Opinion individuelle de M. le juge Iwasawa

Document Number
154-20230713-JUD-01-05-EN
Parent Document Number
154-20230713-JUD-01-00-EN
Date of the Document
Document File

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE IWASAWA
[Traduction]
Existence de différences importantes dans le fondement juridique du droit à un plateau continental en deçà et au-delà de 200 milles marins  Critère de la distance étant seul pertinent pour le plateau continental en deçà de 200 milles marins  Régime de la zone économique exclusive, tel que l’organise en particulier l’article 56 de la CNUDM, permettant de conclure avec autorité que le plateau continental étendu d’un État ne saurait s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins d’un autre État  Opinio juris pouvant dans certains cas se déduire de la pratique générale des États  Choix fait par les États ayant déposé une demande auprès de la Commission des limites de ne pas revendiquer un plateau continental étendu se prolongeant jusqu’en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État  Opinio juris devant être recherchée non seulement auprès de ceux qui prennent part à la pratique, mais aussi auprès de ceux qui sont en mesure d’y réagir  Nicaragua n’ayant pas droit à un plateau continental étendu dans les espaces maritimes situés à l’est de la ligne des 200 milles marins des îles colombiennes de San Andrés, Providencia et Santa Catalina.
1. J’ai voté pour les conclusions que la Cour énonce dans le dispositif de son arrêt (paragraphe 104) et je souscris de manière générale au raisonnement qu’elle a tenu dans ce dernier. Dans le présent exposé de mon opinion, je me propose de compléter les motifs sur lesquels la Cour appuie ses conclusions et d’examiner certaines questions sur lesquelles elle ne s’est pas étendue dans l’arrêt.
*
2. Comme la Cour, je considère que, « en droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale ne peut pas s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État » (paragraphe 79 de l’arrêt).
3. Le Tribunal international du droit de la mer et différents tribunaux arbitraux ont conclu, dans des affaires de délimitation maritime, qu’il n’existe en droit qu’un plateau continental unique (voir, par exemple, Arbitrage entre la Barbade et la République de Trinité-et-Tobago, décision du 11 avril 2006, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales (RSA), vol. XXVII, p. 208-209, par. 213 ; Délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, TIDM Recueil 2012, p. 96, par. 361). Il est certain que les droits et obligations des États côtiers et des autres États sur le plateau continental sont, de manière générale, les mêmes en deçà et au-delà de 200 milles marins.
4. Cependant, et comme le reconnaît la Cour, il existe des différences importantes dans le fondement juridique du droit à un plateau continental en deçà et au-delà de 200 milles marins (paragraphe 75 de l’arrêt). En 1969, la Cour définissait le plateau continental par renvoi au prolongement naturel du territoire terrestre de l’État côtier dans et sous la mer (Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark ; République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 22, par. 19). Or, depuis cette époque, la distance a remplacé le prolongement naturel comme critère de définition du plateau continental en
- 2 -
deçà de 200 milles marins. Sans doute le paragraphe 1 de l’article 76 de la CNUDM mentionne-t-il à la fois le prolongement naturel et la distance de 200 milles marins, mais seul le critère de la distance est pertinent pour le plateau continental en deçà de 200 milles marins ; le prolongement naturel ne saurait constituer le fondement juridique du droit à un plateau continental en deçà de 200 milles marins. Les éléments scientifiques associés au critère du prolongement naturel sont énoncés dans les paragraphes suivants de l’article 76, qui ne s’appliquent qu’au plateau continental au-delà de 200 milles marins.
5. Dans son arrêt de 1985 en l’affaire du Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), la Cour a décrit comme suit cette évolution. Jusqu’à 200 milles marins de la côte, « le titre ne dépend que de la distance à laquelle les fonds marins revendiqués comme plateau continental se trouvent par rapport aux côtes des États qui les revendiquent ». En conséquence, « il n’existe aucune raison de faire jouer un rôle aux facteurs géologiques ou géophysiques jusqu’à cette distance », puisqu’ils n’y « jouent [pas] le moindre rôle » (arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 35, par. 39). De plus, rappelant qu’elle avait antérieurement attribué aux facteurs géophysiques ou géologiques un rôle dans la délimitation dans les affaires du Plateau continental de la mer du Nord (1969) et du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (1982), la Cour a expliqué que cette jurisprudence « se légitimait par référence à une réglementation du titre lui-même qui faisait à ces facteurs une place appartenant désormais au passé, en ce qui concerne les fonds marins situés à moins de 200 milles des côtes » (ibid., p. 36, par. 40 ; les italiques sont de nous).
6. Dans son arrêt de 2012 en l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), la Cour a rappelé qu’elle avait « précisé maintes fois que les considérations géologiques et géomorphologiques n’avaient aucun rôle à jouer dans le cadre de la délimitation d’une zone de chevauchement en deçà de la limite des 200 milles marins à partir des côtes des États en cause » (arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 703, par. 214).
*
7. Jusqu’à 200 milles marins, les droits de l’État côtier sur son plateau continental découlent non seulement du régime du plateau continental, mais aussi du régime de la zone économique exclusive. Comme le dit la Cour, ces deux régimes juridiques « sont reliés entre eux » (paragraphe 70 de l’arrêt). Renvoyant à l’article 56 de la CNUDM, la Cour souligne que le régime de la zone économique exclusive « confère notamment à l’État côtier l’exclusivité des droits souverains d’exploration, d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles [des fonds marins et de leur sous-sol] jusqu’à 200 milles marins de sa côte » (paragraphe 69 ; les italiques sont de nous). Le régime de la zone économique exclusive permet de conclure avec autorité que le plateau continental étendu d’un État ne peut pas s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins d’un autre État.
*
8. En ce qui concerne la détermination du droit international coutumier, la Cour a déclaré que « la substance du droit international coutumier doit être recherchée en premier lieu dans la pratique effective et l’opinio juris des États » (Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 29, par. 27).
- 3 -
9. En l’espèce, la Cour constate que « dans la pratique, la grande majorité des États parties à la convention ayant déposé des demandes auprès de la Commission des limites ont choisi de ne pas revendiquer un plateau continental étendu dont les limites extérieures se situeraient à moins de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État ». Elle fait observer que seul un petit nombre d’États ont revendiqué, dans leurs demandes, une limite extérieure située en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État et que, « dans ces cas, les États concernés se sont opposés à ces demandes ». En ce qui concerne le petit nombre d’États côtiers non parties à la convention, la Cour note qu’elle « n’a connaissance d’aucun cas où l’un d’entre eux aurait revendiqué un plateau continental étendu se prolongeant jusqu’en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État ». Elle en conclut que, « [p]rise dans son ensemble, la pratique des États peut être considérée comme suffisamment répandue et uniforme » et que « cette pratique étatique peut être considérée comme l’expression de l’opinio juris » (paragraphe 77 de l’arrêt).
10. Pour décrire la constance de cette pratique, la Cour la qualifie de « suffisamment répandue » et d’« uniforme ». Elle a employé les termes de « largement répandue » et d’« uniforme » dans plusieurs affaires précédentes (Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 102, par. 205 ; Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 703, par. 141 ; Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie/Singapour), arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 100, par. 296).
11. Bien que la Commission du droit international ait conclu que « [c]hacun des deux éléments constitutifs [la pratique et l’opinio juris] doi[ve] être établi séparément »1, elle a admis que ces deux éléments « peuvent être indissolublement liés » et que, dans certaines circonstances, « le même matériau puisse être utilisé pour établir une pratique et son acceptation comme étant le droit (opinio juris) »2. En l’espèce, la Colombie et le Nicaragua ont, l’une et l’autre, admis expressément que la pratique peut constituer une preuve de l’opinio juris. La Colombie a déclaré qu’« il importe de relever que la pratique peut parfois être la preuve de l’acceptation comme étant le droit (opinio juris) » et qu’« une pratique générale peut en effet attester d’une conviction quant à ce qu’est le droit, en particulier lorsque la question qui se pose relève clairement du droit international, ou lorsque le comportement en cause va à l’encontre des intérêts de l’État qui en est l’auteur » (CR 2022/26, p. 29-30, par. 31-32 (Wood) ; CR 2022/28, p. 14, par. 13-14 (Wood)). Le Nicaragua a approuvé ces déclarations de la Colombie comme étant l’expression d’un principe juridique et déclaré que « la pratique [des États] … témoigne amplement de la conviction qu’il s’agit d’un droit » et que, comme « Sir Michael [Wood] l’a affirmé avec force : “it is important to note that practice may sometimes be evidence of acceptance as law (opinio juris)” » (CR 2022/27, p. 26, par. 14 (Pellet)). En effet, l’opinio juris peut se déduire, dans certaines circonstances, de la pratique générale des États. La Cour reconnaît ce principe, affirmant que, compte tenu de « son ampleur sur une longue période », cette pratique étatique peut être considérée comme l’expression de l’opinion juris (paragraphe 77 de l’arrêt).
12. En ce qui concerne la pratique des États à la Commission des limites, le Nicaragua prétend que la pratique consistant à s’abstenir de revendiquer un plateau continental étendu dont la limite extérieure se situerait en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État « s’explique par des considérations autres qu’un sentiment d’obligation juridique, en particulier la volonté d’éviter que leur demande ne donne lieu à un différend, ce qui amènerait la Commission à refuser de l’examiner (paragraphe 57 de l’arrêt). Il s’agit là d’une pure conjecture que rien ne vient étayer. Les États n’ont pas l’habitude de s’abstenir quand ils estiment avoir un droit. Si une question est régie
1 Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa soixante-dixième session, Annuaire de la Commission du droit international (ACDI), 2018, vol. II, deuxième partie, p. 125, conclusion 3, par. 2.
2 Ibid., p. 136, par. 6 et 8 du commentaire de la conclusion 3.
- 4 -
par le droit international et que les États s’abstiennent d’un certain comportement même quand cette abstention va à l’encontre de leurs intérêts, on peut présumer que leur abstention est motivée par le sentiment qu’ils se conforment à une obligation juridique. Le Nicaragua n’a présenté aucune preuve susceptible de réfuter cette présomption.
13. De fait, certains États qui se sont abstenus de prolonger leur plateau continental étendu en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État ont expressément mentionné ce sentiment d’obligation juridique. Dans le résumé de sa demande à la Commission des limites, l’Équateur, par exemple, a déclaré que « [c]ette décision a été prise par excès de prudence, afin de ne pas porter préjudice à la détermination de la limite extérieure de tout espace maritime relevant de la juridiction nationale du Pérou à une distance de 200 milles marins » (Équateur, demande, 1er mars 2022, résumé, section 6, p. 16 ; les italiques sont de nous). De même, dans le résumé de leur demande conjointe à la Commission des limites, le Costa Rica et l’Équateur ont déclaré que « [c]ette décision a été prise par excès de prudence, afin de ne pas porter préjudice à la détermination de la limite extérieure de tout espace maritime relevant de la juridiction nationale de la Colombie à une distance de 200 milles marins » (Costa Rica et Équateur, demande conjointe concernant le bassin de Panama, 16 décembre 2020, résumé, section 6, p. 18 ; les italiques sont de nous). De même encore, dans le résumé d’une demande à la Commission des limites, l’Indonésie a déclaré que « [l]a limite extérieure a tenu compte des contraintes suivantes, à savoir … la projection à 200 milles marins du plateau continental de l’île Christmas (Australie) » (Indonésie, demande partielle concernant la région au sud de Java et au sud de Nusa Tenggara, 11 août 2022, résumé, section 7, p. 5 ; les italiques sont de nous). Il ressort de ces exemples que c’est en raison d’un sentiment d’obligation que, dans leurs demandes à la Commission des limites, les États se sont abstenus de prolonger leur plateau continental étendu jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
14. De plus, le fait que les demandes soumises à la Commission des limites par des États prétendant prolonger leur plateau continental étendu jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes de base d’autres États se soient heurtées aux objections systématiques de ces autres États prouve que leur prétention n’est pas recevable en droit international. En effet, l’opinio juris « doit être recherchée non seulement auprès de ceux qui prennent part à la pratique, mais aussi auprès de ceux qui sont en mesure d’y réagir »3.
*
15. En ce qui concerne la demande formulée par le Nicaragua dans sa deuxième conclusion, la Cour rappelle que les Parties sont convenues en 2012 que San Andrés, Providencia et Santa Catalina « engendrent des droits à une mer territoriale, à une zone économique exclusive et à un plateau continental » (Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 686, par. 168). Dans son arrêt de 2012, la Cour a ensuite déclaré que « [c]es espaces maritimes peuvent, en théorie, s’étendre dans toutes les directions sur une distance de 200 milles marins » et, en particulier, s’étendre vers l’est jusqu’à une zone située « au-delà de la limite de 200 milles marins [à partir d]es lignes de base nicaraguayennes » (ibid., p. 686 et 688, par. 168) (voir le paragraphe 90 de l’arrêt).
3 ACDI, 2018, vol. II, deuxième partie, p. 148, paragraphe 5 du commentaire de la conclusion 9. Voir également ibid., p. 136, paragraphe 7 du commentaire de la conclusion 3.
- 5 -
16. La Cour a également souligné l’importance qu’elle attachait à
« ne pas priver San Andrés, Providencia et Santa Catalina des droits à une zone économique exclusive et à un plateau continental que ces îles pouvaient générer vers l’est, en particulier dans la zone qui se trouve à moins de 200 milles marins de leurs côtes mais à plus de 200 milles marins des lignes de base nicaraguayennes » (Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 716, par. 244).
*
17. En ce qui concerne la demande formulée dans le troisième chef de conclusion du Nicaragua, la Cour relève deux possibilités et fait observer que
« [d]ans l’un ou l’autre cas, compte tenu de la conclusion de la Cour concernant la première question …, en deçà de 200 milles marins des lignes de base de Serranilla et Bajo Nuevo, il ne peut y avoir de zone de droits concurrents à un plateau continental qui requière une délimitation en la présente instance » (paragraphe 99 de l’arrêt).
La Cour conclut « qu’il n’est point besoin pour elle de déterminer la portée des droits de Serranilla et Bajo Nuevo à des espaces maritimes pour régler le différend soumis par le Nicaragua dans sa requête » (paragraphe 100 de l’arrêt).
18. La deuxième possibilité relevée par la Cour dit que si les formations de « Serranilla ou Bajo Nuevo n’ont pas droit à une zone économique exclusive ou à un plateau continental, alors elles ne génèrent aucun droit maritime dans la zone où le Nicaragua revendique un plateau continental étendu ». La Cour conclut que, dans un tel cas, il ne peut y avoir de zone de droits concurrents à un plateau continental qui requière une délimitation (paragraphe 99 de l’arrêt).
19. En choisissant de conclure ainsi son analyse, la Cour n’a pas répondu à la question de savoir si, dans ce cas, le Nicaragua aurait droit à un plateau continental étendu dans la zone située à l’est de la ligne des 200 milles marins des îles colombiennes de San Andrés, Providencia et Santa Catalina. Dans cette zone, il existe un petit espace maritime qui se trouve au-delà des zones de 200 milles marins auxquelles peuvent prétendre les îles colombiennes, le territoire terrestre colombien, la Jamaïque, le Panama et Haïti (voir la figure 6.1 de la réplique du Nicaragua).
20. Même si cet espace se trouve au-delà des zones de 200 milles marins auxquelles peuvent prétendre d’autres États, le Nicaragua ne saurait y revendiquer légalement un plateau continental. Cette conclusion s’appuie sur une interprétation du paragraphe 1 de l’article 76 de la CNUDM. L’espace en question est en effet entièrement déconnecté de la côte et du plateau continental du Nicaragua en deçà des 200 milles marins par les plateaux continentaux en deçà de 200 milles marins d’autres États. Le plateau continental dans cet espace ne saurait donc être considéré comme le prolongement naturel immergé du territoire terrestre du Nicaragua et ne saurait par conséquent constituer un plateau continental « étendu » du Nicaragua.
21. En conséquence, peu importe que Serranilla et Bajo Nuevo soient enclavées et bénéficient ou non chacune d’une mer territoriale de 12 milles marins, le Nicaragua n’a aucun droit dans cet espace. Compte tenu de la réponse que la Cour a donnée à la première question, la demande contenue
- 6 -
dans le troisième chef de conclusion du Nicaragua est devenue sans objet. C’est pour ce motif qu’elle ne peut être accueillie (paragraphe 102 de l’arrêt).
22. Dans son arrêt en l’affaire du Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre Maurice et les Maldives dans l’océan Indien (Maurice/Maldives), la Chambre spéciale du Tribunal international du droit de la mer a entériné l’interprétation du paragraphe 1 de l’article 76 de la CNUDM exposée ci-dessus. En l’espèce, Maurice revendiquait un plateau continental étendu formé par le prolongement naturel de certaines îles qui s’étendrait jusqu’au pied du talus de ce plateau. La Chambre spéciale a déclaré qu’« [u]n État côtier ne saurait … valablement revendiquer de titre sur un plateau continental extérieur au-delà de 200 [milles marins] en se fondant sur le prolongement naturel traversant le plateau continental incontesté d’un autre État » et conclu qu’
« [é]tant donné que la … trajectoire présentée par Maurice passe par le plateau continental des Maldives en deçà de 200 [milles marins], qui n’est pas contesté par Maurice, elle ne saurait constituer le fondement du prolongement naturel de Maurice jusqu’au point critique du pied de talus ni, partant, de son titre sur le plateau continental au-delà de 200 [milles marins] ».
La Chambre spéciale a fondé sa conclusion sur le paragraphe 1 de l’article 76 de la CNUDM et le paragraphe 2.2.3 des directives scientifiques et techniques de la Commission des limites. Elle a déclaré clairement que la demande de Maurice était « inadmissible pour des raisons juridiques au regard de l’article 76 de la Convention » (arrêt du 28 avril 2023, par. 442-444 et 449).
(Signé) IWASAWA Yuji.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. le juge Iwasawa

Order
5
Links