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153-20180323-ORA-01-01-BI
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CR 2018/9 (traduction)
CR 2018/9 (translation)
Vendredi 23 mars 2018 à 10 heures
Friday 23 March 2018 at 10 a.m.
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Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour se réunit ce matin
pour entendre la fin du premier tour de plaidoiries du Chili. Je donne à présent la parole à
M. Wordsworth qui poursuivra sa plaidoirie. Je vous donne la parole, Monsieur.
M. WORDSWORTH : Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je
poursuis mon exposé d’hier sur certains des principaux documents versés au dossier, pour vous
montrer qu’en réalité, le Chili s’était déclaré disposé à négocier, y compris sur la question de la
compensation, dont il avait discuté avec la Bolivie et le président des Etats-Unis en évoquant la
formule «terres contre eau».
LES NOTES DIPLOMATIQUES DE 1950 (SUITE)
IV. Les événements ultérieurs
39. J’aborde maintenant les événements qui ont suivi l’épisode des notes de juin 1950. Mon
exposé comprendra trois points.
A. L’inaction de la Bolivie
40. Premièrement, la Bolivie ne s’est aucunement comportée comme si elle avait acquis des
droits ou assumé des obligations par l’effet d’un traité nouvellement conclu. En fait, son
comportement s’est caractérisé par une inaction révélatrice.
41. La Bolivie n’a pas soumis les notes à l’approbation de son Congrès, comme elle aurait
été tenue de le faire en vertu de la constitution bolivienne alors en vigueur s’il s’était agi d’un traité
ou de quelque autre forme d’accord international1.
42. Elle n’a aucunement réagi à la note du Chili. Elle s’est abstenue de faire une proposition
exposant ce qu’elle cherchait à obtenir en fait d’accès souverain ; il est donc manifeste qu’elle ne se
considérait pas comme juridiquement tenue d’agir, de faire démarrer les négociations en déclarant
sa position. Au lieu de cela, elle a choisi de ne rien faire. J’ajoute qu’elle a maintenant choisi aussi
de ne pas s’en expliquer devant la Cour.
1 Voir République de Bolivie, Constitution politique de 1947, 26 novembre 1947, CMC, annexe 136, art. 58 (13).
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43. Les rapports adressés au ministre bolivien des affaires étrangères par l’ambassadeur de
Bolivie à Santiago, en particulier celui daté du 11 juillet 1950, peuvent peut-être nous éclairer ;
l’ambassadeur disait dans ce dernier ce qui suit (onglet no 43 du dossier de plaidoiries) :
«Je pense qu’il est urgent que nous informions le Gouvernement des Etats-Unis,
comme le ministère chilien des affaires étrangères nous l’a demandé, de l’ouverture de
négociations et de ce que notre pays est disposé à conclure l’accord dont le président
González Videla a parlé au président Truman.»
[Il s’agit là d’une référence à la demande faite par le Chili dans une
communication du 20 juin 1950 distincte de la note2. Autant que nous le sachions, la
Bolivie n’a jamais pris contact avec les Etats-Unis comme le lui avait demandé le
Chili. Je poursuis ma citation de l’ambassadeur de Bolivie :]
«Enfin, il est indispensable que le ministère [le ministère bolivien des affaires
étrangères] m’envoie l’autorisation que j’ai demandée dans mon télégramme no 152,
daté du 28 juin, voici près de 20 jours afin de pouvoir entrer dans la deuxième phase
des négociations, lesquelles sont actuellement au point mort par suite de la réponse
figurant dans votre télégramme no 91 daté du 24 juin.»3
44. Je relève que lors des séances de cette semaine, personne ne vous a dit qu’en juin 1950,
les négociations étaient «au point mort» en raison du comportement de la Bolivie. On peut se
demander ce qu’il pouvait bien y avoir dans la réponse donnée dans le télégramme du ministère
daté du 24 juin pour qu’il ait eu pour effet, aux dires de l’ambassadeur de Bolivie lui-même, de
bloquer la deuxième phase des négociations. Mais nous n’en savons rien. La Bolivie a choisi de
n’en rien dire à la Cour, non plus que du télégramme de l’ambassadeur daté du 28 juin 1950,
document qui aurait révélé la teneur de la communication du ministère bolivien des affaires
étrangères datée du 24 juin.
45. Or, s’il y avait matière à considérer sérieusement que la Bolivie avait cru à l’existence
d’un accord contraignant, ou qu’une déclaration unilatérale juridiquement contraignante avait été
faite, ou même que des attentes légitimes déçues permettaient à la Bolivie d’invoquer le principe de
l’estoppel4, encore faudrait-il que la Cour puisse examiner les documents pertinents de source
bolivienne pour déterminer comment la Bolivie a effectivement réagi en recevant la note du Chili
datée du 20 juin 1950, ou encore si elle était effectivement disposée à souscrire en termes généraux,
2 Mentionnée dans la note no 550/374 en date du 20 juin 1950 adressée à M. Pedro Zilveti Arce, ministre bolivien
des affaires étrangères, par M. Alberto Ostria Gutiérrez, ambassadeur de Bolivie au Chili, REB, annexe 264, p. 265.
3 Note no 645/432 en date du 11 juillet 1950, adressée au ministre bolivien des affaires étrangères par
l’ambassadeur de Bolivie au Chili, CMC, annexe 145, p. 547.
4 Voir CR 2018/7, p. 42, par. 33 (Akhavan).
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comme l’y avait invité le Chili, à la formule discutée entre le président chilien et le président
Truman, à savoir l’échange «terres contre eau»5.
46. Enfin, et c’est là au moins quelque chose que nous savons, la Bolivie n’a pas insisté pour
obtenir du Chili qu’il s’acquitte de ce qu’elle prétend maintenant être une obligation contraignante
de négocier. Aucune négociation n’a eu lieu en application de ce prétendu traité. J’ajoute que la
Bolivie n’a pas réagi à cette situation en cherchant d’une manière ou d’une autre l’exécution de
l’obligation supposée, à la différence de la Grèce en l’affaire relative au Plateau continental de la
mer Egée, ou du Qatar en l’affaire qui l’opposait au Bahreïn. Elle a attendu largement plus de dix
ans pour laisser entendre, en la première de très rares occasions, que les notes de 1950 renfermaient
une forme d’engagement juridique6.
B. La réaction hostile du public
47. J’en arrive à mon deuxième point concernant les événements ultérieurs, qui consiste
simplement à rappeler que, comme le montrent tous les documents datant de la seconde moitié des
années 19507, un puissant courant d’opinion hostile à toute négociation s’était manifesté tant au
Chili qu’en Bolivie, montrant que les craintes exprimées auparavant par les dirigeants des deux
pays étaient justifiées8.
C. Les déclarations du Chili ne servent pas la cause de la Bolivie
48. Mon troisième point est que la réaction du Chili a confirmé qu’il ne considérait pas avoir
pris un engagement juridiquement contraignant de négocier.
5 Entretien rapporté dans la note no 550/374 en date du 20 juin 1950 adressée à M. Pedro Zilveti Arce, ministre
bolivien des affaires étrangères, par M. Alberto Ostria Gutiérrez, ambassadeur de Bolivie au Chili, REB, annexe 264,
p. 265.
6 Voir CR 2018/7, p. 23-24, par. 29 (Remiro Brotóns), affirmations sans aucune référence à l’appui.
7 Voir entre autres la note no 668/444 en date du 19 juillet 1950, adressée au ministre bolivien des affaires
étrangères par l’ambassadeur de Bolivie au Chili, CMC, annexe 146, p. 553, 555, 557 et 561 ; note no 737/472 en date du
3 août 1950 adressée au ministre bolivien des affaires étrangères par l’ambassadeur de Bolivie au Chili, CMC,
annexe 147, p. 567, 571 et 573 ; note no 844/513 en date du 9 septembre 1950 adressée au ministre bolivien des affaires
étrangères par l’ambassadeur de Bolivie au Chili, REB, annexe 275, p. 359. Voir également A. Ostria Gutiérrez, A Work
and a Destiny, Bolivia’s International Policy After the Chaco War (1953), DC, annexe 406, p. 297.
8 Voir entre autres la note no 598/424 en date du 15 juillet 1948 adressée au ministre bolivien des affaires
étrangères par l’ambassadeur de Bolivie au Chili, REB, annexe 258, pp. 203 et 205.
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49. M. Forteau a fait référence mardi à une déclaration faite par le ministère chilien des
affaires étrangères le 11 juillet 19509. Cette déclaration avait pour but d’apaiser l’opinion. Il y était
dit ce qui suit :
«Le Chili a indiqué à plusieurs reprises, y compris pendant des sessions de la
Société des Nations, qu’il était disposé à prêter attention, dans le cadre de négociations
directes avec la Bolivie, aux propositions que cette dernière pourrait formuler, dans le
but de satisfaire à son aspiration d’obtenir un accès souverain à l’océan Pacifique.
Cette politique de notre ministère n’entame en rien les droits que les traités en vigueur
reconnaissent au Chili. Le gouvernement actuel s’inscrit dans le droit fil des
antécédents diplomatiques qui ont été rappelés et, partant, est prêt à engager avec la
Bolivie des discussions sur le problème en cause.» 10
50. Rien n’indique là une quelconque obligation contraignante de négocier.
51. Le Chili a fait à l’époque de nombreuses déclarations similaires. Le 19 juillet 1950, son
président a fait une déclaration publiée par le magazine chilien Vea, à laquelle
Mme Chemillier-Gendreau a fait référence lundi11. Il y disait ce qui suit :
«Il nous faut mettre les choses au point. Le gouvernement n’a rien décidé sur
cette question. La seule vérité est que, fidèle à la tradition du ministère chilien des
affaires étrangères et inspiré par mon profond attachement à la solidarité américaine,
je n’ai jamais refusé de discuter avec la Bolivie de son aspiration à obtenir un port.»12
52. La référence à cette déclaration ne sert pas non plus l’argumentation actuelle de la
Bolivie sur l’existence d’une obligation juridique. Dans le même entretien rapporté par le
magazine, le président chilien expliquait dans un passage intéressant que le traité de paix de 1904
devait continuer d’être pris en compte dans toute négociation :
«Ces entretiens ne portent pas sur la révision du traité, parce qu’il n’existe entre
le Chili et la Bolivie aucune question pendante le concernant. Tous les traités signés
ont été exécutés en leur temps, et ils font aujourd’hui partie de l’histoire. En
conséquence, le Chili n’acceptera aucune révision, quelle qu’elle soit. C’est ce que j’ai
dit lorsque je représentais le Chili à San Francisco, et tous les Chiliens se souviendront
certainement que nous avons gagné haut la main cette bataille contre la révision du
traité. » [Je relève l’intérêt de ce retour sur l’histoire ; je poursuis ma citation] «Le
préambule de la Charte des Nations Unies comprend le passage suivant «Nous,
peuples des Nations Unies, … [sommes résolus] à CREER LES CONDITIONS
9 CR 2018/7, p. 59-60, par. 17 iv) (Forteau), renvoyant à la circulaire confidentielle datée du 28 juillet 1950
adressée aux chefs des missions diplomatiques chiliennes par le ministre chilien des affaires étrangères, DC, annexe 401.
10 Note en date du 11 juillet 1950 adressée au ministre bolivien des affaires étrangères par l’ambassadeur de
Bolivie au Chili, CMC, annexe 145, p. 545 (onglet no 43 du dossier de plaidoiries).
11 CR 2018/6, p. 38, par. 26 (Chemillier-Gendreau).
12 Note no 668/444 en date du 19 juillet 1950 adressée au ministre bolivien des affaires étrangères par
l’ambassadeur de Bolivie au Chili, CMC, annexe. 146, p. 557. Reproduite dans un article intitulé “Gonzalez Videla
déclare: « Tout ce qui a été convenu avec la Bolivie est d’entamer des entretiens ; Arica restera toujours libre » », Vea
(Chili), 19 juillet 1950, REB, annexe 269, p. 301et 303 (onglet no.44 du dossier de plaidoiries).
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NECESSAIRES AU MAINTIEN DE LA JUSTICE ET DU RESPECT DES
OBLIGATIONS NEES DES TRAITES et autres sources du droit international.»
Donc, le ton de nos entretiens avec la Bolivie ne sera rien d’autre que celui qui
convient dans des relations amicales et amiables, conversations dont l’élément de base
sera la compensation devant revenir au Chili».13
53. Ce que je viens de citer montre encore une fois à quel point l’argumentation de la Bolivie
sur l’existence d’un «compromis historique» resté inappliqué s’écarte de ce qui est dit dans les
documents versés au dossier.
54. La déclaration citée clarifie aussi ce qu’entendait le Chili en précisant que ce qu’il disait
dans sa note du 20 juin 1950 était «sans préjudice de la situation juridique créée par le traité de paix
de 1904»14. Du point de vue du Chili, qui s’accordait avec les faits ainsi qu’avec le préambule de la
Charte des Nations Unies et l’article VI du pacte de Bogotá, toutes les questions en suspens avant
la signature du traité de paix de 1904 avaient été réglées par cet instrument. Si des entretiens
avaient lieu avec la Bolivie, ils devaient s’inscrire dans le cadre de relations «amicales et amiables»
et avoir pour «élément de base la compensation devant revenir au Chili».
55. Je vais maintenant m’intéresser à un dernier document datant de cette période :
M. Forteau a réservé un traitement spécial à une déclaration de M. Walker, ministre chilien des
affaires étrangères, dont il a été rendu compte dans un article de presse le 13 septembre 195015.
M. Forteau a omis de porter à votre attention le premier paragraphe de cette longue déclaration,
paragraphe qui montre clairement que celle-ci avait pour seul but de bien préciser que rien n’avait
été officiellement convenu avec la Bolivie. Permettez-moi de citer ce que disait le ministre dans ce
paragraphe :
«On a cherché principalement à déformer la nature et les buts des démarches
diplomatiques préliminaires entreprises pour régler la question bolivienne, et les bruits
les plus absurdes ont été répandus à ce sujet. La diffusion de ces assertions totalement
infondées est allée jusqu’au point de faire circuler à Arica de prétendues informations
selon lesquelles le Gouvernement chilien aurait décidé de céder ce port, bien que j’aie
énergiquement démenti publiquement cette affirmation absurde et maléfique.
13 Note no 668/444 en date du 19 juillet 1950 adressée au ministre bolivien des affaires étrangères par
l’ambassadeur de Bolivie au Chili, CMC, annexe 146, p. 557. Déclaration également reproduite dans le magazine Vea
(Chili) dans un article intitulé «Gonzalez Videla déclare : Tout ce qui a été convenu est d’entamer des entretiens avec la
Bolivie : Arica restera toujours libre», 19 juillet 1950, REB, annexe 269, pp. 301 et 303 (onglet no 44 du dossier de
plaidoiries).
14 Note en date du 20 juin 1950 adressée à l’ambassadeur du Chili par le ministre chilien des affaires étrangères,
DC, annexe 399, p. 253.
15 CR 2018/7, p. 60, par. 17 v) (Forteau), faisant référence à un article d’El Imparcial (Chili) du 13 septembre
1950 intitulé «Ne nous laissons pas diviser par les partis sur des questions de politique étrangère», REB, annexe 276.
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On a aussi cherché à escamoter le fait que pour devenir valide et contraignant,
tout ce que peuvent convenir les ministères des affaires étrangères doit être soumis à la
ratification du Congrès national, organe souverain à qui il appartient d’approuver ou
de rejeter les mesures proposées, et qui a effectivement exercé cette prérogative en
diverses occasions, sans pour autant perturber la conduite des affaires extérieures.»16
56. Et, bien entendu, les «démarches diplomatiques préliminaires» n’ont été suivies d’aucune
ratification.
D. Le «mémorandum Trucco»
57. J’en viens maintenant à ce qu’il est convenu d’appeler le «mémorandum Trucco» du
10 juillet 196117. Ce document n’apporte rien, et l’importance que lui a accordée le conseil de la
Bolivie en début de semaine18 aurait étonné l’éphémère ministre bolivien des affaires étrangères de
l’époque, Arze Quiroga, qui était présent lors de la rencontre du 10 juillet 1961. Dans son
mémorandum, M. Trucco, alors ambassadeur du Chili, décrivait comme suit ce qui s’y était passé :
«Quant à la «question du port», le ministre Arze Quiroga a clairement expliqué
la position du président Paz Estenssoro, dans les termes suivants : «Le gouvernement
et le MNR sont opposés à l’exploitation démagogique de cette question. Nous pensons
que le problème ne peut être résolu que par une entente entre les parties, qui
comprennent le Pérou, conclue à l’issue d’un processus tripartite. Vu qu’il ne s’agit
pas d’un problème d’actualité, nous pensons que nous ne devrions pas le soulever sans
en avoir sérieusement délibéré directement avec vous.»»
Il n’y a donc rien là-dedans qui donne à penser que le Chili ait été considéré comme tenu à une
obligation de négocier. Le compte rendu de l’entretien se poursuit ainsi :
«Il m’a demandé ce que nous en pensions, et j’ai répondu que nous refuserions
toujours d’impliquer des tierces parties, mais que nous demeurions prêts à entendre
directement ce que la Bolivie avait à dire. Dans cet esprit, j’ai donné lecture des
différents points traités dans mon exemplaire, que j’avais apporté dans ma poche [il
s’agit du mémorandum dit «Trucco»], où figuraient les instructions expresses que
j’avais reçues de notre ministère des affaires étrangères. Comme celui-ci me l’avait
demandé, je me suis abstenu de faire mention de l’absence de réponse à la note
chilienne de juin 1950.
Le ministre Arze Quiroga a pris note de ma déclaration.»19
16 «Ne nous laissons pas diviser par les partis politiques au sujet des affaires étrangères, El Imparcial (Chili),
13 septembre 1950, REB, annexe 276, p. 365 (les italiques ne sont pas dans l’original) (onglet no 45 du dossier de
plaidoiries).
17 Mémorandum de l’ambassade du Chili en Bolivie, 10 juillet 1961, CMC, annexe 158 (onglet no 46 du dossier
de plaidoiries).
18 CR 2018/6, p. 17, par. 21(Akhavan) et p. 39, par. 28 (Chemillier-Gendreau) ; CR 2018/7, pp. 24-26, par. 32-39
(Remiro Brotóns).
19 Note en date du 15 février 1962 adressée au ministre chilien des affaires étrangères par l’ambassadeur du Chili
en Bolivie, CMC, annexe 160, p. 695 et 697 (onglet no 47 du dossier de plaidoiries).
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58. Comme c’était le cas du mémorandum non signé invoqué par la Bolivie, ce compte
rendu  le seul  de ce qui s’est effectivement passé lors de la rencontre ne contient rien qui
puisse donner à penser qu’une quelconque obligation juridique ait pu alors prendre naissance ou
être confirmée.
59. Des mois plus tard, et après un changement de ministre des affaires étrangères, la Bolivie
a tenté de s’appuyer sur le mémorandum Trucco alors que ses relations diplomatiques avec le Chili
étaient au bord de la rupture à la suite d’un désaccord sur la Lauca. Dans un mémorandum daté du
9 février 1962, elle a prétendu être «pleinement d’accord» pour l’engagement de négociations, tout
en subordonnant celles-ci à ses conditions, faisant référence à la «satisfaction de l’aspiration
fondamentale» de la Bolivie, sans invoquer aucune base qui aurait pu être précédemment proposée
par le Chili20. L’attitude de la Bolivie était la même que celle qu’elle avait manifestée après avoir
reçu la note chilienne du 20 juin 1950 : elle n’était pas satisfaite de ce que le Chili avait jugé
acceptable.
60. M. Remiro Brotóns vous a dit mardi que quelques semaines plus tard, le ministre chilien
des affaires étrangères avait déclaré que «le «problème de l’enclavement bolivien» n’existait pas
pour le Chili»21. Le document auquel il faisait référence, un aide-mémoire daté du 16 mars 1962,
montre qu’en fait, ce qu’avait dit le Chili était passablement différent ; je cite :
«Le ministre [chilien, bien entendu] des affaires étrangères a ajouté que son
gouvernement n’acceptait pas que l’affaire de la Lauca soit liée à ce qu’on appelait «le
problème de l’enclavement bolivien». Il ne s’agit pas d’un problème se posant au
Chili, étant donné que sa frontière avec la Bolivie a été fixée par des traités
internationaux toujours en vigueur. Il a ajouté que le Chili n’avait jamais refusé de
prêter attention aux aspirations de la Bolivie.»22
20 Mémorandum no G.M. 9-62/127 du ministère bolivien des affaires étrangères en date du 9 février 1962, CMC,
annexe 159, p. 651, par. 4.
21 CR 2018/7, p. 25, par. 35 (Remiro Brotóns).
22 Aide-mémoire en date du 16 mars 1962 adressé à l’ambassadeur de Bolivie à Santiago par le ministre chilien
des affaires étrangères, reproduit dans Ministère bolivien des relations extérieures et des cultes, La Desviaciòn del Río
Lauca (Antecedentes y Documentos) (La Paz, 1962), pp. 127-129, onglet no 48 du dossier de plaidoiries.
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E. la rupture par la Bolivie de ses relations diplomatiques avec le Chili
61. Un mois plus tard, en avril 1962, la Bolivie a annoncé qu’elle avait rompu ses relations
diplomatiques avec le Chili pour protester contre l’utilisation par celui-ci des eaux de la Lauca23.
Ensuite, en mars 1963, elle a voulu subordonner la reprise des relations diplomatiques à un
engagement de la part du Chili de négocier sur le «problème du port»24. Cependant, comme l’a
expliqué le ministre chilien des affaires étrangères dans un discours prononcé le 27 mars 1963, le
comportement de la Bolivie avait détérioré les relations entre les deux Etats à tel point que «[le
Chili] n’était plus disposé à entendre la Bolivie comme il l’avait été en 1961 et plusieurs fois
auparavant»25.
62. Toujours en 1963, la Bolivie a ensuite allégué pour la première fois26 que la note du Chili
en date du 20 juin 1950 scellait d’une manière ou d’une autre un engagement juridiquement
contraignant de négocier27, ce que le Chili a rejeté28.
63. Quatre ans plus tard environ, en avril 1967, le président bolivien Barrientos, dans une
note adressée à son homologue uruguayen, a prétendu que les notes de 1950 constituaient un
accord29. Une fois encore, le Chili a réfuté cette assertion, et ce très publiquement. En effet, il l’a
fait par une longue lettre de son ministre des affaires étrangères adressée à tous ses homologues
latino-américains, où figurait le passage suivant :
«Il n’y a même pas eu un début de négociations. La réaction de l’opinion
publique a été si violente que l’ambassadeur [de Bolivie] Ostria et le ministre [chilien]
Walker ont été contraints d’expliquer qu’aucun engagement n’avait été pris, et
23 Procès-verbal de la 68e séance secrète du sénat chilien, 18 avril 1962, CMC, annexe 162, p. 731 ; télégramme
no 133 en date du 15 avril 1962 adressé au ministre chilien des affaires étrangères par l’ambassadeur du Chili en Bolivie,
CMC, annexe 161, p. 701.
24 Lettre en date du 4 mars 1963 adressée à l’ambassadeur du Costa Rica auprès de l’OEA par l’ambassadeur par
intérim du Chili auprès de l’OEA, CMC, annexe 163, p. 737 et 739.
25 Discours prononcé par le ministre chilien des affaires étrangères le 27 mars 1963, CMC, annexe 164, p. 775.
Voir également lettre en date du 4 mars 1963 adressée à l’ambassadeur du Costa Rica auprès de l’OEA par l’ambassadeur
par intérim du Chili auprès de l’OEA, CMC, annexe 163, p. 739.
26 Voir CR 2018/7, p. 25-26, par. 37 (Remiro Brotóns) et 38-39, par. 21 (Akhavan) ; voir également CR 2018/6,
p. 28, par. 21 (Akhavan).
27 Discours prononcé par le ministre bolivien des affaires étrangères le 3 avril 1963, CMC, annexe 165, p. 805 et
807. Voir également lettre en date du 4 novembre 1963 adressée à M. Ríos Gallardo, ancien ministre chilien des affaires
étrangères, par le ministre bolivien des affaires étrangères, CMC, annexe 166.
28 Lettre en date du 17 novembre 1963 adressée au ministre bolivien des affaires étrangères par M. Conrado Ríos
Gallardo, ancien ministre chilien des affaires étrangères, CMC, annexe 167, p. 841. Voir également lettre en date du
6 février 1964 adressée au ministre bolivien des affaires étrangères par M. Conrado Ríos Gallardo, ancien ministre chilien
des affaires étrangères, CMC, annexe 168, p. 849.
29 Note en date du 8 avril 1967 adressée au président de la République orientale d’Uruguay par le président de la
Bolivie, intitulée «Pourquoi la Bolivie n’est-elle pas représentée à Punta del Este ?», CMC, annexe 170, p. 875.
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qu’aucune négociation n’avait été entamée. Voilà ce que le président Barrientos
appelle maintenant l’«engagement» du Chili.»30
64. Plus encore que celles qui l’avaient précédée, cette communication appelait une
réaction31. Pourtant, la Bolivie est restée muette. Pour faire bonne mesure, j’ajoute que la Bolivie
n’a pas non plus réagi après avoir entendu en 1987 et 1988 le Chili déclarer sans ambages devant
l’OEA, à propos des notes de 195032, qu’elle n’en tenait aucun droit qu’elle puisse légitimement
invoquer33.
V. Conclusion
65. La Bolivie n’aurait pas pu répondre en invoquant une base juridique. Le Chili, dans sa
note du 20 juin 1950, n’avait en effet pris aucun engagement juridiquement contraignant de
négocier. Les termes soigneusement et prudemment pesés dans lesquels cette note était rédigée
témoignent de l’importance des questions sous-jacentes et du risque de retombées politiques, qui
s’est d’ailleurs concrétisé plus tard dans l’opinion publique par une véritable levée de boucliers.
L’argument contraire que défend maintenant la Bolivie est réfuté par le choix des termes dans
lesquels les notes de 1950 ont été rédigées, la nature des circonstances dans lesquelles elles l’ont
été et les événements  ou plutôt les non-événements  qui ont suivi.
66. Et à supposer même que la Bolivie ait pu dans un premier temps montrer qu’il existait
une obligation juridique, les notes de 1950 ne lui seraient aujourd’hui d’aucun secours. Il aurait
tout au plus pu y avoir une obligation, valide en 1950, d’entamer des négociations. Cela ne saurait
se traduire, on ne sait trop comment, par une obligation qui i) aurait perduré jusqu’à nos jours et
ii) vaudrait pour des négociations reposant sur des conditions très différentes, d’autant plus iii) que
des négociations ont effectivement eu lieu durant la période allant de 1975 à 1978, lesquelles ont
30 Lettre en date du 29 mai 1967 adressée à tous les ministres des affaires étrangères des Etats latino-américains
par le ministre chilien des affaires étrangères, CMC, annexe 171, p. 913 (les italiques sont dans l’original) (onglet no 49
du dossier de plaidoiries).
31 Voir Temple de Preah Vihear (Cambodge c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 23.
32 Procès-verbal de la 4e séance de la commission générale de l’Assemblée générale de l’OEA, 12 novembre
1987, DC, annexe 436, p. 656 (un extrait plus bref figure dans le mémoire de la Bolivie, annexe 210) ; procès-verbal de la
3e séance de la commission générale de l’Assemblée générale de l’OEA, 16 novembre 1988, CMC, annexe 302, p. 2078
(voir également MB, annexe 213).
33 Procès-verbal de la 4e séance de la commission générale de l’Assemblée générale de l’OEA, 12 novembre
1987, DC, annexe 436, p. 656; procès-verbal de la 3e séance de la commission générale de l’Assemblée générale de
l’OEA, 16 novembre 1988, CMC, annexe 302, p. 2084.
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échoué parce que la Bolivie prétendait modifier les bases sur lesquelles il avait été convenu
qu’elles se dérouleraient. Et c’est de ces négociations que je vais maintenant traiter.
LE PROCESSUS DE CHARAÑA, ENTRE 1975 ET 1978
I. Absence d’obligation juridique
A. La déclaration commune de Charaña
1. La déclaration commune de Charaña du 8 février 1975, qui a marqué la reprise des
relations diplomatiques entre la Bolivie et le Chili, figure sous l’onglet no 51 de notre dossier de
plaidoiries, et vous pouvez la voir à présent à l’écran.
2. Le demandeur la considère aujourd’hui comme un traité contenant une nouvelle obligation
de négocier de durée illimitée incombant au Chili, dont l’exécution peut être obtenue pendant de
nombreuses décennies. A l’époque de la déclaration, celle-ci était considérée bien autrement. A
titre d’exemple, voici ce que déclarait à ce sujet l’ancien ministre bolivien des affaires étrangères,
M. Guevara Arze, à l’Associated Press et qui a été rapporté dans le journal bolivien Los Tiempos
du 12 février 1975 :
««à l’instar d’une peuplade primitive offrant des pépites d’or en échange de colliers de
verre», le président Banzer a offert au Chili la reprise des relations diplomatiques et
reçu, en échange, «officiellement» pour la BOLIVIE les phrases vagues et imprécises
d’une «déclaration commune».»34
3. Examinons donc le texte de la déclaration commune. Au paragraphe 1, il y est rappelé que
le général Pinochet, du Chili, a rencontré le général Banzer, de Bolivie ; c’était l’époque où les
deux pays connaissaient une dictature militaire. Le paragraphe 1 indique que les chefs d’Etat se
sont rencontrés «afin de procéder à un échange de vues sur des questions intéressant les deux pays
ainsi que sur la situation du continent américain et du monde»35. Cette formulation  «échange de
vues»  ne saurait être plus éloignée de termes indiquant une intention de créer des obligations
contraignantes. Du paragraphe 2, il ressort que la rencontre a «permis d’identifier d’importants
34 Los Tiempos (Bolivie), «La déclaration de Charaña crée de nouveaux problèmes», 12 février 1975, dossier de
plaidoiries, onglet no 52.
35 Déclaration commune de Charaña entre la Bolivie et le Chili en date du 8 février 1975, CMC, annexe 174,
p. 947, par. 1. Sauf indication contraire, toutes les références aux pages contenues dans les présentes notes renvoient à la
numérotation des pages des volumes d’annexes originaux.
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- 12 -
points d’accord» ; certains progrès ont donc été accomplis, mais, là encore, pareils termes ne
sauraient indiquer la conclusion de quelque accord contraignant.
4. Le paragraphe essentiel aux yeux du demandeur est le paragraphe 4, qui se lit comme
suit :
«Les deux chefs d’Etat, dans un esprit constructif et de compréhension
mutuelle, ont décidé de poursuivre le dialogue à différents niveaux afin de rechercher
des mécanismes permettant de résoudre, dans le respect des intérêts et des aspirations
des peuples bolivien et chilien, les problèmes vitaux auxquels sont confrontés les deux
pays, notamment l’enclavement de la Bolivie.»36
5. Il importe de se pencher sur ces termes avec un petit peu plus de rigueur, mais aussi de
réalisme, que le demandeur, et il est utile à cet égard d’établir une comparaison avec les
procès-verbaux de 1990 en cause dans l’affaire Qatar c. Bahreïn. Je ferai deux remarques à ce
sujet :
a) Premièrement, il est manifeste que la déclaration n’indique nullement qu’une ligne de conduite
spécifique aurait été «convenu[e]», comme cela était le cas dans les procès-verbaux de 1990 de
l’affaire Qatar c. Bahreïn37.
b) Deuxièmement, dans cette affaire, les deux Etats avaient travaillé ensemble dans le cadre des
bons offices de l’Arabie Saoudite afin d’arrêter un moyen de régler leur différend, et s’étaient
réunis en 1990 alors que chacun d’eux avait déjà officiellement accepté le principe suivant :
«Toutes les questions en litige seront soumises à la Cour internationale de Justice, à La Haye,
pour qu’elle rende une décision définitive.»38
c) En la présente espèce, en revanche, les deux Etats avaient depuis longtemps rompu leurs
relations diplomatiques. Il est donc tout bonnement invraisemblable qu’ils aient voulu appuyer
sur un bouton pour que leurs relations totalement «inexistantes» deviennent d’un coup
«parfaites», le bouton en question déclenchant l’adoption d’obligations contraignantes sur les
questions hautement sensibles de l’enclavement de la Bolivie et de la reprise des relations
diplomatiques, laquelle est traitée au paragraphe 6 de la déclaration. Selon la thèse du
36 Déclaration commune de Charaña entre la Bolivie et le Chili en date du 8 février 1975, CMC, annexe 174,
p. 947, par. 4.
37 Voir Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), compétence et
recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1994, p. 119, par. 19.
38 Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), compétence et
recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1994, p. 117, par. 17.
23
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demandeur, si le général Banzer avait changé d’avis à son retour à La Paz et décidé que la
Bolivie ne normaliserait finalement pas les relations diplomatiques à cause, par exemple, d’une
réaction hostile du peuple bolivien, il n’en aurait pas moins été juridiquement tenu de le faire ;
telle ne pouvait pas être l’intention des généraux lorsqu’ils ont signé la déclaration.
6. J’ai fait observer hier que, la question de l’enclavement de la Bolivie étant par nature
délicate, il était peu probable que les deux Etats eussent été disposés, en 1950, à contracter une
obligation contraignante de négocier sur cette question. Or, tel était encore davantage le cas
en 1975, après une douzaine d’années de rupture de relations diplomatiques. Le ministère des
affaires étrangères de la Bolivie l’a d’ailleurs noté dans une déclaration publique du 19 avril 1976.
Cette déclaration s’inscrit dans un certain contexte, à savoir que pas moins de trois anciens
présidents boliviens avaient vertement critiqué la manière dont le gouvernement militaire
envisageait la négociation.
a) L’introduction montre qu’il s’agit d’éclaircissements donnés par le ministère des affaires
étrangères pour répondre aux accusations d’«affirmations ou [de] commentaires mensongers».
b) La déclaration contient une description de la politique du gouvernement concernant l’accès
souverain à la mer et, au paragraphe 3, une référence aux lignes directrices de la négociation. Je
reviendrai bientôt sur ce point.
c) Ensuite, au paragraphe 4, il est fait référence aux «bases conceptuelles des négociations» du
président, l’alinéa d) se lisant comme suit : «Le Gouvernement militaire de la nation n’a pris
aucun engagement en la matière sans l’autorisation préalable de son peuple»39.
7. Cette déclaration reflète la réalité. Il aurait été politiquement tout à fait imprudent, même
pour une dictature militaire, de contracter quelque obligation juridique sur cette question sans le
soutien du peuple, et ce, plus particulièrement encore au moment de la déclaration de Charaña,
alors que les deux Etats ne cherchaient qu’à renouer leurs relations diplomatiques.
8. M. Akhavan a fait observer que la déclaration commune figurait dans le recueil des traités
du ministère des affaires étrangères du Chili40. Mais, comme le demandeur le sait fort bien, ce
39 Eclaircissements donnés par le ministère bolivien des affaires étrangères, 19 avril 1976, REB, annexe 309,
p. 775 et 777, dossier de plaidoiries, onglet no 53.
40 CR 2018/6, p. 28, par. 22 (Akhavan) ; MB, par. 378 et 141.
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recueil contient différents types de documents, dont des documents internes chiliens qui ne sont pas
des traités et ne contiennent aucune obligation juridique. Comme le demandeur le sait également, la
déclaration commune de Charaña n’a pas été ratifiée et le Chili ne l’a pas considérée autrement
comme un traité au regard de son droit interne ; rien ne suggère d’ailleurs qu’elle ait été ratifiée par
la Bolivie ou que celle-ci l’ait considérée comme un traité41.
9. M. Akhavan a également cherché à tirer argument de ce que, le 6 août 1975, (et je le cite)
«l’OEA déclara, à l’unanimité, que «l’enclavement de la Bolivie [était] un problème pour tout le
continent», et qu’une solution devait être trouvée»42. Le seul problème est que les termes «une
solution devait être trouvée» sont ceux de M. Akhavan, et que l’OEA a en réalité dit ceci : «et tous
les Etats américains proposent de coopérer à la recherche de solutions»43. Cette formulation est
bien différente.
10. Je formulerai trois autres observations plus précises à propos du paragraphe 4.
11. Premièrement, il n’y est nulle part fait mention du prétendu accord international constitué
par les notes de juin 1950. Si les deux chefs d’Etat avaient considéré qu’un tel accord était
effectivement en vigueur, il est permis de penser qu’ils y auraient fait quelque référence explicite,
ou à tout le moins implicite. Or, ils n’en ont rien fait, et il est évident que cela était tout à fait
délibéré.
12. Lundi, Mme Chemillier-Gendreau s’est référée à une réunion tenue entre les deux Etats
en avril 1971, ainsi qu’à des projets de déclaration commune soumis par la Bolivie quatre mois
plus tard44. Celle-ci proposait alors deux formulations différentes, que vous pouvez voir à l’écran et
qui figurent sous l’onglet no 55 de notre dossier de plaidoiries. La première se lit comme suit :
«Les Gouvernements de la Bolivie et du Chili ont décidé de poursuivre les
négociations convenues dans les notes échangées par leurs deux gouvernements les 1er
et 20 juin 1950 et signées par le ministre chilien des affaires étrangères, M. Horacio
Walker Larrain, et l’ambassadeur de la Bolivie au Chili, M. Alberto Ostria Gutierrez.
A cette fin, ils déclarent par la présente que ces documents sont pleinement en
vigueur.»
41 CMC, par. 7.11 b).
42 CR 2018/6, p. 28, par. 22 (Akhavan), dossier de plaidoiries, onglet no 54.
43 Assemblée générale de l’OEA, résolution CP/RES. 157 (169/75) en date du 6 août 1975, CMC, annexe 175,
p. 953.
44 CR 2018/6, p. 39, par. 29 (Chemillier-Gendreau), faisant référence à REB, annexe 297.
25
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On voit bien que cette formulation ne se retrouve pas dans la déclaration commune de 1975.
L’autre solution proposée par la Bolivie était la suivante : «Les Gouvernements de la Bolivie et du
Chili décident d’entreprendre formellement une démarche directe et bilatérale visant à négocier
l’accès souverain à l’océan Pacifique de la Bolivie, compte dûment tenu des intérêts réciproques
des deux pays.»45 Là encore, cette formulation ne correspond pas au libellé du paragraphe 4.
13. M. Forteau a feint de trouver, dans ce projet de 1971, des éléments lui permettant
d’étayer sa thèse sur la continuité entre les notes de 1950 et la déclaration de Charaña de 197546, ce
qui est curieux car il est manifeste que la formulation finalement considérée comme acceptable et
intégrée dans la déclaration de 1975 pourrait difficilement différer davantage de celle des deux
solutions proposées dans le projet de 1971.
14. Deuxièmement, et compte tenu de ce que je viens de dire, la formulation du paragraphe 4
n’est pas celle d’un accord international, pas plus que le libellé de la déclaration dans son
ensemble. Les deux Etats ont employé des termes prudents que l’on s’attend à lire dans un texte
faisant état de la décision de normaliser des relations diplomatiques après plus de dix ans et dont
l’intention est de présenter au monde une déclaration politique dépourvue de tout caractère
contraignant. Ils ont donc dit : «ont résolu» plutôt que «sont convenus», «de poursuivre le dialogue
à différents niveaux» plutôt que «de négocier» et «d’identifier des mécanismes permettant de
résoudre» plutôt que «de parvenir à un accord sur».
15. M. Remiro Brotóns a passé beaucoup de temps lundi à essayer de démontrer que «ont
résolu»  «han resuelto» dans l’original  pouvait non seulement signifier tout simplement «ont
résolu», mais aussi «sont convenus» ou «ont décidé»47. D’après ce que j’ai pu voir, le passage du
dictionnaire de l’Académie royale auquel il s’est référé ne propose pas le sens de «ont décidé»,
mais cela n’est évidemment pas déterminant, le Chili ne prétendant pas que l’expression «ont
résolu» ne pourrait jamais être utilisée pour établir une obligation juridique. Ce qui est autrement
pertinent, c’est que les termes «ont résolu» sont utilisés à plusieurs reprises dans la déclaration, ce
qui fait clairement apparaître que les Etats ne cherchaient à y attacher aucune valeur juridiquement
45 Projet de déclaration commune en date du 13 août 1971 et soumis au ministre chilien des affaires étrangères
par le consul général de la Bolivie au Chili, RB, annexe 298, p. 673 et 675.
46 CR 2018/7, p. 59, par. 17 iii) (Forteau) ; voir également p. 57, par. 11 (Forteau).
47 CR 2018/6, p. 49, par. 13, se référant au dossier de plaidoiries du 19 mars 2018, onglet no 12.
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contraignante. Ainsi, outre le paragraphe 4, les présidents ont dit, aux paragraphes 5 et 6, qu’ils
avaient
a) «résolu de continuer à oeuvrer en faveur de l’harmonie et de la bonne entente en vue d’instaurer
une atmosphère de coopération qui leur permettra[it] de faire avancer les causes de la paix et du
progrès sur le continent» ;
puis, au paragraphe 6, qu’ils avaient
b) «résolu de normaliser, au niveau des ambassadeurs, les relations diplomatiques entre leurs
pays»48.
16. L’on ne saurait soutenir que ces phrases peuvent être interprétées comme énonçant des
obligations contraignantes dont chacun des deux Etats aurait pu obtenir l’exécution comme il
l’entendait.
17. Troisièmement, même si l’on devait considérer qu’il s’agit là d’une formulation propre à
un accord international, cela ne serait d’aucune aide pour le demandeur. L’obligation consisterait
en effet à «poursuivre le dialogue à différents niveaux» et à «identifier des mécanismes permettant
de résoudre … les problèmes vitaux» des deux pays, dont l’un a trait à «l’enclavement de la
Bolivie». Or, la thèse du demandeur concerne une prétendue obligation de négocier précisément un
accès souverain.
18. M. Remiro Brotóns vous a dit mardi que cela était implicite dans la déclaration, «since
that was in fact what the Declaration was about. Had that not been the case, Bolivia would not have
resumed diplomatic relations.»49. Il ne s’est référé à cet égard à aucun document. Or, il aurait été
utile de mentionner la déclaration du président Banzer en date du 5 février 1975, rapportée dans la
presse comme suit :
«Le problème de l’enclavement de la Bolivie ne saurait être une condition à la
reprise des relations diplomatiques avec le Chili, a déclaré plus tôt aujourd’hui le
président Hugo Banzer.
Soixante-douze heures avant sa rencontre avec son homologue chilien,
Augusto Pinochet, le général Banzer a «ouvert grand la porte» à un échange
d’ambassadeurs entre les deux pays.
48 Déclaration commune de Charaña entre la Bolivie et le Chili en date du 8 février 1975, CMC, annexe 174,
p. 949, par. 5 et 6.
49 CR 2018/7, p. 27, par. 42 (Remiro Brotóns). Voir également REB, par. 287 ; voir également par. 375-377.
27
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Il a déclaré : «La réintégration maritime ne constitue pas une condition
fondamentale à la reprise des relations.».»50
19. Plutôt le contraire, donc, de ce que l’on vous a dit mardi.
20. Le fait est tout simplement que les termes effectivement employés au paragraphe 4 n’ont
absolument aucun rapport avec l’obligation alléguée par le demandeur en l’espèce51. Je citerai à ce
sujet les propos que le général Banzer a tenus lors d’un entretien qu’il a accordé le 29 décembre
1975 : «la déclaration de Charaña ne comprend pas d’engagement catégorique du Chili de régler la
situation d’enclavement de la Bolivie»52. Cela semble assez clair. Et pourtant, selon le demandeur,
la déclaration comprend bel et bien un tel engagement. Pour étayer cette thèse, la Bolivie a fait
grand cas des termes utilisés par le porte-parole du Gouvernement du Chili, Federico Willoughby53,
ainsi que des modestes vues exprimées sur les futures lignes directrices par d’éminents Chiliens qui
n’étaient alors, et c’est assez touchant, que de jeunes universitaires54 ; or, c’est le président Banzer
qui a signé la déclaration commune, et ce qu’il a dit le 29 décembre 1975 en constitue de loin, avec
tout le respect que je vous dois, la description la plus convaincante.
B. Les lignes directrices de négociation
21. Par la suite, les deux Etats ont travaillé à l’élaboration de lignes directrices pour des
négociations.
22. J’y reviendrai dans un instant, mais je vais tout d’abord exposer les positions respectives
des Parties. Le Chili affirme que ces lignes directrices n’ont engendré aucune obligation juridique.
Quant à la Bolivie, sa position sur ce point est très obscure mais, d’après ce que j’ai cru
comprendre, le demandeur considère que lesdites lignes directrices étaient juridiquement
contraignantes en ce qu’elles établissaient une obligation de négocier, mais pas en ce qui concerne
l’un de leurs principes fondamentaux et explicites, à savoir que le Chili n’était disposé à négocier
qu’en partant du principe que toute cession territoriale de sa part serait compensée par une cession
50 Selon Banzer, le problème de l’enclavement n’est pas une condition fondamentale», El Mercurio (Chili),
5 février 1975, DC, annexe 417, dossier de plaidoiries, onglet no 56.
51 Voir REB, p. 192, par. a).
52 «Des négociations seront menées avec le Chili sur la base d’une compensation territoriale», Presencia
(Bolivie), 29 décembre 1975, CMC, annexe 184, p. 1026. Voir dossier de plaidoiries, onglet no 57.
53 CR 2018/7, p. 27, par. 43 (Remiro Brotóns), faisant référence à REB, annexes 300 et 301.
54 Ibid., p. 28, par. 47 (Remiro Brotóns), faisant référence à REB, annexe 313.
- 18 -
territoriale de la part de la Bolivie55. Autrement dit, il s’agissait de lignes directrices effectivement
contraignantes, mais seulement en ce qu’elles correspondaient à la thèse actuelle de la Bolivie, ce
qui n’est guère engageant.
23. Les lignes directrices proposées par la Bolivie ont été formulées en août 1975, et figurent
sous l’onglet no 58 de notre dossier de plaidoiries56. Le paragraphe 1 indique que ce document
visait «à préciser les lignes directrices des négociations». Dans le paragraphe 7, la Bolivie se
déclare «disposée à réfléchir aux contreparties potentielles, cet aspect étant un point fondamental
des négociations, dans le cadre d’un accord qui tienne compte des intérêts mutuels.»57
24. Le Chili a quant à lui exposé sa position lors d’une réunion de plénipotentiaires le
12 décembre 1975. La Bolivie lui a répondu favorablement le 16 décembre. Comme vous pouvez
le voir, elle indiquait qu’elle «accept[ait] les termes généraux de la réponse du Gouvernement
chilien». Puis, dans le paragraphe suivant, elle réitérait sa demande «de réponse écrite, formulée
dans les mêmes termes que ceux que vous avez utilisés oralement lors de la réunion du vendredi 12
de ce mois, qui constituent la base de l’accord que nos deux pays négocient»58.
25. Cela fut fait quasiment tout de suite, dans une lettre du 19 décembre ; vous pouvez
consulter le document intégral sous l’onglet no 60 de notre dossier de plaidoiries59.
26. Le paragraphe le plus important est le paragraphe 4, dans lequel est réitéré ce qui avait
été proposé une semaine plus tôt :
a) Au litt. a), comme vous pouvez le voir, ce qui constituait selon le président Banzer le point de
départ, et ce à quoi le Chili entendait répondre, était «d’examiner la réalité actuelle sans faire
revivre les précédents historiques». Autrement dit, un nouveau départ, et non l’exécution de
quelque «entente historique» ou une référence aux notes de 1950. Je relève en passant que
M. Akhavan a dit lundi, que «[d]ans une note diplomatique en date du 19 décembre 1975, le
55 CR 2018/7, p. 28, par. 46-47 (Remiro Brotóns), p. 66, par. 34 (Forteau).
56 Aide-mémoire en date du 26 août 1975 adressé au ministère chilien des affaires étrangères par l’ambassade de
Bolivie au Chili, CMC, annexe 177, p. 965, par. 1.
57 Ibid., p. 967, par. 7.
58 Note no 681/108/75 en date du 16 décembre 1975 adressée au ministre chilien des affaires étrangères par
l’ambassadeur de Bolivie au Chili, CMC, annexe 178 ; dossier de plaidoiries, onglet no 59. Voir aussi le mémorandum du
ministre des affaires étrangères du Chili intitulé «Déroulement de la négociation avec la Bolivie», 1978, DC, annexe 423,
p. 499.
59 Note no 686 en date du 19 décembre 1975 adressée à l’ambassadeur de Bolivie au Chili par le ministre chilien
des affaires étrangères, CMC, annexe 180.
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Chili proposa de nouveau la formule envisagée en 1895»60. Eh bien, cela ne semble pas
vraiment traduire la façon dont les deux Parties voyaient les choses.
b) Comme il est ensuite clairement précité au litt. b), le traité de paix de 1904 devait absolument
demeurer central dans les relations entre les deux Etats.
c) Puis, ainsi que cela est énoncé au litt. c) du paragraphe 4, «[c]omme l’a indiqué
S. Exc. M. le président Banzer, la cession à la Bolivie d’une côte maritime souveraine, reliée au
territoire bolivien par une bande de territoire également souveraine, serait envisagée»61. Ce qui
devait être envisagé était ensuite exposé dans les grandes lignes aux litt. d) à f).
d) Le litt. d) du paragraphe 4 est ainsi libellé : «Le Chili serait disposé à négocier avec la Bolivie
au sujet de la cession d’une bande de territoire au nord d’Arica jusqu’à la ligne de Concordia»,
sur la base de frontières définies.
e) Au litt. e) du paragraphe 4, le Chili exclut, et ce n’est guère surprenant, «en ce qu’elle serait
inacceptable, toute cession de territoires … qui pourrait, d’une manière ou d’une autre, avoir
une incidence sur la continuité territoriale du pays».
f) Le litt. f) se lit comme suit : «La cession à la Bolivie décrite au litt. d) serait conditionnée à une
cession territoriale simultanée au profit du Chili, qui recevrait dans le même temps, à titre de
compensation, une zone au moins équivalente à la zone territoriale et maritime cédée à la
Bolivie.»62
27. La Bolivie n’a alors pas répondu «Vous avez déformé notre position, nous ne sommes
pas d’accord pour engager des négociations sur la base d’un échange de territoires.» Bien sûr que
non, puisqu’il s’agissait d’une base de négociation fondamentale. Deux jours plus tard, le général
Banzer informait au contraire la population bolivienne de la position du Chili concernant l’échange
de territoires, indiquant que celle-ci était dûment examinée et que le gouvernement bolivien
60 CR 2018/6, p. 28, par. 23 (Akhavan).
61 Les italiques sont de nous.
62 Note no 686 en date du 19 décembre 1975 adressée à l’ambassadeur de Bolivie au Chili par le ministre chilien
des affaires étrangères, CMC, annexe 180, p. 981-985, par. 4 c)-f), n) et 5.
29
- 20 -
«consid[érait] que la réponse du Gouvernement chilien à la proposition de la Bolivie constitu[ait]
une base de négociation globalement acceptable»63.
28. L’on aurait pu s’attendre à ce que les lignes directrices soient au coeur de l’argumentation
de la Bolivie. Les deux Etats s’étaient en effet entendus sur les termes généraux des négociations
relatives à l’accès souverain à la mer, le principe fondamental d’un quid pro quo étant énoncé par
écrit. Or, les lignes directrices ont alors donné lieu à une négociation. Dans l’histoire des relations
entre les deux Etats, c’est la seule fois que cela s’est produit. Et pourtant, la Bolivie tente à présent
de se soustraire à ce que ces lignes directrices prévoyaient réellement, exactement comme elle l’a
fait en 1978.
29. De toute évidence, cela est avant tout dû au fait que les lignes directrices
i) sont incompatibles avec la thèse de la Bolivie concernant le responsable de l’échec des
négociations, puisque le Chili n’a fait que s’en tenir à l’aspect fondamental des lignes
directrices ;
ii) sont incompatibles avec la décision désormais sollicitée par la Bolivie, qui fait fi de la
compensation que le Chili considérait comme essentielle ;
iii) sont totalement incompatibles avec les arguments que formule la Bolivie concernant une
prétendue «entente historique»64.
30. Un autre aspect doit être relevé. L’argumentation de la Bolivie repose sur l’établissement
d’une intention d’instaurer des relations juridiques, ou sur l’existence d’une déclaration sur laquelle
elle pouvait raisonnablement se fonder  et s’est fondée  à son détriment. Cela requiert un
examen approfondi du libellé des documents rédigés par les deux Etats, en particulier dans les rares
cas où il était surtout question de l’accès souverain.
31. Or, c’est précisément là que la Bolivie demande à la Cour de faire abstraction des termes
effectivement employés  elle choisit en réalité de ne pas vous les montrer , ceux-ci révèlant
que, lorsque le Chili a été réellement disposé à négocier au sujet de l’accès souverain, c’était sur la
base d’une compensation concrète, notamment sous la forme d’un approvisionnement en eau ou de
63 Message du président Banzer en date du 21 décembre 1975 annonçant que la réponse du Chili (en date du
19 décembre 1975) constitue une base de négociation globalement acceptable, CMC, annexe 181, p. 991 ; dossier de
plaidoiries, onglet no 61.
64 CR 2018/8, p. 35-37, par. 58-68 (Bethlehem).
30
- 21 -
nature territoriale. Il s’agissait d’une condition essentielle, ne serait-ce que parce que cela aurait
permis de rendre la perspective d’une cession de territoire acceptable du point de vue politique et
aux yeux de l’opinion publique chilienne. Mais il faut préciser que le Gouvernement bolivien était
lui aussi soumis à ce même impératif vis-à-vis de sa population.
32. Ces exigences contradictoires ont eu une influence déterminante sur la question de savoir
si, et sur quelle base, chaque Etat pouvait s’engager dans une négociation et sur ce qui s’est
réellement passé lorsque cela a été envisagé. Même au cours de la période exceptionnelle du milieu
des années 1970, lorsque les deux Etats étaient soumis à des dictatures militaires, et qu’il n’y
existait aucun contrôle démocratique, c’est justement à cause de ces exigences contradictoires que
les négociations ont échoué, en l’occurrence parce que la Bolivie a décidé qu’elle n’honorerait pas
son engagement en matière d’échange de territoires. Celle-ci souhaite aujourd’hui présenter cet
échec sous un jour nouveau, mais la vérité, c’est que l’accès souverain indolore auquel la Bolivie
prétend désormais avoir juridiquement droit n’a jamais été envisagé, et n’aurait jamais pu l’être.
II. Les négociations
33. J’en arrive à la conduite des négociations qui se sont déroulées entre 1975 et 1978,
jusqu’au moment où elles ont échoué parce que la Bolivie refusait de poursuivre les discussions sur
la base des lignes directrices convenues, rendant vains tous nouveaux efforts pour parvenir à un
résultat négocié. La Cour pourra consulter l’ensemble des échanges qui ont eu lieu au cours de la
période de Charaña, référence étant faite aux documents boliviens et chiliens de l’époque, dans
notre contre-mémoire et notre duplique65. Je formulerai simplement quatre observations
essentielles.
A. La réaffirmation des lignes directrices de négociations
34. Premièrement, dans les premiers mois de ce dialogue, la Bolivie a expressément
réaffirmé qu’elle acceptait les lignes directrices proposées par le Chili, y compris la condition de
l’échange territorial. Il est troublant qu’elle tente d’introduire le doute à cet égard66.
65 Voir CMC, chap. 7 ; et DC, chap. 6.
66 CR 2018/7, p. 66, par. 33 (Forteau). Voir aussi p. 28, par. 45 (Remiro Brotóns).
31
- 22 -
a) Vous pouvez voir à l’écran le titre du journal Presencia, publié à La Paz le 29 décembre 1975.
Il est parfaitement clair : «Des négociations seront menées avec le Chili sur la base d’une
compensation territoriale». Vous voyez également qu’il s’agit de la transcription d’un entretien
radiophonique avec le général Banzer  lors d’une table ronde avec des directeurs de journaux
et de stations de radio , diffusée le 28 décembre 1975, dans laquelle celui-ci, s’adressant à un
public extrêmement large, a déclaré ceci : «nous avons accepté la position du Chili, qui est
considérée, de manière générale, comme la base des négociations, et nous estimons également
qu’un échange territorial doit en faire partie»67. M. Forteau a timidement essayé, mardi, de faire
valoir que la base de négociations globalement acceptée n’incluait pas la condition de l’échange
territorial68. C’est tout simplement faux69.
b) Des déclarations allant dans le même sens, en ce qui concerne le principe convenu de l’échange
territorial, ont ensuite été faites par le général Banzer, ainsi que par le ministre bolivien des
affaires étrangères, dans les jours et les mois qui ont suivi ; dès le mois de janvier 1976, il a été
indiqué que des sous-comités techniques étaient en train de réaliser des études afin que la
Bolivie puisse proposer, dans le cadre de cet échange, le territoire le plus adapté70.
35. Lors d’une réunion tenue le 27 septembre 1976, le général Banzer a confirmé que ces
études étaient achevées71. Au cours de cette même réunion, le Chili a donné son accord pour que
soit exclue la «mer patrimoniale» de 200 milles marins de la zone à prendre en considération pour
67 «Des négociations seront menées avec le Chili sur la base d’une compensation territoriale», Presencia
(Bolivie), 29 décembre 1975, CMC, annexe 184, p. 1019 ; dossier de plaidoiries, onglet no 62.
68 CR 2018/7, p. 66, par. 33 (Forteau). Voir aussi, p. 28, par. 45 (Remiro Brotóns).
69 Cf. l’invocation, par M. Forteau, de l’article intitulé «La Bolivie n’a pas pris d’engagements définitifs vis-à-vis
du Gouvernement chilien», El Diario (Bolivie), 11 mars 1976, CMC, annexe 195 ; de l’article intitulé ««Les négociations
concernant le débouché de la Bolivie sur la mer ne se sont pas dégradées», déclare le ministère chilien des affaires
étrangères», Presencia (Bolivie), 13 mars 1976, CMC, annexe 196 ; et du télex en date du 11 mars 1976 adressé au
ministre chilien des affaires étrangères par l’ambassade chilienne en Bolivie, CMC, annexe 194.
70 Voir ««C’est le peuple qui se prononcera sur l’accord avec le Chili», déclare le général Banzer», Presencia
(Bolivie), 30 décembre 1975, CMC, annexe 185, p. 1037. Voir aussi ««Nous fournirons une compensation qui ne
compromet pas notre développement», déclare M. Guzmán Soriano, ministre des affaires étrangères», Presencia
(Bolivie), 1er janvier 1976, CMC, annexe 187, p. 1053.
71 Rapport présenté par M. Gregorio Amunátegui Prá au président du Chili, octobre 1976, DC, annexe 420,
p. 457.
32
- 23 -
déterminer la superficie du territoire devant être échangé72. Le président bolivien a estimé que la
position du Chili était juste, et qu’elle devrait être acceptée par ceux qu’il a appelés les «notables»
de Bolivie. A ce sujet, il aurait dit, lors de cette réunion :
«Ce sont ces personnes [les notables] qui m’ont mandaté pour obtenir un accès
souverain à la mer pour la Bolivie, que j’ai obtenu sous certaines conditions que
j’estime justes en temps de paix. Si elles acceptent les termes convenus avec le Chili,
très bien ; dans le cas contraire, la responsabilité historique de leur refus et l’échec des
négociations leur incombera [aux notables], étant donné que le président de la
République leur aura présenté la seule solution réalisable par des moyens
pacifiques…»73
36. Et pourtant, la Cour est à présent priée d’imputer cette «responsabilité historique» au
Chili.
37. Une autre observation s’impose : la Bolivie parle de «dégradation» par rapport à une
prétendue obligation découlant des notes de 1950, en raison de la position qu’elle a acceptée
relativement à l’échange territorial. Il a même été dit, mardi, que le Chili avait agi de mauvaise foi
en réduisant systématiquement l’objet et la portée de ce qu’il était prêt à négocier74. Il semble que
la Bolivie s’estime autorisée à formuler n’importe quelle allégation, quel que soit son bien-fondé,
autorisée à ne faire aucun cas de la réalité des faits.
B. La consultation du Pérou, effectuée de bonne foi par le Chili
38. J’en viens à mon second point principal. Conformément à l’article premier du protocole
complémentaire de 1929, le Chili et le Pérou sont convenus qu’ils ne pourraient, «sans accord
préalable», céder à un Etat tiers toute partie des territoires de Tacna et d’Arica75.
39. Le Chili s’est donc employé, de bonne foi, à consulter le Pérou, notamment dans le cadre
de deux cycles de réunions tenues en avril et juillet 197676 ; or, ce qui est somme toute bien naturel,
ce dernier était lui aussi soucieux de protéger ses intérêts.
72 Rapport présenté par M. Gregorio Amunátegui Prá au président du Chili, octobre 1976, DC, annexe 420,
p. 459. Voir aussi Ministère chilien des affaires étrangères, Historique des négociations entre le Chili et la Bolivie, 1975-
1978, Santiago, 1978, p. 6, REB, annexe 316, p. 851-852 ; et «Le Conseil maritime national estime qu’un échange de
territoires constitue l’unique solution réaliste pour la Bolivie», La Tercera (Chili), 1er novembre 1976, DC, annexe 421,
p. 477.
73 Rapport présenté par M. Gregorio Amunátegui Prá au président du Chili, octobre 1976, DC, annexe 420,
p. 461. Voir aussi p. 467, dossier de plaidoiries, onglet no 63.
74 CR 2018/7, p. 63, par. 27 (Forteau).
75 Protocole complémentaire au traité de Lima entre le Chili et le Pérou, signé à Lima le 3 juin 1929 (entré en
vigueur le 28 juillet 1929), Société des Nations, Recueil des traités, vol. 94, p. 401, exceptions préliminaires du Chili
(EPC), annexe 11, art. 1.
33
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a) Le 18 novembre 1976, le Pérou a présenté sa propre proposition, que vous voyez représentée
sur cette carte. Il s’agissait de créer, au départ d’un nouveau couloir bolivien, une zone de
souveraineté partagée. Autrement dit, le Pérou souhaitait acquérir des droits souverains dans
une portion de territoire appartenant au Chili, que celui-ci envisageait de céder à la Bolivie77.
b) Le 22 novembre 1976, le Chili et la Bolivie se sont réunis pour examiner cette proposition, qui
allait à l’encontre de leurs intérêts respectifs. Comme vous le voyez à l’écran, le général Banzer
a alors indiqué qu’«il rejet[ait] la proposition péruvienne et compren[ait] parfaitement que le
Chili y [fût] opposé». Il a précisé que, «en cas d’échec des négociations, il reconnaîtr[ait]
publiquement l’attitude positive du Chili»78. La Bolivie s’obstine à faire abstraction des
documents relatifs à cette réunion, qui ont pourtant été versés au dossier de la présente affaire
dès juillet 2016 ; on se demande si ses conseils s’y intéresseront enfin lundi prochain.
40. Conformément aux discussions tenues avec la Bolivie, le Chili a, le 26 novembre, rejeté
la proposition du Pérou et invité ce dernier à répondre à celle qu’il lui avait initialement adressée en
décembre 197579, ce à quoi le Pérou n’a pas donné suite.
41. Le même jour, le Pérou a fait une déclaration, publiée dans le quotidien El Diario, pour
indiquer qu’il maintenait sa position80, confirmant les propos tenus par son premier ministre dans
un long entretien paru dans La Prensa à Lima. La teneur de la position du Pérou se trouve résumée
à la page 4 de cette déclaration, où le ministre des affaires étrangères souligne ceci : «Toutefois,
ainsi que nous l’avons très clairement indiqué, l’établissement de cette zone de souveraineté
76 Voir notamment communiqué de presse conjoint du 23 avril 1976 établi par le Pérou et le Chili, CMC,
annexe 200 ; communiqué de presse conjoint du 9 juillet 1976 établi par le Pérou et le Chili (CMC, annexe 201) et
rapport en date du 24 novembre 1976 adressé au ministre chilien des affaires étrangères par les représentants du Chili,
CMC, annexe 210, p. 1183, par. 4.
77 Communiqué officiel no 30-76 du ministère des affaires étrangères du Pérou en date du 18 novembre 1976,
CMC, annexe 207, onglet n° 64 du dossier de plaidoiries.
78 Rapport du ministère des affaires étrangères du Chili concernant les réunions tenues entre M. G. Amunátegui
Prá, envoyé spécial du président de la République du Chili, et le général Banzer, président de la République de Bolivie, le
22 novembre 1976, CMC, annexe 209, onglet 65 du dossier de plaidoiries. Voir également le rapport adressé au président
du Chili par M. Gregorio Amunátegui Prá, octobre 1976, DC, annexe 420, p. 463.
79 Mémorandum en date du 26 novembre 1976 établi par le ministère des affaires étrangères du Chili, CMC,
annexe 212, p. 1195. Voir également rapport en date du 24 novembre 1976 adressé au ministre chilien des affaires
étrangères par les représentants du Chili, CMC, annexe 210, p. 1183-1185, par. 6-11.
80 Déclaration du ministre péruvien des affaires étrangères retranscrite dans «Réponse du ministère péruvien des
affaires étrangères aux informations fournies à l’ambassadeur du Pérou par le sous-secrétaire des affaires étrangères du
Chili», El Diario (Bolivie), 26 novembre 1976, CMC, annexe 211, p. 1191, par. 3 et 6.
34
- 25 -
partagée constitue la condition sine qua non pour qu’il soit satisfait à l’ensemble des autres
exigences»81.
42. La Bolivie vous a dit cette semaine que «le Pérou était ouvert à la négociation» sur sa
proposition82. Elle s’est fondée à cet égard sur la lettre que ce dernier a adressée à la Cour en 2016
dans le cadre de la présente affaire  laquelle est reproduite sous l’onglet n° 67 du dossier de
plaidoiries , appelant en particulier votre attention sur le paragraphe 4.4 de cette lettre. Or, dans
le passage auquel elle se réfère, le Pérou ne faisait qu’exposer la situation dans laquelle il se
trouvait, selon lui, au regard du traité de Lima de 1929, à savoir qu’il pouvait accepter, rejeter, mais
aussi examiner une proposition ayant des effets sur la souveraineté sur Arica. Plus pertinente est la
note de bas de page figurant dans ce même extrait, qui renvoie aux déclarations faites par le Pérou
en 1976, et notamment à celle de son ministre des affaires étrangères que je viens de mentionner,
lesquelles indiquaient que la création d’une zone de souveraineté partagée constituait, de fait, pour
le Pérou une condition sine qua non83. Nous vous invitons à lire le texte intégral de la lettre.
C. Les négociations bilatérales menées en 1976 et 1977
43. Je passe à présent au troisième point essentiel qui ressort des documents relatifs aux
négociations. Moins d’un mois après que le Chili eut donné au Pérou la réponse convenue avec la
Bolivie, celle-ci a soudainement et unilatéralement cherché à rejeter les lignes directrices établies
aux fins des négociations84, en raison, semble-t-il, d’un changement de l’opinion publique
bolivienne, devenue hostile à un échange territorial85.
81 «Version intégrale des explications fournies par M. José de la Puente, ministre péruvien des affaires
étrangères», El Mercurio (Chili), 26 novembre 1976, CMC, annexe 213, p. 1207, onglet n° 66 du dossier de plaidoiries ;
voir aussi p. 1205 et 1213-1214 ; voir également déclaration du ministre péruvien des affaires étrangères retranscrite dans
«Réponse du ministère péruvien des affaires étrangères aux informations fournies à l’ambassadeur du Pérou par le
sous-secrétaire des affaires étrangères du Chili», El Diario (Bolivie), 26 novembre 1976, CMC, annexe 211, par. 3 et 6.
82 CR 2018/7, p. 67, par. 35 (Forteau).
83 «Version intégrale des explications fournies par M. José de la Puente, ministre péruvien des affaires
étrangères», El Mercurio (Chili), 26 novembre 1976, CMC, annexe 213, p. 1207, onglet n° 66 du dossier de plaidoiries.
84 Message du président de la Bolivie en date du 24 décembre 1976, CMC, annexe 214, p. 1241.
85 Voir notamment lettre no 571/148 en date du 28 septembre 1977 adressée au ministre chilien des affaires
étrangères par l’ambassadeur du Chili en Bolivie, CMC, annexe 228, p. 1385, par. 11 ; et note no 281/140/77 en date du
7 avril 1977 adressée au ministre bolivien des affaires étrangères par l’ambassadeur de la Bolivie au Chili, DC,
annexe 422, p. 483.
- 26 -
44. Ce revirement a été de courte durée, puisque, dans les deux semaines qui ont suivi, la
Bolivie a repris les négociations avec le Chili sur la base des lignes directrices arrêtées86. Les
discussions se sont poursuivies ainsi jusqu’à la fin de l’année 197787.
45. Mardi, la Bolivie a accordé un certain poids à une déclaration commune faite le 10 juin
1977 par les ministres bolivien et chilien des affaires étrangères88, indiquant que les deux Etats
avaient réitéré leur engagement de négocier un accès souverain sans toutefois faire mention de
l’échange territorial89. Cette déclaration figure sous l’onglet n° 68 de notre dossier de plaidoiries ;
là encore, nous vous invitons respectueusement à lire ce document dans son intégralité. Il s’agit
d’un texte emphatique et rébarbatif établi dans le cadre d’une rencontre de dictatures militaires
ayant jugé bon de faire des déclarations sur l’importance des droits de l’homme. Il est très
surprenant que la Bolivie se fonde sur ce document, dont le libellé ne conforte nullement l’idée
selon laquelle les lignes directrices ou la déclaration de Charaña auraient établi une quelconque
obligation juridique.
46. Dans le droit fil de ce que je viens d’évoquer, la Bolivie a de nouveau confirmé, après
juin 1977, qu’elle négociait sur la base d’un échange de territoires. Ainsi :
a) Au début du mois d’août 1977, le général Banzer a affirmé que les négociations entre les deux
Etats étaient toujours menées conformément aux lignes directrices adoptées en 1975, ajoutant
que ces derniers «ne recherch[aient] pas de nouvelle proposition», qu’ils avaient «entériné
[leurs] démarches et suggestions», et qu’ils «s’en tiendr[aient] à ces modalités»90.
86 Mémorandum du ministère chilien des affaires étrangères en date du 7 janvier 1977 concernant l’audience
accordée par le ministre à l’ambassadeur de Bolivie au Chili, CMC, annexe 215, p. 1257-1261, par. 3, 5-9 et 13.
87 Voir note du ministre chilien des affaires étrangères en date du 27 janvier 1977 concernant la conversation
menée avec l’ambassadeur de Bolivie au Chili et son ministre conseiller, CMC, annexe 216, p. 1275 ; lettre en date du
8 février 1977 adressée au président de la Bolivie par le président du Chili, CMC, annexe 217 ; lettre no 22 en date du
15 avril 1977 adressée à l’ambassadeur du Chili en Bolivie par le ministre chilien des affaires étrangères, CMC,
annexe 220, p. 1309-1375, par. V-VI et XI ; et lettre no 24 en date du 21 avril 1977 adressée à l’ambassadeur du Chili en
Bolivie par le ministre chilien des affaires étrangères, CMC, annexe 221, p. 1327.
88 Déclaration commune des ministres chilien et bolivien des affaires étrangères, signée à Santiago le
10 juin 1977, CMC, annexe 222.
89 CR 2018/7, p. 66, par. 34 (Forteau) et également p. 29-30, par. 50 (Remiro Brotóns). Voir également REB,
par. 278.
90 Déclaration du président Banzer, rapportée dans Hoy (Bolivie) au début du mois d’août 1977 et reproduite dans
la lettre no 480/114 en date du 19 août 1977 adressée au ministre chilien des affaires étrangères par l’ambassade du Chili
en Bolivie, CMC, annexe 223, p. 1351.
35
- 27 -
b) Le mois suivant, les chefs d’Etat du Chili, de la Bolivie et du Pérou se sont rencontrés à
Washington91 et, à peine deux jours plus tard, le général Banzer a expliqué aux représentants de
la presse que ce serait à la Bolivie qu’il reviendrait de choisir les territoires à échanger avec le
Chili92.
47. A la fin du mois de décembre 1977, le général Banzer a cependant cherché une fois
encore à changer radicalement les bases de la négociation en demandant au Chili de renoncer à la
condition de l’échange territorial. Il convient toutefois de préciser que les termes employés à cette
occasion étaient ceux d’une proposition et d’une demande, le général Banzer reconnaissant que la
Bolivie ne pouvait exiger que de nouvelles conditions soient établies. Voici ce qu’il a dit [onglet
n° 69 du dossier de plaidoiries à l’écran] : «Ce n’est pas de la Bolivie que dépend l’adjonction de
nouveaux facteurs dont la prise en compte permettrait de passer au stade suivant et d’avancer vers
les buts que nous avons fixés lors de la réunion de Charaña [les buts, soulignons-le, pas les
obligations]»93.
48. Le Chili estimait pour sa part que les lignes directrices acceptées d’un commun accord
demeuraient «le seul moyen réaliste et viable de réaliser ce à quoi aspi[rait]» la Bolivie94. Je
rappellerai à cet égard que le Gouvernement chilien était lui aussi soumis à l’impératif que tout
accord sur l’accès souverain fût acceptable au regard de ses intérêts nationaux95.
91 Voir déclaration commune des présidents de la Bolivie, du Chili et du Pérou, reproduite dans «Réunion tenue
entre MM. Pinochet, Morales et Banzer», El Mercurio (Chili), 9 septembre 1977, CMC, annexe 224.
92 Télex no 301 en date du 14 septembre 1977 adressé au ministère chilien des affaires étrangères par l’ambassade
du Chili en Bolivie, CMC, annexe 225, par. 4. Voir également mémorandum confidentiel no 424 en date du
20 octobre 1977 adressé à la direction générale de la politique étrangère par le ministère chilien des affaires étrangères,
CMC, annexe 233, par. II. Voir également lettre no 021/5 en date du 30 septembre 1977 adressée à un responsable de
secteur du département de l’Amérique du Sud du ministère des affaires étrangères et du Commonwealth par le deuxième
secrétaire de l’ambassade de Grande-Bretagne en Bolivie, CMC, annexe 231, par. 4 ; ««Notre territoire ne sera ni bradé
ni offert», déclare M. Patricio Carvajal, ministre des affaires étrangères», La Segunda (Chili), 17 septembre 1977, CMC,
annexe 226.
93 Lettre en date du 21 décembre 1977 adressée au président du Chili par le président de la Bolivie, CMC,
annexe 235, p. 1453 ; cf. CR 2018/7, p. 67, par. 35 (Forteau) ; voir également DC, par. 6.45.
94 Lettre en date du 18 janvier 1978 adressée au président de la Bolivie par le président du Chili, CMC,
annexe 236, p. 1459.
95 Voir notamment mémorandum confidentiel no 116 en date du 15 mars 1978 adressé à la direction générale de
la politique étrangère du Chili par le ministère chilien des affaires étrangères, CMC, annexe 238, p. 1489 et 1493.
36
- 28 -
D. L’échec des négociations
49. J’en arrive à mon quatrième grand point, à savoir le fait que la Bolivie est à l’origine de
l’échec des négociations.
50. Le 17 mars 1978, le général Banzer a suspendu les relations diplomatiques de son pays
avec le Chili invoquant, en particulier, le refus de ce dernier de modifier sa position sur l’échange
territorial96. La réaction du Chili traduit sa perplexité. Dans une déclaration publiée la semaine
suivante, il a ainsi indiqué :
«Il est impensable que le Gouvernement bolivien ait encore des doutes à ce
sujet [l’échange territorial], le président et le ministre des affaires étrangères ayant
personnellement rappelé cette condition, à savoir la compensation territoriale à leurs
homologues respectifs, ainsi qu’aux deux ambassadeurs boliviens qui étaient en poste
à Santiago les trois dernières années.»97
51. Pour ce qui est de la suite, il importe de relever que la Bolivie n’a jamais cherché à
revenir à la table des négociations sur la base d’un échange territorial, ni à négocier avec le Chili
dans les conditions prévues par la déclaration commune et les lignes directrices acceptées d’un
commun accord ; les relations diplomatiques entre les deux Etats n’ont, à ce jour, pas été rétablies.
52. Cela étant, M. Forteau a cru pouvoir soutenir mardi que, malgré cet ensemble de faits
peu encourageants, l’obligation de négocier découlant supposément de la déclaration commune de
1975 ou des lignes directrices était demeurée  et demeurait, de fait  pleinement en vigueur.
53. Or, en l’occurrence, c’est la Bolivie qui a privé la négociation de tout fondement en
rejetant les lignes directrices arrêtées d’un commun accord, et a, de surcroît, rompu ses relations
diplomatiques avec le défendeur. M. Forteau s’est longuement attardé sur ce qui constitue, pour le
demandeur, le critère juridique à retenir, laissant entendre qu’il ne s’agissait pas de rechercher si les
négociations étaient devenues inutiles98. Tout cela était fort intéressant, mais quel que soit le critère
retenu  l’inutilité, conformément à la jurisprudence très récente de la Cour99, l’exigence de
poursuivre les négociations autant que possible, comme dans l’affaire du Trafic ferroviaire entre la
96 Lettre en date du 17 mars 1978 adressée au président du Chili par le président de la Bolivie, CMC, annexe 239.
97 Déclaration du Gouvernement chilien en date du 23 mars 1978, CMC, annexe 242, p. 1539 ; onglet n° 70 du
dossier de plaidoiries.
98 CR 2018/7, p. 64-65, par. 29-31 (Forteau).
99 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), par. 159 ; voir également
Application de l’accord intérimaire du 13 septembre 1995 (ex-République yougoslave de Macédoine c. Grèce), arrêt du
5 décembre 2011, C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 685, par. 132.
37
- 29 -
Lituanie et la Pologne100, ou encore, ainsi que Paul Reuter l’a formulé, la situation dans laquelle
“the prospect of success appears to have been definitively ruled out”, et en conséquence, “the
obligation to negotiate has lapsed for want of subject-matter”101 , la condition est pleinement
remplie en l’espèce.
54. Il est, de fait, curieux de laisser entendre qu’une obligation de négocier découlant
prétendument de la déclaration de Charaña ait pu être ressuscitée plusieurs décennies après que la
Bolivie a elle-même mis un terme aux négociations, considérant, qui plus est, qu’il n’existe pas le
moindre élément indiquant qu’elle souhaitait les reprendre dans les conditions qu’elle avait
antérieurement acceptées.
55. J’ajoute par ailleurs que M. Forteau fonde l’intégralité de sa démonstration sur le postulat
selon lequel une obligation de mener un cycle de négociation illimité dans le temps serait née de la
déclaration commune de 1975 ou des lignes directrices, ce que ne confirme nullement le libellé de
ces deux documents. Et même si l’un ou l’autre pouvait, d’une quelconque manière, être interprété
en ce sens, il n’est question nulle part d’une obligation d’atteindre un résultat satisfaisant pour la
Bolivie.
56. M. Forteau s’est également intéressé à l’article 59 de la convention de Vienne, qui porte
sur les circonstances dans lesquelles un traité annule et remplace un instrument antérieur et entraîne
l’extinction de celui-ci. Le Chili considère que, si la Bolivie pouvait effectivement invoquer des
traités conclus en 1950 et en 1975, le plus récent l’emporterait de toute évidence sur le plus ancien,
notamment pour des raisons d’incompatibilité.
57. M. Forteau a toutefois soutenu que l’obligation alléguée au titre de la déclaration de 1975
et des lignes directrices n’était pas incompatible avec celle qui aurait découlé des notes de 1950.
Voilà un argument singulier. Il est vrai que les notes de 1950 prévoyaient une compensation d’une
autre nature, non territoriale. Et c’est précisément parce que les obligations supposément nées en
1975 était différentes que le processus de Charaña a échoué. L’incompatibilité est démontrée par
les faits. Et il s’agit d’une incompatibilité fondamentale, puisque portant sur la base même sur
100 Trafic ferroviaire entre la Lithuanie et la Pologne (section de ligne Landwarów-Kaisiadorys), avis consultatif
du 15 octobre 1931, C.P.J.I., série A/B, no 42, p. 116.
101 P. Reuter, «De l’obligation de négocier», in Mélanges Morelli, Paris, 1975, p. 729.
38
- 30 -
laquelle la négociation devait être menée. Les renvois faits par M. Forteau aux vues exprimées par
Sir Humphrey Waldock lors de la conférence de Vienne102 ne servent donc en rien la thèse de la
Bolivie.
58. Il est tout aussi indéfendable de soutenir que la déclaration commune établirait une sorte
d’obligation de négocier de principe, et que celle-ci échapperait à la base, acceptée d’un commun
accord, sur laquelle elle était, de fait, interprétée et appliquée par les deux Etats à l’époque en
cause103. La Bolivie prend tout simplement ses désirs pour des réalités.
59. Enfin, je relève que M. Forteau s’est référé à l’article 65 de la convention de Vienne
comme si le Chili était soumis à une obligation de notification au regard de l’article 59 de cet
instrument104. Nous présumons qu’il reviendra sur ce point lundi pour convaincre la Cour que
pareille exigence existait en vertu du droit international coutumier à l’époque considérée.
60. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achèvent les
observations du Chili sur le processus de Charaña ; je vous prie de bien vouloir donner la parole à
Mme Pinto pour la suite du premier tour de plaidoiries du Chili.
Le PRESIDENT : Je vous remercie et donne maintenant la parole à Mme Pinto. Vous avez la
parole, Madame.
Ms PINTO:
THE RESOLUTIONS OF THE OAS AND THE “FRESH APPROACH”
1. Mr. President, Madam Vice-President, Members of the Court, it is always an honour to
take the floor before you, and I do so today on behalf of Chile.
2. At the start of the week, counsel for Bolivia tried to convince you that the resolutions
adopted by the General Assembly of the Organization of American States (OAS), together with
Chile’s conduct in the 1980s, confirmed or created — Bolivia has some difficulty in deciding its
position on this point — confirmed or created, as I was saying, an obligation to negotiate that is
102 Voir F. Dubuisson, «Article 59», in O. Corten, P. Klein (sous la dir. de), Les conventions de Vienne sur le
droit des traités. Commentaire article par article, 2011, vol. II, p. 1341-1343.
103 CR 2018/7, p. 63, par. 27 (Forteau).
104 Ibid., p. 62, par. 23 (Forteau).
39
- 31 -
still binding on Chile today. My task is to explain to you why that is not the case at all. I shall
therefore do this in three stages:
(a) first, I will show that the resolutions of the General Assembly of the OAS on which Bolivia
relies neither reiterated nor created any obligation to negotiate and, in any event, could not
have done so in view of their non-binding nature and legal effect; nor does any obligation to
negotiate derive from the OAS Charter on the basis of those resolutions, or independently of
them;
(b) second, I shall discuss the circumstances in which those resolutions were adopted,
circumstances that in no way allow these resolutions to be transformed into a legal obligation
to negotiate or for such an obligation to be created; and
(c) finally, I shall deal with the process of dialogue entered into between Chile and Bolivia outside
this regional organization with a view to improving their relations and which Bolivia has
referred to, since 1987, as “el enfoque fresco”105 or the “Fresh Approach”.
3. But before elaborating on these three points in turn, it is appropriate to make a few
preliminary remarks which, it seems to us, are essential for a better understanding of the context of
this chapter of the 1980s, which, contrary to what is claimed by our friends on the other side of the
Bar106, does not form part of any kind of continuous process.
4. The late 1970s was not the brightest period for either Bolivia or Chile, and certainly not
for their bilateral relations. Mr. Wordsworth has just explained to you that in 1978, diplomatic
relations between the two States were broken off on the initiative of Bolivia. In both countries,
military governments had taken power, to the detriment of the rule of law.
5. Taking advantage of Chile’s political isolation under General Pinochet, Bolivia forthwith
adopted a strategy of multilateralization in order to obtain support for its maritime aspirations and
level accusations against Chile on the regional and international stage. This policy of denunciation
105 “Foreign Minister Del Valle: ‘Chile and Bolivia Must Seek a Rapprochement’”, El Mercurio (Chile), 25 Feb.
1986, CMC, Ann. 283.
106 See, for example, CR 2018/7, pp. 68-70, paras. 37-40 (Forteau).
40
- 32 -
and accusation at multilateral level was openly adopted by Bolivia as soon as diplomatic relations
were severed107.
6. Bolivia submitted the question of “its” access to the sea to the OAS. At the General
Assembly held in La Paz in 1979, it presented its “Report on the Maritime Problem of Bolivia”108,
in which it complains of its situation as a landlocked State. Subsequently, the OAS adopted
11 resolutions109 between 1979 and 1989, one each year.
7. However, Bolivia neglects to point out that no resolution on this question was adopted by
the OAS either before the coup d’état in Chile in 1973 or after the return to democracy, or even in
2012 at the most recent General Assembly held in La Paz. The fact is, Mr. President, that since
democracy returned to Chile 29 years ago, this regional organization has given no political  let
alone legal  support to Bolivia’s aspirations. Although the subject continued to be placed on the
agenda after 1989, with Bolivia presenting reports that were challenged by Chile, the organization
has no longer expressed a view on the maritime problem: no resolution, no recommendation to
engage in negotiations or dialogue, no acknowledgment of the existence of any kind of dispute
between the two States, no reassertion of our hemisphere’s interest in this question.
I. The resolutions of the OAS General Assembly neither created nor confirmed
an obligation to negotiate
8. Mr. President, Members of the Court, having made these preliminary remarks, I come to
my first point: those 11 OAS General Assembly resolutions neither created nor confirmed the
obligation to negotiate that Bolivia is claiming today.
107 Official Declaration of the Minister for Foreign Affairs of Bolivia breaking off diplomatic relations with
Chile, 17 Mar. 1978, CMC, Ann. 241, para. 8.
108 Report on the Maritime Problem of Bolivia, 26 Oct. 1979, RC, Ann. 426; Minutes of the Second Meeting of
the General Committee of the Organization of American States General Assembly, 26 Oct. 1979, CMC, Ann. 248,
pp. 1630-41.
109 Resolutions AG/RES.426 (IX–O/79), Access by Bolivia to the Pacific Ocean, 31 Oct. 1979, CMC, Ann. 250;
AG/RES.481 (X–O/80), The Bolivian Maritime Problem, 27 Nov. 1980, CMC, Ann. 254; AG/RES.560 (XI–O/81),
Report on the Maritime Problem of Bolivia, 10 Dec. 1981, CMC, Ann. 257; AG/RES.602 (XII–O/82), Report on the
Maritime Problem of Bolivia, 20 Nov. 1982, CMC, Ann. 259; AG/RES.686 (XIII–O/83), Report on the Maritime
Problem of Bolivia, 18 Nov. 1983, CMC, Ann. 266; AG/RES.701 (XIV–O/84), Report on the Maritime Problem of
Bolivia, 17 Nov. 1984, CMC, Ann. 272; AG/RES.766 (XV–O/85), Report on the Maritime Problem of Bolivia, 9 Dec.
1985, CMC, Ann. 282; AG/RES.816 (XVI–O/86), Report on the Maritime Problem of Bolivia, 15 Nov. 1986, CMC,
Ann. 287; AG/RES.873 (XVII–O/87), Report on the Maritime Problem of Bolivia, 14 Nov. 1987, CMC, Ann. 300;
AG/RES.930 (XVIII–O/88), Report on the Maritime Problem of Bolivia, 19 Nov. 1988, CMC, Ann. 304; AG/RES.989
(XIX–O/89), Report on the Maritime Problem of Bolivia, 18 Nov. 1989, CMC, Ann. 306.
41
- 33 -
9. Neither Bolivia110 nor any other OAS Member State regarded the General Assembly
resolutions as anything other than political recommendations111. In 1979, just before the first of
those resolutions was adopted, Bolivia itself observed that there was no reason to turn “an
exhortation by the General Assembly into a command that does not exist”112.
In 1990, Bolivia clearly recognized this; according to its Minister for Foreign Affairs:
“Those resolutions repeatedly affirm that the need to find an adequate solution
to Bolivia’s maritime confinement is of permanent hemispheric interest. All of this
support, which is now part of the history of the successive Assemblies of the OAS, has
preserved the principles of non-intervention and respect for the sovereignty of States,
because it has been limited to recommending negotiations between the Parties
involved, respecting their rights and their self-determination.”113
10. This position on the value of those resolutions would be sufficient to close the debate.
There was not and there is still not an obligation to negotiate deriving from the OAS resolutions.
They make no mention of such an obligation, let alone an unresolved dispute between the two
States. The General Assembly’s resolutions were, and are, part of the history of that chapter. They
are the result of the particular circumstances and the political isolation of Chile which characterized
that time. So far, Bolivia has been unable to explain why its assessment of those OAS resolutions
has changed. [End of slide.]
11. Indeed, in its Memorial, Bolivia argued that the OAS resolutions confirmed and created
an obligation to negotiate with “specific legal and binding significance”114. In its Reply, however, it
admitted that the resolutions of international organizations are not in and of themselves of binding
legal significance and that the Assembly “cannot oblige States to adopt a specific course of
conduct”115. Naturally, Chile took note of this in its Rejoinder116.
110 Minutes of the Twelfth Plenary Meeting of the OAS General Assembly, 31 Oct. 1979, CMC, Ann. 249,
p. 1655.
111 Minutes of the Eight Plenary Meeting of the OAS General Assembly, 20 Nov. 1982, CMC, Ann. 258, p. 1699
(Paraguay); Minutes of the Sixth Meeting of the General Committee of the OAS General Assembly, 19 Nov. 1982, RC,
Ann. 427, p. 595 (Argentina), p. 598 (Uruguay).
112 Minutes of the Twelfth Plenary Meeting of the OAS General Assembly, 31 Oct. 1979, CMC, Ann. 249,
p. 1655.
113 Minutes of the Second Meeting of the General Committee of the OAS General Assembly, 6 June 1990, CMC,
Ann. 307, p. 2121.
114 MB, para. 384.
115 RB, para. 289
116 RC, para. 7.5.
42
- 34 -
12. However, on Tuesday morning, Ms Sander distanced herself from this position117 while
developing a new argument based on the provisions and obligations of the OAS Charter regarding
the peaceful settlement of disputes. According to Ms Sander, these obligations were merely
reiterated by the General Assembly’s recommendations, which were accepted by Chile, and which
are binding on it in any event, regardless of whether it accepted them, and even despite having
voted against them118. This reasoning, which matches that of Professor Lowe concerning Article 2,
paragraph 3, of the United Nations Charter119, is artificial; it is but a further attempt to find a basis
in international law for the existence of the obligation to negotiate that Bolivia is asking the Court
to confirm.
13. None of the 11 resolutions invoked by Bolivia — not one, Mr. President — mentions any
“obligation to negotiate”. None confirms the existence of an obligation to negotiate, and none
creates such an obligation. Bolivia itself did not seek to initiate further negotiations120. Its “Report
on the Maritime Problem of Bolivia” makes no mention of further negotiations, let alone an
obligation to negotiate121. Bolivia thus considered that its aspirations — its so-called right — were
just not negotiable122 and that it had no further desire for “allegedly generous negotiations”123.
14. As I have just said, the text of the General Assembly resolutions does not include the
term “obligation”. The plenary organ speaks only of a “continuing hemispheric interest”124, a
117 CR 2018/7, p. 31, para. 4 (Sander).
118 Ibid., p. 32, para. 6.
119 CR 2018/6, pp. 63-65, paras. 24-34 (Lowe).
120 RC, para. 7.7.
121 “Report on the Maritime Problem of Bolivia”, 26 Oct. 1979, RC, Ann. 426; Minutes of the Second Meeting of
the General Committee of the OAS GA, 26 Oct. 1979, CMC, Ann. 248, pp 1629-41.
122 Minutes of the Extraordinary Meeting of the Permanent Council of the OAS, 14 Feb. 1979, RC, Ann. 425,
p. 545.
123 Ibid., p. 565.
124 OAS, General Assembly, resolution AG/RES. 426 (IX-O/79), Access by Bolivia to the Pacific Ocean, 31 Oct.
1979, CMC, Ann. 250; OAS, General Assembly, resolution AG/RES. 481 (X-O/80), The Bolivian Maritime Problem,
27 Nov. 1980, CMC, Ann. 254; OAS, General Assembly, resolution AG/RES. 560 (XI-O/81), Report on the Maritime
Problem of Bolivia, 10 Dec. 1981, CMC, Ann. 257; OAS, General Assembly, resolution AG/RES. 602 (XII-O/82),
Report on the Maritime Problem of Bolivia, 20 Nov. 1982, CMC, Ann. 259; OAS, General Assembly, resolution
AG/RES. 701 (XIV-O/84), Report on the Maritime Problem of Bolivia, 17 Nov. 1984, CMC, Ann. 272; OAS, General
Assembly, resolution AG/RES. 766 (XV-O/85), Report on the Maritime Problem of Bolivia, 9 Dec. 1985, CMC,
Ann. 282; OAS, General Assembly, resolution AG/RES. 873 (XVII-O/87), Report on the Maritime Problem of Bolivia,
14 Nov. 1987, CMC, Ann. 300; OAS, General Assembly, resolution AG/RES. 930 (XVIII-O/88), Report on the Maritime
Problem of Bolivia, 19 Nov. 1988, CMC, Ann. 304; OAS, General Assembly, resolution AG/RES. 989 (XIX-O/89),
Report on the Maritime Problem of Bolivia, 18 Nov. 1989, CMC, Ann. 306.
43
- 35 -
“spirit of fraternity”125. It recommends that the States concerned “open negotiations”126, “urge[s]
those States most directly concerned . . . to initiate a dialogue”127, and “urge[s] Bolivia and Chile,
for the sake of American brotherhood, to begin a process of rapprochement”128. Nothing in the
recommendations either confirms or establishes the existence of an obligation to negotiate which
could be transformed into an obligation that is binding on Chile and Bolivia. They merely contain
political aspirations and the terms used confirm this.
15. On Tuesday morning, Ms Sander did not claim otherwise. Rather than looking for the
source of the obligation to negotiate in the text of the resolutions, she referred you to the provisions
of Article 3 (i) and 24 of the OAS Charter. I am not going to dwell on the meaning and scope of
those provisions. Sir Daniel and Professor Thouvenin have already presented our position on the
matter with regard to the United Nations Charter129 and there is no reason to go back over this.
16. But, Mr. President, there is no evidence to suggest that, in adopting its 11 resolutions, the
OAS Assembly was acting to further the objective of resolving disputes between Member States,
an objective which, moreover, falls within the remit of the Permanent Council, not the
Assembly130. The resolutions do not use the term “dispute” or “disagreement” and, in the great
majority of cases, refer only to the “States most directly concerned with this problem”. Indeed,
neither Chile nor the OAS General Assembly acknowledged the existence of a dispute or a
125 OAS, General Assembly, resolution AG/RES. 426 (IX-O/79), Access by Bolivia to the Pacific Ocean, 31 Oct.
1979, CMC, Ann. 250; OAS, General Assembly, resolution AG/RES. 602 (XII-O/82), Report on the Maritime Problem
of Bolivia, 20 Nov. 1982, CMC, Ann. 259; OAS, General Assembly, resolution AG/RES. 686 (XIII-O/83), Report on the
Maritime Problem of Bolivia, 18 Nov. 1983, CMC, Ann. 266; OAS, General Assembly, resolution
AG/RES. 873 (XVII-O/87), Report on the Maritime Problem of Bolivia, 14 Nov. 1987, CMC, Ann. 300; OAS, General
Assembly, resolution AG/RES. 930 (XVIII-O/88), Report on the Maritime Problem of Bolivia, 19 Nov. 1988, CMC,
Ann. 304; OAS, General Assembly, resolution AG/RES. 989 (XIX-O/89), Report on the Maritime Problem of Bolivia,
18 Nov. 1989, CMC, Ann. 306.
126 OAS, General Assembly, resolution AG/RES. 426 (IX-O/79), Access by Bolivia to the Pacific Ocean, 31 Oct.
1979, CMC, Ann. 250.
127 OAS, General Assembly, resolution AG/RES. 481 (X-O/80), The Bolivian Maritime Problem, 27 Nov. 1980,
CMC, Ann. 254; OAS, General Assembly, resolution AG/RES. 560 (XI-O/81), Report on the Maritime Problem of
Bolivia, 10 Dec. 1981, CMC, Ann. 257.
128 OAS, General Assembly, resolution AG/RES. 686 (XIII-O/83), Report on the Maritime Problem of Bolivia,
18 Nov. 1983, CMC, Ann. 266.
129 CR 2018/8, pp. 26-27, paras. 20-27 (Bethlehem), pp. 41-42, paras. 10-20 (Thouvenin).
130 OAS Charter, Art. 84 (“The Permanent Council shall keep vigilance over the maintenance of friendly relations
among the Member States, and for that purpose shall effectively assist them in the peaceful settlement of their disputes, in
accordance with the following provisions.”)
44
- 36 -
disagreement between the two States, but merely a problem or a series of “difficulties that
separate[d] them”131.
17. At the risk of upsetting Professor Remiro Brotóns, this is not a play on words. And words
are important, Mr. President; we are addressing a court of law today. The Assembly chose its
words well, especially those it did not wish to use. It rightly refused to refer to Chapter V of the
OAS Charter, a reference which did however appear in the draft resolution submitted by Bolivia
in 1979132. Bolivia, Chile and Colombia also decided not to retain the reference to Article 24 of the
Charter in the draft resolution adopted in 1983133, aimed at bringing the two States together. The
Assembly’s resolutions are simply not consistent with Articles 3 or 24 of the Charter, and Bolivia
cannot change their object and purpose ex post facto before the Court.
18. The obligation to take into consideration the recommendations of the General
Assembly — which, according to Bolivia134, is inherent in membership of the OAS — in no way
changes the legal effect of those resolutions. Bolivia makes much of the separate opinion of
Judge Lauterpacht appended to the first Advisory Opinion on South West Africa. But
Judge Lauterpacht was also, and above all, careful to confirm in his opinion that a State is “not
bound to accept [a] recommendation”135 and that there is “no automatic obligation to accept fully a
particular recommendation or series of recommendations”136. To consider a resolution in good faith
in no way implies an obligation to accept its content as legally binding. The binding legal effect
that is lacking in a recommendation cannot be reintroduced by way of a so-called obligation to take
it into consideration137.
131 OAS, General Assembly, resolution AG/RES. 686 (XIII-O/83), Report on the Maritime Problem of Bolivia,
18 Nov. 1983, CMC, Ann. 266; Letter from the Minister for Foreign Affairs of Chile, Miguel Schweitzer, to the Minister
for Foreign Affairs of Colombia, Rodrigo Lloreda, 15 Dec. 1983, RB, Ann. 322.
132 First draft of the resolution on the maritime problem of Bolivia, 1979, RC, Ann. 424, pp. 517-519.
133 See Note from the Permanent Representative of Bolivia to the United Nations, Jorge Gumucio Granier, to the
Minister for Foreign Affairs of Bolivia, José Ortiz Mercado, MRB 58/84, 16 Feb. 1984, RB, Ann. 324, p. 991.
134 CR 2018/7, p. 36, paras. 25-26 (Sander).
135 Voting Procedure on Questions relating to Reports and Petitions concerning the Territory of South West
Africa, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1955, separate opinion of Judge Lauterpacht, p. 119. See also ibid., separate
opinion of Judge Klaestad, p. 88; C.F. Amerasinghe, An Introduction to the Institutional Law of International
Organizations, 2005, p. 180.
136 Voting Procedure on Questions relating to Reports and Petitions concerning the Territory of South West
Africa, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1955, separate opinion of Judge Lauterpacht, p. 120.
137 RB, para. 291.
45
- 37 -
19. The last of the resolutions adopted by the OAS General Assembly in 1989, the year
before democracy was restored in Chile, confirms that there is neither an obligation to negotiate nor
a dispute, and certainly no dispute concerning Bolivia’s sovereign access to the sea. Ms Sander
showed the text of the resolution, but failed to read out the most important part138. It is once again
on your screens and at tab 73 of your folders. The Assembly simply underlines “the importance of
finding a solution to the maritime problem of Bolivia on the basis of what is mutually advantageous
to the parties involved and their rights and interests”. The Assembly makes no mention of any
pre-existing obligation to negotiate. It mentions only a problem –– and not a dispute. It merely
aimed “for better understanding, solidarity, and integration in the hemisphere”, eminently political
objectives. Rather than imposing an obligation to negotiate, the principal organ of the OAS urged
“the parties to engage in dialogue”139.
20. It is very hard to believe that these words of a political nature were chosen to impose
legally binding obligations on Chile in respect of negotiations leading to an agreement on access to
the sea. Nigh on 30 years of silence on the part of the OAS confirms that there is no such obligation
in the view of the regional organization which –– need I recall –– would alone have been
empowered to monitor implementation of and compliance with a commitment made towards it140.
II. Chile’s conduct within the OAS did not create an agreement
or arrangement with Bolivia
21. Aware of the holes in its argument  and this is my second point  Bolivia resorts to
another artificial construction whereby Chile’s conduct during the drafting and adoption of the
resolutions had the effect of crystallizing or generating an agreement between the two States, or
else that conduct gave rise to legitimate expectations (on Bolivia’s part, of course) which prevent
Chile from changing its conduct today141.
138 CR 2018/7, p. 42, para. 47 (Sander).
139 OAS, General Assembly, resolution AG/RES. 989 (XIX-O/89), Report on the maritime problem of Bolivia,
18 Nov. 1989, CMC, Ann. 306.
140 Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America),
Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 132, para. 262.
141 RB, para. 293, citing B. Sloan, “General Assembly Resolutions Revisited (Forty Years Later)”, British
Yearbook of International Law, Vol. 58, 1987, p. 65.
46
- 38 -
22. Bolivia considers that a favourable vote by a State can transform a simple
recommendation into a binding instrument142. This proposition ignores the realities of diplomatic
life and the assemblies of international organizations. No representative raises his hand to vote with
the conscious intention of legally binding his State to the content of a resolution that, as such, has
no legal effect.
23. Bolivia believes it has found a precedent in the case of Railway Traffic between
Lithuania and Poland143 which came before the Court’s predecessor, concerning a resolution of the
Council of the League of Nations. As Ms Sander explained144, Poland and Lithuania had expressly
accepted the terms and content of that resolution145. The Permanent Court noted that the two States
“participated in the adoption of this Resolution of the Council”146. However, for the Permanent
Court, the two States  and only these two States  were bound “by their acceptance of the
Council’s Resolution”147. In other words, the fact that Poland and Lithuania had voted in favour
was not in itself enough to legally bind the two States to the resolution, and the areas of
competence of the League of Nations Council were clearly very different from those of the OAS
General Assembly.
24. Mr. President, Members of the Court, the situation of Chile and Bolivia is completely
different. Chile has never accepted an obligation to negotiate access for Bolivia to the sea. It has
never even voted in favour of these resolutions148. Quite the reverse, Mr. President, Chile voted
against the resolutions in 1979 and between 1984 and 1989149. In 1982, Chile refused to participate
142 RB, para. 298.
143 Railway Traffic between Lithuania and Poland, Advisory Opinion, 1931, P.C.I.J., Series A/B, No. 42, p. 116.
144 CR 2018/7, p. 40, paras. 40-41 (Sander).
145 Extract from the minutes of the Council of the League of Nations (10 Dec. 1927), reproduced in Railway
Traffic between Lithuania and Poland, Advisory Opinion, 1931, P.C.I.J., Series C, No. 54, p. 235.
146 Railway Traffic between Lithuania and Poland, Advisory Opinion, 1931, P.C.I.J., Series A/B, No. 42, p. 116.
147 Ibid.
148 CMC, para. 8.24.
149 Minutes of the 12th Plenary Meeting of the OAS General Assembly, 31 Oct. 1979, CMC, Ann. 249, p. 1657;
Minutes of the 8th Plenary Meeting of the OAS General Assembly, 17 Nov. 1984, CMC, Ann. 271, pp. 1805-06; Minutes
of the 3rd Plenary Meeting of the OAS General Assembly, 9 Dec. 1985, CMC, Ann. 281, p. 1867; Minutes of the 9th
Plenary Meeting of the OAS General Assembly, 15 Nov. 1986, CMC, Ann. 286, p. 1921; Minutes of the 10th Plenary
Meeting of the OAS General Assembly, 14 Nov. 1987, CMC, Ann. 299, pp. 2055-56; Minutes of the 13th Plenary
Meeting of the OAS General Assembly, 19 Nov. 1988, CMC, Ann. 303, pp. 2103-04; Minutes of the 9th Plenary
Meeting of the OAS General Assembly, 18 Nov. 1989, CMC, Anne. 305, p. 2113.
47
- 39 -
in the vote on the resolution and explained its position in a statement150. In 1980, 1981 and 1983, it
did not oppose consensus, but did not vote in favour of the resolutions. It did, however, very clearly
challenge the General Assembly’s competence in the matter, as it had already done in 1979151. It is
difficult, not to say impossible, on this basis to establish any acceptance of the content of these
resolutions. At the very most, Chile’s objections confirm that this was not an issue, still less a
dispute, that fell within the competence of the OAS. In any event, as I have just explained, the
actual wording of the resolutions makes no mention of an obligation to negotiate that might be
accepted or transformed into a binding obligation.
25. Even in 1983, in taking part in the preparation of Resolution 686 and not opposing
consensus within the Assembly, Chile did not in any way accept an obligation to negotiate access
to the sea. The text of this resolution  drafted carefully by the two States152  leaves no room for
doubt. It urged Chile and Bolivia “for the sake of American brotherhood, to begin a process of
rapprochement and strengthening of friendship of the Bolivian and Chilean peoples”153. The events
of 1983, 1984 and 1985 confirmed that this process of rapprochement was regarded as the key
element of the resolution. Chile’s objective was to restore normal relations with Bolivia through
constructive dialogue. This was the precondition for discussions on Bolivia’s so-called “maritime
problem”154. This was not just Chile’s interpretation, it was also that of Colombia, which played an
important role in this process155. If there had ever been acceptance, it could only have been of that:
commitment to a process of rapprochement.
26. Mr. President, Chile did not vote in favour of the resolutions, it did not accept them as
binding and it also did not create “legitimate expectations” that there would be negotiations on
150 Minutes of the 8th Plenary Meeting of the OAS General Assembly, 20 Nov. 1982, CMC, Ann. 258, p. 1699.
151 Official Message from the Chilean Delegation to the OAS to the Minister of Foreign Affairs of Chile, No. 401,
24 Nov. 1980, CMC, Ann. 252; Minutes of the 6th Plenary Meeting of the OAS General Assembly, 27 Nov. 1980, CMC,
Ann. 253; Minutes of the 4th Meeting of the General Commission of the OAS General Assembly, 7 Dec. 1981, CMC,
Ann. 255.
152 See Note from the Bolivian Permanent Representative to the United Nations, Jorge Gumucio Granier, to the
Minister of Foreign Affairs of Bolivia, José Ortiz Mercado, MRB 58/84, 16 Feb. 1984, RB, Ann. 324.
153 OAS, General Assembly, Resolution AG/RES. 686 (XIII-O/83), “Report on the Maritime Problem of
Bolivia”, 18 Nov. 1983, CMC, Ann. 266.
154 RC, para. 7.16. See also Report of the Permanent Representative of Bolivia to the United Nations regarding
the meeting between the Ministers of Foreign Affairs of Bolivia and Chile, 1 Oct. 1983, CMC, Ann. 262, p. 1746.
155 Letter from the President of Colombia to the President of Chile, 18 Nov. 1983, RC, Ann. 428.
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access to the sea for Bolivia. The resolutions of the OAS General Assembly and Chile’s conduct
during their adoption are absolutely incapable of establishing a legal obligation, whether by
preclusion, acquiescence, the so-called doctrine of legitimate expectations or through the obligation
to settle disputes peacefully. Indeed  if I might paraphrase the Court’s Judgment in the Military
and Paramilitary Activities case  the resolutions of the Assembly General are mere political
statements which do not “compromise any formal offer which if accepted would constitute a
promise in law, and hence a legal obligation”; nor has Bolivia proved the existence of an
“instrument with legal force, whether unilateral or synallagmatic, whereby [Chile] has committed
itself”156.
III. The Fresh Approach was another form of dialogue envisaged
by both States to improve their bilateral relations
27. Mr. President, this brings me to my third point: a brief episode in the discussion process
between Chile and Bolivia initiated in 1986 and 1987 in a purely bilateral context, thus outside the
OAS. This “Fresh Approach” also could not create or confirm the existence of an obligation to
negotiate sovereign access to the sea.
28. The Fresh Approach was introduced in February 1986 by the new Bolivian President,
Paz Estenssoro157. It was not, in the mind of Bolivia itself, a continuation of past negotiations,
much less confirmation of a non-existent commitment to negotiate, as Professor Forteau would
have us believe158. Rather than insisting on the performance of a pre-existing obligation to
negotiate access to the sea, this “Fresh Approach” — as its name suggests — was genuinely
different and broke with the “stereotypes of the past” to quote my colleague
Professor Remiro Brotóns159. It aimed to reconcile Bolivia and Chile’s interests in a wide range of
areas, one of which being access to the sea160.
156 Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America),
Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 132, para. 261.
157 “Foreign Minister Del Valle: ‘Chile and Bolivia Must Seek a Rapprochement’”, El Mercurio (Chile), 25 Feb.
1986, CMC, Ann. 283.
158 CR 2018/7, p. 70, paras. 39-40 (Forteau).
159 Ibid., p. 19, para. 18 (Remiro Brotóns).
160 Minutes of the Third Meeting of the General Committee of the OAS GA, 12 Nov. 1986, CMC, Ann. 285,
p. 1914.
49
50
- 41 -
29. Chile engaged in good faith in a major dialogue with Bolivia, in the context of the good
neighbourly relations it hoped to have with that country. Both countries wished to improve their
relations in various areas. There is nothing to suggest that Bolivia considered that Chile was
obliged in any way to engage in such dialogue. No obligation to negotiate was mentioned by either
Party. No expectation of being granted territorial access to the sea could have been created in this
context.
30. Regarding the subject of access to the sea, Bolivia submitted several proposals to Chile,
all involving the cession of a portion of its territory161. Chile gave careful consideration to these
proposals162. It raised questions163 which Bolivia answered164. It undertook consultations at the
domestic level. Nonetheless, it soon became apparent that, for the people of Chile, the cession of a
portion of Chilean territory was unacceptable165. Although Chile proposed to continue the
discussions to find other ways of improving relations between the Parties166, Bolivia refused
outright to continue the dialogue on any basis other than a cession of territory.
31. During this brief period of discussion and rapprochement, Chile did not undertake any
legal obligations concerning negotiations on access to the sea167, nor did it breach any obligation to
negotiate168. On the contrary, Chile’s conduct is entirely consistent with the elements of good faith
negotiations discussed by Professor Lowe on Monday morning169.
32. What is more, Mr. President, Chile’s attitude during the discussions that took place in the
framework of the Fresh Approach could not create, strengthen or sustain Bolivia’s legitimate
expectations. Quite the contrary, the 1987 Statement by Chile’s Minister for Foreign Affairs left no
doubt. The Minister explained:
161 Bolivian Memorandum No. 1 of 18 April 1987, CMC, Ann. 289; Bolivian Memorandum No. 2 of 18 Apr.
1987, CMC, Annex 290.
162 Speech of the Minister for Foreign Affairs of Chile, 21 April 1987, CMC, Ann. 291; Statement by the Minister
for Foreign Affairs of Chile, 9 June 1987, CMC, Ann. 296.
163 Questions sent by Chile to Bolivia concerning the Bolivian proposals, 21 Apr. 1987, CMC, Ann. 292.
164 Bolivian Memorandum No. 3 of 22 April 1987, CMC, Ann. 293.
165 Statement by the Minister for Foreign Affairs of Chile, 9 June 1987, CMC, Ann. 296.
166 Ibid., para. 3.
167 RC, para. 7.29.
168 MB, para. 443. See also CR 2018/7, p. 71, para. 41 (Forteau); CR 2018/6, p. 40, para. 33
(Chemillier-Gendreau).
169 CR 2018/6, pp. 59-60, para. 9 (Lowe).
51
- 42 -
“the substance of the Bolivian proposal is not acceptable for Chile in either of its
alternatives . . . Chile understands that it may collaborate with said country in the
search for solutions that, without altering the national territorial or maritime
patrimony, would allow for a bilateral integration that would effectively serve the
development and well-being of the respective countries. The Government of Chile
deems it its duty to explain these details, since it does not consider it fair — with its
silence or delay — to generate confusion for the national public, or to give rise to false
expectations of the Bolivian Government and people that would, in time, be
frustrated.”170
33. This statement could hardly be more explicit: no expectations could be generated by
Chile’s statements or conduct during these exchanges in the framework of the Fresh Approach.
[End of slide]
34. Mr. President, Members of the Court, no obligation to negotiate was created by the
resolutions of the OAS or by Chile’s attitude towards those resolutions. Nor did the Fresh
Approach establish such an obligation. Neither Bolivia nor the OAS mentioned such an obligation
or the breach thereof.
35. Mr. President, Members of the Court, thank you for your kind attention. Mr. President, I
would ask you to give the floor to my colleague Ben Juratowitch, no doubt after the break. Thank
you, Mr. President.
Le PRESIDENT : Je remercie M. Pinto. Avant d’appeler à la barre le prochain intervenant,
la Cour va faire une pause de 15 minutes. L’audience est suspendue.
L’audience est suspendue de 11 h 35 à 11 h 50.
Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. La séance est reprise. Pour des raisons qu’elle m’a
fait connaître, la juge Donoghue ne sera pas en mesure d’assister au reste de l’audience
aujourd’hui. Je donne à présent la parole à M. Ben Juratowitch. Vous avez la parole, Monsieur.
170 Statement by the Minister for Foreign Affairs of Chile, 9 June 1987, CMC, Ann. 296, pp. 1983-85.
52
- 43 -
M. JURATOWITCH :
ECHANGES APRÈS LE RÉTABLISSEMENT DE LA DÉMOCRATIE AU CHILI
I. Introduction
1. Monsieur le président, Madame la vice-présidente, Mesdames et Messieurs de la Cour, j’ai
l’honneur de m’adresser à vous pour vous entretenir de faits qui se sont produits après que le
peuple chilien a rétabli la démocratie dans son pays en 1990, voilà maintenant près de trois
décennies. Ce rétablissement a mis fin à l’isolement international du Chili sous le général Pinochet.
Il a offert un nouveau contexte démocratique aux relations entre le Chili et la Bolivie. Dans ce
nouveau contexte, les deux États ont décidé de ne pas s’appesantir sur leur histoire, mais au
contraire de se concentrer sur de nouvelles approches pratiques en vue d’améliorer leurs relations à
l’avenir.
2. Le précédent chapitre de l’histoire avait été clos par la déclaration faite par le Chili en juin
1987, à laquelle Mme Pinto a consacré la fin de son exposé juste avant la pause. Le Chili a indiqué
qu’il rejetait un transfert de souveraineté territoriale afin de ne pas « susciter de faux espoirs pour le
Gouvernement et le peuple boliviens »171.
3. La Bolivie ne saurait aujourd’hui, après cette déclaration, affirmer raisonnablement que
les échanges entre les deux États au sujet de la question d’une transfert de souveraineté sur le
territoire côtier se sont caractérisés par leur continuité ou leur constance. Le chapitre de Charaña a
été clos en 1978, et il est resté clos.
4. La Bolivie voyait encore les choses de cette façon récemment, au moment où elle a déposé
son mémoire. Au sujet de la déclaration faite par le Chili en juin 1987, elle a en effet relevé que
«[l]e rejet, par le Chili, des propositions boliviennes n’était pas lié aux éléments
précis que celles-ci recouvraient et qui auraient pu faire l’objet de négociations et de
concessions réciproques. Il s’agissait d’un refus de principe : le Chili refusait
d’engager toute négociation avec la Bolivie visant à assurer à celle-ci un accès
souverain à la mer. Selon lui, des négociations entre les deux Etats ne pouvaient être
envisagées que si elles n’aboutissaient pas à une cession territoriale; autrement dit, si
elles n’avaient pas pour objet l’octroi d’un accès souverain à la mer.»172
171 Déclaration du ministre des affaires étrangères du Chili, 9 juin 1987, CMC, annexe 296, p. 1985, par. 4.
172 MB, par. 445.
- 44 -
5. Ce faisant, la Bolivie a indiqué clairement ce qu’elle entendait par un accès souverain à la
mer  «une cession territoriale»  et elle a reconnu que, en 1987, le Chili avait pour sa part
indiqué clairement qu’il n’y aurait pas de négociations sur ce sujet. C’est dans ce contexte que s’est
engagée la dernière série d’échanges menés après 1990.
II. L’importance de la période postérieure à 1990
6. Les trois dernières décennies sont importantes pour apprécier les arguments présentés par
la Bolivie. Pour avoir gain de cause, celle-ci doit établir non seulement qu’une obligation de
négocier un accès souverain est née, mais aussi que cette obligation a perduré jusqu’à l’heure
actuelle  d’où l’accent nouvellement mis par la demanderesse sur le thème de la «continuité».
7. Si la Bolivie et le Chili étaient aujourd’hui soumis à une obligation de négocier un accès
souverain, des documents attestant l’existence d’une telle obligation auraient, au cours des trois
dernières décennies, émané des deux Etats. Et il ressortirait de la conduite des deux Etats qu’ils
avaient agi en partant du principe qu’ils étaient astreints à ladite obligation. Or, Mesdames et
Messieurs de la Cour, il n’y a nulle trace de tels documents, ni d’une telle conduite.
8. Après le rétablissement de la démocratie au Chili, et jusqu’en 2011, la Bolivie ne
prétendait pas que le Chili était soumis à une obligation juridique de négocier un accès souverain à
l’océan Pacifique173. Elle a bien sûr dit le contraire devant vous, mais n’a de fait recensé aucun
élément attestant l’existence de pareille prétention174.
9. Lorsque, en 2011, la Bolivie a effectivement fait valoir qu’une telle obligation existait,
c’était dans une lettre adressée à la Cour dans le contexte du différend relatif à la frontière maritime
entre le Pérou et le Chili175, après  j’insiste, après que le Président bolivien eût annoncé qu’il
173 Voir Arbitrage entre la province de Terre-Neuve et du Labrador et la province de la Nouvelle-Ecosse
concernant certaines parties des limites de leurs zones extracôtières au sens de la Loi de mise en oeuvre de l’Accord
Canada - Nouvelle-Ecosse sur les hydrocarbures extracôtiers et de la Loi de mise en oeuvre de l’Accord Atlantique
Canada - Terre-Neuve, sentence rendue par le tribunal d’arbitrage au terme de la première phase, 17 mars 2001, ILR,
vol 425, par. 7.6, considérant que «le fait qu’aucun des participants n’ait invoqué le caractère contraignant d’accords
antérieurs, ou n’ait protesté contre le non-respect de tels accords, est une caractéristique frappante de l’histoire des
négociations».
174 Voir DC, par. 8.12.
175 Lettre en date du 8 juillet 2011 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour internationale de Justice,
par M. David Choquehuanca, ministre des affaires étrangères de la Bolivie, EPC, annexe 65. Voir également la réponse
du Chili: lettre en date du 8 novembre 2011 adressée au ministère bolivien des affaires étrangères par le ministère chilien
des affaires étrangères, DC, annexe 451, p. 805, dernier paragraphe : «[a]ucun des antécédents mentionnés dans la lettre
du 8 juillet 2011 ne permet d’en inférer une reconnaissance de l’existence d’une obligation de négocier un accès
souverain à la mer, ou un droit allégué d’accès souverain à la mer».
53
- 45 -
porterait devant la justice internationale un différend contre le Chili176. Même à l’époque, la Bolivie
n’a prétendu dans aucune des communications qu’elle a adressées au Chili qu’il existait une
obligation de négocier un accès souverain, ni que le Chili avait manqué à une telle obligation.
10. Il n’y a pas eu non plus au cours de cette période de véritables négociations sur un
transfert de souveraineté territoriale, et c’est précisément la raison pourquoi la Bolivie a fait valoir
dans son mémoire que, depuis 1987, le Chili manque de manière constante à une obligation de
négocier qui serait, à en croire la demanderesse, née avant cette même année177.
11. Or, cette thèse ne saurait être soutenue plausiblement car jamais, entre le rétablissement
de la démocratie et 2011, la Bolivie n’a allégué un tel manquement.
12. Face à cette difficulté, la Bolivie a opéré un revirement assez spectaculaire
d’argumentation dans sa réplique, en faisant valoir que la conduite qu’elle assimilait dans son
mémoire à un manquement à une obligation de négocier avait au contraire, selon elle, créé une
obligation de négocier qui avait perduré au cours de ces mêmes décennies. Cette thèse s’inscrivait
dans le cadre d’un nouvel argumentaire plus large qui a été développé plus avant cette semaine, et
qui consiste à dire que, tout au long de la période comprise entre avant 1895 et 2011, le Chili était
soumis à une obligation continue et constante qu’il réaffirmait, et à laquelle il a manqué en 2011.
13. Cette insistance nouvelle sur la continuité jusqu’en 2011 est à l’évidence incompatible
avec l’argumentation développée par la Bolivie dans son mémoire, à savoir que l’obligation est née
en 1895, après quoi la situation s’est lentement dégradée entre 1895 et 1987178 pour finalement
aboutir à un manquement continu à l’obligation depuis 1987179.
14. Lundi et mardi, la plupart des conseils de la Bolivie sont restés fidèles à cette nouvelle
argumentation, à savoir que le prétendu manquement ne s’est produit qu’en 2011180, mais ils ont
laissé à M. Forteau le soin de tenter d’expliquer dans la dernière intervention ce qui s’était passé
176 Discours du président Evo Morales, 23 mars 2011, CMC, annexe 358, p. 2909 et 2911.
177 Voir par exemple MB, par. 465: «Depuis 1987» le Chili a affirmé «son refus catégorique d’engager toute
négociation [au] sujet [d’un accès souverain]». Voir également MB, par. 17, 443, 469, 474 et 475.
178 MB, par. 3 et chap. III, section I («La dégradation des conditions de la négociation»).
179 Voir par exemple MB, par. 465: «Depuis 1987» le Chili a affirmé «son refus catégorique d’engager toute
négociation [au] sujet [d’un accès souverain]». Voir également MB, par. 17, 443, 469, 474 et 475.
180 CR 2018/6, p. 20, par. 16 (Veltzé); p. 29 et 30, par. 28 et 29 (Akhavan); p. 36, 41 et 44, par. 18, 35 et 47
(Chemillier-Gendreau); p. 55, par. 37 (Remiro Brotóns).
54
- 46 -
entre 1987 et 2011. Or M. Forteau est revenu à la position selon laquelle le Chili aurait manqué à la
prétendue obligation en 1987181. La Cour apprécierait sans nul doute plus aisément les arguments
de la Bolivie si, lundi prochain, les conseils de celle-ci pouvaient n’exposer qu’une seule position,
claire et définitive, sur la question de savoir si selon elle, le Chili a, entre 1987 et 2011, manqué ou
non à l’obligation qu’elle fait valoir.
15. Bien sûr, quel que soit l’argument juridique retenu in fine par la Bolivie, cela n’aura
aucune incidence sur ce qui s’est réellement passé  et c’est ce à quoi je viens à présent.
III. Aucune obligation juridique n’a été créée ou confirmée après 1990
16. Pour tenter de démontrer que quelque chose aurait, depuis 1987, créé ou du moins
confirmé une obligation continue de négocier un accès souverain au Pacifique182, la Bolivie se
fonde essentiellement sur deux documents : la déclaration d’Algarve de 2000183 et l’ordre du jour
en 13 points de 2006184.
A. La déclaration d’Algarve185
17. La déclaration d’Algarve est le titre plutôt pompeux qui a été donné à des communiqués
de presse identiques publiés par chaque gouvernement au sujet d’une réunion des deux ministres
des affaires étrangères tenue à Algarve, au Portugal, en février 2000. Le texte intégral figure à
l’onglet 78 de vos dossiers et le paragraphe central apparaît à l’écran. Il dit simplement ce qui suit :
«Les ministres des affaires étrangères ont convenu de définir un calendrier de
travail qui sera formalisé à un stade ultérieur du dialogue et inclura, sans aucune
exception, les questions essentielles à la relation bilatérale entre les deux pays, et ce,
en vue de contribuer à l’établissement du climat de confiance devant présider à ce
dialogue»186.
181 CR 2018/7, p. 70-71, par. 41 (Forteau).
182 REB, par. 312-318, sur «[l]es engagements postérieurs à 1990».
183 Voir par exemple REB, par. 316: «les deux Parties sont convenues, dans la déclaration d’Algarve de 2000, de
négocier un accès souverain» ; CR 2018/6, p. 29, par. 26 (Akhavan) (à la section IV, «Maintien de la promesse du Chili à
la Bolivie (1929-2011)»); CR 2018/7, p. 72, par. 46 (Forteau).
184 Voir par exemple REB, par. 462: ««l’ordre du jour en treize points» avait un caractère contraignant»;
CR 2018/6, p. 29, par. 27 (Akhavan) (à la section IV, «Maintien de la promesse du Chili à la Bolivie (1929-2011)»);
CR 2018/7, p. 72, par. 46 (Forteau).
185 Communiqué de presse conjoint publié le 22 février 2000 par la Bolivie et le Chili, CMC, annexe 318.
186 Ibid., p. 2245, par. 2.
55
- 47 -
18. Vous reconnaîtrez là un langage diplomatique classique qui ne manifeste aucune
intention de créer une quelconque obligation juridique.
19. Il n’est fait nulle mention d’un accès souverain à la mer. Il est simplement renvoyé à un
calendrier de travail «sans aucune exception», ce qui indique que les sujets que l’un ou l’autre État
pourrait soulever n’étaient pas limités. Mais, à l’évidence, il ne s’agissait pas de la création ni de la
confirmation d’une quelconque obligation juridique de négocier concernant quelque objet
particulier que ce soit.
20. Rien ne porte à croire que les deux États se considéraient comme étant déjà soumis à une
obligation de négocier ayant un caractère continu qu’ils auraient contractée antérieurement. Deux
États sans relations diplomatiques cherchaient à établir un dialogue pour améliorer les relations
entre eux, et l’ont annoncé par voie de communiqués de presse.
B. L’ordre du jour en 13 points de 2006187
21. Le deuxième fait de cette période sur lequel s’est appuyée la Bolivie est l’établissement
de l’ordre du jour en 13 points. Cela aussi a été annoncé dans un communiqué de presse, cette fois
publié conjointement par les deux gouvernements.
22. Ce communiqué de presse figure à l’onglet 81 de vos dossiers et vous le voyez aussi à
l’écran. Il fait état de réunions bilatérales tenues entre les vice-ministres des affaires étrangères des
deux États et précise:
«A l’issue de ces réunions, les deux délégations ont convenu de poursuivre les
discussions sur les questions d’intérêt mutuel pour les deux pays dans le cadre d’un
programme élargi et sans exclusions s’appuyant sur des mesures concrètes d’une
confiance mutuelle»188.
Il se poursuit ainsi :
«Dans ce contexte, ils ont convenu d’inscrire à l’ordre du jour de ce programme
tous les points associés à leur relation bilatérale, en mettant notamment l’accent sur
l’intégration frontalière, le libre transit, l’intégration physique, la question maritime, la
complémentarité économique, le Silala et les ressources hydriques»189.
a) Ce communiqué de presse avait un caractère ouvertement diplomatique.
187 Communiqué de presse conjoint publié le 18 juillet 2006 par la Bolivie et le Chili, CMC, annexe 336.
188 Ibid., p. 2507.
189 Ibid.
56
- 48 -
b) Il employait des termes très généraux, ce qui à l’évidence ne manifestait pas une quelconque
intention de créer ou de reconnaître une obligation juridique quelle qu’elle soit.
c) Il ne faisait pas référence à un accès souverain à la mer, point dont dépend la décision que
sollicite la Bolivie et sur lequel je reviendrai.
d) Pas plus que la déclaration d’Algarve, ce communiqué de presse ne porte à croire que l’un ou
l’autre État se considérait comme étant soumis à une obligation à caractère continu née
antérieurement.
23. Bien que la Bolivie affirme à présent que l’ordre du jour en 13 points avait créé et
confirmé une obligation juridique, son ministre des affaires étrangères l’avait décrit en 2010 devant
l’Organisation des États américains comme «une expression de la volonté politique des deux
pays»190. Et c’est exactement de cela qu’il s’agissait.
IV. L’accent a été mis sur de nouvelles idées pratiques, et non sur l’histoire ou
la souveraineté territoriale
24. Dans la logique des termes généraux employés dans ces documents, les échanges qui ont
eu lieu au cours des dernières décennies étaient axés sur de nouvelles idées pratiques, et non sur
l’histoire du XIXe siècle ni sur un transfert de souveraineté territoriale191. En 1998, le ministre des
affaires étrangères de la Bolivie a ainsi annoncé devant l’Assemblée générale des Nations Unies
que, pour «trouver de nouvelles solutions différentes et adaptées à la situation actuelle», il
convenait de ne plus «se laisser empêtrer dans des dogmes d’ordre juridique, diplomatique et
militaire du passé»192.
25. Pour poursuivre cet objectif, et mettre en oeuvre l’ordre du jour en 13 points, les deux
Etats ont notamment recouru au mécanisme de consultations politiques, établissant à l’issue de
chacune des réunions de cet organe un procès-verbal approuvé d’un commun accord. Dans celui de
2007, ils ont indiqué «prendre en considération les conditions régnant au Chili et en Bolivie», et
190 Procès-verbal de la 4e séance plénière de l’Assemblée générale de l’OEA, 8 juin 2010, CMC, annexe 347,
p. 2763; italiques ajoutées. Voir également le procès-verbal de la XXIIe réunion du mécanisme de consultations
politiques, 14 juillet 2010, CMC, annexe 348, p. 2787 («est le reflet d’une politique concertée»); procès-verbal de la
4e séance plénière de l’Assemblée générale de l’OEA, 5 juin 2012, CMC, annexe 363, p. 2965 («en ce qui concerne le
problème maritime, que le processus est le reflet d’une politique concertée entre les deux gouvernements»).
191 Voir également CMC, par. 9.7, 9.10-9.12 et 9.18-9.20 ; DC, par. 8.9-8.11 et 8.31.
192 Procès-verbal de la 21e séance plénière, cinquante-troisième session de l’Assemblée générale, Nations Unies,
doc. A/53/PV.21, 30 septembre 1998, REB, annexe 343, p. 1189.
57
- 49 -
consigné leur souhait commun «de poursuivre un dialogue bilatéral constructif» et de mettre
l’accent sur des «critères partagés»193. Dans le procès-verbal agréé en 2008, cette approche a
qualifiée de «réaliste et tournée vers l’avenir»194.
26. En 2009 et 2010, les procès-verbaux agréés ont fait état d’un souhait commun aux deux
Etats de trouver des initiatives qui soient «constructives et réalistes»195, «réalistes et pratiques»196,
et «réalisables et utiles»197.
27. Tous ces extraits des procès-verbaux ont été approuvés au titre du point de l’ordre du
jour intitulé «la question maritime». Dans son argumentation reformulée sur la continuité, la
Bolivie a cherché à transformer cette expression diplomatique générale en «accès souverain».
M. Forteau a accusé le Chili de jouer sur les mots au motif que celui-ci insistait sur le fait que
«question maritime» et «accès souverain» n’avaient pas la même signification198, comme si les
deux Etats, compte tenu de leur histoire, n’avaient établi aucune distinction entre ces termes. Or,
les mots eux-mêmes, ainsi que les procès-verbaux agréés à l’issue des discussions consacrées au
point en question de l’ordre du jour, montrent combien une telle théorie relève du révisionnisme.
M. Remiro Brotóns a dit que les deux Etats avaient
«deliberately adopted an open-ended form of words, because experience had taught
them that a more precise form of words c[ould] fuel pressure that [wa]s detrimental to
negotiating sovereign access, by making it the focus of media attention and
expectations for immediate results, at the same time as dividing public opinion»199.
Et pourtant, la Bolivie demande à l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies
de rendre une décision dans les termes précis que, de son propre aveu, les Parties elles-mêmes se
sont bien gardées d’employer. «Question maritime» n’était pas une expression codée signifiant
«accès souverain». Ce n’étaient pas seulement les termes qui étaient controversés, c’était l’idée
193 Procès-verbal de la XVIIe réunion du mécanisme de consultations politiques, 19 octobre 2007, CMC,
annexe 339, p. 2571 et 2573.
194 Procès-verbal de la XVIIIe réunion du mécanisme de consultations politiques, 17 juin 2008, CMC,
annexe 341, p. 2611.
195 Procès-verbal de la XXe réunion du mécanisme de consultations politiques, 30 juin 2009, CMC, annexe 344,
p. 2695.
196 Procès-verbal de la XXIe réunion du mécanisme de consultations politiques, 13 novembre 2009, CMC,
annexe 346, p. 2747.
197 Procès-verbal de la XXIIe réunion du mécanisme de consultations politiques, 14 juillet 2010, CMC,
annexe 348, p. 2787.
198 CR 2018/7, p. 72 et 73, par. 48 (Forteau).
199 CR 2018/6, p. 54, par. 33 (Remiro Brotóns).
58
- 50 -
même. L’expression «question maritime», si elle a pu permettre à la Bolivie d’affirmer — à des
fins de politique interne — qu’elle ne renonçait pas à son aspiration, ne signifiait toutefois pas qu’il
y avait lieu de négocier un accès souverain et ne portait en réalité pas sur des négociations en ce
sens, comme le prétend aujourd’hui la demanderesse.
28. M. Remiro Brotóns a accusé le Chili d’«hyperformalisme»200. Mais, ne lui en déplaise, ce
n’est pas se montrer formaliste que d’examiner devant la Cour quels mots les représentants des
Etats ont effectivement choisi d’employer et quel sens ces mots revêtent. Les discussions en
question avaient essentiellement trait à des initiatives pratiques susceptibles d’être politiquement
acceptables pour les deux Etats.
29. A la phase de l’exception préliminaire, la Bolivie en était parfaitement consciente et en a
d’ailleurs tiré avantage. En argumentant que la Cour devait se déclarer compétente, elle a en effet
souligné que le résultat de toute négociation entre elle-même et le Chili qu’elle demandait à la Cour
de prescrire pourrait prendre la forme «d’une zone spéciale, ou de toute autre solution concrète»201,
en lieu et place d’un transfert de souveraineté territoriale. Une fois l’obstacle de la compétence
franchi, ces expressions et les idées qu’elles représentent semblent avoir disparu du vocabulaire
bolivien, mais les éléments de preuve restent bien évidemment les mêmes, et ces éléments de
preuve démontrent que les discussions portaient sur d’éventuelles initiatives pratiques.
30. En 2008, conformément au procès-verbal agréé que vous avez vu tout à l’heure, le
ministre des affaires étrangères du Chili a déclaré devant l’Assemblée générale de l’Organisation
des Etats américains que la «question maritime» était
«affaire d’exploration, constructive et créative, de formules qui rend[aient] possibles
un meilleur accès à l’océan Pacifique pour la Bolivie, le Chili réservant ses positions
juridiques et politiques à cet égard. Ainsi, le but de ce processus ne saurait être un
accès souverain à la mer, car si tel était le cas, [s]on pays n’aurait pas accepté
d’inclure ce point dans l’ordre du jour»202.
31. Dans cette déclaration de 2008, le Chili a précisé sa position et la Bolivie, si elle n’avait
pas été d’accord avec lui, si elle n’avait pas partagé cette conception du processus diplomatique en
cours, n’aurait pas manqué de le dire devant l’Assemblée générale de l’Organisation des Etats
200 CR 2018/6, p. 53, par. 28 (Remiro Brotóns).
201 CR 2015/19, p. 51, par. 3 (Akhavan).
202 Procès-verbal de la 4e séance plénière de l’Assemblée générale de l’OEA, 3 juin 2008, CMC, annexe 340,
p. 2591.
59
- 51 -
américains  enceinte dans laquelle elle n’a jamais été timorée  ou, à tout le moins, d’adresser
une communication au Chili. Or, la Bolivie a gardé le silence  et elle l’a fait parce qu’il s’agissait
bel et bien d’une conception partagée et que c’était bel et bien ce qui se passait alors, et pas
seulement en 2008.
32. Douze ans auparavant, en 1996, le ministre des affaires étrangères du Chili avait déclaré
que le Chili était «prêt à débattre de nouvelles modalités d’accès à la mer pour la Bolivie, à
condition d’user de formules inventives qui n’entraînent pas de cess[ion] de la souveraineté»203
chilienne.
33. En 1997, le ministre des affaires étrangères du Chili a précisé que celui-ci avait «conféré
à la Bolivie les moyens les plus larges et les plus étendus qui soient pour accéder à la mer» et qu’il
était «prêt à continuer dans cette voie, mais [que] ceci ne saurait en aucun cas supposer une
cess[ion] de sa souveraineté territoriale»204.
34. Conformément à ces éléments de preuve, la Bolivie, dans son mémoire, a affirmé ce qui
suit à la Cour.
a) Au paragraphe 469 — concernant une déclaration que le Chili a faite en 1991 au sujet de son
intégrité territoriale205 — : «Cela indiquait que toute négociation relative à l’octroi à la Bolivie
d’un accès souverain à la mer était exclue.»
b) Au paragraphe 474 : «en 2004 et 2005, [le Chili] a indiqué qu’il était prêt à discuter avec la
Bolivie, mais seulement à condition que les négociations ne portent pas sur la question de
l’accès souverain à la mer.»
c) Au paragraphe 475 : «en 2008 (ainsi qu’en 2009 et 2010)», le Chili «a de nouveau ... limité la
portée des négociations en excluant tout examen de la question d’un accès souverain à la mer.»
La Bolivie a relevé que la déclaration chilienne de 2008 reprenait en substance celle de
203 Procès-verbal de la 4e séance plénière de l’Assemblée générale de l’OEA, 4 juin 1996, DC, annexe 438,
p. 686.
204 Ibid., 3 juin 1997, DC, annexe 439, p. 695.
205 Déclaration faite par le ministre des affaires étrangères du Chili à la quatrième session de la Commission
générale de l’Assemblée générale de l’OEA, 5 juin 1991, MB, annexe 215.
60
- 52 -
juin 1987, à laquelle étaient consacrés la fin de l’exposé de Mme Pinto et le début du mien206. Il
y a donc bien continuité, mais pas au sens où l’affirme aujourd’hui la demanderesse.
35. Ces passages sont tous tirés du propre mémoire de la Bolivie, qui a expliqué fidèlement
que les deux Etats considéraient tout au long de ces décennies que le Chili n’était pas disposé à
négocier un transfert de souveraineté territoriale.
36. Prétendant allégrement ne pas avoir dit ces choses précises dans son mémoire, la Bolivie
a reformulé son argumentation dans sa réplique, ainsi qu’en début de semaine, invoquant l’estoppel
et affirmant que le Chili a exprimé au sujet de la négociation d’un accès souverain une position
cohérente, qu’il aurait maintenue constamment et systématiquement du XIXe siècle jusqu’en 2011.
La demanderesse n’a toujours pas précisé la teneur exacte de la position qu’elle allègue, mais
quelle que celle-ci puisse être, sa nouvelle argumentation fondée sur l’estoppel est catégoriquement
contredite par les déclarations que vous venez de voir.
37. Le Chili n’a fait aucune «déclaration claire et non équivoque»207 qui aurait perduré
jusqu’en 2011 et sur laquelle la Bolivie pourrait se fonder, pas plus qu’il n’a, pour reprendre les
termes employés par la Cour en l’affaire Cameroun c. Nigéria, «attesté d’une manière claire et
constante»208 qu’il était disposé à négocier un accès souverain ou qu’il se considérait comme
juridiquement tenu de le faire.
38. Les éléments de preuve, ainsi que les extraits du mémoire de la Bolivie qui les décrivent
fidèlement, montrent que le Chili a déclaré qu’il ne négocierait pas un accès souverain. Si, à un
moment ou à un autre avant 1987, il avait exprimé une position qui aurait pu, à tout le moins
théoriquement, engendrer un estoppel, ce qui n’est évidemment pas le cas, le Chili serait alors
revenu sur cette position par les nombreuses déclarations qu’il a faites par la suite209. Même s’il
peut être établi qu’une position a été exprimée, l’argument de l’estoppel est voué à l’échec
206 Déclaration du ministre des affaires étrangères du Chili en date du 9 juin 1987, CMC, annexe 296, p. 1985,
par. 4.
207 Emprunts serbes, arrêt n° 14, 1929, C.P.J.I. série A, nos 20/21, p. 39.
208 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 303, par. 57.
209 Voir Plateau continental de la mer du Nord (République Fédérale d’Allemagne/Danemark) (République
Fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 27, par. 33.
61
- 53 -
lorsqu’un Etat revient ultérieurement sur une position qu’il avait prise avant qu’un autre Etat ne se
fonde sur celle-ci  ce qui, comme l’a démontré hier Mme Parlett, ne s’est pas produit en l’espèce.
39. Il n’a pas davantage été satisfait au critère essentiel du fondement210 pendant la période
qui a suivi. Au contraire, la Bolivie avait compris que le Chili ne négocierait pas un accès
souverain à l’océan Pacifique, puisqu’il ne cessait de le répéter, et elle a agi en conséquence,
s’employant pendant des décennies à examiner avec lui un large éventail d’initiatives pratiques
visant à améliorer son accès à l’océan Pacifique.
40. Cette période a non seulement une incidence sur l’argument de la Bolivie relatif à
l’estoppel, mais elle démontre aussi le caractère fallacieux de sa thèse selon laquelle il existait
quelque accord tacite, remontant à bien plus longtemps et ayant traversé toutes ces décennies pour
perdurer jusqu’à aujourd’hui.
41. Un accord tacite demeure un accord dont l’existence doit être prouvée. Dans les
communiqués de presse constitutifs de la déclaration d’Algarve, ainsi que dans l’ordre du jour en
13 points, les procès-verbaux agréés dans le cadre du mécanisme de consultations politiques et tous
les autres échanges intervenus entre eux depuis 1990, aucun des deux Etats ne s’est référé
expressément ou implicitement à un quelconque accord préexistant, tacite ou autre, en vue de
négocier un accès souverain. Et pour cause : un tel accord n’existait pas, et aucun des deux Etats ne
pensait le contraire.
V. Le changement de position de la Bolivie
42. J’en viens à présent au changement de position opéré en 2011, à la suite duquel la
Bolivie a abandonné le dialogue bilatéral constructif sur des initiatives concrètes et a saisi la Cour
en vue d’obtenir un transfert de souveraineté territoriale en sa faveur.
43. La Bolivie soutient qu’elle a été «contraint[e]» de «s’en remettre à la Cour» en raison de
ce qu’elle décrit à présent comme un changement de position soudain et arbitraire de la part du
210 Plateau continental de la mer du Nord (République Fédérale d’Allemagne/Danemark) (République Fédérale
d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 26, par. 30 ; Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime
(El Salvador/Honduras), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1990, p. 118, par. 63 ; Frontière terrestre et
maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998,
p. 303 et 304, par. 57 ; Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge
(Malaisie/Singapour), arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 81, par. 228.
62
- 54 -
Chili en 2011211. C’est ce prétendu changement qui, dans la réplique de la Bolivie et pour la plupart
de ses conseils cette semaine, constitue le fondement de l’argumentation sur le manquement à
l’obligation alléguée212.
44. Ainsi que l’a indiqué hier l’agent du Chili, ce qui a effectivement changé en 2011, c’est
que la Bolivie a décidé d’agir sur le plan international conformément aux obligations que la
constitution de 2009 imposait à son gouvernement. Mesdames et Messieurs de la Cour, je me
propose de vous présenter, à titre de points de fait, les aspects pertinents de cette constitution ainsi
que des déclarations faites à son sujet, avant d’en venir aux conclusions que le Chili prie la Cour de
tirer concernant les arguments de la Bolivie.
45. L’article 267 [à l’écran] proclame «le droit inaliénable et imprescriptible [de l’Etat
bolivien] sur le territoire lui donnant accès à l’océan Pacifique et à son espace maritime»213. Il
dispose en outre que le «règlement effectif du différend maritime» requiert «le plein exercice de sa
souveraineté» «sur ce territoire»214.
46. L’une des dispositions constitutionnelles transitoires [projection à l’écran] imposait au
pouvoir exécutif de «dénoncer[] et, si nécessaire, renégocier[] les traités internationaux contraires à
la Constitution»215. La même disposition précisait que le pouvoir exécutif devait s’acquitter de cette
tâche «[d]ans les 4 ans suivant sa nomination»216. Cela signifiait que les mesures requises par la
constitution devaient être prises au plus tard en décembre 2013.
47. En 2012, devant l’OEA, le ministre des affaires étrangères de la Bolivie a «demand[é] au
Gouvernement de la République du Chili de renégocier le traité de 1904»217, précisant qu’il
formulait «cette proposition spécifique de renégociation dans le cadre de la constitution»218 de son
pays.
211 REB, par. 472, 13 et 382. Voir également CR 2018/6, p. 20, par. 16 (Veltze) ; p. 30, par. 30 (Akhavan) ; p. 41,
par. 35 (Chemillier-Gendreau).
212 REB, par. 348, 349 et 352.
213 Constitution de l’Etat plurinational de Bolivie, 7 février 2009, DC, annexe 447, p. 753, par. 1 de l’article 267.
214 Ibid., par. 1 et 2 de l’article 267.
215 Ibid., DC, annexe 447, p. 757, neuvième disposition transitoire.
216 Ibid.
217 Procès-verbal de la 4e séance plénière de l’Assemblée générale de l’OEA, 5 juin 2012, CMC, annexe 363,
p. 2967.
218 Ibid., p. 2974.
63
- 55 -
48. Par la suite, en février 2013, le sénat bolivien a précisé que le pouvoir exécutif pouvait
satisfaire à son obligation constitutionnelle non seulement en renégociant des traités, mais aussi en
les contestant devant des juridictions internationales219. Deux jours plus tard seulement, le viceprésident
bolivien annonçait ce qui suit [projection à l’écran],
«notre constitution a fixé à la fin de l’année l’échéance pour que lui soient adaptés
l’ensemble des traités que la Bolivie a conclus avec d’autres gouvernements dans tous
les domaines ; cela vaut assurément pour le traité de 1904»220.
49. Juste deux mois plus tard, la Bolivie introduisait sa requête devant la Cour, et les
documents par lesquels le président bolivien a désigné l’agent de la Bolivie221, et il y a tout juste
deux mois, son coagent, commencent par l’article 267 de la constitution bolivienne222.
50. Ainsi que le proclame cet article, le règlement de ce que la Bolivie appelle dans son droit
interne le «différend maritime» passe par le «plein exercice de sa souveraineté»223 sur le territoire
côtier. Tel est l’objectif «permanent et intangible»224 de la Bolivie.
51. Cet impératif constitutionnel est important pour l’affaire portée devant la Cour pour trois
raisons connexes :
a) la première est que la Bolivie a saisi la Cour non pour s’efforcer d’obtenir que soit renoué un
dialogue récent225, mais pour lui demander d’imposer un changement de sujet de ce dialogue ;
b) la deuxième est que cet impératif nous incite à examiner attentivement les déclarations faites
par le Chili en 2011 et sur lesquelles la Bolivie insiste.
i) La Bolivie soutient que le Chili a répudié la prétendue obligation en juin et
septembre 2011226.
219 Loi bolivienne sur l’application des dispositions normatives — exposé des motifs, 5 février 2013, EPC,
annexe 71, p. 1003, art. 6.
220 «L’adaptation du traité de 1904 à la constitution interviendra d’ici décembre 2013, indique M. Garcia Linera»,
Agencia de Noticias Fides (Bolivie), 15 février 2013, CMC, annexe 368, p. 2993.
221 Décret présidentiel n° 09385 de l’Etat plurinational de Bolivie en date du 3 avril 2013 joint à la lettre en date
du 24 avril 2013 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour internationale de Justice, par
M. David Choquehuanca, ministre des affaires étrangères de la Bolivie, EPC, annexe 72, p. 1007.
222 Lettre en date du 17 janvier 2018 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour internationale de
Justice, par M. Eduardo Rodríguez Veltzé, agent de la Bolivie.
223 Constitution de l’Etat plurinational de Bolivie, 7 février 2009, DC, annexe 447, p. 753, par. 2 de l’article 267.
224 Ibid.
225 Contra, CR 2018/6, p. 30, par. 30 (Akhavan).
226 CR 2018/6, p. 29-30, par. 28-30 (Akhavan).
64
- 56 -
ii) Auparavant, le 17 février 2011, son président a déclaré ce qui suit : «J’attendrai jusqu’au
23 mars une proposition concrète pour servir de base à la discussion»227. La Cour se
souviendra sans doute que, comme l’a indiqué M. Lowe, «[l]a Bolivie ne prétend[ait] pas
qu’elle puisse attendre passivement des propositions du Chili»228. De fait, la Bolivie a
donné au Chili un délai de cinq semaines pour faire une proposition.
iii) Au terme de ces cinq semaines, la Bolivie célébrait sa journée annuelle de la mer, le
23 mars, et à cette occasion, en 2011, le président a annoncé dans un discours public que la
«revendication maritime» du pays serait portée en justice229. Cette décision a été annoncée
des mois avant les déclarations du Chili dont prétexte à présent la Bolivie pour soutenir
que celui-ci a répudié la prétendue obligation.
iv) Dans sa déclaration de juin 2011, le ministre chilien a déclaré que son pays ne céderait pas
de territoire230  ce qui n’était pas nouveau  et que le dialogue devrait mettre l’accent
sur «des solutions utiles pour le peuple bolivien, des solutions réalisables, concrètes et
mutuellement satisfaisantes»231. Cela non plus n’avait rien de nouveau.
v) Dans la déclaration faite par le Chili en septembre 2011, que la Bolivie invoque également
à l’appui de son allégation de répudiation, le ministre chilien a déclaré que son pays
«a[vait] toujours été, et restera[it], ouvert au dialogue avec la Bolivie sur la base du plein
respect des traités et du droit international», ajoutant que ce dialogue devait mener à «des
solutions concrètes, réalisables et utiles pour [les] deux pays»232.
Pendant de nombreuses années avant 2011, le Chili a affirmé qu’il ne négocierait pas un
transfert de souveraineté territoriale. La Bolivie négociait avec lui sur cette base au sujet
d’initiatives pratiques, mais, en 2011, elle a changé de position, ce qui l’a poussée, motivée par sa
227 «Morales demande au Chili de formuler une proposition sur le problème maritime avant le 23 mars, comme
base de discussion», Agencia Efe (Espagne), 17 février 2011, CMC, annexe 356, p. 2899.
228 CR 2018/6, p. 60, par. 10 (Lowe) ; (les italiques sont de nous).
229 Allocution prononcée par le président Evo Morales le 23 mars 2011, CMC, annexe 358, p. 2909 et 2911. Voir
également The Book of the Sea, ministère bolivien des affaires étrangères, La Paz, 2014, EPC, annexe 75, p. 1086.
230 Procès-verbal de la 4e réunion plénière de l’Assemblée générale de l’OEA, 7 juin 2011, CMC, annexe 59,
p. 2926, avant-dernier paragraphe.
231 Ibid., p. 2927.
232 Allocution du président de la République du Chili, soixante-sixième session de l’Assemblée générale des
Nations Unies, doc. A/66/PV.15, 22 septembre 2011, p. 15-16.
- 57 -
constitution, à demander un transfert de souveraineté territoriale et à abandonner le dialogue
constructif dans lequel les deux Etats étaient engagés de façon consensuelle.
c) Le troisième point est l’inutilité des négociations sur l’accès souverain233, puisque la Bolivie, du
fait de sa constitution, ne peut à présent accepter rien de moins qu’un transfert de souveraineté
territoriale, et que son président l’a déclaré publiquement234, tandis que le Chili a pendant de
nombreuses années fait clairement savoir qu’il ne procéderait à aucun transfert de souveraineté
sur son territoire incontesté, et que cela demeure et demeurera le cas235.
IV. Conclusion
52. Mesdames et Messieurs de la Cour, la question dont vous êtes saisis est celle de savoir si
le Chili a aujourd’hui l’obligation de négocier un accès souverain à l’océan Pacifique en faveur de
la Bolivie. Il ressort des faits qui sont déroulés au cours des récentes décennies qu’il n’en est rien.
53. Il n’y avait pas de continuité entre un quelconque chapitre précédent appartenant au
passé et cette mise en oeuvre moderne et consensuelle d’initiatives pratiques dans un contexte
démocratique. Il n’existait aucune obligation subsistant du passé, et aucune n’a été créée au cours
de la période actuelle.
54. Je remercie la Cour de son attention et vous invite, Monsieur le président, à appeler
M. Koh à la barre.
Le PRESIDENT : Je vous remercie. J’invite à présent M. Harold Koh à prendre la parole.
Vous avez la parole, Monsieur.
M. KOH :
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un honneur pour moi que
de me présenter devant vous au nom du Chili pour clore nos premières plaidoiries.
233 Voir DC, par. 2.58 et 2.59 et 8.32 et 8.33.
234 Allocution prononcée par le président Evo Morales le 23 mars 2011, CMC, annexe 358, p. 2909, dernier
paragraphe. Voir également, Constitution de l’Etat plurinational de Bolivie, 7 février 2009, DC, annexe 447, p. 753,
paragraphe 2 de l’article 267.
235 Voir par exemple, procès-verbal de la 4e réunion plénière de l’Assemblée générale de l’OEA, 4 juin 1996, DC,
annexe 438, p. 686 ; procès-verbal de la 4e réunion plénière de l’Assemblée générale de l’OEA, 3 juin 1997, DC,
annexe 439, p. 695 ; procès-verbal de la 4e réunion plénière de l’Assemblée générale de l’OEA, 3 juin 2008, CMC,
annexe 340, p. 2591 ; procès-verbal de la 4e réunion plénière de l’Assemblée générale de l’OEA, 5 juin 2012, CMC,
annexe 363, p. 2969, quatrième et cinquième paragraphes.
65
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2. Vous avez à présent entendu les deux versions d’une affaire qui est en définitive
assez simple : le Chili n’a jamais manifesté la moindre intention d’être lié, au regard du droit
international, par une quelconque obligation de négocier avec la Bolivie sur la question de savoir si
celle-ci peut se voir accorder la souveraineté sur un territoire situé sur la propre côte du Chili. La
Bolivie n’a pas réussi à démontrer qu’un épisode historique ait fait naître une telle obligation, que
ce soit par un accord explicite ou tacite, par une déclaration unilatérale ou par toute autre forme de
représentation. Elle n’a pas davantage démontré qu’une telle obligation fût née de la continuité
reliant des épisodes historiques disparates. Même à supposer, pour les besoins du débat, qu’une
obligation ait existé, la Bolivie n’a jamais démontré que le Chili y ait porté atteinte ou ne l’ait pas
pleinement honorée. Ainsi a-t-elle échoué à étayer ne serait-ce qu’un seul des trois éléments dont
elle doit établir l’existence : le fait que le Chili ait contracté une obligation contraignante de
négocier ; qu’il ait manqué à pareille obligation ; ou qu’une telle obligation existe toujours.
3. La Bolivie voudrait faire fi de l’analyse juridique rigoureuse du Chili, qu’elle qualifie de
«flot de détails» formaliste236. A la place, elle propose une argumentation confuse et changeante
qui ne trouve aucun appui dans les textes censés l’étayer, ni dans l’historique ou la structure de la
relation bilatérale entre les deux Parties, et qui repose en définitive sur une théorie dépourvue de
fondement juridique qui ne s’accorde pas avec la pratique établie de la diplomatie internationale.
Comme nous l’avons montré, la position cohérente et constante du Chili est, à l’inverse, solidement
corroborée par ces mêmes éléments.
I. La constance
4. Ainsi que l’a relevé sir Daniel, la Bolivie a changé de cap à quatre reprises. Tout d’abord,
dans son mémoire, elle affirmait, sans fondement, avoir un droit d’accès souverain à l’océan
Pacifique237. Ensuite, au stade des exceptions préliminaires, elle s’est repliée derrière une autre
théorie, à savoir que la Cour devrait exiger du Chili qu’il négocie de bonne foi une sorte de
«solution pratique»238. Puis, dans sa réplique, la Bolivie a invoqué une «entente historique»
236 CR 2018/7, p. 74, par. 51 (Forteau).
237 Voir mémoire de la Bolivie («MB»), par. 20-21, 36, 94, 96, 143, 254, 271-273, 338, 493, 497 et 498.
238 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), audiences sur l’exception préliminaire,
CR 2015/19, p. 50-51, par. 3.
66
- 59 -
verbale, «datant du XIXe siècle», par laquelle elle aurait en quelque sorte cédé son territoire côtier
au titre du traité de paix de 1904 en échange d’une obligation de négociations, en vue d’obtenir la
souveraineté sur un autre territoire de la côte pacifique239. Enfin, il y a quelques jours, elle nous a
présenté sa quatrième théorie, celle d’une responsabilité qui se passerait de preuves : la Cour
n’aurait pas besoin de chercher dans la conduite des Parties la confirmation d’une obligation
contraignante de négocier, cette obligation découlant du droit international général, du
paragraphe 3 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies et de la charte de l’Organisation des
Etats américains (OEA). Et c’est semble-t-il en vertu de cette «obligation de négocier»,240 de cette
obligation de droit international qui ne serait pas à démontrer et qui ne se raccrocherait à rien, que
le Chili serait tenu de revenir, année après année, à la table des négociations  y compris après la
suspension des relations diplomatiques  jusqu’à ce que la Bolivie obtienne finalement ce qu’elle
veut.
5. La Bolivie veut tout à la fois. Elle a d’abord voulu faire croire, comme vous l’a expliqué
M. Juratowitch, que le Chili aurait en quelque sorte manqué à sa prétendue obligation par
l’inconstance dont il aurait fait preuve  de 1895 à 1978 puis de nouveau en 1987241. Ensuite, dans
sa réplique, elle a invoqué précisément les mêmes actes pour affirmer qu’ils témoignaient d’une
conduite continue et constante de la part du Chili au fil du temps242. Mais peu importe que le Chili
se soit montré trop inconstant ou trop constant, car dans tous les cas la Bolivie en tire une
responsabilité. Sa thèse semble être à présent la suivante : tout, ou presque, ce que le Chili a dit et
fait pendant plus d’un siècle génère une obligation juridique contraignante, tandis que rien, ou
presque, de ce qu’il a pu dire ou faire ne permettra jamais de considérer cette obligation comme
remplie ou éteinte. Cette thèse continuellement variable montre de manière flagrante que la Bolivie
239 Voir réplique de la Bolivie («REB»), par. 8, 13, 142, 188 et 197-198.
240 CR 2018/6, p. 59, par. 5 (Lowe).
241 Sur le désengagement de 1895 à 1978, voir MB, par. 400-439. Voir en particulier MB, par. 410: «Le point de
départ de l’engagement du Chili est l’accord de cession territoriale de 1895». Sur le refus catégorique de négocier qui
aurait été opposé à partir de 1987, voir MB, par. 440-486. Voir en particulier MB, par. 465, où il est affirmé que
«[d]epuis 1987» le Chili a affirmé «son refus catégorique d’engager toute négociation [au] sujet [d’un accès souverain]».
Voir également, par exemple, MB, par. 17, 443, 469 et 475. Sur la nouvelle thèse de la Bolivie datant de 2011 le
revirement chilien, voir REB, par. 352.
242 Voir REB, par. 2, 8, 13, 141-142, 162, 177, 188 et 197-198.
67
- 60 -
n’est pas capable de justifier la prétendue obligation de négocier du Chili, ni un quelconque
manquement à cette obligation.
6. Si la Bolivie a changé de cap de plaidoirie en plaidoirie, le Chili, lui, est resté constant sur
le droit comme sur les faits. Il n’a cessé de demander que les textes soient lus dans leur sens
ordinaire, que l’historique des relations diplomatiques bilatérales soit analysé avec précision, et que
l’émergence d’une éventuelle obligation internationale soit strictement vérifiée au regard de
critères juridiques objectifs. Les faits montrent qu’au cours du siècle écoulé, les deux pays voisins
ont entretenu des relations diplomatiques, rien de plus. Le Chili a écouté la Bolivie  et a parfois
discuté avec elle des moyens d’améliorer son accès à la mer. Mais jamais il n’a contracté  que ce
soit par écrit ou tacitement  la moindre obligation juridique de mener des négociations en vue
d’accorder à la Bolivie un accès souverain à l’océan Pacifique. Lorsqu’il a effectivement engagé
des discussions avec elle au sujet de ses aspirations à un accès souverain, comme à l’époque de la
déclaration de Charaña, ces négociations ont échoué et le Chili ne s’est jamais engagé
juridiquement à les poursuivre, ni à en entamer de nouvelles par la suite.
II. Le contenu des textes
7. Pour ce qui est des textes, il y a quelques jours, un conseil de la Bolivie nous a fait jouer à
une marelle intellectuelle à travers l’histoire : sautant d’une époque à l’autre, il s’est employé à
dénaturer de nombreux documents de périodes diverses sans jamais examiner avec attention leur
contenu. Chaque fois qu’elle a fait référence à un épisode historique donné, la Bolivie a essayé de
détourner l’attention de la Cour des textes mêmes sur lesquels elle s’appuyait. Pour donner à
ceux-ci une importance juridique, elle a revisité rétrospectivement leur contexte politique.
Cependant, comme vous l’ont démontré mes confrères par une lecture attentive et honnête de
chacun de ces textes, le Chili n’a jamais, dans aucun de ces documents, exprimé la moindre
intention objective de s’engager juridiquement à mener des négociations.
8. L’argumentation du Chili, contrairement à celle de la Bolivie, est solidement fondée sur le
texte véritable des nombreux documents juridiques cités.
68
- 61 -
a) Comme l’a exposé sir Daniel, l’instrument fondamental qu’est le traité de paix de 1904 ne
contient absolument aucune mention d’une quelconque entente collatérale visant à négocier
ultérieurement un transfert de territoire à la Bolivie243.
b) Comme l’a exposé Mme Parlett, les documents datant des 25 années suivantes, dont la Bolivie
prétend qu’ils ont généré ou confirmé une obligation juridique, montrent en fait clairement
qu’une telle obligation n’a pu exister. Pour reprendre la phrase citée par ma consoeur, il est
explicitement écrit dans le procès-verbal de 1920 que celui-ci ne contient «aucune disposition
créant des droits ou obligations pour les Etats»244.
c) Comme l’a exposé M. Wordsworth, les notes de 1950 ne constituent pas un traité puisque que
les deux Etats y exposent des conceptions radicalement différentes de ce qui leur semblait alors
à chacun une solution acceptable sur le plan politique et suffisamment équitable245.
d) Quant à la déclaration de Charaña de 1975, elle ne fait que reproduire le truisme diplomatique
selon lequel les deux Etats «sont convenus de poursuivre le dialogue à différents niveaux, de
rechercher des formules permettant de résoudre les questions vitales qui les préoccupent l’un et
l’autre», langage qui, à l’évidence, n’exprime pas et ne pourrait exprimer une quelconque
intention d’être lié par une obligation juridique246.
e) Comme l’a exposé M. Pinto, aucune des résolutions adoptées par l’Assemblée générale de
l’OEA entre 1979 et 1989, que cite la Bolivie, ne fait la moindre référence à une obligation de
243 Traité de paix et d’amitié entre le Chili et la Bolivie, signé à Santiago le 20 octobre 1904, contre-mémoire du
Chili («CMC»), annexe 106.
244 Procès-verbal du 10 janvier 1920, CMC, annexe 118, p. 339; les italiques sont de nous.
245 Note en date du 1er juin 1950 adressée au ministre des affaires étrangères du Chili par l’ambassadeur de la
Bolivie auprès du Chili, DC, annexe 398 ; Note en date du 20 juin 1950 adressée à l’ambassadeur de la Bolivie auprès du
Chili par le ministre des affaires étrangères du Chili, DC, annexe 399.
246 Déclaration commune de Charaña, 8 février 1975, CMC, annexe 174, p. 947.
69
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négocier. Toutes se veulent des recommandations politiques générales247. Et rien de ce que le
Chili a pu dire ou faire en relation avec ces résolutions non contraignantes n’a jamais généré
une obligation juridique.
f) Et comme vient de l’exposer M. Juratowitch, jamais, après le rétablissement de la démocratie
au Chili, les deux Parties n’ont mené de négociations au sujet de «l’accès souverain», pas
davantage dans la déclaration d’Algarve de 2000 que dans l’ordre du jour en 13 points de 2006.
Tout au plus ces documents constituent-ils des cadres politiques destinés à guider l’interaction
future des Parties ; ils ne disent absolument rien d’un quelconque transfert de souveraineté248.
9. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, comme vous le savez, dans la
diplomatie de haut niveau et en droit international, les mots ont leur importance. Et tout
particulièrement lorsque c’est la souveraineté territoriale qui est en jeu. Si une nation prétend que
des documents génèrent des obligations juridiques, elle doit dire clairement quels termes, dans ces
documents, génèrent de telles obligations. Or, ainsi que l’a démontré le Chili par son analyse
chronologique exhaustive, la Bolivie n’a pas su citer un seul document, ni même un seul mot
qui  lu objectivement – puisse fonder une prétendue obligation de négocier.
III. La structure et la nature de la relation bilatérale
10. La structure et la nature de la relation de coopération bilatérale entre les deux Parties
confirment la conclusion que nous pouvons tirer du texte, à savoir qu’aucune obligation juridique
n’a été créée. C’est à tort que la Bolivie qualifie le Chili de mauvais voisin. Ainsi que l’a exposé
247 Assemblée générale de l’OEA, résolution AG/RES. 426 (IX-O/79) en date du 31 octobre 1979, «Accès de la
Bolivie à l’océan Pacifique», CMC, annexe 250 ; Assemblée générale de l’OEA, résolution AG/RES. 481 (X-O/80) en
date du 27 novembre 1980, «Problème de l’accès de la Bolivie à la mer», CMC, annexe 254; Assemblée générale de
l’OEA, résolution AG/RES. 560 (XI-O/81) en date du 10 décembre 1981, «Rapport sur le problème de l’accès de la
Bolivie à la mer», CMC, annexe 257 ; Assemblée générale de l’OEA, résolution AG/RES. 602 (XII-O/82) en date du
20 novembre 1982, «Rapport sur le problème de l’accès de la Bolivie à la mer», CMC, annexe 259; Assemblée générale
de l’OEA, résolution AG/RES. 686 (XIII-O/83) en date du 18 novembre 1983, «Rapport sur le problème de l’accès de la
Bolivie à la mer», CMC, annexe 266; Assemblée générale de l’OEA, résolution AG/RES. 701 (XIV-O/84) en date du
17 novembre 1984, «Rapport sur le problème de l’accès de la Bolivie à la mer», CMC, annexe 272 ; Assemblée générale
de l’OEA, résolution AG/RES. 766 (XV-O/85) en date du 9 décembre 1985, «Rapport sur le problème de l’accès de la
Bolivie à la mer», CMC, annexe 282 ; Assemblée générale de l’OEA, résolution AG/RES. 816 (XVI-O/86) en date du
15 novembre 1986, «Rapport sur le problème de l’accès de la Bolivie à la mer», CMC, annexe 287 ; Assemblée générale
de l’OEA, résolution AG/RES. 873 (XVII-O/87) en date du 14 novembre 1987, «Rapport sur le problème de l’accès de la
Bolivie à la mer», CMC, annexe 300 ; Assemblée générale de l’OEA, résolution AG/RES. 930 (XVIII-O/88) en date du
19 novembre 1988, rapport sur le problème de l’accès de la Bolivie à la mer, CMC, annexe 304; et Assemblée générale
de l’OEA, résolution AG/RES. 989 (XIX-O/89) en date du 18 novembre 1989, «Rapport sur le problème de l’accès de la
Bolivie à la mer», CMC, annexe 306.
248 Communiqué de presse conjoint publié le 22 février 2000 par la Bolivie et le Chili, CMC, annexe 318 ;
Communiqué de presse conjoint publié le 18 juillet 2006 par la Bolivie et le Chili, CMC, annexe 336.
- 63 -
notre agent, M. Grossman, l’histoire prouve le contraire. Le Chili s’est toujours montré ouvert aux
préoccupations de la Bolivie et résolument impliqué dans les questions d’intérêt mutuel pour les
deux pays. Pendant tout un siècle, la relation bilatérale entre les deux Etats a été frappée au coin de
la coopération dans de nombreux domaines : politique, économique, social, scientifique, culturel,
éducatif, technique, ainsi qu’en matière de transport et d’immigration. Ces domaines de
coopération qui se recoupent partiellement avaient clairement leur place dans l’ordre du jour en
13 points qui a structuré le dialogue engagé par les Parties dès 1990, après le rétablissement de la
démocratie au Chili249.
11. Ces accords de coopération bilatérale traitaient parfois de l’accès de la Bolivie à la mer.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, la Bolivie a accès à la mer. Elle y a
accès depuis plus d’un siècle. Contrairement à ce qu’elle soutient, il n’y a pas de mur. Sous le
régime instauré par le traité de paix de 1904, la Bolivie jouit, depuis plus de cent ans, de la plus
totale liberté de transit commercial à travers le territoire et les ports chiliens, à un prix annuel très
élevé pour le Chili, qui l’assume volontiers dans une optique de bon voisinage.
12. La société chilienne est une société ouverte, l’une des plus ouvertes qui soit dans cette
partie du monde. La disposition constante du Chili à dialoguer avec la Bolivie en bon voisin sur des
questions d’intérêt mutuel participe de l’esprit de coopération qui a caractérisé leur relation. Le
Chili reconnaît l’importance de l’intégration et de la solidarité latino-américaines fondées sur une
coopération bilatérale et régionale placée sous le signe du droit international. Or, à cet esprit de
coopération, la Bolivie a opposé le rejet — comme en 1962 puis de nouveau en 1978250 ; elle a
rompu tout rapport diplomatique lorsque sa relation avec le Chili a cessé de lui convenir. D’un
côté, la Bolivie a refusé de maintenir des relations diplomatiques régulières et continues pendant
cinquante-trois des cinquante-six dernières années ; mais de l’autre, elle ne laisse à présent
d’affirmer que le Chili est juridiquement lié par une obligation de négocier continue et séculaire, et
que chaque acte ou déclaration du Chili ayant le moindre lien avec la mer confirme une prétendue
entente historique ou crée des obligations juridiques non écrites.
249 Communiqué de presse conjoint publié le 18 juillet 2006 par la Bolivie et le Chili, CMC, annexe 336,
p. 2507 ; voir aussi la liste des 13 points de l’ordre du jour figurant dans le procès-verbal de la 15e réunion du mécanisme
de consultations politiques, 25 novembre 2006, CMC, annexe 337.
250 Voir DC, par. 5.28 et 6.55.
70
- 64 -
13. Il y a sept ans, la Bolivie a opéré un brusque revirement et adopté la stratégie
contentieuse qui est actuellement la sienne, motivée, comme vous venez de l’entendre, non pas par
un quelconque fait du Chili, mais par l’obligation que lui imposait désormais sa Constitution de
dénoncer, renégocier ou contester en justice tout traité limitant son accès au Pacifique251. En
définitive, c’est cet impératif constitutionnel, et non une provocation du Chili, qui a conduit le
demandeur devant la Cour. «Pourquoi sommes-nous ici et non à la table des négociations ?», a
maintes fois demandé la Bolivie. La réponse est simple : parce que la Bolivie nous y a amenés, et
elle l’a fait mue par ses propres impératifs constitutionnels et non à cause de quelque chose
qu’aurait fait ou dit le Chili.
IV. La confirmation à la lumière des faits historiques
14. Ainsi que mes collègues l’ont expliqué en détail, l’histoire, lue objectivement, vient elle
aussi étayer la thèse du Chili. La Bolivie vous a dépeint une histoire sanglante, mais le Chili, dans
son contre-mémoire252, a totalement réfuté cette version fallacieuse. Ainsi que sir Daniel l’a
indiqué, vous n’avez pas ici à vous prononcer sur des visions antagonistes de l’histoire du
XIXe siècle. La Cour comprend bien la différence qu’il y a entre apprécier des prétentions
politiques et se prononcer sur des prétentions juridiques relatives à l’existence d’une obligation
contraignante.
15. Il est clair que, pour contourner la décision que vous avez rendue sur votre compétence
en cette même affaire, la Bolivie n’a pas contesté de front le traité de paix de 1904 ; au lieu de cela,
elle invoque son jumeau invisible : une prétendue «entente historique» qu’il s’agirait de mettre en
oeuvre. Elle renvoie à cet égard à six épisodes très différents, intervenus à des décennies d’écart et,
à chaque fois, dans des contextes politiques et diplomatiques qui leur étaient spécifiques. Avec
cette «entente» hypothétique, elle espère pallier les solutions de continuité temporelle qu’elle ne
peut pas expliquer et qui viennent contredire l’allégation de constance dont dépend à présent son
argumentation. Ce que la Bolivie ne peut expliquer, c’est comment une entente aussi importante a
pu perdurer tout au long du siècle dernier, sans qu’il en soit jamais pris acte. Car cette «entente»
251 Constitution de l’Etat plurinational de Bolivie, 7 février 2009, DC, annexe 447, art. 267 1).
252 CMC, par. 2.10-2.37.
71
- 65 -
n’est mentionnée dans aucun document, et comme il vous a été rappelé, au cours des échanges
intervenus au début des années 1900, dans les années 1950, ou encore dans les années 1970,
personne ne l’a jamais évoquée.
16. La Bolivie aimerait assembler ces épisodes historiques disparates pour faire apparaître
une ligne de conduite continue. Mais, comme nous l’avons démontré, chacun des épisodes était sui
generis. Leur ensemble, fragmenté et discontinu, se caractérise par de longues périodes d’inactivité,
des ruptures répétées des relations diplomatiques, et des changements de priorités et de préférences
politiques. La Bolivie ne peut pas davantage expliquer pourquoi ces épisodes eux-mêmes sont
différents, et notamment comment, au fil du temps, ce que chaque Partie était disposée à considérer
comme compensation potentielle a évolué en fonction des intérêts respectifs des deux Etats. Les
épisodes n’étaient donc pas identiques, loin de là, et il n’y a jamais eu de «fil doré» les reliant telles
des perles homogènes en un collier unique. La seule «entente historique» ayant réglé de façon
définitive toutes les questions de souveraineté territoriale entre les deux Etats est le traité de paix de
1904.
17. Avant d’introduire la présente instance, la Bolivie n’a jamais invoqué l’existence d’une
ligne de conduite continue du Chili ni d’une obligation juridique de négocier qui persisterait à ce
jour. Au contraire, elle admet l’existence de longues périodes de silence au cours desquelles elle
n’a fait aucune mention de l’accès souverain et s’est consacrée à d’autres priorités. A chaque fois
que la Bolivie a laissé entendre que le Chili pouvait être sujet à une obligation juridique de
négocier, celui-ci l’a promptement et fermement démentie, et la Bolivie n’a jamais réagi253.
18. En résumé, contrairement au portrait que dresse la Bolivie, s’il y a bien eu une constante
au fil des ans, c’est l’ouverture et l’esprit du bon voisinage du Chili. Cette ouverture s’est
notamment manifestée par des discussions quant à la manière d’améliorer l’accès de la Bolivie à la
mer. Il en ressort que le Chili était constamment disposé à discuter de questions d’intérêt mutuel
pour les deux pays. J’en viens à présent au dernier point de mon exposé.
253 Voir DC, par. 5.20, 5.31 et 5.33.
72
- 66 -
V. Les conséquences plus générales de la thèse bolivienne,
si elle était admise
19. En dernière analyse, la Bolivie tente de créer du droit en se servant de politique. Elle
demande à la Cour de convertir la volonté politique exprimée à diverses reprises par le Chili en une
obligation juridique internationale de nature continue et contraignante. Ce faisant, elle prétend que
le droit international place le Chili devant une alternative : soit refuser de négocier, soit se déclarer
disposé à dialoguer et contracter une obligation de négocier juridiquement contraignante254. Mais
s’il n’existait que ces deux voies, quel Etat accepterait en réalité de s’asseoir avec un autre à la
table des négociations ?
20. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, comme vous ne le savez que
trop bien, les choses ne sont pas si simples en ce bas monde. Entre les deux solutions artificielles
proposées par la Bolivie –– tourner les talons ou s’engager –– existe ce vaste univers qui s’appelle
la diplomatie. Dans cet univers, les Etats responsables peuvent et doivent se livrer sans cesse à des
échanges politiques et diplomatiques qui sont dépourvus de caractère contraignant sur le plan
juridique, afin d’accorder et d’améliorer leurs relations et de favoriser la coopération internationale.
21. Tout diplomate sait que, dans le cadre de négociations sérieuses, il n’y a d’accord sur
rien tant qu’il n’y a pas d’accord sur tout. Le dialogue ne fait pas automatiquement naître une
obligation. Accepter de discuter et être tenu de discuter sont deux choses différentes. Or, la position
de la Bolivie aurait pour effet de convertir mécaniquement chaque fragment des échanges
diplomatiques quotidiens en source d’une obligation juridique. Accepter une telle position viendrait
ébranler les certitudes des Etats quant à la latitude dont ils disposent dans la conduite de leurs
affaires diplomatiques, et leur poserait un dilemme intenable : ils pourraient soit contracter des
obligations juridiques à chaque acte ou conversation, soit opter pour un désengagement
contreproductif de la scène diplomatique.
22. Selon la Bolivie, le fait que l’enjeu fût «une question aussi exceptionnelle et aussi lourde
de conséquences qu’un accès souverain» constitue «précisément la raison pour laquelle» «la
disposition du Chili à engager avec elle des négociations formelles … exprim[ait] un engagement
plutôt qu’une simple proposition de dialogue»255. La Bolivie prend le problème à rebours. C’est
254 Voir REB, par. 188. Voir également CR 2018/7, p. 17, par. 14 (Remiro Brotóns).
255 REB, par. 181 ; les italiques sont de nous.
73
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précisément lorsque les enjeux sont les plus importants qu’une simple disposition à dialoguer ne
suffit pas. Lorsque des Etats souhaitent s’engager, ils ne laissent pas les choses dans le vague. Ils
font clairement état de leurs intentions. La Bolivie a beau presser la Cour d’ignorer les détails, les
termes nuancés et pesés avec soin que le Chili a utilisés dans chaque échange diplomatique, comme
vous avez pu le constater sur vos écrans, montrent de manière parfaitement claire que celui-ci n’a
jamais entendu s’engager au sens du droit international.
23. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, nous convenons avec la
Bolivie que les enjeux de la présente affaire dépassent largement les intérêts des deux Parties en
litige. La plupart des Etats ont beaucoup à discuter avec leurs voisins ; nombre d’entre eux veulent
obtenir quelque chose de l’autre. Ces questions peuvent être discutées par des gouvernements
successifs, par phases successives, pendant de nombreuses années. A en croire la Bolivie,
l’expression occasionnelle par un Etat de sa volonté politique de s’asseoir à la table des
négociations donne naissance à une obligation juridique supérieure qui persiste au-delà de tout
engagement diplomatique et ne peut jamais être satisfaite.
24. Nombre d’Etats pourraient, par d’habiles tours de rhétorique, inventer des «ententes
historiques» en amalgamant des bribes de discours, de déclarations gouvernementales et
d’échanges diplomatiques totalement coupées du texte et du contexte dans lesquels elles
s’inscrivent, ainsi que de l’histoire et de la structure plus générales de la relation bilatérale
concernée. Ces Etats pourraient ensuite se présenter devant la Cour afin d’opposer de tels
amalgames politiques à des Etats qui, comme le Chili, n’ont rien fait d’autre que s’employer de
bonne foi à se conduire en bons voisins et en partenaires diplomatiques sincèrement ouverts au
dialogue.
25. J’en viens ainsi à la position de M. Lowe, qui vous exhorte à imposer une «obligation
positive» de négocier encore plus large «pour trouver une solution équitable aux situations dans
lesquelles une injustice altère les relations internationales»256. Selon son interprétation débridée du
paragraphe 3 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies, la Cour a pour mission de régler des
crises diplomatiques complexes. Et cette obligation de négocier qui ne se raccrocherait à rien ne
256 CR 2018/6, p. 63 (sous la rubrique intitulée «L’obligation de régler les différends est une obligation positive»)
et p. 66, par. 38 (Lowe).
- 68 -
serait pas limitée aux différends d’ordre juridique puisque, d’après M. Lowe, «la «justice» n’est pas
limitée au règlement judiciaire»257.
26. Il va de soi que nous tous, qui sommes attachés au respect des droits de l’homme, tenons
à la stricte application du droit. Ainsi que notre agent l’a rappelé, le Chili a non seulement aidé à
créer l’ensemble des mécanismes internationaux et régionaux de défense des droits de l’homme,
mais a en outre activement soutenu ces organes dans leur action. Toutefois, par respect pour la
primauté du droit et pour le rôle véritable de la Cour, il convient de prendre garde à ce que nous
demandons. Si elle était prise au sérieux, la théorie de M. Lowe –– que celui-ci prétend fonder en
partie sur la Charte de l’Organisation des Etats américains –– viendrait faire échec au pacte de
Bogotá en imposant à tout Etat partie de continuer à négocier, même après avoir conclu un traité à
grand-peine, afin de revenir sur des ententes établies. Plus généralement, sa théorie aurait
largement pour effet d’immiscer dans tous les dialogues diplomatiques en cours de prétendues
obligations juridiques contraignantes. M. Thouvenin a donné hier plusieurs exemples pour illustrer
comment le raisonnement de la Bolivie, s’il était accepté, viendrait injecter une obligation juridique
dans plusieurs discussions diplomatiques qui se poursuivent à l’heure actuelle. Dans toutes les
négociations diplomatiques longues et difficiles, la théorie de la Bolivie donnerait à l’une des
parties, sinon aux deux, le pouvoir d’utiliser la Cour afin de contraindre l’autre à négocier jusqu’à
ce qu’elle ait obtenu le résultat escompté. Et la Cour devrait, chaque fois que des parties s’asseyent
à la table des négociations, rester à disposition afin de pouvoir déterminer dans l’urgence si l’une
ou l’autre a omis l’une des nombreuses étapes requises par «l’obligation de négocier» complexe
échafaudée par M. Lowe.
27. La Cour s’intéresse aux obligations juridiques et en a clairement soumis la création à un
seuil élevé. Ce seuil doit être particulièrement élevé lorsqu’une partie affirme que l’autre doit lui
abandonner un territoire souverain que cette dernière a acquis par un traité datant de plus d’un
siècle. La Bolivie ne peut atteindre un tel seuil. La Cour n’a jamais jugé qu’une simple discussion
diplomatique avait créé une obligation juridique, sauf à ce qu’un Etat ait expressément entendu être
lié. Nulle obligation juridique ne saurait naître de la frustration d’un Etat de ne pas parvenir à ses
257 CR 2018/6, p. 67 (Lowe).
74
- 69 -
fins. Ni le vif désir de la Bolivie d’obtenir un accès souverain à la mer, ni la disposition à en
discuter exprimée par le Chili à divers moments ne suffisent à mettre en évidence ou à constituer
une telle obligation juridique internationale de nature contraignante et continue.
28. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, certains des conseils de la
Bolivie vous invitent à ignorer votre propre décision antérieure en cette affaire et à imposer une
obligation de résultat. D’autres de ses conseils vous exhortent à constater l’existence d’une
obligation de comportement : il s’agit d’une toute nouvelle théorie qui se passerait de preuve et qui
imposerait une vaste «obligation positive de négocier». Si elles étaient prises au sérieux, les
théories boliviennes produiraient des effets allant bien au-delà des faits de la présente affaire et
transformeraient maints aspects de la diplomatie quotidienne en droit contraignant. Accepter l’une
ou l’autre des nombreuses positions de la Bolivie –– et nombreuses, elles le sont –– serait faire fi
du texte, de l’histoire et de la structure des échanges des deux Etats ainsi que du sens commun dont
témoignaient leurs relations bilatérales. Pour l’ensemble de ces raisons, le Chili prie
respectueusement la Cour de décliner l’invitation de la Bolivie.
29. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, cela conclut le premier tour
de plaidoiries du Chili. Je vous remercie infiniment pour votre aimable attention.
Le PRESIDENT : Je remercie M. Koh. Je rappelle que nous sommes effectivement arrivés
au terme du premier tour de plaidoiries. La Cour se réunira à nouveau le lundi 26 mars à 10 heures
pour entendre le second tour de plaidoiries de la Bolivie. A la fin de cette audience, la Bolivie
donnera lecture de ses conclusions finales. Le Chili présentera son second tour de plaidoiries le
mercredi 28 mars à 10 heures et donnera également, à l’issue de cette audience, lecture de ses
conclusions finales.
Il importe de rappeler que, en application du paragraphe 1 de l’article 60 du Règlement de la
Cour, les exposés du second tour doivent être aussi succincts que possible. L’objet du second tour
est de permettre à chacune des Parties de répondre aux arguments avancés oralement par la Partie
75
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adverse. Les Parties ne doivent donc pas y répéter les arguments qu’elles ont déjà exposés et ne
sont, du reste, pas tenues d’utiliser l’intégralité du temps de parole qui leur est alloué.
L’audience est levée. Je vous remercie.
L’audience est levée à 13 h 5.
___________

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