COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
REQUÊTE INTRODUCTIVE D’INSTANCE
enregistrée au Greffe de la Cour
le 29 avril 2024
GLAS ESPINEL
ÉQUATEUR c. MEXIQUE
[Traduction du Greffe]
REQUÊTE INTRODUCTIVE D’INSTANCE
[Traduction]
À l’intention du greffier de la Cour internationale de Justice, le soussigné, dûment autorisé par le Gouvernement de la République de l’Équateur, déclare ce qui suit :
1. Conformément au paragraphe 1 de l’article 36 et à l’article 40 du Statut de la Cour ainsi qu’à l’article 38 de son Règlement, j’ai l’honneur de soumettre la présente requête par laquelle la République de l’Équateur (ci-après, « l’Équateur ») introduit une instance contre les États-Unis du Mexique (ci-après, « le Mexique »).
I. INTRODUCTION
2. La présente requête porte sur les manquements par le Mexique à une série d’obligations dues à l’Équateur au regard du droit international et découlant du comportement du Mexique entre le 17 décembre 2023 et le 5 avril 2024 relativement à M. Jorge David Glas Espinel (ci-après, M. Glas), ressortissant équatorien condamné en vertu du droit équatorien pour des infractions de corruption commises en Équateur (plus précisément, celles d’association de malfaiteurs et de corruption proprement dite) et poursuivi en outre pour détournement de fonds publics. La présente requête porte également sur les déclarations fausses et diffamatoires du Mexique remettant en question la légitimité des élections équatoriennes de 2023.
3. Après que M. Glas a été provisoirement remis en liberté en Équateur (liberté assortie de certaines restrictions judiciaires), le Mexique a, entre décembre 2023 et avril 2024, utilisé les locaux de sa mission diplomatique à Quito pour soustraire M. Glas à l’application par l’Équateur de son droit pénal. Malgré les demandes répétées que lui a adressées l’Équateur pour qu’il coopère avec ses autorités compétentes et leur remette M. Glas, le Mexique a, dans un communiqué de presse du 5 avril 2024, annoncé sa décision d’accorder « l’asile » à ce dernier en vue de lui faire quitter l’Équateur. Ces actes, qui ont entravé la bonne administration de la justice en Équateur, constituaient, entre autres, un cas flagrant d’utilisation abusive des locaux d’une mission diplomatique.
4. Par son comportement inacceptable, le Mexique a dérogé notamment à la convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques, à la convention de 1933 sur l’asile politique (ci-après, la « convention de Montevideo »), à la convention de 1954 sur l’asile diplomatique (ci-après, la « convention de Caracas »), à la convention interaméricaine de 1996 contre la corruption et à la convention des Nations Unies de 2003 contre la corruption (ci-après, la « convention de Mérida »). En outre, par ce comportement, le Mexique a violé les principes de l’égalité souveraine de tous les États, de l’intégrité territoriale des États et de non-intervention dans les affaires intérieures d’autres États consacrés dans la Charte des Nations Unies, la Charte de l’Organisation des États américains et le droit international coutumier. L’Équateur et le Mexique sont tous deux parties à l’ensemble de ces conventions internationales et également liés par les règles correspondantes du droit international coutumier.
II. COMPÉTENCE DE LA COUR
5. L’Équateur et le Mexique sont Membres de l’Organisation des Nations Unies et parties au Statut de la Cour, dont le paragraphe 1 de l’article 36 prévoit, dans son passage pertinent, que la compétence de celle-ci « s’étend à … tous les cas spécialement prévus … dans les traités et conventions en vigueur ».
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6. L’Équateur et le Mexique sont également parties au traité américain de règlement pacifique de 1948 (ci-après, le « pacte de Bogotá » ou le « pacte ») dont l’article II dispose que,
« au cas où surgirait, entre deux ou plusieurs États signataires, un différend qui, de l’avis de l’une des parties, ne pourrait être résolu au moyen de négociations directes suivant les voies diplomatiques ordinaires, les parties s’engagent à employer les procédures établies dans ce Traité sous la forme et dans les conditions prévues aux articles suivants, ou les procédures spéciales qui, à leur avis, leur permettront d’arriver à une solution ».
L’article XXXI du pacte prévoit que,
« [c]onformément au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, les Hautes Parties Contractantes en ce qui concerne tout autre État américain déclarent reconnaître comme obligatoire de plein droit, et sans convention spéciale tant que le présent Traité restera en vigueur, la juridiction de la Cour sur tous les différends d’ordre juridique surgissant entre elles et ayant pour objet :
a) L’interprétation d’un Traité ;
b) Toute question de droit international ;
c) L’existence de tout fait qui, s’il était établi, constituerait la violation d’un engagement international ;
d) La nature ou l’étendue de la réparation qui découle de la rupture d’un engagement international ».
7. La seule condition posée à la saisine de la Cour au titre de ces dispositions est donc l’existence d’un différend juridique entre les hautes parties contractantes qui ne pourrait être résolu au moyen de négociations directes1. Ainsi qu’il sera démontré ci-après, il est satisfait en l’espèce à cette condition.
III. FAITS
8. M. Jorge David Glas Espinel, de nationalité équatorienne, est un ingénieur électricien et homme politique qui a servi l’Équateur en tant que ministre des télécommunications et de la société de l’information entre 2009 et 2010, ministre coordonnateur des secteurs stratégiques entre 2010 et 2012 et vice-président de la République de l’Équateur entre 2013 et 2018. Au cours du mandat de M. Glas en tant que vice-président et après son expiration, le bureau du procureur général de l’Équateur a ouvert des enquêtes pénales et engagé des poursuites à raison d’infractions de corruption commises par M. Glas alors qu’il était en fonction, lesquelles ont abouti à une série de procédures pénales et de condamnations.
9. Le 23 janvier 2018, M. Glas a été reconnu coupable d’association de malfaiteurs2 en vertu de l’article 370 du code pénal équatorien, en lien avec la commission d’autres infractions telles que celles de détournement de fonds publics, de corruption, d’enrichissement illicite, de trafic d’influence
1 Différend concernant le statut et l’utilisation des eaux du Silala (Chili c. Bolivie), arrêt, C.I.J. Recueil 2022 (II), p. 634, par. 39 ; Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1988, p. 92-99, par. 58-76.
2 En droit pénal équatorien, l’« association de malfaiteurs » s’entend d’une association de plusieurs individus dans le but de commettre des actes répréhensibles en droit. Lorsque le but de l’association est de commettre des infractions graves, l’individu qui y joue un rôle majeur encourt une peine de trois à six ans d’emprisonnement.
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et de blanchiment d’argent (Caso Odebrecht). Il a été condamné à six ans d’emprisonnement par la Cour nationale de justice de l’Équateur, plus haute juridiction du système judiciaire équatorien3. Cette condamnation est définitive. Elle s’est inscrite dans le contexte plus large du scandale de corruption Odebrecht, plus grand système de corruption transnational d’Amérique latine qui a touché au moins dix pays (dont le Mexique) et engendré plus de 780 millions de dollars des États-Unis d’Amérique de pots-de-vin versés à l’occasion de projets d’infrastructure de grande ampleur. La mise à jour de ce système a donné lieu à plusieurs enquêtes et procédures pénales en Amérique latine et au-delà.
10. Le 26 avril 2020, la Cour nationale de justice de l’Équateur a déclaré M. Glas coupable de corruption en vertu des articles 285 à 287 du code pénal équatorien (qui correspondent aujourd’hui à l’article 280) et l’a condamné à une peine de huit ans d’emprisonnement, cette fois-ci dans le cadre d’un autre scandale de corruption connu sous le nom d’affaire Sobornos (caso Sobornos)4. Cette deuxième condamnation aussi est définitive.
11. Le 28 novembre 2022, M. Glas a été remis provisoirement en liberté5 à la suite d’une demande de mesures de protection pour raison médicale à laquelle a fait droit un tribunal de première instance du canton équatorien de Santo Domingo. Ce tribunal a également décidé que M. Glas devait se présenter devant les autorités judiciaires compétentes une fois par semaine et qu’il ne pouvait pas quitter le pays6. Cette liberté provisoire s’est appliquée jusqu’au 28 février 2024, date à laquelle la Cour constitutionnelle de l’Équateur a jugé que la décision n’était pas conforme à l’article 27 de la loi organique équatorienne relative aux garanties et au contrôle constitutionnels7.
12. Ayant purgé une partie des peines prononcées contre lui dans les affaires Odebrecht et Sobornos, M. Glas a également présenté une demande de libération conditionnelle. Celle-ci a été rejetée le 28 décembre 2023 par une juridiction spécialisée en matière de garanties pénitentiaires (juge de l’application des peines), qui a estimé que les conditions prévues par le droit équatorien en la matière n’étaient pas remplies8. Le 7 mars 2024, la cour régionale de justice de Pichincha a rejeté l’appel formé par M. Glas contre cette décision, confirmé celle de la juridiction inférieure et ordonné que M. Glas soit recherché et arrêté aux fins de sa réincarcération9.
13. Début janvier 2024, dans une procédure distincte, la Cour nationale de justice a ordonné le placement en détention provisoire de M. Glas et d’autres individus soupçonnés d’avoir détourné, en violation de l’article 278 du code pénal équatorien, des fonds publics distribués en vertu de la loi sur la solidarité et la coresponsabilité des citoyens en vue de reconstruire les zones touchées par le
3 National Court of Justice, Case No. 17721-2017-00222, Judgment of 23 January 2018.
4 National Court of Justice, Case No. 17721-2019-00029G, Judgment of 26 April 2020.
5 M. Glas avait également été remis en liberté le 10 avril 2022 pour une courte période par suite d’une décision d’un juge local. La décision ordonnant sa remise en liberté avait cependant été infirmée par une juridiction régionale au motif que le juge local n’avait pas compétence territoriale, et M. Glas avait été réincarcéré (Court of Justice of the Province of Santa Elena, Case No. 24202202200017T, Decision of 10 May 2022).
6 Criminal Judicial Unit, Santo Domingo Canton, Province of Santo Domingo de los Tsáchilas, Case No. 23281-2022-05925, Decision of 28 November 2022.
7 Constitutional Court of Ecuador, Case No. 12-23-JC/24, Judgment of 28 February 2024.
8 Special Court of Penitentiary Guarantees, Province of Pichincha, Case No. 17U06202300032G, Decision of 28 December 2023.
9 Court of Justice of the Province of Pichincha, Case No. 17U06202300032G, Judgment of 7 March 2024.
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tremblement de terre du 16 avril 2016 (caso Reconstrucción de Manabí) et d’y relancer l’activité. La Cour nationale de justice a rendu une décision ordonnant que M. Glas soit recherché et arrêté
10.
14. M. Glas est également visé par une enquête pénale ouverte en Équateur sur la base d’une plainte déposée contre lui le 11 octobre 2023 par une ancienne collaboratrice pour violences sexistes (intimidation et violence psychologique) pendant qu’il occupait les fonctions de vice-président11. Cette enquête est en cours et M. Glas est tenu de comparaître devant les autorités compétentes pour donner sa version des faits.
15. En résumé, en décembre 2023, deux condamnations définitives en droit pénal équatorien avaient été prononcées contre M. Glas, l’une pour association de malfaiteurs et l’autre pour corruption. En outre, une procédure pénale était en cours contre lui pour détournement de fonds publics et il était visé par une enquête pénale pour violences sexistes. Bien qu’il ait été provisoirement remis en liberté, M. Glas était tenu de comparaître devant les autorités judiciaires équatoriennes compétentes, avait interdiction de quitter le pays, et de nouveaux mandats d’arrêt ont finalement été décernés contre lui. Les procédures pénales le visant se sont déroulées sur plusieurs années, sans que les changements de gouvernement aient quelque incidence que ce soit.
16. C’est dans ce contexte que, le 17 décembre 2023, M. Glas est entré dans l’ambassade du Mexique à Quito, avec la permission du Mexique. Peu après, il a demandé à celui-ci de lui accorder l’« asile » en vue de quitter le territoire équatorien. Comme nous l’exposerons ci-après, il s’en est suivi de nombreux échanges diplomatiques entre l’Équateur et le Mexique, dans le cadre desquels le premier a maintes fois prié le second de coopérer avec lui et de livrer M. Glas aux autorités équatoriennes compétentes aux fins de l’application de son droit pénal et de l’exécution des décisions de justice et procédures judiciaires susmentionnées. Le Mexique a rejeté toutes les demandes de l’Équateur.
17. En particulier, le 17 décembre 2023, le ministère équatorien des affaires étrangères, qui avait appris la présence de M. Glas à l’ambassade du Mexique, a écrit à celle-ci pour solliciter urgemment la coopération des autorités mexicaines à ce sujet. Le ministère a en outre prié l’ambassade d’inviter immédiatement M. Glas à quitter les locaux de la mission pour s’acquitter de son obligation de comparaître devant les autorités judiciaires équatoriennes compétentes. Il a également demandé à l’ambassade de lui exposer les raisons de la présence de M. Glas dans les locaux de la mission, faisant observer qu’il serait à l’évidence illicite de lui accorder l’asile12.
18. L’ambassade du Mexique a répondu le 18 décembre 2023 en confirmant que M. Glas était entré dans les locaux de la mission le 17 décembre 2023 et avait sollicité la « protection » du Mexique. Elle a précisé que M. Glas se trouvait dans les locaux en tant qu’« invité » et que, dans l’hypothèse où il présenterait formellement une demande d’asile, elle examinerait celle-ci conformément aux dispositions de la convention de Caracas. Elle a également demandé à l’Équateur de lui communiquer des informations concernant la situation juridique de M. Glas13.
10 National Court of Justice, Case no. 17721-2019-00033G, decisions of 5 and 7 January 2024. L’appel formé contre ces décisions a été rejeté le 21 février 2024.
11 Investigation No. 170101823101641.
12 Ministry of Foreign Affairs and Human Mobility of Ecuador, Note Verbale No. MREMH-CGG-2023-0004-N, 17 December 2023 (annexe 1).
13 Embassy of Mexico in Quito, Note Verbale No. ecu02431, 18 December 2023 (annexe 2).
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19. Le ministère équatorien des affaires étrangères a répondu le 20 décembre 2023 en indiquant qu’il fournirait les informations demandées par l’ambassade. Il a en outre précisé qu’il n’y avait pas matière à accorder l’asile au regard de la convention de Caracas14.
20. Les 21 et 31 décembre 2023, le ministère équatorien des affaires étrangères a transmis à l’ambassade du Mexique les informations détaillées relatives aux procédures pénales visant M. Glas qu’il avait reçues de la Cour nationale de justice, du ministère de l’intérieur et du bureau du procureur général15. Il a transmis d’autres informations à l’ambassade du Mexique le 10 janvier 202416.
21. Le 28 janvier 2024, l’ambassade du Mexique a informé le ministère équatorien des affaires étrangères que M. Glas se trouvait toujours à l’ambassade et que le Mexique examinait une demande d’asile formulée par ce dernier17. L’Équateur a répondu le lendemain, rappelant qu’il avait déjà fourni les informations requises concernant les infractions de corruption pour lesquelles M. Glas avait été poursuivi et condamné, et précisant que le fait que le Mexique accorde l’asile à ce dernier serait illicite au regard, notamment, de la Charte des Nations Unies, de la convention de Caracas, de la convention interaméricaine contre la corruption et de la convention de Mérida. L’Équateur a demandé encore une fois que M. Glas soit invité à quitter l’ambassade afin d’être présenté aux autorités judiciaires équatoriennes avec toutes les garanties d’une procédure régulière18.
22. Le 29 février 2024, le ministère équatorien des affaires étrangères a réaffirmé qu’il serait contraire au droit international d’accorder l’asile à M. Glas, contre qui il a relevé qu’un mandat d’arrêt avait été décerné. Il a également demandé à l’ambassade de permettre à la police équatorienne de pénétrer dans ses locaux afin d’appréhender M. Glas et de veiller à l’exécution dudit mandat d’arrêt19.
23. Le 6 mars 2024, l’ambassade du Mexique a transmis au ministère équatorien des affaires étrangères une note verbale du ministère mexicain des affaires étrangères en date du 4 mars 202420, par laquelle le Mexique rejetait la demande de l’Équateur tendant à ce que sa police soit autorisée à pénétrer dans l’ambassade afin d’appréhender M. Glas et précisait qu’il examinait toujours la demande d’asile. Le ministère a en outre indiqué que cette demande avait été formulée le « 17 décembre 2023 » (contrairement à ce que l’ambassade avait dit le 18 décembre) et exposé
14 Ministry of Foreign Affairs and Human Mobility of Ecuador, Note Verbale No. MREMH-CGG-2023-0005-N, 20 December 2023 (annexe 3).
15 Ministry of Foreign Affairs and Human Mobility of Ecuador, Note Verbale No. MREMH-CGG-2023-0006-N, 21 December 2024, annexing a communication from the Office of the Prosecutor General dated 20 December 2023 (annexe 4) ; Ministry of Foreign Affairs and Human Mobility of Ecuador, Note Verbale No. MREMH-CGG-2023-0008-N, 21 December 2023, annexing a communication from the National Court of Justice dated 20 December 2023 (annexe 5) ; Ministry of Foreign Affairs and Human Mobility of Ecuador, Note Verbale No. MREMH/MREMH/2023/0044/N, 31 December 2023, annexing a report by the Ministry of Interior dated 30 December 2023 (annexe 6).
16 Ministry of Foreign Affairs and Human Mobility of Ecuador, Note Verbale No. MREMH-DAJIMH-2024-0009-N, 10 January 2024 (annexe 7).
17 Embassy of Mexico in Quito, Note Verbale No. ecu00182, 28 January 2024 (annexe 8).
18 Ministry of Foreign Affairs and Human Mobility of Ecuador, Note Verbale No. MREMH-DAJIMH-2024-0042-N, 29 January 2024 (annexe 9).
19 Ministry of Foreign Affairs and Human Mobility of Ecuador, Note Verbale no. MREMH/MREMH/2024/0035/N, 29 February 2024 (annexe 10).
20 Embassy of Mexico in Quito, Note Verbale No. ecu00498, 6 March 2024, annexing Note No. SRE/283/2024, 4 March 2024 (annexe 11)
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certaines positions au sujet de la notion d’asile. Il a aussi proposé d’envoyer une mission spéciale en Équateur pour discuter plus avant de la question.
24. Par une note verbale du 12 mars 2024, le ministère équatorien des affaires étrangères a demandé à l’ambassade du Mexique si M. Glas se trouvait toujours dans ses locaux21. L’ambassade a répondu par l’affirmative le 13 mars22.
25. Le 19 mars 2024, l’Équateur a répondu à la note verbale du ministère mexicain des affaires étrangères datée du 4 mars, en fournissant des informations supplémentaires sur la situation juridique de M. Glas et en réaffirmant que le fait d’accorder l’asile à celui-ci constituerait une entrave au bon fonctionnement de la justice et serait illicite au regard du droit international. L’Équateur a rappelé combien il importait de ne déroger, notamment, ni au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres États, ni aux conventions de Montevideo, de Caracas et de Mérida, ni à la convention interaméricaine contre la corruption23. Il a en outre réaffirmé qu’il était ouvert au dialogue sur la question et a donné son accord à l’envoi d’une mission spéciale par le Mexique.
26. Les représentants des deux États se sont réunis à Quito le 21 mars 2024. Au cours de cette réunion, l’Équateur a souligné que les infractions pour lesquelles M. Glas avait été poursuivi et condamné étaient des « délits de droit commun » au sens de l’article III de la convention de Caracas et que le critère pour établir l’existence de persécutions politiques au regard de cette disposition était exigeant (les faits devant « revêt[ir] clairement un caractère politique »). L’Équateur a également rappelé au Mexique ses obligations en vertu de l’article 41 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques et des conventions de lutte contre la corruption. Il a été convenu qu’il lui fournirait encore d’autres informations concernant la situation juridique de M. Glas.
27. Le 4 avril 2024, l’Équateur a déclaré l’ambassadrice du Mexique persona non grata, conformément à l’article 9 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, et lui a donné 72 heures pour quitter le pays24. Cette décision a été prise à la suite de plusieurs déclarations sans fondement par lesquelles le président mexicain mettait en cause la légitimité des élections présidentielles équatoriennes tenues en août et en octobre 2023 et dénaturait manifestement l’assassinat d’un candidat à la présidence dans le contexte de l’un des conflits armés internes les plus violents que l’Équateur ait jamais connu25. L’Équateur a jugé que ces déclarations étaient inacceptables et constituaient une ingérence dans ses affaires intérieures de la part du Mexique.
28. Le lendemain, le 5 avril 2024, et avant que l’Équateur ait pu fournir au Mexique des informations supplémentaires concernant la situation juridique de M. Glas, comme cela avait été convenu à la réunion du 21 mars tenue à Quito, le ministère mexicain des affaires étrangères a déclaré
21 Ministry of Foreign Affairs and Human Mobility of Ecuador, Note Verbale No. MREMH/MREMH/2024/0039/N, 12 March 2024 (annexe 12).
22 Embassy of Mexico in Quito, Note Verbale No. ecu00554, 13 March 2024 (annexe 13).
23 Ministry of Foreign Affairs and Human Mobility of Ecuador, Notes Verbales Nos. MREMH/MREMH/2024/0041/N and MREMH/MREMH2/2024/0040/N, 19 March 2024 (annexe 14). L’ambassade d’Équateur à Mexico a transmis à nouveau ces informations au ministère mexicain des affaires étrangères dans la note verbale No. 4-2-53/2024 en date du 25 mars 2024 (annexe 15).
24 Ministry of Foreign Affairs and Human Mobility of Ecuador, Notes Verbales Nos. MREMH/MREMH/2024/0045/N and MREMH/MREMH/2024/0044/N, 5 and 4 April 2024 (annexe 16) ; Ministry of Foreign Affairs and Human Mobility of Ecuador, Press Release, 4 April 2024 (annexe 17).
25 Ministry of Foreign Affairs and Human Mobility of Ecuador, Note Verbale No. MREMH-VRE-2024-0009-N, 3 April 2024 (annexe 18).
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dans un communiqué de presse que, après une « analyse approfondie », il avait décidé d’accorder l’« asile politique » à M. Glas, en s’appuyant sur la convention de Caracas. Le ministère a également annoncé qu’il demanderait aux autorités équatoriennes de délivrer un sauf-conduit à M. Glas de sorte qu’il soit possible de lui faire quitter le territoire équatorien
26. Le prétendu « asile politique » accordé par le Mexique à M. Glas n’a pas été communiqué au ministère équatorien des affaires étrangères par les voies diplomatiques officielles.
29. Dans un communiqué de presse daté du 5 avril, le ministère équatorien des affaires étrangères a condamné la décision annoncée d’accorder l’« asile politique » à M. Glas comme étant contraire aux conventions relatives à l’asile et comme constituant un abus par le Mexique des privilèges et immunités conférés par la convention de Vienne sur les relations diplomatiques27.
30. Le même jour, l’ambassade du Mexique a une fois de plus été priée de remettre M. Glas aux autorités équatoriennes ou de permettre à la police équatorienne de pénétrer dans les locaux de la mission pour l’arrêter. Elle a rejeté ces demandes et, compte tenu de l’existence d’un risque imminent que le Mexique lui fasse quitter le territoire équatorien, la police a procédé à l’arrestation de M. Glas.
31. Le 6 avril 2024, le ministère équatorien des affaires étrangères a publié une déclaration dans laquelle il faisait notamment observer que M. Glas ne pouvait en aucun cas être considéré comme une victime de persécutions politiques et qu’il ressortait clairement de l’article premier de la convention de Montevideo et de l’article III de la convention de Caracas que l’asile ne pouvait être licitement accordé à des individus poursuivis ou condamnés pour des infractions de droit commun, que le Mexique avait nui au bon fonctionnement du système judiciaire équatorien et enfreint le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres États, qu’il avait manqué aux obligations lui incombant au titre de l’article 41 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques et qu’il devait s’acquitter de ses obligations découlant de la convention interaméricaine contre la corruption et de la convention de Mérida28.
32. L’arrestation de M. Glas par la police équatorienne a donné lieu à une protestation du Mexique, qui a rompu ses relations diplomatiques avec l’Équateur le 6 avril 2024 et annoncé le départ immédiat de son personnel diplomatique29. Le Mexique a en outre annoncé que les locaux de sa mission diplomatique « demeureraient fermés pour une durée indéterminée »30.
33. Le 10 avril 2024, le Conseil permanent de l’Organisation des États américains a adopté une résolution dans laquelle il a, notamment, appelé tous les États à respecter l’inviolabilité des locaux et du personnel diplomatiques, réaffirmé l’obligation faite aux personnes jouissant de privilèges et immunités de respecter les lois et règlements de l’État accréditaire et de ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures de cet État, ainsi que celle de ne pas utiliser les locaux de la mission diplomatique d’une façon incompatible avec les fonctions de la mission, et réaffirmé
26 Ministry of Foreign Affairs of Mexico, Press Release No. 126, 5 April 2024 (annexe 19).
27 Ministry of Foreign Affairs and Human Mobility of Ecuador, Press Release, 5 April 2024 (annexe 20).
28 Ministry of Foreign Affairs and Human Mobility of Ecuador, Press Release, 6 April 2024 (annexe 21).
29 Ministry of Foreign Affairs of Mexico, Press Release No. 128, 6 April 2024 (annexe 22) ; Ministry of Foreign Affairs of Mexico, Note Verbale No. SRE/423/2024, 6 April 2024 (annexe 23).
30 Ministry of Foreign Affairs of Mexico, Press Release No. 129, 6 April 2024 (annexe 24).
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« l’obligation qui incombe aux États parties à la Convention sur l’asile diplomatique de 1954 d’en respecter toutes les dispositions dans leur intégrité »
31.
34. Dans sa résolution, le Conseil permanent a également « exhort[é] l’Équateur et le Mexique à entreprendre un dialogue et à prendre des mesures immédiates pour résoudre cette grave question de façon constructive, conformément au droit international »32. Cependant, au lieu de chercher à engager pareil dialogue, le Mexique a, le lendemain même, introduit une instance contre l’Équateur devant la Cour, alléguant des violations de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques et certaines autres règles de droit international33.
IV. FONDEMENTS JURIDIQUES DES DEMANDES DE L’ÉQUATEUR
35. Par les actes et omissions susmentionnés, le Mexique a commis de graves atteintes aux droits dus à l’Équateur au regard du droit international, engageant ainsi sa responsabilité internationale.
36. En accueillant M. Glas dans les locaux de sa mission diplomatique à Quito et en refusant de le livrer aux autorités équatoriennes compétentes, le Mexique a violé l’article 41 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, dont le passage pertinent est libellé comme suit :
« 1. Sans préjudice de leurs privilèges et immunités, toutes les personnes qui bénéficient de ces privilèges et immunités ont le devoir de respecter les lois et règlements de l’État accréditaire. Elles ont également le devoir de ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures de cet État.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3. Les locaux de la mission ne seront pas utilisés d’une manière incompatible avec les fonctions de la mission telles qu’elles sont énoncées dans la présente Convention, ou dans d’autres règles du droit international général, ou dans les accords particuliers en vigueur entre l’État accréditant et l’État accréditaire. »
37. L’utilisation d’une ambassade aux fins de l’accueil d’un ressortissant de l’État accréditaire qui a été condamné par des tribunaux compétents (et est encore poursuivi) pour des infractions de corruption et contre lequel des mandats d’arrêt valides ont été délivrés est une violation manifeste de ces dispositions en ce qu’elle contrevient à l’obligation des diplomates mexicains de respecter les lois et règlements de l’Équateur et à leur devoir de ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures de cet État. En outre, pareille utilisation de l’ambassade du Mexique est incompatible avec les fonctions de celle-ci, ainsi qu’il ressort clairement de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques
31 OEA, Conseil permanent, résolution 1253 (2484/24), 10 avril 2024, huitième alinéa du préambule et points 3, 5 et 6 du dispositif (annexe 25). Le Mexique était absent lors de l’adoption de la résolution par le Conseil permanent. L’Équateur a voté contre la résolution à cause du point 1 de son dispositif qui condamnait « l’intrusion dans les locaux de l’ambassade du Mexique en Équateur et les actes de violence commis à l’encontre de l’intégrité et de la dignité du personnel diplomatique de la Mission ». Réaffirmant reconnaître et respecter les principes reflétés dans la résolution, il a noté que celle-ci ne condamnait pas expressément le Mexique pour ses multiples manquements aux règles et principes du droit international, notamment l’article 41 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, l’article III de la convention de Caracas, l’article premier de la convention de Montevideo, la convention interaméricaine contre la corruption et la convention de Mérida.
32 Ibid., point 7.
33 Ambassade du Mexique à Quito (Mexique c. Équateur), requête introductive d’instance, à laquelle est jointe une demande en indication de mesures conservatoires, déposée au Greffe par le Mexique le 11 avril 2024.
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et du droit international général, et avec les obligations supplémentaires que le Mexique a en droit international à l’égard de l’Équateur.
38. Le Mexique déroge également à la convention de Montevideo et à la convention de Caracas. L’article premier de la convention de Montevideo est libellé comme suit :
« Il n’est pas permis à des États de donner asile dans des légations, des navires de guerre et dans des camps ou des aéronefs militaires à des personnes accusées d’infractions de droit commun qui auraient été poursuivies régulièrement ou condamnées par des tribunaux ordinaires, ni aux déserteurs de l’armée de terre ou de mer.
Les personnes mentionnées au paragraphe précédent qui trouvent refuge dans l’un des endroits énumérés doivent être livrées aussitôt que possible à la demande du gouvernement local. »
De même, l’article III de la convention de Caracas dispose ce qui suit :
« Il n’est pas permis de donner asile à des personnes qui, au moment de le demander, sont inculpées ou poursuivies pour des délits de droit commun ou qui ont été condamnées par des tribunaux ordinaires compétents et n’ont pas purgé leurs peines, ni aux déserteurs de l’armée de terre ou de mer ou de l’air, sauf si les faits qui motivent la demande d’asile, quel que soit le cas, revêtent clairement un caractère politique.
Les personnes mentionnées au paragraphe précédent, qui en fait pénètrent dans un endroit pouvant servir d’asile, devront être invitées à se retirer, ou suivant le cas, livrées au gouvernement local, lequel ne pourra les juger pour des délits politiques antérieurs à leur remise. »
39. L’« asile » que le Mexique prétend accorder à M. Glas est contraire aux dispositions susmentionnées et à d’autres dispositions de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques et des conventions relatives à l’asile. M. Glas n’a jamais fait l’objet de persécutions politiques en Équateur. Comme cela a été noté précédemment, il y a été condamné pour des infractions de corruption (infractions d’association de malfaiteurs et de corruption proprement dite) et est poursuivi pour une autre infraction de corruption (détournement de fonds publics), qui constituent des « délits de droit commun » au sens des deux conventions relatives à l’asile. Les procédures pénales engagées contre M. Glas s’inscrivent dans le cadre de la ferme détermination de l’Équateur à lutter contre la corruption et sont conformes aux obligations découlant pour celui-ci de la convention interaméricaine contre la corruption et de la convention de Mérida.
40. L’entrave que le Mexique a mise au fonctionnement du système judiciaire de l’Équateur et à l’application par celui-ci de son droit en accueillant M. Glas, en refusant de le livrer aux autorités équatoriennes et en prétendant lui accorder « l’asile » en vue de lui faire quitter le territoire équatorien, constitue une violation grave des principes de l’égalité souveraine de tous les États, de l’intégrité territoriale des États et de non-intervention dans les affaires intérieures d’autres États garantis par la Charte des Nations Unies, la Charte de l’Organisation des États américains et le droit international coutumier.
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41. En particulier, l’article 2 de la Charte des Nations Unies réaffirme les principes de l’égalité souveraine et de l’intégrité territoriale, dont le principe de la non-intervention est un corollaire34. Selon la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies35, qui interprète la Charte et reflète le droit international coutumier, « [a]ucun État … n’a le droit d’intervenir, directement ou indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre État » et « toute … forme d’ingérence ou toute menace, dirigées contre la personnalité d’un État … sont contraires au droit international ».
42. Le préambule de la Charte de l’Organisation des États américains fait référence à l’égalité souveraine des États membres, tandis que son article premier dispose que la Charte a pour nature et pour but de défendre leur souveraineté, leur intégrité territoriale et leur indépendance. L’alinéa e) de l’article 3 de la Charte prévoit que chaque État « a pour devoir de ne pas intervenir dans les affaires des autres États ». L’article 19 précise en outre qu’« [a]ucun État … n’a le droit d’intervenir directement ou indirectement, pour quelque motif que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre État ».
43. Dans l’affaire du Droit d’asile (Colombie/Pérou), la Cour a clairement établi que,
« [d]ans le cas de l’asile diplomatique, le réfugié se trouve sur le territoire de l’État dans lequel il a commis le délit. La décision d’octroyer l’asile diplomatique comporte une dérogation à la souveraineté de cet État. Elle soustrait le délinquant à la justice de celui-ci et constitue une intervention dans un domaine qui relève exclusivement de la compétence de 1’État territorial. Une telle dérogation à la souveraineté territoriale ne saurait être admise, à moins que le fondement juridique n’en soit établi dans chaque cas particulier. »36
44. La décision du Mexique d’accorder « l’asile » à M. Glas, contraire à la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, à la convention de Montevideo et à la convention de Caracas, constituait une dérogation à la souveraineté de l’Équateur et une intervention illicite dans un domaine relevant exclusivement de la compétence de celui-ci.
45. En outre, en refusant de livrer M. Glas aux autorités compétentes de l’Équateur, malgré les demandes répétées de celui-ci, le Mexique a manqué de coopérer en matière de lutte contre la corruption, comme l’exigent la convention interaméricaine contre la corruption et la convention de Mérida. Le paragraphe 1 de l’article XIV de la convention interaméricaine de 1996 contre la corruption est ainsi libellé :
« Les Parties s’accordent l’assistance mutuelle la plus étendue, conformément à leurs lois et aux traités applicables pour toutes requêtes émanant des autorités qui, selon leur droit interne, sont habilitées à enquêter ou engager des poursuites sur les actes de corruption décrits dans la présente Convention. Elles s’engagent aussi à entamer les poursuites relatives à ces actes aux fins de l’obtention de preuves et de l’application de mesures nécessaires pour faciliter les procédures et formalités se rapportant à l’enquête ou aux poursuites concernant les actes de corruption. »
34 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 106, par. 202.
35 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970.
36 Droit d’asile (Colombie/Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1950, p. 274-275.
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46. De même, le paragraphe 1 de l’article 46 de la convention de Mérida prévoit que les « États Parties s’accordent mutuellement l’entraide judiciaire la plus large possible lors des enquêtes, poursuites et procédures judiciaires concernant les infractions visées par la présente Convention ». Le paragraphe 1 de l’article 48 prévoit en outre que les « États Parties coopèrent étroitement, conformément à leurs systèmes juridiques et administratifs respectifs, en vue de renforcer l’efficacité de la détection et de la répression des infractions visées par la présente Convention. »
47. Par son refus de collaborer au départ de M. Glas de son ambassade et sa décision d’accorder « l’asile » à ce dernier en vue de lui faire quitter le territoire équatorien, le Mexique a manqué à ses obligations, découlant de la convention interaméricaine contre la corruption et de la convention de Mérida, de coopérer avec l’Équateur dans le cadre des mesures de répression prises par celui-ci contre M. Glas et des procédures judiciaires engagées contre ce dernier pour des infractions visées par ces conventions.
48. Enfin, par les déclarations fausses et diffamatoires de son président remettant en question la légitimité des élections équatoriennes de 2023, le Mexique a violé le principe de non-intervention dans les affaires intérieures d’autres États. Il s’agit là d’un affront fait aux institutions démocratiques équatoriennes et au droit inaliénable de l’Équateur de choisir son système politique, ce qui est contraire à la Charte des Nations Unies, à la Charte de l’Organisation des États américains et à d’autres instruments connexes, ainsi qu’au droit international coutumier.
V. REMÈDES SOLLICITÉS
49. La République de l’Équateur prie respectueusement la Cour :
a) de dire et juger que les États-Unis du Mexique, notamment en permettant la présence prolongée de M. Glas dans les locaux de leur mission diplomatique à Quito, en refusant de livrer ce dernier aux autorités équatoriennes compétentes, en prétendant accorder « l’asile » à M. Glas en vue de lui faire quitter le territoire équatorien, et en entravant le fonctionnement du système judiciaire de l’Équateur et l’application de son droit pénal :
i) ont manqué à leurs obligations de respecter les lois et règlements de l’État accréditaire, de ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures de cet État et de ne pas utiliser les locaux de la mission d’une manière incompatible avec les fonctions de celle-ci, conformément à l’article 41 de la convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques ;
ii) ont manqué, notamment, à leurs obligations de ne pas donner asile à des personnes qui sont inculpées ou poursuivies pour des délits de droit commun ou qui ont été condamnées par des tribunaux ordinaires compétents et de les livrer au gouvernement local, conformément à l’article III de la convention de 1954 sur l’asile diplomatique et à l’article 1 de la convention de 1933 sur l’asile politique ;
iii) ont violé les principes de l’égalité souveraine de tous les États, de l’intégrité territoriale des États et de non-intervention dans les affaires intérieures d’autres États prévus par la Charte des Nations Unies, la Charte de l’Organisation des États américains et le droit international coutumier, et
iv) ont manqué à leur obligation de coopérer en matière de lutte contre la corruption, conformément à l’article XIV de la convention interaméricaine de 1996 contre la corruption et aux articles 43, 46 et 48 de la convention des Nations Unies de 2003 contre la corruption.
b) de dire et juger en outre que, en faisant par le truchement de leur président des déclarations fausses et diffamatoires remettant en question la légitimité des élections équatoriennes de 2023,
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les États-Unis du Mexique ont violé le principe de non-intervention dans les affaires intérieures d’autres États prévu par la Charte des Nations Unies, la Charte de l’Organisation des États américains et d’autres instruments connexes, ainsi que par le droit international coutumier.
c) d’établir les conséquences juridiques qu’emportent pour les États-Unis du Mexique les faits internationalement illicites commis par eux.
VI. JUGE AD HOC
50. Conformément aux dispositions du paragraphe 3 de l’article 31 du Statut de la Cour et du paragraphe 1 de l’article 35 de son Règlement, l’Équateur fait part de son intention d’exercer son droit de désigner un juge ad hoc.
VII. RÉSERVE DE DROITS
51. La République de l’Équateur se réserve le droit de réviser, compléter ou modifier la présente requête, ainsi que les fondements juridiques invoqués et les remèdes sollicités.
VIII. DÉSIGNATION D’UN AGENT
52. La République de l’Équateur a désigné le soussigné comme agent aux fins de la présente instance. Toutes les communications relatives à l’affaire en cause doivent être adressées à l’ambassade de la République de l’Équateur à La Haye (Koninginnegracht 84, 2514 AJ, Den Haag).
La Haye, le 29 avril 2024.
L’agent de la République de l’Équateur,
(Signé) Andrés TERÁN PARRAL.
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Requête introductive d'instance