Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne) - Exceptions préliminaires - La Cour dit qu'elle n'a pas compétence pour trancher le différend

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123-20050210-PRE-01-00-EN
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Number (Press Release, Order, etc)
2005/4
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COURINTERNATIONALE DEJUSTICE
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Communiqué depresse
Non officiel

N° 2005/4
Le 10 février2005

Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne)

Exceptions préliminaires

La Cour dit qu'elle n'a pas compétencepour trancher le différend

LA HAYE, le 10 février 2005. La Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire

principal des Nations Unies, a rendu aujourd'hui son arrêt sur les exceptions préliminaires
soulevéespar l'Allemagne en l'affaire relative à Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne).

Dans son arrêt,la Cour

- «1) ilpar quinze voix contre une,

Rejette l'exception préliminaire selon laquelle il n'existe pas de différend entre

le Liechtenstein et l'Allemagne ;

hl par douze voix contre quatre,

Retient l'exception préliminaire selon laquelle la requêtedu Liechtenstein doit
êtrerejetéeau motif que la Cour n'a pas compétence ratione temporis pour trancher le
différend;

- 2) Par douze voix contre quatre,

Dit qu'ellen'a pas compétence pour connaître de la requêtedéposéepar le
Liechtenstein lerjuin 2001.»

Raisonnement de la Cour

Après un bref rappel de la procédure, la Cour examine le contexte historique de l'affaire.
En 1945 la Tchécoslovaquie a confisqué certains biens appartenantà des ressortissants du

Liechtenstein, dont le prince Franz Josef II de Liechtenstein, en application des «décrets Benes»,
qui autorisaient la confiscation des «biens agric(ycompris bâtiments, installations et biens
meubles) de «toutes les personnes appartenant au peuple allemand ou hongrois, indépendamment
de leurnationalité». Un régimespécialconcernant les avoirs et autres biens allemands à 1'étranger
saisis en rapport avec la seconde guerre mondiale fut instituédans le cadre de la «convention sur le
règlement de questions issues de la guerre et de l'occupation» (chapitre sixième), signéeen 1952 à
Bonn. En 1991, un tableau du maître hollandais Pieter van Laer fut prêtépar un muséede Brno
(Tchécoslovaquie) à un musée de Cologne (Allemagne) pour figurer dans une exposition.Ce

tableau, propriétéde la famille du prince régnantde Liechtenstein depuis leècle, avait été - 2-

confisqué en 1945 par la Tchécoslovaquie en application des décrets Benes.
Le prince Hans-Adam II de Liechtenstein, agissant à titre personnel, saisit alors les tribunaux
allemands d'une action en restitution de la toile, mais cette action fut rejetéeau motif que, selon les

termes de l'article 3 du chapitre sixième de la convention sur le règlement (article dont les
paragraphes 1 et 3 sont toujours en vigueur), aucune réclamation ou action ayant trait aux mesures
prises contre des avoirs allemands à l'étrangerau lendemain de la seconde guerre mondiale n'était
recevable devant les juridictions allemandes. Une demande portée par le prince Hans-Adam II

devant la Cour européenne des droits de l'homme concernant les décisions des juridictions
allemandes fut égalementrejetée.

La Cour rappelle que le Liechtenstein a fondéla compétence de la Cour sur 1'article premier

de la convention européenne sur le règlement pacifique des différends et que l'Allemagne a soulevé
six exceptions préliminaires à la compétence de la Cour et à la recevabilité de la requêtedu
Liechtenstein.

Elle se penche sur la première de ces exceptions, au titre de laquelle il n'y aurait pas de

différend opposant l'Allemagne au Liechtenstein. Après examen des arguments des Parties, elle
constate que les griefs formulés en fait et en droit par le Liechtenstein contre 1'Allemagne sont
rejetéspar cette dernière et dit que, du fait de ce rejet, il existe un différendd'ordre juridique entre
les Parties. La Cour s'attache alors à déterminer l'objet du différend et conclut que celui-ci est de

savoir si, en appliquant l'article 3 du chapitre sixième de la convention sur le règlement à des biens
liechtensteinois confisqués par la Tchécoslovaquie en 1945, 1'Allemagne a violéles obligations qui
lui incombaient envers le Liechtenstein et, dans l'affirmative, de déterminer quelle serait la
responsabilité internationale de l'Allemagne. Ayant établi l'existence d'un différend et déterminé

son objet, la Cour rejette la première exception préliminaire soulevéepar l'Allemagne.

La Cour examine ensuite la deuxième exception préliminaire, selon laquelle la requêtedu
Liechtenstein doit êtrerejetée au motif que la Cour n'a pas compétence ratione temporis pour

trancher le présent différend. Cette deuxième exception impose à la Cour de déterminer, à la
lumière des dispositions de l'alinéa ru_ de l'article 27 de la convention européenne pour le
règlement pacifique des différends, si le présent différend concerne des faits ou situations qui sont
antérieurs ou postérieurs au 18 février 1980, date d'entrée en vigueur de cette convention entre

l'Allemagne et le Liechtenstein.

Alors que l'Allemagne fait valoir que, si la Cour devait conclure à l'existence d'un différend,
celui-ci concernerait la convention sur le règlement et les décrets Bene8, et trouverait donc son

origine dans des faits et situations antérieurs au 18 février 1980, le Liechtenstein soutient que ce
sont les décisions rendues par les tribunaux allemands en l'affaire du Tableau de Pieter van Laer et
les «décisionsprises par l'Allemagne à partir de 1995» qui seraient à l'origine du présentdifférend.

La Cour observe que, en tant qu'elle doit déterminer les faits ou situations que ce différend
concerne, le critère retenu dans sa jurisprudence et consistant à identifier l'origine ou la cause réelle
du différend est également applicable en l'espèce. Elle s'attache donc à déterminer si l'origine ou
la cause réelledu différend est à rechercher dans l'affaire du Tableau de Pieter van Laer, ou plutôt

dans les décretsBene8, en application desquels la toile fut confisquée, et dans la convention sur le
règlement, au titre de laquelle les juridictions allemandes se déclarèrent incompétentes pour
connaître de ladite affaire.

La Cour relève qu'il n'est pas contesté que le présent différend a étédéclenchépar les
décisionsdes juridictions allemandes en 1'affaire susvisée. L'élémentdécisifn'est cependant pas la
date à laquelle le différend a vu le jour, mais celle des faits ou situations concernant lesquels le
différend s'est élevé. - 3 -

De l'avis de la Cour, le présent différend ne saurait concerner les événementsintervenus
dans les années 1990 que si, comme le soutient le Liechtenstein, 1'Allemagne s'est, au cours de
cette période,écartéed'une position jusqu'alors commune selon laquelle les biens liechtensteinois

échappaient aux dispositions de la convention sur le règlement, ou si les tribunaux allemands, en
appliquant pour la première fois à des biens liechtensteinois leur jurisprudence antérieure fondée
sur la convention sur le règlement, ont appliqué ladite convention «à une situation nouvelle» après

la date critique.

S'agissant du premier terme de l'alternative, la Cour indique qu'elle ne dispose d'aucune
base pour conclure que, avant les décisionsdes juridictions allemandes dans 1'affaire du Tableau de

Pieter van Laer, aurait existéentre le Liechtenstein et l'Allemagne une entente ou un accord tel que
les biens liechtensteinois saisis à l'étranger, en tant qu'«avoirs allemands à l'étranger», au titre des
réparations ou en raison de la guerre auraient échappéaux dispositions de la convention sur le
règlement. S'agissant de l'argument du Liechtenstein selon lequel le différend concernerait

l'application par les tribunaux allemands, à partir des années 1990, de leur jurisprudence antérieure
à 1990 à des biens liechtensteinois, la Cour relève que, lorsqu'ils furent pour la première fois
appelésà examiner une affaire portant sur la confiscation de biens liechtensteinois consécutive à la
seconde guerre mondiale, les tribunaux allemands ne se trouvèrent pas face à une «situation

nouvelle». La Cour considère que cette affaire, comme celles qui l'avaient précédée et avaient trait
à la confiscation d'avoirs allemands à 1'étranger, étaitinextricablement liéeà la convention sur le
règlement. Elle estime que les décisions rendues par les tribunaux allemands en l'affaire du
Tableau de Pieter van Laer ne sauraient êtredissociées de la convention sur le règlement ni des

décrets Benes et qu'elles ne sauraient, en conséquence, êtreregardées comme étantà 1'origine ou
constituant la cause réelledu différendentre le Liechtenstein et 1'Allemagne.

La Cour conclut que, si la présente instance a été effectivement introduite par le

Liechtenstein à la suite de décisions rendues par des tribunaux allemands concernant un tableau de
Pieter van Laer, ces événementsont eux-mêmesleur source dans certaines mesures prises par la
Tchécoslovaquie en 1945, lesquelles ont conduit à la confiscation de biens appartenant à certains
ressortissants liechtensteinois, dont le prince Franz Josef II de Liechtenstein, ainsi que dans le

régime spécial institué par la convention sur le règlement. Si les décisions de ces tribunaux ont
bien déclenchéle différend opposant le Liechtenstein à l'Allemagne, ce sont la convention sur le
règlement et les décretsBenes qui sont à 1'origine ou constituent la cause réellede ce différend. A

la lumière des dispositions de l'alinéa ill_de l'article 27 de la convention européenne pour le
règlement pacifique des différends, la Cour retient donc la deuxième exception préliminaire.

Ayant écartéla première exception préliminaire de l'Allemagne mais retenu la deuxième, la

Cour conclut qu'il n'y a pas lieu pour elle d'examiner les autres exceptions de l'Allemagne et
qu'elle ne peut se prononcer au fond sur les demandes du Liechtenstein.

Composition de la Cour

La Cour était composée comme suit : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice-président;
MM. Guillaume, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek,

Al-Khasawneh, Buergenthal, Elaraby, Owada et Tomka, juges; M. Fleischhauer et sir Franklin
Berman, juges ad hoc; M. Couvreur, greffier.

MM. Kooijmans, Elaraby et Owada, juges, ont joint à l'arrêtles exposés de leur opinion
dissidente. M. Fleischhauer, juge ad hoc, a joint une déclaration à l'arrêt. Sir Franklin Berman,

juge ad hoc, a joint à l'arrêtl'exposéde son opinion dissidente. -4-

Un résuméde l'arrêtest fourni dans le document intitulé «Résumén° 2005/1» auquel sont
annexésles résumésde la déclarationet des opinions qui ysont jointes. Le présent communiquéde
presse, le résuméde l'arrêt,ainsi que le texte intégral de celui-ci figurent également sur le site

Internet de la Cour sous les rubriques «Rôle» et «Décisions»(www.icj-cij.org).

Départementde l'information:
M. Arthur Th. Witteveen, premier secrétairede la Cour + 31 70 302 23 36)
Mme Laurence Blairon et M. Boris Heim, attachésd'information ( + 31 70 302 23 37)

Adresse de courrier électronique : information @icj-cij.org

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