Différend frontalier (Bénin/Niger) - La Chambre de la Cour détermine le tracé de l'ensemble de la frontière entre les deux Etats - La Chambre détermine l'appartenance des îles situées sur le fleuve Ni

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125-20050712-PRE-01-00-EN
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2005/16
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COURINTERNATIONALE DEJUSTICE

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Communiqué depresse
Non officiel

N° 2005/16

Le 12juillet 2005

Affaire du Différendfrontalier
(Bénin/Niger)

La Chambre de la Cour déterminele tracéde l'ensemble de la frontière
entre les deux Etats

La Chambre déterminel'appartenance des îles situéessur le fleuve Niger
au Béninou au Niger en fonction du tracéde la frontière;
elle dit gue l'île de Goungou appartient au Niger

LA HAYE, le 12 juillet 2005. La Chambre constituéepar la Cour internationale de Justice
(CIJ) pour connaître du Différendfrontalier (Bénin/Niger)a rendu ce jour son arrêten l'affaire.

Dans son arrêt,qui est définitif,sans recours et obligatoire pour les Parties, la Chambre,

«1)Par quatre voix contre une,

Dit que la frontière entre la Républiquedu Béninet la Républiquedu Niger dans le secteur
du neuve Niger suit le tracésuivant :

la ligne des sondages les plus profonds du chenal navigable principal de ce neuve, à partir de
l'intersection de ladite ligne avec la ligne médiane de la rivière Mékrou,jusqu'au point de
coordonnées Io52'29" de latitude nord et 3° 25'34" de longitude est;

à partir de ce point, la ligne des sondages les plus profonds du chenal navigable gauche,
jusqu'au point de coordonnées o51'55" de latitude nord eo27'41" de longitude est, où la
frontière s'écartede ce chenal et passe à gauche de l'île de Kata Goungou, pour rejoindre

ensuite le chenal navigable principal au point de coordonno51'41" de latitude nord et
3° 28'53" de longitude est;

à partir de ce dernier point, la ligne des sondages les plus profonds du chenal navigable
principal du neuve jusqu'à la frontièredes Parties avec le Nigéria;

et que la ligne frontière passe, d'amontaval, par les points, numérotésde 1 à 154, dont les
coordonnéessont indiquéesau paragraphe 115 [de l'arrêt];

2)Par quatre voix contre une,

Dit qu'en conséquenceles îles situéessurneuve Niger appartiennent à la Républiquedu
Béninou à la Républiquedu Niger ainsi qu'indiquéau paragraphe 117 [de l'arrêt]; - 2-

3) Par quatre voix contre une,

Dit que la frontière entre la République du Béninet la République du Niger sur les ponts
reliant Gaya et Malanville suit le tracéde la frontière dans le fleuve;

4) A l'unanimité,

Dit que la frontière entre la République du Béninet la Républiquedu Niger dans le secteur
de la rivière Mékrousuit la ligne médianede cette rivière, à partir de l'intersection de cette ligne
avec la ligne des sondages les plus profonds du chenal navigable principal du fleuve Niger, jusqu'à
la frontière des Parties avec le Burkina Faso.»

C'est la deuxièmefois qu'une Chambre de la Cour étaitappeléeà trancher un différendentre
Etats africains portédevant elle par voie de compromis. En 1986, une Chambre de la Cour avait
déjàrégléle Différendfrontalier (Burkina Faso/République du Mali).

Raisonnement de la Chambre

Procédure,cadre géographiqueet historique, droit applicable

Dans son arrêt,la Chambre commence par retracer l'historique de la procédure dans cette
affaire soumise conjointement par la République du Bénin(anciennement connue sous le nom de

Dahomey) et la République du Niger le 3 mai 2002. Elle rappelle que «la mission confiée à la
Chambre en la présente espèce ... consist[ait] à déterminer le tracéde l'ensemble de la frontière
entre le Bénin et le Niger et à dire auquel des deux Etats appartient chacune des îles du fleuve
Niger dans ce secteur, notamment l'île de Lété»,qui est la plus grande d'entre elles. La Chambre
esquisse ensuite le cadre géographique et le contexte historique du différend entre ces deux
anciennes colonies qui relevaient de l'Afrique occidentale française (AOF) jusqu'à leur accession à

l'indépendanceen août 1960.

Passant à l'examen du droit applicable à ce différend,la Chambre indique qu'il comprend le
principe d'intangibilité des frontières héritéesde la colonisation, ou principe de l'uti possidetis
juris, qui «vise, avant tout, à assurer le respect des limites territoriales au moment de 1'accession à
1'indépendance».

«En application du principe de l'uti possidetis juris, la ... Chambre [devai]t
donc rechercher quelle est, dans [cette] affaire ... la frontière héritée de
l'administration française. Les Parties [se sont] accord[ées]pour dire que les dates à
prendre en considérationà cet effet [étaient]celles auxquelles elles ont respectivement

accédéà l'indépendance,à savoir les 1eret 3 août 1960»,

poursuit la Chambre.

Tracéde la frontière dans le secteur du t1euve Niger et appartenance des îles du t1euve à l'une ou
1'autre des Parties

Dans leur compromis, les Parties avaient diviséla frontière contestéeen deux secteurs : celui
de la rivièreMékrou,à l'ouest, et celui du t1euveNiger, à l'est.

La Chambre examine en premier lieu le tracéde la frontière dans le secteur du fleuve Niger.
Selon le Bénin,la frontière suit la rive gauche du t1euve et, en conséquence,l'ensemble des îles lui

appartient; le Niger soutient au contraire que la frontière est constituéepar la ligne des sondages les
plus profonds du t1euveet que les îles lui appartiennent ou appartiennent au Béninselon qu'elles se
situent à gauche ou à droite de cette ligne. - 3 -

La Chambre procède d'abord à l'examen des divers actes réglementaires ou administratifs

invoquéspar les Parties à l'appui de leurs thèses respectives et conclut «qu'aucune [d'entre elles]
n'a apporté la preuve de l'existence, durant la période coloniale, d'un titre issu» de tels actes.
Conformément au principe selon lequel, dans l'éventualitéoù il n'existe aucun titre juridique,
l'effectivité«doit inévitablementêtreprise en considération»,la Chambre se penche ensuite sur les
élémentsde preuve présentéspar les Parties concernant l'exercice effectif d'autoritésur le terrain à

l'époquecoloniale, afin de déterminer le tracéde la frontière dans le secteur du fleuve Niger et
d'indiquer auquel des deux Etats appartient chacune des îles du t1euve,en particulier l'île de Lété.

Sur la base de ces élémentsde preuve relatifs à la période1914-1954, la Chambre estime
qu'un modus vivendi a existéentre les autoritéslocales du Dahomey et du Niger dans la région
concernée, selon lequel les deux Parties considéraient le chenal navigable principal du fleuve

comme constituant la limite intercoloniale. Ce modus vivendi étaitnotamment fondésur une lettre
du 3 juillet 1914, adresséepar le commandant du secteur de Gaya (Niger), l'administrateur adjoint
Sadoux, au commandant du cercle du Moyen-Niger (Dahomey), qui était accompagnée d'un
tableau indiquant à quelle colonie appartenaient les îles du t1euve d'après leur emplacement par
rapport au chenal navigable principal. Dans cette lettre, Sadoux expliquait qu'il avait établi ce

tableau afin de «déterminer nettement le cas dans lequel des laissez-passer de pacage [devaient]
êtredélivrésaux Peuhls des deux rives et de délimiter la compétence territoriale des tribunaux
indigènes des deux colonies». La Chambre observe qu'en application de ce modus vivendi le
Niger exerçait son autoritéadministrative sur les îles situéesà gauche du chenal navigable principal
(y compris l'île de Lété)et le Dahomey sur celles situéesà droite de ce chenal. «Le droit du Niger

à administrer l'île de Létéfut sporadiquement remis en question pour des raisons d'ordre pratique,
mais ne fut jamais contesténi en droit ni en fait», indique la Chambre.

S'agissant des îles situéesen face de la ville nigériennede Gaya, la Chambre note que, selon
le modus vivendi établi par la lettre de Sadoux de 1914, ces îles étaient considéréescomme
relevant du Dahomey. Il s'ensuit, selon la Chambre, que, dans cette partie du fleuve, la limite était

regardéecomme passant à gauche de ces trois îles.

La Chambre relève que «la situation n'est pas aussi claire en ce qui concerne la période
allant de 1954 à 1960». Elle ajoute toutefois que, sur la base des élémentsde preuve soumis par les
Parties, elle «ne peut conclure que l'administration de Lété-dont il ne fait aucun doute que,

avant 1954, elle ait étéexercée par le Niger- ait à l'époque effectivement ététransféréeau
Dahomey ou reprise par celui-ci».

La Chambre conclut de ce qui précèdeque la frontière entre le Béninet le Niger dans ce
secteur suit le chenal navigable principal du fleuve Niger tel qu'il existait à la date des
indépendances, étant entendu que, au niveau des trois îles situéesen face de Gaya, la frontière

passe à gauche desdites îles. Il en résulte que le Bénin a un titre sur les îles situées entre la
frontièreainsi définieet la rive droite du t1euveet le Niger sur les îles situéesentre cette frontièreet
la rive gauche du t1euve.

Aux fins de déterminerl'emplacement précisde la ligne frontière dans le chenal navigable

principal, c'est-à-dire la ligne des sondages les plus profonds telle qu'elle existait à la date des
indépendances, la Chambre s'est basée sur le rapport produit en 1970, à la demande des
Gouvernements du Dahomey, du Mali, du Niger et du Nigéria, par l'entreprise Netherlands
Engineering Consultants (NEDECO). En effet, indique la Chambre, ce rapport «constitue la source
de renseignements la plus utile sur la situation existant à la date critique». Hormis dans le cas des
îles en face de Gaya, la frontière entre les Parties suit donc la ligne des sondages les plus profonds

du chenal navigable principal du fleuve Niger telle qu'elle résultedu rapport de NEDECO de 1970,
à partir de l'intersection de cette ligne avec la ligne médiane de la rivière Mékroujusqu'à son
intersection avec la frontière des Parties avec le Nigéria. La Chambre fournit dans l'arrêtles - 4-

coordonnéesde cent cinquante-quatre points par lesquels passe la ligne frontière entre le Béninet

le Niger dans ce secteur; un croquis joint à l'arrêtfait par ailleurs figurer cette ligne, à titre
illustratif.

Au paragraphe 117 de l'arrêt, la Chambre détermine l'appartenance de chacune des
vingt-cinq îles du t1euve au Béninou au Niger, en fonction de la ligne frontière telle que décrite

ci-dessus. Elle indique notamment que LétéGoungou appartient au Niger. La Chambre préciseen
outre que cette déterminationest sans préjudicede tous droits privésqui pourraient êtredétenussur
les îles.

La Chambre considère enfin que le compromis lui a conférécompétence pour déterminer
aussi la frontière sur les ponts reliant Gaya et Malanville. Elle estime que la frontière sur ces

ouvrages suit le tracéde la frontièredans le fleuve.

Tracéde la frontièredans le secteur de la rivièreMékrou

La Chambre se penche, dans un deuxièmetemps, sur le tracéde la frontière occidentale entre
le Bénin et le Niger. Selon le Bénin, elle suivrait dans ce secteur la ligne médiane de la

rivièreMékrou de sa cont1uence avec le t1euve Niger jusqu'à la frontière des Parties avec le
Burkina Faso; le Niger soutient au contraire que la frontièreentre les deux Parties est constituéepar
une ligne composéede deux segments de droite partant de la confluence de la rivièreMékrouavec
le fleuve Niger pour s'écarterensuite du cours de cette rivièreen direction du sud-ouest et aboutir
finalement à un point -différemment défini- marquant la frontière des Parties avec le Burkina

Faso.

La Chambre procède à l'examen des différentsdocuments invoquéspar les Parties à l'appui
de leurs thèses respectives. Elle estime que, nonobstant l'existence d'un titre juridique de 1907
invoquépar le Niger à l'appui de la frontièrequ'il revendique, il est établique,

«à partir de 1927 en tout cas, les autorités administratives compétentes [avaie]nt
considéréle cours de la Mékroucomme la limite intercoloniale séparantle Dahomey
du Niger, que ces autorités[avaie]nt traduit cette délimitationdans les actes successifs
qu'elles [avaie]nt édictésà partir de 1927, lesquels indiquent, pour les uns, et
supposent nécessairement, pour les autres, une telle limite, et que tel étaitl'étatdu

droit à la date des indépendancesen août 1960».

La Chambre conclut que, dans le secteur de la rivière Mékrou,la frontière entre le Béninet
le Niger est constituéepar la ligne médianede cette rivière.

Composition de la Chambre

La Chambre étaitcomposéecomme suit : M. Ranjeva, vice-présidentde la Cour, président
de la Chambre; MM. Kooijmans, Abraham, juges; MM. Bedjaoui, Bennouna, juges ad hoc;
M. Couvreur, greffier.

M. le juge ad hoc Bennouna ajoint à l'arrêtl'exposéde son opinion dissidente.

Il est rappelé que cette Chambre est l'une des six Chambres constituées par la Cour
conformément aux articles 26 (par. 2) du Statut et 17 du Règlement de la Cour. Le Béninet le
Niger étaientconvenus que leurs pièces de procédureécriteet leurs plaidoiries seraient présentées
en langue française (article 5 du compromis). - 5-

Un résuméde l'arrêtest fourni dans le document intitulé«Résumén° 2005/02» auquel est
annexéle résuméde l'opinion dissidente qui y est jointe. Le présentcommuniqué de presse, le
résuméde l'arrêt,ainsi que le texte intégral de celui-ci figurent sur le site Internet de la Cour
(www.icj-cij.org) sous les rubriques «Actualités»et «Décisions».

Départementde l'information

M. Arthur Witteveen, premier secrétaire(+ 31 70 302 23 36)
Mme Laurence BIairon et M. Boris Heim, attachésd'information (+ 31 70 302 23 37)
Adresse électronique:information @icj-cij.org

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- La Chambre de la Cour détermine le tracé de l'ensemble de la frontière entre les deux Etats - La Chambre détermine l'appartenance des îles situées sur le fleuve Niger au Bénin ou au Niger en fonction du tracé de la frontière; elle dit que l'île de Lété Goungou appartient au Niger

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Différend frontalier (Bénin/Niger) - La Chambre de la Cour détermine le tracé de l'ensemble de la frontière entre les deux Etats - La Chambre détermine l'appartenance des îles situées sur le fleuve Niger au Bénin ou au Niger en fonction du tracé de la frontière; elle dit que l'île de Lété Goungou appartient au Niger

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