Déclaration de M. le juge ad hoc Al-Khasawneh

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165-20180202-JUD-01-08-EN
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DÉCLARATION DE M. LE JUGE AD HOC AL-KHASAWNEH
[Traduction]
Pouvoir discrétionnaire laissé aux juges en ce qui concerne la délimitation de la ZEE et du plateau continental  Cour devant apprécier l’équité de la délimitation de manière globale  Cour ne devant pas se limiter à vérifier l’absence de disproportion flagrante lors de la troisième étape de la délimitation.
La délimitation maritime impose de trouver un compromis entre deux nécessités, d’une part, celle de respecter la certitude et la prédictibilité du droit et, de l’autre, celle de tenir compte de réalités géographiques qui diffèrent dans chaque affaire.
Il est demandé aux juges de ne pas «refaire la nature entièrement» (Plateau continental de la mer du Nord (République Fédérale d’Allemagne/Danemark) (République Fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 49-50, par. 91), ce qui pourrait n’être qu’une manière singulière de dire qu’ils peuvent le faire à condition que ce «remodelage» ne soit pas total ou flagrant. C’est en réalité ce qu’ils font en permanence. Décider du poids à attribuer à une île donnée comporte toujours une part de subjectivité. De même, il est impossible de déterminer sur une base purement mathématique quand le tracé d’une ligne d’équidistance constitue une «amputation». Cette part de subjectivité est à la fois normale et légitime, et j’ai toujours estimé que le législateur devait laisser une marge d’appréciation au juge.
S’agissant de la délimitation de la zone économique exclusive et du plateau continental, il est assurément permis d’affirmer que, pour autant que les négociations ayant abouti à l’adoption de la convention sur le droit de la mer puissent nous fournir des indications, les auteurs de cet instrument ont sciemment laissé une grande marge d’appréciation au juge eu égard à la quasi-impossibilité de prévoir des solutions législatives uniformes.
Le juge étant naturellement prédisposé à limiter sa part de subjectivité, il ressort de la jurisprudence de la Cour que celle-ci est parvenue à transformer l’«équité créative» en une «équité corrective» plus restreinte, et ce, en suivant certaines méthodes et techniques, dont la plus notable est la méthode de délimitation en trois étapes qui a été employée dans la jurisprudence récente. C’est une démarche rigoureuse et pertinente, à condition de ne pas perdre de vue qu’il ne s’agit que d’une méthode et que ce qui importe, c’est que le résultat final soit équitable. Ce modus operandi présente un autre aspect moins engageant, en ce que la troisième étape est liée au critère extrêmement facile à remplir (toutes les délimitations y satisfont) de l’absence de disproportion flagrante des droits maritimes par rapport à la mesure objective de la longueur des côtes pertinentes des parties. Cet élément est important pour vérifier l’absence de disproportion flagrante, mais ce n’est pas le seul. La Cour s’impose de parvenir à une solution équitable, contrainte qui ne trouve aucun appui dans le libellé des articles 74 et 83 de la convention sur le droit de la mer, lesquels laissent supposer une appréciation globale du caractère équitable du résultat à la fin du processus de délimitation, même s’il est reconnu qu’une telle appréciation comprend une part de subjectivité.
En ce qui concerne la délimitation opérée dans le Pacifique, je crois que la Cour serait parvenue à un résultat plus équitable si elle avait accordé un poids important mais néanmoins relatif à la péninsule de Nicoya. Cela aurait été justifié compte tenu de la proximité de cette péninsule avec le point de départ de la délimitation et de l’absence de différence qualitative avec celle de Santa Elena. Cela serait revenu, en somme, à refaire quelque peu la nature, mais certainement pas à la refaire entièrement.
(Signé) Awn AL-KHASAWNEH.
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Déclaration de M. le juge <i>ad hoc</i> Al-Khasawneh

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