Demande en interprétation de l'arrêt du 31 mars 2004 en l'affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d'Amérique)(Mexique c. Etats-Unis d'Amérique) - Mesures conservatoires

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14637
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2008/20
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
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Communiqué de presse
Non officiel

N o2008/20

Le 16 juillet 2008

Demande en interprétation de l’arrêt du 31 mars 2004 en l’affaire Avena et autres

ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique)
(Mexique c. Etats-Unis d’Amérique)

Mesures conservatoires

La Cour dit que les Etats-Unis d’Amérique doivent prendre «toutes les mesures nécessaires»
pour que cinq ressortissants mexicains ne soient pas exécutés tant que
n’aura pas été rendu son arrêt définitif

LA HAYE, le 16 juillet 2008. La Cour interna tionale de Justice (CIJ), organe judiciaire
principal de l’Organisation des Nations Unies, a rendu aujourd’hui sa décision sur la demande en
indication de mesures conservatoires présentée par le Mexique en l’affaire relative à la Demande en
interprétation de l’arrêt du31 mars 2004 en l’affaire Avena et autres ressortissants mexicains

(Mexique c. Etats-Unis d’Amérique) (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique).

Dans son ordonnance, la Cour

«I. Par sept voix contre cinq,

Dit qu’elle ne saurait accueillir le chef de conc lusions des Etats-Unis d’Amérique tendant à
obtenir le rejet de la requête présentée par les Etats-Unis du Mexique ;

II. Indique à titre provisoire les mesures conservatoires suivantes :

a) Par sept voix contre cinq,

Les Etats-Unis d’Amérique prendront toutes les mesures nécessaires pour que
MM. José Ernesto Medellín Rojas, César Roberto Fierro Reyna, Rubén Ramírez Cárdenas,
Humberto Leal García et Roberto Moreno Ramos ne soient pas exécutés tant que n’aura pas été

rendu l’arrêt sur la demande en interprétation pr ésentée par les Etats-Unis du Mexique, à moins et
jusqu’à ce que ces cinq ressortissants mexicains aient bénéficié du réexamen et de la revision
prévus aux paragraphes 138 à 141 de l’arrêt rendu par la Cour le 31 mars 2004 dans l’affaire Avena
et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique) ;

b) Par onze voix contre une,

Le Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique portera à la connaissance de la Cour les
mesures prises en application de la présente ordonnance ;

III. Par onze voix contre une,

Décide que, jusqu’à ce que la Cour rende son arrê t sur la demande en interprétation, elle
demeurera saisie des questions qui font l’objet de la présente ordonnance.» - 2 -

Historique de la procédure

Le 5juin2008, le Mexique a déposé une dema nde en interprétation de l’arrêt rendu par la
Cour le 31 mars 2004 en l’affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis
d’Amérique). Dans sa demande, le Mexique a rappelé que, dans l’arrêt Avena , la Cour avait jugé
notamment «que les Etats-Unis d’Amérique avaient viol é l’article36 de la convention de Vienne

sur les relations consulaires à l’égard de cinquanteetun ressortissants mexicains [qui avaient été
arrêtés, jugés et condamnés à mort aux Etats-Unis ] en ne les informant pas…de leurs droits à
l’accès aux autorités consulaires et à l’assistancede ces dernières». Le Mexique a ajouté que la
Cour avait déterminé, au point 9 du paragraphe 153, quelles étaient les obligations incombant aux

Etats-Unis d’Amérique à titre de réparation, à sa voir «assurer, par les moyens de leur choix, le
réexamen et la revision des verdicts de culpab ilité rendus et des peines prononcées» à l’encontre
desdits ressortissants mexicains. Dans sa dema nde, le Mexique a soutenu qu’un «différend
fondamental» était né entre les Parties «quant à la portée et au sens du point 9 du paragraphe 153»

et que la Cour devait «orienter la conduite des Par ties». Pour fonder la compétence de la Cour, le
Mexique a invoqué l’article 60 du Statut qui dispose que : «[e]n cas de contestation sur le sens et la
portée de l’arrêt, il appartient à la Cour de l’interpréter, à la demande de toute partie».

Le même jour, le Mexique a déposé une dema nde en indication de mesures conservatoires,
affirmant que, depuis que la Cour avait rendu l’arrêt Avena , «des refus répétés [avaie]nt été
opposés à des demandes soumises par des ressortissant s mexicains en vue du réexamen et de la
revision de leur cas» et que l’Etat du Texas av ait fixé la date d’exécution de l’un de ces

ressortissants visés dans l’arrêt Avena , M.Medellín, au 5août2008, alors que quatre autres
ressortissants mexicains pourraient se voir signifi er, à brève échéance, une date d’exécution. Le
Mexique a donc demandé à la Cour d’ordonner de surseoir à ces exécu tions tant qu’elle n’aura pas
rendu de décision définitive sur sa demande en interprétation (voir communiqué de presse
o
n 2008/15 du 5 juin 2008).

Des audiences publiques auxquelles les deux Parties ont participé ont été tenues les
19 et 20 juin 2008.

Raisonnement de la Cour

⎯ Article 60 du Statut

La Cour commence par faire observer que la compétence que l’article60 lui confère n’est
subordonnée à l’existence d’aucune autre base ayan t fondé, dans l’affaire initiale, sa compétence à
l’égard des parties et qu’il s’ensuit que, même si la base de compétence invoquée dans cette

première affaire est devenue caduque, elle peut néanmoin s connaître d’une demande en
interprétation. Elle précise que lorsqu’elle est saisie d’une demande en indication de mesures
conservatoires dans le cadre d’une demande en interprétation présentée en vertu de l’article 60, elle
doit d’abord déterminer si les conditions auxq uelles elle peut connaître d’une demande en

interprétation paraissent être remplies. A cet effe t, l’article60 de son Statut dispose qu’il doit y
avoir une «contestation sur le sens et la portée» dudit arrêt.

La Cour note que les Parties sont divisées su r la question de savoir s’il y a une contestation

les opposant quant sens et à la portée du point 9 du paragraphe 153 de l’arrêt Avena . Le Mexique
interprète l’arrêt comme établissant une obliga tion de résultat qui impose aux Etats-Unis, «y
compris à tous leurs organes const itutifs, à tous les niveaux», d’assu rer le réexamen et la revision

prescrits, «indépendamment de tout obstacle de droit interne», et déclare qu’«il ressort d[e leur]
comportement…à ce jour» que les Etats-Unis estiment que l’arrêt «leur impose seulement une
obligation de moyens et non … de résultat». De leur côté, les Etats-Unis précisent que, s’ils se sont
heurtés, dans le cadre de leurs efforts en vue d’assurer l’exécution de l’arrêtAvena , à des

«contraintes [de taille] imposées par leur droit intern e», en raison de la structure fédérale du pays,
ils ont «incontestablement reconnu que l’obligatio n d’assurer le réexamen et la revision est une
obligation de résultat» et «cherché à obtenir ce résultat». Il n’existe donc, selon les Etats-Unis,
aucune contestation les opposant au Mexique sur le sens et la portée du point 9 du paragraphe 153, - 3 -

et la Cour n’a pas compétence rationemateriae pour connaître de la requê te du Mexique, laquelle
constitue «un abus de procédure» en ce qu ’elle tend à l’exécution de l’arrêt Avena. Les Etats-Unis

soutiennent également que la Cour n’a pas compétence primafacie pour indiquer des mesures
conservatoires.

La Cour examine le libellé de l’article 60 du Statut et remarque que les versions française et

anglaise ne sont pas en totale harmonie parce que le texte français emploie le terme «contestation»,
alors que le texte anglais utilise le mot «dispute». La Cour relève que l’article 60 de son Statut est
identique à celui de sa devancière, la Cour perman ente de Justice internationale, ajoutant que les
auteurs du Statut de cette dernière ont choisi d’ utiliser le terme «contestation» (et non «différend»)

dans ledit article. Elle fait observer que le mo t «contestation» a une portée plus large, n’implique
pas nécessairement le même degré d’opposition, et que cette notion s’entend, dans son application
à une situation donnée, de manière plus souple . La Cour examine ensuite la façon dont sa
devancière et elle-même ont tra ité la question du sens du mot «contest ation» («dispute») dans leur

jurisprudence. Elle indique qu’il n’est pas exigé, aux fins de l’article60, «que l’existence de la
contestation se soit manifestée d’une certaine manière, par exemple par des négociations
diplomatiques», ni que «la contestation se soit formel lement manifestée». Elle ajoute que la Cour
permanente pouvait être saisie aussitôt que les Et ats concernés avaient en fait manifesté des

opinions opposées quant au sens et à la portée d’un de ses arrêts et qu’elle-même a confirmé cette
lecture de l’article 60 dans l’arrêt qu’elle a rendu en 1985 en l’affaire de la Demande en revision et
en interprétation de l’arrêt du 2février982 en l’affaire du Plateau continental
(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne).

La Cour examine ensuite si une contestation paraît exister entre les Parties au sens de
l’article 60 du Statut. Ayant rappelé leurs arguments , la Cour conclut que, s’il semble que les deux
Parties voient dans le point 9 du paragraphe 153 de l’arrêt Avena «une obligation internationale de

résultat», elles n’en «paraissent pas moins diverger d’opinion quant au sens et à la portée de cette
obligation de résultat ⎯plus précisément quant à la questi on de savoir si cette communauté de
vues est partagée par toutes les autorités des Etats-Unis, à l’échelon fédéral et à celui des Etats, et si

cette obligation s’impose à ces autorités». La Cour relève qu’une «divergence d’opinion paraît
exister» entre les Parties quant au sens et à la portée de la conclusion qu’elle a énoncée au point 9
du paragraphe153 de l’arrêt Avena et que, dès lors, elle pourrait en être saisie en vertu de
l’article 60 de son Statut. Ayant conclu qu’elle pe ut connaître, en vertu cet article, de la demande

en interprétation du Mexique, la Cour déclare qu’ il en découle que la conclusion des Etats-Unis
selon laquelle la requête du Mexique doit être rejetée in limine pour «défaut manifeste de
compétence» ne peut être retenue, et qu’il en d écoule également que la Cour peut connaître de la
demande en indication de mesures conservatoires du Mexique.

⎯ Lien entre les droits allégués devant être protégés et la demande en interprétation

La Cour rappelle que, pour indiquer les m esures conservatoires demandées, elle doit être

convaincue qu’il existe un lien entre les droits a llégués dont la protection est recherchée et l’objet
de la demande en interprétation du Mexique. Elle précise que, dans sa demande en interprétation,
le Mexique cherche à obtenir des éclaircissemen ts sur le sens et la portée du point9 du
paragraphe153 de l’arrêt Avena , dans lequel la Cour a conclu que les Etats-Unis étaient tenus

d’assurer, par les moyens de leur choix, le réex amen et la revision des verdicts de culpabilité
rendus et des peines prononcées contre les ressortissant s mexicains en tenant compte à la fois de la
violation des droits prévus par l’article 36 de la convention de Vienne et des paragraphes 138 à 141

de l’arrêt. Elle fait observer que c’est l’interpréta tion du sens et de la portée de cette obligation et,
partant, des droits que le Mexique ou ses ressor tissants tiennent du point 9 du paragraphe153 qui
constitue l’objet de l’instance pendante devant elle sur la demande en interprétation, et que le
Mexique a présenté une demande en indication de me sures conservatoires à l’effet de protéger ces

droits en attendant sa décision définitive. La Cour en conclut dès lors que les droits que le Mexique
cherche à protéger présentent un lien suffisant avec sa demande en interprétation. - 4 -

⎯ Risque de préjudice irréparable et urgence

Enfin, la Cour doit vérifier l’existence de l’urgence requise, «c’est-à -dire s’il est probable
qu’une action préjudiciable aux droits de l’une ou de l’autre partie sera commise avant qu[’elle]
n’ait rendu sa décision définitive». La Cour fait observer que l’exécution d’un ressortissant
détenteur de droits dont le sens et la portée sont en cause, si elle avait lieu avant qu’elle n’ait rendu

son arrêt sur la demande en interprétation, «re ndrait impossible l’adoption de la solution demandée
par [son Etat national] et porterait ainsi un pr éjudice irréparable aux droits revendiqués par
celui-ci». Ayant examiné les éléments d’informa tion qui lui ont été présentés, la Cour conclut
qu’«il y a indubitablement urgence» et que les circonstances exigent qu’elle indique des mesures

conservatoires pour sauvegarder les droits du Mexi que, ainsi qu’il est prévu à l’article41 de
son Statut.

⎯ Autres points

La Cour indique ensuite qu’elle a pleinement conscience de ce que le Gouvernement fédéral
des Etats-Unis a pris des mesures nombreuses, diverses et répétées en vue d’honorer les obligations
internationales incombant aux Etats-Unis en vertu de l’arrêt Avena . Elle relève que les Etats-Unis

ont reconnu que si l’un quelconque des ressorti ssants mexicains cités dans la demande en
indication de mesures conservatoires devait être exécuté sans avoir bénéficié du réexamen et de la
revision prescrits par l’arrêtAvena , il y aurait violation des obliga tions que leur impose le droit

international.

La Cour conclut en indiquant qu’il est «dan s l’intérêt des deux Parties que soit tranchée au
plus vite toute divergence d’opinion ayant trait à l’interprétation du sens et de la portée des droits et
obligations qui sont les leurs en vertu du point9 du paragraphe153 de l’arrêt Avena » et que, dès

lors, il convient que la Cour veille à rendre «dan s les meilleurs délais» un arrêt définitif sur la
demande en interprétation. La Cour rappelle que la décision rendue relativement à la demande en
indication de mesures conservatoires «ne préjuge aucune question dont [elle] aurait à connaître

dans le cadre de l’examen de la demande en interprétation».

Composition de la Cour

La Cour était composée comme suit: Mme Higgins, président ; M. Al-Khasawneh,

vice-président ; MM. Ranjeva, Koroma, Buergenthal, Owada, Tomka, Abraham, Keith,
Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov, juges ; M. Couvreur, greffier.

M. le juge Buergenthal joint à l’ordonnance l’exposé de son opinion dissidente;

MM. les juges Owada, Tomka et Keith joignent à l’ordonnance l’exposé de leur opinion dissidente
commune ; M. le juge Skotnikov joint à l’ordonnance l’exposé de son opinion dissidente.

___________

o
Un résumé de l’ordonnance figure dans le document intitulé «Résumé n 2008/3», auquel
sont annexés les résumés des opinions jointes à l’ordonnance. Le présent communiqué de presse,
le résumé de l’ordonnance, ainsi que le texte in tégral de celle-ci figurent également sur le site

Internet de la Cour (www.icj-cij.org).
___________

Département de l’information :

Mme Laurence Blairon, secrétaire de la Cour, chef du département (+31 (0)70 302 2336)
MM. Boris Heim et Maxime Schouppe, attachés d’information (+31 (0)70 302 2337)

Mme Joanne Moore, attachée d’information adjointe (+31 (0)70 302 2394)

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