COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
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Communiqué de presse
Non officiel
N o 2011/37
Le 5 décembre 2011
La Cour dit que la Grèce, en s’opposant à l’admission de l’ex-République yougoslave
de Macédoine à l’OTAN, a manqué à l’obligation que lui impose
le paragraphe 1 de l’article 11 de l’accord intérimaire
du 13 septembre 1995
LAHAYE, le 5décembre2011. La Cour intern ationale de Justice (CIJ), organe judiciaire
principal des NationsUnies, a rendu ce jour son arrêt en l’affaire rela tive à l’Application de
l’accord intérimaire du 13 septembre 1995 (ex-République yougoslave de Macédoine c. Grèce).
Dans son arrêt, qui est définitif, sans recours et obligatoire pour les Parties, la Cour,
1) dit , par quatorze voix contre deux, qu’elle a co mpétence pour connaître de la requête déposée
par l’ex-République yougoslave de Macédoine le 17novembre2008 et que cette requête est
recevable ;
2) dit , par quinze voix contre une, que la Républiquhellénique, en s’opposant à l’admission de
l’ex-République yougoslave de Macédoine à l’OTAN, a manqué à l’obligation que lui impose
le paragraphe 1 de l’article 11 de l’accord intérimaire du 13 septembre 1995 ;
3) rejette, par quinze voix contre une, le surplus deconclusions de l’ex-République yougoslave
de Macédoine.
I. Contexte factuel de l’affaire
La Cour rappelle que, le 17 novembre 2008, l’ex-Républi que yougoslave de Macédoine
(ci-après dénommée le «demandeur») a déposé au Greffe de la Cour une requête introductive
d’instance contre la République hellénique (ci-après dénommée le «défendeur») au sujet d’un
différend concernant l’interprétation et l’exécution de l’accord intérimaire du 13septembre1995
(ci-après dénommé l’«accord intérimaire»). E lle rappelle en outre que le demandeur a invoqué,
comme base de compétence, le paragraphe 2 de l’article 21 de l’accord intérimaire, selon lequel les
Parties peuvent saisir la Cour de tout différend qui s’élève entre elles en ce qui concerne
l’interprétation ou l’exécution de cet accord, à l’exception de la divergence au sujet du nom du
demandeur visée au paragraphe 1 de l’article 5 de ce même instrument.
La Cour observe que la candidature du de mandeur à l’OTAN fut examinée au sommet de
Bucarest les 2 et 3 avril 2008, mais que le demandeur ne fut pas invité à entamer des discussions en
vue de son adhésion à cette organisation. Elle relève que le demandeur cherche en particulier à
établir que le défendeur s’est opposé à son admission à l’OTAN et a, dès lors, violé le paragraphe 1
de l’article 11 de l’accord intérimaire. La Cour note qu’il ressort du libellé de la première clause de
cette disposition que le défendeur ne s’opposera pas à l’admission du demandeur dans les - 2 -
organisations internationales ou régionales dont le défendeur est membre. Elle note en outre
qu’aux termes de la seconde clause de cette disposition, le défende ur se réserve toutefois le droit
d’élever des objections à une telle demande si, et dans la mesure où, le demandeur doit être doté
dans ces organisations d’une a ppellation différente de celle pré vue au paragraphe2 de la
résolution817(1993) du Conseil de sécurité. Ce dernier y recommandait que le demandeur soit
admis à l’Organisation des NationsUnies et «d ésigné provisoirement, à toutes fins utiles à
l’Organisation, sous le nom d’«ex-République yougoslave de Macédoine» en attendant que soit
réglée la divergence qui a[vait] surgi au sujet de son nom».
II. Compétence de la Cour et recevabilité de la requête
La Cour relève que le défe ndeur prétend qu’elle n’est pa s compétente pour connaître du
différend et que la requête est irrecevable pour plusieurs motifs. Premièrement, il affirme que le
différend se rapporte à la divergence au sujet du nom du demandeur. Deuxièmement, il avance que
le différend a trait à un comportement imputable à l’OTAN et à ses Etats membres, à l’égard
duquel la Cour n’est pas compétente. Troisièmemen t, il soutient qu’un arrêt de la Cour en la
présente affaire ne serait pas susceptible d’applica tion effective, puisqu’il ne pourrait avoir d’effet
sur l’admission du demandeur à l’OTAN. Quatrièmement, il affirme que l’exercice par la Cour de
sa compétence interférerait avec les négociations di plomatiques en cours sur la divergence au sujet
du nom.
La Cour décide de ne pas faire droit aux ex ceptions soulevées par le défendeur ; elle conclut
qu’elle a compétence pour connaître du différend et que la requête est recevable.
III. Question de savoir si le défendeur ne s’est pas conformé à l’obligation contenue dans le
paragraphe 1 de l’article 11 de l’accord intérimaire
Au vu des éléments de preuve qui lui ont été soumis, la Cour estime que, au sommet de
Bucarest, le défendeur a élevé, en contradiction avec le paragraphe1 de l’article11 de l’accord
intérimaire, des objections à l’admission du de mandeur à l’OTAN, invoquant le fait que la
divergence relative au nom de ce dernier n’avait toujours pas été réglée. La Cour considère que
cette opposition du défendeur ne relève pas de l’exception énoncée dans la seconde clause du
paragraphe1 de l’article11 de l’accord intérimair e car cette clause ne l’autorise pas à élever des
objections à l’admission du demandeur au motif qu’il est à prévoir que celui-ci s’y désignera
lui-même par son nom constitutionnel.
IV. Justifications additionnelles invoquées par le défendeur
La Cour relève que, subsidiairement à son ar gument principal, le défendeur a prétendu que
toute objection à l’admission du demandeur à l’OTAN serait justifiée 1)en vertu de la théorie de
l’exceptio non adimpleti contractus, 2) comme une réponse à une violation d’un traité ou 3) comme
une contre-mesure prise conformément au droit de la responsabilité de l’Etat. La Cour constate que
le défendeur a énoncé certaines conditions minimales communes à ses arguments relatifs à ces
troisjustifications, celles-ci étant la violation par le demandeur de dispositions de l’accord
intérimaire, ainsi que l’opposition du défendeur à l’admission du demandeur à l’OTAN en réponse
auxdites violations. A la lumière des éléments du dossier, la Cour conclut que le défendeur n’a
établi qu’un seul manquement, à savoir l’utilisati on en 2004 par le demandeur du symbole visé par
l’interdiction figurant au paragraphe 2 de l’article 7, à laquelle il a mis fin la même année. La Cour
estime que le défendeur n’a pas démontré qu’il s’était opposé à l’admission du demandeur à
l’OTAN en réponse à une violation de cette dispos ition. En conséquence, elle conclut que les
justifications invoquées par le défendeur ne peuvent être retenues. - 3 -
V. Réparation
A la lumière de ce qui précède, la Cour déci de que sa conclusion selon laquelle le défendeur
a manqué à l’obligation que lui impose envers le demandeur le paragraphe 1 de l’article11 de
l’accord intérimaire constitue une satisfaction appropriée.
Composition de la Cour
La Cour était composée comme suit: M.Owada, président , M.Tomka, vice-président ;
MM K.oroma, Simma, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov,
CançadoTrindade, Yusuf, Gree nwood, Mmes Xue, Donoghue, juges ; MM. Roucounas, Vukas
juges ad hoc ; M. Couvreur, greffier.
M. le juge Simma joint à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle ; M. le juge Bennouna
joint une déclaration à l’arrêt ; Mme le juge Xue joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente ;
M.le juge adhoc Roucounas joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente; M.le juge
ad hoc Vukas joint une déclaration à l’arrêt.
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Un résumé de l’arrêt figure dans le document intitulé «Résumé n 2011/6». Le présent
communiqué de presse, le résumé de l’arrêt, ainsi que le texte intégral de celui-ci sont disponibles
sur le site Internet de la Cour (www.icj-cij.org) sous la rubrique «Affaires».
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Département de l’information :
M. Andreï Poskakoukhine, premier secrétaire dela Cour, chef du département (+31 (0)70 302 2336)
M. Boris Heim, attaché d’information (+31 (0)70 302 2337)
Mme Joanne Moore, attachée d’information adjointe (+31 (0)70 302 2394)
Mme Genoveva Madurga, assistanteadministrative (+31 (0)70 302 2396)
La Cour dit que la Grèce, en s’opposant à l’admission de l’ex-République yougoslave de Macédoine à l’OTAN, a manqué à l’obligation que lui impose le paragraphe 1 de l’article 11 de l’accord intérimaire du 13 septembre 1995