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CR 2016/5

Vendredi 11 mars 2016 à 15 heures

Friday 11 March 2016 at 3 p.m. - 2 -

8 The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open. This afternoon the Court will hear

the first round of oral argument of the Marshall Islands in the case of Obligations concerning

Negotiations relating to Cessation of the Nuclear Arms Race and to Nuclear Disarmament

(Marshall Islands v. United Kingdom).

I give the floor to Mr. Tony deBrum, Co-Agent of the Marshall Islands.

M. deBRUM :

INTRODUCTION

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les Membres de la Cour, c’est un honneur

et un privilège renouvelés pour moi que de me présenter devant vous comme coagent de la

République des Iles Marshall, cette fois dans le différend entre les Iles Marshall et le

Royaume-Uni.

2. Le conseil des Iles Marshall répondra plus en détail aux arguments juridiques du

Royaume-Uni.

3. Quant à moi, dans la première partie de cette déclaration liminaire, je réagirai à certaines

fausses représentations faites par le Royaume-Uni dans sa plaidoirie orale de mercredi.

4. Les questions en jeu sont :

a) les griefs très réels en cause dans le présent différend et l’accord stratégique que constitue le

TNP ; et

b) le caractère fallacieux de l’argument du Royaume-Uni selon lequel lui imposer le remède

1
sollicité reviendrait à lui ordonner d’«applaudir d’une seule main» .

5. Dans la deuxième partie de cette déclaration, j’évoquerai le règlement pacifique auquel

souhaite parvenir mon pays, et l’état de droit qui est si important pour lui.

6. Dans la dernière partie, je traiterai brièvement de l’acceptation par les Iles Marshall de la

juridiction obligatoire de la Cour.

7. A titre préliminaire, je tiens à confirmer que les Iles Marshall n’attendent aucune

réparation pécuniaire en l’espèce.

1CR 2016/3, p. 32, par. 58-59. - 3 -

Première partie

9 a) Les griefs très réels en cause dans le présent différend et l’accord stratégique que constitue
le Traité de non-prolifération

8. J’aborderai maintenant la question des griefs très réels en cause dans le présent différend

et de l’accord stratégique que constitue le TNP.

9. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, l’allégation selon laquelle la

présente espèce serait «une affaire artificielle» est sans fondement. J’ai entendu mercredi le conseil

2
du Royaume-Uni faire cette allégation cinq fois en un seul paragraphe . En guise de réponse,

j’établirai le caractère très réel des griefs de mon pays, ainsi que les motifs qui l’animent.

10. On peut trouver dès 1995 une confirmation officielle du sérieux de la position des

Iles Marshall dans la lettre qu’elles ont adressée à la Cour cette année-là au sujet de l’avis

consultatif sur la question de la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires. L’exposé

o
écrit que la République des Iles Marshall a joint à cette lettre figure sous l’onglet n 1 du dossier de
3
plaidoiries . A la page 2 de son exposé, mon pays évoque les terribles effets de la contamination

radioactive sur la santé des habitants des Iles Marshall, y compris notamment les malformations

congénitales extrêmes et les cancers. Je citerai, par exemple, la déclaration de

Mme Lijon Eknilang, de l’atoll de Rongelap, reproduite à la page 4 de l’onglet n 1 du dossier de

plaidoiries :

«Les femmes de l’île … ont accouché de bébés qui ressemblent à des blocs de
gelée. Certaines de ces choses, nous les portons pendant huit ou neuf mois. Elles

n’ont ni jambes, ni bras, ni tête, ni rien. D’autres enfants sont nés qui ne reconnaîtront
jamais ni le monde ni leurs propres parents. Ils sont juste couchés là, avec des bras et
des jambes tout contournés, et ils ne parlent jamais. Nous avons déjà sept enfants
comme ça.»

L’exposé évoque aussi de nombreux autres terribles préjudices subis par les Marshallais. Je ne les

citerai pas, mais les membres de la Cour pourront en prendre connaissance sous l’onglet n 1 du o

dossier de plaidoiries.

2CR 2016/3, p. 32, par. 58.
3
Lettre du 22 juin 1995 du représentant permanent des Iles Marshall auprès de l’Organisation des Nations Unies,
accompagnée de l’exposé écrit du oouvernement des Iles Marshall, http://www.icj-cij.org/docket/files/95/8720.pdf
[consultée le 10 mars 2016] ; onglet n 1 du dossier de plaidoiries. - 4 -

11. Il importe de noter que, dans ce même exposé écrit, les Iles Marshall établissent un lien

entre la destruction de leurs terres et les dommages infligés à leur population d’une part, et leur

décision d’adhérer au TNP d’autre part, comme il ressort du passage suivant :

«Compte tenu de ce que les Iles Marshall ont une expérience directe et
considérable des effets délétères des armes nucléaires, leur décision de ratifier cette
année le traité de non-prolifération nucléaire est bien compréhensible. La «cessation

de la fabrication d’armes nucléaires, la liquidation de tous les stocks existants desdites
armes et l’élimination des armes nucléaires … des arsenaux nationaux» qui sont le but
de ce traité sont en complète harmonie avec la politique étrangère de coexistence
pacifique des Iles Marshall, ainsi qu’avec l’objectif global de la communauté
internationale qui est de parvenir à la paix mondiale.» 4

10 12. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, l’allégation du Royaume-Uni

selon laquelle nos griefs seraient «artificiels» est, au mieux, complétement erronée. Sérieusement,

ce n’est pas pour s’amuser que les Iles Marshall se rendent de l’autre côté de la planète pour y

adhérer à des traités. Les Iles Marshall ne renoncent pas à leurs droits sans attendre de

contrepartie.

13. Pour résumer, l’accord stratégique que constitue le TNP consistait en ce que les Etats non

dotés d’armes nucléaires convenaient de ne pas en acquérir, tandis que les Etats qui en étaient dotés

convenaient de négocier de bonne foi le désarmement nucléaire et la fin de la course aux
5
armements nucléaires. Cet accord est décrit dans notre requête .

14. La République des Iles Marshall a adhéré avec enthousiasme au TNP en 1995 en qualité

d’Etat non doté d’armes nucléaires ; en retour, il a reçu l’engagement juridiquement contraignant

des Etats parties au Traité, y compris le Royaume-Uni. Le fait que cette obligation soit

multilatérale ne met pas le Royaume-Uni à l’abri de poursuites judiciaires fondées sur son

comportement.

b) Le caractère fallacieux de l’argument du Royaume-Uni concernant l’impossibilité
d’«applaudir d’une seule main»

15. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, j’en viens maintenant à

l’argument du Royaume-Uni concernant l’impossibilité d’«applaudir d’une seule main». Nous

4 Lettre du 22 juin 1995 du représentant permanent des Iles Marshall auprès de l’Organisation des Nations Unies,
accompagnée de l’exposé écrit du Gouvernement des Iles Marshall, http://www.icj-cij.org/docket/files/95/8720.pdf
[consultée le 10 mars 2016] ; onglet n 1 du dossier de plaidoiries, p. 5.

5 Requête des Iles Marshall (RIM), p. 22 et 23, par. 82. - 5 -

avons entendu à l’audience le Royaume-Uni prétendre qu’une hypothétique injonction visant à lui

faire remplir son obligation de poursuivre de bonne foi les négociations en cause reviendrait à le

forcer d’«applaudir d’une seule main» . Ce que nous en retenons, c’est que le Royaume-Uni a pour

position qu’aucune main, y compris les siennes, n’a encore commencé d’applaudir  ou de

négocier.

16. Autrement dit, pour le Royaume-Uni, aucune partie ne poursuit de bonne foi les

négociations en cause. Autrement dit encore, on croirait entendre quelqu’un qui, pris en flagrant

délit d’inconduite, répondrait : «Mais tout le monde le fait.»

17. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ce moyen de défense du «tout

le monde le fait» n’a jamais marché dans ma famille, ne marche pas dans mon pays, et ne devrait

pas marcher devant la Cour. De plus, le Royaume-Uni passe complétement sous silence la grande

majorité des Etats non dotés d’armes nucléaires qui, comme les Iles Marshall, cherchent

aujourd’hui à poursuivre de véritables négociations.

11 18. Le soutien de cette grande majorité des Etats non dotés d’armes nucléaires est manifeste

dans les résolutions par lesquelles l’Assemblée générale des Nations Unies demande l’ouverture

immédiate de négociations en vue de conclure une convention relative aux armes nucléaires sur le

7
modèle de la convention relative aux armes chimiques .

19. Etant donné que le Royaume-Uni s’oppose à de telles négociations et à un traité

d’interdiction des armes nucléaires, il ne saurait soutenir raisonnablement devant la Cour qu’on le

forcerait à «applaudir d’une seule main» si on lui ordonnait de poursuivre de bonne foi des

négociations sur le désarmement nucléaire sous tous ses aspects et sous un strict contrôle

international et de s’acquitter des obligations mises à sa charge par l’article VI.

Deuxième partie

Règlement pacifique et état de droit

20. Passons maintenant au règlement pacifique de ce différend et à l’importance particulière

que revêt l’état de droit pour les Iles Marshall.

6 CR 2016/03, p. 32, par. 58-59.

7 Mémoire des Iles Marshall (MIM), p. 26, par. 91, qui cite la résolution A/RES/68/32 du 5 décembre 2013 de
l’Assemblée générale des Nations Unies (137-28-20). - 6 -

21. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, en guise de contexte et pour

répondre encore au Royaume-Uni qui prétendait mercredi que notre demande était «artificielle», je

ferai un bref résumé des rapports de mon pays avec l’arme nucléaire. Alors qu’elles avaient le

statut de territoire sous tutelle des Nations Unies, les Iles Marshall ont été le théâtre de l’explosion

délibérée, à titre d’«essai», de pas moins de 67 bombes atomiques et thermonucléaires.

22. Pendant ces «essais» qui ont provoqué une contamination considérable, plusieurs îles de

mon pays ont été réduites en cendres. De nombreux, très nombreux Marshallais ont perdu la vie et,

comme je l’ai dit plus tôt, beaucoup sont nés avec des malformations congénitales comme on n’en

avait jamais vues et d’autres ont été victimes de cancers. Les Iles Marshall sont devenues ainsi un

témoin oculaire tragique de la capacité meurtrière de ces armes qui frappent sans discrimination, et

des effets persistants qu’elles continuent de produire après plus de 60 années.

23. Un essai en particulier, baptisé «Bravo», a fait exploser une bombe mille fois plus

puissante que les bombes lâchées au-dessus d’Hiroshima et Nagasaki. J’étais un enfant de neuf ans

quand j’ai vu cette explosion gigantesque, à environ 200 milles de là, alors que je pêchais avec mon

grand-père sur la plage de l’atoll de Likiep : le ciel entier est devenu rouge sang. La distance à

laquelle je me trouvais de l’explosion était à peu près celle qu’il y a de La Haye à Paris  une

distance importante donc.

12 24. Des retombées radioactives de cet essai ont été détectées en Australie, en Inde, au Japon,

aux Etats-Unis et en Europe. Il serait faux de prétendre que les effets de ces armes

thermonucléaires peuvent être contenus dans des limites spatiales ou temporelles données ou à

l’intérieur des frontières d’un pays quel qu’il soit.

25. De plus, l’assertion voulant que le différend en cause soit une question politique est tout

aussi erronée. Comme c’est le cas ici, ce sont généralement les pays les plus puissants qui

demandent aux autres de considérer les menaces contre leur survie comme des questions politiques.

26. Quand les Iles Marshall  qui n’avaient pas encore accédé à la souveraineté  ont saisi

l’ONU de leurs objections aux essais nucléaires et demandé qu’il soit mis fin à ces essais, l’ONU

n’a pas entendu leur appel et les prétendus essais ont continué. - 7 -

27. Et la situation s’est encore aggravée. Un an avant la réinstallation des Marshallais dans

l’île contaminée de Rongelap dans les Iles Marshall, en 1956, le chef de la santé et de la sécurité de

la Commission de l’énergie atomique a tenu ces propos odieux :

«Cette île est de loin l’endroit le plus contaminé du monde, et il serait très
intéressant d’avoir une idée de la capacité humaine d’absorption quand des gens
vivent dans un milieu contaminé … Il est vrai, certes, que ces gens ne vivent pas

comme vivent les Occidentaux, les gens ci8ilisés, mais il est également vrai qu’ils sont
plus proches de nous que les souris.»

La référence de cette citation se trouve sous l’onglet n 2 du dossier de plaidoiries.

28. Plus tard, en 1969, le secrétaire d’Etat Henry Kissinger a fait cette odieuse déclaration :

«Il n’y a que 90 000 habitants là-bas  on s’en fiche bien.» 9

29. Cette déclaration, comme d’autres, a été faite à une époque où, comme l’a expliqué le

Royaume-Uni dans sa plaidoirie de mercredi, le Royaume-Uni appliquait les dispositions de son

premier accord de défense mutuelle avec les Etats-Unis en matière d’armements nucléaires. Certes

cette déclaration, pas plus que les «essais» ou que les souffrances et le traitement subis par les

Marshallais qui sont le résultat de ces essais, ne constitue pas le fondement de notre différend

actuel avec le Royaume-Uni. Mais ces expériences nous ont donné de ces choses une connaissance

unique et que nous n’avons jamais demandé à avoir. Elles expliquent pourquoi un pays de la taille

du nôtre et aux moyens limités a pris le risque d’introduire une instance comme celle-ci contre un

Etat doté d’armes nucléaires comme le Royaume-Uni.

13 30. Et ces expériences mettent aussi en évidence le fait que, malgré la forte disproportion

entre la population des Iles Marshall, qui comptent moins de 70 000 habitants, et celle du

Royaume-Uni, les Iles Marshall se présentent devant la Cour sur un pied d’égalité avec le

Royaume-Uni. Plus précisément, comme l’a réaffirmé le préambule de la Charte des

Nations Unies, il y a «égalité de droits» entre les nations «grandes et petites» . En effet, comme

l’affirme l’article 2 de la Charte, «l’Organisation [des Nations Unies] est fondée sur le principe de

8 Robert C. Koehler, Happy Savages : What We Did to the Marshall Islanders, 15 février 2012,
http://www.commondreams.org/views/2012/02/15/happy-savages-what-we-did-… [consulté le
10 mars 2016] ; onglet n 2 du dossier de plaidoiries.
9
Lettre du 22 juin 1995 du représentant permanent des Iles Marshall auprès de l’Organisation des Nations Unies,
accompagnée de l’exposé écrit du Gouvernement des Iles Marshall, http://www.icj-cij.org/docket/files/95/8720.pdf
[consultée le 10 mars 2016] ; onglet n 1 du dossier de plaidoiries, p. 3.
10
Charte des Nations Unies, préambule. - 8 -

l’égalité souveraine de tous ses Membres» . Pour les Iles Marshall, l’état de droit et l’égalité de

tous les Etats dans le cadre de cet état de droit ont une importance qui ne saurait être surestimée et

sont parfaitement pertinents.

31. Les Iles Marshall adhèrent pleinement aux principes de la Charte des Nations Unies, y

compris, en particulier, au principe selon lequel les nations doivent régler pacifiquement leurs

différends conformément à l’article 33.

32. L’article 33 de la Charte offre aux Etats une liste de moyens à utiliser pour rechercher la

solution de leurs différends . Parmi ces moyens figurent la «négociation» ainsi que le «règlement

judiciaire». Le «choix» du moyen est laissé à la discrétion de l’Etat concerné. Le choix fait ici

par les Iles Marshall s’est traduit par l’introduction d’une instance contre le Royaume-Uni. Les

Iles Marshall cherchent un «règlement judiciaire».

33. Notre but est d’obtenir du Royaume-Uni qu’il poursuive de bonne foi les négociations

voulues, promises et convenues en vue du désarmement nucléaire sous tous ses aspects.

Troisième partie

L’acceptation de la juridiction de la Cour
par les Iles Marshall

L’acceptation de la juridiction inclut le présent différend

34. La tutelle sur les Iles Marshall, autorisée par l’ONU, n’a été levée qu’en décembre 1990,

et les Iles Marshall n’ont été admises à l’ONU que le 17 septembre 1991. Notre acceptation de la

juridiction obligatoire de la Cour s’étend à tous les différends nés après cette date.

35. Aux pages 21 à 24 de l’exposé contenant nos observations, nous avons démontré que

l’acceptation par mon pays de la juridiction obligatoire de la Cour ne valait pas uniquement en ce

14
14 qui concernait son différend avec le Royaume-Uni ou aux fins de celui-ci . On y trouvera des

références à l’instance relative au changement climatique que la République des Iles Marshall a

envisagé d’introduire devant la Cour internationale de Justice, ainsi qu’à d’autres affaires. Je ne

11
Charte des Nations Unies, art. 2, par. 1.
12Ibid., chap. VI, art. 33, par. 1.

13Ibid.
14
Exposé écrit contenant les observations et conclusions des Iles Marshall (EEIM), p. 21-24, par. 51-61. - 9 -

répéterai pas ces informations ici, mais je tiens à rappeler que c’est moi qui ai signé la déclaration

15
de la République des Iles Marshall .

36. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, les réclamations des

Iles Marshall dans le présent différend sont basées sur le comportement du Royaume-Uni et sur son

inobservation de l’article VI du traité de non-prolifération, depuis la date à laquelle la communauté

internationale a reconnu la souveraineté des Iles Marshall. Ces réclamations ne sont pas basées

sur le comportement d’autres Etats ou leur inobservation de l’article VI. Elles ne sont pas non plus

basées sur des comportements antérieurs à la date à laquelle les Iles Marshall ont acquis des droits

internationaux d’ordre juridique.

Conclusion

37. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, un jour viendra où les

derniers témoins oculaires des explosions nucléaires et thermonucléaires et de leur puissance

dévastatrice auront disparu. Etant donné que les Iles Marshall ont une expérience directe de ces

armes, comment auraient-elles pu ne pas saisir la Cour du différend juridique en cause ?

Monsieur le président, je vous serais reconnaissant de bien vouloir donner la parole à mon

collègue M. Phon van den Biesen. Je vous remercie.

The PRESIDENT: Thank you, Excellency. I give the floor to Mr. van den Biesen,

Co-Agent of the Marshall Islands.

M. van den BIESEN :

Observations générales

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un honneur pour moi que

de me présenter de nouveau devant vous, cette fois pour répondre — au nom des Iles Marshall —

au Royaume-Uni, le défendeur en cette affaire.

2. Monsieur le président, les déclarations liminaires qu’a faites le conseil du défendeur

permettent assurément de clarifier la situation dans laquelle se trouvent les Parties en la présente

1MIM, annexe 70, p. 2. - 10 -

15 affaire. Le défendeur déclare ainsi, et ce, en citant la source la plus autorisée dont il dispose,

c’est-à-dire lui-même, que «[l]e Royaume-Uni peut s’enorgueillir d’un bilan solide en matière de

désarmement nucléaire» . Monsieur le président, les Iles Marshall ne souscrivent pas à cette

allégation, car il ne s’agit pas ici de savoir à quel point le Royaume-Uni a lieu d’être fier de son

bilan en matière de désarmement nucléaire, mais bien de savoir si, oui ou non, il «poursui[t] de

bonne foi et [cherche à] mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans

tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace». Or le défendeur n’est pas engagé

dans de telles négociations ; bien au contraire, il y a été opposé et continue de l’être.

3. Le Royaume-Uni déclare encore : «[n]ous souscrivons au [fait qu’il faut] inciter les Etats à

faire davantage d’efforts pour atteindre l’objectif énoncé à l’article VI du traité sur la

non-prolifération … et consistant à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures

efficaces en faveur du désarmement nucléaire» . 17 Monsieur le président, les Iles Marshall

contestent également cette déclaration, car il ne s’agit pas de savoir si le Royaume-Uni fait

«davantage» ou «moins» d’efforts pour atteindre ledit objectif, mais bien de savoir si, oui ou non, il

«poursui[t] de bonne foi et [cherche à] mener à terme des négociations conduisant au désarmement

nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace». Or, loin d’être

engagé dans de telles négociations, le défendeur y est expressément opposé.

4. Le Royaume-Uni soutient qu’«[i]l n’existe aucun différend entre [lui-même] et les

Iles Marshall» .8 Monsieur le président, nous ne souscrivons pas à cette déclaration. Le

Royaume-Uni continue de se comporter à l’aune d’une règle qui n’est pas celle qui devrait être

appliquée en l’espèce. Il remplace tout simplement la règle applicable par une autre qu’il a

lui-même inventée, afin de pouvoir prétendre que les Parties sont — sans doute — d’accord.

5. Le Royaume-Uni n’a jamais affirmé dans le cadre de la présente instance, ni même,

d’ailleurs, en dehors de celle-ci, qu’il s’acquittait pleinement de l’obligation qui est au cœur de

l’affaire. J’énoncerai donc de nouveau cette obligation pour que le défendeur comprenne bien quel

16 est l’objet de la présente affaire : «[i]l existe une obligation de poursuivre de bonne foi et de mener

16
CR 2016/3, p. 12, par. 3.
17CR 2016/3, p. 12, par. 2.

18Ibid. - 11 -

à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un

contrôle international strict et efficace.» 19

6. A supposer, pour les besoins de l’argumentation, que le Royaume-Uni change subitement

d’avis et qu’il revienne ici lundi pour déclarer qu’il se conformera désormais pleinement à cette

règle, c’est-à-dire à l’obligation énoncée par la Cour dans son avis consultatif, les Iles Marshall —

bien que se félicitant de cette évolution — ne partiraient évidemment pas du principe qu’il le ferait

bel et bien, pareille déclaration devant en effet être étayée par un changement de comportement

effectif et durable. Tout cela démontre simplement qu’il s’agit là de questions qui relèvent du fond

de la présente affaire, et qu’elles n’ont rien à voir avec la compétence ou la recevabilité.

7. Dans ses exceptions préliminaires, le Royaume-Uni soutient que les demandes des
20
Iles Marshall sont «manifestement dépourvues de fondement» . Il se peut — même si nous en

doutons — il se peut, donc, qu’au stade de l’examen de l’affaire au fond, la Cour en vienne à

conclure que le Royaume-Uni s’acquitte effectivement de ses obligations, mais l’on ne saurait

certainement pas exclure qu’elle retienne la position des Iles Marshall. A ce stade, celles-ci ont en

tout cas fait valoir davantage de faits qu’il n’en faut pour démontrer que, à tout le moins, rien dans

leur position n’est manifestement infondé. Le Royaume-Uni n’a à aucun moment allégué, et

encore moins démontré, qu’il agissait conformément à l’obligation énoncée par la Cour dans son

avis consultatif, si bien que l’on peut se demander ce qui, exactement, est manifestement dépourvu

de fondement en la présente instance.

8. L’expression «manifestement dépourvue de fondement» s’applique aussi assurément à

l’affirmation du défendeur selon laquelle les Iles Marshall ont soutenu qu’il faisait preuve de

mauvaise foi dans son comportement. Or, les Iles Marshall n’ont jamais dit cela et le fait que le

21
Royaume-Uni le répète sept fois — comme il l’a fait mercredi dernier — n’y change rien. Certes,

les Iles Marshall sont bien d’avis que le Royaume-Uni ne s’acquitte pas de bonne foi de ses

obligations. Mais cela n’équivaut pas à dire que le Royaume-Uni fait preuve de mauvaise foi dans

19 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 276,
par. 105 2) F.

20Exceptions préliminaires du Royaume-Uni (EPRU), p. 3, par. 5.
21
CR 2016/3, p. 12, par. 3 ; p. 15, par. 15 ; p. 19, par. 24 ; p. 20, par. 27 ; p. 26, par. 41 ; p. 27, par. 44 ; et p. 31,
par. 55. - 12 -

17 son comportement. Dans les années 1950, sir Gerald Fitzmaurice a déclaré qu’«[i]l exist[ait] une

réticence naturelle à taxer un Etat de mauvaise foi, au sens d’une intention délibérée de contourner

sciemment une obligation internationale.» Le Royaume-Uni ne semble pourtant éprouver aucune

réticence en la présente affaire, alors même qu’il ne s’agit pas de le désigner d’un doigt accusateur,
22
mais bien d’établir qu’il ne s’est pas comporté de bonne foi et continue dans cette voie .

9. Monsieur le président, les Iles Marshall souhaitaient que les neuf Etats dotés d’armes

nucléaires comparaissent devant la Cour et elles continuent de penser que tous auraient dû être

présents ici cette semaine, chacun pour sa propre affaire. Et ce n’est pas parce que nous ne

pouvons pas nous passer d’eux d’un point de vue juridique, mais parce que le comportement de ces

autres Etats mérite également de faire l’objet d’une décision de la Cour. Le Royaume-Uni est

d’ailleurs du même avis (voir par exemple, EPRU, partie III, section C et parties IV et V de la

plaidoirie de Mme Wells ), bien que pour des raisons totalement différentes : il déclare que, sans

la présence des autres Etats dotés d’armes nucléaires — sans doute dans le cadre d’une seule affaire

concernant les neuf Etats — la Cour ne saurait rendre l’arrêt demandé et n’est dès lors pas même

autorisée à statuer sur le fond de l’affaire. L’approche du Royaume-Uni ne peut être retenue,

puisque la Cour n’est pas tenue d’établir la situation juridique d’un quelconque Etat tiers avant de

commencer à statuer sur les demandes formulées par les Iles Marshall en la présente affaire. Au vu

de l’obligation énoncée dans l’avis consultatif, chaque Etat pris individuellement doit être jugé sur

son comportement propre. Le fait que les Iles Marshall aient parlé de responsabilité partagée

n’implique pas qu’elles estiment que les neuf Etats devraient être considérés comme prenant part à

une sorte d’«entreprise nucléaire commune», puisqu’aucun lien de ce genre n’existe entre eux.

Chaque Etat établit ses propres projets et politiques et, en tout état de cause, chacun est libre de

faire ses propres choix en matière d’armes nucléaires. Chacun a également sa propre responsabilité

à cet égard, notamment sur le plan juridique.

10. La présente affaire, qui met en cause le Royaume-Uni, doit par conséquent être tranchée

à la lumière des éléments de fond qui lui sont propres, ce qui donnera lieu à un arrêt qui ne sera

22Sir Gerald Gray Fitzmaurice GCMG QC, «The Law and Procedure of the International Court of Justice»,
1954-9 : General Principles and Sources of International Law, BYBIL, vol. 35, p. 209 (1958).

23CR 2016/3, p. 47-57, par. 11-38. - 13 -

obligatoire que pour les Iles Marshall et le Royaume-Uni (art. 59 du Statut). Il va de soi que cet

18 arrêt pourrait donner à d’autres Etats matière à revoir leurs propres comportement et politique, mais

tel est le cas de la plupart des arrêts et avis consultatifs de la Cour, que cela n’a assurément jamais

empêchée de rendre une décision.

11. Dans ses plaidoiries de mercredi dernier (par. 52), le Royaume-Uni semblait

sous-entendre que les Iles Marshall demandaient à la Cour de confirmer en quelque sorte «leur

évaluation politique de la manière dont les Etats parties au TNP devraient se comporter par rapport

à l’obligation de négocier que leur impose l’article VI de cet instrument». Là encore, le

Royaume-Uni déforme la position des Iles Marshall pour ensuite s’attaquer à cette position

modifiée, mais inexacte. Voilà qui ne fait guère avancer sa cause. Le jugement déclaratoire que

les Iles Marshall sollicitent nécessite que la Cour procède à une appréciation juridique, rien de

moins, et il en va de même de la prescription qu’elles sollicitent. Discuter des particularités de

chacune des demandes que les Iles Marshall ont soumises relève du fond et non du présent stade de

la procédure.

12. Monsieur le président, le Royaume-Uni se met alors à chercher une autre porte de sortie

en soutenant que la négociation d’un désarmement nucléaire est une question extrêmement sensible

24
qui nécessiterait «de fines analyses politiques dans un monde hautement instable et dangereux» .

Or les Iles Marshall ne demandent pas à la Cour d’entrer dans le détail des négociations, mais

simplement d’appliquer le droit, et seulement celui qui est applicable à l’obligation dont l’existence

a été reconnue à l’unanimité par la Cour au point 105 F) du dispositif de son avis consultatif.

13. A ce stade, la plaidoirie du Royaume-Uni prend une tournure explosive, le défendeur

25
qualifiant de «stupéfiant» un arrêt de la Cour qui ferait droit aux demandes des Iles Marshall, et

affirmant encore que pareille décision «soulèverait un certain nombre de questions fondamentales

pour le moins épineuses sur la fonction judiciaire de la Cour et le principe de l’effet utile» . Voilà

qui sonne comme une menace, Monsieur le président, et une menace qui n’est pas dirigée contre

24
CR 2016/3, p. 31, par. 55.
25Ibid.
26
Ibid. - 14 -

Iles Marshall ; un peu plus loin, il devient évident qu’il ne s’agissait pas là d’un malencontreux

dérapage, puisque, au paragraphe 59, le Royaume-Uni affirme de façon assez abrupte :

«si la Cour se déclarait compétente pour connaître de la présente affaire, sa fonction
judiciaire en tant qu’arbitre des différends juridiques entre Etats s’en trouverait
sérieusement mise à mal. Pareille décision soulèverait en effet de graves questions à
19
ce sujet et toucherait au cœur même de la juridiction de la Cour en vertu de la clause
facultative, ainsi que de la pérennité de ce mécanisme pour fonder et développer la
juridiction obligatoire de la Cour ; elle soulèverait également des questions bien
réelles sur l’opportunité, pour les Etats, de faire des déclarations en ce sens. Les
répercussions globales qu’aurait le fait, pour la Cour, de se déclarer compétente en
l’espèce sont donc évidentes et manifestes.» (Les italiques sont de nous.)

14. Monsieur le président, il y a de cela quelque temps, lorsque j’étais étudiant en droit, on

m’a enseigné que de minimis non curat praetor. Eh bien, le Royaume-Uni tente ici de renverser

cet axiome : de maximis non curat praetor. Bien évidemment, cela serait totalement incompatible

avec une société mondiale fondée sur la primauté du droit. Mais au-delà de ces considérations, les

Iles Marshall n’ont aucune raison de penser que la Cour ne serait pas capable de statuer sur de

grandes affaires, c’est-à-dire de maximis. La Cour a en effet traité de questions touchant au

génocide, à la violation du droit humanitaire, à l’emploi de la force, à l’autodétermination, et

personne ne serait étonné si, à un moment ou à un autre, il lui était également demandé de statuer

sur les conséquences considérables du changement climatique. A cet égard, Monsieur le président,

je me contenterai de dire que les Iles Marshall font confiance à la Cour et la prient de ne pas les

empêcher de voir leurs demandes équitablement examinées au fond.

15. Merci, Monsieur le président. Je vous prie de bien vouloir appeler à présent à la barre

mon collègue et ami, M. Luigi Condorelli.

The PRESIDENT: Thank you. I give the floor to Professor Condorelli.

Mr. CONDORELLI:

EXISTENCE OF A DISPUTE BETWEEN THE REPUBLIC OF THE M ARSHALL ISLANDS

AND THE UNITED K INGDOM

Mr. President, Members of the Court, I am honoured to take the floor once again on behalf

of the Marshall Islands, which I thank for its continuing confidence. - 15 -

P ART 1

1. “The Court, as a court of law, is called upon to resolve existing disputes between States.

Thus the existence of a dispute is the primary condition for the Court to exercise its judicial

27
function” : this locus classicus is one of the best known from the jurisprudence of the Court, and

20 one of the most frequently cited, including in recent days in this Great Hall of Justice. Here is

another: “the Court can exercise its jurisdiction in contentious proceedings only when a dispute

genuinely exists between the parties” . In these two clear and very well-turned sentences, the

Court expresses a fundamental concept in contemporary international law, on which  it goes

without saying  the Parties to the present case are in complete agreement.

2. They completely disagree, however, in this present case brought before the Court by the

Marshall Islands against the United Kingdom, on whether the existence of a dispute is undeniable

(as the Applicant firmly believes), or whether it must be ruled out (as the Respondent maintains).

Two days ago the Court heard Sir Daniel Bethlehem very eloquently illustrate the principal

argument on which the United Kingdom’s negative submission is based. That argument is

perfectly encapsulated in the summary in Part IV of the United Kingdom’s Preliminary Objections:

«[L]a République des Iles Marshall ayant omis d’informer, d’une quelconque

manière, le Royaume-Uni de ses griefs, il n’existe entre les Parties aucun différend
susceptible de faire l’objet d’un règlement judiciaire ; la Cour n’a donc pas
compétence pour connaître des demandes ou celles-ci sont irrecevables.»

3. The argument that, because the United Kingdom was not given notice, there is no

“justiciable” dispute actually implies an admission that there is indeed a dispute here, but that that

dispute cannot be adjudicated, since a condition allegedly required for that purpose is not met. We

should, in any event, welcome the return of a somewhat antiquated distinction that has rather been

forgotten: the distinction between “justiciable” and “non-justiciable” disputes. In a somewhat

similar vein, when Professor Verdirame said on Wednesday: “I will show that the dispute which

the Marshall Islands alleges it has with the United Kingdom is a dispute with regard to situations or

facts prior to the earliest possible date for the Court’s jurisdiction”, he seemed to be admitting that

2Nuclear Tests (Australia v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, pp. 270-271, para. 55, and Nuclear Tests
(New Zealand v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 476, para. 58.

2Nuclear Tests (Australia v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 271, para. 57 and Nuclear Tests
(New Zealand v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 477, para. 60. - 16 -

there is a dispute in the present case, albeit one over which, in his view, the Court has no

jurisdiction ratione temporis.

4. However, we should put these formal observations to one side and focus our attention on

the main issue. Everyone knows that  according to the most traditional of definitions in the

21 jurisprudence  in order to claim that a dispute exists “[i]t must be shown that the claim of one

party is positively opposed by the other” . Yet the Respondent has told us that this is not enough:

it cannot be accepted that a dispute exists (or rather is justiciable, that is, capable of being brought

before an international court) unless the potential applicant has first informed the potential

respondent of its claims. The United Kingdom contends, in effect, that there is a principle of

customary international law, under which a State intending to bring proceedings against another

State must inform it by giving it notice of its claim, and that this is a precondition for the existence

of a dispute capable of being adjudicated. In other words, no dispute (or at least no “justiciable”

dispute) can exist if the State intending to bring the dispute before the courts has not first brought

its claim to the attention of the other State. Our opponents allege that this principle is laid down in

Article 43 of the Articles of the International Law Commission (the “ILC”) on State responsibility,

and that its existence is confirmed by the legal instruments governing the activity of other

international courts and tribunals.

5. Mr. President, it is undoubtedly interesting to note that, by relying on the principle of prior

notification, the United Kingdom is attempting to persuade the Court that there must in every case

be communication and other forms of interaction between the parties to a dispute before the Court

is seised. In short, some form of previous contact between the parties is required in any event, even

if this does not go so far as full-blown prior negotiations. By arguing in favour of what might be

called “reduced preliminary contact”, the United Kingdom is trying to add a condition which States

must fulfil in order to bring a case before the Court, and of which there is absolutely no mention in

either the United Nations Charter or the Statute, thereby circumventing the Court’s finding that:

“Neither in the Charter nor otherwise in international law is any general rule to
be found to the effect that the exhaustion of diplomatic negotiations constitutes a

precondition for a matter to be referred to the Court. No such precondition was

29South West Africa (Ethiopia v. South Africa; Liberia v. South Africa), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J.
Reports 1962, p. 328. - 17 -

embodied in the Statute of the Permanent Court of International Justice . . . nor is it to
be found in Article 36 of the Statute of this Court.” 30

22 6. There is thus, the Court states, no “general rule to be found to the effect that the

exhaustion of diplomatic negotiations constitutes a precondition for a matter to be referred to the

Court”, although it accepts, as we know, that a special rule might well be established in a particular

and specific context. But there is no special rule, the Court firmly stresses, where the Court “has

been seised on the basis of declarations made under Article 36, paragraph 2, of the Statute, which

declarations do not contain any condition relating to prior negotiations to be conducted within a

31
reasonable time period” .

7. I would insist on this point, since it is particularly relevant in the present case, where the

Court has been seised precisely on the basis of the unilateral declarations made by the

United Kingdom and the Marshall Islands under Article 36, paragraph 2: two declarations which

do not contain any condition about prior negotiations having to be exhausted or even started!

8. Mr. President, it is therefore certain that neither general international law nor the Statute

of the Court requires negotiations prior to the seisin of the Court . 32 But there is another

precondition which is also not required. Once again, Professor Rosenne makes this point perfectly:

«Ni le droit international général ni le Statut n’exige du demandeur potentiel

qu’il informe le défendeur potentiel de son intention d’introduire une instance. En
l’absence de pareille obligation et de toute atteinte aux droits correspondants, le
défendeur ne saurait de bonne foi contester la compétence de la Cour au motif qu’il
n’a pas été préalablement informé de ladite intention.» 33

9. Mr. President, as I have just commented, negotiations prior to the seisin of the Court may,

it is true, take place, but they are not required; nor was it required for the Applicant to have given

prior notice to the Respondent of its intention to bring legal proceedings against it. What is

required, on the other hand  so the United Kingdom says  is a different, another

“prerequisite”, a “reduced prerequisite”, namely, that a State intending to bring a dispute with

another State before the courts must first have brought its claim to that State’s attention by giving

notice of it. But where does it come from, this condition which States must satisfy in order to

30
Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Preliminary Objections,
Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 303, para. 56.
3Ibid., p. 322, para. 109.

3Shabtai Rosenne, The Law and Practice of the International Court, 2006, p. 1153.
33
Ibid. - 18 -

institute proceedings before the Court, and which, I repeat, is not mentioned anywhere in the
23

United Nations Charter, the Statute or the Rules of Court? It comes  we are told  from a

principle of customary international law which the ILC has recognized and laid down in Article 43

of the Articles on the responsibility of States for internationally wrongful acts. The principle is

entitled “Notice of claim by an injured State”, and reads as follows:

“1. An injured State which invokes the responsibility of another State shall give
notice of its claim to that State.

2. The injured State may specify in particular:

(a) the conduct that the responsible State should take in order to cease the wrongful
act, if it is continuing;

(b) what form reparation should take in accordance with the provisions of part two.”

10. Mr. President, there is no question of disputing the existence and relevance of this

principle. The Marshall Islands would not dream of doing so! Clearly, if a State which considers

that its rights have been injured by the acts of another State wishes to invoke the international

responsibility of that State, it must indeed address its claim to it. As the commentary of the

International Law Commission (ILC) explains:

“Although State responsibility arises by operation of law on the commission of
an internationally wrongful act by a State, in practice it is necessary for an injured
State and/or other interested State(s) to respond, if they wish to seek cessation or
reparation. Responses can take a variety of forms, from an unofficial and confidential

remi34er of the need to fulfil the obligation through formal protest, consultations,
etc.”

A little further on the same commentary states: “It is not the function of the articles to specify in

detail the form which an invocation of responsibility should take.” 35

11. Mr. President, this is the crucial point: the form which the Marshall Islands chose in

order to invoke the United Kingdom’s responsibility for a breach of its obligations under Article VI

of the Non-Proliferation Treaty (NPT) was not protest, formal or otherwise, or consultations, but to

bring the matter directly before the Court. In other words, it was by means of its Application that

24 the Marshallese State “gave notice of its claim” invoking the United Kingdom’s responsibility, and

34
Yearbook of the International Law Commission (YILC), 2001, Vol. II, Part Two, p. 119.
3Ibid., p. 325. - 19 -

also specified both the conduct which the responsible State should take in order to cease the

wrongful act and the form that reparation should take.

12. There is nothing  absolutely nothing  to prevent an application to the Court from

being regarded as an appropriate and perfectly legitimate method by which the injured State “gives

notice of its claim” to the State whose international responsibility is invoked. Neither the Articles

of the International Law Commission on State responsibility nor the ILC’s commentary on them

preclude this in any way. By contrast, there is everything to prevent the “the notice of claim by the

injured State” from being seen as an additional condition for the admissibility of cases brought

before an international court or for that court’s jurisdiction, as the United Kingdom claims. The

commentary to the Articles is explicit in this respect: “The present articles are not concerned with

questions of the jurisdiction of international courts and tribunals, or in general with the conditions

for the admissibility of cases brought before such courts or tribunals” . In other words, the

Articles in question do not concern access to judicial settlement of international disputes involving

international responsibility, nor do they lay down any special conditions to which such access

might be subject.

PART 2

13. Mr. President, I believe, on the basis of the considerations which I have just presented,

that the following point can be made: in order to exercise its jurisdiction in the present case, the

Court must indeed ascertain whether the dispute between the Marshall Islands and the

United Kingdom exists: in other words, must it find that the Marshall Islands’ claim is opposed by

the United Kingdom? By contrast, the Court need not concern itself with whether or not there was

a “notice of claim by the injured State” prior to the institution of proceedings, given that, contrary

to our opponents’ allegations, such notice is not one of the constituents of a dispute and is also not

a condition whose absence would prevent the dispute from crystallizing or would render it

“non-justiciable”.

14. So, let us address the real question concerning the existence of the dispute: can it be said

in this case that the Marshall Islands’ claim is opposed by the United Kingdom? Mr. President, this

3YILC, 2001, Vol. II, Part Two, p. 120. - 20 -

25 is easy to answer, particularly since, once we strip the question down to its basics, we can readily

see that the Parties’ stances are not really different. On our side, you have the Marshall Islands

invoking the United Kingdom’s breach of its obligations in respect of the Applicant (and other

States), under Article VI of the 1968 Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons and

under customary law, to pursue in good faith, and to bring to a conclusion, negotiations leading to

nuclear disarmament in all its aspects, under strict and effective international control. On the other

side, the United Kingdom tells you from the outset that «les allégations qui y figurent sont, selon le

Royaume-Uni, manifestement dépourvues de fondement», referring precisely to the Marshall

Islands’ Application against the United Kingdom «pour inobservation, notamment, de l’article VI

du TNP et de prétendues obligations parallèles découlant du droit international coutumier» . 37

Moreover, the United Kingdom has no hesitation in depicting itself as a true champion of

compliance with Article VI of the NPT, no doubt in order to highlight just how unfounded and

gratuitous the Marshall Islands’ allegations should be seen to be. This is enough, it seems to me, to

demonstrate that the Court has before it something remarkably similar to “a disagreement on a

point of law or fact, a conflict of legal views or of interests between two persons”: the best-known

definition of a dispute.

15. It should be noted that the United Kingdom takes good care not to try to prove that there

is no dispute between the Parties in the sense of a “conflict of legal views”. That would be

impossible! It simply attempts to make things difficult for the Applicant by clinging to the

principle that “the jurisdiction of the Court must normally be assessed on the date of the filing of
38
the act instituting proceedings” and that the existence of a dispute must be assessed on that same

date. In pursuing this tactic, the United Kingdom reserves pride of place for this passage from the

2008 Judgment in the Croatia v. Serbia case:

26 “it must be emphasized that a State which decides to bring proceedings before the
Court should carefully ascertain that all the requisite conditions for the jurisdiction of
the Court have been met at the time proceedings are instituted. If this is not done and

3Preliminary Objections of the United Kingdom, p. 3.

3Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and
Herzegovina v. Yugoslavia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II), p. 613, para. 26; Questions of
Interpretation and Application of the 1971 Montreal Convention arising from the Aerial Incident at Lockerbie (Libyan
Arab Jamahiriya v. United Kingdom), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 9, para. 44; Application
of the International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (Georgia v. Russian
Federation), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 70. para. 31. - 21 -

regardless of whether these conditions later come to be fulfilled, the Court must in
principle decide the question of jurisdiction on the basis of the conditions that existed
at the time of the institution of the proceedings.”39

16. Our opponents’ ultimate aim is to demonstrate that account cannot be taken of the

exchanges of views which have taken place between the Parties in the course of the proceedings

(after the date of the Application, therefore) in order to determine whether a dispute exists, since 

we are told  all the constituents of that dispute had to be satisfied on the date when the

40
proceedings were instituted . However, Mr. President, this is a false problem when it comes to

assessing whether or not the Respondent is positively opposed to the Applicant’s claim. The

Croatia v. Serbia Judgment is completely irrelevant here: exchanges of views between the parties

in the course of judicial proceedings, and before the Court can make a decision on preliminary

objections as to admissibility, can indeed show whether or not there is a genuine conflict of legal

views between the parties, and can provide evidence of such a conflict. But we must not confuse

the date of the proof with the date of the event to be proved! In other words, if the exchanges of

views and the documents exchanged between the parties before the Court permit the inference or

confirm that the respondent opposes the applicant’s claims, it is to the date of those claims that the

respondent’s opposition must be related, not to the date of the facts, statements or documents

providing evidence that that opposition actually exists. Let me give you a rather bold example: if I

admitted to you now that I stole one of your magnificent judges’ robes two days ago, I am

admitting the fact of my theft today, but that would not enable anyone to say that today is also the

date of the theft.

17. In any event, the existence of a dispute between the Parties to the present case may also

readily be inferred from events prior to the seisin of the Court. I am referring in particular to the

very official, highly significant and extremely relevant positions which the Marshall Islands

publicly adopted before this case was brought before the Court: positions whose importance the

27 Applicant’s written and oral pleadings have already underlined, and continue to emphasize.

3Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Croatia v. Serbia),
Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2008, p. 438, para. 80.

4CR 2016/3, p. 17. - 22 -

18. It is particularly to the Nayarit statement 41 of February 2014 that I would draw the

Court’s attention once again. This is what the Marshall Islands said:

«Les Iles Marshall sont convaincues que des négociations multilatérales visant à
créer un monde à jamais dépourvu d’armes nucléaires auraient dû être engagées

depuis longtemps. Nous estimons en effet que les Etats possédant un arsenal nucléaire
ne respectent pas leurs obligations à cet égard. L’obligation d’œuvrer au désarmement
nucléaire qui incombe à chaque Etat en vertu de l’article VI du traité de
non-prolifération nucléaire et du droit international coutumier impose l’ouverture
immédiate et l’aboutissement de telles négociations.»

19. In February 2014, well before the seisin of the Court, the Marshall Islands thus

specifically and formally appealed to all States in possession of nuclear arsenals, including, of

course, the United Kingdom, which was, however, not present at the Nayarit conference. This was

a major conference, attended by a large number of States and given extensive media coverage, and

whose findings and deliberations were widely disseminated around the world. It is hard to imagine

how the United Kingdom could not have known about it, as Sir Daniel Bethlehem stated on

Wednesday (when he claimed  no doubt mistakenly  that the first he had heard of it was in the

Marshall Islands’ Application, which in fact made no mention of the conference). The

Marshall Islands made a very specific criticism of all the nuclear States, including, therefore, the

United Kingdom: it accused them of breaching their obligations in respect of negotiations leading

to the cessation of the nuclear arms race and to nuclear disarmament; it also identified the source

of the obligations in question: Article VI of the NPT and customary international law.

20. Mr. President, the Court in its wisdom will be able to assess whether or not the

Marshall Islands’ Nayarit statement deserves to be regarded as a form of “notice of claim by the

injured State” prior to the seisin of the Court, in respect of the United Kingdom among others. In

itself, the mere fact that the United Kingdom did not respond and was unaware of it is in no way

capable of depriving the statement of that status. In any event, the Nayarit statement remains

28 extremely relevant for the Court’s assessment “by inference” of whether a dispute exists between

the Marshall Islands and the United Kingdom.

4Second Conference on the Humanitarian Impact of Nuclear Weapons, Nayarit (Mexico), 13-14 Feb. 2014
available at: http://www.reachingcriticalwill.org/images/documents/Disarmament-fora/n…
Islands.pdf. - 23 -

21. Mr. President, this ends my pleading, and I should like to thank the Court for its attention

and patience. I would ask you now, Mr. President, to give the floor to Ms Laurie Ashton.

The PRESIDENT: Thank you, Professor. I give the floor to Ms Ashton.

Mme ASHTON :

L E POINT III )DE LA PREMIÈRE RÉSERVE CONTENUE DANS LA DÉCLARATION

FAITE EN VERTU DE LA CLAUSE FACULTATIVE

Introduction

1. Je vous remercie. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un

honneur pour moi que de me présenter de nouveau devant vous au nom de la République des

Iles Marshall, cette fois dans le cadre du différend qui l’oppose au Royaume-Uni.

2. Le Royaume-Uni soutient que le point iii) de la première réserve contenue dans la

déclaration qu’il a faite en vertu de la clause facultative fait obstacle à la compétence de la Cour en

la présente affaire. Par souci de clarté, je précise que la déclaration du Royaume-Uni dont il est

question est celle du 5 juillet 2004, qui est en vigueur en l’espèce, et non celle du

31 décembre 2014.

3. Le point iii) de la première réserve exclut les différends «à l’égard desquels toute autre

partie en cause a accepté la juridiction obligatoire de la Cour internationale de Justice uniquement

en ce qui concerne lesdits différends ou aux fins de ceux-ci» ou lorsque la juridiction de la Cour a

été acceptée «moins de douze mois avant» la date à laquelle la requête a été présentée .42

4. Cette réserve ne fait pas obstacle à la compétence de la Cour en l’espèce.

5. A titre liminaire, je rappellerai que la Cour a confirmé, dans l’affaire de la Compétence en

matière de pêcheries, que toute déclaration devait être interprétée «telle qu’elle se présente» en

tenant compte des termes «effectivement employés» . En outre, selon le raisonnement que la Cour

a suivi dans l’arrêt qu’elle a rendu en l’affaire de l’Incident aérien du 10 août 1999, le

42MIM, annexe 70, p. 3, onglet n 2 du dossier de plaidoiries.
43
Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 454, par. 47, citant
Anglo-Iranian Oil Co. (Royaume–Uni c. Iran), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1952, p. 105. - 24 -

Royaume-Uni aurait dû exprimer dans le texte même de sa déclaration toute intention dont

44
procédait cette réserve .

29 Le point iii) de la première réserve du Royaume-Uni : la question de l’acceptation
«uniquement en ce qui concerne l[e présent] différen[d] ou aux fins de ce[ui]-ci»

6. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vais à présent m’intéresser

de plus près à la réserve du Royaume-Uni. Dans ses exceptions préliminaires, le défendeur a

évoqué la question des «douze mois», mais a affirmé qu’il entendait fonder ses arguments sur

d’autres bases. Les Iles Marshall ont expliqué dans leur exposé écrit pourquoi les termes
45
«douze mois» ne faisaient pas obstacle à la compétence de la Cour, explication que le

Royaume-Uni n’a d’ailleurs pas contestée à l’audience . Ce n’est donc pas le volet relatif aux

«douze mois» de cette réserve qui est en cause aujourd’hui.

7. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, j’en viens à l’autre partie de

ladite réserve, à savoir le fait que les Iles Marshall n’ont pas accepté la juridiction obligatoire

«uniquement en ce qui concerne l[e] différen[d] [l’opposant au Royaume-Uni] ou aux fins de

ce[lui]-ci».

8. Pour commencer, le Royaume-Uni ne conteste pas que le mot «uniquement» s’applique,

47
dans cette réserve, à la fois à «en ce qui concerne» et à «aux fins de» .

9. A l’audience, le Royaume-Uni a pour la première fois reconnu ce qui suit :

«Il est vrai, Monsieur le président, que la juridiction de la Cour n’a pas été
acceptée par les Iles Marshall que relativement au différend porté devant celle-ci.
L’acceptation a été formulée dans des termes suffisamment vastes pour englober
48
d’autres différends éventuels.»

10. Et pourtant, le défendeur demande à la Cour de conclure que, même si l’acceptation des

Iles Marshall est suffisamment vaste pour englober d’autres différends, sa compétence est

néanmoins exclue, parce que l’acceptation des Iles Marshall vaudrait «uniquement aux fins» du

différend les opposant au Royaume-Uni. C’est tout simplement faux.

44
Voir Incident aérien du 10 août 1999 (Pakistan c. Inde), C.I.J. Recueil 2000, p. 31, par. 44.
45EEIM, p. 24-25.

46Voir CR 2016/3, p. 32, par. 58 (Bethlehem).
47
Voir ibid., p. 43, par. 40 (Verdirame) ; voir aussi EEIM, p. 21, par. 52, citant EPRU, par. 8 3), p. 33, et
p. 34-35, par. 79.
48
Voir CR 2016/3, p. 43, par. 41 (Verdirame) ; les italiques sont de nous. - 25 -

11. Dans les circonstances de l’espèce, la différence de signification entre «en ce qui

concerne» et «aux fins de» n’implique aucune différence. Il n’est guère surprenant que, la seule

fois que le Royaume-Uni a fait référence à la genèse de cette réserve, cela ait été pour indiquer que

son secrétaire d’Etat avait précisé, en 1957, que l’intégralité de cette réserve visait à exclure la

compétence dans les cas où l’acceptation ne valait qu’«aux seules fins d’un différend particulier» . 49

Par conséquent, l’allégation faite par le conseil du défendeur à l’audience selon laquelle l’intention

du Royaume-Uni était d’établir une distinction entre ces deux locutions est non seulement contraire

30 au témoignage du secrétaire d’Etat, mais n’est étayée par aucun élément versé au dossier de la

présente espèce. Et elle est également hors de propos.

12. Le Royaume-Uni ne donne qu’un seul exemple de ce qu’il qualifie de comportement

«circonstancie[l]» 50 des Iles Marshall pour tenter de contester les explications détaillées que

celles-ci ont fournies afin de démontrer que leur acceptation ne valait pas «uniquement» aux fins

51
du différend . Et cet exemple n’est autre que le dépôt de la requête, le 23 avril 2014.

13. Or la date du dépôt de la requête ne permet nullement de savoir si l’acceptation, par les

Iles Marshall, de la juridiction de la Cour valait uniquement aux fins du présent différend. Il n’est

tout simplement pas logique d’en conclure que le moment choisi par les Iles Marshall pour déposer

leur requête contre le Royaume-Uni prouve qu’elles acceptaient la juridiction «uniquement» aux

fins du présent différend.

14. Par ailleurs, la République des Iles Marshall n’a jamais affirmé que le moment choisi

pour le dépôt de sa requête était une coïncidence, contrairement à que prétend le Royaume-Uni.

15. En tout état de cause, le Royaume-Uni n’est pas parvenu à réfuter la démonstration

approfondie qu’ont faite les Iles Marshall dans leurs observations pour démontrer qu’elles

n’avaient pas accepté la juridiction obligatoire de la Cour uniquement aux fins de la présente

affaire. Fondamentalement, le mot «uniquement» employé dans la réserve demeure donc

déterminant à l’égard de la question à l’examen. Or trois points au moins confirment que la

déclaration des Iles Marshall n’a pas été déposée uniquement aux fins du présent différend.

49
EPRU, p. 34-35, par. 79.
50Ibid., p. 26-27, par. 60 ; voir aussi ibid., p. 33, par. 76.

51EEIM, p. 21-22. - 26 -

16. Premièrement, rien dans le libellé de la déclaration des Iles Marshall ne suggère que

celles-ci entendaient que ladite déclaration s’applique «uniquement» aux fins du présent différend.

La formulation très générale de ce texte établit à la fois que celui-ci ne s’appliquait pas

«uniquement en ce qui concerne ce différend» et qu’elle ne s’appliquait pas «uniquement aux fins»

de celui-ci.

17. Et si le Royaume-Uni se réfère à la définition de purpose («fin») de l’Oxford dictionary,

c’est en l’occurrence celle du terme «uniquement» qui est plus éloquente : «A l’exclusion de toute

52
autre personne ou toute autre chose ; seulement ou exclusivement» .

18. A ce stade, il est intéressant de comparer rapidement le libellé de la déclaration qu’a faite

le Royaume-Uni en 2004 et dont il est ici question, et la formulation de celle des Iles Marshall.
os
31 Vous trouverez ces deux brèves déclarations sous les onglets n 3 et 4 de notre dossier de

plaidoiries . Il ressort d’une rapide comparaison qu’elles sont identiques, à quelques exceptions

près. Parmi les différences, outre les dates concernant la compétence ratione temporis de la Cour,

on observera que le Royaume-Uni assortit sa déclaration d’une réserve concernant les cas où l’autre

partie appartient au Commonwealth, et ceux où la déclaration est déposée moins de douze mois

avant la date du dépôt de la requête. Autrement dit, la déclaration des Iles Marshall, de par ces

différences, a une portée plus vaste et permet que davantage de différends soient soumis à la Cour.

19. Deuxièmement, les Iles Marshall ont déposé leur déclaration d’acceptation de la

juridiction obligatoire de la Cour il y a près de trois ans, le 24 avril 2013, et ne l’ont depuis lors ni

retirée, ni modifiée, ni assortie de restrictions. Si elles avaient fait cette déclaration dans l’intention

de s’en prévaloir uniquement aux fins de leur différend avec le Royaume-Uni, elles auraient fort

bien pu la retirer après avoir introduit la présente instance. Or, elles n’en ont rien fait.

20. Troisièmement, et c’est là un point important, si l’on ne s’en tient plus seulement à la

déclaration elle-même, force est de constater que nombre d’éléments indiquent que les

Iles Marshall envisageaient publiquement, et depuis de longues années, d’introduire devant la Cour

une instance relative au changement climatique. Cela ressort d’articles de presse citant les propos

52 http://www.oxforddictionaries.com/us/definition/american_english/only (consulté pour la dernière fois le
10 mars 2016).
53 o o
MIM, annexe 70 ; dossier de plaidoiries, onglet n 3 (déclaration du Royaume-Uni) et onglet n 4 (déclaration
des Iles Marshall). - 27 -

de M. deBrum, leur coagent, et figure également dans l’exposé des observations des Iles Marshall,

aux pages 21 à 23. Je ne reviendrai pas là-dessus.

21. Je me contenterai de préciser que la déclaration par laquelle les Iles Marshall ont accepté

la juridiction obligatoire de la Cour a des origines qui n’ont rien à voir avec la présente instance.

54
22. Ainsi que la Cour l’a précisé dans l’affaire du Droit de passage , tout Etat, lorsqu’il

dépose une déclaration,

«doit être censé tenir compte du fait qu’en vertu du Statut il peut se trouver à tout
moment tenu des obligations découlant de la disposition facultative vis-à-vis d’un
nouveau signataire, par suite du dépôt de la déclaration d’acceptation de ce dernier» . 55

56
23. En l’affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria , la

Cour a par ailleurs indiqué que tout Etat qui dépose une déclaration d’acceptation fait

32 «une offre permanente aux autres Etats parties au Statut n’ayant pas encore remis de
déclaration d’acceptation. Le jour où l’un de ces Etats accepte cette offre en déposant
à son tour sa déclaration d’acceptation, le lien consensuel est établi et aucune autre
57
condition n’a besoin d’être remplie.»

24. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, l’indignation ostensible avec

laquelle le Royaume-Uni a accueilli l’acceptation, par les Iles Marshall, de son invitation

permanente à régler les différends ayant trait au droit international et à l’interprétation des traités

est tout à fait injustifiée.

25. Pour les raisons qui précèdent, il ne fait aucun doute que la déclaration d’acceptation des

Iles Marshall ne tombe pas sous le coup de la réserve qu’a formulée le Royaume-Uni pour exclure

la compétence de la Cour lorsque celle-ci a été acceptée «uniquement en ce qui concerne [un]

différen[d particulier] ou aux fins de ce[lui]-ci».

Je remercie la Cour de son attention et vous saurais gré, Monsieur le président, de bien

vouloir donner la parole à ma collègue Mme Christine Chinkin ; à moins que la Cour ne préfère

faire une pause maintenant.

54
Droit de passage sur territoire indien (Portugal c. Inde), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1957,
p. 146.
55Ibid.

56Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée équatoriale
(intervenant)), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 290, par. 22.
57
Ibid., p. 291, par. 25. - 28 -

The PRESIDENT: Thank you, Madam. The Court will hear Ms Chinkin after a 15-minute

break. The sitting is suspended.

The Court adjourned from 4.20 p.m. to 4.35 p.m.

The PRESIDENT: Please be seated. I now give the floor to the Professor Chinkin.

Mme CHINKIN :

LA QUESTION DE LA COMPÉTENCE RATIONE T EMPORIS

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un véritable privilège

pour moi que de plaider devant vous au nom de la République des Iles Marshall en la présente

instance qui l’oppose au Royaume-Uni.

2. Dans cet exposé, j’aborderai l’argument du défendeur selon lequel la Cour n’a pas

compétence en raison de l’exclusion ratione temporis contenue dans la déclaration faite par les

Iles Marshall en vertu de la clause facultative.

3. Les Iles Marshall reconnaissent que, par l’effet de la condition de réciprocité, la date

pertinente pour déterminer si un différend relève de la compétence de la Cour est celle qu’elles ont

33 mentionnée dans leur déclaration en vertu du paragraphe 2 de l’article 36, laquelle vise «tous les

différends nés après le 17 septembre 1991, au sujet de situations ou de faits postérieurs à cette

date».

4. Le Royaume-Uni refuse d’admettre que pareil différend l’oppose aux Iles Marshall.

Toutefois, il avance également  et ce, de manière quelque peu contradictoire  que, si un

différend existe entre les deux Etats, il repose sur des faits et situations qui se sont produits avant le

17 septembre 1991  et, de fait, sur une ligne de conduite continue du Royaume-Uni remontant à

l’entrée en vigueur du TNP à l’égard de cet Etat le 5 mars 1970  et que, partant, la compétence

de la Cour est exclue ratione temporis. Les Iles Marshall ne partagent pas cet avis et leur position

est étayée par la jurisprudence de la Cour.

5. Dans l’arrêt qui fait référence en la matière, celui qui a été rendu en l’affaire de la

Compagnie d’électricité de Sofia et de Bulgarie, la Cour permanente avait jugé qu’«un différend

p[ouvait] présupposer [et nous pourrions ajouter entre parenthèses, «présuppose - 29 -

immanquablement»] l’existence d’une situation ou d’un fait antérieur, mais [qu’]il ne s’ensui[vait]
58
pas que le différend s’él[evait] au sujet de cette situation ou de ce fait» .

6. La Cour internationale de Justice a repris cette distinction dans l’affaire du Droit de

passage. En conséquence, il ne faut pas confondre «les situations ou faits qui constituent la source

des droits revendiqués par l’une des Parties et les situations ou faits générateurs du différend».

Etant donné que seuls ces derniers doivent être pris en compte pour appliquer la déclaration

d’acceptation de la juridiction de la Cour, celle-ci doit déterminer quelles sont les situations ou faits
59
générateurs du différend, «ceux qui en sont «réellement la cause»» .

7. Le défendeur fait grand cas de ce que, dans leur mémoire, les Iles Marshall ont présenté

une ligne de conduite du Royaume-Uni remontant à 1970, voire avant. Ce faisant, le demandeur ne

suggérait toutefois nullement que cette conduite avait généré le différend. L’objectif était

d’exposer le contexte historique ayant conduit aux faits et situations ultérieurs qui sont pertinents à

l’égard des droits dont les Iles Marshall peuvent se prévaloir au titre de l’article VI du TNP et du

droit international coutumier, et qui ont généré le différend ou en sont la cause réelle. Je passerai

brièvement en revue quelques-uns de ces faits et situations. Contrairement à ce que soutient le

Royaume-Uni, les situations antérieures aux années 1990 ne sont ni l’élément central de la présente

affaire ni l’objet des griefs formulés par les Iles Marshall. Si le demandeur a indiqué dans sa

34 requête que celle-ci «vis[ait] à faire en sorte que les obligations juridiques contractées il y a

quarante-quatre ans par le Royaume-Uni … finissent par aboutir au résultat promis», c’est parce

que, d’un point de vue purement historique, 1970 est l’année de l’entrée en vigueur du TNP à

l’égard du Royaume-Uni.

8. Il est donc erroné de dire, comme le fait le Royaume-Uni, que «[l]e fait générateur ou

cause réelle remonte au moins jusqu’aux années 1970, voire au-delà à certains égards». Ainsi que

je l’expliquerai maintenant, de nouvelles situations se sont fait jour, qui rendent la réserve ratione

temporis inapplicable au différend entre les Iles Marshall et le Royaume-Uni.

9. Premièrement, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, les

Iles Marshall ont été admises en tant que Membre de l’Organisation des Nations Unies le

58Compagnie d’électricité de Sofia et de Bulgarie, arrêt, 1939, C.P.J.I. série A/B n 77, p. 82.

59Droit de passage sur territoire indien (Portugal c. Inde), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1960, p. 35. - 30 -

17 septembre 1991, et telle est la date critique figurant dans leur déclaration en vertu de la clause

facultative. Comme le président du Conseil de sécurité des Nations Unies l’avait fait observer à

l’occasion de cette admission, celle-ci marquait «l’une des étapes finales du processus qui d[evait]

permettre à la République des Iles Marshall de s’intégrer pleinement à la communauté
60
internationale» .

10. A l’audience, le Royaume-Uni a cité l’affaire des Phosphates du Maroc, dans laquelle la

Cour permanente avait notamment jugé que, pour déterminer l’antériorité ou la postériorité d’une

situation ou d’un fait par rapport à une certaine date, ou les situations ou faits au sujet desquels le

différend s’était élevé, «il fa[llait] … garder toujours présente à l’esprit la volonté de 1’Etat»

déclarant . Les Iles Marshall (dont nous examinons la déclaration faite en vertu de la clause

facultative) ont choisi comme «date critique» la date à laquelle elles ont été admises au sein de

l’Organisation des Nations Unies, devenant ainsi un membre à part entière de la communauté

internationale, à laquelle elles ont été pleinement intégrées.

11. Il était logique de choisir cette date, puisqu’elle marquait le moment à partir duquel les

Iles Marshall pouvaient être partie à un différend avec un autre Etat. Et aucun fait ou situation

antérieur ne peut être pris en compte tant que source ou cause réelle du présent différend entre les

Iles Marshall et le Royaume-Uni ni, du reste, d’un quelconque différend entre les Iles Marshall et

tout autre Etat, à l’exception, bien évidemment, des Etats-Unis d’Amérique s’agissant du

comportement de ces derniers pendant la période durant laquelle ils ont assumé la tutelle des

Iles Marshall. Il en irait d’ailleurs de même si les rôles étaient inversés, c’est-à-dire si les

Iles Marshall étaient l’Etat défendeur accusé de manquer à ses obligations internationales. Une

35 nouvelle situation existe depuis la date à laquelle les Iles Marshall sont devenues Membre des

Nations Unies. Le temps ne pouvait pas commencer de courir avant cette date.

12. Un peu plus de trois ans plus tard, le 30 janvier 1995, les Iles Marshall ont adhéré au

TNP. Ce fait juridique qui n’est nullement contesté est également la source d’une autre situation

nouvelle d’une importance cruciale aux fins de la présente affaire. Jusqu’à cette date, il n’existait

60Déclaration du président du Conseil de sécurité, faite le 9 août 1991 à la suite de l’adoption par le Conseil de la
résolution 704.

61CR 2016/3, p. 36, par. 16. - 31 -

en effet aucun lien entre le Royaume-Uni et les Iles Marshall au regard du TNP et il ne pouvait y en

avoir, puisque celles-ci n’étaient pas partie à cet instrument. Les Iles Marshall ne formulent donc

aucune réclamation juridique au titre du TNP s’agissant de faits ou de situations qui se sont

produits avant cette date, à savoir le 30 janvier 1995.

13. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le fait générateur ou la cause

réelle du différend qui oppose les Iles Marshall au Royaume-Uni et concerne le comportement de

ce dernier au regard de l’article VI du TNP ne saurait être antérieure à la date à laquelle un lien

juridique a été établi entre les deux Etats au titre de ce traité, donnant ainsi naissance à des droits et

obligations réciproques.

La position des Iles Marshall sur ce point est également étayée par la jurisprudence de la

Cour. Dans l’affaire du Droit de passage, celle-ci a jugé que le différend se composait de trois

éléments : 1) l’existence contestée d’un droit de passage au profit du Portugal ; 2) le manquement

que l’Inde aurait commis, en juillet 1954, à s’acquitter de ses obligations concernant ce droit de

passage ; et 3) le redressement de la situation illégale résultant de ce manquement. La Cour a

poursuivi en disant que les trois éléments constitutifs devaient être réunis : «[l]e différend soumis à

la Cour ayant ce triple objet n’a pu naître que lorsque tous ses éléments constitutifs ont existé» . 62

14. Même si la Cour examinait dans cette affaire l’existence d’un différend plutôt que les

faits ou situations qui en étaient le fait générateur ou la cause réelle, elle a souligné qu’il ne pouvait

y avoir de différend avant qu’il n’y ait de droit ou, à tout le moins, un droit revendiqué. Et

puisqu’il ne saurait y avoir de différend avant l’existence d’un droit, aucun fait ou situation

antérieurs à la date à laquelle le droit est né ne saurait avoir de pertinence en tant que fait

générateur ou cause réelle de ce différend. En effet, jusqu’à cette date, ces faits ou situations ne

sont pas rattachés à une quelconque prétention juridique.

36 15. Au sujet de la demande reconventionnelle présentée par l’Italie contre l’Allemagne dans

l’affaire relative aux Immunités juridictionnelles de l’Etat , la Cour a jugé que ce n’étaient pas les

violations du droit international humanitaire commises au cours de la seconde guerre mondiale qui

62Droit de passage sur territoire indien (Portugal c. Inde), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1960, p. 35.

63 Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c. Italie), demande reconventionnelle, ordonnance du
6 juillet 2010, C.I.J. Recueil 2010 (I), p. 320, par. 28. - 32 -

constituaient le fait générateur ou la cause réelle du différend, mais le régime juridique établi après

la guerre pour le versement des réparations. Ce régime était lui aussi antérieur à la clause

compromissoire contenue dans la Convention européenne pour le règlement pacifique des

différends et excluait donc la compétence de la Cour à l’égard de la demande reconventionnelle.

Quoi qu’il en soit, le fait est que la source ou cause réelle du différend était le régime juridique qui

déterminait les droits et obligations des deux parties.

16. En la présente espèce, le régime juridique applicable est le TNP, lequel n’avait aucune

pertinence avant que le Royaume-Uni et les Iles Marshall n’y soient tous deux parties.

17. Quoique la question fondamentale ne soit pas celle de la date à laquelle le différend est

né mais celle des faits ou situations au sujet desquels il s’est élevé , s’agissant de l’article VI du

TNP, aucune de ces deux dates ne pouvait être antérieure à l’adhésion des Iles Marshall à cet

instrument. En juger autrement reviendrait à appliquer rétroactivement le TNP, ce qui est contraire

aux principes consacrés à l’article 28 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969.

Si le différend peut présupposer l’existence de situations ou faits antérieurs, les faits ou situations

spécifiques au sujet desquels il s’est élevé et qui l’ont généré ou en sont la cause réelle sont tous

postérieurs à l’adhésion des Iles Marshall au TNP.

18. Ainsi que cela ressort de la section de la requête des Iles Marshall consacrée aux

manquements du Royaume-Uni, les réclamations du demandeur sont fondées sur le comportement

du défendeur postérieur à 1995. Depuis 1995, l’Assemblée générale de l’Organisation des

Nations Unies a en effet adopté des résolutions appelant les Etats à engager des négociations

multilatérales sur le désarmement nucléaire et établissant un groupe de travail à composition non

limitée pour faire avancer pareilles négociations. Or, le Royaume-Uni s’est opposé à ces

résolutions. Il y est fait référence aux paragraphes 102 et 103 de la quatrième partie de la requête,

qui porte sur les obligations auxquelles le Royaume-Uni manque de s’acquitter. Le paragraphe 106

de cette même pièce, qui concerne le manquement à l’obligation relative à la cessation de la course

aux armements nucléaires, repose partiellement sur les efforts déployés par le Royaume-Uni pour

37 améliorer son système d’armes nucléaires, le conserver et l’étendre pour une durée illimitée. Ce

64Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 25, par. 48. - 33 -

paragraphe renvoie au point 4 de la section C de la deuxième partie de la requête, qui a trait au

comportement du Royaume-Uni pendant la période allant de 2006 à 2013, comportement qui est

clairement contraire à l’obligation de négocier de bonne foi.

19. De même, la date des faits ou situations au sujet desquels le différend concernant

l’obligation de droit international coutumier s’est élevé ne saurait être antérieure à la

reconnaissance juridique de cette obligation, c’est-à-dire au 8 juillet 1996, date à laquelle la Cour a

prononcé son avis consultatif sur la question de la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes

nucléaires. Elle y a conclu à l’unanimité qu’«[i]l exist[ait] une obligation de poursuivre de bonne

foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses

65
aspects, sous un contrôle international strict et efficace» .

20. Ce n’est qu’à partir de la date de l’avis consultatif, dans lequel la Cour a reconnu qu’une

règle de droit international coutumier était née, que l’on a pu raisonnablement attendre des Etats

qu’ils aient conscience de l’universalité et de la portée de cette obligation. Les Iles Marshall ne

prétendent donc pas que le Royaume-Uni avait pareille obligation à leur égard au titre du droit

international coutumier avant le 8 juillet 1996.

21. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le comportement du

défendeur au regard du TNP remonte à l’entrée en vigueur du traité vis-à-vis de lui en 1970. Le

différend peut même présupposer l’existence de certaines situations ou faits antérieurs, mais les

situations ou faits spécifiques qui ont généré le différend en l’espèce ou en sont la cause réelle sont,

s’agissant de l’article VI, le comportement du Royaume-Uni après le 30 janvier 1995 et, du point

de vue du droit international coutumier, son comportement après le 8 juillet 1996.

22. Ces deux dates sont largement postérieures à la date critique du 17 septembre 1991 qui

figure dans la déclaration que les Iles Marshall ont faite en vertu de la clause facultative,

c’est-à-dire la date à laquelle celles-ci sont devenues Membre de l’Organisation des Nations Unies

et ont été pleinement intégrées à la communauté internationale, sorte de date inaugurale en

l’espèce. C’est pourquoi la réserve ratione temporis n’exclut pas la compétence de la Cour à

l’égard du présent différend.

65Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 267,
point 2) F du dispositif. - 34 -

38 23. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achève mon exposé.

Je remercie la Cour pour son aimable attention et vous prie, Monsieur le président, de bien vouloir

appeler à la barre mon collègue, M. Paolo Palchetti. Je vous remercie.

The PRESIDENT: Thank you, Madam. I give the floor to Professor Palchetti.

M. PALCHETTI :

A BSENCE DE TIERCES PARTIES

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un honneur pour moi que

de me présenter à nouveau devant vous au nom de la République des Iles Marshall. Dans ses

exceptions préliminaires et dans son exposé oral, le Royaume-Uni a soutenu que la Cour ne saurait

connaître du présent différend en raison de l’absence de parties essentielles dont les intérêts, selon

le Royaume-Uni, seraient directement et immanquablement touchés par les demandes des

66
Iles Marshall . Je répondrai à cette exception dans l’exposé qui suit.

2. Je diviserai mon exposé en trois parties. La première sera centrée sur l’objet du différend

qui nous occupe. Le Royaume-Uni voudrait faire croire à la Cour que le véritable objet des

prétentions des Iles Marshall en la présente espèce est la «responsabilité commune» de tous les
67
Etats dotés d’armes nucléaires . Je répondrai qu’il s’agit là d’une fausse représentation du

différend décrit par les Iles Marshall dans leur requête et leur mémoire. Dans la deuxième partie,

j’examinerai la jurisprudence de la Cour relative à la portée du principe dit de l’Or monétaire.

Comme il fallait s’y attendre, dans ses exceptions préliminaires et sa plaidoirie, le défendeur a tenté

de minimiser l’importance de l’arrêt de la Cour en l’affaire Nauru. Or dans cet arrêt, la Cour a

précisé que le principe de l’Or monétaire ne s’applique que lorsque la détermination de la

responsabilité d’un Etat tiers est une condition préalable de la détermination de la responsabilité de

l’Etat défendeur. Je soutiendrai que c’est là le critère que devrait utiliser la Cour pour apprécier si

elle devrait refuser de statuer sur les demandes des Iles Marshall. Dans la troisième et dernière

partie de mon exposé, je soutiendrai que c’est précisément parce que la détermination de la

66CR 2016/3, p. 57, par. 39. Voir aussi EPRU, par. 113 d).

67CR 2016/3, p. 46. Voir aussi EPRU, par. 87 et 93. - 35 -

39 responsabilité d’un Etat tiers n’est pas une condition préalable de la détermination de la

responsabilité du Royaume-Uni que l’exception du demandeur doit être rejetée.

3. Je vais maintenant traiter de l’objet du différend.

I. L’objet du différend en l’espèce

4. Dans son récent arrêt en l’affaire relative à l’Obligation de négocier un accès à l’océan

Pacifique, la Cour a observé que «[p]our identifier l’objet du différend, la Cour se fonde sur la

requête, ainsi que sur les exposés écrits et oraux des parties. Elle tient notamment compte des faits

68
que le demandeur invoque à l’appui de sa demande» .

5. La requête et le mémoire des Iles Marshall ne laissent aucun doute sur l’objet du présent

différend. Cet objet, sur le fond comme dans la forme, est de savoir si le Royaume-Uni, par le

comportement de ses organes, a manqué à son obligation de négocier de bonne foi en vue du

désarmement nucléaire. Il n’est nullement demandé à la Cour de dire que les Etats dotés d’armes

nucléaires sont solidairement responsables. Pour établir la responsabilité du Royaume-Uni, la Cour

n’a aucunement besoin de déterminer au préalable si les autres Etats dotés d’armes nucléaires sont

également responsables.

6. Le Royaume-Uni affirme que le véritable objet du différend en l’espèce est la

«responsabilité commune» qui incombe à tous les Etats dotés d’armes nucléaires de négocier en

vue du désarmement nucléaire . Selon lui, le fait que les Iles Marshall aient déposé des requêtes

similaires contre les autres Etats dotés d’armes nucléaires serait la preuve que l’objet du différend

en l’espèce est différent de celui que décrit la requête. Il ne l’est pas.

7. Comme la Cour l’a maintes fois relevé, «les requêtes qui lui sont soumises portent souvent

sur un différend particulier qui s’est fait jour dans le cadre d’un désaccord plus large entre les

parties» . Le présent différend avec le Royaume-Uni s’est fait jour dans le cadre d’un désaccord

plus large entre les Iles Marshall et tous les Etats dotés d’armes nucléaires. Cela ne veut pas dire

40 que son objet soit la responsabilité commune qu’ont tous ces Etats de négocier en vue du

68
Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exceptions préliminaires, arrêt du
24 septembre 2015, par. 26.
69CR 2016/3, p. 46. Voir aussi EPRU, par. 87 et 93.
70
Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exceptions préliminaires, arrêt du
24 septembre 2015, par. 32. - 36 -

désarmement nucléaire. Cela ne veut pas dire non plus que la Cour soit empêchée de statuer sur ce

différend.

8. Le Royaume-Uni soutient encore que la demande des Iles Marshall met nécessairement en

jeu le comportement d’autres Etats, du fait de la teneur même de l’obligation prétendument violée.

Selon le Royaume-Uni, son comportement dans les négociations ne peut être apprécié que par

rapport au comportement et aux actes d’autres Etats, en conséquence de quoi la Cour sera

71
inévitablement amenée à examiner le comportement d’Etats tiers absents . Monsieur le président,

il n’y aucune raison de penser que le respect par tel ou tel Etat de son obligation de négocier ne

puisse pas être apprécié individuellement. La Cour peut très bien apprécier si un Etat a manqué par

son comportement à son obligation de négocier de bonne foi, sans être tenue pour ce faire

d’apprécier le comportement des autres Etats. Dans son arrêt en l’affaire relative à des Usines de

pâte à papier, la Cour a examiné le comportement de l’Uruguay pour établir si cet Etat s’était

acquitté de son obligation de négocier. Elle a conclu qu’«en autorisant la construction des usines

ainsi que du terminal portuaire de Fray Bentos avant la fin de la période de négociation, l’Uruguay

n’a pas respecté l’obligation de négocier prévue à l’article 12 du Statut» . Dans la présente affaire,

les Iles Marshall prient la Cour de procéder de même : examiner le comportement du Royaume-Uni

pour déterminer s’il est en accord avec les obligations découlant de l’article VI du traité de

non-prolifération nucléaire et du droit international coutumier.

9. Monsieur le président, je voudrais insister sur un aspect du comportement du

Royaume-Uni que la Cour sera appelée à examiner. Dans ses exceptions préliminaires comme

dans ses plaidoiries orales, le Royaume-Uni n’a évoqué qu’une série très limitée d’actes

spécifiques. Ces actes consistent essentiellement en déclarations faites conjointement par le

Royaume-Uni et d’autres Etats et en accords bilatéraux conclus avec des Etats tiers. En se

concentrant exclusivement sur ces actes, le Royaume-Uni essaie de démontrer que le véritable objet

du différend en l’espèce est le comportement d’Etats tiers. J’examinerai ces actes plus tard. Pour

le moment, j’appelle l’attention de la Cour sur le fait que le comportement sur lequel le

71CR 2016/3, p. 46.

72Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (I), p. 67-68,
par. 149. - 37 -

Royaume-Uni a concentré ses efforts ne constitue qu’une toute petite partie de l’ensemble des actes

et omissions dénoncés par les Iles Marshall comme autant de preuves du manquement qu’elles

41 allèguent. La plus grande partie des allégations de fait sur lesquelles les Iles Marshall appuient

leurs prétentions sont des actes et omissions qui sont imputables au seul Royaume-Uni. Ces

allégations visent en particulier les améliorations apportées à l’arsenal nucléaire du Royaume-Uni

sur le plan qualitatif. L’appréciation par la Cour de la licéité de ces actes ne toucherait en aucune

façon les intérêts d’Etats tiers. Mais elle suffirait pour montrer que le Royaume-Uni a manqué à

son obligation d’engager des négociations de bonne foi.

II. La portée du principe de l’Or monétaire dans la jurisprudence
de la Cour internationale de Justice

10. Je passerai maintenant à la question de la portée du principe de l’Or monétaire.

11. Le principe de l’Or monétaire est régulièrement invoqué quand un arrêt de la Cour risque

d’avoir des incidences de quelque nature que ce soit sur les intérêts juridiques d’Etats tiers. Or il

n’a été appliqué que dans des cas exceptionnels. Selon les termes mêmes de l’arrêt en l’affaire de

l’Or monétaire, la Cour est empêchée d’exercer sa juridiction quand les intérêts juridiques d’une

tierce partie «seraient non seulement touchés par une décision, mais constitueraient l’objet même

de ladite décision» . 73 La Cour a également admis que «[l]es circonstances de l’affaire de

l’Or monétaire marquent vraisemblablement les limites du pouvoir de la Cour de refuser d’exercer

sa juridiction» .4

Saisi d’un différend entre les Philippines et la Chine, le tribunal arbitral constitué en vertu de

l’annexe VII de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer a récemment noté qu’il

n’existe que de «rares affaires» dans lesquelles une cour ou un tribunal international a refusé

75
d’exercer sa juridiction au motif qu’une tierce partie indispensable était absente de l’instance . Il

ne saurait en être autrement. Une interprétation du champ d’application du principe de l’Or

73Affaire de l’Or monétaire pris à Rome en 1943 (Italie c. France, Royaume-Uni et Etats-Unis d’Amérique),
question préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1954, p. 32.

74Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 431, par. 88.
75
The Republic of the Philippines v. The People’s Republic of China, Award on Jurisdiction and Admissibility,
29 octobre 2015, par. 181 (http://www.pcacases.com/web/sendAttach/1506). - 38 -

monétaire aussi large que celle que propose le Royaume-Uni reviendrait à accorder une immunité

de contrôle judiciaire à une grande diversité de situations.

12. La Cour a veillé à limiter l’application de ce principe. En particulier, elle ne l’a appliqué

qu’à des situations où la détermination de la responsabilité d’un Etat tiers était une condition

préalable de la détermination de la responsabilité de l’Etat défendeur. Cette position a été

42 clairement affirmée par la Cour dans son arrêt en l’affaire Nauru. Elle a été constamment

réaffirmée dans ses arrêts ultérieurs.

13. Mercredi, le conseil du Royaume-Uni a tenté d’introduire un nouveau critère qui

permettrait de déterminer quand le principe de l’Or monétaire s’applique. Selon Mme Wells, la

question essentielle consiste à «savoir si l’arrêt de la Cour implique (de manière explicite ou

implicite) l’appréciation de la licéité du comportement d’un Etat tiers en droit international» . Les

mots qui importent ici sont «de manière implicite». Avec ces mots, le Royaume-Uni élargit

considérablement la portée du principe de l’Or monétaire. Si la Cour devait refuser d’exercer sa

juridiction chaque fois qu’un arrêt est susceptible d’avoir des incidences sur la situation juridique

d’un Etat tiers, elle réduirait considérablement l’étendue de cette juridiction. Ce qui est plus grave,

c’est que ce critère contredit directement la position de la Cour telle qu’elle est exposée dans l’arrêt

Nauru.

14. Dans l’affaire Nauru, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni constituaient

conjointement l’autorité chargée de l’administration de ce territoire. La Cour n’en a pas moins

exclu l’application du principe de l’Or monétaire, en statuant que «la détermination de la

responsabilité de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni n’[était] pas une condition préalable à la
77
détermination de la responsabilité de l’Australie, seul objet de la demande de Nauru» . La Cour a

également relevé que

«toute décision de la Cour sur l’existence ou le contenu de la responsabilité que Nauru
impute à l’Australie pourrait certes avoir des incidences sur la situation juridique des
deux autres Etats concernés, mais la Cour n’aura pas à se prononcer sur cette situation

juridique po78 prendre sa décision sur les griefs formulés par Nauru contre
l’Australie» .

76
CR 2016/3, p. 55, par. 33.
77 Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p. 261, par. 55.

78Ibid. - 39 -

15. La Cour elle-même emploie le mot «incidences». Cependant, sa position est l’exact

contraire de celle que défend le Royaume-Uni : le fait que la situation juridique d’un Etat tiers

puisse être touchée «incidemment» par un arrêt n’est pas suffisant pour déclencher l’application du

principe de l’Or monétaire. Il y faut encore que la Cour soit obligée de statuer au préalable sur

cette situation juridique pour pouvoir rendre sa décision. Pour le dire plus simplement, la

détermination de la responsabilité de l’Etat tiers doit être une condition préalable de la

détermination de la responsabilité de l’Etat défendeur. Monsieur le président, si cela n’est pas

suffisamment clair, permettez-moi d’emprunter ces mots à M. Kolb : «la seule situation dont la

43 Cour ait admis jusqu’à maintenant qu’elle lui permettait de ne pas exercer sa juridiction est celle

qui la contraindrait, pour statuer sur le différend dont elle est saisie, à statuer au préalable sur la

situation juridique d’un Etat tiers ou sur un différend avec un Etat tiers» .

16. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, l’affaire Nauru n’est pas un

cas isolé et infortuné. Je comprends que le Royaume-Uni le trouve gênant et lui préfère les

opinions dissidentes de certains juges. Il n’en reste pas moins que le critère retenu dans l’affaire

Nauru a été régulièrement confirmé par la Cour.

17. L’arrêt en l’affaire relative à l’Application de l’accord intérimaire du 13 septembre 1995

présente un intérêt tout particulier pour la présente espèce. Dans cette affaire, en effet, l’objet du

différend était la licéité de certains actes accomplis par la Grèce dans le cadre d’une organisation

internationale — à savoir l’OTAN. Il existe plusieurs similarités entre cette affaire et le présent

différend. Parmi les actes dénoncés par les Iles Marshall, il y a également l’historique des votes du

Royaume-Uni à l’Assemblée générale des Nations Unies. Or voilà maintenant que le

Royaume-Uni prétend interdire à la Cour d’apprécier la licéité de ces votes au motif que cela aurait

80
des incidences sur la situation juridique d’Etats tiers . Dans l’affaire de l’Accord intérimaire, la

Grèce a soulevé la même exception. Elle a soutenu que la Cour ne pouvait exercer sa juridiction

puisque cela l’aurait conduite à déterminer la responsabilité de l’OTAN ou de ses Etats membres

pour apprécier le comportement du défendeur. La Cour a rejeté cette exception. Elle s’en est

expliquée ainsi :

79
R. Kolb, The International Court of Justice, 2013, p. 574.
80CR 2016/3. - 40 -

«La présente espèce se distingue en effet de l’affaire de l’Or monétaire en ce

que le comportement du défendeur peut être apprécié indépendamment de la décision
de l’OTAN, que les droits et obligations de cette organisation et de ses Etats membres
autres que la Grèce ne forment pas l’objet de la décision de la Cour sur le fond de
l’affaire (Or monétaire pris à Rome en 1943 (Italie c. France ; Royaume-Uni
et Etats-Unis d’Amérique), question préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1954, p. 19 ;

Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 105, par. 34) et
que la détermination de leur responsabilité n’est pas «une condition préalable à la
détermination de la responsabilité» du défendeur (Certaines terres à phosphates à
Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992,
p. 261, par. 55).»1

44 III. Le principe de l’Or monétaire ne s’applique pas au présent différend

18. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le principe de l’Or monétaire

ne s’applique pas au différend entre les Iles Marshall et le Royaume-Uni. Pour résumer,

premièrement, l’objet du présent différend est la responsabilité internationale du Royaume-Uni.

Deuxièmement, le grief des Iles Marshall concerne principalement le comportement du

Royaume-Uni. Troisièmement, aucun des comportements visés dans la requête n’impose de

déterminer au préalable la responsabilité d’un quelconque Etat tiers.

19. La tentative du Royaume-Uni visant à faire une distinction entre l’affaire Nauru et la

présente espèce ne s’appuie sur aucun fondement. Les actes spécifiques que mentionne le

Royaume-Uni pour justifier l’application du principe de l’Or monétaire sont des actes qui sont

imputables simultanément à lui-même et à des Etats tiers, ou des actes qu’il a accomplis dans le

cadre d’une organisation internationale. Or l’arrêt de la Cour en l’affaire Nauru autorise clairement

à soutenir que le principe de l’Or monétaire ne s’applique pas lorsque le comportement incriminé

peut être imputé simultanément à l’Etat défendeur et à des Etats tiers; lorsque l’Etat défendeur et

des Etats tiers, accomplissant des actes différents, contribuent au même fait illicite ; lorsque l’Etat

défendeur et des Etats tiers violent une même obligation en commettant des actes illicites distincts.

Dans tous ces cas, la détermination de la responsabilité de l’Etat demandeur «peut avoir des

incidences» sur ces autres Etats. Mais, contrairement à ce que prétend le Royaume-Uni, elle ne

suffit pas pour déclencher l’application du principe de l’Or monétaire.

20. Telle est la conclusion de mon exposé. Je remercie les membres de la Cour de leur

aimable attention et les prie de donner la parole à M. Nick Grief.

81Application de l’accord intérimaire du 13 septembre 1995 (ex-République yougoslave de Macédoine c. Grèce),
arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 660-661, par. 43. - 41 -

The PRESIDENT: Thank you, Professor. I give the floor to Professor Grief.

M. GRIEF :

«L’ARRÊT SERAIT SANS EFFET »

1. Je vous remercie. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est pour

moi un honneur et un privilège de m’exprimer de nouveau devant vous aujourd’hui au nom des

Iles Marshall. Je conclurai les plaidoiries des Iles Marshall en répondant aux observations du

Royaume-Uni sur la fonction judiciaire de la Cour et à son assertion selon laquelle un arrêt sur le

fond serait dénué d’effet concret.

45 2. Nous ne sommes pas en présence d’une situation telle que celle en l’affaire du Cameroun

septentrional, où tout arrêt de la Cour sur le fond ne serait pas «effectivement applicable» ou serait
82
dénué de «conséquences pratiques» .

3. En ouvrant son tour de plaidoiries, le Royaume-Uni n’en a pas moins prétendu ne pas voir

en quoi les conclusions sollicitées par les Iles Marshall pourraient avoir la moindre conséquence

pratique. Il a affirmé que ces remèdes se résumaient à une injonction par la Cour lui ordonnerait de

participer de bonne foi aux négociations une fois celles-ci entamées . Outre qu’elle procède d’une

interprétation déformante de l’injonction demandée par les Iles Marshall, cette assertion fait

abstraction de ce que celles-ci sollicitent à la fois des conclusions déclaratoires et une injonction,

comme il ressort clairement de leur requête, de leur mémoire et de leur exposé de leurs

observations sur les exceptions préliminaires soulevées par le Royaume-Uni ; je reviendrai

là-dessus dans quelques instants. Les conclusions déclaratoires consisteraient pour la Cour à dire et

juger qu’en droit international, tant conventionnel que coutumier, le Royaume-Uni : premièrement,

manque à son obligation de poursuivre et de mener à leur terme des négociations sur le

désarmement nucléaire complet : deuxièmement, faillit à son obligation de poursuivre et mener à

leur terme des négociations devant conduire à la cessation de la course aux armements nucléaires à

une date rapprochée ; et, troisièmement, manque de respecter, comme il y est tenu, le principe de la

bonne foi dans l’exécution des susdites obligations.

82 Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1963,
p. 33-34.

83CR 2016/3, p. 30, par. 51 (Bethlehem). - 42 -

4. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, en se prononçant sur la

question de savoir si le comportement du Royaume-Uni est conforme à ses obligations, la Cour

accomplirait une tâche qui est «au cœur même de [sa] fonction judiciaire», pour citer l’opinion

dissidente commune jointe par quatre juges à chacun de ses arrêts dans les affaires relatives aux

Essais nucléaires . De plus, une réponse négative à cette question obligerait le Royaume-Uni,

85
selon la jurisprudence clairement établie en l’affaire Haya de la Torre , à conformer son

comportement à ses obligations, et aurait donc bien des «conséquences pratiques». J’ajoute qu’en

l’espèce, il ne s’agit pas de n’importe quelles conséquences pratiques, mais de tenir le

Royaume-Uni aux promesses qu’il a faites en devenant partie au TNP.

46 5. Dans l’exposé de leurs observations, les Iles Marshall ont expliqué, au paragraphe 130,

quels seraient les effets concrets d’une injonction de la Cour par laquelle celle-ci demanderait le

respect de l’obligation de poursuivre des négociations en vue du désarmement nucléaire complet, y

disant notamment ceci : «Par sa première conclusion, la République des Iles Marshall cherche à

obtenir un jugement déclaratoire ayant à l’avenir des effets à la fois pratiques et juridiques. Cela

86
vaut également pour ses autres conclusions.»

6. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, permettez-moi de revenir

87 88
brièvement à la première conclusion . Comme il est dit dans la requête et le mémoire , lors du

vote des résolutions proposées à l’Assemblée générale des Nations Unies, le Royaume-Uni s’est

opposé systématiquement aux négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire. Il s’est

opposé par exemple, en 2013, à la poursuite d’un débat ayant pour but de faciliter ces négociations

dans le cadre du groupe de travail à composition non limitée des Nations Unies chargé d’élaborer

des propositions visant à faire avancer les négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire.

Ce groupe de travail a été créé par l’Assemblée générale aux fins de l’avènement définitif d’un

84 Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974 ; opinion dissidente commune de MM. les
juges Onyeama, Dillard, et Jiménez de Aréchaga et de sir Humphrey Waldock, p. 314, par. 7 ; Essais nucléaires
(Nouvelle-Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, opinion dissidente commune de MM. les juges Onyeama,

Dillard, et Jiménez de Aréchaga et de sir Humphrey Waldock, p. 496, par. 7 (libellé légèrement différent).
85Haya de la Torre (Colombie/Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1951, p. 82.

86EEIM, p. 48, par. 130.
87
RIM, p. 29, remèdes sollicités, point a).
88MIM, par. 76, 77, 82, 91, 92 ; RIM, par. 69, 71, 79, 80. - 43 -

monde sans armes nucléaires . Le Royaume-Uni a voté contre la résolution portant création du

90 91
groupe de travail et n’a participé à aucune de ses réunions . Dans une déclaration faite

conjointement avec les Etats-Unis et la France devant la Première Commission de l’Assemblée

générale, en novembre 2012, le Royaume-Uni a dit qu’il n’était «pas en mesure de soutenir la

résolution, la création du groupe de travail à composition non limitée et ce à quoi pourraient

92
aboutir ses travaux» .

7. Mesdames et Messieurs de la Cour, le Royaume-Uni continue de s’opposer à de telles

délibérations. Il a récemment voté contre la résolution relative au groupe de travail à composition

47 non limitée de 2016 , dont il a refusé de faire partie. Le groupe de travail poursuit en 2016

l’action entreprise par le groupe de travail de 2013.

8. Une déclaration de la Cour à l’effet que l’article VI du TNP et le droit international

coutumier font obligation au Royaume-Uni de poursuivre des négociations multilatérales sur le

désarmement nucléaire complet aurait les conséquences suivantes : premièrement, le

Royaume-Uni, au lieu de s’opposer systématiquement à ces négociations, devrait systématiquement

soutenir leur ouverture au sein des instances compétentes, dont l’Assemblée générale des

Nations Unies, la conférence du désarmement, les conférences d’examen du TNP et d’autres

organes tels que le groupe de travail à composition non limitée ; deuxièmement, il devrait participer

de bonne foi aux délibérations et négociations sur le désarmement nucléaire complet ; et,

troisièmement, il devrait, si nécessaire, prendre l’initiative de telles négociations.

9. Comme elles l’ont dit dans leur exposé de leurs observations , les Iles Marshall

considèrent qu’une déclaration en ce sens n’obligerait pas nécessairement le Royaume-Uni à voter

pour telle ou telle résolution de l’Assemblée générale. En effet, la Cour a admis que les Etats, dans

89
A/RES/67/56, «Faire avancer le désarmement nucléaire aux fins de l’avènement définitif d’un monde sans
armes nucléaires», 3 décembre 2012 (147-4-31).
90Nations Unies, doc. A/C7/PV.48, p. 20-21.

91Hansard, HL Deb, 15 juillet 2013, col. WA93.
92
Consultable à l’adresse suivante : http://www.reachingcriticalwill.org/images/documents/Disarmament%20fora
/1com/1com12/eov/L46_France-UK-US.pdf (les italiques sont de nous).
93
A/RES/70/34, «Suivi de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur le désarmement nucléaire de
2013», 7 décembre 2015 (140-26-17) ; pour les résultats du vote, voir http://reachingcriticalwill.org/images/
documents/Disarmament-fora/1com/1com15/votes-ga/34.pdf.
94EEIM, p. 47, par. 127. - 44 -

l’exécution de leurs obligations juridiques, disposaient d’une certaine latitude en fonction de

considérations pratiques ou de méthode. Cependant, une conclusion dans le sens que je viens

d’indiquer obligerait le Royaume-Uni à adopter une attitude positive et pragmatique à l’égard de

l’ouverture de négociations et de sa participation à celles-ci. Il ne serait nullement tenu de se livrer

à de vaines activités telles que «négocier» sans partenaire.

10. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, si la Cour retenait la

95
deuxième conclusion déclaratoire sollicitée par les Iles Marshall, il en résulterait que le

Royaume-Uni devrait poursuivre des négociations en vue de faire cesser la course aux armements

nucléaires, en particulier l’amélioration des arsenaux nucléaires, par des mesures de désarmement

96
nucléaire complet ou d’autres mesures . Ce qui est dit dans la première conclusion demandée au

sujet de négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects vaut également

pour cette deuxième conclusion. Celle-ci obligerait également le Royaume-Uni à cesser de prendre

des mesures visant à améliorer et à conserver pour une durée illimitée son système d’armes

nucléaires.

48 11. Les troisième et quatrième conclusions demandées 97 reprennent la première et la

deuxième en les rattachant à des obligations de droit international coutumier, et si elle les retenait,

la Cour ne ferait qu’exercer sa fonction judiciaire, comme je l’ai déjà expliqué.

12. La cinquième conclusion demandée consisterait pour la Cour à dire et juger que

«le Royaume-Uni a manqué de s’acquitter et continue de ne pas s’acquitter de bonne
foi des obligations internationales qui lui incombent en vertu du TNP et du droit

international coutumier en empêchant de fait la grande majorité des Etats non dotés
d’armes nucléaires de respecter la part des obligations que leur imposent l’article VI
du traité et le droit international coutumier en ce qui concerne le désarmement
nucléaire et la cessation de la course aux armements nucléaires à une date
98
rapprochée» .

Si la Cour retenait cette conclusion, il en résulterait des conséquences concrètes. En effet, le

Royaume-Uni devrait mettre fin aux activités qui y sont visées.

95
RIM, p. 29, remèdes sollicités, point b).
96Voir MIM, p. 74-75, par. 221 et note 366.

97RIM, p. 29, remèdes sollicités, points c) et d).
98
Ibid., p. 30, point e). - 45 -

13. Si la sixième conclusion demandée 99 était également retenue, le Royaume-Uni devrait

modifier son comportement, particulièrement pour ce qui concerne la poursuite de négociations

multilatérales sur le désarmement, afin de faciliter l’exécution par les Etats non dotés d’armes

nucléaires des obligations découlant de l’article VI du TNP au lieu d’y faire obstacle.

14. Pour résumer, Monsieur le président, les conclusions demandées par les Iles Marshall, si

elles sont retenues par la Cour, auront bien des conséquences concrètes. Un arrêt déclaratoire

constitue en soi un remède. Comme la Cour l’a dit en l’affaire Haya de la Torre, lorsqu’elle juge

qu’un acte n’est pas conforme à une obligation juridique internationale, cette décision «entraîne

une conséquence juridique, celle de mettre fin à une situation irrégulière» . Quant à l’injonction

101
sollicitée , ses conséquences engloberaient celles des conclusions déclaratoires en indiquant dans

quel délai elles devraient se concrétiser. Les Iles Marshall tiennent à souligner qu’en cette affaire

contentieuse, elles attendent de la Cour qu’elle rende un arrêt contraignant en vertu du paragraphe 1

de l’article 94 de la Charte des Nations Unies, qui dispose ce qui suit : «Chaque Membre des

Nations Unies s’engage à se conformer à la décision de la Cour internationale de Justice dans tout

litige auquel il est partie.»

15. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, j’aborde maintenant mon

dernier point, qui porte sur l’assertion suivante avancée par sir Daniel Bethlehem au nom du

Royaume-Uni :

49 «Si, en dépit de nos autres arguments, elle venait à conclure que cette requête
est par ailleurs recevable et relève de sa compétence, la Cour devrait néanmoins se

déclarer incompétente pour connaître de la pr102nte affaire, dont l’examen serait
incompatible avec sa fonction judiciaire.»

Cette assertion n’est aucunement fondée en droit. En matière contentieuse, la Cour ne dispose pas

d’un pouvoir discrétionnaire résiduel qui lui permettrait de refuser d’exercer sa juridiction au motif

que des spéculations sur les retombées politiques de l’affaire ou une menace voilée de l’une des

parties de retirer sa déclaration d’acceptation de sa juridiction l’en retiendraient. Il se peut que la

Cour dispose de pareille latitude pour refuser de se prononcer en matière consultative, mais elle a

99
RIM, p. 30, point f).
100Haya de la Torre (Colombie/Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1951, p. 82.

101RIM, p. 30.
102
CR 2016/3, p. 31-32, par. 57 (les italiques sont de nous). - 46 -

refusé de s’en prévaloir, même dans des affaires concernant des situations semées d’embûches

politiques. Cependant, encore une fois, tel n’est pas le cas en matière contentieuse. Il incombe à la

Cour d’exercer sa fonction judiciaire, ni plus ni moins.

16. Dans les affaires relatives aux Essais nucléaires, la Cour a dit qu’elle n’avait pas «la

faculté de choisir parmi les affaires qui lui sont soumises celles qui lui paraissent se prêter à une

103
décision et de refuser de statuer sur les autres» . Quant aux juges qui ont joint aux arrêts rendus

en ces affaires une opinion dissidente commune, ils ont suivi la Cour sur ce point en disant que

«[i]l n’est pas laissé à sa discrétion de choisir les affaires contentieuses sur lesquelles elle statuera

ou ne statuera pas», 104et je me permets aussi de citer ce que M. Tomuschat a écrit à ce sujet :

«La Cour s’émasculerait si elle se refusait à dire le droit dans des différends

dont l’issue est d’une grande importance pour la paix et la sécurité du monde …

La Cour considère à juste titre qu’elle fait partie du dispositif institué par la

Charte des Nations Unies, qui a avant tout pour mission de promouvoir les buts et les
principes de la Charte dans toute leur ampleur. Ni la doctrine du fait de l’Etat [,
conclut-il], ni aucune doctrine de la prééminence du politique ne sauraient entraver
l’exercice de sa fonction.» 105

17. Mesdames et Messieurs de la Cour, le Royaume-Uni prétend que les Iles Marshall ont

monté «une affaire artificielle» 106 et «cherchent à se servir de votre compétence contentieuse

107
comme d’un artifice leur permettant d’obtenir un avis consultatif» . Monsieur le président, les

50 Iles Marshall ne se sont pas présentées devant la Cour pour obtenir qu’elle donne des directives

politiques. Il existe pour ce faire d’autres instances. Ce qu’elles attendent d’elle, c’est un arrêt

donnant effet aux droits qu’elles tiennent de l’article VI du TNP et du droit international coutumier.

Les Iles Marshall ne nient pas que la recherche du désarmement nucléaire comporte des aspects

politiques. On aurait d’ailleurs du mal à trouver un différend d’ordre juridique entre Etats qui

103Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 477, par. 60 ; Essais nucléaires
(Nouvelle-Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 271, par. 57.
104
Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, opinion dissidente commune de
MM. Onyeama, Dillard, Jiménez de Aréchaga et sir Humphrey Waldock, p. 322, par. 22 ; Essais nucléaires
(Nouvelle-Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974 ; opinion dissidente commune de MM. Onyeama, Dillard,
Jiménez de Aréchaga et sir Humphrey Waldock, p. 505, par. 21.
105
C. Tomuschat, «Article 36 », in The Statute of the International Court of Justice: AeCommentary, ouvrage
collectif publié sous la direction de A. Zimmerman, C. Tomuschat, K. Oellers-Frahm et C. Tams, 2 éd., 2012, p. 645
(note de base supprimée).
106
CR 2016/3, p. 32, par. 58.
107Ibid., p. 33, par. 60. - 47 -

n’aurait pas aussi des éléments politiques. Or, en l’affaire du Personnel diplomatique et consulaire

des Etats-Unis à Téhéran, la Cour a dit ceci : «[n]ul n’a cependant jamais prétendu que parce qu’un

différend juridique soumis à la Cour ne constitue qu’un aspect d’un différend politique, la Cour

doit se refuser à résoudre dans l’intérêt des parties les questions juridiques qui les opposent» . 108

Comme je l’ai relevé en citant tout à l’heure M. Tomuschat, la Cour, à la différence de certaines

juridictions nationales, ne suit pas une doctrine de la «prééminence du politique» en vertu de

laquelle elle pourrait éviter de se prononcer sur un différend au motif qu’il est politiquement

délicat. Les Iles Marshall considèrent qu’il se pose bien en l’espèce des questions d’ordre juridique

qu’il appartient à la Cour d’apprécier et de trancher en puisant dans les sources de droit visées à

l’article 38 de son Statut.

18. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre

patiente attention. Me voici parvenu au terme de mon exposé, qui conclut le premier tour de

plaidoiries des Iles Marshall. Merci.

The PRESIDENT: Thank you, Professor. A Member of the Court would like to put a

question to both Parties. I give him the floor. Judge Bennouna.

Juge BENNOUNA : Je vous remercie, Monsieur le président. Je souhaiterais poser la

question suivante aux deux Parties :

A l’audience du 9 mars 2016, l’un des conseils du Royaume-Uni a déclaré ceci :

«La compétence de la Cour doit être déterminée en répondant à la question
suivante : existait-il un différend entre les Iles Marshall et le Royaume-Uni sur le
respect, par celui-ci, des obligations énoncées à l’article VI du TNP et de toute
prétendue obligation parallèle de droit international coutumier le 24 avril 2014,
c’est-à-dire à la date du dépôt de la requête introductive d’instance des
Iles Marshall ?» [CR 2016/3, p. 18, par. 22 (Bethlehem).]

Le Royaume-Uni et les Iles Marshall peuvent-ils préciser à la Cour quelle était, à la date du
51

dépôt de la requête en la présente espèce, c’est-à-dire le 24 avril 2014, leur position respective

concernant l’interprétation et l’application de l’article VI du traité sur la non-prolifération des

armes nucléaires (TNP), et dans quel contexte ils l’ont adoptée explicitement ou implicitement ?

108Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c. Iran), arrêt,
C.I.J. Recueil 1980, p. 20, par. 37. Voir également ce qui est dit de l’abondante jurisprudence de la Cour en la matière
dans l’avis consultatif rendu par elle au sujet des Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire
palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 155, par. 41. - 48 -

Je vous remercie, Monsieur le président.

The PRESIDENT: Je vous remercie. The text of the question will be sent to the Parties in

writing as soon as possible. The Parties are invited to reply orally to it during the second round of

their oral argument.

That brings today’s sitting to an end and concludes the first round of oral argument. The

hearings in this case will resume on Monday 14 March, at 3 p.m., with the second round of oral

argument of the United Kingdom. At the end of the sitting, the United Kingdom will present its

final submissions on the preliminary objections raised by it in the present case.

The Marshall Islands will take the floor for its second round of oral argument on Wednesday

16 March, at 3 p.m. It will present its final submissions at the end of that sitting.

I would recall that the purpose of the second round of oral argument is to enable each of the

Parties to reply to the arguments put forward orally by the opposing Party or to the questions put by

Members of the Court. The second round must therefore not be a repetition of the arguments

already set forth by the Parties, which are not obliged to use all the time allotted to them.

Thank you. The Court is adjourned.

The Court rose at 5.35 p.m.

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