Procès-verbaux des séances publiques tenues au Palais de la Paix, La Haye, le 15 mai 1951, sous la présidence de M. Basdevant, Président

Document Number
014-19510515-ORA-02-00-BI
Document Type
Incidental Proceedings
Number (Press Release, Order, etc)
1951
Date of the Document
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DEUXIÈIIE PARTIE

PROCÉDURE ORALE

SEANCES PUBLIQUES
tenues au Palais de la Paiz, La Haye,
duI5 au 17 mai et 13 juin1951,
sous la présidedeeIV.Basdeuant, Président

PART II

ORAL PROCEEDINGS

PUBLIC SITTINGS

held at the PeacePalace, The Hague,
from May 15th to 17th, andJz~n13th. IgjI
the Pres~den11fBasdevant, #r~-s!dz$lg PROCES-VERBAL DES SEANCES TENUES DU
15 AU 17 MAI ET LE 13 JUIN 1951

SIXIEME SÉANCE PUBLIQUE ' (~jv 51, IIh.)

Présents:M. BASDEVANT Préssident M. GUERRERU, Vice-E'yésident
Mhf. ALVAREZH , ACKI~ORTHW , INIAKSKI,ZORIEIC,DE VISSCHER,sir
Arnold MCNAIR, M. KLI'STAD, BADAI~IPACHA,Mhl. READ, HSU Mo,

juges; MM. CAICEDOCASTILLA(Colombie), ALAYZA Y PAZ SOLDAN
(Pérou),jugesad hoc; M. HAMRRO ,refier;M. JoséGabriel DE LA VEGA,
agent du Gouvernementde la Colombie; M. Camilo DE Bi%rcano, conseil
du Gouvernementde la Colombie; M Felipe TUDELA Y BARREDA ,gent
du GouvernempntdzcPérou, assisté deMM. Fernando MORALEI Sllac~no
R. et Juan José CALLE Y CALLE; MM. Gilbert GIDEL, Julio LOFEZ
OLIVAN ,onseilsdu Gouvernementdu Pérou; MmeFlora Di~z I'ARRADO,
agentdzcGouvernementde Cuba.

Après avoir ouvert l'audience, le PRESIDENTprononce l'élogefunèbre
de M. le Juge Azevedo. subitement décédé le7 mai 1951. et invite les
membres de la Cour et l'auditoire à observer une minute de silence.

Le Président déclare alors ouverte la procédure orale dans l'affaire
Haya de la Torre, entre la République de la Colombie et la République
du Pérou.
Il rappelle que cette affaire a été introduitepar une requête du
Gouvernement de la Colombie déposéeau Greffe le 13 décembre 1950,
laquelle, se référant aux deux arrêts rendus par la Cour entre les
mêmesgouvernements, les20 et 27 novembre 1950. dans l'affaire du
droit d'asile, énonceque les Gouvernements de la Colombie et du Pérou
n'ont pu se mettre d'accord sur la suite à donner auxdits arrêtsen ce qui
concerne la remise du réfugié Victor.Raul Haya de la Torre.

Le Président signale que, les deux Parties ayant proposé de limiter
la procédure écrite à la présentation d'un Mémoire et d'un Contre-
Mémoire,ces pikces ont été déposéedsans les délaisfixéspar une ordon-
nance du 3 janvier 1951,
Puis il prie le Greffier de donner lecture des conclusions énonçant les
prétentions respectives des Parties, telles qu'elles figurent dans lesdites
pieces.

Le GREFFIERprocède à cette. lecture.
Le PRESIDENTdéclare ensuite que, la Cour ne comptant pas sur le
si&gede juge de la nationdit6 des Parties en cause, les deux gouverne-

' Vingt-neuvièmséance dela Cour. MINUTES OF THE SITTINGS HELD FROM
M.4Y 15th TO 17th, AND ON JUNE 13th, 1951

YEAR 1951

SISTH PUBLIC SI1'TING1 (15 v 51, IIa.m.)

Preseli: Presidettt BASDEVAN TVice-President GUERRERO ; Jz~dges
AL\~.~REZ H,ACKWORTH \,ISIAKSKIZ, ORIEICD, E VISSCHERS ,ir Arnold
XICXAIR,KLAESTADB , ADAWIPASHA,READ, HSU MO ; Al. CAICEDO
CASTILLA (Colombia). M..~LAYZA Y PAZSOLDAN (Peru), Jzidgesad ho;
Registrar HAMRRO ;AI.JoséGabriel DE LA VEGA,Agenl forthe Govern-
ineitt of Colombia;hlCamilo DE BRIG.~RDC , o~~use/lor the Goverltment
of Colombia ;W.Felipe TUDELA Y BARREDAA , gent for the Gouernment
of Peru, assisted by MM.Fernando MORALES R~ACEDR O. and Juan José
CALLE Y CALLE ;MhI. Gilbert GIDEL,Julio LOFEZOLIVAN,Contzsel/or
the Gouertzmentof I-'erz6; hliee Flora Df~zPBRRADOA , gent /or the
Gouernmentof Cuba.

After opening the hearing, the PRESIDENTpronounced a fuiieral
oration for Judge Azevedo, whose death suddenly occurred on May7th,
19j1, and called upon the lllembers of the Court and the public to
observe one minute of silence.
The President then declared that the oral proceedings in the Haya de
la Torre case, between the Republic of Colombia and theRepublic of
Peru were open.
He recalled that proceedings in that case had been instituted by
Application of the Government of Colombia, which was filed in the
Registry on December 13th. ~gjo. The said Application referred to two
judgments delivered hy the Court between the same Governments on
the 20th and 27th November, 1950, in the Asylum Case, declaring that
the Governments of Colornbiaand Peru had not been able to agree on the
effect to be given to the said judgments as regardecl the surrender of the
refugee, Victorad1 Haya de la Torre.
The President pointed out that the two Parties had agreed to limit
the written proceedings to the presentation of a Mernorial aiid of a
Counter-Memorial, and that these pleadings had been filed within the
time-lunits specified in the Order of January 3rd, 1951.
He then called upon the liegistrar to read the submissions stating the
respective claims of the Partias formulated in the pleadings.

The REGISTRAR read those submissions.

The PRESIDENT then declared that, since the Court included upon the
Bench no judge of the nationality of the Parties in the case, the two
'Twenty-ninthmeeting of the Court.131 SÉAKCE DU 15 nIAI 1951

ments intéressésont fait usage du droit que leur réserve l'article 31 du
Statutde la Cour et qu'en conséquenceMM.Luis Alayza y Paz Soldin,
docteur en jurisprudence et en sciences politiques, ambassadeur, ancien
ministre de la Justice et du Travail, et J. Caicedo Castilla, docteur en
droit, ambassadeur, ancien président du Sénat de Colombie, ont été
la Colombie respectivement.ad hocpar les Gouvernements da Pérouet de
Le Président prie BIM. Alayza y Paz Soldan et Caicedo Castilla de
prendre l'engagement solennel que prescrit l'article zo du Statut de la
Cour.

MM.ALAYZA Y PAZ SOLDAN et CAICEDO CASTILLA font la déclaration
prévue à l'articlj du Règlement de la Cour.
Le PRESIDENT leur donne acte de l'engagement qu'ils ont pris et les
déclare installésdans leurs fonctions de jugad hocaux fins du présent
procès.

Le Président rappelle alors que la requêtedu Gouvernement de la
Colombie, en date du 13 décembre 19jo, était fondéesur l'article 7 du
Protocole d'amitiéet de coopérationsignéentre la Colombie et le Pérou
le 24 mai 1934.
L'agent de la Colombie a fait coni~aitre, par une lettre adresséeau
Greffier de la Cour l22 janvier 1951q,ue la demande de son gouverne-
ment s'appuyait sur la Convention relativeà l'asile, signàeLa Havane
en 1928 ; le Greffier, se référànl'article 63 du Statut de la Cour, en a
dîiment informé les autres Etats ayant participé à ladite Convention.
LeGouvernement de Cuba, se référant à cette'dernikre commuriication,
a, lerj février1951a ,dresséau Greffierune lettre que le Président de la
Cour à considérée comme constituant la déclarationd'intervention prévue
par l'article 66 du Règlement de la Cour. A cette lettre était joint ut1
exposéde l'interprétation que le Gouvernement de Cuba donne de la
Convention de La Havane. Ces deux documents ont fait l'objet de la
communication aux Parties prévue par l'article 66, paragraphe 2, du
Règlement de la Cour.
Par une lettre adresséele z avril 19.au Greffier, l'agent du Gouver-
nement du Pérou acontestél'admissibilitéde l'intervention du Gouverne-
ment de Cuba, alors que, le 28 mars, l'agent du Gouvernement de la
Colombie avait fait connaître qu'il ne formulait aucune opposition à
ladite intervention.
Le Président déclare quela Cour a décidéd'entendre, au début de la
procédure orale, les observations des agerits des Parties et du Gouver-
nement de Cuba relatives à l'admissibilité de ladite intervention.

Après que la Cour, conformément à l'article 66, paragraphe2, di1
Règlement, se sera prononcéesur ce point, les débats sur le fondseront
ouverts.
Le Président annonce que les gouvernements intéressés sont repré-
sentés :

le Gouuernementde Colombie par :
son agent, le DI José Gabriel de la Vega, envoyé extraordinaire' et
ministre plénipotentiaire du Gouvernement de Colombie aux Pays-Bas, SITTIKG OF.%IAY 15th, 1951 '3I

interested Governments had availed themselves of the right conferred
upon them by Article 31 of the Statute of the Court, and that. con-
sequently, M. Luis Alayza y Paz Soldin, Doctor of Jurisprudence and
Political Science, Ambassador, Former Minister of Justice and Labour,
aiid M. J. J. Caicedo Castilla, Doctor of Law, Ambassador, Former
President of the Colombian Senate, had been designated as Judges ad
hoc by the Governments of Peru and Colombia, respectively.
The President called upon M. Caicedo Castilla and M. Alayza y Paz
Soldin to make the solemn declaration provided for in Article 20 of the

Statute of the Court.
Mhl. AL-~YZA Y PAZSOLDAN and CAICEDO CASTILLA made the declara-
tion provided for in Article 5 of the Rules of Court.

The PKESIDENTdeclared that he placed on record the declarations
made by them and declared them duly installed in their functions as
Judges izd hoc for the purposes of the present case.
The President then recalled that the Application of the Government
of Colombia, dated December 13th. 1950, was founded on Article7 of the

Protocol of Friendship and Co-operation signed on May qth, 1934,
betiveen Colombia and Peru.
The .Agent of tlie Government of Colombia had notified the Registrar,
by letter dated January zznd, 1951, that his Government invoked the
provisions of the Convention on Asylum, signed at Havana in 1928 ; the
Registrar, referring to Article 63 of thetatute of the Court, had duly
infonned al1 other States who were parties to the said Convention.
The Government of Cuba, referring tothe Registrar's said communica-
tion, Rad sent to the Registrar aetter dated Febmary ~gth, 1951, which
tlic President of the Court had considered as constituting a declaration
of intervention in the proceedings within the meaning of Article 66 of

the Rules of Court. To this letter was annexed a statement of the views
of the Gorernment of Cuba concerning the construction of the Havana
Coiirention. These two documents had been communicated to the Parties
in accordance with Article 66, paragraph z, of the Rules of Court.
In a letter addressed to the Registrar, dated April znd, 1951, the
Ageiit of the Government of Peru had contested the admissibility of the
Gorernment of Cuba's intervention, whereas, on March Ath, 1951, the
Agent of the Government of Colombia liad informed the Registrar that
he had no objection to the said intervention.
The President declared that the Court had decided to hear, at the
begiiining of the oral proceedings, the arguments which the Agents of
the Parties and of the Go\-ernment of Cuba might wlsh to put fomard,
on the point of the admissibility of the intervention.
The Court would then, in accordance with Article 66, paragraph z, of
the Rnles of Court, decide whether the Government of Cuba's interven-

tion aas admissible, after whicli the debate on themerits would be opened.
The President annouiiced that the interested Governments were
represented as follows :

the Government O/ Colombia by :
its Agent, Dr. José Gabriel de la Vega, Envoy Extraordinary and
Minister Plenipotentiary of the Government of Colombia in the Nether-
lands,

10132 SEANCE ou 15 MAI 19j1

assisté de :
M. Camilo de Erigard, ambassadeur, professeur de droit international,
ancien membre de la Commission consultative du ministère des Affaires
étrangères de la Colombie ;

le Gouvernementdu Pérozc$ar :

son agent, M. Felipe Tudela y Barreda, avocat, professeur de droit
constitutionnel à Lima,
assisté de :

M. Fernando hforales ivfacedo R., interprète parlemeritaire,
M. Juan José Calle y Calle, secrétaire d'ambassade,
ainsi que de :

M. G. Gidel, professeur à la Faculté de droit de I'UniversitédeParis,
M. Julio LOpez Oliviii, ambassadeur,
comme conseils ;

le Gouveviiementde Cuba par:
son Agent, M''leFlora Diaz Parrado, chargé d'affairesde la République
de Cuba à La Haye,

et constate la présence devant la Cour de MM. les agents, ainsi que
de leurs conseils.
Le Président donne la parole à l'agent du Gouvernement du Pérou
pour présenter ses observations relatives à la déclaration d'intervention
cubaine.

M. TUDELAprononce l'exposéreproduit en annexe '.
Il expose, en terminant, les conclusions du Gouvernement péruvien
relatives à la demande d'intervention de Cuba.
Le PRESIDENTprie M. Tudela de déposer au Greffe les coiiclusions
dont il vient de donner lecture.

M. TUDELAdemaiide au Président de bien vouloir donner la parole à
M. le professeur Gidel, qui poursuivra l'exposé dela thèse péruvienne.
nf. GIDEI. prononce la plaidoirie reproduite à l'annexe 2.

(L'audience, suspendue à 12 h. 40, est reprise à16 heures.)

1.e PRESIDENT donne la paroleà AI.DE BRIGARDc ,o~iseildu Gouverne-
ment de la Colombie, qui prononce l'exposé reproduit en annexe 3.
Sur l'invitation du PRESIDEXT,MW Dilu PARRAIIOprononcc à son
tour l'exposé reproduit en annexe

M. TUDELA,ayant étéautorisé par le Président à présenter quelques.
observations, exprime le désirde connaître les conclusions des Gouveriie-
ments de la Colombie et de Cuba relatives à l'admissibilité de l'inter-
vention cubaine ;il demande égalementsur quelles conclusions définitives
quant au fond le conseil de la Colombie a entendu plaider etquel aspect.
nouveau de la Convention de 1926 l'agent de Cuba s'est référé.
-
'Voir pp. 136.138.
" " 139-143.
a a n 144.148.
< a rqg-150. SITTING OF MAY 15th, 1951 132

assisted by :
M. Camilo de Brigard, Ambassador, Professor of International Law,
Former Member of the Consultative Committee of the Ministry of Foreign
Affairs in Colombia ;

the Government of Peru by :
its Agent, M. Felipe Tudela y Barreda, Barrister, Professor of Consti-
tutional Law at Lima,

assisted by :
M. Fernando Morales Macedo R., Parliamentary Interpreter,
M. Juan José Calle y Calle, Secretary of the Emhassy,
and by :

M. G. Gidel, Professorat the Faculty ofLaw of the University of Paris,
hl.Julio Lopez Olivin, Ambassador,
as Counsel,
on its part, the Governme?ztof Cuba was representedby:

its Agent, hllilFlora Diaz Parrado, Chargé d'Affairesof Cuba at The
Hague,
and noted that the Agents and their Counsel were present in Court.

The President called upon the Agent of the Govemment of Peru to
present his remarks on the Cuhan declaration to intervene.

M. TUDELAmade the statement reproduced in the Annexl.
In conclusion, he stated the submissions of the Peruvian Government
on the Cuban application to intervene.
The PHESIDENT requested M.Tudela to file with the Kegistry the sub-
missions which he had just read.
M. TUDELA asked the President to be so kind as to cal1upon Professor
Gidel, who would continue the statemcnt of the case for Peru.

M. GIDELmade the statement reproduced in annex a.
(The Court adjourned from 12.40 p.m. until 4 p.m.)

The PHESIDENT called upon M. DE BRIGARDC , ounsei for the Goi-ern-
ment of Colombia, wlio made the statement reproduced in annexa,
Upon the PRESIDENT'S invitation, Mille Di~z PARRADO ,gent for
the Government of Cuba, na dethe statement reproduced in annex '.
M. TUDELA,having been authorized by the President to present a
few remarks, expressed the desire of knowing the submissions of the
Governments of Colombia and Cuba on the admissibility of the Cuban
intervention ;he also asked upon what final submissions on the merits,
Counsel for Colombia purported to speak, and to what newaspect ofthe
1928 Coiivention the Agent for Cuba had referred.

Seepp. 136-138.
= .... '39.143.
a ,, ,, 144-148.
,. ,, 149-150. Le PRESIDENT rappelle qu'il n'est pas d'usage qu'une partie pose des
questions à l'autre partie et qu'il s'agit là d'une prérogative de 1%Cour.
Sur la demande du Président, M. DE LA VEGAfait connaitre qu'il n'a
aucune observation à formuler.

La Cour se retire alors en Chambre du Conseil pour délibérersur la
déclaration d'intervention rése en tare le Gouvernement de Cuba et
sur les objections qui y ont étéopposées.
L'audience est levée à 17 h. 20

Le Président de la Cour,
(Signé) BASDEVANT.

Le Greffier de la Cour,
(Signé)E. HAMBKO.

SEPTIÈME SÉANCE PUBLIQUE' (16 v 51, oh. 30)

Présents:[Voir séance du 15 mai.]
Le PRÉSIDENTo , uvrant l'audience, annonce que la Cour, après en
avoir délibéréa, décidé,en application de l'article66, paragraphe 2, du
Règlement, d'admettre la déclaration d'intervention présentéepar le
Cou\-ernement de Cuba le 15 fhrrier 1951 sur la base de l'article 63 du
Statut.
Ledit gouvernement ayant reçu commuiiication du dossier et ayant
jointà sa déclarationun exposéconcernant l'interprétation de la Conveii- ,
tion de La Havane de 1928 relative à l'asile, le Président constate que
les debats oraux sur le fond de l'affaire peuvent commencer immédiate-
ment.
Après avoir déterminé l'ordredans lequel les Parties seront appelées
à prendre la parole (Colombie, Pérou, Cuba), le PrEsident rappelle à
l'agent du Gouvernement de Cuba qu'il n'aura pas à s'expliquer sur
l'ensemble du litige, nà revenir sur ce qui a été définitirementjugé.Il
devra se borner à exposer comment ledit gouvernement entend inter-
préterun nouvel aspect de la Convention de La Havane de 1928.aspect
qui n'a pas été interprété par l'arrêq tue la Cour avait prononcéle
zo novembre 1950.

Sur l'invitation du Président, hl. DE I.AVEGAprononce l'exposé
reproduit en annexe l.
M. TUDEI-Aayant déclaréque la plaidoirie de son gouvernement
pourrait êtreprésentée à partir du lendemaiii matin, le PRESIDENT lève
l'audience.

L'audience est levée à 13 heures.
[Signatures.] .
--

voirenpp. '52-163.éance de laCour. The PRESIIIEXT recalled that it was not customary for a party to put
questions to another party, such a right belonging to the Court.
In reply to a question from the President, M. DE LA VEGAinforlned
the Court that he had nothiiig further to say.
The Court then uithdrew to deliberate in private on the declar t' '1 IO11
to intervene presented by the Government of Cuba, and on the objections
which hacl been made to that declaration.

The Court rose at j.zo p.m

(Signeci) BASDEV.~ST,
President.

(Signed) E. Ha&fn~o,
Registrar.

SEVENTH PUBLIC SI'ï'ïINGL (16 v 51, 10.30 a.m.)

Preset~t: [See sitting of May 15th.I
-. 7. . ,. .... . .. . 8, ?

1 Thirty-firstmeeting of the Court
' See pp. 152-163. Prdsents : [\loir séance du 15 mai.]

Le PRÉSIDENTa,prks avoir déclaré l'audienceouverte, donne la parole
à 3l.le professeur GIDEI.,qui prononce I'exposéreproduit en annexe '.

Surl'invitation du PHÉSIDBNT M,nleDi.z PARRADp Orononce à soi1tour
l'exposé reproduit en annexe 3.
Le PR~SIDBNT demande à hl.l'ageiit de la Colombies'ildbsirc rt5pondre
aux arguments présentéspar la Partie adverse.

31.VELA VEGA,ayant fait connaître qu'il n'a plus aucune observation
à formuler, le PKÉSIDENT prie les agents des Parties de bien \,ouloir rester
à la disposition de la Cour jusqu'à nouvel avis, pour le cas où celle-ci
aurait à leur demander des explications écritesou orales supplémentaires.
Puis, sous cette réserve, lePrésidentdéclareclose la procédureorale dans
la présente affaire.

L'audience est levée à 12 h. ~j.
[Sigt~atf$res.]

DIXIJhlE ÇIiAhiC13 l'Ui3LIQUE4 (13 vr 51, 4 h.)

I'résents: [Voir séancedu 15 mai, h l'exception de M. Gidel. absent.]

Le PRESII)ENT,o~t~rai~tl'audience, annonce que la Cour se réunit
pour le pronorici:de l'arrêtrendu par elle dans l'affaire Haya de la Torre,
entre la Républiquede Colonibieet la Républiquedu Pérou. Cette affaire
a étéintroduite par requétedu Gouvernement de la Colombieen date di1
13 décembre 1950.
Par lettre du ij lévrier 1951, le Gou\-ernement de Cuba a déclaré
intervenir dans la présente instance.
Le Président rappelle que, conformément aux dispositions de l'arti-
cle jS du Statut, les agents des Parties principales et de la Partie inter-
venante ont été diilnent préveiiusque lecture serait donnéede l'arr6t au
cours de la prisente audience, et qu'une expédition officiellede l'arrêt
va leur être remise.
La Cour ayant clécidkque le teste français ferait foi, le l'résident
doiiiie lecture de ce texte

II prie ensuite le Greffier'de donner lecture en anglais du dispositif de
l'arrêt.

'Trente-troisiPme séance de la Cour.
Voir --. 16. .71.
" . 1'7-'73,
'Cinquante et unième séance de la Cour.
\'air publicatiode la Cour: Rccrteides Arréts. AviscastilInli/el Ordon-
noncesrGr, pp. 71-84 SIïTIXGS OF MAY 17th AXD JUNE 13th. 1951 134

EIGHTH PUBLIC SITTINGL (17 v jr, 10.30 a.m.)

Prese~tt: [See sitting of hfay rgth.]
The PRI;SIDENT,having opened the sitting, called upon .Professor
GIDEL,who made the statement reproduced in the Annex '.

At the invitation of the PRESIDENT ifnle DiAz PARRADOi,n turn,
made the statement reproduced in the Annex

Tlie PRESIDENT asked the Agent of Colombia whether he desired to
reply to tlie arguments presented by the opposing Party.
31.DI; LA Vrrc~,Iiaving intimated that he had no further observations
to make, the PRESIDEST requested the Agents of the Parties to be goqd
enougli to remain at the disposa1 of the Court until further notice, in
the event of the Court wishing to ask them for fufther xvritten or oral
esplanatioiis ; subject to this reservation, the President closed the oral
proceedings in the present case.

The Court rose at 12.1j p.m.
[Si~iiatrrres.]

TEhTH PUBLIC SITTIXG* (13 VI 51, 4 p.m.)
I'reseiil: [See sitting of Alay ~gth, with the esception of M. Gidel,

absent.]
In opening the heaniig. tlie PRESIDENT stated that the Court waç
meeting to deliver its Judgment in the Haya de la Torre case between
the liepublic of Colombiaand the Kepublic of Peru. This case\vasbrought
hefore the Court by the Go\,eriiment ofColombia by an Application dated
December 13th, 19jo.
IJy a letter dated ITebruary rgtli, 1951, the Government of Cuba had
declared that it was intervening in the present case.
In accordance with the provisioiis of Article 58 of the Statute, the
Agents of tlie principal Parties and of the intervening Party had been
diily iiotified that the Judgment would be read at the present public
Iiearing.Officia1copies of the Judgment would be Iianded to them.

Tlie Court Iiaving decided that tlie French text of the Judgment would
bethe authoritative text, the President stated that he would read that .
text.
The President read the relevant text $.
He called upon tlie Kegistrar to read theoperative part ofthe Judgment

in the Englisli test.

Seerpp.tfi4-171.ting of the Court.
172.173. .
~ik~-'hrst meeting of the Court.
"ee Court's publications: Reports of J~rdgments, Aduisory Opinions and
Orders 1951.pp. 7,-8.1. SÉAXCE DU 13 JUIS 19j1
135
Le GREFFIERdonne lecture du dispositif de l'arrêt

Le PRÉSIDENT donne lecture de la déclaration faite par M. Alayza y
Paz Soldan '.juge ad hoc.

L'audience est levée à 16 h. 30.
[Sigttatrires.]

,
..

1 Voirpublicationsde la Cour: Rcci<~ides .4rréfAvis consr<ltafi/scl Ordon-
rtances 19.5p. 84. SITIISG OF JUSE 13th. 1951
I35
The REGISTR+r Read the operative part of the Judgrnent in tlie English
text.

The PRESIDENT read the declaration of M. Alayza y Paz Soldin ',
Judge ad hoc,and closed the hearing.

The Court rose at 4.30 p.m.

[Signatures.]

' See Court'spublicatian~ : Reports O/ jrrd~menls. .-ldc~sop Opinions arid
Orders ryjr, p. S4. ANNEXE AUX,PROCÈS-VERBAUX

ANNEX TO THE MINUTES

SECTION A. - INTERVENTION

1. OBSEIIVATIONS DE M. FELIPE TUDELA Y BARREDA

(AGEXT DU COUVERNEhlENT DU PÉROU)
A LA SÉASCE PUBLIQUE DU Ij MAI 1931,MATIN

&Ionsieurle Président, hlessieurs les Membres de la Cour,
.Au nom de mon gouvernement, je désire tout d'abord m'associer
ail deuil de la Cour et à l'hoinmage public qu'elle vient de rendre à
l'éminent et r.gretté~.uge Azevedo.
:\ l'initiative du Gouvcrnemcrit colombien, nous nous trouvons pour
la troisieme fois et pour la mêmeaffaire devant cette hauteCour inter-
nationale de ~ustice ; c'est pour moi un très graiid honneur que de
représenter devant elle le Gouvernement de la République du Pérou.
Vous avez d'abord à connaître de l'insolite demande d'intervention
du Gouvernement de Cuba, provoquée par une lettre ad hocde l'agent
du Gouvernement colombien, adressée au Greffe le 22 janvier, et qui,
comme nous le démontrons dans notre lettre au Greffier en date du
z avril, introduit un éléineiitétrangeà la nature mémede l'instance
eii cours.
Je me sens tout d'abord obligéde rappeler succinctement quelques
faits passés, déterminant la demande d'intervention cubaine d'aujour-
d'hui :le représentant diplomatique du Gouvernement de Cuba àLiina
donna asile, le 29 décembre 1948, à deus ressortissants péruviens,
accuséset sommésde comparaitre devant les autorités judiciaires pour
se jiistifier du mémechef d'accusation que Haya de la Torre. Le bien-
fondéde cet asile fut discutépar le Gouvernement péruvien sur la base
des disl>ositions de la Convention de La Havane de 1928, qui était,
comme dans le cas de la Colombie, le seul traité en vigueur entre le
Pérou et la République de Cuba.
Le Gouvernement du Pérou proposa, le 12 juillet 1949à celui de
Cuba de soumettre leur différend à la décisiondela Cour interiiatioiiale
de Justice. Cette proposition du Gouvernement du I'érou fut réitérée,
le6 aoùt 1949,avec cette conclusion: «Dans un cas comme dans l'autre,
ils ont étéinclus ...n - il s'agit des réfugi-s «dans un mênie procès
dont la iuridiction nationale a étésaisie. L'unitédu rocè èusénaldéter-
mine l'identité juridiquecles cas en question.»
Le Gouvernement de Cuba n'a pas cru devoir accepter cette proposi-
tion, et, pendant que la discussion se poursuivaitai échangede notes
diplomatiques, les deux réfugiésont pris la fuite et sesont rendus, munis
de faux passeports,à Cuba, où ils continuenà bénéficiede la protection
du Gouvernement cubain. Le Gouvernement du Pérou se vit obligéde
rompre les relations diplomatiques axXecle Gouvernement de Cuba,
situation qui subsisteà ce jour malheureusement. Le représentant de
Cuba, de retour dans son pays, fut décorépar son gouvernement, lequel
a.ratifié ainsi un comportement peu conforme au respect dù au tra$é
et, en général,au droit international.
- OBSERVATION SE JI. TUDELA (PÉROU) - 15 V 51 137

II est curieux de constater que c'est plus d'un moisaprès la présen-
tation de sa requéte - le 13décembre1950 - que l'agent du Gouverne-
ment colombieii découvrit soudain, le 22 janvier 1gj1, qu'il lui fallait
invoquer, à l'appui de sa demande, la Convention de La Havane de
1928,priant expressémentleGreffequesuite soitdonnéeaux dispositions
<-- -~ ~~ ~ ~~.,~u Statut.
L'intérétqu'a le Gouvernement colombien à ce que,la notificatioii
prévue à l'article 63 soit faite au Gouveriiement cubain est évident.
Cependant, dans les nouvelles conclusions du Mémoirecolombien du
7 février 1051, l'agent de la Colombie n'invoque plus la Convention
de La Havane..~ - ~ ~

La lettre en question n'a donc eu d'autre but que celui de permettre
que se produise la demande d'intervention du Gouvernement de Cuba.
Tant que l'affaire a étédésignéecomme affaire du droit d'asile - et
je souligne le mot droit -, le Gouvernement de Cuba n'a démontré
aucun, absolument aucunintérêtjuridique en tant quepartieàlaConveii-
tion de La Havaiie dc 1928, dont l'interprétation était alors eii cause.
L'affaire du droit d'asile s'est déroulhcpendant plus d'un,an saiis que
Cuba se inanifestât, malgréle droit qu'il avait d'intervenir. Evidemment,
le droit d'asile ne l'intéresse guère;je dirai plus, le droit d'asile n'existe
pas pour cegouvernement. Et c'est précisément parce qu'ilne lereconnaît
pas dans son comportement international que nous avons jugéopportun
de rompre nos relations diplomatiques avec lui. Jlais, dès que cette
affaire du droit d'asile devient une affaire d'exécution d'arrètet prend,
pour cette raison inême,le nom concret d'affaire Haya de la Torre, le
Gouvernement cubain se trouve soudainement intéressé à la question.

juiidique, iious nous trouvons devant iine intervention politique en
raisoii de la persoiiiie du réfugiéet iioii pas cn raison du droit d'asile.

Pour le Gouvernement de Cuba, il s';igissait de faire une déclaratioii
d'ordre politique, mais, au lieu de la faire, comme c'étaitsoii droit, par
un communiqué dont le teste eût pu enrichir l'annexe II du Rl4moire
coloinbieii, le Gouvernement a préfkré,prétextaiit un intérêtjuridique.
faire dépQtau Greffe d'une déclaration diamétralement opposée à l'arrêt
du 20 iiovembre ~gjo. Cette déclaratioii fprme un tout inséparableavec
la lettre de présentation du ministre d'Etat de Cuba. C'est ainsi qiie
nous avons nécessairement dii prendre connaissance des fondements de
la demande d'iiitervention qui sont, de toute évidence, chose jugée.
Cette connaissance obligéedu fond est une raison de plus pour rejeter
cette demande d'intervention injustifiée.
11eût étépréférable, à notre avis, que le Gouvernement colombieii
insérât la déclaration cubaine dans l'annexe II de son Mémoire,plutOt
que de décleiicher la procédure dc l'article 63 du Statut, afin que Ic
Gouvernemeiit de Cuba pût prétendre intervenir.
L'attitude du Gouvernement cubaiii est donc bien une attitude poli-
tique et une attitude isoléequi n'est pas en harmonie ayec celle adoptée
par la généralitédes membres de I'Orgaiiisation des Etats américains
qui, comme j'ai eu l'occasion de le signaler dans ma lettre au Greffier

du j avril 1951, ont eu la constante préoccupation d'évitertoute décla-
ration qui pUt s'interpréter comme une immixtion dans un cas,concret
tel celui actuellement soumis à la Cour internationale de Justice pour
l'exécutiond'une sentence qui ne concerne que le Pérouetlacolombie. Or, la nature mêniede l'instance n'adinet pas d'interveiitiori. 11s.'agit
d'une affaire entre la Colombie et le l'érou. Entre ces deux seiils Etats

existe un arrèt de 1;iCour avant autorité de chose iueée. ,, Coloiiibie
et Ic I';.r<iiIi:iii;in~l.iiI:i tour comriieiit ,luit s'eitectucr cet :\rr;t. et,
i cc siijet, Ir Guii\.eriienierit (1,:I;I HCpublirli81,.cltihn iia ricii i \air.
:\ cette tiii d'es>ciitiori les çuiiclu.iioiisclcs 1'nrric.ii~i\ooii<~ntiini<iiieiiiriit
I'arrét'du zo r~o\~embre,et il n'y a pas lieu à faire état d'aucune 'coiiven-
tioii qui puisse mettre en jeu l'intérétjuridique spécifique de l'article 63
du Statut. La Cour, nous le sa\.ons, n'a pas statué expressérncnt dans
son arrèt du 20 novembre, ni nepouvait le Iaire, sur un mode d'esEcution
dudit arrèt, simplement parce que cette question ne lui a pas Ctéposée
par les Parties en cause. Les Parties Iiii eussent-elles soumis ce point,
sans aucun doute la Cour se fût pronoiicée sur le mode d'exécution et
nous ne serions pas ici en ce moment, car elle eût statué dans un seul
et mème arrêt, et siir le fond, la légalitéde l'asile, et sur une manière

de l'exécuter. Le l'érou a cm et croit toujours qu'il était siiffisaiit de
demander à la Cour de se prononcer uniquemerit sur la légalité,escomp-
tant que le mode d'exécution en découlerait naturellement. II iie s'agit
pas de combler les lacuries, d'ailleurs iiiexistantes, comme le coiistdte
la Cour dans son arrêt du 27 noveinbre 1950, lacunes que le G<iu\,erne-
ment colombien croit déceler dans I'arrèt du 20 novembre. II s'aeit

ment l'article 59 du statut de laCour, >st'obligatoire piiir les imrties
eri litige, et dans le cas qui a étédécidk.hlon gouvernemerit a coiisenti
h se présenter devaiit cette Cour en toute bonne foi, seulement pour

l'exécution de l'arrèt. Soii consentement ri'a pas étéau delà de cette
question. Il serait vraiment regrettable qu'une questioii incompatible
a\.ec la iiature iiièiiie <lel'exécution cl'uii arrèt fiit introduite var une
\.oit:ulrl p:ir iiiiz t:ictiili(III~oii\~eiiicriiriit tt~loiiibleii. t:'csi
pour ce.5r.iiii>iis.ct p<iiiriciics qiii seroiit iii;ii~it~ii:~ntpr;cciii6t:j, .i\c.c
ia permission de la Cour, par l'éminent conseil de mon gouveriieineiit.
le professeur Gilbert Gidel, de l'Université de Paris, que je demande
au nom de mon gouvernement qu'il plaise à la Cour de dire <]iiela présente .
affaire ne saurait donner lieu à l'interprétation de l'article 63 <luStatut
de la Cour, et notariiment de la Con\reiition deLa Havane sur le sciis de
laquelle la Cour s'est proiioncée le 20 no\rembre 1950, et que, partant,
l'intervention du Goii\~ernement cubain n'est Das admissible. Eii \,ans
demandant, hlonsieur le Président, de vouloir'bien donner 1;~parole à
AI. le professeur Gidel, qui fait à mon uouvernement l'honiieur <l'exposer

son ~8iiit de vue. ie ne coudrais Das&miner sans ra~~eler&. àcctte mème
harie toute la ;&onnaissance 'de mon gou\~ernement pour uii autre
éminent collaborateur. que des raisons indépendantes de sa volonté
empêchent de se trouver'parmi nous, j'ai nomméle professeur Georges
Scelle.
Le PRÉSIDENTn .loiisieur l'Agent du Pérouayant énoncétout à l'heure
la coriclusion qu'il préseiite à la Cour au sujet de la demande d'inter-
vention de Cuba, je lui demanderai de bien aouloir remettre, par écrit,

dans la journée, le texte de cette conclusion au Greffe.
SI. TUDELA.Il en sera fait ainsi. 2. OBSERVATIONS DE M. GILBERT GIDEL
(CONSEIL DU GOUVERNEMENT DU PÉIIOU)

21LA SÉANCE PUBLIQUE DU 15 MAI IgjI, MATIN

Ifonsieur le Président, Messieurs,
Je ressens profondément l'honneur de paraître devant la Cour. Mais
je comprends aussi quelle peut êtrevotre déception de ne pas voir à
cette place, pour ces nouvelles audiences, le jurisconsulteéminent qui
vous avait présenté avectant de science et de force le point de vue du
Gouvernement du Pérou. Si M. le professeur Georges Scelle se trouve

empèché par des circonstances indépendantes de sa volonté d'être
aujourd'hui à cette barre, je désirerais du moins vous assurer qu'il ne
sera pas plus absent clesexplications que j'ai l'honneur de vous soumettre
qu'il ne l'est en ce moment de vos propres pensées.
Les thèses que M. Georges Scelle a soutenues devant vous continue-
ront à êtrela base de mes exposés, et l'aurais bien lieu d'êtresatisfait
si ces exposés pouvaient voiis apporter comme un échodes paroles de
mon éminent collègue et ami très cher, le professeur Georges Scelle.

Monsieur le Président, Messieurs, le 13 décembre ~gjo, IeGouverne-
ment de la Colombie avait introduit devant la Cour nile demande tendant
à ce qu'il plaise à la Cour de déterminer la manière d'exécuter l'arrêt
du 20 novembre rg50. C'est seulement le22 janvier 1951, donc quarante
jours plus tard, que M. l'agent de la Colombie écrivit à M. le Greffier
de la Cour une lettre lui exposant que la Colombie comptait invoquer
à l'appui de sa demande en l'affaire Haya de la Torre, ainsi que des
considérations qu'il soutiendrait devant la Cour en cctte affaire, les
dispositions de la Convention de La Havanesur i'asile, signéel20 février
1928 M. l'agent du Gouvernement de la Colombie priait, en consé-
quence, le Greffier de la Cour de donner suite aux dispositions de l'arti-
cle 63 du Statut.M. le Greffierne manqua pas, le26 janvier rgjr, de por-
ter le contenu de la lettrc de l'agent de la Colombie à la coniiaissance
desgouvernements ayant participé à la Convention de La Havane, et il

se référa, dans sa communication, à l'article 63 du Statut, dont il est
inutile <lerelire le texte. Cette lettre dM. le Grcfier, du 26 janvier
1gj1, aux Etats participant à la Convention de La Havane de rg~S,
ne fut suivie d'effet que de la part d'un seul gouvernement, le Gouver-
nement de Cuba, dont la réponse, datée du 15 février 1951 - la date
n'est pas indifférente=, parvint au Greffe de la Cour le 13 mars. La
lettre du ministre d'Etat du Gouvernement de Cuba du 15 février
était assortie d'un mémorandum faisant connaître les vues du Gouver-
nement de Cuba en ce qui concerne l'interprétation de la Convention
de La Havane ainsi que les principeA gé-éraux dont ce cou-ernement
s'inspire en matière d'asile.-
Le débat actuel porte exclusivement sur la recevabilité ou la non-
receyabilité de l'intervention de Cuba. Cependant, la forme donnée par
cet Etat à sa déclaration d'intervention a obligéà constater la similitude
frappante de fond et de forme du Mémoire avec les arguments de la
Colombie auxquels il n'ajoute aucun point, aucun fait, aucun direnouveau susceptible de faire l'objet d'une discussion qui n'ait déjL
trouvé place dans les débats qui se sont déroulésdevant la Cour. Mais
c'est uniquement au débat procédural que nous avons.& nous limiter
ici pour le moment.

Le terrain de ce débat est très clairement précisépar les disl>ositions
de l'article 66 du Règlemeiit de la Cour. Cet article 66 du Règlemeiit
- page 76, série il,no 1,deuxièine édition - distingue escelleniment
deux questions : la forme de réalisation de l'intervention sur la base
clel'article 63 du Statut - c'est l'objet du chiffre I de l'article 6G --,
et, d'autre part, l'admissibilitéde l'intervention fait l'objet du chiffrez
de ce mêmearticle 66.
du Règlement, chiffre la Io-,ieaucune irrégularité ne peu! êtreopposéecle66
au Gouvernemerit cle Cuba. La lettre du ministre d'Etat de Cuba.
assortie du mémoraiidum, constitue la déclaration d'intervcntioii prévue
par l'article 66(1)du Règlemeiit. Aucune disposition n'interdit la préseii-
tation simultanéi de la déclaration proprement dite, prévue ill'article 66
(1) du Règlement. et d'un mémoireau fond. On ne saurait donc, pensons-
nous, voir aucune objection à la transmission conjointe qui fut faite aux
Parties de la déclaration aux fins d'interprétation et du ménioire au
fond du gouvernement demandeur en intervention.
Mais tout autre est 1a.question de savoir si l'intervention (le Cuba
est recevable. LeGouvernement du Péroun'aaucuneliésitatioiià conclure .
dans le seils de l.naon-admissibilité de la demande en interventioii pré-
sentée par cet Etat sur la base de l'article 63 du Statut. Observons
d'ailleurs d'un mot que les iriterventions faites en vertu de l'article 63
du Statut ne bénéficient pas plus que les interventions faites en vcrtu
de l'article 62 d'une présomption irréfragable d'admissibilité. Ilans un
cas comme dails l'autre, la Cour décide, ainsique le disent espressémeiit
le Statut dans son article 62 (2) et le Règlement de la Cour daris son
article 66 (z)concernant les iiiterventions faites sur la base de l'article 63.
En ce qui concerne les conditions dans lesquelles se présente I'inter-
vention actuelle du Gou\,ernemeiit de Cuba, la Cour ne manquera
évidemment pas de retenir que la f.acultéd'intervention sur la base de
l'article 63 du Statut avait étédéjàofferteau Gouvernement (le Cuba
lors de l'introduction par la Colombie de la requêtedu 15 octobre 1949.
Je ne reviendrai pas sur ce point, qui est constaté expressément par
l'arrêt du 20 novembre, sinon pour marquer mon t5tonnemeiit que le
Gouvernement de Cuba veuille se prévaloir aujourd'hui d'uiie faculté
exactement la mêmeque celle dont ila négligé de manifester son inteii-
tion de bénéficier ily aura bientOt deux ans de cela.
Tout ce que le Gouvernemciit de Cuba 2 fait alors en réponse h la
iiotificdtion oui lui a étb faite lors de i'introduction var I;i Colombie
de la requète'du 15 octobre 1949, ce fut d'exprimer le ;lésirde recevoir
communication des documents, désir contre lequel le Gouveriieinent
du Péroun'a formuléaucune objection.
C'estdonc seulement après vos deux arrêtsrendus :celui du 20 novem-
bre 19jo et celui du 27 iiovembre 1950, c'est seulement lorsque, sur
l'initiative de l'agent de la Colombie, en date du 22 janvier 19j1, une
nouvelle notification laite sur sa demande expresse aux gouvernements
tiers ayant participé à la Convention de La Havane, que le Gouver-
nement de Cuba se ravise et que le Greffe reçoit le 13mars 1951 décla- OBSERV.4TIONS DE hi.CIDEL (PÉROU) - 15 V 51
141
ration de son intention d'intervenir, tous les autres États tiers ayant
reçu la notification conservant le silence. Ces circonstances de fait
viennent bien assurément à l'appui de l'opinion énoncéepar Al. l'agent
du Gouvernement du l'érou sur le caractère essentiellement politique
de l'intervention de Cuba.

Sur le terrain du droit, l'admissibilitél'intervention de Cuba soulève
des objections aussi graves qu'cvidentes. L'intervention est uii incident
de procédure. Comme telle, l'intervention donne lieu à un jugement
d'avant dire le droit. Mais quand le droit a étédit, il n'y a plus lieuà
intervention. Or, le droit est dit, il a étédit par votre arrêt du
20 novembre 1950 entre le l'érouet la Colombie ;l'instance actuelle ne
. porte que sur l'exécutionde cet arrêt.C'est toujours de la meme affaire
qu'il s'agit entre le Pérouet la Colombie ;c'est d'une «phase ide cette
affaire qu'il s'agit, pour reprendre l'expression employéepar l'uii des
consultants de la Colombie elle-même.
L'intervention de Cuba pouvait, certes, se produire utilement avant
l'arrêtdu 20 novembre 1950 :elle eùt déjàététardive lors de l'instance

colombienne eii demande d'interprétation. alais que dire de cette décla-
ration d'intervention dans la troisièmeinstance introduite Dar la Colom-
bie le 13décembre1950.sinon que la déclaration d'iiitervention de Ciiba
est deus fois tardive !
Et d'autres raisons eiicore obligent à penser que l'interveiition de
Cuba est irrecevable. ISn quelle qualité le Gouvernement de Cuba
prétend-il intervenir ? II n'est pas douteux que ce soit esclusiveinent
snr la base de l'article 63 <luStatut. C'est en invoquant cet article que
l'agent de la Colombie a provoqué la notification du Greffe. C'est sur
le rappel des termes de cet article que la notificatioiia étéfaite. C'est
en référence formelle à cette notification que réponse y a étédonnée
par le Gouvernement de Cuba. La qualité susceptible de servir de base
à I'intervention est la qualité de participant à la Coiivention de La
Havane de 1928.
Ici il importe de regarder les dates du calendrier de la procédure en
fonction de l'invocation dans cette procédure de la Convention de La
Havane. Le 13décembre 1950.la requCteintroductive d'instance contient
des conclusions oui. sous le titre «demande subsidiaire n. font btat de
la Convention de'~a Havane comme droit en vigueur entre les I'arties,
c'est-à-dire la Colombieet le I'érou.Cesconclusions prises le13 décembre
1950 valent encore le 22 janvier 1951. c'est-à-dire-à la date-où I'ageiit
de la Colombie sollicite le Greffe de la Cour de donner suite aux disposi-
tions de l'article 63 du Statut, parce que le Gouvernement colombien,
dit-il, invoque à l'appui de sa demande en l'affaire Haya de la Torre
ainsi que des considérations qu'il soutiendra devant la Cour eii cette
affaire, les dispositions de la Convention sur l'asile, signàeLa Havane
le 20 février 192s. Ces conclusions valent toujours le 26 janvier ;gjr,
date de la notification faite par le Greffe aus gouvernements des Etats
ayant participé à la convention dont il s'agit, en se référanà l'article 63
du Statut. hlais les coriclusions urises par la Colombie le 11 décembre
~gjo cessent d'ètre valables le jour où ce gouvernement, ce 7 février
1951, prend dans son Mémoirede nouvelles conclusions qui ne fontplus
état de la Convention de La Havane142 OBSERVATlOSS DE II. GIDEL (PÉROU) - Ij V 51

II n'est pliis qu~stit-n d?ns ces conclusions colonil~iciiiirsii 7 fCvrier
iqir <IIdIruit ci! i,iCiieiir,:iitr1':irtit.Le \ICiiiuirr:i'ciforct-srlilciiieiit
darattacher ces onclusions au développemeiit qui les précèdepar le
rappel que le rédacteur du document s'est appliqué de faire sous la
forme la plus polyvalente possible. Il s'exprime en ces ternes vagues:
n Sur la base des considérations de fait et des motifs de droit qui
précèdent ....u
Il est donc imvossible d'entamer une constatation que i. ve.x faire.
coiisrntntioii iii~fr;iK:ibl<IIIC.\ujq~'au (8rer i.)j~. Ir csrki? des
c~~i~cl~isi~ dcil~(:olomb~ese ~;.f&r:~e itxprcss~.~n~iitu (Ircji#.IIt,igiit:i~r
ciitrc la Cr~loriil>i?i:r le I'Croii c'est-:<,I:LCon\~ciitiundi: 1.3 Il:a\.:,ne
de 19~8, mais qu'à partir du 7 février Igjr, date inscrite au Xlémoire
colombien, la Convention de La Havaiie de 192s a disparu du corps
des conclusions colombieniies soumises à la Cour.
Et alors. Messieurs,quelle peut êtredanscesconditions la \raleur d'une
déclaration d'intervention qui est faite le ~j février ~gjr, et qui est
fondéesur la participation à une convention que la Colombie,c'est-à-dire
la Partie mêmequi a ~>rovoqué cette déclaration. a d'ores et déjà, huit
jours avant l'émission <le la déclaration d'intervention, éliminéedu
corps des conclusions sur lesquelles elle deinaritleà la Cour qu'il lui
plaise de statuer ?
La déclaration d'interventioii faite par Cuba, le 15 février 1951, SU'
la hase de la Convention de La Havane avait, à cette datedu 15 février,
perdu toute raison d'être ;elle tombait sur un néant juridique.

Enhii. la demande d'intervention du Gouvernement de Cuba est
irrecevable pour une dernière raison : le droit n'admet pas que les iiistitu-
tions juridiques soient déviéesde leur rOleet de leur objet propres par
ce que le droit' administratif a si expressivement dénommé ledétour-
.~-~~~~~.~~~ i>oiivoir.
Sous les formes verbales d'une demande d'intervention, la demande
de Cuba. la démarche du Gouveriiement de Cuba. n'est qu'une teiitative
de recours présentéepar iiiitiers contre un arrêtqui, eRtre les Parties,
a la force de chose jugée et doiit la Colombie sait parfaitement que
l'article Godu Statut de la Cour lui interdit de contester, en face, le
caractère définitif et sans recours.
Essayons de nous bien rendre compte de l'enchaiiiement (les faits
siirveiius en rnatière de procédure depuis vos deus premiers arrêts : au
lendemain des deus arrêtsdu zo etdu 27 novembre lgjo qui, tous deus,
ont rejeté les conclusions essentielles du Goiivernement de la Colombie,
ce Eoiivernement s'efforce de maiiitenir le débat ouvert et il introduit.
en Eonsé~~uence u,ne troisième instance. Par iarequgte du 13 décembre;
dans une demande à titre vril~cipal,il sollicite la Cour de déterminer la
manière d'exécuter I'arrêt'et, en mêmetemps aussi, par uiie demaiide
subsidiaire, il prie la Cour de dire et juger si, conformément au droit
en vigueur entre les Parties et particulièrement au droit internatioiial
américain, le Gouvernement de la Colombie.est ou ii'est pas obligi. de
remettre Haya de la Torre au Gouvernement du I'érou.
II était très difficile de compter que cet artifice de présentation piit
masquer In tentative de la Colombie de remettre en ouestioii l'nrret
rend; par la Cour le zo novembre 1950. A la réflexioii,leAGouvernement
de la Colombie dut s'en apercevoir, et c'est alors, eii janvier rgy, qu'il
s'avisa de provoquer l'intervention d'un gouvernement tiers, et ce fut OBSER\rATIOSS DE 11. GlDEL (PÉROU) - Ij V j1 143

la lettre de l'ae, , de la Colombie du 22 ianvier 10... Cette lettre eut
~'ourrc:>t~lt.~iti~i:~In (I~iii;iii~éii iiiter\.<iiti<iii.
Cctt: i~~tervci~ti~~tt jnri~iit,t~e~iic~titrrccci.xt)lc.
1.I ilcni,,iitlc ci, iiit,:r~~ciitiuiiilii C,oii\.ilit(IrCul>:,ii'rit L.I<:fl~t

qu'un essai d'imniixtion irrégulière dans une procédure parvenue i uii
point où elle ne peut que se limiter aux seules Parties en cause. La
tentativede Cuba tend, d'un seul et m&rnecoup, à faire échecaux disl>osi-
tions de l'article Go du Statut et h fausser le jeu des sages dispositions
de l'article 63.
Si habilement déguiséeque soit l'attaque de Cuba contre votre arrêt
du 20 noveinbre rgjo, la demande eii intervention du Gouvernement

de Cuba est inadmissible.
Tel est l'objet des conclusioiis que 31. l'agent du Gouvernement <lu
Pérou vient de poser devant la Cour et qui peuvent étre appuyées par
les corisidérations que je viens d'avoir l'lionueur de vous soumettre.

II. 3. OBSERVATIONS IIE ar. ci\nrILo DE RRIGARD

(COXSEIL DU GOUVEKNEMENT DE LA COLO~IUIE)
.4 1.h SÉANCE I'UI<I.IQUE D~j MAI 1gj1 A,PI<ÈS-&IIDI

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour,
Le Gourerneinent de Cuba, se prexxalant.du droit que lui confère
I'article 63 du Statut de la Cour, aux termes duquel, lorsqu'il s'agjt de
l'interprétation d'une conveiitiàilaquelle ont participé d'autres Etats.
que les parties en litige, chacuii d'eua le droit d'intervenir dans le
procès, et ayant reçu du Greffier de la Cour la notification de la requéte
introduite par le gou\.ernement de mon pays contre le Gouveriiement
du Pérou, requête datée du 19 décembrede l'annéedernière, et qui se
rapporte précisément i l'interprétation de certaines dispositions de la
Conrention de La Havane de rgzS déposaau Greffe,le 13mars dernier,
une déclaration formulée conformément à l'article 66 du Règlement
de la Cour. Ladite déclaration ayant été communiquée aux Parties, à
l'effet viséau paragraphe 2 de I'article du Règlement que je viens de
citer, l'agent du Gouvernement de la Colombiemanifesta qu'il n'avaità
formuler aucune oppositioii contre l'intervention annoncée par le Gou-
vernement de Cuba, puisque ce gouvernement exerçait lin droit expres-
sément reconnu par l'article63 du St'atut de la Cour.
Une attitude totaleineiit différente fut adoptée par M. l'agent du.
Gouvernement péruvien, car, au moyen de sa commuiiication adressée
au Greffe en date du2 avril de l'annéecourante, il fit savoir quï l'inter-
vention du Gouvernement de Cuba était tardive et, partant, irrecevable.
Avant de statuer sur l'admissibilitéou le rejet de la demande en inter-
vention du Gou\rernemeiit de Cuba, la Cour a décidé d'entendre les.
Parties. Etant donnéqu'il s'agit d'une simple question de procédurequi
parait estrémement claire, je désirelimiter mon iiiter\reiàtla forniu-
lation de quelques brèves observations sur les arguments esposés par
II. l'agent du Pérou dans sa communication adressée au Greffier le
2 avril, et dans sa plaidoirie de ce matin.
Le droit que l'article 63 du Statut confèàechacun des États qui ont
participéà une convention internationale, d'intervenir dans tout procès
par-devant la Cour, dans lequel il s'agit de l'interprétation de ladite
convention, est incontestable; M. l'agent du Pérou ne iiie point, en
l'espèce,l'existeiice de cc droit. II estime seulement que l'interventii~n
du Gouvernement cubain est tardive et, partant, inadmissible ; per-
mettez-moi d'analyser ses arguments.
M. l'agent du Pérou observequ'il découle dela sentence rendue par
la Cour le 20 no\wxnbre de l'annéedernière, dans cette méme affaire,
que la requéte colombieiine se basait sur la Convention sur le droit
dition de Caracas de 1911. La Cour, en s'acquittant de l'obligation que
lui impose I'article 63 de son Statut, procéda, à cette époque, aux
notificationsà tous les gouvernements qui sont parties à ces conven-
tions, parmi lesquels le Gouvernement cubain, qui alors ne manifesta OBSERV.4TIOSS DE hl. DE BRIGARD (COLOJIBIE) - 15 V 51
145
pas I'interition d'intervenir en cause et se borna à exprimer le désir
de recevoir commuiiication de la procédure écrite.
La nouvelle communication faite par le Greffe aux États tiers, confor-

mément à l'article 63 du Statut, affirine erronément hl. l'agent du
Pérou, n'a pas eu lieu sur la base de la requête du Gouvernement
colombien, déposéeau Greffe de la Cour le 13 décembre 1950, requête
qui, dit hI. l'agent du Pérou, ne fait aucune mention particulière de la
Convention de La Havane, mais bien à la suite de la lettre de l'agent
coloiubien, datée du 22 janvier de l'année courante. Pour démontrer
que cette affirmation de M. l'agent du Péroii repose sur une équivoque,
il suffira de relire le point b) de notre requête,là où l'on demaride, à
titre subsidiaire, qu'il plaiseà la Cour de dire et juger, dans l'exercice
de sa compétence ordinaire, tant en présence qu'en l'absence du Gou- ,
vernement du Pérou, et après les délaisque, sans préjudice d'un accord
entre les Parties, il appartiendra à la Coiir de fixer, si, confonnénierit
au droit en vigueur entre les Parties, et particulièrement au droit inter-
national américaiii, le Gouvernement de la Colombie est ou n'est pas
obligéde remettre hl. Victor Raul Haya de la Torre au Gou\~eriiement

du Pérou. et de relire aussi la référenceexpresse à la Convention de
La Havane de 1928 conteriue dans le Mémoire.colombien, préseilté
devant la Cour le 7 février dernier.
1.e Gouvernement du Pérou ne pourra pas nier, puisqu'il l'a soutenu
tout au long du prochs précédent, que ,<le droit en vigueur entre les
I'arties» en matière d':isile, est la Coiiveiitioii de La Havane de 1328.
Qu'il suffisede citer à cet effet le paragraplie suivant du Contre-Mémoire
présentépar le Gouvernement du Péroii au cours du procès précédent :
r Nous conclurons donc que le Pérou n'a d'autres obligations, en ce qui
concerne la pratique de l'asile interne, que celles qui résulteirt pour lui
de la Convention de La Havane de 1928. B (Contre-Mémoiredu Gouver-
iiement de la Répiiblique du Pérou. - Affaire colombo-péruvienne
relative au droit d'asile, p. 28 '.)
11est évident que l'agent de la Colombie informa le Greffe, au moyen

de sanote datéedu 22 janvier de l'aniiéecourante, que le Gouveriicment
de la Coloinbie invoquait la Conventioii dc La Havane à l'appui de sa
demande en sollicitant que I'on procédât aux notifications prévues par
l'article67 du Statut. rnais il est non moins évident oue le droit eii
\,igiiV~iriGrt:les 1';irties.au~~u<,Ise r:fCrc~I:IIISCrIcqti;i(III1:i~I~c~iii-
bre, est ct cloit Ctic ~>riiicilinl<:nictI Cuii\.e~itioridc 1.a 1-l~i.;iiic<le
1928 (Xlémoire).
La nouvelle requête colombienne porte uniquement sur l'exécution
de l'arrêtdu 20 novembre 1950, dit M. l'agent du Pérou : affirmation qui
peut êtreexacte en ce qui concerne la deinande principale, et je m'abs-
tiens de discuter ce point ; mais la dernaiide subsidiaire n'a nullement
trait à la sentence du 20 novembre : clle tend exclusivement à obtenir
de la Cour l'interprétation d'une disposition de la Convention de La
Havane concernant la remise des asilés politiques, accusés oucondamnés
pour crimes de droit commun.

Le Gouvernement du Pérou estime que l'intervention du Gouverne-
ment de Cuba est tardive et, s'efforçantde le prouver, il se fonde sur les
considérations suivaiites: (1)qu'il s'agit de la même affaireconcernant
le droit d'asile, entre les Gouvernements du Pérou et de la Colombie,
--
Voir .lfémoiresl'iaidoiriel Documenis- '\flaire du droit d'asile, volr34,p.affaire qui a déjà fait l'objet des sentences des 20 et 27 novembre ;
b) que l'intervention, bien que baséesur l'article 62OU 63 du Statut, est,
dans les deux cas, un incident de procéduresur lequel, selon les règles
généralesdu droit,,on doit se prononcer avant de statuer sur le fond et
que, dans l'espèce,ayant déjhété statuésur le principal, on invertirait
cette règlecontrairement à toute logique juridique en acceptant qu'une
interverition se uroduisît.
Toute l'argu&eiitation de 31.l'agent du Pérou aurait quelque fonde-
ment si l'instance actuelle se référaituniquement et exclusi\~ement à
une decision sur le mode d'exécutionde lasentencedu 20novembre 1950.
Mais BI.l'agent du Pérouignore délibérément l'existence de la demande
subsidiaire qui a pour objet de prier la Cour d'interpréter une disposition
fondamentale de la Convention de 1.a Havane de 1928 : la question de
savoir, en effet, si,onformémetitau droit en vigueur entre les Parties,
c'est-i-direà ladite conventioii, uii pays de refuge est, oui ou non, dans
l'obligation de livrer un réfugiépolitique aux autorités territoriales.
II ne serait pas possible de soutenir que l'intervention de Cuba est
iiiadmissible parce que la demande principale a trait exclusivement à
l'exécution de la senteiice car, dans l'hypothèse où la Cour, pour
n'iiiiporte quel motif, ne statuerait pas sur le poin2 de ladite demande
principale, elle devrait quand mêmese prononcer sur notre demande ,
subsidiaire qui, elle, a trait, comme je l'ai dit à plusieurs reprises,à
l'interprétation de la Convention de La Hanne. Dans ce dernier cas, si
l'on acce~tait la thèser>éru\rienne et si l'onniaià Cuba le droit d'inter-
venir dans ce procès,on'commettrait uneinjusticeévidente et l'on viole-
rait l'article3 du Statut de la Cour.
Il est exact QueleGouvernement decuba. danssadéclaration nrésentée
devant la COU;, émet quelques déclarations concernant la sentence du
20 iiovembre. Personne ne pourrait dénier uii tel droit à un pays
souverain, mais il n'est pas \mi que ladite déclaration se borne à com-
menter ce qui a étédéjà matièrede la décisionde la Cour, car, dans l'in-
téressant exposédu ministre d'Etat, il est dit clairement qu'e en ce qui
coiiceriiela manièrede inettre fin à l'asile,Cuba a considéréque, confor-
mément au droit international américain, aucun Etat américain n'a
le droit de demander que lui soit livré un réfugiépolitique qui s'est
trouvé, au point de vue judiciaire, dans les conditions exposées au
paragraphe précédent »- c'est-à-dire un asilépolitiqu- ret cela même
quand l'urgence de l'asile n'a pasétépleinement démontrée », et c'est
vrEcisémentce point si imvortant en matière d'asile aue la Colombie.
iu moyeu de cette instance: demande à la Cour de résodre à la lumière
des Conventions de La Havane.
L'agent du Pérou a estiméopportun, dans la communication qui est
à l'origine des présents comincntaires, de porter à la coniiaissnnce de
la Cour le cas de deux asilésqui se réfugièrent à la légation deCuba
à Lima. Je me félicitede ce que le Gou\.ernement péruvieiiait citéce
cas devant la Cour car, en l'in\roquant, il fournit le plus fort argument
pour démontrer l'incontestable droit de Cuba à intervenir dans la cause
actuelle. En effet, selon les renseignements de l'agent du i'érou,il s'agit
de deux personnes accuséesdu mêmedélit què Haya de la Torre et
inaitées à comparaître <levant les tribunaux. Ceci démontre que le Gou-
vernement de Cuba n'a pas un intérêtpurement théorique à intervenir
dans ce procès,mais bien uii intérêt intimementcoiinexe à des cas abso-volonté desjuges. Sur cette volontéseule la force du droit et de la justice
produira de l'effet.
On a dit et redit ce matin que i'iiitervention de Cuba seraittardive et,
à l'appui de cette thèse,on a parlédu contenu de la requéte colombienne
de décembre 1950 et des conclusions de son Mémoirede février 1gj1.
Quelques observations suffisentà détruire une fois pour toutes les argu-
mentations déduites avec tant d'efforts sur des bases sans aucune
coRappelons que dans une requêteil n'est point nécessaired'invo<luer
les textes de droit que la partie demanderesse aà faire valoir quant au
fond du procès. Tout ce que le Statut et le Règlement exigent. c'est
qu'indication soit faite des textes conférant compétenceà la Cour. C'est
tout. Le Gouvernement de Colombie n'avait donc à invoquer aucune
convention relativement à l'affaire en cours dès la présentation de sa
requête introductive d'instance.
Ce n'est que dans son Mémoire que la partie demanderesse doit
invoquer, avec les faits et motifs de la cause, les textes dont elle entend
se prévaloir. Et c'est ce que le Gouvernement de .Colombie a fait dans
son Mémoiredu 7 fbvrier 1951,où LaConvention de La Havane sur l'asile
est citée à plusieurs reprises ainsi que celle, signée également à La
Havane, qui a pour matière la réglementation des privilègeset immunités
des fonctionnaires diplomatiques. Aussi bien le Pérou que la.Colombie
et le Gouvernement de Cuba sont parties à ces deux conventions.
A cause des raisons que je viens d'exposer, le Greffier n'aurait eu
i donner suite à l'article 63 du Statut qu'une fois présentéle Mémoire
colombien.
Mais, étant donnéqu'avant la présentationde cette pièce,les Parties
s'étaient accordées à réduire la procédure écrite à la présentation de
deux écritsen supprimant la présentatipu de la Répliqueet de la Dupli-
que, le temps pour l'intervention des Etats tiers devenait parlà extrê-
mement réduit. Pour obvier A cette difficulté,coiitribuant de la sorte
au bon ordre du procès, et en conséquencede l'accord sur la réduction
de la procédure écrite, laColombie, quelquesjours avant la présentation
de son hlémoire, annonça à la Cour qn'elie allait invoquer, dans son
hlémoiremême, commec'était son droit de le faire, la Convention de
La Havane sur l'asile entre autres règlesde droit.
II n'est pas exact de dire que, dans le Mémoirecoloinbien, la Conven-
tion de La Havane n'est pas citée. Si tellea étéla penséedehI.le profes-
seur Gidel,je leprie de bien vouloir lire le document que je viens deciter,
ce qu'il n'a certainement pas eu le temps de faire ce matin. Je comprends
bien son cas.
N. l'agent du Gouvernement du Pérou, en énonçant des conclusions,
a, contrairement à l'usage, exposédes raisons quant au fond de l'affaire,
ce qui dépasse le cadre strictement réglementaire que tracent, à la
question préalable de l'admission de l'intervention du Gouvernement
cubain, aussi bien le Statut <luele Règ!ement de la Cour. Nous repous-
sons ces allégations, auxquelles nous répondroiis en temps opportlin.
Nous demandons en conclusion que la Cour veuille bien déciderque
Quant aux termes précis de la conclusion déposéece matin par affaire.
M. l'agent du Gouvernement du Pérou, nous attendons que Le texte
écrit nous en soit communiqué afin de pouvoir déposer, également par
écrit notre conclusion finale. 4. OBSERVATIONS DE Mme FLOR'A DfAZ PARRADO

(AGE'T DU GOUVERKEMENT DE CUBA)
A LA SEANCE PUBLIQUE DU Ij MAI 1951, .~PRÈs-MIDI

Monsieur le Président, Messieurs les Membres de la Cour,

Avant de présenter les observations concernant la demande d'inter-
vention du Gouvernement de Cuba, je tiens à exprimer aux membres
de la Cour les condoléances de mon gouvernemerit et les miennes pour
la perte immense qu'elle vient de subir par le décèsde l'éminent juge,
M. Azevedo.

Le Gouvernement de Cuba, au nom duquel j'ai l'honneur de parler,
m'a transmis l'ordre de commencer cet exposéen exprimant le profond
respect que lui inspire ce haut tribunal de justice.

Après avoir accompli avec plaisir ce devoir auquel je ne voudrais
pas me soustraire, je traiterai le plus brièvement possible la question
formelle que l'on discute en ce moment,, savoir : sur quoi se base le
droit du Gouvernement cubain d'intervenir dans l'affaire Haya de la
Torre.
L'intervention du Gouvernement cubain dans la seconde phase de
cette controverse est basée sur l'invitation expresse qu'il a reçue de la
art de la Cour oAi.. Ar là, ~rocédait selon le droit émanant de l'arti-
je 63 du Statut.
La Cour de Justice a fait cette invitation en considérant que, depuis

1928 jusqu'à présent, Cuba est une des parties de la Convention de
La Havane de l'année 1928, convention qui a étératifiée et qui n'a
Das étédénoncéedans la suite par le Gouvernement cubain.
La seule circonstance qui ;end admissible ?ne intervention basée
sur l'article63 du Statut est la condition que 1'Etat qui intervient soit
liéà la convention qu'il s'agit d'interpréter. Je répète quele Gouverne-
ment cubain a ratifié ladite convention et ne l'a pas dénoncée dans
la suite.
D'antre part, le Gouvernement de Cuba affirme que, bien qu'il soit
certain que dans la nouvelle demande présentée dans ce litige par le
Gouvernement de la Colombie en date du 13 décembre ~gjo,il ne paraît
pas avoir fait appelà la Convention de La Havane de 1928, il est égale-

ment certain que le Gouvernement de la Colombie a adressé plus tard,
par l'intermédiaire de son agent, une lettre à la Cour, datée du 22 jan-
vier 1951, dans laquelle il faisait appel à la convention susmentionnée de
La Havane de 1az8. modifiant de cette facon sa demande mimitive.
Or, on sait que, siivkt la pratique de la cou;, une partie peut jntroduire
des modifications dans la demande primitive? Le fait que le Gouverne-
ment de Cuba, auparavant, n'avait pas cru' nécessaired'intervenir dans
cette affaire n'invalide en rien le droit clne Cuba possède pour intervenir
maintenant. Je répète qu'à notre avis c'est là l'interprétation que la
Cour a donnée à l'article 63 du Statut, puisque le Gouvernement de
Cuba a reçu notification, de nouveau, de la, demande présentée par le

Gouvernement de la Colombie en date du 13 décembre1950. Si le Gouvernement cubain intervient dans la présente affaire, c'est
parce que la demande du Gouvernement de la Colombie implique la
nécessitépour la Cour d'interpréter un nouvel aspect de la Convention
de La Havane de 1928, aspect qui n'a pas étéinterprété dans l'arrêt
prononcé par la Cour en date du 20 novembre ~gjo. Comme c'est la
le fondement principal sur lequel se base l'intervention cubaine, je
considèreinutile de retenir plus longtemps l'attention de la Cour, vu que
le Gouvernement cubain est convaincu que sa demande d'interventioii
sera favor~b~ ~ ~ ~ ~ ~ ~llie.
Par conséquent,je prie cette honorable Cour de déciderque la demande
du Gouvernement de Cuba est conforme aux sti~ulations de l'article 61
du Statut.
La conclusion du Gouvernement de Cuba est la suivante : Plaise à

la Cour de déclarer recevable la demande d'intervention qu'il a faite.

C'est avec ces quelques mots que j'avais l'intention de terminer la
déclaration one ie viens de faire au nom de mon eouvernemelit. Alal-
heureusement, l'agent du Gouveriiement du l>érouuatrouvénécessaire
d'invoquer devant cette haute instance les prétendus incidents qui ont
pu se i>asseril y a quelque temps entre le Gouvernement du Pérou et le
Gouvernement de Cuba. Le coinportement du Gouvernement de Cuba,
dans ses rapports arec les autres gouvernenients, n'a pas besoin d'etre
démontrédevant le haut tribunal où nous nous trouvons en ce moment.
lion gou~eniriilziit :Itoiijours ngl scion les ri.gicj qiil sui11;i 111Ù;iird~.
13 boriiit:tmtentc interri:irii~ii;ilcctils'est toujours eiirirc; (le viirc rlniis
la i~lusi)nrfnitc Ii.lrnionir et In.i)lus yrniidc s<,li<l;~iir\.cc1"s nnrioiis di1
mônde.'
.Je vous remercie, .alonsieur le PrGsident5. OBSERVATIOXS DI< AI. FELIPE '1;tiDELA1- BARREUA
(AGEST DU GOUVERSE~IEST DU PÉROU)

.*r.4SÉASCE PUBLIQUE DU 15 ~1~119j1, APRÈS->IIDI
.
Je voudrais demander la parole pour faire quatre petites obser\.ations.
Le PRÉSIDENTJ.e donne la parole à hl. Tudela, en faisant observer
que je pensais que cette procédure serait unique. Par conséquent, je
voudrais réserver la possibilité pour lesautres Parties de répondre si
elles le jugentà propos.
31. TUDELA.Je serai très bref.
Le conseil de la Colombie a fondéson argumentatiori sur les conclu-
sions de la requéte. Je désirerais savoir sur quelles conclusions définitives
le conseil de la Colombiea plaidé.
Je désireraisconnaitre les conclusions de la Colombie dans l'incident
de demande d'intervention. J'ai pour ma part présentéles miennesàla
barre et, plus tardà la demande de RI. le l'résident, je les ai dkposées
au Greffe.
Je désirerais connaître celles de la Colombievant la clGture de la
procédure sur l'admissibilité de l'intervention de Cuba.
L'agent de Cuba a parlé d'un nouvelaspect de la Conveiitiode 1928
sur l'asile. Je désirerais saàoquel nspect elle se réfère.

Le PRÉSIDENTI.l n'est pns d'usage qu'une partie puse des questioàs
l'autre partie dans une procéduredevant la Cour. La Cour a la préroga-
demanderpoà $1.el'agent du Gouvernement de la Colombie s'il désireux
répondre aux quelques observations qui liennent d'êtreprésentéesau
nom du Gouvernement du Pérou.

M. DE LAVEGA(agent du Gouvernement de la Colombie).Alonsieurle
Président, tout ce que j'avaià dire vient d'être traité parvous. Donc,
je n'ai aucune autre observationà faire. SECTION B. - FOND
SECTION B. - MERITS

1. PLAIDOIRIE DE RI. JOSÉ GABRIEL DE LA VEGA

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour,

L'affaire que j'ai l'honneur de plaider devant vous est simple. Les
faits qui en sont à l'origine étincellent de clarté. Elle ne tolère ni compli-
cations doctrinales ni subtilités dialectiques.
Le procès est, en outre, intéressant du point de vue scientifique. Son
intérét dérive en partie de certaines pièces du dossier. Je fais allusion
icià l'arrêtdu zo novembre 1950, rendu dans le litige qui, une première
fois, mit aux prises les mêmesParties qui comparaissent aujourd'hui
devant la Cour, ainsi qu'aux opinions dissidentes émisesà cette occasion.
Tous ces documents sont d'une rédaction remarquable, d'une souplesse
de composition rarement atteinte. Mêmesi, par endroits, l'esprit fait
des réservessur tel ou tel argument, même s'il relève descontradictions,
l'amateur de bon style juridique ne peut que les admirer. Qu'il Ine soit
permis d'é~~oqueirci l'exposé d'une opinion dissidente, dont la lecture
fait penser aux périodes arrondies des maîtres brésiliens Freitas Valle
et Clovis Bivalaqua, avec quelque chose de plus alerte dans la phrase.
Cet exposé est un témoignage de l'licureuse influence exercée sur un
grand esprit par l'Œuvre magistrale de François Gény. L'exposédont je
parle est peut-être le dernier que nous ait laissé un juge émérite et
savant qui, à côté de vous, Monsieur le Président, Messieurs de la Cour,
livrait la bataille du droit. En la livrrrl'obscurité envahit ses yeu».
D'autre part, l'espèce appelle l'attention par son caractère excep-
tionnel. Au milieu, au-dessus de tant de discussions sur des textes de
droit, sur des normes coutumières et des principes, il y a - qu'on le
veuille ou non - le drame d'un homme, l'avenir d'une action civique,
une destinée qui se joue, un épisode d'histoire contemporaine qui,
soudain, s'incarne dans un être humain.
Et, de ce fait, surgissent les côtésingrats, les complications, les aspects
difficiles du litige que la Cour est appelée à résoudre. La personnalité de
Le cas de son asileederient par là passionnant.ier, soulève des passions.
M. Haya de la Torre est au Pérou très discuté.La polémique à sou
égard traîne depuis de longues années. On l'aime jusqu'au fanatisme et
on le déteste jusqu'à la haine. Ami du peuple, rédempteur des pauvres,
réformateur, apôtre, pour les uns ; exploiteur des inégalitéséconoiniques
dont pâtit le prolétariat, démagogue,criminel de droit commun passible
des pires chàtiments, pour les autres. Si on lit la presse, les brochures
partisanes, les livres politiques, les études sociologiques parus au Pérou
depuis un quart de siècle, on trouve à chaque ligne les brûlants échos
de cette controverse. C'est un fait que je me borneà constater.
Hors de sa patrie, en Amérique latine, 31. Haya de la Torre est sans
conteste l'un des chefs politiques les plus en vue. Dans chacun de nos PLAIDOIRIE DE M. DE LA VEGA (COLOMBIE) - 16 V 51 153

pays il compte des'partisans idéologiqueset il rencontre de l'opposition
à ses doctrines. Les partis de gauche, en général,sont pour lui; ceux de
droite, à l'ordinaire, critiquent ses programmes. Mais nulle part il n'a
d'ennemis :tout au ulus lui trouve-t-on des adversaires. Tout le monde
Ir~ui1113it1.1Ii: ri-S~)SCIC.
(:oiiiint, fi(I5lerctlt:t di:cet ct;it il'csjirit, pirrtjiit oria fIr:veiiI'ciivi
qiic Ic r;fiir<;,I'iltnil8iii;(I.L.Cult8iiibIICsoit ~iiirciiii:LIIX;iururit<.i
&ruvieun&. Le c:is Haya de la Torre, nous l'avohs souligné,est passioii-
nant. Rien d'étrange en conséqueiiceà ce que les opinions dont je parle
se soient exprimées parfois avec ardeur ou d'un ton dépourvu d'aménité.
On a prétendu (Contre-Mémoire, p. go) que ce plébiscite a étésollicité
et mobilisépar la Colombie,ce qui ne va pas de concert avec la réalité.

Ce n'est pas de notre faute si les manifestations de la,pcnsée améri-
caine sont favorables à la cause de Haya de la Torre. Etant donné le
grand nombre d'articles, d'études et de discours à ce sujet, il était
impossible de les faire connaitre tous. Xous en avons choisi quelques-uns
au hasard pour les joindre à notre écrit du 7 février 1gj1. 13t nous en
avons déposéd'autres au Greffe à titre d'information. Ce faisant, un
grand souci d'impartialité nous animait. Xous avons cherché û\.ec
minutie des articles de presse, des écrits quelconques, défavorables à
Haya de la Torre, en deliors de ceux publiés au Pérou. Nous n'avons
trouvé dans cet ordre d'idées qu'un seul entrefilet dans un journal
colombien. .
Il n'y a que quelques joiirs que nous avons lu un petit nombre d'écrits
émettant une opinion contraire. Réflexion faite, nous avons trouvé

qu'il était superflu de les verser au dossier à la dernière minute.
Notre adversaire nous reproche d'avoir reproduit qnelques-unes de
ces voix américaines en annexe à notre Mémoire. Mais c'était là un
~le\.oir.I.'tgjiininii~>iibliqiiciii61Crn~~ifitrm;itciir dii droit qiiand<,II<.
coiitribuc i I:igt.st:itioii de ses formiil-s posiri\.cs et Iorsr~u'cllenioiitrc :î
la justice le chëmin de ses aspirations.
Le mobile du reproclie est une malice cousue de fil bla?c. On essaie
de faire accroire que nous nous réjouissons du ton acariatre et même
désobligeant de certaines publications, bref, que nous manquons au
«respect de la justice ».C'est enfantin. Et c'est montrer peu d'égards
envers la Cour que de s'efforcer de l'indisposer à notre endroit par de
si pauvres moyens psychologiques.
Mais les avocats du Pérou croient dur comme fer à !'efficacitéd'iine
pareille astuce et, dévoilant leur artifice, sûrs de la réussite, ils s'écrient:

<<Bien plus, on n'a pas hésitéà attaquer la justice internationale elle-
même enla déclarant incapable de comprendre et de juger les problemes
américains (annexe 6) ii(Contre-Mémoire, p. gr). Et l'annexe 6 du
Contre-Mémoire reproduit un càblogramme de S. Exc. hl. Eduardo
Zuleta Angel, ambassadeur de Colombie, dans lequel il affirmeque « le
vote de la Cour internationale de Justice démontre sans aucun doute
que les juristes européens sont absolument incapables de comprendre
nos problèmes américains, pas plus que nos concepts juridiques en
questions internationales n. Je n'épiloguerai pas sur une opinioii person-
nelle de M. l'ambassadeur Ziileta. Je suis certain qu'il croit fermement
à ce qu'exprime le message que je viens de lire. A l'époque,je lui et1
avais parlé, le journal publiant la dépêcheà la main. J'ai pu coiistater

alors qu'il s'agissait d'un iriessage strictement privé, rédigécriespagnol,
adressé a un journaliste de ses aniis, qui l'avait publié. J'ai constaté de154 PL.4IDOIRIE DE Il.DE LA VEGA (COLOYBIE) - 16 V jI

plus que la traduction du journal respectait le fond de la penske mais
non pas la rédaction.
Le télégrammeétaitconçu en termes trèsfamiliers. Si on l'avait rendu
public, tel quel, les avocats du Pérou auraierit fait un bel esclaiidre!Et
la Cour aiirait souri, et uour cause.
J'ai tenu à faire comprendre à Ines illustres aclversaires dans ce procès
que leur tentative d'indisposition n'est pas de nature à aboutir et ciu'ils
feraient fausse route s'il; comptaient sur une prévention de la cour
contre la Colombie. II serait plus prudent de se fier à la force des argu-
ments plutôt qu'à une animosité mal à propos.
Dans cette ambiance, la tenue des débats n'aurait qu'à y gagner ....

1
Les faits du litige étant connus, je ne les évoquerai qu'en raccourci :
Le 3 octobre 1948, une rébellionfut répriméeau I'érou.Parmi beau-
coup d'autres persoiines, on poursuivit M. Victor Raul Haya de IciTorre
comme auteur intellectuel de la mutinerie avortée.Quelques jours après,
le 27 octobre, nouveau coup d'Etat. Une junte militaire s'empara de la
totalité du pouvoir.
Le 3 janvier 1949, l'ambassade de Colombie à Lima accorda asile
à hl. Haya de la Torre et demanda pour lui au ministre des Relations
extérieures du Pérou un sauf-coiiduit, sans toutefois i'obteiiir. Raison
du refus : «I'asiléiaurait étél'instigateur d'un crime de droit commun,
c'est-à-dire de la révolte manquéecontre le régimemêmeque le gouver-
nement de iactorelusant le sauf-coiiduit avait. lui. renversé.
CIIL.~IISCII~Sp IritIIcorps ciloisiiu Icmg(I'ii.orrcspt>iiiliiiiceclipIoma-
ti([i~cl'oiir I.LCulunibie, H:iya de Ici'l'orr,:.ii'étrint~)ours.ii\.ique poiir
rGbcllion~iiilit:~ircilit 1;sori~li[iuiid'un i>i;\<:iiuuuliti~.t. cil consc-
queiice, elle était fondéeà demander pour lui uii sauf-con'duit,Conformé-
ment à la Convention de La Hayane du 20 février 1928. En outre, la
Colombie invoquait, en tant qu'Etat accordaiit l'asile, ledroit de déter-
miner la nature du délit faisant l'objet du débat. Selon cette tlièse,la
Colombie ayant qualifié Haya de la Torre de délinquant politique, le
Péroun'avait pas à contester cette qualification et se trouvait en demeure
de permettre la sortie du réfugié.Aux yeux du Pérou, M.Haya de la
Torre n'étant qu'un criminel de droit commun, il n'y avait-pas lieu de lui
délivrerde sauf-coiiduit. D'autre Dart. selon cette thèse. I'Etat de refuae

délitaue le réfueiéavait uu commettre. On-ne trouve tiace. dans cette
corre<pondance ?liplomatijue, d'aucun autre sujet de contrbverse.
Faute d'accord, on décida parl'Acte de Lima de sovmettre le différend
existant à la Cour iriternatioiiale de Justice. Celle-ci rendit un arrét le
20 novembre ~gjo, dont voici l'essentiel :

a) La Colombie n'a pas de droit unilatéral pour qualifier la iiaiure dii
délit,parce qu'à défautde règlecontraire il doit étrereconnu des droits
de qualification égaux à chacun des Etats ;
b) le Pérou n'est pas obligéde délivrerde sauf-conduit à AI.Haya de
la Torre, premièrement, parce que L'Etat accordant l'asile ne peut,
d'après la Convention de La Havane, solliciter valablement de sauf-
conduit que si I'Etat territorial exige d'abord le départ du réfugié,et
deuxièmement, parce qu'il n'existe pas de danger pour Haya de la Torre
constituant un cas d'urgence, condition quela Convention de La Havane PLAlDOlRlE DE ai. DE LA VEGA (COLO.\IBIE ) 16 v 51 Ijj

exige pour que 1'Etat accordant l'asile soit fondé à demander un sauf-
conduit ;
C) la Colombie n'a pas violé la Convention de La Havane dans la
mesure où celle-ci interdit de donner asile aux personnes accusées ou
condamnées pour délits de droit commun, parce que ce <(grief adressé
à l'asile par le Gouvernement du Pérou n'est pas justifié ii:
d) l'octroi de l'asile à Haya de la Torre n'a pas étéfait en conformité
de l'article z, paragraphe z, de la Convention de La Havane, c'est-à-dire
que l'asile n'a pas étéaccordédans un cas d'urgence.

La Colombie demaiida une iiiterprétation de l'arrêt, et ce recours fut
déclaréirrecevable, le 27 novembre 1950. D'après le? arrêtsdu zo et du
2 7novembre, la question de la remise du réfugiéaux autorités péru\ r'ennes
iie fit l'objet d'aucune décision. Le gouvernemeiit de Lima s'adressa au
Gouvernement de la Colombie en exigeant de lui la remise de Haya de
la Torre, comme uiii<lue moyen d'exécuter l'arrêt du 20 novembre.
La Colombie repoussa cette prétention ; elle demande aujourd'hui
à la Cour de bien vouloir dire comment doit étre exécutél'arrét du
zo novembre, et notamment de juger que la Colombie n'est peu obligée,
en exécution de la senteiice, de remettre Haya de la Torre aux autorités

péruviennes ....
II
Quant au premier point de notre demande principrile, en priant la
Cour de déterminer la maniére dont doit êtreexécutépar les deux pays

l'arrêt du zo novembre, mon gouvernement s'en remet entièrement
à votre sagesse. Ce que Ir1Cour dira de faire, il le fera. Sous espéronsque
le Pérou agira de même ....
Etant donné que le I'érou a prétendu que, comme conclusion indis-
cutable de l'arrét, pour mettre fin à l'asile deII.Haya de la Torre, il ne
reste autre chose uue la remise du réfugié.nous vous urions de bien

vouloir vous pronincer sur cette pr&teniion péruvienne'en l'écartan',
c'est-à-dire en disant, comme nous l'avons demandé, que la Colombie
n'est pas obligée, enesécution$e l'arrêtdu zo novembie, de remettre
II. Haya de la Torre aux autorités péruviennes. Et ce, pour une raison
très simple: parce que la sentence du 20 novembre, loin d'ordonner une
remise du réfugié,n'a aucunement statué sur elle et ne pouvait le faire.
La Cour n'ayant pas étésaisie de cette question précise ne pouvait y
apporter de solutioii. La prétendue obligation de remettre le réfugié
étant restée en dehors des débats, est restée par là mêmeen dehors de
i'arrtt. Prétendre que celui-ci comporte, par voie de conséquence, ou de
résultat, ou de conclusion indiscutable, l'oblisation de remettre II. Haya
d-~la Torre. c'est aller à l'encontre de l'acte au'ori invouue. car son

exécution nésaurait eii aucun cas dépasser les iimites de 'l'arrêttelles
uue les avaient tracees d'avance les conclusions des Parties ....
- 11 g a un point que je ne saurais passe! sous silence. Après avoir
esigéla remise de l'accusécomme seul et unique moyen d'exéciiterl'arrêt
du 20 novembre, ce qui, nous venons de le voir, est en contradiction avec
la décision invoquke, le Pérou change subitement de tactique et, dans
son Contre-bfémoire du 15 mars 19j1 (p. gj, ii~ fine),suggère qu'une
autre façon d'exécuter l'arrét consisterait à chasser M. Haya de la Torre
de l'ambassade de Colombie afin que les autorités péruviennes s'assureiit
de sa personne. Jeter RI.Haya de la Torre, un pr6venu pclitique, un
homme dont le sort d4penil de l'application idela loi internationale et de
la décisiondu plus haut tribunal de l'univers, le jeter comme cela, tout1j6 PLAIDOIRIE DE II. DE LA VEGA (COLOMBIE) - 16 V 51

simplenient, à la rue, dans les circonstances que l'on connaît, est-il
possible de songer à un dénouement moins juridique du grave problènie
au'on s'évertue à résoudre deunis des mois et des mois? Teuose la oues-
tion ?+laCour. Qu'il me soit de dire qu'une telle su6geStion s'appa-
rente au geste symbolique qui consiste devant certaines responsabilités
lourdes à« s'en iaver lei mains »,
lout cr illie lc \.i,:iis CI<i,ap1ritetcllciiii.iit ;Iliiiïiittlric 1,.ni'vn
vo11~1r.ti(IV t.Ir~iiirl,.~>IIIai11p1t.s~I~.~~~lo~~~~~~ ~I~~..;III:III, <lui
~I;nioiitrei.t'.;:.ti;t.iiiiiotrc ~1cni;ii.dvriii:ii~nlï~t 111ririi,il.nt ic,n,let:
en droit car, ne l'oubl~onspas, elle est e>drêm&ent simple et se borne à

demander à la Cour de dire, en exercic.e de la compétence spécialeque
lui confère le paragraphe unique de l'article 7 du Protocole de Rio-de-
,Janeiro :I' comment doit êtreexécutél'arrêtdu 20 novembre ; z0 que
la Colombie n'est pas obligée, en exécution dudit arrêt, de remettre
l'asiléau P&rou ....
III

hlessieurs. Dour finir ma ulaidoirie. ie n'aurai ou'&étudier maiiltenant
la troisièmechnclusion du ~hntre-Mémoire par l'agent du Pérou.
le 15 mars 1051. La Cour, dans l'exercice de la compétence spéciale
reconnue par i'alinéa z, paragraphe unique, de l'article 7 du ~rÔtocole
de Rio-de-Janeiro, statuera sans doute sur les deux points contenus dans
notre demande principale. Je pourrai donc m'abstenir de démontrer
le bien-fondé de la demande subsidiaire. Toutefois, il convient. pour
mieux se faire une idéed'ensemble du procès, de rappeler que, coriformé-
ment au droit international américain, il ne saurait exister d'obligation

à la cliaree de 1'Etat de refuee de remettre au eouvernement territorial
un simple accusé de délit p8ïitique. A l'existence d'une telle obligation
s'opposent en effet deux conventions conclues à La Havane en 1~28, ainsi
quela coutume et un principe génkralde droit.
Le traité de La Havane sur l'asile autorise l'octroi de celui-ci aux
accusésou condamnés pour délits politiques et interdit de l'accorder aux
criminels de droit commun. C'est la distinction maîtresse qui est à la
base de l'instrument cité. 11pose d'autres conditions encore, à savoir :
qu'il est nécessaire que le réfugié coureun danger et qu'il faut que le
eouvernement local soit immédiatement mis au courant de l'asile. Cette
protection ne doit pas se prolonger indéfiniment mais, au contraire,

finir aussi rapidement que possible. La Convention de La Havane pré-
voit deux moyens d'y mettre un terme, c'est-à-dire ou bien par les Gins
du gouvernement territorial,ou bien par le fait du fonctionnaire qui
l'accorde.
Dans le premier cas et si toutes les conditions ont étéremplies, le
gouvernement local délivre un sauf-conduit pour que le réfugiéquitte
son pays. Remarquons que, comme il ressort de I'interprPtation qui, sur
ce point spécial, a étédonnéepar l'arrêtdu 20 novembre,ledit gouverne-
ment peut refuser le sauf-conduit s'il ne désire pas que le réfugiésoit
mis hors de son territoire.
Dans le deuxième cas, c'est-à-dire lorsque la cessation de l'asile dépend

du fonctionnaire qui l'a octroyé, la Convention de la Havane prescrit au
paragraphe z de son article premier : o les personnes accusées ou coudam-
nées pour délits communs qui se réfugient dansl'un des endroits signalés
dans le paragraphe précédentdevront être rcmises aussitôt que l'exigera
le gouvernement local II.Cette disposition a étéreproduite par les mêmes
plénipotentiaires qui ont signé cette convention dans celle conclue au PLAIDOIRIE DE >I. DE L.4 VEG.4 (COLO>IBIE) - 16 1'51 Ijj
cours de la mêmeConférencede La Havane relative aux fonctionnaires
diplomatiques. Dans ce dernier traité, il est dit à l'article 17 : nLes

agents diplomatiques sont obligésde remettre à l'autorité locale compé-
tente qui le demanderait, les personnes accusées ou condamnées pour
délits de droit commun réfugiéesau siège de la mission. n
En résumé,les traités en vigueur entre les Parties ne prévoient que
deux moyens de cessation de l'asile : le sauf-conduit et la remise de
l'accusé ou condamné pour délits de droit commun.
Et chacun de ces procédésa sa réglementation propre : l'arrêt du
20 novembre trace celle concernant le sauf-conduit. Pour qii'iin diplo-
mate soit fondé à le demaiider, il faut 1' que la personne qui doit en
bénéficiersoit un accusé oucondamné pour délits politiques et lion pour

crimes de droit commun ; zo qu'il y ait urgence ; 3" que le Gouvernement
local exige, en premier lieu et en vertu d'une faculté discrétionnaire.
que le réfugiésoit mis hors de son territoire. Si l'ensemble de ces condi-
tions ou l'une d'elles fait (léfaiit,le gouvernement territorial est en droit
de refuser le sauf-coiiduit. Telle est la sanction qui assiire l'efficacitédes
conditions sus-énoncées.
La réelementation concernant la cessation de l'asile Dar la remise du
réfugiéest établie de façon expresse et par la ConventiÔn de LaHavane
sur l'asile et par le traité de La Havane sur les fonctionnaires diploma-
tiques : les aiciisés ou condamnés pour délits dedroit commun auxquels
aurait étéaccordé l'asile doiverit êtreremis à l'autorité locale aussitôt

qu'elle l'exige. Telle est la sanction qui assure efficacité h l'interdiction
de donner asile aux criminels dc droit commun.
.\l.,ii cetrS:LIII:~~C(Ic dr01l strict. <rliit;:Ldeux rt'lilISCS<;t1)ri,s1iic
siiiiiiitnil~iileiit 1X.r It?s lilïiiiei iillteiltlirf, ilc 1)eut j':i~~p~it~ller
<iu';.ii\-t.:ii \.iii:ielle :i ct:us tics criniiiicls <Icdioit it,iiiiiiiiii c,sclii-
Gvement et jainâis aux simples poursuivis pour un &lit politique. La
Cour ne saurait, en présence du précepte dont je viens de faire état,
iialler chercher ailleurs des. complications pour le restreindre ou pour
l'étendre" (Vattel, livre II, chap. 16, p. 263), selon une règle d'inter-
prétation que le Coritre-Mémoire de 1gj1 cite à sa page 100, avec ces
deux autres que je prerids la liberté de glaner également daiis le docu-

ment péruvien : i1.e devoir de la Cour est nettement tracé. l'lacéeen
présence d'un teste dont la clarténe laisse rien à désirer, elle est tenue
de l'appliquer tel qu'il est, saris qu'elle ait à se demaiider si d'autres
dispositions auraierit pu être ajoutées ou substituées avec avantage. »
(Avis consultatif du 15 septembre 1923: Série AIR, no 17, p. 20.) Et :
cToute rèele doit êtretrise Dour ce ou'elle contient réellcmcnt sans
en étendreou en restreindre ie sens, &me si le contenu réel de la
nonne peut sembler h l'interprète ou restreint ou trop.larg.. 1(Anzilotti,
p. 113,-traduction Gidel.)
Par le jeu de ces principes élémentaires, il est impossible que la norme
ordonnant la remise des accusés ou condamnés pour crimes de droit

commun soit avvliouée à iin vrévenu volitiaue. Comme le dit l'arrêtdu

..
à-dire une violation ....1j8 PLAIDOIRIE IIE 11. DE LA \'EGA (COI.OI\IBIB) - 16 7'51
La ~ratique constante de l'asile en Amériquelatine s'accorde de point

ne peut êtreremis aux autorités de son pays. C'est une interprétation
unanime de la Convention de La Havane qui corifirme la lettre de celle-ci
en l'éclairaiit. En conséquence, elle s'impose à tout juge de droit. I ous
avons porté à la connaissance de la Cour des centaines de cas d'asile
survenus en Amériquelatine (voir notamment la listefigurant aux pp. 47 '
et suivantes de la Réplique colombienne d'avril 1950). Jamais, pas une
seule fois, un accusé ou condamné pour délit politique n'a étéremis ....
Un comportement toujours réitéré,avant et après la Conveiition de
La Havane, aussi bien par les pays qui l'ont signée et ratifiée que par

les Etats qui n'y sont point parties, démontre qu'il s'est produit un
accord général de l'opinion latino-américaine sur la non-remise des
réfugiés politiques. Autrement dit, pour reprendre la dénomination
employée par la Cour permanente de Justice internationale dans son
arrêtdu Lotus, il s'est forméune coutume négative. En Amérique latine,
comme le dit le savant professeur Marcel Sibert, il existe une abstention
coutumière de restituer, en aucun état de cause, les asilés politiques »
(voir notre blémoire, février ~gjr, p. 56).Cette abstention constitue une
coutume par excellence, car elle est observée en accord avec la Conven-
tion de La Havane Rcomme étant le droit 1)(article 38b, Statut) ....
Ce ne sont pas seulement les deux premières sources du droit inter-

national, énuméréespar l'article 38 du Statut de la Cour, qui nous
amènent à la conclusion qu'il n'existe pas d'obligation, en Amérique
latine, de remettre les réfugiés politiques aux autorités de leur pays.
L'application des c principes générauxde droit reconnus par les nations
civilisées» conduit au même résultat dans le cas concret faisant la
'matière du litige. Un de ces principes est celui de la séparation des
pouvoirs dans l'organisation des Etats. Or, le Gouveriiement di1 Pérou,
c'est-à-dire le pouvoir exécutif,n'a aucun droit d'exiger la remise de Haya
de la Torre, ce qu'il a néanmoins fait auprès du Gouvernement de la
Colombie et ce qu'il fait devant la Cour. Etudiant cette question, un
juriste péruvien écrit: La Cour navale - ou le pouvoir judiciaire du

Pérou à ce moment - ne demanda jamais la remise de Haya de la
Torre. Que le gouvernement le fasse de son propre chef, saris ordre
judiciaire, cela signifie que le pouvoir exécutif dépasse ses fonctions,
et prouve son intervention dans les actions des juges du Pérou, qui
n'ont pas sollicité la remise ou l'extradition de Haya de la Torre. »
(Mém0ire.p. 692.)C'est un avocat péruvien qui met en lumière, clansune
étude pénétrante,cet aspect du probl&me. Le principe de la séparation
des pouvoirs est à la base de l'organisation des Etats. La Constitution du
Pérou, aussi bien que la Constitution colombienne le consacrent expres-
sément. C'est un «principe généralde droit » au sens de l'article 38 c)

du Statut de la Cour internationale. On le violerait si l'on reconnaissait
au gouvernement de Lima la compétence pour exiger la remise de Haya
de la Torre au mépris des attributions des tribunaux du Pérou. A tout
droit correspond un devoir. Le gouvernement de Lima n'ayant pas
le droit d'exiger la remise de Haya de la Torre, la Colombie ne saurait
êtretenue d'acquiescer à une exigence aussi dénuée de source juridique.

Voir Mémoires, Plaidoirieset Docz'ments. - Affaire du droit d'asilevol.1,
pp. 338 et ss.
Non reproduite. [Note du Gvefier.] PLAIDOIRIE DE .II. DE LA VEGA (COLO~IBIE) - 16 V 51 159

Puisque ni la loi internationale, ni la coutume, ni un principe général
du droit ne souffrent qu'un réfugiéstrictement politique soi' li\rréaux
autorités locales, la Cour, en vertu des directives de son Statut, ne
saurait que déclarer que le Gouvernement colombieii ii'est pas obligé
de remettre Haya de la Torre. Ce qui se produirait si, d'nventure,et
en exercice de sa compétence ordinaire (Protocole de Rio, article 7,
alinéa premier), la Cour décidait de se prononcer sur notre demande
subsidiaire.

En prévision d'une décision dans ce sens, les avocats du Pérou ont
esquisséun moyen de l'éluder.Ils affirment, avec timidité il est vrai, que
selon l'arrêt du 20 novembre. Hava de la Torre n'a Das été rocl lamé
délinquant politique et que la'cou;s8est bornéeà dire gu'oii n',;\.ait pas
vrouvé au'il fût un crimiiiel de droit commun. Cette obiection a été
Îéfutéed'avance et iine fois pour toutes dans une étude approfondie sur
l'affaire en cours, de la main de hI. le professeur Sibert (Mémoire,pp. 47
et suivantes). Je ne reviendrai pas là-dessus. Je remarquerai, en revanche,
ou'un armiment oareil. manié Dar les avocats ~éruviens. est une arme

à' doubleutranchak. '
Supposons que l'on puisse faire fi de l'autorité de la chose jugée en
disant: ouand un tribunal international reiette une demande faute
il= l.rt-~~\.~,\,%c.ci~iiteiiirii'unt tt:lic <iciiidii<irpciir ;Ire dGbnitrinuvctiii
Ji:\niit I:iiiiCiiivjiiri(1icriui:inil (I'ubttiiiruiit. <I;cisioiicoiitrnirc. Si tel
C,t.tit Ircas, (LI!potlrr.,it :ti~~sprier I;I(Iour (1,.SC ~~r~~iini~:ci~ur]t~i~i~~'Ilill
>tir l:,LIII<.;~I i,l<; iwir ji I'octr<,i(1,l'~t:ilt l.1.t~:(IV1.t'I'%>r r:L,I~f..it
,.ILcuiiforiiiir<.<ILl'.jrI:c2,~Jti l:iC ,iiv<.iiti\Ir 1., ll:~v~liicj.:r;ipllr,rt:iiir
.-
a la condition de I'iirgeiice.
En effet, les deux citiiations sont corrélatives.
Examinant le grief adressé quant à l'asile par le gouvernement de
Lima, sous prétexte que Haya de la Torre était un criminel de droit
commun, l'arrêt du 20 novembre,dit : u La preuve que Haya de la Torre
a été,préalablement à l'asile, accusé ou condamné pour délit de droit
commun, incombe au Pérou. » La Cour, constatant ensuite, entreautres
raisons, que ladite preuve n'avait pas étéfaite (p. 281 1). en arrive'à la

conclusion « que sur ce point la demande recon\~entioniielle est mal
fondée et doit étre rejetée n. Quant au grief relatif à la condition de
I'urgence, l'arrêt du zo novembre dit : ic'est au Gouvernement dc la
Colombie qu'il appartenait de faire la preuve des élémentsde fait qui
répondent à la condition ainsi énoncée o, et constatant ensuite que la
preuve n'en avait pas étéadministrée, la Cour déclara que l'octroi de
l'asile n'avait pas étéfait en conformité de l'article 2, paragraphe z, de
la Corivention de La Havane.
Si le Pérou était fondé à méconnaître le caractère politique 'de l'acte

qu'on reproche à Haya de la Torre, il serait forcépar là de ne plus se
orevaloir des alléeations ou'il o ré tend tirer de l'arrêt du 20 novembre.
dans la mesure O; il dit Ge l'octroi de l'asile n'a pasété faiteii confor-
mitéde la condition de l'urgence dont parle la Coiivention de La Havane.
Il ne resterait n.s er.,z-chose de Îadite sentence et il rieresterait rien
<Ir:In noii\.clle dcrn;iiidc. introdiiitc à titre iiibiiili:iire ilniis ln coiiclii-
sion 11"Ill (lit Cuiitrc-.!ll'moirc de ir)jr, I3iliirllc prércnd ]ustemt:iit s'ai>-
i,iivr.r FiIiiiit?f<iiisieinreriir6tntioii dc l;i d;'ilnrïtioii dt:ki Coiir sur 1;i

non-conformité de l'asile a;ec la condition de l'urgence ....

1 Voir Recueil der Arrdfs, Avis ~onsi<lfafi/set Ovdonnances 1950 IV
Cette troisième conclusion du Contre-hlémoire prie la Cour, au cas
où celle-ci ne statuerait pas sur la manière dont doit étreexécuté par
la Colombie l'arrêtdu 20 novembre 1950 n. de dire cque I'asile octroyé au
sieur Haya de la Torre, le 3 janvier 1949, et maintenu depuis lors, ayant
étéjugécontraire à l'article 2,paragraphe z, du traité de La Havane de
1928, aurait dû cesser immédiatement après le proiioricéde l'arrêtdu

20 novembre 1950, et doit en tout cas cesser désormais sans délai, afin
que la justice péruvienne puisse reprendre le cours suspendu de son
exercice normal n.
Personne ne prétend que l'asile de Haya de la Torre ne doive cesser.
La Colombie la première en a demandé la cessation dès son octroi. En
priant la Cour de dire comment doit êtreexécutél'arrêtdu 20 novembre,
nous souhaitons qu'en l'exercice de sa compétence spéciale (article 7,
alinéa 2, paragraphe unique, Protocole de Rio-de-Janeiro), elle indique

un moyen juridique d'exécuter le contenii précis de l'arrêt,moyen qui
ait pour but eii mêmetemps de mettre un terme au refuge de Haya de
la Torre. hloyeii juridique, disons-nous, et iion pas une remise illégale,
moins encore un expédient bizarre, illicite, comme le serait celui d'expul-
ser Haya de la Torre de l'ambassade de Colombie, un moyen juridique
qui soit marqué du sceau de la responsabilité et q~ii,tirant son origine
d'une décision de la Cour internationale de Justice, incarne forcément
l'application, soit d'une norme de droit écrit, soit d'une coutume, soit
d'un principe géiiéralde droit admis et par la Coloinbie et par le Pérou,

soit encore d'une règle jurispmdentielle bien établie, selon les exigences
inéluctables du Statut de la Cour. (Article 38, a, b, c, d.)
Ne jouons pas sur les mots. L'asile, bien eiitendu, ne doit pas se
perpétuer, parce que, de par sa nature, il est temporaire, caractère que
lui a très nettement reconnu la Convention de La Havane. hlais de là
à soutenir que dans le cas de Haya de la 'rorre l'asile doit finir par la.
remise de ce dernier ou par son expulsion de l'ambassade il y a loin.
La remise. répétoiis-le,ainsi que l'expulsion seraient illicites parce que

contraires au droit des gens (traités, coutumes, principes généraux), et^
parce que de semblables prestations ne pouvaient pas faire, iii n'ont
d'ailleurs fait l'objet d'aucune décision juridictionnelle ....
Pour prouver cette dernière assertion, il suffit de transcrire l'argument
principal exposé par le Pérou dans le but d'étayer sa prétention à la
remise de Haya (le l;i Torre : «le dispositif <-le1':irri.t du zo novembre
porte que l'asile est contraire à l'article z, paragraphe 2, du trüité de.
La Havane de 1928, qu'il constitue par conséqueiitun acte nul dans son
origine et qui, par sa prolongation, est de nature à devenir un acte:illicite.

La Colombie est dans l'obligation juridique de le faire cesser, et son
inaction depuis la date de l'arrêt comportant cette obligation serait
susceptible de donner lieu à des réparatioiis correspondant au préjudice
qui lui est causé » (Contre-&lémoire1gj1, p. 99). Rien de pareil ii'est dit
dans l'arrêtdu 20 novenibre. dont le texte et la portéesoiit bien différents.
11est vrai que la sentence du 20 novembre porte que l'asile n'a pas.
étéaccordéeii conformité de la condition relative à I'ur~ence dont parle

ditiins, à deinaiider un sauf-conduit n(arrêtdu 20 novembre, p. 278').
1Voir Ileci'cdes Avréls, Avis consi6ltafiel Ordo>lnancer1950. PL.AIDOIRIE DE 11. IIE LA VEGA'(COLO>~BIE -) 16 V j1 161

Conformément au Traité de La Havane, l'État de refuae est fon-é.
sous ci~rt.~iiiécsoii~lirioiis. p:irini I~:s~~iicllclsigiire celle iIc 1':ir;ince.
dr.iiian<lrr un siuf-cuiidiiii. Si lailire con(litidii ~ICfniil,1'l:iniaccor-
il;inr I':iiilr nc iicut iI~.in:inJerdc sniif-coii<luir.;iutrcin~ilii'cstiiliij
en mesure d2e<ercerun droit qui lui était réconnuen principe, mais d'une
manière conditionnelle.
C'est tout et c'cst beaucoup. Le mécaiiismebien connu, le plus efficace
qui so,it des droits conditionnels, opère ici à plein. La Colombie, comme
tout Etat de refuge, jouissait d'un droit à demander un sauf-conduit.
Mais, vu que, d'après l'arrêt,elle n'a pas démontrél'une des conditions
nécessaires à l'exercice du droit mentionné, elle n'a qu'à s'incliner. Elle
ne peut plus l'exercer valablement. Elle ne peut plus demander de sauf-
conduit. C'est une conséquence, d'ailleurs bien sévère, de l'arrêt du
20 novembre, relativement à la Colombie. >lais de là à prétendre qu'elle

doit par surcroit remettre l'accusé politique Haya de la Torre aux auto-
rités de Lima ou l'expulser de son ambassade - prestations illégaless'il
en est - il y a un abîme infranchissable. Il y a là toute la différencequi
s'étend d'un faitou d'une abstention imposéepar les droits à uiie conduite
ouvertement illicite. La Colombie n'a donc accompli aucun acte contraire
à l'arrêtdu 20 novembre. Cet arrêt,elle l'a exécuté ....
Le Pérou, puisque nous y sommes, pourrait-il en dire autant ? Notre
adversaire, dans l'affaire sur le droit d'asile, a étédéboutéd'une de ses
demandes, de la demande l;i plus importante du procés, car elle fit le
seul objet de la discussioii directe entre les deux gouvernements, c'est-
à-dire de la demande concernant la nature de l'acte reproché à Haya
de la Torre. La Cour, je m'excuse d'y revenir, a considérél'nasilé »
comme un délinquant politique et sur ce point primordial elle a rejeté
la demande péruvienne. En présence d'un tel résultat - Haya de la
Torre délinquant politique - le Pérou n'avait qu'à s'incliner, qu'à ne
pas exiger pour le réfugiéde traitement exclusivement réservé, dans
le droit de l'Amérique latine, et en particulier par In Convention de
La Havane, aux criminels de droit commun.
Supposons que le Gouvernement du Pérou, dans l'offuscation si pas-
sionnéequ'il a témoignée,ait oubliéque la Cour avait déclaréexpressé-
ment que la Convention de La Havane, seul instrument applicable,
n'ordonne la restitutioii des réfugiésque lorsqu'il s'agit de criminels de
droit commun, et que la remise de Haya de la Torre n'a nullcment été

ordonnée. Mais il est incoiicevable que le Pérou, si égaréfût-il, ait oublié
en outre que la Cour avait tenu Haya de la Torre pour un délinquant
~olitiaue et au.. ..r conséauent. il ne pouvait Das lui être remis. au
inépri; du droit internationai améiicain ei du droii tout court, au mépris
de la chose ,u-ée. C'est uourtant ce aue le Pérou a fait et ce qu'il con-
tinue de faire, violant ainsi l'arrêt du zo novembre.
Pour déguiser cette conduite, on trouve assez habile, de l'autre côté
de la barre, d'invoquer à tort et à travers le paragraphe 2 de l'article 2
de la Convention de La Havane. uaraera~he oui. nous le savons. a trait
à l'urgence considérée comme condition -. à la demande de sauf-

.-~~~~~. Si la Colombie sollicitait auiourd'hui un sauf-conduit comme
moyen de faire cesser l'asile, la citation du paragraphe 2 serait perti-
nente. L'asile n'ayant pas étéaccordé en conformité de la disposition
mentionnée, ce manque d'accord prive la Colombie du droit d'exiger
ccles garanties nécessaires pour que le réfugiésorte du pays ». Mais le162 PLAIDOIRIE DE 31. DE L:A VEGA (COLOIIBIE) - 16 v 51

gouvernement de Bogota n'ayant rien entrepris de semblable après
l'arrêt, l'allégation que j'examine tombe d'elle-même.
Soutenir de façon absolue que tout manque de rapport, si minime
soit-il. entre la Convention de La Havane et le fait de l'asile, entraine
la nullité de celui-ci et engendre l'obligation deremettre le réfugié,c'est
aller à l'encontre et <lela convention et de l'arrêt du 20 ri<ivembre.
Rappelons, par exemple, que le traité de La Havane ordonne que
l'octroi de I'asile soit eimmkiiatement » porté à la connaissance de
l'autoritélocale. Si un agent diplomatique, dans un cas d'asile <L'ailleurs
parfaitement accordé, laisse s'écoulerdeux ou trois jours entre L'octroi
du refuge et sa communication au gouvernement territorial, l'asile, à
cause de cette infraction, deviendrait-il inefficace ? Le représentant
diplomatique serait-il dans la iiécessitéde remettre le réfugiéentre les
mains du couvernement de son Davs? Voilà une hv~othhe de réalisation
facile,à laquelle on ne ~aurait'ada~ter la thèse <;étroite soutenue par
les avocats du Pérou.
La Convention de La Havane ne constitue pas un code [lelois ~arfaites
ou plus que parfaites comportant autant de <ourcesde nullité, de peines
011 de sanctions, en deliors des articles très efficacesrelatifsau droit de
demander un sauf-conduit et à l'obligation de remettre les criminels de
droit commun, articles déjà étudiés.Nous venons d'exposer une hypo-
thése qui, à n'en pas douter, exige l'interprétation souple d'un texte
d'une rédaction pourtant rigide. La convention elle-même,ses disposi-
tions, ses articles, alinéas et paragraphes se neutralisent parfoisde façon
curieuse. En voici un exemple : un asile est accordéavec une applica-
tion jalouse, minutieuse, du moindre détail du traité de La Havane.
Le réfugieest indiscutablement un accuse politique ;le danger, l'urgence
sont extrêmeset crèvent les yeux ; l'agent diplomatique, sans perdre une
seconde, fait part de l'asile à l'autorité locale; il demande un sauf-
conduit. Rien ne manque au respect intégral, par le menu, de la conven-
tion. Eh bien, le gouvernement refuse le sauf-conduit, en disant qu'il

ne veut pas que son ressortissant quitte le pays. A l'appui de son refus,
il cite l'article troisièmcmeiit, du pacte de La Havane. Par le jeu de ce
texte, toutes les autres dispositions du traité peuvent devenir lettre-
morte. Cetteinterprétation est correcte. Elle n'est pas contestable après
le prononcéde L'arretdu 20 novembre, aux termes duquel I,cette dis-
position peut seulement signifier que I'Etat territorial pourra exiger,que
le réfugiésoit mis hors du pays et que ce n'est que par apres que I'Etat
accordant l'asile peut exiger les garanties nécessaires comme condition
de cette mise hors du territoire. En d'autres termes, cette disposition
donne à 1'Etat territorial l'option de demander le départ du réfugié,
cet Etat n'étant tenu d'accorder uii sauf-conduit qu'après avoir exercé
ladite option. I)
Cette élasticité,cette souplesse, caractéristiques de l'iristrument de
1928. appellent une-remarque qui concerne la IIInlï conclusion péru-
vienne sur la cessation de l'asile accordé à Haya de la Torre.
Le régimeinstitué Darla Coiivention de La Havane offre. comme nous
I'~\~oiis~~oulign:i.ylÙjicurs rcprisrs, dtiis pr0ri:iIi.s puur la ct.s5atioii <Ic
l'asile. D';ihord, celui du sauf-con<l,iitxvrc soiiniissi:iin:iiiitcs ioi~di-
tions pour solliciter ce dernier. Ce procédé,qui est le procédénonpal,
peut devenir inopérant par la seule volonté, par un caprice de 1'Etat
territorial. Puis, second moyen, la cessation de l'asile par la remise
immédiate des réfugiés accuséo su condamnés pour crime de droit com-mun. Ce dernier procédéest pleinement efficace, il ne souffre point
d'exception. D'après cette économie convcntionnelle, cette alternance.

de prestations et de devoirs en contrepartie, 1'Etat territorial est placé
dans une situation avantageuse par rapport à 1'Etat de refuge. II serait
par conséquent tout à fait contraire à l'équité,tout a fait à rebours de
la technique contractuelle d'accentucr davantage ce déséquilibre, ce
de,faut d'équivalence en aggravant la situation déjà défavorable de
1'Etat qui accorde l'asile. Et c'est ce qu'on ferait si on lui imposait une
nouvelle obligation, non établie par le traité de La Havane, comme le
serait celle de remettre les prévenus politiques et non pas seulement les
accusésou condamnés pour crime de droit commun. C'est à ce résultat
inique que nous conduirait la prétention péruvienne relative à la remise
de Haya de la Torre ....
Xous ne manquons pas d'arguments pour pousser plus à fond l'analyse

de cette conclusion n" III sur la cessation de l'asile. >lais à quoi bon
insister davantage puisque celle-ci, selon ses propres termes, n'est
destinée à êtreexaminée qu'au cas où la Cour ne statuerait pas sur le
point de savoir «de quelle manière doit êtreexécutépar la Colombie
l'arrêt du 20 novembre 1950 n. question que la Cour tranchera en se
prononçant sur les demandes principales et de la Colombie et du Pérou.
Ayant étudié chacune des questions que ce procès comporte, il ne me
reste qu'à prier la Cour de se prononcer sur les conclusions déposéespar
les Parties, de la façon suivante :

Sur les conclusions de la Colombie :
Dire de quelle manière doit êtreexécutépar la Colombie et par

le Pérou l'arrêtdu zo novembre 1950 et, en plus, dire et juger que
la Colombie n'est pas obligée,en exécution dudit arrêtdu 20 novem-
bre 1950, de remettre M. Victor Raul Haya de la Torre auxautorités
péruviennes.

Au cas où la Cour ne statuerait pas sur la conclusion précédente,
qu'il lui plaise de dire et juger, en exercice de sa compétence ordi-
naire, que la Colombie n'est pas obligée de remettre l'accusé politique,'
JI. Victor Raiil Haya de la Torre, aux autorités péruviennes.

Sur la conclusion no 1 du Contre-Mémoire du Pérou, daté du
1j mars ~gjr :
Déclarer de quelle manière doit être exécutépar la Colombie
l'arrêtdu 20 novembre ~gjo, au moment de dire, conformément au
premier point de notre demande principale, «de quelle manière
doit étre exécutépar la Colombie et par le Pérou l'arrêt du 20
novembre ~gjo ».

Sur la conclusion no II du même Contre-Mémoire:

La rejeter.

Et, le cas échéant,rejeter la conclusion no III 'du Contre-Mémoire
cité.
l'ai terminé, Blonsieur le Président. 2. RÉPLIQUE DE 11. GILBERT GIDEL

(COXSEILDU GOUVERXEMEPIT DU PÉROU)
A LA SÉANCE DU 17 MAI 19j1, MATIN

Morisieur le Président, Messieurs de la Cour,
La Cour a reiidu un arrêtle 20 novembre 1950 ,ans l'affaire du droit
d'asile entre la Colombie et le Pérou. Permettez-moi de rappeler l'arti-
cle 76 du Règlement de la Cour. II s'exprime ainsi :

K L'arrêtest considéré commeayant force obligatoire du jour
où ila étélu en séancepublique. »
D'autre part. le Statut de la Cour, dans son article 60, dispose :
N L'arrêtest définitifet sans recours.uIl prévoit, toutefois, la possibilité
pour toute partie de demander une interprétation. 11a été faitusage
de cette faculté par la Colombie, le 27 novembre. Vous avez rendu
sur la demande en interprétation qui vous a étéprésentéepar le Gouver-
nement colombien un arrit déclarant.irrecevable la demande d'inter-
~rétatiou de l'arrêtdu 20 novembre 19jo, introduite ce même jourpar
le Gouvernement de la République de Colombie.
Existe-t-il d'autres voies de recours possible contre votre arrêt ? Je
me suis reporté alors à l'ouvrage de hl. Witenberg, paru en 1937. sur
l'orgauisatioii judiciaire, la procédure et la sentence internationales.
A côté du recours en interprétation et à côtédu recours eii réf<~rmatioii
interdit par l'article 60 du Statut, j'y ai vu mentionner deux autres
voies de recours : le recours eu rectification et le recours en revision.
J'ai ,vu tout de suite qu'il lie pouvait êtrequestion de rectification.
Je cite cet auteur, page 366, no 128 : La iectification, si elle peut et
doit êtreadmise, ne saurait l'êtreque pour le redressemeiit d'erreurs
.matérielles,erreurs de plume ou de calcul ;pour le surplus,qu'il s'agisse
d'une erreur de fait ou d'une erreur de droit, seules les voies de réfor-
mation sont de nature à conduire à leur redressement. »
Restait la revision. Je me suis reporté à l'article 61 de votre Statut.
Le chiffreI se lit aiii:<iLa revision de l'arrêtne peut êtreéventuelle-
ment demandée à la Cour qu'en raison de la découverte d'un fait de
nature à exercer une influence décisive et qui, avant le prononcé de
l'arrêt,était inconnu de la Cour et de la partie qui demande la revision,
sans qu'il 3..ait, dsa part, fauteà l'ignorer.r
Je ne fatiguerai pas la Cour par la lecture complète de cet article 61.
Je me bornerai à remarquer qu'il entoure cette procédure exception-
nelle de toutes sortes de précautions. Je noterai, au surplus. que le
chiffr3 dispose :« La Cour peut subordonner l'ouverture de la procédure
en revision à l'exécution préalablede l'arrêt. » Le mot de urevision»
n'a pas étépronoiicépar la Partie adverse, et il ne semble pas qu'elle
puisse songer à s'en pré\raloir. Pour ma part, je ne crois pas qu'on
puisse voir un fait nouveau dans les voix de l'opinion publique. annexées
en abondance au Rlémoirecoloinbien, iii qu'il y ait eu d'ores et déjà
ce fait nouveau que constituerait la formation d'un droit, dont vous
parlait hier Il. l'agent de la Colombie, lorsqu'il vous dépeignait cette
opinion publique montrant à la justice le chemin de ses aspirations. RÉPLIQUE DE II. GIDEL (PEROU) - 17 V 51
165
J'ai noté avec intérêtl'exposésur ce point de M. l'agent de la Colombie
à l'audience d'hier. Je demanderai simplement la ermission d'y relever
ce que RI.l'agent de la Colombie appelle « l'astuce &s avocats du Pérou »,
semblant ainsi mettre à la charge de son adversaire l'introduction dans
le débat de ces divers factums. C'est le Gouvernement colombien, et
le Gouvernement colombien seul, qui a produit ces pièces dans le débat.
Je crois pouvoir penser que les observations présentées hier à votre

barre. sur cette ~énibleannexe II du Mémoirede la Colombie. im~li-
quent l'opinion q;e l'injure et le dénigrement n'ont jamais étéun proc'edé
valable de discussion et Que ni le droit ni la vériténe s'accommodent
de la passion et de la pÔIémique.
Si j'interprète bien ainsi l'opinion de mon honorable adversaire, je
désire l'assurer au'il trouvera sur ce oint chez les agents et les conseils
du g ou verne me nt Pérou l'accord Teplus complet.-
De cette rapide revue des voies de recours susceptibles d'êtredirigées
par la Colombie contre votre arrêt du 20 novembre 1950, je n'en cois
donc qu'une seule qui soit à même d'êtreretenue: l'interprétation.
Elle a étéutilisée une première fois par l'adversaire et peut-être est-ce
encore (moins le nom) d'une demande en interprétation qu'il s'agit en
réalitéaujourd'hui.
Quoi qu'il en soit, bien que les effets de l'Acte de Lima fussent épuisés
par la première procédure devant la Cour, le Gouvernement du Pérou,

désireux de témoigner de son respect pour la Cour et de son vif désir
d'un règlement définitifde l'affaire, n'a élevéaucune objection à revenir
une fois de plus devant votre haute juridiction, et cette fois sur la ques-
tion du mode cl'exécutionpar la Colombie de votre arrêt du 20 novem-
bre 1950.
C'est là un cas assez nouveau qu'un de vos arrêtscomporte successive-
ment de la part de la mêmepartie une requête en interprétation puis
une requête en détermination des modalités d'exécution de cet arrêt.
Dans son ~remier arrét - affaire duWimbledon. no 1. Dace 12 -. la Cour

l'arrêtet à prescrire pour céLcasleLpaiement d'intérêtsmoratoires.
On conçoit assez facilement que les juridictions qui connaissent des
différends entre particuliers soient dans le cas d'avoir à entrer dans les

modalités de l'exécution de leurs jugements. On peut se demander s'il
est désirablequ'un tel rôle incombe j la justice internationale, Ne suffit-il
Das au'elle dise le droit entre les Etats et aue. avant fixéleurs droits
;esp&tifs à l'occasion d'un différend, elle abandonne à leur sagesse et
à leur bonne foi le soin de procéder à la détermination des modalités
pratiques de son règlement; de la manière qui conciliera le mieux les
intérêts politiques, les susceptibilités, voire même les préjugés,bref,
les élémentsqui, tout en tenant dans le différendune place plus ou moins
grande, ne sont pas situés dans le plan sur lequel la juridiction est appelée
à se mouvoir ? Bonne foi, disais-je, principe qui, écrivit l'un des vôtres,
gouverne l'exécution de toute obligation internationale et qui, suivant
la formule plus précised'une autre haute autorité juridique, «doit être
retenu lorsqu'on d'occupe de dégager, de mettre en Œuvre une règle
qiielconque du droit des gens ».
Mais votre arrêtdu 20 novembre 1950 est-il ou n'est-il pas exécuté?
Si on se reporte aux écritures colombieniies, on lit dans le Mémoiredu7 février rgjr, page zo: « La Colombie soutient qu'elle a exécutéinté-
graiement l'arrêt du 20 riovembre rgjo, I" parce qu'elle ne réclameplus
le droit à la qualification unilatérale et définitive du délit commis par
Haya de la Torre ; 2" parce qu'elle n'a pas deinandé, après l'arrêt, de
sauf-conduit pour le réfugié. ii
En vérité, Messieurs, une telle affirmation, reproduite hier encore
d~ ~~ ~ ~ ~-. ne résiste Das à l'examen mêmele vlus suverficiel de la
.
situation. La Cour a proiioncéson arrêt le 20 novimbre 1950, et cepen-
dant les choses en sont, encore aujourd'hui, exactement dans 1'6tat même
où elles se trouvaient auparavant depuis le 3 janvier 1949, date à laquelle
Victor Rad1 Haya de la Torre reçut asile à l'ambassade de Colombie
à Lima.
Mais l'inexécution de l'arrêt du zo novembre 1950 justifie-t-elle la
réouverture de l'affaire par celle des deux Parties qui, précisément,ne
l'exécute Das ?

J<: rn'<;i iuis t\pl~(~ub tdiit :I l'lir.iir.\uciinc ioii dt, ic:iiiirj ii'iit
plu.; icc~;îilili. (le\.;\,jtrt ]iiiiilictioii ;iil,r;;il:, k':<ilicr;r.ilritrniitc
iii 1'1rr.criticnti\oii. I;ii-v\.i..i~.iiiiii:iii.iiiciir rciiircI>:iizni I'iiir<,i-
prétation où cette Partie a essu$ un échêcO . r, cette demande d'inter-
prétation, repoussée par votre arrêt du 27 novembre 1950, portait pré-
cisément sur les points sur lesquels la Colombie, sous couleur de demande
de détermination d'exécution, vous demande à nouveau aujourd'hui de
statuer.
Relisons, à la page 399 de votre Recueil ',la demande d'interprétation

formée par la Colombie sur les z" et 3' des trois questions posées à la
Cour :
n Deuxièmement. - L'arrêt du zo novembre 1gjo doit-il être
interprété dans le sens que le Gouvernement du Pérou n'a pas le
droit d'exiger la remise du réfugié politique, M. Haya de la Torre,
et que, par conséquent, le Gouvernement de la Colombie n'a pas
l'obligation de le remettre mêmedans le cas où cette remise lui
serait demandée ?

Troisièmement. - Ou, au contraire, la décision prise par la Cour
sur la demande reconventionnelle du Pérou implique-t-elle pour
la Colombie l'obligation de remettre le réfugié Victor Raul Haya
de la Torre aux autorités péruviennes, même sicelles-ci ne l'exigent
pas, et ceci malgré lefait qu'il s'agit d'un délinquant politique et non

pas d'un criminel de droit commun et que la seule convention
applicable dans le présent casn'ordonne pas la remise des délitiquants
politiques ? »
Et maintenant, reportons-nous aux conclusions du Mémoire de la

Colombie du 7 février 1951, page 32. Je lis :
« Plaise <j.la Cour,
Dire de quelle manière doit êtreexécutépar la Colombie et par
le Pérou l'arrêtdu 20 novembre 1950 et, en plus, dire et juger que

la Colombie n'est pas obligée, en exécution dudit arrêt du
zo novembre 1950, de remettre M. Victor Raul Haya de la Torre
aux autorités péruviennes.
Au cas où la Cour ne statuerait pas sur la conclusion précédente,
qu'il lui plaise de dire et juger, en exercice de sa compétence ordi-

Voir Recueil des Arrêts, Avis consultatifselOvdon>zances 1950. naire, que la Colombie n'est pas obligéede remettre l'accusépoli-
tique :hl. Victor Rad1Haya de la Torre aux autorités péruviennes. »
Ainsi, sous prétexte d'exécution, la Colombie soumet à la Cour les
mêmesquestions que celles sur lesquelles la Cour, le 27 novembre 1950.
a jugé que la demande colombienne d'interprétation était irrecevable.
Le Gouvernement du Pérou, qui a tenu à ne pas élever d'objection à
comparaître devant la Cour en application du Protocole de Rio-de-
Taneiro sur la auestion soulevéepar la Colombie de l'exécutiondel'arrêt
bu 20nor,embrê19jo, pourrait bÔrnerlà les observationsqu'il a l'honneur
de vous soumettre.
Le Gouvernement du Pérou se tient de la manière la plus ferme au
principe de la chose jugée, dont toutes les conditions d'existence et
d'autorité se trouvent réuniesen l'espèce :identité d'objet, identité de
cause, identité de parties.
Le Gourrernement du Pérou estime que la tentative de la Colo~nbie
pour rouvrir l'affaire, en violation de ce principe de l'autorité de la chose
jugée, manque de toute base juridique et ne constitue qu'un essai de
revision sans fait nouveau.
Cependant, dans un sentiment de respect pour la Cour, et notre
position étant clairement précisée,nous aurons l'honneur de touclier
brièvement les points soulevéspar la Colombie.

La Cour, dans son arrêt,ne s'est pas occupéede la remise de l'asilé:
il n'y a pas de raison juridique pour qu'elle statue maintenant sur la
question parce qu'une seule des Parties la soulève à un moment où son
introduction dans la procédure a cesséd'êtrepossible.
Cette question de la remise de Haya dela Torre n'a jamais étéposée
par le Pérou à aucun moment de la procédure, ni dans les écritures, ni
dans les exposés oraux du Pérou.
Votre arrêtdu zo novembre 1950l'a constatéexpressément,page zSo :
CILa Cour observe que la question de la remise éventuelle du
réfugiéaux autorités territoriales n'est aucunement poséedans la
demande reconventionnelle [du Pérou].
Elle [la Cour] relève que la Conveiition de 1.a Havane, qui pres-
crit la remise à ses autorités [temtoriales] des personnes accusées
ou condamnées pour délit commun, ne contient aucune disposition
semblable pour les criminels politiques.
Elle Ila Cour1 constate enfin oue ni dans la corres~ondance

Il ne fut questio~ide remise de Haya de la Torre aux-autorités péru-
viennes que dans les notes diplomatiques qui s'échangèrententre Lima
et Bogota au lendemain de l'arrêt de la Cour du 27 novembre 1950.
.Ace moment, le ministre des Affairesétrangères du Pérouse rappelait
certainement la déclaration solennelle que dans ce Palais de la Paix,
à votre barre, II.l'agent de la Colombie avait faite en ces termes, au
cours de l'exposé oralqu'il produisaità la séance publiquedu 26 septem-
bre 1950 :
aAu nom du gouvernement qui a pris l'initiative de soumettre
à la Cour ce diffirend, je déclareque, quel que soit le résultat de vos délibérations,la sentence de la Cour sera respectéedans toute
son intégralitépar la République de Colombie. ii

Les espoirs de M. le ministre des Affaires étrangèresdi1Pérou furent
complètement déçus.et la demande de remise de l'asilé,le zSiiovembre,
au chargé d'affaires deColombie à Lima, ne fut suivie que de catég.riqu.s
refus colombiens.
De cette demande et de ces refus il est fait mention dans les pièces
du dossier ; mais pas plus au cours de la troisième instance qu'au cours
des deus précédentes,les écritures du Gouvernement du Pérou. tant les
hlémoires et les notes que les conclusions elles-mêmes,ii'oiit jamais
réclamé nommément à la Colombie la remise de Haya de la Torre aux
autorités péruviennes.
C'est une première observation importante, étant donné la déviation
caractériséeque 31. l'agent du Gouvernement colombien a fait subir
au rappel de la demande du ministre des Affaires étrangkres du Pérou.
Xous avons pu constater par l'exposéoral de M. l'agent de la Colombie
à la dernière audience qu'il ne craignait pas de présenter la remise de
Haya de la Torre comme étant le moyen n unique ii- je souligne le
mot - d'exécuterl'arrêtdu zo novembre. Page 9, avant-dernier alinéa
du compte rendu sténotypiquede la séancedu 16mai', je lis:

1Le gouvernement de Lima s'adressa au Gouvernement de la
Colombie en exigeant de lui la remise de Haya de la Torre comme
unique moyen d'exécuter l'arrét du 20 novembre. II

J'ai le regret de lire encore au mêmeendroit, page IO' :
mÉtant donné que le Pérou a prétendu que, comme conclusion
iridiscutable de l'arrêt,pour mettre fin à l'asile de Hava de la Torre.

l'écartant. n

.4la mêmepage, alinéa final', cette énonciation, peu conforme à la
vérité,est accentuée encore plus :
oAprèçavoir exigéla remise de l'accusé,comme seul et unique
moyen d'exécuterl'arrêtdu 20 novembre ....»

Vires acpuiril eutido....

II faut bien cependant que M. l'agent de la Colombie se rende à I'évi-
dence et constate que le Contre-Mémoire péruviendEment expressément
ses affirmations gratuites sur la remise, comme soi-disant seul et unique
moyeii d'exécution de l'arrêtpar la Colombie. La Cour voudra bien se
reporter au Contre-hlémoire péruvieii pour connaître sur ce point la
véritable position du Gouvernement du Pérou dans cette prochdure ;
page 97, premier alinéa, vers la fin :
iNous prions donc la Cour qu'elle veuille bien indiquer le procédé
qu'elle estime le meilleur pour procurer l'exécution définitivede
l'arrêtdu 20 novembre, ce procédéle meilleur restant, à iiotre avis,
la remise de I'asilé,mais ~i'dlnd pas lesetcl»

&[&mepage, alinéa 3, il est encore répété :

' Voir ci-dessus,p. 155. RÉPLIQUE DE M. GIDEL (PEROU) - 17 v 51
169
((sans doute pourrait-on la comprendre en ce sens que, la remise
n'étantpas le seul moded'exéczition de l'arrêt, laColombie n'est pas
spécifiquement dans l'obligation de l'accomplir, ce qui voudrait
dire qu'elle peut choisir un autre mode d'exécution.Mais la Colom-
bie ne manquerait pas d'en tirer une tout autre déduction.... u

Et enfin, mème page, in fine:

CNous ferons seulement remarquer que si la Cour estimait ne
pas devoir statuer sur le mode d'exécution,il y aurait contradiction
de sa part à exclure l'zcnqt~elconque des modes d'exécution,c'est-à-
dire la remise, car ce serait déjà répondre partiellement à la demande
conjointe qui lui est présentéede désigner elle-mêmele mode
d'exécution. n

1.a Cour appréciera ce qu'elle doit penser de l'opiiiion, inexactement
prêtéeau Gouvernement du Pérou,que la remise de Haya de la Torre
aux autorités péruviennesserait l't~niqrcmoyen de l'exéciitioiide l'arrêt.
Mais ~ourouoi donc ce travestissement de l'arcumentation ~éru-
i.icrlnr? ("~,it'<I~~cft~.(lli.~~.nt:it1control~l.;.112 1.1~0~11lo r1 J';rc8ll
sur ce irlint ;,rnii nCcessnir:t I:Coloinbie puur ïdihcr le iyjieiiie qii'tclle
propose à la Cour dans cette troisieme instance.
La Colombie, en effet, cherche nioins à savoir si elle pourrait d'une
façon ou d'une autre, comme Etat asilant, exécuter l'arrêtdu 20 novem-
bre qu'à démontrer de quelle manière, d'après elle, il lui est impossible
d'exécuter cetarrèt parce que la Corivcntion de La Havane le lui inter-
dirait. Cet essai de démonstration se résume ainsi :
La remise de Haya de la Torre aux autorités péruviennes est présentée
Dar la Colombie - et non Das Dar le Pérou - comme l'zirrioiiemoven
'd'exécuterl'arrêtde la ~o;r ; '

Haya de la Torre aurait étédéclarépar laCour un délitrqzcanptolitique ;
La Convention de La Havane assure une protection intégrale et
illimitéeaux délinquants politiques.
Voilà les trois piècesdu systèmecolombien dans cette iiistance.
Ile la première - la remise, soi-disant moyen unique d'exécution-,
nous savons ce qu'il faut penser quarit à l'attribution [le cette opinion
au Pérou.
Sur le second point, je me bornerai à rappeler les termes de votre
arrêt : la Cour a constaté (pp. 281-282 1)que le Gouvernement du Pérou
n'a pas démontréque les faits dont le réfugié a étéaccuséavant les
3-4 janvier 1949 sont des délits de droit commun. S'ensuit-il qu'il soit
nécessairement et uniquement uii délinquant politique ? La Cour s'est
soigneusement gardéede le dire. Haya de la Torre ri'cst cri effet qu'un
accusédont la juridiction compétente n'a pas instruit encore le procès

parce que, fugitif, il n'a pas réponclii à la sommation de comparaître
à lui adresséeetque les lois pémvieiinesne comportelit pas de erocédure
par contumace. 11ne sera possible qu'à la fin de l'instruction de savoir
exactement si Haya de la Torre sera en définitive inculpéseulement
de délits politiques ou. en mème temps, de délits de droit commun.
Il n'y adoncpas chose jugéesur ce point par i'arrèt <le la Cour, en dépit
des efforts répétés de la Colombie pour donner créance à cette opinion.

' Voir Recrieides .Irréls,Avis co>tsiill<ielOrdo>z+m>tce19.50.170 R~PLIQUE DE AI. GIDEL (PÉROU) - 17 \' 51

Quant à la troisième pièce di1 système colombien, c'est une inter-
prétation outrancière de la Convention de La Havane en ce qui concerne
ia protection que cette couventioii assurerait aux délinquanti politiques.
L'arrèt du zo novembre rgjo s'est prononcésur ce point avec lorce
de chose jugée.Ses développements à son é 3rd se trouvent aux pages
284-zSj de votre Recueil '.Ils sont d'une fermeté,d'une clarté qui ne
laissent place àaucun doute sur l'opinion à laquelle la Cour s'est arrètée.
Elle y a discuté la portée des notions de l'urgence et de la sùretd. Je
ne veux pas fatiguer la Cour par la lecture de ce passage de I'ar~êt.
Je veux simplement marquer uii autre point sur cette mêmequestion.
Bien loin de négligerla pratique latino-américaine dont les écritures
et les plaidoiries de la Colombie font état, l'arrêtdu zo novembre rgjo
lui a donné une complète attention et a considéréla Convention de
La Havane à la lueur de cette pratique latino-américaine en faisant
ressortir notamment les rapports de l'asile avec la tradition, bien établie
en Amérique, de la non-intervention. Les pages 285-256 du Recueil '
en portent témoignage.Je demande respectueusement à la Cour de bien
vouloir s'y reporter.
Il n'est donc pas sans audace de la part du Gouvernement de la
Colombie de vouloir aujourd'hui tenter de renverser l'interprétation
complète, systématiquement donnée par la Cour, de la Convention de
La Havane en matière de protection des délinquants politiques et de
revendiquer pour eux, au mépris de l'interprétation qu'en a donnée
votre arrêtavec force de chosejugée, cequel'arrêtdénomme Cre privilège
ù'écliapper à la juridictioii nationalei(p. 285).
Tout cet échafaudage si habilement agencé par XI. l'agent de la
Colombie tend vers un objet final :l'impossibilité, pourla Colombie, de
faire aus autorités péniriennes la remise de I'asilé,moyen soi-disant
unique d'exécution de l'arrêt.
Hier encore, l'ingéniositéde M. l'agent de la Colombie appelait à
son secours un juriste illustre, mais anonyme, dont le Mémoirecolombien
- page GG - nous dit que le nom de cet éminent juriste péruvien
iiest tenu secret pour des raisons compréhensibles ». Et je suis tout
disposé à croire qu'il y a, en effet, de bonnes raisonsà cela.
Meilleures, certes, que I'argumeiit dont l'éminentanonyme a la pater-
nité, à savoir - je me reporte à la page ïj du compte rendu sténo-
typiqueJ - que le prétendu nprincipe généralde droit n que serait la
séparation des pouvoirs, veut que le Gouvernement péruvien ne réclame
pas la remise de Haya de la Torre de son propre chef, sans ordre judi-
ciaire ;d'où cette conséquence :

ix1.e Gouvernement de Lima n'ayant pas le droit d'esiger la
remise de Haya de la Torre, la Colombie ne saurait êtretenue d'ac-
quiescer à une exigence aussi dénuéede source juridique. a

Ainsi,à en croire nos coiitradicteurs, de tous côtés desconsidérations
s'accumuleraient autour du Gouvernement de la Colombie, convergeaiit
toutes vers iine impossibilité finale : celle de pouvoir exécuter l'arrêt
de la Cour par le procédé soi-disantunique possible de la part de la
Colombie :la remise de Haya de la Torre aux autorités péruviennes.
'Voir Recueil des Arrkfs, Aois ronsirlIatiOrdoriirn>tc1950.
? Son reproduit. [~Vofcdu Grc//ier.]
Voir ci-dessi~s. pjS. RÉPLIQUI-. DE M. CIDICL (PÉROU) - 17 v 51 17'

Eh bien non, XIessieurs,il n'y a, pour la Colombie, aucune impossi-
bilité de se conformer au jugement de la Cour, aucune uexcuse de
nécessité n. Dans le droit de la guerre, l'excuse de nécessité,c'est la
commodité stratégique. Dans le droit de la paix, l'excuse de nécessité
existe-t-elle? La question - qu'il ne faut pas confondre avec celie de
l'exception de légitimedéfense - ne trouve pas les auteurs absolument
unanimes.
Dans son opinion dissidente au sujet de l'affaire Chinir,jugée par
arrêt de li Cour permanente de Justice internationale, le 12 décem-
bre 1934 (SérieA/H, no 63, pp. 113, 114).le regretté PrésidentAnzilotti
a émis l'opinion que :

«La nécessitépeut excuser l'inobservance des obligations inter-
nationales. u
Mais il a aussitat limité la nécessità ce qu'il défini:

«L'impossibilité d'agir de toute autre manière que celle qui est
contraire au droit. II
Retenant le fait que le gouvernement dont il discutait la décision
sur le plan juridique avait pris cette décision aen choisissant entre
plusieurs mesures possibles ii,le Président Anzilotti écrit que cette
liberté de choix

uexclut l'excuse de la nécessité qui, par définition, suppose
l'impossibilité d'agir de toute autre manière que celle qui est
contraire au droit n.
Une autre très haute autorité du droit international, après avoir
fait état de l'opinion précitéedu Président Anzilotti, a conclu ainsi
sur lx question :

« 11 ne semble donc pas qu'il existe une règle de droit inter-
national positif justifiant l'inobservation d'une règlede droit inter-
national par l'excuse de nécessité. UnEtat peut estimer que, dans
un cas donné,les circonstances l'emportent sur sa fidélitéau droit ;
il peut estimer qu'il a des raisons d'ordre politique ou d'ordre moral
de se départir. alors de l'observation du droit international ; ce
n'en est pas moins un manquement au droit international positif
susceptible d'entraîner la responsabilité de 1'Etat auquel il est
imputable. »

C'est une telle responsabilité que la Colombie encourt, en maintenant
à l'état delettre-morte votre arrêtdu 20 novembre et en entravant, par
la continuation d'un asile irrégulièrementoctrové.le cours siispendu de
l'exercice normal de la ju~ticë~éruvienne.
Le Gouvernement du Pérou s'eu remet à la sagesse de la Cour pour
procurer l'exécutionde l'arrêt du 20 novembre par les moyens qu'elle
croirait devoir ordonner.
II vous prie qu'il plaiseà la Cour lui adjuger le bénéfice des conclu-
sions formuléesdans son Mémoiredu 15 mars 1951. 3. EXPOSI? DE AImo FLORA DIAZ PARRADO
(AGENT PU GOUYEBNE>fENT DE CUBA)

A L.4 S~ANCE FUBLIQUI: DU 17 AlAl I9j1, MATIN

Monsieur le Président, llessieurs les Membres de la Cour,
lle conformant aus directives que vous avez fisées, hfonsieur le
Président, au début de l'audience de mercredi matin, sur la manière
dont le droit d'intervention doit être exercé par 1'Etat intervenant,
conformément à l'article 63 du Statut, je me bornerai seulement à faire
connaître l'interprétation que le Gouvernement de Cuba a toujours
donnée à la Convention de La Havane de 1928sur l'aspect particiilier de
la question de savoir si la Colombiecest ou n'est pas obligéede remettre
au Gouvernement di1Pérou M. Victor Rad Haya de la Torre, réfugié à
l'ambassade de Colombie à Lima ».Telle est la question poséepar la
requéte colombienne, soumise à la Cour le 13 décembre1950.
Pour résoudrecette auestion, la Cour sera nécessairement amenée à
fixerln distiiicrii<IIIICOII\.I~IdIe fllircciitrc 1t.spc~rioiiiiCi;it.nuiij<e;
soiiilniiiriccs pour <I,;litsp<ilitiiii<.Ilircl~cntlefu'c )I:iiisICS:inil)ns-
i l O Iiu~ trr. (:~.ltt! rliitiii:t1uii :Ili n 1.i
cnii\.<iitioii iii~?iiicsi'I1.a Ha\.:inciiiile droit <I'a=ile,uiI;remiic
de; iI;~lin<lu~ide druit cniiiiiii:tiis;iiitoritt4sluc;ile; cst csprcsjt.inciil
prévue par l'article premier.
Il est évident que l'absence d'une disposition semblable à l'égarddes
asiléspolitiques montre d'une manière indiscutable que ces deriiicrs ne
pourrorit dans aucun cas et quelle que soit la manière dont l'asile aura
étéaccordé, êtreremis entre les mains des autorités, contre lesquelles
l'asile leur offre la protection humanitaire qui està l'origine de l'insti-
tution reconnue par la Convention de 1928.
Dans le cas concret de M. Haya de la Torre, le caractère politique des

faits qui lui avaient été imputésparles autoritéspéruviennesau nioment
où l'asile lui fut accordédans l'ambassade de Colombie à Lima, a déjà
étéreconnu par l'arrêt dela Cour du 20 novembre 1950 Cet arrêt a, en
effet, coiistaté qu'il incombait au Gouvernement du Pérou le devoir de
Drouver que M. Hava de la Torre se trouvait. oréalablement àl'asile.
iccusé oÛ condamng pour délit dc droit corniin, et Ic mêmearrêt a
constaté également qu'nue pareille preuve n'avait paç étéfournie par
le Gouvernement du- Pérou:
Aux yeux du Gouvernement de Cuba ces constatations faites par la
haute Cour internationale de Justice suffisent pour considérer que le
cas soumis actuellement à sa décisionse trouve réglépnr la Convention
de La Havane de 1928, dont les termes excluent d'unc manière incon-
ditionnelle la remise d'un asiléaux autorités locales. 11està remarquer
qu'à l'opposéde l'article premier, qui prévoit la remise immédiate aux
autorités locales de la personne accuséeou coiidamnéepour délitscoin-
muns, la Convention sur le droit d'asile de 1928 ne prévoit aucune
sanction B l'égard deI'Etat qui aurait accordé asile à un accuséou à
un condamné pour délitspolitiques, sans avoir, cependant, observéles
conditions retluises par l'article2 de la Convention de 1928. EXPOSÉ DE 11'~~D~AZ PARRADO (CUBA) - 17 v ji 173

-es~auteurs de la Convention de 1028 ont,d~ ~robablement tenir ~ ~
compte de l'existence [l'une règle incorporée dans la coutume interna-
tionale. d'après laquelle l'ailé uolitique iouit de l'inviolabilité de sa
personne akii longtemps qu'il Îeste Sou; la protection d'un Iitat de

refuge.
L'inviolabilité de la persoiine placée sous le bénéfice de l'asile diplo-
matique est peut-être le principe le plus respecté de ceux qui découlent
de l'institution de l'asile et il est l'un de ceux qui tirent leur force de la
coutume internationale. C'est cn effet avec le sentiment de remplir un
devoir juridique que les 13tats s'abstiennent de demander,la remise d'un

ailé diplomatique. C'est avec le mêmesentiment qu'un Etat saisi d'une
demande pareille se refuserait à mettre I'asilépolitique dans les mains
de 1'Etat territorial.
Un semblable cas ne s'est jamais présenté au cours de l'existence
séculaire de l'institution de l'asile. La dérogation à ce principe si profon-
dément enraciné dans la conscience des peuples ne saurait méme être
conçue ni au point de vue humanitaire ni à celui d'une saine morale

intémationale..
Une fois accorde, I'asile doit êtrerespecté. De l'avis de mon Gouverne-
ment, l'asile doniié à une personne poursuivie pour un délit politique
ne saurait prendre fin que pour les motifs suivants :

a) par un acte volontaire de I'asilé;
b) par sa mort ;
6) par son départ sous la garantie de l'inviolabilité de sa personne.

Telle est, Alonsieur le l'résident, la manière dont mon gouvernement
a toujours interprété la convention qu'il a signée à La Havane, le
20 février 1928, sur le droit d'asile. Je remercie la Coiir internationale
de Justice d'avpir bien voulu entendre les brèves observations que je
viens d'exposer.

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Procès-verbaux des séances publiques tenues au Palais de la Paix, La Haye, le 15 mai 1951, sous la présidence de M. Basdevant, Président

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