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153-20180319-ORA-01-01-BI
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CR 2018/6 (traduction)
CR 2018/6 (translation)
Lundi 19 mars 2018 à 10 heures
Monday 19 March 2018 at 10 a.m.
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Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour se réunit
aujourd’hui pour entendre les plaidoiries des Parties en l’affaire relative à l’Obligation de négocier
un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili).
Je préciserai tout d’abord que, ayant annoncé son intention de démissionner de ses fonctions
de Membre de la Cour à compter du 7 juin 2018, notre estimé collègue et doyen de la Cour, M. le
juge Owada, ne participera pas aux audiences.
La Cour ne comptant pas sur le siège de juge de la nationalité de l’une ni de l’autre des
Parties, celles-ci se sont toutes deux prévalues du droit que leur confère le paragraphe 3 de
l’article 31 du Statut de désigner un juge ad hoc. La Bolivie a désigné à cet effet M. Yves Daudet ;
le Chili a d’abord désigné Mme Louise Arbour, puis, à la suite de la démission de celle-ci le 26 mai
2017, M. Donald M. McRae.
L’article 20 du Statut dispose que «[t]tout membre de la Cour doit, avant d’entrer en
fonction, en séance publique, prendre l’engagement solennel d’exercer ses attributions en pleine
impartialité et en toute conscience». Cette disposition s’applique également aux juges ad hoc, en
vertu du paragraphe 6 de l’article 31 du Statut.
M. Daudet a déjà fait cette déclaration solennelle à l’audience tenue le 4 mai 2015 dans le
cadre de la procédure orale consacrée à l’exception préliminaire soulevée par le Chili.
Avant d’inviter M. McRae à faire sa déclaration solennelle, je dirai d’abord, selon l’usage,
quelques mots de sa carrière et de ses qualifications.
M. McRae, de nationalités canadienne et néozélandaise, est professeur émérite et ancien
doyen de la section de Common law de la faculté de droit de l’université d’Ottawa. Il dispose d’une
longue expérience en tant que conseil dans le cadre de procédures d’arbitrage internationales en
matière de pêche ou de frontières ; il est par ailleurs intervenu devant la Cour en tant que conseil à
l’occasion d’une demande en interprétation entre le Cambodge et la Thaïlande. Dans le cadre de
l’Organisation mondiale du commerce, il a été conseil devant les groupes spéciaux, chargés du
règlement des différends, et l’organe d’appel de cette organisation, ayant également siégé, en
plusieurs occasions, dans ces organes. Il a par ailleurs été membre et président d’un certain nombre
de tribunaux de règlement des différends relatifs aux investissements constitués sous l’égide de
l’ALENA, du CIRDI et de la CNUDCI. M. McRae est l’ancien rédacteur en chef du Canadian
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Yearbook of International Law et l’auteur de nombreuses publications de droit international,
notamment dans les domaines du droit de la mer et du droit commercial international. Il est
membre associé de l’Institut de droit international, membre de la Royal Society of Canada,
Compagnon de l’ordre du Canada et officier de l’Ordre du mérite de la Nouvelle-Zélande. Il a été
membre de la Commission du droit international de 2007 à 2016.
J’invite maintenant M. McRae à faire la déclaration solennelle prescrite par le Statut, et je
demanderai à toutes les personnes présentes de bien vouloir se lever. M. McRae.
M. McRAE :
«Je déclare solennellement que je remplirai mes devoirs et exercerai mes
attributions de juge en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et
en toute conscience.»
Le PRESIDENT : Je vous remercie. Veuillez vous asseoir. Je prends acte de la déclaration
solennelle faite par M. McRae, et déclare celui-ci dûment installé en qualité de juge ad hoc en
l’affaire relative à l’Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili).
*
Je rappellerai maintenant les principales étapes de la procédure en la présente espèce.
Le 24 avril 2013, l’Etat plurinational de Bolivie a déposé au Greffe de la Cour une requête
introductive d’instance contre la République du Chili au sujet d’un «différend concernant
l’obligation du Chili de négocier de bonne foi et de manière effective avec la Bolivie en vue de
parvenir à un accord assurant à celle-ci un accès pleinement souverain à l’océan Pacifique».
Dans sa requête, la Bolivie entendait fonder la compétence de la Cour sur l’article XXXI du
traité américain de règlement pacifique, signé le 30 avril 1948 et dénommé officiellement, aux
termes de son article LX, «pacte de Bogotá».
La Bolivie a déposé son mémoire dans le délai prescrit par la Cour. Le Chili a soulevé une
exception préliminaire d’incompétence de la Cour. Celle-ci, constatant que la procédure sur le fond
était suspendue en application du paragraphe 5 de l’article 79 du Règlement, a en conséquence fixé
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la date d’expiration du délai dans lequel la Bolivie pourrait présenter un exposé écrit contenant ses
observations et conclusions sur l’exception préliminaire soulevée par le Chili. La Bolivie a déposé
un tel exposé dans le délai ainsi fixé, et l’affaire s’est alors trouvée en état pour ce qui est de
l’exception préliminaire.
Se référant au paragraphe 1 de l’article 53 du Règlement de la Cour, les Gouvernements du
Pérou et de la Colombie ont demandé à obtenir des exemplaires des pièces de procédure et des
documents annexés en l’affaire. Ayant consulté les Parties conformément à la disposition susvisée,
le président de la Cour a décidé d’accéder à ces demandes. Le greffier a dûment communiqué ces
décisions auxdits Gouvernements et aux Parties.
Des audiences publiques sur l’exception préliminaire soulevée en l’affaire ont été tenues du
4 au 8 mai 2015. Dans son arrêt du 24 septembre 2015, la Cour a rejeté l’exception préliminaire
soulevée par le Chili et dit qu’elle avait compétence, sur la base de l’article XXXI du pacte de
Bogotá, pour connaître de la requête déposée par la Bolivie.
Par ordonnance en date du 24 septembre 2015, la Cour a fixé une nouvelle date d’expiration
pour le dépôt du contre-mémoire du Chili. Cette pièce a été dûment déposée dans le délai ainsi
prescrit.
Par ordonnance en date du 21 septembre 2016, la Cour a autorisé la présentation d’une
réplique par la Bolivie et d’une duplique par le Chili. Ces pièces ont été déposées dans les délais
prescrits par la Cour.
*
Ayant consulté les Parties, la Cour a, conformément au paragraphe 2 de l’article 53 de son
Règlement, décidé de rendre accessibles au public, à l’ouverture de la procédure orale, des
exemplaires des pièces de procédure écrite et documents annexés. En outre, conformément à la
pratique de la Cour, les versions électroniques de ces documents seront placées dès aujourd’hui sur
le site Internet de la Cour.
*
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Je souhaite la bienvenue aux représentants éminents des Gouvernements bolivien et chilien
qui se trouvent aujourd’hui parmi nous, dans cette grande salle de justice, et salue tout
particulièrement la présence de S. Exc. M. Evo Morales Ayma, président de l’Etat plurinational de
Bolivie, et de S. Exc. M. Roberto Ampuero, ministre des affaires étrangères de la République du
Chili, les plus hautes autorités nationales de leurs délégations respectives. Je constate par ailleurs la
présence à l’audience des agents, conseils et avocats des deux Parties.
Conformément aux dispositions relatives à l’organisation de la procédure arrêtées par la
Cour, les audiences comprendront un premier et un second tours de plaidoiries. Le premier tour de
plaidoiries débute aujourd’hui et se terminera le vendredi 23 mars 2018. Le second tour de
plaidoiries s’ouvrira le lundi 26 mars et s’achèvera le mercredi 28 mars 2018.
Lors de cette première audience, la Bolivie pourra, si besoin est, déborder légèrement
au-delà de 13 heures, compte tenu du temps consacré à ma déclaration liminaire.
Je donne à présent la parole à S. Exc. M. Eduardo Rodríguez Veltzé, agent de la Bolivie.
Monsieur, vous avez la parole.
M. RODRÍGUEZ VELTZÉ :
I. Introduction
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un honneur pour moi que
de me présenter devant vous en tant qu’agent de la Bolivie dans cette affaire historique.
2. Je note la présence du président de l’Etat plurinational de Bolivie, S. Exc. M. Evo Morales
Ayma, et des représentants de notre Gouvernement qui se sont rendus à La Haye en cette
importante occasion. J’en profite également pour saluer respectueusement la délégation chilienne.
II. Résumé de l’affaire portée devant la Cour
3. Monsieur le président, la Bolivie comparaît devant la Cour avec une demande spécifique,
à savoir que l’obligation du Chili de négocier son accès souverain à l’océan Pacifique soit reconnue
et affirmée.
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4. Ainsi que la Cour l’a indiqué dans son arrêt de 2015, la présente affaire n’est pas un
différend relatif au traité de 19041. Il a également été précisé dans cet arrêt que la reconnaissance
de l’obligation du Chili n’obligeait pas la Cour à «prédéterminer le résultat de toute négociation qui
se tiendrait en conséquence de cette obligation»2. La Bolivie ne demande pas à la Cour de
déterminer les modalités spécifiques de l’accès souverain à la mer.
5. Elle se contente de demander au Chili de revenir à la table des négociations de bonne foi,
conformément à l’engagement de mettre fin à son enclavement qu’il a pris envers elle de manière
répétée et constante3.
6. En tenant cette promesse faite à son voisin, le Chili permettra à deux pays unis par la
culture, la géographie, l’histoire et un esprit fraternel de panser d’anciennes blessures et d’aller de
l’avant en bâtissant un avenir de prospérité mutuelle.
III. L’importance de l’affaire pour la Bolivie
7. Monsieur le président, l’importance que revêt la présente espèce pour la Bolivie ne saurait
être sous-estimée.
8. Je puis vous assurer qu’aujourd’hui, la nation bolivienne toute entière suivra chaque
minute de la présente audience. Sur des écrans géants dans nos villes, à la télévision, à la radio et
sur l’Internet, dans des conversations entre Boliviens de toutes générations à travers le pays, l’esprit
de la population bolivienne dans son ensemble et de tous les peuples représentés par notre drapeau
nous accompagne. Nous sommes ici pour parler d’une seule voix, unis dans la quête de la justice.
9. Le 10 mars dernier, dans une démonstration d’unité nationale exceptionnelle, des milliers
de Boliviens se sont pris par la main pour déployer un drapeau maritime s’étendant sur 196,5 km.
Ce drapeau associait les couleurs nationales au bleu de l’océan Pacifique. Ce vendredi, le 23 mars,
des dizaines de milliers de Boliviens défileront de nouveau dans les rues à travers tout le pays à
l’occasion de notre journée de la mer (Dia del Mar), que nous commémorons depuis plus d’un
siècle, dans l’espoir d’être de nouveau reliés à l’océan. Cette année, toutefois, les Boliviens sauront
1 Obligation de négocier un accès souverain à la mer (Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt, C.I.J.
Recueil 2015 (II), p. 604-605, par. 33, p. 609, par. 50, et p. 610, par. 53.
2 Ibid., p. 604-605, par. 33
3 Ibid., p. 605, par. 34, et p. 609, par. 50.
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que leur demande historique est examinée par l’organe judiciaire principal de l’Organisation des
Nations Unies, c’est-à-dire que la justice est peut-être enfin à portée de main.
10. Avoir un débouché sur la mer n’est pas une simple aspiration du peuple bolivien ; cette
perspective fait battre le coeur de chacun d’entre nous. Pour reprendre les termes d’un écrivain
bolivien, Roberto Prudencio Romecín, «[i]l n’est pas d’autre pays que la Bolivie pour lequel le fait
de disposer d’un littoral maritime est si précieux. La mer n’étant pas devant nous, elle est à
l’intérieur de nous».
11. Nous avons attendu fort longtemps que cette occasion se présente, mais nous sommes un
peuple patient et déterminé. Pour les nations indigènes tels que les Aymaras, dont les terres
ancestrales s’étendaient de la côte pacifique du désert d’Atacama jusqu’au haut-plateau, le temps a
un sens différent ; il suit un mouvement de flux et de reflux, et n’est donc pas perdu. Permettez-moi
de citer à cet égard un proverbe aymara : «Nous connaissons peut-être le passé, mais nous ne
pouvons pas le changer ; quant à l’avenir, nous ne le connaissons pas, mais nous pouvons le
façonner». C’est avec cette conception du temps que les Boliviens perçoivent le lien qui unit
intimement le passé et l’avenir, et tendent vers le jour où une solution équitable sera trouvée.
12. La «diplomation des peuples pour la vie», encouragée par le Gouvernement de notre
président Evo Morales, prône la culture de la coexistence pacifique, la reconnaissance des peuples
dans la paix, la dignité et la souveraineté, le pluralisme comme instrument d’intégration tel
qu’établi dans notre Constitution, et l’idée que les mers constituent un patrimoine commun de
l’humanité.
IV. Une invasion injuste
13. Monsieur le président, plus d’un siècle s’est écoulé depuis l’invasion par le Chili de la
côte bolivienne en 1879, acte d’agression qui a entraîné le démembrement territorial du pays et la
perte douloureuse de son accès souverain à la mer. Cela fait 139 ans que la Bolivie souffre de cette
injustice historique que représente son enclavement.
14. A la date de son indépendance, en 1825, la Bolivie possédait un littoral de 400 kilomètres
dans le désert d’Atacama. Aujourd’hui, elle n’en a plus du tout. Le Chili, quant à lui, possède
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depuis la guerre du Pacifique un littoral d’une longueur équivalente à la distance qui sépare le
Palais de la Paix à la Haye du siège de l’Organisation des Nations Unies à New York.
15. Depuis les tout premiers temps, en 1879, le Chili a toujours admis que la Bolivie ne
pouvait rester enclavée. Rétablir l’accès souverain à la mer de celle-ci ne changerait guère les
choses pour lui, mais cela transformerait le destin de la Bolivie.
16. Pendant plus d’un siècle après le traité de 1904, le Chili a affirmé et promis à maintes
reprises qu’il négocierait pareil accès. Le caractère constant de son engagement juridique ressort de
nombreux échanges et accords diplomatiques entre les Parties, ainsi que de déclarations
unilatérales et de résolutions multilatérales, qui seront examinés durant les présentes audiences. En
2011, le Chili a tenté de renier son engagement historique. C’est ce refus de nouveaux pourparlers
qui n’a laissé d’autre choix à la Bolivie que de saisir la Cour.
17. Monsieur le président, au fil des années, les Parties n’ont cessé de s’employer à
rechercher une solution qui leur permettrait d’envisager l’avenir sans devoir supporter le fardeau
des injustices passées. Chacune des étapes de leur dialogue contenait les germes de l’espoir. Si, à
ce jour, le défendeur n’a pas tenu sa promesse de rétablir l’accès de la Bolivie à la mer, des
générations de Boliviens et de Chiliens conviennent que l’espoir d’un accord doit être plus fort que
le sentiment d’échec.
18. Rien ne s’oppose à ce que le règlement de cette question devienne une victoire commune
de deux Etats voisins unis par des intérêts mutuels. Des problèmes bien plus épineux ont été résolus
dans le monde. En Amérique latine, la Cour a apporté une contribution importante au règlement
pacifique des différends. La question dont elle a aujourd’hui à connaître est l’une des dernières qui
demeurent pendantes dans notre région. Nous pouvons, et nous devons, panser nos vieilles
blessures et concilier nos vues. C’est dans cet esprit que nous nous présentons devant vous.
V. L’impact économique de la privation de littoral
19. Monsieur le président, au cours de ces dernières années, la Bolivie a réalisé d’importants
progrès pour améliorer le niveau de vie de sa population. Son enclavement continue cependant
d’avoir une incidence désastreuse sur son développement.
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20. L’Organisation des Nations Unies a reconnu que les pays sans littoral devaient faire face
à de graves difficultés dans leurs efforts visant à éradiquer la pauvreté4. L’on estime ainsi que, si la
Bolivie n’avait pas été arrachée à la mer, la croissance annuelle de son PIB pourrait être supérieure
d’au moins 20 %5. De fait, les études indiquent que le PIB par habitant d’un Etat côtier est, en
moyenne, supérieur de 40 % à celui de son voisin sans littoral6.
21. Quelque 80 % des exportations de la Bolivie et 50 % de ses importations passent par le
territoire chilien qui la sépare de l’océan Pacifique7. L’on estime que les coûts de transport de la
Bolivie sont supérieurs de 31 % à la moyenne du continent8, le coût des services portuaires
réduisant en outre grandement tout avantage compétitif dans le commerce mondial. De fait, par
comparaison avec le Chili, le coût des exportations boliviennes par conteneurs est plus élevé
d’environ 55 %9.
22. De surcroît, les mesures unilatérales imposées par le Chili sont à l’origine de grèves
fréquentes. Celles-ci entraînent des retards prolongés et créent des conditions difficiles pour les
chauffeurs de camions boliviens, qui restent bloqués pendant des jours dans des postes frontières
reculés et inhospitaliers10.
23. Le régime de transit commercial prévu par le traité de 1904 n’est pas un conte de fées. Il
impose à la Bolivie des restrictions et des coûts importants. Il n’a jamais constitué et ne constitue
toujours pas une réelle solution de remplacement à l’accès souverain à la mer. Le Chili lui-même a
d’ailleurs reconnu cette réalité à maintes reprises.
24. L’incidence négative d’une absence d’accès à la mer n’est toutefois pas une simple
question de chiffres et de statistiques. Cela a également à voir avec la richesse des océans, la
circulation des peuples, des cultures et des idées, ou encore des nouvelles technologies ; mais avant
tout, cela touche au combat quotidien des populations pour améliorer leurs conditions de vie.
4 Suivi de la deuxième Conférence des Nations Unies sur les pays en développement sans littoral, Nations Unies,
doc. A/Res/72/232 (30 janvier 2018).
5 Chiffre fondé sur l’étude réalisée par Fabricio Carmignani in «The Economics of landlocked Countries :
Interiors. Why It’s Better to Have a Coastline» The Economist, 9 mai 2015, http://econ.st/2G6S3pR.
6 Ibid.
7 REB, vol. V, annexe 371.
8 Livre de la mer. Ministère des affaires étrangères de l’Etat plurinational de Bolivie, 2015.
9 Ibid.
10 REB, vol. V, annexe 371.
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VI. Les conséquences positives d’une décision favorable à la Bolivie
25. Monsieur le président, l’affaire dont la Cour est saisie constitue une occasion historique
de rouvrir un dialogue constructif et fraternel en réglant cette question une fois pour toutes. Pendant
trop longtemps, l’ombre ténébreuse de ce différend a obscurci les relations entre la Bolivie et le
Chili. Son règlement est une chance unique pour l’intégration et la coopération régionales, pour la
prospérité mutuelle et les relations amicales entre les deux pays.
26. La Bolivie comme le Chili disposent aujourd’hui des moyens de régler leurs divergences
dans des circonstances bien plus favorables que celles qu’ont connues nos ancêtres. Nous ne
sommes plus au dix-neuvième siècle, lorsque les guerres de conquête définissaient les relations
entre Etats et que ceux-ci pouvaient rompre leurs engagements en toute impunité. Nous pouvons, et
nous devons, faire mieux que par le passé.
27. Nous vivons aujourd’hui dans un monde interdépendant où règnent le multilatéralisme et
le droit international. De fait, l’importance du présent différend dépasse la Bolivie et le Chili.
Depuis 1979, l’Organisation des Etats américains (OEA), qui représente l’Amérique dans son
intégralité, a affirmé à maintes reprises que le fait de trouver une solution équitable à l’enclavement
de la Bolivie était dans l’intérêt permanent du continent11.
28. Le moment est venu de trouver cette solution. Il est temps de mettre fin à ce différend de
longue date par des mécanismes qui «prennent en compte les bénéfices mutuels et les véritables
intérêts des deux peuples»12.
29. Ces mécanismes sont à notre portée. Le peuple bolivien espère que, en confirmant
l’existence de l’obligation de négocier, la Cour aidera les Parties à reprendre leurs discussions sur
des propositions efficaces, et à le faire de bonne foi, avec l’intention d’abattre enfin le mur qui les
sépare.
11 MB, vol. II, annexe 191.
12 REB, vol. II, annexe 265.
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VII. Présentation de l’équipe
30. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vais à présent vous
présenter les membres de notre équipe juridique qui prendront la parole durant ce premier tour de
plaidoiries :
a) Le premier intervenant sera M. le professeur Payam Akhavan, qui introduira l’argumentation de
la Bolivie.
b) Son exposé sera suivi par celui de Mme le professeur Monique Chemillier-Gendreau, qui
énoncera les éléments essentiels de l’accord en vue de négocier un accès souverain à la mer.
c) M. le professeur Antonio Remiro Brotóns clarifiera ensuite la base juridique sur laquelle
l’obligation de négocier est fondée.
d) M. le professeur Vaughan Lowe, quant à lui, examinera la nature et le contenu de cette
obligation.
e) Lui succèdera M. le professeur Antonio Remiro Brotóns, qui exposera les accords pertinents en
vigueur entre les deux Etats.
f) Mme Amy Sander examinera ensuite l’importance juridique des résolutions de l’OEA.
g) Elle sera suivie par M. le professeur Payam Akhavan, qui se penchera sur les autres obligations
du Chili.
h) Enfin, M. le professeur Mathias Forteau examinera le caractère continu de l’obligation de
négocier et conclura le premier tour de plaidoiries de la Bolivie.
31. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie. Ainsi
s’achève mon exposé. Je vous saurais gré de bien vouloir appeler à présent à la barre M. le
professeur Akhavan.
Le PRESIDENT : Je remercie M. Rodríguez Veltzé et j’appelle maintenant à la barre le
professeur Akhavan. Vous avez la parole, Monsieur.
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M. AKHAVAN: Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un honneur
pour moi que d’introduire l’argumentation de la Bolivie.
PRÉSENTATION LIMINAIRE DE L’ARGUMENTATION DE LA BOLIVIE
I. Le différend dont la Cour est saisie
1. L’argumentation de la Bolivie est d’une simplicité remarquable. A partir de 1879, le
territoire de la Bolivie s’est trouvé enclavé du fait de l’invasion par le Chili de la côte pacifique
bolivienne. Pendant les 130 années qui ont suivi, le Chili a promis à maintes reprises de trouver une
solution afin de faire en sorte que la Bolivie puisse conserver d’une certain façon son accès
souverain à la mer. La Bolivie affirme que ces promesses ont donné naissance à une obligation de
négocier en vue de trouver une solution. Le Chili répond que ses promesses répétées sont
dépourvues de tout effet juridique, et qu’il lui est loisible de fermer la porte de manière unilatérale
à toute autre tentative de discussion. Voilà à quoi se résume le différend porté devant vous.
2. L’argument fondamental du Chili consiste à soutenir que «[l]e traité de paix de 1904 a
réglé l’ensemble des questions» qui opposaient les Parties. S’il reconnaît que, «[d]epuis 1904, il
s’est montré disposé à engager un dialogue avec la Bolivie pour … parvenir à une formule
satisfaisante permettant d’accorder à celle-ci un accès souverain à la mer», le Chili ajoute toutefois
que «l’expression d’une disposition … ne cré[e pas] d’obligation juridique de négocier»13. La
théorie du Chili appelle la question suivante : si le traité de 1904 avait réglé l’ensemble des
questions en litige une fois pour toutes, et s’il ne subsistait aucun différend, pourquoi les Parties
ont-elles continué à négocier un accès souverain pendant plus d’un siècle ?
3. Nul ne conteste le caractère intangible des traités de délimitation. C’est précisément la
raison pour laquelle le comportement du Chili après 1904 revêt tant d’importance. Les Etats ont des
myriades d’échanges diplomatiques sur d’innombrables questions. Evidemment, ces échanges ne
donnent pas tous naissance à des obligations précises. Cela étant, il n’est guère courant qu’un Etat
exprime sa volonté de sortir un Etat voisin de son enclavement. Il s’agit là d’une déclaration
exceptionnelle qui tire à conséquence. Pourtant, le Chili voudrait faire conclure à la Cour que son
intention était de formuler des promesses en l’air.
13 Duplique de la République du Chili (ci-après, «DC»), par. 1.3.
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4. Il est certes arrivé parfois que le Chili souffle le chaud et le froid, qu’il accepte de rétablir
l’accès souverain de la Bolivie, puis fasse échouer les négociations. Mais il est resté formel et
constant dans ses promesses. Nées dans le creuset d’une injustice historique, ces promesses étaient
solennelles et contraignantes, et étaient indispensables à des relations pacifiques.
II. Le contexte historique de la promesse du Chili (1879-1904)
5. «N’oublions pas que … nous ne saurions asphyxier la Bolivie». Tels sont les termes
utilisés par M. Domingo Santa Maria, ministre des affaires étrangères et futur président du Chili. Ils
furent prononcés le 26 novembre 1879, en pleine guerre du Pacifique. L’invasion par le Chili du
Departamento del Litoral –– le département du littoral –– avait privé la Bolivie de son accès à la
mer. Il s’agissait d’une guerre d’agression injuste dont le nerf était la convoitise des richesses de
l’Atacama, terre ancestrale du peuple Aymara. Cette guerre eut des conséquences désastreuses pour
la Bolivie.
6. Le croquis figurant sous l’onglet no 1 de votre dossier illustre la longue côte d’environ
400 kilomètres qui appartenait jadis à la Bolivie. Bien que le Chili fût le vainqueur de cette guerre,
son ministre des affaires étrangères reconnut, déjà à l’époque, que la Bolivie
«se trouv[ant] privée d’Antofagasta et de tout le territoire côtier qu’elle possédait
auparavant …, [le Chili] dev[ait], d’une manière ou d’une autre, lui fournir son propre
port, une porte d’entrée lui permettant d’accéder à son territoire en toute sécurité, sans
demander la permission à quiconque. [Il] ne saur[ait] anéantir la Bolivie.»14
C’est ainsi qu’une entente historique vit le jour. La côte bolivienne conquise devait passer au Chili,
mais la Bolivie devait conserver un débouché maritime au nord.
7. En 1881, le Chili avait envahi la côte péruvienne et occupait Lima. Le 20 octobre 1883, il
conclut le traité d’Ancón, par lequel le Pérou lui céda sa province la plus méridionale de Tarapacá.
Plus au nord, toutefois, la souveraineté sur Tacna et Arica devait être déterminée par plébiscite.
Dans les années qui suivirent, la Bolivie et le Chili furent toujours d’accord sur le fait que l’accès
souverain de la Bolivie devait passer par ces territoires.
8. Le 4 avril 1884, la Bolivie conclut une convention d’armistice avec le Chili. Elle le fit
sous réserve d’une «condition non négociable»15, à savoir qu’elle recouvre son accès à la mer. A
14 Voir MB, annexe 34.
15 MB, annexe 17.
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cette fin, le 18 mai 1895, les Parties conclurent un traité de paix et un accord de cession territoriale
accordant à la Bolivie un accès souverain au Pacifique16. Pour ne pas rompre la continuité
territoriale du Chili, le couloir de la Bolivie devait être situé à la frontière septentrionale du Chili et
du Pérou, qui n’avait pas encore été définie. Cette solution était subordonnée à l’issue du plébiscite
concernant Tacna et Arica.
9. Le Chili signa et publia les traités de 1895 dans son Journal Officiel ainsi que dans le
recueil des documents officiels du ministère des affaires étrangères17. Il fut renoncé à mettre ces
instruments en vigueur au dernier moment. Dans les années qui suivirent, toutefois, la formule de
1895 refit son apparition.
III. La promesse du Chili à la Bolivie (1904-1929)
10. Le 20 octobre 1904, face à un ultimatum, la Bolivie conclut le traité de paix en vertu
duquel le Chili gagna le département du littoral. La Bolivie s’y voyait accorder un droit de transit
commercial jusqu’à la mer. Le Chili prétend aujourd’hui que ce traité a eu pour effet de régler la
question de l’accès souverain. Mais un droit de transit commercial n’est pas un droit d’accès
souverain.
11. Dans son arrêt sur l’exception préliminaire soulevée par le Chili, la Cour a rejeté
l’argument de celui-ci. Elle a jugé que l’instrument de 1904 «ne trait[ait] ni expressément ni
implicitement de la question» de l’accès souverain18 et que, à la date de l’adoption du pacte de
Bogotá en 1948, les questions en litige n’avait pas été «réglées au moyen d’une entente», pas plus
qu’elles n’étaient «régies par des accords ou traités en vigueur»19.
12. Pendant les vingt-cinq années qui suivirent la conclusion du traité de 1904, le statut de
Tacna et d’Arica continua de diviser le Chili et le Pérou. Le croquis versé sous l’onglet no 2 de
votre dossier montre ces territoires. Entre 1904 et 1929, le Chili réassura maintes fois à la Bolivie
que son accès souverain passerait par ces territoires, au niveau de la frontière septentrionale non
16 MB, par. 72.
17 MB, par. 88.
18 Obligation de négocier un accès à l'océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt,
C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 609, par. 50.
19 Ibid.
25
- 15 -
définie entre le Pérou et lui. Dès le 14 août 1910, le Chili expliqua à la Bolivie «qu’au vu des
dispositions prises avec le Pérou concernant Tacna et Arica, il n’était pas en mesure de discuter de
la cession d’Arica avec [elle]»20. Une dizaine d’années plus tard, dans l’acte du 10 janvier 192021, il
déclara qu’il
«entend[ait] veiller à ce que [la Bolivie] dispose d’un accès à la mer, en cédant une
partie importante de la zone située au nord d’Arica … devant faire l’objet du plébiscite
visé par le traité d’Ancón».
13. Il s’agissait manifestement d’un accord en vue de négocier un accès souverain qui
reprenait la formule de 1895, indépendamment du traité de 1904.
14. L’engagement du Chili était un quid pro quo. La duplique de celui-ci indique que, «en
1921, la Bolivie a voulu porter devant la Société des Nations une demande en revision ou en nullité
du traité de paix de 1904»22. La raison en était que la Bolivie exigeait d’obtenir son propre
débouché sur la mer. Le fait que, la même année, le 28 septembre 1921, le Chili ait répondu devant
la Société des Nations Unies que «la Bolivie [pouvait] chercher à obtenir satisfaction par des
négociations directes» n’était pas une coïncidence23. De même, le 27 février 1923, le président
chilien, M. Arturo Alessandri, assura de manière catégorique à la Bolivie «que le Chili sera[it]
toujours disposé à entamer de nouvelles négociations en vue d[e l’]aider … à obtenir un accès à la
mer par son propre port»24.
15. Le Chili assura à maintes reprises à la Bolivie qu’il était inutile de dénoncer le traité
de 1904 car elle disposerait de son propre port sur le Pacifique. De fait, afin de parvenir à cette
solution, il convainquit même la Bolivie de convenir, dans l’acte de 1920, d’«exercer son influence
diplomatique en faveur du Chili et [de] coopérer efficacement pour assurer à celui-ci une issue
favorable dans le cadre du plébiscite concernant Tacna et Arica». Ainsi, se fiant à la promesse du
Chili, la Bolivie, au lieu de dénoncer le traité de 1904, soutint son voisin aux fins de ce plébiscite,
en escomptant un accès souverain à la mer.
20 DC, par. 4.10.
21 Contre-mémoire de la République du Chili (ci-après, «CMC»), annexe 118.
22 DC, par. 4.13.
23 CMC, annexe 120.
24 MB, annexe 51.
26
- 16 -
16. Le 4 décembre 1926, en réponse à une proposition du secrétaire d’Etat américain
M. Frank Kellogg, le ministre chilien des affaires étrangères, M. Jorge Matte, déclara une nouvelle
fois dans un mémorandum que, dès que la question du statut de Tacna et d’Arica aurait été
tranchée, «le Gouvernement chilien honorera[it] ses déclarations de manière à prendre en
considération les aspirations de la Bolivie»25. Transmis à la Bolivie le lendemain, le mémorandum
Matte fut immédiatement accepté par une note diplomatique en retour26.
17. Telle était la situation lorsque, le 3 juin 1929, le Chili et le Pérou conclurent le traité de
Lima. Ces deux Etats décidèrent de ne pas organiser de plébiscite mais de se partager Tacna et
Arica. Le Chili était alors en position de régler la question de l’accès souverain de la Bolivie. Mais
au lieu de cela, il conclut un protocole additionnel secret subordonnant la cession d’Arica au
consentement du Pérou. Dès qu’elle l’apprit, la Bolivie fit clairement savoir qu’elle «n’a[vait] à
aucun moment renoncé à son droit de voir sa souveraineté maritime rétablie»27.
18. Il était reconnu dans le protocole de 1929 que la question de l’accès souverain de la
Bolivie demeurait non résolue. Dans la lettre qu’il a adressée le 26 juillet 2016 à la Cour, le Pérou a
confirmé que les négociations menées au cours du processus de Charaña entre 1975 et 1978 —
quelque 50 ans après la conclusion du protocole de 1929 — l’avaient été avec «la ferme intention
de trouver une solution à la situation d’enclavement de la Bolivie», conformément à «l’accord
énoncé à l’article premier du protocole additionnel au traité de 1929»28.
IV. Maintien de la promesse du Chili à la Bolivie (1929-2011)
19. Après la guerre du Chaco dans les années 1930, le président du Chili, M. González
Videla, continua de reconnaître que l’accès souverain de la Bolivie était une question de
«réparation historique»29. Le 1er juin 1950, dans une note diplomatique adressée au ministre chilien
des affaires étrangères, M. Walker Larraín, l’ambassadeur de la Bolivie auprès du Chili, M. Ostria
Gutiérrez, fit valoir ce qui suit : «La République du Chili a accepté à plusieurs reprises, notamment
25 MB, annexe 22.
26 MB, annexe 53.
27 MB, annexe 23.
28 RB, annexe 370.
29 MB, annexe 64. Voir aussi annexe 127.
27
- 17 -
dans le traité du 18 mai 1895 et dans l[’acte] («Acta protocolizada») du 10 janvier 1920, … conclus
avec la Bolivie, d’octroyer à mon pays son propre accès à l’océan Pacifique.»30
20. La Bolivie proposa que les Parties «entament officiellement des négociations directes en
vue de satisfaire à ce besoin fondamental que représent[ait] pour [elle] un accès souverain à l’océan
Pacifique». Par note diplomatique datée du 20 juin 1950, le Chili répondit qu’il était «disposé à
entamer formellement des négociations directes en vue de trouver la formule qui permettrait à la
Bolivie de se voir accorder [son propre] accès souverain à l’océan Pacifique»31. Cet échange de
notes constituait un accord contraignant. Le Chili n’objecta même pas à l’invocation par la Bolivie
du traité de 1895 et de l’acte de 1920 comme précédents. Au contraire, il confirma que la recherche
d’une solution au problème de l’enclavement de la Bolivie faisait partie de sa «politique
habituelle», comme en témoignaient les «antécédents diplomatiques»32.
21. Le 10 juillet 1961, l’ambassadeur du Chili auprès de la Bolivie, M. Manuel Trucco,
présenta un mémorandum au ministre bolivien des affaires étrangères, M. Arze Quiroga. Ce
document confirmait que la note diplomatique de 1950 «témoign[ait] clairement» de l’accord du
Chili en vue d’«entamer officiellement des négociations directes pour satisfaire au besoin essentiel
de la Bolivie d’obtenir son propre accès souverain à l’océan Pacifique»33. En 1963, le ministre
bolivien des affaires étrangères, M. Fellman Velarde, rappela au Chili que, «[s]elon les règles du
droit international, l’échange de lettres des 1er et 20 juin 1950 constitu[ait] un accord formel entre
la Bolivie et le Chili.»34
22. Le 8 février 1975, le président bolivien, M. Hugo Banzer, et son homologue chilien,
M. Augusto Pinochet, adoptèrent une déclaration commune à Charaña, ville frontalière, dans
laquelle ils convenaient de «rechercher des formules aptes à résoudre…la situation d’enclavement
[de] la Bolivie»35. La déclaration fut publiée dans le recueil des traités du ministère chilien des
affaires étrangères. Peu après, le 6 août 1975, l’OEA déclara, à l’unanimité, que «l’enclavement de
30 MB, annexe 109A.
31 MB, annexe 109B.
32 MB, annexe 66.
33 MB, annexe 24.
34 MB, par. 138.
35 CMC, annexe 174.
28
- 18 -
la Bolivie [était] un problème pour tout le continent», et qu’une solution devait être trouvée36. Le
Chili approuva la déclaration de l’OEA et réitéra l’engagement qu’il avait pris dans la déclaration
de Charaña.
23. Dans une note diplomatique en date du 19 décembre 1975, le Chili proposa de nouveau
la formule envisagée en 1895. Il affirma être «disposé à négocier avec la Bolivie au sujet de la
cession d’une bande de territoire au nord d’Arica». Le croquis sous l’onglet no 3 de votre dossier
représente cet étroit couloir, au niveau de la frontière septentrionale du Chili avec le Pérou. Il aurait
permis à la Bolivie de disposer d’un littoral de tout juste 8 kilomètres. Le croquis que vous
trouverez sous l’onglet no 4 illustre la disparité entre ce couloir et l’immense côte chilienne de plus
de 4300 kilomètres. Cet étroit couloir était négligeable pour le Chili — il ne représentait que 0,2 %
de sa côte —, mais vital pour la Bolivie.
24. La proposition du Chili prévoyait une mer territoriale pour la Bolivie37. Le 27 novembre
1984, lorsqu’elle signa la convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, la Bolivie
déclara expressément qu’il y avait lieu de
«noter qu[’elle était] un pays privé de souveraineté maritime à la suite d’un conflit
guerrier et non du fait de sa configuration géographique naturelle et qu’elle fera[it]
valoir tous les droits que conf[érait] la Convention aux Etats côtiers quand elle
redeviendra[it] juridiquement un Etat côtier au terme des négociations destinées à lui
permettre de disposer à nouveau souverainement d’un débouché adéquat sur l’océan
Pacifique».
25. Le Chili n’éleva pas d’objection à la déclaration bolivienne. Au contraire, son ministre
des affaires étrangères déclara à l’époque devant l’OEA que l’«accès souverain [de la Bolivie] à
l’océan Pacifique par le territoire chilien [était] une question devant être réglée directement entre
les deux Etats»38.
26. Le processus de Charaña mené dans les années 1970 fut suivi par la «nouvelle approche»
dans les années 1980. Le problème ne fut pas résolu pour autant. Dans les années 1990, une fois la
démocratie rétablie au Chili, la Bolivie continua de soulever la question maritime devant
l’Organisation des Nations Unies et l’OEA. Le mécanisme de consultation politique Bolivie-Chili
36 MB, annexe 190.
37 MB, p. 83, fig. VIII.
38 MB, annexe 205.
29
- 19 -
fut créé en 1995, un siècle après la conclusion du traité de 1895. Ses travaux débouchèrent sur le
communiqué commun d’Algarve de 2000, à la suite duquel le Chili accepta une fois de plus de
négocier au sujet de «la question maritime».
27. Lors d’une conférence de presse tenue le 16 avril 2006, M. Alejandro Foxley, ministre
chilien des affaires étrangères, confirma que la question de l’«accès souverain à la mer» avait été
inscrite à l’ordre du jour en 13 points convenu entre les Parties, ajoutant ceci : «le Chili y est tout à
fait disposé et, si j’en juge par les propos du président Morales, cet état d’esprit est partagé»39. Le
21 avril 2006, au cours d’une autre conférence de presse, le président Morales exprima sa gratitude
pour cette «importante initiative»40. Il était accompagné de M. José Miguel Insulza, secrétaire
général de l’OEA, qui avait été ministre chilien des affaires étrangères dans les années 1990. Ce
dernier releva «la validité et la force» des résolutions de l’OEA et souligna que le «rétabli[ssement
de] l’accès à la mer» concernait le «continent ... tout entier»41.
28. Le 14 juillet 2010, les Parties réaffirmèrent leur engagement à «parvenir à des solutions
concrètes, réalisables et utiles» pour régler la «question maritime»42. Mais rien ne changea.
Le 7 juin 2011, M. David Choquehuanca, ministre bolivien des affaires étrangères, s’adressa à
l’OEA en appelant à ce que fussent engagées «immédiatement [des] négociation[s] bilatéral[es] et
formel[les]» sur la base de propositions écrites43. Cependant, au moment même où des avancées
auraient enfin pu être réalisées, le Chili refusa toute nouvelle discussion.
29. Le ministre chilien des affaires étrangères déclara devant l’OEA qu’il «n’[était] pas en
mesure d’accorder à la Bolivie un accès souverain à l’océan Pacifique»44. Le 22 septembre 2011, le
président Sebastián Piñera affirma en outre devant l’Assemblée générale des Nations Unies que le
«Chili n’a[vait] avec la Bolivie aucun différend frontalier pendant[,] tous les différends de cette
nature [ayant] été clairement réglés par le [traité de 1904]»45.
39 MB, annexe 132.
40 MB, annexe 133.
41 MB, annexe 134.
42 MB, annexe 135.
43 MB, annexe 231.
44 MB, annexe 232.
45 MB, annexe 164.
30
- 20 -
V. L’obligation incombant au Chili de négocier un accès souverain à la mer
30. Le refus, par le Chili, de toute nouvelle discussion n’a laissé à la Bolivie d’autre choix
que de se présenter devant la Cour. Le caractère modeste de la demande bolivienne est
remarquable. Tout ce que la Bolivie réclame, c’est que le Chili revienne à la table des négociations.
L’intransigeance dont celui-ci fait preuve est difficile à comprendre. Au lieu de se livrer bataille en
justice au cours des cinq dernières années, les Parties auraient pu négocier et se rapprocher d’une
solution équitable.
31. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le fait que nombre d’échanges
soient intervenus de 1879 à 2011 n’est pas contesté. La seule question dont vous êtes saisis est de
savoir si ces échanges font naître une obligation. Le Chili voudrait vous voir conclure qu’il n’y a
pas de continuité historique, qu’il s’agissait d’épisodes isolés, sans rapport les uns avec les autres.
Il voudrait vous voir conclure que les accords, les déclarations, les prises de position, la
reconnaissance et le comportement répétés –– que tous ces éléments, qu’ils soient considérés
isolément ou conjointement, sont dépourvus de tout effet juridique. Il ne saurait en être ainsi.
32. Que ce soit par la voie d’accords exprès, de déclarations unilatérales, d’accords tacites,
d’un acquiescement ou de l’estoppel, le Chili a une obligation contraignante de négocier en vue de
mettre un terme à l’enclavement de la Bolivie. L’argumentation de celle-ci n’est pas fondée sur
quelque interprétation originale du droit international ou théorie avant-gardiste. L’obligation de
négocier de bonne foi est au coeur même de la notion de droit international. Les promesses répétées
du Chili de tenter de trouver une solution ne sauraient être réduites à une simple lubie diplomatique
pouvant être balayée à discrétion.
33. Cette attitude d’esquive me rappelle les paroles du grand poète Kahlil Gibran :
«Vous vous complaisez à édicter des lois, mais vous prenez plus de plaisir
encore à les enfreindre. Vous êtes comme ces enfants qui, au bord de l’océan,
s’appliquent à bâtir des châteaux de sable pour ensuite mieux les détruire en riant.»
34. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, la présente affaire n’est pas
un exercice théorique ; il ne s’agit pas d’une simple posture politique. Le peuple bolivien a subi et
continue de subir un préjudice bien réel. Le Chili ne saurait mettre sous le boisseau le présent
différend, qui demeurera une source permanente de conflits tant qu’il n’aura pas été réglé. La
Bolivie ne renoncera jamais à son rêve de recouvrer un accès à la mer, pas plus qu’à sa quête de
31
- 21 -
justice. Le Chili devrait s’inspirer des sages propos tenus par son ministre des affaires étrangères en
1879, à savoir qu’il doit fournir à la Bolivie «une porte d’entrée lui permettant d’accéder à son
territoire ... sans demander la permission à quiconque». Mais là où il devrait y avoir une porte se
dresse aujourd’hui un mur.
35. En confirmant l’obligation de négocier un accès souverain à l’océan Pacifique, la Cour
aidera les Parties à abattre ce mur et à marcher de conserve sur la voie de la réconciliation.
36. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achève ma
présentation de l’argumentation bolivienne. Je vous prie à présent de bien vouloir donner la parole
à Mme Chemillier-Gendreau.
The PRESIDENT: Merci. I now give the floor to Professor Chemillier-Gendreau. You have
the floor, Madam.
Ms CHEMILLIER-GENDREAU:
THE POINTS OF AGREEMENT LONG RECOGNIZED BY THE PARTIES
1. Mr. President, Members of the Court, it is an honour for me to appear before you again
today and to take the floor on behalf of Bolivia. Professor Akhavan has just outlined this dispute in
broad strokes. It falls to me to place it in its context. This context, supported by irrefutable
documentary references, reveals a case far removed from the reductionist version put forward by
Chile.
2. The Respondent’s position can be summed up in a few words: nothing has happened. As
far as Chile is concerned, nothing has happened to warrant the seisin of this Court. If one were to
read only Chile’s written pleadings, the case file appears empty46. There was simply a war, like so
many others; the invasion of one country by another, with which history is replete; a treaty drawn
up on the conqueror’s terms, but was that not the law of the time? A State’s territory was modified,
but in those days that was the very logic of war. And on a great many occasions since then, there
have been polite statements, in no way binding on their authors. And if promises were made, they
46 See the Rejoinder of Chile (hereinafter “RC”), Vol. 1, para. 1.3.
32
- 22 -
carried no more weight than everyday conversations. Nothing has happened which could call into
question the legal order.
3. However, this is simply a rewriting of events in an attempt to conceal reality. It is not true
to say that nothing has happened, or that everything which has taken place was without legal
impact. On the one hand, we have a bloody war waged with explicit predatory intentions. This had
particularly grave consequences for the defeated party. On the other, we have a relationship forged
through more than a century of diplomatic exchanges, following the conclusion of the military
conflict. A detailed examination of these exchanges suggests that, at the end of the hostilities, both
States were in agreement on a number of points. These points, the realization of which was
indispensable to true peace, were the subject of an agreement between them. They have continued
to punctuate the shared history of these two countries, and their unilateral revocation by one of
them today cannot remain without legal consequence. Indeed, international law opens up channels
allowing for the flagrant injustice at the heart of this case to be rectified.
The war between Chile and Bolivia and its consequences
4. The first piece of context derives from the bloody history of relations between Chile and
Bolivia at the end of the 19th century, a history mentioned by the previous speakers.
5. This history began with the growing importance of nitrates in the global market, which led
Chilean adventurers to try their hand as colonizers along the nitrate-rich Bolivian coast. The
Chilean Government supported them and, by a law of 1842, declared those riches to be the national
property of Chile, even though they were situated on Bolivian territory. Bolivia’s protests had no
effect47. This marked the start of uncontrolled immigration, which would end in military
occupation.
6. The first boundary treaty between the two countries dates from 10 August 1866 and fixed
the border between them at parallel 24"48. However, Chile’s appetite for coastal riches was
growing, which explains the clause contained in that treaty stating that the two countries would
47 Memorial of Bolivia (hereinafter “MB”), Ann. 6, Chilean Law of 31 October 1842.
48 MB, Ann. 95, Treaty of Territorial Limits between Chile and Bolivia, 10 August 1866.
33
- 23 -
share the profits from the extraction of the existing riches on either side of that line, between
parallel 23" to the north and parallel 25" to the south49.
7. The quarrel grew more acrimonious in the years that followed with regard to export taxes.
Then, in February 1879, Chile invaded the Bolivian port of Antofagasta, before seizing the other
ports along the Bolivian coast and the two small towns of Calama and San Pedro de Atacama. The
mining centre of Caracoles subsequently fell. Bolivia had unwillingly entered into a war for which
it was particularly ill-prepared, the 1877 earthquake having devastated the region. The heroic
defence of Calama kept victory at bay. Peru was dragged into the war. The defeat of the two States
was inevitable: Chile was militarily prepared for this mission, while its adversaries had been taken
by surprise50. When the hostilities ended, Bolivia had lost its entire coast. The 400 km of
Pacific Coast occupied by Chile would prove to be even more bountiful than expected, and would
contribute considerably to that country’s economic development.
8. The wound inflicted on the Bolivian population could not be healed. It would recover
from the trauma of war, as all populations do with time. It would not get over the loss of its entire
coastline.
9. In an attempt to clarify for the Court the context of the case on which it is to rule, I shall
make just a few brief comments on this first point:
 When a State not previously landlocked becomes so, it joins a group of some of the poorest
countries in the world. When this happens as a result of the loss of its entire coastline through
foreign invasion, it is inevitably felt to be an intolerable injustice.
 More importantly, however, to be landlocked in Bolivia’s specific geographical situation is to
face particularly disastrous economic conditions. Indeed, western Bolivia is too far from the
Atlantic Ocean for the country to have its maritime access on that side. What is more, the bulk
of the country and its cities are located on the Andean Altiplano, the natural outlet of which is
to the Pacific. Disadvantaged in this way, Bolivia bears external trade costs which weigh
heavily on its development. As the Agent of Bolivia explained to you a few moments ago, the
régime of free transit granted to Bolivia has never been the perfect system Chile describes.
49 Ibid., Art. II.
50 On these events, see MB, Vol. I, paras. 53-59.
34
- 24 -
However, that régime derives from the provisions of the 1904 Treaty, which is not at issue in
these proceedings.
The agreement of the two States to build peace on two pillars
10. If it were simply a question of the historical events I have just briefly recalled, it would
only remain for the witnesses to this history to advise Bolivia to try to survive in these
unfavourable circumstances. However, the situation has been radically altered in law by Chile’s
continuous conduct. This conduct enabled the two States to note the existence of a pending issue
between them that had not been settled by the 1904 Peace Treaty. Thus, Chile and Bolivia have
consistently demonstrated agreement on, one, the need to settle this issue by granting Bolivia a
sovereign access to the ocean, and, two, the conditions under which this access should be granted.
This agreement between the Parties has modified, from a legal point of view, the factual situation
created by the balance of power. This is the second piece of context that will be examined here, and
it is what justifies the proceedings initiated before this Court by Bolivia.
11. Despite Chile’s voracious appetite towards its Bolivian neighbour, there were
nonetheless a great many Chilean leaders who realized that they could not profit from the victory
indefinitely. A few months after the start of the invasion of Bolivia’s coastline, Domingo Santa
Maria clearly stated with regard to Bolivia that: “we must somehow provide it with its own port”.
12. This statement, on which Chile’s policy was founded for 130 years, clearly conveyed
Chile’s belief that peace with Bolivia had to be built on two pillars: the first pillar was the taking of
territories, which had been the aim of the war. The Bolivian coast was to become Chilean
immediately and irreversibly.
13. The second pillar on which peace was to be built emerged at the end of the hostilities. On
2 July 1880, the Chilean President Annibal Pinto explained to the Governor of Tacna how peace
had to be built on a dual basis. Bolivia had to surrender its territories in the Antofagasta region up
to the Loa River, i.e. its entire coast, and in return, Chile would cede to Bolivia “the rights that the
arms have given us over the Departments of Tacna and Moquegua”51. In 1882, the Governor of
Tacna, the recipient of that letter, wrote in turn to the President of Chile, citing the “two essential
51 See the Reply of Bolivia (hereinafter “RB”), Ann. 365, J. M. Concha, Chilean Initiatives Towards a Strategic
Alliance with Bolivia (1879-1899), 2011, pp. 68-70 (extract) (English translation of the Spanish original).
35
- 25 -
points” of the peace treaty envisaged at that time52. These were the two pillars to which I refer: “the
incorporation into Chile of all the former Bolivian littoral” and “the amendment of boundaries
north of Camarones for Bolivia to have an outlet to the Pacific and be located between Chile and
Peru”. This twofold objective would remain a constant part of Chile’s policy until recent years,
which saw an abrupt volte-face.
14. The second pillar on which peace would be based would quickly emerge. The plan for
this second pillar was to enter into negotiations with Bolivia to settle the pending issue relating to
an access of its own to the sea. However, this was supposed to be done with a view to achieving a
territorial transfer “independently of the 1904 Treaty”, a phrase which will need to be clarified. It is
this context, which has long been consistent, that I would like to recall here. I would note that I am
not going to address the many bases for the obligation to negotiate incumbent on Chile. That will
be done by my colleagues later. I shall deal with the evidence that will enable the Court to find that
there has been constant agreement between the two States on the aspects I have just mentioned.
Recognition of a pending issue
15. The first step in constructing this pillar of peace was to record the existence of a pending
issue and to enter into negotiations to settle it. Thus, the objective was for Bolivia to acquire its
own sovereign outlet to the Pacific Ocean through the territories taken from Peru, which now
formed part of northern Chile. Every stage of the negotiations, which would continue for over a
century, would be directed towards achieving this objective.
16. The seminal event occurred at the conclusion of the Truce Pact which put an end to the
hostilities. This text confirmed Chile’s occupation of the Bolivian coast, but Chile’s own Minister
for Foreign Affairs stated at the time, before the National Congress of Chile in 1884, that allowing
Bolivia its own port was a non-negotiable condition of peace53. This proves, therefore, that once it
was a question of peace between them, both Parties endeavoured to build the two pillars of peace
alongside each other.
52 RB, Ann. 350, O. Pinochet de la Barra, Summary of the War of the Pacific — Gonzalo Bulnes, 2001, p. 222
(extract) (English translation of the Spanish original).
53 MB, Ann. 17, Bolivian Memorandum No. 38 of 22 June 1895.
36
- 26 -
17. The attempt continued with the negotiations of the 1895 Treaties, which were conducted
until ratification. The first of those treaties confirmed Chile’s possession of the highly coveted
Bolivian territories. However, the second — the Treaty on the Transfer of Territories — guaranteed
Bolivia the other component of peace — renewed access to the Pacific Ocean, even if this was not
at the same latitude as before. For reasons relating to Chile’s conduct, those treaties were deprived
of effect. Nonetheless, they are a clear indicator of the policy adopted by Chile to establish a lasting
peace with its neighbour, the two-pillar policy.
18. Following the failure of those treaties, Chile was anxious to have its conquest over
Bolivia’s coastal territory ratified. This came with the 1904 Peace Treaty. Article II, paragraph 1,
of that treaty reads like a lock placed on the occupied territories: “[b]y the present treaty the
territories occupied by Chile by virtue of Article 2 of the Truce Pact of 4 April 1884, are
recognized as belonging absolutely and in perpetuity to Chile”. The objective of what I call the first
pillar was thus achieved. Bolivia has since consistently sought to obtain what was supposed to form
the second pillar, which Chile had accepted in principle. And Chile would submit to negotiations
until its abrupt U-turn in 2011.
19. From simple declarations to more formal exchanges, one step followed yet another. On
22 April 1920, it was Bolivia that reminded Chile of its maritime aspirations by way of a
memorandum54. In 1913, the President of Bolivia, Ismael Montes, reiterated Bolivia’s right to have
a port of its own55. In 1917, it was Chile’s Minister for Foreign Affairs, Bello Codesido, who
considered that Bolivia’s claim was legitimate and just56. His statement carried all the more weight
since it was he who had signed the 1904 Peace Treaty on behalf of Chile.
20. On 10 January 1920, in what would become the 1920 Act, the two States envisaged
fulfilling Bolivia’s “aspiration” for its own outlet to the Pacific Ocean57.
21. In 1923, in a Note of 6 February, Chile’s Chancellor confirmed his country’s willingness
to enter into negotiations to achieve Bolivia’s “desire”58. On 2 March 1923, the President of Chile
54 MB, Ann. 18, Bolivian Memorandum of 22 April 1910.
55 MB, Ann. 41, Legation of Bolivia’s Note No. 136 of 25 April 1913.
56 MB, Ann. 184, Bello Codesido, E., Anotaciones Para La Historia De Las Negociaciones Diplomaticas Con El
Perú Y Bolivia 1900-1904, La Ilustración, Santiago de Chile, 1919, pp. 201 and 205.
57 MB, Ann. 101, Acta Protocolizada of 10 January 1920.
37
- 27 -
informed the Ambassador of Bolivia of his country’s willingness to enter into negotiations with the
aim of facilitating Bolivia’s access to the sea through its own port59.
22. As the Court can see, when Chile expresses its willingness to satisfy Bolivia’s maritime
“aspirations” or “desire”, there is not the slightest doubt as to the aspirations or desire in question.
The agreement between the two States is sometimes expressed through allusions, but these
allusions are clear to both Parties. We are looking here at the very essence of good faith between
negotiators.
23. In 1926, the negotiations took a broader form, with the intervention at that time of United
States Secretary of State, Frank Kellogg. He suggested solving the problem by ceding the provinces
of Tacna and Arica to Bolivia, should they become Chilean as a result of the planned plebiscite.
Although Chile’s Minister for Foreign Affairs was opposed to what in his view was too great a
territorial transfer, he nonetheless confirmed his country’s openness to achieving the second pillar
of peace. He observed that Chile “has not rejected the idea of granting a strip of territory and a port
to the Bolivian nation” and added that the Government of Chile “would honour its declarations in
regard to the consideration of Bolivian aspirations”60.
24. We are now in 1926, 22 years have passed since the first pillar of peace — serving the
interests of Chile to the detriment of Bolivia — was formalized. The second pillar of peace is
taking longer to build, but it is still relevant. Addressing a third State, Chile’s Chancellor pledged
the honour of his country. On 7 December 1926, Bolivia’s Minister for Foreign Affairs was quick
to declare that his Government would consider Chile’s proposal most positively61. Thus, through
these exchanges, the process of negotiations between the two countries was well under way.
25. In 1929, Chile and Peru, having abandoned the plebiscite originally planned to settle the
fate of Tacna and Arica, proceeded to divide the two territories between them, allowing them to
sign a peace treaty62. A secret protocol was annexed to this treaty. It provided that neither
Government could, without the agreement of the other Government, cede to any third party the
58 MB, Ann. 48, Chilean Minister for Foreign Affairs’ Note of 6 February 1923.
59 MB, Ann. 51, Minister Plenipotentiary of Bolivia’s Note No. 68 of 2 March 1923.
60 MB, Ann. 22, Chilean Memorandum of 4 December 1926.
61 MB, Ann. 53, Bolivian Minister for Foreign Affairs’ Note No. 1497 of 7 December 1926.
62 MB, Ann. 107, Supplementary Protocol to the Treaty of Lima, signed on 3 June 1929.
38
- 28 -
whole or a part of the territories which, in accordance with the treaty of the same date, came under
their respective sovereignties. This document confirmed that, for the States concerned, the ceding
to Bolivia (the only possible third party) of all or part of the territory which Chile had acquired
remained an outstanding issue. Moreover, this condition was activated in the Charaña negotiations,
as we can see from the letter sent by Peru to the Court on 26 July 2016, cited by
Professor Akhavan.
26. Chile’s reluctance to give substance to the progress made in 1926 and the dramatic years
which followed for Bolivia in the Chaco War explain why the subject did not resurface between the
two States until the 1940s. But the factors involved remained the same. Chile’s President
Gabriel González Videla, who, as was pointed out just a moment ago, had mentioned the idea of
“historical reparation” in an interview with Bolivia’s Ambassador to Chile63, told the magazine Vea
on 19 July 1950 that he had never rejected “discussing Bolivia’s aspiration for a port”64.
27. Against the background of the positions I have just described, the agreement resulting
from the 1950 Exchange of Notes is highly significant. It represents definite progress towards
consolidating the second pillar of peace between the two States. The initiative was taken by
Bolivia. In the Note of 1 June 1950, the Bolivian Ambassador to Chile recalled all the earlier stages
in the process. He proposed direct negotiations to resolve Bolivia’s landlocked situation65. In the
reply of 20 June from its Minister for Foreign Affairs, Chile states that it is willing to formally
enter into direct negotiations with Bolivia66. In choosing the adverb “formally”, the Chilean
Minister clearly indicates that this is a step that will have legal effects. At that point in their
relations, Bolivia and Chile were genuinely pursuing the achievement of the second pillar of peace.
28. The goal had yet to be reached, but the efforts to achieve it continued. This can be seen
from the Trucco Memorandum, addressed to Bolivia on 10 July 1961 by the Chilean Ambassador
in La Paz. It shows that Chile was still willing to examine directly with Bolivia its fundamental
63 MB, Ann. 64, Bolivian Ambassadors’ Note No. 1406/988 of 24 December 1949.
64 MB, Ann. 67, Bolivian Ambassador’s Note No. 668/444 of 19 July 1950.
65 MB, Ann. 109 A, Exchange of Notes of June 1950. Note No. 529/21 of 1 June 1950, addressed to the Chilean
Minister for Foreign Affairs by the Bolivian Ambassador to Chile.
66 MB, Ann. 109 B, Exchange of Notes of June 1950. Note No. 9 of 20 June 1950, addressed to the Bolivian
Ambassador to Chile by the Chilean Minister for Foreign Affairs.
39
- 29 -
national need to have its own sovereign access to the Pacific Ocean67. Each stage gave Bolivia
renewed hope and confirmed that the restoration of its status as a maritime State was indeed
something on which both States agreed.
29. In April 1971, the Bolivian and Chilean Ministers for Foreign Affairs proposed making a
joint declaration announcing negotiations to update the 1950 Exchange of Notes68. Four months
later, the Bolivian representative put forward a draft joint declaration. This provided that
diplomatic relations would be resumed and that the two Governments would continue the
negotiations that had led to the Notes exchanged in 1950, Notes which were then declared to be in
full force69. There could be no better confirmation that the second pillar was still an ongoing issue.
30. There then followed the Charaña negotiations, further proof that Bolivia’s return to the
Pacific coast was an ongoing concern. In a first declaration, the Declaration of Ayacucho of
9 December 1974, the two States expressed their common understanding of the landlocked
condition affecting Bolivia70. Shortly afterwards, in the Joint Declaration of Charaña of 8 February
1975, the two Heads of State undertook “to search for formulas to solve the vital issues that both
countries face, such as the landlocked situation that affects Bolivia71”. Specific proposals were to
follow.
31. Chile’s offer was worse than previous proposals. It now demanded territorial
compensation and the demilitarization of the zone to be granted to Bolivia. But the negotiations
allowed Bolivia to glimpse the end of its confinement. Yet again, the negotiations failed for reasons
which my colleagues will examine later in our oral presentation. But contrary to what Chile
maintains in its Rejoinder, that failure did not mean that the plan for a second pillar of peace
between the two States ceased to exist72.
67 MB, Ann. 24, Memorandum of 10 June 1961, addressed to the Bolivian Minister for Foreign Affairs by the
Chilean Ambassador to Bolivia.
68 RB, Ann. 297, Meeting held between the Foreign Ministers of Bolivia and Chile in San José, Costa Rica,
drafted by the Undersecretary of Foreign Affairs of Bolivia Fernando Laredo, 14 April 1971 (original in Spanish, English
translation).
69 RB, Ann. 298, Draft of the Joint Declaration submitted by the Consul General of Bolivia to Chile, Franz Rück
Uriburu, to the Minister for Foreign Affairs of Chile, 13 August 1971 (original in Spanish, English translation).
70 MB, Ann. 110, Declaration of Ayacucho, of the Presidents of Bolivia, Panama, Peru and Venezuela together
with the Representatives of Argentina, Chile, Colombia and Ecuador, 9 December 1974.
71 MB, Ann. 111, Joint Declaration of Charaña between Bolivia and Chile of 8 February 1975.
72 RC, Vol. 1, para. 6.61.
40
- 30 -
32. That plan was given a new lease of life by the General Assembly of the Organization of
American States in 1983, where it was declared of “hemispheric interest”. Resolution 686 was then
adopted by consensus. It urged Bolivia and Chile to find a formula giving Bolivia sovereign access
to the Pacific. But Chile rejected a multilateral framework, preferring a bilateral rapprochement.
However, the issue remained on the agenda of the Organization of American States until 2012 and
was only withdrawn after the present dispute was brought before the Court.
33. Bilateral negotiations resumed under the name “Enfoque Fresco” (“Fresh Approach”).
In 1987, Bolivia put forward two specific proposals. Chile initially requested further details of
these proposals, suggesting that it was considering them. But a press release of 9 June 1987
announced that the process was suddenly being broken off73.
34. However, this was not the final chapter. The second pillar of peace between the two
States was still an ongoing issue in 1993 when a Chile-Bolivia political consultation mechanism
was initiated. In 2000 and again in 2006 it was confirmed that the agenda would not exclude any
issue. Point 6 on this bilateral agenda confirmed that the maritime question was still up for
discussion. There was no possible confusion with the transit conditions imposed on Bolivia, since
they were covered by a different item on the same agenda, point 3.
35. It was in this context that, in 2011, Chile finally shattered the hope that it had fuelled
among the Bolivian people for 130 years. It would terminate all discussion on the subject, leading
Bolivia to bring the present proceedings.
A common understanding of the terms of the negotiations
36. The second pillar on which the peace concluded between Chile and Bolivia was to be
based involved entering into negotiations, of which I have just recalled the principal steps. But it
soon became apparent that both States also shared a certain understanding of the terms of the
negotiations. First, it was clear that Bolivia’s aspirations, as taken into consideration by Chile, were
indeed to obtain sovereign territorial access. Second, both Parties promptly acknowledged that any
solution granting Bolivia a sovereign outlet to the Pacific Ocean had to be accomplished
“independently of the 1904 Treaty”.
73 MB, Ann. 149, press release of 9 June 1987 published by the Chilean Ministry of Foreign Affairs.
41
- 31 -
37. As regards the sovereign aspect of Bolivia’s aspirations, at no point in this long history
did Chile’s offers ever concern anything other than a portion of territory over which Bolivia would
exercise its sovereignty. In the various episodes I have mentioned, in 1919, 1920, 1950 and 1961,
and then in 1975, 1976 and 1977, it was indeed Bolivia gaining its own access to the sea that was at
issue. These same terms are repeated in resolution 686 of the Organization of American States. It is
well established that, in the understanding of both States, the purpose of the negotiations is to put
an end to Bolivia’s landlocked situation by providing Bolivia with unconditional access to the sea.
38. But this clearly defined objective must be reached “independently of the 1904 Treaty”.
This phrase is sufficiently enigmatic to warrant me taking up some of the Court’s time to examine
how it came to be.
39. Article II, paragraph 1, of the 1904 Treaty enshrines Chile’s appropriation of the
Bolivian coastline and declares it “absolut[e] and in perpetuo”. In itself, this is not incompatible
with Bolivia being granted access to the Pacific Ocean further north in the territories conquered
from Peru. Article II goes on to establish the entire length of the boundary separating Bolivia and
current-day Chile. Given that, in 1904, the territories of Tacna and Arica had not yet been allocated
between Chile and Peru, this boundary marks the limit between Bolivia and the now-Peruvian
province of Tacna. Consequently, any solution granting Bolivia sovereign access to the Pacific
Ocean will require this boundary to be adjusted.
40. This was the situation created by the text. From the time the Bolivian coastline was
occupied, Chile’s intentions were clear: “We will not surrender an inch of territory on the coast to
Bolivia”, it stated. Bolivia was defeated. The balance created by the two treaties in 1895 existed
only in the Chilean authorities’ unfulfilled words.
41. When the Treaty of Versailles created the League of Nations in 1919, it gave Bolivia
hope that it could challenge the treaty which it had concluded in conditions of extreme weakness.
But the merits of the issue were not considered. Chile’s consent would be necessary to ensure the
second component of the balance between the two countries. In 1919, the phrase in question, which
would later become ritual, appeared in a Chilean memorandum, which concerned laying the
foundations for the countries’ relationship on solid bases. To that end, Chile agreed to enter into
42
- 32 -
negotiations to satisfy Bolivia’s wishes “independently of the stipulations of the 1904 Treaty of
Peace”74.
42. In the years that followed, Bolivia kept its hopes of one day being granted an outlet to the
ocean on its former coastline. There was an exchange of correspondence on this subject in 1923
between the Envoy of Bolivia in Chile and the Chilean Minister for Foreign Affairs75. The latter set
out what was to be the position of Chile from then — this was in 1923 — until the U-turn of 2011.
He first recalled the intangible nature of treaties and the fact that his Government was not open to
any revision of the 1904 Treaty. He then explained how it was possible for Bolivia to have
sovereign access to the Pacific Ocean independently of the 1904 Treaty. In Chile’s view, the
revision of the 1904 Treaty was not a necessary legal condition for realizing Bolivia’s aspiration
for sovereign access to the sea. The Chilean Minister asserted: “that Treaty does not contain any
other territorial stipulation than the one declaring Chile’s absolute and perpetual dominion of the
area of the former Littoral included in the Atacama Desert, which had been the subject of a long
dispute between the two countries”. The Minister confirmed that Chile would never recognize the
obligation to give Bolivia a port in that area because it was definitively and unconditionally ceded
in 1904 and because such recognition would interrupt the continuity of Chile’s own territory.
43. As the Court can see, from then on, the phrase “independently of the 1904 Treaty”,
which has since been repeated ad nauseum, was clear for both countries. Bolivia understood the
message. Sovereign access to the sea — which, in its view, was vital — would not be provided on
its former coast, but further north. The intangibility of the 1904 Treaty concerned the territorial
stipulation in Article II, paragraph 1. Article II indeed went on to establish the boundary between
the two countries. It also included the portion of the territories conquered from Peru whose fate had
yet to be determined. Once this uncertainty had been removed, that portion of now-Chilean
territory was where Bolivia could be granted sovereign access to the sea.
44. This interpretation, accepted by Bolivia, was to be confirmed in subsequent stages of the
negotiations, including the Exchange of Notes leading to the 1950 Agreement, the 1961 Trucco
74 MB, Ann. 19, Chilean Memorandum of 9 September 1919.
75 Counter-Memorial of the Republic of Chile (“CMC”), Annex 126, Note from the Minister for Foreign Affairs
of Chile to the Special Envoy and Minister Plenipotentiary of Bolivia in Chile, 22 February 1923 (English translation of
the Spanish original).
43
- 33 -
Memorandum and the Charaña negotiations in 1975. The situation was then perfectly clear, since
Chile’s territorial offer was situated north of Arica.
45. Each time the two countries came close to a solution, it went without saying for them that
compliance with the 1904 Treaty was not an obstacle to the negotiations’ success. Chile agreed as
much in the 1919 Memorandum. With regard to the most successful negotiations, those in Charaña,
our honourable colleagues — Chilean commentators on the negotiations — further clarified the
matter:
“In the view of the Chilean Government, the negotiations with Bolivia must
lead to an agreement which is independent of any other previous conventional
practices between the two countries. This means that the 1904 Peace Treaty, which
consolidated territorial arrangements between the two countries, is in no way
interpreted, amended or revised by the new agreement which is the subject of the
negotiations. Seen from this perspective, Bolivia’s sovereign access to the sea would,
from a legal standpoint, be entirely independent of the historical claims relating to the
loss of the maritime coast, and the principle of pacta sunt servanda would thus be
upheld.”76
46. Mr. President, Members of the Court, it is precisely in this spirit that you noted, in
paragraph 50 of your Judgment of 24 September 2015 on the preliminary objection, that the
1904 Treaty was indeed independent of the obligation to negotiate which Bolivia is asking the
Court to recognize as being incumbent on Chile: “The provisions of the 1904 Peace Treaty set forth
at paragraph 40 do not expressly or impliedly address the question of Chile’s alleged obligation to
negotiate Bolivia’s sovereign access to the Pacific Ocean”77.
47. In 2011, Chile closed the door on any negotiations. Until that date, Chile itself had
explained how a solution to Bolivia’s landlocked situation could and should be sought
“independently of the 1904 Treaty”. Now it states that its attitude is one of dialogue and
co-operation on this subject “within the framework of the 1904 Peace Treaty”78. As the Court can
see, Chile is clearly contradicting itself. The assertion that Bolivia’s aspiration would be realized,
independently of the 1904 Treaty, and the explanation given by the Minister of Chile in this regard
in 1923, are now being denied.
76 RB, Ann. 313, R. Diaz Albonico, M. T. Infante Caffi and F. Orrego Vicuña, Les négociations entre le Chili et
la Bolivie relatives à un accès souverain à la mer (1977). [Translation by the Registry]
77 Case concerning the Obligation to Negotiate Access to the Pacific Ocean (Bolivia v. Chile), Preliminary
Objection, Judgment, I.C.J. Reports 2015 (II), p. 609, para. 50.
78 CMC, Vol. 1, para. 1.26.
44
- 34 -
48. With this presentation, my intention has been to submit to the Court all the evidence
showing how, for over a century, the Parties had agreed on the existence of an issue pending
between them which required negotiation, and on the subject and terms of that negotiation. Bolivia
asks this distinguished Court to place on record this long-recognized agreement with Chile. This
would be consistent with your jurisprudence. In an effort to respect the will of sovereign States
when it is clearly expressed, the Court has always been mindful of where the parties’ views appear
to converge.
49. Various judgments attest to this. The most noteworthy is the Judgment of 11 September
1992 in the case concerning the Land, Island and Maritime Frontier Dispute
(El Salvador/Honduras: Nicaragua intervening), in which the Court placed on record the parties’
agreement and noted that the belated protests of Honduras could not reverse its tacit consent.
50. Bolivia and Chile’s agreement on the issue pending between them and on the need to
enter into negotiations to settle it, and their agreement to do so with the aim of giving Bolivia
sovereign access to the sea, independently of the 1904 Treaty, has on multiple occasions been
perfectly explicit. It falls to the Court to place this on record and to determine the legal
consequences.
51. Thank you for your attention. Mr. President, could you please now give the floor to
Professor Antonio Remiro Brotóns.
The PRESIDENT: Now is the appropriate time for a coffee break. The sitting is suspended
for 15 minutes.
The Court adjourned from 11.35 a.m. to 11.50 a.m.
The PRESIDENT: Please be seated. La séance reprend. Je donne la parole à M. Remiro
Brotóns. Vous avez la parole, Monsieur.
Mr. REMIRO BROTÓNS:
Mr. President, Members of the Court, it is once again a privilege for me to appear before you
in support of the just cause of the State and people of Bolivia.
45
- 35 -
THE LEGAL BASIS OF THE OBLIGATION TO NEGOTIATE
CHARACTERIZATION OF THE ACTS AND INSTRUMENTS RELATING TO
THE OBLIGATION TO NEGOTIATE
I. Intention, language, interpretation
1. Mr. President, Members of the Court, the establishment of the legal character of an
obligation is crucial if its fulfilment is to be demanded before the courts, once their jurisdiction
over a dispute has been established. Moral obligations, which have no legal effects, do not come
before the courts. It is therefore not surprising that Chile, having failed in its attempt to challenge
the Court’s jurisdiction, has deployed a second line of defence by denying the legal nature of the
agreements signed or promises given, in order to escape the obligation which Bolivia has invoked
before the Court.
2. Such a line of defence is, of course, completely outrageous where the agreement or
promise contains an express clause concerning its legal nature; it is also inadmissible in many other
situations in international law where, as a general rule, the nature of an obligation is not explicit
and the will or intention to undertake a legal obligation is apparent from the language used in the
text.
3. The central role played by language has led to the conduct of semantic and syntactic
analyses designed to graduate the intensity of an obligation using algorithms developed by
so-called intelligent machines. Perhaps this will lead us, in the future, to formulate a series of rules
which automatically identify the legal nature of a document? Who knows. For now, we put our
faith in the courts’ power of interpretation, though this should not be exercised arbitrarily.
4. We are all aware of the general rule  the “golden rule”  of interpretation laid down in
Article 31, paragraph 1 of the Vienna Convention on the Law of Treaties, which is now the
expression of a customary rule, as the Court has held on a number of occasions79, a rule which also
applies to the interpretation of non-conventional instruments80. We must therefore interpret the text
79 See, for example, among the most recent, Application of the Convention on the Prevention and Punishment of
the Crime of Genocide (Croatia v. Serbia), Judgment, I.C.J. Reports 2015, p. 64, para. 138.
80 See Nuclear Tests (Australia v. France, New Zealand v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 269,
para. 51, p. 474, para. 53; Frontier Dispute (Burkina Faso v. Republic of Mali), Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 574,
para. 40; Armed Activities on the Territory of the Congo (New Application: 2002), (Democratic Republic of the Congo v.
Rwanda), Judgment, I.C.J. Reports 2006, pp. 28-29, paras. 49-53; International Law Commission (ILC), Guiding
Principles applicable to unilateral declarations of States capable of creating legal obligations, with commentaries
thereto, 2006, Principle 7 (A/61/10).
46
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in good faith, in accordance with the ordinary or current meaning to be given to its terms, in the
specific context in which it is used, and in the light of its object and purpose, so that if it is intended
to give it a different or special meaning, this must be stated81.
II. Language and translation
5. Mr. President, Members of the Court, Bolivia and Chile disagree on the language used in
the documents produced in the context of the proceedings. In Bolivia’s view, the language used in
the documents over the last hundred years or so bears out the legal nature of Chile’s obligation.
According to Chile, the language used merely sheds light on political and diplomatic interactions,
and no obligation exists.
6. Words are expected to have the same meaning for the parties. That meaning is supposed to
be based on the relevant linguistic conventions. In international relations, those conventions are
more straightforward where the parties belong to the same cultural community, and even more so
where, as here, they belong to the same linguistic community.
7. However, the task can become difficult when the interpreter belongs to a third community.
I can imagine the unease which the Members of the Court may have felt in the case concerning
Maritime Delimitation and Territorial Questions between Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain) in
trying to determine the meaning  on which the parties disagreed  of the Arabic term al-tarafan,
on which the Court’s jurisdiction was based82.
8. In the present case, the will or intention of the Parties to the dispute is to be found in the
agreements and declarations they have made, most of them in Spanish and only Spanish.
9. Before the Court, however, pleadings are made in French or English, its official
languages83. In practice the use of a different language has been highly exceptional84. In our case,
all of the written proceedings have been conducted in English and I, like other colleagues, am now
addressing the Members of the Court in French. This means that translation has a preponderant
81 Article 31, paragraph 4, of the Vienna Convention on the Law of Treaties, 23 May 1969, United Nations,
Treaty Series (UNTS), Vol. 1155, p. 331.
82 Maritime Delimitation and Territorial Questions between Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain), Jurisdiction
and Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports 1995, p. 18 et seq., para. 34 et seq.
83 Article 39, paragraph 1 of the Statute: “The official languages of the Court shall be French and English”.
84 Article 39, paragraph 3 of the Statute: “The Court shall, at the request of any party, authorize a language other
than French or English to be used by that party”. See also Article 70 of the Rules of Court.
47
- 37 -
role. I hardly need remind you of the saying “traduttore, traditore”, or “translator, traitor”, which
was apparently first used by irate Italians who criticized French translations of Dante for not
adequately conveying the beauty of his works.
10. In the present case, Chile has systematically sought to censure the English translations of
a number of documents produced for the proceedings by Bolivia. In doing so it has been both
arrogant and dogmatic. Clearly, Bolivia does not confer any greater legitimacy and authority on
Chile’s English versions than on its own, by which it stands where the translations of the two
Parties are not the same.
11. Mr. President, Members of the Court, to illustrate what I have said and the way in which
Chile tries to pontificate, I would simply draw your attention to Chile’s criticism of Bolivia for
having translated as “have decided” rather than “have resolved” the wording adopted by the
Presidents of both countries in the Charaña Joint Declaration of 8 February 1975, to state that they
“han resuelto”, they “have resolved” to search for formulas to solve the vital issue of Bolivia’s
landlocked situation85. Chile devotes a considerable number of paragraphs of its Rejoinder to this
issue86. According to Chile, Bolivia should have translated “han resuelto” by “have resolved”, just
as “han decidido” would most naturally be translated as “have decided”, and “han acordado”
should be translated as “have agreed”87.
12. How impoverished language would be if we adopted Chile’s proposed approach! Perhaps
Chile is unaware that a word can have several meanings or, conversely, that several words can have
the same meaning, and that consequently, a concept may be expressed  and translated  in
different terms without being altered.
13. In any event, Mr. President, “to decide” is one of the natural translations of “resolver”
and, even more importantly, the first two meanings of “resolver” in Spanish, according to the
Spanish Royal Academy, as you will find at tab 12 in the judges’ folder, are “to solve a problem”
and “to decide something or to form the idea or the firm commitment of doing it”88; therefore, if the
85 MB, Vol. II, Ann. 111, p. 441.
86 RC, Vol. 1, pp. 102-104, paras. 6.7-6.12.
87 RC, Vol. 1, p. 102, para. 6.8.
88 “[S]olucionar un problema” and “decidir algo or formar la idea o el propósito firme de hacerlo” (website of the
Real Academia Española: “Resolver” (http://dle.rae.es).
48
49
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Presidents “han resuelto”, that means they have “agreed” or “decided”, they have “taken a firm
decision”; they have undertaken to follow a specific and decisive plan of action. In other words
“have resolved”, “have decided” and “have agreed” are interchangeable translations of “han
resuelto”, as they would also be of “han acordado” or “han decidido”. Chile is, moreover, well
aware of this, since even a fleeting investigation of its own conventional practice, which you can
consult at tab 13 in the judges’ folder, shows that it has frequently used the word “resolver” when it
“decides” or “agrees” something with third States.
14. Thus, if it were not bad enough that we should have to fight to establish the will or
intention to undertake an obligation in Spanish, we come up against a second front where we
disagree on the translations. Of course, the former is the decisive battle. This is where we find the
textual evidence of what the parties to an agreement or the promising party intended, expressed
using agreed terms whose meaning or binding effect may be debated. On the second front, the
focus is on the way in which these terms have been transcribed into another language, English or
French, in order not to distort that intention; the fact that the translation is a faithful one does not
mean that it has to be literal. Chile is creating bogus translation problems that are designed to
muddy the waters rather than clear them.
III. Language and form
15. Mr. President, Members of the Court, the intention to be bound, which is crucial in
establishing a legal obligation, unless a situation of estoppel is being relied upon, can derive from
an agreement of whatever form, even tacit or by acquiescence, or indeed from a promise which, as
such, does not require acceptance.
16. Chile, however, not only wishes to enlist the Members of the Court in the ranks of
linguistic fundamentalism; in addition, the standard it is imposing for the creation of a legal
obligation is so demanding that, in a reductio ad absurdum, it seems that for Chile, there are no
international obligations unless these are included in the single category of treaties which are
formally termed as treaties, or, if they are designated otherwise, on the sole condition that they
have been authorized by legislative chambers. Beyond such treaties, any agreements, and obviously
promises, are said to be of a political nature. The principle of non-formalism in the expression of
50
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consent or intention to which Chile appeared to subscribe not so long ago before the Court89 is now
being repudiated by our opponents.
17. For Chile, none of the instruments and declarations upon which Bolivia is relying in
order to found its neighbour’s obligation to negotiate sovereign access to the Pacific Ocean for
Bolivia meets the conditions of the relevant rules of international law, and so that obligation has
quite simply never existed. According to our opponents, everything has always merely been a
matter of “political willingness”90. In this respect, the chapter headings in Chile’s Rejoinder make
up a considered litany of denials.
18. Mr. President, Members of the Court, Bolivia disagrees radically with Chile’s approach.
The category of treaties includes all agreements concluded in written form between representatives
of sovereign States and governed by the norms of international law. How they are designated is
unimportant, as is their formalization in one or more related instruments91. An exchange of notes or
letters is a long-standing procedure, for example, deep-rooted in conventional practice. Acts,
memorandums, declarations, communiqués and minutes can all be treaties, with their legal effects
intact. That is what has led the International Law Commission to point out in particular that
“very many single instruments in daily use, such as an ‘agreed minute’ or a
‘memorandum of understanding’, could not appropriately be called formal
instruments, but they are undoubtedly international agreements subject to the law of
treaties”92.
19. I shall not dwell on the Court’s well-established jurisprudence. Since the Advisory
Opinion of the Permanent Court on the Customs Régime between Germany and Austria93, the Court
has frequently had occasion to find that international law is rich and varied in terms of the range of
instruments that are capable of embodying legal effects. It is sufficient to recall here the dictum of
the Court in the case concerning Maritime Delimitation und Territorial Questions between Qatar
89 See, for example, Maritime Dispute (Peru v. Chile), Counter-Memorial of the Government of Chile, 9 March
2010, pp. 71-75, paras. 2.62-2.69.
90 See, for example, RC, Vol. 1, p. 130, para. 6.59.
91 United Nations, Treaty Series, Vienna Convention on the Law of Treaties, 23 May 1969, Arts. 2.1 and 7.2,
Vol. 1155, p. 331.
92 Yearbook of the International Law Commission, 1966, Draft articles on the law of treaties, Vol. II, p. 188,
para. 2 of the commentary on Art. 2.
93 Customs Régime between Germany and Austria, Advisory Opinion, 1931, P.C.I.J. Series A/B, No. 41, p. 47.
51
- 40 -
and Bahrain, when discussing the legal effects of Minutes. The Court held that: “international
agreements may take a number of forms and be given a diversity of names”94.
20. Bolivia has included in the case file a number of agreements in simplified form,
emanating from the highest representatives of the State, in the form of exchanges of diplomatic
notes, such as the Notes exchanged on 20 June 1950; declarations such as the joint Charaña
Declaration of 8 February 1975; and offers transmitted directly by Chile to Bolivia and accepted by
the latter, such as the Matte and Trucco Memorandums of 1926 and 1961 respectively 
agreements which form the basis of the obligation to negotiate under the protective mantle of the
principles of good faith and mutual trust.
21. However, the obligation to negotiate sovereign access to the sea for Bolivia is not based
solely on agreements. Bolivia has also brought to these proceedings a series of indications of clear
and precise undertakings given by Chile’s highest representatives to begin negotiations with
Bolivia, undertakings that fulfil the necessary conditions to be characterized as promises, Chile
from then on being required in law to pursue these and put them into effect.
22. These indications may also contribute to creating situations of estoppel, or sustain
Bolivia’s legitimate expectations that Chile would keep its word by modifying its behaviour
accordingly.
23. In any event, the promises form a single interlocking framework with the agreements
and treaties which, in the form of memorandums, declarations and exchanges of notes, have been
adopted by the Parties throughout a century of historical practice. Their cumulative effect is
impressive, and unmatched in the whole history of the forming of obligations between
neighbouring States, a fact which makes the present proceedings so unique.
24. The value of the “accumulation” of acts and declarations is complemented by their
interaction with the agreements. Chile’s promises did not appear out of thin air but were made in an
“atmosphere of treaties”, especially when they came in response to requests from Bolivia. From
this point of view, they can themselves be considered as pre-accords or even as informal
agreements.
94 Maritime Delimitation und Territorial Questions between Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain), Jurisdiction
and Admissibility, I.C.J. Reports 1994, pp. 120-121, paras. 21-30, p. 120, para. 23. See also Aegean Sea Continental Shelf
(Greece v. Turkey), I.C.J. Reports 1978, p. 39, para. 96.
52
- 41 -
IV. Language and interpretation
25. The Parties agree on the fact that an obligation to negotiate can only arise if, objectively
construed, that is the intention of the States concerned95. That intention must be ascertained, as the
Court has indicated on several occasions, having regard to the actual terms and to the particular
circumstances of the instruments in question96.
26. The problem, Mr. President, is that for Chile, the only language that would imply the
existence of an obligation to negotiate is when that obligation is expressed precisely in those terms.
In other words, there would be an obligation to negotiate only in the event of a declaration, note or
some other document attributed to a State representative with the necessary authority spelling out
that Chile is obliged to negotiate sovereign access to the Pacific Ocean for Bolivia. There would
thus be an express and direct willingness or intent. For Chile, the use of any other language could
not give rise to legal obligations, which is said to render void the ascertaining of intention through
the text or language.
27. Under this approach, the process of interpretation that is required of judges becomes
minimal. According to Chile, the expression of a “willingness” to negotiate or the use of the term
“agree” does not manifest the intention to create a legal obligation97. Such language is said to be
always strictly political in scope. Otherwise, warns Chile, no State would venture to embark on
negotiations and diplomatic relations would be seriously disturbed. Chile is fond of such
catastrophic visions.
28. Mr. President, Members of the Court, law in general, and international law in particular,
has much more common sense that Chile’s extreme formalism. A party is presumed to be acting in
good faith when its representative makes a declaration or signs an agreement. Let us take the term
aspiracíon, Bolivia’s aspiration finally to reach the sea, as repeated many times in the documents.
What is an aspiration, if not simply an intense desire to achieve something which is regarded as
being of great importance? Chile is conscious of the intensity and importance of the desire of the
other party when in 1920, it accepts opening new negotiations aimed at fulfilling the aspiration of
95 CMC, Vol. 1, p. 57, para. 4.7; RB, Vol. I, p. 68, para. 180; RC, Vol. 1, p. 13, para. 2.8.
96 See, for example, Aegean Sea Continental Shelf (Greece v. Turkey), I.C.J. Reports 1978, p. 39, para. 96;
Maritime Delimitation und Territorial Questions between Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain), Jurisdiction and
Admissibility, I.C.J. Reports 1994, p. 121, para. 23.
97 RC, Vol. 1, pp. 14-15, paras. 2.9 and 2.12.
53
- 42 -
its friend98; when in 1950, it declares itself willing to formally enter into a direct negotiation with
this aim99; and when again, in 1975, it states that it is decided to search for formulas to solve the
vital issue of the landlocked situation of Bolivia100. These words have a significance, Mr. President!
29. If a State, such as Chile, indicates on numerous occasions, in agreements and promises,
its willingness to satisfy Bolivia’s aspirations, how can one fail to see in this statement the
indication of an undertaking by Chile which forms part of the legal order? In the light of such
declarations, it is expected to bring its conduct into line with the undertaking it has given.
30. While Chile asserts that international relations would be paralysed if the intention to
negotiate were assimilated to the obligation to do so, there is a risk of disrepute and loss of trust if
undertakings and promises are not honoured.
V. Language and context
31. Mr. President, Members of the Court, the Court’s task is to identify the intention of the
Parties by interpreting their representatives’ words –– but not only their words. The semantic
content of a text is not sufficient and does not exhaust its meaning. The specific context in which
the words are used and the circumstances surrounding the adoption of a text are particularly
relevant. First, because the appropriate meaning depends on the context in which a term is adopted.
It is the context that enables us to shed light on the meaning of the words. Second, that context and
the circumstances surrounding the adoption of a text are what makes it possible to ascertain its
scope.
32. Let us look, for example, at what the sixth point of the 13-Point Agenda adopted in 2006
says literally. The Parties agree under that point that one of the matters to be negotiated is “el tema
marítimo”, “la question maritime”, “the maritime issue”; there is no specific mention of “sovereign
access” to the Pacific Ocean. Chile is hiding behind the generic nature of the term, compared to the
98 Article V of the declaration of Ambassador Bello Codesido (“Acta Protocolizada” of 10 January 1920) (MB,
Vol. II, Ann. 101, p. 388).
99 Diplomatic Note from Chile of 20 June 1950 (RB, Vol. II, Ann. 266, p. 277).
100 Joint Charaña Declaration of 8 February 1975 (MB, Vol. II, Ann. 111, p. 441).
54
- 43 -
terms used in the past, to discredit Bolivia’s assertion of the obligation to negotiate that sovereign
access101.
33. A reader who was unaware of the other points of the Agenda and knew nothing of the
history might be left somewhat perplexed, to the point of admitting to being convinced by Chile’s
arguments. However, that perplexity disappears instantly when the reader stops to consider the
context and the circumstances. First of all, because he or she notes that port transit issues are the
subject of another point of the Agenda, point 3 (Libre trânsito, Libre circulation, Free Transit),
which implies that “el tema marítimo”, “la question maritime”, “the maritime issue” refers to
problems other than traffic problems linked to obligations under the 1904 Treaty –– the Treaty that
Chile is so enamoured of. Second, the reader would notice that those who agreed on the wording of
the sixth point of the Agenda deliberately adopted an open-ended form of words, because
experience had taught them that a more precise form of words can fuel pressure that is detrimental
to negotiating sovereign access, by making it the focus of media attention and expectations for
immediate results, at the same time as dividing public opinion.
34. An Agenda “without exclusions” was thus affirmed and reiterated, inspired by the idea of
gradualism, namely starting with simple and concrete goals in order to make gradual progress102.
The Parties decided, accepted and agreed to discuss all the possibilities in order to deal with the
long-standing issue, the big issue, without any prior labels. The negotiations of course concern
Bolivia’s access to the sea, qualitatively different from the right of transit established by the
1904 Treaty. And that of course includes sovereign access.
35. Let us recall the words of the Chilean Foreign Minister, Alejandro Foxley, who, when
asked about sovereignty in 2006, declared: “No la excluimos. Como posibilidad, no”, “We do not
exclude it as a possibility, no”103. A few months later, the Chilean Minister, asked once again about
whether the issue of the “mar para Bolivia”, “sea for Bolivia”, was still on the agenda, replied: “Sí,
es el punto 6”, “Yes, it is point 6”104. It does not seem to be “an imprecise colloquial term”, as
101 CMC, Vol. 1, p. 192, para. 9.15; RC, Vol. 1, pp. 102-104, paras. 8.6-8.12.
102 RB, Vol. I, pp. 123 et seq., paras. 312 et seq.; and pp. 184 et seq., paras. 458 et seq.
103 MB, Vol. II, Ann. 132, p. 503.
104 RC, Vol. 3, Ann. 446, p. 745.
55
- 44 -
Chile maintains105, nor an off-the-cuff reply given at the foot of the steps of a plane; it is the reply
given by a Foreign Minister during a formal interview with the influential Chilean newspaper
El Mercurio. And now we are able to know, to understand, what is meant by and what is implied by
the agreement to negotiate “el tema marítimo”, “la question maritime”, “the maritime issue”.
36. Mr. President, Members of the Court, I would like to make two observations at this stage.
First, when the representatives of two States sit down to negotiate on a subject, it would be
somewhat surreal to record in the minutes that they had done so by obligation. My second
observation, which is related to the first, is that compliance with a legal obligation must always be
backed up by the political will to comply with that obligation. If that will is lacking, the obligation
will not be complied with. And it is then that one party asks the other to reconsider its conduct.
37. In our case, it was not necessary to keep recalling the obligation to negotiate, quite
simply because, despite the difficulties, Chile would eventually regain the political will to comply
with that obligation, often after Bolivia had once again called upon Chile to keep its promises. If,
in 2011, Bolivia was obliged to come before the Court to seek compliance with the agreement ––
promise, obligation –– of Chile, it was because, contrary to what had happened beforehand, Chile
decided to close the door on all negotiations by taking the stance of denying the significance of its
own acts in the past.
VI. The accumulation of agreements and promises
38. If Chile declares its willingness or its intention to find ways to satisfy Bolivia’s
aspirations –– major premise –– and Chile knows full well that the realization of Bolivia’s
aspirations consists in gaining sovereign access to the Pacific Ocean –– minor premise –– the
inevitable conclusion is that, by doing so, Chile is demonstrating its intention to negotiate Bolivia’s
sovereign access to the Pacific Ocean.
39. Chile has stated its intention, has agreed, promised and committed itself on numerous
occasions. It is no longer a declaration that is ephemeral, one-off, run-of-the-mill or rash, but a
willingness to negotiate with a specific objective that has been stated, reiterated and confirmed over
many years, by a number of different representatives, in various circumstances, to the same
105 RC, Vol. 1, pp. 157-158, para. 8.8. (b).
56
- 45 -
addressee. Repetition of a message throughout a period of history is a clear sign that its author is
determined to undertake the obligation to follow a certain line of conduct.
40. Under these circumstances, it cannot be accepted that, for Chile, the agreements and
declarations were merely a political expression without legal effect. If we analyse Chile’s conduct,
its acts, through the prism of good faith and mutual trust, and take account of how vital it is for
Bolivia to regain its status as a Pacific coastal State, it is impossible to accept that that conduct,
those acts, were seen by the highest Chilean authorities as mere opportunistic instruments at the
service of fluctuating, circumstantial interests. By its acts, Chile stoked in Bolivia the perception,
the legitimate and reasonable expectation that it would keep its word. Let us recall the statement
made by the Chilean President González Videla, a true statesman, when the Exchange of Notes of
20 June 1950 were negotiated: “lo acordado verbalmente es como si estuviera ya escrito”, “What
has been verbally agreed is as if it were already written”106.
41. Political contexts and trends may change the terms of the Exchange, the compensation
envisaged, the ways and means of reaching an agreement on the object of the negotiation; what
does not change, however, is that long-standing object: Bolivia’s sovereign access to the sea. Chile
has been aware of this for more than 100 years. And it must fulfil the ensuing obligation.
42. Pacta sunt servanda. Promissio est servanda. Chile cannot unilaterally release itself from
its agreements and promises. The stability of international relations, particularly those between
inevitable neighbours, is dependent on compliance with the substantial obligations assumed one
way or another by the States and on the negotiation of outstanding issues until a final agreement is
reached that is satisfactory to the parties.
VII. The responsibility of the judges
43. Mr. President, Members of the Court, would the cascade of agreements concluded and
promises made by Chile to Bolivia vanish from the face of the earth simply because the Court
declared itself incompetent, as Chile wanted it to do, or if the Court were to declare tomorrow that
their significance was strictly political, as Chile now claims, that they were gentlemen’s
agreements which the gentlemen were not bound to honour, born out of circumstances such as
106 See Diplomatic Note No. 648/460 from the Ambassador of Bolivia to Chile, Alberto Ostria Gutiérrez, to the
Minister for Foreign Affairs of Bolivia, Adolfo Costa du Rels, 28 July 1948 (RB, Vol. II, Ann. 259, p. 209).
57
- 46 -
make politics so wretched? No, they will not vanish. And he who fails to keep his word will be
branded a violator, will suffer the stigma of social censure, no matter what his commitments were
called.
44. At the end of the day, the interpreter must not only rely on his common sense but also his
sensibilities, his passion for justice, values and principles, which must always be part of judicial
deliberations. That is when exegesis transcends mere technique and becomes the expression of an
art, the art of interpretation, beyond the reach of machines.
45. You, the judges, will have to rule on the process of formation of legal obligations in
inter-State relations. You, the judges, will have to determine the consequences of applying the
principles of good faith and mutual trust, and the relationship between the law and equity and
justice. You have already made such rulings in other cases and your decision in this case will be an
important new step in the understanding of fundamental concepts of international law as a
framework for the conduct of its subjects. But that is not all.
46. You, the judges, will have to decide on the role of legal action in the settlement of a
dispute that has arisen out of, and is fuelled by, a highly complex historical context, which will, in
any event, require constructive political and social conduct by both Parties. That is your qualified
responsibility.
47. Thank you very much, Members of the Court, for your attention. Mr. President, would
you please call my colleague Professor Lowe to the Bar so that he may continue Bolivia’s
presentation.
Le PRESIDENT : Je remercie M. Ramiro Brotóns et je donne à présent la parole à M. Lowe.
Vous avez la parole.
58
- 47 -
M. LOWE :
LA NATURE ET LE CONTENU DE L’OBLIGATION DE NÉGOCIER
UN ACCÈS SOUVERAIN À LA MER
Introduction
1. Merci. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un honneur pour
moi que de plaider devant vous au nom de la Bolivie et d’examiner avec vous cet aspect d’une
affaire historique qui revêt une importance immense pour le peuple et l’avenir de ce pays.
2. La question qui se pose en l’espèce est simple : le Chili est-il en droit de refuser de mener
avec la Bolivie des négociations sur un accès souverain à la mer ? Cette question est même
tellement simple que vous vous demandez certainement pourquoi elle nous amène devant vous
aujourd’hui.
3. La Bolivie comme le Chili ont tous deux convenu à maintes reprises, et dans les termes les
plus clairs, qu’il leur fallait régler le problème de l’accès souverain à l’océan Pacifique dont la
Bolivie a besoin ; ils ont convenu aussi qu’il s’agissait d’un problème majeur, et qu’il n’était
toujours pas résolu. Maintenant, le Chili change d’avis. Il refuse de parler de cet accès souverain, et
soutient qu’il n’y a aucun problème en souffrance entre les deux pays.
4. Pourquoi un Etat engagerait-il autant d’efforts — autant de temps et d’argent — pour faire
valoir qu’il a le droit de ne pas répondre ? Pourquoi ne consacre-t-il pas plutôt une partie de ces
efforts au règlement du problème ? Sincèrement, nous n’en savons rien. Mais le Chili aura
peut-être une explication.
Objet de la plaidoirie
5. Deux tâches m’incombent ce matin. La première est d’expliquer ce que la Bolivie entend
par l’«obligation de négocier» — autrement dit, le contenu de l’obligation et ce qu’elle suppose en
pratique dans le contexte de l’espèce. La Cour est appelée à énoncer les obligations mutuelles des
Etats dans le cadre du règlement des différends.
6. Ce n’est pas que cette question soit complexe ou difficile du point du vue juridique. Les
sources faisant autorité à cet égard sont bien connues et ont déjà été citées dans les exposés écrits
59
- 48 -
de la Bolivie107. Il faut seulement que quelqu’un dise, avec clarté et autorité, et malgré leur
évidence aveuglante pour nombre d’observateurs, quelles sont les implications, en l’espèce, des
principes fondamentaux du droit international applicables au règlement des différends. Et la Cour a
sans aucun doute à l’esprit que son arrêt non seulement sera important pour la présente affaire,
mais aura également une portée directe et immédiate pour d’autres différends internationaux de
longue date, comme ceux qui opposent la Palestine et Israël, l’Argentine et le Royaume-Uni, ou
encore l’Inde et le Pakistan.
Le contenu de l’obligation de négocier
7. Mes confrères ont retracé l’historique de ce que l’on a souvent appelé «la question
maritime», en vous montrant que la Bolivie n’avait cessé de rappeler la nécessité de trouver une
solution satisfaisante au problème de son enclavement, et que le Chili avait lui aussi répété qu’il
importait de trouver, pour reprendre ses propres termes, «la formule qui permettrait d’assurer à la
Bolivie un accès souverain à l’océan Pacifique»108.
8. Demain nous vous parlerons de la position de l’Organisation des Etats américains (OEA),
qui a estimé qu’il était «dans l’intérêt permanent de tout l’hémisphère» de trouver «par voie de
négociations» une «solution équitable permettant à la Bolivie d’avoir un accès souverain utile à
l’océan Pacifique»109, et nous vous montrerons plus en détail comment la conduite du Chili à cet
égard a généré une obligation de négocier un accès souverain avec la Bolivie.
9. Mais qu’entendons-nous par-là ? La Bolivie considère que l’obligation de négocier en
droit international emporte au minimum les obligations particulières suivantes :
a) premièrement, celle d’accueillir les communications et les propositions qui sont faites par un
autre Etat aux fins de régler tout problème revêtant une grande importance pour cet Etat :
b) deuxièmement, celle d’examiner toute communication ou proposition qui serait ainsi faite, en
tenant compte des intérêts de l’autre Etat ;
107 Mémoire de la Bolivie («MB»), par. 221-290; Réplique de la Bolivie («RB»), par. 91-119.
108 Note n° 9 en date du 20 juin 1950 adressée à l’ambassadeur de la Bolivie au Chili par le ministre chilien des
affaires étrangères, MB, vol. II, annexe 109 B, et vol. I, par. 130.
109 Voir MB, annexe 191.
60
- 49 -
c) troisièmement, celle de participer de manière responsable et réfléchie aux réunions convoquées
pour examiner ces communications ou propositions, si une demande lui est faite dans ce sens ;
d) quatrièmement, celle de rechercher les moyens de surmonter tout obstacle empêchant de régler
le problème.
Tout cela devant être fait de bonne foi et en temps utile.
10. Ces obligations pratiques sont de portée modeste. Il n’est pas exigé de l’Etat «sollicité»
qu’il prenne toujours lui-même l’initiative de formuler des propositions détaillées pour remédier au
problème110. La Bolivie ne prétend pas qu’elle puisse attendre passivement des propositions du
Chili. Elle admet avoir la même responsabilité que lui de soumettre des idées et des propositions
quant aux moyens précis de mettre fin à son enclavement.
11. Mais, de la même manière, le Chili ne peut rejeter purement et simplement chaque
proposition qui lui est faite par la Bolivie, et encore moins prétendre qu’il n’y a pas de différend
irrésolu et qu’il refuse d’en discuter.
12. Le Chili doit s’intéresser au problème qui lui est soumis et réfléchir à toutes les mesures
qu’il pourrait prendre pour le résoudre, même s’il doit pour cela envisager de s’écarter de la
position qui était la sienne jusqu’alors. Il doit examiner sur le fond, avec une grande attention, en
connaissance de cause et en temps utile, toute communication ou proposition qui lui est faite de
bonne foi par la Bolivie et y répondre de manière raisonnée.
13. Ainsi que l’a fait observer le juge de Visscher dans l’affaire de 1950 relative au Statut
international du Sud-Ouest africain, un Etat, s’il est «libre de se refuser à souscrire aux termes
particuliers d'un projet d’accord», n’en a pas moins «contracté l’obligation juridique de se prêter à
l’ouverture de négociations et de poursuivre celles-ci de bonne foi en vue de la conclusion d'un
accord»111.
14. L’obligation juridique n’exige pas de l’Etat « sollicité » qu’il renonce à ses propres
intérêts vitaux, ou qu’il parvienne à tout prix à un accord avec l’Etat « solliciteur ». Elle exige
110 Voir TDIM, Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre le Ghana et la
Côte d’Ivoire dans l'océan Atlantique (Ghana/Côte d’Ivoire), arrêt du 23 septembre 2017, par. 628,
https://www.itlos.org/fileadmin/itlos/documents/cases/case_no.23_merits….
111 Statut international du Sud-Ouest africain, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 188 ; opinion dissidente du
juge de Wisscher.
61
- 50 -
cependant que l’Etat « sollicité », en l’occurrence le Chili, s’intéresse à la demande qui lui est faite
afin de tenter en toute bonne foi de trouver les moyens de résoudre ou atténuer le problème sousjacent
– à savoir la nécessité de mettre fin à l’enclavement de la Bolivie en lui accordant un accès
souverain – ainsi que de surmonter tout ce qui ferait obstacle à une solution concertée.
15. La «bonne foi» dans ce contexte signifie, pour reprendre les termes employés par la Cour
dans les affaires du Plateau continental de la mer du Nord, que les parties «ont l’obligation de se
comporter de telle manière que la négociation ait un sens, ce qui n'est pas le cas lorsque l'une
d'elles insiste sur sa propre position sans envisager aucune modification»112.
16. Plus récemment, la Cour a redit sensiblement la même chose, soulignant, dans l’affaire
relative à l’Application de l’accord intérimaire, que «[l]a tenue de négociations en vue de parvenir
à un accord impliqu[ait] également que chaque partie tienne raisonnablement
compte de l’intérêt de l’autre»113.
17. Ainsi, de l’avis de la Bolivie, l’obligation juridique qui incombe au Chili ne saurait se
limiter à simplement écouter et dire ensuite pour quelles raisons il rejette tel problème ou telle
proposition. La participation aux réunions pour entendre et comprendre le point de vue opposé est
évidemment essentielle. Mais il faut aussi manifester la volonté de chercher à résoudre la question
— de comprendre la position de l’autre partie et d’essayer de chercher une solution qui soit jugée
équitable et faisable par les deux parties pour régler ou ajuster le différend. Et, bien sûr, la même
obligation incombe à la Bolivie.
Les deux fondements de l’obligation : particulier et général
18. Mes confrères vous expliqueront plus en détail demain pourquoi la Bolivie considère que
le caractère constant du comportement du Chili a généré une obligation juridique de négocier
particulière, qui s’impose aux deux Parties. En réalité, comme la Bolivie l’a clairement dit dans sa
112 Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark ; République fédérale
d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 47, par. 85 a).
113 Application de l’accord intérimaire du 13 septembre 1995 (ex‑ République yougoslave de Macédoine c.
Grèce), arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (II), arrêt du 5 décembre 2011, p. 685, par. 132, citant Compétence en matière de
pêcheries (Royaume-Uni c. Islande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 33, par. 78.
- 51 -
requête et dans ses exposés écrits114, cette obligation se serait fait jour même en l’absence de tout
engagement de la part du Chili.
19. Ma seconde tâche ce matin est d’expliquer cela, et de répondre à la thèse du Chili selon
laquelle il n’existerait pas de différend irrésolu entre les Parties au sujet de la nécessité de trouver
une solution à l’enclavement de la Bolivie115.
L’obligation générale de régler les différends par des moyens pacifiques
20. La Bolivie considère qu’au regard du droit international général, et conformément à la
Charte des Nations Unies et à celle de l’OEA, tous les Etats ont l’obligation de négocier sur les
questions revêtant une importance vitale pour leurs voisins, dès lors que de telles questions leur
sont officiellement soumises. Cette obligation fondamentale découle de l’appartenance à la
communauté de nations. L’obligation de régler les différends par des moyens pacifiques,
généralement reconnue comme une règle établie, n’est pas une simple platitude. C’est une
obligation juridique contraignante ; c’est une obligation de fond qui ne saurait être observée juste
pour la forme.
21. Cette position de la Bolivie s’appuie à la fois sur le cadre établi par le droit international
général et, plus spécifiquement, sur les Chartes. Cependant, afin de tirer le meilleur parti du temps
qui nous est imparti, je vous parlerai avant tout des règles découlant de la Charte des
Nations Unies, qui, comme énoncé dans la déclaration de 1970 relative aux relations amicales116,
reflète le droit international coutumier en la matière.
22. L’ordre international repose sur ces règles et plus encore sur le principe qui veut que les
Etats débattent ensemble des différends et des conflits, en vue de rechercher des solutions
pacifiques concertées.
23. Rappelons encore une fois la position du juge de Visscher dans l’affaire relative au Statut
international du Sud-Ouest africain :
114 Voir la requête introductive d’instance du Gouvernement de l’Etat plurinational de Bolivie («la requête»),
par. 31 ; RB, par. 167-175.
115 Duplique du Chili («RC»), par. 2.4-2.7.
116 Assemblée générale des Nations Unies, résolution 2625 (XXV) en date du 24 octobre 1970 intitulée
«Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats
conformément à la Charte des Nations Unies».
62
- 52 -
«L’obligation de se prêter à une négociation en vue de la conclusion d'un accord
représentait le minimum de coopération internationale sans lequel tout le régime prévu
et réglé par la Charte se serait écroulé. Il faut se souvenir, dans ce même ordre d’idées,
que l’interprétation d’un grand acte constitutionnel international comme la Charte des
Nations Unies ne saurait s'inspirer des conceptions individualistes qui prévalent
généralement dans l'interprétation des traités ordinaires.» (opinion dissidente de M. de
Visscher, p. 189).
Le juge de Visscher faisait référence au régime de tutelle des Nations Unies, mais ses
observations s’appliquent aussi bien au régime prévu par la Charte pour le règlement des différends
internationaux.
L’obligation de régler les différends prévue en droit international général
et au paragraphe 3 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies
24. Reflétant un principe fondamental du droit international117, le paragraphe 3 de l’article 2
de la Charte des Nations Unies dispose ce qui suit : «Les Membres de l’Organisation règlent leurs
différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité
internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger.»
25. Des obligations similaires sont prévues dans le pacte de Bogotá118 et la Charte de l’OEA,
par lesquels la Bolivie et le Chili sont également tous deux liés. Conformément à l’article 24 de la
Charte de l’OEA, «[l]es différends internationaux entre les Etats membres doivent être soumis aux
procédures pacifiques indiquées dans [ladite] Charte».
26. On considère couramment le paragraphe 3 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies
comme étant purement rhétorique, une belle manière de dire que les Etats ne doivent pas recourir à
l’emploi de la force pour régler à leur guise les différends internationaux. Or ce n’est pas ce que dit
le paragraphe 3. C’est le paragraphe 4 qui souligne l’importance de ne pas utiliser la force. La lettre
et les effets du paragraphe 3 sont différents.
L’obligation de régler les différends est une obligation positive
27. Ce paragraphe impose une obligation de faire : «Les Membres de l’Organisation règlent
leurs différends internationaux par des moyens pacifiques», qui se distingue par exemple de
l’obligation de ne pas faire énoncée à l’article II du pacte Kellogg-Briand de 1928 :
117 Voir la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale des Nations Unies.
118 Voir l’article II du pacte de Bogotá.
63
- 53 -
«[L]e règlement ou la solution de tous les différends ou conflits, de quelque nature ou de
quelque origine qu’ils puissent être, qui pourront surgir entre [les Hautes Parties Contractantes], ne
devra jamais être recherché que par des moyens pacifiques.»
Ou encore de l’exhortation formulée à l’article premier de la convention de La Haye de 1907 :
«En vue de prévenir autant que possible le recours à la force dans les rapports entre les Etats,
les Puissances contractantes conviennent d’employer tous leurs efforts pour assurer le règlement
pacifique des différends internationaux.»
28. La formule employée dans la Charte des Nations Unies n’en est pas moins impérative :
«Members shall settle» ; «Los Miembros ... arreglarán sus controversias internacionales» ; «Les
Membres ... règlent leurs différends internationaux».
29. L’importance de ce point est clairement soulignée dans le commentaire qu’a fait
M. Simma de la Charte, et que vous trouverez dans le dossier de plaidoiries, sous l’onglet no 16 :
«D’après une opinion véhiculée par plusieurs auteurs, le paragraphe 3 de
l’article 2 se contente d’énoncer la règle selon laquelle seuls des moyens pacifiques
peuvent être utilisés pour régler les différends. Cela voudrait dire qu’aucun effort
véritable n’est exigé pour régler des conflits existants. Ainsi interprété, le paragraphe 3
de l’article 2 n’aurait pas de sens propre et se bornerait, pour l’essentiel, à réitérer
l’interdiction d’intervenir et d’avoir recours à la force. A l’inverse, la majorité des
auteurs pensent que les Etats ont l’obligation de s’employer activement à régler leurs
différends internationaux. C’est ainsi que la déclaration relative aux relations amicales
prévoit, en son paragraphe 2, que «[l]es Etats doivent ... rechercher rapidement une
solution équitable de leurs différends internationaux», formule à laquelle la
déclaration de Manille (chapitre I, paragraphe 5) a ajouté les termes «de bonne foi et
dans un esprit de coopération». La bonne foi est en effet un élément essentiel pour le
succès des négociations.»119 (Les italiques sont de nous.)
30. Dans son commentaire, M. Simma fait observer que le principe énoncé au paragraphe 3
de l’article 2 a été réaffirmé dans deux instruments juridiques majeurs. La remarquable déclaration
de 1970 relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la
coopération entre les Etats dispose ce qui suit :
«Tous les Etats doivent régler leurs différends internationaux avec d’autres
Etats par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité
internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger.
119 B. Simma et al., The Charter of the United Nations. A Commentary (3e éd., 2012), vol. 1, p. 190. [Traduction
du Greffe]
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- 54 -
Les Etats doivent donc rechercher rapidement une solution équitable de leurs
différends internationaux par voie de négociation, d’enquête, de médiation, de
conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire, de recours à des organismes ou
accords régionaux, ou par d’autres moyens pacifiques de leur choix. En recherchant
cette solution, les parties conviendront des moyens pacifiques qui seront appropriés
aux circonstances et à la nature du différend.
Les parties à un différend ont le devoir, au cas où elles ne parviendraient pas à
une solution par l’un des moyens pacifiques susmentionnés, de continuer de
rechercher un règlement à leur différend par d’autres moyens pacifiques dont elles
seront convenues.»120 (Les italiques sont de nous.)
31. La déclaration de Manille sur le règlement pacifique des différends internationaux de
1982, adoptée par la résolution 37/10 de l’Assemblée générale, dont vous trouverez le texte sous
l’onglet no 17, réaffirme ce principe :
«5. Les Etats doivent rechercher de bonne foi et dans un esprit de coopération
une solution rapide et équitable de leurs différends internationaux...
7. Au cas où les parties à un différend ne parviendraient pas rapidement à une
solution par l’un des moyens susmentionnés, elles doivent continuer de rechercher une
solution pacifique et se consulter sans délai pour trouver des moyens mutuellement
acceptables de régler pacifiquement leur différend...»121 (Les italiques sont de nous.)
32. Quant à l’obligation de respecter ce principe, elle a été soulignée dans le Document final
du Sommet mondial de 2005, adopté par les chefs d’Etat et de gouvernement réunis au Siège
(résolution 60/1 de l’Assemblée générale)122.
33. La Cour elle-même a insisté sur l’importance de ce principe, qu’elle fonde sur le
paragraphe 2 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies, selon lequel «[l]es membres de
l’Organisation, afin d’assurer à tous la jouissance des droits et avantages résultant de leur qualité de
Membre, doivent remplir de bonne foi les obligations qu’ils ont assumées aux termes de la présente
Charte». Elle a ainsi rappelé en l’affaire de l’Incident aérien du 10 août 1999 entre le Pakistan et
l’Inde :
120 Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre
les Etats conformément à la Charte des Nations Unies, résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale.
121 Déclaration de Manille sur le règlement pacifique des différends internationaux, résolution 37/10 de
l’Assemblée générale.
122 «Nous rappelons avec force l’obligation faite aux Etats de régler leurs différends par des moyens pacifiques
conformément au Chapitre VI de la Charte, y compris, le cas échéant, en les portant devant la Cour internationale de
Justice. Tous les Etats devraient guider leur action sur la Déclaration relative aux principes du droit international touchant
les relations amicales et la coopération entre les Etats, conformément à la Charte des Nations Unies» (paragraphe 73).
65
- 55 -
«L’absence de juridiction de la Cour ne dispense pas les Etats de leur obligation
de régler leurs différends par des moyens pacifiques. Le choix de ces moyens
appartient certes aux parties conformément à l’article 33 de la Charte des
Nations Unies. Mais elles n’en sont pas moins tenues de rechercher un tel règlement,
et de le faire de bonne foi conformément au paragraphe 2 de l’article 2 de la
Charte.»123 (Les italiques sont de nous.)
34. C’est précisément ce que fait valoir la Bolivie. Indépendamment de l’obligation
particulière générée par le comportement du Chili au cours du siècle passé, l’obligation de négocier
découle du droit international général, tel que consacré notamment dans la Charte des
Nations Unies et celle de l’OEA. Elle traduit la volonté des Etats membres de l’ONU et ceux de
l’OEA de résoudre ainsi leurs divergences, et leur engagement à le faire. «L’obligation de se prêter
à une négociation en vue de la conclusion d’un accord représent[e] le minimum de coopération
internationale.»
Le sens de la référence à «la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice»
La justice
35. Un autre aspect du paragraphe 3 de l’article 2 est crucial en l’espèce. En effet, la Charte
des Nations Unies aurait pu se borner à énoncer une obligation de régler les différends
«conformément au droit international». Mais tel n’est pas le cas. L’obligation consiste à régler ces
différends «de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient
pas mises en danger». Là encore, l’obligation explicite est libellée de manière identique dans
chacune des langues officielles.
36. La Bolivie tire deux arguments du sens de cette disposition. Premièrement, celle-ci
signifie que, en cas de différend, les Etats membres sont à tout le moins tenus de ne pas prendre
seulement en considération la paix et la sécurité internationales. De fait, contrairement au
paragraphe 1 de l’article 33 de la Charte, le paragraphe 3 de l’article 2 s’applique à tous les
différends internationaux et non pas uniquement à ceux qui mettent en danger le maintien de la
paix et de la sécurité internationales. Le paragraphe 3 de l’article 2 énonce explicitement
l’obligation de tenir également compte de l’exigence de justice.
123 Incident aérien du 10 août 1999 (Pakistan c. Inde), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 2000, p. 33,
par. 53.
66
- 56 -
37. La justice, tout comme la licéité, est une valeur que les Etats membres de l’ONU
s’engagent, et s’obligent juriquement, à respecter et à promouvoir. Et cette obligation doit être prise
au sérieux. Les arguments ou les propositions qui sont soumis pour des motifs liés à la justice
exigent une réponse raisonnée tout autant que ceux qui seraient motivés par le respect de la licéité,
en particulier lorsque les Etats concernés ont reconnu à plusieurs reprises la nécessité de résoudre
un problème revêtant un intérêt vital pour l’un d’eux.
38. Un Etat ne peut se contenter de répondre qu’il n’a pas d’obligation juridique d’apporter
son aide, en opposant une fin de non-recevoir. Le droit international contemporain est plus exigeant
que l’isolationnisme du dix-neuvième siècle. Pour que justice soit faite, il ne suffit pas de s’abstenir
d’agir illicitement. Il faut faire des efforts concrets pour trouver une solution équitable aux
situations dans lesquelles une injustice altère les relations internationales.
39. C’est là une obligation de droit international général à laquelle la Bolivie attache la plus
haute importance. De fait, c’est la Bolivie elle-même qui a le plus justement exprimé cette
obligation, en proposant, le 5 mai 1945 lors de la rédaction de la Charte des Nations Unies,
d’inclure une référence à la «justice» au paragraphe 3 de l’article 2124.
40. La Bolivie s’est vue privée de son accès à la mer à la suite de la mainmise sur une partie
de son territoire. Comme l’a admis le Chili lui-même, les problèmes, notamment économiques,
dont elle continue de souffrir de ce fait constituent une injustice qui doit être examinée et
résolue  d’autant que cette injustice n’a pas été réglée par le traité de paix et d’amitié de 1904125,
ainsi que le Chili l’a reconnu à plusieurs reprises, .
41. Le Chili peut certes s’appuyer sur ce qu’a dit la Cour dans des affaires telles que celle
relative à l’Accord intérimaire, pour faire valoir que l’obligation de négocier n’implique pas
nécessairement l’obligation de «s’entendre»126. Il n’en reste pas moins que cette obligation
commande assurément aux Etats de poursuivre les négociations «autant que possible, en vue
124 Doc. 2 (ANGLAIS) G/14 (r), 5 mai 1945 ; < http://digitization.s3.amazonaws.com/digibak/UN%20Conference
%20on%20International%20Organization%20(San%20Francisco%20Conference)%20documents/UNIO-Volume-3-E-F.pdf >,
p. 582 (numérotation dans le coin supérieur droit de la page).
125 MB, vol. II, annexe 100.
126 Application de l’accord intérimaire du 13 septembre 1995 (ex-République yougoslave de Macédoine
c. Grèce), arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 685. par. 132.
- 57 -
d’arriver à des accords»127 et de rester disposés à étudier de nouvelles propositions ou à réexaminer
la question à la lumière de circonstances nouvelles, aussi longtemps que le problème n’est pas
résolu et qu’il demeure un grave sujet de préoccupation pour l’un d’eux.
42. Dès lors, le point fondamental saute aux yeux. Nous sommes tous mortels. Notre
imagination et nos capacités sont limitées. Mais aucune génération, qu’il s’agisse de responsables
politiques ou de juristes, n’a le droit de cesser de chercher des solutions à des situations continues
d’injustice ou d’illicéité flagrantes.
La «justice» n’est pas limitée au règlement judiciaire
43. Le deuxième argument que tire la Bolivie de la référence à «la paix et [à] la sécurité
internationales ainsi qu[’à] la justice» est que, de même que le paragraphe 1 de l’article 1 de la
Charte des Nations Unies (dans lequel sont mentionnés les «principes de la justice et du droit
international») et que le paragraphe 3 de l’article premier de la déclaration de Manille, le
paragraphe 3 de l’article 2 de la Charte opère une distinction entre le champ d’application de
l’obligation de régler les différends et le champ d’action plus spécifique de la Cour.
44. La mission de la Cour est «de régler conformément au droit international les différends
qui lui sont soumis», et cela a deux conséquences distinctes. Premièrement, la Cour règle les
différends sur la base du droit international : elle ne le fait pas sur la base de considérations
touchant à «la paix et [à] la sécurité internationales ainsi qu[’à] la justice». Deuxièmement, la Cour
doit trancher les différends d’ordre juridique qui lui sont soumis. Pour reprendre l’expression bien
connue qui a été employée en l’affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, il doit exister
«un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses
juridiques ou d’intérêts entre deux personnes».
45. Il est par conséquent juste que la «mission» de la Cour impose à celle-ci de rechercher
s’il existe un différend d’ordre juridique  c’est-à-dire qui porte sur des droits ou des obligations
juridiques  avant d’exercer sa compétence. Mais il n’y a aucune raison de dire qu’il en va de
même pour l’obligation de régler les différends par des moyens pacifiques prévue au paragraphe 3
de l’article 2 : rien ne permet de l’interpréter comme s’appliquant uniquement aux différends
127 Ibid.
67
- 58 -
d’ordre juridique. C’est pourquoi le Chili a tort de faire croire dans sa duplique128 que l’obligation
de règlement des différends qui s’impose aux Etats membres de l’ONU ne peut s’appliquer aux
différends qui portent sur des droits ou des obligations juridiques. Ce faisant, il confond le critère
de la justiciabilité d’un différend devant la Cour avec celui qui permet d’établir si un Etat est tenu,
à l’égard d’un autre, à l’obligation de règlement des différends énoncée au paragraphe 3 de
l’article 2.
46. Et, comme on peut l’attendre de l’organisation politique la plus importante au monde, les
préoccupations de l’ONU s’étendent au-delà de celles de la Cour, qui est son organe judiciaire
principal. A l’évidence, le rôle de l’Organisation elle-même ne se confine pas aux différends
d’ordre juridique.
47. Il est impossible que les membres d’une organisation établie aux fins de «créer les
conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et
autres sources du droit international, [et de] favoriser le progrès social et instaurer de meilleures
conditions de vie dans une liberté plus grande»129, et dont les objectifs sont notamment de
favoriser, «par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit
international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international,
susceptibles de mener à une rupture de la paix», ainsi que «la coopération internationale en
résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire»130,
s’en tiennent uniquement à régler des différends d’ordre juridique, à savoir portant sur des droits et
des obligations juridiques. Le paragraphe 3 de l’article 2 de la Charte ne saurait avoir une portée
aussi artificiellement limitée.
48. Cela devient une évidence si l’on considère la mise en oeuvre pratique de cette
disposition. Supposons que des dizaines de milliers de personnes tentent de traverser la frontière
entre un Etat A et un Etat B  afin de fuir la guerre, la maladie ou la famine, par exemple  et
que l’Etat A estime que, pour éviter une catastrophe humanitaire, il est essentiel de les laisser
traverser la frontière, tandis que l’Etat B pense, pour sa part, que l’Etat A devrait les en empêcher.
128 DC, par. 2.4-2.7.
129 Charte des Nations Unies, préambule, par. 1.
130 Charte des Nations Unies, préambule, art. 1.
68
- 59 -
Peut-on vraiment soutenir que l’un de ces Etats, en tant que membre de l’ONU, pourrait dire à
l’autre qu’il refuse de discuter de la question, au motif qu’il ne s’agit pas d’un différend d’ordre
juridique  puisqu’il n’y a pas de désaccord quant au point de savoir si les personnes en cause ont
juridiquement le droit de traverser la frontière ? Le fait que les deux Etats soient d’accord sur les
principes juridiques applicables ne résout en rien le problème de fond, qui demeure urgent et grave,
et qui appelle une solution.
49. Les procédures prévues au paragraphe 3 de l’article 2 ne sauraient s’appliquer
uniquement à des différends «d’ordre juridique». Si l’ONU (ou l’OEA) veut progresser dans la
réalisation de ses objectifs, et jouer un rôle utile, ses compétences et ambitions ne peuvent pas être
ainsi réduites à la portion congrue.
Le différend d’ordre juridique dans la présente affaire
50. Evidemment, il ne fait aucun doute que la Cour est bien saisie d’un différend d’ordre
juridique dans la présente affaire. Elle a conclu que «l’objet du différend réside dans la question de
savoir si le Chili a l’obligation de négocier de bonne foi un accès souverain de la Bolivie à l’océan
Pacifique et, dans l’affirmative, si le Chili a manqué à cette obligation»131.
51. Un élément de ce différend d’ordre juridique est la portée et l’effet de l’obligation de
négocier en droit international général. La Bolivie soutient132 que cette obligation s’étend aux
situations dans lesquelles un Etat fait des déclarations officielles, sur des questions d’une
importance vitale pour lui, à un autre Etat, en lui demandant de réagir ou de prendre certaines
mesures. Pour reprendre les termes employés par M. Simma dans son commentaire de la Charte
des Nations Unies, l’obligation exprimée au paragraphe 3 de l’article 2 «entre en jeu dès qu’un
différend est devenu un problème d’une telle gravité pour l’une des parties que celle-ci en a
officiellement informé la partie adverse» 133 .
52. Si, dans une situation où un problème grave est porté à l’attention d’un Etat voisin,
celui-ci s’abstient de réagir et refuse catégoriquement d’aborder ledit problème, il existe alors un
131 Obligation de négocier un accès à l'océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt,
C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 605, par. 34.
132 Voir RB, par. 168 et 174.
133 B. Simma et al., The Charter of the United Nations. A Commentary, 3ème éd., 2012, vol. 1, p. 196. [Traduction
du Greffe]
69
- 60 -
différend, que les Etats sont tenus  en application du droit international général et plus
particulièrement en tant que membres de l’ONU  de tenter de régler. La question de savoir si la
Cour qualifierait le problème en suspens de «différend d’ordre juridique» n’est pas pertinente.
53. La Bolivie ne prétend pas que cette obligation soit déclenchée chaque fois qu’un Etat
soulève un quelconque problème auprès d’un autre Etat, ni que la Charte prescrive une procédure
détaillée pour résoudre les différends.
54. Quant au point de savoir à quel moment naît l’obligation, la Bolivie affirme seulement
qu’elle naît au moins au moment où un Etat soulève formellement auprès d’un autre Etat une
question d’intérêt vital ; et elle naît a fortiori lorsque, comme en l’espèce, l’autre Etat accepte de se
pencher sur la question et accepte d’exaucer la demande de l’autre partie.
55. Quant au point de savoir ce que l’obligation recouvre, la Bolivie estime que le
paragraphe 3 de l’article 2 impose l’obligation de chercher activement à régler les différends
internationaux «par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité
internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger». C’est une obligation qui doit être
prise au sérieux  par les Etats et, si je puis me permettre, par la Cour . Et elle englobe les
obligations concrètes que j’ai déjà évoquées.
Conclusion
56. Permettez-moi de conclure. La Bolivie soutient que, à chaque fois qu’un problème grave
est en suspens entre deux Etats, le droit international général impose à ceux-ci une obligation, au
minimum, de négocier à ce sujet. Il ne suffit pas de s’abstenir de recourir à la force pour surmonter
un problème, et le verbiage des dîners ou réceptions diplomatiques n’équivaut pas à une
«négociation» dans ce contexte. Il faut s’attaquer réellement aux problèmes, rechercher activement
les compromis possibles et rester ouvert à de nouvelles idées, pour essayer de résoudre lesdits
problèmes.
57. Si le Chili déclare que le statu quo lui convient et demande pourquoi il aurait la moindre
raison de discuter de la question d’un accès souverain avec la Bolivie, il est facile de lui apporter
une réponse.
70
- 61 -
58. Et cette réponse est la suivante : en tant que membres de la communauté internationale,
et en particulier en tant qu’Etats parties aux chartes des Nations Unies et de l’OEA, la Bolivie et le
Chili ont l’obligation d’adopter une approche différente, non isolationniste, face à de tels
problèmes. Ils ont choisi d’accepter les règles et procédures d’organisations créés précisément pour
promouvoir activement la justice et la coopération internationale ainsi que le développement
économique et social de tous les peuples.
59. Une telle obligation implique plus que de s’abstenir d’être un mauvais voisin. Elle
implique d’essayer activement d’être un bon voisin. Ainsi que la Cour l’a déclaré en l’affaire de
l’Incident aérien du 10 août 1999, cela est nécessaire «afin d’assurer à tous [les Etats] la jouissance
des droits et avantages résultant de leur qualité de membre» de l’ONU.
60. De l’avis de la Bolivie, il faut reconnaître que le droit international contemporain, et en
particulier le régime instauré par les chartes des Nations Unies et de l’OEA, répond à des ambitions
allant au-delà du maintien de la paix, et exige des Etats qu’ils s’efforcent activement de désamorcer
et de régler les différends internationaux graves, qui, s’ils ne coûtent pas nécessairement des vies
d’une manière aussi visible que les guerres, causent néanmoins de véritables épreuves et préjudices
aux Etats et à leurs ressortissants.
61. A une époque où la menace de l’isolationnisme et de l’unilatéralisme semble avoir atteint
son paroxysme, l’organe judiciaire principal de l’ONU est appelé à dire ce que recouvre
l’engagement essentiel des Etats membres en faveur des principes fondamentaux qui régissent le
règlement pacifique des différends, et à dire comment cet engagement doit se traduire en présence
de graves problèmes internationaux tels que celui qui domine les relations entre la Bolivie et le
Chili depuis plus d’un siècle. La Bolivie est d’avis que tourner le dos à un problème, comme
cherche à le faire le Chili, n’est pas une réponse. Voilà, Monsieur le président, qui vient clore mon
exposé et, à moins que je ne puisse encore être utile à la Cour, vient clore également les audiences
de ce jour.
71
- 62 -
Le PRESIDENT : Je vous remercie. Votre exposé, comme vous l’avez dit, met un terme aux
audiences de ce matin. La procédure orale en la présente affaire reprendra demain, mardi 20 mars
2018, à 10 heures, afin que la Bolivie puisse poursuivre son premier tour de plaidoiries.
Merci à tous. La séance est levée.
La séance est levée à 13 h 10.
___________

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