Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie) - Exceptions préliminaires - La Cour dit qu'elle a compétence, sur la base de l'article IX de

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2008/41
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

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Communiqué de presse
Non officiel

o
N 2008/41
Le 18 novembre 2008

Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Croatie c. Serbie)

Exceptions préliminaires

La Cour dit qu’elle a compétence, sur la base de l’article IX de la convention sur le génocide,

pour connaître de l’affaire au fond

LA HAYE, le 18 novembre 2008. La Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire
principal des NationsUnies, a rendu aujourd’hui son arrêt sur les exceptions préliminaires

soulevées par la Serbie à la compétence de la Cour et à la recevabilité de la requête de la Croatie en
l’affaire relative à l’ Application de la conven tion pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Croatie c. Serbie).

Dans son arrêt, qui est définitif, sans recours et obligatoire pour les Parties, la Cour,

«1) Par dix voix contre sept,

Rejette la première exception préliminaire soulev ée par la République de Serbie, en ce
qu’elle a trait à sa capacité de participer à l’in stance introduite par la requête de la République de

Croatie ;

2) Par douze voix contre cinq,

Rejette la première exception préliminaire soulev ée par la République de Serbie, en ce

qu’elle a trait à la compétence ratione materiae de la Cour, en vertu de l’article IX de la convention
pour la prévention et la répression du crime de gé nocide, pour connaître de la requête de la
République de Croatie ;

3) Par dix voix contre sept,

Dit que, sous réserve du point4 du présent dis positif, la Cour a compétence pour connaître
de la requête de la République de Croatie ;

4) Par onze voix contre six,

Dit que la deuxième exception préliminaire soul evée par la République de Serbie n’a pas,
dans les circonstances de l’espèce, un caractère exclusivement préliminaire ;

5) Par douze voix contre cinq,

Rejette la troisième exception préliminaire soulevée par la République de Serbie.» - 2 -

Raisonnement de la Cour

⎯ Identification de la partie défenderesse

La Cour fait observer qu’elle doit tout d’abord identifier la partie défenderesse en la présente
affaire. L’instance a initialeme nt été introduite, en 1999, cont re la République fédérale de

Yougoslavie (RFY), ultérieurement connue sous le nom de Républi que de Serbie-et-Monténégro.
La Cour rappelle que, en 2006, la République du Monténégro a déclaré son indépendance. La
Serbie a reconnu la continuité en tre la Serbie-et-Monténégro et la République de Serbie. Le
Monténégro, en revanche, est un nouvel Etat et il n’assure pas la continuité de la personnalité

juridique internationale de la communauté étatique de Serbie-et-Monténégro. Après avoir examiné
les vues des Parties ainsi que celles de la Républ ique du Monténégro et rappelé le principe
fondamental selon lequel aucun Etat ne peut être soumis à sa juridiction sans y avoir consenti, la
Cour conclut que la seule partie défenderesse en l’espèce est la République de Serbie.

⎯ Première exception préliminaire : capacité de la Serbie de participer à l’instance

La Cour examine ensuite la première branche de la première exception préliminaire de la

Serbie, à savoir la thèse selon laquelle le défendeur n’a pas la capacité de comparaître devant elle
en la présente instance. Elle i ndique qu’il n’est pas contesté que, à la date à laquelle elle a déposé
sa requête, le 2juillet1999, la Croatie était partie au Statut. La Serbie s outient qu’elle n’était,
quant à elle, pas membre de l’Organisation des Nations Unies lorsque la requête a été dépo
sée et

qu’elle n’était, en conséquence, pas partie au Stat ut sur cette base ou autrement. La Cour relève
également que la Serbie et ses prédécesseurs en droit ont comparu devant elle dans le cadre de
diverses procédures au cours des quinze dernières années. Elle rappelle qu’elle a, dans plusieurs

décisions antérieures, reconnu que le statut juridique de la RFY était «indéterminé» au cours de la
période allant de la désintégration de l’ex-Ré publique fédérative socialiste de Yougoslavie (RFSY)
⎯ en 1992 ⎯ à l’admission de la RFY à l’Organisati on des NationsUnies en tant que nouveau
Membre le 1 novembre2000. Toutefois, après s’être penchée sur ses décisions antérieures dans

lesquelles était abordée la question de la capacité de la Serbie de comparaître devant elle, la Cour
indique qu’aucune d’entre elles n’a été rendue da ns le cadre de la présente instance ou d’une
instance à laquelle participaient la Croatie et la Serbie, de sorte que ces décisions ne sont pas
revêtues de l’autorité de la chose jugée en la pr ésente espèce. La Cour conclut dès lors que la

question de la capacité de la Serbie de comparaître devant elle doit être examinée de nouveau.

La Cour fait ensuite observer que, si sa compétence doit normalement s’apprécier à la date
du dépôt de l’acte introductif d’instance, elle a fait preuve de souplesse dans certaines hypothèses

où les conditions de sa compétence n’étaient pas t outes remplies à cette date mais l’avaient été
postérieurement, et avant qu’elle ne se prononce sur sa compétence. Ce faisant, la Cour a suivi la
jurisprudence de sa devancière, la Cour permanente de Justice intern ationale (CPJI), laquelle avait,
en l’affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine , jugé qu’elle avait compétence au motif

que, même si tel n’était pas le cas à la date du dépôt de la requête, il aurait toujours été possible,
pour la partie demanderesse, de présenter à nouveau sa requête, dans les mêmes termes, une fois
réunies toutes les conditions de sa compétence. La Cour précise que c’est un «souci d’économie de

procédure» qui justifie que soit appliquée, dans les cas appropriés, la jurisprudence issue de l’arrêt
Mavrommatis, laquelle vise à «éviter la multiplication inutile des procédures». Elle considère qu’il
y a lieu d’appliquer ladite jurisprudence en la présen te affaire. La Cour en conclut que, à partir du
1 novembre2000, elle était ouverte à la RFY. Toutefois, aux fins d’établir si la Croatie, le

demandeur, aurait pu alors présenter une nouvelle requête dans les mêmes termes, la Cour
considère qu’elle doit examiner la question de savoir si, à cette date, la RFY était liée par
l’articleIX de la convention de1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide (la
convention sur le génocide), instrument sur lequel la Croatie fonde la compétence de la Cour. - 3 -

⎯ Première exception préliminaire : compétence ratione materiae

La Cour en vient donc ensuite à la question de sa compétence ratione materiae, deuxième
branche de la première exception préliminaire soulevée par la Serbie à sa compétence. Elle
rappelle que la seule base de compétence invoquée par la Croatie est l’article IX de la convention

sur le génocide. La Serbie soutie nt qu’elle n’était pas elle-même partie à cet instrument à la date
du dépôt de la requête, le 2juille t1999, qu’elle n’y est devenue partie par voie d’adhésion qu’en
juin2001 et que sa notificati on d’adhésion contenait une réserve à l’articleIX excluant la
compétence de la Cour.

Après avoir examiné avec attention les arguments des Parties, la Cour relève que, si la RFY
était partie à la convention sur le génocide, y comp ris son article IX, le 2 juillet 1999, et a continué
d’être liée par cet article au moins jusqu’au 1 ernovembre2000 (date à laquelle elle est devenue

partie au Statut de la Cour), alors la Cour aurait compétence pour connaître de l’affaire. A cet
égard, elle note que, par une déclaration du 27 avril 1992 et une note officielle datée du même jour
⎯par laquelle la mission permanente de la Yougoslavie a communiqué cette déclaration au

Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies ⎯, la RFY indiquait qu’elle «continu[erait]
à exercer tous les droits conférés à la Républiq ue fédérative socialiste de Yougoslavie et à
s’acquitter de toutes les obligations assumées par cette dernière dans les relations internationales, y

compris en ce qui concerne son appartenance à toutes les organisations internationales et sa
participation à tous les traités internationaux que la Yougoslavie a ratifiés ou auxquels elle a
adhéré».

A la lumière du libellé de la déclaration et de la note du 27avril1992, ainsi que du
comportement concordant de la RFY tout au long de la période allant de 1992 à 2001, la Cour
considère que la déclaration et la note ont eu l’effet d’une notification de succession de la RFY à la
RFSY à l’égard de la convention sur le génocid e, y compris son articleIX, qui prévoit la

compétence de la Cour. Celle-ci conclut qu’elle avait, à la date à laquelle l’instance a été introduite
par la Croatie, compétence pour connaître de l’affaire sur la base de l’articleIX, et que cette
situation est restée inchangée au moins jusqu’au 1 ernovembre 2000, date à laquelle la

Serbie-et-Monténégro est devenue Membre de l’Or ganisation des NationsUnies et donc partie au
Statut de la Cour.

⎯ Conclusion relative à la première exception préliminaire

er
Ayant conclu que la Serbie avait acquis le statut de partie à son Statut le 1 novembre 2000,
qu’elle était liée par la convention sur le génoc ide, y compris son articleIX, à la date de
l’introduction de l’instance, et qu’elle l’est demeurée au moins jusqu’au 1 ernovembre 2000, la

Cour rejette la première exception préliminaire de la Serbie.

⎯ Deuxième exception préliminaire : compétence de la Cour et recevabilité ratione temporis

La Cour examine ensuite la deuxième excepti on préliminaire de la Serbie, à savoir celle
selon laquelle «les demandes fondées sur les acte s ou omissions antérieurs au 27avril1992»
⎯ c’est-à-dire la date à laquelle elle a commencé à ex ister en tant qu’Etat et celle de la déclaration

susmentionnée ⎯, ne relèvent pas de sa compétence et sont irrecevables.

De l’avis de la Cour, les questions de compétence et de recevabilité soulevées par

l’exception préliminaire ratione temporis de la Serbie sont indissociables. La première est celle de
savoir si la Cour a compétence pour déterminer si des violations de la convention sur le génocide
ont été commises, à la lumière des faits antérieurs au 27 avril 1992 . La seconde question est celle
de la recevabilité de la demande concernant ces fait s, et a trait aux conséquences à tirer quant à la

responsabilité de la RFY à raison desdits faits en vertu des règles générales de la responsabilité des - 4 -

Etats. Pour que la Cour puisse se prononcer sur chacune de ces questions, elle devra disposer de
davantage d’éléments. Elle conclu t donc que l’exception préliminaire ratione temporis soulevée

par la Serbie n’a pas, dans les circonstances de l’espèce, un caractère exclusivement préliminaire et
qu’elle devra, dès lors, être examinée lors de la phase du fond.

⎯ Troisième exception préliminaire: demandes c oncernant la traduction de certaines personnes

en justice, la communication de renseignements sur les citoyens croates portés disparus et la
restitution de biens culturels

La Cour en vient pour finir à l’examen de la troisième exception soulevée par la Serbie,

selon laquelle «les demandes relatives à l’exercice de poursuites à l’encontre de certaines
personnes se trouvant sous la juridiction de la Serbie, à la communication de renseignements sur le
sort des citoyens croates portés disparus et à la r estitution de biens culturels ne relèvent pas de la
compétence de la Cour et sont irrecevables».

S’agissant de la traduction de personnes en jus tice, la Cour relève que la Croatie reconnaît
que cette demande est désormais sans objet, dans la mesure où certaines personnes mises en
accusation ont été, depuis le dépôt du mémoire, transférées au Tribunal pénal international pour

l’ex-Yougoslavie (TPIY). La Croatie soutient cependant qu’un différend continue de l’opposer à la
Serbie au sujet des personnes qui n’ont été déféré es ni à un tribunal compétent en Croatie ni au
TPIY pour répondre des actes ou omissions faisant l’objet de la présente instance. La Serbie
avance, quant à elle, que la Croatie n’a pas démontré que des personnes accusées de génocide, soit

par le TPIY soit par des juridictions croates, se tr ouvent actuellement sur le territoire de la Serbie
ou sous le contrôle de celle-ci. L’exactitude de cette affirmation est une question qui se posera à la
Cour lorsqu’elle examinera les demandes de la Croatie au fond. En conséquence, la Cour conclut

que l’exception de la Serbie doit être rejetée.

S’agissant de la communication de renseignements sur les citoyens croates portés disparus
depuis1991 et de la restitution de biens culturels , la Cour indique que la question de savoir s’il
pourrait s’agir de remèdes appropriés dépend d es conclusions auxquelles elle pourrait en temps

utile parvenir quant à des violations de la convention par la Serbie et que cette question n’est pas de
nature à faire l’objet d’une exception préliminaire . La troisième exception préliminaire soulevée
par la Serbie doit donc être rejetée dans son intégralité.

Ayant établi qu’elle a compétence, la Cour examinera l’exception préliminaire dont elle a
conclu qu’elle n’avait pas un caractère exclusivem ent préliminaire lors de la phase du fond.
Conformément à son Règlement, la Cour fixera ultérieurement les délais pour la suite de la

procédure.

Composition de la Cour

La Cour était composée comme suit: Mme Higgins, président ; M. Al-Khasawneh,

vice-président; MM.Ranjeva, Shi, Koroma, Parra-A ranguren, Buergenthal, Owada, Simma,
Tomka, Abraham, Keith, Sepúl veda-Amor, Bennouna, Skotnikov, juges ; MM. Vukas, Kreća,
juges ad hoc ; M. Couvreur, greffier.

M. le juge Al-Khasawneh, vice-président, joint à l’arrêt l’exposé de son opinion
individuelle; MM. les juges Ranjeva, Shi, Koro ma et Parra-Aranguren joignent une déclaration
commune à l’arrêt ; MM. les juges Ranjeva et Owada joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion
dissidente; MM. les juges Tomka et Abraham joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion

individuelle; M. le juge Bennouna joint une déclaration à l’arrêt; M. le juge Skotnikov joint à
l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente ; M. le juge ad hoc Vukas joint à l’arrêt l’exposé de son
opinion individuelle ; M. le juge ad hoc Kreća joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente.

___________ - 5 -

Un résumé de l’arrêt figure da ns le document intitulé «Résumé n o2008/5», auquel sont
annexés les résumés des déclarations et des opinions jointes à l’arrêt. Le présent communiqué de

presse, le résumé de l’arrêt, ainsi que le texte in tégral de celui-ci figurent également sur le site
Internet de la Cour (www.icj-cij.org) sous les rubriques «Espace Presse» et «Affaires».

___________

Département de l’information :

Mme Laurence Blairon, secrétaire de la Cour, chef du département (+31 (0)70 302 2336)
MM. Boris Heim et Maxime Schouppe, attachés d’information (+31 (0)70 302 2337)

Mme Joanne Moore, attachée d’information adjointe (+31 (0)70 302 2394)
Mme Barbara Dalsbaek, assistante administrative (+31 (0)70 302 2396)

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