COURINTERNATIONALE DE JUSTICE
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Communiqué
non officiel
poudiffusiimmédiare
N° 98/26
Le 10 août 1998
Procès engagés devant des tribunaux malaisiens contre le rapporteur spécial de
la Commission des droits de l'homme de l'ONU chargé de la question
de l'indépendance des jgges et des ayocats
Le Conseil économique et social de l'ONU demande
un avis consultatif à la Cour
LA HAYE, le 10 août 1998. Le Conseil économique et social (ECOSOC), l'un des six organes
principaux des Nations Unies, a demandé le 5 août 1998 à la Cour internationale de Justice (CIJ) de
donner un avis consultatif au sujet d'un différend opposant l'Organisation des Nations Unies au
Gouvernement malaisien sur l'interprétation ou l'application de la Convention du 13 février 1946 sur les
privilèges et immunités des Nations Unies.
La Convention vise notamment à protéger différentes catégories de personnes au service de l'ONU,
y compris les «experts en mission», contre toutes les fonnes d'intervention des autorités nationales.
La présente affaire concerne M. Data' Param Cumaraswamy, un juriste malaisien qui a éténommé
rapporteur spécial chargé de la question de l'indépendance des juges et des avocats en 1994 par
la Commission des droits de l'homme, un organe de l'ECOSOC.
Selon une note adressée le 28 juillet 1998 à l'ECOSOC par le Secrétaire généralde l'ONU,
M. Kofi Annan, M. Cumaraswamy fait actuellement l'objet de quatre procès intentés contre lui devant
des tribunaux malaisiens par des demandeurs différents. Des dommages et intérêtslui sont réclaméspour
un montant total de 112 millions de dollars des Etats-Unis. Les procès font suite à un entretien accordé
par M. Cumaraswamy, en novembre 1995, à la revue International Commercial Litigation (publiée au
Royaume-Uni mais également diffusée en Malaisie) au cours duquel il a commenté certaines affaires qui
avaient étéportées devant les tribunaux malaisiens. Les demandeurs, parmi lesquels des entreprises
commerciales et un avocat cité dans l'article, affirment que les propos de M. Cumaraswamy sont
diffamants.
Après que le premier procès eut étéengagé, le Conseiller juridique de l'ONU, M. Hans Core li,
agissant au nom du Secrétaire général,a étudiéles circonstances de l'entretien et les passages controversés
de l'article, et il a conclu que M. Cumaraswamy s'étaitexprimé en sa capacité officielle de rapporteur
spécial. Il a indiquéqu'en conséquence, confonnément à la section 22 de l'article VI de la Convention
sur les privilègeset immunités des Nations Unies, M. Cumaraswamy bénéficiait de l'immunité de
juridiction. Le 15 janvier 1997, le Conseiller juridique a adressé une note verbale au Représentant
permanent de la Malaisie auprès des Nations Unies, priant les autorités malaisiennes cornpétentes«d'aviser
sans délai les tribunaux malaisiens que le rapporteur spécial bénéficiaitde l'immunité de juridiction».
Le 7 mars 1997,le Secrétaire générala publié une note dans laquelle il confirmait que <destermes
sur lesquels le demandeur fondait sa plainte dans cette affaire avaient étéemployés par le rapporteur
spécial dans le cadre de sa mission» et que M. Cumaraswamy «jouissait de l'immunité de juridiction à
cet égard». Des documents identiques certifiant l'immunitédu rapporteur spécial ont étépubliés lorsque - 2 -
de nouveaux procèsont étéengagés. Toutefois, selon le Secrétairegénéral,ces notes n'ontpas conduit
le Gouvernement malaisien à intervenir comme ilconvient auprèsdes tribunaux malaisiens pour faire
respecter l'immunitéde M. Cumaraswamy; elles n'ont pas davantage étéprises en considérationpar ces
tribunaux.
Le 7 novembre 1997, M. Annan a informéle Premier ministre de Malaisie de ce qu'un différend
semblait opposer les Nations Unies etle Gouvernement malaisien, et il a évoquéla possibilitéd'ensaisir
la Cour internationale de Justice. Il a alors nomméun Envoyéspécial,Me Yves Fortier (Canada), qui a
effectuédeux visites officielles à Kuala Lumpur pour parvenir soit à un règlement négociésoit à une
présentationcommune de l'affaireà la Cour. A l'issue de sa deuxièmevisite, du 25 au 28 juillet 1998,
M. Fortier a conclu que le Gouvernement malaisien n'étaitdisposéà participer àaucun de ces efforts et
il a recommandéde porter l'affaire devant l'ECOSOC afin qu'ilsollicite un avis consultatif de la Cour.
La section 30 de la Convention sur les privilègeset immunitésdes Nations Unies stipule que si un
différendsurgitentre lesNations Unies, d'unepart, et un Etat membre,d'autrepart, un avis consultatif sera
demandé à la CIJ. L'avisde la Cour sera acceptépar les parties comme décisif.
Le 5 août 1998, l'ECOSOC a adoptéune résolution demandant à la Cour de donner, à titre
prioritaire,n avis consultatif:
«sur le point de droit concernant l'applicabilitéde la section 22 de l'articleVI de laConvention sur
les privilèges et immunitésdes Nations Unies au cas de Data' Param Cumaraswamy, en tant que
rapporteur spécialde la Commission des droits de l'hommechargéde laquestion de l'indépendance
desjuges et des avocats, en tenant compte des paragraphes 1 à 15de la note du Secrétairegénéral,
et sur les obligations juridiques de la Malaisie enl'espèce>>.
Lademande d'avisconsultatif a été reçue le 10 août 1998par télécopieau Greffe de la Cour, venant
du Secrétairegénéralde l'ONU. Le Gouvernement malaisien a déjàindiquéqu'il ne s'opposait pas à ce
que l'affairesoit portéedevant la Cour et qu'ilprésenteraitlui-mêmeses observations à la CIJ.
Dans sa note du 28 juillet 1998, M. Annan a dit considérerqu'il«importe au plus haut point» de
reconnaître le principe selon lequel il n'appartient qu'au Secrétairegénéralde déterminer, de façon
décisive,si un expert en mission s'estexpriméoralement ou par écritou a accompli un acte dans le cadre
de sa mission. Il a affirméque si les tribunaux nationaux devaient déterminersi un expert jouit de
l'immunité,cela «ne manquerait pas de nuire àl'indépendancedes fonctionnaires et experts, qui auraient 'e
ainsi àcraindre qu'àtout moment, qu'ilssoient encore en fonction ou qu'ilsaient quittéleur service, i1s
puissent êtreappelés à rendre compte, au civil comme au pénal, devant un tribunal national, pas
nécessairementdans leur pays, d'actes accomplis (y compris leurs paroles et leurs écrits)en tant que
fonctionnaire ou expert».
L'ECOSOC a étéautorisé en 1946 par l'Assemblégénérale à demander à la Cour des avis
consultatifs sur des questions juridiques se posant dans le cadre de son activité. C'est la deuxième fois
qu'ilfait usage de cette autorisation.
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