Communiqué no 58/31
(non officiel)
IRs renseignements'suivants émanant du Greffe de la Cour interna-
tionale de Justice ont été mts à la disposition de la presse.
Aujourd'hui 28 novembre 1959, la Cour internationale de Justice a
rendu son arr&t en l'affaire relative 2,L'appEcatim de la Convention
de 1902 pour régler la tutelle des mineurs, entre les Pays-Bas et la
.
Suède,
Cette affalre concerne la validité de la mesure diéducation protec-
trice (sl~yddsup~fostran) prise par les auiorit 6s suédoises à 11égard
diune mineure, Marie Elisabeth Boll, de nationalité néerlandaise, rési-
dant en Suede, Allkguant llincampatibilit de cettemzsure avec les
dispositions de la Convention de La Haye de 1902pour régler la tutelle
des mineurs, aux termes de laquelle c'est la loi nationale de ceux-ci
qui doit s'appliquer les Pays-Bas, dans leur rzqugte introductive
dlinstance ,emandaient 5 la Cour de déclarer la mesure dIéducation
prat ectrice non conforme aux obli5ations qui incombent à la Suède en
vertu de la Convention et di en prescrire ia rnzinlevée,
Par douze voix contr-. quatre, la Coura rajete cette demande,
mi. Ko jevnikov et Spiropoulos, juges, ont jointà 11arrêt des
déclarations,
Pl. Badawi, Sir Hersch 1auterpach.G , $@i,Moreno Quintana, Welljngton
Koo et Sir Percy Spender, juges, se prévalent du droit que leur con-
fère l'article 57 du Statut, ont jointà lfarrst l'exposéde leur
opinion indnviduell .e
M. ZafrdlaKhan, Vice-Prksidenta , declare se rallier dlunefaçon
genérale à lbpiniin de M. Wellington Koo,
MN. Winiarski et Cordova, juges , e5 M. Offerhaus, juge ad hoc, se
prévalant du droitque leurconfére l'article 57 du Statut, ont joint
liarrgtl'exposéde leuropinion dissi4,ente.
Rappelant les faits essentiels et non contestés qui se trouvent à
la base de 11affaire, 11arr$t expose que La rn5nem-e néerlandaise Phrie
Elisabeth 30ll est née du mariage de Johannes 3011,de nationalité
nesrlandaise, et de Gerd Elisabeth Undwall, deckdée le 5 décenibre
1953. A la demande du père, lesâutorit és suédoise avaient tout dra-
bord, le 18 mars 1954, enregistré la tutelle de celui-cizt nomméun
curateur à la rrLneure, conformément au droit suédois sur la tutelle.
Puis, le 26 anIl 1954, l'enfantavait 6t.téplacée par les autorités
suEdoises saus 1s régime de Iréducationprotectrice, organisé par
l'article 22a de la loi suédoise du 6 juin 192b sur la protectionde
11enfance et de la jeunesse.
Le 2 juin 1954, le juge cantonal ciIAmsterdam avaitorganisé la
tutelle conformément au droit nesrlandais. Le père et le subrogé-
tuteur avaient alors solfie i-& la milinlovée do lt6duca.tion protec-
trice, deinandequi fut rejetée par le Gouvernement de la province
'dlOstergtitland. h 5 août 1954, 1s tribunal de première instance
de Dordrecht, à la demandedu conseil de tutelle de cette ville,
et du consenteme1-h du père, aval% relevé celui-cide sas fonctions
de tuteur et désigné en son liau et place une tutrice, en prescri-
vant que 1'enfant serait r~mise à celle-ci, Le 16 septembre 1954,
le tribunal suédois de Norrlrtiping annulait 1 lenregistrement ant ésisur
de la .... de la tutelle du père et rejetaitune demandetendant à relever le CU-
rateur suédois de ses fonctions. Enfin, le 21 f6vrier 1956, la Cour
supreme administrativ suédoise avait, par un dernier am&, maintenu
la mesure diéducation protectrice.
LlarrOt de lu Cour internationale de Justice constate que, dans
Ilensemble des décisions intervenues soit en Suède soit aux Pays-Bas,
celles qui visent 1"orgânisation de k tutollru sont hors de cause,
Le différend se rapporte aux décisions suédoises gui ont institué et
mintenu 1'éduca'cion protectrice. C est sur elles uniquement que la
Cour doit statuer .
Au yeux du Gou~rernement des .Pags-Bas, 11educakion protectrice sué-
doise met obstacle à ce que la mineure soit miss à la tutrice, alors
que la Convention de 1902 ébablit que la tutelle des mineursest regie
',parle loi nationale de ceux-ci. L1excop'cion visée par llartlcle 7 de
la Conveni ton ne s appllgua pas, parce que 11éducation pinotectric e
suédoise n'estpas me niesure permise par cet article et parce que la
condition d'urgenceexigée n'a pas été remplie,
De son cbté,1 le Gouvernement suédois ne caiatuste pas que Li éduca-
tion protectrice entrave temporairement la garde que détient la tu-
trice en vertu du droit néerlandais, mais il soutiant que cette mesure
ne constitue pas une violation de la Convention de 1902,en premier
lieu parce que, quand cette mesure a Qté prise, le droit de garde ap-
partenant au père étaitun attribut de la puissance paternelle qui
n'est pas regte par La Convention de 1902; unc tutrice ayant succede
à c e droit, la Convent ion da 1302ne s'applique pas davan!aga dans son
cas. Ih second lieu, la loi sukdoisesur la protection de l'enfance
est applicable & tout mineur domicilié en Suède ;.la Conv~ntion règle
exclusivement des conflits de lois relatifs à la Gutelle ,t l'éduca-
tionprotectrice, étant une mesure d ordre public, ne constitue pas une
violation de cette Convent ion:. 12s mats contractants conservent le
droitdlimposerawcpouvoirs destu-t;eurs étrangers les limitations
réclame.e-.par Ilordre public.
'Sur le premier moyen invoquepar la Suede, la Cour constate que la
distimtion entre la pgriode OUle pére etaitinvesti de la tutelle et
celle où la 'tutelle a été confiée à un tiers peut conduire A distinguer
entre Z%tabUssement Initial du régime de l' éduc.a-Gionprotectrice et
sonmalntien en faca de la tutelle conférée B un tiers. La Courestime
niavoirpas à s lattacher à cette distinction. hs motifs de sa déci-
.sion s1appuquent à l 1ensemble du différend .
Pour apprécier la valaur de la thèse d'après laquelle l'éducation
protectrice constitue une tutelle rivale de la tutellenéerlandaise,
llarsét note qu'uncertainnombre de décisions su6doises relatives à
l'administratiodn as biens de la mineure procèdent dz la reconnaissance
de la tutelle neerlandaise.
Lfarrêt de Is Cour suprBme administrative du 21 février 1956 mérite
une mention particulière. La Cour supreme administrativ n'a pas
contes%é.la qualit6 de la tutrice pour agir;elle a par làreconnu sa
qualit&. Elle n 1a pas élevé 11éducation protectrice en institut ion
dont 1'effet serait dl absorber complètement la tutalle néerlandaise.
EUe s'est bornée, pour des motifs qui ne relèvent pas de Ilexamen
de Ta Cour, à ne pas faire droit au désir de la tutrice. &fin,
sous le régimz, ainsi maintenu, celui à qui l'enfant a 6téconfiée en
application de la mesure diéducation protectrice n'a pas la qualité
et les droits dluntuteur.
h ,. L &ducation ... L[éducation protectrice, telle qilleLle apparait dans les donnees
de faitdu litige, ne saurait otre considérée corauneune tutelle rivale
de celle constituée aux Pays-Bas coni'ormément 5 la Convantion de 1902.
En rejetant la démrrr.dede la tutrLce, la Gour supr@me administra-
tive suedoise s'est sans doute born8e 5 statuer surle maintien de
- l'éducatio protectrice mis, en m3me terjips,elle a apporté un obstacle
au plein exercicedu droit de garde appartenant à la tutrice.
Pour savoir si c est la wl manquement 2 la Convention de 1902 qui
Illadministratio ut elaire
prescrit que s étendà la personne .... du
mineur", la Zour a estime n'avoir pas à rechercher les gotifs des déci-
sions critiquées. En présence diune mi:sWe établie en applicatiod niune
loi suédoise, elle doit dire si 114tablissement et lrvmaintizn de cette
mesure sontincompatibles avec la Convention. Pour cela, elle doitdé-
terminer quellessont les obltgations imposees par cette Convention,
jusquioù elles s'étendent et si la Convention a entendu interdire Etap-
plication à une mineur2 etrangère diune loi telleque la loi suédoise
sur la protection de lienfaiice.
La. Convention de 1902 prescrit Ilapplicatio ne la loi nationale du
mineur, qu'elle étend e,xpressGmer?t à La persome et à liensemble des
biens du mineur, mais elle ne va pas au-deU . Son objet a 6t 6 de met-
tre-fin aux oppositions de vues touchant la preférence à donnerà la loi
nationale du mineur, à la loi de son domicile, etc, .,mais sans établir,
sp6cialemen dans le domaine du droit de garde,une imité du mineur
et du tuteur su regard de 11enseuiblâ de la legislation locale. La loi
nationale et la lai localepresentînt perfois des points de contact.
Mais il nien résulte ps-s que la loi national? du mineur doive alors
l'emporter toujourssur la loi localc et que llexercice des pouvoirs du
tuteuréchappe toujowns à llapplicatiod nes lois locales portant sur
diautres objets que LlattributTo ne la tutelle et la d8termination des
pouvoirset obligetions clu tuteur.
ks lois locales sur liinstruction obligatoire, La çurv~illance sa-
nitaire ,es enfants, la formation prof essionrielle ou la participation
de la jeunessei, certzlns travaux sont applicables aux étrangers. Le
droit d.e gardedu tuteur, qu'iltiznt de la loi nationale du mineur, ne
peut mettre obstacle 5 lkpplication de ces lois un mingur gtranger .
LiarrgG constate que la loi suédoise surla protection de lkenfance
et de la jeunesse nlestpas une loi sur la tutelle et qu'elle srapplique,
que le mineur soitsous la pui~sance paternall.e ou sous tutelle. h
Convention de 1902 a-t-elle entendu prohiber l'applicatio de Louke loi
portmt sur un objet différent et dont lreffetindirectlimiterait, sans
le supprimer, le droit de garde du tuteur ? La. Cour estiine que l'admet-
tre serait dépasser le but de la Convention qui se lirnTte aux conflits
des lois. Si la Convention avait entendu régler le damaine d 1applica-
tion de lois tellesque la loi suédoisesur La protection de l'enfance,
celle-cidevraitêtre appliquée aux minours suédois en pays étrangers.
Or, nul nia prktendu lui attribuer uri i:$l effet 2xtraterritorial.
LlarrêL roconnaft que la tutells et Iléducation protectrice ont
certains buts comri~uns. MrGis,si Liéducatlon prot,ectrice contribueà
la protection de Ilenfant,elle est en mgmetemps et surtout destinée
à protéger la soci6tS contre las dmgzrs rgsultant de Pa mauvaise
éducation, de lThygièr?e défectueuse ou de la perversion morale de ln
jeunesse. Pour atteindre son but dz protecbi&n individuelle, là Gu-
telle, diaprès la Convention, a besoin dl&tre regie par la loi natio-
nale du mineur. Pour atteindre le sim, la garantie sociale, la loi
suédoise sur la protection de l'enfance a besoin de siappliquer 2
toute la jeunesse virrant en Suède.
On a .,.. On a soutenuque la Convent ion de 1902 devait s entendrecorn com-
portant une r4seme implicite autorisant à faire echec, pour motifs
diordre public, à 1 appliça on de la loi étrangére normalement cornpé-
'tente. La Cour n'a pas estin16 rl&cessaire de se prononcer sur cette
thèse, Eile sfest attachée k savoir plus directemens ti, çomptz tenu
de son objet, la Convention de 1902 pose des regles que les autoriths
suédoises auraient méconnues .
Dans cette rscherche, la Cour à constaté que la Convention de 1902
srest placée en face d lun probléme ds conflit de Lois de droit prive et
qu'elle a donné la preférenceà la loi nationale du mineur, bis quand
on se demande quel est le domaine dlapplication do la loi suédoise ou
de La loi néerlandaise sur La protection de lcerifance, on constat2 que
les mesures prévues ont et6 prises en Suède par wi organe administratif
qui ne peut agir que selon sa propre loi, Ce que le juge suédois ou
ngerlandais peut faire en matièrede tutelle,, 5 savoir: appliquer une
loi &rangère, les autorités de ces pays ne puvent le faire en matière
d+education protectrics . L+ extension & cette situation de la Convention
de 1302 conduirait à une impassibiliti. Cette Convention a pou but de
mettre fin A la pretention concurrente de plusieurs lois de régler un
&me rapport de droit . Une telle prétention concurrente n exiske pas
quand i1 s'agit des lois sur la protection de Lienfance et de la jeunesse.
Une telle lai n'a pas et ne peut avoir draspirations extraterritoriales.
Une interprétation extensive de La Convsntion conduirait à une solution
négative si l'on refusail d'appliquer la loi suédoise aux enfants néer- . /
landais vivat 6n Suède, la loi neerlandaise sur le m&r~ objet ne pou-
vant s'appliquer 2 eux,
Il est à peine besoin d IaJoutzr, dit la Cour, quiaboutir à une
solution kcartant lfapplication de b loi suédoise sur la protection de
l[enfance à un mineur etranger vivant en Suede serait méconnaître le
but social de c ette loi. La Cour a déclaré ne pouvoir aisément sous-
crire A une Interprétation de ia Gonvention de 1902 qui fsrait un
obstacle sur ce point au progrès social.
11 apparaft ainsi 5 1s Cour qu*, mal~ré leurs points de contact et
les ernpi6temmts que la pratique révèlz, 12 loi suédoise sur la protec-
tion de Ilenface ne rentrepas dans le cadrs de la Convention de 1902
sur la tutelle. Celle-ci nia donc pu créer des obligations 2 la charge.
des 6tats signataires dans un domaine 6tranger à ses préoccupations.
Dés lors, la Cour, en llespecen ,'a pas releve de manquement à la
Convention à la charge de la Suède.
Pour ces motifs, elle a rsjeté la demande du Gouverriemznt dzs
Pays-Bas .
- Arrêt
Application de la convention de 1902 pour régler la tutelle des mineurs (Pays-Bas c. Suède) - Arrêt