Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Avis consultatif - La Cour dit que l'édification d'un mur par Israël dans le territoire palestinien occupé, et

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131-20040709-PRE-01-00-EN
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2004/28
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COUR INTERNATIONALE DE ruSTICE

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Communiqué de presse
Non officiel

N° 2004/28
Le 9 juillet 2004

Conséquences juridiques de l'édification d'un mur
dans le territoire palestinien occupé

AVIS CONSULTATIF

La Cour dit gue l'édification d'un mur par Israël dans le territoire palestinien occupé,
et le régime gui lui est associé,sont contraires au droit international; elle précise
les conséquences juridiques résultant de cette illicéité

LA HAYE, le 9 juillet 2004. La Cour internationale de Justice (CU), organe judiciaire

principal de l'Organisation des Nations Unies, a donnéaujourd'hui son avis consultatif en l'affaire
des Conséquences juridiques de l'édificationn mur dans le territoire palestinien occupé(requête
pour avis consultatif).

Dans cet avis, la Cour dit à l'unanimité qu'elle est compétente pour répondre à la demande

d'avis consultatif soumise par l'Assemblée généraledes Nations Unies et décidepar quatorze voix
contre une de donner suite à cette demande.

Elle y répondde la façon suivante :

«A. Par quatorze voix contre une,

L'édification du mur qu'Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le
territoire palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, et le
régime qui lui est associé,sont contraires au droit international»;

«B. Par quatorze voix contre une,

Israël est dans l'obligation de mettre un terme aux violations du droit international dont il est
l'auteur; il est tenu de cesser immédiatement les travaux d'édification du mur qu'il est en train de
construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le pourtour de
Jérusalem-Est, de démanteler immédiatement l'ouvrage situé dans ce territoire et d'abroger

immédiatement ou de priver immédiatement d'effet l'ensemble des actes législatifs et
réglementaires qui s'y rapportent, conformément au paragraphe 151 du présentavis»;

«C. Par quatorze voix contre une,

Israël est dans l'obligation de réparertous les dommages causéspar la construction du mur

dans le territoire palestinien occupé,y compris à l'intérieuret sur le pourtour de Jérusalem-Est»; - 2 -

«D. Par treize voix contre deux,

Tous les Etats sont dans 1'obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlantde la
construction du mur et de ne pas prêteraide ou assistance au maintien de la situation crééepar cette
construction; tous les Etats parties à la quatrième convention de Genève relative à la protection des
personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, ont en outre l'obligation, dans le respect de

la Charte des Nations Unies et du droit international, de faire respecter par Israël le droit
international humanitaire incorporé dans cette convention»;

«E. Par quatorze voix contre une,

L'Organisation des Nations Unies, et spécialement l'Assemblée généraleet le Conseil de
sécurité,doivent, en tenant dûment compte du présentavis consultatif, examiner quelles nouvelles
mesures doivent être prises afin de mettre un terme à la situation illicite découlant de la

construction du mur et du régime qui lui est associé.»

Raisonnement de la Cour

L'avis consultatif se divise en trois parties: compétence et opportunitéjudiciaire, question de
la licéitéde l'édification par Israëld'un mur dans le territoire palestinien occupéet conséquences
juridiques des violations constatées.

Compétence de la Cour et opportunité judiciaire

La Cour indique que lorsqu'elle est saisie d'une demande d'avis consultatif, elle doit d'abord

déterminer si elle a compétence pour donner cet avis. Elle dit que l'Assemblée générale,qui a
sollicité l'avis par sa résolutionS-10/14 du 8 décembre 2003, est autorisée à le faire en vertu du
paragraphe 1 de l'article 96 de la Charte.

La Cour, comme elle 1'a parfois fait par le passé,donne ensuite certaines indications quant à
la relation entre la question faisant l'objet de la demande d'avis et les activités de l'Assemblée
générale. Elle observe que l'Assemblée générale,en demandant un avis à la Cour, n'a pas
outrepassé sa compétence telle que limitée par le paragraphe 1 de l'article 12 de la Charte, aux

termes duquel l'Assemblée ne doit faire aucune recommandation à l'égard d'un différend ou d'une
situation pour lesquels le Conseil de sécuritéremplit ses fonctions, à moins que ce dernier ne lui en
fasse la demande.

La Cour se réfèreen outre au fait que l'Assemblée généralea adoptéla résolution ES-10/14
lors de sa dixième session extraordinaire d'urgence, convoquée sur la base de la résolution
377 A (V) -qui prévoit que lorsque le Conseil de sécurité manque à s'acquitter de sa

responsabilité principale dans le maintien de la paix et de la sécuritéinternationales, l'Assemblée
généralepeut immédiatement examiner la question afin de faire des recommandations aux Etats
Membres. La Cour dit que les conditions prévues par cette résolution étaient remplies lors de la
convocation de la dixième session extraordinaire d'urgence; elles l'étaienten particulier au moment

où l'Assemblée généralea décidéde lui demander un avis, le Conseil de sécuritéétantalors dans
l'incapacitéd'adopter une résolutionportant sur la construction du mur du fait du vote négatif d'un
membre permanent.

La Cour rejette encore l'argument selon lequel un avis ne pourrait êtredonnéen l'espèce, au
motif que la demande ne porterait pas sur une question juridique. - 3 -

Ayant établi sa compétence, la Cour s'interroge sur l'opportunité de rendre l'avis sollicité.
Elle rappelle que l'absence de consentement d'un Etat à sa juridiction contentieuse est sans effet
sur la compétence qu'elle a de donner un avis consultatif. Elle ajoute que rendre un avis n'aurait

pas pour effet en l'espèce de tourner le principe du consentement au règlement judiciaire, étant
donné que la question qui fait l'objet de la demande de l'Assemblée générales'inscrit dans un
cadre plus large que celui du différend bilatéral entre Israël et la Palestine, et qu'elle intéresse

directement l'Organisation des Nations Unies. La Cour ne retient pas davantage l'argument selon
lequel elle devrait s'abstenir de donner 1'avis consultatif sollicitéparce qu'il pourrait faire obstacle
à un règlement politique négociédu conflit israélo-palestinien. Elle affirme par ailleurs disposer de
renseignements et d'élémentsde preuve suffisants pour lui permettre de donner 1'avis et souligne

qu'il revient à l'Assemblée généraled'apprécier l'utilité de ce dernier. La Cour conclut de ce qui
précèdequ'il n'existe pas de raison décisivel'empêchantde donner l'avis demandé.

Licéitéde l'édification par Israël d'un mur dans le territoire palestinien occupé

Avant de se pencher sur les conséquences juridiques de 1'édification du mur (terme qu'a
choisi d'utiliser l'Assemblée généraleet qui est repris dans l'avis, dans la mesure où d'autres mots
parfois employés, pris dans leur acception physique, ne sont pas plus exacts), la Cour examine si

1'édification du mur est ou non contraire au droit international.

Elle détermine les règles et principes de droit international applicables pour répondre à la
question posée par l'Assemblée générale. La Cour mentionne tout d'abord, en se référantau

paragraphe 4 de l'article 2 de la Charte des Nations Unies et à la résolution 2625 (XXV) de
l'Assemblée générale,les principes de l'interdiction de la menace ou de l'emploi de la force et de
l'illicéitéde toute acquisition de territoire par ces moyens, qui reflètent le droit international

coutumier. Elle cite également le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,qui a été
consacré dans la Charte et réaffirmé par la résolution 2625 (XXV). S'agissant du droit
international humanitaire, la Cour mentionne les dispositions du règlement de La Haye de 1907,
qui ont acquis un caractère coutumier, ainsi que celles de la quatrième convention de Genève

relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre de 1949, qui est applicable dans les
territoires palestiniens qui étaientavant le conflit arméde 1967 à 1'est de la ligne de démarcation de
l'armistice de 1949 (ou «Ligne verte») et qui ont à l'occasion de ce conflit étéoccupéspar Israël.
La Cour relève encore que des instruments relatifs aux droits de l'homme (pacte international

relatif aux droits civils et politiques, pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels et convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant) s'appliquent dans le
territoire palestinien occupé.

La Cour vérifiesi la construction du mur a violéles règles et principes susmentionnés. Elle
fait d'abord observer que le tracé du mur tel qu'il a étéfixé par le Gouvernement israélien
incorpore dans la «zone fermée»(c'est-à-dire situéeentre le mur et la «Ligne verte») environ 80%

des colons installés dans le territoire palestinien occupé. Rappelant que le Conseil de sécuritéa
qualifié la politique d'Israël consistant à établir des colonies de peuplement dans ce territoire de
«violation flagrante» de la quatrième convention de Genève, la Cour dit que ces colonies ont été
installées en méconnaissance du droit international. Elle fait en outre état de certaines craintes

expriméesdevant elle que le tracédu mur préjugela frontière future entre Israël et la Palestine; elle
estime que la construction du mur et le régime qui lui est associé «créent sur le terrain un «fait
accompli» qui pourrait fort bien devenir permanent, auquel cas, ... la construction [du mur]
équivaudrait à une annexion de facto». La Cour relève que le tracéchoisi pour le mur consacre sur

le terrain les mesures illégales prises par Israël et déploréespar le Conseil de sécuritéen ce qui
concerne Jérusalem et les colonies de peuplement, et conduit à de nouvelles modifications dans la
composition démographique du territoire palestinien occupé. Elle dit que la «construction du mur,
s'ajoutant aux mesures prises antérieurement, dresse ... un obstacle grave à l'exercice par le peuple

palestinien de son droit à l'autodétermination et viole de ce fait l'obligation incombant à Israël de
respecter ce droit». -4 -

La Cour examine ensuite les informations qui lui ont étéfournies quant à l'impact de la
construction du mur sur la vie quotidienne des habitants du territoire palestinien occupé
(destruction ou réquisition de biens privés, restrictions à la libertéde circulation, confiscation de

terres agricoles, blocage de l'accès aux points d'eau importants, etc.). Elle dit que la construction
du mur et le régimequi lui est associésont contraires aux dispositions pertinentes du règlement de
La Haye de 1907 et de la quatrième convention de Genève; qu'ils entravent la libertéde circulation
des habitants du territoire telle que garantie par le pacte international relatif aux droits civils et

politiques; et qu'ils entravent l'exercice par les intéressésdes droits au travail, à la santé, à
1'éducation et à un niveau de vie suffisant tels que proclamés par le pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels et la convention relative aux droits de l'enfant. Enfin, la
Cour dit que cette construction et ce régime, combinés à l'établissement des colonies de

peuplement, tendent à modifier la composition démographique du territoire palestinien occupé et
qu'ils sont de ce fait contraires à la quatrième convention de Genève et aux résolutions pertinentes
du Conseil de sécurité.

La Cour relève que certains instruments du droit humanitaire et des droits de l'homme
contiennent des clauses de limitation ou de dérogation pouvant être invoquéespar les Etats parties,
notamment lorsque des impératifs militaires ou des nécessitésde sécuriténationale ou d'ordre
public 1'exigent. Elle indique ne pas êtreconvaincue que la poursuite des objectifs de sécurité

avancés par Israël nécessitait 1'adoption du tracéchoisi pour le mur et, ne retenant aucune de ces
clauses, dit que la construction du mur constitue «une violation par Israël de diverses obligations
qui lui incombent en vertu des instruments applicables de droit international humanitaire et des
droits de l'homme».

La Cour estime enfin qu'Israël ne saurait se prévaloir du droit de légitime défense ou de
l'étatde nécessité,comme excluant l'illicéitéde la construction du mur. Elle en conclut que la
construction du mur et le régimequi lui est associésont contraires au droit international.

Conséquences juridiques des violations constatées

La Cour distingue les conséquences juridiques de ces violations pour Israël et pour les autres

Etats.

Sur le premier point, elle dit qu'Israël doit respecter le droit à l'autodétermination du peuple
palestinien et les obligations auxquelles il est tenu en vertu du droit humanitaire et des droits de

l'homme. Israël doit également mettre un terme à la violation de ses obligations internationales,
telle qu'elle résulte de la construction du mur en territoire palestinien occupé, et doit en
conséquence cesser immédiatement les travaux d'édification du mur, démanteler immédiatement
les portions de l'ouvrage situéesdans le territoire palestinien occupéet abroger immédiatement ou

priver immédiatement d'effet l'ensemble des actes législatifs et réglementaires adoptés en vue de
1'édification du mur et de la mise en place du régimequi lui est associé, sauf dans la mesure où de
tels actes demeurent pertinents dans le contexte du respect, par Israël, de ses obligations en matière
de réparation. Israël doit en outre réparer tous les dommages causés à toutes les personnes

physiques ou morales affectéespar la construction du mur.

S'agissant des conséquences juridiques pour les autres Etats, la Cour dit que tous les Etats
sont dans l'obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du mur

et de ne pas prêteraide ou assistance au maintien de la situation crééepar cette construction. Elle
dit par ailleurs qu'il appartient à tous les Etats de veiller, dans le respect de la Charte des
Nations Unies et du droit international, à ce qu'il soit mis fin aux entraves, résultant de la
construction du mur, à l'exercice par le peuple palestinien de son droit à l'autodétermination. Elle

ajoute que tous les Etats parties à la quatrième convention de Genève ont l'obligation, dans le
respect de la Charte et du droit international, de faire respecter par Israël le droit international
humanitaire incorporé dans cette convention. - 5 -

Enfin, la Cour estime que l'ONU, et spécialement l'Assemblée généraleet le Conseil de
sécurité,doivent, en tenant compte de 1'avis consultatif, examiner quelles nouvelles mesures
doivent êtreprises afin de mettre un terme à la situation illicite découlantde la construction du mur

et du régimequi lui est associé.

La Cour conclut en disant que la construction du mur doit êtrereplacéedans un contexte plus

général.A cet égard,elle relève qu'Israël et la Palestine ont «l'obligation de respecter de manière
scrupuleuse le droit international humanitaire». Selon la Cour, seule la mise en Œuvrede bonne foi
de toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécuritéest susceptible de mettre un terme à la
situation tragique dans la région. La Cour appelle également l'attention de l'Assemblée générale

sur la «nécessitéd'encourager [l]es efforts en vue d'aboutir le plus tôt possible, sur la base du droit
international, à une solution négociéedes problèmes pendants et à la constitution d'un Etat
palestinien vivant côte à côte avec Israël et ses autres voisins, et d'assurer à chacun dans la région
paix et sécurité».

Composition de la Cour

La Cour était composée comme suit : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice-président;
MM. Guillaume, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek,
Al-Khasawneh, Buergenthal, Elaraby, Owada, Simma et Tomka; M. Couvreur, greffier.

M. Koroma, Mme Higgins et MM. Kooijmans et Al-Khasawneh, juges, joignent à l'avis
consultatif les exposésde leur opinion individuelle. M. Buergenthal, juge, y joint une déclaration.
MM. Elaraby et Owada, juges, joignent à l'avis les exposésde leur opinion individuelle.

Un résuméde l'avis consultatif est fourni dans le document intitulé «Résumén° 2004/2»

auquel sont annexés les résumésde la déclaration et des opinions individuelles qui y sont jointes.
Le présent communiqué de presse, le résuméde l'avis consultatif, ainsi que le texte intégral
de celui-ci, figurent également sur le site Internet de la Cour sous les rubriques «Rôle» et
«Décisions»(www.icj-cij.org).

Départementde l'information:

M. Arthur Th. Witteveen, premier secrétairede la Cour (+ 31 70 302 23 36)

Mme Laurence Blairon et M. Boris Heim, attachésd'information(+ 31 70 302 23 37)
Adresse de courrier électronique : information @icj-cij.org

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Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Avis consultatif - La Cour dit que l'édification d'un mur par Israël dans le territoire palestinien occupé, et le régime qui lui est associé, sont contraires au droit international; elle précise les conséquences juridiques résultant de cette illicéité

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