Sentence arbitrale du 31 juillet 1989 (Guinée-Bissau c. Sénégal) - La Cour rejette la demande en indication de mesures conservatoires

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10149
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1990/5
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
alaide la Paix, 2517 KJ La Haye. Tél-392 44 41). Télé:ntercourt, La Haye.

Téléfax(070-364 99 28).Télex 3232Communiqué

non officiel
pour publication immédiate

No 90/5
Le 2 mars 1990

Sentence arbitral deu 31 juillet1989

(Guinée-Bissac u. Sénégal)

La Cour re-lettlea demande en indicatiod nsmesures conservatoires

Le Greffede la Courinternationald ee Justice metà la disposition
de la presse les renseignements suivants :

Aujourd'hui, 2 mars 1990, la Cour internationaldee Justicea rendu
en l'affaire relative à la Sentence arbitral du 31 juillet 1989
(Guinée-Bissac u. Sénégal)une ordonnance rejetan par quatorze voix
contreune la demandeen indication de mesures conservatoires dépos par
la République de Guinée-Bissau.

La composition de la Cour était lasuivante :

M. Ruda, PrésidentM ;. Mbaye,Vice-Président ;M. Lachs, Elias, Oda,
Ago, Schwebel,sir Robert Jennings, MM. Ni, Evensen, Tarassov Guillaume,
Shahabuddeen, Pathak ju~es;M. Thierry,juge ad hoc.

MM. Evensen etShahabuddeen, juges ont joint à l'ordonnance des
opinionsindividuelles. M. Thierry, jugead hoc, y a jointune opinion
dissidente.

Le texte imprimé de l'ordonnanceet des opinionsseradisponible
dans quelques jours (S'adresserà la section de la distributi etndes
ventes, Office des Nations Uniesà Genève,1211Genève 10, à la section
des ventes, Nations UnieN s,w York,N.Y. 10017, ou à toute librairie
spécialisée.) On trouveraci-aprèsune analysede l'ordonnance, suiviedu
dispositif de celle-ci: cette analyse, établie pl arGreffe pour
faciliterle travailde la presse, n'engage en aucune façonla Cour.
Elle ne sauraitêtrecitée à l'encontredu textede l'ordonnance, dont
ellene constitue pas une interprétation.

Analysede l'ordonnance

Dans sonordonnance, la Cour rappelleque, le 23 août 1989, la
Guinée-Bissau a introduitune instance contrlee Sénégalau sujetd'un
différend concernant l'existee ncela validitéde la sentence arbitrale
renduele 31 juillet 1989 par le Tribunal arbitral pou la détermination
de la frontière maritime entre l deuxEtats.

Le 18 janvier1990, la Guinée-Bissaua ,u motifque la marinede
guerresénégalaise se serait livrée àcertaines actiond sans une zone
maritimeque laGuinée-Bissau considère cou mme zoneen litige entre
les Parties, a prié la Cour d'indiquer les mesures conservatoires
suivantes :

"Afinde sauvegarder les droid ts chacunedes Parties,
celles-cis'abstiendrond tans lazoneen litigede toutacteou
actionde quelque nature que ce soit pendant tl ouduréede
la procédurejusqu'àla décision rendue pa ra Cour1'.

La Cour rappelle ensuite ql ueprésente instanca epour origine les
événements suivants :le 26avril1960, laFranceet le Portugalont,par
échangede lettres, conclu un accorden vuede définirla frontière
maritime entre le Sénégal(qui à cette époque étai tn Etat autonomede
la Communauté)et la province portugais de Guinée; après l'accessi on
Sénégalet de la Guinée-Bissau à l'indépendanceu,n différends'estélevé
entreles deux Etats au sujetde la délimitation de leurs territoires
maritimes;en 1985,les Parties ont concu lu compromisd'arbitrage en

vue de soumettrece différend à un tribunal arbitralà;l'article2 dudit
compromis il était deman détribunalde statuersur les questions
suivantes :

"1)L'accordconclupar un échangede lettres,le
26 avril1960,et relatifà la frontière en mer, fait-ildroit
dans les relationsentrela République de Guinée-Bissauet la
Républiquedu Sénégal ? 2) En cas de réponse négativ e la première question, quel
est le tracé de la ligne délimitant les territoires maritimes
qui relèvent respectivemendte la Républiquede Guinée-Bissau
et de la République du Sénégal?"

L'article9 du compromis stipule qu la décisiondu Tribunal"doit
comprendre le tracéde la lignefrontière sur une carte".

Le 31 juillet 1989, le Tribunal arbita rrendu, pardeuxvoix
(dontcelledu présidentdu Tribunal)contreune, unesentence dont le
dispositifest ainsi libellé :

"Vu les motifsqui ont été exposés,le Tribunal décid e..
de répondreà la première question formulée dl ansrticle2 du
compromis arbitral de la façon suivante:l'accord conclu par
un échangede lettres, le 26 avril 1960,et relatif à la
frontière en mer,faitdroit dans les relations ent lae
République de Guinée-Bissauet la Républiquedu Sénégalen ce
qui concerne les seules zones mentionnées c etnsccord, à
savoir la mer territorial la,zone contiguëet le plateau
continental.La 'ligne droite orientée à 240°'est une ligne
loxodromique."

Dans cette sentence, le Tribun conclutaussi que"la deuxième

question ... n'appellepas une réponsd ee sa part"et qu'il "n'apas
jugé utile,étantdonnésa décision, de joindre une carte comprenant le
tracéde la lignefrontière"; le présidentdu Tribunal arbitraa l annexé
une déclarationà la sentence.

La Guinée-Bissausoutient dans sa requêteà la Courqu'"ainsise
trouvenoué un nouveau différend relatifà l'applicabilitd éu texterendu
comme sentence l3 e1 juillet1989"; elle prilea Cour,en ce qui concerne
la décision du Tribunal arbitral ,e dire et Juger:

"- que cette prétendue décisi ont frappéed'inexistence par
le fait que,des deux arbitres ayant constit enéapparence
une majoritéen faveurdu textede la 'sentence', l'una,
par une déclaration annexe ,xpriméune opinion en
contradictionavec celleapparemment votée;

- subsidiairement, que cette prétendue déci sionfrappéede
nullité,le Tribunal n'ayantpas répondu complètementà la
double questiopnosée parle compromis, n'ayantpas abouti à
une ligne unique de délimitati dûmentportéesur une carte
et n'ayant pas~notivéles restrictions ainsi abusivement
apportéesà sa compétence;

- que c'estdonc a tortque le Gouvernement du Sénégalprétend
imposerà celuide la Guinée-Bissau l'applicati doenla
prétendue sentencdeu 31 juillet 1989";

La Cour relèveque,dans sa demandeen indication de mesures
conservatoires, lG auinée-Bissauexplique quecelle-cia été motivéepar "des actes de souverainet[ édu Sénégal]préjugeantde la

décisionqui doit être rendueau fond parla Couret de la
délimitation maritime qui interviendrapar la suite entreles
Etats."

La Cour résume ensuite les incidentsqui ont eu lieu et qui
consistenten actionsdes deuxParties contre des naviresde pêche
étrangers.

En ce qui concerne sa compétence, la Cour considère ensuit que, en
présenced'une demande en indicatiod ne mesures conservatoires, ell n'a
pas, avant de décider d'indiquer ou non de telles mesures,à s'assurer de I
manière définitive qu'ellea compétence quant au fond de l'affaire,mais
qu'ellene peut indiquer ces mesureq sue si les dispositions invoquées
par le demandeur semblent &ma facie constituerune base surlaquelle la
compétence dela Cour pourrait êtrefondée; la Cour considère que les
deux déclarations que les Parties ont faites conformémentà l'article36,
paragraphe2, du Statut,et que le demandeur invoque, semblen bien
constituer prima faciu ene base de compétence.

La Cour relève quela décision dans la présente procédure ne préjuge
en rien lacompétencede la Cour pour connaître du fond de l'affaire.

La Guinée-Bissau a demandé à la Cour d'exercerdans laprésente
procédurele pouvoir quela Cour tientde l'article41 de son Statut
"d'indiquer,si elle estime que les circonstances l'exigent, quelles

mesures conservatoired su droit de chacun doivent être prisesà titre
provisoire".

La Cour fait observer que l'exercice de ce pouvv oireà protéger
les "droitsen litige devantle juge" (Plateaucontinentalde la
mer Epée. C.I.J. Recueil1976, p. 9, par. 25; Personnel divlomatiuue et
consulairedes Etats-Unis à Téhéran,C.I.J.Recueil 1979, p. 19,
par. 36), que de telles mesures sont prise às titre provisoireet "en
attendant l'arrêtdéfinitif"(article41, paragraphe 2, du Statut), et
que, par suite, il s'agitde mesures qui,en tant que telles,ne sont
plus nécessaires une fois quele différendau sujet de ces droits aété
réglé par l'arrêt de la Cour sur le fond de l'affaire.

La Cour note aussi que, danssa requête,la Guinée-Bissau reconnaît
que le différend dont elle a sais ia Cour n'est pasle différendsur la
délimitation maritime porté deval nt Tribunal arbitral,mais "un nouveau
différend relatif à l'applicabilitédu texte rendu comme sentenc ee
31 juillet 1989"; que la Guinée-Bissaua cependant soutenu qud ees
mesures conservatoires peuvent être demandées, d lencadre d'uneprocédure judiciaire relati àven sous-différend, pour protég des
droitsen causedans ledifférend principal que le seul lien
indispensable à l'admissibilitdées mesuresest le lien entre les mesures
envisagéeset le conflit d'intérêts sous-jacenà la questionou aux
questions poséesà la Cour - ce conflit d'intérêtsétanten l'occurrence

le conflitsur la délimitation maritime- et qu'ilen va ainsi, que la
Cour soit saisied'un différend principa ou d'un sous-différendd,'un
différendde base ou d'un différendde second ordre, à la seule condition
que la décisionde la Coursur les questions de fond qui luisont posées
soitun préalable nécessair eu règlementdu conflit d'intérêts que les
mesures concernent; que, da nasprésente affairel,a Guinée-Bissau
soutientque ledifférendde base concerne les prétentions conflictuelles
des Partiesrelativesau contrôle, à l'exploration età l'exploitation
d'espaces maritimes, que les mesures demandées ont pourde objet
préserverl'intégrité du territoire maritime concer enéque le rapport
exigible entre les mesures conservatoires demandées l paGuinée-Bissau
et l'affaire justiciable exis bien.

La Cour relève quela requête introductiv d'instancela prie de
dire et jugerque la sentence arbitrald ee 1989 est "frappée
d'inexistence" ou, subsidiairement, "frappdéenullité"et que "c'est
donc à tort que leGouvernement du Sénégal prétend imposeàrcelui de la
Guinée-Bissau l'applicati onla prétendue sentencd eu 31 juillet 1989";
elle relève aussi qu la requêtela prie donc de se prononcersur
l'existence et la validitéde la sentence, mais qu'ellne la prie pasde
se prononcersur les droits respectifdses Parties dans lazone maritime
en cause. La Cour ajoute qu'enconséquence les droits allégués donitl
est demandéqu'ilsfassent l'objet de mesures conservaton iresont pas
l'objetde l'instancependante devant la Cour sur le fondde l'affaireet

qu'aucune mesurede ce genrene saurait être incorpord éens l'arrêtde
la Cour sur le fond.

En outre,une décisionde la Courselonlaquellela sentenceest
inexistante ou nullen'impliqueraiten aucune manière quela Cour décide
que les prétentionsde la demanderesseen ce qui concernela délimitation
maritime contestés eont fondées,en toutou en partie; ainsile différend
relatifà ces prétentionn se serapas réglé parl'arrêtde la Cour.

Dispositif

"En conséquence,

LA COUR,

par quatorzevoix contreune,

Rejettela demandeen indication de mesures conservatoires déposée
au Greffepar la Républiquede Guinée-Bissau l1 e8 janvier1990." Annexeau Communiqué de presse90/5

Résumédes opinionsiointes à l'ordonnance

Opinionindividuelle de M. Evensen

Les circonstancesde la présente affairnee semblent pas exiger que
la Cour exerceson pouv'oidr'indiquerdes mesures conservatoirees vertu
de l'article 41 de son Statut.

Mais la Courn'a pas, avantde déciderd'indiquerou non des mesures
conservatoires,à s'assurerde manière définitive qu'el aleompétence
quantau fondde l'affaire.A ce sujet,il y alieude relever que la
compétence de la Courn'a pas été contestéejusqu'àprésent.

Le soucid'éviterun préjudice irréparabn le devrait pas êtruene

condition préalableà l'indicationde mesures conservatoiresI .l n'est
questionde "préjudice irréparablen"i à l'article41 du Statutde la
Courni à l'article73 de son Règlement.Les pouvoirs discrétionnaires
de la Courne devraient pas être limit descettemanière.

Dans la présente affaireo,n peut trouverdes indicationutiles
dans la conventiondes NationsUnies sur ledroitde la mer du
10 décembre1982,notammentdans lapartieV relative à la zone
économique exclusiv et dans lapartie VI relativeau plateau
continental.Le Gouvernement de la Guinée-Bissau e te Gouvernementdu
Sénégal ont toudseux signéet ratifié cetteconvention.

L'article74 de la conventionde 1982,qui traite de la délimitation
de la zoneéconomiaue exclusive ent Etatscôtiers voisins, disposeà
son paragraphe1 que la délimitationde la zone "est effectuée pavoie
d'accord". Des disposi.tionisdentiques figurenàtl'article83 de la
convention, en ce qui concerne la délimitatdionplateau continental.
La convention n'est pas enco entréeen vigueur.

Mais cesarticlestraduisent des principes essentieldsu droit
internationaldans ce domaine; ils signifient q les Etatscôtiers
doiventau besoinconcluredes accordssur levolume admissibld ees
capturesdes stocksde poissons,la répartition des captures entre Etats
intéressés,la délivrance de licences de pêche, les méthoddespêcheet
les typesd'engins,la :protectio des frayères,le maintiendes contacts

nécessaires entrl ees autorités nationales compétenetematièrede
pêche ainsi que d'autres moyens permettant l'exploitation rate ionnelle
pacifiquede ces ressources vitale se la mer.

Ovinionindividuelle de M. Shahabuddeen

Dans son opinion individuelleM. Shahabuddeendit qu'illui semble
que la Guinée-Bissau cherche défendre, quanatu typede lienqui
devrait exister entr les droitsqu'oncherche à sauvegarder padres
mesures conservatoire et ceuxsur lesquelson voudrait qu'ilsoit statué
dans l'affaire,une conception plus libéraq lee celle adoptépar la

Cour. Mais,à son avis,une telle position connad îts limites tenanatu
faitque la situatioc nrééepar l'indicationde mesures conservatoiresdoit être compatible avec l'effet d'une éventuelle déa cisprincipal
en faveurde 1'Etatqui demande de telle mesures.Dans cette affaires ,i
la Guinée-Bissau obtenait queCl ourdéclare que la sentenceest frappée
d'inexistence ou d'invalidité,le différend initial serait rouve ert
chaque partie serait libre d'a girs les limites autorisépesr le
droit international. Cette liberté d'action, décd oulantécision de
la Cour en faveur dela Guinée-Bissau, serait effectivement incompatible

avec la situationcrééepar l'indication de mesures conservatoires
ordonnantaux deuxPartiesde s'abstenir de se livrerà des activités, au
lieu d'êtrecompatible avec elle comme il serait norm Enl.onséquence,
M. Shahabuddeenne pense pas que la conception avancée pala
Guinée-Bissau pourrait aboutirà une décision différentde celle à
laquellela Cour est parvenue.

Opiniondissidente de M. H. Thierry.jupe ad hoc

Dans son opiniondissidente M.Thierry expose les raisons pour
lesquelles iln'a pu, à regret, s'associe àrla décisionde la Cour. Il

estimeen effet :

1. que les incidents relatés dans l'ordonnance exigeaien desque
mesures conservatoires fussent indiq etéqu'elles devaient don l'être
conformément à l'article41 du Statutet à l'article75, paragraphe 2, du
Règlementde la Cour;

2. qu'aucunobstable juridiqu ne s'opposait en l'espèceà
1'exerc.icepar la Courde son pouvoir d'indique des mesures
conserv.toiresdès lors quela décision que la Cour est appeléeà prendre
sur le fond,c'est-à-dire sur la validitéde la sentence arbitral eu
31 juillet1989,affectera nécessairement les dro detssParties dansla

zone maritime contestée;

3. que la Cour auraitdû engagerles Parties ànégocier,sur la base
des assurances donnéesà ce sujetpar le Sénégal,afin,dansun premier
stade,de prévenir toute aggravati dundifférend.

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