Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay) - La Cour dit que les circonstances, telles qu'elles se présentent actuellement à elle, ne sont pas de nature à exiger l'exercice d

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135-20060713-PRE-01-00-EN
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2006/28
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, 2517 KJ La Haye. Tél:+31 (0)70 302 23 23. Télégr.:Intercourt,
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Communiquéde presse
Non officiel

N° 2006/28
Le 13juillet 2006

Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay

(Argentine c. Uruguay)

La Cour dit gue les circonstances, telles qu'elles se présentent actuellemenà elle,
ne sont pas de nature à exiger l'exercice de son pouvoir
d'indiquer des mesures conservatoires

LA HAYE, le 13 juillet 2006. La Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire
principal des Nations Unies, a rendu aujourd'hui sa décision sur la demande en indication de
mesures conservatoires présentéepar 1'Argentine en 1'affaire relative à des Usines de pâte à papier
sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay).

Dans son ordonnance, la Cour dit, par quatorze voix contre une, que «les circonstances,
telles qu'elles se présententactuellement à la Cour, ne sont pas de nature à exiger l'exercice de son
pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires en vertu de l'articleu Statut».

Historique de la procédure

Le 4 mai 2006, l'Argentine a déposéau Greffe de la Cour une requête introductive
d'instance contre l'Uruguay au sujet de prétendues violations par l'Uruguay des obligations
découlant pour celui-ci du statut du fleuve Uruguay, traité signé entre les deux Etats

le 26 février1975 (ci-après «le statut de 1975») aux fins d'établir les mécanismes communs
nécessaires à l'utilisation rationnelle et optimale de la partie du fleuve qui constitue leur frontière
commune.

Dans sa requête,l'Argentine reproche à l'Uruguay d'avoir autoriséde manière unilatérale la
construction de deux usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, sans respecter la procédure

obligatoire d'information et de consultation préalables. Elle soutient que ces usines portent atteinte
à la préservation de l'environnement du fleuve et de sa zone d'influence.

Pour fonder la compétence de la Cour, l'Argentine invoque le paragraphe 1 de l'article 60 du
statut de 1975, qui stipule que tout différend concernant l'interprétation ou l'application du statut

qui ne pourrait êtreréglépar négociation directe peut êtresoumis par l'une ou l'autre des parties à
la Cour.

La requête de l'Argentine était accompagnée d'une demande en indication de mesures
conservatoires tendant, d'une part, à ce que l'Uruguay suspende les autorisations pour la

construction des usines et les travaux de construction de celles-ci dans l'attenteune décision
finale de la Cour et, d'autre part, à ce que l'Uruguay coopère avec l'Argentine afin de protégeret
préserver le milieu aquatique du fleuve Uruguay, s'abstienne de prendre toute autre mesure
unilatérale relative à la construction des deux usines qui soit incompatible avec le statut de 1975, et
s'abstienne également de toute autre mesure susceptible d'aggraver le différend ouen rendre le

règlement plus difficile. -2-

Des audiences publiques ont eu lieu les 8 et 9 juin 2006, au cours desquelles l'Argentine a

réitérésa demande. Quant à l'Uruguay, il a prié la Cour de rejeter la demande de l'Argentine,
soutenant que les conditions requises pour l'indication de mesures conservatoires n'étaient pas
réunies.

Raisonnement de la Cour

Après avoir établi qu'elle a compétence prima facie pour connaître du différend, la Cour
rappelle que le pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires vise à lui permettre de sauvegarder

le droit de chacune des parties à une affaire en attendant l'arrêtdéfinitif, pourvu que de telles
mesures soient nécessaires pour empêcherque soit causé un préjudice irréparable aux droits en
litige. Elle ajoute que ce pouvoir ne peut êtreexercéque s'il y a urgence.

Concernant le premier volet de la demande de l'Argentine (suspension des autorisations
relatives à la construction des usines et des travaux de construction eux-mêmes),la Cour examine
les droits de nature procéduraleinvoquéspar l'Etat demandeur. Elle indique qu'elle réservepour le
stade du fond la question de savoir si l'Uruguay pourrait ne pas s'êtrepleinement conformé aux

dispositions du chapitre II du statut de 1975 (concernant la procédure obligatoire d'information et
de consultation préalables)en autorisant la construction des usines. Elle dit qu'ellen'est pas pour
l'heure convaincue que, s'il devait par la suite apparaître que l'Uruguay a manqué, avant la

présente phase de la procédure ou à un stade ultérieur, de se conformer pleinement à ces
dispositions, il ne serait pas possible de remédierà de tels manquements au stade du fond».

La Cour se penche ensuite sur les droits de nature substantielle invoqués par l'Argentine.

Elle explique avoir conscience des préoccupations exprimées par cet Etat quant à la nécessitéde
protéger son environnement naturel et, en particulier, la qualitédes eaux du fleuve Uruguay. Elle
fait étatde décisions passées dans lesquelles elle a souligné toute l'importance qu'elle attache au
respect de l'environnement.

La Cour constate toutefois que le dossier de l'affaire ne contient «aucun élémentdémontrant
que la décision de l'Uruguay d'autoriser la construction des usines créeraitun risque imminent de
préjudice irréparable pour le milieu aquatique du fleuve Uruguay ou pour les intérêtséconomiques

et sociaux des populations riveraines établiesdu côtéargentin du fleuve».

Quant aux travaux de construction eux-mêmes,la Cour relève que l'Argentine ne l'a pas
convaincue que ceux-ci emporteraient un préjudice irréparable pour l'environnement, ni que leur

simple suspension, dans l'attente d'une décision définitive, serait susceptible d'effacer ou de
réparerles conséquences économiques et sociales qu'elle leur prête.

Enfin, s'agissant de la mise en service des usines, la Cour fait observer que l'Argentine n'a

pas, à l'heure actuelle, fourni d'élémentsqui donnent à penser que la pollution éventuellement
engendrée serait de nature à causer un préjudiceirréparable au fleuve. En tout étatde cause, ajoute
la Cour, le risque d'une telle pollution n'est pas imminent, l'exploitation des deux usines ne devant

pas débuteravant août 2007 et juin 2008, respectivement.

En conclusion, la Cour estime que les circonstances ne sont pas de nature à exiger qu'elle
ordonne à l'Uruguay de suspendre l'autorisation de construire les usines, ni les travaux de

construction proprement dits. La Cour précisenéanmoinsqu'en poursuivant les travaux, l'Uruguay
«assume nécessairement l'ensemble des risques liésà toute décision au fond que la Cour pourrait
rendre à un stade ultérieur», la construction des usines sur le site actuel ne pouvant êtreréputée
constituer un fait accompli. - 3 -

La Cour en vient alors au second volet de la demande de l'Argentine (ordonner à l'Uruguay

de coopérer de bonne foi avec l'Argentine et de veiller à la non-aggravation du différend). Elle
insiste sur «l'importance d'assurer la protection, sur le plan de l'environnement, des ressources
naturelles partagéestout en permettant un développement économiquedurable».

Soulignant que l'établissement de la commission administrative du fleuve Uruguay (la
«CARU», selon l'acronyme espagnol) constitue un «élémentsignificatif» du régime de gestion et
de protection des ressources fluviales partagées, la Cour rappelle aux Parties qu'elles «sont tenues
de s'acquitter des obligations qui sont les leurs en vertu du droit international» qu'elles doivent

«mettre en Œuvre de bonne foi les procédures de consultation et de coopération prévues par le
statut de 1975, la CARU constituant l'enceinte prévueà cet effet». Elle «encourage ... les Parties à
s'abstenir de tout acte qui risquerait de rendre plus difficile le règlement» du différend. L'Uruguay
ayant néanmoins, au terme des audiences, réitérép ,ar la voix de son agent, sa volontéde «respecter

pleinement et totalement le statut du fleuve Uruguay» et ayant offert, comme preuve de cette
volonté,de «réaliser un monitorage conjoint et constant» avec l'Argentine, la Cour considère qu'il
n'existe pas de motifs justifiant qu'elle indique les autres mesures conservatoires demandées par

l'Argentine.

La Cour termine en rappelant que sa décision ne préjugeen rien sa compétence à connaître
du fond de l'affaire, ni aucune question relative à la recevabilité de la requêteou au fond lui-même.

Elle laisse égalementintact le droit de l'Argentine de présenterune nouvelle demande en indication
de mesures conservatoires fondéesur des faits nouveaux.

Composition de la Cour

La Cour était composée comme suit: Mme Higgins, président; M. Al-Khasawneh,
vice-président; MM. Ranjeva, Koroma, Parra-Aranguren, Buergenthal, Owada, Simma, Abraham,
Keith, Sepulveda-Amor, Bennouna, Skotnikov, juges ; MM. Torres Bernardez, Vinuesa, juges

ad hoc ; M. Couvreur, greffier.

M. le juge Ranjeva, a joint une déclaration à l'ordonnance. MM. les juges Abraham et
Bennouna, ont joint à 1'ordonnance les exposés de leur opinion individuelle. M. le juge

ad hoc Vinuesa a joint à l'ordonnance l'exposéde son opinion dissidente.

Un résuméde l'ordonnance est fourni dans le document intitulé«Résumén°2006/2», auquel
est annexé un résuméde la déclaration et des opinions. Le présent communiqué de presse,
le résuméde 1'ordonnance, ainsi que le texte intégral de celle-ci figurent également sur le site

Internet de la Cour (www.icj-cij.org).

Département de l'information:

Mme Laurence Blairon, chef du département (+ 31 70 302 23 36)
MM. Boris Heim et Maxime Schouppe, attachésd'information(+ 31 70 302 23 37)

Adresse électronique : information @icj-cij.org

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