Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda) - La Cour décide de reprendre la procédure en l'affaire sur la question des réparations et fixe le délai pour

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18718
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2015/18
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928
Site Internet : www.icj-cij.org

Communiqué de presse
Non officiel

N 2015/18
Le 9 juillet 2015

Activités armées sur le territoire du Congo
(République démocratique du Congo c. Ouganda)

La Cour décide de reprendre la procédure en l’affaire sur la question des réparations
et fixe le délai pour le dépôt de pièces de procédure écrite

er
LA HAYE, le 9 juillet 2015. Par ordonnance en date du 1 juillet 2015, la Cour
internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies, a
décidé de reprendre la procédure en l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo
(République démocratique du Congo c. Ouganda) sur la question des réparations et a fixé au
6 janvier 2016 la date d’expiration du délai pour le dépôt, par la République démocratique
du Congo (dénommée ci-après «la RDC»), d’un mémoire portant sur les réparations qu’elle estime
lui être dues par la République de l’Ouganda (dénommée ci-après «l’Ouganda») et pour le dépôt,
par l’Ouganda, d’un mémoire portant sur les réparations qu’elle estime lui être dues par la RDC.

La suite de la procédure a été réservée.

Il est rappelé que la Cour avait rendu son arrêt sur le fond de l’affaire le 19 décembre 2005.
Dans cet arrêt, la Cour avait notamment dit, d’une part, que l’Ouganda avait l’obligation de réparer
le préjudice causé à la RDC du fait de la violation par l’Ouganda du principe du non-recours à la
force dans les relations internationales et du principe de non-intervention, d’obligations lui
incombant en vertu du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international
humanitaire, ainsi que d’autres obligations lui incombant en vertu du droit international, et, d’autre

part, que la RDC avait l’obligation de réparer le préjudice causé à l’Ouganda du fait de la violation
par la RDC d’obligations lui incombant en vertu de la convention de Vienne de 1961 sur les
relations diplomatiques.

Par le même arrêt, la Cour avait décidé de régler, au cas où les Parties ne pourraient se
mettre d’accord à ce sujet, la question de la réparation due à chacune d’elles, et avait réservé à cet
effet la suite de la procédure.

Depuis lors, les Parties avaient transmis à la Cour certaines informations concernant la tenue,

entre elles, de négociations aux fins de régler la question de la réparation.

* - 2 -

Le 13 mai 2015, le Greffe de la Cour a reçu de la RDC un document intitulé «requête en

saisine à nouveau de la Cour internationale de Justice», tendant à ce que la Cour tranche la question
de la réparation due à la RDC en l’espèce.

Dans ledit document, le Gouvernement de la RDC a notamment exposé ce qui suit :

«[F]orce est de constater l’échec des négociations quant à l’indemnisation de la
République démocratique du Congo par l’Ouganda, comme en témoigne éloquemment
le communiqué conjoint signé par les deux Parties à Pretoria, en Afrique du Sud, le
19 mars 2015 [à l’issue de la quatrième réunion ministérielle tenue entre les deux
Etats] ;

[I]l sied dès lors, conformément au [paragraphe] 345, point 6), de l’arrêt du
19 décembre 2005, que la Cour relance la procédure par elle suspendue dans cette
cause, aux fins de fixer le montant de l’indemnité due par l’Ouganda à la République
démocratique du Congo sur la base du dossier des pièces à conviction déjà
communiquées à la Partie ougandaise et à mettre à la disposition de la Cour».

Au cours d’une réunion que le président de la Cour a tenue avec les représentants des Parties
le 9 juin 2015, le coagent de la RDC a confirmé la position de son gouvernement.

L’agent de l’Ouganda a indiqué pour sa part que, de l’avis de son gouvernement, les
conditions d’un renvoi à la Cour de la question de la réparation n’étaient pas remplies et que la
demande de la RDC formulée dans la requête présentée le 13 mai 2015 était en conséquence
prématurée à ce stade.

Le président, au cours de ladite réunion, a rappelé qu’il revenait à la Cour de décider de la
suite de la procédure conformément à son Règlement et à l’arrêt de 2005.

Dans son ordonnance du 1 juillet 2015, la Cour constate que, «si les Parties ont bien
cherché à s’entendre directement sur la question des réparations, elles n’ont pas pu parvenir à un
accord à ce sujet». Elle note que le communiqué conjoint de la quatrième réunion ministérielle

tenue entre les deux Etats indique expressément que les ministres qui avaient été chargés de mener
lesdites négociations ont résolu de «clôturer» celles-ci compte tenu du «désaccord [qui avait été]
persistant» entre les Parties.

La Cour considère que, «étant donné les exigences d’une bonne administration de la justice,
il [lui] revient [désormais…] de fixer les délais dans lesquels les Parties devront déposer leurs
pièces de procédure écrite sur la question des réparations». Elle précise que la première pièce de

la RDC devra contenir sa demande d’indemnisation par l’Ouganda, tandis que la première pièce de
l’Ouganda devra contenir toute demande d’indemnisation de cette dernière par la RDC. La Cour
souligne également qu’une telle fixation de délais «laisse intact le droit des chefs d’Etat respectifs
d’indiquer les orientations visées dans le communiqué conjoint du 19 mars 2015.» Enfin, la Cour
conclut que «chacune des Parties doit […] exposer dans un mémoire l’ensemble de ses prétentions
concernant l’indemnisation qu’elle estime lui être due par l’autre Partie et joindre à cette pièce tous

les éléments de preuve sur lesquels elle entend s’appuyer.»

Composition de la Cour

La Cour était composée comme suit : M. Abraham, président ; M. Yusuf, vice-président ;
MM. Owada, Bennouna, Cançado Trindade, Greenwood, Mmes Xue, Donoghue, M. Gaja,
Mme Sebutinde, MM. Bhandari, Robinson, Crawford, Gevorgian, juges ; M. Verhoeven,

juge ad hoc ; M. Couvreur, greffier. - 3 -

M. le juge Cançado Trindade a joint une déclaration à l’ordonnance.

*

Un résumé de la déclaration de M. le juge Cançado Trindade est annexé à ce communiqué.

*

Historique de la procédure

Pour obtenir l’historique de la procédure, il convient de consulter le Rapport annuel de la
Cour 2005-2006 (paragraphes 121-134), téléchargeable sur le site Internet de celle-ci (rubrique «La
Cour/Rapports annuels/2005-2006»).

*

Le texte intégral de l’ordonnance du 1 juillet 2015 est disponible dans le dossier de l’affaire
sur le site Internet de la Cour (sous l’onglet «Affaires/Affaires pendantes»).

___________

La Cour internationale de Justice (CIJ) est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des
Nations Unies (ONU). Elle a été instituée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies et a entamé
ses activités en avril 1946. La Cour a son siège au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas). C’est

le seul des six organes principaux de l’ONU dont le siège ne soit pas à New York. La Cour a une
double mission, consistant, d’une part, à régler conformément au droit international les différends
d’ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats (par des arrêts qui ont force obligatoire et sont
sans appel pour les parties concernées) et, d’autre part, à donner des avis consultatifs sur les
questions juridiques qui peuvent lui être soumises par les organes de l’ONU et les institutions du
système dûment autorisées à le faire. La Cour est composée de quinze juges, élus pour un mandat

de neuf ans par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies. Indépendante du
Secrétariat des Nations Unies, elle est assistée par un Greffe, son propre secrétariat international,
dont l’activité revêt un aspect judiciaire et diplomatique et un aspect administratif. Les langues
officielles de la Cour sont le français et l’anglais. Aussi appelée «Cour mondiale», elle est la seule
juridiction universelle à compétence générale.

Il convient de ne pas confondre la CIJ, juridiction uniquement ouverte aux Etats (pour la

procédure contentieuse) et à certains organes et institutions du système des Nations Unies (pour la
procédure consultative), avec les autres institutions judiciaires, pénales pour la plupart, établies à
La Haye et dans sa proche banlieue, comme par exemple le Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie (ou TPIY, juridiction ad hoc créée par le Conseil de sécurité), la Cour pénale
internationale (CPI, la première juridiction pénale internationale permanente, créée par traité, qui
n’appartient pas au système des Nations Unies), le Tribunal spécial pour le Liban (ou TSL, organe - 4 -

judiciaire international doté d’une personnalité juridique indépendante, établi par le Conseil de
sécurité des Nations Unies à la demande du Gouvernement libanais et composé de juges libanais

et internationaux), ou encore la Cour permanente d’arbitrage (CPA, institution indépendante
permettant de constituer des tribunaux arbitraux et facilitant leur fonctionnement, conformément à
la Convention de La Haye de 1899).

___________

Département de l’information :

M. Andreï Poskakoukhine, premier secrétaire de la Cour, chef du département (+31 (0)70 302 2336)
M Boris Heim, attaché d’information (+31 (0)70 302 2337)
Mme Joanne Moore, attachée d’information adjointe (+31 (0)70 302 2394)

Mme Genoveva Madurga, assistante administrative (+31 (0)70 302 2396) Annexe au communiqué de presse 2015/18

Déclaration de M. le juge Cançado Trindade

1. Dans sa déclaration, le juge Cançado Trindade commence par préciser qu’il a voté en
faveur de l’ordonnance rendue ce jour dans l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo,
par laquelle la Cour a décidé de reprendre la procédure sur la question des réparations. Il est
toutefois d’avis que la Cour aurait dû exposer plus en détail les faits qui ont été portés à son
attention par les deux Parties  la RDC et l’Ouganda , qui lui transmettent depuis quelques
années des communications concernant les négociations qu’elles mènent au sujet de la réparation

des dommages causés, en application du point 14) du dispositif de l’arrêt qu’elle a rendu le
19 décembre 2005 en la présente espèce. Le juge Cançado Trindade se réfère notamment à
a) l’accord de Ngurdoto conclu en 2007, par lequel les deux Etats sont convenus de constituer un
comité ad hoc chargé notamment d’examiner la question de l’exécution de l’arrêt de 2005 en ce qui
concerne les réparations ; b) aux quatre réunions ministérielles que les Parties ont tenues par la
suite en Afrique du Sud ; c) à la réunion du comité ad hoc tenue en 2012 à Kinshasa ; et d) à la très
récente (2015) réunion interministérielle de Pretoria, au cours de laquelle il a été conclu que,

malgré leurs efforts, déployés dans «un esprit de fraternité et de bon voisinage», les Parties
n’étaient pas parvenues à un accord, et que leurs négociations se trouvaient donc dans l’impasse,
«tant au niveau technique que ministériel» (par. 2).

2. Le juge Cançado Trindade rappelle ensuite que, dans le dispositif de son arrêt de 2005,
soit il y a près de dix ans, la Cour a énoncé l’obligation de réparation incombant aux Parties  au
point 5) s’agissant de l’Ouganda, et au point 13) pour ce qui est de la RDC. Il souligne que ce n’est

pas parce que les points 5) et 13) ne précisaient à cet effet aucune limite dans le temps que les
négociations (en vue de parvenir à un accord sur les réparations) pouvaient se poursuivre
indéfiniment, comme cela a été le cas. Au vu de la période de près de dix ans qui s’est déjà
écoulée, «le délai raisonnable a largement été dépassé, si l’on se place du point de vue des victimes,
qui attendent toujours que justice soit faite» (par. 3). Ayant reconnu, dans son arrêt de 2005, les
souffrances endurées par la population locale pendant les conflits qui ont embrasé la région des
Grands Lacs, la Cour aurait dû également, selon le juge Cançado Trindade, fixer un délai

raisonnable pour le versement des réparations dues au titre des dommages infligés aux victimes.

3. Selon le juge Cançado Trindade, la leçon à tirer de la décennie qui s’est ainsi écoulée dans
l’attente du règlement de la question des réparations est que, dans une affaire telle que la présente
espèce, qui, ainsi qu’elle l’a établi, a trait à de graves violations du droit international des droits de
l’homme et du droit international humanitaire, la Cour ne devrait pas (comme elle l’a fait dans son
arrêt de 2005) laisser les parties se mettre d’accord sur ladite question par voie de négociation sans
fixer à cet effet un délai raisonnable. Le juge Cançado Trindade souligne que tous les

enseignements doivent être tirés de cette expérience afin que cela ne se reproduise pas en pareille
affaire, les populations affectées attendant depuis près de dix ans les réparations qui leur sont dues
au titre des dommages qu’elles ont subis.

4. Le juge Cançado Trindade rappelle qu’il a défendu cette même «conception centrée sur les
victimes» dans l’exposé de son opinion individuelle en l’affaire A.S. Diallo (arrêt sur la réparation
du 19 juin 2012), et ce, en ayant à l’esprit le développement progressif du droit international dans

le domaine des réparations. Cette «conception humaine» de la question, ajoute-t-il, contribue à
mettre fin aux conséquences des violations du droit international et permet d’éviter que ne
s’aggrave — par l’effet du temps — le préjudice subi par les victimes, tout en rétablissant
l’intégrité de ces dernières, comme celle de l’ordre juridique. Selon le juge Cançado Trindade,
«violation et réparation vont de pair et forment un tout indissociable, la seconde étant la
conséquence ou le complément immanquable de la première. Le devoir de réparation est une
obligation fondamentale, ce qui apparaît d’autant plus clairement que l’on considère la question du

point de vue des victimes» (par. 5). - 2 -

5. En la présente espèce, la Cour, qui a la maîtrise de sa procédure, était, selon le
juge Cançado Trindade, parfaitement fondée, dans l’exercice régulier de sa fonction judiciaire et

dans l’intérêt de la bonne administration de la justice, à reprendre la procédure en l’affaire sur la
question des réparations, au moyen de la présente ordonnance, afin d’éviter tout nouveau retard et
de donner effet au point 14) du dispositif de son arrêt de 2005. A cet égard, le
juge Cançado Trindade est d’avis qu’il convient de remédier au «décalage regrettable entre le
temps de la justice des hommes et le temps des êtres humains». Il conclut que, dans des affaires
ayant trait à de graves violations du droit international des droits de l’homme et du droit
international humanitaire, la Cour ne saurait, en ce qui concerne la question des réparations, s’en

remettre à des «négociation» entre les Etats concernés — autrement dit parties à un litige — sans
leur imposer de délais en la matière ; dans de telles affaires, cette question «doit être tranchée par la
Cour elle-même dans un délai raisonnable, celle-ci devant avoir à l’esprit non pas les susceptibilités
des Etats mais la souffrance prolongée des êtres humains — c’est-à-dire les victimes ayant survécu
et leurs proches — et la nécessité de la soulager ; les violations susmentionnées et le prompt
respect de l’obligation de réparer les dommages causés ne doivent pas être dissociés dans le temps :
ils forment un tout indissociable» (par. 7).

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