COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
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Communiqué de presse
Non officiel
N° 2002/11
Le 22 mars 2002
Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria
(Cameroun c. Nigéria;Guinéeéquatoriale (intervenant))
Fin des audiences publiques
La Cour prête àentamer le délibéré
LA HAYE, le 22 mars 2002. Les audiences publiques en l'affaire de la Frontièreterrestre et
maritime entre le Cameroun et le Nigéria(Cameroun c. Nigéria;Guinéeéquatoriale(intervenant)) se
sontachevéeshier soir. La Cour entame à présentsondélibéré.
Durant les audiences, ouvertes le février2002, les délégationsdu Cameroun, du Nigéria
etde la Guinéeéquatorialeétaientconduites respectivement par S. Exc. M. Amadou Ali, ministre
d'Etat chargéde lajustice, garde des sceaux, Exc.l'honorable Musa E. Abdullahi, ministre
d'Etat, ministre de la Justice du Gouvernement fédél u NigériaetS. Exc.
M. Ricardo Mangue Obama N'Fube, ministre d'Etat, ministre du travail et de la sécuritésociale.
L'arrêtde la Cour, obligatoire et sans appel, serarendu au cours d'une séancepublique dont la
datesera annoncéeultérieurement.
Conclusions des Parties
Les agents du Cameroun et du Nigériaont soumis les conclusions suivantes à la Cour à la
de laprocédureorale :
Pour le Cameroun :
« La République du Cameroun a l'honneur de conclure à ce qu'il plaise à la Cour
internationale de Justice de dire et juger :
ru Que la frontièreterrestre entre le Cameroun et le Nigériasuit le tracésuivant :
du point désignépar les coordonnées 13°05' N et 14°05' E, la frontière suit une ligne
droite jusqu'à1'embouchure de 1'Ebedji, situéeau point de coordonnées 12°13'17" N et
14°12'12" E, point défini dans le cadre de la CBLT et constituant une interprétation
authentique des DéclarationsMilner-Simon du 10 juillet 1919 et Thomson-Marchand des
29 décembre 1929 et 31 janvier 1930, confirméespar l'échangede lettres du 9 janvier
1931; subsidiairement, 1'embouchure de 1'Ebedji est située au point de coordonnées
12°31'12" Net 14°11'48" E; -2-
de ce point, elle suit le tracé fixépar ces instruments jusqu'au <<picassez proéminent»
décritpar l'alinéa 60 de la Déclaration Thomson-Marchand et connu sous le nom usuel de
«Mont Kombon»;
du «Mont Kombon», la frontière se dirige ensuite vers la «borne 64» visée au paragraphe
12 de l'Accord germano-britannique d'Obokum du 12 avril 1913 et suit, dans ce secteur,
le tracédécrit à la section 6, paragraphe 1, du Nigeria CProtectorate and Cameroons) Order
in Council britannique du 2 août 1946;
de la «borne 64», elle suit le tracé décrit par les paragraphes 13 à 21 de l'Accord
d'Obokum du 12 avril 1913 jusqu'à la borne 114 sur la rivière Cross;
de ce point, jusqu'à l'intersection de la ligne droite joignant Bakassi Point à King Point et
du centre du chenal navigable de 1'Akwayafé, la frontière est déterminée par les
paragraphes XVI à XXI de 1'Accord germano-britannique du 11 mars 1913.
hl Que, dès lors, notamment, la souveraineté sur la presqu'île de Bakassi d'une part et sur la
parcelle litigieuse occupée par le Nigéria dans la zone du Lac Tchad d'autre part, en
particulier sur Darak et sa région, est camerounaise.
f1 Que la limite des zones maritimes relevant respectivement de la République du Cameroun et
de la République fédéraledu Nigériasuit le tracésuivant :
de 1'intersection de la ligne droite joignant Bakassi Point à King Point et du centre du
chenal navigable de l'Akwayafé jusqu'au point «12», cette limite est confirmée par la
«ligne de compromis» reportée sur la carte de l'amirautébritannique n°3433 par les Chefs
d'État des deux pays le 4 avril 1971 (Déclaration de Yaoundé II) et, de ce point 12
jusqu'au point «G», par la Déclaration signéeà Maroua le 1er juin 1975;
du point G, la ligne équitable suit la direction indiquée par les points G, H (de
coordonnées 8°21'16" E et 4°17' N), I (7°55'40" E et 3°46' N), J (7°12'08" E et 3°12'35"
N), K (6°45'22" E et 3°01 '05" N), et se poursuit à partir de K jusqu'à la limite extérieure
des zones maritimes que le droit international place sous la juridiction respective des deux
Parties.
Q} Qu'en tentant de modifier unilatéralement et par la force les tracés de la frontière définie
ci-dessus sub litterae a) et f}, la République fédérale duNigéria a violé et viole le principe
fondamental du respect des frontières héritéesde la colonisation (uti possidetis juris) ainsi
que ses engagements juridiques relativement à la délimitation terrestre et maritime.
~ Qu'en utilisant la force contre la République du Cameroun, et, en particulier, en occupant
militairement des parcelles du territoire camerounais dans la zone du Lac Tchad et la
péninsule camerounaise de Bakassi, en procédant à des incursions répétéestout le long de la
frontière entre les deux pays, la République fédéraledu Nigériaa violéet viole ses obligations
en vertu du droit international conventionnel et coutumier.
f} Que la République fédéraledu Nigéria a le devoir exprès de mettre fin à sa présence tant
administrative que militaire sur le territoire camerounais et, en particulier, d'évacuer sans
délai et sans condition ses troupes de la zone occupée du Lac Tchad et de la péninsule
camerounaise de Bakassi et de s'abstenir de tels faits à l'avenir.
g} Qu'en ne respectant pas 1'ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la
Cour le 15 mars 1996, la République fédéraledu Nigéria a manqué à ses obligations
internationales. - 3-
hl Que la responsabilité de la République fédéraledu Nigéria est engagée par les faits
internationalement illicites exposés ci-dessus et précisésdans les écritures et les plaidoiries
orales de la Républiquedu Cameroun.
il Qu'en conséquence, une réparation est due par la République fédéraledu Nigéria à la
Républiquedu Cameroun pour les préjudices matérielset moraux subis par celle-ci, selon les
modalitésà fixer par la Cour.
La République du Cameroun a par ailleurs 1'honneur de prier la Cour de bien vouloir
l'autoriser à présenter une évaluation du montant de l'indemnitéqui lui est due en réparation des
préjudices qu'elle a subis en conséquence des faits internationalement illicites attribuables à la
Républiquefédéraledu Nigéria,dans une phase ultérieurede la procédure.
La République du Cameroun prie en outre la Cour de déclarer que les demandes
reconventionnelles de la République fédéraledu Nigériane sont fondéesni en fait ni en droit et de
les rejeter.»
Pour le Nigéria:
«La Républiquefédéraledu Nigériaprie respectueusement la Cour :
1) en ce qui concerne la presqu'île de Bakassi, de dire et juger :
ru que la souverainetésur la presqu'île appartient à la Républiquefédéraledu Nigéria;
hl que la souverainetédu Nigériasur Bakassi s'étendjusqu'à la frontière avec le Cameroun
décriteau chapitre11 du contre-mémoire du Nigéria;
2) en ce qui concerne le lac Tchad, de dire et juger :
ru que la délimitation et la démarcation proposées sous les auspices de la commission du
bassin du lac Tchad, n'ayant pas étératifiéespar le Nigéria,ne s'imposent pas à lui;
hl que la souverainetésur les zones de la régiondu lac Tchad définiesau paragraphe 5.9 de
la duplique du Nigéria et indiquées aux figures 5.2 et 5.3 en regard de la page 242 du
texte original (y compris les agglomérations nigérianes énumérées au paragraphe 4.1 de
la duplique du Nigéria)appartient à la Républiquefédéraledu Nigéria;
fl_qu'en tout étatde cause, du point de vue juridique, le processus qui s'est déroulédans le
cadre de la commission du bassin du lac Tchad, et qui devait conduire à la délimitation et
la démarcation de l'ensemble des frontières dans le lac Tchad, est sans préjudice du titre
sur telle ou telle zone de la région du lac Tchad qui revient au Nigéria du fait de la
consolidation historique du titre et de l'acquiescement du Cameroun;
3) en ce qui concerne les segments intermédiairesde la frontière terrestre, de dire et juger:
ru qu'il relève de la compétence de la Cour de préciser définitivement le tracé de la
frontière terrestre entre le lac Tchadla mer;
hl que l'embouchure de la rivière Ebedji, qui marque le point de départ de la frontière
terrestre, se trouve au point où le chenal nord-est de la rivière se jette dans la formation
appelée «Pond» sur la carte reproduite à la figure 7.1 de la duplique du Nigéria, point qui
est situé par 120 31' 45" de latitude nord et 140 13' 00" de longitude est (selon le
référentiel'Adindan); -4-
f} que, sousréservedes interprétationsproposéesau chapitre 7 de la dupliquedu Nigéria,la
frontière terrestre entre l'embouchure de l'Ebedji et le point situésur le thalweg de
1'Akpa Yafe qui fait face au point médiande 1'embouchure de 1'ArchibongCreek est
délimitée par les instruments frontaliers pertinents, à savoir :
i) les paragraphes 2 à 61 de la déclarationThomson-Marchand, confirméepar l'échange
de lettres du 9janvier 1931;
ii) l'ordonnance adoptéeen conseil du 2 août 1946 relative au Nigéria(protectorat et
Cameroun) (article 6, paragraphe 1) et sa deuxièmeannexe;
iii) les paragraphes 13 à 21 de l'accord de délimitationanglo-allemand du 12avril1913;
et
iv) les articles XV à XVII du traitéanglo-allemand du 11mars 1913;et
illque les interprétationsproposéesau chapitre 7 de la duplique du Nigéria,ainsi que les
mesures connexes présentéesdans ladite duplique pour chacun des endroits où la
délimitation prescrite par les instruments frontaliers pertinents est imparfaite ou
incertaine, sont confirmées.
4) en ce gui concerne la frontièremaritime, de dire etjuger:
~ que la Cour n'a pas compétence pour connaître de la revendication maritime du
Cameroun à partir du point où la ligne que celui-ci revendique pénètredans les eaux sur
lesquelles la Guinéeéquatorialefait valoir desprétentionsà 1'encontre du Cameroun, ou
subsidiairement que cette demande du Cameroun est irrecevable de ce fait;
hl que la demande du Cameroun relative à une délimitationde la frontièremaritime basée
sur le partage global des zones maritimes dans le golfede Guinéeest irrecevable, et que
les Parties sont tenues, en application des articles 74 et 83 de la convention des
Nations Unies sur le droit de la mer, de négocierde bonne foi en vue de parvenir à un
accord sur une délimitationéquitablede leurs zones maritimes respectives, une telle
délimitation devant tenir compte, notamment, de l'obligation de respecter les droits
existants de prospection et d'exploitation desressources minéralesdu plateau continental
accordéspar l'une ou l'autre des Parties avant le 29 mars 1994 sans qu'une protestation
écrite ait étéélevéepar l'autre ainsi que les revendications maritimes raisonnables
d'Etats tiers;
f} subsidiairement, que le Cameroun n'est pas fondé en droit à revendiquer une
délimitationde la frontièremaritime baséesur un partage global des zones maritimes
dans le golfe de Guinéeet que cette demande estrejetée;
illque, dans la mesure où la demande du Cameroun concernant la frontièremaritime peut
êtrejugéerecevable en la présenteinstance, la revendication par le Cameroun d'une
frontièremaritime à1'ouest et au sud de la zone de chevauchement des concessions, telle
qu'indiquéeà la figure 10.2 de la duplique duNigéria,estrejetée;
~ que les eaux territoriales respectives des deux Etats ont pour frontièrela ligne médiane
situéedans le Rio delRey;
fl que, au-delà du Rio del Rey, les zones maritimes respectives des Parties seront
délimitées par une ligne tracéeconformémentau principe de l'équidistance,jusqu'au
point le plus proche où cette ligne rencontre la frontière établie avec la Guinée - 5-
équatoriale suivant la ligne médiane à environ 40 6' de latitude nord et 80 30' de
longitude est;
5) en ce qui concerne les demandes du Cameroun en matière de responsabilité étatique, de dire
etjuger:
que, pour autant que le Cameroun mamtient toujours chacune de ces demandes et que
celles-ci sont recevables, ces demandes ne sont fondéesni en fait ni en droit; et
6) en ce qui concerne les demandes reconventionnelles du Nigériatelles que formulées dans la
sixièmepartie du contre-mémoire du Nigéria et au chapitre 18 de la duplique du Nigéria, de
dire etjuger :
que le Cameroun est responsable envers le Nigériaà raison des griefs exposés dans chacune
de ces demandes, le montant de la réparation due à ce titre devant êtredéterminépar la Cour
dans un nouvel arrêtà défaut d'accord entre les Parties dans les six mois suivant la date du
prononcéde l'arrêtde la Cour.»
*
Intervention de la Guinéeéquatoriale
Il est rappelé que, par ordonnance du 21 octobre 1999, la Cour avait autorisé la Guinée
équatoriale à intervenir, en vertu des dispositions de l'article 62 du Statut, dans les limites, de la
manière et aux fins spécifiéesdans sa requêteà fin d'intervention.
Dans cette requêteà fin d'intervention, la Guinée équatoriale a indiqué que l'objet de sa
requêteétait de «protéger [s]es droits ... dans le golfe de Guinéepar tous les moyens juridiques»
et de «faire connaître à la Cour les droits et intérêd'ordre juridique de la Guinéeéquatoriale afin
qu'il n'y soit pas portéatteinte lorsque la Cour en viendra à examiner la question de la frontière
maritime entre le Cameroun et le Nigéria». La Guinéeéquatoriale a préciséqu'elle ne cherchait
pas à intervenir dans les aspects de la procédure relatifs à la frontière terrestre entre le Cameroun
et le Nigéria ni à devenir partie à l'instance. Elle a indiquéen outre que, bien que les trois Etats
aient la facultéde demander à la Cour non seulement de déterminer quelle est la frontière maritime
entre le Cameroun et le Nigéria, mais aussi les frontières maritimes de la Guinéeéquatoriale avec
ces deux Etats, la Guinée équatoriale n'avait présentéaucune demande en ce sens et souhaitait
continuer à chercher à déterminer ses frontières maritimes avec ses voisins par la voie de
négociations.
En conséquence, la Guinéeéquatoriale a présentéses observations à la Cour lors des
audiences qui viennent de s'achever.
*
Pratique interne de la Cour en matière de délibéré
La Cour tiendra d'abord un débatpréliminaire durant lequel le président indiquera les points
devant êtrediscutés et tranchés par la Cour. Chaque juge prépare ensuite une note écrite dans
laquelle il exprime son opinion sur l'affaire. Celle-ci est distribuée aux autres juges. Une
délibérationapprofondie est alors organiséeà la fin de laquelle, sur la base des vues exprimées,un
comité de rédaction sera désignéau scrutin secret. Ce comité se composera en principe de deux
juges partageant 1'opinion de la majoritéde la Cour et du président, si tel est égalementle cas. -6-
Ce comitépréparera un projet de texte qui fera d'abord l'objet d'amendements écrits,puis
de deux lectures. Entre-temps, les juges qui le souhaiteront pourront préparerune déclaration,une
opinion individuelle ou une opinion dissidente.
Le scrutin final interviendra aprèsl'adoption du texte définitifde l'arrêten seconde lecture.
*
NOTE POUR LA PRESSE
Les comptes rendus des audiences tenues du 18 févrierau 21 mars 2002 sont disponibles sur
le site Internet de Cour (www.icj-cij.org) sous la rubrique «Rôle».
Départementde l'information :
M. Arthur Witteveen, premier secrétaire( 31 70 302 23 36)
Mme Laurence Blairon et M. Boris Heim, attachésd'information+(31 70 302 23 37)
Adresse électronique: [email protected]
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