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Norf- Corrigé
Uncorrected
International Court Cour internationale
of Justice de Justice
THE HAGUE
Public si t ting
held on Wednesday 1 May 1996, at 3 p-m., at the Peace Palace,
President Bedjaoui presiding
in the case concerning the Application of the Convention on the
Prevention and Punishment of the Crime of Genocide
(Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia (Serbia and Montenegro)),
VERBATIM RECORD
ANNEE 1996
Audience publique
tenue le mercredi 1" mai 1996, à 15 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Bedjaoui, Président
en 1 'affaire de 1'Application de 1a convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie (Serbie et Monténégro) )
COMPTE RENDUPresen t: President Bedjaoui
Vice-President Schwebel
Judges Oda
Gui11aume
Shahabuddeen
Weeramantry
Ranjeva
Herczegh
Shi
Koroma
Vereshchetin
Ferrari Bravo
Parra-Aranguren
Judges ad hoc Lauterpacht
KreCa
Registrar Valencia-OspinaPrésents : M. Bedjaoui, Président
M. Schwebel, Vice-Président
MM. Oda
Guillaume
Shahabuddeen
Weerarnantry
Ranjeva
Herczegh
Shi
Koroma
Vereshchetin
Ferrari Bravo
M.Parra-Aranguren, juges
MM. Lauterpacht
Kreea, juges ad hoc
M. Valencia-Ospina, GreffierThe Government of Bosnia and Herzegovina is represented by:
H.E. Mr. Muhamed Sacirbey, Ambassador and Permanent Representative of the
Republic of Bosnia and Herzegovina to the United Nations,
As Agent;
Mr. Phon van den Biesen, Attorney in Amsterdam,
As Depu ty-Agen t, Counsel and Advoca te;
Mr. Thomas Franck, Professor at the School of Law, New York University;
Director, Center for InternationalStudies;
Mr. Alain Pellet, Professor, University of Paris X-Nanterre and Institute
of Political Studies Paris,
Ms. Brigitte Stern, Professor, Universityof Paris 1 (Panthéon,
Sorbome) ,
As Counsel and Advocates;
Mr. Khawar M. Qureshi, Barrister in London, Lecturer inLaw, King's
College, London,
Mr. Vasvija Vidovie, Minister-Counsellorwith the Embassy of Bosnia and
Herzegovina in Brussels, Representative of the Republic of Bosnia and
Herzegovina at the International Criminal Tribunal for the former
Yugoslavia
Mr. Marc Weller, Assistant Director of Studies, Centre for International
Studies, University of Cambridge, Mernberof the Faculty of Law of the
University of Cambridge,
As Counsel;
Mr. Pierre Bodeau, Research Assistant/Tutor,University of
Paris X-Nanterre.
Mr. Michiel Pestman, Attorney in Amsterdam,
As Counseliors;
Mr. Hervé Ascensio, Research Assistant/Tutor,University of Paris X-
Nanterre,
Ms. Marieke Drenth,
Ms. Froana Hoff ,
Mr. Michael Kellogg,
Mr. Harold Kocken,
Ms. Nathalie Lintvelt,
Mr. Sam Muller,
Mr. Joop Nijssen,
Mr. Eelco Szab6,
As Assistants -5-
Le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine est representé par :
S. Exc. M. Muhamed Sacirbey, ambassadeur et représentant permanent de la
République de Bosnie-Herzégovine auprèsde l'organisation des
Nations Unies,
comme agent;
M. Phon van den Biesen, avocat à Amsterdam,
comme agent adjoint, conseil et avocat;
M. Thomas M. Franck, professeur à la faculté de droitet directeur du
centre d'études internationalesde l'universitéde New York,
M. Alain Pellet, professeur à l'Universitéde Paris X-Nanterre et à
l'Institut d'études politiques de Paris,
Mme Brigitte Stern,professeur à 1'Université de Paris 1
(Panthéon-Sorbonne )
comme conseils et avocats;
M. Khawar M. Qureshi, avocat à Londres, Lecturer in Law au King's College
de Londres,
Mme Vasvija Vidovie, ministre-conseiller à l'ambassade de la République
de Bosnie-Herzégovine à Bruxelles, représentant de la République de
Bosnie-Herzégovineauprès du Tribunal pénal internationalpour
l'ex-Yougoslavie,
M. Marc Weller, directeur adjoint des étudesau centre d'études
internationalesde l'Université de Caribridge, membre de la faculté de
droit de l'universitéde Cambridge,
comme consei 1 s;
M. Pierre Bodeau, allocataire-moniteur à l'université de
Paris X-Nanterre,
M. Michiel Pestman, avocat à Amsterdam,
comme conseil 1ers;
M. Hervé Ascencio, allocataire-moniteur .2l'université de
Paris X-Nanterre,
Mme Marieke Drenth,
Mme Froana Hoff,
M. Michael Kellogg,
M. Harold Kocken,
Mme Nathalie Lintvelt,
M. Sam Muller,
M. Joop Nijssen,
M. Eelco Szab6,
comme assistants.The Government of Yugoslavia (Serbia and Montenegro) is represented by:
H.E. Mr. Rodoljub Etinski, Chief Legal Adviser in the Ministry of Foreign
Affairs of the Federal Republic ofYugoslavia and Professor of
International Law, Novi Sad University;
Mr. Djordje Lopicic, Chargé d'Affaires of the Embassy of the Feaeral
Republic of Yugoslavia, The Hague,
as Agents;
Mr. Ian Brownlie, C.B.E., F.B.A., Queen's Counsel, Chichele Professor of
Public International Law,
Mr. Miodrag Mitic, Assistant Federal Minister for Foreign Affairs of the
Federal Republic of Yugoslavia (Ret.),
Mr. Eric Suy, Professor in the Catholic University of Leuven, formerly
Under-Secretary-Generaland Legal Counsel of the United Nations,
as Counsel and Advocates;
Mr. Stevan Djordjevic, Professor of International Law, Belgrade
University,
H.E. M. Shabtai Rosenne, Arnbassador,
Mr. Gravro Perazic, Professor of International Law, Podgorica University,
as Counsel.Le Gouvernement de la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) est représentée
par :
M. Rodoljub Etinski, conseiller juridique principalau ministère des
affaires étrangèresde la République fédérativede Yougoslavie (Serbie
et Monténégro), professeur de droit international à l'Université de
Novi Sad,
M. Djordje Lopicic, chargé d'affaires à l'ambassade de la République
fédérative de Yougoslavie (Serbieet Monténégro) à La Haye,
comme agents;
M. Ian Brownlie, C.B.E., F.B.A., Q.C., professeur de droit international
public, titulaire de la chaire Chichele à l'université d'Oxford,
M. Miodrag Mitic, ancien ministre adjoint des affaires étrangèresde la
République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro),
M..Eric Suy, professeur à 1'~niversitécatholique de Louvain (K.U.L.),
ancien Secrétaire général adjointet conseiller juridiquede
ltOrganisationdes Nations Unies,
comme conseils et avocats;
M. Stevan Djordjevic,professeur de droit international à l'Université de
Belgrade,
M. Shabtai Rosenne, ambassadeur,
M. Gavro Perazic, professeur de droit international à l'Université
Podgorica,
comme conseil S. - 8 -
Le PRESIDENT : Je vous prie de vous asseoir. La Cour reprend ses
audiences et j'appelle à la barre le professeurBrigitte Stern.
Mme STERN : Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, je tiens au
moment où je prends pour la première fois la parole devant la Cour
internationale de Justice - après avoir tant écrit sur la Cour et tant
parlé de la Cour à mes étudiants - à dire la force des sentimentsqui
m'habitent : la conscience d'abord de l'honneur qui m'est fait, mais
aussi le sens de la responsabilitéhistorique que nous partageons tous
dans cette affaire hautement symbolique, où il s'agit de porter un
jugement sur une accusation de génocide portée par un Etat contre un
autre Etat. C'est l'absolue première fois qu'il est question de juger
une affaire de cette nature et de cette importance. C'est l'absolue
première fois que la Cour est appelée à mettre en application la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Les
enjeux sont immenses et vont bien au-delà des justes demandes de la
Bosnie-Herzégovine. Je pourrais transposer ici les paroles prononcées
par le procureur général américainJackson, dans le silence du Palais de
Justice de Nuremberg. Ce qu'il disait alors est également vrai
aujourd'hui : «la véritable plaignante à la barre, c'est la
civilisation». Aussi comprendrez-vousque je ressente également une
sorte de frayeur devant le poidsde la tâche dont je suis investie.
J'ose espérer que je serai à la hauteur de cette mission : sachez en tout
cas, Monsieur le Président, Messieurs les juges, que je mettrai à son
service, toute la force de conviction et la passion que je puise au plus
intime de ma conscience, car dans cette affaire je me sens un peu le
défenseur de l'humanité, même si c'est au niveau d'une modeste
contribution. -9-
1. INTRODUCTION
Il m'incombe ici de réfuter lathèse de la République fédérativede
Yougoslavie selon laquelle la convention pour la préventioe nt la
répression du crime de génocide de 1948 ne s'appliquepas et n'est pas
invocable devantvous.
Pour tenter de démontrercette affirmation proprement ahurissante,
le défendeur utilise une stratégie à deux visages. Mais s'il y a deux
chemins, il n'y a qu'un point d'arrivée, il n'y a qu'un seul but :
l'unique objectif poursuivi est d'aboutir à ce que j'appelleraisune
tentative de disqualification de la convention sur legénocide, dont la
Cour a pourtant reconnu ia portéenettement universelle dans l'avis de
1951 sur les Réserves à la convention sur le génocide.
La première tentative de disqualification est implicite mais
extrêmementpernicieuse.
La République fédérative de Yougoslavie semble toud t'abord vouloir
suggérer que mêmesi la convention sur le génocide s'appliquait,les
violations quilui sont reprochées seraient en quelque sorte explicables
et justifiables ; et elles seraientexpliquées et justifiéespar des
violations antérieures du même ordre subiep sar les Serbes. Comment
comprendre sincn que de si longs développements soient consacrés dans les
écritures à un inventaire historiqued'affaires sans aucune pertinence
avec la présente affaire ? Comment expliquerque la Yougoslavie ait jugé
utile de rappeler qu'à partir du XVP siècle les Serbes avaientété
opprimés par les Turcs ? Comment réconcilier avecles événements quiont
eu lieu en Bosnie en 1992, l'invocation à plusieurs reprisesdans les
écritures, et dans les plaidoiries,du génocide commispendant la seconde
guerre mondiale contreles Serbes de Bosnie-Herzégovinepar les Oustachis
croates et leurs alliés musulmans ? - 10 -
D'aussi longs développements sur les événements du passé, - même
s'ils étaient tous établis, ce qui est loin d'être le cas - ne
s'expliquentque selon un raisonnement classiqueen termes de
représailles. La grande presse ne s'y est d'ailleurspas trompée et je
ne citerai ici que TheNew York Times Magazine, daté du 23 avril 1995, où
l'on peut lire cettephrase : «Many atrocities in the former Yugoslavia
have been justified as revenge for killings during World War II.»
Autrement dit, d'aussi longs développements laissent à penser que dans
l'esprit du Gouvernement yougoslave, il y là une sorte d'exception
implicite, de circonstance excluant l'illicéitédes actes qui lui sont
reprochés.
11 est vrai que le droit international autorise dans certaines
conditions un Etat à répondre par un acte illicite - ou du moins qui le
serait s'il n'était une réponse - à un acte illicite antérieurement
commis contre lui.
Mais est-il besoin de rappeler,Monsieur le Président, que cette
règle ne s'applique jamais lorsqu'est en cause une norme fondamentale,
telle que l'interdictiondu recours à la force, le respect des droits de
l'homme, le droit diplomatiqueou d'autres règles de jus cogens ? Elle
ne peut donc s'appliquerpour justifier des actesde génocide.
Absolument rien ne pourrait jamaisjustifier,ni sur le plan du
droit, ni sur le plan de l'éthique,des actes de génqcide, quelques
barbares que puissent éventuellement être d'autres actes antérieurs.
*
Mais la République fédérative de Yougoslavie poursuit également une
autre stratégie,explicite celle-ci, même si elle est souvent confuse :
cette seconde stratégie est pour ainsi dire encore plus radicale :elle
consiste à nier purement et simplement que, quelles que soient les - 11 -
circonstances, la convention sur le génocide puisse s'appliquer aux faits
incriminés.
En dehors des insinuationsrelatives au passé tourmenté des Balkans,
dont l'irrecevabilitévient d'être fermement affirmée, quels sont les
principaux arguments avancéspar le défendeur pour empêcherque la Cour
puisse évaluer ses actesau regard de la convention surle génocide ?
11 n'est pas facile, dans la confusion et la superpositiondes
thèses adverses - voire même les criantes contradictions -, de savoir
quelle est exactementla raison, ou d'ailleursplutôt quelles sont
exactement les raisonsavancées par le défendeur à l'appui de sa thèse.
En effet, le défendeur, conscient sans doute de la faiblesse - pour ne
pas dire plus - de chaccn des argumentsavancés, les ajoute et les
surajoute les uns les autres, comme s'il espérait ainsi créer l'illusion
d'une construction massive,solide, masquant la fragilité de chacune de
ses composantes.
Si l'on voulait résumer brièvement ceTe le défendeur dit si
longuement,c'est finalement à nne proposition extrêmement simpliste
qu'elle se résume, à savoir que la Bosnie-Herzégovinene peut tout
simplementpas succéder à l'ex-Yougoslaviecomme partie à la convention
sur le génocide,et ceci, quelle que soit la règle applicable, quelle que
soit la règle régissant lasuccession en matière de traités : elle ne
peut succéder si la règle est la succession automatique, ellene peut
succéder si la règle est la table rase; et dans les deux cas pourquoi ?
pour la même et unique raison qui serait quela Bosnie-Herzégovine aété
créée et existe en violation des règles internationales,et donc encore
une fois, ne peut.succéder.
* - 12 -
Mais, Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, si le défendeur
était aussi convaincu qu'il prétend l'être, de ce que ses actes sont
irréprochables, de ce que ses actes ne peuvent en aucun cas être
critiquables à l'aune de la convention sur le génocide, quel besoin
aurait-il d'exclure à tout prix la convention sur le génocide du débat ?
Le point commun, en effet, de ces deux approches est que ni dans un
cas, ni dans l'autre, le défendeur ne cherche à nier les actes de
génocide qui lui sont reprochés.
Tout se passe comme si la République fédérative de Yougoslavie,
consciente de ne pas pouvoir réussir à démontrer qu'elle n'est pas
responsable directement ou indirectement d'actes de génocide, n'ait pas
trouvé d'autre issue que de refuser l'épreuve : c'est toute la
signification des exceptionspréliminaires par lesquelles le défendeur
essaye d'empêcher que le regard de votre instance - qui incarne dans
cette affaire la conscience de l'humanité - ne se pose sur les actes
qu'il a commis ou dont il s'est fait le complice en Bosnie-Herzégovine
Même si elle n'a pu éviter que la procédure sur les exceptions
préliminaires ne retarde le jugemen=, la Bosnie est confiante dans le
fait que la République fédérative de Yougoslavie ne pourra cependant pas
empêcher un tel jugement.
Et la tâche qui m'incombe est de présenter, en réfutation des
prétentions formulées par notre adversaire ayant pour butd'écarter cette
convention, la thèse de la Bosnie-Herzégovine.
Celle-ci est extrêmement simple. Monsieur le Président, Messieurs
les juges, la Bosnie-Herzégovine sout'ientque la convention sur le
génocide est applicable dans cette affaire :et si elle s'applique, c'est - 13 -
tout simplement parceque les deux Parties qui s'affrontent ici devant
vous sont liées par cetteconvention.
La Yougoslavie n'a jamais nié être partie à la convention sur le
génocide et est donc tenue au respect de ses normes; aussi, je
considéreraisce point comme acquis. Par contre, je me vois contrainte,
puisque ce point est contesté, contre touteévidence, par le défendeur,
de démontrer à la Cour que la Bosnie est également partie à la convention
sur le génocide.
~t ceci est vraique l'on adopte l'approche factuelleet juridique
présentée par la Bosnie, ou que l'on accepte - pour les besoins du
raisonnement - l'approche factuelle et juridique adoptée par notre
adversaire. Les deux Parties en effet s'opposentsur la qualification
des événements successorauxqui ont eu lieu en ex-Yougoslavie;mais les
deux Parties s'opposent également quant aucontenu des règlesde la
succession dlEtats applicable en l'espèce.
Face à l'indéniable confirmationpar la notification de succession
de la Bosnie-Herzégovine dufait qu'elle a succédé à l'ex-Yougoslavie,en
tant que partie à la convention sur le génocide, la République fédérative
de Yougoslavie adopte enréalité une double démarche :
- d'une part, et en première ligne, elle cherche à nier tout effet
juridique à la notification de succession;
- d'autre part, et en seconde lignede défense, elle cherche à retarder
au maximum l'effet juridique de la notification de succession.
Le Gouvernementde Bosnie se propose aucontraire, de démontrer que,
quel que soit l'angle d'approche concernant les faitsou le droit, il est
lié par la convention sur le génocide (II), et qu'il est lié depuis sa
naissance (III).1. La troublante constatation du caractère totalement isolé de
l'objection de la République fédérative de Yougoslavie à la
notification de succession de la Bosnie-Herzégovine à la convention
sur le génocide.
A cet égard, il convient de se pencher un instant sur l'étrange
communication adressée parle défendeur au Secrétaire généralde l'ONU,
en tant que dépositairede la convention sur le génocide. C'est par
cette communication que notre adversaire prétend écarter la convention
sur le génocidedu débat.
Vous me permettrez, Monsieur le Président,d'en rappeler les termes à
la Cour :
«Le Gouvernement de la République fédérativede Yougoslavie
déclare par la présente ne pasconsidérer la prétendue
République de Bosnie-Herzégovinecomme étantpartie à la
Convention pour la prévention et la ré~ressiondu crime de
génocide, tout en considérant cependant quela prétendue
République de Bosnie-Herzégovineest tenue de respecter les
règles applicables à la prévention et à la répression du crime
de génocide en vertu du droit internationalgénéral,
indépendammentde la conventionpour la prévention et la
répression du crime de génocide.» (Traitésmultilatéraiix
déposés auprès du Secrétairegénéral, état au 31 décembre 1994,
p. 96, note 3; annexe 3.54.)
Ainsi, la République fédérativede Yougoslavieadmet-elle,dans
cette communication,que si la convention surle génocide n'est pas
applicable, les normes coutumières incorporées dans la conventionelles
sont applicables
Quel est le sens profond de ce tourde passe-passe? Tout simplement
d'empêcher que ne puisse être déclenché par la Bosnie-Herzégovine,le
mécanisme de contrôle du respect desnormes de la convention, prévu à
l'article IX de celle-ci, tout en évitant - ou croyant pouvoir 6viter -,
la réprobation unanimequi accueillerait sans doutela conclusion selon - 15 -
laquelle lesnormes interdisant le génocide ne lient pas laBosnie.
Cette communicationest censée traduire lesconceptionsdu défendeur
en matière de succession dlEtats. Ces conceptions auraientdonc dû tout
naturellementêtre appliquéesdans toutes les autres situationsde
succession nées de la dissolutionde l'ex-Yougoslavie. Or curieusement
il n'en est rien.
Et je voudrais souligner le caractèreparfaitement unidimensionnel
- on voudrait presque dire obsessionnel - de la stratégie juridiquede
l'ex-Yougoslaviedans son approche des problèmesde successionposés par
la dissolution de l'ex-Yougoslavie. Stratégie unidimensionnelle
pourquoi ? La réponse est simple : parce que la seule objection, je dis
bien la seule objection qu'ait jamais présentée laYougoslavie au cours
du complexe processus successor~lné de la dissolution de
l'ex-Yougoslavieest son objection à l'encontrede la notification de
succession de la Bosnie à la convention sur le génocide.
Aucune objection n'a été faite auxnotificationsde succession à la
convention sur le génocide émanant d'autres Etats nés sur le territoire
de l'ex-Yougoslavie :
- aucune objection à la notification de succession à la convention sur
le génocide, de la Croatie, en date du 12 octobre 1992;
- aucune objection à la notification de succession à la convention sur
le génocide, de la Slovénie, en date du 2 juillet 1992;
- aucune objection à la notification de succession à la convention sur
le génocide, de l'ex-Républiqueyougoslave de Macédoine, en date du
18 janvier 1994.
De même, il mérite d'être souligné qu'il n'y a eu aucune objection
du défendeur aux notifications de succession émanant de la
Bosnie-Herzégovine à d'autres conventionsqui ne comportent pas - 16 -
d'article IX donnant une compétence de jugement à votre Cour ...
Il n'y a ainsi eu de la part de la République fédérative de
Yougoslavie :
- aucune objection à la notification de succession de la Bosnie à la
convention sur l'éliminationde toutes les formes de discrimination
raciale, en date du 16 juillet 1993;
- aucune objection à la notification de succession de la Bosnie au pacte
international relatif aux droits civils et politiques, en date du
le* septembre 1993;
- aucune objection à la notification de succession de la Bosnie au pacte
international relatifaux droits économiques, sociauxet culturels, de
la même date;
- aucune objection à la notification de successionde la Bosnie à la
convention sur l'éliminationde toutes les formes de discrimination à
l'égard des femmes, de la même date.
J1arrête ici cette énumération,Monsieur le Président, mais je
pourrais la continuer, car il y a encore bien d'autres exemples.
Ce que je veux simplement souligner, c'est que dans cet océande
notifications de successions émanant d8Etats nés sur le sol de
l'ex-Yougoslavie,mais en particulier émanant dela Bosnie, une seule,
exclusivement une seule notificationde succession a suscité une
objection de la part de la République fédérative deYougoslavie. Ces
constatations démontrent clairement quel'attitude du défendeur n'est pas
dictée par des considérations juridiquesmais au contraire par des
considérations politiques. Il a laissé les autres Etats issusde
l'ex-Yougoslaviesuccéder à la convention sur le génocide. 11 a laissé
la Bosnie-Herzégovine succéder aux autresconventions de protection des - 17 -
droits de l'homme. La seule et unique cible est la successionde la
Bosnie à la conventionsur le génocide.
Derrière la décision d'objecter du défendeur se profile évidemment
ce qui est pour lui le spectrede l'article IX ! L'explicationnous la
connaissons tous : si le seul et unique objectif du défendeur est
d'écarter la convention sur le génocide, c'est en effet parce que ce
texte comporte un mécanisme de contrôle vraiment efficace, permettant la
mise en cause de la responsabilité desEtats devant la Cour; et donc
permettant la mise en cause de la responsabilitéde la République
fédérativede Yougoslavie, en application dela convention sur le
génocide.
Un dernier mot qui devraitvous convaincre, - si vous ne l'êtes
déjà -, du caractère exclusivementpolitique et dilatoire de l'objection
du défendeur à la successionde la Bosnie-Herzégovinecomme partie à la
convention sur le génocide. Savez-vous,Monsieur le Président,Messieurs
les juges, à quelle date cette communicationa été adressée au
Secrétaire généralde l'ONU ? Au lendemain de la notification de
succession qui a été envoyée le 29 décembre 1992 ? Il n'en est rien.
Alors, avant l'introductionde l'affairedevant la Cour par la
Bosnie-Herzégovinedans la requête déposée le 21 mars 1993 ? Il n'en est
rien non plus. L'objection a été présentée par le défendeur le
15 juin 1993, soit plus de deux mois après votre ordonnanceen indication
de mesures conservatoiresdu 8 avril 1993. Le professeur Eric Suy a
tenté de soutenir que le défendeur ne pouvait objecter plus tôt, la
notificationne lui ayant été transmise quele 18 mars 1993 (CR/96/6,
p. 27, 29 et 31): Il a malgré tout mis unmois à réagir. En réalité,
tout se passe comme si l'objectionavait été conçue à un moment où le
défendeur a commencé à craindre les suites que pourrait avoil r'affaire - 18 -
intentée contre lui par la Bosnie, à un moment où il a vu que la Cour
avait admis que la convention sur le génocide pouvait constituer une base
prima facie de sa compétence. Cette objectionest donc purement
politique et ne peut pas avoirla moindre portée juridique : elle ne peut
en aucun cas empêcher la Bosnie-Herzégovine d'être liée par la convention
sur le génocide.
Mon propos va maintenant tendre à démontrer que laBosnie-
Herzégovine est bien partie à la convention sur le génocide en
application des règlesgouvernant la successiondlEtats.
Cette démonstration sefera de façon cumulative : je vais en effet
démontrer, Monsieur le Président,qu'il est impossible denier que la
Bosnie-Herzégovineest partie à la convention sur le génocide. Cette
conclusion résulte en effet aussibien de l'applicationdes règles
existantes de la succession dlEtats telles que les présente la
Bosnie-Herzégovine,que de l'applicationdes règles de la succession
telles que cherche à les interpréterle défendeur. Cette double analyse
n'est pas comme le professeur Eric Suy l'a stigmatiséeun aveu de doute
(CR 96/9, p. 13) mais bien au contraire une analyse scientifique
aboutissant à une conclusion incontournabie.
Mais avant d'yprocéder, il convient de rappelerrapidement - tant
cela est évident auxyeux de la communauté internationale - qu'il n'y a
aucune raison d'écarter le jeu des rSgles de la succession dtEtats.
2. La Bosnie-Herzégovine ayant été créée conformément au droit
international doit se voir appliquer normalement les règles
gouvernant la succession d'Etats en matière de traités
Il ne semble pas pouvoirêtre sérieusementcontesté que la
Bosnie-Herzégovineest un Etat successeur de l'ex-Yougoslavie :et notre
adversaire ne le conteste pas, elle â remplacé en effet l'ex-Yougoslavie, - 19 -
le 6 mars 1992, dans les relationsinternationalesdu territoire sur
lequel elle exerce sa scuveraineté,ce qui est la définition d'un Etat
successeur.
Il est vrai que la convention sur la succession dSEtats en matière
de traités prévoit dans sonarticle 6 que l'ensemble des règles qu'elle
pose est inapplicableen cas de succession internationalement illicite.
Le défendeur se fonde surcet article, pour faire valoir quemême si
la conventionétait entrée envigueur - ce qu'elle n'est pas - ses
dispositionsauraient dû être écartées. Plus précisément, le défendeur
formule son accusation et les conséquencesqu'il en tire dans la
troisième exceptionpréliminaire libellée de la façon suivante :
«Ayant violé de façon flagrante le principede l'égalité
des droits et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,
1'Etat demandeur ne pouvait pas,par une notification de
succession,adhérer à la convention de 1948 sur le génocide.»
Disons tout de suite quela soi-disantviolation du droit interne à
laquelle renvoiela mention de la violation de l'égalité des droits
serait absolument non pertinente,même si elle existait,ce que conteste
la Bosnie-Herzégovine,comme l'a montré fort justement ce matin mon
collègue AlainPellet. Et qu'en outre la soi-disantviolation du droit
international à laquelle se réfère la mention de la violation du droit
des peuples à disposer d'eux-mèmesn'existe pas non plus comme le même
orateur l'a également développé.
Faut-il vraiment répondre encore une fois à l'argumentationselon
laquelle la reconnaissancede la Bosnie-Herzégovinea été faite en
violation des règles du droit international,quand on sait qu'elle a été
reconnue par les plus hautesinstances de l'ONU ? Faut-il rappeler,
encore une fois, que la Bosnie-Herzégovineest devenue membre de l'ONU, à
la suite de la résolution 755 du 20 mai 1992 adoptée par le Conseil de - 20 -
sécurité par consensus et par la résolution 46/237 du 22 mai 1992 de
l'Assembléegénérale adoptéepar acclamation ?
La Bosnie-Herzégovinenée conformémentau droit internationalest un
membre à part entière de la communauté internationale, universellement
reconnue, Membre des NationsUnies. Cela suffit, je crois, à faire taire
toutes les allégations d'illégalité.
Ce qu'il faut alors déterminer,puisquoon ne peut écarter les règles
de la succession dtEtats sur cette base, ce sont les règles qui ont
présidé à la succession,et bien sûr quelles sont égalementles
conséquences de l'applicationde ces règles à la conventionsur le
génocide.
3. La Bosnie-Herzégovine est partie à la convention sur le génocide en
vertu de la règle de succession automatique, applicable à l'espèce
selon la Bosnie-Herzégovine
Personne, sinon le défendeur ne contesteque - la règle coutumière
de continuité automatiques'applique à une convention universelle telle
que la convention sur le génocide.
En cas de séparationde parties d'un Etat, l'article 34 de la
convention sur la succession d1Etats en matière de traités pose la règle
de la succession automatiquepour tous lestraités.
Je vais relire cet article 34 qui dispose de ce qui suit :
cl. Lorsquoune partie ou des parties du territoire s'en
séparent pour former unou plusieurs Etats, que 1'Etat
prédécesseur continueou non d'exister :
a) tout traité en vigueur à la date de la succession dlEtats à
l'égard de l'ensemble du territoire de 1'Etat prédécesseur reste
en vigueur à l'égard de chaque Etat successeur ainsi formé.»
On sait, cela a déjà été dit, que la convention sur la succession en
matière de traités n'est pas en vigueur. Certaines règles énoncées dans
cette conventionsont cependant des règlescoutumières. Le Gouvernement - 21 -
bosniaque estime, qu'il n'est pas utile, pour ne pas utiliser indûment le
précieux tempsde la Cour, de prendre ici position sur l'applicabilité
générale de la règle de l'article 34. Car même si l'on refusait que la
continuité automatique s'applique à tous les traités, il n'est pas
imaginable decontester qu'elle s'applique à un traité universel de la
nature de la conventionsur le génocide.
Le professeurDetlev Vagt a souligné cette impossibilité pour un
Etat de ne pas succéder à un traité normatifgénéral de cette sorte. Il
a exprimé cela avec force dans un de ses articles du numéro du Virginia
Journal of InternationalLaw de 1993, numéro d'ailleurs tout entier
consacré à la question de la successiondlEtats. Selon lui,
«il n'est pas possible d'admettre la prétention d'un Etat de se
libérer d'une obligation contenue dansun traité de
codificationdes principes générauxdu droit internationalen
invoquant un problème de successiond1Etats» (vol. 33, winter
1993, p. 290; notre traduction).
En d'autres termes, la nécessité de maintenir envigueur les traités
universels de protection desdroits de l'homme, en cas de succession
dlEtats, est si forte que la règle de la succession automatique semble
presque devenir une règle à laquelle aucunedérogation n'est permise.
Il y a là l'idée qu'il serait inadmissiblepour un Etat de refuser
de succéder à son prédecesseur en tant quepartie à une convention
universelle,au moment d'une successiondlEtats.
Combien plus inadmissibleencore seraitd'admettre qu'un Etat puisse
refuser qu'un autre Etat, qui en a pourtant manifestéla volonté, succède
à son prédécesseur en tant que partie à une convention universelle.
C'est pourtant ce que cherche à faire la Yougoslavie : empêcher la
Bosnie de participer à une conventionuniverselle dela plus haute
importance en matière de protection des droits fondamentauxde la
personne humainecontre la barbarie. Monsieur Le Président, Messieurs lesJuges, vous ne pouvez pas
accueillir une telle prétention : vous ne pouvez pas admettre qu'un Etat
puisse valablementempêcher un autre Etat de participer à une convention
universelle de protection des droits de l'homme les plus fondamentaux,au
nom de je ne sais quelles constructions fallacieuses en termes de règles
de succession dlEtats, mais dans un but politique bien clairet bien
précis.
Admettre la thèse du défendeur serait contraire à l'essence même de
la convention sur le génocide, comme votre Cour l'a rappelé dans son avis
de 1951 en termes extrêmement forts :
"L'objetet le but de la convention sur le génocide
impliquent chezl'Assembléegénérale et chez les Etatsqui l'on
adoptée l'intentiond'y voir participerle plus grand nombre
possible dlEtats. L'exclusion complète de la convention d'un ou
de plusieurs Etats, outre qu'elle restreindrait le cercle de
son application,serait une atteinte à l'autoritédes principes
de morale et d'humanité qui sont à sa base." (Réserves à la
convention sur le génocide, C.1.J. Recueil 1951, 2. 24. )
C'est pourtant, encore une fois, ce que cherche à faire le
défendeur : exclure la Bosnie-Herzégovinede la convention sur le
génocide.
Mais il ne peut. Il ne le peut du faitde l'existencede la règle
de continuité automatiquepour ce genre de traité. Cette règle de la
continuité automatiquepour les traitésde protection des droits de
l'homme est bien ancrée, comme je vais le montrer, dans la pratique et
dans l'opinio juris internationale.
Un des exemples les plus significatifsque l'on puisse citer ici est
la pratique des organes internationaux qui s'occupentprécisément du
respect des normes internationales de protection des droits de l'homme :
tous ces organes internationauxmanifestent la même opinio juris selon
laquelle il y a continuité automatiqueaux traitésuniversels deprotection des droitsde l'homme. Et dans cette catégorie,bien entendu,
des traités universelsde protection des droits de l'homme entre la
Convention sur le génocide. Parmices organes qui manifestent cette
opinio juris nous allons citer la Commission des droitsde l'homme, le
Comité des droits de l'homme, mais encored'autres organes.
Particulièrementsignificative,tout d'abord, est la position
adoptée par la réunion des présidentsdes différents organes crées par
les instruments relatifs auxdroits de l'homme. Leur prisede position
est tellement claire,tellement ferme, que je souhaite en lire quelques
phrases, qui seront beaucoup plus convaincantesé ,manant d'uneinstance
ayant un tel prestige, que les développements que jepourrais faire :
"Les présidents ont fait observer toutefois qu'à leur avis
les Etats successeursétaient automatiquementliés par les
obligationsdécoulant des instruments internationaux relatifs
aux droits de l'homme à compter de leur date respective
d'indépendanceet que le respect de cesobligationsne devait
pas dépendre d'une déclarationde confirmationfaite par 1-
gouvernement de1'Etat successeur."iRéuniondu 19 au 23
septembre 1994, E/CN.4/1995/80, 28 novenibre1994, p. 4,
par. 10; cf. également E/CN.4/1996/76,4 janvier 1996, p. 3,
par. 8; les itali~ciessont de nous.)
De même la Comnission des droits del'homme a adopté au cours de sa
49e session la résolution 1993/23 du 5 mars 1993 par laquelle elle a
encouragé lesEtats à ccnfimer officiellementqu'ils demeuraient liés
par les obligationscontractéesau titre des traitésiriternationaux
relatifs aux droits de l'homme. Aux sessionssuivantes la Commission des
droits de l'homme dans la résolution 1994/6 du 25 février 1994, et dans
la résolution 1995/18 du 24 février 1995,a à nouveau soulignéla nature
particulière des traités de protectiondes droits de l'homme et a à
nouveau demandé aux Etatsde confirmer (c'estle texte employé) leur
participation continue(c'estle texte employé) - 24 -
De même encore le Comité pour l'éliminationde la discrimination
raciale a employé exactement la même approche dans laRecommandation
générale XII (92) adoptée au cours de sa 42e session en mars 1993. Ii a
demandé aux Etatsde confirmer qu'ils continuaient à être liés par la
convention.
Mais une des illustrationsles plus concrètes, les plus claires, qui
puisse être donnée de l'applicationdes règles de la succession
automatique aux traités universelsrelatifs aux droits de l'homme est
fournie par la pratique récenteconcernant précisémentl'Etat au nom
duquel je parle, et cette pratique c'est celle du Comité des droits de
1'homme.
Il s'agit donc de la successionde la Bosnie-Herzégovineau pacte
international relatifaux droits civilset politiques. La Bosnie-
Herzégovine a envoyé une notificationde succession à ce pacte le ler
septembre 1993. Or, elle a été considérée comme ayantsuccédé
automatiquement, bienavant l'envoi de cette notification de succession.
Si l'on appliquait à cette situation - en tous points parallèle,je
le souligne, à celle de la Convention surle génocide qui nous occupe ici
- si l'on appliquait dcnc à cette situation lesétranges conceptions
juridiques de notre adversaire, il faudrai~ considérerque la Bosnie
aurait été liée par le pacte seulement troismois après le dépôt de cette
notification, conformément à l'article 49, qui prévoit un tel délai après
le dépôt de l'instrumentde ratification pour l'entrée en vigueur du
pacte, c'est-à-direqu'elle n'aurait été liée que le ler décembre 1993.
Ou encore, puisqu'il y a plusieurs versions chez le défendeur, qu'elle
n'aurait été liée que le jour de la notification,c'est-à-direle
ler septembre 1993. - 25 -
Or la pratique suivieinfirme totalementun tel scénario qui, encore
une fois, est celui qui résulte nécessairement des analyses du défendeur.
La pratique suivieest au contraire totalement conforme à la règle
de continuitéautomatique : on peut rappeler, tout d'abord que dès 1992,
dans une décision du 7 octobre 1992 trèsprécisément, le Comité des
droits de l'homme a souligné que toutes les populations qui occupentle
territoire d'un des Etats issus de l'ex-Yougoslavieétaient en droit de
jouir des garanties prévues parle pacte internationaldes droits civils
et politiques (E/C~.4/1995/80, 23 novembre 1994, par. 3). Cette idée a
été de nouveau expriméeavec force au cours de sa 55e session en octobre-
novembre dernier : le Comité des droits de l'homme a en effet réaffirmé
que la protection dont une population bénéficie envertu de ce pacte, ne
peut lui être refuséepour la simple raison que le territoire sur lequel
elle se trouve a été démembréou placé sous la juridictiond'un autre
Etat (E/CN.4/1996/76, 4 janvier 1996, par.5).
Cette idéegénérale, ainsi exprimée,de la nécessité d'une continuité
sans failledes traités de protection des droits de l'homme a été
ponctuellement etconcrètement mise en Œuvre dans le cas précis de la
Bosnie. La Bosnie a en effet été considérée et a agi comme un Etat
partie avantmême d'avoir confirmé expressémentla continuité de sa
participationau pacte; la Bosnie a notamment adressé un rapportdu
Comité des droits de l'homme, conformément à l'article 40 du pacte, à la
suite de la demande qui luien a été faite, dès octobre 1992. On se
rappelle que sa notification nedate que de 1993. Au moment de la
présentation du rapport de la Bosnie sur lesatrocités commises surson
territoire, la présidente du Comité des droits del'homme,
Rosalyn Higgins, a pris acte de ce que la présence de la délégation
bosniaque et la soumissionde son rapport témoignaient bien de la - 26 -
continuité automatique,indépendamment de toutenotificationde
succession : celle-ci, encore une fois, ayant été faitebien
ultérieurement.
La seule réponse de l'adversaireest qu'il s'agit d'une exception,
sans autre explication. Pournous, ce cas au contraire illustre à la
perfection le fait que la notificationde succession n'est là que pour
confirmer la continuité automatique,elle n'est selon l'expression
employée par Marco Marcoff dans un ouvrage intitulé Accession à
1 'indépendanceet succession d'Etatsaux traités internationaux
(Fribourg, 1969, p. 305) qu'un «révélateur»de la succession automatique.
Cette image nous paraît elle-mêmeparticulièrementrévélatricede la
situation :dès que se produit un processus successoral,il y a, en
matière de conventions humanitaires universelles, comme j'espère vous
l'avoir montré, une continuitéautomatique :autrement dit, le négatif de
la photo est impressionnédès l'apparitiondu nouvel Etat,l'image des
obligations auxquelles1'Etat a automatiquement succédéest sur le film.
La notification de succession équivaut alors simplementau développement
de la photo; elle ne fait que rendre visible la continuationdes droits
et des obligations,qui pourra désormais être vue de tous, en pleine
lumière.
Les conventionsmultilatérales de protection des droits de l'homme
sont donc de toute évidence soumises à la règle coutumièrede la
continuité automatiqueen cas de successiondlEtats.
- La règle de succession automatique même si elle n'était pas coutumière
s'appliquerait par voie d'accord entre les Parties.
En effet, les différents Etats issusde l'ex-Yougoslavieont accepté
par accord entre eux d'appliquer les règles de la convention surla - 27 -
succession dlEtats en matière de traités, ainsi que l'a rappelé la
commission Badinter dansses avis no 1 et 9.
On peut également indiquer que - même s'il est clair et que nous
savons tous que la convention sur la succession d1Etats en matière de
traités n'est pas en vigueur - les deux Etats présents devantvous ont
tous deux ratifié cetteconvention :l'ex-Yougoslaviea signé ce texte le
6 février 1979 et l'a ratifié le 28 avril 1980; la Bosnie-Herzégovinel'a
ratifié par le dépôt d'une notification de succession le 22 juillet 1993,
notification de succession à laquelle, on peut le mentionner, la
République fédérative de Yougoslavie n'a - bien entendu - pas fait
d'objection.
Evidemment, toute règle, nous le savonstous, a des exceptions. Et
si la règle de la succession automatiqueaux traités universels, dont je
viens de démontrer l'existenceest fermement établie, elle n'échappe pas,
si je puis dire, à cette règle des exceptions.
Aucune des exceptions possibles, des exceptions irrévocables, à
l'application de la règle de succession automatique prévues dans la
convention sur la succession en matière de traités n'existe en l'espèce.
En réalité, il existe quatresituations envisagées dansla
convention,dans lesquellesla règle générale de succession automatique
doit être écartée. Mais aucune de ces situationsn'existe en l'espèce.
Une première hypothèsedans laquelle la règle de la succession
automatiquepeut être écartée, c'est «si les Etats intéressés en
conviennent autrement». Point n'est besoin de longs développements,pour
voir que les deux Etats concernés S'opposent diamétralement sur
l'applicabilitéde la règle de succession automatique;ils n'ont pu
s'entendreni sur son application, ni sur sa mise à l'écart. - 28 -
Une seconde hypothèse dans laquelle le principe de succession
automatique ne s'applique pas concerne le cas où le traité auquel il
s'agit de succéder n'était pas en vigueur sur tout le territoire de
llEtat prédécesseur. Il est à peine besoin d'évoquerce cas, câr il va
sans dire que la convention sur le génocide s'appliquait à l'ensemble du
territoire de l'ex-Yougoslavieet n'était pas limitée à telle ou telle
république : l'exception mentiornée n'a donc ici encore aucun titre à
être invoquée.
Une troisième hypothèse dans laquelle le principede succession
automatique doit être écarté se présentelorsqu'il ressort du traité ou
des circonstancesque son application serait contraire à l'objet ou au
but du traité.
Autrement dit, il y a des hypothèses où faire succéderun Etat
successeur à son prédécesseur entraînerait des conséquences contraires
aux objectifs du traité : on songe par exemple au TNP, où il serait
contraire au but du traité de faire succéder tous les Etats issus de
l'ex-URSS aux droits de puissance nucléaireque possédait cet Etat.
Il va sans dire que la succession automatiqueen ce qui concernela
convention sur le génocide est plus que conforme à sen objet et à son
but. On peut même aller plus loin, Monsieur le Président, Messieurs les
juges, et affirmer que ce qui serait contraire à l'objet et au but de la
convention ce serait de ne pas appliquer le principe de la succession
automatique : en d'autres termes, compte tenu de l'importanceextrême
qu'il y a à voir tous les Etats liés par une convention telleque la
convention sur le génocide, c'est la non-continuitéqui serait
incompatible avec l'objet et le but, c'est la prise en compte de
l'objection yougoslave qui serait incompatible avec l'objetet le but de
la convention. - 29 -
Enfin, une quatrièmehypothèse envisageabledans laquelle il
convient d'écarter le principe de succession automatiqueest celle où le
maintien en vigueur du traitéentraîneraitun changement radicaldans les
conditions d'exécutiondu traité.
Ce qui est envisagé ici, c'est l'hypothèseoù les obligations
assumées par 1'Etat prédécesseur entraîneraient,pour des raisons
spécifiques,des charges trop lourdes pour llEtat successeur, ou
entraîneraientun déséquilibre dans les prestations des parties et
l'équilibre contractuel. Mais cette hypothèse concerneles traités
prévoyant un échange équilibré de prestations entreles différents
participants au traité.
Il est à peine besoin de dire qu'aucune des dispositions de la
convention sur le génocide ne peut la faire entrerdans cette catégorie
de traités, contrairement à ce qu'a tenté de suggérer le professeur
Eric Suy. La convention sur le génocide ne peut être analysée en ces
termes, comme l'a si bien énoncé, il y a plus de quarante ans, votre
Cour, lorsqu'ellesoulignait la nature non contractuellede la convention
sur le génocide dans l'avis sur les Réserves à la convention sur le
génocide. Je rappelleici cette analyse faite parla Cour :
La Cour donc dans cet avis disait :
*La convention a été manifestement adoptéedans un but
purement humainet civilisateur ... Dans une telle convention,
les Etats contractantsn'ont pas d'intérêtspropres; ils ont
seulement, tous et chacun, un intérêt commun, celui de
préserver les fins supérieuresde la convention. Il en résulte
que l'on ne saurait, pour une convention de ce type, parler
d'avantages ou de désavantages individuels des Etats, non plus
que d'un exact équilibre contractuel à maintenir entreles
droits et les charges.» (C.I.J. Recueil 1951, p. 23.)
Il n'est donc pas imaginableque la Yougoslavie puisse invoquer un
changement des conditionsd'exécution du traité qui résulterait de
l'applicationdu principe de succession automatique. Pour reprendre les - 30 -
termes de la Cour, la Yougoslavie doit préserver les fins supérieuresde
la convention;c'est-à-diretout simplementrespecter les normes
interdisant les actesde génocide, quels que soient les autresEtats
parties à cette convention.
Au terme de cette analyse, on ne voit pas comment ilpourrait être
possible de continuer à affirmer qu'il n'y a pas de continuité
automatique en matière de convention universellede protection des droits
de l'homme. Mais l'incontournable conclusion selon laquelle la
convention sur le génocides'applique à l'espèce seraitégalement vraie
dans le cadre de la théorie de la table rase.
4. La Bosnie-Herzégovine serait partie à la convention sur le génocide,
même si s'appliquait, conformément à la thèse de la République
fédérative de Yougoslavie, le principe de la table rase.
Le défendeur tented'abord de démonter quela Bosnie elle-même se
serait placée dans le cadre de la théorie de la table rase.
Selon le défendeur, la Bosnie-Herzégovine nepouvait pas succéder en
raison même des termes utilisés dans sa notification desuccessiondu
29 décembre 1992 que jlai antérieurementlue devant vous. Il y a là, à
mon avis, un argument particulièrement tortueux. Laougoslavie en effet
cherche à tirer argument du fait quela Bosnie «ayant examiné» la
convention sur le génocidedéclare qu'elle «souhaite succéder» à ladite
convention, pour en déduire que ce vocabulairen'est pas compatible avec
un principe de succession automatique,mais implique que la
Bosnie-Herzégovine seplaçait dans le cadre de la théorie de la table
rase. Sans entrer dans un débat sémantique concernant l'interprétation
ainsi présentée - que le Gouvernement bosniaqueconteste absolument -
qu'il me suffise de dire ici que leprincipe de la tabula rasa, permet
parfaitement à un Etat de présenter üne notificationde succession, par - 31 -
laquelle il déclare succéderunilatéralement,aux traitésmultilatéraux
de 1'Etat prédécesseur.
Le défendeur a consacré biendes efforts à démontrer que la règle
coutumière gouvernant la succession aux traités internationaux est la
règle de la table rase.
Le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine a déjàeu l~occasionde
souligner dansses observations écritesles innombrables inexactitudes,
informationspérimées, erreurs quiémaillent cettedémonstration,sans
parler des références sans pertinence. Il ne semble pas nécessairede
revenir sur ces points, sauf à redire lemanque de sérieuxd'un Etat qui
affirme par exemple sanssourciller en juin 1995 que l'ex-République
yougoslave de Macédoine n'est pas partie à la conventionsur le génocide,
alors qu'elle a déposé sa notificationdès le 18 janvier 1994 ! Sont à
réaffirmer aussi ou à affirmer la difficulté à saisir la pertinencede
nombreuses informations transmises à la Cour et réitérées à l'oral comme
par exemple l'absence de succession dela Croatie à l'accord sur le café
qui ne semble vraiment pas, j'ose le dire, correspondre aux enjeuxde
cette affaire.
En réalité le Gouvernement bosniaquen'a pas réussi à suivre les
méandres desdéclarations successiveset totalement contradictoires des
différents conseils du défendeur, tant dans les écritures que dans les
plaidoiries, relatives à la table rase :tantôt en effetil est affirmé
que cette règle s'applique exclusivement auxEtats nés de la
décolonisationet n'est pas applicable aux autresEtats; tantôt il est
dit qu'au contraire la théorie de la table rase est la règle générale
applicable à tous les Etats. Indépendamment de cesincohérences, prenons
acte de la position du défendeur, selon laquelle, et cela a été réaffirmé - 32 -
hier, la règle applicableen notre affaire est l'article 17 de la
convention sur la successiond'Etats en matière de traités.
NOUS avons indiqué quenous accepterionsun instant ce postulat
inexact
Encore convient-ilde bien cerner quel est le contenu de la règle de
la table rase telle qu'exprimée à l'article 17 de la convention sur la
succession dlEtats en matière de traités.
L'article 17 prévoit qu'
«un Etat nouvellement indépendant peut, par une notificationde
succession, établir sa qualitéde partie à tout traité
multilatéral qui, à la date de la successiondlEtats, était en
vigueur à l'égard du territoire auquel se rapporte la
succession dlEtats».
En lisant cet article, on ne comprend pas bien pourquoi le défendeur
a consacré tant d'énergie à mettre cette règleen avant. S'il le fait,
ce ne peut être queparce qu'il commet un contresens juridique majeur sur
la portée du principe de la table rase;et qu'il confond, et ce point me
semble être au centre du débat, l'obligationde succéder et le droit de
succéder.
Le gouvernement adverse, en effet, a cherché à convaincre la Cour de
ce que l'applicationde la tabula rasa empêcherait la Bosnie - empêche la
Bosnie - de succéder à l'ex-Yougoslaviedans la conventionsur le
génocide : mais on ne voit pas par quel raisonnement ilaboutit à cette
conclusion. En effet, s'il est vrai que leprincipe de la table rase
n'oblige pas un Etat à succéder aux traités multilatéraux,il l'autorise
cependant à le faire; et même, bien plus, non seulement il l'autorise à
participer au traité, mais il lui en donne le droit, droit qui ne peut
lui être dénié par les autres parties au traité.
Quelle est la portée exacte de ce droit ? Il signifie qu'un Etat
nouveau a le droit de devenir partie à une convention multilatérale, par - 33 -
une notification unilatéralede succession,sans que les autres Etats
puissent objecteret sans que soient prisesen considérationles clauses
finales de la convention,voilà la portée de ce droit :en d'autres
termes, en vertu de ce principe de la table rase,que nous avons accepté
un instant, la Bosnie aurait eu le droit de devenir partie à la
convention sur le génocide dès son apparition. Il est clair donc que
même avec le principe de la table rase, aucun Etat y compris la
République yougoslave ne pourrait'empêcher un Etat successeur comme la
Bosnie de devenir partie à un traité multilatéral comme la convention sur
le génocide auquel était partiel'ex-Yougoslavie. Le professeur Suy a
d''ailleurs donné acte de cette règle (CR/96/6, p. 13).
Il convient icidonc de s'arrêter un court instantsur le sens
profond des règles de la succession dTEtats, et sur cette portée du
principe de la tabie rase qui à mon avis a été totalement méconnu par
notre adversaire.
En schématisantun peu, on pourrait presque dire que le principe de
continuité automatiquecrée pour ainsi dire une obligationde succession.
C'est parce qu'il apparaissaitdifficile de mettre une telle obligation à
la charge dos Etats nouveaux nés dans le cadre du processus de
décolonisation que leprincipe de la tabie rase a été développé. Ce
principe a été défini de telle sorte qu'il donne à 1'Etat nouvellement
indépendantla situation la plusfavorablepossible, c'est-à-dire : il
n'a pas d'obligationde succéder,mais à l'inverse, il a le droit de
succéder aux conventionsmultilatéraless'il le souhaite, c'est-à-dire
que les autres Etats ont l'obligationde l'accepter en tant que
successeur. Tel est, Monsieur le Prêsident, le sens et la portée du
principe de la table rase, tel qu'il me semble résulter des travauxde la
Commission du droit international,auxquels vousavez présidé. - 34 -
La conception que se fait des mécanismes de la succession dlEtats la
République fédérative de Yougoslavie aboutit justement, si l'on regarde
les choses en face, à priver la Bosniede ce droit de devenir gartie à la
convention en tant que successeur. Certes la République fédérative
concède - c'est le moins qu'elle puisse faire ! - que ellEtat demandeur a
la faculté de devenir partie à des traités internationauxpar une
notification d'adhésion» (exceptions préliminaires, juin 1995, B.1.4.13).
Mais cela entraîne - et l'on sait que c'est le but recherché - une
solution de continuité dansl'applicationde la conventio~ sur le
génocide. Le résultat totalementabsurde auquel aboutit le raisonnement
de la Yougoslavie apparaît sion l'applique à l'hypothèsedans laquelle
la Bosnie aurait faitune déclarationde succession 1s jour même de son
accession à l'indépendance, à la première minutede son existence.
Si
l'on considérait cette déclarationcomme une accession comme veut le
faire notre adversaire, la conséquenceen aurait été : que les citoyens
de la Bosnie auraient été malgré tout privés de la protection qui leur
est conférée par la convention sur le génocide alors même quela Bosnie
aurait faitune déclaration à la seconde même de son indépendance. La
conséquence donc en aurait été quela convention sur le génocide n'aurait
pas été en vigueur pour la population bosniaque pendanq tuatre-vingtdix
jours, c'est-à-direprès de trois mois. Et l'on sait combien sont longs
les mois où il se passe des atrocités comme celles qui onteu lieu en
Bosnie-Herzégovine.
J'espère avoir montré au cours de ces quelquesdéveloppementsqu'il
n'y a pas le moindre argument permettant de démontrer que la
Bosnie-Herzégovine ne pouvait pas succéder comme partie à la convention
sur le génocide. - 35 -
Il me reste, Monsieur le Président, à parfaire la démonstrationde
la pleine applicabilitéde la convention sur le génocide à l'affaire qui
oppose la Bosnie-Herzégovine à la République fédérativede Yougoslavie.
Il me reste donc à parfaire cette démonstrationen en précisant le champ
d'applicationtemporel, autrementdit en indiquant que la conventionsur
le génocide s'applique rationaetemporisaux événements quise sont
produits en Bosnie depuis son avènement en tant qulEtat, le 6 mars 1992.
Le dernier point sera donc consacré à démontrer que la
Bosnie-Herzégovineest partie à la convention sur le génocide depuis la
date de son indépendance.
III. LA BOSNIE-HERZEGOVINE EST PARTIE A LA CONVENTION SUR LE GENOCIDE
DEPUIS LA DATE DE SON INDEPENDANCE
Rappelons que la convention était en vigueur à l'égard de
l'ex-Yougoslaviequi l'a signée le 11 décembre 1948, ratifiée le
29 août 1950. Elle était doncen vigueur sur tout le territoire au
moment de la succession.
C'est sur la question de la portée temporellede la convention que
la République de Yougoslavie concentre sed serniers efforts en vue
d'empêcher l'applicationde la convention surle génocide : cette
tentative a fait l'objetdes sixièmeet septième exceptions
préliminaires,et de longs développementsde MM. Suy et Etinski.
Après avoir élaboré diverses constructions juridiques poue rssayer
de démontrer - sans y être parvenue - que la notification de succession
ne pouvait êtreprise en considération,la République fédérative se
retranche sur une ligne de défense pluslimitée. Elle va en effet
transmettre à la Cour le message suivant : si vous n'acceptez pas de
considérer la déclarationde succession dela Bosnie comme nulle et
non-avenue, acceptez au moins d'en retarder au maximum leseffets. - 36 -
le but de ces deux dernières exceptions :
Disons d'emblée quel est
leur but manifeste est d'écarter l'applicationde la convention sur le
génocide des actes les plus odieux commis en c os nie-Herzégovin durant la
pire période du nettoyage ethnique, à savoir en 1992. Il suffit, par
exemple, de rappeler que le camp dlOmarska a existé de mai à décembre
1992 et le camp de Luka demai à juillet 1992 (acte d'accusation contre
Radovan Karadzic and Ratko Mladic, TPI, 24 Juillet 1995, IT.95.5. I.,
p. 5). De rappeler également, que le premier acte d'accusationlancé par
Richard Goldstonecontre Dusco Tadic, concerne exclusivementl'année
1992; de rappeler également,que les actes d'accusation du 25 juin 1995,
concernent pour treize accusés, la période du 24 mai au 30 août 1992
(Actes d'accusatioc, TPI, 24 Juillet 1995, IT.95.8.1), pour huit accusés
la période du 17 avril au 20 novembre 1992 (actes dlaccusation, TPI, 24
Juillet 1995, IT.95.9.1 et IT.95.10.1). Il y a donc de fortes
indications que l'année 1992 a été une des années les plusnoires du
génocide perpétré en Bosnie-Herzégovine. Et l'on comprend que le
défendeur cherche à empêcher que la convention sur le génocide ne soit
appliquée à cette période extrêmement sombre de l'histoire de la Bosnie.
Cette tentative de repousser dansle temps l'applicabilitéde la
convention emprunte, dans les écritures de la Partie adverse, deux
chemins, plus ou moins contradictoires :
- en premier lieu, le défendeur essaye de repousser la date d'entrée en
vigueur au 23 mars 93 : c'est la tentative maximale, fondée sur l'analyse
de la notification de succession, comme une notification d'adhésion;
- en second lieu, au cas où la Cour n'accueilleraitpas cette démarche,
la Yougoslavie a essayé - et c'est la tentative minimale - de repousser
la date d'entrée en vigueur au 29 décembre 1992. - 37 -
Les deux démarchesont en commun cependant, de faire échapper
l'année 1992 à l'examen de la Cour internationalede Justice.
Mais aulourd'hui,cela n'a pas paru suffisant. Au moment où ont été
déposées les exceptions préliminaires - juin 1995 - l'horreur de
Srebenica n'avait pas encore eu lieu, c'était en juillet 1995.
Aussi, avons-nous assisté - avec je dois l'avouer, une certaine
incrédulité - à une tentativequ'il faut appeler super-maximaliste : le
professeur Eric Suy a en effet déclaré, avant-hier,que la date d'entrée
en vigueur de la convention sur le génocide devait être repoussée à la
date de la signature des accords de Dayton. Ainsi, Srebenica ne pourrait
être ainsi dénoncéen vertu de la convention sur le génocide.
Tous ces raisonnementsdoivent êtreréfutés.
1. Les accords de Dayton tout d'abord ne peuvent être utilisés pour
retarder la date d'effet de la notification de la succession au
15 décembre 1995.
En réalité, cet argumentn'est que l'ultime manière de redire que la
Yougoslavie a toujours contesté l'existencemême de la Bosnie.
Il est assez paradoxal, Monsieur le Président, de constater que le
défendeur prend prétextede la signature des accords de Dayton/Paris,qui
est une avancée vers la paix, pour présenter unenouvelle argumentation
qui aboutit à une régressionen matière de protection des droits de
l'homme : dans les exceptions préliminaires,il n'avait pas osé avancer
comme date de mise en vigueur une date postérieure au 25 mai 1993; mais
il s'avère que le pire était encore à venir, car le défendeur a imaginé
d'utiliser les accords de Dayton, pour repousser encore cette date et
faire coïncider la mise en vigueur de la convention sur le génocide à
l'égard de la Bosnie avec leursignature le 15 décembre 1995. - 38 -
Le Gouvernement bosniaquese contentera, en réponse à cette
insoutenableprétention, de rappeler que la doctrine et la pratique
indiquent que la règle internationaleveut que la participation aux
conventions multilatéralessoit indépendantede la reconnaissance
(exceptions préliminaires, 14 novembre 1995, par. 4.18, p. 55).
2. La notification de succession ne peut pas être analysée comme une
notification d'adhésion qui prendrait effet le 25 mai 1993
11 est absurde de considérer la notification de successioncomme une
notification d'adhésion.
En réalité, pour retarder au maximum les effetsde la convention sur
le génocide, la Yougoslavie a songé à une idée apparemment fort
ingénieuse : sachant qu'en cas d'accession,le nouvel Etat n'était partie
qu'après quatre-vingt-dixjours, le défendeur suggère tout simplement de
considérer la notification commeune adhésion, de la débaptiser et de la
considérer comme une adhésion : cela conduitdonc à admettre que la
Convention sur le génocide n'est entrée en vigueur que le 23 mai 1993,
alors que d'après la Bosnie cette entréeen vigueur coïncide avec son
apparition sur la scène internationale le 6 mars 1992.
Mais, Monsieur le Président, c'est un an et quatre-vingtsjours de
gagnés, si je puis m'exprimer ainsi. Faut-il rappeler que ce dont il est
question ici c'est un an et quatre-vingtsjours de pratique de génocide,
un an et quatre-vingts jours de meurtres massifs, un an et quatre-vingts
jours de viols, un an et quatre-vingtsjours de nettoyage ethnique, qui
devrait plutôtd'ailleurs être qualifié, comme l'a fait au cours d'une
séance du Conseilde sécurité, le représentantdu Venezuela,
d'«extermination ethnique» (S/PV3175, 22 février 1993, p. 17).
Cependant ce n'est pas en raison des conséquences détestables
qu'entraîneraitcette argumentationqu'elle doit être rejetée. - 39 -
C'est en raison de son absence de la moindre base à la fois légale
et logique. On ne voit pas pourquoi la notification de succession,acte
qualifié comme tel par un Etat souverain, devrait être considérée comme
une notification d'adhésion.
Cette analyse de notre adversaireest d'ailleurs en contradiction
avec les faits.
Car la Cour l'a rappelé dans son ordonnance du 8 avril 1993, «le
Secrétaire généraia considéré la Bosnie-Herzégovine nonpas comme ayant
adhéré mais comme ayant succédé à la Convention sur le génocides
(C.I.J. Recueil 1993, p. 16). Il n'y a donc pas de place pour l'analyse
présentée par le défendeur. Mais ses tentatives sont tout autant vouées
à l'échec, lorsqu'il accepte de considérer, à titre subsidiaire, la
notification une notificationde succession.
3. La notification de succession prend effet à la date de
l'indépendance, c'est-à-dire le 6 mars 1992
Il est très généralement admisque la successionprend effet à la
date de l'access~on à l'indépendancede 1'Etat successeur.
Il faut soulignerici que si la Cour suivait le raisonnement de la
partie adverse sur ce point, cela impliquerait que siun Etat successeur
ne publiait pas lanotificationde succession immédiatement,une
discontinuité apparaîtrait automatiquemend tans l'applicationdes
conventionsmultilatéralesde protection desdroits de l'homme. Des
conséquencesaussi absurdesmontrent que la prétendue règle présentéepar
la République fédérativeest à rejeter.
La règle est évidemmentque le nouvel Etat est partie à ce type de
convention du jour de son indépendance.
La pratique confirmeparfaitement cetterègle - 40 -
Et puisque le professeur Suy a tenu à dire à la Cour que <la
pratique suisseen la matière ... est extrêmement importante»(CR 96/6,
p. 151, j'invite la Cour à se pencher sur cette importante pratique. Non
pas celle de 1970, qui a été évoquéepar le professeur Suy, mais celle de
1995. En effet, même si l'évolutiondu droit international se
caractérisepar sa noble lenteur,je crois que la protection desdroits
de l'homme a connu dans les dernières années une telle accélération que
les règles gouvernant la successiondvEtats en ce domaine ne peuvent pas
valablement invoquer des précédents aussi anciens. A moins qu'ils ne
soient considérés comme invoquables, parce que, comme nous l'a dit le
professeur Suy, il ne considère pas la conventionsur le génocide comme
une conventionsur les droits de l'homme (CR 96/6, p. 141, affirmation
qui m'apparaît totalement inadmissible.
Je me bornerai à attirer l'attentionde la Cour sur un document
émanant du département fédéral des affaireé strangères de Suisse. Je
tiens bien entendu ce document d'un modèle courant à la disposition de la
Cour. Il concerne une notificationde successionde la
Bosnie-Herzégovine,qui apparaît commeune sŒur jumelle de celle quinous
occupe ici.
Elle est presque de la même date : il s'agit d'une notificationde
succession déposée le 31 décembre 1992.
Elle concerne la même catégorie des traités multilatéraux de
protection des droitsde l'homme : il s'agit de la notificationde
succession aux quatre conventions de Genève de 1949 et aux deux
protocoles additionnelsde 1977.
Or il est indiqué en toutes lettres quecette notificationprend
effet à la date de l'indépendanceconformément à la règle coutumière. Je - 41 -
lis ce texte qui ne présente pas la moindre ambiguïté et dont chaquemot
est important :
«Conformément à la pratique internationale,la République
de Bosnie-Herzégovineest devenue partieaux Conventionset aux
Protocoles à la date de son indépendance, soitle 6 mars 1992.»
Il est difficile de comprendrepourquoi une autre solutionserait
applicable à la convention sur le génocide.
On ne saurait donc sérieusement nierqu'il existe une règle
coutumière de droit internationalen vertu de laquelle1'Etat qui succède
comme partie à une convention multilatéralede protection des droits de
l'homme est lié du jour de son apparition sur la scène internationale.
En conséquence,le Gouvernement de Bosnie-Herzégovinedemande
respectueusement à la Cour de reconnaîtreque la convention sur le
génocide est applicable à l'espèce; et de reconnaîtrequ'elle est
applicable sans solutionde continuité depuisla ratification initiale
par la Yougoslavie
Je voudrais, Monsieur le Président,Messieurs les juges, au terme de
cette plaidoirie devant vous, faire écho auxparoles d'un représentantde
la France auprès de l'ONU, au cours d'une séance du Conseil de sécurité,
consacrée à la crise yougoslave :
eLorsque ont commencé à être connus lespremières
informations,les premiers témoignages surles atrocités
commises sur le territoirede l'ex-Yougoslavie,la mémoire
collective de nospeuples a retrouvé l'horreur de temps que
l'on croyait révolus.» (S/PV3175, 22 février 1995, p. 7.)
Il entre dans la mission de votre Cour, par la ferme dénonciation
des pratiques de génocidequi ont eu lieu, de faire que de telles
atrocités ne se renouvellentpas, qu'elles soient à jamais révolues à
1'avenir. - 42 -
Cet avenir, il est en train de se construire sous vos yeux. Les
accords de Dayton ont apporté à la Bosnie la paix. Elle attend
maintenant de votre Haute Juridiction, la justice.
Monsieur le Président, Messieurs les juges, je vous remercie de
votre attention et vous prie d'appeler à la barre mon collègue
Thomas Franck, après la pause.
Le PRESIDENT :Je vous remercie beaucoup, Professeur, pourvotre
exposé. La Cour observeramaintenant une pause d'une quinzaine de
minutes.
L'audience est suspendue de 16 h 20 à 16 h 35.
Le PRESIDENT : Je vous prie de vous asseoir. L'audience est
reprise et je dome la parole au professeur ThomasFranck.
Mr. FRANCK : Je vous remercie beaucoup,Monsieur le Président.
1. Introduction,
Mr. President, Honourable Members of this Court. My argument is
addressed to the centralissue of this phase of the case: does the
Genocide Conventionmake this case admissible and does it give this Court
jurisdiction?
1. 1 cornebefore you respectfully aware of this moment in both
history and jurisprudence. And aware also of the delicate balance
between peace and war in the former Yugoslavia; and of the need to do or
Say nothing that may upset the chancesof peace. It has been necessary
to advert repeatedly in this oral presentation to both the factual and
the legal salience - one might truly Say enormity - of this case. Our - 43 -
Agent has done so, and Our Deputy-Agentvan den Biesen has given this
Court a brief account of some of the facts to establish what amounts to a
prima facie case. The decision of this Court willhave incalculable
resonance for the Republic of Bosnia and Herzegovina which, as Our Agent
has shown, against al1 odds, is trying to Save a multiethnic,
multiculturalheritage. It will resonate throughout Europe, Africa, Asia
and the Arnericas,where ancient tribal, linguistic, religiousand
national hostilities - once thoughtto have been banked - are again
catching fire. Were absolution grantedfor the widely experienced and
observed actsof genocide in the former Yugoslavia,that could not fail
to tempt irresponsible, unscrupulous political leaders elsewhert eo play
the group-hatred card, the card that toooften trumps reasonand
humanism, to play that card forthe purpose of promoting their persona1
fortunes by resorting to policies that either intentionally, or at least
predictably, lead to the slaughter of innocents.
2. This case also has broad implicationsfor the corpus juris of
internationallaw, the interpretationof which is this Court's vanguard
role in the civilizationof nations and governments. What this Court
uniquely contributes to history, is consistency. It speaks not of
expediency or fashion but of law.
3. It is not for this Courttc follow the political fashion of the
moment: to settle for peace even withoutjustice, for the expedientat
the cost of legal principles. It must be tempting to believe that the
Dayton accord has calmedthe waters and that this Court shoulddo nothing
to roi1 them. For Bosnia, however - and 1 suspect also for Serbia - the
waters will never be truly calmeduntil there is not just peace, but a
just peace. Of course, in its unique pursuit of normativity and
fairness, this Court hasa duty to apply not only theletter, but also - 44 -
the spirit, of the law: to make time-honouredrules relevant to
contemporary circumstances. Thiscase offers an opportunity to oppose
the barbarities of a terrible new era of neo-tribalism,by holding up the
bright shield of internationallaw, fashioned outof humanity's best
moral instincts.
4. It is absolutely inconceivablethat this court would refuse to
decide a case on which so much turns: the eventualamending of the
tattered Bosnian social fabric, the didactic dissuasion of future
political miscreants, tempted to play the tribalism card, even the high
regard of the internationalcommunity for the internationaljuridical
process .
5. These are the overriding reasons why this Court will surely
choose to decide this case. Of course, there are also narrower, more
technical reasons for you to do so. The Respondent,however, has urged
you to find this causeinadmissible,beyond your jurisdiction. Why? It
is difficult to imagine a case more squarely admissible or more
technically amenable to this Court's jurisdiction. Evenwithout resort
to the larger reasonsof jurisprudentialpolicy, this can be demonstrated
beyond any doubt from the black-letter terms of the Genocide Convention
itself and from the Statute of this Court. 1 will attemptnow to
demonstrate that the Applicantls complaint preciselypostulates the
elements that constitute genocide.
II. Applicant's Complaint Precisely Postulates the Elemente that
Constitute Genocide
1. A "dispute"within the meaning of Article IX of the Genocide
Convention exists whenone party asserts the occurrence of a significant
violation of the Convention by another party. As the Permanent Court of
International Justicepointed out inthe Mavrommatis Palestine - 45 -
Concessions case, at the PreliminaryObjections phase: "A dispute is a
disagreement on a point of law or of fact, a conflict of legal views or
of interestsu between two or more parties (P.C.I.J.,Series A, No. 2,
p. 11; see also Rights of Passage, Merits, I.C. J. Reports 1960, p. 34,
South-West Africa, Preliminary Objections, I.C. J. Reports 1962, pp. 328
and 343). Surely it cannot be maintained that thereis no dispute
between the Parties in this case. When the Court begins to consider the
rnerits,Bosnia and Herzegovina will assert the following violations by
the Respondent, each of which, if proven, would constitute a violationof
firrnlegal obligations under the Convention:
(i) that Respondent hascommitted genocide (Art. 1, II, III) ;
(ii) that as a matter of fact this genocide has been committed against
Applicant's Muslim population and others within its territory;
(iii) that genocide has also been committed or aided by Respondent
against nationals of other parties to theConvention (Art. 1, II,
III) ;
(iv) that persons for whom the Respondentis legally responsible have
committed or aided such acts of genocide (Art. IV);
(v) that Respondent hasgrossly failed in its legal duty to prevent
the commission of genocide, to prevent conspiracy to commit, or
incitement to commitgenocide, and has aided or failed to take
measures to prevent thecommission of genocide by Respondentls
public officiais as well as by private parties under its legal
jurisdictionor subject to its control or influence (Art. 1) ;
(vi) that Respondent has grossly failed in its legal obligation to
bring to trial, or to deliver elsewhere for trial, persons under
its jurisdiction who have comrnitted,conspired to commit,incited
to, or aided the commission of genocide (Art. 1) ; - 46 -
(vii) that Respondent hasalso incited and aided perçons - its nationals
and also others - to engage in genocide within Respondent'sas
weli as Appiicant's territory (Art. III).
2. These allegations, if proven, each constitutea violation by
Respondent of its legal obligations under the Genocide Conventionand are
clearly the basis of ths dispute.
3. Applicant, as the injuredParty or even simply as a party to the
Convention, has a legal right to have its factually-basedallegations
determined by this Court andto have this Courtdecide whether the facts,
as proven, constitute a violation of Respondent'sobligations to the
~~blicantunder the terms of the Convention. 1 shall now try to
demonstrate that this Court is explicitly empowered to decide the precise
issues raised by Applicant.
III. This Court is Explicitly Empowered to Decide the Precise Issues
Raised by Applicant
1. Article VI11 of the Genocide Conventionprovides several means to
establish the validity of a Party's allegation that the Genocide
Convention has been violated, as well as for securing remedieswhen a
violation is found to have occurred. It authorizes any State party to
cal1 upon any competent organ of the United Nations "for the prevention
and suppressionof acts of genocide". This provision, which Applicant
has already invoked before several United Nationsbodies, could also
constitute the basis of an appeal to this Court, as the United Nations
principal judicial organ under Charter Article 92. But it is unnecessary
to rest the case for the admissibilityof this dispute solelyon Article
VIII. There is a more specific attributionof jurisdictionto this Court
in Article IX. 2. Article IX provides that
"Disputes betweenthe Contracting Parties relating to the
interpretation, applicationand fulfilment of the present
Convention, including those relating to the responsibilityof a
State for genocide or for any of the other acts enumerated in
Article III, shall be submitted to the InternationalCourt of
Justice at the request of any of the parties to the dispute.'!
What could be more clear or moredirectly applicable to Bosniaand
Herzegovina'sApplication to this Court?
3. In its Memorial (paras. 5, 3, 2, 3) the Applicant has
demonstratedwith abundant evidence from the travaux of the Convention
that its drafters, speaking,of course, for their Governments, decided,
after due deliberation,to give this Court the powerto establish the
"responsibilityof a State followinga violation of the Conventionv
(Memorial,paras. 5, 3, 2, 3) (SirGerald Fitzmaurice on behalf of the
sponsors of what became Article 1x1. Their purpose, it is patently clear,
was to make this Courtthe determiner of the existence in fact of a
violation, and the attributer ir:law of responsibility. An allega~ion of
a State's responsibility for genocideiç precisely the kind of dispute
for which Article IA was intended
4. The drafters' reasons for ves2ing this jurisdiction in the Court
also appear clearly fromthe travaux. While the Convention in Articles V
and VI obliges the parties themselvesto enforce the Convention,by
enacting criminal penalties and by punishing persons who commit genocide,
it was clear to the drafters that thismight not sufiice. Sir Gerald
(laterJudge) Fitzmaurice said, at the time of the adoption of
Article IX:
"The United Kingdom delegation had always taken into
account the enormous practical difficulties of bringing rulers
and heads of State to justice, except perhaps at the end of a
war ... For that reason the United Kingdom delegation had felt
that provision to refer acts of genocide to the International
Court of Justice, and the inclusion of the idea of international responsibilityof States or Governments, was
necessary for the establishment of an effective convention on
genocide." (BosniaMernorial,paras. 5, 2, 2, 8.)
5. What a prescient observation! In the former Yugoslavia, are the
authorities diligently seeking out individualperpetrators of the heinous
crimes? Are they being caught, tried, punished and delivered up to stand
trial? Instead, they are allowed to escape responsibility. Fortunately,
the Conventionls drafters, having foreseen just such a debacle, fashioned
a remedy, one that could be deployed against a perpetrator who cannot
escape: the violator State. The forum for bringing such a perpetrator
to justice is this Court.
6. The Statute of this Court makes provisionfor such a role.
Article 36 (1) gives the Court jurisdicticn todecide "matters specially
provided for in ...treaties and convections inforce". The Genocide
Convention does specially provide in Article IX for just such a
submission to the Court of disputes relatlng to the interpretation,
application or fulfilment of the present Convention, inciuding disputes
relating to a State's responsibility for genocide or for any of the
ancillary acts enumerated in Article III. The Court's jurisdiction can
be invoked, under Article IX, "at the request of any of the parties to
the disputeM. Such a request is now most urgently before this Court.
7. The Republic of Bosnia and Herzegovina has invoked Article IX of
the Convention and the Court, under Article 36 (11, thus this Court is
fully seised of jurisdiction to determine the dispute brought to its
attention, one which unequivocally concerns the "interpretation,
application or fulfilment of the ... Convention ..." At the merits
phase, it will be for this Court to decide whether the acts complained of
do constitute acts prohibited by the Convention and whether Respondent
has responsibility, as defined by the Convention, for those acts. - 49 -
8. Much has been made by Professor Brownlie of the fact that the
travaux demonstrate beyond doubt that the inclusion of Article IX in the
Genocide Conventionproceeded on the drafter's expressed intent that this
should be understood asa civil, not a criminal remedy. As we al1 know,
the inclusion of genocide among crimes asto which State responsibility
is incurred, comes only later and need not concern us atthis phase. It
is odd, however, that ProfessorBrownlie reports these discoveries in the
travaux as if he were ChristopherColumbus reporting to Queen Isabella.
It was al1 set out in detail in Bosnia's Memorial of 15 April 1994, at
pages 209-213. Of course the remedy envisaged by Article IX is civil.
This is a civil Court. Unlike the ICTFY, this Court has a cafeteria, not
a prison. Of course, as the drafters observed,a nation cannot be
imprisoned, nor fastened with collectiveguilt. But a nation's
government can be declared to have violated its legal obligations under
its most solemn treaty and a nation can be ordered to pay reparations to
those injured by its failure to honour those obligations.
9. Professor Brownlie citesthe literature and berates us for
failure to traverse the commentatorson this point. Why should we? The
text is absolutely clear that ArticleIX envisages this Court's
exercising jurisdiction "relatingto the interpretation, applicationor
fulfilment of the present Convention . . . IThe Parties appear to be in
complete agreementthat the resultant action is to be characterizedas a
"civil" one. Was it really necessary, for example, to enlighten this
Court as to the thinking of the unidentifiedauthor of a comment on
pages 1142-1157 of the Yale Law Journal of 1948-1949 (Vol. 58)? The
practice of Amerkan academic law journals is to carry a few short pieces
by second or third year law students, which are distinguished from the
articles that are written by scholars and professors by the fact that - 50 -
these student notes or comments are not (or used not to be) attributed to
their young author. Both as counsel for Bosnia and, perhaps, even as a
Harvard graduate, 1 feel it is rather stretching things toinclude this
Yale studentls effort as, in the words of Article 38 of the Court's
Statute, "the teaching of the most highly qualified publicists of various
nations, as a subsidiary means for the determinationof rules of law". 1
think this Court may be able to understand Article IXeven without that
help .
IV. Respondent has Direct Responsibility for Violations of the
Convention
A. The Dispute has Precise Legal Aspects
1. In its fifth PreliminaryObjection, Respondent has baldly stated
that "There is no dispute between the parties which woulb de covered by'
Article IX of the 1948 Genocide Convention." (PreliminaryObjection,
Federal Republicof Yugoslavia (Serbiaand Montenegro), para. C, Fifth
Preliminary Objection.) Applicant, in Hamlet's phrase, "holds it not
honesty to have it thus set down". My colleague, Deputy-Agentvan den
Biesen, has already demonstrated the factual basis for attributing
responsibilityfor genocide to Belgrade. 1 shall now try to place this
in the legal contextof the terms of the Convention.
2. Before doing so, however, let me ask a question merely of common
sense: w mountains of corpses and valleys of emptied and destroyed
cities of Bosnia and Herzegovina, that "there is no dispute"? If we seek
an answer to this puzzle, Respondentlssubmission is of little
assistance. At first glance, one might think that the Federal Republic
had chosen to deny the existence of a legal dispute and thus is urging
the Court to treat the complaint as essentially political. Thiswould go
some way to explain the first 90 pages of Respondentrsbrief, which are - 51 -
brazenly given over to an idiosyncratic recitalof what its authors are
pleased to cal1 "Relevant facts £rom the past of Bosnia and Herzegovina"
(PreliminaryObjections, Federal Republic of Yugoslavia (Serbiaand
Montenegro),para. 1.1). These "factsu,quite aside from their lack of
probity, have almostno conceivablelegal relevance to this case, let
alone to this phase of the case. They are useful to Respondent, however,
in seeking to shift attentionfrom the legal to the political dimensions
of the tragedy thathas engulfed the former Yugoslavia. If the
Respondent's intent is CO distance the Court by pointing to the political
dimensions of this case, that escape fromthe Court's jurisdictionhas
been precludedby, inter alia, the decision in the case concerning
Mili tary and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua
v. United States of America) , Jurisdiction andAdmissibility, Judgment;
I.C.J. Reports 1984, page 392. There, the Court envisaged that the
Security Council, the multilateral negotiating forums and this Court each
had "separatefunctionsu that could proceed simultaneouslywithout any
one precluding the others (ibid.p. 440, para. 106). As Professor
Rosalyn Higgins has noted in her1991 General Courseat the Hague
Academy, the
consistent attitude of the Court [is] that neither motive nor
context matters: al1 that matters is that [theCourt1 is
required to interpret a treaty, or determine a question of
internationallaw, or pronounce upona breach of obligation, or
to deal with the nature or extent of reparations" (Recueil des
Cours, Vol. 230 (1991-V)p. 255).
That is precisely what this case isabout: interpretinga treaty,
determining questions of internationallaw, pronouncing upon a breach of
an obligation and dealing withthe nature and extent of reparations. The
treaty makesprovision for this. The Courtls Statute makes provision for
this. Al1 else - certainly at this stage - is merely distracting static. 3. Rather, what does matter is to establish culpabilityfor the
murder of a population. Respondent objects that what happened in Bosnia
and Herzegovina had nothing to do with Belgrade. The International
Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia has weighed the evidenceand
come to a different conclusion. For example, it found that:
"JNA forces £rom Novi Sad, under the control of the
Government in Belgrade, took part in the occupation of
Vlasenica [the site of alleged atrocities] after the Republic
of Bosnia and Herzegovina had been recognizedas an independent
State ." (Prosecutorv. Dragan Nikolic a/k/a "Jenki ",Review of
Indictment IT-94-2-R61,20 October 1995, p. 17, para. 30.)
In the circumstances, howcould it be asserted that there is no legal
dispute betweenApplicant and Respondent in the terms of ArticleIX of
the Genocide Convention?
B. The Convention applies to acts wherever performed
1. The Respondent supportsits assertion of non-liquet by inventing
the frankly amazing theorem that the "Genocide Convention can only apply
when the State concerned has territorial jurisdictionin the areas in
which the breaches of the Convention are alleged to have occurred"
(Federal Republicof Yugoslavia (Serbiaand Montenegro), Preliminary
Objections, 5th, para. Cl). One stands dumbfoundedbefore so manifestly
erroneous and potentially dangerous a proposition of law.
2. On the contrary, Article IX nowhere suggeststhat the
Convention's obligations,and this Court's jurisdiction, ariseonly when
genocide is committed within the perpetrator'sterritorial jurisdiction.
States are well-known to trespass where they haveno jurisdiction,fish
in troubled waters, and by stealth, subterfuge or outright intervention
commit illegal acts, in this instance the very acts prohibitedby the
Genocide Convention. The InternationalCourt of Justice has jurisdiction
over disputes arisingout of allegations of such violations perpetrated - 53 -
beyond the perpetrator's jurisdiction. Were it otherwise, the Convention
would not be a relevant answer to most of Hitler's holocaust, which was
carried outprimarily outside the borders of Germany.
C. Genocide is an offence erga omnee
1. In its written Memorial Applicant has madeclear - and will
adumbrate infurther pleadings - that it is a victim of Respondent's
violations of the Convention: that hundreds ofthousands of its citizens
have been killed, raped, maimed and forced to flee their homes in the
execution of a policy planned, aided, directed and in part carried out by
the Respondent. This givesthe Governmentof Bosnia and Herzegovina the
legal right and the moralduty, under Article IX, to implead before this
Court the perpetrator of these violations of the Genocide Convention.
2. But even if the large majorityof victims of Respondent's
policies had not been Bosnian Musllms, this applicationby the Government
of Bosnia and Herzegovina would still be justiciableunder the terms of
the Genocide Conventionand Applicant would still have standingbecause
it is a party to the Convention and any genocide anywhereis an offense
against everyState party.
3. Genocide committed withina single State even absent any
transnationaldimension, is a violation erga omnes, of a peremptory norm
of internationallaw. As noted in the International Courtof Justice
Advisory Opinion of 28 May 1951, the object and intent of the Convention
is "definitelyuniversal in scopel'(I.C.J. Reports 1951, p. 23). Al1
acts of genocide, wherever committed, constitutea violation of the
Convention actionableby any other party to it, whether or not its
citizens or tangible interests have beendirectly violated. - 54 -
4. This has been accepted in the 1990 Draft of the InternationalLaw
Commission on State Responsibility. The provisional text, Article 5,
provides that an "injured State" is one which can demonstrate that
another State has infringed a right provided bya multilateral treaty to
which both are parties and "the right has been created or is established
for the protection of human rights and fundamentalfreedoms ..." (YILC
(1990), Vol. II, 1993, p. 83, Art. 5 (e) (iii) ). The Genocide Convention
establishes surely themost fundamental of human rights - the right of
perçons not to be killed or maimed on account of their group association.
Every party to the Convention is authorized to regard aviolation of that
right as a breach, a wrong against itself. Every party to the Convention
has said to every other: "insofar as you do it to even the least of
them, you do it to me".
V. Respondent also has Vicarious Responsibility for Violations of this
Convention
1. Applicant has charged, and produced evidencein its Memorial to
demonstrate, that violations of the Genocide Convention that were
launched within Respondent's tsrritoryhave had their rnostdeleterious
effects on the people cf the Republic cfBosnia and Herzegovina.
2. At the merits phase of this litigation,Applicant will
demonstrate that such violations by Respondent,including conspiracy,
incitement and complicity, did occur. This, once demonstrated, would
constitute a direct violation of Article III of the Convention by
Respondent against Applicant, giving rise to a dispute under Article IX.
3. The Court, given the current prevalence ofmeddlesome inciting
and conspiring to promote ethnic conflict, will surely want to seize the
occasion provided by Respondentls preliminary objections to remove doubts
about the applicability of the Convention to a State which incites andpromotes genocidal warfare between groups within another State as a means
to achieve its own expansionistambitions, or which fails to prevent such
activities by persons for whose conductit bears responsibility.
4. In this case, however, there was more than mendacious passivity
The UN Committee on the Elimination of Racial Discriminationearly
concluded that
"links existed between the Federal Republicof Yugoslavia
(Serbiaand Montenegro)andSerbian militias and paramilitary
groups responsiblefor massive, gross and systematic violations
of human rights in Bosnia and Herzegovina" (GAOR, 48th Sess.,
supp. NO. 18/~/48/18).
Applicant will prove the validity of thisfinding of I1links" and
demonstrate that they establish bothdirect and vicarious responsibility
of Respondent.
5. Links continue tobecome apparent, as Deputy-Agentvan den Biesen
has illustrated. On 21 November 1995, this terriblearmed conflict was
halted by the signing of the Dayton Accords. In an exchange of letters
accompanying these accords, written to the Foreign Ministers --Hervé de
Charette, Warren Christopher,Klaus Kinkel and Andre Kozyrev - Slobodan
Milosevie, on behalf of the Federal Republicof Yugoslavia, undertook to
"take al1 necessary steps, consistent with the sovereignty, territorial
integrity and political independenceof Bosnia and Herzegovina to ensure
that the Republika Srpskafully respects and complies with the
provisions" of the agreement. If Belgrade now admits to having the means
to ensure its Bosnian Serb client's compliance withinternationally
agreed norms, should it not be evident that it had means in 1991 to
prevent that client's wholesale violationsof the Genocide Convention?
The foreign ministers of France, Germany, Russia and the United States
evidently believe that the Srpska Republika can be curbed by Belgrade. - 56 -
By its failure to act, as much as by its actions, the Federal Republicof
Yugoslavia became deeply implicated inthe so-called "civil war".
VI. Compliance with Articles IV, V and VI of the Convention is No Bar to
this Action
1. Respondent, urging that there isno dispute for this Court to
resolve, makes the assertion that the Genocide Convention does nothing
more than oblige States in which violationsoccur to prevent and punish
genocide by enacting legislation criminalizing itscommission by
individuals and bringing individual violatorsto criminal trial in its
own tribunals (FederalRepublic of Yugoslavia (Serbiaand Montenegro),
Preliminary Objections, June 1995, p. 130, para. C.2). Respondent
implies that, as it indeed has enacted laws againstgenocide and might,
in theory, be willing to bring offenders to trial in Belgrade, therefore
its responsibilitieshave been discharged. There can thus be no dispute,
Respondent argues, cognizable by this Court. In Respondentqs view, if
there was compliance with Articles IV, V and VI, no claim could be made
under Article IX.
2. Of course Respondent does not comply with ArticlesIV, V and VI;
but even if it had, this argument totally ignoresthe clear evidence that
Article IX was intended to create a separate civil remedy applicable as
between States, to supplement the criminal remedy to be applied to
individuals by each State under its domestic law in its domestic courts.
This inter-State remedy is directed not to individual but to State
responsibility. The role of this Court under Article IX is no way
diminished by any efforts to try and to punish individuals implicated in
genocide. The issue for this Court is the role of the State in
genocideqs perpetration. - 57 -
3. Article IX provides a non-penal remedy that can be invoked by any
State against any otherby applicationto the InternationalCourt of
Justice. Of course, the State making such an applicationmust be able to
allege a violation crediblygiving rise to a dispute. Bosniahas done
so. It may then request a judicial determinationof the relevant law and
facts and may also seek appropriate civil relief. That isprecisely what
the Republic ofBosnia and Herzegovina hasdone in its applicationto
this Court andin its Memorial, which addresses admissibility,
jurisdictionand also the merits of its dispute with Respondent.
4. The Government in Belgrade is making no serious effort to detain,
to try and topunish the perpetrators ofgenocidal acts. But even
supposing thatit were, indeed, making every effort to comply with its
obligations, such compliancewould not, in itself, wipe the slate clean
A government whichfails to prevent actsof genocide by perçons under its
jurisdictioncannot, by thereafter bringing individual perpetrators to
trial, evade either its direct responsibility for failing to prevent
those acts, nor its vicarious responsibility for tha ects themselves.
Its failure toprosecute might constitutean additional wrongfulact, but
even diligentprosecution is no expiation for the State's failure to
prevent genocide.
5. Article IX thus is not assuaged by a plea that violators will be
subject to legal process in the Federal Republicof Yugoslavia even if
that were true. That individualsmight be brought to trialin the courts
of the Federal Republicof Yugoslavia in no way stills the Applicant's
complaint that RespondentState has committed, conspired and incited to
the commissionof genocidal acts, has failed itsobligation under the
Convention to prevent such acts, and has incurredboth direct and - 58 -
vicarious responsibilityfor the consequencesof its malfeasances and
nonfeasances.
6. The possibilitythat Respondent might bring to trial some of its
citizens also in no way stills the complaint thatRespondent has failed
its obligation under Article 1 of the Convention and under the mandatory
terms of Security Council resolution 827 to undertake to deliver indicted
perçons within its jurisdictionto stand trial for genocide before The
Hague Tribunal (S/RES 808 (1993) of 22 February 1993; Statute of the
InternationalTribunal, Report of the Secretary-GeneralPursuant to
Paragraph 2 of Security Council resolution 808 (1993), S/25704,
3'May 1993 and Corr. 1, Annex, art. 29; S/RES 827 (1993) of 25 May 1993).
VII. Other United Nations Organs and Institutions Evidently have
concluded that Genocide was Being Contmittedand that Respondent
was Involved
1. It is one of the glories of the Convention,hard won after the
carnage of the holocaust, that it makes States and not justindividuals
responsible forgenocide; and that it provides for remedies against
States responsiblefor genocide and conspiracy or incitementto commit
genocide .
2. To this end, any State party, invoking ArticleVI11 of the
Convention - "Any Contracting Party1' - is authorized to "cal1 upon the
competent organs of the United Nationsto take such action under the
Charter of the United Nations as they consider appropriate . . . " to
prevent or stop violations. Bosnia and Herzegovina,accordingly, has
called on the UN Security Council, which has responded, deploying its
powers under Charter ChaptersVI and VII: first by establishing the
facts and then by fashioningappropriatepolitical and legal remedies in
an effort to stop the genocide. The responseof the Council, as also of - 59 -
other United Nations bodies, makes clear theirwell-foundedbelief that
the facts amounted to genocide and that Respondent was involved
3. For example, the Council has adopted this Court's Order of
13 September 1993
"that the Federal Republicof Yugoslavia should immediately,in
pursuance of its undertaking inthe Convention on the
Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, take al1
measures within its power to prevent the commission of the
crime of genocide . . .Il (S/REs/819 (1993) of 16 Aprii 1993).
The Council evidently agreed that genocide was being committed or
attempted or mightbe committed or attempted. Accordingly, it took
various actions that are well-known to this Court. One, in particular,
is'worth reiterating in this context. By the same resolution 819, the
Council demanded "that the Federal Republic of Yugoslavia(Serbiaand
Montenegro) immediately cease the supply of military arms, equipment and
services to the Bosnian Serb paramilitary units in the Republic of Bosnia
and Herzegovina" (ibid., para. 3.) Evidently, the Council believed that
the Respondent was supplying military arms, equipment and services to
those committing the genocidal acts and was continuing to do so even
after the Court's Order had been issued.
4. Bosnia and Herzegovinahas alco called on the General Assembly,
and it, too, has responded by condemning the acts of the perpetrators and
demanding an end to theslaughter. Appiicant hasalso called upon the
Human Rights Commission which has also responded inaccordance with its
mandate. Bosnia has reviewed theirfindings in its Memorial (Memorialof
the Government of the Republic of Bosnia and Herzegovina, 15 April 1994,
pp. 97-125, Chap. 3.2, and pp. 197-198, paras. 5.2.1.4.-5.2.1.5). These
responses by UN bodies make clear that the human disaster in Bosnia is
not merely a matter of a civil war gone awry. Their resolutionsand
reports proceed in evidentacknowledgmentthat a civil war fought by such - 60 -
means is something quite else, something that leaps overthe "domestic
jurisdiction"threshold of Charter article 2i7) both because of the
enormity of the means employed andbecause those means were employedby
an external intermeddler,a State sponsoringa proxy war of aggression
that turned genocidal.
5. In ordering interim measures againstgenocide, this Court inno
way distinguished between genocidecommitted inthe course of a civil war
and other kinds of genocide. In its Order 8 April 1993, the Court
indicated that the Government of the Federal Republic of Yugoslavia
vshould in particular ensure that any military, paramilitary or
irregular armedunits which may be directed or supported by it,
as well as any organizationsand perçons which rnaybe subject
to its control, direction or influence,do not commitany acts
of genocide, of conspiracy to commit genocide, of direct and
public incitement to commit genocide, or of complicity to
incite genocide, whether directed againstthe Muslirnpopulation
of Bosnia and Herzegovina or any othernational, ethnical,
racial or religious group .. " (ibid., para. 52).
Evidently, the Court thought that anyor al1 of the acts it thereby
prohibited were notprivileged because they occurred in the course of
what pretends to be a civil war. It is clearly believed thatthe
prohibition of such acts is within the Court's jurisdiction. It must
have had a well-founded fear that the acts being prohibited had occurred
or would occur.
6. The political, humanitarian and jüdicial institutionsof the
United Nations thus have confirmedthat genocide is a wrongful act,
whether ccmmittedintra-territorially,extra-territorially,or
trans-boundary. They have concluded, applying the letter and the spirit
of the Convention, that genocide always gives to each State Party, as
also to the institutionsof the UN system, a right to cal1 for, and to
impose, rernediesagainst any State committing thiswrong. They have
examined what happened inthe Former Yugoslaviaand, seeing beyond the - 61 -
facade of civil war, have recognizedthe bloody marks of genocide, and
they have attributed these to the Respondent.
7. Respondent does not accept these conclusionsby the various UN
bodies asserting, instead, that the "protagonistsin reality are the four
contendingpolitical elements withinthe territory of the former Republic
of Bosnia and Herzegovina" (PreiiminaryObjections, para. A.1.2). Bosnia
most strongly urges the Courtto reject this contention,which has
already been rejected by other UN institutions that have examined the
facts .
8. Contrary to the picture presented by Respondent, the genocide in
Bosnia and Herzegovina is not the outcome of some sort of domestic family
quarrel. There may, indeed, be elements of a family quarrel, here. In
the words of the 17th century French poet François de Fénelon in his
Dialogues desMorts, "Toutes les guerres sont civiles . . . toujours
l'homme contre l'homme qui répand son propre sang." (Al1 wars are civil
wars . . . always man against manspilling his own blood.) But this is
no ordinary civil war. The conductof the Respondent in Bosnia's civil
war has gone much further than that of an innocentbystander. It has
exceeded clear boundaries establisheb dy law. These boundaries are
civilizationlsfirebreaks, intended to prevent another holocaust raging
savagely out of control. That firebreak, the Republic of Bosnia and
Herzegovinawill again and again demonstrate,has been breachedby the
Respondent'sconduct. It is Respondent whogathered the dry leaves and
brittle twigs. It is Respondent who threwthe match on that pyre. It is
Respondent'sown ambitions which were satisfiedby this conflagration.
9. To the extent that these allegations need tobe tested by
adjudication,this Court isthe appropriate organ. It is only this Court
which can determine authoritativelyand objectively whetherthe facts, - 62 -
when convincingly demonstrated,constitute those very acts prohibitedby
the Genocide Convention. An authoritative determinationof these matters
is an essentialprerequisite forpeace in the Balkans.
10. In having erroneously labelled the conflicta "civil war," in a
sense the Respondent may have performed a service to the community of
State parties to the Genocide Convention. They have given this Court an
opportunity to join other UN Organs in clarifying theConvention's
applicabilityto civil wars fomented, aided and abetted by external
forces. Proxy civil wars, the long-armed igniting of racial conflict,
these are al1 too prevalent a contemporary sourceof breaches of the
peace, acts of aggression, and, now, of genocide. This Court has been
given an opportunity to join with the political branches of the United
Nations system in declaring that such misdeeds cannotbe hidden behind
the veil of Ilcivil waru.
11. As the Appeals Chamber in the InternationalTribunal for the
Former Yugoslavia recentlypointed out in the TadiC case (Prosecutorv.
Tadie case No. IT-94-1-AR72Appeal on Jurisdiction,Oct. 2, 1995,
reprinted in 35 ILM 32 (1996) ),
"It is by now a settled rule of customary international law
that crimes against humanity do not require a connection to
international armedconflict. Indeed, as the Prosecutorpoints
out, customary international lawmay not require a connection
between crimesagainst humanityand any conflict at all."
(Ibid., p. 73, para. 141.)
Contrary to Bespondent's analysisof that TadiC Decision, che Appeals
Chamber did not decide that the war in Bosnia and Herzegovina was purely
internal. Rather, it held that "the InternationalTribunal has
jurisdictionover the acts alleged inthe indictment",including genocide
"regardlessof whether they occurred withinan internal or an
international armed conflictu (ibid., para. 137). From the perspective - 63 -
of a Tribunal established to punish individual criminals, this simply
means that there is no need to demonstrate that each crime was committed
as part of a war conducted by Belgrade. But this by no means was
intended to exculpate the régime in Belgrade of any responsibilityfor
the hostilities in Bosnia or for the concomitant genocide. 1 would like
next to attempt to demonstrate that conspiracy to commitand complicity
in genocide are as much breaches of the Convention as genocide itself.
VIII. Conspiracy to Commit, and Complicity in, Genocide are as Much a
Breach of the Convention as Genocide Iteelf
1. The Conventionenumerates acts that are grave wrongs evenif, in
themselves, theyare not tantamountto carrying out the physical
destruction, in whole or in part, of an actual population.
2. Article III defines as acts also tantamount to genocide such
ancillary miscreant activities as "Conspiracyto commit genocide; Direct
and public incitementto commit genocide; Attempt to commit genocidev
and "Complicityin genocide." The Applicantwill prove in the merits
phase that each of these acts have been committed against it by the
Respondent. It is inconceivablethat this Court wouldfail to apprise
itself of these facts or would do other than determine authoritatively
the sufficiencyof the proven facts to support the legal claim brought by
Applicant.
3. Article III also clearly makes irrelevantfor purposes of these
preliminary proceedingsthe objection by Respondent that the genocide of
which Applicantcomplains may have been committed by others - the
para-authoritiesand paramilitary of the Republika Srpska, for
example - and not by the Respondent. The FederalRepublic says, that it
is not a party to this conflict, "The FR of Yugoslavia is not a party to
this conflict." (PreliminaryObjections,p. 90, paras. 1, 17, 18.) Even - 64 -
if this were true, it would make notthe slightest difference. The
Applicant's complaint does not merely averthat Respondent committed
genocide. It also charges thatthe Federâl Republicengaged in
conspiracy, incitement and complicity, which facilitated acts of genocide
by Bosnian Serb forces within the Republic of Bosnia and Herzegovina.
4. These ancillary acts, prohibited by the Genocide Convention,
implicate the Respondent quite as much as does evidence of their direct
complicity in genocidal killingand maiming. At the merits phase, this
Court will be asked to determinenot only whether the Federal Republic of
Yugoslavia sent its forces and agents into the Republic of Bosnia and
Herzegovina to eradicate,rape, maim and expel a population, but also
whether similar acts committed by any of these four "contendingpolitical
elements" - as they are called by the Federal Republic - in Bosnia are
attributable to Respondent inlaw, by operation of Article III of the
Convention. The well-founded allegations laid before this Court under
Article III, by themselves,would sustain the jurisdictionof this Court
and the admissibilityof Bosnials complaint.
IX. Inciting Genocide is as Much a Breach of the Convention as Genocide
Itself
1. Inciting to genocide is a violation of the Genocide Convention.
It is quite separate £rom the actual committingof genocide. Incitement
may consist of public speeches, broadcasts, writings, etc. Applicant,at
the merits phase of this case will demonstrate that such incitement took
place and will establish Respondentlsresponsibility for it.
2. Such responsibility applies bothto incitementby Respondent
Government and to non-governmentalagitators tolerated by the Government.
Article IV of the Genocide Conventionmakes the prohibited actsof
genocide attributableto two categories of offenders. The first ispersons in government uconstitutionallyresponsible rulers, public
officials". The second is "private individuals". It is Appiicant's
contention that the Respondent incurredcivil responsibilityunder the
Genocide Conventionfor the incitementsof both its public officialsand
private individualsoperating withln its jurisdiction,and that this
Court, under Article IX of the Convention,must determine this
responsibility.
There is ample evidenceof such incitement.The decision on 3 April
1996 of the Trial Chamber of the ICTFY, concerning events inCroatia that
are essentially like those in Bosnia *Inotes ... that events inVukovar
..'.can without doubt,be classifiedas planned ethnic cleansing which
sowed the seedsof the genocide in the former Yugoslavial' and that the
evidence
"could establish that the military and political
responsibilities for the operationlie with the highest level
authorities. The Secretaryof Defence of the Serbian
authorities and Chief of the JNA, General Kadijevic personally
congratulatedthe main partic~pantsof the operationat Vukovar
... According to the expertwitness, the attitude of the army
can only be explained bythe existence of some sort of
political command." (Decisionof Trial Chamber 1, Review of
IndictmentPursuant to Rule 61, "VukovarHospital.",Mrksic,
Radic and Sljivancanincase No. IT-95-13-R61of 3 April 1996,
para. 35.)
If this does not constituteactual participationin genocide by Belgrade,
it at the very least amounts to direction and incitement.
X. Failure to Prevent the Commission of Genocide or Ancillary Wrongs is a
Much a Breach of the Convention as Genocide Itself
1. We maintain that in addition, Respondent hasfailed in the duty,
made explicit in Article 1 of the Convention, to prevent genocide,
whether by its Government, officials,private persons, and to prevent
conspiracy, incitement, attemptsat genocide, complicity with genocidalacts, by any person or perçons within Respondentlsterritorial or legal
jurisdictionor control.
2. Prevention,within the meaning of Article 1, clearly imposesan
obligation to take affirmative steps to eliminate tothe fullest extent
possible breaches of the Convention before they occur. To the extent
that such breaches have been allowed to occur in circumstances
implicating the Government of the Federal Republic of Yugoslavia because
of its failure to prevent such breaches, a further discrete violationof
the Convention will have occurred.
3. The Draft Articles on State Responsibilityplace beyond doubt the
responsibilityof a State for the wrongful acts notonly of its officials
but also of its private citizens, if it fails to prevent such acts -
(YBILC,1980, (ii), Part II; YBILC, 1990, i, Part 1 As Jennings
and Watts pointout:
"these preventive and remedialobligations of a State in cases
of Ivicarious1responsibilityare themselves obligations for
the breach of which (as by refusing to take the remedial action
which is required) the State bears directresponsibility" (op.
cit., p. 502).
Trans-boundary genocide,surely, is more clearly actionable, than
trans-boundarypollution (Trail Smelter Arbitration (16 April 1938),
33 AJIL 182-212 (1939)). The Ninth Edition of Oppenheim notes,
"A State is bound to prevent such use of its territory as,
having regardto the circumstances,is unduly injuriousto the
inhabitantsof the neighbouring State ..." (Jenningsand
Watts, Oppenheimls InternationalLaw, 9th ed., Vcl. 1, p. 391,
footnote 5.)
1 would like now to end Our contentionsby indicatingBosnials
belief that thefailure to apprehend and bring to justice perpetratorsof
genocide is a as much a breach of the Convention as genocide itself.XI. Failure to Apprehend and Bring to Justice Perpetrators of Genocide is
as Much a Breach of the Convention as Genocide Itself
1. The parties to the Conventionhave undertaken, in the words of
Article 1, "to punish" the prohibited acts. The obligation to punish
imposes a duty to apprehenà not only public officials but anyone who,
under Article III, has committed, or attempted, conspired, or incited
others to commit genocide. Applicant will demonstrate, at the merits
phase, that Respondent has failed to carry out this obligation.
2. For example, when faced with the indictmentof the first Bosnian
Muslim by the Hague War Crimes Tribunal, the Governmentof Bosnia and
Herzegovina has "given assurances that the accused will bearrested and
surrenderedto the Tribunal" (TheNew York Times International, March 23,
1996, p. 4). Our Agent has confirmed that assurance. There is no
comparable evidence of Respondent beingwilling to comply with its legal
obligations. As the New York Times correspondentobserved, "In contrast,
the Serbs and Croats have failedto arrest and handover many indicted
men who are known to be at large within their territories." (Ibid.) As
was stated in the ProsecutorasFinal Suùmission before the International
Tribunal in the aforementioned Vukovar Hospital case (Mrksic,Radic,
Sljivancanin,Case No. IT-95-13-~61, 28 March 1996) :
"In this case it is very clear that the failure to effect
persona1 service on the accused and tosecure their arrests and
transfer to The Hague is due solely to the refusa1 of the
Federal Republic ofYugoslavia to cc-operatewith the Tribunal
as it is required to do.
When a government gives refugeand support to criminals,in
the eyes of the world, that governmentthen too becornes
criminal and that is exactly what theBelgrade Governmenthas
done in this case.
It is, therefore, the request of the Prosecutorthat, in
addition to the issuance of internationalarrest warrants, this
Chamber should also certifyto the Presidentof the Tribunal
that the Federal Republicof Yugoslavia hasfailed to comply with its obligations under Article 29 of the Statute, and
further recommendto the President that he notify the Security
Council of this refusa1 to CO-operate." (Ibid., p. 15.)
This view was adopted by the Trial Chamber in its Decision of 3 April
1996 (ibid., paras. 40-41) which found
"that the failure to execute the warrantsof arrest issued
against 'the three defendants'can be ascribed to the refusal
of the Federal Republic of Yugoslavia to CO-operatewith the
Tribunal. It so certifies, for the purpose of notifying the
Security Corncil." (Ibid. para. 41.)
3. Such a failure to search out, arrest and surrender for trial
perçons duly indictedfor acts including genocide constitutesa violation
not only of the Security Councillsmandatory resolution establishing the
Hague Tribunal (S/RES 808 (19931, 22 February 1993 and S/RES 827 (19931,
25 May 1993) and of the Dayton Accords,but, more importantfor this
case, it is violative of the Genocide Convention'sArticle 1 obligation
to punish violators, whether acting under governmental ordersor not.
Genocide is no trivial misconduct, nor is it hard to detect. A
government which fails to apprehend its perpetratorsbecomes itself a
party to genocide.
The objections that have been raised against this bill of tender
that we presented to the Court to the extent that they are serious
objections go to the merits of the case.
XII. Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro)'~ Objections
Go to the Merits
1. The Federal Republicof Yugoslavia's first Preliminary Objection
asserts that the circumstancesthat form the basis of the Republic of
Bosnia and Herzegovina'sApplication "are dominated by elements of civil
strife and, consequently,no international dispute is involved ovew rhich
the Court can properly exerciseits cornpetence.'' - 69 -
2. The ~epubiic of Bosnia and Herzegovina maintainsthat this basic
objection is wrong in both fact andlaw. However, a more fundamental
rejoinder to this objection is that it posits facts concerningthe
culpabilityor non-culpabilityof the FederalRepublic of Yugoslavia
which cannotbe separated from the facts to be determined at the merits
phase of this case. Indeed, rnuchof Applicant's case, on the merits,
concerns proof of the involvement, bothdirect and vicarious, both as to
feasances and non-feasances,of the authorities in Belgrade. If these
were now presented byApplicant and their probity now deterrnined by the
Court, the merits phaseof this dispute would havebeen rendered a hollow
reiteration.
3. The Court is not now being askedby the Governmentof Bosnia to
de~erminewhether the acts alleged to have been done did occur and are
attributableto the Respondent. Although Bosnia has already addressed
these issues in itsMemorial and will adduce more supporting evidence at
the Merits phaseof pleadings, Applicant does not now ask the Court to
weigh this evidence,but merely to note thatit has been prepared for
presentation at the appropriatetime. That time is not now. In the
words of Professor Shabtai Rosenne, there is a
"fine . . . distinctionbetween a preliminary objection . . .
and a defence to the merits . . . [wlhento decide the
objection would require decision on what, in the concretecase,
are substantive aspectsof the merits, the plea is not an
objection but a defence to themeritsn (ShabtaiRosenne, The
Law and Practice of the InternationalCourt, 2nd rev. ed., p.
459 (1985)).
4. In practice, the Court may either choose to disrnisssuch
objections or join them to the merits (ElectricityCompany of Sofia,
P.C.I.J. Series A/B, No.77, pp. 77-78 and 82-83; Barcelona Traction,
Preliminary Objections, 1964, p. 43). - 70 -
5. The Respondent asks this Court to hold the Republic of Bosnia and
Herzegovina'sApplication inadmissiblein so far as it relates to acts
occurring withina civil war. To accede to this line of argument would
require the Courtnow to determine, essentiallywithout benefit of full
pleadings and oral argument on the point, that the war in Bosnia, from
1991 to 1995, was an entirely internai struggle of local parties,
entirely insulated frominfiltration,military assistance, civil support,
direction and encouragementfrom outside its borders.
6. This Court could almost, on the basis of notoriety, dismiss
Respondent's objectionsby taking judicial notice of the fact, attested
by'other United Nations organsand institutions,that the Federal
Republic of Yugoslavia has played a prominent rolein fomenting, arming,
directing and conductingthe so-called civil war in the Republic of
Bosnia and Herzegovina. But there is no need to resort to judicial
notice, because the extent of external responsibility,direct or
indirect, will be demonstratedby Applicant at the merits phase. For the
present, the Court need onlybe convinced that if such intervention
occurred and took the form of violations of the Genocide Convention,it
is actionable in this Court.
XIII. Conclusion
My colleagues have requestedme to address'the Court with the team's
conclusionsand they are brief and few in number.
1. These proceedings,Mr. President, have taken by far too much of
the Court's time. Applicant, if it had had its way, would have made
these pleadings soonerand shorter.
2. The objections raised at such length by Respondent areserious,
in the sense in which dangerous ideas must always be taken seriously. - 71 -
utthey are not serious in the usual sense in which that word is used in
this Court. In otherwords, Applicant is reluctant to compound the
problem for this Courtby belabouring theobvious.
3. Bosnia believesthat it will be obvious to this Court that the
Genocide Convention is not simply a criminal law treaty making provision
for governmentsto bring theirown citizens to justice for committing
acts of genocide. We do not believe that this Court will torture
Article IX of the Convention to deny its obvious intent, which is to
provide a remedy availableto States that can be deployed against States
when States engage in acts or omissions prohibitedby the Convention.
4. Bosnia believes that this Court will reject out of hand
Yugoslavia'sentirely unfounded and eminently dangerouseffort to limit
the Conventionaldefinition of genocide to acts committed by a State
within its territorial jurisdiction. In particular, it must be obvious
to this Court thatit is not Bosnia whichmust be held accountable for
the failure to prevent genocide on its territory by intruders. Such an
interpretation wouldmake a mockery of the Convention and ofthe
suffering of the Bosnian people.
5. Bosnia believesthat it will be obvious to this Court that the
Genocide Convention is not some sort of lex specialis but is a capstone
of general internationallaw, the law of State responsibility,and, in
particular, of universal humanitarianlaw. As such, Bosnia believes this
Court will conclude that the Conventionbecomes effectiveor applicable
vis-à-vis a new State as a birthright whenever the parent State was a
Party. Bosnia does not believe that this Court willaccept the
Respondent's invitation to deny Bosnia this birthrightby making it
depend on the new State having followed exactly a particular verbal form
of acknowledgment; or that this cour^will deny Bosniaprotection until - 72 -
the new, embattled nationhas had time formally to accept that
birthright; or, worse still, until Yugoslavia, its tormentor, has at
last agreed to recognize the existence of what is left of Bosnia. The
idea that, under the Convention, the victim of genocide has no right
until the victimizer has tired of trying to destroy the victim, is surely
not one on which we need to linger.
6. It must also be obvious to the Court thatRespondent, having
accepted the jurisdiction of this Court for purposes of itself, inter
alia, seeking interim measures cannot now in good faith repudiate this
Court's jurisdiction.
7. In Applicant's opinion, almost everything thathas been said here
by Respondent is relevant, if at all, only to the merits phase of this
case. Let that phase begin!
Bosnia is confident that this Court will not agree with Respondent
that genocide is a wrong entirelyand ipso facto incapable of redress in
this Court, under Article IX, whenever it oczurs in the context of what
is called a "civil waru. Civil wars are no laissez-passer for
genocidalists. Of course, there was a war in Bosnia and Herzegovina. Of
course it was waged by the commission of unspeakable crimes against vast
numbers of perçons. But by whom and for what purpose? The Federal
Republic of Yugoslavia would have thisCour: believe not onlythat its
Government, its military,its politicians, its media and its citizens
were in no way involved, but also that there is absolutely no basis for
this Court even to hear the evidence. Why not? Simply because, says the
Federal Republic, in a civil war, by definition, there can be no
genocide, and thus no responsibility'forgenocide. In the face of such
an argument, only Our silence seems adequatelycloquent. - 73 -
7. ït is out of respect for this Court thatwe feel it appropriate
to end, here: suppressing Our outrage, restraining Our incredulity,
reaffirmingOur faith in the timeless maximof another fearless
judiciary: fiatjustitia, ruat coelum. Do justice though the sky may
fall. With that, the English judiciaryabolished the legal toleranceof
slavery. This Court, too, can change history by endingfor al1 time the
last anachronistic vestigesof legal tolerance for state-supported
genocide. Fiat justitia, ruat coelum!
Thank you Mr. President,Thank you Members of the Court.
The PRESIDENT: Thank you very much, Professor Thomas Franck foryour
statement.
Ainsi s'achève le premier tour de plaidoiries sur ces exceptions
préliminaires relatives à l'affaire de l'Applicationde la conventionsur
le génocide. La Cour siègera à nouveau demain, jeudi 2 mai à 15 heures,
puis après-demain,vendredi 3 mai à 15 heures également, pour entendre
les Parties en leur second tour de plaisoiries. La séance est à présent
levée.
The Court rose at 5. 51 p.m.
Audience publique tenue le mercredi 1er mai 1996, à 15 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Bedjaoui, président