Arrêt du 13 juillet 2023

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154-20230713-JUD-01-00-EN
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TABLE DES MATIÈRES
Paragraphes
QUALITÉS 1-20
I. CONTEXTE GÉNÉRAL 21-26
II. VUE D’ENSEMBLE DES POSITIONS DES PARTIES 27-34
III. PREMIÈRE QUESTION FORMULÉE DANS L’ORDONNANCE DU 4 OCTOBRE 2022 35-79
A. Le caractère préalable de la première question 37-45
B. Le droit international coutumier applicable aux espaces maritimes en cause 46-53
C. En droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale peut-il s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État ? 54-79
IV. SECONDE QUESTION FORMULÉE DANS L’ORDONNANCE DU 4 OCTOBRE 2022 80-82
V. EXAMEN DES CONCLUSIONS DU NICARAGUA 83-103
A. La demande contenue dans le premier chef de conclusions du Nicaragua 85-87
B. La demande contenue dans le deuxième chef de conclusions du Nicaragua 88-92
C. La demande contenue dans le troisième chef de conclusions du Nicaragua 93-102
DISPOSITIF 104
__________
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
ANNÉE 2023
2023
13 juillet
Rôle général
no 154
13 juillet 2023
QUESTION DE LA DÉLIMITATION DU PLATEAU CONTINENTAL ENTRE LE NICARAGUA ET LA COLOMBIE AU-DELÀ DE 200 MILLES MARINS DE LA CÔTE NICARAGUAYENNE
(NICARAGUA c. COLOMBIE)
Contexte général  Géographie  Arrêt rendu par la Cour en 2012 en l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie) portant délimitation du plateau continental et de la zone économique exclusive de chaque Partie jusqu’à la limite située à 200 milles marins de la côte nicaraguayenne  Requête déposée par le Nicaragua le 16 septembre 2013  Demande de délimitation de la frontière maritime dans les zones de plateau continental au-delà des limites établies dans l’arrêt de 2012  Lignes de délimitation proposées par le Nicaragua dans ses écritures  Ordonnance rendue par la Cour le 4 octobre 2022  Nécessité de trancher d’abord certaines questions de droit.
*
Première question formulée dans l’ordonnance du 4 octobre 2022  Question de savoir si le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base peut s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État  Détermination de l’existence de droits concurrents comme première étape dans toute délimitation maritime  Caractère préalable de la première question  Nécessité d’y répondre pour savoir s’il y a lieu pour la Cour de procéder à la délimitation demandée par le Nicaragua.
Droit international coutumier applicable aux espaces maritimes en cause  Nicaragua étant partie à la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (la « CNUDM ») mais pas la Colombie  Élaboration de la CNUDM à la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de
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la mer (la « conférence »)  Prise en considération de la pratique des États dans la rédaction de la CNUDM  Méthode de négociation de la CNUDM  Texte exhaustif et intégré formant un compromis global  Relation entre la partie V, relative à la zone économique exclusive, et la partie VI, relative au plateau continental, étant précisée au paragraphe 3 de l’article 56 de la CNUDM  Article 56 de la CNUDM reflétant les règles coutumières relatives aux droits et obligations dans la zone économique exclusive  Définition du plateau continental au paragraphe 1 de l’article 76 de la CNUDM faisant partie du droit international coutumier.
Régime juridique gouvernant la zone économique exclusive tel que défini dans la CNUDM résultant d’un compromis obtenu pendant la conférence  Articles 56, 58, 61, 62 et 73 de la CNUDM relatifs aux droits et obligations des États côtiers et des autres États dans la zone économique exclusive reflétant le droit international coutumier  Interrelation des régimes juridiques gouvernant respectivement la zone économique exclusive et le plateau continental en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un État  Zone économique exclusive ne pouvant exister sans plateau continental correspondant  Question de la « zone grise »  Conséquence fortuite de l’ajustement de la ligne d’équidistance  Circonstances dans les affaires du Golfe du Bengale différant de celles de la présente instance  Critères servant à déterminer les limites extérieures du plateau continental au-delà de 200 milles marins résultant d’un compromis obtenu au cours des dernières sessions de la conférence  Objectif étant d’éviter les empiètements abusifs sur les espaces maritimes situés au-delà des limites des juridictions nationales (la « Zone »)  Texte de l’article 76 de la CNUDM semblant indiquer que les États participant aux négociations considéraient que le plateau continental étendu ne pouvait se prolonger que dans des espaces maritimes qui, autrement, feraient partie de la Zone  Contributions en espèces au titre de l’exploitation des ressources non biologiques du plateau continental au-delà de 200 milles marins  Conférence n’ayant apparemment pas débattu la possibilité que le plateau continental étendu d’un État se prolonge en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État  Grande majorité des États parties à la CNUDM ayant déposé des demandes auprès de la Commission des limites du plateau continental (la « Commission ») n’ayant pas revendiqué un plateau continental étendu dont les limites se situeraient à moins de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État  Pratique des États devant la Commission révélant l’existence d’une opinio juris  Opposition aux demandes des États revendiquant un plateau continental étendu empiétant sur les zones maritimes d’autres États en deçà de 200 milles marins  Pratique des États suffisamment répandue et uniforme  Telle pratique pouvant être considérée comme l’expression de l’opinio juris  En droit international coutumier, droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base ne pouvant pas s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
*
Seconde question formulée dans l’ordonnance du 4 octobre 2022  Critères établis en droit international coutumier pour déterminer la limite du plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base d’un État et question de savoir si les paragraphes 2 à 6 de l’article 76 de la CNUDM reflètent le droit international coutumier  Nul besoin pour la Cour de se prononcer sur la seconde question étant donné sa réponse à la première.
*
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Examen des conclusions présentées par le Nicaragua dans ses écritures.
Demande contenue dans le premier chef de conclusions du Nicaragua  Coordonnées proposées par le Nicaragua pour délimiter le plateau continental dans la zone située au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base mais en deçà de 200 milles marins des lignes de base de la Colombie  Nicaragua n’ayant pas droit à un plateau continental étendu se prolongeant jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes de base de la côte continentale colombienne  Absence de zone de droits concurrents à délimiter  Demande contenue dans le premier chef de conclusions du Nicaragua ne pouvant être accueillie.
Demande contenue dans le deuxième chef de conclusions du Nicaragua  Espaces maritimes revenant à San Andrés, Providencia et Santa Catalina ne devant pas s’étendre, selon le Nicaragua, à l’est de la limite de 200 milles marins de la zone économique exclusive nicaraguayenne  Nicaragua n’ayant pas droit à un plateau continental étendu se prolongeant jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes de base de San Andrés et de Providencia  Absence de zone de droits concurrents à délimiter  Demande contenue dans le deuxième chef de conclusions du Nicaragua ne pouvant être accueillie.
Demande contenue dans le troisième chef de conclusions du Nicaragua  Effet éventuel des droits à des espaces maritimes générés par Serranilla, Bajo Nuevo et Serrana sur toute délimitation maritime entre les Parties  Deux possibilités concernant Serranilla et Bajo Nuevo  Droits à une zone économique exclusive et à un plateau continental ou absence de tels droits  Dans l’un ou l’autre cas, absence de zone de droits concurrents à délimiter  Effet produit par les droits de Serrana à des espaces maritimes ayant été déterminé de manière définitive dans l’arrêt de 2012  Demande contenue dans le troisième chef de conclusions du Nicaragua ne pouvant être accueillie.
ARRÊT
Présents : MME DONOGHUE, présidente ; M. GEVORGIAN, vice-président ; MM. TOMKA, ABRAHAM, BENNOUNA, YUSUF, MMES XUE, SEBUTINDE, MM. BHANDARI, ROBINSON, SALAM, IWASAWA, NOLTE, MME CHARLESWORTH, M. BRANT, juges ; MM. MCRAE, SKOTNIKOV, juges ad hoc ; M. GAUTIER, greffier.
En l’affaire relative à la question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne,
entre
la République du Nicaragua,
représentée par
S. Exc. M. Carlos José Argüello Gómez, représentant permanent de la République du Nicaragua auprès des organisations internationales au Royaume des Pays-Bas, membre de la Commission du droit international,
comme agent et conseil ;
- 4 -
M. Alex Oude Elferink, directeur de l’Institut néerlandais du droit de la mer, professeur de droit international de la mer à l’Université d’Utrecht,
M. Vaughan Lowe, KC, professeur émérite de droit international public (chaire Chichele) à l’Université d’Oxford, membre de l’Institut de droit international, membre du barreau d’Angleterre et du Pays de Galles,
M. Alain Pellet, professeur émérite de l’Université Paris Nanterre, ancien président de la Commission du droit international, président de l’Institut de droit international,
comme conseils et avocats ;
Mme Claudia Loza Obregon, conseillère juridique au ministère des affaires étrangères de la République du Nicaragua,
M. Benjamin Samson, Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), Université Paris Nanterre,
comme conseils adjoints ;
M. Robin Cleverly, MA, DPhil, CGeol, FGS, consultant en droit de la mer, Marbdy Consulting Ltd,
comme conseiller scientifique et technique ;
Mme Sherly Noguera de Argüello, consule générale de la République du Nicaragua,
comme administratrice,
et
la République de Colombie,
représentée par
S. Exc. M. Eduardo Valencia-Ospina, ancien greffier et ancien greffier adjoint de la Cour internationale de Justice, ancien membre, rapporteur spécial et président de la Commission du droit international,
comme agent et conseil ;
S. Exc. Mme Carolina Olarte-Bácares, doyenne de la faculté de droit de la Pontificia Universidad Javeriana, membre de la Cour permanente d’arbitrage, ambassadrice de la République de Colombie auprès du Royaume des Pays-Bas,
S. Exc. Mme Elizabeth Taylor Jay, ancienne ambassadrice de la République de Colombie auprès de la République du Kenya et ancienne représentante permanente de la République de Colombie auprès du Programme des Nations Unies pour l’environnement et du Programme des Nations Unies pour les établissements humains,
comme coagentes ;
S. Exc. M. Álvaro Leyva Durán, ministre des affaires étrangères de la République de Colombie,
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S. Exc. M. Everth Hawkins Sjogreen, gouverneur de San Andrés, Providencia et Santa Catalina, République de Colombie,
comme autorités nationales ;
M. W. Michael Reisman, professeur émérite de droit international (chaire Myres S. McDougal) à l’Université de Yale, membre de l’Institut de droit international,
Sir Michael Wood, KCMG, KC, ancien membre de la Commission du droit international, membre du barreau d’Angleterre et du pays de Galles,
M. Rodman R. Bundy, ancien avocat à la cour d’appel de Paris, membre du barreau de l’État de New York, associé au cabinet Squire Patton Boggs, LLP (Singapour),
M. Jean-Marc Thouvenin, professeur à l’Université Paris Nanterre, secrétaire général de l’Académie de droit international de La Haye, membre associé de l’Institut de droit international, membre du barreau de Paris, cabinet Sygna Partners,
Mme Laurence Boisson de Chazournes, professeure de droit international et organisation internationale à l’Université de Genève, professeure au Collège de France (2022-2023), membre de l’Institut de droit international,
M. Lorenzo Palestini, chargé d’enseignement à l’Institut de hautes études internationales et du développement et à l’Université de Genève,
comme conseils et avocats ;
M. Andrés Villegas Jaramillo, coordonnateur du groupe chargé des affaires portées devant la Cour internationale de Justice au sein du ministère des affaires étrangères de la République de Colombie, membre associé de l’Instituto Hispano-Luso-Americano de Derecho Internacional,
M. Makane Moïse Mbengue, professeur à l’Université de Genève, directeur du département de droit international public et organisation internationale, membre associé de l’Institut de droit international,
M. Eran Sthoeger, Esq., professeur adjoint de droit international à la Brooklyn Law School et à la Seton Hall Law School, membre du barreau de l’État de New York,
M. Alvin Yap, avocat et solicitor à la Cour suprême de Singapour, cabinet Squire Patton Boggs, LLP (Singapour),
M. Gershon Hasin, chargé d’enseignement en droit invité à l’Université de Yale,
M. Gabriel Cifuentes, conseiller auprès du ministre des affaires étrangères de la République de Colombie,
comme conseils ;
Mme Jenny Bowie Wilches, première secrétaire, ambassade de la République de Colombie au Royaume des Pays-Bas,
Mme Viviana Andrea Medina Cruz, deuxième secrétaire, ambassade de la République de Colombie au Royaume des Pays-Bas,
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M. Raúl Alfonso Simancas Gómez, troisième secrétaire, ambassade de la République de Colombie au Royaume des Pays-Bas,
M. Oscar Casallas Méndez, troisième secrétaire, groupe chargé des affaires portées devant la Cour internationale de Justice,
M. Carlos Colmenares Castro, troisième secrétaire, groupe chargé des affaires portées devant la Cour internationale de Justice,
comme représentants du ministère des affaires étrangères de la République de Colombie ;
Le contre-amiral Ernesto Segovia Forero, chef des opérations navales,
Le capitaine de vaisseau Hermann León, représentant de la Colombie auprès de l’Organisation maritime internationale,
Le capitaine de vaisseau William Pedroza, marine nationale de Colombie, chef de la direction chargée des intérêts maritimes et fluviaux,
comme représentants de la marine de la République de Colombie ;
M. Lindsay Parson, géologue, directeur de Maritime Zone Solutions Ltd (Royaume-Uni), ancien membre et président de la commission technique et juridique de l’Autorité internationale des fonds marins (ONU),
M. Peter Croker, géophysicien, consultant, The M Horizon (UK) Ltd, ancien président de la Commission des limites du plateau continental (ONU),
M. Walter R. Roest, géophysicien, directeur de Roest Consultant EIRL (France), membre de la Commission des limites du plateau continental (ONU),
M. Scott Edmonds, cartographe, directeur de International Mapping,
M. Thomas Frogh, cartographe, International Mapping,
comme conseillers techniques,
LA COUR,
ainsi composée,
après délibéré en chambre du conseil,
rend l’arrêt suivant :
1. Le 16 septembre 2013, le Gouvernement de la République du Nicaragua (ci-après le « Nicaragua ») a déposé au Greffe de la Cour une requête introductive d’instance contre la République de Colombie (ci-après la « Colombie ») au sujet d’un différend portant sur « la délimitation entre, d’une part, le plateau continental du Nicaragua s’étendant au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale du Nicaragua et, d’autre part, le plateau continental de la Colombie ».
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2. Dans sa requête, le Nicaragua entendait fonder la compétence de la Cour sur l’article XXXI du traité américain de règlement pacifique signé le 30 avril 1948, dénommé officiellement, aux termes de son article LX, le « pacte de Bogotá ».
3. Conformément au paragraphe 2 de l’article 40 du Statut de la Cour, le greffier a immédiatement communiqué la requête au Gouvernement colombien ; il a également informé le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies du dépôt de cette requête par le Nicaragua.
4. Conformément au paragraphe 3 de l’article 40 du Statut de la Cour, le greffier a informé les Membres des Nations Unies, par l’entremise du Secrétaire général, du dépôt de la requête en leur transmettant le texte bilingue imprimé de celle-ci.
5. La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité des Parties, chacune d’elles a fait usage du droit que lui confère le paragraphe 3 de l’article 31 du Statut de désigner un juge ad hoc pour siéger en l’affaire. Le Nicaragua a nommé à cet effet M. Leonid Skotnikov ; la Colombie a d’abord nommé M. Charles N. Brower, qui a démissionné de ses fonctions le 5 juin 2022, puis M. Donald McRae.
6. Par ordonnance du 9 décembre 2013, la Cour a fixé au 9 décembre 2014 et au 9 décembre 2015 les dates d’expiration des délais pour le dépôt, respectivement, d’un mémoire par le Nicaragua et d’un contre-mémoire par la Colombie.
7. Le 14 août 2014, avant l’expiration du délai prescrit pour le dépôt du mémoire du Nicaragua, la Colombie, se référant à l’article 79 du Règlement de la Cour du 14 avril 1978, tel qu’amendé le 1er février 2001, a soulevé des exceptions préliminaires d’incompétence de la Cour et d’irrecevabilité de la requête. Par ordonnance du 19 septembre 2014, la Cour, constatant qu’en vertu du paragraphe 5 de l’article 79 de son Règlement la procédure sur le fond se trouvait suspendue, a fixé au 19 janvier 2015 la date d’expiration du délai dans lequel le Nicaragua pouvait présenter un exposé écrit contenant ses observations et conclusions sur les exceptions préliminaires soulevées par la Colombie. Le Nicaragua a déposé son exposé dans le délai ainsi fixé.
8. Par lettre en date du 10 novembre 2014, sur les instructions données par la Cour en vertu du paragraphe 1 de l’article 43 de son Règlement, le greffier a adressé aux États parties au pacte de Bogotá la notification prévue au paragraphe 1 de l’article 63 du Statut de la Cour. En application des dispositions du paragraphe 3 de l’article 69 du Règlement, il a en outre adressé à l’Organisation des États américains (ci-après l’« OEA ») la notification prévue au paragraphe 3 de l’article 34 du Statut. Par lettre du 5 janvier 2015, le secrétaire général de l’OEA a indiqué que celle-ci n’entendait présenter aucune observation écrite au sens du paragraphe 3 de l’article 69 du Règlement.
9. Par lettre en date du 17 février 2015, le Gouvernement de la République du Chili (ci-après le « Chili »), se référant au paragraphe 1 de l’article 53 du Règlement de la Cour, a demandé à recevoir copie des pièces de procédure et documents y annexés produits en l’affaire. Ayant consulté les Parties conformément à cette même disposition, le président de la Cour a décidé d’accéder à cette demande. Le greffier a dûment communiqué cette décision au Gouvernement chilien et aux Parties. En conséquence, des exemplaires des exceptions préliminaires soulevées par la Colombie et de l’exposé écrit contenant les observations et conclusions du Nicaragua à leur sujet ont été transmis au Chili.
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10. Des audiences publiques sur les exceptions préliminaires soulevées par la Colombie ont été tenues les 5, 6, 7 et 9 octobre 2015. Dans son arrêt du 17 mars 2016, la Cour a dit qu’elle avait compétence, sur la base de l’article XXXI du pacte de Bogotá, pour connaître de la première demande que formulait le Nicaragua dans sa requête (voir le paragraphe 18 ci-après), par laquelle il la priait de déterminer « [l]e tracé précis de la frontière maritime entre les portions de plateau continental relevant du Nicaragua et de la Colombie au-delà des limites établies par la Cour dans son arrêt du 19 novembre 2012 » en l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie) ; la Cour a également dit que cette demande était recevable (Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 140, par. 126).
11. Par ordonnance du 28 avril 2016, la Cour a fixé au 28 septembre 2016 et au 28 septembre 2017 les nouvelles dates d’expiration des délais pour le dépôt, respectivement, d’un mémoire par le Nicaragua et d’un contre-mémoire par la Colombie. Ces pièces ont été déposées dans les délais ainsi fixés. Le Nicaragua a également fourni à la Cour des copies de sa demande complète à la Commission des limites du plateau continental (ci-après la « Commission des limites » ou « la Commission »), expliquant que ce document faisait partie intégrante de son mémoire et que, conformément aux règles énoncées dans l’annexe II du règlement intérieur de la Commission, il avait un caractère confidentiel.
12. Par lettres en date du 6 octobre 2016 et du 22 novembre 2016, respectivement, les Gouvernements de la République du Costa Rica (ci-après le « Costa Rica ») et de la République du Panama (ci-après le « Panama »), se référant au paragraphe 1 de l’article 53 du Règlement de la Cour, ont demandé à recevoir copie des pièces de procédure et documents y annexés produits en l’affaire. Après avoir consulté les Parties conformément à cette même disposition, la Cour a décidé de communiquer au Costa Rica et au Panama les pièces en question, à l’exception de la demande présentée par le Nicaragua à la Commission des limites. Le greffier a dûment fait connaître ces décisions au Costa Rica et au Panama, ainsi qu’aux Parties. Un exemplaire du mémoire du Nicaragua, sans ladite demande, a également été mis à la disposition du Chili (voir le paragraphe 9 ci-dessus).
13. Par ordonnance en date du 8 décembre 2017, la Cour a autorisé la présentation d’une réplique par le Nicaragua et d’une duplique par la Colombie, et fixé au 9 juillet 2018 et au 11 février 2019 les dates d’expiration des délais pour le dépôt respectif de ces pièces. La réplique du Nicaragua et la duplique de la Colombie ont été déposées dans les délais ainsi fixés.
14. Dans une ordonnance en date du 4 octobre 2022, la Cour a indiqué que, dans les circonstances de l’espèce, avant de procéder à tout examen des questions techniques et scientifiques de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale nicaraguayenne, il était nécessaire de se prononcer sur certaines questions de droit, après avoir entendu les Parties à leur sujet. En conséquence, elle a décidé que
« la République du Nicaragua et la République de Colombie devr[aie]nt, lors des … audiences [qui se tiendraient] en l’affaire, circonscrire leurs plaidoiries aux deux questions suivantes :
1) En droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale peut-il s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État ?
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2) Quels sont en droit international coutumier les critères sur la base desquels il convient de déterminer les limites du plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale ? À cet égard, les paragraphes 2 à 6 de l’article 76 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer reflètent-ils le droit international coutumier ? » (Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), ordonnance du 4 octobre 2022.)
15. Après avoir consulté les Parties et compte tenu de l’objet des audiences, la Cour a décidé, en vertu du paragraphe 2 de l’article 53 de son Règlement, de ne pas rendre accessibles au public à l’ouverture de la procédure orale des exemplaires des écritures et des documents y annexés.
16. Des audiences publiques sur les deux questions formulées par la Cour dans son ordonnance du 4 octobre 2022 (voir le paragraphe 14 ci-dessus) se sont tenues les 5, 6, 7 et 9 décembre 2022, au cours desquelles ont été entendus en leurs plaidoiries et réponses :
Pour le Nicaragua : S. Exc. M. Carlos José Argüello Gómez,
M. Vaughan Lowe,
M. Alex Oude Elferink,
M. Alain Pellet.
Pour la Colombie : S. Exc. M. Eduardo Valencia-Ospina,
Sir Michael Wood,
M. Rodman Bundy,
M. Lorenzo Palestini,
M. Jean-Marc Thouvenin,
Mme Laurence Boisson de Chazournes.
17. À l’audience, un membre de la Cour a posé une question à la Colombie, à laquelle il a été répondu oralement, conformément au paragraphe 4 de l’article 61 du Règlement de la Cour. Le Nicaragua a présenté, le 15 décembre 2022, des observations écrites sur la réponse orale de la Colombie.
*
18. Dans la requête, les demandes ci-après ont été formulées par le Nicaragua :
« Le Nicaragua prie la Cour de déterminer :
Premièrement : Le tracé précis de la frontière maritime entre les portions de plateau continental relevant du Nicaragua et de la Colombie au-delà des limites établies par la Cour dans son arrêt du 19 novembre 2012.
Deuxièmement : Les principes et les règles de droit international régissant les droits et obligations des deux États concernant la zone de plateau continental où leurs revendications se chevauchent et l’utilisation des ressources qui s’y trouvent, et ce, dans l’attente de la délimitation de leur frontière maritime au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne. »
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19. Dans les pièces de procédure, les conclusions ci-après ont été présentées par les Parties :
Au nom du Gouvernement du Nicaragua,
dans le mémoire :
« Pour les raisons exposées dans le présent mémoire, la République du Nicaragua prie la Cour de dire et juger que :
1. Dans les zones du plateau continental qui relèvent respectivement du Nicaragua et de la Colombie au-delà de la frontière fixée par la Cour dans son arrêt du 19 novembre 2012, la frontière maritime entre ces deux États suit des lignes géodésiques reliant les points dont les coordonnées sont les suivantes :
Point
Latitude
Longitude
1
14° 43' 20,6" N
74° 34' 49,1" O
2
14° 21' 53,4" N
75° 15' 39,3" O
3
13° 59' 29,8" N
76° 5' 15,6" O
4
13° 51' 26,0" N
76° 21' 57,1" O
5
13° 46' 6,1" N
76° 35' 44,9" O
6
13° 42' 31,1" N
76° 41' 20,33" O
7
12° 41' 56,9" N
77° 32' 27,4" O
8
12° 15' 38,3" N
77° 47' 56,3" O
2. Les îles de San Andrés et Providencia ont droit à un plateau continental jusqu’à une ligne constituée d’arcs de 200 milles marins partant des lignes de base à partir desquelles est mesurée la mer territoriale du Nicaragua, ligne qui relie les points ayant les coordonnées suivantes :
Point
Latitude
Longitude
A
13° 46' 35,7" N
79° 12' 23,1" O
C
12° 42' 24,1" N
79° 34' 4,7" O
B
12° 24' 9,4" N
79° 34' 4,7" O
3. Serranilla et Bajo Nuevo sont enclavées et bénéficient chacune d’une mer territoriale de 12 milles marins. »
dans la réplique :
« Pour les raisons exposées dans le mémoire et la présente réplique, la République du Nicaragua prie la Cour de dire et juger que :
- 11 -
1. Dans les zones du plateau continental qui relèvent respectivement du Nicaragua et de la Colombie au-delà de la frontière fixée par la Cour dans son arrêt du 19 novembre 2012, la frontière maritime entre ces deux États suit des lignes géodésiques reliant les points dont les coordonnées sont les suivantes :
Point
Latitude
Longitude
1
14° 43' 20,6" N
74° 34' 49,1" O
2
14° 21' 53,4" N
75° 15' 39,3" O
3
13° 59' 29,8" N
76° 5' 15,6" O
4
13° 51' 26,0" N
76° 21' 57,1" O
5
13° 46' 6,1" N
76° 35' 44,9" O
6
13° 42' 31,1" N
76° 41' 20,33" O
7
12° 41' 56,9" N
77° 32' 27,4" O
8
12° 15' 38,3" N
77° 47' 56,3" O
2. Les îles de San Andrés et Providencia ont droit à un plateau continental jusqu’à une ligne constituée d’arcs de 200 milles marins partant des lignes de base à partir desquelles est mesurée la mer territoriale du Nicaragua, ligne qui relie les points ayant les coordonnées suivantes :
Point
Latitude
Longitude
A
13° 46' 35,7" N
79° 12' 23,1" O
C
12° 42' 24,1" N
79° 34' 4,7" O
B
12° 24' 9,4" N
79° 34' 4,7" O
3. Serranilla et Bajo Nuevo sont enclavées et bénéficient chacune d’une mer territoriale de 12 milles marins, et Serrana est enclavée, ainsi que la Cour en a décidé dans son arrêt de novembre 2012. »
Au nom du Gouvernement de la Colombie,
dans le contre-mémoire :
« [P]our les raisons exposées dans le présent contre‑mémoire, et se réservant le droit de modifier ou de compléter les présentes conclusions, la Colombie prie respectueusement la Cour de dire et juger que :
La demande du Nicaragua tendant à obtenir une délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins de sa côte est définitivement rejetée. »
- 12 -
dans la duplique :
« [P]our les raisons exposées dans son contre-mémoire et dans sa duplique, et se réservant le droit de modifier ou de compléter les présentes conclusions, la Colombie prie respectueusement la Cour de dire et juger que :
La demande du Nicaragua tendant à obtenir une délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins de sa côte est définitivement rejetée. »
20. Au cours de la procédure orale, les conclusions ci-après ont été présentées par les Parties :
Au nom du Gouvernement du Nicaragua,
« En l’affaire relative à la Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), pour les motifs exposés dans ses écritures et dans ses plaidoiries, le Nicaragua prie respectueusement la Cour de dire et juger que :
I. Les questions de droit appellent une réponse affirmative :
A. En droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale peut s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
B. Les paragraphes 2 à 6 de l’article 76 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer reflètent le droit international coutumier.
II. Le Nicaragua prie respectueusement la Cour de fixer à présent un calendrier pour examiner toutes les autres demandes pendantes qui sont exposées dans ses écritures, et statuer à leur sujet.
Le Nicaragua se réserve formellement le droit de compléter ses conclusions finales à la lumière des circonstances factuelles de l’espèce compte tenu de la décision prise par la Cour dans son ordonnance du 4 octobre 2022. »
Au nom du Gouvernement de la Colombie,
« En l’affaire relative à la Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), vu l’ordonnance du 4 octobre 2022 et les questions de droit qui y sont posées, la Colombie prie respectueusement la Cour de dire et juger que :
1. S’agissant de la première question :
i) En droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale ne peut pas s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
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2. S’agissant de la seconde question :
i) En droit international coutumier, il n’existe pas de critères sur la base desquels il conviendrait de déterminer les limites du plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale lorsque la limite extérieure dudit plateau continental se situe à l’intérieur de la zone de 200 milles marins d’un autre État.
ii) Les paragraphes 2 à 6 de l’article 76 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer ne reflètent pas le droit international coutumier.
En outre, les réponses à ces deux questions conditionnant l’ensemble des demandes du Nicaragua telles qu’elles ont été formulées au cours de la procédure, la Colombie prie également la Cour de dire et juger que :
3. La demande du Nicaragua tendant à obtenir une délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins à partir de sa côte est définitivement rejetée.
4. En conséquence, la demande du Nicaragua tendant à ce que soit fixé un calendrier pour que la Cour examine toutes les autres demandes pendantes qui sont exposées dans ses écritures, et statue à leur sujet, est rejetée. »
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I. CONTEXTE GÉNÉRAL
21. Les espaces maritimes qui font l’objet de la présente procédure se trouvent dans la mer des Caraïbes, bras de l’océan Atlantique partiellement entouré, au nord et à l’est, par un certain nombre d’îles et fermé, au sud et à l’ouest, par l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale. La côte est du Nicaragua fait face à la partie sud-ouest de la mer des Caraïbes. Au nord, le Nicaragua est bordé par le Honduras, et au sud, par le Costa Rica et le Panama. Au nord-est, il fait face à la Jamaïque et, à l’est, à la côte continentale de la Colombie, laquelle est située dans la partie sud de la mer des Caraïbes. Sur sa façade caraïbe, la Colombie est bordée à l’ouest par le Panama, et à l’est par le Venezuela. Les îles colombiennes de San Andrés, Providencia et Santa Catalina sont situées dans la partie sud-ouest de la mer des Caraïbes, à quelque 100 à 150 milles marins à l’est de la côte nicaraguayenne. (Pour la géographie générale de la zone, voir le croquis no 1.)
22. Le 6 décembre 2001, le Nicaragua a déposé au Greffe de la Cour une requête introductive d’instance contre la Colombie au sujet d’un différend portant sur un « ensemble de questions juridiques connexes … qui demeur[ai]ent en suspens » entre les deux États « en matière de titre territorial et de délimitation maritime » dans les Caraïbes occidentales (affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie)).
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CROQUIS NO 1 : GÉOGRAPHIE GÉNÉRALE
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23. Dans l’arrêt qu’elle a rendu le 19 novembre 2012 en l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie) (ci-après l’« arrêt de 2012 »), la Cour a reconnu à la Colombie « la souveraineté sur les îles faisant partie des formations suivantes : Alburquerque, Bajo Nuevo, cayes de l’Est-Sud-Est, Quitasueño, Roncador, Serrana et Serranilla » (C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 718, point 1 du par. 251). Elle a également établi une frontière maritime unique délimitant le plateau continental et les zones économiques exclusives du Nicaragua et de la Colombie jusqu’à la limite située à 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la mer territoriale nicaraguayenne (ibid., p. 719-720, point 4 du par. 251). La Cour a cependant fait observer dans son raisonnement que, le Nicaragua n’ayant pas encore notifié au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies l’emplacement de ces lignes de base en application du paragraphe 2 de l’article 16 de la convention de 1982 des Nations Unies sur le droit de la mer (ci-après la « CNUDM » ou la « convention »), la position précise des points terminaux de la frontière maritime, à l’est, ne pouvait pas être déterminée et n’était donc indiquée que de manière approximative sur le croquis figurant à la page 714 dudit arrêt (ibid., p. 713, par. 237). (Pour le tracé de la frontière maritime établie par la Cour dans son arrêt de 2012, voir le croquis no 2.)
24. Dans l’arrêt de 2012, la Cour a en outre conclu qu’elle ne pouvait pas faire droit à la demande contenue au point 3 de la première conclusion finale du Nicaragua, par laquelle celui-ci la priait de dire et juger que,
« dans le cadre géographique et juridique constitué par les côtes continentales du Nicaragua et de la Colombie, la méthode de délimitation à retenir consiste à tracer une limite opérant une division par parts égales de la zone du plateau continental où les droits des deux Parties sur celui-ci se chevauchent » (Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 636, par. 17, et p. 719, point 3 du par. 251).
En particulier, la Cour a relevé que,
« le Nicaragua n’ayant pas … apporté la preuve que sa marge continentale s’étend[ait] suffisamment loin pour chevaucher le plateau continental dont la Colombie p[ouvai]t se prévaloir sur 200 milles marins à partir de sa côte continentale, [elle] n’[étai]t pas en mesure de délimiter les portions du plateau continental relevant de chacune des Parties, comme le lui demand[ait] le Nicaragua, même en utilisant la formulation générale proposée par ce dernier » (ibid., p. 669, par. 129).
La Cour a fait observer à cet égard que le Nicaragua n’avait communiqué à la Commission des limites que des « informations préliminaires » qui étaient « loin de satisfaire aux exigences requises pour pouvoir être considérées comme [l]es informations … sur les limites de son plateau continental, lorsque celui-ci s’étend au-delà de 200 milles marins » qui doivent être soumises conformément au paragraphe 8 de l’article 76 de la CNUDM (ibid., p. 669, par. 127).
25. Le 24 juin 2013, conformément au paragraphe 8 de l’article 76 de la CNUDM, le Nicaragua a soumis à la Commission sa demande complète concernant les limites de son plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale.
26. Le 16 septembre 2013, le Nicaragua a déposé une requête introduisant la présente instance, par laquelle il priait la Cour de déterminer le tracé précis de sa frontière maritime avec la Colombie dans les zones du plateau continental qui leur reviennent respectivement au-delà des limites établies par la Cour dans son arrêt de 2012 (voir le paragraphe 1 ci-dessus). Les deux Parties ont produit de
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CROQUIS NO 2 : TRACÉ DE LA FRONTIÈRE MARITIME ÉTABLIE PAR LA COUR DANS SON ARRÊT DE 2012
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très nombreux éléments scientifiques et techniques sur le point de savoir si le Nicaragua avait établi son droit à revendiquer un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale (également appelé « plateau continental étendu ») et, dans l’affirmative, apporté la preuve des limites extérieures précises de celui-ci.
II. VUE D’ENSEMBLE DES POSITIONS DES PARTIES
27. Le Nicaragua soutient qu’il peut prétendre à un plateau continental au-delà de 200 milles marins de sa côte. Afin d’étayer sa revendication, il se réfère à la demande qu’il a présentée à la Commission des limites le 24 juin 2013 qui, selon lui, contient des « informations techniques complètes » permettant à la Commission d’examiner cette demande et de formuler au sujet des limites extérieures de son plateau continental les recommandations visées au paragraphe 8 de l’article 76 de la CNUDM. Le Nicaragua affirme qu’il a établi l’existence d’un prolongement naturel de son territoire terrestre jusqu’au rebord externe de la marge continentale, et qu’il y a une continuité tant géologique que géomorphologique entre sa masse terrestre et les fonds marins et leur sous-sol situés au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base.
28. Le Nicaragua définit le rebord externe de la marge continentale, au-delà de 200 milles marins de sa côte, par référence aux formules et critères énoncés aux paragraphes 4 à 6 de l’article 76 de la CNUDM. Il affirme que la Commission applique ces dispositions pour déterminer si un État a droit à un plateau continental au-delà de cette distance. Selon lui, les paragraphes 2 à 6 de l’article 76 de la convention reflètent le droit international coutumier.
29. Le Nicaragua relève que la Colombie ne revendique, au titre de sa masse continentale, qu’un plateau continental s’étendant jusqu’à 200 milles marins de ses lignes de base. Le Nicaragua propose, s’agissant de la masse continentale colombienne, une ligne de délimitation provisoire qu’il désigne comme la « ligne de délimitation provisoire entre les côtes continentales des Parties ». Cette ligne divise en parts égales la zone de chevauchement entre la limite de 200 milles marins du plateau continental revenant à la Colombie au titre de sa côte continentale et la limite extérieure du plateau continental étendu du Nicaragua, telle que lui-même l’a décrite dans sa demande à la Commission. Cette ligne est représentée à la figure 5.1 du mémoire du Nicaragua, qui est reproduite ci-après.
30. Pour ce qui est des îles colombiennes, le Nicaragua soutient que seules les formations maritimes de San Andrés, Providencia et Santa Catalina peuvent être considérées comme des îles ayant droit à un plateau continental en vertu de la règle coutumière reflétée au paragraphe 2 de l’article 121 de la CNUDM, tandis que Quitasueño, Alburquerque, Bajo Nuevo, les cayes de l’Est-Sud-Est, Roncador, Serrana et Serranilla sont des « rochers » au sens coutumier reflété au paragraphe 3 de l’article 121 de la CNUDM et ne génèrent pas de droit à un plateau continental. Le Nicaragua considère que San Andrés, Providencia et Santa Catalina sont situées sur la même marge continentale que sa propre masse continentale et qu’elles pourraient donc ouvrir droit à un plateau continental au-delà de 200 milles marins jusqu’au rebord de cette marge. Selon lui, toutefois, ce plateau continental ne devrait pas s’étendre à l’est de la limite de 200 milles marins des lignes de base nicaraguayennes, l’arrêt de 2012 ayant déjà attribué à ces îles des droits liés au plateau continental qui sont très importants au regard de leur taille réduite. Le Nicaragua est donc d’avis que ces îles ont droit à un plateau continental jusqu’à une ligne constituée d’arcs de 200 milles marins partant des lignes de base à partir desquelles est mesurée sa propre mer territoriale, ligne qui relie les points A, C et B dont les coordonnées figurent dans les conclusions présentées dans son mémoire puis réaffirmées dans sa réplique (voir le paragraphe 19 ci-dessus). Le Nicaragua estime également que les formations maritimes colombiennes que sont la caye Serranilla et Bajo Nuevo ne devraient se voir accorder qu’une mer territoriale de 12 milles marins. La délimitation finale proposée par le Nicaragua est représentée à la figure 7.1 de sa réplique, qui est reproduite ci-après.
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CARTE REPRÉSENTANT LA « LIGNE DE DÉLIMITATION PROVISOIRE ENTRE LES CÔTES CONTINENTALES DES PARTIES » PROPOSÉE PAR LE NICARAGUA
(Source : Mémoire du Nicaragua, figure 5.1, p. 128. Original en anglais.)
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CARTE REPRÉSENTANT LA DÉLIMITATION FINALE PROPOSÉE PAR LE NICARAGUA (Source : Réplique du Nicaragua, figure 7.1, p. 208. Original en anglais.)
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31. La Colombie prie la Cour de rejeter la demande du Nicaragua tendant à la délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne. Elle soutient en particulier que, en droit international coutumier, un État ne peut pas revendiquer un plateau continental s’étendant au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base si celui-ci empiète sur la zone économique exclusive et le plateau continental auxquels un autre État a droit sur 200 milles marins mesurés à partir de sa côte continentale et de ses îles.
32. Au sujet du plateau continental auquel le Nicaragua prétend avoir droit au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne, la Colombie soutient que c’est à tort que le demandeur tient pour acquis que sa demande à la Commission des limites constitue en soi une preuve de l’existence d’un tel plateau continental étendu. Selon elle, les paragraphes 2 à 6 de l’article 76 de la CNUDM, qui énoncent les formules scientifiques et techniques précises permettant d’établir la limite au-delà de laquelle un plateau continental étendu ne peut pas être revendiqué, ne reflètent pas le droit international coutumier. La défenderesse affirme que la revendication d’un État côtier à un plateau continental au-delà de 200 milles marins doit être fondée sur l’existence d’un prolongement naturel du territoire terrestre, établie par les caractéristiques physiques du plateau en fonction de facteurs géologiques et géomorphologiques. À cet égard, elle fait valoir que le Nicaragua n’a pas prouvé avec la certitude scientifique voulue que son territoire terrestre se prolongeait naturellement au-delà de 200 milles marins de sa côte. Elle avance qu’un certain nombre de ruptures géomorphologiques et discontinuités géologiques fondamentales du plateau continental physique viennent interrompre le prolongement naturel du territoire terrestre du Nicaragua bien avant d’atteindre la limite des 200 milles marins à partir de la côte nicaraguayenne.
33. S’agissant de ses propres droits à des espaces maritimes, la Colombie soutient que, conformément au droit international coutumier, tant sa masse continentale que ses îles ouvrent droit à une zone économique exclusive de 200 milles marins, avec le plateau continental « correspondant ». Elle rappelle que, dans l’arrêt de 2012, la Cour a jugé que San Andrés, Providencia et Santa Catalina généraient une mer territoriale, une zone économique exclusive et un plateau continental, et qu’elles détenaient des droits importants dans les espaces à l’est de la ligne située à 200 milles marins des lignes de base du Nicaragua. La Colombie affirme en outre que Roncador, Serrana, Serranilla et Bajo Nuevo ne sont pas des rochers et ont donc droit à une zone économique exclusive et au plateau continental « correspondant », y compris dans les zones situées à plus de 200 milles marins des lignes de base nicaraguayennes. La Colombie avance que chacune de ces îles se prête à l’habitation humaine ou à une vie économique propre. Elle ajoute que, même si Serrana, Roncador, Serranilla et Bajo Nuevo n’étaient pas considérées comme ayant droit à une zone économique exclusive et à un plateau continental, la demande du Nicaragua serait néanmoins vouée à l’échec parce que son plateau continental étendu ne peut franchir « à saute-mouton » ou « par-dessous » la zone économique exclusive et le plateau continental « correspondant » de San Andrés, Providencia et Santa Catalina.
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34. Dans son ordonnance du 4 octobre 2022, la Cour a indiqué que, dans les circonstances de l’espèce, il lui était nécessaire de se prononcer d’abord sur certaines questions de droit, après avoir entendu les Parties à leur sujet, et a ainsi posé deux questions aux Parties (voir le paragraphe 14 ci-dessus). Elle examinera la première question (partie III), avant de se pencher sur la seconde question (partie IV). Elle examinera ensuite les demandes contenues dans les conclusions du Nicaragua (partie V).
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III. PREMIÈRE QUESTION FORMULÉE DANS L’ORDONNANCE DU 4 OCTOBRE 2022
35. La Cour rappelle que la première question qu’elle a formulée dans l’ordonnance du 4 octobre 2022 (ci-après la « première question ») est ainsi rédigée :
« En droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale peut-il s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État ? » (Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), ordonnance du 4 octobre 2022.)
36. La Cour examinera tout d’abord le caractère préalable de la première question (section A). Elle déterminera ensuite le droit international coutumier applicable en l’espèce aux espaces maritimes en cause (section B), avant de répondre à la première question (section C).
A. Le caractère préalable de la première question
37. La Cour rappelle que, par sa requête du 16 septembre 2013, le Nicaragua a introduit une instance contre la Colombie concernant un différend relatif à
« la délimitation entre, d’une part, le plateau continental du Nicaragua s’étendant au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale du Nicaragua et, d’autre part, le plateau continental de la Colombie ».
38. Dans son ordonnance du 4 octobre 2022, la Cour a considéré que, dans les circonstances de l’espèce,
« avant de procéder à tout examen des questions scientifiques et techniques relatives à la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale du Nicaragua, … [il était] nécessaire de se prononcer sur certaines questions de droit, après avoir entendu les Parties à leur sujet » (Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), ordonnance du 4 octobre 2022).
39. La Cour note que les Parties, si elles conviennent que la première question qu’elle leur a posée s’inscrit dans le contexte factuel particulier de la présente instance, ont néanmoins abordé celle-ci différemment.
40. Le Nicaragua affirme qu’il y a un chevauchement entre son propre droit à un plateau continental étendu et le droit de la Colombie à un plateau continental en deçà de 200 milles marins de sa côte et que, en conséquence, la Cour doit procéder à une délimitation équitable. C’est ce chevauchement, selon lui, qui rend nécessaire une délimitation des espaces maritimes dans la zone où les droits des Parties entrent en concurrence.
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41. La Colombie, pour sa part, considère qu’un État doit d’abord établir qu’il a un titre juridique sur une zone maritime donnée qui chevauche un espace dont un autre État peut se prévaloir, avant que les principes et règles de délimitation maritime n’entrent en jeu. Elle est d’avis que ce n’est pas la délimitation qui génère un titre juridique mais, plutôt, le titre juridique qui donne lieu à la nécessité de délimiter.
42. Ainsi que la Cour l’a dit par le passé, « [l]’une des étapes essentielles dans tout processus de délimitation consiste à déterminer s’il existe des droits, et si ceux-ci se chevauchent » (Délimitation maritime dans l’océan Indien (Somalie c. Kenya), arrêt, C.I.J. Recueil 2021, p. 276, par. 193 ; voir Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1982, p. 42, par. 34). La détermination de l’existence d’une zone de chevauchement entre les droits de deux États, fondés respectivement sur un titre juridique distinct, est la première étape dans toute délimitation maritime, car « la délimitation consiste à résoudre le problème du chevauchement des revendications en traçant une ligne de séparation entre les espaces maritimes concernés » (Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine), arrêt, C.I.J. Recueil 2009, p. 89, par. 77).
43. En conséquence, la première question a un caractère préalable, en ce sens qu’il faut y répondre afin de savoir s’il y a lieu pour la Cour de procéder à la délimitation demandée par le Nicaragua, et, par suite, s’il est nécessaire d’examiner les questions scientifiques et techniques qui se poseraient aux fins d’une telle délimitation.
44. La Cour a demandé aux Parties de fonder leurs arguments sur le droit international coutumier, qui est applicable à la présente instance puisque, contrairement au Nicaragua, la Colombie n’est pas partie à la CNUDM.
45. La Cour en vient à la détermination du droit international coutumier applicable aux espaces maritimes en cause, soit la zone économique exclusive et le plateau continental.
B. Le droit international coutumier applicable aux espaces maritimes en cause
46. La Cour rappelle que « la substance du droit international coutumier doit être recherchée en premier lieu dans la pratique effective et l’opinio juris des États », et que « les conventions multilatérales peuvent avoir un rôle important à jouer en enregistrant et définissant les règles dérivées de la coutume ou même en les développant » (Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 29-30, par. 27 ; voir aussi Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark ; République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 42, par. 73).
47. La CNUDM a été élaborée dans le cadre de la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, qui s’est tenue sur une période de neuf ans, de décembre 1973 jusqu’à l’adoption de la convention à Montego Bay le 10 décembre 1982. Comme le précise son préambule, l’objectif de la convention était de parvenir à « la codification et [au] développement progressif du droit de la mer ». Avant même la conclusion des négociations, certains aspects des régimes juridiques régissant les espaces maritimes des États côtiers, notamment le plateau continental et la zone économique exclusive, faisaient l’objet d’une pratique des États qui agissaient, le plus souvent, au travers de déclarations, lois et règlements. Cette pratique a été prise en considération lors de l’élaboration de la convention. Un très grand nombre d’États sont depuis devenus parties à celle-ci, ce qui a contribué de façon significative à la cristallisation de certaines règles coutumières.
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48. Comme l’indique le préambule de la convention, « les problèmes des espaces marins sont étroitement liés entre eux et doivent être envisagés dans leur ensemble ». La méthode de négociation de la conférence fut conçue dans cette optique et avait pour objectif la recherche d’un consensus à travers une série de textes provisoires et interdépendants sur les différentes questions en cause, ce qui a abouti à un texte exhaustif et intégré formant un compromis global (package deal).
49. Le caractère intégré des différentes parties de la convention est particulièrement manifeste en ce qui concerne la partie V de la CNUDM, relative à la zone économique exclusive, et la partie VI, relative au plateau continental. La relation entre ces deux parties est précisée au paragraphe 3 de l’article 56. Cet article dispose ainsi :
« 1. Dans la zone économique exclusive, l’État côtier a :
a) des droits souverains aux fins d’exploration et d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi qu’en ce qui concerne d’autres activités tendant à l’exploration et à l’exploitation de la zone à des fins économiques, telles que la production d’énergie à partir de l’eau, des courants et des vents ;
b) juridiction, conformément aux dispositions pertinentes de la Convention, en ce qui concerne :
i) la mise en place et l’utilisation d’îles artificielles, d’installations et d’ouvrages ;
ii) la recherche scientifique marine ;
iii) la protection et la préservation du milieu marin ;
c) les autres droits et obligations prévus par la Convention.
2. Lorsque, dans la zone économique exclusive, il exerce ses droits et s’acquitte de ses obligations en vertu de la Convention, l’État côtier tient dûment compte des droits et des obligations des autres États et agit d’une manière compatible avec la Convention.
3. Les droits relatifs aux fonds marins et à leur sous-sol énoncés dans le présent article s’exercent conformément à la partie VI. »
50. Dans l’affaire relative à des Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), la Cour a conclu que l’article 56 reflétait les règles coutumières sur les droits et obligations de l’État côtier dans la zone économique exclusive (arrêt du 21 avril 2022, par. 57).
51. La Cour en vient au plateau continental qui est défini au paragraphe premier de l’article 76 de la CNUDM :
« Le plateau continental d’un État côtier comprend les fonds marins et leur sous-sol au-delà de sa mer territoriale, sur toute l’étendue du prolongement naturel du territoire terrestre de cet État jusqu’au rebord externe de la marge continentale, ou jusqu’à 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, lorsque le rebord externe de la marge continentale se trouve à une distance inférieure. »
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52. La Cour rappelle que cette définition fait partie du droit international coutumier (Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 666, par. 118).
53. Au vu de ce qui précède, la Cour examinera la question de savoir si, en droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale peut s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
C. En droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale peut-il s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État ?
54. Les Parties s’opposent sur le point de savoir si le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale peut s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
55. Le Nicaragua soutient que le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins peut s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
56. Selon le Nicaragua, le plateau continental et les droits y relatifs relèvent automatiquement de l’État côtier, sans que celui-ci ait besoin de les exercer ou de procéder à une quelconque déclaration à leur sujet, ce qui n’est pas le cas pour la zone économique exclusive. Le demandeur soutient qu’il n’existe en droit international coutumier, ou dans la CNUDM, aucune règle selon laquelle la zone économique exclusive relèverait ipso facto et ab initio de l’État côtier.
57. Le Nicaragua reconnaît que, là où il y a chevauchement entre le plateau continental d’un État fondé sur le prolongement naturel, et la zone de 200 milles marins d’un autre État, les États ont en général préféré avoir une frontière maritime unique plutôt que d’être dans la situation où une partie du plateau continental de l’un se trouve dans la zone de 200 milles marins de l’autre. Il ajoute cependant que cette pratique n’est pas la preuve d’une norme coutumière en la matière, faute d’opinio juris. Il fait valoir que la pratique des États qui s’abstiennent, dans leurs demandes à la Commission, de revendiquer un plateau continental étendu dont les limites extérieures se situeraient en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État s’explique par des considérations autres qu’un sentiment d’obligation juridique, en particulier la volonté d’éviter que leur demande ne donne lieu à un différend, ce qui amènerait la Commission à refuser de l’examiner. Le Nicaragua se réfère également à certains exemples d’États qui ont adressé à la Commission des demandes qui portaient sur l’extension d’un plateau continental dans la zone de 200 milles marins d’un autre État, et relève que cette pratique étaye la thèse que le plateau continental au-delà de 200 milles marins peut s’étendre en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un État voisin.
58. Le Nicaragua se réfère aussi aux deux affaires relatives à la délimitation dans le golfe du Bengale, à savoir la Délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, TIDM Recueil 2012, p. 64-68, par. 225-240 et l’Arbitrage concernant la frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh c. Inde), sentence du 7 juillet 2014, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales (RSA), vol. XXXII, p. 104-106, par. 336-346 (ci-après les « affaires du Golfe du Bengale »). Selon le Nicaragua, les décisions rendues dans ces
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deux affaires signifient que, lorsque le plateau continental d’un État au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base s’étend dans la zone économique exclusive d’un autre État, cela donne lieu à une « zone grise » dans laquelle les deux États doivent coopérer. Il s’ensuit, de l’avis du Nicaragua, qu’il n’existe pas de règle de droit international coutumier faisant disparaître le droit d’un État à un plateau continental étendu qui chevaucherait le plateau continental d’un autre État en deçà de 200 milles marins des lignes de base de ce dernier.
59. Le Nicaragua soutient qu’il ne peut y avoir de différence en droit entre le droit d’un État à un plateau continental sur le fondement du critère du prolongement naturel et son droit à un plateau continental sur le fondement du critère de la distance. Il affirme qu’il existe un plateau continental unique en deçà et au-delà de 200 milles marins des lignes de base de l’État côtier, et que le même régime juridique s’applique à l’ensemble de ce plateau. Tout en reconnaissant que les États parties à la CNUDM sont tenus d’acquitter des contributions au titre de l’exploitation des ressources non biologiques de leur plateau continental au-delà de 200 milles marins, le Nicaragua soutient que la nature juridique des droits de l’État côtier est identique sur toute l’étendue de son plateau continental. Il ajoute que l’unicité du plateau continental a été confirmée dans la sentence arbitrale de 2006 rendue en l’affaire Barbade/Trinité-et-Tobago (sentence du 11 avril 2006, RSA, vol. XXVII, p. 208-209, par. 213), dans la décision du Tribunal international du droit de la mer (TIDM) en l’affaire entre le Bangladesh et le Myanmar (Délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, TIDM Recueil 2012, p. 96-97, par. 361-362) et dans la décision de la chambre spéciale du TIDM dans le Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre le Ghana et la Côte d’Ivoire dans l’océan Atlantique (Ghana/Côte d’Ivoire) (arrêt, TIDM Recueil 2017, p. 136, par. 490, et p. 142, par. 526).
60. Le Nicaragua considère que le prolongement naturel est le fondement du titre juridique de l’État côtier en deçà et au-delà de 200 milles marins. Selon lui, à ce jour, aucun critère de « distance » n’a été introduit pour limiter la portée des prétentions relatives au plateau continental, excepté dans les dispositions de la CNUDM concernant le tracé du rebord externe de la marge continentale. Rappelant les origines historiques du concept de plateau continental, le Nicaragua souligne que, dans les affaires du Plateau continental de la mer du Nord, la Cour a confirmé que chaque État côtier détient des droits souverains sur les ressources naturelles exploitables des fonds marins qui constituent un prolongement naturel de son territoire terrestre sous la mer, sans qu’aucun critère de « distance » ne s’applique.
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61. La Colombie, de son côté, considère que le plateau continental d’un État au-delà de 200 milles marins ne peut s’étendre en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
62. La Colombie soutient que le paragraphe 3 de l’article 56, dans la partie V de la CNUDM qui concerne la zone économique exclusive, prévoit que les droits relatifs aux fonds marins et à leur sous-sol s’exercent conformément à la partie VI de la convention qui concerne le plateau continental, et dont les dispositions ont ainsi été incorporées par renvoi au régime juridique gouvernant la zone économique exclusive.
63. La défenderesse affirme que la délimitation voulue par le Nicaragua entraînerait la superposition verticale de deux juridictions nationales distinctes pour des couches distinctes relatives
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à différentes portions de la mer. Selon la Colombie, sa demande en l’espèce est sans commune mesure avec les « zones grises » créées par les décisions en matière de délimitation des affaires du Golfe du Bengale. Elle fait valoir que ces zones grises sont une conséquence fortuite de l’ajustement de la ligne d’équidistance dans le cadre du tracé de la frontière maritime unique entre deux États dont les côtes sont adjacentes. La Colombie ajoute que l’on ne peut admettre l’existence d’une zone grise dans le cas d’espèce sans remettre en cause la notion même de zone économique exclusive, qui, selon elle, a été conçue pour réunir toutes les couches physiques de la mer en une zone placée sous une seule juridiction nationale, dans laquelle l’État côtier exercerait des droits souverains sur les ressources tant biologiques que non biologiques. La Colombie conclut sur ce point que les deux décisions relatives au Golfe du Bengale sont sans pertinence en l’espèce, car elles ne concernaient pas une délimitation entre la zone de 200 milles marins à laquelle un État a droit et le plateau continental étendu revendiqué par un autre État.
64. La Colombie souligne que le régime juridique gouvernant la zone économique exclusive résulte d’un compromis obtenu pendant la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, qui a tenu compte des propositions d’un certain nombre de pays latino-américains et africains tendant à la création d’une nouvelle zone sui generis de 200 milles marins. Dans cette zone, qui devait être dotée d’un « régime juridique particulier » et qui ne serait ni la mer territoriale ni la haute mer, l’État côtier posséderait des droits souverains exclusifs sur toutes les ressources biologiques et non biologiques de la colonne d’eau, des fonds marins et de leur sous-sol. Ainsi, selon la défenderesse, une zone économique exclusive dont la colonne d’eau serait dissociée des fonds marins et de leur sous-sol ne serait plus une zone économique exclusive.
65. En ce qui concerne le plateau continental, la Colombie rappelle qu’en deçà de 200 milles marins le titre juridique est fonction de la distance, et que la géologie et la géomorphologie ne sont pas pertinentes à cet égard. Si elle reconnaît que du point de vue matériel l’institution du plateau continental est en général la même en deçà et au-delà de 200 milles marins des lignes de base d’un État, la Colombie soutient cependant que l’idée d’un plateau continental unique défendue par le Nicaragua n’a aucune pertinence parce que les règles à suivre pour la détermination du droit de l’État côtier à un plateau continental diffèrent selon que la zone concernée est située en deçà ou au-delà de 200 milles marins.
66. La Colombie affirme que le compromis global reflété dans la CNUDM résulte des préoccupations des négociateurs relatives à la définition des limites extérieures de la marge continentale par rapport à la Zone internationale des fonds marins (ci-après la « Zone »), patrimoine commun de l’humanité. Elle estime que cela est confirmé par l’obligation incombant à l’État côtier de s’acquitter de certaines contributions en espèce ou en nature au titre de l’exploitation des ressources minérales dans la zone située au-delà de 200 milles marins.
67. Selon la défenderesse, la pratique des États, dans certaines circonstances, peut attester l’existence d’une opinio juris et il ressort clairement d’une analyse des demandes d’extension du plateau continental déposées auprès de la Commission des limites qu’une très large majorité des États ayant déposé de telles demandes ne prétend pas à un plateau continental qui empiéterait sur des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État. La Colombie ajoute que la grande majorité des délimitations par voie d’accord entre États a fait abstraction des caractéristiques géologiques et géomorphologiques dans la zone de 200 milles marins de toute côte.
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68. Pour étayer leurs positions respectives, les Parties ont exposé leurs vues à la fois sur la relation entre le régime applicable à la zone économique exclusive et celui qui gouverne le plateau continental, et sur certaines considérations se rapportant au régime du plateau continental étendu. La Cour examinera ces deux points l’un après l’autre.
69. La Cour rappelle que le régime gouvernant la zone économique exclusive tel qu’il est défini dans la CNUDM résulte d’un compromis obtenu lors de la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer. Ce régime confère notamment à l’État côtier l’exclusivité des droits souverains d’exploration, d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles jusqu’à 200 milles marins de sa côte, tout en précisant certaines obligations de l’État côtier (article 56), ainsi que les droits et les obligations des autres États dans cette zone (article 58). La Cour a dit que les droits et obligations des États côtiers et des autres États dans la zone économique exclusive, énoncés aux articles 56, 58, 61, 62 et 73 de la CNUDM, reflètent le droit international coutumier (Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), arrêt du 21 avril 2022, par. 57).
70. Comme il a été dit plus haut (voir le paragraphe 49), les régimes juridiques qui gouvernent la zone économique exclusive et le plateau continental en deçà de 200 milles marins des lignes de base de l’État côtier sont reliés entre eux. En effet, dans la zone économique exclusive, les droits relatifs aux fonds marins et à leur sous-sol doivent être exercés conformément au régime juridique applicable au plateau continental (paragraphe 3 de l’article 56 de la CNUDM), et l’État côtier exerce sur le plateau continental des droits souverains s’agissant de l’exploration et de l’exploitation de ses ressources naturelles (paragraphes 1 et 2 de l’article 77 de la CNUDM). La Cour a affirmé dans son arrêt de 1985 en l’affaire du Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte) que,
« [b]ien que les institutions du plateau continental et de la zone économique exclusive ne se confondent pas, les droits qu’une zone économique exclusive comporte sur les fonds marins de cette zone sont définis par renvoi au régime prévu pour le plateau continental. S’il peut y avoir un plateau continental sans zone économique exclusive, il ne saurait exister de zone économique exclusive sans plateau continental correspondant. » (Arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 33, par. 34.)
71. En ce qui concerne les affaires du Golfe du Bengale, la Cour rappelle que, dans celle opposant le Bangladesh et le Myanmar, le TIDM a délimité les zones de 200 milles marins de deux États adjacents en construisant une ligne d’équidistance provisoire, qu’il a ensuite ajustée. Le tribunal a déterminé que les deux parties avaient droit à un plateau continental étendu et a prolongé le tracé de la ligne d’équidistance au-delà de la limite de 200 milles marins à compter de la côte du Bangladesh (Délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, TIDM Recueil 2012, p. 118, par. 460-462). Le recours à une ligne d’équidistance ajustée a produit une zone cunéiforme de taille limitée située en deçà de 200 milles marins de la côte du Myanmar mais du côté bangladais de la ligne délimitant les plateaux continentaux des parties. Ainsi que le tribunal l’a relevé, cette « zone grise est une conséquence de la délimitation » (ibid., p. 119-120, par. 463 et 472). De même, dans l’affaire entre le Bangladesh et l’Inde, le tribunal arbitral a conclu que les deux parties avaient droit à un plateau continental étendu et a suivi la méthode de l’équidistance ajustée, ce qui a produit une « zone grise » de taille limitée située à la fois dans la zone du plateau continental étendu du Bangladesh et dans la zone de 200 milles marins de l’Inde (Arbitrage entre le Bangladesh et l’Inde concernant la délimitation de la frontière maritime du golfe du Bengale, sentence du 7 juillet 2014, RSA, vol. XXXII, p. 147, par. 498). Chaque tribunal a précisé que, à l’intérieur de la « zone grise », la frontière maritime déterminait les droits des parties sur le plateau continental conformément à l’article 77 de la CNUDM, mais ne limitait pas autrement les droits respectifs du Myanmar et de l’Inde à l’égard de la zone économique exclusive, tels qu’énoncés
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à l’article 56 de la CNUDM, notamment ceux relatifs à la colonne d’eau surjacente. Les deux tribunaux ont souligné qu’il appartenait aux parties de prendre les mesures qu’elles jugeaient appropriées s’agissant des zones maritimes dans lesquelles elles avaient des droits partagés, y compris en concluant de nouveaux accords ou en mettant en place des arrangements de coopération (ibid., p. 148-149, par. 505 et 507-508 ; Délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, TIDM Recueil 2012, p. 121, par. 474-476).
72. Dans les deux affaires du Golfe du Bengale, le recours à une ligne d’équidistance ajustée, dans une délimitation entre deux États adjacents, a donné lieu à une « zone grise », en tant que conséquence fortuite de cet ajustement. Les circonstances dans ces affaires sont distinctes de la situation en l’espèce, dans laquelle un État revendique un plateau continental étendu qui se situe en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un ou de plusieurs autres États. La Cour est d’avis que les décisions précitées ne sont d’aucune aide pour répondre à la première question posée dans la présente affaire.
73. Dans l’affaire relative à la Délimitation maritime dans l’océan Indien (Somalie c. Kenya), la Cour a retenu une ligne d’équidistance ajustée comme frontière maritime unique entre les zones de 200 milles marins des parties. La ligne de délimitation se poursuivait selon ce tracé au-delà de 200 milles marins des lignes de base de chacune des parties. La Cour a fait observer que la délimitation pouvait faire apparaître une zone de taille limitée située en deçà de 200 milles marins de la côte somalienne mais du côté kényan de la frontière. Cependant, contrairement à la situation qui prévalait dans les deux affaires du Golfe du Bengale, elle a considéré que l’existence d’une « zone grise » n’était qu’une éventualité, en fonction de l’étendue des droits du Kenya à un plateau continental étendu. Elle n’a donc pas jugé nécessaire de se prononcer sur le régime juridique qui s’appliquerait dans cette « zone grise » éventuelle (arrêt, C.I.J. Recueil 2021, p. 277, par. 197).
74. La Cour en vient maintenant à certaines considérations relatives au régime gouvernant le plateau continental étendu.
75. La Cour relève que, en droit international coutumier contemporain, il existe un plateau continental unique en ce sens que les droits substantiels d’un État côtier sur son plateau continental sont, de manière générale, les mêmes en deçà et au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base. Cependant, le droit d’un État à un plateau continental en deçà de 200 milles marins de ses lignes de base et son droit à un plateau continental étendu au-delà de 200 milles marins n’ont pas le même fondement. En effet, en droit international coutumier, tel que reflété au paragraphe 1 de l’article 76 de la convention, le droit d’un État au plateau continental est déterminé de deux manières différentes : en deçà de 200 milles marins de sa côte, selon le critère de la distance, et au-delà de 200 milles marins, selon le critère du prolongement naturel, dont les limites extérieures doivent être déterminées sur la base de critères scientifiques et techniques.
76. La Cour note en outre que les conditions de fond et de procédure qui entrent en ligne de compte pour la détermination des limites extérieures du plateau continental au-delà de 200 milles marins étaient le résultat d’un compromis obtenu au cours des dernières sessions de la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer. Il s’agissait d’éviter des empiètements abusifs sur le fond des mers et des océans, ainsi que leur sous-sol, au-delà des limites de la juridiction nationale, considérés comme « le patrimoine commun de l’humanité » et désignés dans la convention comme la « Zone » (paragraphe 1 de l’article premier de la convention). Le texte de l’article 76 de la CNUDM, notamment les règles aux paragraphes 4 à 7, le rôle dévolu à la Commission des limites au paragraphe 8, et l’obligation de remettre des cartes et des renseignements pertinents qui est
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énoncée au paragraphe 9, semble indiquer que les États participant aux négociations considéraient que le plateau continental étendu ne pouvait se prolonger que dans des espaces maritimes qui, autrement, feraient partie de la Zone. À cet égard, la Cour a souligné que le rôle principal de la Commission des limites
« consist[ait] à veiller à ce que le plateau continental d’un État côtier ne dépass[ât] pas les limites prévues aux paragraphes 4, 5 et 6 de l’article 76 de la CNUDM et à éviter ainsi que le plateau continental n’empi[étât] sur la « Zone et ses ressources [qui] sont le patrimoine commun de l’humanité » (article 136 de la CNUDM) » (Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 136, par. 109).
Sur la base de la considération qui précède, le paragraphe 1 de l’article 82 de la convention prévoit que des contributions en espèces ou en nature doivent être acquittées, par l’intermédiaire de l’Autorité internationale des fonds marins, au titre de l’exploitation « des ressources non biologiques du plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale ». Une telle contribution ne servirait pas l’objectif de cette disposition dans le cas où le plateau continental d’un État au-delà de 200 milles marins s’étendrait à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État. En outre, bien que les Parties aient abondamment fait référence aux travaux préparatoires de la CNUDM, il apparaît que la possibilité que le plateau continental étendu d’un État se prolonge en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État n’a pas été débattue pendant la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer.
77. La Cour constate que, dans la pratique, la grande majorité des États parties à la convention ayant déposé des demandes auprès de la Commission des limites ont choisi de ne pas revendiquer un plateau continental étendu dont les limites extérieures se situeraient à moins de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État. La Cour estime que la pratique des États devant la Commission révèle l’existence d’une opinio juris, même si cette pratique a pu être motivée en partie par des considérations autres qu’un sentiment d’obligation juridique. De même, à la connaissance de la Cour, seul un petit nombre d’États ont prétendu, dans leurs demandes, avoir droit à un plateau continental étendu empiétant sur les zones maritimes en deçà de 200 milles marins d’autres États et, dans ces cas, les États concernés se sont opposés à ces demandes. Parmi le petit nombre d’États côtiers non parties à la convention, la Cour n’a connaissance d’aucun cas où l’un d’entre eux aurait revendiqué un plateau continental étendu se prolongeant jusqu’en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État. Prise dans son ensemble, la pratique des États peut être considérée comme suffisamment répandue et uniforme aux fins de l’identification du droit international coutumier. En outre, étant donné son ampleur sur une longue période, cette pratique étatique peut être considérée comme l’expression de l’opinio juris, qui est un élément constitutif du droit international coutumier. En effet, cet élément peut être démontré « par voie d’induction en partant de l’analyse d’une pratique suffisamment étoffée et convaincante » (Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine (Canada/États-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 299, par. 111).
78. La Cour fait observer que le raisonnement précédemment exposé repose sur la relation qui existe entre, d’une part, le plateau continental étendu d’un État et, d’autre part, la zone économique exclusive et le plateau continental jusqu’à 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
79. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que, en droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale ne peut pas s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
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IV. SECONDE QUESTION FORMULÉE DANS L’ORDONNANCE DU 4 OCTOBRE 2022
80. La Cour rappelle que la seconde question qu’elle a formulée dans l’ordonnance du 4 octobre 2022 est ainsi rédigée :
« Quels sont en droit international coutumier les critères sur la base desquels il convient de déterminer les limites du plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale ? À cet égard, les paragraphes 2 à 6 de l’article 76 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer reflètent-ils le droit international coutumier ? »
81. La Cour a conclu, en réponse à la première question, que le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale ne peut pas s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État (voir le paragraphe 79 ci-dessus). Par conséquent, même si un État peut démontrer qu’il a droit à un plateau continental étendu, celui-ci ne peut se prolonger jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
82. Il résulte de la réponse donnée par la Cour à la première question que, quels que soient les critères selon lesquels est établie la limite extérieure du plateau continental étendu auquel un État a droit, ce plateau continental étendu ne peut pas chevaucher la zone du plateau continental qui est située en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État. En l’absence de droits concurrents sur les mêmes espaces maritimes, la Cour ne peut procéder à une délimitation maritime (voir le paragraphe 42 ci-dessus). Dès lors, point n’est besoin pour elle de se prononcer sur la seconde question.
V. EXAMEN DES CONCLUSIONS DU NICARAGUA
83. Sur le fondement de la conclusion à laquelle elle est parvenue précédemment (voir le paragraphe 79), la Cour examinera à présent les demandes contenues dans les conclusions du Nicaragua.
84. À cet égard, la Cour rappelle que le Nicaragua, dans sa requête, lui demande de déterminer « [l]e tracé précis de la frontière maritime entre les portions de plateau continental relevant du Nicaragua et de la Colombie au-delà des limites établies par la Cour dans [l’]arrêt [de] 2012 ». Tout au long de la procédure en l’espèce, le Nicaragua a maintenu que l’objet de sa demande était la délimitation de cette frontière maritime. Lors de la procédure orale, il a expliqué que les conclusions formulées dans son mémoire et dans sa réplique précisaient seulement la demande faite dans sa requête. La Cour estime qu’il convient d’examiner les conclusions du Nicaragua dans ce contexte.
A. La demande contenue dans le premier chef de conclusions du Nicaragua
85. Dans la demande qu’il formule par son premier chef de conclusions, présenté dans le mémoire puis réaffirmé dans la réplique (voir le paragraphe 19 ci-dessus), le Nicaragua propose des coordonnées pour délimiter le plateau continental entre la Colombie et lui-même dans la zone située au-delà de 200 milles marins des lignes de base de sa côte mais en deçà de 200 milles marins des lignes de base de la côte continentale colombienne.
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86. La Cour a conclu que, en droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale ne peut pas s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État (voir le paragraphe 79 ci-dessus). Il en résulte que, indépendamment de toute considération scientifique ou technique, le Nicaragua n’a pas droit à un plateau continental étendu se prolongeant jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes de base de la côte continentale colombienne. Par conséquent, en deçà de 200 milles marins desdites lignes de base, il n’y a pas de zone de droits concurrents à délimiter en l’espèce.
87. Pour ces motifs, la demande contenue dans le premier chef de conclusions du Nicaragua ne peut être accueillie.
B. La demande contenue dans le deuxième chef de conclusions du Nicaragua
88. Dans la demande qu’il formule par son deuxième chef de conclusions, présenté dans le mémoire puis réaffirmé dans la réplique (voir le paragraphe 19 ci-dessus), le Nicaragua propose des coordonnées pour délimiter les zones de plateau continental où, selon lui, le plateau continental étendu auquel il peut prétendre chevauche le plateau continental de 200 milles marins auquel la Colombie peut elle-même prétendre à partir des lignes de base des côtes de San Andrés et de Providencia. Le Nicaragua admet que, en principe, les îles de San Andrés et Providencia ouvrent droit chacune à un plateau continental s’étendant sur 200 milles marins au moins. Il affirme cependant que ces plateaux continentaux ne devraient pas s’étendre à l’est de la limite de 200 milles marins de sa propre zone économique exclusive, parce que ces îles sont de petite taille et que l’arrêt de 2012 leur a déjà attribué des espaces maritimes « [bien] plus que suffisants ».
89. Pour sa part, la Colombie considère que San Andrés et Providencia génèrent des droits à des espaces maritimes dans toutes les directions à partir de leurs lignes de base et que ces espaces s’étendent donc à l’est de la ligne située à 200 milles marins des lignes de base nicaraguayennes. Elle ajoute que la revendication du Nicaragua va à l’encontre de l’arrêt de 2012, en ce sens qu’elle aurait pour résultat de priver ces îles des espaces maritimes auxquels elles ont droit vers l’est.
90. Dans son arrêt de 2012, la Cour avait constaté que les Parties s’accordaient sur les droits potentiels de San Andrés, Providencia et Santa Catalina à des espaces maritimes, en particulier sur le fait que ces îles « engendr[ai]ent des droits à une mer territoriale, à une zone économique exclusive et à un plateau continental » (C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 686, par. 168). Elle avait ajouté que « [c]es espaces maritimes p[ouvai]ent, en théorie, s’étendre dans toutes les directions sur une distance de 200 milles marins » et, en particulier, s’étendre vers l’est jusqu’à une zone située « au-delà de la limite de 200 milles marins [à partir des] lignes de base nicaraguayennes » (ibid., p. 686 et 688, par. 168 ; voir aussi ibid., p. 716, par. 244). En la présente espèce, le Nicaragua fait valoir que cette zone se trouve dans celle de son plateau continental étendu.
91. La Cour relève que les espaces maritimes auxquels ont droit San Andrés et Providencia s’étendent vers l’est au-delà de 200 milles marins des lignes de base du Nicaragua et donc dans la zone où celui-ci revendique un plateau continental étendu. Or, elle a conclu que, en droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale ne peut pas s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État (voir le paragraphe 79
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ci-dessus). Il en résulte que le Nicaragua n’a pas droit à un plateau continental étendu se prolongeant jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes de base de San Andrés et de Providencia. Par conséquent, en deçà de 200 milles marins desdites lignes de base, il n’y a pas de zone de droits concurrents à délimiter en l’espèce.
92. Pour ces motifs, la demande contenue dans le deuxième chef de conclusions du Nicaragua ne peut être accueillie.
C. La demande contenue dans le troisième chef de conclusions du Nicaragua
93. La demande contenue dans le troisième chef de conclusions du Nicaragua, tel qu’il est présenté dans la réplique (voir le paragraphe 19 ci-dessus), concerne les droits à des espaces maritimes générés par Serranilla, Bajo Nuevo et Serrana. Plus précisément, le Nicaragua prie la Cour de dire que « Serranilla et Bajo Nuevo sont enclavées et bénéficient chacune d’une mer territoriale de 12 milles marins, et [que] Serrana est enclavée, ainsi que la Cour en a décidé dans son arrêt de novembre 2012 ».
94. À l’appui de cette demande, le Nicaragua invoque la conclusion de la Cour, dans l’arrêt de 2012, selon laquelle le régime juridique applicable aux îles tel que défini à l’article 121 de la CNUDM forme un tout indivisible, qui fait intégralement partie du droit international coutumier (C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 674, par. 139). Conformément à ce régime, si une île est considérée comme un rocher ne se prêtant pas à l’habitation humaine ou à une vie économique propre, elle n’aura pas de zone économique exclusive ni de plateau continental.
95. Le Nicaragua soutient que, sur ce fondement, Serranilla et Bajo Nuevo ne peuvent pas prétendre à une zone économique exclusive ou à un plateau continental. Quant à Serrana, il relève qu’elle a été enclavée par l’arrêt de 2012 et que, en tout état de cause, c’est un rocher qui ne peut se prêter à l’habitation humaine ou à une vie économique propre. De l’avis du Nicaragua, Serrana ne peut donc générer des droits à une zone économique exclusive ou à un plateau continental.
96. La Colombie maintient que les trois formations maritimes, en tant qu’îles de l’archipel de San Andrés se prêtant à l’habitation humaine ou à une vie économique propre, ont droit chacune à une zone économique exclusive et au plateau continental « correspondant » jusqu’à 200 milles marins, pouvant s’étendre à l’est de la ligne située à 200 milles marins des lignes de base nicaraguayennes.
97. La Cour rappelle que, dans son arrêt de 2012, elle a conclu que la Colombie détient la souveraineté sur les îles de Serranilla, Bajo Nuevo et Serrana (C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 718, point 1 du par. 251). Elle note aussi que, par la demande qu’il a présentée dans sa requête, telle qu’il l’a ensuite précisée dans ses écritures, le Nicaragua sollicitait la délimitation de la frontière maritime entre les portions de plateau continental relevant de chacune des Parties au-delà des limites établies par la Cour dans l’arrêt de 2012. Aussi faut-il comprendre le troisième chef de conclusions du Nicaragua, dont celui-ci a dit qu’il venait préciser la demande de délimitation contenue dans sa requête (voir le paragraphe 84 ci-dessus), comme demandant une conclusion précise quant à l’effet qu’auraient, le cas échéant, les droits à des espaces maritimes générés par Serranilla, Bajo Nuevo et Serrana sur toute délimitation maritime entre les Parties.
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98. Dans son arrêt de 2012, la Cour avait conclu qu’elle n’avait pas à se prononcer sur la portée des droits à des espaces maritimes générés par Serranilla et Bajo Nuevo, car ces formations se trouvaient en dehors de la zone de délimitation définie dans l’arrêt (C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 689, par. 175).
99. La Cour relève deux possibilités en ce qui concerne les droits maritimes que peuvent générer Serranilla et Bajo Nuevo. Si ces formations ont droit chacune à une zone économique exclusive et à un plateau continental, alors, selon la conclusion à laquelle la Cour est parvenue précédemment (voir le paragraphe 79), le plateau continental étendu que revendique le Nicaragua ne peut pas se prolonger jusqu’à l’intérieur des espaces maritimes auxquels ces îles peuvent prétendre sur 200 milles marins. Si, à l’inverse, Serranilla ou Bajo Nuevo n’ont pas droit à une zone économique exclusive ou à un plateau continental, alors elles ne génèrent aucun droit maritime dans la zone où le Nicaragua revendique un plateau continental étendu. Dans l’un ou l’autre cas, compte tenu de la conclusion de la Cour concernant la première question (voir le paragraphe 79 ci-dessus), en deçà de 200 milles marins des lignes de base de Serranilla et Bajo Nuevo, il ne peut y avoir de zone de droits concurrents à un plateau continental qui requière une délimitation en la présente instance.
100. La Cour considère donc qu’il n’est point besoin pour elle de déterminer la portée des droits de Serranilla et Bajo Nuevo à des espaces maritimes pour régler le différend soumis par le Nicaragua dans sa requête.
101. La Cour rappelle en outre avoir déjà déterminé dans l’arrêt de 2012 l’effet produit par les droits de Serrana à des espaces maritimes. Après avoir conclu que Serrana ouvrait droit à une mer territoriale, elle avait dit que,
« [c]ompte tenu de sa petite taille, de son éloignement et d’autres caractéristiques, il conv[enait] en tout état de cause, pour parvenir à un résultat équitable, que la ligne frontière suiv[ît] la limite extérieure de la mer territoriale entourant cette île. La frontière suivra[it] donc l’enveloppe d’arcs tracée à 12 milles marins de la caye de Serrana et des autres cayes avoisinantes. » (C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 715, par. 238.)
Dans le dispositif de cet arrêt, la Cour avait décidé que, autour de Serrana, la frontière maritime entre les Parties suivrait une enveloppe d’arcs à une distance de 12 milles marins mesurée à partir de la caye de Serrana et des cayes avoisinantes (ibid., p. 718, point 5 du par. 251). L’effet produit par les droits de Serrana à des espaces maritimes ayant été déterminé de manière définitive dans l’arrêt de 2012, point n’est besoin pour la Cour de le confirmer en la présente espèce.
102. Pour ces motifs, la demande contenue dans le troisième chef de conclusions du Nicaragua ne peut être accueillie.
*
- 34 -
103. Compte tenu de ce qui précède, point n’est besoin pour la Cour de fixer un calendrier pour la poursuite de la procédure en l’affaire, comme le Nicaragua l’en a priée dans ses conclusions lors de la procédure orale.
*
* *
104. Par ces motifs,
LA COUR,
1) Par treize voix contre quatre,
Rejette la demande par laquelle la République du Nicaragua la prie de dire et juger que sa frontière maritime avec la République de Colombie, dans les zones du plateau continental qui, selon la République du Nicaragua, reviennent à chacune au-delà de la frontière fixée par la Cour dans son arrêt du 19 novembre 2012, suit des lignes géodésiques reliant les points 1 à 8 dont les coordonnées figurent au paragraphe 19 ci-dessus ;
POUR : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ; MM. Abraham, Bennouna, Yusuf, Mmes Xue, Sebutinde, MM. Bhandari, Salam, Iwasawa, Nolte, Brant, juges ; M. McRae, juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Tomka, Robinson, Mme Charlesworth, juges ; M. Skotnikov, juge ad hoc ;
2) Par treize voix contre quatre,
Rejette la demande par laquelle la République du Nicaragua la prie de dire et juger que les îles de San Andrés et Providencia ont droit à un plateau continental jusqu’à une ligne constituée d’arcs de 200 milles marins partant des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale et reliant les points A, C et B dont les coordonnées figurent au paragraphe 19 ci-dessus ;
POUR : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ; MM. Abraham, Bennouna, Yusuf, Mmes Xue, Sebutinde, MM. Bhandari, Salam, Iwasawa, Nolte, Brant, juges ; M. McRae, juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Tomka, Robinson, Mme Charlesworth, juges ; M. Skotnikov, juge ad hoc ;
3) Par douze voix contre cinq,
Rejette la demande de la République du Nicaragua portant sur les droits à des espaces maritimes générés par Serranilla et Bajo Nuevo.
POUR : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ; MM. Abraham, Bennouna, Yusuf, Mmes Xue, Sebutinde, MM. Bhandari, Salam, Iwasawa, Brant, juges ; M. McRae, juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Tomka, Robinson, Nolte, Mme Charlesworth, juges ; M. Skotnikov, juge ad hoc.
- 35 -
Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au Palais de la Paix, à La Haye, le treize juillet deux mille vingt-trois, en trois exemplaires, dont l’un restera déposé aux archives de la Cour et les autres seront transmis respectivement au Gouvernement de la République du Nicaragua et au Gouvernement de la République de Colombie.
La présidente,
(Signé) Joan E. DONOGHUE.
Le greffier,
(Signé) Philippe GAUTIER.
M. le juge TOMKA joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente ; Mme la juge XUE joint à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle ; M. le juge BHANDARI joint une déclaration à l’arrêt ; M. le juge ROBINSON joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente ; MM. les juges IWASAWA et NOLTE joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion individuelle ; Mme la juge CHARLESWORTH joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente ; M. le juge ad hoc SKOTNIKOV joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente.
(Paraphé) J.E.D.
(Paraphé) Ph.G.
___________

Bilingual Content

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES
QUESTION DE LA DÉLIMITATION
DU PLATEAU CONTINENTAL
ENTRE LE NICARAGUA ET LA COLOMBIE
AU‑DELÀ DE 200 MILLES MARINS
DE LA CÔTE NICARAGUAYENNE
(NICARAGUA c. COLOMBIE)
ARRÊT DU 13 JUILLET 2023
INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE
REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS
QUESTION OF THE DELIMITATION
OF THE CONTINENTAL SHELF
BETWEEN NICARAGUA AND COLOMBIA
BEYOND 200 NAUTICAL MILES
FROM THE NICARAGUAN COAST
(NICARAGUA v. COLOMBIA)
JUDGMENT OF 13 JULY 2023
2023
© 2024 ICJ/CIJ, United Nations/Nations Unies
All rights reserved/Tous droits réservés
printed in france/imprimé en france
Mode officiel de citation :
Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua
et la Colombie au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne
(Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2023, p. 413
Official citation:
Question of the Delimitation of the Continental Shelf between Nicaragua
and Colombia beyond 200 Nautical Miles from the Nicaraguan Coast
(Nicaragua v. Colombia), Judgment, I.C.J. Reports 2023, p. 413
ISSN 0074-4441
ISBN 978-92-1-003216-2
e-ISBN 978-92-1-106624-1
Sales number
No de vente : 1290
QUESTION DE LA DÉLIMITATION
DU PLATEAU CONTINENTAL
ENTRE LE NICARAGUA ET LA COLOMBIE
AU-DELÀ DE 200 MILLES MARINS
DE LA CÔTE NICARAGUAYENNE
(NICARAGUA c. COLOMBIE)
QUESTION OF THE DELIMITATION
OF THE CONTINENTAL SHELF
BETWEEN NICARAGUA AND COLOMBIA
BEYOND 200 NAUTICAL MILES
FROM THE NICARAGUAN COAST
(NICARAGUA v. COLOMBIA)
13 JUILLET 2023
ARRÊT
13 JULY 2023
JUDGMENT
413
TABLE OF CONTENTS
Paragraphs
Chronology of the Procedure 1-20
I. General Background 21-26
II. Overview of the Parties’ Positions 27-34
III. First Question Formulated in the Order of 4 October
2022 35-79
A. The preliminary character of the first question
B. The customary international law applicable to the maritime
areas at issue
C. Under customary international law, may a State’s entitlement
to a continental shelf beyond 200 nautical miles from the
baselines from which the breadth of its territorial sea is
measured extend within 200 nautical miles from the
baselines of another State?
37-45
46-53
54-79
IV. Second Question Formulated in the Order of 4 October
2022
80-82
V. Consideration of Nicaragua’s Submissions 83-103
A. The request contained in the first submission made by
Nicaragua
B. The request contained in the second submission made by
Nicaragua
C. The request contained in the third submission made by
Nicaragua
85-87
88-92
93-102
Operative Clause 104
 413
TABLE DES MATIÈRES
Paragraphes
Qualités 1-20
I. Contexte général 21-26
II. Vue d’ensemble des positions des Parties 27-34
III. Première question formulée dans l’ordonnance du
4 octobre 2022 35-79
A. Le caractère préalable de la première question
B. Le droit international coutumier applicable aux espaces
maritimes en cause
C. En droit international coutumier, le droit d’un État à un
plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes
de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer
territoriale peut-il s’étendre à des espaces maritimes en deçà
de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État ?
37-45
46-53
54-79
IV. Seconde question formulée dans l’ordonnance du
4 octobre 2022
80-82
V. Examen des conclusions du Nicaragua 83-103
A. La demande contenue dans le premier chef de conclusions
du Nicaragua
B. La demande contenue dans le deuxième chef de conclusions
du Nicaragua
C. La demande contenue dans le troisième chef de conclusions
du Nicaragua
85-87
88-92
93-102
Dispositif 104
414
INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE
YEAR 2023
13 July 2023
QUESTION OF THE DELIMITATION
OF THE CONTINENTAL SHELF
BETWEEN NICARAGUA AND COLOMBIA
BEYOND 200 NAUTICAL MILES
FROM THE NICARAGUAN COAST
(NICARAGUA v. COLOMBIA)
General background — Geography — The Court’s 2012 Judgment in
Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia) delimiting the
Parties’ continental shelves and exclusive economic zones up to a
200-nautical-mile limit from Nicaragua’s coast — Application filed by
Nicaragua on 16 September 2013 — Request to determine maritime
boundary in areas of continental shelf beyond the boundaries determined
in 2012 Judgment — Delimitation lines proposed by Nicaragua in its written
pleadings — The Court’s Order of 4 October 2022 — Certain questions of
law to be decided first.
*
First question formulated in the Order of 4 October 2022 — Whether a
State’s entitlement to a continental shelf beyond 200 nautical miles from its
baselines may extend within 200 nautical miles from the baselines of another
State — Determination of the existence of overlapping entitlements as a first
step in any maritime delimitation — Preliminary character of the first
question — Must be answered to ascertain whether the Court may proceed
to the delimitation requested by Nicaragua.
2023
13 July
General List
No. 154
414
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
ANNÉE 2023
13 juillet 2023
QUESTION DE LA DÉLIMITATION
DU PLATEAU CONTINENTAL
ENTRE LE NICARAGUA ET LA COLOMBIE
AU-DELÀ DE 200 MILLES MARINS
DE LA CÔTE NICARAGUAYENNE
(NICARAGUA c. COLOMBIE)
Contexte général — Géographie — Arrêt rendu par la Cour en 2012
en l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie)
portant
délimitation du plateau continental et de la zone économique
exclusive de chaque Partie jusqu’à la limite située à 200 milles marins
de la côte nicaraguayenne — Requête déposée par le Nicaragua le
16 septembre 2013 — Demande de délimitation de la frontière maritime
dans les zones du plateau continental au-delà des limites établies
dans l’arrêt de 2012 — Lignes de délimitation proposées par le Nicaragua
dans ses écritures — Ordonnance rendue par la Cour le 4 octobre
2022 — Nécessité de trancher d’abord certaines questions de droit.
*
Première question formulée dans l’ordonnance du 4 octobre 2022 —
Question de savoir si le droit d’un État à un plateau continental audelà
de 200 milles marins de ses lignes de base peut s’étendre à des
espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base
d’un autre État — Détermination de l’existence de droits concurrents
comme première étape dans toute délimitation maritime — Caractère
préalable de la première question — Nécessité d’y répondre pour savoir
s’il y a lieu pour la Cour de procéder à la délimitation demandée
par le Nicaragua.
2023
13 juillet
Rôle général
no 154
415 delimitation of the continental shelf (judgment)
Customary international law applicable to the maritime areas at issue —
Nicaragua is a party to the United Nations Convention on the Law of the
Sea (“UNCLOS”), Colombia is not — Drawing up of UNCLOS at the
Third United Nations Conference on the Law of the Sea (the “Conference”)
— State practice taken into account during the drafting of
UNCLOS — Method of negotiation of UNCLOS — Comprehensive and
integrated text forming a package deal — Relationship between Part V
of UNCLOS on the exclusive economic zone and Part VI on the continental
shelf specified in Article 56, paragraph 3, of UNCLOS — Article 56 of
UNCLOS reflects customary rules on rights and duties in the exclusive
economic zone — Definition of continental shelf in Article 76, paragraph 1,
of UNCLOS forms part of customary international law.
Legal régime governing the exclusive economic zone set out in UNCLOS
result of a compromise reached at the Conference — Articles 56, 58, 61, 62
and 73 of UNCLOS on rights and duties of coastal States and other States
in the exclusive economic zone reflect customary international law —
Interrelated nature of legal régimes that govern the exclusive economic
zone and continental shelf within 200 nautical miles from a State’s
baselines — There cannot be an exclusive economic zone without a
corresponding continental shelf — Question of “grey area” — Incidental
result of adjustment of equidistance line — Circumstances in Bay of
Bengal cases distinct from situation in the present case — Criteria
for determining outer limits of the continental shelf beyond 200 nautical
miles were the result of a compromise reached during the final sessions
of the Conference — Aim to avoid undue encroachment on maritime
areas beyond the limits of national jurisdiction (the “Area”) — Text of
Article 76 of UNCLOS suggests that States participating in negotiations
assumed that extended continental shelf would only extend into
maritime areas that would otherwise be located in the Area — Payments
in respect of exploitation of the non-living resources of the continental
shelf beyond 200 nautical miles — Possibility of one State’s extended continental
shelf extending within 200 nautical miles from the baselines
of another State apparently not debated during the Conference — Vast
majority of States parties to UNCLOS that have made submissions to
the Commission on the Limits of the Continental Shelf (“CLCS”) have
not asserted limits that extend within 200 nautical miles of the baselines
of another State — Practice of States before the CLCS is indicative
of opinio juris — Objections where States have asserted a right to an
extended continental shelf encroaching on maritime areas within
200 nautical miles of other States — Practice of States sufficiently
widespread and uniform — This State practice may be seen as an
expression of opinio juris — Under customary international law, a
State’s entitlement to a continental shelf beyond 200 nautical miles
délimitation du plateau continental (arrêt) 415
Droit international coutumier applicable aux espaces maritimes en
cause — Nicaragua étant partie à la convention des Nations Unies sur le
droit de la mer (la « CNUDM ») mais pas la Colombie — Élaboration de la
CNUDM à la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la
mer (la « conférence ») — Prise en considération de la pratique des États
dans la rédaction de la CNUDM — Méthode de négociation de la
CNUDM — Texte exhaustif et intégré formant un compromis global —
Relation entre la partie V, relative à la zone économique exclusive, et la
partie VI, relative au plateau continental, étant précisée au paragraphe 3 de
l’article 56 de la CNUDM — Article 56 de la CNUDM reflétant les règles
coutumières relatives aux droits et obligations dans la zone économique
exclusive — Définition du plateau continental au paragraphe 1 de l’article
76 de la CNUDM faisant partie du droit international coutumier.
Régime juridique gouvernant la zone économique exclusive tel que défini
dans la CNUDM résultant d’un compromis obtenu pendant la conférence —
Articles 56, 58, 61, 62 et 73 de la CNUDM relatifs aux droits et obligations
des États côtiers et des autres États dans la zone économique exclusive
reflétant le droit international coutumier — Interrelation des régimes juridiques
gouvernant respectivement la zone économique exclusive et le
plateau continental en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un
État — Zone économique exclusive ne pouvant exister sans plateau continental
correspondant — Question de la « zone grise » — Conséquence
fortuite de l’ajustement de la ligne d’équidistance — Circonstances dans les
affaires du Golfe du Bengale différant de celles de la présente instance —
Critères servant à déterminer les limites extérieures du plateau continental
au-delà de 200 milles marins résultant d’un compromis obtenu au cours des
dernières sessions de la conférence — Objectif étant d’éviter les empiétements
abusifs sur les espaces maritimes situés au-delà des limites des
juridictions nationales (la « Zone ») — Texte de l’article 76 de la CNUDM
semblant indiquer que les États participant aux négociations considéraient
que le plateau continental étendu ne pouvait se prolonger que dans des
espaces maritimes qui, autrement, feraient partie de la Zone — Contributions
en espèces au titre de l’exploitation des ressources non biologiques
du plateau continental au-delà de 200 milles marins — Conférence n’ayant
apparemment pas débattu la possibilité que le plateau continental étendu
d’un État se prolonge en deçà de 200 milles marins des lignes de base
d’un autre État — Grande majorité des États parties à la CNUDM ayant
déposé des demandes auprès de la Commission des limites du plateau continental
(la « Commission ») n’ayant pas revendiqué un plateau continental
étendu dont les limites se situeraient à moins de 200 milles marins des lignes
de base d’un autre État — Pratique des États devant la Commission révélant
l’existence d’une opinio juris — Opposition aux demandes des États
revendiquant un plateau continental étendu empiétant sur les zones maritimes
d’autres États en deçà de 200 milles marins — Pratique des États
416 delimitation of the continental shelf (judgment)
from its baselines may not extend within 200 nautical miles from the
baselines of another State.
*
Second question formulated in the Order of 4 October 2022 — Identification
of the criteria under customary international law for the
determination of the limit of the continental shelf beyond 200 nautical
miles of a State’s baselines and question whether paragraphs 2 to 6 of
Article 76 of UNCLOS reflect customary international law — No need for
the Court to address the second question in light of the answer to the first
question.
*
Consideration of Nicaragua’s submissions made in its written pleadings.
Request contained in Nicaragua’s first submission — Nicaragua proposes
co-ordinates for the continental shelf boundary in the area beyond
200 nautical miles from its baselines but within 200 nautical miles from
Colombia’s baselines — Nicaragua not entitled to an extended continental
shelf within 200 nautical miles from the baselines of Colombia’s mainland
coast — No area of overlapping entitlement to be delimited — Request
contained in Nicaragua’s first submission cannot be upheld.
Request contained in Nicaragua’s second submission — Nicaragua’s contention
that maritime entitlements of San Andrés, Providencia and Santa
Catalina should not extend east of the 200-nautical-mile limit of its exclusive
economic zone — Nicaragua not entitled to an extended continental
shelf within 200 nautical miles from the baselines of San Andrés and Providencia
— No area of overlapping entitlement to be delimited — Request
contained in Nicaragua’s second submission cannot be upheld.
Request contained in Nicaragua’s third submission — Effect, if any, of
the maritime entitlements of Serranilla, Bajo Nuevo and Serrana on any
maritime delimitation between the Parties — Two possibilities regarding
Serranilla and Bajo Nuevo — Either they are entitled to exclusive economic
zones and continental shelves, or they are not — In either case, no area
of overlapping entitlement to be delimited — Effect of Serrana’s maritime
entitlements determined conclusively in the 2012 Judgment — Request
contained in Nicaragua’s third submission cannot be upheld.
délimitation du plateau continental (arrêt) 416
suffisamment répandue et uniforme — Telle pratique pouvant être considérée
comme l’expression de l’opinio juris — En droit international coutumier,
droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins de
ses lignes de base ne pouvant pas s’étendre à des espaces maritimes
en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
*
Seconde question formulée dans l’ordonnance du 4 octobre 2022 —
Critères établis en droit international coutumier pour déterminer la
limite du plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes
de base d’un État et question de savoir si les paragraphes 2 à 6 de
l’article 76 de la CNUDM reflètent le droit international coutumier —
Nul besoin pour la Cour de se prononcer sur la seconde question
étant donné sa réponse à la première.
*
Examen des conclusions présentées par le Nicaragua dans ses écritures.
Demande contenue dans le premier chef de conclusions du Nicaragua —
Coordonnées proposées par le Nicaragua pour délimiter le plateau
continental dans la zone située au-delà de 200 milles marins de ses
lignes de base mais en deçà de 200 milles marins des lignes de base
de la Colombie — Nicaragua n’ayant pas droit à un plateau continental
étendu se prolongeant jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes
de base de la côte continentale colombienne — Absence de zone de
droits concurrents à délimiter — Demande contenue dans le premier
chef de conclusions du Nicaragua ne pouvant être accueillie.
Demande contenue dans le deuxième chef de conclusions du Nicaragua
— Espaces maritimes revenant à San Andrés, Providencia et
Santa Catalina ne devant pas s’étendre, selon le Nicaragua, à l’est de la
limite de 200 milles marins de la zone économique exclusive nicaraguayenne
— Nicaragua n’ayant pas droit à un plateau continental étendu
se prolongeant jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes de base
de San Andrés et de Providencia — Absence de zone de droits concurrents
à délimiter — Demande contenue dans le deuxième chef de conclusions
du Nicaragua ne pouvant être accueillie.
Demande contenue dans le troisième chef de conclusions du Nicaragua
— Effet éventuel des droits à des espaces maritimes générés par
Serranilla, Bajo Nuevo et Serrana sur toute délimitation maritime entre
les Parties — Deux possibilités concernant Serranilla et Bajo Nuevo —
Droits à une zone économique exclusive et à un plateau continental ou
absence de tels droits — Dans l’un ou l’autre cas, absence de zone de
droits concurrents à délimiter — Effet produit par les droits de Serrana
à des espaces maritimes ayant été déterminé de manière définitive
dans l’arrêt de 2012 — Demande contenue dans le troisième chef de
conclusions du Nicaragua ne pouvant être accueillie.
417 delimitation of the continental shelf (judgment)
JUDGMENT
Present: President Donoghue; Vice-President Gevorgian; Judges Tomka,
Abraham, Bennouna, Yusuf, Xue, Sebutinde, Bhandari,
Robinson, Salam, Iwasawa, Nolte, Charlesworth, Brant;
Judges ad hoc McRae, Skotnikov; Registrar Gautier.
In the case concerning the question of the delimitation of the continental
shelf between Nicaragua and Colombia beyond 200 nautical miles from the
Nicaraguan coast,
between
the Republic of Nicaragua,
represented by
HE Mr Carlos José Argüello Gómez, Permanent Representative of the
Republic of Nicaragua to the international organizations based in the
Kingdom of the Netherlands, member of the International Law
Commission,
as Agent and Counsel;
Mr Alex Oude Elferink, Director, Netherlands Institute for the Law of the
Sea, Professor of International Law of the Sea at Utrecht University,
Mr Vaughan Lowe, KC, Emeritus Chichele Professor of Public International
Law, University of Oxford, member of the Institut de droit
international, member of the Bar of England and Wales,
Mr Alain Pellet, Emeritus Professor of the University Paris Nanterre,
former
chairman of the International Law Commission, President of the
Institut de droit international,
as Counsel and Advocates;
Ms Claudia Loza Obregon, Legal Adviser, Ministry of Foreign Affairs of
the Republic of Nicaragua,
Mr Benjamin Samson, Centre de droit international de Nanterre (CEDIN),
University Paris Nanterre,
as Assistant Counsel;
Mr Robin Cleverly, MA, DPhil, CGeol, FGS, Law of the Sea Consultant,
Marbdy Consulting Ltd,
as Scientific and Technical Adviser;
Ms Sherly Noguera de Argüello, Consul General of the Republic of
Nicaragua,
as Administrator,
délimitation du plateau continental (arrêt) 417
ARRÊT
Présents : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ;
MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Yusuf, Mmes Xue,
Sebutinde, MM. Bhandari, Robinson, Salam, Iwasawa,
Nolte, Mme Charlesworth, M. Brant, juges ; MM. McRae,
Skotnikov, juges ad hoc ; M. Gautier, greffier.
En l’affaire relative à la question de la délimitation du plateau continental
entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins de la côte
nicaraguayenne,
entre
la République du Nicaragua,
représentée par
S. Exc. M. Carlos José Argüello Gómez, représentant permanent de la
République du Nicaragua auprès des organisations internationales au
Royaume des Pays-Bas, membre de la Commission du droit international,
comme agent et conseil ;
M. Alex Oude Elferink, directeur de l’Institut néerlandais du droit de la
mer, professeur de droit international de la mer à l’Université d’Utrecht,
M. Vaughan Lowe, KC, professeur émérite de droit international public
(chaire Chichele) à l’Université d’Oxford, membre de l’Institut de droit
international, membre du barreau d’Angleterre et du pays de Galles,
M. Alain Pellet, professeur émérite de l’Université Paris Nanterre, ancien
président de la Commission du droit international, président de l’Institut
de droit international,
comme conseils et avocats ;
Mme Claudia Loza Obregon, conseillère juridique au ministère des affaires
étrangères de la République du Nicaragua,
M. Benjamin Samson, Centre de droit international de Nanterre (CEDIN),
Université Paris Nanterre,
comme conseils adjoints ;
M. Robin Cleverly, MA, DPhil, CGeol, FGS, consultant en droit de la mer,
Marbdy Consulting Ltd,
comme conseiller scientifique et technique ;
Mme Sherly Noguera de Argüello, consule générale de la République du
Nicaragua,
comme administratrice,
418 delimitation of the continental shelf (judgment)
and
the Republic of Colombia,
represented by
HE Mr Eduardo Valencia-Ospina, former Registrar and Deputy-Registrar
of the International Court of Justice, former member, Special Rapporteur
and Chairman of the International Law Commission,
as Agent and Counsel;
HE Ms Carolina Olarte-Bácares, Dean of the School of Law at the Pontificia
Universidad Javeriana, member of the Permanent Court of
Arbitration, Ambassador of the Republic of Colombia to the Kingdom of
the Netherlands,
HE Ms Elizabeth Taylor Jay, former Ambassador of the Republic of
Colombia to the Republic of Kenya, former Permanent Representative
of the Republic of Colombia to the United Nations Environment Programme
and the United Nations Human Settlements Programme,
as Co-Agents;
HE Mr Álvaro Leyva Durán, Minister for Foreign Affairs of the Republic
of Colombia,
HE Mr Everth Hawkins Sjogreen, Governor of San Andrés, Providencia
and Santa Catalina, Republic of Colombia,
as National Authorities;
Mr W. Michael Reisman, Myres S. McDougal Professor Emeritus of
International
Law, Yale University, member of the Institut de droit
international,
Sir Michael Wood, KCMG, KC, former member of the International Law
Commission, member of the Bar of England and Wales,
Mr Rodman R. Bundy, former avocat à la Cour d’appel de Paris, member
of the Bar of the State of New York, partner at Squire Patton Boggs LLP,
Singapore,
Mr Jean-Marc Thouvenin, Professor at the University Paris Nanterre,
Secretary-General of the Hague Academy of International Law, associate
member of the Institut de droit international, member of the Paris
Bar, Sygna Partners,
Ms Laurence Boisson de Chazournes, Professor of International Law
and International Organization at the University of Geneva, Professor at
the Collège de France (2022-2023), member of the Institut de droit
international,
Mr Lorenzo Palestini, Lecturer at the Graduate Institute of International
and Development Studies and at the University of Geneva,
as Counsel and Advocates;
délimitation du plateau continental (arrêt) 418
et
la République de Colombie,
représentée par
S. Exc. M. Eduardo Valencia-Ospina, ancien greffier et ancien greffier
adjoint de la Cour internationale de Justice, ancien membre, rapporteur
spécial et président de la Commission du droit international,
comme agent et conseil ;
S. Exc. Mme Carolina Olarte-Bácares, doyenne de la faculté de droit de la
Pontificia Universidad Javeriana, membre de la Cour permanente d’arbitrage,
ambassadrice de la République de Colombie auprès du Royaume
des Pays-Bas,
S. Exc. Mme Elizabeth Taylor Jay, ancienne ambassadrice de la République
de Colombie auprès de la République du Kenya et ancienne représentante
permanente de la République de Colombie auprès du Programme
des Nations Unies pour l’environnement et du Programme des Nations
Unies pour les établissements humains,
comme coagentes ;
S. Exc. M. Álvaro Leyva Durán, ministre des affaires étrangères de la
République de Colombie,
S. Exc. M. Everth Hawkins Sjogreen, gouverneur de San Andrés, Providencia
et Santa Catalina, République de Colombie,
comme autorités nationales ;
M. W. Michael Reisman, professeur émérite de droit international (chaire
Myres S. McDougal) à l’Université de Yale, membre de l’Institut de
droit international,
Sir Michael Wood, KCMG, KC, ancien membre de la Commission du droit
international, membre du barreau d’Angleterre et du pays de Galles,
M. Rodman R. Bundy, ancien avocat à la cour d’appel de Paris, membre du
barreau de l’État de New York, associé au cabinet Squire Patton Boggs
LLP (Singapour),
M. Jean-Marc Thouvenin, professeur à l’Université Paris Nanterre, secrétaire
général de l’Académie de droit international de La Haye, membre
associé de l’Institut de droit international, membre du barreau de Paris,
cabinet Sygna Partners,
Mme Laurence Boisson de Chazournes, professeure de droit international
et organisation internationale à l’Université de Genève, professeure au
Collège de France (2022-2023), membre de l’Institut de droit international,
M. Lorenzo Palestini, chargé d’enseignement à l’Institut de hautes études
internationales et du développement et à l’Université de Genève,
comme conseils et avocats ;
419 delimitation of the continental shelf (judgment)
Mr Andrés Villegas Jaramillo, Co-ordinator, Group of Affairs before
the International Court of Justice at the Ministry of Foreign Affairs
of the Republic of Colombia, associate of the Instituto Hispano-
Luso-Americano de Derecho Internacional,
Mr Makane Moïse Mbengue, Professor at the University of Geneva,
Director of the Department of Public International Law and International
Organization, associate member of the Institut de droit international,
Mr Eran Sthoeger, Esq., Adjunct Professor of International Law at Brooklyn
Law School and Seton Hall Law School, member of the Bar of the
State of New York,
Mr Alvin Yap, Advocate and Solicitor of the Supreme Court of Singapore,
Squire Patton Boggs LLP, Singapore,
Mr Gershon Hasin, Visiting Lecturer in Law at Yale University,
Mr Gabriel Cifuentes, adviser to the Minister for Foreign Affairs of the
Republic of Colombia,
as Counsel;
Ms Jenny Bowie Wilches, First Secretary, Embassy of the Republic of
Colombia in the Kingdom of the Netherlands,
Ms Viviana Andrea Medina Cruz, Second Secretary, Embassy of
the Republic of Colombia in the Kingdom of the Netherlands,
Mr Raúl Alfonso Simancas Gómez, Third Secretary, Embassy of the
Republic of Colombia in the Kingdom of the Netherlands,
Mr Oscar Casallas Méndez, Third Secretary, Group of Affairs before the
International Court of Justice,
Mr Carlos Colmenares Castro, Third Secretary, Group of Affairs before
the International Court of Justice,
as representatives of the Ministry of Foreign Affairs of the Republic of
Colombia;
Rear Admiral Ernesto Segovia Forero, Chief of Naval Operations,
CN Hermann León, Delegate of Colombia to the International Maritime
Organization,
CN William Pedroza, National Navy of Colombia, Director of Maritime
and Fluvial Interests Office,
as representatives of the Navy of the Republic of Colombia;
Mr Lindsay Parson, Geologist, Director of Maritime Zone Solutions Ltd,
United Kingdom, former member and Chair of the United Nations
International Seabed Authority’s Legal and Technical Commission,
Mr Peter Croker, Geophysicist, Consultant at The M Horizon (United
Kingdom) Ltd, former Chair of the United Nations Commission on the
Limits of the Continental Shelf,
délimitation du plateau continental (arrêt) 419
M. Andrés Villegas Jaramillo, coordonnateur du groupe chargé des
affaires portées devant la Cour internationale de Justice au sein du
ministère des affaires étrangères de la République de Colombie, membre
associé de l’Instituto Hispano-Luso-Americano de Derecho Internacional,
M. Makane Moïse Mbengue, professeur à l’Université de Genève, directeur
du département de droit international public et organisation
internationale, membre associé de l’Institut de droit international,
M. Eran Sthoeger, Esq., professeur adjoint de droit international à la
Brooklyn Law School et à la Seton Hall Law School, membre du barreau
de l’État de New York,
M. Alvin Yap, avocat et solicitor à la Cour suprême de Singapour, cabinet
Squire Patton Boggs LLP (Singapour),
M. Gershon Hasin, chargé d’enseignement en droit invité à l’Université
de Yale,
M. Gabriel Cifuentes, conseiller auprès du ministre des affaires étrangères
de la République de Colombie,
comme conseils ;
Mme Jenny Bowie Wilches, première secrétaire, ambassade de la République
de Colombie au Royaume des Pays-Bas,
Mme Viviana Andrea Medina Cruz, deuxième secrétaire, ambassade de
la République de Colombie au Royaume des Pays-Bas,
M. Raúl Alfonso Simancas Gómez, troisième secrétaire, ambassade de la
République de Colombie au Royaume des Pays-Bas,
M. Oscar Casallas Méndez, troisième secrétaire, groupe chargé des
affaires portées devant la Cour internationale de Justice,
M. Carlos Colmenares Castro, troisième secrétaire, groupe chargé des
affaires portées devant la Cour internationale de Justice,
comme représentants du ministère des affaires étrangères de la République
de Colombie ;
le contre-amiral Ernesto Segovia Forero, chef des opérations navales,
le capitaine de vaisseau Hermann León, représentant de la Colombie
auprès de l’Organisation maritime internationale,
le capitaine de vaisseau William Pedroza, marine nationale de Colombie,
chef de la direction chargée des intérêts maritimes et fluviaux,
comme représentants de la marine de la République de Colombie ;
M. Lindsay Parson, géologue, directeur de Maritime Zone Solutions Ltd
(Royaume-Uni), ancien membre et président de la commission technique
et juridique de l’Autorité internationale des fonds marins (Nations
Unies),
M. Peter Croker, géophysicien, consultant, The M Horizon (Royaume-
Uni) Ltd, ancien président de la Commission des limites du plateau
continental (Nations Unies),
420 delimitation of the continental shelf (judgment)
Mr Walter R. Roest, Geophysicist, Director of Roest Consultant EIRL,
France, member of the United Nations Commission on the Limits of the
Continental Shelf,
Mr Scott Edmonds, Cartographer, Director of International Mapping,
Mr Thomas Frogh, Cartographer, International Mapping,
as Technical Advisers,
The Court,
composed as above,
after deliberation,
delivers the following Judgment:
1. On 16 September 2013, the Government of the Republic of Nicaragua
(hereinafter “Nicaragua”) filed in the Registry of the Court an Application
instituting proceedings against the Republic of Colombia (hereinafter
“Colombia”) with regard to a dispute concerning “the delimitation of the
boundaries between, on the one hand, the continental shelf of Nicaragua
beyond the 200-nautical-mile limit from the baselines from which the
breadth of the territorial sea of Nicaragua is measured, and on the other
hand, the continental shelf of Colombia”.
2. In its Application, Nicaragua sought to found the jurisdiction of the
Court on Article XXXI of the American Treaty on Pacific Settlement signed
on 30 April 1948, officially designated, according to Article LX thereof, as
the “Pact of Bogotá”.
3. In accordance with Article 40, paragraph 2, of the Statute of the Court,
the Registrar immediately communicated the Application to the Government
of Colombia. He also notified the Secretary-General of the United
Nations of the filing of the Application by Nicaragua.
4. Pursuant to Article 40, paragraph 3, of the Statute of the Court, the
Registrar notified the Members of the United Nations through the Secretary-
General of the filing of the Application, by transmission of the printed
bilingual text.
5. Since the Court included upon the Bench no judge of the nationality
of either Party, each Party proceeded to exercise the right conferred upon
it by Article 31, paragraph 3, of the Statute to choose a judge ad hoc to sit
in the case. Nicaragua chose Mr Leonid Skotnikov. Colombia first chose
Mr Charles N. Brower, who resigned on 5 June 2022, and subsequently
Mr Donald McRae.
6. By an Order of 9 December 2013, the Court fixed 9 December 2014 and
9 December 2015 as the respective time-limits for the filing of a Memorial
by Nicaragua and a Counter-Memorial by Colombia.
7. On 14 August 2014, before the expiry of the time-limit for the filing of
the Memorial of Nicaragua, Colombia, referring to Article 79 of the Rules of
délimitation du plateau continental (arrêt) 420
M. Walter R. Roest, géophysicien, directeur de Roest Consultant EIRL
(France), membre de la Commission des limites du plateau continental
(Nations Unies),
M. Scott Edmonds, cartographe, directeur de International Mapping,
M. Thomas Frogh, cartographe, International Mapping,
comme conseillers techniques,
La Cour,
ainsi composée,
après délibéré en chambre du conseil,
rend l’arrêt suivant :
1. Le 16 septembre 2013, le Gouvernement de la République du Nicaragua
(ci-après le « Nicaragua ») a déposé au Greffe de la Cour une requête introductive
d’instance contre la République de Colombie (ci-après la « Colombie »)
au sujet d’un différend portant sur « la délimitation entre, d’une part, le plateau
continental du Nicaragua s’étendant au-delà de 200 milles marins des
lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale
du Nicaragua et, d’autre part, le plateau continental de la Colombie ».
2. Dans sa requête, le Nicaragua entendait fonder la compétence de la
Cour sur l’article XXXI du traité américain de règlement pacifique signé le
30 avril 1948, dénommé officiellement, aux termes de son article LX, le
« pacte de Bogotá ».
3. Conformément au paragraphe 2 de l’article 40 du Statut de la Cour, le
greffier a immédiatement communiqué la requête au Gouvernement colombien
; il a également informé le Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies du dépôt de cette requête par le Nicaragua.
4. Conformément au paragraphe 3 de l’article 40 du Statut de la Cour, le
greffier a informé les Membres des Nations Unies, par l’entremise du Secrétaire
général, du dépôt de la requête en leur transmettant le texte bilingue
imprimé de celle-ci.
5. La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité des
Parties, chacune d’elles a fait usage du droit que lui confère le paragraphe 3
de l’article 31 du Statut de désigner un juge ad hoc pour siéger en l’affaire.
Le Nicaragua a nommé à cet effet M. Leonid Skotnikov ; la Colombie a
d’abord nommé M. Charles N. Brower, qui a démissionné de ses fonctions le
5 juin 2022, puis M. Donald McRae.
6. Par ordonnance du 9 décembre 2013, la Cour a fixé au 9 décembre 2014
et au 9 décembre 2015 les dates d’expiration des délais pour le dépôt, respectivement,
d’un mémoire par le Nicaragua et d’un contre-mémoire par la
Colombie.
7. Le 14 août 2014, avant l’expiration du délai prescrit pour le dépôt du
mémoire du Nicaragua, la Colombie, se référant à l’article 79 du Règlement
421 delimitation of the continental shelf (judgment)
Court of 14 April 1978 as amended on 1 February 2001, raised preliminary
objections to the jurisdiction of the Court and to the admissibility of the
Application. By an Order of 19 September 2014, the Court, noting that by
virtue of Article 79, paragraph 5, of the Rules of Court the proceedings on
the merits were suspended, fixed 19 January 2015 as the time-limit for the
presentation by Nicaragua of a written statement of its observations and
submissions on the preliminary objections raised by Colombia. Nicaragua
filed its statement within the time-limit thus fixed.
8. By a letter dated 10 November 2014, pursuant to the instructions of the
Court under Article 43, paragraph 1, of the Rules of Court, the Registrar
addressed to States parties to the Pact of Bogotá the notification provided
for in Article 63, paragraph 1, of the Statute of the Court. In accordance with
the provisions of Article 69, paragraph 3, of the Rules of Court, the Registrar
also addressed to the Organization of American States (hereinafter the
“OAS”) the notification provided for in Article 34, paragraph 3, of the Statute.
By letter dated 5 January 2015, the Secretary-General of the OAS
indicated that the Organization did not intend to present any observations
in writing within the meaning of Article 69, paragraph 3, of the Rules of
Court.
9. By a letter dated 17 February 2015, the Government of the Republic of
Chile (hereinafter “Chile”), referring to Article 53, paragraph 1, of the Rules
of Court, asked to be furnished with copies of the pleadings and documents
annexed in the case. Having ascertained the views of the Parties in accordance
with that same provision, the President of the Court decided to grant
that request. The Registrar duly communicated that decision to the Government
of Chile and to the Parties. Copies of the preliminary objections raised
by Colombia and the written statement of its observations and submissions
thereon filed by Nicaragua were therefore communicated to Chile.
10. Public hearings on the preliminary objections raised by Colombia were
held on 5, 6, 7 and 9 October 2015. In its Judgment of 17 March 2016, the
Court found that it had jurisdiction, on the basis of Article XXXI of the Pact
of Bogotá, to entertain the first request put forward by Nicaragua in its
Application (see paragraph 18 below), asking the Court to determine “[t]he
precise course of the maritime boundary between Nicaragua and Colombia
in the areas of the continental shelf which appertain to each of them beyond
the boundaries determined by the Court in its Judgment of 19 November
2012” in the case concerning Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua
v. Colombia), and that this request was admissible (Question of the
Delimitation of the Continental Shelf between Nicaragua and Colombia
beyond 200 Nautical Miles from the Nicaraguan Coast (Nicaragua v.
Colombia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2016 (I),
p. 140, para. 126).
11. By an Order of 28 April 2016, the Court fixed 28 September 2016 and
28 September 2017, respectively, as the new time-limits for the filing of a
délimitation du plateau continental (arrêt) 421
de la Cour du 14 avril 1978, tel qu’amendé le 1er février 2001, a soulevé des
exceptions préliminaires d’incompétence de la Cour et d’irrecevabilité de
la requête. Par ordonnance du 19 septembre 2014, la Cour, constatant qu’en
vertu du paragraphe 5 de l’article 79 de son Règlement la procédure sur le
fond se trouvait suspendue, a fixé au 19 janvier 2015 la date d’expiration du
délai dans lequel le Nicaragua pouvait présenter un exposé écrit contenant
ses observations et conclusions sur les exceptions préliminaires soulevées
par la Colombie. Le Nicaragua a déposé son exposé dans le délai ainsi fixé.
8. Par lettre en date du 10 novembre 2014, sur les instructions données par
la Cour en vertu du paragraphe 1 de l’article 43 de son Règlement, le greffier
a adressé aux États parties au pacte de Bogotá la notification prévue au
paragraphe 1 de l’article 63 du Statut de la Cour. En application des dispositions
du paragraphe 3 de l’article 69 du Règlement, il a en outre adressé
à l’Organisation des États américains (ci-après l’« OEA ») la notification
prévue au paragraphe 3 de l’article 34 du Statut. Par lettre du 5 janvier 2015,
le secrétaire général de l’OEA a indiqué que celle-ci n’entendait présenter
aucune observation écrite au sens du paragraphe 3 de l’article 69 du Règlement.
9. Par lettre en date du 17 février 2015, le Gouvernement de la République
du Chili (ci-après le « Chili »), se référant au paragraphe 1 de l’article 53 du
Règlement de la Cour, a demandé à recevoir copie des pièces de procédure
et documents y annexés produits en l’affaire. Ayant consulté les Parties
conformément à cette même disposition, le président de la Cour a décidé
d’accéder à cette demande. Le greffier a dûment communiqué cette décision
au Gouvernement chilien et aux Parties. En conséquence, des exemplaires
des exceptions préliminaires soulevées par la Colombie et de l’exposé écrit
contenant les observations et conclusions du Nicaragua à leur sujet ont été
transmis au Chili.
10. Des audiences publiques sur les exceptions préliminaires soulevées
par la Colombie ont été tenues les 5, 6, 7 et 9 octobre 2015. Dans son arrêt du
17 mars 2016, la Cour a dit qu’elle avait compétence, sur la base de l’article
XXXI du pacte de Bogotá, pour connaître de la première demande que
formulait le Nicaragua dans sa requête (voir le paragraphe 18 ci-après), par
laquelle il la priait de déterminer « [l]e tracé précis de la frontière maritime
entre les portions de plateau continental relevant du Nicaragua et de la
Colombie au-delà des limites établies par la Cour dans son arrêt du
19 novembre 2012 » en l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua
c. Colombie) ; la Cour a également dit que cette demande était recevable
(Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la
Colombie au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua
c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I),
p. 140, par. 126).
11. Par ordonnance du 28 avril 2016, la Cour a fixé au 28 septembre 2016
et au 28 septembre 2017 les nouvelles dates d’expiration des délais pour le
422 delimitation of the continental shelf (judgment)
Memorial by Nicaragua and a Counter-Memorial by Colombia. These pleadings
were filed within the time-limits thus fixed. Along with its Memorial,
Nicaragua also provided to the Court copies of its full submission to
the Commission on the Limits of the Continental Shelf (hereinafter the
“CLCS” or the “Commission”), explaining that this submission was part of
its Memorial and that it was classified as confidential in accordance with
the rules contained in Annex II to the Rules of Procedure of the CLCS.
12. By letters dated 6 October 2016 and 22 November 2016, respectively,
the Government of the Republic of Costa Rica (hereinafter “Costa Rica”)
and the Government of the Republic of Panama (hereinafter “Panama”),
referring to Article 53, paragraph 1, of the Rules of Court, asked to be furnished
with copies of the pleadings and documents annexed in the case.
Having ascertained the views of the Parties in accordance with the same
provision, the Court granted those requests, with the exception of the
submission of Nicaragua to the CLCS, which would not be provided to
Costa Rica and Panama. The Registrar duly communicated those decisions
to Costa Rica and Panama and to the Parties. A copy of Nicaragua’s Memorial,
not including said submission, was also made available to Chile (see
paragraph 9 above).
13. By an Order of 8 December 2017, the Court authorized the submission
of a Reply by Nicaragua and a Rejoinder by Colombia, and fixed 9 July 2018
and 11 February 2019 as the respective time-limits for the filing of those
pleadings. The Reply of Nicaragua and the Rejoinder of Colombia were filed
within the time-limits thus fixed.
14. In an Order of 4 October 2022, the Court indicated that, in the circumstances
of the case, before proceeding to any consideration of technical and
scientific questions in relation to the delimitation of the continental shelf
between Nicaragua and Colombia beyond 200 nautical miles from the baselines
from which the breadth of the territorial sea of Nicaragua is measured,
it was necessary to decide on certain questions of law, after hearing the
Parties thereon. Accordingly, the Court decided that,
“at the forthcoming oral proceedings in the case, the Republic of Nicaragua
and the Republic of Colombia shall present their arguments
exclusively with regard to the following two questions:
(1) Under customary international law, may a State’s entitlement to a
continental shelf beyond 200 nautical miles from the baselines from
which the breadth of its territorial sea is measured extend within
200 nautical miles from the baselines of another State?
(2) What are the criteria under customary international law for the
determination of the limit of the continental shelf beyond 200 nautical
miles from the baselines from which the breadth of the territorial sea is
délimitation du plateau continental (arrêt) 422
dépôt, respectivement, d’un mémoire par le Nicaragua et d’un contremémoire
par la Colombie. Ces pièces ont été déposées dans les délais ainsi
fixés. Le Nicaragua a également fourni à la Cour des copies de sa demande
complète à la Commission des limites du plateau continental (ci-après la
« Commission des limites » ou la « Commission »), expliquant que ce document
faisait partie intégrante de son mémoire et que, conformément aux
règles énoncées dans l’annexe II du règlement intérieur de la Commission, il
avait un caractère confidentiel.
12. Par lettres en date du 6 octobre 2016 et du 22 novembre 2016, respectivement,
les Gouvernements de la République du Costa Rica (ci-après le
« Costa Rica ») et de la République du Panama (ci-après le « Panama »), se
référant au paragraphe 1 de l’article 53 du Règlement de la Cour, ont demandé
à recevoir copie des pièces de procédure et documents y annexés produits en
l’affaire. Après avoir consulté les Parties conformément à cette même disposition,
la Cour a décidé de communiquer au Costa Rica et au Panama les
pièces en question, à l’exception de la demande présentée par le Nicaragua à
la Commission des limites. Le greffier a dûment fait connaître ces décisions
au Costa Rica et au Panama, ainsi qu’aux Parties. Un exemplaire du mémoire
du Nicaragua, sans ladite demande, a également été mis à la disposition du
Chili (voir le paragraphe 9 ci-dessus).
13. Par ordonnance en date du 8 décembre 2017, la Cour a autorisé la présentation
d’une réplique par le Nicaragua et d’une duplique par la Colombie,
et fixé au 9 juillet 2018 et au 11 février 2019 les dates d’expiration des délais
pour le dépôt respectif de ces pièces. La réplique du Nicaragua et la duplique
de la Colombie ont été déposées dans les délais ainsi fixés.
14. Dans une ordonnance en date du 4 octobre 2022, la Cour a indiqué que,
dans les circonstances de l’espèce, avant de procéder à tout examen des
questions techniques et scientifiques de la délimitation du plateau continental
entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins des lignes
de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale nicaraguayenne,
il était nécessaire de se prononcer sur certaines questions de
droit, après avoir entendu les Parties à leur sujet. En conséquence, elle a
décidé que
« la République du Nicaragua et la République de Colombie devr[aie]nt,
lors des … audiences [qui se tiendraient] en l’affaire, circonscrire leurs
plaidoiries aux deux questions suivantes :
1) En droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau
continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir
desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale peut-il s’étendre
à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base
d’un autre État ?
2) Quels sont en droit international coutumier les critères sur la base
desquels il convient de déterminer les limites du plateau continental
au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est
423 delimitation of the continental shelf (judgment)
measured and, in this regard, do paragraphs 2 to 6 of Article 76 of
the United Nations Convention on the Law of the Sea reflect customary
international law?” (Question of the Delimitation of the Continental
Shelf between Nicaragua and Colombia beyond 200 Nautical Miles
from the Nicaraguan Coast (Nicaragua v. Colombia), Order of 4 October
2022, I.C.J. Reports 2022 (II), p. 565.)
15. Having ascertained the views of the Parties and in light of the scope of
the oral proceedings, the Court decided, pursuant to Article 53, paragraph 2,
of the Rules of Court, that copies of the written pleadings and documents
annexed would not be made accessible to the public at the time of the opening
of the oral proceedings.
16. Public hearings on the two questions formulated by the Court in its
Order of 4 October 2022 (see paragraph 14 above) were held on 5, 6, 7 and
9 December 2022, at which the Court heard the oral arguments and replies
of:
For Nicaragua: HE Mr Carlos José Argüello Gómez,
Mr Vaughan Lowe,
Mr Alex Oude Elferink,
Mr Alain Pellet.
For Colombia: HE Mr Eduardo Valencia-Ospina,
Sir Michael Wood,
Mr Rodman Bundy,
Mr Lorenzo Palestini,
Mr Jean-Marc Thouvenin,
Ms Laurence Boisson de Chazournes.
17. At the hearings, a Member of the Court put a question to Colombia, to
which a reply was given orally in accordance with Article 61, paragraph 4,
of the Rules of Court. Nicaragua submitted written comments on the oral
reply provided by Colombia on 15 December 2022.
*
18. In the Application, the following claims were made by Nicaragua:
“Nicaragua requests the Court to adjudge and declare:
First: The precise course of the maritime boundary between Nicaragua
and Colombia in the areas of the continental shelf which appertain
to each of them beyond the boundaries determined by the Court in its
Judgment of 19 November 2012.
Second: The principles and rules of international law that determine
the rights and duties of the two States in relation to the area of overlapping
continental shelf claims and the use of its resources, pending
délimitation du plateau continental (arrêt) 423
mesurée la largeur de la mer territoriale ? À cet égard, les paragraphes 2
à 6 de l’article 76 de la convention des Nations Unies sur le droit de la
mer reflètent-ils le droit international coutumier ? » (Question de la délimitation
du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie
au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua
c. Colombie), ordonnance du 4 octobre 2022, C.I.J. Recueil 2022 (II),
p. 565.)
15. Après avoir consulté les Parties et compte tenu de l’objet des audiences,
la Cour a décidé, en vertu du paragraphe 2 de l’article 53 de son Règlement,
de ne pas rendre accessibles au public à l’ouverture de la procédure orale des
exemplaires des écritures et des documents y annexés.
16. Des audiences publiques sur les deux questions formulées par la Cour
dans son ordonnance du 4 octobre 2022 (voir le paragraphe 14 ci-dessus) se
sont tenues les 5, 6, 7 et 9 décembre 2022, au cours desquelles ont été entendus
en leurs plaidoiries et réponses :
Pour le Nicaragua : S. Exc. M. Carlos José Argüello Gómez,
M. Vaughan Lowe,
M. Alex Oude Elferink,
M. Alain Pellet.
Pour la Colombie : S. Exc. M. Eduardo Valencia-Ospina,
Sir Michael Wood,
M. Rodman Bundy,
M. Lorenzo Palestini,
M. Jean-Marc Thouvenin,
Mme Laurence Boisson de Chazournes.
17. À l’audience, un membre de la Cour a posé une question à la Colombie,
à laquelle il a été répondu oralement, conformément au paragraphe 4 de l’article
61 du Règlement de la Cour. Le Nicaragua a présenté, le 15 décembre
2022, des observations écrites sur la réponse orale de la Colombie.
*
18. Dans la requête, les demandes ci-après ont été formulées par le
Nicaragua :
« Le Nicaragua prie la Cour de déterminer :
Premièrement : Le tracé précis de la frontière maritime entre les portions
de plateau continental relevant du Nicaragua et de la Colombie
au-delà des limites établies par la Cour dans son arrêt du 19 novembre
2012.
Deuxièmement : Les principes et les règles de droit international
régissant les droits et obligations des deux États concernant la zone
de plateau continental où leurs revendications se chevauchent et l’utili424
delimitation of the continental shelf (judgment)
the delimitation of the maritime boundary between them beyond
200 nautical miles from Nicaragua’s coast.”
19. In the written proceedings, the following submissions were presented
by the Parties:
On behalf of the Government of Nicaragua,
in the Memorial:
“For the reasons given in the present Memorial, the Republic of Nicaragua
requests the Court to adjudge and declare that:
1. The maritime boundary between Nicaragua and Colombia in the
areas of the continental shelf which appertain to each of them beyond
the boundary determined by the Court in its Judgment of 19 November
2012, follows geodetic lines connecting the points with the following
co-ordinates:
Point Latitude Longitude
1 14° 43ʹ 20.6ʺ N 74° 34ʹ 49.1ʺ W
2 14° 21ʹ 53.4ʺ N 75° 15ʹ 39.3ʺ W
3 13° 59ʹ 29.8ʺ N 76° 5ʹ 15.6ʺ W
4 13° 51ʹ 26.0ʺ N 76° 21ʹ 57.1ʺ W
5 13° 46ʹ 6.1ʺ N 76° 35ʹ 44.9ʺ W
6 13° 42ʹ 31.1ʺ N 76° 41ʹ 20.33ʺ W
7 12° 41ʹ 56.9ʺ N 77° 32ʹ 27.4ʺ W
8 12° 15ʹ 38.3ʺ N 77° 47ʹ 56.3ʺ W
2. The islands of San Andrés and Providencia are entitled to a continental
shelf up to a line consisting of 200 nm arcs from the baselines
from which the territorial sea of Nicaragua is measured connecting the
points with the following co-ordinates:
Point Latitude Longitude
A 13° 46ʹ 35.7ʺ N 79° 12ʹ 23.1ʺ W
C 12° 42ʹ 24.1ʺ N 79° 34ʹ 4.7ʺ W
B 12° 24ʹ 9.4ʺ N 79° 34ʹ 4.7ʺ W
3. Serranilla and Bajo Nuevo are enclaved and granted a territorial sea
of twelve nautical miles.”
délimitation du plateau continental (arrêt) 424
sation des ressources qui s’y trouvent, et ce, dans l’attente de la
délimitation de leur frontière maritime au-delà de 200 milles marins de
la côte nicaraguayenne. »
19. Dans les pièces de procédure, les conclusions ci-après ont été présentées
par les Parties :
Au nom du Gouvernement du Nicaragua,
dans le mémoire :
« Pour les raisons exposées dans le présent mémoire, la République du
Nicaragua prie la Cour de dire et juger que :
1. Dans les zones du plateau continental qui relèvent respectivement
du Nicaragua et de la Colombie au-delà de la frontière fixée par la Cour
dans son arrêt du 19 novembre 2012, la frontière maritime entre ces
deux États suit des lignes géodésiques reliant les points dont les coordonnées
sont les suivantes :
Point Latitude Longitude
1 14° 43ʹ 20,6ʺ N 74° 34ʹ 49,1ʺ O
2 14° 21ʹ 53,4ʺ N 75° 15ʹ 39,3ʺ O
3 13° 59ʹ 29,8ʺ N 76° 5ʹ 15,6ʺ O
4 13° 51ʹ 26,0ʺ N 76° 21ʹ 57,1ʺ O
5 13° 46ʹ 6,1ʺ N 76° 35ʹ 44,9ʺ O
6 13° 42ʹ 31,1ʺ N 76° 41ʹ 20,33ʺ O
7 12° 41ʹ 56,9ʺ N 77° 32ʹ 27,4ʺ O
8 12° 15ʹ 38,3ʺ N 77° 47ʹ 56,3ʺ O
2. Les îles de San Andrés et Providencia ont droit à un plateau
continental jusqu’à une ligne constituée d’arcs de 200 milles marins
partant des lignes de base à partir desquelles est mesurée la mer
territoriale du Nicaragua, ligne qui relie les points ayant les coordonnées
suivantes :
Point Latitude Longitude
A 13° 46ʹ 35,7ʺ N 79° 12ʹ 23,1ʺ O
C 12° 42ʹ 24,1ʺ N 79° 34ʹ 4,7ʺ O
B 12° 24ʹ 9,4ʺ N 79° 34ʹ 4,7ʺ O
3. Serranilla et Bajo Nuevo sont enclavées et bénéficient chacune
d’une mer territoriale de 12 milles marins. »
425 delimitation of the continental shelf (judgment)
in the Reply:
“For the reasons given in the Memorial and the present Reply, the
Republic of Nicaragua requests the Court to adjudge and declare that:
1. The maritime boundary between Nicaragua and Colombia in the
areas of the continental shelf which appertain to each of them beyond
the boundary determined by the Court in its Judgment of 19 November
2012, follows geodetic lines connecting the points with the following
co-ordinates:
Point Latitude Longitude
1 14° 43ʹ 20.6ʺ N 74° 34ʹ 49.1ʺ W
2 14° 21ʹ 53.4ʺ N 75° 15ʹ 39.3ʺ W
3 13° 59ʹ 29.8ʺ N 76° 5ʹ 15.6ʺ W
4 13° 51ʹ 26.0ʺ N 76° 21ʹ 57.1ʺ W
5 13° 46ʹ 6.1ʺ N 76° 35ʹ 44.9ʺ W
6 13° 42ʹ 31.1ʺ N 76° 41ʹ 20.33ʺ W
7 12° 41ʹ 56.9ʺ N 77° 32ʹ 27.4ʺ W
8 12° 15ʹ 38.3ʺ N 77° 47ʹ 56.3ʺ W
2. The islands of San Andrés and Providencia are entitled to a continental
shelf up to a line consisting of 200 nm arcs from the baselines from
which the territorial sea of Nicaragua is measured connecting the points
with the following co-ordinates:
Point Latitude Longitude
A 13° 46ʹ 35.7ʺ N 79° 12ʹ 23.1ʺ W
C 12° 42ʹ 24.1ʺ N 79° 34ʹ 4.7ʺ W
B 12° 24ʹ 9.4ʺ N 79° 34ʹ 4.7ʺ W
3. Serranilla and Bajo Nuevo are enclaved and granted a territorial sea
of twelve nautical miles, and Serrana is enclaved as per the Court’s
November 2012 Judgment.”
On behalf of the Government of Colombia,
in the Counter-Memorial:
“[F]or the reasons set out in this Counter-Memorial, and reserving the
right to amend or supplement these Submissions, Colombia respectfully
requests the Court to adjudge and declare that:
délimitation du plateau continental (arrêt) 425
dans la réplique :
« Pour les raisons exposées dans le mémoire et la présente réplique, la
République du Nicaragua prie la Cour de dire et juger que :
1. Dans les zones du plateau continental qui relèvent respectivement
du Nicaragua et de la Colombie au-delà de la frontière fixée par la Cour
dans son arrêt du 19 novembre 2012, la frontière maritime entre ces
deux États suit des lignes géodésiques reliant les points dont les coordonnées
sont les suivantes :
Point Latitude Longitude
1 14° 43ʹ 20,6ʺ N 74° 34ʹ 49,1ʺ O
2 14° 21ʹ 53,4ʺ N 75° 15ʹ 39,3ʺ O
3 13° 59ʹ 29,8ʺ N 76° 5ʹ 15,6ʺ O
4 13° 51ʹ 26,0ʺ N 76° 21ʹ 57,1ʺ O
5 13° 46ʹ 6,1ʺ N 76° 35ʹ 44,9ʺ O
6 13° 42ʹ 31,1ʺ N 76° 41ʹ 20,33ʺ O
7 12° 41ʹ 56,9ʺ N 77° 32ʹ 27,4ʺ O
8 12° 15ʹ 38,3ʺ N 77° 47ʹ 56,3ʺ O
2. Les îles de San Andrés et Providencia ont droit à un plateau continental
jusqu’à une ligne constituée d’arcs de 200 milles marins partant
des lignes de base à partir desquelles est mesurée la mer territoriale du
Nicaragua, ligne qui relie les points ayant les coordonnées suivantes :
Point Latitude Longitude
A 13° 46ʹ 35,7ʺ N 79° 12ʹ 23,1ʺ O
C 12° 42ʹ 24,1ʺ N 79° 34ʹ 4,7ʺ O
B 12° 24ʹ 9,4ʺ N 79° 34ʹ 4,7ʺ O
3. Serranilla et Bajo Nuevo sont enclavées et bénéficient chacune
d’une mer territoriale de 12 milles marins, et Serrana est enclavée, ainsi
que la Cour en a décidé dans son arrêt de novembre 2012. »
Au nom du Gouvernement de la Colombie,
dans le contre-mémoire :
« [P]our les raisons exposées dans le présent contre‑mémoire, et se
réservant le droit de modifier ou de compléter les présentes conclusions,
la Colombie prie respectueusement la Cour de dire et juger que :
426 delimitation of the continental shelf (judgment)
Nicaragua’s request for a delimitation of the continental shelf beyond
200 nautical miles from its coast is rejected with prejudice.”
in the Rejoinder:
“[F]or the reasons set out in its Counter-Memorial and Rejoinder, and
reserving the right to amend or supplement these Submissions, Colombia
respectfully requests the Court to adjudge and declare that:
Nicaragua’s request for a delimitation of the continental shelf beyond
200 nautical miles from its coast is rejected with prejudice.”
20. At the oral proceedings, the following submissions were presented by
the Parties:
On behalf of the Government of Nicaragua,
“In the case concerning the Question of the Delimitation of the Continental
Shelf between Nicaragua and Colombia beyond 200 Nautical
Miles from the Nicaraguan Coast (Nicaragua v. Colombia), for the reasons
explained in the Written and Oral phase, Nicaragua respectfully
requests the Court to adjudge and declare that:
I. The response to the questions of law is in the affirmative:
A. Under customary international law a State’s entitlement to a
continental shelf beyond 200 nautical miles from the baselines
from which the breadth of the territorial sea is measured may
extend within 200 nautical miles from the baselines of another
State.
B. Paragraphs 2 to 6 of Article 76 of the United Nations Convention
on the Law of the Sea reflect customary international law.
II. Nicaragua respectfully requests the Court to proceed to fix a timetable
to hear and decide upon all of the outstanding request[s] in
Nicaragua’s pleadings.
Nicaragua, formally reserves its right to complete its Final Submissions
in view of the factual circumstances of the case as decided by
the Court in its Order of 4 October 2022.”
On behalf of the Government of Colombia,
“With respect to the Question of the Delimitation of the Continental
Shelf between Nicaragua and Colombia beyond 200 Nautical Miles
from the Nicaraguan Coast (Nicaragua v. Colombia), having regard to
délimitation du plateau continental (arrêt) 426
La demande du Nicaragua tendant à obtenir une délimitation du plateau
continental au-delà de 200 milles marins de sa côte est définitivement
rejetée. »
dans la duplique :
« [P]our les raisons exposées dans son contre-mémoire et dans sa
duplique, et se réservant le droit de modifier ou de compléter les présentes
conclusions, la Colombie prie respectueusement la Cour de dire
et juger que :
La demande du Nicaragua tendant à obtenir une délimitation du plateau
continental au-delà de 200 milles marins de sa côte est définitivement
rejetée. »
20. Au cours de la procédure orale, les conclusions ci-après ont été présentées
par les Parties :
Au nom du Gouvernement du Nicaragua,
« En l’affaire relative à la Question de la délimitation du plateau continental
entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins
de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), pour les motifs
exposés dans ses écritures et dans ses plaidoiries, le Nicaragua prie
respectueusement la Cour de dire et juger que :
I. Les questions de droit appellent une réponse affirmative :
A. En droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau
continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à
partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale peut
s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins
des lignes de base d’un autre État.
B. Les paragraphes 2 à 6 de l’article 76 de la convention des Nations
Unies sur le droit de la mer reflètent le droit international
coutumier.
II. Le Nicaragua prie respectueusement la Cour de fixer à présent un
calendrier pour examiner toutes les autres demandes pendantes qui
sont exposées dans ses écritures, et statuer à leur sujet.
Le Nicaragua se réserve formellement le droit de compléter ses
conclusions finales à la lumière des circonstances factuelles de l’espèce
compte tenu de la décision prise par la Cour dans son ordonnance du
4 octobre 2022. »
Au nom du Gouvernement de la Colombie,
« En l’affaire relative à la Question de la délimitation du plateau continental
entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins
de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), vu l’ordonnance du
427 delimitation of the continental shelf (judgment)
the Order dated 4 October 2022 and the questions of law contained
therein, Colombia respectfully requests the Court to adjudge and declare
that:
1. In relation to the first question:
(i) Under customary international law, a State’s entitlement to a continental
shelf beyond 200 nautical miles from the baselines from
which the breadth of its territorial sea is measured cannot extend
within 200 nautical miles from the baselines of another State.
2. In relation to the second question:
(i) Under customary international law, there are no criteria for the
determination of the limit of the continental shelf beyond
200 nautical miles from the baselines from which the breadth of
the territorial sea is measured whenever the outer limit of said
continental shelf is located within the 200-nautical-mile zone of
another State.
(ii) Paragraphs 2 to 6 of Article 76 of the United Nations Convention
on the Law of the Sea do not reflect customary international law.
Furthermore, considering that the answers to these two questions
govern all of Nicaragua’s submissions as set out during the course of
the proceedings, Colombia further requests the Court to adjudge and
declare that:
3. Nicaragua’s request for a delimitation of the continental shelf beyond
200 nautical miles from its coast is rejected with prejudice.
4. Consequently, Nicaragua’s request for the fixing of a timetable to hear
and decide upon all the outstanding requests in Nicaragua’s pleadings
is rejected.”
* * *
I. General Background
21. The maritime areas with which the present proceedings are concerned
are located in the Caribbean Sea, an arm of the Atlantic Ocean partially
enclosed to the north and east by a number of islands, and bounded to the
south and west by South and Central America. Nicaragua’s eastern coast
faces the south-western part of the Caribbean Sea. To the north of Nicaragua
délimitation du plateau continental (arrêt) 427
4 octobre 2022 et les questions de droit qui y sont posées, la Colombie
prie respectueusement la Cour de dire et juger que :
1. S’agissant de la première question :
i) En droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau
continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à
partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale ne
peut pas s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles
marins des lignes de base d’un autre État.
2. S’agissant de la seconde question :
i) En droit international coutumier, il n’existe pas de critères sur la
base desquels il conviendrait de déterminer les limites du plateau
continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à
partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale
lorsque la limite extérieure dudit plateau continental se situe à
l’intérieur de la zone de 200 milles marins d’un autre État.
ii) Les paragraphes 2 à 6 de l’article 76 de la convention des Nations
Unies sur le droit de la mer ne reflètent pas le droit international
coutumier.
En outre, les réponses à ces deux questions conditionnant l’ensemble
des demandes du Nicaragua telles qu’elles ont été formulées au cours
de la procédure, la Colombie prie également la Cour de dire et juger
que :
3. La demande du Nicaragua tendant à obtenir une délimitation du plateau
continental au-delà de 200 milles marins à partir de sa côte est
définitivement rejetée.
4. En conséquence, la demande du Nicaragua tendant à ce que soit fixé
un calendrier pour que la Cour examine toutes les autres demandes
pendantes qui sont exposées dans ses écritures, et statue à leur sujet,
est rejetée. »
* * *
I. Contexte général
21. Les espaces maritimes qui font l’objet de la présente procédure se
trouvent dans la mer des Caraïbes, bras de l’océan Atlantique partiellement
entouré, au nord et à l’est, par un certain nombre d’îles et fermé, au sud et à
l’ouest, par l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale. La côte est du Nicaragua
fait face à la partie sud-ouest de la mer des Caraïbes. Au nord, le
428 delimitation of the continental shelf (judgment)
lies Honduras and to the south lie Costa Rica and Panama. To the north-east,
Nicaragua faces Jamaica, and to the east, it faces the mainland coast of
Colombia. Colombia is situated to the south of the Caribbean Sea. On its
Caribbean front, Colombia is bordered to the west by Panama and to the east
by Venezuela. The Colombian islands of San Andrés, Providencia and Santa
Catalina lie in the south-west of the Caribbean Sea, approximately 100 to
150 nautical miles to the east of the Nicaraguan coast. (For the general geography
of the area, see sketch-map No. 1, p. 429.)
22. On 6 December 2001, Nicaragua filed in the Registry of the Court an
Application instituting proceedings against Colombia in respect of a dispute
consisting of “a group of related legal issues subsisting” between the two
States “concerning title to territory and maritime delimitation” in the western
Caribbean (case concerning Territorial and Maritime Dispute
(Nicaragua v. Colombia)).
23. In the Judgment rendered by the Court on 19 November 2012 in the
case concerning Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia)
(hereinafter the “2012 Judgment”), the Court decided that Colombia “has
sovereignty over the islands at Alburquerque, Bajo Nuevo, East-Southeast
Cays, Quitasueño, Roncador, Serrana and Serranilla” (I.C.J. Reports
2012 (II), p. 718, para. 251, subpara. 1). The Court also established a single
maritime boundary delimiting the continental shelf and the exclusive economic
zones of Nicaragua and Colombia up to the 200-nautical-mile limit
from the baselines from which the territorial sea of Nicaragua is measured
(ibid., pp. 719-720, para. 251, subpara. 4). The Court, however, noted in its
reasoning that, since Nicaragua had not yet notified the Secretary-General of
the United Nations of the location of those baselines under Article 16, paragraph
2, of the 1982 United Nations Convention on the Law of the Sea
(hereinafter “UNCLOS” or the “Convention”), the precise location of the
eastern endpoints of the maritime boundary could not be determined and
was therefore depicted only approximately on the sketch-map included
at page 714 of that Judgment (ibid., p. 713, para. 237). (For the course of
the maritime boundary established by the Court in its 2012 Judgment, see
sketch-map No. 2, p. 430.)
24. In the 2012 Judgment, the Court further found that it could not uphold
Nicaragua’s claim contained in its final submission I (3), requesting that the
Court adjudge and declare that
“[t]he appropriate form of delimitation, within the geographical and
legal framework constituted by the mainland coasts of Nicaragua and
Colombia, is a continental shelf boundary dividing by equal parts the
overlapping entitlements to a continental shelf of both Parties” (Territorial
and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Judgment, I.C.J.
Reports 2012 (II), p. 636, para. 17, and p. 719, para. 251, subpara. 3).
délimitation du plateau continental (arrêt) 428
Nicaragua est bordé par le Honduras, et au sud, par le Costa Rica et le
Panama. Au nord-est, il fait face à la Jamaïque et, à l’est, à la côte continentale
de la Colombie, laquelle est située dans la partie sud de la mer des
Caraïbes. Sur sa façade caraïbe, la Colombie est bordée à l’ouest par le
Panama, et à l’est par le Venezuela. Les îles colombiennes de San Andrés,
Providencia et Santa Catalina sont situées dans la partie sud-ouest de la mer
des Caraïbes, à quelque 100 à 150 milles marins à l’est de la côte nicaraguayenne.
(Pour la géographie générale de la zone, voir le croquis no 1, p. 429.)
22. Le 6 décembre 2001, le Nicaragua a déposé au Greffe de la Cour une
requête introductive d’instance contre la Colombie au sujet d’un différend
portant sur un « ensemble de questions juridiques connexes … qui demeur[
ai]ent en suspens » entre les deux États « en matière de titre territorial et de
délimitation maritime » dans les Caraïbes occidentales (affaire du Différend
territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie)).
23. Dans l’arrêt qu’elle a rendu le 19 novembre 2012 en l’affaire du Différend
territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie) (ci-après l’« arrêt de
2012 »), la Cour a reconnu à la Colombie « la souveraineté sur les îles faisant
partie des formations suivantes : Alburquerque, Bajo Nuevo, cayes de
l’Est-Sud-Est, Quitasueño, Roncador, Serrana et Serranilla » (C.I.J.
Recueil 2012 (II), p. 718, point 1 du paragraphe 251). Elle a également établi
une frontière maritime unique délimitant le plateau continental et les zones
économiques exclusives du Nicaragua et de la Colombie jusqu’à la limite
située à 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée
la mer territoriale nicaraguayenne (ibid., p. 719-720, point 4 du paragraphe
251). La Cour a cependant fait observer dans son raisonnement que,
le Nicaragua n’ayant pas encore notifié au Secrétaire général de l’Organisation
des Nations Unies l’emplacement de ces lignes de base en application du
paragraphe 2 de l’article 16 de la convention de 1982 des Nations Unies sur
le droit de la mer (ci-après la « CNUDM » ou la « convention »), la position
précise des points terminaux de la frontière maritime, à l’est, ne pouvait pas
être déterminée et n’était donc indiquée que de manière approximative sur le
croquis figurant à la page 714 dudit arrêt (ibid., p. 713, par. 237). (Pour le
tracé de la frontière maritime établie par la Cour dans son arrêt de 2012, voir
le croquis no 2, p. 430.)
24. Dans l’arrêt de 2012, la Cour a en outre conclu qu’elle ne pouvait pas
faire droit à la demande contenue au point 3 de la première conclusion finale
du Nicaragua, par laquelle celui-ci la priait de dire et juger que,
« dans le cadre géographique et juridique constitué par les côtes
continentales du Nicaragua et de la Colombie, la méthode de délimitation
à retenir consiste à tracer une limite opérant une division par parts
égales de la zone du plateau continental où les droits des deux Parties sur
celui-ci se chevauchent » (Différend territorial et maritime (Nicaragua
c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 636, par. 17, et p. 719,
point 3 du paragraphe 251).
429 delimitation of the continental shelf (judgment)
Sketch-map No. 1: General Geography
WGS 84
Mercator Projection (12° 30' N)
NICARAGUA
Island Cays
Great Corn Alburquerque
Miskitos
HONDURAS
Bajo Nuevo
This sketch-map has been prepared for illustrative purposes only.
The symbols showing 􀁆􀁈􀁕􀁗􀁄􀁌􀁑􀀃maritime features indicate only their location,
and not their physical characteristics or geographical and legal status.
JAMAICA
COLOMBIA VENEZUELA
San Andrés
Cays
Santa Catalina
Providencia/
Serranilla
Roncador
Serrana
East-Southeast Cays
Quitasueño
Little Corn
Island
CARIBBEAN SEA
DOMINICAN
HAITI
REPUBLIC
PANAMA
RICA
COSTA
Sketch-map No. 1:
General geography
délimitation du plateau continental (arrêt) 429
Croquis no 1 : Géographie Générale
430 delimitation of the continental shelf (judgment)
Sketch-map No. 2: Course of the Maritime Boundary Established
by the Court in its 2012 Judgment
WGS 84
Mercator Projection (12° 30' N)
This sketch-map has been prepared
for illustrative purposes only.
COSTA RICA
PANAMA
Island
5
Alburquerque
8
Cays
1
Great Corn
COSTA RICA
NICARAGUA
9
San Andrés
3 Santa Catalina
Providencia/
2
PANAMA
East-Southeast Cays
B
COLOMBIA
COLOMBIA
JAMAICA
Cays
Miskitos
CARIBBEAN SEA
A
Quitasueño
4
NICARAGUA
Island
Little Corn
6
7
Roncador
HONDURAS
Serranilla HONDURAS
Maritime boundary
Approximate eastern limit
AREA of the relevant area
Outline of a bank
Colombia / Jamaica established by the Court
Judgment of the ICJ
Serrana
Bilateral treaty of 1993
Bilateral treaty of 1976
dated 8 October 2007
Bilateral treaty of 1980
Bajo Nuevo
JOINT
RÉGIME
Sketch-map No. 2:
Course of themaritime boundary established
by the Court in its 2012 Judgment
délimitation du plateau continental (arrêt) 430
Croquis no 2 : Tracé de la frontière maritime établie par la Cour
dans son arrêt de 2012
431 delimitation of the continental shelf (judgment)
In particular, the Court noted that,
“since Nicaragua . . . ha[d] not established that it ha[d] a continental
margin that extends far enough to overlap with Colombia’s 200-nauticalmile
entitlement to the continental shelf, measured from Colombia’s
mainland coast, the Court [was] not in a position to delimit the continental
shelf boundary between Nicaragua and Colombia, as requested by
Nicaragua, even using the general formulation proposed by it” (Territorial
and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Judgment, I.C.J.
Reports 2012 (II), p. 669, para. 129).
The Court observed in this regard that Nicaragua had submitted to the CLCS
only “Preliminary Information” which “[fell] short of meeting the requirements
for information on the limits of the continental shelf beyond
200 nautical miles” to be submitted under Article 76, paragraph 8, of
UNCLOS (ibid., para. 127).
25. On 24 June 2013, in accordance with Article 76, paragraph 8, of
UNCLOS, Nicaragua presented its full submission to the CLCS regarding
the limits of its continental shelf beyond 200 nautical miles from the baselines
from which the breadth of its territorial sea is measured.
26. On 16 September 2013, Nicaragua filed the Application instituting the
current proceedings, requesting the Court to adjudge and declare the precise
course of the maritime boundary between Nicaragua and Colombia in the
areas of the continental shelf which appertain to each of them beyond the
boundaries determined by the Court in its 2012 Judgment (see paragraph 1
above). Both Parties have adduced extensive technical and scientific evidence
as to whether Nicaragua has established an entitlement to a continental
shelf beyond 200 nautical miles from the baselines from which the breadth
of the territorial sea is measured (also referred to as an “extended continental
shelf”) and, if so, the precise outer limits of that continental shelf.
II. Overview of the Parties’ Positions
27. Nicaragua argues that it has an entitlement to a continental shelf
beyond 200 nautical miles of its coast. In order to substantiate its claim,
Nicaragua relies on the submission that it presented to the CLCS on 24 June
2013, which, in its view, contains “complete technical information” that enables
the Commission to review that submission and make its recommendations
under Article 76, paragraph 8, of UNCLOS on the outer limits of Nicaragua’s
continental shelf. Nicaragua contends that it has established the
existence of a natural prolongation of its land territory up to the outer edge
of the continental margin and that there is both geological and geomorphodélimitation
du plateau continental (arrêt) 431
En particulier, la Cour a relevé que,
« le Nicaragua n’ayant pas … apporté la preuve que sa marge continentale
s’étend[ait] suffisamment loin pour chevaucher le plateau continental
dont la Colombie p[ouvai]t se prévaloir sur 200 milles marins à partir de
sa côte continentale, [elle] n’[étai]t pas en mesure de délimiter les portions
du plateau continental relevant de chacune des Parties, comme le
lui demand[ait] le Nicaragua, même en utilisant la formulation générale
proposée par ce dernier » (Différend territorial et maritime (Nicaragua
c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 669, par. 129).
La Cour a fait observer à cet égard que le Nicaragua n’avait communiqué à la
Commission des limites que des « informations préliminaires » qui étaient
« loin de satisfaire aux exigences requises pour pouvoir être considérées
comme [l]es informations … sur les limites de son plateau continental, lorsque
celui-ci s’étend au-delà de 200 milles marins » qui doivent être soumises
conformément au paragraphe 8 de l’article 76 de la CNUDM (ibid., par. 127).
25. Le 24 juin 2013, conformément au paragraphe 8 de l’article 76 de la
CNUDM, le Nicaragua a soumis à la Commission sa demande complète
concernant les limites de son plateau continental au-delà de 200 milles
marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer
territoriale.
26. Le 16 septembre 2013, le Nicaragua a déposé une requête introduisant
la présente instance, par laquelle il priait la Cour de déterminer le tracé précis
de sa frontière maritime avec la Colombie dans les zones du plateau
continental qui leur reviennent respectivement au-delà des limites établies
par la Cour dans son arrêt de 2012 (voir le paragraphe 1 ci-dessus). Les deux
Parties ont produit de très nombreux éléments scientifiques et techniques sur
le point de savoir si le Nicaragua avait établi son droit à revendiquer un plateau
continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir
desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale (également appelé
« plateau continental étendu ») et, dans l’affirmative, apporté la preuve des
limites extérieures précises de celui-ci.
II. Vue d’ensemble des positions des Parties
27. Le Nicaragua soutient qu’il peut prétendre à un plateau continental
au-delà de 200 milles marins de sa côte. Afin d’étayer sa revendication, il se
réfère à la demande qu’il a présentée à la Commission des limites le 24 juin
2013, qui, selon lui, contient des « informations techniques complètes » permettant
à la Commission d’examiner cette demande et de formuler au sujet
des limites extérieures de son plateau continental les recommandations visées
au paragraphe 8 de l’article 76 de la CNUDM. Le Nicaragua affirme qu’il a
établi l’existence d’un prolongement naturel de son territoire terrestre jusqu’au
rebord externe de la marge continentale, et qu’il y a une continuité tant géo432
delimitation of the continental shelf (judgment)
logical continuity between its landmass and the seabed and subsoil beyond
200 nautical miles from its baselines.
28. Nicaragua defines the outer edge of the continental margin, wherever
the margin extends beyond 200 nautical miles of its coast, by reference to the
formulae and criteria contained in Article 76, paragraphs 4 to 6, of UNCLOS.
It asserts that the CLCS applies these provisions to determine the existence
of a State’s entitlement to a continental shelf beyond 200 nautical miles.
According to Nicaragua, Article 76, paragraphs 2 to 6, of UNCLOS reflect
customary international law.
29. Nicaragua notes that Colombia only claims, with respect to its mainland,
a continental shelf up to 200 nautical miles from its baselines.
Nicaragua proposes, with respect to Colombia’s mainland, a provisional
delimitation line which Nicaragua refers to as the “provisional mainlandmainland
delimitation line”. This line divides equally the area of overlap
between the 200-nautical-mile limit of the continental shelf entitlement
generated by Colombia’s mainland coast and the outer limits of the
extended continental shelf as described by Nicaragua in its submission to the
CLCS. That line is depicted in Figure 5.1 of Nicaragua’s Memorial, which is
reproduced below (p. 433).
30. With respect to the entitlement derived from Colombian islands, Nicaragua
contends that only the maritime features of San Andrés, Providencia
and Santa Catalina qualify as islands entitled to a continental shelf in accordance
with the customary rule reflected in Article 121, paragraph 2, of
UNCLOS, whereas Quitasueño, Alburquerque, Bajo Nuevo, East-Southeast
Cays, Roncador, Serrana and Serranilla fall under the definition of “rocks”
under customary international law reflected in Article 121, paragraph 3, of
UNCLOS and do not generate any entitlement to a continental shelf. Nicaragua
considers that San Andrés, Providencia and Santa Catalina are situated
on the same continental margin as Nicaragua’s mainland and hence could
have a potential continental shelf entitlement beyond 200 nautical miles to
the edge of that continental margin. In Nicaragua’s view, however, the continental
shelf of these islands should not extend east of the 200-nautical-mile
limit from Nicaragua’s baselines because the 2012 Judgment already allocated
these islands continental shelf rights that are very substantial in relation
to their limited size. Thus, Nicaragua is of the view that these islands are
entitled to a continental shelf up to a line consisting of 200-nautical-mile
arcs from the baselines from which the territorial sea of Nicaragua is measured
connecting points A, C and B, the co-ordinates of which are indicated
in the submissions presented by Nicaragua in its Memorial and reiterated
in its Reply (see paragraph 19 above). Nicaragua also considers that the
Colombian maritime features of Serranilla Cay and Bajo Nuevo should be
afforded only a 12-nautical-mile territorial sea. The final delimitation proposed
by Nicaragua is depicted in Figure 7.1. of its Reply, which is reproduced
below (p. 434).
délimitation du plateau continental (arrêt) 432
logique que géomorphologique entre sa masse terrestre et les fonds marins et
leur sous-sol situés au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base.
28. Le Nicaragua définit le rebord externe de la marge continentale,
au-delà de 200 milles marins de sa côte, par référence aux formules et critères
énoncés aux paragraphes 4 à 6 de l’article 76 de la CNUDM. Il affirme
que la Commission applique ces dispositions pour déterminer si un État a
droit à un plateau continental au-delà de cette distance. Selon lui, les paragraphes
2 à 6 de l’article 76 de la convention reflètent le droit international
coutumier.
29. Le Nicaragua relève que la Colombie ne revendique, au titre de sa
masse continentale, qu’un plateau continental s’étendant jusqu’à 200 milles
marins de ses lignes de base. Le Nicaragua propose, s’agissant de la masse
continentale colombienne, une ligne de délimitation provisoire qu’il désigne
comme la « ligne de délimitation provisoire entre les côtes continentales des
Parties ». Cette ligne divise en parts égales la zone de chevauchement entre
la limite de 200 milles marins du plateau continental revenant à la Colombie
au titre de sa côte continentale et la limite extérieure du plateau continental
étendu du Nicaragua, telle que lui-même l’a décrite dans sa demande à la
Commission. Cette ligne est représentée à la figure 5.1 du mémoire du Nicaragua,
qui est reproduite ci-après (p. 433).
30. Pour ce qui est des îles colombiennes, le Nicaragua soutient que seules
les formations maritimes de San Andrés, Providencia et Santa Catalina
peuvent être considérées comme des îles ayant droit à un plateau continental
en vertu de la règle coutumière reflétée au paragraphe 2 de l’article 121 de la
CNUDM, tandis que Quitasueño, Alburquerque, Bajo Nuevo, les cayes de
l’Est-Sud-Est, Roncador, Serrana et Serranilla sont des « rochers » au sens
coutumier reflété au paragraphe 3 de l’article 121 de la CNUDM et ne
génèrent pas de droit à un plateau continental. Le Nicaragua considère que
San Andrés, Providencia et Santa Catalina sont situées sur la même marge
continentale que sa propre masse continentale et qu’elles pourraient donc
ouvrir droit à un plateau continental au-delà de 200 milles marins jusqu’au
rebord de cette marge. Selon lui, toutefois, ce plateau continental ne devrait
pas s’étendre à l’est de la limite de 200 milles marins des lignes de base nicaraguayennes,
l’arrêt de 2012 ayant déjà attribué à ces îles des droits liés au
plateau continental qui sont très importants au regard de leur taille réduite.
Le Nicaragua est donc d’avis que ces îles ont droit à un plateau continental
jusqu’à une ligne constituée d’arcs de 200 milles marins partant des lignes
de base à partir desquelles est mesurée sa propre mer territoriale, ligne qui
relie les points A, C et B dont les coordonnées figurent dans les conclusions
présentées dans son mémoire puis réaffirmées dans sa réplique (voir le paragraphe
19 ci-dessus). Le Nicaragua estime également que les formations
maritimes colombiennes que sont la caye Serranilla et Bajo Nuevo ne
devraient se voir accorder qu’une mer territoriale de 12 milles marins. La
délimitation finale proposée par le Nicaragua est représentée à la figure 7.1
de sa réplique, qui est reproduite ci-après (p. 434).
433 delimitation of the continental shelf (judgment)
Map Showing the “Provisional Mainland-Mainland
Delimitation Line” Proposed by Nicaragua
(Source: Nicaragua’s Memorial, Figure 5.1, p. 128.)
Colombia mainland 200M
Nicaragua’s outer continental shelf limit
Line of equal division
80°W 75°W
10°N
15°N
Alburquerque
Cays
East Southeast
Cays
San Andrés
Providencia
Quitasueño
Cay
Serrana Cay
Roncador Cay
Serranilla
Bajo Nuevo
Miskito
Cays
Corn
Islands
Monkey Pt
Punta Castilla
Puerto Limon
Punta Mona
Almirante
Punta de Perla
S Catalina
Golfo de
Morrosquillo
Cartagena
Barranquilla
Cabo de la Aguja
Riohacha
C Gracias
à Dios
Golfo de los
Mosquitos
Cabo de la Vera
Punta Gallinas
Punta de la Cruz
Punta Faro
Punta de la Garito
Punta Canoas
P San Blas
Colon
Punta Barú
NICARAGUA
COSTA COLOMBIA
RICA
PANAMA
VENEZUELA
0 100 200 M
Figure 5.1 The Provisional Mainland–Mainland Delimitation Line
délimitation du plateau continental (arrêt) 433
Carte représentant la « ligne de délimitation provisoire
entre les côtes continentales des Parties » proposée par le Nicaragua 200 milles
80°O 75°O
10°N
15°N
d'Alburquerque
Cayes
de l'Est-Sud-Est
Cayes
San Andrés
Providencia
de Quitasueño
Caye Caye de Serrana
Caye de Roncador
Serranilla
Bajo Nuevo
Cayes
des Miskitos
Îles
du Maïs
Monkey Pt
Punta Castilla
Puerto Limon
Punta Mona
Almirante
Punta de Perla
S Catalina
Golfo de
Morrosquillo
Cartagena
Barranquilla
Cabo de la Aguja
Riohacha
C Gracias
à Dios
Golfo de los
Mosquitos
Cabo de la Vera
Punta Gallinas
Punta de la Cruz
Punta Faro
Punta de la Garito
Punta Canoas
P San Blas
Colon
Punta Barú
NICARAGUA
COSTA COLOMBIE
RICA
PANAMA
VENEZUELA
0 100 200 M
Figure 5.1 The Provisional Mainland–Mainland Delimitation Line
Ligne de division par parts égales
Limite extérieure du plateau continental du Nicaragua
des côtes continentales colombiennes
(Source : Mémoire du Nicaragua, figure 5.1, p. 128. Original en anglais.)
434 delimitation of the continental shelf (judgment)
Map Showing the Final Delimitation Proposed by Nicaragua
Nicaragua 200M
Honduras
Nicaragua
Colombia
Panama
Colombia
Panama
Costa Rica
Panama
Jamaica
Colombia
Nicaragua
COL COL
Nicaragua
Colombia
JOINT
REGIME
AREA
(Col/Jam)
Colombia
Haiti
Colombia
Dominican Republic
Joint Zone
COL
COL
Costa Rica
Nicaragua
1
2
3
4
6 5
7
8
A
B
C
80°W 75°W
10°N
15°N
Alburquerque
Cays
East Southeast
Cays
San Andrés
Providencia
Quitasueño
Cay
Serrana Cay
Roncador Cay
Serranilla
Bajo Nuevo
Corn
Islands
Punta del Mono
Punta Castillo
Puerto Limon
Punta Cahuit
Punta Mona
Almirante
Punta de Perla
S Catalina
Uraba
Golfo de
Morrosquillo
Cartagena
Barranquilla
Cabo de la Aguja
Riohacha
C Gracias
à Dios
Golfo de los
Mosquitos
Cabo de la Vera
Punta Gallinas
Punta de la Cruz
Punta Faro
Punta de la Garito
Punta Canoas
P San Blas
Colon
Punta Barú
Miskito
Cays
London Reef
NICARAGUA
COSTA COLOMBIA
RICA
PANAMA
0 100 200 M
NM Figure 5.7
(Source: Nicaragua’s Reply, Figure 7.1, p. 208.)
*
délimitation du plateau continental (arrêt) 434
Carte représentant la délimitation finale proposée par le Nicaragua
Nicaragua 200M
Honduras
Nicaragua
Panama
Colombie
Panama
Costa Rica
Panama
Colombie
Jamaïque
Colombie
Nicaragua
COL COL
Nicaragua
Colombie
ZONE
DE RÉGIME
COMMUN
(Col/Jam)
Colombie
Haïti
Colombie
République dominicaine
Zone commune
COL
COL
Costa Rica
Nicaragua
1
2
3
4
6 5
7
8
A
B
C
80°O 75°O
10°N
15°N
d'Alburquerque
Cayes
Cayes
de l'Est-Sud-Est
San Andrés
Providencia
de Quitasueño
Caye Caye de Serrana
Caye de Roncador
Serranilla
Bajo Nuevo
Îles
du Maïs
Punta del Mono
Punta Castillo
Puerto Limon
Punta Cahuit
Punta Mona
Almirante
Punta de Perla
S Catalina
Uraba
Golfo de
Morrosquillo
Cartagena
Barranquilla
Cabo de la Aguja
Riohacha
C Gracias
à Dios
Golfo de los
Mosquitos
Cabo de la Vera
Punta Gallinas
Punta de la Cruz
Punta Faro
Punta de la Garito
Punta Canoas
P San Blas
Colon
Punta Barú
des Miskitos
Cayes
London Reef NICARAGUA
COSTA COLOMBIE
RICA
PANAMA
0 100 200 M
MN Figure 5.7
(Source : Réplique du Nicaragua, figure 7.1, p. 208. Original en anglais.)
*
435 delimitation of the continental shelf (judgment)
31. Colombia asks the Court to reject Nicaragua’s request for a delimitation
of the continental shelf beyond 200 nautical miles of the latter’s coast.
It argues in particular that, as a matter of customary international law, a
State may not claim a continental shelf beyond 200 nautical miles from its
baselines that encroaches on another State’s entitlement to a 200-nauticalmile
exclusive economic zone and continental shelf measured from its
mainland coast and islands.
32. With respect to the alleged entitlement of Nicaragua to a continental
shelf beyond 200 nautical miles of Nicaragua’s coast, Colombia argues that
the Applicant erroneously assumes that its submission to the CLCS is in
itself proof of the existence of its extended continental shelf. According to
Colombia, Article 76, paragraphs 2 to 6, which set out precise scientific and
technical formulae for fixing limits beyond which an extended continental
shelf may not be claimed, do not reflect customary international law. The
Respondent contends that a coastal State’s entitlement to a continental shelf
beyond 200 nautical miles must be based on the natural prolongation of
its land territory as evidenced by the physical characteristics of the shelf
based on geological and geomorphological factors. In this regard, Colombia
argues that Nicaragua fails to demonstrate with scientific certainty the
existence of the natural prolongation of its land territory beyond
200 nautical miles of its coast. Colombia claims that there are a number of
fundamental geomorphological disruptions and geological discontinuities
in the physical continental shelf that terminate the natural prolongation
of Nicaragua’s land territory well before the 200-nautical-mile limit from
the Nicaraguan coast is reached.
33. Turning to its own entitlements, Colombia alleges that, in conformity
with customary international law, both its mainland and its islands are
entitled to a 200-nautical-mile exclusive economic zone with its “attendant”
continental shelf. It recalls that, in the 2012 Judgment, the Court ruled that
San Andrés, Providencia and Santa Catalina generated a territorial sea,
an exclusive economic zone and a continental shelf, and that they possessed
substantial entitlements to the east of the 200-nautical-mile line from
Nicaragua’s baselines. Colombia further asserts that Roncador, Serrana,
Serranilla and Bajo Nuevo are not rocks and are thus entitled to an exclusive
economic zone with its “attendant” continental shelf, including in areas
lying more than 200 nautical miles from Nicaragua’s baselines. It contends
that all these islands are capable of sustaining human habitation or economic
life of their own. It adds that, even if Serrana, Roncador, Serranilla and
Bajo Nuevo were deemed not to be entitled to an exclusive economic
zone and continental shelf, Nicaragua’s claim would still fail because its
extended continental shelf cannot “leapfrog” over or “tunnel” under the
délimitation du plateau continental (arrêt) 435
31. La Colombie prie la Cour de rejeter la demande du Nicaragua tendant
à la délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins de
la côte nicaraguayenne. Elle soutient en particulier que, en droit international
coutumier, un État ne peut pas revendiquer un plateau continental
s’étendant au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base si celui-ci
empiète sur la zone économique exclusive et le plateau continental auxquels
un autre État a droit sur 200 milles marins mesurés à partir de sa côte continentale
et de ses îles.
32. Au sujet du plateau continental auquel le Nicaragua prétend avoir droit
au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne, la Colombie soutient
que c’est à tort que le demandeur tient pour acquis que sa demande à la
Commission des limites constitue en soi une preuve de l’existence d’un tel
plateau continental étendu. Selon elle, les paragraphes 2 à 6 de l’article 76 de
la CNUDM, qui énoncent les formules scientifiques et techniques précises
permettant d’établir la limite au-delà de laquelle un plateau continental
étendu ne peut pas être revendiqué, ne reflètent pas le droit international coutumier.
La défenderesse affirme que la revendication d’un État côtier à
un plateau continental au-delà de 200 milles marins doit être fondée sur
l’existence d’un prolongement naturel du territoire terrestre, établie par les
caractéristiques physiques du plateau en fonction de facteurs géologiques
et géomorphologiques. À cet égard, elle fait valoir que le Nicaragua n’a pas
prouvé avec la certitude scientifique voulue que son territoire terrestre se
prolongeait naturellement au-delà de 200 milles marins de sa côte. Elle
avance qu’un certain nombre de ruptures géomorphologiques et discontinuités
géologiques fondamentales du plateau continental physique viennent
interrompre le prolongement naturel du territoire terrestre du Nicaragua
bien avant d’atteindre la limite des 200 milles marins à partir de la côte
nicaraguayenne.
33. S’agissant de ses propres droits à des espaces maritimes, la Colombie
soutient que, conformément au droit international coutumier, tant sa masse
continentale que ses îles ouvrent droit à une zone économique exclusive de
200 milles marins, avec le plateau continental « correspondant ». Elle rappelle
que, dans l’arrêt de 2012, la Cour a jugé que San Andrés, Providencia
et Santa Catalina généraient une mer territoriale, une zone économique
exclusive et un plateau continental, et qu’elles détenaient des droits
importants dans les espaces à l’est de la ligne située à 200 milles marins des
lignes de base du Nicaragua. La Colombie affirme en outre que Roncador,
Serrana, Serranilla et Bajo Nuevo ne sont pas des rochers et ont donc droit à
une zone économique exclusive et au plateau continental « correspondant »,
y compris dans les zones situées à plus de 200 milles marins des lignes de
base nicaraguayennes. La Colombie avance que chacune de ces îles se prête
à l’habitation humaine ou à une vie économique propre. Elle ajoute que,
même si Serrana, Roncador, Serranilla et Bajo Nuevo n’étaient pas considérées
comme ayant droit à une zone économique exclusive et à un plateau
436 delimitation of the continental shelf (judgment)
exclusive economic zone and “attendant” continental shelf of San Andrés,
Providencia and Santa Catalina.
* *
34. In its Order of 4 October 2022, the Court stated that, in the circumstances
of the case, it was first necessary to decide on certain questions of
law, after hearing the Parties thereon, and thus posed two questions to the
Parties (see paragraph 14 above). The Court will examine the first question
(Part III) before turning to the second question (Part IV). It will then
consider the requests contained in Nicaragua’s submissions (Part V).
III. First Question Formulated in the Order
of 4 October 2022
35. The Court recalls that the first question formulated in the Order of
4 October 2022 (hereinafter the “first question”) is worded as follows:
“Under customary international law, may a State’s entitlement to a
continental shelf beyond 200 nautical miles from the baselines from
which the breadth of its territorial sea is measured extend within
200 nautical miles from the baselines of another State?” (Question of the
Delimitation of the Continental Shelf between Nicaragua and Colombia
beyond 200 Nautical Miles from the Nicaraguan Coast (Nicaragua v.
Colombia), Order of 4 October 2022, I.C.J. Reports 2022 (II), p. 565.)
36. The Court will begin by considering the preliminary character of the
first question (Section A). It will then determine the customary international
law applicable in this case to the maritime areas at issue (Section B), before
responding to the first question (Section C).
A. The Preliminary Character of the First Question
37. The Court recalls that, in its Application of 16 September 2013, Nicaragua
instituted proceedings against Colombia with regard to a dispute
concerning
“the delimitation of the boundaries between, on the one hand, the continental
shelf of Nicaragua beyond the 200-nautical-mile limit from the
baselines from which the breadth of the territorial sea of Nicaragua is
measured, and on the other hand, the continental shelf of Colombia”.
délimitation du plateau continental (arrêt) 436
continental, la demande du Nicaragua serait néanmoins vouée à l’échec
parce que son plateau continental étendu ne peut franchir « à saute-mouton »
ou « par-dessous » la zone économique exclusive et le plateau continental
« correspondant » de San Andrés, Providencia et Santa Catalina.
* *
34. Dans son ordonnance du 4 octobre 2022, la Cour a indiqué que, dans
les circonstances de l’espèce, il lui était nécessaire de se prononcer d’abord
sur certaines questions de droit, après avoir entendu les Parties à leur sujet,
et a ainsi posé deux questions aux Parties (voir le paragraphe 14 ci-dessus).
Elle examinera la première question (partie III), avant de se pencher sur la
seconde question (partie IV). Elle examinera ensuite les demandes contenues
dans les conclusions du Nicaragua (partie V).
III. Première question formulée dans l’ordonnance
du 4 octobre 2022
35. La Cour rappelle que la première question qu’elle a formulée dans l’ordonnance
du 4 octobre 2022 (ci-après la « première question ») est ainsi
rédigée :
« En droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau
continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles
est mesurée la largeur de sa mer territoriale peut-il s’étendre à
des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base
d’un autre État ? » (Question de la délimitation du plateau continental
entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins de la
côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), ordonnance du 4 octobre
2022, C.I.J. Recueil 2022 (II), p. 565.)
36. La Cour examinera tout d’abord le caractère préalable de la première
question (section A). Elle déterminera ensuite le droit international coutumier
applicable en l’espèce aux espaces maritimes en cause (section B),
avant de répondre à la première question (section C).
A. Le caractère préalable de la première question
37. La Cour rappelle que, par sa requête du 16 septembre 2013, le Nicaragua
a introduit une instance contre la Colombie concernant un différend
relatif à
« la délimitation entre, d’une part, le plateau continental du Nicaragua
s’étendant au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles
est mesurée la largeur de la mer territoriale du Nicaragua et,
d’autre part, le plateau continental de la Colombie ».
437 delimitation of the continental shelf (judgment)
38. In its Order of 4 October 2022, the Court considered that, in the circumstances
of the case,
“before proceeding to any consideration of technical and scientific questions
in relation to the delimitation of the continental shelf between
Nicaragua and Colombia beyond 200 nautical miles from the baselines
from which the breadth of the territorial sea of Nicaragua is measured,
. . . it [was] necessary to decide on certain questions of law, after
hearing the Parties thereon” (Question of the Delimitation of the Continental
Shelf between Nicaragua and Colombia beyond 200 Nautical
Miles from the Nicaraguan Coast (Nicaragua v. Colombia), Order of
4 October 2022, I.C.J. Reports 2022 (II), pp. 564-565).
39. The Court notes that, while the Parties agree that the first question
posed by the Court arises in the particular factual context of the present case,
the Parties have approached this question differently.
40. Nicaragua contends that there is an overlap between its own entitlement
to an extended continental shelf and Colombia’s entitlement to a
continental shelf within 200 nautical miles of the latter’s coast and that,
therefore, the Court must proceed to an equitable delimitation. According to
Nicaragua, it is this overlap that necessitates the delimitation of maritime
zones in the area in which the Parties have competing entitlements.
41. Colombia, for its part, considers that a State must first establish that it
has a legal title to a certain maritime area that overlaps with an area that may
be claimed by another State, before the principles and rules of maritime
delimitation come into play. In Colombia’s view, it is not delimitation that
generates a legal title, but rather a legal title that gives rise to the need for
delimitation.
42. As the Court has indicated previously, “[a]n essential step in any
delimitation is to determine whether there are entitlements, and whether
they overlap” (Maritime Delimitation in the Indian Ocean (Somalia v.
Kenya), Judgment, I.C.J. Reports 2021, p. 276, para. 193; see Continental
Shelf (Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya), Judgment, I.C.J. Reports 1982,
p. 42, para. 34). Determining whether there is any area of overlap between
the entitlements of two States, each founded on a distinct legal title, is the
first step in any maritime delimitation, because “the task of delimitation
consists in resolving the overlapping claims by drawing a line of separation
of the maritime areas concerned” (Maritime Delimitation in the Black Sea
(Romania v. Ukraine), Judgment, I.C.J. Reports 2009, p. 89, para. 77).
43. Therefore, the first question has a preliminary character in the sense
that it must be answered in order to ascertain whether the Court may proceed
to the delimitation requested by Nicaragua and, consequently, whether it is
necessary to consider the scientific and technical questions that would arise
for the purposes of such a delimitation.
délimitation du plateau continental (arrêt) 437
38. Dans son ordonnance du 4 octobre 2022, la Cour a considéré que, dans
les circonstances de l’espèce,
« avant de procéder à tout examen des questions scientifiques et techniques
relatives à la délimitation du plateau continental entre le
Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins des lignes de
base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale du
Nicaragua, … [il était] nécessaire de se prononcer sur certaines questions
de droit, après avoir entendu les Parties à leur sujet » (Question de
la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie
au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua
c. Colombie), ordonnance du 4 octobre 2022, C.I.J. Recueil 2022 (II),
p. 564-565).
39. La Cour note que les Parties, si elles conviennent que la première question
qu’elle leur a posée s’inscrit dans le contexte factuel particulier de la
présente instance, ont néanmoins abordé celle-ci différemment.
40. Le Nicaragua affirme qu’il y a un chevauchement entre son propre
droit à un plateau continental étendu et le droit de la Colombie à un plateau
continental en deçà de 200 milles marins de sa côte et que, en conséquence,
la Cour doit procéder à une délimitation équitable. C’est ce chevauchement,
selon lui, qui rend nécessaire une délimitation des espaces maritimes dans la
zone où les droits des Parties entrent en concurrence.
41. La Colombie, pour sa part, considère qu’un État doit d’abord établir
qu’il a un titre juridique sur une zone maritime donnée qui chevauche
un espace dont un autre État peut se prévaloir, avant que les principes et
règles de délimitation maritime n’entrent en jeu. Elle est d’avis que c’est non
pas la délimitation qui génère un titre juridique mais, plutôt, le titre juridique
qui donne lieu à la nécessité de délimiter.
42. Ainsi que la Cour l’a dit par le passé, « [l]’une des étapes essentielles
dans tout processus de délimitation consiste à déterminer s’il existe des
droits, et si ceux-ci se chevauchent » (Délimitation maritime dans l’océan
Indien (Somalie c. Kenya), arrêt, C.I.J. Recueil 2021, p. 276, par. 193 ; voir
Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J.
Recueil 1982, p. 42, par. 34). La détermination de l’existence d’une zone de
chevauchement entre les droits de deux États, fondés respectivement sur un
titre juridique distinct, est la première étape dans toute délimitation maritime,
car « la délimitation consiste à résoudre le problème du chevauchement
des revendications en traçant une ligne de séparation entre les espaces maritimes
concernés » (Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie
c. Ukraine), arrêt, C.I.J. Recueil 2009, p. 89, par. 77).
43. En conséquence, la première question a un caractère préalable, en ce
sens qu’il faut y répondre afin de savoir s’il y a lieu pour la Cour de procéder
à la délimitation demandée par le Nicaragua, et, par suite, s’il est nécessaire
d’examiner les questions scientifiques et techniques qui se poseraient aux
fins d’une telle délimitation.
438 delimitation of the continental shelf (judgment)
44. The Court asked the Parties to base their arguments on customary
international law, which is applicable to the present case because, unlike
Nicaragua, Colombia is not a party to UNCLOS.
45. The Court will now determine the customary international law applicable
to the maritime areas at issue, namely the exclusive economic zone and
the continental shelf.
B. The Customary International Law Applicable
to the Maritime Areas at Issue
46. The Court recalls that “the material of customary international law is
to be looked for primarily in the actual practice and opinio juris of States”,
and that “multilateral conventions may have an important role to play in
recording and defining rules deriving from custom, or indeed in developing
them” (Continental Shelf (Libyan Arab Jamahiriya/Malta), Judgment,
I.C.J. Reports 1985, pp. 29-30, para. 27; see also North Sea Continental Shelf
(Federal Republic of Germany/Denmark; Federal Republic of Germany/
Netherlands), Judgment, I.C.J. Reports 1969, p. 42, para. 73).
47. UNCLOS was drawn up at the Third United Nations Conference
on the Law of the Sea, which was held over a period of nine years, from
December 1973 until the adoption of the Convention in Montego Bay on
10 December 1982. As is indicated in the preamble of UNCLOS, the objective
of the Convention was to achieve “the codification and progressive
development of the law of the sea”. Even prior to the conclusion of the
negotiations, certain aspects of the legal régimes governing the maritime
areas of coastal States, notably the continental shelf and the exclusive
economic zone, were reflected in State practice, primarily through declarations,
laws and regulations. This practice was taken into account during
the drafting of the Convention. A very large number of States have since
become parties to UNCLOS, which has significantly contributed to the
crystallization of certain customary rules.
48. As recognized in the preamble to the Convention, “the problems of
ocean space are closely related and need to be considered as a whole”. The
method of negotiation at the Conference was designed against this
background and had the aim of achieving consensus through a series of provisional
and interdependent texts on the various questions at issue that
resulted in a comprehensive and integrated text forming a package deal.
49. The integrated character of the various parts of the Convention is particularly
evident in relation to Part V of UNCLOS, which concerns the
exclusive economic zone, and Part VI, which concerns the continental shelf.
The relationship between these two parts is specified in Article 56, paragraph
3. This Article provides:
délimitation du plateau continental (arrêt) 438
44. La Cour a demandé aux Parties de fonder leurs arguments sur le droit
international coutumier, qui est applicable à la présente instance puisque,
contrairement au Nicaragua, la Colombie n’est pas partie à la CNUDM.
45. La Cour en vient à la détermination du droit international coutumier
applicable aux espaces maritimes en cause, soit la zone économique exclusive
et le plateau continental.
B. Le droit international coutumier applicable
aux espaces maritimes en cause
46. La Cour rappelle que « la substance du droit international coutumier
doit être recherchée en premier lieu dans la pratique effective et l’opinio
juris des États », et que « les conventions multilatérales peuvent avoir un rôle
important à jouer en enregistrant et définissant les règles dérivées de la
coutume ou même en les développant » (Plateau continental (Jamahiriya
arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 29-30, par. 27 ; voir aussi
Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/
Danemark ; République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J.
Recueil 1969, p. 42, par. 73).
47. La CNUDM a été élaborée dans le cadre de la troisième conférence
des Nations Unies sur le droit de la mer, qui s’est tenue sur une période de
neuf ans, de décembre 1973 jusqu’à l’adoption de la convention à Montego
Bay le 10 décembre 1982. Comme le précise son préambule, l’objectif de
la convention était de parvenir à « la codification et [au] développement
progressif du droit de la mer ». Avant même la conclusion des négociations,
certains aspects des régimes juridiques régissant les espaces maritimes
des États côtiers, notamment le plateau continental et la zone économique
exclusive, faisaient l’objet d’une pratique des États qui agissaient, le
plus souvent, au travers de déclarations, lois et règlements. Cette pratique
a été prise en considération lors de l’élaboration de la convention. Un
très grand nombre d’États sont depuis devenus parties à celle-ci, ce qui a
contribué de façon significative à la cristallisation de certaines règles coutumières.
48. Comme l’indique le préambule de la convention, « les problèmes des
espaces marins sont étroitement liés entre eux et doivent être envisagés dans
leur ensemble ». La méthode de négociation de la conférence fut conçue
dans cette optique et avait pour objectif la recherche d’un consensus à travers
une série de textes provisoires et interdépendants sur les différentes
questions en cause, ce qui a abouti à un texte exhaustif et intégré formant un
compromis global (package deal).
49. Le caractère intégré des différentes parties de la convention est particulièrement
manifeste en ce qui concerne la partie V de la CNUDM, relative
à la zone économique exclusive, et la partie VI, relative au plateau continental.
La relation entre ces deux parties est précisée au paragraphe 3 de
l’article 56. Cet article dispose ainsi :
439 delimitation of the continental shelf (judgment)
“1. In the exclusive economic zone, the coastal State has:
(a) sovereign rights for the purpose of exploring and exploiting, conserving
and managing the natural resources, whether living or
non-living, of the waters superjacent to the sea-bed and of the seabed
and its subsoil, and with regard to other activities for the
economic exploitation and exploration of the zone, such as the production
of energy from the water, currents and winds;
(b) jurisdiction as provided for in the relevant provisions of this Convention
with regard to:
(i) the establishment and use of artificial islands, installations and
structures;
(ii) marine scientific research;
(iii) the protection and preservation of the marine environment;
(c) other rights and duties provided for in this Convention.
2. In exercising its rights and performing its duties under this Convention
in the exclusive economic zone, the coastal State shall have due
regard to the rights and duties of other States and shall act in a manner
compatible with the provisions of this Convention.
3. The rights set out in this article with respect to the sea-bed and subsoil
shall be exercised in accordance with Part VI.”
50. In the case concerning Alleged Violations of Sovereign Rights and
Maritime Spaces in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Colombia), the Court
concluded that Article 56 reflects customary rules on the rights and duties in
the exclusive economic zone of coastal States (Judgment, I.C.J. Reports
2022 (I), pp. 297-298, para. 57).
51. The Court turns next to the continental shelf, which is defined in Article
76, paragraph 1, of UNCLOS:
“The continental shelf of a coastal State comprises the sea-bed and
subsoil of the submarine areas that extend beyond its territorial sea
throughout the natural prolongation of its land territory to the outer edge
of the continental margin, or to a distance of 200 nautical miles from
the baselines from which the breadth of the territorial sea is measured
where the outer edge of the continental margin does not extend up to that
distance.”
52. The Court recalls that this definition forms part of customary international
law (Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia),
Judgment, I.C.J. Reports 2012 (II), p. 666, para. 118).
53. In view of the foregoing, the Court will consider whether, under customary
international law, a State’s entitlement to a continental shelf beyond
200 nautical miles from the baselines from which the breadth of its territorial
sea is measured may extend within 200 nautical miles from the baselines
of another State.
délimitation du plateau continental (arrêt) 439
« 1. Dans la zone économique exclusive, l’État côtier a :
a) des droits souverains aux fins d’exploration et d’exploitation, de
conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou
non biologiques, des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds
marins et de leur sous-sol, ainsi qu’en ce qui concerne d’autres activités
tendant à l’exploration et à l’exploitation de la zone à des fins
économiques, telles que la production d’énergie à partir de l’eau, des
courants et des vents ;
b) juridiction, conformément aux dispositions pertinentes de la Convention,
en ce qui concerne :
i) la mise en place et l’utilisation d’îles artificielles, d’installations
et d’ouvrages ;
ii) la recherche scientifique marine ;
iii) la protection et la préservation du milieu marin ;
c) les autres droits et obligations prévus par la Convention.
2. Lorsque, dans la zone économique exclusive, il exerce ses droits et
s’acquitte de ses obligations en vertu de la Convention, l’État côtier tient
dûment compte des droits et des obligations des autres États et agit d’une
manière compatible avec la Convention.
3. Les droits relatifs aux fonds marins et à leur sous-sol énoncés dans
le présent article s’exercent conformément à la partie VI. »
50. Dans l’affaire relative à des Violations alléguées de droits souverains
et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie),
la Cour a conclu que l’article 56 reflétait les règles coutumières sur les droits
et obligations de l’État côtier dans la zone économique exclusive (arrêt,
C.I.J. Recueil 2022 (I), p. 297-298, par. 57).
51. La Cour en vient au plateau continental qui est défini au paragraphe
premier de l’article 76 de la CNUDM :
« Le plateau continental d’un État côtier comprend les fonds marins et
leur sous-sol au-delà de sa mer territoriale, sur toute l’étendue du prolongement
naturel du territoire terrestre de cet État jusqu’au rebord externe
de la marge continentale, ou jusqu’à 200 milles marins des lignes de
base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale,
lorsque le rebord externe de la marge continentale se trouve à une distance
inférieure. »
52. La Cour rappelle que cette définition fait partie du droit international
coutumier (Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt,
C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 666, par. 118).
53. Au vu de ce qui précède, la Cour examinera la question de savoir si, en
droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau continental
au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est
mesurée la largeur de sa mer territoriale peut s’étendre à des espaces maritimes
en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
440 delimitation of the continental shelf (judgment)
C. Under Customary International Law, May a State’s Entitlement
to a Continental Shelf beyond 200 Nautical Miles from the Baselines
from which the Breadth of its Territorial Sea Is Measured Extend
within 200 Nautical Miles from the Baselines of another State?
54. The Parties disagree as to whether a State’s entitlement to a continental
shelf beyond 200 nautical miles from the baselines from which the breadth
of its territorial sea is measured may extend within 200 nautical miles from
the baselines of another State.
55. Nicaragua argues that a State’s entitlement to a continental shelf
beyond 200 nautical miles may extend within 200 nautical miles from the
baselines of another State.
56. Nicaragua asserts that the continental shelf and the rights relating to
it automatically appertain to the coastal State, without there being any need
for that State to exercise or declare those rights, which is not the case for
the exclusive economic zone. According to the Applicant, there is no rule in
customary international law, or in UNCLOS, that makes an exclusive
economic zone an ipso facto and ab initio appurtenance of every coastal
State.
57. Nicaragua acknowledges that, where there is an overlap between a
State’s continental shelf based on natural prolongation and another State’s
200-nautical-mile zone, States have in general preferred to have a single
maritime boundary rather than have any part of the continental shelf of one
State lie within the 200-nautical-mile zone of the other. It adds, however,
that this practice is not proof of a customary norm in this regard, given the
lack of opinio juris. Nicaragua argues that the practice of States that refrain
from asserting, in their submissions to the CLCS, outer limits of their
extended continental shelf that extend within 200 nautical miles from the
baselines of another State is motivated by considerations other than a sense
of legal obligation, in particular a desire to avoid the possibility of their submission
giving rise to a dispute with the result that the Commission would
not consider it. Nicaragua also refers to certain examples of States which
have made submissions to the CLCS that included the extension of their continental
shelf within 200 nautical miles of another State, and notes that this
practice supports the argument that the continental shelf beyond 200 nautical
miles may extend within 200 nautical miles from the baselines of a
neighbouring State.
58. Nicaragua also refers to the two cases concerning delimitation in
the Bay of Bengal: Delimitation of the Maritime Boundary in the Bay of
Bengal (Bangladesh/Myanmar), Judgment, ITLOS Reports 2012, pp. 64-68,
paras. 225-240, and Bay of Bengal Maritime Boundary Arbitration (Bangladesh
v. India), Award of 7 July 2014, United Nations, Reports of International
Arbitral Awards (RIAA), Vol. XXXII, pp. 104-106, paras. 336-346 (hereindélimitation
du plateau continental (arrêt) 440
C. En droit international coutumier, le droit d’un État
à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base
à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale
peut-il s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins
des lignes de base d’un autre État ?
54. Les Parties s’opposent sur le point de savoir si le droit d’un État à un
plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir
desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale peut s’étendre à des
espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un
autre État.
55. Le Nicaragua soutient que le droit d’un État à un plateau continental
au-delà de 200 milles marins peut s’étendre à des espaces maritimes en deçà
de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
56. Selon le Nicaragua, le plateau continental et les droits y relatifs relèvent
automatiquement de l’État côtier, sans que celui-ci ait besoin de les exercer
ou de procéder à une quelconque déclaration à leur sujet, ce qui n’est pas
le cas pour la zone économique exclusive. Le demandeur soutient qu’il
n’existe en droit international coutumier, ou dans la CNUDM, aucune règle
selon laquelle la zone économique exclusive relèverait ipso facto et ab initio
de l’État côtier.
57. Le Nicaragua reconnaît que, là où il y a chevauchement entre le plateau
continental d’un État fondé sur le prolongement naturel, et la zone de
200 milles marins d’un autre État, les États ont en général préféré avoir une
frontière maritime unique plutôt que d’être dans la situation où une partie du
plateau continental de l’un se trouve dans la zone de 200 milles marins de
l’autre. Il ajoute cependant que cette pratique n’est pas la preuve d’une norme
coutumière en la matière, faute d’opinio juris. Il fait valoir que la pratique
des États qui s’abstiennent, dans leurs demandes à la Commission, de revendiquer
un plateau continental étendu dont les limites extérieures se situeraient
en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État s’explique
par des considérations autres qu’un sentiment d’obligation juridique, en particulier
la volonté d’éviter que leur demande ne donne lieu à un différend, ce
qui amènerait la Commission à refuser de l’examiner. Le Nicaragua se réfère
également à certains exemples d’États qui ont adressé à la Commission des
demandes qui portaient sur l’extension d’un plateau continental dans la zone
de 200 milles marins d’un autre État, et relève que cette pratique étaye la
thèse que le plateau continental au-delà de 200 milles marins peut s’étendre
en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un État voisin.
58. Le Nicaragua se réfère aussi aux deux affaires relatives à la délimitation
dans le golfe du Bengale, à savoir la Délimitation de la frontière
maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, TIDM
Recueil 2012, p. 64-68, par. 225-240, et l’Arbitrage concernant la frontière
maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh c. Inde), sentence du 7 juillet
2014, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales (RSA), vol. XXXII,
441 delimitation of the continental shelf (judgment)
after the “Bay of Bengal cases”). According to Nicaragua, the decisions
in these two cases mean that, when a State’s continental shelf beyond
200 nautical miles from its baselines extends within the exclusive economic
zone of another State, this gives rise to a “grey area” in which the two States
must co-operate. It follows, in Nicaragua’s view, that there is no rule of customary
international law extinguishing the entitlement of one State to an
extended continental shelf that overlaps with another State’s entitlement to a
continental shelf within 200 nautical miles from the latter’s baselines.
59. Nicaragua contends that there can be no difference in law between a
State’s entitlement to a continental shelf based on the natural prolongation
criterion and one founded on the distance criterion. Nicaragua argues that
there is a single continental shelf within and beyond 200 nautical miles from
the baselines of the coastal State and that the same legal régime applies to all
of it. While recognizing that States parties to UNCLOS are obligated to
make contributions in return for the exploitation of the non-living resources
of their continental shelf beyond 200 nautical miles, Nicaragua argues that
the juridical nature of the rights of the coastal State is the same throughout
its entire continental shelf. It adds that the unity of the continental shelf was
confirmed in the 2006 arbitral award in the Barbados/Trinidad and Tobago
case (Award of 11 April 2006, RIAA, Vol. XXVII, pp. 208-209, para. 213),
the decision of the International Tribunal for the Law of the Sea (ITLOS) in
the case between Bangladesh and Myanmar (Delimitation of the Maritime
Boundary in the Bay of Bengal (Bangladesh/Myanmar), Judgment, ITLOS
Reports 2012, pp. 96-97, paras. 361-362) and the decision of the Special
Chamber of ITLOS in Delimitation of the Maritime Boundary in the Atlantic
Ocean (Ghana/Côte d’Ivoire) (Judgment, ITLOS Reports 2017, p. 136,
para. 490, and p. 142, para. 526).
60. According to Nicaragua, natural prolongation is the source of the
coastal State’s legal title both within and beyond 200 nautical miles. It considers
that no “distance” criterion has been introduced to limit the scope of
continental shelf claims, except in the provisions of UNCLOS concerning
the determination of the outer edge of the continental margin, and that such
is the situation at present. Recalling the historical origins of the concept of
the continental shelf, Nicaragua asserts that, in the North Sea Continental
Shelf cases, the Court confirmed that every coastal State has sovereign rights
over the exploitable natural resources of the seabed that constitutes a natural
prolongation of its land territory into and under the sea, with no
“distance” criterion to be applied.
*
61. Colombia, for its part, considers that the continental shelf of a State
beyond 200 nautical miles may not extend within 200 nautical miles from
the baselines of another State.
délimitation du plateau continental (arrêt) 441
p. 104-106, par. 336-346 (ci-après les « affaires du Golfe du Bengale »). Selon
le Nicaragua, les décisions rendues dans ces deux affaires signifient que,
lorsque le plateau continental d’un État au-delà de 200 milles marins de ses
lignes de base s’étend dans la zone économique exclusive d’un autre État,
cela donne lieu à une « zone grise » dans laquelle les deux États doivent
coopérer. Il s’ensuit, de l’avis du Nicaragua, qu’il n’existe pas de règle de
droit international coutumier faisant disparaître le droit d’un État à un plateau
continental étendu qui chevaucherait le plateau continental d’un autre
État en deçà de 200 milles marins des lignes de base de ce dernier.
59. Le Nicaragua soutient qu’il ne peut y avoir de différence en droit entre
le droit d’un État à un plateau continental sur le fondement du critère du prolongement
naturel et son droit à un plateau continental sur le fondement du
critère de la distance. Il affirme qu’il existe un plateau continental unique en
deçà et au-delà de 200 milles marins des lignes de base de l’État côtier, et
que le même régime juridique s’applique à l’ensemble de ce plateau. Tout en
reconnaissant que les États parties à la CNUDM sont tenus d’acquitter des
contributions au titre de l’exploitation des ressources non biologiques de leur
plateau continental au-delà de 200 milles marins, le Nicaragua soutient que
la nature juridique des droits de l’État côtier est identique sur toute l’étendue
de son plateau continental. Il ajoute que l’unicité du plateau continental a été
confirmée dans la sentence arbitrale de 2006 rendue en l’affaire Barbade/
Trinité-et-Tobago (sentence du 11 avril 2006, RSA, vol. XXVII, p. 208-209,
par. 213), dans la décision du Tribunal international du droit de la mer
(TIDM) en l’affaire entre le Bangladesh et le Myanmar (Délimitation de la
frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt,
TIDM Recueil 2012, p. 96-97, par. 361-362) et dans la décision de la chambre
spéciale du TIDM dans le différend relatif à la Délimitation de la frontière
maritime dans l’océan Atlantique (Ghana/Côte d’Ivoire) (arrêt, TIDM
Recueil 2017, p. 136, par. 490, et p. 142, par. 526).
60. Le Nicaragua considère que le prolongement naturel est le fondement
du titre juridique de l’État côtier en deçà et au-delà de 200 milles marins.
Selon lui, à ce jour, aucun critère de « distance » n’a été introduit pour limiter
la portée des prétentions relatives au plateau continental, excepté dans les
dispositions de la CNUDM concernant le tracé du rebord externe de la
marge continentale. Rappelant les origines historiques du concept de plateau
continental, le Nicaragua souligne que, dans les affaires du Plateau continental
de la mer du Nord, la Cour a confirmé que chaque État côtier détient
des droits souverains sur les ressources naturelles exploitables des fonds
marins qui constituent un prolongement naturel de son territoire terrestre
sous la mer, sans qu’aucun critère de « distance » ne s’applique.
*
61. La Colombie, de son côté, considère que le plateau continental d’un
État au-delà de 200 milles marins ne peut s’étendre en deçà de 200 milles
marins des lignes de base d’un autre État.
442 delimitation of the continental shelf (judgment)
62. Colombia argues that Article 56, paragraph 3, in Part V of UNCLOS,
which concerns the exclusive economic zone, provides that the rights with
respect to the seabed and its subsoil are to be exercised in accordance with
Part VI of the Convention, which concerns the continental shelf, and that the
rules of Part VI are thus incorporated by reference into the legal régime that
governs the exclusive economic zone.
63. The Respondent asserts that the delimitation Nicaragua seeks would
entail the vertical superimposition of two distinct national jurisdictions for
distinct layers of the sea. According to Colombia, Nicaragua’s claim in this
case bears no relation to the “grey areas” created in the delimitation decisions
in the Bay of Bengal cases. Colombia argues that such grey areas are a
by-product of the adjustment made to the equidistance line in plotting the
single maritime boundary between two States with adjacent coasts. It adds
that the existence of a grey area cannot be upheld in this case without calling
into question the very notion of the exclusive economic zone, which, it
claims, was meant to join all the physical layers of the sea under one national
jurisdiction in which the coastal State would exercise sovereign rights over
both the living and non-living resources. Colombia concludes on this matter
that the two Bay of Bengal decisions are irrelevant in this case, since those
proceedings did not involve a delimitation between the 200-nautical-mile
entitlement of one State and the extended continental shelf claim of another.
64. Colombia emphasizes that the legal régime that governs the exclusive
economic zone is the result of a compromise reached at the Third United
Nations Conference on the Law of the Sea, taking into account the proposals
made by a number of Latin American and African countries regarding the
creation of a new sui generis 200-nautical-mile zone. In this zone, which
was to have a “specific legal regime” and that would be neither territorial sea
nor high seas, the coastal State would have exclusive sovereign rights over
all the living and non-living resources of the water column, the seabed and
the subsoil. The Respondent thus contends that an exclusive economic zone
the water column of which is divorced from the seabed and subsoil is no
longer an exclusive economic zone.
65. With regard to the continental shelf, Colombia recalls that, within
200 nautical miles, legal title depends on distance and that geology and geomorphology
are not pertinent in this regard. While recognizing that the
substantive content of the institution of the continental shelf is generally the
same within and beyond 200 nautical miles from a State’s baselines, Colombia
maintains that the idea of the single continental shelf put forward by
Nicaragua is irrelevant because the rules to be followed in determining a
coastal State’s entitlement to a continental shelf are different depending on
whether the area in question is within or beyond 200 nautical miles.
délimitation du plateau continental (arrêt) 442
62. La Colombie soutient que le paragraphe 3 de l’article 56, dans la
partie V de la CNUDM qui concerne la zone économique exclusive, prévoit
que les droits relatifs aux fonds marins et à leur sous-sol s’exercent conformément
à la partie VI de la convention qui concerne le plateau continental,
et dont les dispositions ont ainsi été incorporées par renvoi au régime juridique
gouvernant la zone économique exclusive.
63. La défenderesse affirme que la délimitation voulue par le Nicaragua
entraînerait la superposition verticale de deux juridictions nationales distinctes
pour des couches distinctes relatives à différentes portions de la mer.
Selon la Colombie, sa demande en l’espèce est sans commune mesure avec
les « zones grises » créées par les décisions en matière de délimitation des
affaires du Golfe du Bengale. Elle fait valoir que ces zones grises sont une
conséquence fortuite de l’ajustement de la ligne d’équidistance dans le cadre
du tracé de la frontière maritime unique entre deux États dont les côtes sont
adjacentes. La Colombie ajoute que l’on ne peut admettre l’existence
d’une zone grise dans le cas d’espèce sans remettre en cause la notion même
de zone économique exclusive, qui, selon elle, a été conçue pour réunir
toutes les couches physiques de la mer en une zone placée sous une seule
juridiction nationale, dans laquelle l’État côtier exercerait des droits souverains
sur les ressources tant biologiques que non biologiques. La Colombie
conclut sur ce point que les deux décisions relatives au Golfe du Bengale sont
sans pertinence en l’espèce, car elles ne concernaient pas une délimitation
entre la zone de 200 milles marins à laquelle un État a droit et le plateau
continental étendu revendiqué par un autre État.
64. La Colombie souligne que le régime juridique gouvernant la zone économique
exclusive résulte d’un compromis obtenu pendant la troisième
conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, qui a tenu compte des
propositions d’un certain nombre de pays latino-américains et africains tendant
à la création d’une nouvelle zone sui generis de 200 milles marins.
Dans cette zone, qui devait être dotée d’un « régime juridique particulier » et
qui ne serait ni la mer territoriale ni la haute mer, l’État côtier posséderait
des droits souverains exclusifs sur toutes les ressources biologiques et non
biologiques de la colonne d’eau, des fonds marins et de leur sous-sol. Ainsi,
selon la défenderesse, une zone économique exclusive dont la colonne d’eau
serait dissociée des fonds marins et de leur sous-sol ne serait plus une zone
économique exclusive.
65. En ce qui concerne le plateau continental, la Colombie rappelle que, en
deçà de 200 milles marins le titre juridique est fonction de la distance, et que
la géologie et la géomorphologie ne sont pas pertinentes à cet égard. Si elle
reconnaît que du point de vue matériel l’institution du plateau continental
est en général la même en deçà et au-delà de 200 milles marins des lignes de
base d’un État, la Colombie soutient cependant que l’idée d’un plateau continental
unique défendue par le Nicaragua n’a aucune pertinence parce que
les règles à suivre pour la détermination du droit de l’État côtier à un plateau
continental diffèrent selon que la zone concernée est située en deçà ou
au-delà de 200 milles marins.
443 delimitation of the continental shelf (judgment)
66. According to Colombia, the package deal reflected in UNCLOS results
from the negotiators’ concerns about defining the outer limits of the continental
margin in relation to the international seabed area (hereinafter the
“Area”), considered the common heritage of mankind. In its view, this is
confirmed by the obligation incumbent on the coastal State to make certain
payments and contributions in respect of minerals taken from the area
beyond 200 nautical miles.
67. According to the Respondent, in certain circumstances, State practice
may be evidence of opinio juris and an examination of the extended continental
shelf submissions filed by States with the CLCS clearly shows that the
vast majority of those States do not claim a continental shelf that would
encroach on maritime areas within 200 nautical miles from the baselines of
another State. Colombia adds that the great majority of delimitations by way
of agreement between States have disregarded geological and geomorphological
features within 200 nautical miles of any coast.
* *
68. In support of their respective positions, the Parties have set out their
views both on the relationship between the régime governing the exclusive
economic zone and that governing the continental shelf and on certain considerations
relevant to the régime governing the extended continental shelf.
The Court considers each of these in turn.
69. The Court recalls that the régime that governs the exclusive economic
zone set out in UNCLOS is the result of a compromise reached at the Third
United Nations Conference on the Law of the Sea. Notably, this régime confers
exclusively on the coastal State the sovereign rights of exploration,
exploitation, conservation and management of natural resources within
200 nautical miles of its coast, while specifying certain duties on the part of
the coastal State (Art. 56), as well as the rights and duties of other States in
that zone (Art. 58). The Court has stated that the rights and duties of coastal
States and other States in the exclusive economic zone set out in Articles 56,
58, 61, 62 and 73 of UNCLOS reflect customary international law (Alleged
Violations of Sovereign Rights and Maritime Spaces in the Caribbean Sea
(Nicaragua v. Colombia), Judgment, I.C.J. Reports 2022 (I), pp. 297-298,
para. 57).
70. As stated above (see paragraph 49), the legal régimes governing the
exclusive economic zone and the continental shelf of the coastal State within
200 nautical miles from its baselines are interrelated. Indeed, within the
exclusive economic zone, the rights with respect to the seabed and subsoil
are to be exercised in accordance with the legal régime that governs the continental
shelf (UNCLOS, Art. 56, para. 3) and the coastal State exercises
sovereign rights over the continental shelf for the purpose of exploring it and
délimitation du plateau continental (arrêt) 443
66. La Colombie affirme que le compromis global reflété dans la CNUDM
résulte des préoccupations des négociateurs relatives à la définition des
limites extérieures de la marge continentale par rapport à la Zone internationale
des fonds marins (ci-après la « Zone »), patrimoine commun de
l’humanité. Elle estime que cela est confirmé par l’obligation incombant à
l’État côtier de s’acquitter de certaines contributions en espèce ou en nature
au titre de l’exploitation des ressources minérales dans la zone située au-delà
de 200 milles marins.
67. Selon la défenderesse, la pratique des États, dans certaines circonstances,
peut attester l’existence d’une opinio juris et il ressort clairement
d’une analyse des demandes d’extension du plateau continental déposées
auprès de la Commission des limites qu’une très large majorité des États
ayant déposé de telles demandes ne prétendent pas à un plateau continental
qui empiéterait sur des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des
lignes de base d’un autre État. La Colombie ajoute que la grande majorité des
délimitations par voie d’accord entre États ont fait abstraction des caractéristiques
géologiques et géomorphologiques dans la zone de 200 milles marins
de toute côte.
* *
68. Pour étayer leurs positions respectives, les Parties ont exposé leurs
vues à la fois sur la relation entre le régime applicable à la zone économique
exclusive et celui qui gouverne le plateau continental, et sur certaines considérations
se rapportant au régime du plateau continental étendu. La Cour
examinera ces deux points l’un après l’autre.
69. La Cour rappelle que le régime gouvernant la zone économique exclusive
tel qu’il est défini dans la CNUDM résulte d’un compromis obtenu lors
de la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer. Ce régime
confère notamment à l’État côtier l’exclusivité des droits souverains d’exploration,
d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles
jusqu’à 200 milles marins de sa côte, tout en précisant certaines obligations
de l’État côtier (art. 56), ainsi que les droits et les obligations des autres États
dans cette zone (art. 58). La Cour a dit que les droits et obligations des
États côtiers et des autres États dans la zone économique exclusive, énoncés
aux articles 56, 58, 61, 62 et 73 de la CNUDM, reflètent le droit international
coutumier (Violations alléguées de droits souverains et d’espaces
maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), arrêt,
C.I.J. Recueil 2022 (I), p. 297-298, par. 57).
70. Comme il a été dit plus haut (voir le paragraphe 49), les régimes juridiques
qui gouvernent la zone économique exclusive et le plateau continental
en deçà de 200 milles marins des lignes de base de l’État côtier sont reliés
entre eux. En effet, dans la zone économique exclusive, les droits relatifs aux
fonds marins et à leur sous-sol doivent être exercés conformément au régime
juridique applicable au plateau continental (paragraphe 3 de l’article 56 de
la CNUDM), et l’État côtier exerce sur le plateau continental des droits
444 delimitation of the continental shelf (judgment)
exploiting its natural resources (UNCLOS, Art. 77, paras. 1 and 2). The
Court stated in its 1985 Judgment in the Continental Shelf (Libyan Arab
Jamahiriya/Malta) case that
“[a]lthough the institutions of the continental shelf and the exclusive
economic zone are different and distinct, the rights which the exclusive
economic zone entails over the sea-bed of the zone are defined by reference
to the régime laid down for the continental shelf. Although there
can be a continental shelf where there is no exclusive economic zone,
there cannot be an exclusive economic zone without a corresponding
continental shelf.” (Judgment, I.C.J. Reports 1985, p. 33, para. 34.)
71. As regards the Bay of Bengal cases, the Court recalls that, in the case
between Bangladesh and Myanmar, ITLOS delimited the 200-nautical-mile
zones of two adjacent States by constructing a provisional equistance line,
which it then adjusted. The Tribunal determined that both parties had entitlements
to an extended continental shelf and it continued the course of the
adjusted equidistance line beyond the 200-nautical-mile limit of Bangladesh
(Delimitation of the Maritime Boundary in the Bay of Bengal (Bangladesh/
Myanmar), Judgment, ITLOS Reports 2012, p. 118, paras. 460-462). The use
of an adjusted equidistance line produced a wedge-shaped area of limited
size located within 200 nautical miles of the coast of Myanmar but on the
Bangladesh side of the line delimiting the parties’ continental shelves. As
the Tribunal noted, this “grey area ar[ose] as a consequence of delimitation”
(ibid., pp. 119-120, paras. 463 and 472). Likewise, in the case between
Bangladesh and India, the arbitral tribunal found both parties to have entitlements
to an extended continental shelf and followed an adjusted equidistance
methodology, which produced a “grey area” of limited size lying within
the extended continental shelf of Bangladesh and the 200-nautical-mile zone
of India (Bay of Bengal Maritime Boundary Arbitration (Bangladesh v.
India), Award of 7 July 2014, RIAA, Vol. XXXII, p. 147, para. 498). Each tribunal
specified that, within the “grey area”, the maritime boundary
determined the rights that the parties had over the continental shelf pursuant
to Article 77 of UNCLOS, but did not otherwise limit the rights of Myanmar
and India, respectively, to the exclusive economic zone, as set out in
Article 56 of UNCLOS, notably those with respect to the superjacent water
column. Both tribunals underlined that it was for the parties to take
measures they considered appropriate with regard to the maritime areas in
which they had shared rights, including through the conclusion of further
agreements or the creation of a co-operative arrangement (ibid., pp. 148-149,
paras. 505 and 507-508; Delimitation of the Maritime Boundary in the Bay
of Bengal (Bangladesh/Myanmar), Judgment, ITLOS Reports 2012, p. 121,
paras. 474-476).
délimitation du plateau continental (arrêt) 444
souverains s’agissant de l’exploration et de l’exploitation de ses ressources
naturelles (paragraphes 1 et 2 de l’article 77 de la CNUDM). La Cour a
affirmé dans son arrêt de 1985 en l’affaire du Plateau continental (Jamahiriya
arabe libyenne/Malte) que,
« [b]ien que les institutions du plateau continental et de la zone économique
exclusive ne se confondent pas, les droits qu’une zone économique
exclusive comporte sur les fonds marins de cette zone sont définis par
renvoi au régime prévu pour le plateau continental. S’il peut y avoir un
plateau continental sans zone économique exclusive, il ne saurait exister
de zone économique exclusive sans plateau continental correspondant. »
(Arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 33, par. 34.)
71. En ce qui concerne les affaires du Golfe du Bengale, la Cour rappelle
que, dans celle opposant le Bangladesh et le Myanmar, le TIDM a délimité
les zones de 200 milles marins de deux États adjacents en construisant une
ligne d’équidistance provisoire, qu’il a ensuite ajustée. Le tribunal a déterminé
que les deux parties avaient droit à un plateau continental étendu et a
prolongé le tracé de la ligne d’équidistance au-delà de la limite de 200 milles
marins à compter de la côte du Bangladesh (Délimitation de la frontière
maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, TIDM
Recueil 2012, p. 118, par. 460-462). Le recours à une ligne d’équidistance
ajustée a produit une zone cunéiforme de taille limitée située en deçà de
200 milles marins de la côte du Myanmar mais du côté bangladais de la ligne
délimitant les plateaux continentaux des parties. Ainsi que le tribunal l’a
relevé, cette « zone grise est une conséquence de la délimitation » (ibid.,
p. 119-120, par. 463 et 472). De même, dans l’affaire entre le Bangladesh et
l’Inde, le tribunal arbitral a conclu que les deux parties avaient droit à un
plateau continental étendu et a suivi la méthode de l’équidistance ajustée, ce
qui a produit une « zone grise » de taille limitée située à la fois dans la zone
du plateau continental étendu du Bangladesh et dans la zone de 200 milles
marins de l’Inde (Arbitrage concernant la frontière maritime dans le golfe
du Bengale (Bangladesh c. Inde), sentence du 7 juillet 2014, RSA, vol. XXXII,
p. 147, par. 498). Chaque tribunal a précisé que, à l’intérieur de la « zone
grise », la frontière maritime déterminait les droits des parties sur le plateau
continental conformément à l’article 77 de la CNUDM, mais ne limitait pas
autrement les droits respectifs du Myanmar et de l’Inde à l’égard de la
zone économique exclusive, tels qu’énoncés à l’article 56 de la CNUDM,
notamment ceux relatifs à la colonne d’eau surjacente. Les deux tribunaux
ont souligné qu’il appartenait aux parties de prendre les mesures qu’elles
jugeaient appropriées s’agissant des zones maritimes dans lesquelles elles
avaient des droits partagés, y compris en concluant de nouveaux
accords ou en mettant en place des arrangements de coopération (ibid.,
p. 148-149, par. 505 et 507-508 ; Délimitation de la frontière maritime dans
le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, TIDM Recueil 2012,
p. 121, par. 474-476).
445 delimitation of the continental shelf (judgment)
72. In the two Bay of Bengal cases, the use of an adjusted equidistance line
in a delimitation between adjacent States gave rise to a “grey area” as an
incidental result of that adjustment. The circumstances in those cases are
distinct from the situation in the present case, in which one State claims an
extended continental shelf that lies within 200 nautical miles from the baselines
of one or more other States. The Court considers that the aforementioned
decisions are of no assistance in answering the first question posed in the
present case.
73. In the Maritime Delimitation in the Indian Ocean (Somalia v. Kenya)
case, the Court adopted an adjusted equidistance line as the single maritime
boundary within the parties’ 200-nautical-mile zones. The delimitation line
continued on that course beyond 200 nautical miles from the baselines of
both parties. The Court observed that the delimitation might give rise to an
area of limited size lying within 200 nautical miles of the coast of Somalia
but on the Kenyan side of the boundary. However, unlike the situation in the
two Bay of Bengal cases, the Court considered that the existence of a “grey
area” was only a possibility, depending on the extent of Kenya’s entitlement
to an extended continental shelf. The Court therefore did not consider it
necessary
to pronounce on the legal régime that would apply in this possible
“grey area” (Judgment, I.C.J. Reports 2021, p. 277, para. 197).
74. The Court turns next to certain considerations relevant to the régime
that governs the extended continental shelf.
75. The Court notes that, in contemporary customary international law,
there is a single continental shelf in the sense that the substantive rights of
a coastal State over its continental shelf are generally the same within and
beyond 200 nautical miles from its baselines. However, the basis for the entitlement
to a continental shelf within 200 nautical miles from a State’s baselines
differs from the basis for entitlement beyond 200 nautical miles. Indeed,
in customary international law, as reflected in Article 76, paragraph 1,
of the Convention, a State’s entitlement to a continental shelf is determined
in two different ways: the distance criterion, within 200 nautical miles of
its coast, and the natural prolongation criterion, beyond 200 nautical miles,
with the outer limits to be established on the basis of scientific and technical
criteria.
76. The Court further notes that the substantive and procedural conditions
for determining the outer limits of the continental shelf beyond 200 nautical
miles were the result of a compromise reached during the final sessions of
the Third United Nations Conference on the Law of the Sea. The aim was to
avoid undue encroachment on the seabed and ocean floor and the subsoil
thereof, beyond the limits of national jurisdiction, considered the “common
heritage of mankind” and referred to in UNCLOS as the “Area” (Article 1,
paragraph 1, of the Convention). The text of Article 76 of UNCLOS, in particular
the rules in paragraphs 4 to 7 thereof, the role given to the CLCS in
délimitation du plateau continental (arrêt) 445
72. Dans les deux affaires du Golfe du Bengale, le recours à une ligne
d’équidistance ajustée, dans une délimitation entre deux États adjacents, a
donné lieu à une « zone grise », en tant que conséquence fortuite de cet ajustement.
Les circonstances dans ces affaires sont distinctes de la situation en
l’espèce, dans laquelle un État revendique un plateau continental étendu qui
se situe en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un ou de plusieurs
autres États. La Cour est d’avis que les décisions précitées ne sont d’aucune
aide pour répondre à la première question posée dans la présente affaire.
73. Dans l’affaire relative à la Délimitation maritime dans l’océan Indien
(Somalie c. Kenya), la Cour a retenu une ligne d’équidistance ajustée comme
frontière maritime unique entre les zones de 200 milles marins des parties.
La ligne de délimitation se poursuivait selon ce tracé au-delà de 200 milles
marins des lignes de base de chacune des parties. La Cour a fait observer que
la délimitation pouvait faire apparaître une zone de taille limitée située en
deçà de 200 milles marins de la côte somalienne mais du côté kényan de la
frontière. Cependant, contrairement à la situation qui prévalait dans les deux
affaires du Golfe du Bengale, elle a considéré que l’existence d’une « zone
grise » n’était qu’une éventualité, en fonction de l’étendue des droits du
Kenya à un plateau continental étendu. Elle n’a donc pas jugé nécessaire de
se prononcer sur le régime juridique qui s’appliquerait dans cette « zone
grise » éventuelle (arrêt, C.I.J. Recueil 2021, p. 277, par. 197).
74. La Cour en vient maintenant à certaines considérations relatives au
régime gouvernant le plateau continental étendu.
75. La Cour relève que, en droit international coutumier contemporain, il
existe un plateau continental unique en ce sens que les droits substantiels
d’un État côtier sur son plateau continental sont, de manière générale, les
mêmes en deçà et au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base. Cependant,
le droit d’un État à un plateau continental en deçà de 200 milles marins
de ses lignes de base et son droit à un plateau continental étendu au-delà de
200 milles marins n’ont pas le même fondement. En effet, en droit international
coutumier, tel que reflété au paragraphe 1 de l’article 76 de la convention,
le droit d’un État au plateau continental est déterminé de deux manières différentes
: en deçà de 200 milles marins de sa côte, selon le critère de la
distance, et au-delà de 200 milles marins, selon le critère du prolongement
naturel, dont les limites extérieures doivent être déterminées sur la base de
critères scientifiques et techniques.
76. La Cour note en outre que les conditions de fond et de procédure qui
entrent en ligne de compte pour la détermination des limites extérieures du
plateau continental au-delà de 200 milles marins étaient le résultat d’un
compromis obtenu au cours des dernières sessions de la troisième conférence
des Nations Unies sur le droit de la mer. Il s’agissait d’éviter des
empiétements abusifs sur le fond des mers et des océans, ainsi que leur soussol,
au-delà des limites de la juridiction nationale, considérés comme le
« patrimoine commun de l’humanité » et désignés dans la convention comme
la « Zone » (paragraphe 1 de l’article premier de la convention). Le texte de
446 delimitation of the continental shelf (judgment)
paragraph 8, and the obligation to deposit charts and relevant information in
paragraph 9, suggests that the States participating in the negotiations
assumed that the extended continental shelf would only extend into maritime
areas that would otherwise be located in the Area. In this regard,
the Court has emphasized that the main role of the CLCS
“consists of ensuring that the continental shelf of a coastal State does
not extend beyond the limits provided for in paragraphs 4, 5 and 6
of Article 76 of UNCLOS and thus preventing the continental shelf
from encroaching on the ‘area and its resources’, which are ‘the common
heritage of mankind’ (UNCLOS, Article 136)” (Question of the Delimitation
of the Continental Shelf between Nicaragua and Colombia
beyond 200 Nautical Miles from the Nicaraguan Coast (Nicaragua v.
Colombia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2016 (I),
p. 136, para. 109).
On the basis of the above-mentioned assumption, Article 82, paragraph 1, of
the Convention makes provision for payments or contributions to be made
through the International Seabed Authority in respect of the exploitation
of “the non-living resources of the continental shelf beyond 200 nautical
miles from the baselines from which the breadth of the territorial sea is
measured”. Such a payment would not serve the purpose of this provision in
a situation where the extended continental shelf of one State extended
within 200 nautical miles from the baselines of another State. Furthermore,
although the Parties have referred extensively to the travaux préparatoires
of UNCLOS, it appears that the possibility of one State’s extended continental
shelf extending within 200 nautical miles from the baselines of
another State was not debated during the Third United Nations Conference
on the Law of the Sea.
77. The Court notes that, in practice, the vast majority of States parties to
the Convention that have made submissions to the CLCS have chosen not
to assert, therein, outer limits of their extended continental shelf within
200 nautical miles of the baselines of another State. The Court considers that
the practice of States before the CLCS is indicative of opinio juris, even
if such practice may have been motivated in part by considerations other
than a sense of legal obligation. Furthermore, the Court is aware of only
a small number of States that have asserted in their submissions a right to an
extended continental shelf encroaching on maritime areas within 200 nautical
miles of other States, and in those instances the States concerned have
objected to those submissions. Among the small number of coastal States
that are not States parties to the Convention, the Court is not aware of any
that has claimed an extended continental shelf that extends within 200 nautdélimitation
du plateau continental (arrêt) 446
l’article 76 de la CNUDM, notamment les règles aux paragraphes 4 à 7,
le rôle dévolu à la Commission des limites au paragraphe 8, et l’obligation
de remettre des cartes et des renseignements pertinents qui est énoncée au
paragraphe 9, semble indiquer que les États participant aux négociations
considéraient que le plateau continental étendu ne pouvait se prolonger
que dans des espaces maritimes qui, autrement, feraient partie de la Zone. À
cet égard, la Cour a souligné que le rôle principal de la Commission des
limites
« consist[ait] à veiller à ce que le plateau continental d’un État côtier ne
dépass[ât] pas les limites prévues aux paragraphes 4, 5 et 6 de l’article 76
de la CNUDM et à éviter ainsi que le plateau continental n’empi[étât]
sur la “Zone et ses ressources [qui] sont le patrimoine commun de
l’humanité” (article 136 de la CNUDM) » (Question de la délimitation
du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de
200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 136, par. 109).
Sur la base de la considération qui précède, le paragraphe 1 de l’article 82 de
la convention prévoit que des contributions en espèces ou en nature doivent
être acquittées, par l’intermédiaire de l’Autorité internationale des fonds
marins, au titre de l’exploitation des « ressources non biologiques du plateau
continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles
est mesurée la largeur de la mer territoriale ». Une telle contribution
ne servirait pas l’objectif de cette disposition dans le cas où le plateau continental
d’un État au-delà de 200 milles marins s’étendrait à des espaces
maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
En outre, bien que les Parties aient abondamment fait référence aux travaux
préparatoires de la CNUDM, il apparaît que la possibilité que le plateau
continental étendu d’un État se prolonge en deçà de 200 milles marins
des lignes de base d’un autre État n’a pas été débattue pendant la troisième
conférence des Nations Unies sur le droit de la mer.
77. La Cour constate que, dans la pratique, la grande majorité des États
parties à la convention ayant déposé des demandes auprès de la Commission
des limites ont choisi de ne pas revendiquer un plateau continental étendu
dont les limites extérieures se situeraient à moins de 200 milles marins des
lignes de base d’un autre État. La Cour estime que la pratique des États
devant la Commission révèle l’existence d’une opinio juris, même si cette
pratique a pu être motivée en partie par des considérations autres qu’un
sentiment d’obligation juridique. De même, à la connaissance de la Cour,
seul un petit nombre d’États ont prétendu, dans leurs demandes, avoir droit
à un plateau continental étendu empiétant sur les zones maritimes en deçà de
200 milles marins d’autres États et, dans ces cas, les États concernés se sont
opposés à ces demandes. Parmi le petit nombre d’États côtiers non parties à
la convention, la Cour n’a connaissance d’aucun cas où l’un d’entre eux
447 delimitation of the continental shelf (judgment)
ical miles from the baselines of another State. Taken as a whole, the practice
of States may be considered sufficiently widespread and uniform for the
purpose of the identification of customary international law. In addition,
given its extent over a long period of time, this State practice may be seen as
an expression of opinio juris, which is a constitutive element of customary
international law. Indeed, this element may be demonstrated “by induction
based on the analysis of a sufficiently extensive and convincing practice”
(Delimitation of the Maritime Boundary in the Gulf of Maine Area (Canada/
United States of America), Judgment, I.C.J. Reports 1984, p. 299, para. 111).
78. The Court notes that the reasoning set out above is premised on the
relationship between, on the one hand, the extended continental shelf of a
State and, on the other hand, the exclusive economic zone and continental
shelf, within 200 nautical miles from the baselines of another State.
79. In view of the foregoing, the Court concludes that, under customary
international law, a State’s entitlement to a continental shelf beyond
200 nautical miles from the baselines from which the breadth of its territorial
sea is measured may not extend within 200 nautical miles from the
baselines of another State.
IV. Second Question Formulated in the Order
of 4 October 2022
80. The Court recalls that the second question formulated in the Order of
4 October 2022 is worded as follows:
“What are the criteria under customary international law for the determination
of the limit of the continental shelf beyond 200 nautical miles
from the baselines from which the breadth of the territorial sea is measured
and, in this regard, do paragraphs 2 to 6 of Article 76 of the United
Nations Convention on the Law of the Sea reflect customary international
law?”
81. The Court concluded, in response to the first question, that a State’s
entitlement to a continental shelf beyond 200 nautical miles from the
baselines from which the breadth of its territorial sea is measured may not
extend within 200 nautical miles from the baselines of another State (see
paragraph 79 above). Therefore, even if a State can demonstrate that it is
entitled to an extended continental shelf, that entitlement may not extend
within 200 nautical miles from the baselines of another State.
82. It follows from the Court’s answer to the first question that, regardless
of the criteria that determine the outer limit of the extended continental
shelf to which a State is entitled, its extended continental shelf cannot overdélimitation
du plateau continental (arrêt) 447
aurait revendiqué un plateau continental étendu se prolongeant jusqu’en
deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État. Prise dans son
ensemble, la pratique des États peut être considérée comme suffisamment
répandue et uniforme aux fins de l’identification du droit international coutumier.
En outre, étant donné son ampleur sur une longue période, cette
pratique étatique peut être considérée comme l’expression de l’opinio juris,
qui est un élément constitutif du droit international coutumier. En effet, cet
élément peut être démontré « par voie d’induction en partant de l’analyse
d’une pratique suffisamment étoffée et convaincante » (Délimitation de la
frontière maritime dans la région du golfe du Maine (Canada/États-Unis
d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 299, par. 111).
78. La Cour fait observer que le raisonnement précédemment exposé
repose sur la relation qui existe entre, d’une part, le plateau continental
étendu d’un État et, d’autre part, la zone économique exclusive et le plateau
continental jusqu’à 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
79. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que, en droit international
coutumier, le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles
marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa
mer territoriale ne peut pas s’étendre à des espaces maritimes en deçà
de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
IV. Seconde question formulée dans l’ordonnance
du 4 octobre 2022
80. La Cour rappelle que la seconde question qu’elle a formulée dans l’ordonnance
du 4 octobre 2022 est ainsi rédigée :
« Quels sont en droit international coutumier les critères sur la base
desquels il convient de déterminer les limites du plateau continental
au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est
mesurée la largeur de la mer territoriale ? À cet égard, les paragraphes 2
à 6 de l’article 76 de la convention des Nations Unies sur le droit de la
mer reflètent-ils le droit international coutumier ? »
81. La Cour a conclu, en réponse à la première question, que le droit d’un
État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base
à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale ne peut pas
s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de
base d’un autre État (voir le paragraphe 79 ci-dessus). Par conséquent, même
si un État peut démontrer qu’il a droit à un plateau continental étendu,
celui-ci ne peut se prolonger jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes
de base d’un autre État.
82. Il résulte de la réponse donnée par la Cour à la première question que,
quels que soient les critères selon lesquels est établie la limite extérieure du
plateau continental étendu auquel un État a droit, ce plateau continental
448 delimitation of the continental shelf (judgment)
lap with the area of continental shelf within 200 nautical miles from the
baselines of another State. In the absence of overlapping entitlements over
the same maritime areas, the Court cannot proceed to a maritime delimitation
(see paragraph 42 above). Consequently, there is no need for the Court
to address the second question.
V. Consideration of Nicaragua’s Submissions
83. Based on the conclusion reached above (see paragraph 79), the Court
now turns to the requests contained in Nicaragua’s submissions.
84. In this regard, the Court recalls that Nicaragua’s Application asks the
Court to determine “[t]he precise course of the maritime boundary between
Nicaragua and Colombia in the areas of the continental shelf which appertain
to each of them beyond the boundaries determined by the Court in [the
2012 Judgment]”. Throughout the proceedings in the present case, Nicaragua
has maintained that the object of its request consists in the delimitation
of that maritime boundary. During the oral proceedings, Nicaragua explained
that the submissions in its Memorial and Reply merely add precision to
the request made in its Application. The Court considers that Nicaragua’s
submissions must be examined against this background.
A. The Request Contained in the First Submission Made
by Nicaragua
85. The request contained in Nicaragua’s first submission, which was
presented in the Memorial and reiterated in the Reply (see paragraph 19
above), proposes co-ordinates for the continental shelf boundary between
Nicaragua and Colombia in the area beyond 200 nautical miles from the
baselines of Nicaragua’s coast but within 200 nautical miles from the baselines
of Colombia’s mainland coast.
86. The Court has concluded that, under customary international law, a
State’s entitlement to a continental shelf beyond 200 nautical miles from the
baselines from which the breadth of its territorial sea is measured may not
extend within 200 nautical miles from the baselines of another State (see
paragraph 79 above). It follows that, irrespective of any scientific and technical
considerations, Nicaragua is not entitled to an extended continental
shelf within 200 nautical miles from the baselines of Colombia’s mainland
coast. Accordingly, within 200 nautical miles from the baselines of Colombia’s
mainland coast, there is no area of overlapping entitlement to be
delimited in the present case.
87. For these reasons, the request contained in Nicaragua’s first submission
cannot be upheld.
délimitation du plateau continental (arrêt) 448
étendu ne peut pas chevaucher la zone du plateau continental qui est située
en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État. En
l’absence de droits concurrents sur les mêmes espaces maritimes, la Cour ne
peut procéder à une délimitation maritime (voir le paragraphe 42 ci-dessus).
Dès lors, point n’est besoin pour elle de se prononcer sur la seconde
question.
V. Examen des conclusions du Nicaragua
83. Sur le fondement de la conclusion à laquelle elle est parvenue précédemment
(voir le paragraphe 79), la Cour examinera à présent les demandes
contenues dans les conclusions du Nicaragua.
84. À cet égard, la Cour rappelle que le Nicaragua, dans sa requête, lui
demande de déterminer « [l]e tracé précis de la frontière maritime entre les
portions de plateau continental relevant du Nicaragua et de la Colombie
au-delà des limites établies par la Cour dans [l’]arrêt [de] 2012 ». Tout au
long de la procédure en l’espèce, le Nicaragua a maintenu que l’objet de sa
demande était la délimitation de cette frontière maritime. Lors de la procédure
orale, il a expliqué que les conclusions formulées dans son mémoire et
dans sa réplique précisaient seulement la demande faite dans sa requête. La
Cour estime qu’il convient d’examiner les conclusions du Nicaragua dans ce
contexte.
A. La demande contenue dans le premier chef de conclusions
du Nicaragua
85. Dans la demande qu’il formule par son premier chef de conclusions,
présenté dans le mémoire puis réaffirmé dans la réplique (voir le paragraphe
19 ci-dessus), le Nicaragua propose des coordonnées pour délimiter
le plateau continental entre la Colombie et lui-même dans la zone située
au-delà de 200 milles marins des lignes de base de sa côte mais en deçà de
200 milles marins des lignes de base de la côte continentale colombienne.
86. La Cour a conclu que, en droit international coutumier, le droit d’un
État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base
à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale ne peut pas
s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de
base d’un autre État (voir le paragraphe 79 ci-dessus). Il en résulte que, indépendamment
de toute considération scientifique ou technique, le Nicaragua
n’a pas droit à un plateau continental étendu se prolongeant jusqu’à moins de
200 milles marins des lignes de base de la côte continentale colombienne.
Par conséquent, en deçà de 200 milles marins desdites lignes de base, il n’y
a pas de zone de droits concurrents à délimiter en l’espèce.
87. Pour ces motifs, la demande contenue dans le premier chef de conclusions
du Nicaragua ne peut être accueillie.
449 delimitation of the continental shelf (judgment)
B. The Request Contained in the Second Submission Made
by Nicaragua
88. The request contained in Nicaragua’s second submission, which was
presented in the Memorial and reiterated in the Reply (see paragraph 19
above), proposes co-ordinates to delimit the area of the continental shelf in
which, according to Nicaragua, its entitlement to an extended continental
shelf overlaps with Colombia’s entitlement to a continental shelf within
200 nautical miles from the baselines of the coasts of San Andrés and Providencia.
Nicaragua accepts that, in principle, San Andrés and Providencia
are each entitled to a continental shelf extending at least up to 200 nautical
miles. It contends, however, that the continental shelf of these islands should
not extend east of the 200-nautical-mile limit of Nicaragua’s exclusive economic
zone, due to their small size and their already “much more than
adequate” maritime areas resulting from the 2012 Judgment.
89. For its part, Colombia considers that the maritime entitlements of
San Andrés and Providencia project in all directions from their baselines,
and that they therefore extend to the east of the line lying 200 nautical miles
from the Nicaraguan baselines. Colombia adds that Nicaragua’s claim
contradicts the 2012 Judgment in so far as it would result in the islands being
cut off from their maritime entitlements to the east.
90. In its 2012 Judgment, the Court observed that the Parties agreed on
the potential maritime entitlements of San Andrés, Providencia and Santa
Catalina, in particular on the fact that those islands “are entitled to a territorial
sea, exclusive economic zone and continental shelf” (I.C.J. Reports
2012 (II), p. 686, para. 168). The Court added that “[i]n principle, that entitlement
is capable of extending up to 200 nautical miles in each direction” and,
in particular, that it extends to the east “to an area which lies beyond a line
200 nautical miles from the Nicaraguan baselines” (ibid., pp. 686 and 688,
para. 168; see also ibid., p. 716, para. 244). In the present case, Nicaragua
claims that this area lies within its extended continental shelf.
91. The Court notes that the maritime entitlements of San Andrés and
Providencia extend to the east beyond 200 nautical miles from Nicaragua’s
baselines and therefore into the area within which Nicaragua claims an
extended continental shelf. The Court has concluded however that, under
customary international law, a State’s entitlement to a continental shelf
beyond 200 nautical miles from the baselines from which the breadth of its
territorial sea is measured may not extend within 200 nautical miles from
the baselines of another State (see paragraph 79 above). It follows that
Nicaragua is not entitled to an extended continental shelf within 200 nautical
miles from the baselines of San Andrés and Providencia. Accordingly,
délimitation du plateau continental (arrêt) 449
B. La demande contenue dans le deuxième chef de conclusions
du Nicaragua
88. Dans la demande qu’il formule par son deuxième chef de conclusions,
présenté dans le mémoire puis réaffirmé dans la réplique (voir le paragraphe
19 ci-dessus), le Nicaragua propose des coordonnées pour délimiter
les zones du plateau continental où, selon lui, le plateau continental étendu
auquel il peut prétendre chevauche le plateau continental de 200 milles
marins auquel la Colombie peut elle-même prétendre à partir des lignes de
base des côtes de San Andrés et de Providencia. Le Nicaragua admet que, en
principe, les îles de San Andrés et Providencia ouvrent droit chacune à un
plateau continental s’étendant sur 200 milles marins au moins. Il affirme
cependant que ces plateaux continentaux ne devraient pas s’étendre à l’est de
la limite de 200 milles marins de sa propre zone économique exclusive,
parce que ces îles sont de petite taille et que l’arrêt de 2012 leur a déjà attribué
des espaces maritimes « [bien] plus que suffisants ».
89. Pour sa part, la Colombie considère que San Andrés et Providencia
génèrent des droits à des espaces maritimes dans toutes les directions à
partir de leurs lignes de base et que ces espaces s’étendent donc à l’est de la
ligne située à 200 milles marins des lignes de base nicaraguayennes. Elle
ajoute que la revendication du Nicaragua va à l’encontre de l’arrêt de 2012,
en ce sens qu’elle aurait pour résultat de priver ces îles des espaces maritimes
auxquels elles ont droit vers l’est.
90. Dans son arrêt de 2012, la Cour avait constaté que les Parties s’accordaient
sur les droits potentiels de San Andrés, Providencia et Santa Catalina
à des espaces maritimes, en particulier sur le fait que ces îles « engendr[
ai]ent des droits à une mer territoriale, à une zone économique exclusive
et à un plateau continental » (C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 686, par. 168). Elle
avait ajouté que « [c]es espaces maritimes p[ouvai]ent, en théorie, s’étendre
dans toutes les directions sur une distance de 200 milles marins » et, en particulier,
s’étendre vers l’est jusqu’à une zone située « au-delà de la limite de
200 milles marins [à partir des] lignes de base nicaraguayennes » (ibid.,
p. 686 et 688, par. 168 ; voir aussi ibid., p. 716, par. 244). En la présente
espèce, le Nicaragua fait valoir que cette zone se trouve dans celle de son
plateau continental étendu.
91. La Cour relève que les espaces maritimes auxquels ont droit San
Andrés et Providencia s’étendent vers l’est au-delà de 200 milles marins des
lignes de base du Nicaragua et donc dans la zone où celui-ci revendique un
plateau continental étendu. Or, elle a conclu que, en droit international coutumier,
le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles
marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa
mer territoriale ne peut pas s’étendre à des espaces maritimes en deçà de
200 milles marins des lignes de base d’un autre État (voir le paragraphe 79
ci-dessus). Il en résulte que le Nicaragua n’a pas droit à un plateau
continental étendu se prolongeant jusqu’à moins de 200 milles marins des
450 delimitation of the continental shelf (judgment)
within 200 nautical miles from the baselines of San Andrés and Providencia,
there is no area of overlapping entitlement to be delimited in the present
case.
92. For these reasons, the request contained in Nicaragua’s second submission
cannot be upheld.
C. The Request Contained in the Third Submission Made
by Nicaragua
93. The request contained in Nicaragua’s third submission, as presented in
its Reply (see paragraph 19 above), concerns the maritime entitlements of
Serranilla, Bajo Nuevo and Serrana. Specifically, Nicaragua requests the
Court to declare that “Serranilla and Bajo Nuevo are enclaved and granted a
territorial sea of twelve nautical miles, and [that] Serrana is enclaved as per
the Court’s November 2012 Judgment”.
94. In support of its request, Nicaragua invokes the Court’s conclusion in
the 2012 Judgment that the legal régime over islands set out in Article 121 of
UNCLOS forms an indivisible whole, which has the status of customary
international law in its entirety (I.C.J. Reports 2012 (II), p. 674, para. 139).
According to that régime, if an island qualifies as a rock that cannot sustain
human habitation or economic life of its own, it shall have no exclusive economic
zone or continental shelf.
95. Nicaragua contends that, on that basis, Serranilla and Bajo Nuevo are
not entitled to an exclusive economic zone or a continental shelf. Nicaragua
observes that Serrana was enclaved in the 2012 Judgment and asserts that,
in any event, it is a rock incapable of sustaining human habitation or economic
life of its own. In Nicaragua’s view, therefore, Serrana cannot generate
entitlements to an exclusive economic zone or a continental shelf.
96. Colombia maintains that the three maritime features, being islands of
the San Andrés Archipelago that are capable of sustaining human habitation
or economic life, are each entitled to an exclusive economic zone with its
“attendant” continental shelf up to 200 nautical miles, extending east of the
line lying 200 nautical miles from the Nicaraguan baselines.
97. The Court recalls that, in its 2012 Judgment, it found that Colombia has
sovereignty over the islands at Serranilla, Bajo Nuevo and Serrana (I.C.J.
Reports 2012 (II), p. 718, para. 251, subpara. 1). It also observes that, through
the request presented in its Application, as further specified in its written
pleadings, Nicaragua sought the delimitation of the maritime boundary
between the Parties in the areas of the continental shelf that appertain to
each of them beyond the boundaries determined by the Court in the
2012 Judgment. Therefore, Nicaragua’s third submission, which it described
délimitation du plateau continental (arrêt) 450
lignes de base de San Andrés et de Providencia. Par conséquent, en deçà de
200 milles marins desdites lignes de base, il n’y a pas de zone de droits
concurrents à délimiter en l’espèce.
92. Pour ces motifs, la demande contenue dans le deuxième chef de conclusions
du Nicaragua ne peut être accueillie.
C. La demande contenue dans le troisième chef de conclusions
du Nicaragua
93. La demande contenue dans le troisième chef de conclusions du Nicaragua,
tel qu’il est présenté dans la réplique (voir le paragraphe 19 ci-dessus),
concerne les droits à des espaces maritimes générés par Serranilla, Bajo
Nuevo et Serrana. Plus précisément, le Nicaragua prie la Cour de dire que
« Serranilla et Bajo Nuevo sont enclavées et bénéficient chacune d’une
mer territoriale de 12 milles marins, et [que] Serrana est enclavée, ainsi
que la Cour en a décidé dans son arrêt de novembre 2012 ».
94. À l’appui de cette demande, le Nicaragua invoque la conclusion de la
Cour, dans l’arrêt de 2012, selon laquelle le régime juridique applicable
aux îles tel que défini à l’article 121 de la CNUDM forme un tout indivisible,
qui fait intégralement partie du droit international coutumier (C.I.J.
Recueil 2012 (II), p. 674, par. 139). Conformément à ce régime, si une île
est considérée comme un rocher ne se prêtant pas à l’habitation humaine
ou à une vie économique propre, elle n’aura pas de zone économique exclusive
ni de plateau continental.
95. Le Nicaragua soutient que, sur ce fondement, Serranilla et Bajo Nuevo
ne peuvent pas prétendre à une zone économique exclusive ou à un plateau
continental. Quant à Serrana, il relève qu’elle a été enclavée par l’arrêt de
2012 et que, en tout état de cause, c’est un rocher qui ne peut se prêter à l’habitation
humaine ou à une vie économique propre. De l’avis du Nicaragua,
Serrana ne peut donc générer des droits à une zone économique exclusive ou
à un plateau continental.
96. La Colombie maintient que les trois formations maritimes, en tant
qu’îles de l’archipel de San Andrés se prêtant à l’habitation humaine ou à
une vie économique propre, ont droit chacune à une zone économique exclusive
et au plateau continental « correspondant » jusqu’à 200 milles marins,
pouvant s’étendre à l’est de la ligne située à 200 milles marins des lignes de
base nicaraguayennes.
97. La Cour rappelle que, dans son arrêt de 2012, elle a conclu que la
Colombie détient la souveraineté sur les îles de Serranilla, Bajo Nuevo et
Serrana (C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 718, point 1 du paragraphe 251). Elle
note aussi que, par la demande qu’il a présentée dans sa requête, telle qu’il l’a
ensuite précisée dans ses écritures, le Nicaragua sollicitait la délimitation
de la frontière maritime entre les portions de plateau continental relevant
de chacune des Parties au-delà des limites établies par la Cour dans
l’arrêt de 2012. Aussi faut-il comprendre le troisième chef de conclusions du
451 delimitation of the continental shelf (judgment)
as adding precision to the delimitation request contained in its Application
(see paragraph 84 above), must be understood as seeking a specific finding
regarding the effect, if any, that the maritime entitlements of Serranilla,
Bajo Nuevo and Serrana would have on any maritime delimitation between
the Parties.
98. In its 2012 Judgment, the Court found that it was not called upon to
determine the scope of the maritime entitlements of Serranilla and Bajo
Nuevo, because they fell outside the area of delimitation identified in that
Judgment (I.C.J Reports 2012 (II), p. 689, para. 175).
99. The Court observes that there are two possibilities with regard to the
potential maritime entitlements of Serranilla and Bajo Nuevo. If Serranilla
and Bajo Nuevo are entitled to exclusive economic zones and continental
shelves, then, in view of the Court’s conclusion above (see paragraph 79),
any extended continental shelf that Nicaragua claims may not extend within
the 200-nautical-mile maritime entitlements of these islands. If, on the other
hand, Serranilla or Bajo Nuevo are not entitled to exclusive economic zones
or continental shelves, then they do not generate any maritime entitlements
in the area in which Nicaragua claims an extended continental shelf. In
either case, as a consequence of the Court’s conclusion in relation to the
first question (see paragraph 79 above), within 200 nautical miles from
the baselines of Serranilla and Bajo Nuevo, there can be no area of overlapping
entitlement to a continental shelf to be delimited in the present
proceedings.
100. The Court therefore considers that it does not need to determine the
scope of the entitlements of Serranilla and Bajo Nuevo in order to settle the
dispute submitted by Nicaragua in its Application.
101. The Court further recalls that the 2012 Judgment has already determined
the effect produced by Serrana’s maritime entitlements. Having found
that Serrana is entitled to a territorial sea, the Court concluded that
“[i]ts small size, remoteness and other characteristics mean that, in any
event, the achievement of an equitable result requires that the boundary
line follow the outer limit of the territorial sea around the island. The
boundary will therefore follow a 12‑nautical‑mile envelope of arcs
measured from Serrana Cay and other cays in its vicinity.” (I.C.J.
Reports 2012 (II), p. 715, para. 238.)
In the operative paragraph of that Judgment, the Court decided that the
maritime boundary between the Parties around Serrana followed a
12-nautical-mile envelope of arcs measured from Serrana Cay and the other
cays in its vicinity (ibid., p. 720, para. 251, subpara. 5). As the effect
produced by Serrana’s maritime entitlements was determined conclusively
in the 2012 Judgment, there is no need for the Court to reaffirm it in the
present case.
délimitation du plateau continental (arrêt) 451
Nicaragua, dont celui-ci a dit qu’il venait préciser la demande de délimitation
contenue dans sa requête (voir le paragraphe 84 ci-dessus), comme
demandant une conclusion précise quant à l’effet qu’auraient, le cas échéant,
les droits à des espaces maritimes générés par Serranilla, Bajo Nuevo et
Serrana sur toute délimitation maritime entre les Parties.
98. Dans son arrêt de 2012, la Cour avait conclu qu’elle n’avait pas à se
prononcer sur la portée des droits à des espaces maritimes générés par
Serranilla et Bajo Nuevo, car ces formations se trouvaient en dehors de la
zone de délimitation définie dans l’arrêt (C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 689,
par. 175).
99. La Cour relève deux possibilités en ce qui concerne les droits maritimes
que peuvent générer Serranilla et Bajo Nuevo. Si ces formations ont
droit chacune à une zone économique exclusive et à un plateau continental,
alors, selon la conclusion à laquelle la Cour est parvenue précédemment
(voir le paragraphe 79), le plateau continental étendu que revendique le Nicaragua
ne peut pas se prolonger jusqu’à l’intérieur des espaces maritimes
auxquels ces îles peuvent prétendre sur 200 milles marins. Si, à l’inverse,
Serranilla ou Bajo Nuevo n’ont pas droit à une zone économique exclusive ou
à un plateau continental, alors elles ne génèrent aucun droit maritime dans la
zone où le Nicaragua revendique un plateau continental étendu. Dans l’un ou
l’autre cas, compte tenu de la conclusion de la Cour concernant la première
question (voir le paragraphe 79 ci-dessus), en deçà de 200 milles marins des
lignes de base de Serranilla et Bajo Nuevo, il ne peut y avoir de zone de
droits concurrents à un plateau continental qui requière une délimitation en
la présente instance.
100. La Cour considère donc qu’il n’est point besoin pour elle de déterminer
la portée des droits de Serranilla et Bajo Nuevo à des espaces maritimes
pour régler le différend soumis par le Nicaragua dans sa requête.
101. La Cour rappelle en outre avoir déjà déterminé dans l’arrêt de 2012
l’effet produit par les droits de Serrana à des espaces maritimes. Après avoir
conclu que Serrana ouvrait droit à une mer territoriale, elle avait dit que,
« [c]ompte tenu de sa petite taille, de son éloignement et d’autres caractéristiques,
il conv[enai]t en tout état de cause, pour parvenir à un
résultat équitable, que la ligne frontière suiv[ît] la limite extérieure de la
mer territoriale entourant cette île. La frontière suivra[it] donc l’enveloppe
d’arcs tracée à 12 milles marins de la caye de Serrana et des autres
cayes avoisinantes. » (C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 715, par. 238.)
Dans le dispositif de cet arrêt, la Cour avait décidé que, autour de Serrana, la
frontière maritime entre les Parties suivrait une enveloppe d’arcs à une
distance de 12 milles marins mesurée à partir de la caye de Serrana et des
cayes avoisinantes (ibid., p. 720, point 5 du paragraphe 251). L’effet produit
par les droits de Serrana à des espaces maritimes ayant été déterminé de
manière définitive dans l’arrêt de 2012, point n’est besoin pour la Cour de le
confirmer en la présente espèce.
452 delimitation of the continental shelf (judgment)
102. For these reasons, the request contained in Nicaragua’s third submission
cannot be upheld.
*
103. In light of the above, the Court has no need to fix a timetable for further
proceedings in this case, as requested by Nicaragua in its submissions
at the oral proceedings.
* * *
104. For these reasons,
The Court,
(1) By thirteen votes to four,
Rejects the request made by the Republic of Nicaragua that the Court
adjudge and declare that the maritime boundary between the Republic of
Nicaragua and the Republic of Colombia in the areas of the continental
shelf which, according to the Republic of Nicaragua, appertain to each of
them beyond the boundary determined by the Court in its Judgment of
19 November 2012 follows geodetic lines connecting the points 1 to 8, the
co-ordinates of which are referred to in paragraph 19 above;
in favour: President Donoghue; Vice-President Gevorgian; Judges Abraham,
Bennouna, Yusuf, Xue, Sebutinde, Bhandari, Salam, Iwasawa,
Nolte, Brant; Judge ad hoc McRae;
against: Judges Tomka, Robinson, Charlesworth; Judge ad hoc Skotnikov;
(2) By thirteen votes to four,
Rejects the request made by the Republic of Nicaragua that the Court
adjudge and declare that the islands of San Andrés and Providencia are entitled
to a continental shelf up to a line consisting of 200-nautical-mile arcs
from the baselines from which the breadth of the territorial sea of Nicaragua
is measured connecting the points A, C and B, the co-ordinates of which are
referred to in paragraph 19 above;
in favour: President Donoghue; Vice-President Gevorgian; Judges Abraham,
Bennouna, Yusuf, Xue, Sebutinde, Bhandari, Salam, Iwasawa,
Nolte, Brant; Judge ad hoc McRae;
against: Judges Tomka, Robinson, Charlesworth; Judge ad hoc Skotnikov;
(3) By twelve votes to five,
Rejects the request made by the Republic of Nicaragua with respect to the
maritime entitlements of Serranilla and Bajo Nuevo.
délimitation du plateau continental (arrêt) 452
102. Pour ces motifs, la demande contenue dans le troisième chef de
conclusions du Nicaragua ne peut être accueillie.
*
103. Compte tenu de ce qui précède, point n’est besoin pour la Cour de
fixer un calendrier pour la poursuite de la procédure en l’affaire, comme le
Nicaragua l’en a priée dans ses conclusions lors de la procédure orale.
* * *
104. Par ces motifs,
La Cour,
1) Par treize voix contre quatre,
Rejette la demande par laquelle la République du Nicaragua la prie de dire
et juger que sa frontière maritime avec la République de Colombie, dans les
zones du plateau continental qui, selon la République du Nicaragua,
reviennent à chacune au-delà de la frontière fixée par la Cour dans son arrêt
du 19 novembre 2012, suit des lignes géodésiques reliant les points 1 à 8 dont
les coordonnées figurent au paragraphe 19 ci-dessus ;
pour : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ;
MM. Abraham, Bennouna, Yusuf, Mmes Xue, Sebutinde, MM. Bhandari,
Salam, Iwasawa, Nolte, Brant, juges ; M. McRae, juge ad hoc ;
contre : MM. Tomka, Robinson, Mme Charlesworth, juges ; M. Skotnikov,
juge ad hoc ;
2) Par treize voix contre quatre,
Rejette la demande par laquelle la République du Nicaragua la prie de dire
et juger que les îles de San Andrés et Providencia ont droit à un plateau
continental jusqu’à une ligne constituée d’arcs de 200 milles marins partant
des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale
et reliant les points A, C et B dont les coordonnées figurent au
paragraphe 19 ci-dessus ;
pour : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ;
MM. Abraham, Bennouna, Yusuf, Mmes Xue, Sebutinde, MM. Bhandari,
Salam, Iwasawa, Nolte, Brant, juges ; M. McRae, juge ad hoc ;
contre : MM. Tomka, Robinson, Mme Charlesworth, juges ; M. Skotnikov,
juge ad hoc ;
3) Par douze voix contre cinq,
Rejette la demande de la République du Nicaragua portant sur les droits à
des espaces maritimes générés par Serranilla et Bajo Nuevo.
453 delimitation of the continental shelf (judgment)
in favour: President Donoghue; Vice-President Gevorgian; Judges Abraham,
Bennouna, Yusuf, Xue, Sebutinde, Bhandari, Salam, Iwasawa,
Brant; Judge ad hoc McRae;
against: Judges Tomka, Robinson, Nolte, Charlesworth; Judge ad hoc
Skotnikov.
Done in English and in French, the English text being authoritative, at the
Peace Palace, The Hague, this thirteenth day of July, two thousand and
twenty-three, in three copies, one of which will be placed in the archives of
the Court and the others transmitted to the Government of the Republic of
Nicaragua and the Government of the Republic of Colombia, respectively.
Judge Tomka appends a dissenting opinion to the Judgment of the Court;
Judge Xue appends a separate opinion to the Judgment of the Court;
Judge Bhandari appends a declaration to the Judgment of the Court; Judge
Robinson appends a dissenting opinion to the Judgment of the Court;
Judges Iwasawa and Nolte append separate opinions to the Judgment of
the Court; Judge Charlesworth appends a dissenting opinion to the Judgment
of the Court; Judge ad hoc Skotnikov appends a dissenting opinion to
the Judgment of the Court.
(Signed) Joan E. Donoghue,
President.
(Signed) Philippe Gautier,
Registrar.
(Initialled) J.E.D.
(Initialled) Ph.G.
délimitation du plateau continental (arrêt) 453
pour : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ;
MM. Abraham, Bennouna, Yusuf, Mmes Xue, Sebutinde, MM. Bhandari,
Salam, Iwasawa, Brant, juges ; M. McRae, juge ad hoc ;
contre : MM. Tomka, Robinson, Nolte, Mme Charlesworth, juges ;
M. Skotnikov, juge ad hoc.
Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au Palais de la
Paix, à La Haye, le treize juillet deux mille vingt-trois, en trois exemplaires,
dont l’un restera déposé aux archives de la Cour et les autres seront transmis
respectivement au Gouvernement de la République du Nicaragua et au Gouvernement
de la République de Colombie.
M. le juge Tomka joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente ;
Mme la juge Xue joint à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle ;
M. le juge Bhandari joint une déclaration à l’arrêt ; M. le juge Robinson
joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente ; MM. les juges Iwasawa et
Nolte joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion individuelle ;
Mme la juge Charlesworth joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente ;
M. le juge ad hoc Skotnikov joint à l’arrêt l’exposé de son opinion
dissidente.
La présidente,
(Signé) Joan E. Donoghue.
Le greffier,
(Signé) Philippe Gautier.
(Paraphé) J.E.D.
(Paraphé) Ph.G.

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Arrêt du 13 juillet 2023

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