed, however, that in these two types of situation the
number of possible protectors is necessarilyvery small, and their identity
normally not difficult to determine. In this respect such cases of dual
protection are markedly different from the claims to which recognition of
a general right of protection of foreign shareholders by their various
national States might give rise.
99. It should also be observed that the promoters of a company whose
operations will be international must take into account the fact that
States have, with regard to their nationals, a discretionary power to
grant diplomaticprotection or to refuse it. When establishing a company
in a foreign country, its promoters are normally impelled by particular
considerations; it is often a question of tax or other advantages offered
by the host State. It does not seem to be in any way inequitable that the
advantages thus obtained should be balanced by the risks arising from
the fact that the protection of the company and hence of its shareholders
is thus entrusted to a State other than the national State of the share-
holders.
100. In the present case, it is clear from what has been said above that
Barcelona Traction was never reduced to a position of impotence such
that it could not have approached its national State, Canada, to ask for
its diplomatic protection, and that, as far as appeared to the Court, there
was nothing to prevent Canada from continuing to grant its diplomatic
protection to Barcelona Traction if ithad considered that it should do so.
101. For the above reasons, the Court is not of the opinion that, in the
particular circumstances of the present case, jus standiis conferred on the
Belgian Government by considerations of equity.
102. In the course of the proceedings, the Parties have submitted a
great amount of documentary and other evidenceintended to substantiateconclusions respectives. La Cour en a pris connaissance. D'un côté,il a
étésoutenu que les autorités administratives et judiciaires espagnoles
ont commis des actes illiciteset que ces actes engagent la responsabilité
internationale de l'Espagne.De l'autre, on a affirméque, dans la poursuite
de leur activité,la Barcelona Traction et ses filiales ont violé la loi espa-
gnole et causéun préjudice à l'économie espagnole.A supposer que les
faits soient établisdans les deux cas, les derniers ne sauraient en aucune
façon légitimerles premiers. La Cour a pu appréciertoute l'importance
des problèmesjuridiques soulevéspar l'allégationqui està la base de la
demande belge de réparation et qui concerne les dénisde justice qu'au-
raient commis des organes de 1'Etatespagnol. Cependant la possession
par le Gouvernement belge d'un droit de protection constitue une condi-
tion préalableà l'examen de ces problèmes.Attendu que la qualitépour
agir devant la Cour n'a pas étédémontrée,il n'y a pas lieu que la Cour
se prononce dans son arrêt sur tout autre aspect de l'affaire sur lequel
elle ne devrait prendre position que si le Gouvernement belge avait un
droit de protection à l'égardde ses ressortissants, actionnaires de la
Barcelona Traction.
103. En conséquence,
LACOUR
rejette la demande du Gouvernement belge par quinze voix contre
une, douze des voix de la majoritésefondant sur les motifs énoncésdans
le présentarrêt.
Fait en français et en anglais, le texte français faisant foi, au palais
de la Paix,à La Haye, le 5 février mil neufcent soixante-dix, en trois
exemplaires, dont l'un restera déposé auxarchives de la Cour et dont
les autres seronttransmis respectivement au Gouvernement du Royaume
de Belgique et au Gouvernement de 1'Etatespagnol.
Le Président,
(Signé)J. L. BUSTAMAN TERIVERO.
Le Greffier,
(Signé) S. AQUARONE.their respective submissions. Of this evidencethe Court has taken cogni-
zance. It has been argued on one side that unlawful acts had been corn-
mitted by the Spanish judicial and administrative authorities, and that as
a result of those acts Spain has incurred international responsibility. On
the other side it has been argued that the activities of Barcelona Traction
and its subsidiaries were conducted in violation of Spanish law and
caused damage to the Spanish economy. If both contentions were
substantiated, the truth of the latter would in no wayovide justification
in respect of the former. The Court fully appreciates the importance of
the legal problems raised by the allegation, which is at the root of the
Belgian claim for reparation, concerning the denials of justice allegedly
committed by organs of the Spanish State. However, the possession by
the Belgian Government of a right of protection is a prerequisite for the
examination of these problems. Since nojus standi before the Court has
been established, it is not for the Court in its Judgment to pronounce
upon any other aspect of the case, on which it should take aecision only
if the Belgian Government had a right of protection in respect of its
nationals, shareholders in Barcelona Traction.
103. Accordingly,
THECOURT
rejects the Belgian Government's claim by fifteen votes to one, twelve
votes of the majority being based on the reasons set out in the present
Judgment.
Done in French and in English, the French text being authoritative, at
the Peace Palace, The Hague, this fifth day of February, one thousand
nine hundred and seventy, in three copies, one of which will be placed in
the Archives of the Court and the others transmitted to the Government
of theKingdom of Belgium and to the Government of the SpanishState,
respectively.
(Signed) J. L. BUSTAMAN TERIVERO,
President.
(Signed) S. AQUARONE,
Registrar. MM. PETRÉe Nt ONYEAMjA ug,es, font la déclaration commune sui-
vante :
Nous sommes d'accord avec le dispositif et les motifs de l'arrêt sous
réservede la déclaration suivante:
AUsujet de la nationalité dela Barcelona Traction, l'arrêt mentionne
l'existence d'opinions selon lesquelles on pourrait opposer l'exercice
du droit de protection diplomatique envers une société lemanque d'un
lien effectif entre la sociétéetEtatqui réclame ledroit de protection.
Dans ce contexte, l'arrêt évoque aussi la décisionrendue en l'affaire
Nottebohm selon laquelle l'absence d'un liende rattachement réelentre
un Etat et une personne physique ayant acquis sa nationalité peut être
opposée à l'exercicepar cet Etat de la protection diplomatiquà l'égard
de ladite personne. Le présentarrêtconclut ensuite que, étantdonnéles
aspects de droit et de fait que présentela protection en l'espèce, il ne
sauraity avoir d'analogie avecles questions soulevéesou la décision prise
en l'affaireottebohm.
Or, dans la présente affaire,le Gouvernement espagnol a fait valoir et
le Gouvernement belge n'a pas contesté que, laBarcelona Traction ayant
été constituée selon la loi canadienne et ayant son siège statutaireà
Toronto, elle est de nationalité canadienneet que le Canada est qualifié
pour la protéger.
Le droit de protection du Canada étant ainsi reconnu par les deux
Parties au litige, la première question qui s'imposeà la Cour dans le
cadre de la troisième exception préliminaire, réduità savoir si,àcôté
du droit de protection revenant à YEtat national d'une société,il peut
exister pour un autre Etat un droit de protéger desactionnaires de la
sociétéqui sont ses ressortissants. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu
pour la Cour d'aborder enl'espècela question de savoir si leprincipe du
lien effectif est applicablela protection diplomatique des personnes
morales et encore moins de faire des conjectures pour savoir si, dans
l'affirmative, des objections valables auraient pu être faites contre
l'exercicepar le Canada de la protection diplomatique de la Barcelona
Traction.
M. LACHSj,uge, fait la déclaration suivante:
Je souscris pleinement aux motifs et aux conclusions de l'arrêtmais
voudrais y ajouter l'observation suivante
La Cour a constaté, compte tenu des élémentsde droit et de fait
pertinents, que le demandeur, le Gouvernement belge, n'a pas qualité
en l'espèce.En mêmetemps, elle a dit que la procédure qui vient de
s'achever n'affecte pasle droit de protection du Gouvernement canadien
en ce qui concerne la Barcelona Traction. Judge PETRÉN and Judge ONYEAMm Aake the following Joint Declara-
tion :
We agree with the operative provision and the reasoning of the Judg-
ment subject to the following declaration:
With regard to the nationality of Barcelona Traction, the Judgment
refers to the existence of opinions to the effect that the absence of a
genuine connection between a company and the State claiming the right
of diplomatic protection of the company might be set up against the
exercise of such a right. In this context the Judgment also mentions the
decision in the Nottebohmcase to the effectthat the absence of a genuine
connecting link between a State and a natural person who has acquired
its nationality may be set up against the exercise by that State ofdiplo-
matic protection of the person concerned. The present Judgment then
concludes that given the legal and factual aspects of protection in the
present case therecan be no analogy with the issuesraised orthe decision
given in the Nottebohmcase.
Now in the present case the Spanish Government has asserted and the
Belgian Government has not disputed that, Barcelona Traction having
been incorporated under Canadian law and having its registered officein
Toronto, it is ofCanadian nationality and Canada is qualified to protect
it.
Canada's right of protection being thus recognized by both Parties to
the proceedings, the first question which the Court has to answer within
the framework of the third preliminary objection is simply whether,
alongside the right of protection pertaining to the national State of a
company, anotherState may have a right ofprotection oftheshareholders
ofthecompany who are its nationals. This being so, the Court has not in
this casetoconsiderthe question whether the genuineconnection principle
isapplicable to thediplomaticprotection ofjuristic persons, and, stillless,
to speculate whether, if it is, valid objections could have been raised
against the exercise by Canada of diplomatic protection of Barcelona
Traction.
Judge LACHm Sakes the following Declaration
1 am in full agreement with the reasoning and conclusions of the
Judgment, but would wish to add the following observation:
The Court has found, in the light of the relevant elements of law and
of fact, that the Applicant, the Belgian Government, has no capacity in
the present case.At thesametime it has stated that the Canadian Govern-
ment's right of protection in respect of the Barcelona Traction company
has remained unaffected by the proceedings now closed. Je considère que l'existence de ce droit est une base essentielle de la
motivation de la Cour et que son importance est soulignéepar la gravité
de la demande et la nature particulière des actes illicites dont cette
demande accuse certaines autorités det défendeur.
M. BUSTAMAN YTRIVERO P,résident,sir Gerald FITZMAURMEM, .
TANAKA J,ESSUP, ORELLP I,ADILLNERVOG , ROSet AMMOUN ju,ges,
joignent l'arrêtles exposésde leur opinion individuelle.
M. RIPHAGEN ju,ge ad hoc, joànl'arrêtl'exposéde son opinion
dissidente.
(Paraphé)J.L. B.-R.
(Paraphé)S.A. 1consider that the existence of this right is an essential premise of the
Court's reasoning, and that its importance is emphasized by the serious-
ness af the claim and the particular nature of the unlawf~ilacts with
which it charges certain authorities of the respondent State.
President BUSTAMANTE Y RIVERO,Judges Sir Gerald FITZMAURICE,
TANAKAJ ,ESSUP,MORELLIP ,ADILLANERVO,GROSand AMMOUNap-
pend Separate Opinions to the Judgment of the Court.
Judge ad hoc RIPHAGEaNppends a Dissenting Opinion to the Judgment
of the Court.
(Initialled) J. L. B.-R.
(Initialled) S. A.
Deuxième phase
Arrêt du 5 février 1970