Communiquéno 52/4
non-officiel
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Les renseignements savants, émanant du Greffe de la Cour inte~atio-
naze de Justice., ont été mis à la disposition de la .presse: . .,..
, ..-
, La Cour internationale de .Justice a rendu aujourd'hui ler Juillet 1952
...son arrêt en 1' affaire Ambatielos (exception prél'iminaire ), entre la Grèce
et:le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.
'
Cette affaire avait été introduite par une requéte du Gouvernement hel-
lénique qui, prenant fait et cause pour un de ses ~ressortissants, l'armateur
Ambatielos, avait prié la Cour de juger que la réclamation que ce dernier'
avait formulée contre le Gouvernement du Royaume-Uni..devait, aux termes des
traités conclus en 1886 et en 1926 enbre la Grèce et le ~Oyaume-Uni, être
soumise 1' arbitrage. Le Gouvernement du Royaume-Uni. avait au contraire
fait valoir que la Cour était incompétente pour se prononcer à cet égard,
Dans' son arret de ce jour, la Cour déclare, par dix.voix contre cinq, qu'elle
est.. compét'enk'epour décider si le Royaume-Uni est tenu de soumettre à llarbi-
trage le différend relatif A la va1idité.de la réclamation Ambatielos,en tant
...ue cette réclamation e,st. fondée sur le traité anglo-hellénique de:1886.
' . .
MM. Levi Carmiro, juge, et Spiropoulos, juge ad hoc, ont joint à l'arrêt
les exposés de leur opinion individuelle. Cinq juges - Sir ~rnold IJlcNair,
MM.Basdevant, Zoricic, Klaestad et .Hsu Mo - y ont joint les exposés de leur
opinion dissidente;
. Dans son arrêt, la Cour indique la nature de La réclamation Ambatielos:
ce dernier aurait subi une perte considérable en conséquence d'un contrat
conclu par lui en 1919 avec le Gouvernement du Royaume-Uni (représenté par
le ministère de la Marine marchande) pour l'achat de neuf bateaux à vapeur
alors en construction et en conséquence dd certaines d6cisions judiciaires
rendues contre lui à ce sujet par les tribunaux anglais. Elle mentionne les
textes conventionnels invoqués par les Parties: le protocole annexé au traité
de 1886, qui prévoit que les différends auxquels il pourrait donner lieu se-
ront soumis à l' arbitrage; le traité de 1926, qui contient une clause analo-
gue; la déclaration accompagnant ce traité, où il est prévu qu'il ne porte
pas préjudice aux réclamations fondées sur le traité de 1886 et que tout
différend pouvant s'élever au sujet de ces réclamations sera soumis à lfar-
bit rage conformément aux dispositions du Protocole de 1886.
hsuite, la Cour analyse les conclusions des Parties, telles qu'elles
se sont développées au cours de la procédure. De cette analyse, il résulte
que les deux Parties demandent à la Cour de se prononcer sur sa compétence
pour dire q'il y a obligation de soumettre le différend à l'arbitrage. Il
en résulte également que les deux Parties ont cqvisagé que la Cour puisse
assumer les fonctions d'arbitre pour se prononcer sur La réclamation elle-
même:mais quelque doute plane sur les conditions qu'elles y mettent et,
en l'absence d'un accord bien net à cet effet, la Cour estime n'être pas
compétente pour traiter au fond l'ensemble de la présente affaire.
La Cour passe alors à. l'examen des divers arguments présentés d'une
part par le Gouvernement du Royaume-Uni à l'appui de son exception prélimi-
naire di incompétence et dt autre part,en réponse, par le Gouvernement hel-
lénique. L'article 29 du traité de 1926 permet à l'une ou à 1' autre des
Parties de soumettre à la Cour tout différend relatif à l'interprétation
ou à l'application de l'une quf3lcohq~e des dispositions de ce traité.
Mais il n'a pas dl effet rétroactif: de telle sorte que la Cour ne peut
accepter la thèse, soutenue au nom du Gouvernement hellénique, selon la-
quelle, là où, dans le traité de 1926, figurent des dispositions de fond
semblables à des dispositions de fond du traité de 1886, la Cour peut,
en vertu de 1' article 29 du traité, de 1926, se prononcer sur la validité .. , .,-.....
d~k'~~~écl~~~'0ii%dée sur une prétendue violation de l'une de ces dis-
positions semblables, même si la prétendue violation a étéentièrement
. cornmise avant que le nouveau traité n!entrât en vigueur. Il est donc impos-
sible dladnettre que l'une quelconque de ses dispositions doivent etre con-
sidérée commeayant étéen vigueur à une date antérieure. Au surplus, la
déclaration accompagnant le ,traité de 1926 ne fait aucune distinction entre
les réclamations selon qu'elles sont fondées sur telles 'ou tell'ès autres des
dispositions du traité de 1886: elles sont toutes placées sur .le même pied
et les différends relatifs à leur validité sont soumis à la même procédure
dl arbitrage.
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Le Gouvernement du Royaume-Uni'a prétendu - c'est le plus important
de ses arguments - que la déclaration ne fait pas partie du traité et que
ses dispositions ne sont pas des dispositions du traité au sens de l'article
29. Tel n'est pas l'avis de la Cour. Le traité,. la liste douanière quiy
: est jointe et la déclaration ont été inclus par les plénipotentiaires dans
un document unique, publiés de la même façon dans les Treaty Series anglais
et. enreghtrés sous un seul numéro à la Société des Nations. Les instruments
de ratification des deux Parties citent,:et sans faire de dist5nction entre
.eux, les. trois textes. Lfinstrument de ratification britannique spécifie
même que le "traité est mot pour mot, ainsi conçu"; après quoi il cite en a
entier les trois textes. En outre, la nature memede la déclaration conduit
. à la .mêmc eonclusion. Elle enregistre un accord'auquel ont abouti les Par-
ties avant la signature du traité de 1926, au sujet de ce.à quoi ne porterait
pas préjudice le traité ou, selon la formule employée par le conseil du Gou-
vernement du Royaume-Uni, au sujet de ce à quoi ne porterait pas préjudice
la substitution du traite de 1926 au traité de-1886. C'est pourquoi la Cour
estime que les dispositions de la déclaration sont des dispositions du traité
au sens de l'article. 29. En conséquence, elle' est compétente pour connaître
de tout .différend relatif à 1' interprétation ou à lt application de la décla-
ratkon et, dans un cas approprié, pour dire qu'il devrait y avoir'soumission
à une commission arbitrale. Cependant, tout différend quant à la validité
des réclamations en cause devra, ainsi quiil est prévu dans la déclaration
elle-même, être soumis à la comissio~
: Le Royaume-Uni a encore fait valoir que ïa déclaration porterait seule-
.ment surles réclamations formulées ,avant son :entrée .en vigueur. Cependant,
on n'y trouve aucune condition de date. Au surplus, cette interprétation
.conduirait à laisser sans solution les récl&nations fondées sur le traité de
:A886 nais présentées après la conclusion du traité de 1926. Eïles ne pour-
raient Qtre soumises à li arbitrage en vertu d'aucun des de& traités, mehe a
si.la disposition dont la violation leur servirait de base figurait dans
les deux traités et était ainsi demeurée en vigueur 2';-.Sinterruption
depuis 1886. La Cour ne saurait .accueillir une interprétalion qui conduise
à un résultat manifestement opposé aux termes de la déclaration et à la
volonté continue des deux Parties de soumettre tous 12s différends à 1' ar-
bitrage, sous une forme ou sous une autre.
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..Par. ces motifs,. la Cour conclut, par treize voïx contre deux, qu'elle
n'est 'pas compétente pour. statuer sur. le fond de la réclabation Ambatielos
'' et, par dix voix contre cinq qu'elle.est compétente pour décider si le
Royaume-Uni est tenu de soumettre à llarbitrage, conformément à la déclara-
tion de 1926, le différend relatif à la validité de la réclamation Amba-
. tielos, en tant que cette réclamation est fondée sur le traité de 1886.
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'La Haye, le ler juillet 1952.
- Arrêt
Ambatielos (Grèce c. Royaume-Uni) - Arrêt