Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay) - La Cour dit que les circonstances, telles qu'elles se présentent actuellement à elle, ne sont pas de nature à exiger l'exercice d

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135-20070123-PRE-01-00-EN
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2007/2
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COUR INTERNATIONALE DE ruSTICE

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Communiquéde presse
Non officiel

N° 2007/2
Le 23 janvier 2007

Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay
(Argentine c. Uruguay)

La Cour dit gue les circonstances, telles qu'elles se présentent actuellemenà elle, ne sont pas

de nature à exiger l'exercice de son pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires

LA HAYE, le 23 janvier 2007. La Cour internationale de Justice (CU), organe judiciaire
principal des Nations Unies, a rendu aujourd'hui sa décision sur la demande en indication de
mesures conservatoires présentéepar l'Uruguay en l'affaire relative à Usines de pâte à papier sur le

fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay).

Dans son ordonnance, la Cour dit, par quatorze voix contre une, que «les circonstances,
telles qu'elles se présententactuellement à la Cour, ne sont pas de nature à exiger l'exercice de son
pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires en vertu de l'article 41 du Statut».

Historique de la procédure

Le 4 mai 2006, l'Argentine a déposé au Greffe de la Cour une requête introductive
d'instance contre l'Uruguay au sujet de prétendues violations par l'Uruguay des obligations
découlant pour celui-ci du statut du fleuve Uruguay, traité signé entre les deux Etats

le 26 février1975 (ci-après «le statut de 1975»). L'Argentine reprochait à l'Uruguay d'avoir
autorisé de manière unilatérale la construction de deux usines de pâte à papier sur le
fleuve Uruguay, sans respecter la procédureobligatoire d'information et de consultation préalables.
Elle soutenait que ces usines portaient atteinte à la préservation de l'environnement du fleuve et de
sa zone d'influence.

Pour fonder la compétence de la Cour, l'Argentine invoque le paragraphe 1 de l'articledu
statut de 1975, qui stipule que tout différend concernant l'interprétation ou l'application du statut
qui ne pourrait êtreréglépar négociation directe peut êtresoumis par l'une ou l'autre des parties à
la Cour.

La requête de l'Argentine était accompagnée d'une demande en indication de mesures
conservatoires tendant, notamment, à ce que l'Uruguay suspende les autorisations pour la
construction des usines et les travaux de construction de celles-ci dans l'attenteune décision
finale de la Cour et s'abstienne également de toute autre mesure susceptible d'aggraver ou

d'étendre le différend ou d'en rendre le règlement plus difficile. Dans une ordonnance datéedu
13juillet 2006, la Cour a dit que «les circonstances, telles qu'elles se présent[ai]ent [alors] à la
Cour, n['étaie]nt pas de nature à exiger l'exercice de son pouvoir d'indiquer des mesures
conservatoires en vertu de l'articledu Statut». -2-

Le 29 novembre 2006, l'Uruguay a présentéà son tour une demande en indication de mesures

conservatoires au motif que, depuis le 20 novembre 2006, des groupes organisés de citoyens
argentins avaient mis en place des barrages sur un pont international «d'importance vitale sur le
fleuve Uruguay», que cette action lui faisait subir des dommages économiques considérables et que
l'Argentine n'avait pris aucune mesure pour faire cesser le blocage. Au terme de sa demande,

l'Uruguay prie la Cour d'ordonner à l'Argentine de prendre «toutes les mesures raisonnables et
appropriées ... pour prévenir ou faire cesser l'interruption de la circulation entre l'Uruguay et
l'Argentine, notamment le blocage de ponts et de routes entre les deux Etats»; de s'abstenir «de
toute mesure susceptible d'aggraver ou d'étendrele présentdifférend ou d'en rendre le règlement

plus difficile» et, enfin, de s'abstenir «de toute autre mesure susceptible de porter atteinte aux
droits de l'Uruguay qui sont en cause devant la Cour».

Raisonnement de la Cour

La Cour commence par relever qu'au cours des audiences publiques tenues les 18 et
19 décembre2006, l'Argentine a contesté la compétence de la Cour pour indiquer les mesures
conservatoires demandées par l'Uruguay, arguant notamment que les mesures demandées ne

présentent «aucun lien avec le statut du fleuve Uruguay, seul instrument international qui fonde la
compétence de la Cour» en l'affaire, ni avec la requêteargentine par laquelle l'affaire a étéportée
devant la Cour. Selon l'Argentine, le véritable objet de la demande uruguayenne est d'obtenir la
suppression des barrages routiers, alors qu'aucun des droits éventuellement mis en cause par les

barrages (le droit de libre circulation et la libertéde commerce entre les deux Etats) ne sont des
droits régispar le statut du fleuve Uruguay.

L'Uruguay soutient pour sa part que le blocage des routes et des ponts internationaux

constitue une question «directement connexe, intimement et indissociablement liéeà la matière du
cas soumis à la Cour» et que cette dernière est «indiscutablement compétente pour en connaître».
Il ajoute que les blocages actuels constituent des voies de fait qui violent et menacent de frapper de
dommages irréparablesles droits qu'il défenddevant la Cour.

La Cour observe que, pour indiquer des mesures conservatoires, elle doit s'assurer qu'il
existe prima facie une base sur laquelle sa compétence pourrait êtrefondée, et qu'il en va ainsi
lorsque la demande émanedu demandeur (l'Argentine) aussi bien que du défendeur(l'Uruguay) au

fond. Elle rappelle que, dans son ordonnance du 13juillet 2006, elle s'est déjà déclarée
compétenteprima facie pour connaître du fond de l'affaire.

La Cour examine ensuite le lien entre les droits dont la protection est recherchée par les

mesures conservatoires demandées et 1'objet de 1'instance pendante devant elle sur le fond de
l'affaire. Elle considère que les droits invoqués par l'Uruguay, à savoir 1) de poursuivre la
construction de l'usine Botnia et de mettre celle-ci en service en attendant une décisiondéfinitive
de la Cour et 2) de voir la Cour statuer sur le fond de la présenteaffaire en vertu de l'article 60 du

statut de 1975, possèdent un lien suffisant avec l'objet de la procédure sur le fond engagée par
l'Argentine et peuvent donc êtreprotégéspar l'indication de mesures conservatoires. Aussi la
Cour se dit-elle compétente pour connaître de la demande uruguayenne en indication de mesures

conservatoires.

La Cour rappelle que son pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires vise à permettre de
sauvegarder le droit de chacune des parties à une affaire en attendant l'arrêtdéfinitif,pourvu qu'il y

ait une nécessitéurgente d'empêcherque soit causéun préjudiceirréparableaux droits en litige.

La Cour examine la première mesure conservatoire sollicitéepar l'Uruguay. Selon celui-ci,
le pont principal entre les deux Etats fait1'objet d'un barrage total et ininterrompu et deux autres

ponts «ont, par moments, étéfermés». L'Uruguay affirme que ces barrages routiers visent à le
forcer à arrêterla construction de l'usine Botnia et prétend qu'en encourageant les barrages,
1'Argentine «S'est engagéedans un processus destinéà porter atteinte de manière irréparable à la - 3 -

nature mêmedes droits en litige». L'Uruguay ajoute que, dès lors, «ce sont les barrages qui

constituent la menace imminente, et non les conséquences ... qu'ils pourraient avoir à terme sur
l'usine Botnia». L'Argentine soutient pour sa part que ce qui est en cause, c'est le blocage des
routes en territoire argentin et non pas celui d'un pont international. Elle affirme que ces barrages
sont «intermittents, partiels et géographiquement localisés» et qu'ils n'ont eu aucun effet sur la

construction des usines de pâte à papier. Elle dément avoir encouragé les barrages et conteste le
caractère irréparabledu préjudiceallégué.

La Cour constate que la construction de l'usine Botnia a considérablement progressé depuis

1'été2006, en dépit des barrages routiers, et que cette construction se poursuit. Elle dit qu'elle
n'est pas convaincue que les barrages risquent de causer un préjudice irréparable aux droits que
l'Uruguay prétend tirer du statut de 1975 et ajoute que celui-ci n'a pas étédémontréque, quand
bien mêmeun tel risque existerait, celui-ci serait imminent. Par conséquent, la Cour estime que les

circonstances de 1'espèce ne sont pas de nature à exiger 1'indication de la première mesure
conservatoire demandée par l'Uruguay (prévenir ou faire cesser l'interruption de la circulation
entre les deux Etats, notamment le blocage des ponts et des routes qui les relient).

S'agissant des deux autres mesures conservatoires dont l'Uruguay sollicite l'indication, la
Cour rappelle que, si elle a indiqué à plusieurs reprises dans des affaires passées des mesures
conservatoires ordonnant aux parties de ne pas aggraver ou étendre le différend ou d'en rendre la
solution plus difficile, elle avait toujours égalementindiquéd'autres mesures conservatoires.

En fin d'analyse, la Cour dit ne pas êtreparvenue à la conclusion que, pour le moment, le
blocage des ponts et des routes qui relient les deux Etats présenteun risque imminent de préjudice
irréparable menaçant les droits de 1'Uruguay qui font 1'objet du différend devant elle. Aussi

estime-t-elle que les barrages en tant que tels ne justifient pas l'indication des deux dernières
mesures conservatoires sollicitéespar l'Uruguay, dèslors que les conditions pour l'indication par la
Cour de la première mesure conservatoire ne sont pas remplies.

La Cour réitèrel'appel qu'elle a adresséaux Parties dans son ordonnance du 13juillet 2006
de «s'acquitter des obligations qui sont les leurs en vertu du droit international», de «mettre en
Œuvre de bonne foi les procéduresde consultation et de coopération prévuespar le statut de 1975»,
et de «s'abstenir de tout acte qui risquerait de rendre plus difficile le règlement du présent

différend».

Composition de la Cour

La Cour était composée comme suit: Mme Higgins, président; M. Al-Khasawneh,
vice-président ; MM. Ranjeva, Shi, Koroma, Buergenthal, Owada, Simma, Abraham, Keith,
Sepulveda-Amor, Bennouna, Skotnikov, juges; MM. Torres Bernardez, Vinuesa, juges ad hoc;
M. Couvreur, greffier.

MM. les juges Koroma et Buergenthal ont joint des déclarations à l'ordonnance ; M. le juge
ad hoc Torres Bernardez a joint à l'ordonnance l'exposéde son opinion dissidente.

Un résuméde l'ordonnance est fourni dans le document intitulé«Résumén° 2007/1», auquel

est annexé un résumédes déclarations et de 1'opinion. Le présent communiqué de presse,
le résuméde l'ordonnance, ainsi que le texte intégral de celle-ci figurent également sur le site
Internet de la Cour (www.icj-cij.org). -4-

Départementde l'information

Mme Laurence Blairon, secrétairede la Cour, chef du département(+ 31 70 302 23 36)
MM. Boris Heim et Maxime Schouppe, attachésd'information (+ 31 70 302 23 37)
Mme Joanne Moore, attachéed'information adjointe(+ 31 70 302 23 94)
Adresse électronique : information @icj-cij.org

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