volume II - Annexes 1 à 30

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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
13605
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
AFFAIRE RELATIVE À LA CONSTRUCTION D’UNE ROUTE AU COSTA RICA LE LONG DU FLEUVE SAN JUAN (NICARAGUA c. COSTA RICA)
JOINTE À L’INSTANCE DANS L’AFFAIRE RELATIVE À CERTAINES ACTIVITÉS MENÉES PAR LE NICARAGUA DANS LA RÉGION FRONTALIÈRE (COSTA RICA c. NICARAGUA)
RÉPLIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU NICARAGUA
VOLUME II (ANNEXES 1 À 30)
4 AOÛT 2014
[Traduction du Greffe]
LISTE DES ANNEXES
VOLUME II
Annexe
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RAPPORTS D’EXPERTS
1
G. Mathias Kondolf, «Erosion et dépôt de sédiments de la route 1856 dans le fleuve San Juan, juillet 2014
(rapport Kondolf de juillet 2014).
1
2
Danny Hagans et Bill Weaver, «Evaluation de l’érosion, de l’impact sur l’environnement et de la remise en état de certains tronçons de la route 1856 (route Juan Rafael Mora Porras) au Costa Rica, le long du fleuve San Juan, Nicaragua», juillet 2014
79
3
Edmund D. Andrews, «Evaluation des méthodes, des calculs et des conclusions du Costa Rica concernant l’apport et le transport de sédiments dans le bassin du fleuve San Juan», juillet 2014
115
4
Blanca Ríos Touma, «Répercussions écologiques de la route 1856 sur le fleuve San Juan, Nicaragua», juillet 2014
116
5
William R. Sheate, «Observations sur l’absence d’évaluation de l’impact sur l’environnement préalable à la construction de la route frontalière longeant le San Juan», juillet 2014
131
6
Golder Associates, Inc., «Evaluation de l’impact sur l’environnement : exigences attachées au projet de construction d’une route de grande envergure le long du fleuve San Juan, Nicaragua», juillet 2014
156
NOTES DIPLOMATIQUES
7
Note MRE/DM/645/12/13 en date du 17 décembre 2013 adressée au ministre des affaires étrangères du Costa Rica par son homologue nicaraguayen
193
8
Note DM-AM-704-13 en date du 19 décembre 2013 adressée au ministre des affaires étrangères du Nicaragua par son homologue costa-ricien
194
DOCUMENTS D’AMÉRIQUE CENTRALE
9
Guatemala, résolution 03-99 du 18 novembre 1999 (XXIe COMITRAN)
195
10
Recueil des normes environnementales en vigueur en Amérique centrale concernant la conception, la construction et l’entretien des routes (2002) (extrait)
197
11
Recueil des spécifications applicables en Amérique centrale pour la construction de routes et de ponts régionaux (2e édition, 2004) (extraits)
198
- ii -
Annexe
Document
Page
12
Manuel d’entretien des routes en Amérique centrale (édition de 2010) (extraits)
200
13
Recueil des normes en vigueur en Amérique centrale concernant la conception géométrique des routes (3e édition, 2011) (extraits)
202
DOCUMENTS NICARAGUAYENS
14
Déclaration sous serment d’Ana Isabel Izaguirre Amador, 18 juillet 2014
203
15
Nicaragua, loi no 274 de 1998 relative à la réglementation et au contrôle des pesticides et des substances toxiques ou dangereuses, article 23, paragraphe 2
206
ARTICLES DE PRESSE
16
«President Confirms Errors in Construction of Trail 1856» [le président confirme que des erreurs ont été commises dans la construction de la route 1856], El Pais, 24 mai 2014 (http://www.elpais.cr/frontend/ noticia_detalle/1/92093)
207
17
«Trail Construction Will Restart at the End of the Chinchilla Administration» [la construction de la route reprendra à la fin du mandat de Mme Chinchilla], crhoy.com, 13 décembre 2013 (http://www.crhoy.com/ precio-total-de-la-trocha-fronteriza-se-estima-en-mas-de-50-mil-millones/) (extraits)
207
18
«Solis Commits to Finishing the Trail» [M. Solís s’engage à achever la route], Diario Extra, 6 mai 2014 (http://www.diarioextra.com/Dnew/ noticiaDetalle/231053) (extraits)
207
19
«Trail Will Be a Project for the Next Government» [la route sera l’un des chantiers du prochain gouvernement], La Prensa Libre, 21 février 2014 (http://www.prensaescrita.com/adiario.php?codigo=AME&pagina=http://www.p…)
208
20
«Visit by the President Two Days Before Delivering the Command» [visite de la présidente deux jours avant la passation des pouvoirs], La Nación, 6 mai 2014 (http://www.nacion.com/nacional/Chinchilla-disculpa-vecinos-trochafronte…) (extraits)
208
21
«Works on the Trail Paralyzed while Waiting for Designs and Modular Bridges» [le chantier au point mort dans l’attente de plans de conception et de ponts modulaires], crhoy.com, 10 juillet 2014 (http://www.crhoy.com/ trabajos-en-la-trocha-se-paralizan-a-la-espera-de-disenos-y-puentes-modulares/)
208
22
Alberto Cabezas, «Border Trail Case» [l’affaire de la route frontalière], publié le 4 juin 2014 (http://revista-amauta.org/2014/06/caso-trocha-fronteriza/)
209
- iii -
Annexe
Document
Page
23
«Accident in Chaclacayo : Rímac River Fuel Spill Causes Concern among Local Residents» [accident à Chaclacayo : le déversement d’hydrocarbures dans le fleuve Rímac préoccupe les riverains], El Comercio, 31 décembre 2013 (http://elcomercio.pe/lima/sucesos/accidentechaclacayo-derrame-combustib…)
209
24
«OEFA Assesses Impact of Oil Spill in the Rímac River» [l’OEFA évalue l’impact du déversement d’hydrocarbures dans le fleuve Rímac], Mining Press Edición Perú, 1er février 2014 (http://www.miningpress.com.pe/ nota/250217/oefa-evalua-impacto-dederrame-de-petroleo-en-el-rio-rimac-)
209
25
«Oil Spilled into the Villalobos River» [déversement d’hydrocarbures dans la rivière Villalobos], La Nación, 19 juin 2012 (http://www.lanacion.com.co/index.php/noticias-judicial/item/156017-petr…)
210
26
«Ombudsman Investigates Mining Company Spillage into River» [enquête du médiateur sur le déversement d’hydrocarbures dans un cours d’eau par une entreprise minière], Los Andes, 26 août 2009 (http://archivo.losandes.com.ar/notas/2009/8/26/un-442539.asp).
210
27
«Oil Spill Contaminates Lake” [le déversement d’hydrocarbures contamine un lac], Perú21, 9 mai 2012 (http://peru21.pe/2012/05/09/impresa/derrame-crudocontamina-laguna-20234…)
210
28
«Oil Truck Overturned near the Cruces River» [renversement d’un camion-citerne à proximité de la rivière Cruces], El Mercurio Online, 3 janvier 2009(http://www.emol.com/noticias/nacional/2009/01/03/338122/ camion-con-petroleo-se-volcoen-las-cercanias-del-rio-cruces.html)
211
29
«Truck Spilled 9,000 Gallons of Fuel into Rivers» [renversement d’un camion-citerne : près de 35 000 litres d’hydrocarbures déversés dans deux cours d’eau], Enlace Nacional, 4 février 2008 (http://enlacenacional.com/2008/02/04/camion-derramo-9-mil-galones-de-pe…)
211
30
«Truck Overturns  Severe Environmental Damage» [graves dommages environnementaux à la suite du renversement d’un camion-citerne], La Angostura Digital, 23 juillet 2009 (http://www.laangosturadigital.com. ar/v3/home/interna.php?id_not=10282&ori=web)
211
___________
ANNEXE 1 G. MATHIAS KONDOLF, «EROSION ET DÉPÔT DE SÉDIMENTS DE LA ROUTE 1856 DANS LE FLEUVE SAN JUAN», JUILLET 2014
G. Mathias Kondolf, PhD1 Juillet 2014
1. Introduction
L’objet du présent rapport est d’examiner les impacts de la route 1856 à la lumière d’études publiées dans la littérature scientifique et d’observations réalisées sur des sites en proie à l’érosion le long de ladite route, afin d’identifier les interruptions sur cet ouvrage et les problèmes de sécurité qu’ils représentent  ainsi que les dangers associés aux tronçons déjà terminés  et de critiquer les arguments avancés par les consultants du Costa Rica et le personnel de son administration en vue de défendre le projet de route.
La route 1856 est effondrée ou inachevée à de nombreux endroits (section 2). L’érosion et l’effondrement de passages de cours d’eau s’accélèrent au lieu de ralentir (section 3). Ces problèmes ne sont pas «typiques» comme le prétendent les experts du Costa Rica, mais reflètent plutôt la violation des normes bien établies en matière de construction de routes de ce type (section 4). La route 1856, dans son état actuel, met en péril ceux qui l’empruntent et pourrait faire peser une menace sérieuse sur le fleuve San Juan si elle devait servir au transport de matières dangereuses (section 5). Les tronçons de route en voie d’effondrement constituent des sources importantes de sédimentation du San Juan. Les tentatives de contrôle de l’érosion se sont limitées aux premiers 15 km de la route 1856 en amont du fleuve et, lorsqu’elles ne se sont pas avérées carrément contre-productives, n’ont pas réussi à contrôler efficacement l’érosion et les affaissements sur les pentes les plus touchées par l’érosion et aux endroits où la voie passe sur des cours d’eau (section 6).
Le rapport identifie ensuite les principales lacunes de l’argumentation avancée par les consultants du Costa Rica et le personnel de son administration concernant les impacts de la route 1856 sur le San Juan. Il y est tout d’abord expliqué que les experts du Costa Rica sous-estiment le volume de sédiments que la route apporte au San Juan, et il y est procédé à une actualisation des estimations de cet apport (section 7). Il y est ensuite expliqué que ledit apport n’est ni naturel ni bénéfique et que les parties du fleuve affectées par la route montrent déjà l’impact de cet ouvrage sur la qualité de l’eau et la vie aquatique (section 8). Le rapport souligne ensuite les problèmes que pose la comparaison faite par le Costa Rica entre les apports de sédiments de la route 1856 et la charge solide totale assumée (section 9), qualifiée à tort par ce pays de «naturellement» élevée (section 10). Le rapport explique ensuite que l’apport en sédiments de la route provoque des modifications morphologiques du fleuve, à la fois sous forme de deltas qui se constituent le long de la rive costa-ricienne et de l’engorgement de la partie inférieure du cours du San Juan qui reçoit déjà une quantité excessive de sédiments correspondant à d’autres apports importants en provenance du Costa Rica, de sorte que toutes ces contributions supplémentaires finiront probablement par s’accumuler et s’agglomérer par accrétion (section 11). Le rapport réitère les craintes déjà exprimées concernant l’incapacité de la route 1856 à résister à une tempête, un ouragan ou un tremblement de terre grave, lesquels pourraient accroître de façon dramatique le volume des
1 Dans le cadre de la préparation du présent rapport, j’ai bénéficié du soutien de Pacific Watershed Associates, notamment de Danny Hagans et de Bill Weaver, qui sont les coauteurs de mon rapport de 2012, et ont depuis publié leur propre rapport, intitulé Évaluation de l’érosion, de l’impact sur l’environnement et de la remise en état de certains tronçons de la route 1856 (route Juan Rafael Mora Porras) au Costa Rica, le long du fleuve San Juan, Nicaragua (juillet 2014).
- 2 -
sédiments apportés par cet ouvrage au fleuve (section 12). Enfin, le rapport énonce quelques conclusions (section 13).
2. La route 1856 n’est pas terminée
Les documents soumis par le Costa Rica pourraient donner l’impression que la route est achevée, sauf pour quelques problèmes mineurs d’érosion auxquels on est en train de remédier. Ce n’est pas exact. En réalité, la route 1856 n’est pas terminée et n’est pas praticable sur toute sa longueur entre la borne frontière no II et Boca San Carlos. Des effondrements importants se sont produits sur certaines des pentes escarpées par lesquelles on a tenté de faire passer la route. Sur au moins trois des 30 premiers kilomètres, la route s’est affaissée ou les travaux de construction semblent avoir été abandonnés en raison d’effondrements.
Le fait qu’une bonne partie de la route n’a pas été construite ou s’est écroulée apparaît clairement sur les images aériennes, et le professeur Colin Thorne lui-même prend acte  en passant  de cette situation dans son rapport, puisqu’il déclare avoir «inspect[é] … tout [le] parcours [de la route] suivant le fleuve San Juan (exception faite des tronçons non encore réalisés et de ceux qui ne sont pas accessibles en véhicule tout-terrain)» (p. 19). Toutefois, à un autre endroit du même ouvrage, Thorne mentionne «les 41,6 premiers kilomètres de la route le long du fleuve» (Thorne 2013b, p. 73, vol. II, p. 219). Alors que bon nombre de rapports indiquent que la route longe le fleuve sur 108 km en tout dont 41,6 en amont de Boca San Carlos, la route elle-même ne fait pas 41,6 km de long dans sa partie supérieure, dans la mesure où certains tronçons (d’une longueur totale de 3 km sur les 30 premiers kilomètres en amont) ne sont pas terminés en raison de l’échec des tentatives de construire l’ouvrage sur des pentes raides et de traverser des cours d’eau. Cette portion du fleuve fait bien 41,6 km de long, mais la route n’est pas terminée, de sorte que sa longueur est inférieure à ce chiffre et sa longueur utile encore moindre.
On compte au moins cinq interruptions importantes de la route 1856 entre la borne no II et Boca San Carlos (figure 1), là où la chaussée n’est plus praticable en raison d’effondrements ou de l’abandon des tentatives de construction sur des portions adjacentes. De plus, un tronçon situé approximativement entre les Rkm 34 et 352 est probablement impraticable, mais seule une inspection sur place permettrait d’énoncer cette conclusion avec certitude.
2 Le terme Rkm désigne le nombre de kilomètres en aval de la borne no II, c’est-à-dire le point au-dessous duquel la rive méridionale du San Juan marque la frontière avec le Costa Rica.
- 3 -
Figure 1 : Carte indiquant les portions praticables et impraticables de la route 1856
le long du San Juan entre la borne no II et Boca San Carlos
L’interruption située sous le Río Infiernito
Toute tentative de construire la route a été totalement abandonnée entre les Rkm 15,3
et 16,1 (c’est-à-dire entre les points situés respectivement à 15,3 et 16,1 km en aval de la
borne no II), comme cela transparaît sur l’image à haute résolution prise en 2013 telle qu’elle
est reproduite à la figure 2. Il apparaît que des arbres ont été abattus, mais qu’aucun travail de
terrassement n’a été réalisé à l’aide de bulldozers avant l’abandon définitif de la tentative de
construction de la route à cet endroit. La végétation s’est remise à pousser sur la zone
déboisée. Les cartes de Mende et Astorga (2013) dressant «l’inventaire des pentes»
n’indiquent pas une interruption de l’empreinte rouge représentant la zone «affectée» par la
route à cet endroit (c’est-à-dire entre les «pentes» T-61 et T-64b), mais montrent la continuité
de cette empreinte de perturbation sur toute la longueur de l’interruption. La représentation de
ce tronçon comme une zone perturbée pourrait être due au déboisement effectué initialement
Route praticable
Route impraticable
Route peut-être impraticable
Route d’accès intérieure
Nombre de kilomètres le
long du fleuve depuis la
borne no II
- 4 -
avant l’abandon de la tentative de construction, mais cet endroit correspond clairement à une interruption (figure 2).
Figure 2 : Interruption sur la route 1856 entre les Rkm 15,3 et 16,1. A) Détail de l’image satellite à haute résolution de décembre 2013 montrant l’interruption B) Détail de la carte de Mende et Astorga dressant «l’inventaire des pentes» (2013), annexe 6, couvrant la même zone
Las Crucitas
Le tronçon compris entre les Rkm 17,8 et 18,3 est le théâtre d’une érosion spectaculaire de la route 1856, sous l’effet de multiples effondrements des talus de déblai et de remblai ainsi que des passages de cours d’eau. On compte en effet trois passages massifs de cours d’eau bordés de quatre grosses entailles dans les pentes de la colline et les talus de déblai adjacents, lesquels sont soumis à une érosion active. Ce tronçon, long de 1,5 km, correspond à une véritable interruption de la route 1856, dans la mesure où les ouvrages conçus pour canaliser la traversée des cours d’eau se sont effondrés, ont fait l’objet de réparations de fortune (voir la section 3) et s’effondreront de nouveau inévitablement. La route à cet endroit est peut-être praticable en moto tout-terrain, à dos d’âne ou à pied, mais pas à bord d’un véhicule à moteur ordinaire. Les passages de cours d’eau affaissés sur ce tronçon sont répertoriés comme les points no 9.4, 9.5 et 9.6 dans l’inventaire des points d’érosion marquée (appendice A)  tels qu’ils sont décrits plus en détail à la section 3 dans la suite du présent rapport  et constituent un tronçon impraticable de la route, comme cela ressort clairement des images satellite prises en décembre 2013 (figure 3).
- 5 -
Figure 3 : Image satellite de Las Crucitas prise en décembre 2013
La Chorrera
Sur le tronçon compris entre les Rkm 23,6 et 24,4 (connu localement sous le nom «La
Chorrera»), les entrepreneurs ont tenté à de multiples reprises de traverser le caño la Chorrera :
quatre itinéraires différents ont été apparemment tentés à flanc de colline (figure 4). Le
passage le plus récemment utilisé a été construit sur un remblai traversant ce qui constituait
auparavant une éc
hancrure latérale, un plan d’eau situé sous la canopée des arbres qui formait antérieurement un
habitat à l’extérieur du chenal pour les poissons et sert aujourd’hui de passage à un cours d’eau
charriant de la boue (figure 5).
Figure 4 : Vue aérienne oblique du caño La Chorrera montrant de multiples tentatives
de franchissement du cours d’eau à 23,9 km en aval de la borne frontière no II.
Le cadre blanc indique l’emplacement de l’échancrure latérale du San Juan
qui formait auparavant un plan d’eau recouvert par la canopée
(tel qu’il apparaît sur la figure 5a, mais qui est désormais
remblayé depuis la dernière tentative visant à faire
traverser le caño à la route 1856 (figure 5b).
Date de la photo : 2 mai 2014.
Tentatives de passage
Décembre 2013
- 6 -
Figure 5 : Vues du caño La Chorrera depuis le fleuve San Juan à 23,9 km en aval de la
borne no II. Date des photographies : a) 20 octobre 2012 et b) 31 mars 2014.
En aval de Las Cruces
Une autre interruption apparaît entre les Rkm 28,4 et 28,9 (figure 6) à environ 3 km en aval
de Las Cruces, parfaitement visible sur l’image aérienne de 2013. Il semble que certaines
opérations de déboisement aient été effectuées, mais que la tentative de construction ait été
abandonnée avant même le commencement de travaux importants de terrassement. Le tronçon
compris entre les Rkm 28,5 et 28,65 semble correspondre à une interruption sur les cartes de
Mende et Astorga (2013, p. 386). Il n’est pas identifié comme tel, mais apparaît à l’intérieur
de l’empreinte rouge signalant la zone affectée par la construction de la route à l’intérieur des
lignes droites désignant les «pentes» T-85a et T-85b (figure 6). Des lignes ont été tracées de
manière continue sur toute la longueur de l’interruption (au moyen d’un trait rouge remplissant
l’espace compris entre les lignes), comme pour suggérer que la route ne s’arrête pas à cet
endroit, alors qu’elle est en fait clairement coupée, comme cela ressort manifestement de l’image
satellite.
Cascade de La Chorrera
Cascade de La Chorrera
(asséchée)
Rochers adjacents
à la cascade
Rochers adjacents
à la cascade
20 octobre 2012
31 mars 2014
- 7 -
Figure 6 : Interruption de la route 1856 au point situé entre les Rkm 28,4 et 28,9. A) Détail d’une image satellite à haute résolution prise en février 2014 et montrant l’interruption. B) Détail de la carte constituant «l’inventaire des pentes» établie par Mende et Astorga (2013), annexe 6, couvrant la même zone.
El Jardin
La route est également interrompue à environ 1 km en aval de El Jardin, un endroit situé entre les Rkm 36,2 et 37,1 où les tentatives de construction ont été abandonnées avant que de gros projets de terrassement ne soient lancés (figure 7). La végétation a de toute évidence été partiellement dégagée, sans opérations de terrassement majeures. La tentative de construction de la route a probablement été abandonnée en raison des résultats désastreux obtenus lors d’autres tentatives lancées entre les Rkm 37,1 et 36,4, lesquelles se sont soldées par de nombreux glissements de terrain et une instabilité sur toute la portion de la route concernée (figure 8). La carte de Mende et Astorga reproduite à l’annexe 6 (p. 387 du volume II du contre-mémoire) montre plusieurs lignes rouges parallèles et des zones larges de même couleur dans cette zone ayant été le théâtre de nombreux glissements de terrain (figure 7). Les lignes rouges parallèles indiquent vraisemblablement autant de tentatives avortées de construction de la route sur cette pente. Curieusement, elles montrent également une ligne rouge fine dans la zone (rouge également) «affectée» entre les Rkm 36,2 et 36,4, ce qui semblerait indiquer que la route est continue dans cette portion, mais avec des impacts plus réduits. Pourtant, l’examen des images aériennes révèle clairement qu’aucun travail de terrassement n’a été tenté sur ce tronçon qui doit donc être reconnu comme une interruption.
- 8 -
Figure 7 : Interruption de la route 1856 entre les Rkm 36,2 et 37,1. A) Détail de l’image
satellite à haute résolution de février 2014 montrant l’interruption. B) Détail de
la carte dressant «l’inventaire des pentes» telle qu’elle a été établie par
Mende et Astorga (2013), annexe 6, montrant la même zone
Figure 8 : Vue aérienne oblique de mai 2014 montrant la pente en cours
d’effondrement à 1 km en aval de El Jardin (au Rkm 36,4)
- 9 -
3. La situation va en se détériorant et non en s’améliorant
Les rapports soumis par le Costa Rica laissent entendre que les conditions se sont améliorées le long de la route 1856. Par exemple, selon le diagnostic de l’impact sur l’environnement (Estudio de Diagnóstico Ambiental ou EDA) de novembre 2013, le risque d’érosion et d’instabilité des pentes «est contrôlé» et, pour éviter l’effondrement des passages de cours d’eau, des efforts sont déployés afin d’«assurer une surveillance périodique … prônant le contrôle préventif adéquat des structures le long de la chaussée» (annexe 10, p. 30). L’EDA déclare également que «des systèmes de contrôle du ruissellement ont été installés, ainsi que des pièges à sédiments le long de la route» afin de prévenir «le risque de dépôt de sédiments érodés sur les plans d’eau» (annexe 10, p. 30). Des déclarations analogues impliquant une amélioration des conditions figurent également à d’autres endroits des conclusions du Costa Rica (voir, par exemple, annexe 1, p. 2 ; annexe 6, p. 28 et 29 ; rapport Thorne, section 11).
Toutefois, l’érosion s’est manifestement aggravée depuis ma première observation de la route 1856 en octobre 2012. La progression de l’érosion et le déversement de grandes quantités de sédiments dans le fleuve San Juan ressortent clairement des séries de photographies aériennes (prises depuis un hélicoptère) et d’images satellite (prises dans des conditions de nébulosité nulle) qui ont pu être obtenues.
L’inventaire des points d’érosion marquée reproduit dans l’annexe A au présent rapport, ainsi que l’analyse de l’érosion constante présentée ci-dessous, fait état d’une érosion massive et persistante, de l’absence de tout effort sérieux de stabilisation des pentes et de contrôle de l’érosion et du dépôt incessant de sédiments dans le San Juan. Ces problèmes sont suffisamment graves pour être visibles depuis le ciel. Par exemple, les images satellite séquentielles montrent les progrès de l’érosion sur la route exposée dans la zone située approximativement entre les kilomètres 17,9 et 18,3 en aval de la borne no II (au lieu-dit Las Crucitas) entre novembre 2012 et décembre 2013 (figure 9).
- 10 -
Figure 9 : Progression de l’érosion à Las Crucitas, au point situé entre les kilomètres 17,9
et 18,3 en aval de la borne no II. A) Image satellite de novembre 2012 montrant que
l’érosion a déjà commencé à attaquer les talus de remblai et les prismes des
passages de cours d’eau. B) Image satellite de décembre 2013 montrant
les progrès importants de l’érosion et l’aggravation du ravinement
dans le prisme de passage de cours d’eau «A»,
ainsi que le balayage des passages «B» et «C».
Depuis mon rapport de 2012, le nombre d’images aériennes à haute résolution prises
dans des conditions de nébulosité nulles a considérablement augmenté3 ; c’est le cas
notamment des images Pleiades que nous avons obtenues auprès de Spatial Solutions, Bend,
Oregon, Etats-Unis. Ces images ont été orthorectifiées à la norme américaine NMAS
(National Map Accuracy Standards) 1:25 000 en recourant au meilleur modèle numérique
d’élévation (MNE) publiquement disponible. L’orthorectification est le processus qui permet
de corriger géométriquement des images aériennes ou satellite en vue d’enlever les
distorsions inhérentes au relief topographique, à la lentille et/ou à l’inclinaison de la caméra.
Une image orthorectifiée garantit l’uniformité de l’échelle et permet de mesurer précisément
des distances et des surfaces dans un système d’information géographique (SIG). A l’aide de
3 Le professeur Thorne insinue  aux pages 52 à 55 de son rapport de décembre 2013  que j’ai manipulé des
images satellite. C’est faux. Une lettre traitant de cette question et émanant du fournisseur des images satellite est
d’ailleurs reproduite à l’appendice B du présent rapport.
Novembre 2012
Décembre 2013
- 11 -
ces images orthorectifiées à haute résolution, nous sommes désormais en mesure d’identifier et de mesurer bon nombre de caractéristiques géologiques importantes liées à l’érosion depuis l’espace.
De plus, après ma première visite en octobre 2012 et mon rapport de la même année, je me suis de nouveau rendu sur les bords du fleuve San Juan à trois reprises, en mai 2013, en octobre 2013 et en mai 2014. Ces visites supplémentaires m’ont permis d’observer l’érosion continue de la route depuis un hélicoptère volant au-dessus de la rive septentrionale du San Juan et de reprendre des photographies des sites en proie à l’érosion, de manière à documenter les changements intervenus entre octobre 2012 et mai 2014. Les photographies prises depuis l’hélicoptère en visant l’autre rive du fleuve (que l’on qualifie d’images aériennes «obliques» parce qu’elles ne sont pas orientées verticalement vers le bas, contrairement aux images satellite) montrent clairement l’érosion progressive de larges portions de la route.
Dans certains cas, lorsque les traces d’érosion sont visibles (c’est-à-dire qu’elles ne sont pas obscurcies par les arbres), nous avons été capables  en combinant des informations extraites de séries répétées de photographies satellite et de photographies aériennes obliques prises par hélicoptère  de mesurer précisément les dimensions horizontales des traces présentes sur les sites en proie à l’érosion et d’évaluer avec certitude la taille de bon nombre desdites traces, pour ensuite documenter la fréquence et la magnitude des ravinements et autres effondrements pendant cette période. En ce qui concerne les dimensions horizontales, nous avons utilisé des images satellite orthorectifiées prises entre décembre 2013 (avec une résolution de 0,5 m) et février 2014 (avec une résolution de 1,5 m), ainsi que des images déjà utilisées au préalable (mais partiellement obscurcies par des nuages) prises en septembre/octobre 2012 (avec une résolution de 0,5 m). En ce qui concerne l’échelle verticale, nous avons identifié des traces sur les images aériennes répétées prises entre octobre 2012 et mai 2014, en recourant à des caractéristiques présentes sur le terrain (comme des bâtiments ou des arbres) ou en exploitant des photographies représentant des caractéristiques décrites par Mende et Astorga (2013) à l’annexe 5 et les hauteurs indiquées par ces deux chercheurs sur la base de leurs estimations sur le terrain (telles qu’elles sont reprises dans la base de données ACCESS ayant servi à élaborer le contenu de l’annexe 6 remise par le Costa Rica le 21 mai 2014 en réponse aux demandes de renseignements nicaraguayennes datées du 21 janvier et du 25 mars de la même année). Sur la base de ces mesures, nous avons estimé les volumes de remblais instables et les taux d’érosion depuis la fin de 2012, période caractérisée par des précipitations peu abondantes, pour les sites facilement visibles sur les images satellite et les photographies aériennes obliques.
On compte trop de points d’érosion marquée pour les décrire tous en détail dans le présent rapport, de sorte que nous renvoyons le lecteur à l’annexe A  intitulée «Inventaire des points d’érosion marquée»  pour une liste plus complète. L’inventaire des points d’érosion marquée ne reprend pas intégralement tous les sites touchés par l’érosion le long de la route 1856, mais compile ceux qui sont le plus visibles depuis l’espace et depuis l’hélicoptère survolant la rive opposée du fleuve. Lorsque de vastes zones terrestres tropicales sont nettoyées de toute végétation et perturbées par les bulldozers, comme cela a été le cas lors de la tentative brouillonne de construction de la route 1856, l’érosion par impact des pluies tropicales est inévitable sur l’intégralité de la surface perturbée. Cette érosion de surface (ou érosion en nappe) provoquée par l’impact des gouttes de pluie individuelles est trop faible pour être perceptible depuis l’espace (à moins de déclencher une dynamique capable de générer des ravines larges et visibles), mais son effet cumulatif est très important. Sur ce point, je décris en détail l’érosion en cours (ainsi que les mesures et les calculs ayant servi à estimer le volume de l’érosion) sur cinq points d’érosion marquée : deux abritant des passages de cours d’eau et deux autres abritant à la fois des talus de déblai et de remblai. Pour chacun, je présente différentes séries répétées d’images aériennes obliques prises entre 2012 et 2014, ainsi que des images aériennes verticales à haute
- 12 -
résolution prises en 2013. Les images sont annotées pour indiquer des caractéristiques telles que les «prismes» de terre constituant les passages de cours d’eau. (Pour plus de détails sur les caractéristiques  telles que les prismes de remblai de passage de cours d’eau ou les talus de déblai ou de remblai  propres aux travaux de construction de ce type, prière de se reporter aux pages 10 à 14 de mon rapport de 2012).
L’érosion étudiée en détail sur ces points s’est produite depuis la tentative de construction de la route 1856 en 2011 et revêt un caractère continu depuis octobre 2012, c’est-à-dire pendant une période où le niveau des précipitations est demeuré relativement faible. Le professeur Thorne partage d’ailleurs ce point de vue puisqu’il déclare que «la période postérieure à la construction de la route a été anormalement sèche» (Thorne, paragraphe 8.12) ; et que «les deux dernières années ont été plus sèches que la moyenne, [et les taux d’érosion indiqués dans le rapport de l’UCR] pourraient être dépassés à l’avenir» (Thorne, paragraphe 8.32).
Par conséquent, le fleuve San Juan n’a pas été soumis aux précipitations intenses associées aux violentes tempêtes (notamment les tempêtes tropicales et ouragans décrits plus en détail à la section 12 dans la suite du présent rapport), c’est-à-dire aux conditions qui déclenchent le plus d’effondrements dans les zones perturbées (Larsen et Parks 1997, Larsen et Roman 2001, Maharaj 1993, Douglas 1967, Tan 1984, Hicks 1991, Kansai et al. 2005).
Passage du cours d’eau au point d’érosion marquée no 9.4 (à 18 km en aval de la borne no II)
Le prisme de remblai de ce passage de cours d’eau, tel que je l’ai aperçu pour la première fois depuis un hélicoptère en octobre 2012, faisait au moins 15 m de haut et 70 m de large à son sommet, ce qui représente un volume total d’environ 21 900 m³ (figure 10a). La paroi du remblai subissait visiblement une érosion (sous forme de rigoles, de ravines et de nappes), mais le prisme de remblai était intact. Le ponceau de ce remblai n’est pas visible sur la photographie de 2012, probablement parce qu’il est caché par les arbres. De toute manière, il était apparemment sous-dimensionné et/ou mal positionné, puisqu’il a fini par s’effondrer.
- 13 -
Figure 10 : Point d’érosion marquée no 9.4, à 18 km en aval de la borne no II.
Vues aériennes obliques prises entre octobre 2012 (a) et mai 2014 (b).
En décembre 2013, le passage s’était effondré, laissant derrière lui un vide d’environ
1722 m³ correspondant au volume de sédiments érodés ayant dévalé la pente vers le fleuve.
Il s’agit là d’une masse considérable de sédiments, puisqu’elle équivaut à la charge d’environ
215 camions-bennes standards (c’est-à-dire pouvant transporter 8 m3 chacun). Le parcours
emprunté par les sédiments provoqués par l’effondrement du passage est visible sur l’image
satellite à haute résolution (figure 11), ainsi que le delta formé par les mêmes sédiments à
l’endroit où ils ont été précipités dans le fleuve San Juan.
Photographie prise depuis un hélicoptère, octobre 2012
Photographie prise depuis un hélicoptère, mai 2014
La face avant est touchée par
l’érosion, mais le passage de
cours d’eau est intact
Prisme de talus
traversant le cours
d’eau
Eaux retenues
derrière le passage
de cours d’eau
Tronçon effondré
de la route réparé
Débordement du prisme
de remblai
Deltas sédimentaires formés par
le dépôt solide résultant de
l’érosion du talus de remblai et de
la rive concave
Glissements de
terrain et chutes
d’arbres
- 14 -
Figure 11 : Point d’érosion marquée no 9.4, à 18 km en aval de la borne no II.
Image satellite à haute résolution prise en décembre 2013
Le ponceau de la route a été précipité avec les sédiments dans le fleuve et une partie de
ses débris retrouvée par des équipes nicaraguayennes (figure 12).
Figure 12 : Equipe nicaraguayenne travaillant dans le delta s’avançant dans le San Juan
pour retirer un tuyau en plastique arraché au passage du cours d’eau au
point d’érosion marquée no 9.4. Date de la photo : 27 octobre 2013.
Document communiqué par le Gouvernement nicaraguayen.
Si les débris du ponceau constituent l’indication la plus visible de l’effondrement, la
plus grande partie des 1722 m³ de sédiments a été précipitée dans le fleuve et une fraction de
ce matériau a contribué à former un dépôt en forme de delta élargi. Cet effondrement n’est
qu’un des éléments de l’érosion provoquée par le passage, laquelle atteint une ampleur
beaucoup plus considérable et s’est traduite aussi par des nappes, des rigoles, des ravines et
Eaux retenues
derrière le passage
de cours d’eau
Affaissement
Delta sédimentaire
Passage de cours d’eau
effondré
Ravines
Petit ponceau
Chemin des sédiments
vers le fleuve
Image satellite, 2014
- 15 -
des glissements de terrain. Hagans et Weaver (2014) estiment que le volume total du matériau libéré par la forte érosion touchant le point d’érosion marquée no 9.4 est de 3384 m³ par an au total, si l’on ajoute à l’érosion provoquée par l’effondrement tel qu’il est décrit plus haut, 1145 m3 par an générés par des rigoles, des ravines et des glissements de terrain et 517 m3 par an générés par l’érosion de surface.
Une photographie prise ultérieurement en mai 2014 montre que la partie effondrée du passage du cours d’eau a été remblayée (figure 10b). Cependant, le passage n’est pas correctement drainé, puisqu’on constate derrière l’ouvrage une accumulation d’eau qui s’écoule sur la paroi du remblai, ce qui ne manquera pas de provoquer l’érosion et la déstabilisation du talus. On voit également sur cette photographie le glissement de terrain continu sur la pente surplombée par la route, ainsi que les arbres consécutivement déracinés. De toute évidence, ce tronçon de la route ne se prête pas à la circulation de véhicules à moteur et notamment de poids lourds transportant des matières potentiellement dangereuses, comme indiqué plus bas à la section 5. Le delta formé par les sédiments résultant de l’érosion et de l’effondrement de ce passage est également visible. Il apparaît plus large que sur la photographie d’octobre 2012, d’une part parce qu’il a reçu une partie des 1722 m3 de sédiments générés par l’effondrement du prisme de remblai du passage et, d’autre part, parce que la photographie a été prise en période de basses eaux.
Passage de cours d’eau au point d’érosion marquée no 9.5 (à 18,1 km en aval de la borne no II)
Le prisme de remblai de ce passage de cours d’eau, tel que je l’ai aperçu pour la première fois depuis un hélicoptère en octobre 2012, faisait au moins 18 m de haut et 45 m de large à son sommet, ce qui représente un volume total d’environ 12 000 m³ (figure 13a). Comme dans l’exemple précédent, le ponceau de ce remblai n’est pas visible sur la photographie de 2012. De toute manière, à supposer qu’il ait existé, il était apparemment sous-dimensionné et/ou mal positionné. Le matériau de remblai semble avoir été simplement déversé par des camions et poussé par des bulldozers, sans aucune mesure de compactage ou de stabilisation des talus, comme l’auraient exigé les normes internationales (FAO 1998).
- 16 -
Figure 13 : Point d’érosion marquée no 9.5, à 18,1 km en aval de la borne no II.
Vues aériennes obliques d’octobre 2012 (a) et de mai 2014 (b).
Sur l’image aérienne verticale de décembre 2013, l’effondrement général du remblai est
évident (figure 14).
La face avant est touchée par l’érosion,
mais le passage de cours d’eau est intact
Photographie prise depuis un hélicoptère,
octobre 2012
Photographie prise depuis un
hélicoptère, mai 2014
Petits effondrements
sur le bord du déblai
Glissements de terrain
Deltas sédimentaires formés par le
dépôt solide résultant de l’érosion du
talus de remblai et du bord du déblai
Petits effondrements
sur le bord du déblai
Echelle horizontale et
verticale approximative
Matériau de remblai et ponceau
inséré dans le passage de cours
d’eau effondré
Ravine sur le passage de cours
d’eau effondré
- 17 -
Figure 14 : Point d’érosion marquée no 9.5, à 18,1 km en aval de la borne no II.
Image satellite à haute résolution de décembre 2013
La plus grande partie des 2860 m³ de sédiments générés par cet effondrement (soit
l’équivalent de la charge d’environ 357 camions-bennes) a été emportée vers le fleuve, une
fraction se déposant dans le delta déjà agrandi. Là encore, cet effondrement ne compte que
pour une partie de l’érosion marquant ce passage de cours d’eau ; l’érosion totale, comprenant
l’érosion en nappe, en rigoles et en ravines ainsi que les glissements de terrain, est beaucoup
plus importante. Hagans et Weaver (2014) estiment que la totalité des matériaux libérés par
l’érosion au point 9.5 s’élève à 3985 m3 par an, si l’on ajoute à l’érosion provoquée par
l’effondrement tel qu’il est décrit plus haut 350 m3 par an générés par l’érosion de surface et
775 m³ par an générés par le ruissellement, le ravinement et les glissements de terrain.
En mai 2014, lorsque j’ai pris la photographie reproduite à la figure 13b, le talus de remblai
effondré avait été de nouveau comblé et un collecteur placé en son centre. Le nouveau passage
n’est pas aussi large que le précédent, mais il est également possible qu’il ait été construit aux
mêmes dimensions et qu’il ait subi ensuite un effondrement partiel entre le moment de son
réaménagement et le moment où la photographie a été prise. Un petit collecteur est visible à
l’intérieur du prisme du passage reconstruit. Ledit collecteur semble toutefois beaucoup trop petit
et mal positionné dans la mesure où il se trouve trop haut dans le prisme de remblai,
probablement parce que les glissements de terrain ayant affecté les pentes en amont du cours
d’eau au-dessus du passage ont rempli la combe initiale dudit cours d’eau de sédiments et bloqué
le collecteur d’origine (à supposer qu’il ait existé), lequel était probablement situé plus bas. La
position très haute du passage dans le remblai comporte un risque inhérent d’instabilité en
raison de la probabilité que les eaux s’infiltrent autour du tuyau et finissent par provoquer un
nouvel effondrement, ce qui pose un risque grave pour tout véhicule empruntant la route
au-dessus du remblai, surtout s’il transporte des matières dangereuses, comme expliqué plus
bas à la section 5.
Effondrement total du
remblai du passage de
cours d’eau
Image satellite, décembre 2013
- 18 -
On distingue également sur la photographie de mai 2014 le delta formé de sédiments déposés le long de la rive méridionale du fleuve San Juan (figure 13b). Ce delta se compose essentiellement ou intégralement de sédiments arrachés à la route, comme cela ressort du fait que cette formation résulte d’un amoncellement de fragments (clastes) angulaires et friables de roche extrêmement érodée. Lesdits fragments proviennent clairement de la construction de la route à proximité, dans la mesure où ils se seraient décomposés en sable, limon et argile s’ils avaient été transportés sur une distance plus grande.
Le remblai de ce passage n’a de toute évidence pas été conçu par des ingénieurs, ses pentes n’ont pas été stabilisées et, à supposer qu’un collecteur ait été utilisé, cet élément était manifestement trop petit pour le débit et non protégé contre les blocages dus aux débris comme le prouve son effondrement. Le passage reconstruit semble être tout aussi défectueux et, par conséquent, appelé à s’effondrer dans un avenir proche.
Passage de cours d’eau sur le point d’érosion marquée no 9.6 (à 18,2 km en aval de la borne no II)
Ce passage de cours d’eau est situé à 100 m en aval du point 9.5, tel qu’il est décrit plus haut. Le prisme de remblai du passage, tel que je l’ai aperçu pour la première fois depuis un hélicoptère en octobre 2012, faisait approximativement 20 m de haut et 65 m de large à son sommet, ce qui représente un volume total d’environ 44 000 m3 (figure 15a). On peut distinguer sur la photographie prise en octobre 2012 un collecteur sous-dimensionné perché à environ un tiers de la hauteur du prisme de remblai. Normalement, le collecteur d’un passage de ce type doit être plus large et situé à la base du remblai, à la hauteur du lit naturel du cours d’eau. Sur la photographie d’octobre 2012, on peut déjà distinguer les signes d’une érosion active et de l’affaissement de la paroi du remblai, même si le passage lui-même est pour l’essentiel encore intact.
- 19 -
Figure 15 : Point d’érosion marquée no 9.6, à 18,2 km en aval de la borne no II.
Vues aériennes obliques d’octobre 2012 (a) et mai 2014 (b).
L’image aérienne verticale (photographie satellite à haute résolution) de décembre 2013
montre l’agrandissement de trois ravines adjacentes (figure 16). Ensemble, ces ravines
s’étendent sur 80 m de largeur (dans la direction parallèle au rivage) et sur 50 m à
l’horizontale (entre le sommet et le pied du talus de remblai). Le volume représenté par ces
trois ravines  c’est-à-dire le volume de sédiments déjà arrachés au prisme de remblai par le
cours d’eau  s’élève à quelque 6600 m3, soit environ 15 % du volume originel total du
remblai. Il s’agit là d’une quantité énorme de sédiments équivalant à la charge de près de
825 camions-bennes. Une fois de plus, il convient de préciser que les ravines ne constituent
pas les seules sources de production de sédiments par l’érosion. Hagans et Weaver (2014)
estiment que la totalité des matériaux libérés par l’érosion au point d’érosion marquée no 9.6 est
de 8169 m3 par an (soit l’équivalent de la charge d’environ 1000 camions-bennes), si l’on
Photographie prise depuis un hélicoptère, octobre 2012
Photographie prise depuis un hélicoptère, mai 2014
Prisme du remblai
traversant le cours d’eau Glissement de terrain
Collecteur sous-dimensionné
perché sur le talus de remblai
Ravinement sur la surface
de la route
Travaux
ininterrompus de
construction d’une
route d’accès
Glissement de terrain
Deltas sédimentaires
constitués de matériaux
arrachés au remblai et au
bord du déblai
Erosion continue par
ravinement
Echelle horizontale et verticale
approximative
- 20 -
ajoute à l’érosion provoquée par l’effondrement tel qu’il est décrit plus haut 488 m3 par an
générés par l’érosion de surface et 1081 m³ par an générés par le ruissellement, le ravinement
et les glissements de terrain.
Figure 16 : Point d’érosion marquée no 9.6, à 18,2 km en aval de la borne no II.
Image satellite à haute résolution de décembre 2013.
La photographie que j’ai prise en mai 2014 (figure 15b) montre un glissement de terrain
récent sur le talus de remblai à flanc de colline dans le coin supérieur droit de l’image (sans que,
apparemment, des efforts aient été déployés pour tenter de le stabiliser), la poursuite de la
construction d’une voie d’accès descendant de la route  visible dans le centre droit de
l’image  et deux deltas constitués de sédiments arrachés à la route par l’érosion. Le delta sur la
droite est le même que celui apparaissant sur la figure 13b et se compose de sédiments générés
par l’érosion du passage de cours d’eau sur le point 9.5 situé à 100 m en amont. Le delta sur la
gauche se compose de sédiments générés par l’érosion du passage sur le point 9.6, laquelle résulte
principalement de trois grosses ravines. La poursuite du ravinement apparaît clairement si l’on
observe la surface de la route et les pentes latérales. Ce passage de cours d’eau ne convient
manifestement pas à la circulation de véhicules à moteur.
Talus de déblai et de remblai sur le point d’érosion marquée no 8.1 (à 16,1 km en aval de la
borne no II)
La première fois que j’ai aperçu les talus de déblai et de remblai sur ce site, en
octobre 2012, les coupes paraissaient relativement fraîches et le talus de déblai venait de subir
un effondrement superficiel, comme l’indiquait la présence d’un escarpement arqué
(c’est-à-dire un escarpement légèrement arqué marquant l’endroit où le glissement de terrain a
commencé) sur une largeur de plus de 70 m dans le sens parallèle au fleuve (figure 17a). Hagans
et Weaver (2014) signalent que la zone du glissement de terrain, telle qu’elle a été mesurée à
l’aide du système SIG, fait 1300 m². Selon des estimations prudentes, le glissement de terrain
Image satellite, décembre 2013
- 21 -
doit faire au moins 2 m de profondeur et, si l’on se base sur la hauteur moyenne de la pente
telle qu’elle est indiquée par Mende et Astorga (2013, annexe 6), à savoir 25 m, le volume des
matériaux arrachés à la colline par le glissement de terrain (qui s’est produit entre le moment
de la construction et octobre 2012) serait d’environ 2600 m3.
Figure 17 : Point d’érosion marquée no 8.1, à 16,1 km en aval de la borne no II.
Vues aériennes obliques d’octobre 2012 (a) et de mai 2014 (b).
Le matériau de remblai a été déplacé latéralement, c’est-à-dire poussé sur le côté par la
lame du bulldozer au lieu d’être disposé selon un plan conçu par des ingénieurs. C’est ce qui
ressort de la texture lâche du matériau de remblai exposé, ainsi que de la forme en arc de
cercle de l’effondrement. A la droite et à la gauche de ce récent effondrement, on peut
observer des rigoles et ravines très proches les unes des autres sur le talus de remblai. A
l’époque (octobre 2012), le talus de déblai au-dessus du remblai semblait intact. Le site
Octobre 2012
Mai 2014
Formation de ravines
sur le bord du déblai
Ravines/glissements de
Ravinement terrain latéraux
profond
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semblait d’ores et déjà infranchissable pour les véhicules à moteur. Nul ne savait avec certitude quel trajet ces derniers devaient emprunter : probablement le sommet du talus de remblai même si, en raison de l’effondrement de cette surface, celui-ci est trop étroit pour permettre la circulation et, à supposer qu’il soit élargi, serait de toute façon trop instable pour supporter de lourdes charges. Le fait que l’effondrement était déjà évident en octobre 2012 démontre le caractère meuble et non compacté du matériau de remblai qui s’apparente à des piles de sable et ne peut donc supporter la circulation de véhicules à moteur.
L’image aérienne à haute résolution prise en décembre 2013 montre la formation de nombreuses ravines, y compris une grosse désignée par la lettre A, dont la superficie est d’environ 110 m² et la profondeur proche de 3 m. Ces mesures indiquent que l’érosion de cette seule caractéristique géologique a provoqué l’année précédente la perte d’environ 330 m3 de matériau (figure 18).
Figure 18 : Point d’érosion marquée no 8.1, à 16,1 km en aval de la borne no II. Image satellite à haute résolution de décembre 2013.
En mai 2014, date à laquelle j’ai pris la photographie reproduite dans la figure 17b, l’intégralité du talus de remblai était recouverte par un réseau de rigoles, ravines et glissements de terrain peu profonds. La ravine sous le point A de la figure 17b est visible, de même que des ravines profondes (mais moins larges) sur le côté gauche de l’image. On distingue également des ravines en voie de formation sur le talus de déblai au-dessus du remblai. Hagans et Weaver (2014) estiment que la totalité du matériau libéré par l’érosion sur les surfaces nues du point 8.1 n’étant pas exposée aux processus d’érosion les plus graves est de 1556 m³, dont 484 m3 par an générés par l’érosion de surface et 1072 m3 par an générés par le ruissellement, le ravinement et les glissements de terrain. Je note que leur chiffre n’englobe pas l’érosion de surface ayant affecté la surface du glissement de terrain même si, en mai 2014, ladite surface était couverte de rigoles, ravines et glissements de terrain superficiels. Ainsi, les chiffres avancés par Hagans et Weaver sont prudents et sous-estiment l’importance réelle de l’érosion sur le site.
- 23 -
Il est clair qu’aucune mesure de contrôle de l’érosion ou de stabilisation de la pente n’a été prise sur ce site, dont la situation continue de se détériorer et qui provoque le dépôt de sédiments dans le fleuve San Juan. Toute tentative de faire passer des véhicules sur ce site serait extrêmement périlleuse.
Talus de déblai et de remblai au point 8.2 (16,2 km en aval de la borne no II)
En octobre 2012, lorsque j’ai aperçu pour la première fois ce réseau de talus de déblai et de remblai, le talus de remblai montrait des signes de nombreux effondrements, rigoles et autres ravines (figure 19a). Deux énormes échancrures arquées étaient visibles à gauche et au centre de l’image. Hagans et Weaver (2014) signalent que, selon les mesures SIG, les deux effondrements font environ 50 m de long dans le sens parallèle à la rivière et 1079 et 1049 m2 de superficie, respectivement. A supposer une profondeur moyenne de 1,75 m, ces deux effondrements en forme de prisme représentent environ 3724 m3 de sédiments (soit l’équivalent de la charge d’environ 465 camions-bennes). On peut également voir sur l’image de 2012, au pied de l’effondrement, des dépôts de sédiments correspondant à ce qui reste du matériau s’étant déversé dans le San Juan. En 2012, certains effondrements superficiels peu importants s’étaient déjà produits plus haut dans le talus de remblai, mais ne s’étaient pas accrus outre mesure.
- 24 -
Figure 19 : Point d’érosion marquée no 8.2, à 16,2 km en aval de la borne no II.
Vues aériennes obliques d’octobre 2012 (a) et de mai 2014 (b).
L’image satellite à haute résolution de décembre 2013 montre qu’il est possible que les
effondrements aient continué à se propager et qu’il est certain qu’un réseau entier de ravines
est apparu sur l’intégralité du talus de remblai (figure 20).
Escarpements
Photographie prise depuis un hélicoptère,
octobre 2012
Photographie prise depuis un hélicoptère,
mai 2014
Escarpements
Cours d’eau bloqué
par le remblai
Glissement de terrain
Glissement de
terrain
Delta sédimentaire
Ravine en voie
Ravine en voie d’élargissement
d’élargissement
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Figure 20 : Point d’érosion marquée no 8.2, à 16,2 km en aval de la borne no II.
Image satellite à haute résolution de décembre 2013.
L’image aérienne oblique prise d’un hélicoptère en mai 2014 montre les mêmes ravines
que celles aperçues sur la photographie de décembre 2013, mais avec plus de détails
(figure 19b). On distingue également l’apparition, sur le talus de déblai, de glissements de
terrain ayant entraîné le déracinement et la chute d’arbres. Hagans et Weaver estiment que la
totalité des matériaux libérés par l’érosion au point 8.1 est d’environ 1933 m³ par an, si l’on
ajoute à l’érosion provoquée par les deux gros glissements de terrain  tels qu’ils sont décrits
plus haut  1332 m³ par an générés par des rigoles, des ravines et d’autres glissements de
terrain, et 601 m3 supplémentaires par an générés par l’érosion de surface. Toutefois, il ressort
clairement des images de 2013 et 2014 que la surface des zones de glissement de terrain est
recouverte de rigoles, ravines et même d’éventuels glissements supplémentaires superficiels.
Par conséquent, le point 8.2 a connu de gros effondrements dus à un glissement de terrain dans
le talus de remblai entre le moment de la construction et octobre 2012 (ce qui a provoqué la
chute par érosion de plus de 3700 m³) et, pour chacune des années suivantes, la perte
d’environ 1900 m³ supplémentaires de matériau consécutive à l’érosion de surface, au
ruissellement et au ravinement, soit un total moyen de 3200 m³ par an.
Brèves observations
L’un des aspects les plus frappants des caractéristiques géologiques liées à l’érosion
décrites en détail plus haut tient à l’absence d’efforts visant à stabiliser les piles de remblai ou
à procéder à des réparations en se conformant à des pratiques reconnues de génie civil. En
dépit d’effondrements évidents, les réparations auxquelles il a été procédé jusqu’à présent se
limitent à colmater les parties arrachées autour du collecteur et à installer de petits ponceaux
dans la partie supérieure du talus de remblai où ils ne manqueront pas d’être emportés de
nouveau.
Image satellite, décembre 2013
Cours d’eau complètement
enseveli sous le remblai
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Il ne s’agit là que de quelques exemples de l’érosion et des effondrements multiples affectant les talus de déblai et de remblai non protégés, et de la détérioration des passages de cours d’eau composés d’un simple collecteur planté au coeur du remblai. Les effets de cette érosion et de ses effondrements sont visibles le long de la route 1856, même depuis un hélicoptère ou un satellite. Des exemples supplémentaires, couvrant une superficie totale d’environ 788 038 m2, sont repris dans l’inventaire des points d’érosion marquée joint au présent rapport sous l’appendice A. La figure 21, reproduite ci-dessous, représente ces points en rouge sur un tronçon de la route 1856 adjacent au fleuve San Juan.
Le fait que l’érosion et les glissements de terrain aient atteint de telles proportions et que bon nombre de ponceaux aient été emportés, alors que le niveau des précipitations enregistrées depuis le début des activités de construction de la route 1856 demeure modeste, ne fait que souligner  s’il en était besoin  la vulnérabilité des zones perturbées par les travaux.
Comme je l’ai expliqué précédemment, les pratiques employées pour construire la route 1856 ont créé des conditions propices à des pertes massives de matériau pendant la prochaine période de pluie intense. Plus spécialement, les entailles massives et non planifiées selon les règles du génie civil pratiquées dans les pentes, les prismes de remblai ne répondant pas aux règles classiques de la construction (c’est-à-dire érigés en se contentant de pousser latéralement des matériaux), ainsi que l’élévation de talus en terre sans le moindre plan en vue de créer des passages de cours d’eau, sont autant d’éléments susceptibles de s’écrouler dans des conditions saturées. Les sites décrits plus haut et d’autres  tels qu’ils sont représentés à l’appendice A  ne sont pas prêts à affronter de fortes précipitations (tempêtes tropicales ou ouragans) et ne sont pas non plus assez stables pour résister raisonnablement à un tremblement de terre. Cette question est abordée plus en détail dans la suite du présent rapport.
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Figure 21 : Carte des points d’érosion marquée le long de la route 1856 établie sur la base
de l’inventaire de 2014 (appendice A) et emplacement des points affectés par l’érosion
étudiés par l’UCR (2013)
Points étudiés dans le
rapport de l’UCR de 2013
Points d’érosion marquée
Route
Kilomètre (fleuve)
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4. L’ampleur de l’effondrement le long de la route 1856 est «typique» et reflète des violations massives des normes établies
Selon Mende et Astorga (annexe 6, p. 29) «l’état actuel des bancs le long de la route frontalière entre Mojón II et Delta Costa Rica peut être considéré comme normal pour une route en cours de construction». A la page 28 de leur rapport, ces auteurs caractérisent l’état actuel des passages de cours d’eau sur la route 1856 comme «normal pendant la phase de construction».
Je m’inscris en faux contre ces caractérisations. Comme indiqué plus haut en détail, les talus de déblai et de remblai ont connu des glissements de terrain et un ruissellement/ravinement important, et la route est inutilisable en de nombreux endroits en raison de ces effondrements. De plus, bon nombre des passages de cours d’eau sur la route 1856  mal construits et constitués de matériaux de qualité inférieure  se sont déjà effondrés (parfois à plusieurs reprises). Une telle situation n’est pas «normale» pour un projet de construction.
Il n’est pas «normal» de voir nombre de passages de cours d’eau s’effondrer dans les premières années suivant leur construction. Il n’est pas «normal» que de nombreux talus de remblai s’écroulent un ou deux ans après avoir été élevés ni que de grosses ravines apparaissent sur ces remblais et sur les remblais de passage de cours d’eau. Aux Etats-Unis, de telles violations des normes entraînent de lourdes peines pour leurs auteurs et nous ne saurions considérer des opérations aussi destructrices comme «normales». Elles révèlent une incompétence et un mépris flagrant pour l’environnement et la sécurité qui ont déjà eu un impact sur le fleuve San Juan et posent des menaces encore plus graves de contamination à venir en cas de déversement de produits chimiques (voir, plus bas, la section 5) et d’effondrements massifs en cas de précipitations intenses ou de tremblements de terre (voir, plus bas, la section 12).
La construction de la route 1856 a été un gros projet mené à proximité immédiate du fleuve San Juan. Aucune des garanties normales et attendues contre les dommages environnementaux n’a été prise. La route n’a pas été planifiée et aucune analyse d’impact sur l’environnement réalisée avant le début d’exécution du projet (CFIA 2012). Il convient de relever non seulement l’absence d’élaboration du moindre plan couvrant l’ensemble de la route, mais également les diverses portions de cet ouvrage, dont la plupart ont été construites chacune par un entrepreneur différent. Il est évident que les conducteurs de bulldozers se sont contentés d’«improviser» en essayant, en nombre d’endroits, d’asseoir la route au sommet de pentes raides, c’est-à-dire en des emplacements qui, dans le cadre d’un projet de construction routière normale conforme aux normes de génie civil et respectueux de la protection de l’environnement, n’auraient jamais été choisis à de telles fins. Par exemple, sur le lieu situé entre les Rkm 36,4 et 37,1 (à environ 1,5 km en aval de El Jardin), les bulldozers ont tenté de construire une route au sommet d’un talus abrupt à proximité du fleuve San Juan et déstabilisé à plusieurs reprises la pente tout en déplaçant leurs opérations vers la droite ou vers la gauche, jusqu’à obtenir un chantier totalement désorganisé constitué d’une multitude d’entailles et de glissements de terrain actifs (figure 8). J’aimerais insister sur le fait qu’il n’y a pas de route sur place, mais seulement les vestiges en proie à l’érosion  d’une tentative de construction de route, laquelle n’a servi à rien et s’est révélée totalement superflue. Il ne faudrait jamais tenter de construire une route sur une pente aussi potentiellement instable, surtout lorsqu’elle est située si près d’un cours d’eau. Les multiples tentatives adjacentes de construction de la route, telles qu’elles sont représentées sous forme de lignes parallèles recouvrant une grande surface sur la carte de Mende et Astorga (2013, annexe 6, p. 387 du volume II), traduisent un manque total de compréhension des conditions du site et un mépris pour les dommages infligés par les tentatives réitérées de construire la route à cet endroit. Ce site continue à être la proie de l’érosion et d’effondrements, sans qu’aucun effort ne soit apparemment déployé en vue de le stabiliser.
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Comme indiqué en détail dans mon rapport de 2012 sur la base d’une analyse SIG d’images aériennes, presque la moitié de la route 1856 passe à moins de 100 m de la rive du fleuve, de sorte qu’il est quasiment garanti qu’une bonne partie des sédiments arrachés par l’érosion à cet ouvrage sera facilement acheminée jusqu’au San Juan. 30 % de la route sont à moins de 50 m de la rive du fleuve, ce qui explique l’impact accru du projet sur le cours d’eau et constitue une violation de la réglementation costa-ricienne ainsi que des normes internationales.
La construction de la route 1856 a nécessité l’aménagement de multiples talus de déblai et de remblai sur des pentes escarpées, reposant souvent sur des roches de type friable ou dont la structure géologique est peu favorable, d’où la fragilité intrinsèque des talus de déblai. Les matières enlevées à cette fin ont été simplement «rejetées de côté», c’est-à-dire poussées vers le bas de la pente par la lame du bulldozer, sans que l’on ait au préalable nettoyé la pente de sa végétation et sans la moindre opération de compactage ou d’aménagement au moyen de géotextiles. Par conséquent, les talus de remblai sont essentiellement instables, n’étant guère plus que des amas de terre meuble qui s’érodent facilement en rigoles et en ravines à la faveur du ruissellement de surface et qui sont donc propices aux glissements de terrain. Par exemple, à l’endroit situé entre les Rkm 8,2 et 8,7 (point d’érosion marquée no 4), les bulldozers ont éventré la colline à une distance largement inférieure à 100 m de la rive du fleuve. Comme cela apparaît dans la figure 22a, les bulldozers se sont contentés de prélever du matériau de la colline et de le déverser dans la pente située plus bas, créant ainsi une nouvelle pente instable composée de terre très peu compactée et sujette à de nombreux glissements de terrain de surface (qui, comme on le voit sur la photographie, provoquent l’érosion du bord de la route), ainsi que d’un ruissellement/ravinement sur toute la surface du talus de remblai. De même, sur le lieu situé entre les Rkm 16,1 et 16,4 (point d’érosion marquée no 8), on voit clairement que le matériau de remblai a simplement été déplacé latéralement et disposé en amoncellements non compactés qui, en octobre 2012, avaient déjà provoqué trois gros glissements de terrain  tels qu’ils sont décrits en détail plus haut dans la section 3  dans le remblai (figure 22b).
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Figure 22 : Exemples de déplacement latéral du matériau de remblai. a) point d’érosion marquée no 4 (entre les Rkm 8,2 et 8,7) (photographie prise depuis un hélicoptère volant au-dessus de la rive septentrionale du fleuve San Juan, octobre 2012). b) point d’érosion marquée no 8 (entre les Rkm 16,1 et 16,4) (photographie prise depuis un hélicoptère volant au-dessus de la rive septentrionale du fleuve San Juan, octobre 2012). Le fait que les talus de remblai ne soient pas compactés et qu’ils aient été l’objet d’effondrements prouve que le matériau a été simplement poussé par les bulldozers au bas de la pente, ce qui a généré un amoncellement instable propice aux glissements de terrain, au ruissellement et au ravinement.
De même, les passages de cours d’eau sont constitués de matériau de remblai meuble et non travaillé, simplement déversé par-dessus un conduit de taille généralement insuffisante et souvent placé, non pas à la base du remblai (c’est-à-dire au niveau naturel du cours d’eau), mais plus haut, là où il risque davantage de s’effondrer (comme cela s’est produit en nombre d’endroits).
Outre les problèmes spécifiques de pente raide et de passage de cours d’eau, il convient de mentionner la construction globalement défectueuse de la route, laquelle se manifeste notamment par l’absence de drainage ou bien par un drainage mal conçu (CFIA 2012, LANAMME 2012). Un bon drainage est toujours important, mais il est essentiel en présence d’une route de terre ou de graviers, laquelle est particulièrement sensible à l’érosion et à l’affaissement sous l’effet concentré du ruissellement. De plus, la formation de flaques dans les fossés ou en amont du passage de cours d’eau peut provoquer une saturation et des pressions interstitielles élevées dans les remblais, au point de provoquer leur effondrement. Ce facteur a probablement contribué à l’écroulement des passages de cours d’eau sur les points d’érosion marquée no 9.4 et 9.5 (tels qu’ils sont décrits dans la section 3 et apparaissent dans les figures 10 à 14). Le fait que la photographie de mai 2014 (figure 10b) montre
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clairement de l’eau accumulée derrière le passage de cours d’eau sur le point 9.4 suggère que cet endroit est particulièrement susceptible de connaître des effondrements supplémentaires.
Comme expliqué dans mon rapport de 2012, la construction d’une voie comme la route 1856 reposant sur des talus de déblai/remblai perturbe la filtration naturelle de la pluie dans les collines vierges recouvertes de végétation et modifie les schémas de drainage, ce qui accroît la quantité d’eau de pluie coulant à la surface et la concentration de cette eau. Ce ruissellement concentré provoque à son tour une érosion très efficace des sols exposés. Même avec un bon drainage, un ouvrage tel que la route 1856 ne peut que provoquer un accroissement des taux d’érosion.
En l’absence d’un bon drainage, comme c’est le cas sur la plus grande portion de la route 1856, les problèmes sont encore aggravés par l’accumulation du ruissellement qui crée de nouveaux chenaux de drainage en direction du fleuve, lesquels charrient des quantités importantes de sédiments. Par exemple, la carrière située au Rkm 25,3 n’a fait l’objet d’aucun contrôle et d’aucune mesure de stabilisation, et aucun système de drainage n’y a été construit. Les eaux de ruissellement chargées de sédiments provenant de la surface de la carrière exposée sont drainées vers le fleuve San Juan et avaient creusé, en mai 2014, un petit chenal (figure 23).
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Figure 23 : Erosion de surface d’une carrière creusée pour en extraire du matériau de
construction destiné à la route située au Rkm 25.3 (en aval de la borne no II).
En mai 2014, on ne pouvait voir aucun signe de mesure de contrôle,
de stabilisation ou de drainage. Les eaux de ruissellement chargées de
sédiments provenant de la surface de la carrière étaient drainées vers
le San Juan et, en mai 2014, avaient suffisamment érodé le sol pour
y creuser un chenal charriant l’eau et les sédiments jusqu’au fleuve.
(Photographies prises depuis un hélicoptère volant au-dessus
de la rive septentrionale du fleuve San Juan, octobre 2012.)
Parcours des
sédiments drainés
Le nombre réduit d’arbustes
trahit une pression pastorale
Creusement du chenal à la sortie
du drainage sur le fleuve
San Juan dû au ruissellement
provoqué par la carrière
Revégétalisation partielle, mais
l’érosion et les glissements
persistent sur les entailles les
plus abruptes
Mai 2014
Octobre 2012
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5. La plus grande partie de la route 1856 ne se prête pas à une utilisation sûre
Dans son état actuel, la route 1856 en amont de Boca San Carlos ne peut absolument pas être empruntée, sauf sur de petits tronçons n’étant pas eux-mêmes exempts de risques. Cette situation n’est guère surprenante dans la mesure où la route n’a pas été planifiée, de sorte qu’il n’a pas été possible d’intégrer des facteurs de sécurité tels que la pente maximum acceptable, la raideur des virages, la sécurité des passages de cours d’eau, le drainage de la route ou son inclinaison. Les implications de ces lacunes pour le fleuve San Juan sont potentiellement profondes. Il est probable que, parmi le fret transporté par les camions sur une route 1856 en état de fonctionnement, les produits pétroliers tiendront une grande part. Il n’est guère difficile d’imaginer que le poids et les vibrations d’un camion-citerne pourraient provoquer l’effondrement d’un talus de remblai ou d’un passage de cours d’eau ou bien que ledit camion courrait le risque de se retourner en raison de l’inclinaison excessive de cette route non planifiée et non dessinée par un ingénieur ou d’un virage trop serré. Il en résulterait un déversement accidentel dans le fleuve San Juan et une contamination qui pourrait avoir des effets dévastateurs. Il est probable que les camions empruntant la route 1856 transporteront, outre des produits pétroliers, des engrais chimiques, des herbicides et des pesticides (tous produits abondamment utilisés dans les bassins du San Carlos et du Sarapiquí), lesquels pourraient tous avoir des effets dévastateurs et nettement plus néfastes que l’impact des sédiments arrachés à la route par l’érosion. Les déversements accidentels de produits pétroliers et de produits chimiques agricoles (dont le Costa Rica fait grand usage) empoisonneraient la vie aquatique, tuant instantanément de nombreux organismes et affectant la croissance et la reproduction d’autres organismes, tout en contaminant le poisson dont les habitants de la région dépendent pour leur alimentation.
Passages de cours d’eau dangereux
Les tronçons dangereux de la route 1856 incluent des passages de cours d’eau dont beaucoup sont de piètre qualité. Comme noté par le LANAMME (2012)4 et le CFIA (2012)5 et confirmé par notre reconnaissance aérienne et notre inspection du fleuve, la plupart des passages de cours d’eau pourraient être charitablement qualifiés d’»informels». Cette opinion est partagée par Mende et Astorga qui, dans leur inventaire des passages de cours d’eau (2013, tableau 4, p. 28 de l’annexe 6), signalent que, sur les 103 passages de cours d’eau dont la construction a été tentée, seuls 10 peuvent être considérés comme se trouvant dans un état «approprié». Tous sauf un ont été construits en élevant un remblai de terre dans le chenal, alors que ce matériau  lorsqu’il est utilisé ainsi  risque d’être emporté. L’écroulement d’un tel passage s’est déjà produit à certains endroits et deviendra sans doute plus fréquent en raison de la circulation de poids lourds, ce qui risque vraisemblablement de provoquer le déversement accidentel de matières dangereuses dans des affluents du San Juan (plus précisément dans les cours d’eau que ces passages sont supposés franchir) et, partant, la diffusion directe et rapide de contaminants dans le fleuve.
4 Le LANAMME a signalé divers exemples problématiques (p. 33, 40, 44, 45 et 46), citant la «mauvaise gestion des cours d’eau qui croisent le parcours de la route» comme «l’un des problèmes les plus préoccupants» (p. 34). Le LANAMME a relevé que les passages de cours d’eau mal construits pouvaient éroder la plate-forme et les remblais de la route et provoquer ainsi l’effondrement de la chaussée (p. 34 et 49), mais aussi que la construction inadéquate de passages de cours d’eau avait «des conséquences négatives sur ces cours d’eau, en limitant leur capacité d’oxygénation et en dégradant la qualité de leurs eaux du fait de la stagnation causée par la présence de la route» (p. 34). Et le LANAMME de formuler cette recommandation : «Pour empêcher tout dommage éventuel sur le remblai de la route pendant la saison des pluies, ce type de mesure provisoire devrait être remplacé dès que possible par des ponceaux correctement conçus en fonction du débit de chaque cours d’eau» (p. 40).
5 Par exemple, le CFIA a relevé la présence d’«un pont composé de deux conteneurs de transport et de rondins de bois … Les parois des conteneurs de transport sont déjà bombées et présentent un risque imminent d’effondrement» (p. 9). Le CFIA (2012) a également relevé la présence de «ponts construits à l’aide de troncs d’arbres» (p. 16), de «ponts … construits en rondins de bois et conteneurs de transport» (p. 21), de «conduits circulaires en plastique» (p. 21) et de tronçons de «route … pas assez large[s] pour laisser passer plus d’un véhicule» (p. 21). Le CFIA note que les «conteneurs de transport … sont déjà détériorés et risquent de s’effondrer» (p. 26).
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Nombre de ces passages de cours d’eau ont déjà été emportés (comme indiqué plus haut dans la section 3, tandis que la technique de construction et les matériaux utilisés pour les autres sont visibles. Aucun ne semble avoir été correctement planifié comme un véritable pont. Chacun devrait être analysé sous l’angle de ses faiblesses spécifiques et, dans la plupart des cas, totalement reconstruit sur la base d’une étude de génie civil digne de ce nom et de manière à pouvoir résister sans problème au moins au débit de la crue centenaire et au poids des véhicules à moteur censés emprunter la route. La conception et la construction adéquates de ponts nécessitera le recours à des techniques de génie civil et, très probablement, à des matériaux comme le métal, le béton et, sans doute aussi, à des traverses de chemin de fer ayant subi un traitement chimique contre l’érosion au lieu du bois d’oeuvre local, des remorques de camions et des tuyaux en plastique utilisés jusqu’à présent sur la route 1856, tous matériaux qui n’étaient «pas conformes aux exigences minimales en matière de conception structurelle et de mécanique technique» (CFIA 2012:27). En outre, une telle activité supposerait le recours à des entrepreneurs compétents placés sous la surveillance des ingénieurs responsables de la conception et dotés de l’expérience et des connaissances spécifiques requises, le remplacement des passages de cours d’eau reposant sur des remblais de terre et en voie d’effondrement par des ponts dignes de ce nom et le déménagement du matériau de remblai vers un site d’évacuation stable.
Si bon nombre de passages de cours d’eau effondrés ont été construits sur un terrain escarpé, les autres passages de la route 1856 mal construits sur terrain plat sont également soumis au risque d’effondrement. Le passage d’affluent situé au Rkm 20,3 (c’est-à-dire à 20,3 km en aval de la borne no II) illustre bien ce cas de figure. Il se trouve sur une plaine d’inondation et se compose d’un modeste pont enjambant un petit cours d’eau (figure 24a). Il a vraisemblablement été construit en élevant un talus de remblai en terre pour réduire la largeur du cours d’eau à traverser (comme cela a été le cas pour tous les passages sauf un, selon le tableau 3 de l’inventaire de Mende et Astorga tel qu’il est reproduit à l’annexe 6, p. 27). Comme cela ressort de la figure 24, l’image oblique prise d’hélicoptère en octobre 2012 et l’image satellite prise en novembre de la même année montrent que le passage est intact, mais qu’il subit une érosion à partir du nord (dans le sens de l’écoulement de l’eau). En décembre 2013, le passage était totalement effondré et avait été partiellement remblayé à l’aide d’un talus non dessiné par un ingénieur, tandis qu’une petite passerelle avait été installée pour permettre la traversée aux piétons, aux motos tout-terrain et aux ânes, mais pas aux véhicules. Le matériau de remblai emporté a fini dans le fleuve San Juan où il a créé un nouveau delta visible sur la figure 25. Ce delta contient des morceaux de plastique blanc qui sont en fait les débris du ponceau effondré, comme cela apparaît sur la figure 25. Sur la base de mesures SIG du périmètre où le passage a été emporté et d’une estimation de la hauteur effectuée dans le cadre d’une observation sur le terrain (depuis le fleuve), on peut estimer que l’effondrement a généré un dépôt d’environ 480 m³ de matériau de remblai, soit une masse suffisante pour provoquer la création d’un nouveau delta dans le fleuve San Juan. L’effondrement de ce passage prouve que les passages de cours d’eau sur la route 1856 courent le risque d’un effondrement non seulement lorsqu’ils sont situés sur des terrains en pente abrupte, mais également en terrain plat, dans la mesure où ils sont construits selon des pratiques de construction inférieures aux normes (voir le rapport du CFIA de 2012 et le rapport du LANNAME de 2012 pour une description plus détaillée des méthodes de construction inacceptables et dangereuses). Les pratiques de construction déficientes mises en oeuvre sur la route 1856 ne sauraient prévenir d’autres effondrements et des apports supplémentaires consécutifs de sédiments au fleuve San Juan. Il convient de se rappeler que les effondrements et les apports de sédiments enregistrés jusqu’à présent se sont produits pendant des années ayant connu des précipitations relativement modestes et qu’une érosion beaucoup plus forte serait inévitable si des pluies violentes s’abattaient sur la région dans le cadre d’un ouragan ou d’une tempête tropicale.
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Figure 24 : Photographies prises en hélicoptère et images satellite d’un passage de cours
d’eau reposant sur un remblai à 20,3 km en amont de la borne frontière de la borne no II.
a) La photo oblique prise d’hélicoptère en octobre 2012 montre des signes d’érosion
verticale régressive. b) L’image satellite de novembre 2012 montre la même situation,
à savoir une érosion verticale régressive, mais un talus de remblai encore intact pour
l’essentiel. c) L’image satellite de décembre 2013 montre que le passage s’est
complètement effondré. Une passerelle temporaire à une voie a été placée
au-dessus du chenal tandis que du matériau de remblai a été versé dans
ce dernier pour rétrécir de nouveau le passage ; cependant, le ponceau
n’a pas été remplacé et l’eau coule librement au-dessus du matériau
très peu compacté. Le tuyau en plastique faisant office de collecteur
a été arraché et balayé jusqu’au fleuve San Juan en même temps
que les sédiments générés par l’érosion,
comme indiqué dans la figure 25.
Cours d’eau derrière le passage Passage de cours d’eau
Entrée et sortie du collecteur
Le passage de cours d’eau est
toujours intact, mais l’érosion
verticale régressive est manifeste
Le passage de cours d’eau s’est
complètement effondré et une
passerelle provisoire a été installée
Novembre 2012
Décembre 2013
Octobre 2012
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Figure 25 : Photographies prises pendant une visite sur le terrain effectuée en mars 2014 et montrant un delta sédimentaire  avec des débris du ponceau effondré  s’avançant dans le fleuve San Juan. Du nouveau matériau de remblai a été placé dans le chenal de manière à combler partiellement le vide créé par l’effondrement, mais aucun nouveau collecteur n’a été installé.
L’annexe C contient un inventaire des passages de cours d’eau potentiellement dangereux et qui devraient faire l’objet d’une évaluation par des experts qualifiés chargés de déterminer leur niveau de dangerosité et de recommander leur réparation ou leur remplacement complet par des ponts conçus selon les normes de génie civil appropriées, avant que ces ouvrages ne puissent être considérés comme utilisables en toute sécurité par des véhicules. Nous avons identifié les passages comme potentiellement dangereux sur la base d’images aériennes et d’observations réalisées depuis le fleuve, en fonction d’éléments tels que le placement non planifié d’un remblai à l’intérieur du chenal, l’utilisation de matériaux inacceptables, la capacité probablement inadéquate d’absorption des flots et/ou un incident antérieur d’effondrement. Toutefois, notre liste (sur la base des informations limitées dont nous disposons) est clairement incomplète dans la mesure où Mende et Astorga (2013, annexe 6, p. 28) signalent que 16 passages sont «fermés», 9 «rompus» et 42 «provisoires» (c’est-à-dire «pour lesquels il serait recommandé de procéder à des améliorations techniques dans un proche avenir»), sur un total de 67 passages soit effondrés soit dangereux, comparé à seulement 10 passages dans un état «approprié».
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Dangerosité des talus en pente raide
D’autres tronçons de la route sont dangereux parce qu’ils empruntent des pentes raides  à la fois celles des collines que les constructeurs de la route tentent de traverser et celles des talus de la route elle-même (lorsque celle-ci emprunte un terrain vallonné)  ce qui pose des difficultés pour le passage des véhicules en toute sécurité. Les tronçons de la route traversant des pentes raides sont plus exposés que les autres au risque potentiel de déversement latéral et comportent des talus de remblai n’ayant pas été conçus selon les normes du génie civil et qui sont pour la plupart en voie d’effondrement alors qu’ils n’ont même pas été encore soumis à la charge représentée par la circulation de poids lourds. Le CFIA (2012:26) a recommandé de «stabiliser les talus les plus importants et les plus hauts afin d’éviter les glissements de terrain à la saison des pluies»6. A supposer même que la route ne s’effondre pas tout de suite, la pente excessive sur bon nombre de ces tronçons fait peser  en raison de l’absence de planification ou de respect des normes de sécurité et de protection de l’environnement  un grave danger de retournement des camions qui les emprunteront, ces véhicules risquant en outre des collisions dans la mesure où il est difficile de contrôler une lourde charge sur des pentes trop fortes. La FAO préconise «de maintenir l’angle de la pente de la route à un niveau aussi bas que possible … Une déclivité maximale comprise entre 10 et 20 % (6o à 11o) est recommandée dans certains pays» (Dystra et Heinrich, 1996). Pourtant, le CFIA (2012:26) a relevé que, le long de certains tronçons de la route 1856, «le transit est presque impossible … en raison de pentes longitudinales très escarpées». Comme relevé par la FAO, toute déclivité excessive de la plate-forme de la route comporte non seulement un risque pour la circulation du véhicule, mais également des frais d’entretien plus élevés et des problèmes d’érosion accrus (Dykstra et Heinrich 1996).
L’appendice D au présent rapport dresse l’inventaire des pentes potentiellement dangereuses.
Proximité du fleuve San Juan
Les problèmes inhérents aux pentes dangereuses et instables ainsi qu’à la qualité médiocre des passages de cours d’eau sont exacerbés par l’extrême proximité du fleuve San Juan sur la plus grande partie du trajet emprunté par la route. La plupart des pentes raides traversées sont en effet situées à moins de 100 m du San Juan, parfois à quelques mètres seulement, de sorte que l’effondrement d’un talus ou le renversement d’un camion transportant des matières dangereuses entraînerait très probablement la contamination immédiate des eaux du fleuve, sans que les premiers secours ne disposent véritablement d’une chance de contrôler la contamination ou de bloquer l’écoulement, dans la mesure où la zone est reculée et difficile d’accès et parce que, une fois rendus sur place, ceux-ci auraient du mal à accéder à la rive du fleuve elle-même ou bien à remettre sur ses roues un camion retourné gisant au bas d’une pente abrupte.
Conformément à la recommandation de la FAO, l’un des principes élémentaires de la construction routière consiste à «tenir les routes et les zones de perturbation à distance des cours d’eau» (Dykstra et Heinrich 1996). Comme indiqué plus haut, notre analyse SIG (telle qu’elle est résumée dans notre rapport de 2012) révèle que 50 % de la route sont situés à moins de 100 m du fleuve et 30 % à moins de 50 m. Les cartes présentées par Mende et Astorga dans les annexes 3 et 6 au contre-mémoire du Costa Rica révèlent également l’extrême proximité de la route 1856 avec le fleuve San Juan. Dans son rapport de 2012, le CFIA signale que la route n’est distante
6 Le CFIA (2012) a également souligné le problème des «talus abrupts [des talus de déblais par exemple] mesurant jusqu’à environ six mètres de haut, avec des marges très élevées» (p. 9), «d’immenses talus, aux crêtes très élevées, … sans aucune protection» et déclaré avoir observé des «zones parsemées de trous et fissures, à côté de pentes longitudinales très escarpées», ainsi qu’une «pente d’environ six mètres de haut, presque verticale» (p. 15).
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que de 10 m du fleuve à certains endroits et que ce problème devrait être corrigé (p. 9), et relève également que «les tronçons de route qui longent de très près la rive du fleuve San Juan [doivent faire] l’objet d’un réexamen» (p. 13). Elle recommande «l’évaluation des renfoncements du fleuve San Juan au moyen d’une étude technique effectuée en vertu du droit en vigueur».
Réduction du danger
Pour réduire le danger posé par cette voie peu sûre, il faudrait que des ingénieurs routiers qualifiés l’inspectent et l’analysent objectivement sur toute sa longueur. Sur certains tronçons, tels que ceux situés sur des pentes abruptes à proximité de la rive du fleuve, la route devrait simplement être déplacée à l’intérieur vers un trajet intrinsèquement moins risqué et les portions endommagées du relief réparées en stabilisant les talus de déblai et en évacuant le matériau de remblai de manière à réduire le risque de futur dépôt de sédiments dans le fleuve San Juan. D’autres parties de la route pourraient probablement être stabilisées à leur emplacement actuel au prix d’un léger déplacement, mais la plupart des mesures décrites dans mon rapport précédent consacré aux mesures urgentes  et décrites également en détail dans le rapport rédigé en 2014 par Danny Hagans et Bill Weaver de Pacific Watershed Associates  devront être mises en oeuvre pour stabiliser les tronçons concernés.
L’appendice E répertorie les sites où la route 1856 est à la fois trop proche de la rive du fleuve et accrochée à un terrain abrupt : deux conditions incitant en général fortement à déplacer la route, sur la base de l’analyse SIG à laquelle nous avons procédé en 2012. (L’examen des cartes présentées par Mende et al. à l’annexe 5 et par Mende et Astorga à l’annexe 6 révèle également que la route est très proche du fleuve et épouse un parcours très semblable à celui révélé par notre cartographie.) Entre la borne no II et Boca San Carlos, 5,1 km de la route traversent un terrain abrupt situé à moins de 50 m de la rive du fleuve, tandis que sur les 12,7 km suivants cette distance augmente légèrement sans dépasser cependant 100 m. Entre Boca San Carlos et Boca Sarapiquí, 1,9 km de route traverse un terrain abrupt à moins de 50 m du fleuve, tandis que sur les 2,1 km suivants cette distance augmente légèrement sans dépasser cependant 100 m.
Parmi les tronçons de la route qu’il conviendrait de déplacer figure la portion située dans un terrain abrupt en aval du fleuve Infiernito, laquelle est soumise à une érosion rapide et fait l’objet d’une recommandation en ce sens dans le diagnostic de l’impact sur l’environnement (EDA) soumis par le Costa Rica dans l’annexe 10 à son contre-mémoire. Ce dernier document relève «l’occurrence de glissements de terrain et d’une érosion des pentes affectant les endroits où les bords de la route touchent la forêt». Il recommande des mesures incluant «l’évaluation de la faisabilité technique d’une modification du tracé de la route au niveau d’Infiernillo [sic] afin de suivre le tracé des routes locales déjà construites, en le déviant de quelques kilomètres vers le sud, où se trouvent des hameaux et des espaces découverts présentant des conditions topographiques plus favorables» (EDA, p. 147). Bien que la portion de la route qu’il conviendrait de déplacer ne soit pas indiquée avec précision, il résulte de cette recommandation que c’est tout le tronçon compris approximativement entre les Rkm 14 et 20 (c’est-à-dire entre le 14e et le 20e kilomètre en aval de la borne no II) qui serait concerné.
6. Aucune réparation importante n’a été tentée
Le professeur Thorne déclare à mon sujet (sans corroborer ses propos par une citation précise) que «[dans son deuxième rapport, M. Kondolf] note que l’essentiel de la plate-forme de la route est désormais revêtu de gravier, ce qui doit avoir pour effet de réduire encore un peu plus l’érosion de la route elle-même, en particulier l’érosion des talus de déblai et de remblai» (Thorne, p. 71). Je n’ai jamais déclaré et je ne pourrais jamais déclarer que «l’essentiel de la plate-forme de la route est désormais revêtu de gravier», car c’est faux de
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même qu’il est faux d’insinuer – comme le fait le Costa Rica dans ses rapports (voir notamment la section 11 du rapport Thorne ; l’annexe 1, p. 2 ; l’annexe 6, p. 28 et 29 et l’annexe 10, p. 30) , que de véritables mesures d’atténuation ont été appliquées le long de la route 1856.
Aucun effort de contrôle de l’érosion n’a été déployé sur la plus grande partie de la route 1856. Sur les 41,6 km séparant la borne no II de Boca San Carlos, seuls les 15 premiers ont fait l’objet de tentatives en ce sens. La route est recouverte de graviers jusqu’au Rkm 14,5 environ et sur encore 0,5 km (jusqu’à l’apparition de la première interruption) ; plus loin, elle consiste en une piste informelle (c’est-à-dire en un chemin préexistant  pouvant être emprunté par l’homme ou des animaux à pied et serpentant la plupart du temps sur un terrain plat  praticable uniquement par des véhicules à moteur tout-terrain) (pour une description plus détaillée des interruptions, voir plus haut la section 2 du présent rapport). En aval de ce point, la route est impraticable en de nombreux endroits et des zones perturbées ont été laissées exposées aux éléments sans que rien n’ait apparemment été fait pour contrôler l’érosion.
Par conséquent, une bonne partie de la route 1856 continue à subir l’érosion, sous forme de glissements de terrain, de ravines et de nappes de dimensions importantes (voir la section 3 et l’appendice A du présent rapport). Même pour ce qui est des emplacements présentant les plus forts taux d’érosion effective ou le plus grand risque d’érosion à venir, aucune mesure de contrôle n’a été mise en oeuvre. Tout véritable effort visant à tenter de stabiliser les déblais instables et à supprimer les talus de remblai et les passages de cours d’eau instables devrait revêtir la forme d’importants travaux de terrassement et de stabilisation géotechnique, comme indiqué en détail par Hagans et Weaver. Il s’agirait d’une initiative d’une ampleur totalement différente des tentatives de contrôle de l’érosion de surface entreprises jusqu’à aujourd’hui.
Même sur les 15 premiers kilomètres en amont, c’est-à-dire à l’endroit où des tentatives de contrôle de l’érosion ont été faites, ces initiatives se sont révélées superficielles et visaient uniquement à traiter les symptômes, sans véritablement essayer de contrôler les glissements de terrain en cours ou potentiels. Une bonne partie de ces mesures ont échoué. Comme indiqué dans mon rapport du 30 octobre 2013 intitulé «Impacts continus de l’érosion provoquée par la route 1856 (Costa Rica) sur le San Juan (Nicaragua)», les mesures de contrôle de l’érosion englobent la couverture de la chaussée en terre par des pierres (jusqu’au Rkm 14,5), le creusement de fossés de drainage à proximité de la surface de la route, la construction de fossés de drainage en béton le long des parties intérieures et extérieures de certains tronçons de la route, le recouvrement de certains talus de déblai et de remblai abrupts par un tissu de contrôle de l’érosion (géotextile), ainsi que le semis et la plantation d’espèces végétales dans de petits trous circulaires pratiqués dans les talus de déblai. Telles sont les mesures discutées dans le contre-mémoire, présentées aux annexes 2, 7 et 8 et décrites par Thorne (2013, p. 109 à 116). Bien qu’elles soient de nature à réduire l’érosion de surface et le ravinement sur certaines zones restreintes  à condition que le niveau de précipitation reste faible ou modéré , ces mesures ne sauraient en aucun cas empêcher l’effondrement massif des talus de déblai élevés sur un type de rochers inadapté ou selon une orientation structurelle géologique défavorable ou bien des talus de remblai et des prismes de remblai de passages de cours d’eau mal conçus, scénario on ne peut plus probable en cas de très fortes précipitations.
L’annexe 2 inclut des photographies d’un programme de plantation d’arbres sans fournir certaines informations essentielles concernant par exemple la question de savoir si cette initiative permettra de répondre aux problèmes de stabilité des pentes (la réponse étant la plupart du temps négative, dans la mesure où le plan de rupture des glissements de terre est plus profond que la distance à laquelle les racines s’enfoncent dans le sol) et si les arbres ont survécu depuis leur plantation (nos observations menées depuis le fleuve semblant indiquer que la plupart sont morts).
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Les mesures de contrôle de l’érosion que nous avons pu observer ont été adoptées dans la plupart des cas uniquement pour limiter l’érosion de surface de la route elle-même et se sont avérées infructueuses à plusieurs endroits, voire contre-productives à d’autres. Par exemple, le fait de placer une couche de graviers ou de roches concassées à la surface de la route et d’installer des tranchées de drainage peut contribuer à protéger cette surface elle-même de l’érosion, mais il conviendra alors de gérer en toute sécurité le ruissellement concentré consécutif (ce qui n’a pas été fait le long de la route 1856). Comme noté dans mon rapport d’octobre 2013, j’ai repéré en mai 2013 un nouveau fossé de drainage en béton  en un point situé environ à 11,8 km en aval de la borne no II  juste après une forte pluie. L’eau tombée sur la route recouverte de graviers se retrouvait dans le fossé d’où elle était évacuée directement sur le talus de remblai, provoquant ainsi l’érosion de cet ouvrage qui constitue la fondation même de la route (figure 26a). En mai 2014, le talus de remblai qui servait d’exutoire à l’écoulement des eaux de ruissellement dans le fossé était gravement érodé et avait été emporté sur une grande longueur (figure 26b).
Figure 26 : Photographies montrant la manière dont les eaux de ruissellement de la route étaient évacuées au moyen d’une structure de drainage vers le talus de remblai en mai 2013 (a) et l’érosion résultante en mai 2014 (b)
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Les structures de drainage d’une route correctement conçue et construite doivent toujours acheminer l’eau de ruissellement au moins jusqu’à la base du talus de remblai et, si possible, plus loin. Il faut absolument éviter que les eaux soient évacuées sur le remblai lui-même. Cette erreur illustre l’amateurisme des efforts de contrôle de l’érosion déployés en l’instance.
Bon nombre de pentes en proie à l’érosion ont été couvertes de feuilles de plastique noir : une approche qui ne convient pas aux pentes raides et ne saurait résoudre le problème fondamental d’instabilité des talus. De plus, ces feuilles de plastique se détériorent rapidement sous l’effet des rayons ultraviolets et, dans la plupart des emplacements où elles ont été posées, le revêtement a en partie disparu (figure 27).
Figure 27 : Couche de matériau plastique de contrôle de l’érosion en voie de disparition à deux endroits situés approximativement à 6,8 km (pour la photographie (a) et 10 km (pour la photographie (b) en aval de la borne no II.
Les efforts ineptes et vains de contrôle de l’érosion déployés uniquement sur les 15 premiers kilomètres de la route 1856 en aval de la borne no II contrastent avec l’impression que le Costa Rica essaie de produire en présentant sa liste de mesures d’atténuation aux pages 42 à 46 de son contre-mémoire, les nombreuses photographies de petits et gros projets de contrôle de l’érosion (annexes 7 et 8) et la description des efforts de plantation menés par des volontaires (annexes 2 et 7).
En ce qui concerne le rapport du CONAVI, à savoir la compilation de photographies décrivant des efforts de contrôle de l’érosion présentée dans l’annexe 8 au contre-mémoire, son analyse révèle que la localisation de l’endroit photographié est rarement indiquée et que
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les légendes explicatives cohérentes font défaut. Les photographies semblent décrire des projets visant à protéger la surface de la route sans pour autant protéger  ou du moins protéger sérieusement  les talus de remblai et le fleuve en aval. De plus, le rapport omet de préciser que ces projets de contrôle de l’érosion n’ont visé que certaines portions de la route qui, même si elles étaient en proie à l’érosion, étaient loin de constituer les problèmes les plus graves. Ces projets de contrôle de l’érosion correspondent en fait à des tentatives visant à traiter uniquement l’érosion en nappe et ne s’attaquent pas aux problèmes du risque d’emportement des passages de cours d’eau et de glissements de terrain inhérent aux fortes précipitations. Les rapports du Costa Rica (annexes 2 et 7) ne contiennent aucune image des nombreux efforts infructueux de plantation visibles depuis le fleuve et n’indiquent pas non plus le pourcentage de survie des arbres et des végétaux ainsi plantés ; plus important encore, lesdits rapports se gardent bien de préciser que, même à supposer qu’ils survivent, ces arbres ou ces végétaux ne pourront jamais stabiliser les pentes et prévenir la plupart des glissements de terrain, parce que les plans de rupture sont beaucoup plus profonds que les racines des arbres les mieux implantés.
En bref, alors qu’elles auraient pu contribuer à réduire les processus affectant la surface de la route, les techniques de contrôle de l’érosion employées par le Costa Rica ont été appliquées de manière déficiente (voir par exemple les figures 26 et 27) et uniquement à une section limitée de la route 1856. Elles sont inadéquates, car la plupart protègent uniquement la surface de la route sans se préoccuper du ruissellement qui affecte le remblai et, plus important encore, du risque de glissements de terrain extrêmement dévastateurs. En outre, elles ont été appliquées uniquement aux tronçons de la route ayant le moins souffert de l’érosion et qui sont toujours praticables. Aucun effort de contrôle de l’érosion n’a été déployé sur les points d’érosion marquée en aval.
Le professeur Thorne n’essaie même pas de défendre l’approche adoptée pour construire la route 1856, mais se montre extrêmement nuancé lorsqu’il approuve les efforts actuels de contrôle de l’érosion. Même s’il prétend croire que les efforts du Costa Rica suffiront à contrôler réellement l’érosion, il donne en fait seulement l’impression de signifier que lesdits efforts ont légèrement amélioré la situation par rapport à ce qu’était la route juste après sa construction, lorsqu’elle ne constituait qu’une entaille dans le paysage.
J’ai relevé plus haut la remarque formulée par le professeur Thorne à ce sujet : «Les mesures que j’ai observées en mai 2013 constituent, selon moi, des efforts visant à réduire les risques d’érosion résultant de la façon dont la route a été construite en 2011, mais ne sont pas destinés à fournir une solution permanente au problème de l’érosion. Mon expérience démontre que, moyennant une inspection appropriée et, le cas échéant, un entretien ou une réparation, les travaux d’atténuation permettront de réduire de manière significative les taux d’érosion pour l’année ou les années à venir, ce qui laisse le temps de mener les travaux de conception nécessaires, ainsi que de conclure les contrats nécessaires et de réaliser les ouvrages permanents». Comme j’ai eu l’occasion de m’en expliquer dans mon rapport de novembre 2013 intitulé Observations sur les éléments produits par le Costa Rica (p. 13), cette citation confirme mon argument fondamental, à savoir que les mesures costa-riciennes de contrôle de l’érosion ne permettront pas, en réalité, de résoudre les problèmes de la route 1856 dans ce domaine. Le professeur Thorne a énoncé la même remarque dans son rapport le plus récent (au paragraphe 11.18) et a tenu à préciser (au paragraphe 11.19 du même document) ce qui suit :
«[toutefois,] il s’agit de travaux temporaires visant à atténuer les problèmes d’érosion sans les régler, et … une solution définitive ne sera possible qu’une fois achevées la conception, la planification et la construction de la route. A mon avis, les travaux nécessaires doivent commencer le plus tôt possible, et être mis en oeuvre de manière accélérée et conformément à la pratique en vigueur au Costa Rica du point de vue juridique et en matière d’adjudication de marchés.»
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Le professeur Thorne et moi-même sommes donc d’accord sur un point : le chantier doit être achevé aussi rapidement que possible si l’on désire résoudre les problèmes d’érosion actuels.
Un autre aspect de l’analyse par le professeur Thorne des efforts costa-riciens de contrôle de l’érosion mérite d’être souligné. Selon l’intéressé, ces efforts réduiront les taux d’érosion d’ici un an ou deux, moyennant «une inspection adéquate et, si nécessaire, [des] opérations d’entretien et de réparation». Comme démontré par les exemples des points d’érosion marquée no 9.4, 9.5, 9.6, 8.1 et 8.2 (voir, plus haut, la section 3 du présent rapport), ces travaux «d’entretien et de réparation» n’ont pas été entrepris.
Le professeur Thorne avance également que «le taux d’érosion diminuera encore par rapport à celui indiqué dans le rapport de l’UCR et que la route deviendra avec le temps de moins en moins sensible aux effets des précipitations importantes.» (Thorne, 2013, p. 115). Il cite à ce propos une étude  portant sur l’île de Saint John, située aux Iles Vierges américaines, et réalisée par Ramos-Scharron et Mac Donald (2005)  montrant que le taux d’érosion des routes non asphaltées a diminué avec le temps depuis la dernière évaluation. Cet effet concerne uniquement l’érosion de surface des routes non asphaltées, à l’exclusion des effets du ravinement et des glissements de terrain qui pourraient être déclenchés par de fortes précipitations. En outre, la principale conclusion de Ramos-Scharron et de MacDonald (2005) tient à l’effet dévastateur qu’ont les routes sur l’augmentation de l’érosion :
«Les taux d’érosion mesurés indiquent que les routes non asphaltées sur Saint John peuvent accroître les taux de production de sédiments générés par les talus de plus de 400 % par rapport à des conditions où le terrain n’a pas été dérangé. Les taux d’érosion de la route mesurés à Saint John se situent en haut de la fourchette associée à ce type d’érosion, ce qui est logique compte tenu de la forte érosion associée aux précipitations, de la raideur des pentes, de la conception déficiente et de l’entretien inadéquat de la plus grande partie des routes non asphaltées de l’île.» (Ramos-Scharrón et MacDonald 2005 : 1301.)
Les conditions prévalant sur les routes de Saint John telles qu’elles sont décrites s’appliquent également à la route 1856 : «forte érosion associée aux précipitations, raideur des pentes, conception déficiente et entretien inadéquat». La leçon la plus pertinente à tirer de cette étude consacrée à Saint John est qu’une route comme la 1856 peut accroître les taux d’érosion sur un terrain jusque-là intact par un facteur de 10 000. (Un ordre de grandeur étant égal à la puissance de 10, quatre ordres de grandeur = 10 000.)
A ma grande surprise, au lieu de voir les autorités costa-riciennes appliquer sur le terrain des mesures concrètes visant à contrôler l’érosion et à stabiliser les sites les plus gravement touchés, j’ai constaté que ces autorités avaient curieusement décidé de poursuivre la construction  le long de la route 1856  de lignes électriques. En 2012, nous avons observé une ligne s’étendant le long de la route entre les points situés respectivement à 4 et 7 km en aval de la borne no II. En mai 2014, nous avons observé que cette ligne avait progressé jusqu’au Río Infiernito, couvrant désormais une distance totale de 14,1 km.
7. Les experts du Costa Rica sous-estiment l’apport en sédiments du projet dans le fleuve San Juan
Bien que l’approche décrite dans les rapports du Costa Rica (annexes 1, 3, 4, 5 et 6) soit difficile à suivre, j’ai cru comprendre que ces documents étaient supposés s’articuler de la manière suivante :
Le rapport de l’UCR (annexe 1) mesure les taux d’érosion de diverses caractéristiques géographiques censées «représenter les «pires scénarios»  en matière de glissements de
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terrain, d’érosion en nappe, de ruissellement et de ravinement  rencontrés le long de la Route 1856» (annexe 1, p. 2). Ces mesures, effectuées entre juin et août 2013, ont servi à calculer un taux d’érosion pour chaque type de caractéristiques géographiques.
Mende et Astorga (annexe 6) ont ensuite dressé l’inventaire de tous les talus de déblai et de remblai rencontrés le long de la route 1856 et en ont estimé les dimensions (à l’exclusion de la surface de la route elle-même). A partir d’observations sur le terrain, ils ont estimé la proportion (par zone) des différents types d’érosion affectant chaque pente et supposément appliqué les taux énoncés dans le rapport de l’UCR à chacun d’entre eux, de manière à calculer le total des taux d’érosion annuelle correspondant au «pire scénario» pour chaque pente perturbée par la construction de la route 1856, ainsi que le taux total pour l’ensemble des pentes rencontrées le long de cet ouvrage. Les taux d’érosion pour les «pentes» sont présentés pour chaque site et résumés à l’annexe 6.
L’ICE (annexe 4) a combiné l’érosion totale des pentes calculée dans l’annexe 6 à une estimation de l’érosion de surface provoquée par la route elle-même (en appliquant le taux d’érosion indiqué dans le rapport de l’UCR  tel qu’il est reproduit à l’annexe 1  à la surface de la route) pour générer un budget sédimentaire global afin de «fournir une estimation de l’érosion globale et des dépôts de sédiments provenant de la route 1856 vers le système du fleuve San Juan» (ICE 2013).
Les faibles taux d’érosion du rapport de l’UCR
L’annexe 1 au contre-mémoire s’intitule «Rapport de suivi systématique sur site de l’érosion et de l’apport sédimentaire le long de la route 1856» et a été préparée par un professeur en génie civil et un étudiant de premier cycle de l’université du Costa Rica. Ce rapport présente les données collectées dans les pièges à sédiment et les autres études portant sur l’érosion menées sur certains sites sélectionnés le long de la route 1856 en amont du Río Infiernito, entre juin et septembre 2013, de manière à obtenir in fine des taux d’érosion repris par le professeur Thorne dans son rapport (par. 8.21-8.41) et dans le contre-mémoire (par. 3.20-3.24).
L’annexe 1 a été communiquée pour la première fois dans le cadre des auditions tenues en novembre 2013. J’avais procédé à l’époque à leur examen préliminaire et formulé une première critique dans mes Observations sur les éléments produits par le Costa Rica de novembre 2013 (p. 3 à 6). Le rapport a de nouveau été soumis avec le contre-mémoire et il semble identique à celui que j’ai déjà examiné et critiqué.
Les assertions énoncées dans l’annexe 1 selon lesquelles les glissements de terrain et le ravinement ne se produisent jamais en même temps sur les talus de remblai (annexe 1, p. 15 et 16) sont inexactes. Au contraire, ces deux processus coexistent en de nombreux endroits le long de la route 1856, comme on peut le constater par exemple sur les photographies des points d’érosion marquée no 8.1 et 9.4 telles qu’elles sont commentées plus haut dans la section 3 du présent rapport (figures 17 et 18, 10 et 11). Il suffit d’examiner l’appendice A de l’annexe 6 au contre-mémoire du Costa Rica (p. 405 à 408) pour trouver de nombreux sites où Mende et Astorga (2013) ont observé à la fois des glissements de terrain et des ravines sur les mêmes talus de remblai. L’assertion énoncée dans le rapport de l’UCR selon laquelle les glissements de terrain et les ravines ne coexistent jamais sur un même talus de remblai est un non-sens sur le plan géologique et porte sérieusement atteinte à la crédibilité scientifique de ce document.
Il est également affirmé dans l’annexe 1 que les points étudiés dans ce document «représentent les pires exemples d’érosion par glissement de terrain, d’érosion en nappe,
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d’érosion en rigoles et d’érosion en ravines existant le long de la route 1856» (p. 2)7. Dans son rapport de novembre 2013 (annexe 9 du contre-mémoire), le professeur Thorne déclare de même qu’«on peut raisonnablement penser que les taux d’affaissement de la surface du terrain enregistrés [tels qu’ils sont indiqués dans l’annexe 1] correspondent à ceux du «pire scénario» érosif lié à la route», apparemment parce que ces taux sont calculés sur la base de l’étude, entre autres, «des deux principaux glissements [de terrain] rotationnels le long de la route» et «du talus qui présentait l’érosion en rigoles (micro-canaux) la plus intense» (par. 33). Des déclarations analogues figurent dans les annexes 6 (p. 31) et 4 (par exemple à la page 28). Il n’empêche que toutes ces déclarations sont erronées.
Les sites évalués dans le cadre de la préparation de l’annexe 1 étaient tous situés sur les 15 premiers kilomètres de la route 1856 longeant le fleuve, c’est-à-dire dans le tronçon compris entre la frontière internationale et le Río Infiernito. Même sur ce tronçon, les points étudiés ne correspondent pas au «pire scénario» en matière d’érosion. La figure 28 montre l’étendue de l’érosion affectant le talus de déblai/remblai sur la portion de la route située entre les Rkm 10,4 et 11,3 (point d’érosion marquée no 6a, dans l’appendice A), c’est-à-dire à l’intérieur du tronçon de 15 km abritant tous les points étudiés dans le rapport de l’UCR.
7 En présentant leur taux d’érosion comme «très prudent», les auteurs de l’annexe font également valoir que «la plupart des talus et des remblais de la zone d’étude ont été protégés à l’aide de géotextile et végétalisés ou (lorsque c’était possible) reboisés, et subissent désormais beaucoup moins d’érosion que les sites sélectionnés pour l’étude» (p. 1 et 2). Comme expliqué plus haut dans la section 6, la plus grande partie de la route 1856, y compris les sites en proie à l’érosion la plus forte, n’est pas vraiment protégée.
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Figure 28 : Mise en perspective du point no 4 de l’UCR dans un contexte plus large de
marques d’érosion à l’endroit situé entre les Rkm 10,4 et 11,3. a) Photographies
aériennes obliques prises depuis un hélicoptère en octobre 2012 et montrant
de multiples glissements de terrain à droite (à l’ouest) du point sélectionné en vue
d’une étude détaillée par l’UCR. b) Détail de la même photographie montrant
des marques d’érosion sur le talus de déblai  analogues aux rigoles mesurées
par l’UCR, mais plus larges , ainsi que deux glissements de terrain voisins.
Le rapport de l’UCR (annexe 1) ne contient que des photographies montrant
des vues rapprochées de la partie du talus de déblai en proie au ruissellement
où les auteurs ont procédé aux mesures (encadré). Il convient de signaler que la
photographie de l’UCR portant la lettre «b» finit juste à droite de marques
d’érosion beaucoup plus larges sur le talus de déblai, lesquelles sont
analogues, mais beaucoup plus larges, que celles mesurées par l’UCR.
Octobre 2012
Octobre 2012
Point no 4 de
l’UCR
Point no 4 de
l’UCR
Glissement
de terrain
Glissement
de terrain
Glissement
de terrain
Glissement
de terrain
Grandes marques
d’érosion non
étudiées
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Le long de ce talus de déblai, bon nombre de glissements de terrain sont visibles sur la photographie reproduite à la figure 28, même si le rapport de l’UCR se concentre uniquement sur un petit réseau de rigoles étant apparu à une extrémité de ce site plus large. Ce rapport (tel qu’il est reproduit à l’annexe 1) ne comporte que des photographies rapprochées (reprises en encadré dans la figure 28a qui montrent une personne en train de prendre des mesures sur la pente en proie au ruissellement. Cependant, le rapport de l’UCR ne comprend aucune image  comparable à celle de notre figure 28a ou b  susceptible de replacer le site dans une perspective plus large. En particulier, le rapport de l’UCR ne comprend pas d’images du réseau de rigoles/ravines plus larges juste à droite de celui qu’on est en train de mesurer et n’explique pas non plus pourquoi c’est justement la trace d’érosion la plus petite qui a été sélectionnée en vue d’un arpentage sur le terrain. Une vue plus large du site révèle que le bord de la route le plus proche du fleuve est inégal et comporte de nombreuses irrégularités, ainsi que de larges formations courbées pouvant être analysées comme des escarpements générés par des glissements de terrain s’étant produits sur le matériau de remblai non tassé. Ces effondrements sont suffisamment importants pour avoir visiblement érodé la partie construite de la route. Il est troublant de constater que les auteurs du rapport de l’UCR ont choisi de mesurer uniquement les petites rigoles situées à l’extrémité aval du site sans s’intéresser aux marques d’érosion plus importantes.
Il est également avancé dans le rapport de l’UCR que : «les talus de remblai situés dans la zone d’étude ne présentent pas d’érosion par glissement de terrain» (annexe 1, p. 17). La «zone d’étude» n’est pas définie, mais à supposer que ce terme désigne les premiers 14 km en aval de la borne no II  c’est-à-dire le tronçon de la route abritant tous les points décrits dans le rapport  cette affirmation serait clairement fausse. Par exemple, le point no 5 de l’étude UCR est situé à l’extrémité aval d’une grande zone en proie à l’érosion s’étendant entre deux points situés respectivement à 8 et 8,7 km après la borne no II (le point d’érosion marquée no 4, voir la figure 29 et l’appendice A). A moins de 100 m en amont du point choisi par l’UCR pour son étude, le talus de remblai est effondré à plusieurs endroits en raison de glissements de terrain, et les larges échancrures correspondantes sont nettement visibles sur l’image satellite prise en novembre 2012 (figure 29). A supposer que la remarque, formulée dans le rapport de l’UCR, selon laquelle «les talus de remblai situés dans la zone d’étude ne présentent pas d’érosion par glissement de terrain» soit due à l’incapacité de ses auteurs à distinguer des processus aussi massifs à proximité immédiate d’un site qu’ils doivent étudier, on est en droit de mettre en question le sérieux de ce document. Si les intéressés ont décidé que «la zone d’étude» englobait uniquement les points spécifiques qu’ils ont choisi de décrire, le rapport correspond essentiellement à un exercice futile dans la mesure où il porte uniquement sur des sites soigneusement choisis à l’avance et connaissant une érosion banale, alors que sont ignorés d’autres sites beaucoup plus significatifs et situés dans la même partie du fleuve, juste en aval (comme expliqué ci-dessous).
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Figure 29 : Point d’érosion marquée no 4, situé entre les Rkm 4 et 8,7. Le point no 5 de
l’UCR était situé à l’extrémité aval de cette zone en proie à l’érosion. a) Photographie
prise par hélicoptère en octobre 2012 sur laquelle le point étudié par l’UCR est indiqué.
b) Image satellite de novembre 2012. Il convient de remarquer les
escarpements arqués dans le talus de la route, situés à moins
de 100 m du point étudié par l’UCR.
La principale lacune de l’étude de l’UCR tient à l’incapacité de ses auteurs à mesurer
l’érosion en aval, c’est-à-dire dans les sites plus gravement touchés par l’érosion. La zone
étudiée de 15 km de long est limitée par rapport à la longueur totale du tronçon de la route
longeant le fleuve (106 km) et ne s’étend pas en aval dans la zone incluant les sites les plus
gravement touchés par l’érosion, à savoir les 26 km séparant le Río Infiernito de la confluence
avec le Río San Carlos. Lorsqu’on compare l’emplacement des points étudiés dans l’annexe 1
à celui des sites indiqués comme étant les plus gravement touchés par l’érosion dans notre
inventaire (appendice A), il apparaît clairement qu’il n’existe aucune correspondance.
Comme cela ressort de toute évidence de l’inventaire des points d’érosion marquée
(appendice A), il existe de nombreux sites où les taux d’érosion sont bien pires que ceux des
endroits choisis par les membres de l’UCR pour leur étude (figure 30). A 1 km en aval de la
limite de la zone étudiée dans le rapport de cette université, se trouvent les deux point d’érosion
marquée no 8.1 et 8.2 et situés au Rkm 16,1 tels qu’ils sont décrits dans les figures 17 à 20,
tandis qu’à 1 km plus bas (sur un tronçon allant du Rkm 17,2 au Rkm 19) se trouvent les
points n° 9.1 à 9.8 (tels qu’ils sont décrits plus haut et représentés dans les figures 10 à 16). La
figure 31 représente ces points, ainsi que d’autres gravement touchés par l’érosion.
Point no 5
de l’UCR
Point no 5
de l’UCR
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Figure 30 : Points étudiés par l’UCR et soumis à une érosion revêtant la forme de
glissements de terrain, d’un ruissellement et d’un ravinement
Point no 1 de
l’UCR
Point no 2 de
l’UCR
Point no 3 de
l’UCR
Point no 4 de
l’UCR
Point no 8 de
l’UCR
Point no 9 de
l’UCR
Ravine (déblai) Rigole (déblai)
Glissement de terrain
(déblai)
Glissement de terrain
(déblai)
Ravine (remblai) Rigole (remblai)
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Figure 31 : Emplacements non étudiés par l’UCR
J’ai démontré le caractère erroné des assertions des auteurs de l’étude de l’UCR,
lesquels prétendent que les sites choisis correspondent aux critères du «pire scénario», dans
mon rapport intitulé Observations sur les éléments produits par le Costa Rica daté de
novembre 2013 (p. 3 et 4). Dans son rapport le plus récent, le professeur Thorne modifie
quelque peu son argumentation et aborde la question de la représentativité des points
sélectionnés (sans toutefois reconnaître son erreur). Il répond à mon analyse selon laquelle
l’annexe 1 ignore les sites les plus gravement touchés par l’érosion en ces termes :
«Ayant observé la route sur l’intégralité de son parcours, je considère que
les sites étudiés par l’UCR présentaient des conditions géologiques et un relief
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caractéristiques des 41,6 premiers kilomètres de la route en aval de la borne II et que les phénomènes observés sont donc représentatifs de l’érosion susceptible de s’être produite dans l’ensemble de ce secteur de la route.» (Par. 8.23.)
Comme indiqué plus haut, l’examen de l’inventaire des points d’érosion marquée et les preuves présentées dans la section 3 du présent rapport révèlent que les sites étudiés par l’UCR n’étaient pas représentatifs d’une bonne partie des points d’érosion marquée le long de la route 1856.
Thorne fait également remarquer que «les sites surveillés par l’UCR [se situent sur] la portion de route qui compte le plus grand nombre de glissements de terrain et de ravines» et, sur cette base, avance que «les résultats de la surveillance de l’UCR peuvent être considérés comme représentatifs de l’érosion affectant les 41,6 premiers kilomètres de la route le long du fleuve...» (par. 8.23). Les points étudiés dans le rapport de l’UCR ne font pas partie de la portion comptant le plus grand nombre de glissements de terrain et de ravines, puisqu’un autre tronçon de la route en comptant beaucoup plus commence à un point situé au Rkm 16, soit environ 2 km plus bas que le point UCR situé le plus en aval et 1 km plus bas que l’endroit où la route cesse d’être praticable.
Comme indiqué dans la figure 31, l’inventaire des points d’érosion marquée (appendice A) et la section 3 du présent rapport, on trouve des sites beaucoup plus touchés par l’érosion à quelques kilomètres de la limite de la zone étudiée par l’UCR. En limitant l’étude aux sites situés en amont du Río Infiernito et du San Juan, l’annexe 1 exclut beaucoup d’autres points d’érosion marquée en aval.
Le professeur Thorne déclare en outre que, dans la mesure où «les taux d’érosion et de mouvements de terrain sur le tronçon restant de 66,4 km [c’est-à-dire en aval des 41,6 km auxquels j’ai consacré l’essentiel de mon rapport de 2012] … sont certainement très inférieurs à ceux du secteur étudié par l’UCR», il est «raisonnable de supposer, en premier lieu, que les taux observés d’affaissement de la surface du sol se rapprochent des «[pires] scénarios … établis à ce jour concernant l’érosion liée à la route...» (Thorne 2013b, p. 73, vol. II, p. 219.) Cette assertion ne revêt aucun sens. Je suis d’accord pour estimer qu’il existe beaucoup moins de points d’érosion marquée en aval de Boca San Carlos (même si cette partie inférieure de la route n’est pas exempte de tout problème d’érosion comme expliqué plus bas). Cependant, on ne saurait en déduire que les taux «d’affaissement de la surface du sol» signalés par l’UCR «se rapprochent des «[pires] scénarios» établis à ce jour concernant l’érosion liée à la route». Ce raisonnement ne tient pas. La première partie de la phrase de Thorne n’amène pas logiquement à la seconde.
En outre, les techniques employées dans le cadre de la rédaction de l’annexe 1 conviennent davantage à des sites stables où les taux d’érosion sont faibles qu’à des sites soumis à une érosion et des glissements de terrain massifs où c’est l’ensemble de la zone qui s’effondre ou risque de s’effondrer. Pourtant, c’est précisément aux sites les plus menacés qu’une telle étude doit s’attacher. En effet, lesdits sites sont appelés à produire l’érosion la plus forte, non seulement de façon chronique pour le moment, mais surtout pendant les précipitations intenses qui ne manqueront pas d’accompagner les tempêtes tropicales et autres ouragans qui s’abattront sur la région. Dans la mesure où elle ignore les sites les plus gravement touchés par l’érosion, l’annexe 1 présente des taux d’érosion qui sont trop faibles à la fois pour le type de marques généralement signalées et pour les zones gravement touchées par l’érosion le long de la route 1856.
Les auteurs du rapport de l’UCR ont également appliqué une méthodologie erronée. Au lieu de mesurer directement toutes les marques d’érosion importantes dans les zones gravement touchées et de cartographier les occurrences de processus moins importants comme le ruissellement (dans le cadre d’une collecte de données réelles sur les sites connaissant une
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érosion significative), ils ont opté pour un système compliqué consistant à mesurer le taux d’érosion correspondant à un processus tel que le ravinement, puis à réduire ce chiffre en le divisant par la superficie de l’intégralité de la «pente» exposée audit processus. Cette réduction est en fait arbitraire, dans la mesure où la superficie de la zone exposée au processus d’érosion choisi n’est aucunement liée à ce dernier. Les auteurs du rapport de l’UCR se sont également abstenus de tenir compte d’autres processus d’érosion affectant le reste de la pente, ce qui a par conséquent provoqué une baisse artificielle du taux d’érosion. Cette omission constitue la principale raison expliquant que les taux d’érosion indiqués dans le tableau 6 de l’annexe 1 sont déraisonnablement faibles.
Par exemple, les membres de l’université du Costa Rica ont mesuré les ravines à deux endroits : no 8 de l’UCR qui contient une seule ravine et le point no 9 de l’UCR qui en compte 16. Sur le point no 8 de l’UCR (situé à environ 1 km en aval de la borne no II et à l’intérieur de ce que nous considérons comme le point d’érosion marquée no 1A), les mesures prises indiquent que la ravine a une superficie de 121 m2 et une profondeur moyenne de 1,5 m, et l’on suppose qu’elle a été creusée par l’érosion en l’espace de six mois. Par conséquent, le taux annuel total d’affaissement du terrain serait de 3 m. Pourtant, l’UCR a cru bon de diviser le volume de sédiments produit par cette ravine par l’intégralité de la surface de la pente nue exposée sur ce site (laquelle serait de 3080 m2) et de présenter le nombre  très faible  obtenu comme le taux d’érosion «moyen» de ce processus spécifique de ravinement. Toutefois, le chiffre obtenu n’est pas le taux d’érosion correspondant à cette ravine. Le reste de la pente nue et exposée est soumis à l’érosion de surface, de sorte que ladite érosion devrait être estimée sur la base de preuves recueillies sur le terrain ou d’un taux raisonnable emprunté aux ouvrages spécialisés. L’érosion totale sur ce site serait celle mesurée dans la ravine (sans division subséquente en fonction de la superficie totale du site), ajoutée à l’érosion de surface estimée/mesurée sur le reste du talus exposé.
Il n’est pas non plus correct de diviser le volume de l’érosion due au ravinement par la superficie totale d’un site donné, puisque le reste de la zone exposée est soumis à une érosion en nappe qui, comme indiqué dans l’annexe 1, constitue un processus différent. Le taux d’érosion par ravinement ne devrait faire l’objet d’aucune manipulation et un taux d’érosion en nappe devrait être appliqué au reste du site, c’est-à-dire à la zone où ce type d’érosion prédomine.
Enfin, rien ne justifie scientifiquement l’application des profondeurs relevées dans les petites ravines aux grandes ravines. Les taux d’érosion correspondant à chaque marque devraient être en effet mesurés indépendamment et non pas extrapolés à partir de ce qui constitue un échantillon absurdement réduit de sites non représentatifs.
Estimations basses de l’érosion des pentes par Mende & Astorga
Taux d’érosion non corroborés
Dans l’annexe 6 du contre-mémoire, Mende et Astorga prétendent avoir appliqué les taux d’érosion décrits dans le rapport de l’UCR aux zones de la pente exposée mesurées dans le cadre de leur travail sur le terrain. Les deux chercheurs décrivent leurs méthodes en ces termes :
«En appliquant les données de profondeurs d’érosion et d’affaissement de la surface du terrain liées à l’érosion en nappe, en rigoles et en ravines figurant dans le rapport d’Oreamuno Vega et Roberto Villalobos Herrera de l’Université du Costa Rica (rapport de l’UCR de 2013), nous avons estimé les apports sédimentaires issus de l’ensemble des talus de déblai et de remblai présents le long de la route frontalière entre la borne no II et Delta Costa Rica.» (Annexe 6, p. 1.)
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Mende et Astorga présentent leurs taux d’érosion dans le tableau 7 de l’annexe 6. Ces taux diffèrent sensiblement de ceux «recommandés» et présentés dans le tableau 6 du rapport de l’UCR (annexe 1). La comparaison des taux de l’UCR avec ceux utilisés par Mende et Astorga (tableau A) révèle que ces auteurs ont eu recours à des taux 2,6 à 42 fois supérieurs à ceux de Mende et Astorga.
Tableau A : Comparaison entre les taux d’érosion recommandés dans le rapport de l’UCR (annexe 1, tableau 6) et ceux utilisés par Mende et Astorga (annexe 6, tableau 7)
Talus de déblai ou de remblai
Processus d’érosion
Taux indiqué dans l’étude de l’UCR* (m/an)
Taux indiqué par Mende et Astorga+ (m/an)
Différence
Talus de déblai
en nappe
0,095
0,095
identique
Talus de déblai
par ruissellement
0,06
0,17
2,8 fois plus important
Talus de déblai
par ravinement
0,005
0,21
42 fois plus important
Talus de déblai
glissements de terrain
0,19
0,5
2,63 fois plus important
Talus de remblai
en nappe
NC
0,24
pas de taux UCR
Talus de remblai
par ruissellement
NC
0,24
pas de taux UCR
Talus de remblai
par ravinement
0,20
0,75
3,75 fois plus important
Talus de remblai
glissements de terrain
NC
1,48
pas de taux UCR
* Colonne du tableau 6 de l’annexe 1 intitulée «Taux moyen d’[affaissement] de la surface du sol (mètres par an)» + Colonne du tableau 7 de l’annexe 6 intitulée «Érosion d’1 m² par an (mètres)»
Dans une tentative évidente d’explication des différences, après avoir exposé que «les principales conclusions du rapport [de l’UCR] sont résumées dans le tableau 7», Mende et Astorga (p. 6) déclarent : «Certaines clarifications semblent néanmoins s’imposer». Cette déclaration est suivie d’une tentative d’explication des raisons les ayant incités à remplacer le taux indiqué pour certains processus, sans pour autant que soient justifiés les autres remplacements.
Par exemple, en ce qui concerne l’érosion en nappe et par ruissellement sur les talus de remblai, Mende et Astorga ont eu recours aux taux d’érosion par ravinement recommandés par l’UCR, en y ajoutant 20 % à titre de «marge de sécurité». Ils ne justifient ni cette substitution ni l’ajout d’une «marge de sécurité» de 20 %. Comment cette prétendue marge a-t-elle été calculée ? Si une marge de sécurité est nécessaire pour estimer l’érosion en nappe, pourquoi ne pas élargir le procédé à l’estimation des taux des autres processus d’érosion ? Il semble que ce choix soit purement arbitraire et vise des chiffres déjà eux-mêmes arbitraires s’agissant de l’érosion en nappe.
De même, en ce qui concerne le ravinement attaquant les remblais, Mende et Astorga ont recours à un taux de 0,75 m sans expliquer pourquoi ils ont choisi un chiffre nettement supérieur au taux de 0,20 m par an «recommandé» dans le rapport de l’UCR (annexe 1, p. 18).
Mende et Astorga (annexe 6) utilisent les taux bruts d’érosion par glissement de terrain indiqués dans le rapport de l’UCR pour un talus de déblai comme leur taux d’érosion par glissement de terrain applicable aux talus de remblai, «dans la mesure où ces talus [de remblai] sont plus instables que les talus de déblai». Là encore, le choix du taux d’érosion par Mende et Astorga est arbitraire. Il ne résulte ni de l’application systématique des taux recommandés dans l’étude de l’UCR, ni de l’application des taux indiqués dans les ouvrages scientifiques.
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En bref, Mende et Astorga ne présentent aucune justification scientifique cohérente pour expliquer les choix apparemment aléatoires qu’ils ont opérés parmi les taux à utiliser selon les contextes.
Après avoir choisi des taux supérieurs à ceux recommandés dans le rapport de l’UCR, Mende et Astorga les appliquent à des zones plus petites que celles correspondant à la superficie des pentes réellement exposées sur les sites touchés par l’érosion comme indiqué plus bas. Par conséquent, leur approche ne saurait être qualifiée de véritablement «prudente» sous l’angle du calcul d’un taux estimé d’érosion au moins égal à celui de la véritable érosion.
Les unités présentées dans le tableau 7 de l’annexe 6 ne sont pas logiques. La troisième colonne est intitulée «Erosion de 1 m2 par an (m)» [sic], ce qui ne revêt aucun sens. La légende mentionne que ce paramètre désigne «le taux d’érosion moyen par mètre carré». Toutefois, il vaudrait mieux parler simplement de profondeur de l’érosion (en mètres), dans la mesure où la mention «par mètre carré» est absurde. Ce paramètre s’exprime simplement sous la forme d’une profondeur d’érosion par an (m/an), laquelle peut être multipliée directement par la superficie occupée par les marques en cause (m2) de façon à générer un volume d’érosion (m3). Par exemple, un taux d’érosion de 0,5 m/an pour une marque serait multiplié directement par la superficie de cette dernière (par exemple, 100 m²) de manière à parvenir, en l’occurrence, à une érosion totale de 50 m³.
Sous-représentation des zones touchées par l’érosion
Dans l’appendice A de l’annexe 6, Mende et Astorga répertorient (sans indiquer leurs coordonnées) les «talus» individuels ayant été exposés, ainsi que les zones dans lesquelles ils se trouvent, en les identifiant comme «déblai» ou «remblai». Les emplacements approximatifs sont indiqués sur des cartes à petite échelle reproduites aux pages 381 à 397 de l’appendice. La présentation prête à confusion et elle est difficile à suivre.
En ce qui concerne les zones de pente nue visitées sur le terrain, Mende et Astorga déclarent : «Les hauteurs des talus ont été estimées visuellement sur le terrain afin de pouvoir mener la collecte de données à son terme dans un délai raisonnable» (annexe 6, p. 4, vol. II : p. 375, les italiques sont de moi). Par conséquent, plutôt que de mesurer les dimensions réelles des marques d’érosion, comme cela semblerait logique dans le cadre d’une étude scientifique, ils ont préféré procéder «à vue» en prétextant le manque de temps. Ils ont ainsi raté une belle occasion, car le matériel élémentaire d’arpentage était déjà sur place (station complète, niveau automatique et/ou télémètre laser) et aurait pu servir à mesurer de manière plus précise la hauteur des talus. De telles mesures auraient été préférables aux estimations visuelles qui pèchent par leur manque de fiabilité.
Contrairement à l’usage dans les études scientifiques dignes de ce nom, Mende et Astorga n’expliquent pas de façon adéquate la manière dont ils ont utilisé la hauteur estimée des talus pour calculer les surfaces «pentues». Cependant, il ressort de l’analyse de leurs bases de données qu’ils semblent avoir multiplié la hauteur moyenne estimée du talus par la longueur de la caractéristique géographique (par exemple, talus de déblai ou talus de remblai) telle qu’elle a été mesurée par le procédé SIG, vraisemblablement sur la base de relevés GPS effectués sur le terrain. A supposer que les talus soient verticaux, cette méthode pourrait être théoriquement aussi précise que celle reposant sur l’estimation visuelle de la hauteur. Cependant, même si bon nombre de talus de déblai sont extrêmement raides (et par conséquent intrinsèquement instables), leur pente n’est pas verticale pour autant, et plus elle se rapproche de l’horizontale, plus la méthode aboutit à une sous-estimation des zones pentues. Les talus de remblai, en particulier, semblent former un angle beaucoup moins important, dans la mesure où le matériau utilisé n’est pas compacté et, par conséquent, ne peut supporter une pente raide. Par conséquent, dans la mesure où ils partent de l’hypothèse que les talus sont verticaux et où ils ne tiennent pas compte des composants horizontaux au moment de l’estimation de la
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superficie des zones (ce qui peut donner lieu à des écarts particulièrement importants quand il s’agit de mesurer des talus de remblai moins raides et particulièrement érodables), Mende et Astorga sous-estiment la surface des zones pentues. A titre d’exemple, si l’on prend un talus de remblai formant un angle de 33 %, la surface réelle de cette formation serait le double de celle calculée selon la méthode qui a, à mon avis, été utilisée par Mende et Astorga. On débouche ainsi sur une sous-estimation importante des vraies surfaces et, dans la mesure où ces dernières sont multipliées par les taux d’érosion décrits plus haut, on aboutit à un calcul de l’érosion totale nettement inférieur à la réalité.
L’ampleur de l’erreur potentielle inhérente à ces méthodes d’observation sur le terrain inappropriées peut être évaluée en comparant les zones présentées dans l’appendice A aux conditions réelles sur le terrain, telles qu’elles ont été mesurées sur les images satellite grâce au système d’information géographique (SIG). La comparaison des zones mesurées à l’aide de ce procédé à la surface des zones des sites touchés par l’érosion indiquée dans l’appendice A de l’annexe 6 fait apparaître des divergences importantes. Le tableau B présente quatre comparaisons entre les estimations des zones pentues sur le terrain (lesquelles ont servi à calculer les taux d’érosion) et les zones réellement cartographiées sur la base d’images aériennes. La superficie des zones pentues calculée sur la base d’une estimation visuelle est inférieure de 10 à 60 % environ à la superficie des mêmes zones telles qu’elles ont été établies à l’aide du SIG à partir d’images aériennes.
Tableau B : Exemple de comparaison entre la superficie des zones indiquées dans l’appendice A de l’annexe 6 et la surface réelle mesurée à l’aide du SIG à partir d’images aériennes
ID de la pente
Superficie indiquée par Mende et Astorga sur la base d’estimations sur le terrain (appendice A de l’annexe 6) (en m2)
Superficie mesurée à l’aide du SIG à partir d’images aériennes (en m2)
T-066b
1574
4373
T-064b
269
2831
T-057a
532
2495
T-043
4680
7723
L’explication de ces divergences importantes tient peut-être, au moins partiellement, à la méthode utilisée sur le terrain (multiplication de la hauteur des pentes estimées à l’oeil nu par la longueur de la caractéristique géographique), même si ce facteur ne saurait expliquer à lui seul un tel écart. Le lecteur doit toujours avoir à l’esprit que la sous-estimation de la superficie des «pentes» aboutit à la minoration de l’érosion totale.
L’ampleur de la sous-estimation par Mende et Astorga, dans l’annexe 6, de la superficie des zones individuelles touchées par l’érosion ressort également de la comparaison de la somme de ces surfaces avec la surface totale perturbée par la route telle qu’elle apparaît sur leurs cartes. Les cartes présentées dans les annexes 5 et 6 montrent une zone coloriée en rouge avec comme légende «zones affectées par la construction de la route». Les fichiers électroniques communiqués en réponse à une demande du Nicaragua incluaient un «fichier de formes» SIG délimitant les contours de cette zone définie comme un seul polygone de grande dimension. La superficie de ce polygone est de 3 502 180 m2. Si l’on divise cette surface par la longueur de la route (108 km), on obtient une largeur moyenne de la zone impactée d’environ 30 m, ce qui est plausible. Si l’on soustrait de ce total les 10 mètres correspondant à la largeur de la route elle-même (108 km x 10 m = 1 080 000 m2), on obtient un total de 2 422 183 m2 perturbés par les travaux et ne faisant pas partie de la plate-forme de la route
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elle-même, lesquels incluent les talus de déblai et de remblai, les carrières et les autres zones perturbées par le chantier de construction.
Il convient de signaler que tous ces chiffres ont été communiqués par des agents et des consultants du Gouvernement costa-ricien : 3 502 180 m2 est le chiffre correspondant à la surface cartographiée par Mende et Astorga comme ayant été perturbée par la construction de la route (sur la base des fichiers SIG communiqués) et 10 m «la largeur moyenne de la plate-forme de la route» indiquée par l’ICE (2013, annexe 4, p. 29), tandis qu’il est indiqué, à différents endroits des documents du Costa Rica, que la route fait 108 km de long au total.
Quel est le rapport de grandeur entre la zone affectée par la route (plate-forme de ladite route elle-même non comprise) et la superficie totale des pentes exposées telle qu’elle est obtenue en additionnant les zones «pentues» individuelles signalées à l’annexe 6 ? Selon l’appendice A de l’annexe 6, la surface totale des «pentes» affectées par la construction de la route n’est que de 124 381 m2 (voir le bas de la cinquième colonne à la dernière page de l’appendice A de l’annexe 6, p. 408 du volume II du contre-mémoire du Costa Rica). Ce chiffre représente seulement 5 % de la zone obtenue en soustrayant la superficie occupée par la route elle-même de la surface perturbée telle qu’elle a été cartographiée par Mende et Astorga.
Par conséquent, l’examen des sites individuels (par exemple, le point d’érosion marquée n° 9) prouve que l’estimation de la surface des zones «pentues» par Mende et Astorga débouche sur un chiffre nettement inférieur à celui obtenu en mesurant objectivement les zones en question à partir d’images satellite. A une échelle plus grande, la somme de ces zones individuellement sous-estimées ne représente que 5 % de la zone indiquée sur les cartes de Mende et Astorga comme affectée par la route (en dehors de l’empreinte de la route elle-même) et, par conséquent, comme touchée par l’érosion. Ces écarts sont considérables et il est incontestable que les chiffres avancés par le Costa Rica dans ces documents posent problème.
Sous-estimation de l’érosion affectant les pentes
L’approche problématique adoptée par Mende et Astorga aboutit à une sous-estimation de l’apport sédimentaire total des pentes. Par exemple, en ce qui concerne le point d’érosion marquée no 9.5, l’annexe 6 indique un taux d’érosion correspondant au «pire scénario» de 372 m3/an, lequel inclurait l’érosion en nappe, par ruissellement, par ravinement et par glissement de terrain. Cependant, la seule érosion générée par l’effondrement du talus de remblai est d’au moins 2860 m3 pour la période allant d’octobre 2012 à décembre 2013, un chiffre qui n’englobe pas l’érosion supplémentaire (par ruissellement, par ravinement et par glissement de terrain) incontestablement identifiée sur la base des images séquentielles. Hagans et Weaver (2014) estiment, tout en restant très prudents, que cette érosion supplémentaire s’élève à 1125 m3 par an sur le point d’érosion marquée no 9.5.
En ce qui concerne le point d’érosion marquée no 9.6, Mende et Astorga font état d’un taux d’érosion, au pire, de 662 m3/an, ce chiffre englobant à la fois l’érosion en nappe, par ruissellement, par ravinement et par glissement de terrain. Toutefois, comme cela ressort clairement des images aériennes, le réseau des trois ravines adjacentes a déjà produit un volume de sédiments supérieur à ce chiffre, alors que le volume de précipitations enregistré ces dernières années a été relativement faible. Sur la base de l’analyse de nos photographies aériennes obliques prises à différentes périodes (voir la section 3 et l’appendice A pour plus de détails), nous évaluons  compte tenu de la surface mesurée et d’une estimation de la profondeur des ravines  que ces dernières ont produit à elles seules 6600 m3, soit 10 fois le chiffre annoncé par Mende et Astorga pour le pire scénario, la plus grande partie ayant été générée entre octobre 2012 et décembre 2013. Par conséquent, l’estimation de Mende et Astorga ne représente que 10 % de l’apport réel en sédiments des seules ravines. Selon Hagans et Weaver (2014), dès lors que l’on prend aussi en considération l’érosion associée aux nappes, au ruissellement, aux autres ravines et aux glissements de terrain, on arrive à un supplément de
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4845 m2 de sol nu et à un taux d’érosion totale probablement bien supérieur à 8000 m3/an pour le point d’érosion marquée no 9.6.
L’ampleur de la sous-estimation systématique des taux d’érosion par Mende et Astorga dans l’annexe 6 se reflète également dans les chiffres présentés par ces auteurs dans l’annexe 5, lesquels contredisent fréquemment les taux correspondant au «pire scénario» mentionnés à l’annexe 6. Par exemple, le point d’érosion marquée no 9.4 (situé au Rkm 18) est désigné comme la pente T-68 à l’annexe 6 qui indique un total de 456 m³ d’érosion par an, soit environ 762 tonnes (sur la base d’un facteur de conversion de 1,67). Ce chiffre est contredit par la «production maximale de sédiments» pour le même site, laquelle serait de 2250 tonnes (soit approximativement 1347 m3) par an selon l’annexe 5 (p. 43). De même, le point d’érosion marquée no 9.6 est désigné comme la pente T-72 à l’annexe 6 qui indique un taux d’érosion annuel de 662 m3 (soit 1106 tonnes) dans le «pire scénario», alors que l’annexe 5 indique une «production maximale de sédiments» de 4500 tonnes, soit 2695 m3 (p. 44). Par conséquent, la «production maximale de sédiments» pour ces sites, telle qu’elle est indiquée par Mende et al. à l’annexe 5, est trois ou quatre fois supérieure aux taux correspondant au «pire scénario» avancés par Mende et Astorga à l’annexe 6.
Le pire scénario réellement envisageable pour le point d’érosion marquée no 9.6 serait en fait l’écroulement total du prisme de remblai du passage. Les passages de cours d’eau situés respectivement à 100 et 200 m en amont (à savoir, respectivement, les points d’érosion marquée no 9.5 et 9.4) se sont tous les deux effondrés entre octobre 2012 et décembre 2013, de sorte que de l’eau va probablement s’accumuler derrière le prisme de remblai du point no 9.6 (selon un processus déjà observé et photographié sur le point no 9.4 en mai 2014) et que le risque d’un effondrement total de ce prisme est donc bien réel. A supposer qu’il en soit ainsi, le volume du matériau érodé atteindrait environ 37 000 m3 [soit le volume original du prisme (44 000 m3) moins les 6600 m3 déjà érodés), c’est-à-dire plus que la production maximale de sédiments correspondant au pire scénario telle qu’elle est prévue par Mende et Astorga (2013) pour l’intégralité de la route 1856 (36 715 m3).
Ces sites ne sont pas les seuls pour lesquels Mende et Astorga (2013, annexe 6) ont commis l’erreur de sous-estimer les dimensions des marques d’érosion et les taux d’érosion induits. Les chiffres qu’ils avancent pour les points d’érosion marquée no 8.1, 8.2 et 9.4  c’est-à-dire d’autres sites pour lesquels nous disposons d’images satellite et aériennes permettant de procéder à des mesures de façon indépendante  sont également très en deçà de la réalité. En outre, les deux auteurs ne tiennent pas compte, dans leurs calculs de l’apport en sédiments, de l’affaissement du passage de cours d’eau s’étant produit au Rkm 20,3, car cet incident s’est produit sur un terrain plat et non pas sur une «pente».
En bref, les chiffres avancés par Mende et Astorga dans l’annexe 6 comportent de nombreuses inexactitudes qui affectent le sérieux de leur rapport et invalident leurs conclusions.
Résumé
En résumé, outre qu’il ignore les sites les plus touchés par l’érosion, le rapport de l’UCR divise le volume des processus érosifs par l’intégralité de la surface des pentes affectées (en exagérant leur superficie), ce qui permet d’obtenir des taux d’érosion «moyens» artificiellement bas. Mende et Astorga ont sous-estimé la superficie desdits sites et, par conséquent, les chiffres totaux de l’érosion. Ils prétendent avoir recours à des taux empruntés au rapport de l’UCR, alors qu’en réalité ils ont substitué des valeurs arbitraires à ces chiffres initiaux, sans fournir d’explication cohérente ou citer des documents pour justifier leur manière de procéder.
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Il est intéressant de relever que, en revanche, les documents du Costa Rica comportent une étude de l’érosion par glissement de terrain et en nappe portant sur une route du Yunnan, Chine, rédigée par Roy Sidle, Takahisa Furuichi et Yasuyuki Kono. Cette étude  intitulée Unprecedented rates of landslide and surface erosion along a newly constructed road in Yunnan, China [Taux sans précédent d’érosion par glissement de terrain et en nappe le long d’une route récemment construite à Yunnan, Chine] (Sidle et al. 2011) et reproduite à l’appendice G  décrit les mesures, effectuées sur place, de l’érosion en nappe et par glissement de terrain affectant une route construite quatre ans plus tôt traversant les sources du Mékong. Clairement organisé, rédigé dans un langage simple et présenté sans détour, ce document permet au lecteur d’appréhender facilement la méthode et de comprendre les résultats énoncés.
A la différence de Mende et Astorga (annexe 6), Sidle et son équipe ont procédé à des centaines de mesures de l’érosion du sol sur la base de preuves directes et ont mesuré sur le terrain les dimensions des glissements de terrain ayant affecté les talus de déblai et de remblai en recourant à des outils d’arpentage (chaînes, télémètres, instruments de cartographie). Ils ont mesuré les caractéristiques géographiques sur le terrain, sans se contenter d’«estimer visuellement» la hauteur des pentes. A la différence des auteurs du rapport de l’UCR, Sidle et ses collègues n’ont pas sélectionné deux caractéristiques individuelles de chaque type aux fins d’arpentage. Pour le tronçon de route étudié, long de 23,5 km, ils ont en effet mesuré  pour chacune des trois catégories d’intensité d’érosion  toutes les caractéristiques affectant une portion de la route sur une largeur comprise entre 0,75 et 0,90 km, soit une taille d’échantillon beaucoup plus adéquate que l’échantillonnage  très limité et constitué de petites formations non représentatives  choisi par les membres de l’UCR. Sidle et son équipe ne se sont pas contentés de diviser les taux mesurés sur des ravines spécifiques par l’intégralité de la surface d’une marque d’érosion plus large. Ils ont conservé les chiffres d’origine obtenus en mesurant sur le terrain l’érosion par ravinement, et se sont abstenus de les modifier et d’appliquer un quelconque «facteur de sécurité». Les taux qu’ils avancent à l’issue de cette évaluation transparente sont nettement supérieurs à ceux présentés par les experts du Costa Rica.
Sources d’érosion ignorées dans les estimations du Costa Rica
L’estimation par le Costa Rica de l’érosion affectant la route 1856 ignore des facteurs importants tels que la sédimentation générée par les passages de cours d’eau, laquelle n’est pas incluse dans les «pentes» cartographiées. (A titre d’exemple, un passage de cours d’eau situé au Rkm 20,3 a été emporté l’année dernière, ce qui a provoqué la formation d’un nouveau delta dans le fleuve.) Parmi les autres lacunes importantes, il convient de mentionner les processus érosifs autres que la simple érosion en nappe affectant la plate-forme de la route elle-même. L’hypothèse selon laquelle cette plate-forme demeurerait stable est contredite en de nombreux points  situés le long de la route 1856  où cet ouvrage d’art est la proie d’un glissement de terrain ou d’un ravinement massif. Les estimations du Costa Rica ignorent également l’apport des routes d’accès construites dans le cadre du chantier et dont la longueur totale serait comprise entre 332 et 440 kilomètres (selon la source costa-ricienne à laquelle on se réfère). Ce réseau étendu de routes d’accès génère des sédiments qui sont drainés dans des affluents du San Juan et viennent par conséquent grossir ensuite la charge sédimentaire supplémentaire produite par la route qui se déverse dans le fleuve. Comme indiqué en détail plus haut dans le présent rapport, la route n’est pas finie et certaines interruptions importantes demeurent. La reprise des travaux de construction ne manquerait pas de provoquer une érosion supplémentaire, surtout si la conception de la route 1856 n’était pas totalement révisée et si des pratiques de construction totalement différentes de celles utilisées jusqu’à maintenant n’étaient pas mises en oeuvre.
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Estimation de l’érosion par le Nicaragua
Mon rapport de 2012 contient une estimation de l’érosion générée par la route 1856 basée sur un survol, des inspections depuis le fleuve et l’analyse de séries d’images satellite datant respectivement de 2009 (avant la construction) et de 2012 (après la construction), dont la seconde est obscurcie par la nébulosité qui prévalait au moment de la prise de vues. Comme indiqué dans ledit rapport, l’évaluation se fonde sur la superficie totale de diverses marques multipliée par des taux estimés en se fondant sur des ouvrages spécialisés ainsi que sur nos propres observations de grosses ravines proéminentes visibles depuis le fleuve, comme les prismes de remblai de passage de cours d’eau (Kondolf et al. 2012 : 3-4, 7).
En particulier, l’érosion estimée que nous avançons dans ce rapport vise «la zone de talus de déblai et de remblai abrupts couvrant le tronçon de la route, long de 41 km, située en amont de la confluence avec le fleuve San Carlos. Nous avons soustrait (conformément au système SIG) de cette superficie totale la plate-forme de 7 m de large de la route elle-même  laquelle est moins sujette aux risques d’effondrement  puis estimé de manière prudente que l’érosion par glissement de terrain et par ravinement n’affectait que 40 à 50 % du terrain perturbé en pente raide» (Kondolf et al., 2012 : 46). Sur ce tronçon limité de la partie haute du fleuve, nous avons appliqué un taux de 1 m, ce qui nous a permis d’arriver à un «total compris entre 218 400 et 273 000 m3an-1 de sédiments générés par l’érosion associée aux mouvements de terrain et au ravinement». Nous avons ensuite supposé un taux de transport de 40 % vers le fleuve San Juan, ce qui correspond à un apport de sédiments (provoqué par les glissements de terrain et le ravinement) estimé compris dans une fourchette allant de 87 000 à 109 000 m3/an. Nous avons également procédé à une estimation «des taux d’érosion en nappe pour les 41 km de la route 1856 situés en amont du Río San Carlos» et conclu que cette érosion produit sur ce tronçon un volume compris entre 17 800 et 21 300 m3/an, dont 40 % (soit 7120 à 8520 m3/an) atteignent le San Juan (Kondolf et al. 2012 : 45). Par conséquent, selon nos estimations, les premiers 41 km en amont de la route 1856 génèrent entre 94 120 et 117 520 m3 de sédiments par an.
Mon rapport de 2012 se concentre sur la partie du fleuve en amont de Boca San Carlos, dans la mesure où cette zone est caractérisée par la topographie la plus tourmentée et l’érosion la plus forte. Je n’ai jamais prétendu dans ce document de 2012 que les taux d’érosion élevés estimés pour les 41 km en amont de la route valaient pour l’intégralité des 108 km de cette voie qui longe le fleuve jusqu’à Delta Colorado. Le rapport est très clair sur ce point : les taux estimés valent uniquement pour les premiers 41 km en amont.
Le fait que mon rapport de 2012 se concentre sur l’érosion affectant le tronçon raide de la partie amont de la route 1856 ne saurait suggérer l’absence d’impact de la route sur les 65 km en aval de Boca San Carlos. La route élargie provoquera une érosion en nappe et par ruissellement accru, même sur les tronçons plats, et une multiplication des écroulements de passage de cours d’eau comme celui s’étant produit au Rkm 20,3. On observe également des tronçons raides, situés en aval de Boca San Carlos, ayant souffert d’une forte érosion comme indiqué dans l’inventaire de l’appendice A ; c’est ainsi que l’on dénombre des passages de cours d’eau fragilisés ou déjà en voie d’effondrement, ainsi que des portions non asphaltées de la route sujettes à une érosion en nappe. Le diagnostic de l’impact sur l’environnement identifie également «plusieurs sites comportant des pentes raides et des murs de rétention touchés par l’érosion» (EDA, p. 69). Le professeur Thorne se trompe quand il affirme qu’«il n’y a rien à dire» concernant l’érosion sur ces tronçons situés en aval (Thorne, paragraphe 5.16), même si les taux dans ces zones sont globalement inférieurs à ceux relevés dans les tronçons plus raides situés en amont.
Mon rapport de 2012 indique que nous avons observé un apport de sédiments  de la route 1856 au fleuve San Juan  sur 54 sites pendant un survol en hélicoptère et une reconnaissance en bateau dans le cadre de notre visite sur place d’octobre 2012. Cette observation nous a permis d’établir l’existence d’un apport sédimentaire de la route au fleuve en
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de multiples points. Je n’ai jamais laissé entendre qu’il s’agissait d’une liste exhaustive de tous les points d’apport de sédiments au fleuve San Juan ou même des points les plus importants. Par exemple, notre vue depuis le fleuve a été obscurcie par des obstacles en de nombreux endroits, ce qui a compliqué notre évaluation de l’érosion sur lesdits sites. Le Costa Rica a réclamé les coordonnées de ces sites, lesquelles lui ont été communiquées. Mende et son équipe critiquent le choix desdits sites en suggérant que sept d’entre eux sont situés au Nicaragua et non pas sur la rive méridionale du fleuve ; ils semblent insinuer ainsi que cette particularité pourrait saper notre analyse. Comme le comprendra aisément tout scientifique digne de ce nom, dans la mesure où certains des points ont été identifiés depuis un hélicoptère volant au-dessus du territoire nicaraguayen, les coordonnées GPS indiquent l’emplacement de l’observateur et non pas celui du point observé (c’est-à-dire celui du dépôt de sédiments).
En nous appuyant sur de nouvelles données disponibles, sur notre analyse des 17 points d’érosion marquée et sur les calculs des taux d’érosion et des surfaces perturbées par la construction de la route présentés dans les rapports du Costa Rica, nous sommes parvenus à une nouvelle estimation du dépôt total de sédiments dans le fleuve San Juan. Cette estimation tient compte des informations supplémentaires suivantes : en l’absence de meilleures mesures effectuées sur le terrain de manière systématique sur une zone plus grande et englobant les principaux sites touchés par l’érosion, toute tentative d’estimation de l’érosion provoquée par la route 1856 et du dépôt de sédiments consécutif dans le fleuve San Juan doit forcément reposer largement sur des hypothèses. L’un des aspects les plus importants d’une telle estimation tient à ce que les éléments pris en compte et les hypothèses formulées doivent être clairement énoncés de manière à permettre l’appréciation de sa validité et des incertitudes qu’elle comporte.
Estimation de la quantité de sédiments produite par l’érosion générée par la route 1856 et se déversant dans le fleuve San Juan
Nous avons commencé par mesurer la superficie des points d’érosion marquée avant de soustraire la largeur de la plate-forme de la route (10 m) en nous basant sur l’hypothèse que l’érosion par ravinement et par glissement de terrain affecte principalement les zones exposées adjacentes à la route (à savoir les talus de déblai et de remblai). Il s’agit là d’une approche prudente, dans la mesure où la plate-forme de la route elle-même s’effondre sous l’effet de ces types d’érosion en de nombreux endroits et plus particulièrement sur les points d’érosion marquée no 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14, tels qu’ils sont décrits dans l’appendice A.
Nous avons ensuite supposé que 40 % de la zone n’incluant pas la route elle-même étaient soumis à une érosion active sous forme de ruissellement, de ravinement et/ou de glissements de terrain. Ce pourcentage de la zone soumise à des processus érosifs actifs correspond à l’hypothèse que nous avons formulée en 2012 et apparaît très prudent sur la base de l’érosion observée grâce à des séries répétées de photographies aériennes obliques prises depuis un hélicoptère et d’images satellite, c’est-à-dire des procédés permettant d’apercevoir uniquement l’érosion la plus visible. Par exemple, sur le point d’érosion marquée no 8.1 (figure 17), la photo aérienne oblique d’octobre 2012 montre un seul glissement de terrain massif dans le talus de remblai non compacté, ainsi que des rigoles et des ravines s’étant formées sur les pentes nues de l’ensemble du site. L’image satellite de décembre 2013 montre clairement une ravine très large et de nombreuses autres formations plus petites du même type. La photographie aérienne oblique de mai 2014 révèle des rigoles et des ravines sur le bord du déblai à l’arrière, alors qu’on aperçoit un réseau de profondes ravines sur le côté gauche de l’image. La photographie aérienne oblique de mai 2014 révèle des rigoles et des ravines sur le bord du déblai à l’arrière, alors qu’on aperçoit un réseau de profondes ravines sur le côté gauche de l’image. Sous la lettre «A», on distingue une grosse ravine active qui recule vers l’amont en s’élargissant, de sorte que les sédiments non compactés constituant les parois de ladite ravine tombent dans celle-ci. A droite de la ravine «A», on trouve un large glissement de terrain peu profond avec escarpement arqué. On est donc en droit de supposer  sur la base de l’analyse des images  que 40 % au moins
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de ce site sont soumis à une combinaison de ruissellement, de ravinement et de glissements de terrain.
A cette zone de 40 %, nous avons appliqué un taux d’érosion général moyen de 0,558 m  pour le ruissellement, le ravinement et les glissements de terrain  en nous basant sur la moyenne simple des taux d’érosion générés par ce processus, telle qu’elle a été utilisée par Mende et Astorga [(0,205 + 0,48 + 0,99)/3 = 0,558 m/an]8. Ce taux est inférieur à celui de 1 m/an utilisé en 2012 et c’est un chiffre prudent, compte tenu de l’étendue et des dimensions des glissements de terrain et des ravines visibles sur les images. Toutefois, une partie seulement de ces marques d’érosion est détectable sur les images prises à distance. Pour un inventaire plus complet de l’érosion en cours, il faudrait charger une équipe scientifique qualifiée et indépendante d’effectuer des mesures sur le terrain. Cette équipe devrait s’acquitter de sa tâche en prenant réellement des mesures et non en procédant à des estimations visuelles comme Mende et Astorga qui ont opté pour cette manière de faire «afin de pouvoir mener la collecte de données à son terme dans un délai raisonnable», comme indiqué à l’annexe 6.
En ce qui concerne les 60 % restants des zones répertoriées dans l’inventaire des points d’érosion marquée (moins les 10 m de la plate-forme de la route), c’est-à-dire le terrain que nous avons supposé exempt d’érosion par ravinement et par glissement de terrain, nous avons appliqué les taux d’érosion de surface des collines adjacentes aux routes, à savoir un chiffre compris entre 0,03 et 0,06 m/an indiqués dans les ouvrages spécialisés consacrés aux routes tropicales, lesquels font état d’un taux variant entre 0,025 et 0,079 m/an (DeNoni et al. 1987, Hansen et al.1989, Harden 1993, Thomas et Savage 1991).
En ce qui concerne la plate-forme de la route elle-même, nous avons appliqué une réduction du taux de l’érosion de surface compris entre 0,01 et 0,02 m/an indiqué dans les études pertinentes publiées, lesquelles font état d’un taux compris entre 0,006 et 0,023 m/an (Dunne 1979, Ziegler et al. 2000, MacDonald et al. 2001, Sidle et al. 2004, Ramos-Scharron et MacDonald 2005).
Le total de l’érosion par glissement de terrain et par ravinement sur les 40 % des zones répertoriées dans l’inventaire des points d’érosion marquée s’élève à 136 515 m3. Il convient d’ajouter à ce chiffre l’érosion par surface touchant les autres 60 % des mêmes zones. Même si nous savons que les 40 % affectés par l’érosion sous forme de glissement de terrain et de ravinement subissent en plus l’impact des gouttes de pluie et, par conséquent, de l’érosion en nappe, nous avons choisi  pour rester prudents  de ne pas inclure l’érosion de surface à cette zone, mais uniquement à la zone représentant 40 % de l’ensemble à laquelle nous avons déjà appliqué le taux de glissement de terrain/ravinement. A cette surface de 367 000 m2, nous avons donc appliqué un taux compris entre 0,03 et 0,06 m/an, ce qui donne un total compris entre 11 000 et 22 000 m3 pour l’érosion de surface. La somme de ces deux éléments donne un total compris entre 147 500 et 158 500 m3 pour l’ensemble de l’érosion générée uniquement par les points d’érosion marquée. Il convient de se rappeler qu’il s’agit uniquement des sites comportant des caractéristiques géologiques liées à l’érosion facilement visibles depuis l’espace, et non d’un inventaire exhaustif de l’érosion.
Pour en revenir à la longueur totale de la plate-forme de la route elle-même en aval de la borne no II, si l’on prend comme base la longueur déclarée de 108 km (qui repose en fait sur une hypothèse incorrecte, à savoir que la route a été construite dans son intégralité) et à supposer que la plate-forme fasse 10 m de large, nous obtenons une surface de 1 080 000 m2. L’application de la fourchette de taux d’érosion de surface mentionnée dans les ouvrages spécialisés consacrés
8 Notre décision d’appliquer les taux indiqués par Mende et Astorga (annexe 6) ne saurait être interprétée comme une reconnaissance de leur exactitude. Néanmoins, le recours à ces taux devrait nous permettre de procéder à des estimations dans lesquelles certaines des hypothèses correspondent à celles élaborées par les experts du Costa Rica, une circonstance de nature à faciliter les comparaisons entre les deux estimations et l’identification de l’origine des différences entre elles.
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aux routes tropicales  soit 0,01 à 0,02 m/an  nous permet de calculer que l’érosion de surface affectant la route sur toute sa longueur génère entre 10 800 et 21 600 m3. Il convient de relever que le taux de 0,01 m/an ne représente qu’un dixième du taux de 0,095 m/an adopté par l’ICE (annexe 4, p. 29) sur la base de mesures effectuées dans des pièges à sédiments par l’UCR, figurant à l’annexe 1.
Il faudra compter avec une érosion supplémentaire dans les zones proches de la route, mais situées au-delà des 10 m correspondant à la largeur de la plate-forme de l’ouvrage elle-même, ainsi que dans les zones situées hors des zones d’érosion marquée calculées plus haut. Cette érosion supplémentaire pourrait être estimée en recourant aux taux d’érosion de surface indiqués pour les pentes dans les ouvrages spécialisés. La question de la surface qu’il convient d’utiliser est compliquée dans la mesure où les zones cartographiées comme ayant été perturbées par la route  et, par conséquent, vulnérables à l’érosion de surface  sont extrêmement étendues. Comme indiqué plus haut, la zone coloriée en rouge «affectée» par la construction de la route indiquée sur les cartes de l’annexe 6 et revêtant la forme d’un polygone sur les fichiers SIG communiqués par le Costa Rica a une superficie totale de 3 502 180 m2. Si l’on divise celle-ci par 108 km, on obtient une largeur moyenne de la zone impactée par la route d’environ 30 m. Si l’on se contente de prendre la zone située hors de la largeur de 10 m correspondant à la plate-forme de la route elle-même, on obtient une largeur de 20 m correspondant à la partie des pentes adjacentes affectée. Après avoir déduit les 17,6 km déjà inclus dans le calcul de la superficie des points d’érosion marquée, on peut grossièrement estimer que la superficie restante située hors de la route est égale à [108-17,6 = 90,4 km (90 400 m) x 20 m = 1 808 000 m2]. Si l’on applique un taux d’affaissement de la surface du terrain compris entre 0,03 et 0,06 m/an aux pentes adjacentes aux routes, on obtient un volume total de 54 240-108 480 m3/an ; si on applique un taux de 0,01-0,02 m/an, on obtient un volume total de 18 000-36 000 m3/an.
Somme des composantes de l’érosion de la route 1856
Zones d’érosion marquée associée aux glissements de terrain et au ravinement (sur 40 % des zones d’érosion marquée) =
136 515 m3/an
Erosion de surface sur les 60 % restants des zones d’érosion marquée =
11 000-22 000 m3/an
Volume représenté par la plate-forme de la route elle-même sur 10 m de large =
10 800-21 600 m3/an
Zone située hors des zones d’érosion marquée et de la plate-forme de la route (application d’un taux plus faible d’érosion de surface) =
18 000-36 000 m3/an
D’après ces calculs, le volume total de l’érosion générée par la route 1856 serait donc compris entre 176 000 et 216 000 m3/an.
Apport de sédiments au fleuve San Juan
Quelle est la part de cette quantité de sédiments qui finira dans le fleuve San Juan ? Le concept d’apport de sédiments repose sur l’idée que l’intégralité des sédiments générés par l’érosion en aval n’atteint pas nécessairement le fleuve, car une partie d’entre eux se dépose en cours de route. Les mesures effectuées sur les sites en aval confirment ce principe. Sur la base de notre observation d’endroits où les sédiments générés par des écroulements le long de la route 1856 se déversent directement dans le San Juan et où les sites de stockage de ces mêmes sédiments sont insuffisants pour absorber les volumes générés par les passages de cours d’eau emportés, les talus écroulés et les autres processus d’érosion (y compris l’érosion provoquée par le fleuve lui-même), il est clair que les taux d’apport sédimentaire de la
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route 1856 au fleuve San Juan sont élevés, beaucoup plus élevés que les 40 % indiqués de manière prudente dans notre rapport de 2012.
L’ICE a utilisé un taux supérieur de 60 % qui est probablement lui aussi inférieur à l’apport réel des sédiments générés par les sites touchés par l’érosion près du fleuve, notamment sous forme de la formation de deltas sous les points d’érosion marquée no 9.4, 9.5 et 9.6, ou bien des sédiments générés par l’affaissement du passage d’un cours d’eau au Rkm 20,3, où l’apport de sédiments s’élève probablement à 80 % ou plus, compte tenu de l’absence de gros dépôts de sédiments visibles entre la route et le fleuve.
A supposer un taux d’apport sédimentaire prudent de 60 %, quelque 106 000 à 130 000 m3 de sédiments seraient déposés chaque année dans le fleuve.
Sédiments supplémentaires en provenance des routes d’accès
Outre la route 1856 elle-même, le Costa Rica a construit de nombreuses routes d’accès reliant cet ouvrage à des points situés plus au sud : la longueur totale de ces routes d’accès nouvellement construites ou «améliorées» serait comprise entre 332 et 440 km (annexes 31 et 34 du mémoire du Nicaragua). Dans notre rapport de 2012, nous n’avons inclus aucune estimation du volume de sédiments généré par les routes d’accès, préférant nous concentrer sur la route frontalière 1856 elle-même (et plus particulièrement sur le tronçon correspondant aux 41,6 km en amont de Boca San Carlos). Toutefois, l’ensemble de ces routes d’accès draine des sédiments dans des cours d’eau et des fleuves qui, eux-mêmes, se jettent plus au nord dans le San Juan. Ainsi, l’impact de l’érosion provoquée par ces routes d’accès finit par contribuer à l’apport sédimentaire dans le fleuve San Juan.
Pour évaluer grossièrement la quantité de sédiments générée par les routes d’accès, on peut multiplier la longueur de ces voies par la largeur moyenne de la zone impactée. Pour le San Juan, nous avons utilisé une largeur moyenne de la zone impactée d’environ 30 m, chiffre obtenu en divisant la superficie totale perturbée par la construction de la route indiquée par Mende et Astorga (2013) par sa longueur totale, c’est-à-dire 108 km. A supposer que la perturbation générée par les routes d’accès atteigne également en moyenne 30 m de large (comme c’est le cas pour la route 1856 elle-même selon le fichier SIG de Mende et Astorga) et que 332 km de routes d’accès aient été construits ou réparés, la surface totale de la zone perturbée atteindrait 332 000 x 30 = 9 960 000 m2. L’application des taux d’érosion de surface affectant la plate-forme de la route indiqués dans les ouvrages spécialisés (à savoir entre 0,01 et 0,02 m/an) aboutirait à un volume correspondant à une nouvelle érosion générée par les routes d’accès comprise entre 99 600 et 199 200 m3. Dans la mesure où ces routes s’éloignent du San Juan, leur apport sédimentaire sera nettement inférieur à celui de la route 1856 qui est située à proximité immédiate du cours d’eau. Le véritable taux d’apport sédimentaire desdites routes se situe donc probablement autour de 30 % (sur la base des taux publiés) ; pourtant, même à supposer un taux extrêmement minime de 10 %, l’apport annuel supplémentaire correspondant de sédiments serait compris entre 9 960 et 19 920 m3.
Calcul de la charge solide totale
En additionnant les apports provenant des routes d’accès aux sédiments générés directement par la route 1856 elle-même, on obtient l’apport total de sédiments au fleuve. Plus précisément, la somme des sédiments générés par la route 1856 finissant dans le fleuve et des sédiments du réseau important, mais plus distant, des routes d’accès (soit 9 960 à 19 920 m3/an) donne une charge solide totale comprise entre 116 000 et 150 000 m3 de volume de sédiments en provenance de la route 1856 elle-même et de ses routes d’accès atteignant le fleuve San Juan.
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Vérification des résultats au moyen d’un calcul approximatif en recourant aux superficies et aux taux indiqués par le Costa Rica
Il est parfois utile de prendre un peu de recul et de s’intéresser aux chiffres plus importants et plus généraux qui, malgré leur imprécision, peuvent indiquer «un ordre de grandeur» potentiellement précieux pour évaluer le caractère raisonnable des taux calculés. On peut procéder à une estimation globale de l’érosion pour l’intégralité de la route et de sa zone perturbée en prenant pour base le total de la zone perturbée par la construction de la route telle qu’elle a été cartographiée par Mende et Astorga (2013) et qu’elle peut être facilement distinguée sur la couche SIG communiquée au format numérique en réponse à la demande de données complémentaires formulée par le Nicaragua. Mende et Astorga ont cartographié (en rouge) la surface identifiée sur les images aériennes comme ayant été affectée par la construction de la route, c’est-à-dire la route elle-même, les talus de déblai et de remblai adjacents, les prismes de remblai des passages de cours d’eau, les carrières et les tronçons de route abandonnés en raison de difficultés techniques. (Cette zone affectée par la route apparaît en rouge sur les cartes reproduites aux annexes 5 et 6). La superficie totale de ce polygone (telle qu’elle est lue directement sur la grande couche SIG) est de 3 502 180 m2. Ce chiffre inclut la plate-forme et les pentes adjacentes et, une fois divisé par les 108 km correspondant à la portion de la route longeant le fleuve, permet d’obtenir une largeur moyenne perturbée très légèrement supérieure à 30 m.
Pour que le calcul demeure simple et transparent, il est ensuite possible de multiplier la surface totale perturbée par la construction (soit 3 502 180 m2) par un taux d’érosion. Si l’on multiplie la surface totale par le taux d’érosion de surface mesuré par l’UCR (soit 0,095 m/an), on obtient un volume d’érosion annuel total de 332 700 m3 pour la route 1856 sur toute sa longueur. Le recours au ratio d’apport sédimentaire indiqué par l’ICE dans son rapport de 2013 (60 %) permet de conclure que le volume total des sédiments atteignant le fleuve San Juan s’élève à 199 620 m3/an.
Par conséquent, un calcul général et sommaire – reposant sur les valeurs indiquées par le Costa Rica pour la superficie de la zone cartographiée, le taux d’érosion et le ratio d’apport sédimentaire – permet de conclure qu’environ 200 000 m3 de sédiments atteignent le San Juan chaque année : un chiffre beaucoup plus proche de mon estimation que du chiffre moins élevé avancé par l’ICE et les consultants du Costa Rica.
8. La contribution de la route à l’apport sédimentaire au fleuve n’est ni naturelle ni bénéfique
Le Costa Rica prétend que la charge solide actuelle du San Juan est naturelle : un argument qui – comme l’explique Edmund Andrews dans son rapport intitulé An Evaluation of the Methods, Calculations, and Conclusions Provided by Costa Rica Regarding the Yield and Transport of Sediment in the Río San Juan Basin [Une évaluation des méthodes, calculs et conclusions communiqués par le Costa Rica concernant la production et le transport de sédiments dans le bassin du fleuve San Juan] (juillet 2014)  est parfaitement erroné, en raison de l’importance de la charge solide représentée par l’érosion et les sédiments générés par les affluents du fleuve coulant en territoire costa-ricien.
Selon le contre-mémoire, «les sédiments ne sont pas des polluants. Au contraire, l’apport de sédiments dans un fleuve comme le San Juan est un processus naturel, essentiel à la vie du fleuve et généralement considéré comme bénéfique» (contre-mémoire du Costa Rica, par. 3.4). Concernant le dernier point, celui du caractère bénéfique de l’apport sédimentaire, le contre-mémoire cite un article que j’ai rédigé en 1997 et qui est reproduit dans son annexe 81.
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Ces affirmations sont incorrectes. Même si les fleuves ont une charge solide naturelle et que l’élimination de ces sédiments au moyen d’un barrage construit en amont peut avoir des impacts sur le chenal en aval (question qui constitue le thème de mon article de 1997), cette constatation ne vaut pas pour l’augmentation de l’apport sédimentaire consécutif à des activités humaines. En pareil cas, en effet, les sédiments sont considérés comme une source de pollution par les organismes de réglementation et les organisations internationales voués à la protection de l’environnement. Cela est dû au fait que les contributions sédimentaires artificielles à des masses d’eau peuvent avoir un effet nocif sur la qualité de l’eau, la vie aquatique et les autres récepteurs.
L’apport sédimentaire de la route 1856 au San Juan n’est pas un processus naturel, dans la mesure où la nature n’a ni exposé les sols aux éléments ni manipulé la terre pour en faire des talus et des passages de cours d’eau non compactés susceptibles dorénavant d’être touchés par l’érosion et des mouvements de terrain.
Il pourrait s’avérer utile de faire la distinction entre les sédiments en suspension  qui sont des particules (de sable et de matériaux plus fins) maintenues en suspension dans la colonne d’eau par les turbulences  et la charge de fond plus grossière (constituée de graviers et de sable) qui se déplace le long du fleuve par roulement, rebondissement et glissement. La concentration en sédiments suspendus peut être exprimée sous forme de contenu en matières en suspension généralement déterminé sur la base de la concentration en sédiments d’un petit sous-échantillon prélevé dans le cours d’eau, ou bien de concentration de sédiments en suspension généralement déterminée en mesurant tous les sédiments en suspension trouvés dans des échantillons prélevés dans le fleuve à différentes hauteurs de la colonne d’eau de manière à garantir leur représentativité (Gray et al. 2000).
L’apport accru de sédiments grossiers (graviers, sable) au fleuve peut provoquer son alluvionnement (une question abordée en détail plus bas dans la section 11) et l’ensevelissement d’habitats aquatiques importants (USDA Forest Service 1999, Ziemer et Lisle 1992, Madej et Ozaki 2009). L’apport accru de sédiments fins (argile, vase, sable), quant à lui, peut provoquer :
 la réduction des échanges entre le cours d’eau et les eaux souterraines peu profondes en raison de l’obstruction du lit par le gravier et le sable ;
 l’ensevelissement et la perte de la végétation aquatique ;
 l’accroissement de la turbidité qui se traduit par une diminution de la pénétration de la lumière et, par conséquent, par une baisse de la productivité primaire qui peut influer sur la chaîne alimentaire ;
 la perte du périphyton (voir plus bas) avec des effets sur la chaîne alimentaire ;
 la perte ou la diminution de la population des macroinvertébrés (voir plus bas) ;
 l’infiltration de fins sédiments dans le substrat de graviers autrefois propre, lequel constitue un habitat indispensable aux macroinvertébrés, aux poissons juvéniles et à d’autres organismes ;
 l’obstruction et l’endommagement des branchies des poissons dus à la forte concentration de sédiments en suspension ;
 la réduction de la capacité des poissons de guérir de leurs blessures ;
 l’interruption de la reproduction de certains poissons consécutive à l’endommagement des oeufs ou à l’étouffement des larves et/ou au bouleversement du comportement reproducteur des poissons (par exemple, la reconnaissance visuelle avant accouplement) ;
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 l’altération, en raison de la visibilité réduite, de la capacité de certains poissons à trouver de la nourriture ; et
 la modification de l’équilibre des espèces de poissons vivant à un endroit donné.
(Voir notamment : Wood et Armitage 1997, Yamada et Nakmura 2002, Cederholm et al. 1981, Petts 1984a, Brookes 1986, Van Nieuwenhuyse et Laperriere 1986, Henley et al. 2000, Kemp et al. 2011).
Comme indiqué dans mon rapport précédent, l’apport de gros volumes de sédiments au fleuve est connu pour provoquer de graves dommages écologiques. Les ouvrages scientifiques rendent compte de ces effets dans toutes les parties du globe, y compris en Asie, en Europe, en Australie et en Amérique latine, ainsi que sous toute une série de climats trouvés à différentes latitudes, depuis le Grand Nord jusqu’aux tropiques.
Thorne laisse entendre qu’en l’absence de saumons dans le fleuve San Juan, les expériences menées dans la région Nord-Ouest Pacifique des Etats-Unis ne sont pas pertinentes en l’espèce. Il ajoute que «[l]es poissons et autres organismes aquatiques du San Juan n’ont aucune difficulté à vivre dans ses eaux turbides parce qu’ils y sont parfaitement adaptés» (p. 50), sans pour autant citer le moindre ouvrage scientifique à l’appui de cette affirmation.
En dehors du saumon, de nombreuses autres espèces de poissons sont sensibles aux apports massifs et non naturels de sédiments, comme l’ont montré Kemp et al. (2011) et Henley et al. (2000) dans des études minutieuses consacrées à la question. Ces ouvrages démontrent qu’une partie des espèces les plus communes dans le fleuve San Juan (énumérés dans Procuenca 2004 et dans le rapport de l’EDA reproduit à l’annexe 10), et notamment les cichlidés, certains mugilidés et les poeciliidés, sont vulnérables à l’accroissement de la turbidité et de la concentration en sédiments en suspension.
L’accroissement de la turbidité a eu des conséquences importantes sur les cichlidés, dont beaucoup ont recours à la vision pour s’assurer une aire d’alimentation, trouver un partenaire en vue d’un accouplement ou défendre leur progéniture. Certaines espèces de cichlidés changent de comportement en fonction des niveaux de turbidité (Gray et al. 2012). Par exemple, il est de notoriété publique que, dans les Grands Lacs d’Afrique, cette turbidité influe sur le choix du partenaire, tend à assouplir la sélection sexuelle et bloque les mécanismes d’isolation reproductive (Seehausen et al. 1997). Des événements analogues de spéciation gérée visuellement sont décrits dans les ouvrages consacrés à la faune des cichlidés d’Amérique centrale (Barluenga et Meyer 2004, Geiger et al. 2013). Chez un cichlidés non natif, Oreochromis niloticus, les niveaux élevés de turbidité provoquent une augmentation de la concentration de lysozyme dans le sang, ce qui peut être un indice de stress (Dominguez et al. 2005). Des cas de réduction de la croissance et du taux de survie ont été rapportés à des niveaux de turbidité comparativement supérieurs (Ardjosoediro et Ramnarine 2002). La réduction de la productivité primaire (une conséquence de l’augmentation des niveaux de turbidité) peut entraîner une baisse du rendement des poissons dans les bassins où la turbidité est relativement élevée (Teichert-Coddington et al. 1992).
Les poissons de la famille des mugilidés fraient généralement en mer et migrent longitudinalement dans les fleuves. Selon le stade de vie où ils sont arrivés, ils s’adaptent à différentes conditions environnementales et modifient leur habitat et leur régime alimentaire au fur et à mesure de leur développement. L’abondance relative des adultes et des juvéniles de l’espèce des mulets de montagne (Agonostomus monticola) dans le bassin du fleuve Térraba au Costa Rica pourrait être affectée par des différences de volume d’eau et de niveau de turbidité, car ces poissons ont besoin d’une eau bien oxygénée, vive et peu trouble (Cota Ribeiro et Umaña Villalobos 2010).
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Les poeciliidés sont généralement de petits poissons vivant traditionnellement près des rives, dans un habitat situé en eaux calmes et entouré de végétation submergée. Comme les cichlidés, bon nombre des poeciliidés utilisent des indices visuels pour trouver un partenaire et s’alimenter, de sorte qu’ils peuvent être perturbés par tout changement de la turbidité des eaux (Campos Valera 2013, Heubel et Schlupp 2006, Hubbs 1999). Une bonne partie des poeciliidés chasse visuellement des insectes, tandis que d’autres consomment des matières végétales et organiques ; dans les deux cas, le comportement alimentaire peut donc être affecté par un accroissement de la turbidité des eaux. Cet accroissement peut en effet empêcher la détection visuelle des insectes terrestres ou aquatiques et modifier les schémas de coloration de certaines espèces. Il peut également affecter les espèces se nourrissant d’algues en ralentissant la croissance de ces plantes, laquelle repose sur la pénétration de l’énergie solaire (la lumière) jusqu’au fond des cours d’eau et peut donc baisser en cas d’augmentation de la turbidité dans la colonne d’eau.
De même, de nombreuses espèces de périphyton et de macroinvertébrés sont sensibles aux sédiments (Ríos 2014). En fait, la sensibilité de certains macroinvertébrés aux sédiments fins et à d’autres formes de pollution explique que ces organismes sont particulièrement utiles pour évaluer la qualité de l’eau (comme expliqué dans l’EDA) (Bonada et al. 2006, Resh 2008).
Le terme périphyton désigne les algues et autres micro-organismes attachés aux roches et à d’autres substrats durs dans un environnement aquatique. Il se compose essentiellement d’algues benthiques et constitue un élément de base important de la chaîne alimentaire (Allan et Castillo 2007). En outre, dans la mesure où il est, lui aussi, sensible aux sédiments et à d’autres polluants, il constitue un indicateur particulièrement utile pour évaluer la qualité de l’eau.
Les macroinvertébrés sont des organismes visibles à l’oeil nu sans l’aide d’un microscope (d’où le préfixe «macro») et dépourvus de colonne vertébrale (d’où l’adjectif «invertébrés»). Les macroinvertébrés aquatiques vivent sur des roches au fond des rivières et des lacs et sont généralement dominés par des insectes (souvent au stade juvénile), des serpents, des vers d’eau, etc. Les macroinvertébrés benthiques jouent un rôle important dans la chaîne alimentaire fluviale, ainsi que dans le traitement des substances nutritives. Comme indiqué dans l’EDA, «la présence d’une faune abondante et diversifiée de macroinvertébrés aquatiques est importante pour le fleuve, car ces organismes assurent des fonctions essentielles pour l’écosystème», à savoir «le recyclage des matières organiques et les cycles de substances nutritives»  importantes pour la qualité de l’eau  et où ils tiennent une place de choix dans la chaîne alimentaire «à la fois pour les espèces aquatiques comme les poissons et pour les espèces terrestres (oiseaux, chauves-souris, amphibiens, certains reptiles, araignées et autres insectes)» (EDA, p. 109). «Les macroinvertébrés aquatiques sont considérés comme de bons bio-indicateurs de la qualité de l’eau ... dans la mesure où ils sont sensibles à la contamination et réagissent très rapidement aux modifications de la structure de la communauté ... de sorte qu’ils peuvent servir à estimer les indices biotiques» (EDA, p. 87 et 88).
Les fortes concentrations de sédiments en suspension ont un effet négatif sur les communautés d’algues et de macroinvertébrés du fleuve San Juan, comme le prouvent les différences entre les communautés écologiques établies respectivement dans les deltas de la rive septentrionale à l’embouchure des cours d’eau drainant les réserves forestières au Nicaragua (lesquels ne sont pas affectés par la route 1856) et dans les deltas de la rive méridionale (lesquels sont affectés par l’apport en sédiments associé à l’érosion provoquée par la route).
Comme indiqué dans le rapport de Blanca Ríos intitulé «Impacts écologiques de la route 1856 sur le fleuve San Juan» (2014), la biomasse de périphyton est environ deux fois plus abondante sur les deltas non perturbés de la rive septentrionale que sur les sites de la rive méridionale affectés par l’apport en sédiments associé à l’érosion provoquée par la route, avec
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des différences statistiquement significatives. Ríos a également établi la richesse et l’abondance nettement supérieures des espèces de macroinvertébrés  et, plus important encore, des EPT  dans les deltas de la rive septentrionale du San Juan par rapport à ceux de la rive méridionale affectés par l’apport sédimentaire en provenance de la route. Le sigle EPT désigne l’ordre des éphéméroptères (epheneroptera), celui des plécoptères (plecoptera) et celui des trichoptères (trichoptera), espèces connues pour être sensibles aux sédiments et autres polluants, et constituant par conséquent de précieux indicateurs de la qualité de l’eau.
Il convient de noter que le Costa Rica a inclus une tentative d’étude des macroinvertébrés dans son rapport intitulé «Diagnostic de l’impact sur l’environnement» (annexe 10). Comme expliqué par Ríos dans ledit rapport, cette étude ne répond pas aux normes internationales. Conçue et menée de manière médiocre, elle souffre en effet de nombreux défauts et ses conclusions ne sont même pas corroborées par ses propres données. Pourtant, elle reconnaît l’importance des macroinvertébrés et leur utilité en tant que bio-indicateurs (EDA, p. 87 et 88).
Dans mon rapport d’octobre 2013, j’ai présenté les résultats d’une étude initiale du périphyton et des macroinvertébrés benthiques réalisée sur la base d’échantillons prélevés dans des deltas s’avançant sur le fleuve San Juan à la fois depuis les rives septentrionale et méridionale. Dans les commentaires qu’il consacre à ces résultats, le professeur Thorne affirme :
«Ce qui n’est pas précisé, en revanche, c’est le point de savoir si ces sites se trouvent sur les deltas multiples que j’ai observés sur la rive nicaraguayenne du fleuve au début de ce même mois. Si tel est le cas, alors il est approprié de les comparer entre eux ; dans le cas contraire, la comparaison entre les échantillons prélevés sur les rives nord et sud est inappropriée.» (Annexe 9, par. 82.)
Sur la base des résultats de ce premier échantillonnage, Blanca Ríos a mené à bien  entre mars et mai 2014  un programme élargi d’échantillonnage portant sur huit sites (pour chaque rive du fleuve) dont elle présente les résultats dans son rapport.
L’affirmation gratuite du professeur Thorne pour qui «[l]es poissons et autres organismes aquatiques du San Juan n’ont aucune difficulté à vivre dans ses eaux turbides parce qu’ils y sont parfaitement adaptés» est non seulement contraire aux conclusions de tous les ouvrages scientifiques traitant des espèces de poissons et de macroinvertébrés qui peuplent le fleuve San Juan, mais également incompatible avec les récentes analyses d’échantillons prélevés dans le fleuve lui-même.
9. Les experts du Costa Rica comparent les apports de la route à des chiffres incertains concernant la charge sédimentaire totale
Lorsque le professeur Thorne affirme que l’apport sédimentaire de la route est négligeable, il ne le compare à un chiffre représentant avec exactitude la charge sédimentaire totale du fleuve San Juan. Andrews n’a pas manqué d’exposer dans son rapport les divers problèmes inhérents à une telle approche.
Le professeur Thorne adopte l’estimation de l’ICE (annexe 4) selon laquelle la charge solide totale du San Juan, c’est-à-dire après la construction de la route 1856, s’est élevée, entre 2010 et 2013, à 9 133 000 tonnes/an. Cette estimation représente la somme des estimations relatives à la charge des sédiments en suspension et à la charge de fond, respectivement. De sorte que toute erreur dans l’estimation de l’un de ces éléments entraîne l’énoncé d’un total erroné de la charge solide.
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Les valeurs de la charge totale présentées dans le rapport de l’ICE sont problématiques à bien des égards, notamment parce que l’estimation repose sur des données non représentatives et non fiables : une question analysée en détail par Andrews. A supposer même qu’elle soit fondée sur des données fiables, le professeur Thorne fait siennes les estimations exagérées (en raison d’une erreur dans le calcul de la charge de fond) de la charge solide du San Juan pour la période en cause.
Au moment d’estimer la charge de fond, la pente du fleuve est un facteur important. Cette pente se définit comme le dénivelé du cours d’eau au fur et à mesure de sa progression. Plus la pente est raide, plus l’énergie libérée pour éroder le lit et les rives et charrier les sédiments est importante. Le recours à une pente exagérée au moment de calculer le transport de la charge de fond aboutit à une surestimation. Or, l’estimation sur laquelle se base le professeur Thorne est celle présentée dans le rapport de l’ICE (annexe 4), qui prend comme hypothèse de départ une pente excessive. Cette erreur initiale se traduit par une estimation exagérée de la charge de fond (2 559 000 tonnes/an). Comme expliqué par Andrews, une fois la valeur excessive de la pente corrigée (et à supposer que les autres données de l’ICE soient correctes), la véritable charge de fond est égale à moins d’un septième de l’estimation fournie par le professeur Thorne9. Dans la mesure où cette même charge de fond est l’une des composantes de la charge solide totale, l’erreur commise dans le calcul effectué par l’ICE  et que Thorne répète  aboutit à une surestimation de ladite charge d’environ 30 %. Mende et Astorga commettent la même erreur dans l’annexe 5 au contre-mémoire lorsqu’ils comparent des estimations d’apports de sédiments associés à différentes caractéristiques de la route à ce qu’ils supposent être, sur la base du rapport de l’ICE, la charge solide totale du fleuve (p. 2). Le calcul par l’ICE de la charge de fond entre dans le total de la charge solide comparée par ces auteurs aux apports des sites que j’ai identifiés. En d’autres termes, les erreurs affectant ce calcul aboutissent à une sous-estimation de la contribution relative de la route à la charge solide du fleuve San Juan.
Il convient à ce stade de formuler une remarque complémentaire concernant les valeurs de la pente. Cette dernière se définit comme le dénivelé du cours d’eau au fur et à mesure de sa progression. Le fleuve San Juan passe d’une altitude de 32,7 m lorsqu’il sort du lac Nicaragua à une altitude zéro (niveau de la mer) sur une distance d’environ 190 km. Sa pente moyenne est donc de 32,7 m divisés par 190 000 m, soit environ 0,000172.
Comme indiqué plus haut, le professeur Thorne se fonde sur des calculs de la charge de fond reprenant les valeurs de pente erronées indiquées par l’ICE. Toutefois, dans son tableau 1, il répertorie les différentes portions du fleuve, en indiquant, pour chacune d’entre elles, son altitude et sa longueur, ainsi que son propre calcul de la pente. Il exagère d’ailleurs grandement celle-ci, puisqu’il affirme qu’elle est de 1 % ou légèrement inférieure à ce chiffre à certains endroits. Tout géomorphologiste d’expérience reconnaîtrait qu’une pente de 1 % est extrêmement forte pour un grand fleuve. Les valeurs de pente avancées par le professeur correspondent à une exagération, puisqu’elles sont entre 55 et 58 fois plus grandes que les valeurs réelles, comme indiqué dans le tableau C. Les conséquences de cette erreur sont importantes en ce sens que la pente du chenal est une variable fondamentale des fleuves qui a des incidences sur de nombreux processus hydrologiques, parmi lesquels le transport de la charge de fond, dont le calcul peut être faussé si l’on a recours à des valeurs de pente trop élevées.
9 Andrews a corrigé l’estimation par l’ICE de la charge de fond à la hauteur de Delta Colorado (considéré comme point de référence). En appliquant une valeur de pente incorrecte, l’ICE estime la charge de fond à 2 488 000 tonnes/an. En appliquant une valeur de pente correcte, Andrews parvient quant à lui à une estimation de la charge de fond de 330 000 tonnes/an. Le calcul erroné du rapport de l’ICE à l’endroit correspondant au niveau de référence de Delta Colorado constitue en effet l’élément essentiel de son estimation de la charge de fond du chenal principal du San Juan.
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Tableau C : Pente de certaines portions du fleuve San Juan telle qu’elle est indiquée par Thorne et valeurs corrigées
Portion*
Longueur* (km)
Dénivelé* (m)
Pente calculée par Thorne*
(m/m)
Calcul correct de la pente
(m/m)
Pente correcte (m/m)
Facteur d’erreur de Thorne
Río Frio  Río Pocosol
52,86
6,5
0,007
6,5/52 860 =
0,000123
56,9 fois trop élevée
Río Pocosol  Río San Carlos
52,67
7,7
0,008
7,7/52 670 =
0,000146
54,8 fois trop élevée
Río San Carlos  Río Sarapiquí
39,86
6,9
0,010
6,9/39 860 =
0,000173
57,8 fois trop élevée
Río Sarapiquí  Delta
22,04
3,8
0,010
3,8/22 040 =
0,000172
58,1 fois trop élevée
Delta  Mer des Caraïbes
32,35
5
0,009
5/32 350 =
0,000154
58,4 fois trop élevée
*Les chiffres correspondant à la portion, à la longueur, au dénivelé et à la pente calculée par Thorne sont ceux indiqués par Thorne dans son tableau 1.
10. Charge solide importante du San Juan
Thorne affirme que les niveaux élevés de la charge solide dans le fleuve San Juan sont naturels. Ceci est faux. La charge sédimentaire naturelle et réelle du fleuve aurait été beaucoup plus faible sans la déforestation et l’exploitation intensive des terres au Costa Rica.
Comme indiqué dans le rapport d’Andrews, la production sédimentaire naturelle médiane d’une forêt tropicale humide est d’environ un cinquantième du chiffre indiqué par le professeur Thorne pour le fleuve San Juan. Il est rare de rencontrer une production sédimentaire faisant plus d’un vingtième du chiffre cité par Thorne. Certes, cette production peut varier, mais pas au point de s’approcher de l’estimation de la charge solide actuelle du fleuve fournie par M. Thorne, laquelle est nettement supérieure à ce qu’on est en droit d’attendre d’un paysage forestier dans cette région. L’explication de cette disparité tient à la déforestation sauvage et à la conversion des sols sur un terrain extrêmement érodable dans les bassins costa-riciens du San Carlos et du Sarapiquí.
Andrews présente des preuves et des documents scientifiques concernant l’utilisation des sols qui a conduit à la charge solide anormalement élevée observée dans le San Juan. L’EDA (annexe 10) cite également de nombreuses preuves attestant de cette déforestation à grande échelle au Costa Rica (voir notamment les pages 39, 45, 46, 58 et 66).
Compte tenu du fait que la production sédimentaire du San Juan antérieure à la déforestation ne représentait probablement qu’un vingtième ou un cinquantième de la production actuelle, la part de cette production attribuable à la route 1856 constitue une proportion nettement supérieure de la charge solide naturelle du fleuve.
11. Impact morphologique de la route 1856
Le Costa Rica fait valoir que les sédiments associés à l’érosion provoquée par la route 1856 représenteraient l’équivalent «d’un simple grain de sable» en cas de dépôt dans le delta du San Juan. Même si l’image est forte, l’argument déforme considérablement les faits et s’avère fallacieux sur deux points importants.
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Le Costa Rica cite un volume de sédiments généré par l’érosion de la route 1856 en le présentant comme s’il s’agissait d’un volume différent des taux de fonds naturels, c’est-à-dire en ignorant le volume beaucoup plus important de sédiments généré par l’érosion des zones déboisées du Costa Rica et charrié par les affluents du San Juan. La déforestation et l’utilisation médiocre des terres ont provoqué une augmentation de la productivité sédimentaire des affluents costa-riciens qui représente 20 à 50 fois les taux de fonds naturels [Andrews 2014 : section IV(A)]. La combinaison des sédiments en provenance de la route et d’une augmentation de la productivité sédimentaire ayant des causes artificielles de ces affluents costa-riciens représente la vraie différence avec les conditions naturelles et celle qui devrait donc être choisie en vue de procéder à une comparaison pertinente.
Deuxièmement, l’image du «simple grain de sable» implique que les sédiments seraient répartis uniformément sur le lit, ce qui n’est ni plausible ni réaliste sur le plan géomorphologique. Lorsque des sédiments sont charriés par un système fluvial, certains continuent en aval vers la zone côtière. Parmi ceux qui se déposent dans le chenal du fleuve, la plupart s’empilent (ou s’agglomèrent par accrétion) pour former des bancs distincts soit au milieu du chenal soit sur les bords, en fonction des conditions hydrauliques locales et d’autres facteurs.
Parmi les autres endroits où les sédiments se déposent fréquemment figurent les zones à faible vélocité, notamment le long des rives du fleuve ou aux endroits où le courant est ralenti par des îles ou d’autres formations. Au fur et à mesure que les sédiments se déposent (ou «s’agglomèrent par accrétion») le long du bord des îles et/ou de la rive du fleuve, ils peuvent finir par combler l’espace entre l’île et la rive et causer la fusion, provoquée par un accroissement artificiel de la charge solide, de ces deux formations.
Les deltas fluviaux sont des sites de dépôt naturel des sédiments, car ils sont caractérisés par une diminution de la pente du fleuve et la division du cours d’eau en plusieurs chenaux «défluents». Le delta lui-même est le résultat d’un dépôt. Toute augmentation de la quantité de sédiments parvenant en haut du delta peut provoquer l’obstruction d’un ou plusieurs chenaux défluents, modifier la ramification du fleuve et bouleverser sa morphologie.
On peut voir un autre type de deltas le long du fleuve San Juan : il s’agit de formations qui apparaissent lorsqu’un affluent doté d’une pente supérieure rejoint le chenal principal. Comme c’est le cas lors du ralentissement du débit d’un fleuve lorsqu’il pénètre dans la mer, le courant de ces affluents diminue, ce qui provoque le dépôt de sédiments. Les sédiments grossiers (graviers et sable) sont les premiers à se déposer et à former des deltas. Ces formations apparaissent à la confluence des affluents  de taille petite ou moyenne  dont le débit est suffisant pour charrier les sédiments sur l’affluent concerné lui-même, lequel coule en forte pente jusqu’à la jonction avec le lit principal du San Juan où le débit ralentit, ce qui provoque leur dépôt. (Les gros affluents comme le San Carlos et le Sarapiquí ne forment pas de deltas, parce que leur débit est plus comparable à celui du chenal principal du San Juan et que leur charge solide est nettement plus importante. En aval de Boca San Carlos, le fleuve San Juan comporte beaucoup plus de bancs de sable, d’îles et de hauts-fonds.) Le long de la rive méridionale du fleuve, de nombreux deltas se sont formés en raison de l’accrétion de grandes quantités de sédiments provenant de l’érosion de la route 1856. Dans certains cas, ces sédiments sont venus s’ajouter aux deltas préexistants de cours d’eau naturels, tandis que, dans d’autres, il s’agit de formations entièrement nouvelles qui s’étendent désormais dans le fleuve San Juan depuis la rive méridionale. Les deltas formés par les sédiments arrachés à la route par l’érosion apparaissent clairement sur les images aériennes obliques comme celle reproduite à la figure 10b, qui montre un delta constitué de sédiments générés par l’érosion d’un passage de cours d’eau situé à 18 km en aval de la borne no II (point d’érosion marquée no 9.4).
L’appendice F décrit des exemples de deltas formés par des sédiments en provenance de la route. Premièrement, un diagramme montre en plan (en regardant vers le sud) et en coupe (en regardant vers l’amont) comment les deltas se forment dans le chenal principal du fleuve
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San Juan au moyen de sédiments transportés depuis une source telle que la route 1856 touchée par l’érosion. L’appendice décrit ensuite le delta du point d’érosion marquée no 9.6 (situé à 18,2 km en aval de la borne no II) en recourant à des photographies et à des mesures relevées sur le terrain. Lorsqu’il a été mesuré le 30 mars 2014, ce delta faisait environ 21 m de long (dans une direction parallèle au fleuve), 15 m de large (ce qui paraît normal compte tenu de la taille du fleuve) et dépassait la surface des eaux du fleuve de 2 m. On trouve ensuite des photographies décrivant le delta du point 9.5 (lequel a des dimensions analogues à celui du point no 9.6). Le delta du point no 9.4 a la même forme que les deux précédents, si ce n’est qu’il est plus allongé (il fait 25 m de long, 10 m de large et dépasse la surface des eaux du fleuve de 1,8 m). Les points d’érosion marquée no 8.1 et 8.2 ont également produit des deltas, mais de plus petite taille. Sur le s point d’érosion marquée no 9.7, un autre delta  moins allongé  s’est formé ; il fait 25 m de long, 21 m de large et dépasse la surface des eaux du fleuve de 1,7 m. De même, près du point d’érosion marquée no 9.7, on trouve un delta supplémentaire qui fait 30 m de long, 13 m de large et dépasse la surface des eaux du fleuve de 1,6 m. Enfin, Caño Venado est un cours d’eau naturel dont le delta a reçu un large volume de sédiments en provenance de la route 1856, comme l’atteste la couleur distinctive rouge des sédiments que l’on retrouve sur la plus grande partie de cette formation.
Le fait que l’on ait laissé des sédiments provenant de la route 1856 pénétrer dans le fleuve San Juan en quantité suffisante pour former des deltas visibles et de grandes dimensions reflète le manque de planification du projet et l’absence de garanties environnementales les plus élémentaires et de bonnes pratiques de construction, ainsi que de toute mesure efficace de contrôle de l’érosion et de stabilisation des talus. Cette manière de procéder est inacceptable à tous égards.
Dans son Rapport sur le risque de dommages irréversibles au fleuve San Juan lié à la construction de la route frontalière au Costa Rica (novembre 2013), reproduit à l’annexe 9 du contre-mémoire, le professeur Thorne fait remarquer l’existence de deltas le long de la rive septentrionale du fleuve, ainsi que de sa rive méridionale, et précise qu’une partie des deltas de la rive septentrionale sont plus importants que ceux de la rive méridionale, ce qui semblerait remettre en question la thèse selon laquelle la plupart des sédiments constituant ces derniers proviendraient de la route. Dans son rapport de décembre 2013, Thorne réitère cet argument et présente des photographies aériennes obliques  extraites de mon rapport de 2012  en minimisant la taille des deltas représentés et en mentionnant «leurs petites dimensions et leur insignifiance morphologique» comparées à celles des deltas qu’il a lui-même photographiés sur des sites et à des dates non précisés au cours du mois de mai 2013 (p. 95, vol. I : 241). Le professeur Thorne omet cependant de rappeler qu’un delta a plus de chances d’atteindre une taille importante en période de basses eaux, car en période de hautes eaux il est en grande partie immergé et donc invisible. Il serait trompeur de comparer les deltas tels qu’ils apparaissent sur les photographies de mon rapport de 2012 (prises le 18 octobre 2012, c’est-à-dire en période de hautes eaux) avec les deltas tels qu’ils apparaissent sur les deux photographies prises à une date non précisée au cours du mois de mai 2013 (c’est-à-dire à une époque de l’année où les eaux sont beaucoup plus basses). Malgré l’absence de mesures continues du débit pour 2012 et 2013, le débit moyen estimé est de 498 m3s-1 à la hauteur d’El Castillo et de 1434 m3s-1 sous la confluence avec le Río Sarapiquí pour le mois d’octobre, comparé à seulement 235 m3s-1 à la hauteur d’El Castillo et à 791 m3s-1 sous le Río Sarapiquí en mai (OAS 1997). Par conséquent, le débit serait environ deux fois plus important en octobre qu’en mai, de sorte que les deltas apparaissant sur mes photographies d’octobre 2012 étaient nettement plus immergés que ceux photographiés en mai 2013.
Le professeur Thorne essaie de tirer tout le parti possible de l’existence de deltas sur la rive nicaraguayenne du fleuve et présente 13 photographies de formations de ce type qu’il affirme avoir été prises sur la rive septentrionale du fleuve San Juan (mais à des endroits dont le Costa Rica s’est révélé incapable de fournir les coordonnées, voire d’indiquer «l’emplacement approximatif»). Plusieurs affluents drainent les sédiments produits par la réserve forestière
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nicaraguayenne située sur la rive septentrionale du fleuve, et on trouve des deltas naturels à l’embouchure de certains d’entre eux. La présence de deltas naturels sur la rive septentrionale du San Juan ne change rien au fait que bon nombre des deltas de la rive méridionale sont soit des caractéristiques naturelles (auquel cas ils subissent actuellement de plein fouet l’impact de la charge solide artificielle générée par l’érosion de la route 1856), soit des formations nouvelles résultant de l’apport d’un volume considérable de sédiments en provenance de la route et sans relation aucune avec la largeur des cours d’eau en cause. Il est possible de distinguer nettement, sur de nombreuses photographies aériennes obliques, que les sédiments formant les deltas proviennent de l’érosion de la route (voir notamment les figures 10b et 15b).
Ces deltas se distinguent des deltas naturels dans la mesure où ils sont constitués de sédiments ayant très souvent une teinte rougeâtre, car ils proviennent d’un substrat rocheux très érodé amené sur place en vue de la construction de la route (ou arraché par l’érosion aux talus de déblai exposés). Ces sédiments de couleur rougeâtre facilement friables (que nous avons qualifiés précédemment de «clastes angulaires et friables») correspondent aux pentes érodées en profondeur d’où les sédiments ont été récemment arrachés. Lesdites clastes se distinguent des graviers «compétents» et plus arrondis que l’on trouve généralement dans un cours d’eau naturel et qui prédominent dans les deltas de la rive septentrionale du fleuve.
Le professeur Thorne suggère que les deltas récemment formés de sédiments arrachés par l’érosion à la route offrent «de nouvelles niches et de nouveaux habitats ouverts pour les espèces végétales pionnières» (Thorne, paragraphe 9.9). Toutefois, ces deltas se forment au-dessus d’un «dépôt résiduel» constitué de sédiments plus grossiers (graviers, sable), c’est-à-dire la fraction de la charge solide qui se dépose lorsque les sédiments pénètrent dans le fleuve. Une fois le delta constitué, un chenal se forme avec une pente suffisante pour charrier les sédiments grossiers de la rive vers le chenal principal où les eaux sont plus profondes et les courants plus forts. En règle générale, ces sédiments plus grossiers dans le delta représentent au plus un faible pourcentage de la charge solide totale transitant par ce point. La charge solide anormalement importante de sédiments en suspension passant au-dessus du delta affecte la communauté benthique, comme indiqué dans les résultats de l’étude écologique menée par Blanca Ríos, mentionnée plus haut. Par conséquent, alors que les nouveaux deltas fournissent un substrat au périphyton (c’est-à-dire les algues et autres organismes croissant à la surface des graviers et des roches) et aux macroinvertébrés, ils sont soumis à des apports anormalement élevés et délétères de sédiments en suspension qui provoquent l’apparition de communautés d’algues et de macroinvertébrés reflétant la détérioration de la qualité des eaux.
12. Risques d’accroissement des apports de la route 1856
Le professeur Thorne affirme avoir «reconnu que l’érosion et l’apport sédimentaire enregistrés ont été relativement peu importants jusqu’à présent», sans indiquer un numéro de paragraphe ou de page à l’appui de ses propos (paragraphe 4.5 repris de l’annexe 9, p. 16). Je ne pense pas et je n’ai jamais pensé que l’érosion enregistrée jusqu’à présent est «peu importante». Le volume des sédiments apportés jusqu’à aujourd’hui au fleuve San Juan est important et n’est faible que par rapport à celui prévu lorsque s’abattront les pluies intenses qui accompagnent les orages tropicaux, ouragans et autres événements climatiques du même type, lesquels pourraient provoquer des glissements de terrain sur les talus de déblai et de remblai déstabilisés, comme le prouvent plusieurs études scientifiques (voir, par exemple, Larsen et Parks 1997, Larsen et Roman 2001, Glide 2003).
Ouragans et tempêtes tropicales
Le professeur Thorne conteste ma prévision d’accroissement des taux d’érosion en cas de fortes précipitations associées à de futures tempêtes, en faisant valoir que la région ne
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connaît pas d’ouragans et qu’un ouragan ou une tempête tropicale s’abattant sur le San Juan,
serait en fait «un événement sans précédent, [donc] très improbable» (Thorne, par. 6.20).
Pourtant, il est faux d’affirmer que le fleuve n’a jamais connu d’ouragans ou de tempêtes
tropicales. En 1971, l’oeil des ouragans Irene et Olivia est passé juste au nord du San Juan, et
de nombreux documents attestent que des tempêtes tropicales s’abattent sur la région et
peuvent produire un niveau de précipitations suffisant pour déclencher des glissements de
terrain.
Selon le professeur Thorne, le site Internet de l’Agence des Etats-Unis d’Amérique
chargée des questions océanographiques et atmosphériques [National Oceanographic and
Atmospheric Administration (NOAA)] ne fait état «d’aucun d’aucun ouragan ni d’aucune
tempête tropicale ayant jamais frappé le Costa Rica». Il fonde son affirmation sur une carte
postée sur ce site Internet et reproduite au paragraphe 6.20 de son rapport. Affirmer que le
Costa Rica n’a jamais été frappé par un ouragan n’est pas la même chose que prétendre que le
fleuve San Juan n’a jamais été touché par un ouragan ou une tempête tropicale. En tout état de
cause, le professeur Thorne lui-même a déclaré antérieurement que les bassins costa-riciens
fournissant de l’eau et des sédiments au fleuve San Juan «sont exposés à des éléments
extrêmes, notamment … des ouragans» (2011 Thorne, p. vi).
Parmi les exemples des fortes pluies qui peuvent s’abattre sur le fleuve San Juan et ses
bassins versants figure la tempête tropicale ayant soufflé du 6 au 11 mai 2004 et généré un
niveau de précipitation supérieur à 200 mm sur une zone d’environ 400 x 200 km, avec des
pluies très fortes sur les bassins des affluents costa-riciens du fleuve (et notamment du
Río San Carlos et du Río Sarapiquí) (figure 32). Plus de 2000 personnes ont été contraintes
d’évacuer la région et l’inondation a fait une victime (NASA 2014).
Figure 32 : Fortes précipitations associées à une onde tropicale venue de l’est, 6 au
11 mai 2004. Source : US National Aeronautics and Space Administration (NASA).
Ce document peut être consulté à l’adresse suivante :
http://eoimages.gsfc.nasa.gov/images/imagerecords/13000/13158/
CostaRica_RMM2004132_lrg.jpg (consulté en juillet 2014)
Le parcours de l’oeil des ouragans  tel qu’il est indiqué sur la carte de la NOAA
reproduite par le professeur Thorne  ne permet pas d’apprécier l’étendue des zones affectées
par ces événements climatiques. Ladite zone est bien entendu plus large que la trace de l’oeil
6 au 11 mai 2004
pouces
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et fait en règle générale au moins 200 km de large. L’oeil de l’ouragan Mitch de 1998 a traversé le Honduras et le Guatemala, à quelque 300 km au nord du fleuve San Juan, ce qui n’a pas empêché sept personnes de périr dans les inondations provoquées au Costa Rica, surtout dans la partie nord-est du pays, et contraint plusieurs milliers d’autres à quitter leurs maisons NOAA, 1999).
J’ai formulé cette remarque dans mes Observations sur les éléments produits par le Costa Rica de novembre 2013 (p. 5 et 11) en réponse à l’argument avancé par le professeur Thorne dans l’annexe 9. Bien qu’il ait réitéré ses déclarations erronées et trompeuses relatives aux ouragans dans son dernier rapport, l’intéressé a cru bon d’ajouter une réponse à ma critique. Il reconnaît désormais que «le Costa Rica a été touché par des ouragans passant au nord du pays» et cite nommément Joan, Mitch et Stan, tout en soulignant que ces ouragans, dans le bassin du San Juan, «n’avaient … rien d’exceptionnel et étaient peu susceptibles de causer des ravages étendus, parce que le bassin du fleuve San Juan reçoit des pluies abondantes presque tous les ans et l’hydrologie, la dynamique sédimentaire, la morphologie et l’environnement du fleuve sont tout à fait adaptés aux effets de pluies fréquentes et fortes» (Thorne, 6.20).
Le professeur Thorne a cependant tort de suggérer que le niveau des précipitations enregistré au Costa Rica pendant les ouragans Joan, Mitch et Stan n’avait «rien d’exceptionnel». Il se fonde sur une lettre du directeur général de l’Institut météorologique national costa-ricien (annexe 68 du contre-mémoire du Costa Rica) pour fournir des détails concernant les précipitations enregistrées au Costa Rica pendant chacune de ces tempêtes. Selon ladite lettre, la plus récente des trois tempêtes  à savoir l’ouragan Stan  s’est abattue sur le Costa Rica entre le 2 et le 5 octobre 2005 et a provoqué pendant cette période de quatre jours des précipitations variant entre 15 mm (sur la côte des Caraïbes) et 150 mm dans la zone du Sarapiquí. Des précipitations de 150 mm en quatre jours  soit une moyenne de 37,5 mm/jour  correspondent à un niveau élevé. Les niveaux indiqués dans l’annexe 68 pour l’ouragan Joan sont encore plus élevés : 20 à 250 mm du 20 au 23 octobre 1998. La moyenne journalière pendant cette période de quatre jours se situe donc, selon les endroits, entre 5 et 62,5 mm par jour. Il s’agit là, par définition, de niveaux élevés qui se sont révélés suffisants pour provoquer une inondation ayant coûté la vie à sept personnes et contraint des milliers d’autres à quitter leur maison dans le nord-est du Costa Rica (NOAA, 1999).
Le professeur Thorne a également tort de prétendre que des pluies comparables à celles reçues pendant les ouragans survenus jusqu’à présent
«étaient peu susceptibles de causer des ravages étendus, parce que le bassin du fleuve San Juan reçoit des pluies abondantes presque tous les ans et l’hydrologie, la dynamique sédimentaire, la morphologie et l’environnement du fleuve sont tout à fait adaptés aux effets de pluies fréquentes et fortes» (Thorne, par. 6.20).
Que le fleuve soit ou non «tout à fait adapté» aux effets des pluies fréquentes et fortes, nul ne saurait prétendre que le San Juan et son environnement sont tout à fait adaptés aux impacts que la pluie produira maintenant que la route 1856 existe. En mai 2014, aucune pluie d’une telle intensité ne s’était encore abattue sur la route et sur ses talus de déblais et de remblai instables et nus, lesquels ont pourtant déjà connu une forte érosion et été le théâtre de l’écroulement de passages de cours d’eau, et ce, alors que les dernières années ont été relativement sèches.
Le professeur Thorne affirme également que, si un ouragan «devait frapper directement le bassin du fleuve, il en résulterait probablement des dommages massifs, notamment des inondations et des glissements de terrain qui toucheraient toute la région. En pareil cas, les dommages seraient très importants et très étendus, que la route existe ou non» (Thorne, 6.21). En fait, cet argument peut être résumé comme suit : les choses iront si mal que nous ne remarquerons même pas les glissements de terrain supplémentaires provoqués par la route.
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On peut admettre que les dommages provoqués par un ouragan «seraient très importants et très étendus, que la route existe ou non», mais les zones perturbées par la route 1856 courent un risque de glissement de terrain bien plus important que les forêts intactes. La littérature scientifique est parfaitement claire sur ce point : en cas de fortes précipitations, les zones perturbées par la construction d’une route et d’autres travaux de terrassement connaissent une érosion et des glissements de terrain plus graves que les sites non perturbés (voir plus haut).
Alors que la plupart des pentes naturelles résistent aux fortes pluies accompagnant un ouragan, les pentes éventrées par la construction de talus de déblai et de remblai sont extrêmement vulnérables à l’effondrement à la fois des talus de déblai (en raison de leur pente excessive et de la résurgence des eaux souterraines) et de remblai (en raison de leur équilibre instable). Nombreuses sont les études qui font état d’une aggravation des dommages provoqués par les ouragans ou la mousson lorsque le paysage a été perturbé par la construction d’une route et par la déforestation par rapport aux dommages pouvant être infligés par ces événements climatiques à des pentes naturelles. Par exemple, des études menées en Nouvelle-Zélande (et compilées par Glade (2003)) démontrent que les pentes perturbées par l’activité de l’homme (que celle-ci revête la forme d’une déforestation, de la construction d’une route, etc.) sont nettement plus vulnérables aux glissements de terrain que celles recouvertes de la flore native, ou même que celles ayant fait l’objet d’une opération de reboisement (voir notamment Parkner et al., 2006). L’un des exemples les mieux documentés de l’effet du défrichement sur la vulnérabilité à l’érosion est celui des conséquences du cyclone tropical Bola s’étant abattu en 1988 sur la région de East Cape, située sur l’île du Nord, e, Nouvelle-Zélande, laquelle a connu des glissements de terrain d’une intensité et d’une ampleur plusieurs fois supérieures sur les terres ayant été perturbées par l’homme que sur les sols recouverts de flore native ou même des zones déboisées (Hicks 1991, Kansai et al. 2005). En Jamaïque, Maharaj (1993) a mis en évidence un lien étroit entre les glissements de terrain provoqués par les pluies et la perturbation engendrée par une route, de même que Douglas (1967) et Tan (1984) en Malaisie ou bien Larsen et Parks (1997) ou Larsen et Roman (2001) à Porto Rico.
On peut s’attendre à ce que de fortes pluies se produisent et à ce que les zones déstabilisées par la route connaissent en conséquence des glissements de terrain beaucoup plus fréquents et plus graves que les zones qui n’ont pas été touchées par le projet routier, toutes choses égales par ailleurs. Faute d’enlèvement des accumulations massives de remblai le long de la route 1856 (comme celles qui ont été observées aux points d’érosion marquée no 9.4, 9.5 et 9.6, de même qu’à d’autres endroits) et de stabilisation des talus de déblai stabilisés, d’importantes quantités de sédiments risquent d’être entraînées soudainement dans le fleuve San Juan lors de fortes pluies.
Tremblements de terre
Le déboisement et le déplacement de terre à l’occasion de travaux de construction routière entraînent la déstabilisation de talus auparavant stables en retirant le couvert végétal, en brisant la structure des sols et en accroissant la déclivité. De plus, une fois la végétation disparue, les racines profondes commencent à se décomposer (habituellement après quelques années), ce qui déstabilise encore davantage les talus en les privant du renfort des racines. Les talus ainsi affaiblis sont susceptibles de connaître des glissements de terrain beaucoup plus fréquents que les pentes naturelles. Parmi les événements susceptibles de déclencher un glissement de terrain, il convient de mentionner les pluies intenses qui saturent les pentes et réduisent le maintien par friction des particules du sol, facilitant ainsi le déplacement du glissement. Les secousses associées aux tremblements de terre, qui peuvent détacher la masse touchée par le glissement et entraîner son déplacement, sont aussi un facteur important de «déclenchement».
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Les tremblements de terre constituent une cause potentielle importante de glissements de terrain le long du fleuve San Juan. La région est connue pour être sismiquement active, comme le reconnaît le professeur Thorne dans plusieurs passages de son rapport de 2011 (voir, par exemple, les pages vi et II-9 dudit rapport) ; l’intéressé déclare notamment que les bassins versants costa-riciens qui fournissent de l’eau et des sédiments au fleuve San Juan «sont exposés à des éléments extrêmes, notamment … des tremblements de terre» (Thorne 2011, p. vi).
La fréquence des tremblements de terre dans la région est attestée par l’annexe 2 au contre-mémoire du Costa Rica en ces termes (p. 14) :
«Certains sites et certaines dates [dans les prévisions des opérations de plantation] ont dû être modifiés pour des raisons de force majeure. Par exemple, le pont enjambant le Río Sucio s’est écroulé sous l’effet du tremblement de terre Sámara. Par conséquent, il a fallu déplacer des opérations programmées à Delta Colorado et La Trinidad au Costa Rica ; elles ont été réalisées à l’embouchure du San Carlos.»
Selon l’EDA (annexe 10, p. 33),
«en 2012 et après le tremblement de terre Sámara du 5 septembre 2012, neuf secousses sismiques ont été enregistrées le long du fleuve Colorado, près de la frontière nicaraguayenne, avec des magnitudes (exprimées en MW) comprises entre 3,1 et 3,9 (Barquero 2013). L’alignement des épicentres de cette activité sismique coïncide avec le cours du fleuve Colorado (le long d’un axe nord-ouest sud-est), ce qui suggère la présence d’une faille active. Cette activité sismique récente pourrait accélérer des processus exogènes et accroître le taux de sédimentation des affluents du San Juan.»
13. Observations finales
Les tentatives de construction de la route 1856 le long de la rive méridionale du San Juan ont déstabilisé les pentes proches de ce cours d’eau et provoqué l’apport de grandes quantités de sédiments au fleuve, ce qui n’a pas manqué d’avoir des effets sur son environnement. Le projet de construction a été caractérisé par un défaut de planification, l’absence d’analyse de l’environnement et des pratiques de construction déficientes. A l’aune des normes internationales de protection de l’environnement, la déstabilisation du paysage par la construction de la route 1856, ainsi que l’érosion et l’apport de sédiments qui en ont résulté, devrait être considérée comme un impact inacceptable.
Le Costa Rica avance que les sédiments arrachés par l’érosion à la route ne constituent qu’une petite fraction de la charge solide totale du fleuve. Outre les autres problèmes analysés plus haut sur la base de documents, cet argument passe à côté d’un point essentiel : la charge solide du San Juan se compose principalement de sédiments générés par l’érosion associée à la déforestation et à la perturbation continue et incontrôlée de sols volcaniques érodables, principalement dans les bassins du San Carlos et du Sarapiquí. De plus, le Costa Rica a surestimé le transport de la charge de fond du fleuve en commettant des erreurs fondamentales et en introduisant un biais dans les calculs et les estimations (Andrews, 2014). Plus important encore, il a sous-estimé l’érosion provoquée par la route en sélectionnant des sites de suivi situés hors des tronçons de la route 1856 sévèrement touchés par l’érosion et en se gardant de déclarer les dimensions des points d’érosion marquée. Pour résumer, le Costa Rica a soumis des rapports visant à montrer que la route n’a pas d’impact appréciable sur le fleuve San Juan. Il s’avère cependant, à l’issue d’une inspection minutieuse, que ces rapports contiennent des erreurs fondamentales et, par conséquent, ne sauraient être considérés comme des preuves scientifiques plausibles.
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Les rapports soumis par le Costa Rica suggèrent également que les conditions se seraient améliorées le long de la route 1856. Pourtant, cette érosion a visiblement augmenté depuis qu’il m’a été donné de l’observer pour la première fois en octobre 2012. Cette augmentation et l’apport de grosses quantités de sédiments au fleuve San Juan sont manifestes sur les séquences de photographies aériennes (prises par hélicoptère) et d’images satellite (exemptes de nuages) devenues disponibles.
Dans son état actuel, la route 1856 n’est pas complète et ne saurait être empruntée, sauf sur de petits tronçons qui posent eux-mêmes des problèmes de sécurité. Un risque important de déversement accidentel de produits pétroliers, engrais chimiques, herbicides et autres pesticides pèse sur le fleuve San Juan, dans la mesure où un camion transportant des matières dangereuses pourrait se renverser en cas d’écroulement d’un talus de remblai ou d’un passage de cours d’eau (des effondrements de ce type se sont déjà produits et se multiplieraient sous l’effet conjugué de fortes pluies et du passage de camions lourdement chargés) ou bien en raison de la déclivité exagérée et de virages trop serrés sur certains tronçons. Les problèmes inhérents aux pentes peu sûres et instables et aux passages de cours d’eau déficients sont décuplés par l’extrême proximité entre le fleuve San Juan et la route 1856 sur la majeure partie de son tracé.
Pour réduire le danger posé par la route 1856, il faudrait que des ingénieurs en voirie qualifiés l’inspectent et l’analysent objectivement. Sur certains tronçons, tels que ceux situés au sommet de talus abrupts proches de la rive du fleuve, la route devrait être déplacée à l’intérieur des terres de manière à emprunter un itinéraire moins risqué, et les portions endommagées du paysage réparées en stabilisant les talus de déblai et en évacuant le matériau de remblai afin de réduire le plus possible tout futur apport de sédiments au fleuve San Juan. D’autres parties de la route pourraient probablement être stabilisées sur le parcours actuel au prix d’un réalignement mineur, mais des mesures énergiques s’imposent pour stabiliser et protéger également ces tronçons.
___________
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ANNEXE 2 «EVALUATION DE L’EROSION, DE L’IMPACT SUR L’ENVIRONNEMENT ET DE LA REMISE EN ETAT DE CERTAINS TRONÇONS DE LA ROUTE 1856 (ROUTE JUAN RAFAEL MORA PORRAS) AU COSTA RICA, LE LONG DU FLEUVE SAN JUAN, NICARAGUA» DANNY HAGANS ET BILL WEAVER, CONSULTANTS EN GÉOMORPHOLOGIE PACIFIC WATERSHED ASSOCIATES, INC. 1652 HOLLY DRIVE, MCKINLEYVILLE CA 95519 JUILLET 2014
I. Introduction
La route 1856 se trouve, en nombre d’emplacements entre la borne no II et le San Carlos, dans un état de délabrement désastreux et affiche les symptômes d’une grave instabilité depuis le début de la construction en 2011. La plupart des tronçons en proie à l’érosion la plus forte et les plus négligés se situent le long des 25 km de la route 1856 où les efforts de construction se sont déroulés sur des pentes abruptes à très faible distance du fleuve San Juan (figure 1). L’examen de paires de photographies aériennes obliques prises depuis un hélicoptère en octobre 2012 et en mai 2014 révèle une érosion généralisée, continue et persistante, constatée sur divers tronçons de la route, par l’effet conjugué de glissements de terrain, de l’érosion fluviale (en ravines) et de l’érosion de surface (voir l’appendice A : inventaire 23 de l’érosion en nappe 11 x 17 le long du fleuve). Ces photographies, lorsqu’on les compare aux images satellite haute résolution de décembre 2013, révèlent des processus actifs d’érosion à grande échelle sur certains talus de déblai et de remblai et à plusieurs passages de cours d’eau importants situés le long de la route, où l’utilisation de cette voie par le public ou à des fins commerciales devrait être considérée comme dangereuse.
La plupart des tronçons de la route et des passages de cours d’eau que nous avons observés sont touchés à divers degrés par une érosion active et continue qui découle d’insuffisances dans la planification (emplacement), la conception, la construction, le contrôle de l’érosion et les méthodes d’entretien. L’impact de l’érosion observée est d’une ampleur extraordinaire, surtout si l’on considère le niveau très moyen des précipitations que la route a connues au cours des trois années qui se sont écoulées depuis le début de la construction (voir Kondolf, 2014). Il conviendrait de prendre immédiatement des mesures d’urgence pour endiguer, dès maintenant et pour l’avenir, l’érosion et le dépôt de sédiments dans le fleuve San Juan, ces mesures d’urgence devant se voir accorder la priorité absolue par toutes les parties concernées.
Sur la base de notre expérience considérable en matière de contrôle et de normalisation des processus d’érosion des forêts, des exploitations agricoles et des routes rurales  en vue de protéger la qualité de l’eau  à la fois sur les réseaux routiers public et privé, nous recommandons au gouvernement costa-ricien d’adopter immédiatement les mesures d’urgence d’atténuation de l’érosion et de contrôle des sédiments suivantes. Ces mesures incluent des initiatives conçues pour atténuer et prévenir les dommages inhérents à : 1) l’instabilité des talus de remblai et les mouvements de terrain, 2) l’érosion et l’effondrement des passages de cours d’eau, 3) l’instabilité des bords de déblai et les mouvements de terrain et 4) l’érosion de surface provoquée par les carrières, la chaussée, les talus de déblai, les talus de remblai et les autres surfaces de sol nu. Ces mesures sont considérées comme un minimum pour contrôler l’impact continu et réduire le risque et l’ampleur des futurs apports de sédiments au fleuve San Juan provoqués par les travaux de voirie actuels, ainsi que pour rendre la route sûre en vue d’une utilisation commerciale et publique future. Leur mise en oeuvre devrait être supervisée par des ingénieurs et des géologues qualifiés, spécialement formés à cet effet et ayant l’habitude des projets de remise en état de routes et de contrôle de l’érosion.
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Figure 1 : Carte montrant la route aux endroits où elle traverse un terrain escarpé à faible distance du fleuve San Juan et où il conviendrait d’évaluer l’opportunité d’une modification du tracé
Route d’accès
Route d’accès
no
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Figure 1 : Carte montrant la route aux endroits où elle traverse un terrain escarpé
à faible distance du fleuve San Juan et où il conviendrait d’évaluer
l’opportunité d’une modification du tracé
Nombre de kilomètres en aval de la borne no II
Endroits où la route traverse un terrain abrupt à moins de 100 m du fleuve San Juan
Endroits où la route traverse un terrain abrupt à moins de 50 m du fleuve San Juan
Endroits où la route traverse un terrain peu accidenté
Route
d’accès
Route
d’accès
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II. Erosion massive des passages de cours d’eau telle qu’elle transparaît sur des images aériennes séquentielles dans le temps
Les exemples suivants d’effondrement et d’érosion actifs de pentes, de talus de déblai et de remblai et de points de passages de cours d’eau situés le long de la route en amont de Boca San Carlos illustrent la grave insuffisance et l’absence quasi totale d’efforts de contrôle de l’érosion aux endroits où la route se dégrade, au cours des deux années ayant suivi notre première visite sur le site de la route 1856. Ces exemples témoignent également de taux et de volumes d’érosion nettement supérieurs à ceux revendiqués précédemment par Mendes et Astorga (2013). En outre, faute d’application de quelque norme de conception et de construction le long de la route, des tronçons extrêmement instables ont été construits, qui continueront à subir l’effet de l’écroulement des pentes et à provoquer le dépôt de sédiments formés par l’érosion dans le fleuve San Juan pendant les décennies à venir. Dans leur état actuel de délabrement, ces tronçons de route représentent un danger grave pour la circulation des véhicules à usage commercial et les transports publics, et il faudra débloquer des ressources financières importantes pour les condamner convenablement ou bien pour modifier leur conception et les reconstruire, de même que beaucoup d’autres endroits observés le long de la route 1856, afin de les rendre propres à l’usage public et de protéger également les ressources nicaraguayennes.
A. Trois passages de cours d’eau le long de la route 1856 : problèmes et solution recommandée
Les figures 2, 3 et 4 illustrent trois exemples de passage de cours d’eau très mal conçus, construits et entretenus le long de la route 1856 dans la zone connue sous le nom de Las Crucitas (située approximativement entre les kilomètres 17,5 et 19 en aval de la borne no II). Les photographies ont été prises en comparant les sites au cours d’une période de 20 mois comprise entre octobre 2012 et mai 2014. Chacun des trois passages de cours d’eau est affecté par un mélange de processus actifs de ravinement et de glissement de terrain, d’effondrement progressif du bord du déblai et du remblai, d’une érosion de surface étendue sur les zones de sol nu facilement visibles, ainsi que par l’inefficacité des rares mesures de contrôle de l’érosion censées prévenir et contenir l’érosion en cours. Compte tenu du niveau d’instabilité élevé évident, tel qu’il ressort de l’analyse des photographies, et de l’incapacité à respecter ne serait-ce que les principes élémentaires d’ingénierie routière et de construction, il nous paraît clair que très peu de remblais ont été correctement compactés, voire aucun. Etant donné ce manque de soin et d’attention aux principes élémentaires de conception et de construction des passages de cours d’eau, et sur la base des preuves visuelles, il semble que les ouvrages de drainage des passages de cours d’eau (les ponceaux par exemple) n’ont pas été conçus correctement ni dimensionnés en prévision de crues irrégulières, mais parfois importantes, ou ont été installés et positionnés de façon inadéquate à l’intérieur des remblais. Même à distance, nous avons pu constater que les conduits sont manifestement beaucoup trop petits par rapport aux bassins de drainage qu’ils sont censés évacuer, qu’ils sont souvent placés haut à l’intérieur du remblai et qu’une érosion importante s’est déjà produite à la sortie, où l’eau coule sur les matériaux de remblai neufs, non protégés et sujets à l’érosion. Le travail effectué sur des passages de cours d’eau revêtant une importance capitale situé tout près du fleuve San Juan, tels que ceux cités dans nos exemples, est d’une médiocrité inacceptable et révèle un manque de professionnalisme. Ces travaux ont été mal conçus ou mal réalisés, quand ce n’est pas les deux. Néanmoins, l’impact sur le fleuve San Juan est énorme et pourrait encore s’accroître.
Pour chacun des passages de cours d’eau de nos trois exemples, nous avons indiqué de manière graphique (à l’aide d’un diagramme) les dimensions estimées du talus de remblai placé (à l’aide de bulldozers) dans le lit et au-dessus des cours d’eau se jetant dans le fleuve au moment de la construction de la route. Nous avons également procédé à une estimation des dimensions des talus de remblai et déterminé que ces trois passages de cours d’eau se composent d’un matériau de
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remblai dont le volume atteint 12 000 m3 pour le plus petit et plus de 44 000 m3 pour le plus grand. Les estimations du niveau d’érosion au cours des 20 derniers mois sur ces trois passages de cours d’eau varient entre 7 et plus de 20 % du volume du talus de remblai érigé, et les images suggèrent que les efforts déployés dans ce domaine ont été minimes et reposaient sur une méthode largement inefficace en matière de prévention de l’érosion actuelle et future. La présence de deltas massifs et très visibles s’étant formés dans le fleuve San Juan et d’un alluvionnement de grande ampleur des affluents en aval des passages de cours d’eau confirme l’impact continu sur le territoire nicaraguayen.
En raison de l’état désastreux de ces emplacements, du volume du remblai non compacté, du défi énorme que représenterait toute tentative de stabilisation de ces passages de cours d’eau et de la très grande proximité du fleuve San Juan (les bords du talus étant pour la plupart situés dans un rayon de 100 m du fleuve), nous recommandons que ce tronçon de la route 1856 en direction du sud soit déplacé vers un autre tracé situé plus à l’intérieur des terres. La longueur précise du tronçon dont le tracé devrait ainsi être modifié et de la route de remplacement devra être déterminée à l’issue d’une inspection et de levés effectués sur le terrain par des experts qualifiés. Sur la base des informations dont nous disposons, l’intégralité du tronçon de la route 1856 englobant ces trois passages de cours d’eau devrait être déplacée et, comme recommandé dans le diagnostic de l’impact sur l’environnement soumis par le Costa Rica, la route 1856 devrait être déplacée en aval du Rio Infiernito, ce qui impliquerait de refaire tout le tronçon reliant les points situés respectivement à 14 et à 20 km en aval de la borne no II.
Notre recommandation visant à ce que ce tronçon de la route soit déplacé à l’intérieur des terres est conforme au diagnostic de l’impact sur l’environnement (annexe 10) qui inclut des recommandations visant à mettre en oeuvre des mesures de protection de l’environnement afin de réagir à «l’occurrence de glissements de terrain et d’une érosion des pentes affectant les endroits où les bords de la route touchent la forêt». Les mesures recommandées dans le diagnostic incluent «l’évaluation de la faisabilité technique d’une modification du tracé de la route au niveau d’Infiernillo [sic] afin de suivre le tracé des routes locales déjà construites, en le déviant de quelques kilomètres vers le sud, où se trouvent des hameaux et des espaces découverts présentant des conditions topographiques plus favorables». (P. 147 du diagnostic de l’impact sur l’environnement tel qu’il est reproduit à l’annexe 10 du contre-mémoire du Costa Rica.) La recommandation est répétée dans la section «Conclusions» du diagnostic : «Evaluer la faisabilité technique d’une modification du tracé de la route au niveau d’Infiernillo afin de suivre le tracé des routes locales déjà construites, en le déviant de quelques kilomètres vers le sud, où se trouvent des hameaux et des espaces découverts présentant des conditions topographiques plus favorables à un projet de cette nature» (p. 162 du diagnostic de l’impact sur l’environnement tel qu’il est reproduit à l’annexe 10 du contre-mémoire du Costa Rica).
Outre de nouvelles routes de remplacement moins destructrices pour l’environnement, il serait nécessaire de stabiliser (c’est-à-dire de mettre convenablement hors service) les tronçons partiellement construits et promis à l’abandon. Les paragraphes qui suivent examinent en détail la manière dont on pourrait procéder pour chacun des trois passages de cours d’eau cités en exemple, ainsi que pour deux sites où les talus de déblai et de remblai s’écroulent.
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Figure 2 : Point d’érosion marquée no 9.4
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Figure 3 : Point d’érosion marquée no 9.5
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Figure 4 : Point d’érosion marquée no 9.6
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Figure 5 : Délimitation de la surface (S) des zones de contribution constituées de sol nu
en proie à une érosion active sur les points no 9.4, 9.5 et 9.6
Point no 9.6
S = 7043 m2 Point no 9.4
S = 5706 m2
Point no 9.5
S = 4186 m2
Point d’érosion marquée no 9.6 sans
les grosses ravines S = 4845 m2
Point d’érosion marquée no 9.5 sans
les grosses ravines S = 3471 m2
Point d’érosion marquée no 9.4 sans
les grosses ravines S = 5132 m2
GROSSES RAVINES
ZONES DE CONTRIBUTION CONSTITUÉES DE SOL NU
Date de la photographie : décembre 2013
Mètres
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B. Passage de cours d’eau situé au point no 9.4 au kilomètre 18 en aval de la borne no II
La figure 2 représente celui des trois gros passages de cours d’eau de Las Crucitas qui est situé le plus au nord, en un point désigné comme le point d’érosion marquée no 9.4 dans notre inventaire (appendice A) et identifié comme le passage n° 68 par Mende et Astorga (2013, annexe 6). Celui-ci se trouve à 18 km en aval de la borne no II. Le volume de matériau de remblai déversé dans l’affluent pendant la construction de la route est estimé à 21 900 m3. La photographie aérienne oblique d’octobre 2012 montre bien le remblai médiocrement construit et instable, ainsi que l’absence de tout effort digne de ce nom visant à appliquer des mesures de contrôle de l’érosion utiles et efficaces au point de passage et aux alentours. Le talus de remblai accuse une déformation rapide par rapport à son état initial, tandis que la route et les talus de déblai et de remblai adjacents n’ont fait l’objet d’aucune tentative de stabilisation ou de contrôle de l’érosion. De part et d’autre du point de franchissement, les deux tronçons de la route 1856, de même que les talus de déblai élevés qui le bordent, ne peuvent manquer d’entraîner le rejet de sédiments générés par l’érosion, que ce soit en surface, en rigoles ou en ravines, des zones apparentes de sol nu et non protégé. La plus grande partie de ces sédiments est transportée vers le passage de cours d’eau, puisqu’il s’agit du point topographiquement le plus bas que montrent ces images. Enfin, la petite route construite à flanc de colline en contrebas de la route 1856 semble, elle aussi, être une source non contrôlée d’érosion en surface, en rigoles ou en ravines également dirigée directement vers le même chenal naturel se jetant lui-même dans le fleuve San Juan. Par conséquent, cet affluent a formé un delta important de sédiments érosifs dans le fleuve San Juan du Nicaragua.
Sur l’image satellite de décembre 2013, on peut percevoir l’ampleur de l’érosion en ravines et des glissements de terrain incontrôlés et continus en travers et à proximité de l’axe du remblai du passage de cours d’eau (figure 2). Un vaste plan d’eau stagnante (un petit lac) s’est formé sur le bord intérieur de la route (1856), ce qui indique clairement que le ponceau était soit beaucoup trop petit pour évacuer ne serait-ce que les eaux générées par des précipitations moyennes, soit mal installé, trop haut dans le remblai. Le chenal naturel de l’affluent en aval porte des traces visibles du dépôt récent de sédiments transportés et accumulés. De plus, le delta de sédiments érosifs qui s’est formé dans le fleuve San Juan a rapidement pris de l’ampleur. En dépit de l’érosion constante manifeste et des dommages causés en aval dans le fleuve San Juan, aucun effort n’a apparemment été tenté, entre octobre 2012 et décembre 2013, pour prévenir ou endiguer l’érosion, les glissements de terrain (écroulement des talus de remblai et de déblai) ou les risques d’érosion future au point de passage du cours d’eau. A supposer que des mesures provisoires de contrôle de l’érosion ou de stabilisation des talus aient été tentées, elles étaient de toute évidence insuffisantes et impropres à limiter le type et l’ampleur de l’érosion qui s’est produite et qui persiste, et totalement inefficaces pour protéger le fleuve San Juan directement en aval. Aucune tentative importante ou visible n’a été faite pour limiter l’impact sur le fleuve San Juan.
Sur la photographie oblique du même emplacement prise en mai 2014 (c’est-à-dire la troisième dans l’ordre séquentiel), la grosse ravine traversant le passage de cours d’eau que l’on pouvait observer sur l’image de décembre 2013 a été partiellement comblée pour permettre le passage limité de véhicules sur la route. Une grande étendue d’eau stagnante est toujours visible en amont de la route, ce qui donne à penser que le ponceau actuellement en place (soit les restes du ponceau d’origine, soit celui qui l’a remplacé) est obstrué et profondément enfoui sous des sédiments provenant de l’effondrement, de l’érosion rapide et de l’écroulement des remblais du passage de cours d’eau. On ne voit nulle trace apparente d’efforts costa-riciens en vue de stabiliser efficacement les remblais non compactés et en voie d’effondrement des passages de cours d’eau. De même, aucun effort visible n’a été déployé pour installer correctement des structures de drainage suffisantes aux points de passage (ponceaux ou ponts) ou pour endiguer le ruissellement et l’érosion incontrôlée sur toutes les zones apparentes de sol nu. L’ouvrage est un chantier ayant viré au désastre qui, faute de mesure de remise en état ou de stabilisation, menace de s’écrouler de manière catastrophique dans l’éventualité où une tempête d’importance causerait un nouveau débordement de l’affluent retenu, ce qui entraînerait l’érosion d’une portion encore plus importante
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du remblai et le déversement d’un volume de sédiments pouvant aller jusqu’à 21 900 m3 (soit la charge de 2740 camions-bennes d’une capacité de 8 m³ chacun) directement dans le fleuve San Juan (voir, sur la figure 2, le prisme de remblai délimité sur la photographie prise par hélicoptère en 2012). Le delta formé dans le San Juan paraît beaucoup plus grand sur la photographie de 2014 que sur celle de 2012. Même si cette différence s’explique par le fait que la photographie du mois de mai a été prise en période de basses eaux (c’est-à-dire lorsqu’une portion plus grande du delta est exposée et visible), elle reflète également sans aucun doute la croissance de cette formation, croissance qui devrait se poursuivre pendant la prochaine saison des pluies, étant donné qu’aucun effort concerté n’a été entrepris pour repenser et reconstruire correctement le passage afin d’éliminer les processus d’érosion actifs en cours à cet endroit.
En recourant à des échelles de mesure calculées sur la base des photographies obliques et des relevés SIG de l’image satellite verticale de décembre 2013, nous estimons la production de sédiments due uniquement au ravinement et à l’effondrement du talus de remblai du passage de cours d’eau à 1722 m3/an. Sur la figure 5, nous avons hachuré la surface approximative  exprimée en mètres carrés  de la zone de contribution restante (c’est-à-dire la surface totale moins celle touchée par le ravinement et l’écroulement du remblai) drainant des produits de l’érosion dans l’axe du chenal du cours d’eau du point no 9.4 et estimé ladite surface à quelque 5132 m2. En recourant à la moyenne des taux d’érosion affectant les talus de déblai et de remblai tels qu’ils sont répertoriés par Mende et Astorga (2013, annexe 6, tableau 7) pour les glissements de terrain, le ravinement et le ruissellement [à savoir, 0,205 m en moyenne pour le ruissellement + 0,48 m en moyenne pour les glissements de terrain = 0,99/3 = 0,558 m/an) et en partant de l’hypothèse que 40 % de la zone de contribution définie sont affectés par une érosion multiple (c’est-à-dire résultant à la fois d’un ruissellement, d’un ravinement et de glissements de terrain), quelque 1145 m³/an de sédiments supplémentaires sont générés par ce processus au point no 9.4 (figures 2 et 5). En appliquant la moyenne calculée par Mende et Astorga (2013, annexe 6, tableau 7) pour le taux estimé d’érosion de surface touchant les talus de déblai et de remblai (soit 0,095 m pour les premiers et 0,24 m pour les seconds = 0,168 m/an) aux 60 % restants de sol nu situés dans la zone de contribution visible sur le point no 9.4 (figures 2 et 5), on arrive à environ 517 m3 de matériau générés chaque année par les processus d’érosion de surface au point no 9.4.
Tous processus combinés, nous estimons que le point no 9.4 a produit au minimum un total de matériau d’érosion de 3384 m3/an sur la principale ravine axiale, ainsi que dans le cadre de l’érosion en nappes, du ruissellement, du ravinement constaté à d’autres endroits et des glissements de terrain affectant la zone voisine de sol nu (située dans la zone de contribution telle qu’elle est représentée aux figures 2 et 5). Une partie importante de ce volume de matériau généré par l’érosion a été précipitée en bas de la pente dans le fleuve San Juan. Notre estimation de 3384 m3/an est nettement supérieure à celle signalée par Mende et Astorga (2013) pour la production totale de cet emplacement, laquelle serait de 455 m3/an (figure 2), ce qui nous paraît correspondre à une sous-estimation grossière des effets de l’érosion réelle telle qu’elle apparaît sur les images.
Le fait que de l’eau soit retenue en amont des passages de cours d’eau indique que, quel que soit le type de connecteur installé à l’origine dans le talus de remblai, celui-ci est désormais obstrué par des sédiments ou des débris. Le talus de remblai du passage de cours d’eau se compose de terre non compactée ayant été simplement déversée dans la vallée dudit cours d’eau. Il n’a pas été conçu pour faire office de barrage. La présence d’eaux retenues (surtout après des précipitations, lorsque le niveau monte) provoquera le débordement du cours d’eau vers la bordure interne de la route et se traduira, par conséquent, par un fort écoulement dans l’axe de la grosse ravine située sur le talus de remblai non protégé ; cet enchaînement déclenchera un regain d’érosion incontrôlée qui pourrait se solder par l’affaissement de l’intégralité du talus de remblai, auquel cas une partie importante de cette structure d’un volume total de 21 900 m³ serait probablement précipitée en bas de la pente vers le fleuve San Juan, distant d’une centaine de mètres seulement.
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L’absence de tout effort sérieux de contrôle ou de réduction de l’érosion (en cours et prévisible) affectant l’emplacement pendant une période de 20 mois témoigne d’un mépris total pour la protection des ressources. Le fait que les 21 900 m³ d’érosion future potentielle à cet emplacement sur ce site représentent près de 60 % de la production annuelle totale de sédiments que le Costa Rica estime générée sur l’ensemble du tronçon de route long de 108 km qui longe le fleuve San Juan (Mende et Astorga, 2013, annexe 6, p. 402) donne une idée de l’ampleur de la sous-estimation par ce pays de l’érosion touchant ledit emplacement.
Solution recommandée
Comme indiqué plus haut, ce tronçon de route devrait être déplacé vers l’intérieur dans une zone où les pentes sont moins abruptes. Même si ce déplacement permettra d’améliorer la stabilité de la future route et la gestion de l’érosion, reste le problème de savoir comment gérer l’érosion touchant les pentes surplombant le fleuve au lieu-dit Las Crucitas le long du tracé actuel de la route. Le démantèlement ordonné de ce passage de cours d’eau devrait se dérouler en plusieurs étapes :
a) Dès que les conditions climatiques et l’état des sols le permettront, mobilisation des engins lourds de terrassement de manière à évacuer tout le matériau de remblai déversé dans la vallée du cours d’eau affluent à l’endroit de ce passage, soit un volume que nous estimons  sur la base des images satellite et des photographies aériennes obliques  à 21 900 m³ (voir, sur la figure 2, la zone délimitée sur la photographie aérienne prise par hélicoptère en 2012). Le démantèlement du passage du cours d’eau devrait englober les étapes suivantes :
i) excavation et retrait de toutes les structures de drainage du passage de cours d’eau (à savoir les ponceaux constitués d’un tuyau en plastique) ;
ii) excavation de l’intégralité du matériau de remblai du passage de cours d’eau de manière à «exhumer» le lit original et naturel du chenal, rétablir la déclivité du chenal le long du thalweg, ainsi que la largeur correspondant à la crue centenaire, et ménager des pentes latérales stables qui soit imitent les pentes naturelles du cours d’eau soit épousent un angle maximal de 2:1 ;
iii) ensemencement et paillage de toutes les surfaces exposées du sol de manière à contrôler temporairement l’érosion ;
iv) revégétalisation de toutes les surfaces paillées avec un mélange d’arbustes et d’arbres natifs espacés de manière à ce que chacun occupe 3 m².
b) Définition d’un ou plusieurs points d’évacuation stables situés sur un terrain plat distant d’au moins 100 m du fleuve San Juan ou de ses affluents et sur lequel il est possible de reconstituer une végétation de manière à stabiliser le matériau de déblai, afin d’éviter qu’il ne soit livré à l’érosion et transporté jusqu’au fleuve. Une fois le ou les points d’évacuation sélectionnés, la route 1856 existante pourra être provisoirement réparée afin de permettre l’accès d’engins de terrassement lourds et le transport du matériau excavé des passages de cours d’eau dans le cadre du processus de démantèlement. A supposer que le matériau de déblai soit d’une qualité acceptable, une partie de celui-ci pourrait être utilisée comme couche de base pour la nouvelle route 1856, mais il est essentiel que ses propriétés soient préalablement testées par des experts qualifiés de manière à éviter des problèmes généralisés d’utilisation incorrecte de matériaux de qualité inférieure : une pratique courante le long de la route 1856, telle qu’elle a été dénoncée dans les rapports du CFIA (2012) et du LANAMME (2012).
c) Transport en camions-bennes des déblais vers le ou les points d’évacuation stables définis.
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d) Stabilisation des talus de déblai exposés en les ensemençant et en y plantant des végétaux (lorsque les conditions s’y prêtent) et, aux endroits indiqués par des experts qualifiés, recourir à d’autres techniques de renforcement de la stabilité des pentes comme l’installation de drains horizontaux et/ou la pose de matériaux géotextiles et de systèmes de confinement cellulaire.
e) A supposer que les talus de déblai soient considérés comme beaucoup trop abrupts, il pourrait s’avérer nécessaire de les étaler ou bien d’y construire des terrasses de manière à parvenir à un angle plus stable et à réduire ainsi la probabilité d’un écroulement. Une telle méthode supposerait d’éventrer le talus et générerait par conséquent un volume supplémentaire de déblais qu’il faudra ensuite enlever et évacuer correctement. En raison de la perturbation et des déblais supplémentaires générés par l’étalement des talus de déblai, cette technique devrait être mise en oeuvre uniquement sur recommandation d’experts qualifiés ayant eu l’occasion de visiter l’emplacement et de procéder sur place aux tests requis de résistance des matériaux, au calcul de stabilité des pentes, etc., experts qui sont donc à même de déterminer si les avantages d’une telle initiative compensent ses incidences négatives.
f) Outre les mesures de stabilisation des pentes (systèmes de confinement cellulaire, géotextiles, drains horizontaux et étalement des talus), il conviendrait également de mettre en oeuvre des mesures de contrôle de l’érosion de surface sur chaque talus de déblai, sur les pentes naturelles des collines ayant subi des glissements de terrain après la construction (comme les deux éboulis situés en amont du prisme de passage de cours d’eau visibles sur la photographie oblique du point no 9.5 prise en 2014, voir plus bas l’analyse de la figure 3) et sur les pentes naturelles ayant été ensevelies sous le remblai déversé et qui, par conséquent, ont perdu leur protection végétale. Ces mesures de contrôle de l’érosion de surface sont décrites plus loin dans le présent rapport.
g) L’enlèvement de ce matériau de remblai devra être coordonné avec celui du matériau de remblai des deux autres passages de cours d’eau (c’est-à-dire les points no 9.5 et 9.6) de Las Crucitas et probablement aussi avec l’enlèvement du matériau généré par l’érosion des talus de déblai et de remblai aux points d’érosion marquée no 8.1 et 8.2, décrits plus bas. Le même traitement devrait être appliqué à tous les autres passages de cours d’eau et talus de remblai le long de la route 1856 au cas où des experts qualifiés recommanderaient une telle mesure, étant entendu que l’approche prudente passe par la condamnation du tracé actuel de la route et le déplacement de celle-ci à l’intérieur des terres, vers une zone moins propice à l’érosion (figure 1).
h) Il convient de tenir compte du danger inhérent à la circulation de camions lourdement chargés sur les passages de cours d’eau instables des points n° 9.4, 9.5 et 9.6, et la stabilité de ces structures (une fois leur réparation provisoire terminée) devrait être surveillée de près en cas de transport de déblais. A la première indication d’une déformation ou d’une instabilité due au poids des camions-bennes, les passages de cours d’eau devraient être mis hors service le temps de procéder à des réparations/mesures de stabilisation temporaires supplémentaires pour garantir la sécurité de la circulation des poids lourds jusqu’à l’évacuation de tous les matériaux de remblai des passages de cours d’eau et à l’excavation et l’évacuation  en toute sécurité  des autres matériaux instables utilisés pour ériger des talus de déblai et de remblai.
C. Passage de cours d’eau du point no 9.5 situé à 18,1 km en aval de la borne no II
Cette série de photographies illustre les processus permanents et dynamiques affectant le point d’érosion marquée no 9.5 (à 18,1 km en aval de la borne no II) et ses environs immédiats pendant la même période de 20 mois (figure 3). Sur la photographie oblique de 2012 (et sur la photographie «B» prise au sol), on peut observer une déformation et un effondrement massifs sur les deux faces du talus de remblai, en aval et en amont, presque immédiatement après la construction du passage de cours d’eau. Le talus de ce dernier s’est effondré (sous l’effet de
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l’érosion) entre octobre 2012 et décembre 2013, ce qui a entraîné le rejet de plus de 2860 m³ de sédiments dans le fleuve San Juan (voir l’image satellite de 2013). La cause de cet effondrement tient probablement à une conception déficiente (c’est-à-dire bâclée, avec sous-estimation importante des dimensions) conjuguée à l’effondrement des talus naturels déclenché par les premiers travaux de construction routière.
Sur la photographie aérienne oblique de mai 2014, on aperçoit deux importants glissements de terrain sur les pentes juste en amont du passage de cours d’eau. Ces glissements de terrain peuvent avoir provoqué l’effondrement du passage en obturant le ponceau ou bien avoir été entraînés par la saturation du pied des talus lorsque le nouveau ponceau s’est bouché et qu’une petite mare s’est formée derrière le remblai. En tout cas, l’obturation du ponceau a provoqué la retenue des eaux, le débordement du cours d’eau par-dessus le remblai et, en conséquence, l’érosion d’une bonne partie du remblai de franchissement (comme cela ressort nettement sur l’image satellite de décembre 2013). Les glissements de terrain liés à la route et provoqués par la construction et l’effondrement du passage de cours d’eau ont eu un impact important sur le fleuve San Juan, car tous les débris des glissements et les sédiments générés par l’érosion ont été transportés vers le fleuve, qui se trouve à peu de distance. Le delta très élargi qui s’est formé dans le fleuve est clairement visible sur la photographie de mai 2014 (figure 3).
La photographie prise d’hélicoptère en mai 2014 montre clairement que, après l’effondrement du passage de cours d’eau, le remblai de celui-ci a simplement été érigé de nouveau en déplaçant de la terre à l’aide de bulldozers, tandis qu’un petit collecteur de remplacement a été inséré au sommet du talus. Par conséquent, une mare va de nouveau se former derrière le nouveau talus de la route et se remplir d’eau pendant la prochaine saison des pluies, et il faudra attendre qu’il atteigne presque le niveau de la surface de la nouvelle route pour que l’eau finisse enfin par couler dans le collecteur. Le placement de ce dernier en haut du nouveau talus de remblai relève d’une pratique de conception et de construction totalement inadéquate et inepte et ne répond à aucune norme d’ingénierie raisonnable. Nous pensons, et nos observations le confirment, que rares sont les ponceaux le long de la route 1856  et plus particulièrement dans les zones très sensibles que nous avons décrites  dans lesquels le collecteur est suffisamment large pour résister à des tempêtes violentes (mais rares) et au ruissellement (par exemple, la récurrence des crues centenaires est un facteur ordinairement pris en considération au moment de la conception de routes et de zones forestières sensibles), qui ont été construits avec des matériaux appropriés et qui ont été positionnés correctement sur le prisme de remblai. En fait, la classification établie par Mende et Astorga (2013, p. 399 de l’annexe 6) de l’état technique des 119 passages de cours d’eau partiellement construits le long de la route 1856 indique que seuls 30 % de ces ouvrages sont considérés comme «améliorés» ou «appropriés» (voir, plus bas, la figure 6).
Le remplissage du vide laissé par le ravinement et l’installation d’un petit collecteur au sommet du nouveau remblai permettent uniquement de rouvrir provisoirement le passage de cours d’eau à la circulation. Aucun effort significatif ou permanent n’a été déployé pour pallier les lacunes majeures des méthodes de conception et de construction utilisées par le Costa Rica sur ce passage précis ou sur d’autres passages disséminés le long de la route 1856. La réparation de ce passage de cours d’eau a, en fait, amplifié la menace pesant sur l’emplacement en cause. Le collecteur étant désormais placé tout en haut du remblai (voir la figure 3 reproduisant la photographie de mai 2014), une mare ne manquera pas d’apparaître derrière et l’eau ne commencera à s’écouler qu’une fois la hauteur de celui-ci atteinte. Aucun tuyau de descente ou dispositif de dissipation de l’énergie (armure) n’a été prévu à la sortie du nouveau collecteur (voir la photographie de mai 2014) pour canaliser le flot du cours d’eau jusqu’à la base du talus de remblai  dont la hauteur est estimée à 20 m  de sorte que l’on peut s’attendre à ce qu’un nouvel épisode de formation de grosses ravines se produise à la sortie du collecteur et à ce que ce ravinement provoque l’érosion du nouveau talus de la route et menace une fois de plus l’intégrité de son prisme. Tous les sédiments générés par l’érosion de ce ponceau mal conçu et mal construit aboutiront directement dans la partie nicaraguayenne du fleuve San Juan.
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En outre et plus grave encore, le nouveau remblai de la route érigé (en déplaçant simplement de la terre au moyen d’un bulldozer) à l’endroit du passage de cours d’eau n’a pas été pensé, conçu ou construit pour faire office de barrage. Il serait extrêmement dangereux d’emprunter la route au-dessus de ce passage pendant une tempête ou bien lorsque de l’eau s’est accumulée derrière le remblai. En effet, le remblai du passage pourrait facilement se liquéfier et s’effondrer de manière catastrophique pendant ou après une tempête. En outre, compte tenu de la présence d’une mare ou d’une masse d’eau retenue à l’entrée du collecteur, les débris ligneux flottants charriés par le cours d’eau provoqueront probablement l’obturation de cette extrémité et, par conséquent, le débordement du talus et, de nouveau, l’engloutissement d’une partie importante du remblai du passage de cours d’eau (comme en témoigne l’image satellite de 2013). L’intégralité des sédiments générés par l’érosion de ce collecteur de ponceau mal conçu et mal construit finira de nouveau dans la partie nicaraguayenne du fleuve San Juan.
La reconstruction de ce passage de cours d’eau, de la manière dont elle a été entreprise, témoigne d’un mépris total pour l’ingénierie routière, a créé des conditions dangereuses pour les usagers de la route et ignore toutes les normes de protection de l’environnement. Le talus de la route nouvellement «construit» au point no 9.5 accuse toujours une grave instabilité et le passage de cours d’eau sera de nouveau touché par une érosion active résultant de la combinaison des processus de raffinement et de glissement de terrain, de sorte que nous prévoyons un écroulement quasi total lors des prochaines tempêtes d’une violence égale ou supérieure à celles s’étant abattues sur la route pendant la période de 20 mois allant d’octobre 2012 à mai 2014. L’érosion, telle qu’elle est observée sur ces passages de cours d’eau, provoque l’apport incessant de sédiments au fleuve San Juan presque chaque fois qu’une forte pluie se produit, comme cela ressort clairement de la croissance et de l’élargissement continus des nouveaux deltas sédimentaires visibles sur la photographie oblique prise en 2014.
D’autres ravines associées à un ruissellement concentré incontrôlé en provenance du bord élevé des déblais et des abords de la route de chaque côté du passage de cours d’eau sont visibles sur les images de décembre 2013 et de mai 2014 (figure 3). Ces ravines se révèlent être des chenaux très efficaces pour charrier les produits de l’érosion en provenance de la grande étendue dégagée de sol nu visible sur les images. Les photographies aériennes démontrent clairement qu’aucun effort sérieux n’a été déployé par le Costa Rica, pendant la période de 20 mois, pour contrôler l’érosion de surface, le ruissellement et le ravinement des zones de sol nu exposé voisines, que ce soit sur la plate-forme de la route, le bord du délai, les talus de remblai et la petite voie latérale (située plus bas) parallèle à la route 1856, toutes formations qui drainent les produits de l’érosion vers le passage de cours d’eau, puis la partie nicaraguayenne du fleuve San Juan (figure 3).
Nous estimons que le volume généré par l’érosion par ravinement entre octobre 2012 et décembre 2013 à l’endroit où s’effondre le passage de cours d’eau s’élève à 2860 m3. Ce chiffre n’inclut pas le volume de sédiments associés aux deux grosses coulées de débris à flanc de colline, à d’autres glissements de terrain et ravines observés sur les talus de déblai et de remblai adjacents à l’extérieur de la zone du passage de cours d’eau (tel qu’il est représenté par le trapèze noir sur la photographie d’octobre 2012) et à des volumes d’érosion de surface et par ruissellement générés par les larges étendues de sol nu visibles sur les images. Si l’on exclut la zone de la ravine proéminente située dans l’axe du passage de cours d’eau, on estime la superficie de la zone restante contribuant au drainage (c’est-à-dire la zone où les produits de l’érosion seront déplacés ou transportés vers l’axe du cours d’eau) à 3471 m2 (figure 5).
En appliquant les moyennes calculées par Mende et Astorga (2013, annexe 6, tableau 7) pour le taux estimé d’érosion des talus de déblai et de remblai par glissement de terrain, ravinement et ruissellement (à savoir 0,205 m pour le ruissellement + 0,48 m pour le ravinement + 0,99 m pour les glissements de terrain), on arrive à un total de 0,558 m/an et, en supposant qu’une combinaison de processus d’érosion par ruissellement, ravinement et glissement de terrain affecte 40 % de la zone de contribution définie, on obtient un surplus d’environ 775 m³/an dus à cette érosion
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supplémentaire pour le point no 9.5 (figures 3 et 5). En appliquant les moyennes estimées calculées par Mende et Astorga (2013, annexe 6, tableau 7) (soit un taux d’érosion de surface de 0,095 m pour les talus de déblai et de 0,24 m pour les talus de remblai et un total de 0,168 m/an) aux 60 % restants de la zone de contribution constituée de sol nu visible sur le point no 9.5 (figures 3 et 5), on arrive à un total d’environ 350 m3/an de matériau généré chaque année par les processus d’érosion de surface au sein de la zone de drainage sur le point no 9.5.
Tous processus combinés, nous estimons que le point no 9.5 a produit au moins un total de 3 985 m3/an de matériau d’érosion sur la principale ravine axiale, ainsi que dans le cadre de l’érosion en nappe, du ruissellement, du ravinement constaté à d’autres endroits et des glissements de terrain affectant la zone voisine de sol nu le long de la route 1856 (située dans la zone de contribution telle qu’elle est représentée dans les figures 3 et 5). Comme au point no 9.4, une partie très importante de ce volume de matériau généré par l’érosion a été précipitée en bas de la pente dans le fleuve San Juan.
Notre estimation de l’érosion totale (3985 m3/an) et du dépôt de sédiments dans le fleuve San Juan sur le point no 9.5 est nettement supérieure au volume d’érosion total correspondant au pire scénario dans le rapport de Mende et Astorga de 2013, lequel avance le chiffre de 372 m3/an (figure 3). Les paires de photographies aériennes et terrestres reproduites à la figure 3 confirment cette sous-estimation grossière de la production annuelle de sédiments sur ce passage de cours d’eau mal construit et sur les zones de contribution pentues.
Il ne fait aucun doute que le passage de cours d’eau extrêmement peu sûr et mal construit, ainsi que la zone de drainage, générera des volumes d’érosion et un apport sédimentaire tout aussi importants après les futures tempêtes qui ne manqueront pas de s’abattre à la fois à court et à long terme. Et cela d’autant plus qu’aucun effort sérieux ou efficace ne semble avoir été déployé pour contrôler les processus accélérés d’érosion de surface, de ruissellement, de ravinement et de glissement de terrain déclenchés par les tentatives de construction de la route 1856 à cet endroit. Les opérations de construction et de reconstruction menées sur le site depuis l’ouverture initiale de ce tronçon de la route 1856 sont totalement contraires aux normes modernes d’ingénierie de voirie en matière de conception et de construction.
Solution recommandée
Comme indiqué plus haut et conformément aux recommandations énoncées dans le diagnostic de l’impact sur l’environnement (annexe 10 du contre-mémoire du Costa Rica), nous recommandons que ce passage de cours d’eau, de même que les deux autres passages de Las Crucitas, soit complètement démantelé, la route devant être déplacée à l’intérieur des terres sur un terrain plus favorable. Les exigences déjà énumérées plus haut pour le point d’érosion marquée no 9.4 s’appliquent également à ce point : évacuation de tout le matériau de remblai (soit environ 12 000 m³, l’équivalent de la charge de 1525 camions-bennes ; voir, sur la figure 3, le prisme de remblai tel qu’il a été délimité sur la photographie aérienne oblique de 2012), transport du matériau excavé vers un ou plusieurs points d’évacuation stables, restauration du lit naturel originel du cours d’eau, stabilisation des deux côtés du cours d’eau grâce à l’exhumation de l’angle naturel des pentes et stabilisation des grands talus de déblai grâce à une reconstitution de la végétation et à l’application de procédés géotechniques incluant, probablement, l’installation de tuyaux de drainage horizontaux afin de réduire la pression d’eau interstitielle et la pose de matériaux géotextiles et de systèmes de confinement cellulaire pour stabiliser les pentes exposées. Il se pourrait que certains talus de déblai excessivement abrupts doivent être étalés et, dans ce cas, les déblais supplémentaires générés par ce procédé devraient être eux aussi enlevés et évacués correctement.
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D. Passage de cours d’eau du point no 9.6 situé à 18,2 km en aval de la borne no II
Au point d’érosion marquée no 9.6, la photographie aérienne oblique prise en octobre 2012 montre un prisme de remblai du passage de cours d’eau extrêmement large  dont le volume est estimé à 44 000 m³  en proie à une déformation et à une érosion importante du talus de remblai situé en aval, très peu de temps après la construction. Il est probable que le talus de remblai en amont soit également instable compte tenu du style adopté et de l’absence de tout processus de conception digne de ce nom ou d’une surveillance appropriée de la construction par le Costa Rica le long du reste de la route (figure 4). L’image satellite de 2013 montre trois zones distinctes d’instabilité qui s’élargissent/évoluent rapidement sur la face externe du talus de remblai (voir, sur la figure 4, le prisme de remblai délimité sur la photographie de 2012), ainsi qu’un collecteur nettement trop petit installé en vue de faire passer le flux du cours d’eau à travers le prisme de remblai (photographie d’octobre 2012). Le collecteur visible sur la photographie d’octobre 2012 est mal positionné, beaucoup trop haut dans le remblai de franchissement. Il est petit et placé près du milieu du prisme de remblai (voir la figure 4), pratique incompatible avec les normes modernes d’ingénierie routière. La photographie de 2012 révèle également une large coulée de débris en amont du passage de cours d’eau, qui est susceptible de briser et/ou d’obstruer l’entrée du collecteur par l’accumulation de sédiments. Cette coulée a sans doute été déclenchée par les opérations initiales de construction et/ou par l’accumulation d’eau derrière l’entrée du collecteur, par suite de l’obstruction de ce dernier et de la saturation résultante du pied du talus de remblai.
Comme sur les autres passages de cours d’eau étudiés, de gros tronçons des abords adjacents de la route et de larges zones de sol nu du bord du déblai drainent les produits de l’érosion par nappe, par ruissellement et par ravinement vers le point situé dans la partie inférieure de la photographie, à savoir l’axe du passage (voir, sur la figure 5, les contours approximatifs de la zone de drainage). Ce ruissellement contribue également à l’accroissement de l’instabilité observée sur les talus de remblai.
L’image satellite verticale de décembre 2013, telle qu’elle figure dans la paire de photographies en encadré extraites du rapport de 2013 de Mende et Astorga, montre que le ruissellement incontrôlé sur les talus de remblai a provoqué l’élargissement de l’immense réseau de ravines et que la quasi-totalité des sédiments produits par cette érosion ont été entraînés le long du talus jusqu’au fleuve San Juan.
Comme l’indique la photographie oblique de mai 2014, aucun effort n’a été fait pour limiter ou prévenir l’érosion future des talus de remblai ou pour empêcher les abords adjacents de la route de drainer le ruissellement et les sédiments générés par cette érosion sur les larges zones de sol nu  visibles sur les photographies  directement vers le remblai du passage de cours d’eau et, finalement, vers le fleuve San Juan (figure 4).
En mai 2014, le prisme de la route (sur environ la moitié de sa largeur), ainsi qu’une grande partie de la face extérieure du talus de remblai s’étaient déjà effondrés, provoquant le rejet de sédiments vers le bas du talus et en aval vers le fleuve San Juan (figure 4). Ce fleuve abrite désormais d’importants deltas apparus récemment en raison de l’érosion incessante et incontrôlée le long de la route 1856, lesquels continueront à s’élargir pendant les futures tempêtes en l’absence de mesures visant à modifier la conception de l’ouvrage ou à le reconstruire, ainsi qu’à contrôler l’érosion audit emplacement et/ou à fermer définitivement la route. Pendant la période de 20 mois étudiée, aucun effort visible n’a été déployé pour appliquer des mesures préventives de contrôle de l’érosion de surface, en rigoles et en ravines, ou pour stabiliser les pentes sur l’un quelconque des talus de remblai en voie d’effondrement, sur les zones adjacentes de sol nu le long de la route et sur les bords du remblai drainant des sédiments vers le passage de cours d’eau. L’énorme talus de remblai du point de passage est dans un état de délabrement total et menace de s’écrouler complètement, ce qui provoquerait l’apport direct de volumes beaucoup plus importants de sédiments dans le San Juan.
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En recourant à des échelles de mesure des ravines A, B et C calculées sur la base de l’image satellite verticale de décembre 2013 (figure 4) et en supposant une profondeur prudente de 3 m desdites ravines (observer la personne visible sur la photographie en encadré, extraite du rapport de Mende et Astorga de 2013, pour se faire une idée de l’échelle, tout en se rappelant que cette photographie a été prise environ un an avant la photographie aérienne oblique de mai 2014 reproduite sur la figure 4), nous estimons que les trois ravines ont provoqué à elles seules l’érosion d’au moins 6600 m³ depuis le début des opérations de construction de la route et que la quasi-totalité des sédiments ainsi générés ont fini dans le fleuve San Juan.
Comme indiqué sur la figure 5, nous estimons la superficie de la zone de drainage  aux fins du calcul des volumes supplémentaires générés par l’érosion de surface, le ruissellement, le ravinement et les glissements de terrain sur le point no 9.6  à environ 4845 m2. En appliquant les moyennes calculées par Mende et Astorga (2013, annexe 6, tableau 7) pour le taux estimé d’érosion des talus de déblai et de remblai par glissement de terrain, ravinement et ruissellement (à savoir 0,205 m pour le ruissellement + 0,48 m pour le ravinement + 0,99 m pour les glissements de terrain), on arrive à un total de 0,558 m/an et, en supposant qu’une combinaison de processus d’érosion par ruissellement, ravinement et glissement de terrain affecte 40 % de la zone de contribution définie, on obtient un surcroît d’environ 1081 m3/an au titre de cette érosion supplémentaire pour le point no 9.6 (figures 4 et 5). En appliquant les moyennes estimées calculées par Mende et Astorga (2013, annexe 6, tableau 7) (soit un taux d’érosion de surface de 0,095 m pour les talus de déblai et de 0,24 m pour les talus de remblai et un total de 0,168 m/an) aux 60 % restants de la zone de contribution constituée de sol nu visible au point no 9.6 (figures 4 et 5), on arrive à un total d’environ 488 m3/an de matériau généré chaque année par les processus d’érosion de surface au sein de la zone de drainage au point no 9.6.
Notre estimation de l’érosion totale (8169 m3/an) et du dépôt de sédiments dans le fleuve San Juan au point no 9.5 est de nouveau nettement supérieure au volume d’érosion total correspondant au pire scénario dans le rapport de Mende et Astorga de 2013, lequel avance le chiffre déraisonnablement bas de 662 m3/an (figure 4) pour le volume combiné de l’érosion en nappe, par ruissellement, par ravinement et par glissement de terrain. Depuis la visite sur le terrain de ces deux chercheurs, l’érosion et l’apport de sédiments en aval ont continué de plus belle. Pourtant, aucune initiative sérieuse n’a été prise pour réparer ou alléger le dommage provoqué par l’écroulement du remblai du passage de cours d’eau ou l’érosion massive (en nappe, par ruissellement et par ravinement) touchant les zones de sol nu. Pour donner une idée de l’importance de cette érosion, le matériau généré par lesdits processus sur ce seul emplacement atteint un volume de 8169 m3/an, soit l’équivalent de plus de 22 % de la production annuelle de sédiments qui, selon le Costa Rica, aurait été générée pour l’intégralité du tronçon de la route  long de 108 km  bordant le fleuve San Juan (Mende et Astorga, 2013, annexe 6, p. 402).
Solution recommandée
Comme indiqué plus haut et conformément aux recommandations énoncées dans le diagnostic de l’impact sur l’environnement (annexe 10 du contre-mémoire du Costa Rica), nous recommandons que ce passage de cours d’eau soit complètement démantelé, de même que les deux autres passages de Las Crucitas, dans la mesure où la route devrait être déplacée à l’intérieur des terres sur un terrain plus favorable. Les exigences déjà énumérées plus haut pour les points d’érosion marquée no 9.4 et 9.5 s’appliquent également à cet emplacement : évacuation de tout le matériau de remblai délimité par le trapèze noir sur la photographie d’octobre 2012 (figure 4), transport du matériau excavé vers un ou plusieurs points d’évacuation stables, restauration du lit naturel originel du cours d’eau, stabilisation des deux côtés du cours d’eau et stabilisation des grands talus de déblai grâce à une reconstitution de la végétation et à l’application de procédés géotechniques incluant, probablement, l’installation de tuyaux de drainage horizontaux afin de réduire la pression d’eau interstitielle et la pose de matériaux géotextiles et de systèmes de confinement cellulaire afin de stabiliser les pentes exposées. Il se pourrait que certains talus de
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déblai excessivement abrupts doivent être étalés et, dans ce cas, les déblais supplémentaires générés par ce procédé devraient être eux aussi enlevés et évacués correctement.
Le volume du remblai de ce passage de cours d’eau est le plus important des trois passages de Las Crucitas, puisqu’il fait environ 44 000 m3, soit l’équivalent de la charge de quelque 5500 camions-bennes. L’intégralité de ce matériau de remblai (voir, à la figure 4, la zone délimitée sur la photographie aérienne oblique prise en 2012) devrait être excavée du site et transportée vers un ou plusieurs points d’évacuation stables.
De plus, tout talus de remblai potentiellement instable de la route situé entre les talus de remblai du passage du cours d’eau devrait également être retiré et transporté vers un point d’évacuation stable. Il semble, sur la base de notre analyse des images, que les remblais du passage de cours d’eau lui-même constituent l’essentiel du matériau de remblai à Las Crucitas, mais notre analyse volumétrique n’est sûrement pas exhaustive, et le matériau supplémentaire non pris en compte devra également être évacué.
La figure 7 (ci-dessous) illustre la procédure de fermeture définitive. Nous avons marqué sur la photographie satellite de 2014 l’emplacement des cinq points d’érosion marquée et désigné d’autres tronçons de la route qui pourraient comporter des talus de déblai et de remblai instables dont les déblais devraient être transportés vers un point d’évacuation à long terme. Depuis le bord occidental du point d’érosion marquée no 8.1 (au kilomètre 16,1), les camions-bennes devraient parcourir approximativement 4,4 km pour transporter les déblais excavés vers le point d’évacuation potentiel situé au kilomètre 20,5 km (à savoir le site peu accidenté situé derrière l’emplacement d’origine, à l’est de la route d’accès). A supposer que trois équipes de chauffeurs d’engins de terrassement lourds participent à la fermeture définitive de ce tronçon de la route 1856, une équipe travaillerait sur les points no 8.1 et 8.2, une autre pourrait stabiliser les talus de déblai et de remblai sur les segments intermédiaires identifiés de la route tout en alimentant les camions-bennes avec des déblais provenant de la partie excavée du prisme de la route au niveau des points no 8.1 et 8.2, et la troisième pourrait commencer à abaisser d’un tiers les gros remblais des passages de cours d’eau sur les points no 9.4, 9.5 et 9.6, tout en préservant un passage pour les camions-bennes des autres équipes (figure 7). Dans cet exemple précis, tous les matériaux de déblai seraient transportés de l’ouest vers l’est jusqu’au point d’évacuation choisi pour sa stabilité.
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Figure 6 : Carte des passages de cours d’eau établie sur la base du rapport de Mende et Astorga de 2013, figurant à l’annexe 6 du contre-mémoire du Costa Rica. Ce rapport, demandé par le Nicaragua en 2014 et intitulé «Inventaire des pentes et cours d’eau liés à la route frontalière 1856 entre la borne no II et Delta Costa Rica», décrit notamment les passages de cours d’eau en se fondant sur une base de données SIG. L’annexe 6 ne contient pas de carte indiquant l’état technique des passages de cours d’eau.
Route d’accès
Route d’accès
Route d’accès
no II
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Figure 6 : Carte des passages de cours d’eau établie sur la base du rapport de Mende et
Astorga de 2013, figurant à l’annexe 6 du contre-mémoire du Costa Rica. Ce rapport,
demandé par le Nicaragua en 2014 et intitulé «Inventaire des pentes et cours d’eau
liés à la route frontalière 1856 entre la borne no II et Delta Costa Rica»,
décrit notamment les passages de cours d’eau en se fondant sur une base
de données SIG. L’annexe 6 ne contient pas de carte indiquant
l’état technique des passages de cours d’eau.
no II
Route
d’accès
Route
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Figure 6 : Carte des passages de cours d’eau établie sur la base du rapport de Mende et Astorga de 2013, figurant à l’annexe 6 du contre-mémoire du Costa Rica. Ce rapport, demandé par le Nicaragua en 2014 et intitulé «Inventaire des pentes et cours d’eau liés à la route frontalière 1856 entre la borne no II et Delta Costa Rica», décrit notamment les passages de cours d’eau en se fondant sur une base de données SIG. L’annexe 6 ne contient pas de carte indiquant l’état technique des passages de cours d’eau.
Route d’accès
Route d’accès
Route d’accès
no II
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Figure 7 : Exemples de procédure de fermeture définitive de tronçons défectueux
E. Résumé des observations relatives aux passages de cours d’eau
En résumé, sur les trois points choisis comme exemples représentatifs des passages de cours
d’eau, les efforts déployés par le Costa Rica en matière de réparation et de contrôle de l’érosion
pendant une période de plus de 20 mois – tels qu’ils peuvent être observés sur les photographies
datées de mai 2014 – se sont révélés totalement inadéquats et inefficaces pour endiguer
l’effondrement de la route et l’érosion persistante, ainsi que pour prévenir l’érosion future. En fait,
le caractère a minima des améliorations techniques ponctuelles ou des réparations de la route
visibles semble indiquer que le seul objectif était de dégager un passage étroit et peu sûr pour les
véhicules désirant emprunter le passage de cours d’eau effondré, et non de réduire l’érosion, de
protéger le fleuve San Juan ou de stabiliser l’emplacement en vue de prévenir tout futur dommage.
Les lacunes de conception et de construction, telles qu’elles sont décrites plus haut – ainsi que les
problèmes majeurs et persistants d’instabilité des pentes, de ravinement et l’érosion de surface
affectant les emplacements échantillonnés et les zones adjacentes –, sont la preuve que des
tronçons de la route 1856, en l’état actuel des choses, sont extrêmement dangereux et continueront
à avoir de graves répercussions sur la partie nicaraguayenne du fleuve San Juan et sur ses
ressources à long terme.
Même avec notre capacité limitée à mesurer directement sur le terrain les vides correspondant
à l’érosion le long de la route, il est clair que les rapports costa-riciens sous-évaluent l’ampleur des
processus érosifs et du dépôt sédimentaire en aval associé à la route et, par conséquent, sousestiment
leurs impacts sédimentologiques et biologiques cumulés sur le fleuve San Juan. Nous
considérons, pour notre part, que les volumes de l’érosion par ravinement/glissement de terrain aux
ls trois points abritant des passages de cours d’eau choisis comme échantillons sont nettement plus
importants que ceux avancés par Mende et Astorga dans leur rapport de 2013. Une partie des
estimations faisant état d’un taux d’érosion faible pourrait être due au fait qu’a été étudié un sousensemble
limité de formations dues à l’érosion, lui-même sélectionné parmi une série de formations
pas du tout représentatives pendant une courte période en 2013, alors que les sites ont continué à se
détériorer et à s’écrouler à un rythme de plus en plus rapide. Il est manifeste – sur la base de l’état
visible de la route sur les figures 2, 3 et 4 – que, pendant cette période de 20 mois, le Costa Rica n’a
Zone instable
Zone potentiellement instable
Zone de déblai potentiel
Point no 8.1, 8.2
Point no 9.4, 9.5, 9.6
Route
d’accès
Date de l’image : mai 2014
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pris aucune initiative importante pour réduire l’érosion et l’écroulement des passages de cours d’eau sur ces trois emplacements. Lorsque l’un d’eux (le point no 9.5) s’est largement effondré, a été emporté et a vu tous les sédiments générés par son érosion précipités dans le fleuve San Juan, le Costa Rica s’est contenté de remblayer encore une fois le passage de cours d’eau à l’aide d’un bulldozer et de prendre de nouveau le risque d’un effondrement en recourant, cette fois encore, à des techniques de conception et de construction déficientes. Même observés à distance, les efforts et le travail déployés sur ces tronçons de route choisis à titre d’échantillons révèlent un manque total de professionnalisme et sont tout à fait inadéquats. Ces efforts (ou plutôt cette absence d’efforts) dénotent un mépris total pour les conséquences environnementales d’une telle approche sur le fleuve San Juan.
En outre, il ne fait aucun doute que toutes les surfaces de sol nu visibles sur ces exemples sont l’objet, en cas de pluie, d’une érosion mêlant plusieurs processus : érosion en nappe, ruissellement et léger ravinement. Ce fait est clair et incontestable sur le plan visuel, même sur les photographies aériennes. Lorsque des segments de la plate-forme de la route et des zones exposées de la berge érodée de la route 1856 drainent de l’eau en direction des 119 passages de cours d’eau recensés par Mende et Astorga (2013) – représentés sur la figure 6 – ou des ravines sortant de la route, ces segments ont de fortes chances d’être liés du point de vue hydrologique aux passages de cours d’eau adjacents et au dépôt des produits de l’érosion dans les cours d’eau récepteurs et, subséquemment, dans le fleuve San Juan. Ce mécanisme de production de sédiments par la plate-forme de la route et de dépôt solide dans les eaux nicaraguayennes n’a été ni reconnu ni mesuré par les chercheurs costa-riciens.
Enfin, la déclaration de Mende et Astorga (2013, page 28) selon laquelle «des améliorations techniques ont été réalisées […] et les passages de cours d’eau resteront dans un état acceptable à moyen terme» est contredite par les conditions observables sur le site. Les trois exemples de photographies que nous avons présentés (voir plus haut) démontrent l’absence de toute amélioration technique ou réparation efficace et nous ne considérons pas que les passages de cours d’eau en cause, gravement touchés par l’érosion, «soient «dans un état acceptable». Pas plus que nous n’approuvons la déclaration de Mende et Astorga selon laquelle la construction et les efforts de réparation de la route 1856 «peuvent être décrits comme typiques de la phase de construction» (Mende et Astorga, 2013, p. 28). D’après notre expérience, la médiocrité (voire l’inexistence) des normes de conception et de construction costa-riciennes, ainsi que l’absence apparente de supervision technique tout au long des travaux, est totalement contraire aux normes modernes régissant ce type de projet qui s’appliquent à n’importe quel ouvrage spécialisé depuis trente ans. Le résultat, quant à lui, est loin d’être typique.
L’ampleur de l’érosion continue et active touchant des tronçons de la route 1856 confirme que celle-ci a été construite sans se référer à la moindre norme de planification, de conception ou de construction et en l’absence de tout passage de cours d’eau ou de structure de drainage adéquats (CFIA, 2012, pages 25 et 26, PITRA-Lanamme UCR, 2012, pages 48 à 51). Des mesures de reconstruction et de stabilisation devraient être appliquées immédiatement. Des réparations soigneusement conçues, la condamnation définitive (abandon) de certains tronçons et/ou leur reconstruction complète devraient être lancées et menées à terme dans les plus brefs délais si l’on veut alléger ou réduire les dommages actuels et futurs au fleuve San Juan et aux ressources du Nicaragua. L’absence quasi totale d’action costa-ricienne en la matière au cours des 20 derniers mois est inacceptable du point de vue de l’ingénierie et de la protection de l’environnement, et cette inaction persistante menace de se traduire par un endommagement accru de la route, du fleuve San Juan et de l’environnement dans un proche avenir.
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III. Forte érosion touchant les talus de remblai et les berges documentée par des images aériennes séquentielles dans le temps
Nombreux sont les emplacements le long de la route 1856 où les talus de déblais et de remblai nouvellement aménagés connaissent des taux d’érosion incontrôlée et anormalement élevés depuis la construction. Ces vastes zones de sol nu sont en proie à l’érosion et risquent de s’effondrer sous l’effet de trois processus : glissements de terrain, ravinement et érosion de surface. Bien que certains efforts aient été faits pour stabiliser quelques-uns de ces emplacements, il semble que, dans de nombreux autres, la route ait été abandonnée et que rien n’ait été tenté, au cours de la période de 20 mois couverte par les documents photographiques, pour limiter ou endiguer l’érosion et les écroulements de talus incessants, ni pour réduire les effets éventuels sur le fleuve San Juan.
A. Exemples de talus de remblai et de déblai situés sur deux points d’échantillonnage le long de la route 1856
Les figures 8 et 9 illustrent deux exemples de talus de déblai et de remblai mal conçus, mal construits et non entretenus le long de la route 1856. La comparaison des images témoigne, dans les deux cas, de l’importante dégradation et de l’érosion et l’effondrement rapides de talus de déblai et de remblai à proximité immédiate du fleuve San Juan. Des photographies aériennes obliques ont été prises pour comparer les sites au cours de la période de 20 mois allant d’octobre 2012 à mai 2014. Chacun des deux points (les points d’érosion marquée no 8.1 et 8.2, répertoriés dans l’appendice A du rapport Kondolf de 2014 et situés entre les kilomètres 16 et 16,5 en aval de la borne no II) présente les signes d’une grande instabilité des talus de remblai sous l’effet de glissements de terrain, dont l’ampleur ne cesse de s’accroître au fil du temps, d’un ravinement actif et à grande échelle résultant de pratiques déficientes en matière de drainage de la route et de l’utilisation de matériaux très vulnérables à l’érosion et non compacté, de l’écroulement sporadique de talus de déblai par suite de l’effondrement des pentes et de tentatives de construction menées sur des pentes trop abruptes constituées de sol à granulométrie fine, ainsi que d’une érosion de surface massive des vastes zones de sol nu facilement visibles sur les photographies.
Contrairement aux affirmations contenues dans les documents du Costa Rica, selon lesquelles des réparations et des opérations de maintenance sont actuellement en cours sur les deux sites susmentionnés, il semble que rien n’ait été fait, au cours de la période de vingt mois étudiée (d’octobre 2012 à mai 2014), pour mettre en oeuvre des mesures préventives de contrôle de l’érosion visant à éviter ou contenir l’érosion et l’effondrement des pentes. Compte tenu du niveau élevé de l’instabilité progressive que l’on peut observer sur les photographies, et du fait que, de toute évidence, aucun des principes élémentaires d’ingénierie routière et de construction n’a été appliqué, il nous semble clair que peu de remblais et de déblais des points de passages de cours d’eau ont été correctement compactés, voire aucun. Le travail effectué sur des tronçons de route cruciaux, construits sur des pentes abruptes à proximité du fleuve San Juan, comme c’est le cas des deux sites susmentionnés, est d’une médiocrité inacceptable et révèle un manque de professionnalisme. Ces travaux ont été mal conçus ou mal réalisés, quand ce n’est pas les deux. Toujours est-il que les répercussions sur le fleuve San Juan sont importantes et pourraient encore s’accroître.
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Figure 8 : Point d’érosion marquée no 8.1
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Figure 9 : Point d’érosion marquée no 8.2
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Figure 10 : Délimitation de la surface (S) des zones de contribution constituées de sol nu
en proie à une érosion active aux points no 8.1 et 8.2.
B. Forte érosion touchant les talus de déblai et de remblai au point no 8.1, à 16,1 km en aval
de la borne no II
Le point d’érosion marquée no 8.1, faisant l’objet de la figure 8, est situé à 16,1 km en aval
de la borne no II et correspond à un tronçon de la route 1856 partiellement construit (à titre d’essai)
à travers une crête escarpée séparant deux chenaux d’affluents adjacents (qui n’apparaissent pas sur
la figure). Ce tronçon partiellement construit est perché sur des pentes abruptes à moins de 100 m
du fleuve San Juan. La série de trois images prises en 2012, 2013 et 2014 indique qu’il a été mis
fin aux activités de construction initiales le long de ce segment en octobre 2012 et qu’aucun travail
visible ou appréciable n’a été réalisé sur la chaussée en voie d’effondrement depuis 2012. Cette
conclusion se fonde sur le fait que les seuls changements perceptibles au cours de cette période de
vingt mois concernent la multiplication et l’élargissement incontrôlés des ravines et des glissements
de terrain affectant les talus de remblai non compactés, ainsi que les signes d’une érosion de
surface généralisée et progressive des zones de sol nu. L’absence de compactage digne de ce nom
pendant la construction aurait facilement conduit un géologue ou un ingénieur expérimenté à
prédire, dès octobre 2012, l’instabilité et l’ampleur de l’érosion qui ne manquerait pas de frapper
les talus de remblai à cet endroit et qui est effectivement constatée aujourd’hui.
Les images du point no 8.1 indiquent clairement que le tronçon de la route a été simplement
abandonné (laissé en plan) après les travaux de construction de 2012 et qu’aucun effort sensible n’a
été fait pour empêcher ou limiter l’érosion de surface frappant la vaste zone de sol nu, par recours à
l’ensemencement ou au paillage afin de protéger le sol contre l’impact de la pluie et du processus
d’érosion en nappe. De plus, la présence d’un réseau étendu de ravines saillantes et de dimensions
Point no 8.2
S = 8094 m2
Point no 8.1
S = 6103 m2
Point no 8.2 sans gros glissements de terrain
S = 5966 m2
Point no 8.1 sans gros glissements de terrain
S = 4803 m2
ZONES AFFECTÉES PAR DE GROS GLISSEMENTS DE TERRAIN
ZONES DE CONTRIBUTION CONSTITUÉES DE SOL NU
Date de la photographie : décembre 2013
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variées, nettement visibles sur les images de 2013 et 2014, indique clairement qu’aucun effort n’a été déployé par la suite pour gérer et/ou disperser le ruissellement concentré sur les nombreux hectares de route exposée, de bords de déblai et de talus de déblai constitués de sols nus. Les ravines en voie d’élargissement minent les talus de remblai et contribuent à déclencher les effondrements observés et visibles sur la photographie de 2014.
Chacune de ces lacunes au niveau de la conception, de la construction, du contrôle de l’érosion et des procédures de stabilisation avant la saison des pluies constitue un manquement flagrant aux normes bien établies de conception et de construction de routes ; de telles lacunes dans le cadre de la construction d’une route et une telle absence de travaux de réparation ou d’entretien à l’échelle observée le long de certains tronçons de la route 1856 n’ont plus cours aux Etats-Unis depuis au moins 30 ou 40 ans. En l’absence de mise en oeuvre immédiate de mesures de contrôle de l’érosion et de stabilisation des pentes sur ces bords de déblai et sur les autres formations du même type  ainsi que sur le prisme de la route et sur les talus de remblai le long de la route 1856 , les futures tempêtes d’une intensité supérieure à celles enregistrées jusqu’à présent provoqueront presque certainement d’autres écroulements des talus de remblai et la production de sédiments (qui finiront dans le fleuve San Juan) d’une ampleur plus importante que celle visible sur les images.
Des preuves d’un affaissement sensible de la surface du terrain dû à des processus d’érosion de surface sont manifestes sur les zones des bords de déblai (figure 8). On voit très bien comment la surface d’excavation lisse que montre la photographie de 2012 s’est muée en une surface présentant une structure très grossière et rugueuse sur la photographie de 2014, sous l’effet de l’érosion. La surface érodée semble avoir exposé la stratigraphie en couches de la roche sous-jacente sous l’effet de 20 mois de précipitations et des processus d’érosion en nappe, de ruissellement et de ravinement consécutifs sur les zones de sol nu.
L’escarpement de couronne proéminent signalé sur la photographie aérienne oblique de 2012 indique que la déformation du remblai récemment déversé sans compactage a commencé dans l’année ayant suivi le début des travaux de construction le long de la route 1856. En recourant à des mesures SIG effectuées sur les images satellite, on estime que l’escarpement de couronne fait environ 70 mètres de long et se compose d’une surface de talus de remblai instable de 1300 m2 (figure 8). Sur la base d’une estimation prudente d’une profondeur moyenne de 2 m pour les glissements de terrain, on estime que 2600 m³ se sont effondrés et ont dévalé la pente. Outre la large zone du talus de remblai instable, un ruissellement incontrôlé et concentré a également affecté la surface importante de sol nu visible sur les photographies, en raison de la formation de plusieurs ravines  dont la plus importante est marquée «A» (figure 8)  sur le talus de remblai. La superficie de la ravine à l’endroit marqué A est estimée à 110 m², ce qui nous donne (après l’application d’une profondeur moyenne estimée de 3 m) un volume supplémentaire de sédiments érosifs de 330 m3 pour cette seule caractéristique géographique.
Si l’on exclut la zone de 1300 m² correspondant à la ravine A et la zone instable du talus de remblai tel qu’il est décrit plus haut (ce qui correspond à une approche très prudente, dans la mesure où une érosion supplémentaire touche manifestement ledit talus à l’endroit où le glissement de terrain s’est produit avant octobre 2012), on estime que la zone de drainage restante constituée de sol nu exposé (c’est-à-dire la zone où les produits générés par l’érosion seront déplacés ou transportés vers le fleuve San Juan et dans la forêt préservée) fait 4803 m² (figure 10). En appliquant les moyennes calculées par Mende et Astorga (2013, annexe 6, tableau 7) pour le taux estimé d’érosion des talus de déblai et de remblai par glissement de terrain, ravinement et ruissellement (à savoir 0,205 m pour le ruissellement + 0,48 m pour le ravinement + 0,99 m pour les glissements de terrain), on arrive à un total de 0,558 m/an et, en supposant qu’une combinaison de processus d’érosion par ruissellement, ravinement et glissement de terrain affecte 40 % de la zone définie à la figure 10, on obtient un surcroît d’environ 1072 m3/an au titre de cette érosion supplémentaire pour le point no 8.1 (figures 8 et 10). En appliquant les moyennes estimées calculées par Mende et Astorga (2013, annexe 6, tableau 7) (soit un taux d’érosion de surface de
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0,095 m pour les talus de déblai et de 0,24 m pour les talus de remblai et un total de 0,168 m/an) aux 60 % restants de la zone de contribution constituée de sol nu telle qu’elle est visible sur le point no 8.1 (figures 3 et 5), on arrive à un total d’environ 484 m3/an de matériau générés chaque année par les processus d’érosion de surface au sein de la zone de drainage sur le point no 8.1.
Tous processus combinés, nous estimons que les zones de sol nu du point no 8.1 ont produit au moins un total de 4156 m3/an de sédiments au cours de la première année ayant suivi la construction, dans le cadre de processus complexes mêlant une érosion en nappe, un ruissellement, un ravinement plus ou moins fort et des glissements de terrain (affectant la zone de contribution telle qu’elle est représentée sur les figures 8 et 10) et au moins 1886 m³ au cours de la période de 20 mois comprise entre octobre 2012 et mai 2014.
Solution recommandée
Comme indiqué plus haut, ce tronçon de route devrait être définitivement abandonné (c’est-à-dire démantelé et stabilisé) et la route devrait emprunter un nouveau tracé situé à l’intérieur des terres sur un terrain où les pentes sont moins abruptes. A supposer que ce déplacement permette d’améliorer la stabilité de la future route et la gestion de l’érosion, le problème persistera de savoir comment gérer l’érosion le long des pentes abruptes surplombant le fleuve à cet emplacement. En ce qui concerne les talus meubles en proie à l’érosion, les mesures suivantes s’imposent :
a) Dès que les conditions climatiques et l’état des sols le permettront, mobilisation des engins lourds de terrassement de manière à excaver tout le matériau extrait du talus de déblai et déversé dans la pente.
b) Définition d’un ou plusieurs points d’évacuation stables situés sur un terrain plat distant d’au moins 100 m du fleuve San Juan ou de ses affluents et sur lequel il est possible de créer une végétation de manière à stabiliser les déblais afin d’éviter qu’ils ne soient livrés à l’érosion et transportés jusqu’au fleuve.
c) Comme indiqué plus haut, il semble que l’accès le plus facile des camions-bennes aux talus de déblai et de remblai sur les points d’érosion marquée no 8.1 et 8.2 soit depuis le sud-est, de sorte que le nettoyage desdits points devrait être coordonné avec celui des trois passages de cours d’eau de Las Crucitas, afin que ces véhicules puissent transporter le matériau excavé jusqu’au point potentiel d’évacuation des déblais tels qu’il est indiqué à la figure 7 et qu’il se situe approximativement au kilomètre 20,5.
d) Il convient de tenir compte du danger inhérent à la circulation de camions lourdement chargés sur les passages de cours d’eau instables des points n° 9.4, 9.5 et 9.6, et la stabilité de ces structures (une fois leur réparation provisoire terminée) devrait être surveillée de près en cas de transport de déblais. A la première indication d’une déformation ou d’une instabilité due au poids des camions-bennes, les passages de cours d’eau devraient être mis hors service.
e) Transport, à l’aide de camions-bennes, des déblais excavés jusqu’au point d’évacuation.
f) Stabilisation des talus de déblai exposés en semant et en plantant (lorsque les conditions s’y prêtent) et, aux endroits indiqués par des experts qualifiés, recours à d’autres techniques de renforcement de la stabilité des pentes comme l’installation de drains horizontaux et/ou la pose de matériaux géotextiles et de systèmes de confinement cellulaire.
g) A supposer que les talus de déblai soient estimés trop abrupts, il pourrait s’avérer nécessaire de les étaler ou bien d’y construire des terrasses, de manière à parvenir à un angle plus stable et à réduire ainsi la probabilité d’un effondrement. Malheureusement, une telle méthode
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supposerait d’éventrer le talus et générerait par conséquent un volume supplémentaire de déblais qu’il faudra ensuite enlever et évacuer correctement. En raison de la perturbation et des débris supplémentaires générés par l’étalement des talus de déblai, cette technique devrait être mise en oeuvre uniquement sur recommandation d’experts qualifiés ayant eu l’occasion de visiter l’emplacement et de procéder sur place aux tests requis de résistance des matériaux, aux calculs de stabilité des pentes, etc., et donc à même de déterminer si les avantages d’une telle initiative compensent ses incidences négatives.
C. Forte érosion touchant les talus de déblai et de remblai sur le point no 8.2, à 16,3 km en aval de la borne no II
Le point d’érosion marquée no 8.2, tel qu’il apparaît sur la figure 9, est situé à 16,3 km en aval de la borne no II et correspond à un tronçon (pilote) partiellement construit de la route 1856 censé traverser une crête escarpée séparant deux chenaux d’affluents adjacents, dont l’un a été complètement enseveli sous le talus de remblai érigé à l’aide d’un bulldozer sans apparemment qu’une structure de drainage n’ait été mise en place au préalable (voir le coin inférieur gauche de l’image satellite de 2013). Comme au point no 8.1, la zone de construction de la route est abandonnée depuis octobre 2012, ce qui traduit l’absence de tout effort pour entretenir le site ou stabiliser les talus après la construction initiale, ou pour mettre en oeuvre des mesures de contrôle d’érosion temporaires, permanentes ou d’urgence, avant la saison des pluies.
L’absence totale de plans ou de normes de conception et de construction routières et l’inexistence de quelque mécanisme d’inspection et de gestion compétentes des travaux tant pour cet emplacement que pour les autres tronçons de la route 1856 ont eu pour effet immédiat et progressif d’entraîner l’instabilité des talus de déblai et de remblai au cours de la période de vingt mois couverte par ces images. L’érosion et l’instabilité importantes des pentes se sont renforcées en une période de moins de deux ans caractérisée par un niveau de précipitations modeste. Sur la photographie aérienne oblique d’octobre 2012 (figure 9), on peut apercevoir le glissement de terrain qu’avait connu le talus de déblai et qui s’est déclenché presque immédiatement au centre de la photographie. On distingue nettement un système d’escarpement arqué en forme de couronne en voie de formation le long du bord extérieur de la route, ce qui est le signe de l’imminence d’effondrements dans le talus de remblai constitué de matériaux non compactés et meubles ayant été poussés latéralement par des engins de terrassement sur la pente escarpée pendant la construction. Sur l’image satellite verticale de décembre 2013, ainsi que sur la photographie aérienne oblique de mai 2014, l’escarpement paraît de plus en plus net et intégré au bord extérieur de la route, à mesure que les talus de remblai instables continuent de se déformer.
En outre, deux effondrements plus récents et plus larges du talus de déblai sont visibles à chaque extrémité du bord du déblai sur la photographie datant de mai 2014. Ces caractéristiques indiquent clairement l’absence ou le caractère bâclé de toute analyse géotechnique du terrain et de la géologie du sous-sol préalable à la construction, analyse qui aurait révélé la nature instable du sol en cause. La tenue d’une telle analyse géotechnique et géologique, qui est pratique courante, aurait permis de prévoir l’insuffisance et la faiblesse du sol et du substrat rocheux, et aurait pu servir à l’élaboration des plans techniques voulus pour cet emplacement et d’autres disséminés le long de la route qui sont la proie aujourd’hui d’une érosion de surface massive et d’effondrements de la chaussée.
Comme on peut le voir sur les images du point no 8.2 et ailleurs le long de la route 1856 (aux endroits où celle-ci croise des pentes abruptes), la construction a également été menée sans le moindre effort visible de véritable conception de la chaussée et d’un système de drainage du talus de déblai permettant de gérer et de contrôler le ruissellement de surface. Ces lacunes au niveau de la conception et de la construction, ainsi que des pratiques déficientes et une qualité d’exécution médiocres, ont provoqué l’apparition et l’élargissement d’un immense réseau de ravines de diverses tailles qui s’agrandit visiblement sur les talus de remblai trop abrupts et non compactés.
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Comme indiqué sur les images de 2013 et de 2014, les deux plus grosses ravines sur le point no 8.2 sont comme par hasard situées le long des marges latérales de l’escarpement qui définissent les talus de remblai les plus instables et les plus susceptibles de s’effondrer.
La paire d’escarpements de couronne proéminents signalée sur la photographie aérienne oblique d’octobre 2012 indique de nouveau que la déformation du remblai récemment déversé sans compactage a commencé dans l’année ayant suivi le début des travaux de construction le long de la route 1856 (figure 9, emplacements A et B). En recourant à des mesures SIG effectuées sur les images satellite, on estime que ces escarpements de couronne font tous les deux environ 50 m de long et se composent d’une surface de talus de remblai occupant respectivement 1079 et 1049 m² (figure 9). Sur la base d’une estimation prudente d’une profondeur moyenne de 1,75 m pour les deux plus gros talus de remblai en voie d’effondrement et des caractéristiques géologiques liées à l’érosion visibles sur les photographies (voir, sur la figure 9, la photographie en encadré C extraite du rapport de Mende et Astorga de 2013), nous estimons qu’au moins 3724 m³ ont été précipités en bas de la pente à ces deux endroits depuis la construction, soit une moyenne de plus de 1241 m³ par an au cours des trois dernières années.
Si l’on exclut la zone de 2128 m² délimitée sur la figure 10, telle qu’elle a servi à calculer le volume du glissement de terrain ayant affecté le talus de remblai au point no 8.2, on estime que la zone de drainage restante constituée de sol nu exposé (c’est-à-dire la zone où les produits générés par l’érosion seront déplacés ou précipités en bas de la pente vers le fleuve San Juan et dans la forêt préservée) fait 5966 m2 (figure 10). Il s’agit là d’une estimation prudente, dans la mesure où l’érosion continue également à s’attaquer à l’ancien escarpement créé par le glissement de terrain. En appliquant les moyennes calculées par Mende et Astorga (2013, annexe 6, tableau 7) pour le taux estimé d’érosion des talus de déblai et de remblai par glissement de terrain, ravinement et ruissellement (à savoir 0,205 m pour le ruissellement + 0,48 m pour le ravinement + 0,99 m pour les glissements de terrain), on arrive à un total de 0,558 m/an et, en supposant qu’une combinaison de processus d’érosion par ruissellement, ravinement et glissement de terrain affecte 40 % de la zone définie à la figure 10, on obtient un surcroît d’environ 1,332 m3/an au titre de cette érosion supplémentaire pour le point n° 8.2 (figures 9 et 10). En appliquant les moyennes estimées calculées par Mende et Astorga (2013, annexe 6, tableau 7) (soit un taux d’érosion de surface de 0,095 m pour les talus de déblai et de 0,24 m pour les talus de remblai et un total de 0,168 m/an) aux 60 % restants de la zone de contribution constituée de sol nu telle qu’elle est visible sur le point n° 8.2 (figures 9 et 10), on arrive à un total d’environ 601 m3/an de matériaux générés chaque année par les processus d’érosion de surface au sein de la zone de drainage sur le point no 8.2.
Tous processus combinés, nous estimons que les zones de sol nu du point no 8.2 ont produit au moins un total de 3174 m3/an de sédiments au cours de la première année ayant suivi la construction dans le cadre de processus complexes mêlant une érosion en nappe, un ruissellement, un ravinement plus ou moins fort et des glissements de terrain (affectant la zone de contribution telle qu’elle est représentée sur les figures 8, 9 et 10). Cette estimation de l’érosion totale au point no 8.2 est nettement supérieure au volume de la production totale de sédiments avancé par Mende et Astorga (2013), à savoir 1238 m³/an (y compris l’érosion en nappe, le ravinement et les glissements de terrain) (figure 9), ce qui nous paraît correspondre à une sous-estimation grossière des effets de l’érosion réelle telle qu’elle apparaît sur les images.
Solution recommandée
Comme pour le point no 8.1, nous suggérons de modifier le tracé de la route afin qu’il emprunte un terrain plus ferme au sud et de transférer le matériau de remblai meuble vers un point d’évacuation stable.
Comme nous l’avons déjà fait pour les emplacements décrits plus haut, nous recommandons que, une fois le matériau de remblai excavé, le talus de déblai exposé soit stabilisé en plantant des
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végétaux, en recourant à des systèmes de confinement cellulaire ou des matériaux géotextiles, en installant des drains horizontaux et, éventuellement, en l’étalant de manière à réduire son inclinaison.
D. Résumé des observations relatives aux talus de déblai et de remblai
Force est de constater que, pendant la période de 20 mois couverte par l’analyse des photographies aériennes obliques et des images satellite à haute résolution, aucun effort important ou sensible n’a été déployé en vue de limiter, de réparer ou de prévenir les glissements de terrain, le ravinement et l’érosion de surface pourtant très visibles, continus et imminents que révèlent ces deux exemples de talus de déblai et de remblai. Le segment inachevé qui relie les points no 8.1 et 8.2 témoigne d’un mépris total pour les principes élémentaires et bien établis en matière de conception et d’entretien normalement appliqués dans le cadre de travaux de construction routière. Ce mépris est encore plus flagrant en ce qui concerne les effets environnementaux spécifiques et cumulés qui continuent à se faire sentir au Nicaragua, ainsi que sur les ressources naturelles du Costa Rica.
Les exemples de talus de déblai et de remblai décrits plus haut violent quasiment toutes les normes et les règles de conception, d’agencement, de construction et d’entretien des routes, ainsi que de contrôle temporaire ou d’urgence de l’érosion.
IV. Solution recommandée de contrôle de l’érosion le long de la route 1856 sur les tronçons qui ne seront pas déplacés
Nombreux sont les emplacements  le long de la portion de la route 1856, longue de 108 km, qui sépare la borne no II de la confluence du Colorado et du San Juan  où l’érosion en cours ou potentielle est forte et où il est peu probable que le tronçon concerné soit définitivement abandonné et déplacé vers l’intérieur des terres dans le but de protéger la qualité de l’eau. Par exemple, l’appendice A désigne 18 emplacements supplémentaires le long de la route 18, en plus des cinq points d’érosion marquée mentionnés plus haut, sur lesquels on peut constater une combinaison d’érosion de surface, de ravinement et de glissements de terrain incontrôlés ou une érosion potentielle inhérente à une conception, un tracé et une construction déficients, ainsi qu’à l’absence de mesures temporaires de contrôle de l’érosion pendant la phase postérieure à la construction. Il conviendrait d’appliquer les recommandations suivantes pour stabiliser et prévenir les impacts continus sur le fleuve San Juan.
A. Approches recommandées en matière d’atténuation de l’érosion sur les passages de cours d’eau
Selon Mende et Astorga, (2013, annexe 6, p. 399) 83 (soit 70 %) des 119 passages de cours d’eau disséminés le long de la route 1856 sont considérés, sous l’angle de leur état technique, comme «hors d’usage», «bouchés», «provisoires» ou «sans aucune construction» (figure 6). Une partie d’entre eux devra finalement être remplacée par un pont ou une structure de drainage reposant sur un collecteur de dimensions appropriées et, de toute façon, chaque passage de cours d’eau devra être construit ou reconstruit conformément à de solides normes de géologie, d’ingénierie et de compactage. Le processus de construction de passages de cours d’eau stables et susceptibles de résister aux grosses tempêtes à venir et de permettre une utilisation commerciale en toute sécurité inclut notamment  mais pas uniquement  l’application des principes suivants en matière de conception, de construction et d’entretien :
a) Dès que les conditions climatiques et l’état des sols le permettront, mobilisation des engins lourds de terrassement de manière à excaver tous les remblais instables ou potentiellement
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instables, mal compactés et en pente trop raide sur l’ensemble des passages de cours d’eau empruntés par la route.
b) Dès que les conditions climatiques et l’état des sols le permettront, mobilisation des engins lourds de terrassement de manière à stabiliser les talus de remblai de la route en voie d’effondrement ou potentiellement instables aux endroits où la chaussée est très proche des passages de cours d’eau en excavant tous les talus de remblai  instables ou potentiellement instables  ayant été mal compactés ou érigés selon une pente trop forte.
c) Transport, en camions-bennes, des déblais excavés vers des points d’évacuation stables où le sol ne risquera pas d’être érodé et de générer des sédiments qui finiront dans le fleuve San Juan ou ses affluents.
d) Les remblais des passages de cours d’eau mal conçus devraient être immédiatement démantelés et remplacés par un ouvrage correctement conçu et construit. Parmi les points concernés figurent :
i) les ponts et ponceaux construits à l’aide de matériaux impropres (bois d’oeuvre, conteneurs de transport en métal, etc.),
ii) les structures de passage de cours d’eau n’ayant pas été conçues (planifiées) pour résister à la crue centenaire,
iii) les ponts ou ponceaux de passage de cours d’eau n’ayant pas été parfaitement alignés sur les chenaux naturels ou aux abords desquels des fossés de drainage ont été excavés de manière à modifier le trajet du chenal naturel,
iv) les passages de cours d’eau où les talus de remblai en amont et en aval sont trop abrupts comme en témoigne l’apparition de déformations, de ravines et de glissements de terrain.
Le démantèlement de ces passages de cours d’eau mal conçus et/ou construits devrait inclure les étapes suivantes :
v) excavation et retrait de la ou des structures de drainage,
vi) excavation de l’intégralité du matériau de remblai du passage de cours d’eau de manière à «exhumer» le lit original et naturel du chenal, rétablir la déclivité du chenal le long du thalweg, ainsi que la largeur correspondant à la crue centenaire, et ménager des pentes latérales stables qui soit imitent les pentes naturelles du cours d’eau soit épousent un angle maximal de 2:1,
vii) ensemencement et paillage de toutes les surfaces exposées du sol de manière à contrôler temporairement l’érosion.
e) Les passages de cours d’eau pourront être convenablement reconstruits à l’avenir après avoir été soigneusement conçus : a) en sélectionnant des matériaux, un emplacement, une orientation et une taille de structure de drainage aptes à résister à la crue centenaire et aux débris ligneux que celle-ci charriera, b) en utilisant une structure de drainage suffisante pour construire des talus de remblai stables et compactés et pour ménager un passage à l’eau sous ces talus et sous l’emprise du site de construction et c) en construisant des talus de remblai stables, structurellement renforcés, correctement compactés et conçus pour résister à des événements peu fréquents tels qu’une violente tempête prolongée.
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B. Approches recommandées en matière d’atténuation de l’érosion sur les talus de remblai
Il est nécessaire de réduire l’ampleur et la fréquence des effondrements et glissements de terrain dus à l’affaissement du remblai dans les secteurs où la route rencontre les pentes les plus escarpées, et plus particulièrement dans les zones où se sont accumulés, ou sont susceptibles de s’accumuler, les débris de l’érosion ou de l’effondrement des sols dans le San Juan. Pour ce faire, les mesures suivantes sont recommandées :
a) Dès que les conditions climatiques et l’état des sols le permettront, il conviendra d’utiliser des engins lourds de terrassement pour extraire tous les matériaux de remblais instables ou potentiellement instables. Des pelles hydrauliques, ainsi que, dans de nombreux secteurs, des structures, embranchements et voies d’accès provisoires, seront nécessaires pour accéder à ces matériaux instables et en voie d’effondrement. Des pelles à longue portée pourront être utiles pour atteindre les zones instables et évacuer les déblais lorsqu’il n’est pas possible de construire un accès temporaire dans des conditions de sécurité satisfaisantes.
b) Il sera peut-être nécessaire de recourir à des camions-bennes pour transporter les débris excavés, notamment lorsque ceux-ci ne peuvent pas être dispersés le long des talus de déblai ou évacués vers des points d’évacuation stables et à faible pente d’où ils ne pourront plus être remobilisés et charriés vers un cours d’eau ou une zone humide.
c) Il convient de noter que l’ensemencement, le paillage ou la pose de matériaux géotextiles et de systèmes de confinement cellulaire ne constituent pas une méthode acceptable de contrôle des processus massifs (en cours ou potentiels) de mouvement de terrain.
d) Une fois les remblais instables excavés et évacués, la route consistera essentiellement en un lit rocheux d’où aura disparu l’essentiel des tronçons construits sur des talus de remblai potentiellement instables. A supposer que les segments de route en reconstruction ne soient pas suffisamment larges pour supporter la circulation attendue, il conviendra soit de les déplacer à flanc de colline (à condition que les sols y soient stables), soit d’installer un remblai correctement conçu et réalisé le long du côté extérieur de la route. La structure de remblai sera conçue par un ingénieur qualifié qui devra également être présent pendant toute la construction.
C. Approches recommandées en matière d’atténuation de l’érosion de surface
Il est nécessaire de réduire immédiatement l’érosion de surface de la route et la production correspondante des sédiments en améliorant la dispersion du ruissellement concentré sur la chaussée et en accroissant le nombre et la fréquence de ses structures de drainage. Cette mesure permettra de s’attaquer aux problèmes posés par le raffinement et par l’érosion de tronçons de la route liés sous l’angle hydrologique, lesquels provoquent actuellement l’apport de sédiments au fleuve San Juan et à ses affluents. Cela inclut les étapes suivantes :
a) Dès que les conditions climatiques et l’état des sols le permettront et après avoir excavé l’ensemble des talus de remblai affichant des signes d’instabilité  mentionnés dans la première recommandation ci-dessus  le long de la route 1856, il faudra immédiatement construire des rigoles, des saignées transversales et/ou des cassis d’interception provisoires à des intervalles de 15 m ou moins, de manière à drainer le ruissellement de surface vers la bordure extérieure de la route.
b) Il conviendra de construire des structures de drainage de surface à des intervalles suffisamment courts pour éviter la formation de nouvelles ravines capables de transporter les sédiments générés par l’érosion jusqu’au fleuve San Juan ou ses affluents. On peut s’attendre à ce que les talus de remblai de la route génèrent une certaine érosion, mais les sédiments devraient se déposer sur la pente naturelle de la colline sous la base du talus de déblai et ne pas finir dans le
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fleuve ou dans un cours d’eau. Des collecteurs pourront être posés pour déverser l’eau du ruissellement de surface sur la pente du talus de remblai et, aux endroits où la route passe trop près du fleuve, à la base dudit talus, de manière à éviter tout apport sédimentaire.
c) Il faudra veiller à ce que chaque drain ou saignée d’accotement soit construit à un angle/gradient légèrement supérieur à celui de la route, de manière à permettre leur rinçage et leur entretien automatiques.
d) Des fossés devraient être creusés sous la forme de canaux d’évacuation aménagés sous la chaussée à des intervalles suffisants pour prévenir le ravinement du talus de remblai ou de la pente naturelle au-dessous de la base dudit talus.
e) Des fossés de drainage et des conduites d’évacuation devraient être placés à proximité de l’approche des passages de cours d’eau affluents, de manière à dérouter le ruissellement de surface vers des pentes naturelles et non perturbées, et ainsi prévenir ou réduire l’apport de sédiments charriés par le ruissellement de surface jusqu’aux cours d’eau se jetant dans le fleuve San Juan.
f) Il conviendra d’entretenir toutes les structures de drainage de surface et les fossés de drainage afin de leur permettre de remplir la fonction pour laquelle ils ont été conçus et éviter que des sédiments générés par l’érosion se déversent dans le fleuve San Juan ou ses affluents. A supposer que des structures de drainage soient endommagées par la circulation des véhicules ou d’engins de chantier, elles devront être reconstruites avant la prochaine pluie et son cortège de processus de ruissellement.
Approches recommandées en matière de contrôle de l’érosion de surface pour les zones de sol nu
Enfin, comme indiqué plus haut, outre les méthodes de stabilisation des talus de déblai (systèmes de confinement cellulaire, géotextiles, drains horizontaux et  si nécessaire  étalement des talus afin de réduire leur angle), il conviendrait de contrôler l’érosion de surface en recourant aux méthodes suivantes :
a) Ensemencement et paillage de toutes les zones de talus présentant le moindre risque de dépôt de sédiments dans les zones humides/cours d’eau voisins à raison de 4485 kg de paille par hectare et de 56 kg de graines de plantes naturelles par hectare. Au cas où la paille utilisée ne serait pas de la paille de riz ou de blé, veiller à assurer une couverture au sol d’au moins 95 %.
b) Traitement des bords des déblais accusant un angle supérieur à 50 % par un recours simultané à l’ensemencement, au paillage et à l’installation d’un revêtement de contrôle de l’érosion en rouleau qui sera fixé à la pente de manière à réduire l’érosion de surface.
c) Inspection, renouvellement et entretien de tous les dispositifs de contrôle de l’érosion, de manière à ce qu’ils continuent à remplir la fonction qui leur est dévolue et à empêcher l’apport de sédiments au fleuve San Juan et à ses affluents.
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ANNEXE 3 EDMUND D. ANDREWS, «EVALUATION DES MÉTHODES, DES CALCULS ET DES CONCLUSIONS DU COSTA RICA CONCERNANT L’APPORT ET LE TRANSPORT DE SÉDIMENTS DANS LE BASSIN DU FLEUVE SAN JUAN», JUILLET 2014
[ANNEXE NON TRADUITE]
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ANNEXE 4 RÉPERCUSSIONS ÉCOLOGIQUES DE LA ROUTE 1856 SUR LE FLEUVE SAN JUAN (NICARAGUA), BLANCA RÍOS TOUMA (PHD), JUILLET 2014
Centro de Investigación de la Biodiversidad y el Cambio Climático (BioCamb), Universidad Tecnológica Indoamérica, Quito (Équateur), 5 juillet 2014
1. INTRODUCTION
A. Effets des sédiments sur le biote du fleuve
Les sédiments libérés par l’activité humaine (par exemple, par la construction de routes, l’exploitation minière et l’agriculture) peuvent modifier les habitats physiques et le biote aquatique en aval de la source de ces sédiments (voir, par exemple, Fossati et al., 2001 ; Spelleberg, 1998). Ces effets, bien documentés pour les cours d’eau tempérés, ont été résumés dans des publications scientifiques, notamment par Wood et Armitage (1997). Les modifications recensées concernent notamment les substrats, qui perdent en volume et deviennent plus instables. L’augmentation de la concentration des sédiments en suspension et de la turbidité entraîne la diminution des capacités respiratoires de certains invertébrés et poissons.
L’augmentation de la sédimentation a également une incidence sur les producteurs primaires (périphyton et macrophytes) dans les cours d’eau. Ces producteurs étant à la base de la chaîne alimentaire, les effets délétères de cette augmentation se manifestent ensuite chez les communautés d’invertébrés et de poissons (Wood et Armitage, 1997). L’augmentation des sédiments fins affecte les producteurs primaires de quatre façons : 1) elle réduit la pénétration de la lumière, entraînant une diminution de la photosynthèse et de la productivité primaire (Van Nieuwenhuyse et LaPerriere, 1986) ; 2) elle appauvrit la teneur en matières organiques des cellules du périphyton (Cline et al., 1982, Graham 1990) ; 3) elle endommage les macrophytes par abrasion (Lewis 1973 a, b) ; et 4) elle empêche la fixation au substrat et, dans les cas extrêmes, en vient à détruire le périphyton et les macrophytes aquatiques (Brookes, 1986).
Le biote aquatique s’adapte généralement aux variations de débit des cours d’eau et aux modifications sédimentaires, mais les effets de ces variations peuvent être graves lorsque les apports en sédiments sont artificiellement élevés. En effet, les charges sédimentaires anormales peuvent appauvrir les communautés d’invertébrés benthiques. Ainsi, une chute de 47 % de la population d’invertébrés benthiques a été recensée sur la côte ouest de l’île du Sud en Nouvelle-Zélande, en raison de l’augmentation des sédiments induite par l’exploitation minière (Quinn et al., 1992). Cet appauvrissement peut être imputé au phénomène de dérive dû à l’instabilité du substrat (Culp et al., 1995), à la diminution des habitats adaptés à certaines espèces (Richards et Bacon, 1994), à la réduction des capacités respiratoires induite par les dépôts de sédiments sur l’appareil respiratoire ou à la raréfaction de l’oxygène (Lemly, 1982), ainsi qu’à la modification de la disponibilité de la nourriture (Cline et al., 1982 ; Peckarsky, 1984 ; Graham, 1990) et à la perturbation de l’ensemble du réseau trophique aquatique (Henley et al., 2000).
Ces modifications de l’écosystème dues aux sédiments ont des répercussions profondes sur son fonctionnement car elles affectent des traits spécifiques des macroinvertébrés, altérant ainsi leur fonction écosystémique. Par exemple, Richards et al. (1997) ont découvert que l’accroissement de la charge de l’eau en sédiments fins affectait les macroinvertébrés à longue durée de vie, car il entraîne l’abandon de certaines habitudes alimentaires et la disparition de certains insectes aquatiques sédentaires (clingers) ; ils ont ainsi démontré que certains traits propres aux macroinvertébrés sont particulièrement touchés par les fortes charges sédimentaires.
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B. La route 1856 longeant le fleuve San Juan
La route 1856, au Costa Rica, longe la majeure partie de la rive sud du fleuve San Juan. Elle se trouve à proximité de la rive du fleuve, pour près de la moitié à moins de 100 m de distance. Les sédiments provenant de l’érosion de cette route se déversent dans le San Juan en des points précis, dans des grands bassins naturels qui drainent la route ou par de nouvelles tranchées ravinantes plus petites qui drainent l’érosion provenant de certaines sections de la voirie. Les sédiments provenant de la route se déposent dans des deltas naturels ou s’accumulent pour former de nouveaux deltas qui n’existaient pas auparavant.
Nous avons documenté les communautés écologiques présentes sur les graviers des deltas des affluents du San Juan, en comparant les conditions dans les deltas des cours d’eau s’écoulant dans les forêts sur la rive nord (Nicaragua), pour la plupart non perturbées, avec celles trouvées dans les deltas touchés par les sédiments rejetés par la route sur la rive sud (Costa Rica). Ces deltas contiennent un substrat de gravier en eau peu profonde, adapté à la colonisation par les macroinvertébrés et le périphyton (les algues qui poussent sur les cailloux et les galets). Les deltas s’étendent de la rive du fleuve jusque dans le chenal. Les différences relevées entre les communautés benthiques prélevées sur les deux rives du fleuve devraient refléter l’incidence des fortes charges sédimentaires provenant de l’érosion de la route 1856.
Les organismes benthiques sont des indicateurs de la santé des écosystèmes. Du fait qu’ils vivent au fond (benthique) des cours d’eau, leur composition, richesse et abondance reflètent l’histoire récente de ceux-ci, en fournissant des informations sur leurs carences. L’échantillonnage de ces insectes est peu coûteux et produit des données fiables sur la qualité de l’eau (Resh, 2008). Pour ces raisons, les macroinvertébrés sont utilisés mondialement dans les programmes de surveillance biologique des cours d’eau (Bonada et al., 2006 ; Resh, 2008). Selon la Directive-cadre européenne sur l’eau, les algues et les invertébrés benthiques figurent parmi les indicateurs prescrits pour déterminer la qualité écologique (JOCE, 2000). La législation costaricienne exige également l’échantillonnage et l’analyse des macroinvertébrés pour déterminer et classifier la qualité des eaux de surface (MINAE-S, 2007).
2. MÉTHODES
Nous avons sélectionné 16 sites appropriés à l’échantillonnage des indicateurs benthiques : les deltas de huit ruisseaux situés sur la rive nord du fleuve San Juan (drainant des forêts non perturbées au Nicaragua, sites identifiés par la lettre «B») et les deltas de huit ruisseaux situés sur la rive sud, drainant la route 1856 au Costa Rica (sites identifiés par la lettre «A») (tableau 1, figure 1). La plupart des sites se caractérisent par un drainage de petit débit (tableau 1), à l’exception des sites 1B, 4B, 4A et 9A, où le débit est plus important. Trois prélèvements d’échantillons ont été effectués au printemps 2014 : à la fin du mois de mars, à la mi-avril et au début mai. Sur chaque site témoin, nous avons recueilli des échantillons de périphyton et de macroinvertébrés benthiques. En sus de ces 16 sites témoins, nous avons prélevé, lors de la visite effectuée début mai, un échantillon de périphyton (avec trois répétitions) et un de macroinvertébrés dans un delta récemment perturbé drainant la route à la hauteur de «La Chorrera» (point 9A).
Afin de caractériser les sites, nous avons mesuré la température, le pH et la conductivité avec des sondes de champ. Nous avons également procédé à des mesures sur les bancs de galets (Kondolf, 1997) pour établir la granulométrie des sites.
Nous avons procédé à l’échantillonnage de la biomasse du périphyton à chaque delta du fleuve sur un substrat similaire (galets et cailloux) (Steinman et al., 2006), en raclant une zone fixe de 4 x 4 cm comportant trois différents types de cailloux ou galets, puis en filtrant l’échantillon obtenu dans un filtre Whatman® en microfibre de verre, type GF/F (47 mm). Le filtre a été placé dans un récipient en verre recouvert de papier aluminium et conservé à 4 oC pendant le transport
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(quatre heures maximum), puis à - 20 oC en attendant l’analyse en laboratoire. Dans le cadre de celle-ci, nous avons notamment procédé à une extraction des échantillons dans 15 ml d’acétone tamponnée à 90 % pendant vingt-quatre heures dans l’obscurité, avant de les centrifuger et de mesurer leur teneur en chlorophylle a dans un spectrophotomètre. Les algues vivantes contiennent principalement de la chlorophylle non dégradée, mais, avec leur senescence ou leur mort, des produits issus de la dégradation des détritus apparaissent également dans les échantillons, principalement de la phéophytine (Stienman et al., 2006). La phéophytine et la chlorophylle a ayant le même spectre d’absorption de la lumière, il faut corriger les mesures après avoir acidifié les échantillons (avec 0,1 ml de HCl à 0,1N pendant trois minutes).
La turbidité et les matériaux colorés peuvent influer sur la mesure de la concentration en chlorophylle a (Stienman et al., 2006). Pour corriger les valeurs de la chlorophylle a ainsi influencées, nous avons soustrait les mesures d’absorption effectuées à 750 nm de celles faites à 664 nm. Pour la correction des valeurs de la phéophytine, après avoir acidifié l’échantillon, nous avons mesuré à 665 nm puis à 750 nm (pour corriger les effets de la turbidité).
Nous avons appliqué la formule suivante :
Chlorophylle a (μg/cm2) = 26,7 (E664b – E665a) x V ext/ zone de substrat (cm2) x L
Où :
E664b = (absorbance de l’échantillon à 664 nm) − (absorbance de l’échantillon à 750 nm) avant acidification ;
E665a = (absorbance de l’échantillon à 665 nm) − (absorbance de l’échantillon à 750 nm) après acidification ;
Vext = Volume d’acétone 90% utilisé pour l’extraction (ml), en l’occurrence, 15 ml ;
L = longueur du rayon lumineux à travers la cuvette (cm), dans notre cas : 1 cm ;
26,7 = correction de l’absorbance (dérivée du coefficient d’absorption pour la chlorophylle a à 664 nm x correction pour acidification).
Ces analyses ont été effectuées au laboratoire de la société ENACAL (Empresa Nicaraguense de Acueductos y Alcantarillados Sanitarios) à Managua, au moyen de la méthode normalisée 10200H(2) (APHA 1998, 20e édition).
Les macroinvertébrés ont été prélevés à l’aide d’un filet dérivant à maille de 500 microns (méthode normalisée 10500 (APHA 2006, édition en ligne, Hauer et Resh 2006). Nous avons prélevé un échantillon par delta, dans autant de lits de graviers peu profonds que possible pendant une période d’échantillonnage de deux minutes. Les échantillons ont été fixés sur place avec de l’alcool à 90º. Ces échantillons ont été analysés dans le laboratoire de M. Raúl Acosta, expert en taxonomie des macroinvertébrés latino-américains, jusqu’au niveau taxonomique le plus bas possible (au moins jusqu’au niveau des familles pour les insectes). Pour évaluer les différences fonctionnelles dans la communauté de macroinvertébrés des deltas, nous avons classé les invertébrés récoltés selon leurs modes d’alimentation ou leurs groupes fonctionnels alimentaires (Ramirez et Gutierrez, 2014 ; Dominguez et Fernandez, 2009 ; Merrit et al., 2008).
Nous avons calculé l’abondance et la richesse taxonomique de chaque site. En outre, pour déterminer sa qualité biologique, nous avons calculé la richesse et l’abondance des éphéméroptères, des plécoptères et des trichoptères (EPT). Il s’agit d’un indicateur largement utilisé pour la surveillance biologique des cours d’eau (Chang et al. 2014 ; Carter et Resh, 2013).
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Analyse statistique
Afin de caractériser le substrat, nous calculons les valeurs d16, d50 et d84, qui désignent respectivement le diamètre des sédiments correspondant à un pourcentage pondéral de 16, 50 et 84 % par rapport à l’échantillon de départ. La valeur d50 désigne la taille médiane ; autrement dit, la moitié des grains dans l’échantillon sont plus grands, l’autre moitié, plus petits. Il s’agit d’un indicateur couramment utilisé pour mesurer la tendance centrale de la distribution granulométrique. Il permet de mesurer la quantité de sédiments ayant une taille semblable et reflète les processus de transport et de dépôt sélectifs des sédiments par écoulement des eaux. Les sédiments qui ont été transportés par les cours d’eau sur une plus longue période sont généralement mieux triés que les sédiments récemment issus de l’érosion de la roche-mère, ces derniers ayant tendance à avoir un éventail de tailles de grains plus large. Pour évaluer la qualité du tri granulométrique, nous avons calculé son coefficient géométrique (Otto, 1939 ; Inman, 1952) en appliquant la formule sg = (d84/d16)½, où la qualité du tri sédimentaire est inversement proportionnelle au coefficient obtenu. Pour comparer les variables environnementales entre les deltas drainant la route et les deltas des ruisseaux drainant les forêts, nous avons utilisé le test de la médiane (khi carré).
Pour analyser les différences relevées s’agissant de la biomasse du périphyton et des macroinvertébrés dans les deltas drainant la route et les deltas des ruisseaux drainant les forêts, nous avons utilisé l’analyse de variance de Kruskal-Wallis, adaptée aux données non paramétriques. Nous avons également effectué une mise à l’échelle multidimensionnelle non métrique (en anglais, non-metric multidimentional scaling (NMDS)) correspondant aux statistiques environnementales et granulométriques des substrats, ces vecteurs servant à évaluer les différences dans la composition de la communauté de macroinvertébrés.
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Tableau 1 : Emplacement des deltas ayant fait l’objet de prélèvements sur le fleuve San Juan (Nicaragua). Les points «A» correspondent aux deltas formés par les ruisseaux drainant la route sur la rive sud du fleuve ; les points «B» correspondent aux deltas formés du côté nicaraguayen sur la rive nord du fleuve.
Point
LONGITUDE
LATITUDE
Superficie de drainage approximative (km2)*
1A
-84.35933333300
10.99698500000
1,5
1B
-84.29281034980
10.91394448280
>25
2A
-84.28382000000
10.89443000000
0,25
2B
-84.28700359230
10.90482145620
1,5
3A
-84.28213166700
10.89327333300
0,1
3B
-84.26302965570
10.89231645490
0,4
4A
-84.26815310670
10.89182263050
6,8
4B
-84.28559759790
10.90077234720
> 10
5A
-84.35409933930
10.99030940540
1
5B
-84.21508833300
10.84640666700
0,4
6A
-84.27846253600
10.89264772500
0,4
6B
-84.21835833300
10.86338000000
0,7
7A
-84.27767348230
10.89269348540
0,2
7B
-84.23483789070
10.87701472010
0,4
8A
-84.26354020910
10.89096424330
0,5
8B
-84.24867105280
10.88897071090
1,6
9A
-84.23740666700
10.87652500000
4,8
* Calculée à partir des cartes topographiques disponibles
Figure 1 : Points de prélèvement le long du fleuve San Juan entre El Castillo et Boca del Río San Carlos. Chaque point correspond à un delta formé par un ruisseau se déversant dans le fleuve San Juan.
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3. RÉSULTATS
A. Variables substratiques et environnementales
La température était sensiblement plus élevée dans les deltas de la rive sud (27,7 °C, khi carré=9,0, df=1, p=0,0027) par rapport à ceux de la rive nord (25,83 °C). Cette différence est probablement attribuable aux effets de la chaleur solaire sur les terres déboisées le long de la rive sud, par comparaison avec les zones boisées de la rive nord. Les statistiques substratiques d16 et d84 diffèrent également selon que les deltas en question se trouvent sur la rive nord ou sur la rive sud. La valeur d16 (khi carré = 6,35, df = 1, p = 0,0117) était plus élevée (substrat plus volumineux) sur la rive nord que sur la rive sud (respectivement 9,6 et 7,5), tandis que la valeur d84 (khi carré = 4, df = 1, p = 0.0455) était moins élevée sur la rive nord que sur la rive sud (respectivement 28,75 et 37). Bien que la conductivité moyenne et le coefficient sg (coefficient de tri des sédiments) soient plus élevés sur la rive sud, aucune différence notable n’a été relevée (annexe 1).
B. Périphyton
Les trois visites effectuées sur les 16 sites ont permis de prélever 143 échantillons au total. Nous avons dû éliminer six échantillons prélevés sur les sites drainant la route en raison de leur turbidité excessive (les relevés à 750 nm étant plus élevés que ceux à 664 et 665 nm). Nous avons aussi éliminé deux échantillons provenant de la rive sud drainant la route et un de la rive nord parce que les mesures de la phéophytine dépassaient celles de la chlorophylle a, ce qui signifie que le périphyton n’était pas vivant dans ces échantillons. Après ces éliminations, il nous restait 63 échantillons prélevés sur les deltas de la rive sud et 73 sur ceux de la rive nord.
Nos résultats (figure 2, tableau 2) montrent des différences très importantes entre les deltas de la rive nord et ceux de la rive sud. Les deltas touchés par les sédiments provenant de la route (rive sud) ont des valeurs de biomasse du périphyton sensiblement plus faibles (KW-H(1,135) = 13,13 ; p. = 0,0003).
Figure 2 : Biomasse du périphyton sur le substrat benthique (cailloux et galets) dans les deltas situés sur la rive sud du San Juan (recevant les sédiments provenant de l’érosion de la route 1856), sur la rive nord (formés par les cours d’eau drainant les forêts) et au point 9A (La Chorrera)
rive sud
rive nord
pays
moyenne
moyenne + erreur type
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Tableau 2 : Valeurs moyennes, minimales et maximales de la chlorophylle a (mg/cm2) sur chaque site
Site
V. moyenne
V. minimale
V. maximale
1A
1,75
0,10
3,40
2A
2,29
0,10
5,41
3A
1,81
0,20
5,11
4A
3,18
0,10
5,51
5A
8,92
4,61
20,73
6A
0,77
0,10
2,00
7A
1,72
0,20
4,61
8A
4,68
0,20
12,62
9A
1,84
1,20
2,40
1B
5,02
3,20
9,51
2B
7,62
0,40
18,32
3B
3,98
0,20
18,82
4B
3,14
0,50
10,21
5B
6,01
0,80
16,92
6B
8,17
2,80
14,12
7B
6,95
0,40
17,32
8B
6,59
0,70
20,03
Les échantillons prélevés sur le site de La Chorrera (9A, figure 2) avaient une moyenne plus faible que celles rapportées pour les autres sites drainant la route (1,8 μg/cm2, en dehors de la limite inférieure de la fourchette d’écart-type).
C. Macroinvertébrés
Nous avons recensé 54 groupes de macroinvertébrés dans les deltas du fleuve San Juan (annexe 2). La richesse de ces macroinvertébrés (tableau 3, figure 3) et leur abondance (figure 4) étaient sensiblement plus élevées sur la rive nord que sur la rive sud. Les groupes plus sensibles aux modifications de l’environnement, à savoir les EPT (éphéméroptères, plécoptères et trichoptères), étaient plus riches et plus abondants sur la rive nord que sur la rive sud, mais pas de façon importante (figures 5 et 6).
La richesse du site 9A, où deux visites de prélèvement ont été effectuées, était très faible (2,5 taxons/échantillon en moyenne) avec moins de taxons que la moyenne relevée sur la rive sud. En outre, l’abondance des macroinvertébrés y était inférieure à la moyenne relevée sur les sites de la rive sud (8,5 individus/échantillon en moyenne). Des taxons n’appartenant pas au groupe des EPT ont été trouvés sur ce site ; des Melanoides tuberculata, espèce d’escargot envahissante, y ont également été vus à chacune de ces deux visites (annexe 2).
- 123 -
Figure 3 : Différences de richesse relevées chez les macroinvertébrés benthiques des deltas de la rive nord et ceux de la rive sud du fleuve San Juan
[Tableau 3 : Richesse et abondance des taxons de macroinvertébrés et d’EPT (éphéméroptères, plécoptères et trichoptères) prélevés sur les deltas des rives sud (A) et nord (B) du fleuve San Juan (Nicaragua). ET = erreur type de la moyenne ; min.-max. = valeurs minimale et maximale constatées
Site
Richesse (moyenne)
Richesse (ET)
Richesse (min.-max.)
Abondance (moyenne)
Abondance (ET)
Abondance (min.-max.)
Richesse des EPT (moyenne)
Richesse des EPT (ET)
Richesse des EPT (min.-max.)
Abondance des EPT (moyenne)
Abondance des EPT (ET)
Abondance des EPT (min.-max.)
1A
1,7
0.3
1-2
2,7
0,7
2-4
0
0
0
0
0
0
1B
7,3
2,6
3-12
68,0
40,4
11-146
0,7
0,3
0-1
1,3
0,7
0-2
2A
2,3
0,3
2-3
5,7
3,2
2-12
0,3
0,3
0-1
0,7
0,7
0-2
2B
9,0
3,6
4-16
24,3
5,8
15-35
3,3
1,9
1-7
9,7
6,7
2-23
3A
3,0
0,6
2-4
6,0
3,5
2-13
0,7
0,7
0-2
1,0
1,0
0-3
3B
3,0
0,0
3-3
9,5
2,5
7-12
0
0
0
0
0
0
4A
5,3
2,3
3-10
15,3
10,9
3-37
1,7
0,9
0-3
2,7
1,8
0-6
4B
6,0
0,6
5-7
99,3
52,0
10-190
1,3
0,9
0-3
1,7
0,9
0-3
5A
8,3
1,8
5-11
32,7
4,3
27-41
1,7
0,7
1-3
4,3
2,3
2-9
5B
5,3
1,2
3-7
78,3
51,5
20-181
0,3
0,3
0-1
0,7
0,7
0-2
6A
2,0
0,0
2-2
5,0
0,6
4-6
0
0
0
0
0
0
6B
8,0
1,7
5-11
30,3
12,5
15-55
2,3
0,7
1-3
8,7
3,9
1-14
7A
1,0
0,0
1-1
3,5
2,5
1-6
0
0
0
0
0
0
7B
5,3
1,2
3-7
16,7
6,2
5-26
0,3
0,3
0-1
0,7
0,7
0-2
7A
1,0
0,0
1-1
3,5
2,5
1-6
0
0
0
0
0
0
8A
1,3
0,3
1-2
3,0
1,0
1-4
0
0
0
0
0
0
8B
4,0
0,6
3-5
6,7
1,2
5-9
0,7
0,7
0-2
0,7
0,7
0-2
Richesse
(Taxon/site
Richesse :
rive sud
rive nord
Moyenne
Moyenne + ET
- 124 -
Figure 4 : Différences d’abondance des macroinvertébrés benthiques dans les deltas de la rive nord et ceux de la rive sud du fleuve San Juan
Figure 5 : Différences de richesse des EPT (éphéméroptères, plécoptères et trichoptères) dans les deltas de la rive nord et ceux de la rive sud du fleuve San Juan
Abondance :
Abondance
(individus/
échantillons)
rive sud
rive nord
Moyenne
Moyenne + ET
rive sud
rive nord
Moyenne
Moyenne + ET
Richessse
des
EPT
- 125 -
Figure 6 : Différences d’abondance des EPT (éphéméroptères, plécoptères et trichoptères) dans les deltas de la rive nord et ceux de la rive sud du fleuve San Juan
D. Modification de la composition
L’analyse multidimensionnelle non métrique (NMDS) (figure 7) a montré une ségrégation de la plupart des sites situés sur les rives nord et sud sur l’axe 2. Cet axe avait un rapport négatif (tableau 4) avec les valeurs d16, d50 et pH. En revanche, il avait des rapports positifs avec la température, le coefficient de tri des sédiments (sg) et la valeur d84, ce qui montre que la composition des macroinvertébrés sur la plupart des sites de la rive sud était influencée par des valeurs d16 et d50 plus petites et des valeurs d84 supérieures, ainsi que par un plus haut coefficient de tri (sg) et des températures plus élevés. Les seules exceptions étaient les sites 5A (rive sud) qui sont regroupés sur la rive opposée (figure 7). Par ailleurs, les communautés de macroinvertébrés subissaient l’influence de valeurs d16 et d50 plus élevées, de températures plus basses et de sédiments mieux triés (coefficient de tri des sédiments plus bas).
rive sud
rive nord
Moyenne
Moyenne + ET
Abondance
des
EPT
- 126 -
Figure 7 : Analyse multidimensionnelle non métrique (NMDS) des assemblages de macroinvertébrés dans les deltas de la rive nord (cercles) et ceux de la rive sud (triangles) du fleuve San Juan (Nicaragua). Les vecteurs représentent ici les variables substratiques et environnementales mesurées, placées dans le champ de variation de la composition des macroinvertébrés. Stress NMDS = 0,186.
Tableau 4 : Rapports des vecteurs de variables substratiques et environnementales avec l’analyse multidimensionnelle non métrique
Variables environnementales
NMDS1
NMDS2
r2
Pr(>r)
d16
0,62368
-0,78168
0,2886
0,1019
d50
0,64899
-0,7608
0,2343
0,1698
d84
0,62352
0,78181
0,0698
0,6424
sg
0,06402
0,99795
0,171
0,3127
temp._moyenne
0,24237
0,97018
0,2242
0,1978
pH_moyen
0,10095
-0,99489
0,2843
0,1269
Valeurs P basées sur 1 000 permutations.
Bien qu’aucune différence sensible n’ait été relevée entre la composition des groupes fonctionnels alimentaires des deltas de la rive nord et de ceux de la rive sud, les broyeurs (invertébrés qui déchiquettent la matière végétale vivante ou morte) et les collecteurs-cueilleurs (invertébrés qui utilisent des pièces buccales modifiées pour recueillir les petites particules (< 1 mm) accumulées sur le fond) étaient (figures 8 et 9) considérablement plus nombreux sur la rive nord.
- 127 -
Figure 8 : Abondance moyenne des déchiqueteurs dans les deltas des rives sud et nord du fleuve San Juan (Nicaragua)
Figure 9 : Abondance des collecteurs-cueilleurs dans les deltas des rives sud et nord du fleuve San Juan (Nicaragua)
4. ANALYSE
A. Tendances de la biomasse du périphyton
Nos résultats indiquent clairement que les sédiments provenant de l’érosion de la route ont des effets nocifs sur les communautés aquatiques des deltas touchés. Les effets documentés ici concernent les producteurs primaires benthiques (le périphyton), mais s’étendraient également vers le haut de la chaîne alimentaire (Wood et Armitage, 1997). Nous avons procédé aux prélèvements à la saison sèche, quand les deltas sont plus exposés en raison du faible niveau des eaux. Avec les premières pluies de la saison humide, le ruissellement provenant de la route aura vraisemblablement un impact encore plus important sur ces communautés benthiques.
Ces résultats concordent avec ceux tirés d’une étude exploratoire menée en mai 2013, impliquant le prélèvement d’échantillons du périphyton sur neuf sites (étude rapportée par Kondolf
Déchiqueteurs
rive sud
rive nord
Moyenne
Moyenne + ET
Déchiqueteurs:
rive sud
rive nord
Moyenne
Moyenne + ET
Ceuilleurs-
Collecteurs
Collecteurs-Ceuilleurs:
- 128 -
en 2013). Cette étude a également révélé des différences frappantes entre la biomasse du périphyton des deltas recevant les eaux de ruissellement et les sédiments de la route 1856, et celle des deltas des cours d’eau drainant des bassins forestiers (figure 4).
Il est à noter que les échantillons qui ont dû être retirés de l’analyse en raison d’une turbidité plus élevée que celle détectée pour la chlorophylle a proviennent uniquement de sites situés sur la rive sud (donc touchés par la route). Il s’agit d’un autre indicateur montrant que les sédiments perturbent l’habitat du périphyton, ce que confirment les résultats obtenus par d’autres auteurs dans des situations analogues (Lewis, 1973 a, b ; Brookes, 1986).
B. Tendances chez les macroinvertébrés
Ainsi qu’il a été observé dans le cadre de précédentes études portant sur l’évaluation des conséquences des apports anormaux de sédiments dans les cours d’eaux (Quinn et al., 1992 ; Fossati et al., 2001), nous avons constaté une réduction importante de la richesse et de l’abondance des macroinvertébrés, lesquelles différaient nettement, tout comme la composition des assemblages, dans les deltas drainant la route et situés sur la rive sud, par comparaison avec les deltas drainant les forêts. Ces changements peuvent avoir des répercussions importantes sur l’écosystème, du fait de la raréfaction des proies pour les poissons qui se nourrissent de macroinvertébrés et de la réduction des fonctions que ces derniers remplissent dans l’écosystème. La diminution du nombre de taxons d’ETP provoquée par des apports de sédiments anormaux a été documentée dans plusieurs études (voir, par exemple, Edwards, 2014). Nous avons aussi constaté cette tendance sur les sites touchés par la route, bien que dans des proportions peu importantes.
L’influence de la taille du substrat sur la composition des assemblages de macroinvertébrés dans l’analyse multidimensionnelle non métrique donne à penser que la disponibilité de l’habitat des macroinvertébrés est le principal facteur expliquant les différences relevées entre les assemblages des deltas drainant la route et ceux des deltas drainant les forêts (figure 7). Cette constatation cadre avec les conclusions tirées par Richards et Bacon (1994). Cela étant dit, la réduction observée concernant la biomasse du périphyton pourrait également avoir des conséquences liées à la raréfaction de la nourriture disponible pour les macroinvertébrés, comme il a été conclu dans des recherches antérieures (Cline et al., 1982 ; Peckarsky, 1984 ; Graham, 1990).
C. Etude des macroinvertébrés rapportée dans le «diagnostic» de l’impact sur l’environnement du Costa Rica
L’étude des macroinvertébrés dont il est fait état dans le «diagnostic de l’impact sur l’environnement» figurant à l’annexe 10 du contre-mémoire est bancale. En premier lieu, le rapport n’est pas clair en ce qui concerne les méthodes d’échantillonnage utilisées. Il y est indiqué que les macroinvertébrés ont été «collectés au cours d’un effort total s’étalant sur une heure» (p. 88, vol. II, par. 588). Or cette période d’échantillonnage est beaucoup plus longue que celle qui est normalement appliquée lorsque l’on utilise un filet dérivant. Les auteurs affirment dans ce document qu’ils ont suivi les méthodes citées dans «MINAE 2007», mais la publication concernée n’est pas indiquée dans leur bibliographie. Il s’agit vraisemblablement du document intitulé «Reglamento para la Evaluación y Clasificación de la Calidad de Cuerpos de Agua Superficiales», décret no 33903, La Gaceta no 178, San José, Costa Rica, MINAE, 7 p. (MINAE 2007). Or ce document recommande un échantillonnage de cinq minutes par site, et non d’une heure comme l’indique le diagnostic en question.
Le diagnostic de l’impact sur l’environnement ne présente aucune condition de référence biologique pour ce type de cours d’eau. Il s’agit d’une lacune majeure, car ce genre de condition (Reynoldson et al., 1997) est indispensable pour obtenir des résultats précis dans les programmes de surveillance biologique (comme l’indique par exemple, pour l’Europe, la directive-cadre sur l’eau, JOCE, 2000). Par ailleurs, aucun test statistique de comparaison entre les sites témoins et les sites touchés n’a été rapporté. De même, aucune analyse n’a été effectuée pour évaluer les
- 129 -
modifications de la communauté relevées au niveau fonctionnel, alors qu’il s’imposerait d’analyser les données recueillies pour évaluer les effets éventuels de la route 1856 (Henley et al., 2000 ; Rice et al. 2001).
Bien que le substrat ait été mentionné comme facteur principal expliquant la variabilité des indicateurs biologiques, une seule taille de substrat par site a été présentée et aucune information n’a été donnée concernant la façon dont ces valeurs ont été obtenues. Les auteurs affirment avoir prélevé des échantillons sur des sites situés en amont et en aval des points où des ruisseaux traversent la route 1856, mais le diagnostic de l’impact sur l’environnement ne présente aucune donnée venant étayer l’hypothèse selon laquelle ces sites sont effectivement comparables sauf pour ce qui est de l’incidence de la route. Les cartes ne portent pas de légendes expliquant la signification des divers éléments qui y sont représentés, et 11 sites figurent sur les cartes, alors que 10 seulement sont recensés dans le texte.
Les données présentées dans le diagnostic de l’impact sur l’environnement montraient en réalité que les conditions s’étaient dégradées sur les sites situés en aval de la route (les sites 5 à 9), mais les auteurs ont néanmoins conclu dans leur rapport que la communauté s’était «rétablie» au cours de la période d’un an et demi qui avait suivi la construction de la route. Or, contrairement à ce qu’ils affirment, à savoir que la communauté a surmonté les effets de la construction de la route, il est évident, non seulement à la lumière des résultats de notre étude, mais également d’après l’étude de mauvaise qualité figurant dans le diagnostic de l’impact sur l’environnement, que la route continue de produire ses conséquences écologiques nocives sur ces ruisseaux. Les communautés benthiques n’ont pas recouvré la «stabilité» et continuent de souffrir des sédiments provenant de la route.
D. Effets des sédiments et de la turbidité sur le périphyton et les macroinvertébrés
Le professeur Colin Thorne (dans un rapport présenté à la Cour internationale de Justice en décembre 2013 et intitulé «Evaluation de l’impact sur le fleuve San Juan de la construction de la route frontalière au Costa Rica») a déclaré ce qui suit : «Les poissons et autres organismes aquatiques du fleuve San Juan n’ont aucune difficulté à vivre dans ses eaux turbides parce qu’ils y sont parfaitement adaptés.» (Thorne 2013, p. 50.) Le professeur Thorne n’a toutefois cité aucune source scientifique à l’appui de cette affirmation. Pour y répondre, nous avons consulté la doctrine scientifique portant sur la sensibilité aux sédiments et à la turbidité des espèces de macroinvertébrés présentes dans le fleuve San Juan et avons résumé les données pertinentes dans le tableau 4. Selon notre étude, au moins 16 taxons de macroinvertébrés sont sensibles à l’augmentation des sédiments en suspension et des dépôts de sédiments fins (neuf d’entre eux y sont très sensibles). De plus, seize genres d’EPT (annexe 2, fig. XX), souvent considérés comme des indicateurs de la bonne qualité de l’eau, sont sensibles aux changements environnementaux (Chang et al., 2014 ; Carter et Resh, 2013), notamment aux dépôts de sédiments fins (Edwards, 2014). Ces taxons sont en nombre plus élevé dans les deltas de la rive nord que dans ceux de la rive sud. Les tendances que nous avons documentées concernant le fleuve San Juan sont donc conformes à celles décrites dans la doctrine scientifique consacrée aux études menées dans d’autres cours d’eaux.
Nous avons également examiné les publications scientifiques portant sur la sensibilité des producteurs primaires, notamment le périphyton, aux sédiments et à la turbidité. Wood et Armitage (1997) ont fait état d’au moins cinq études démontrant que l’augmentation des sédiments en suspension et des dépôts entraînait une diminution de la diversité des espèces, de la productivité, de la biomasse et des matières organiques. L’abrasion provoquée par le transport des sédiments entraîne une réduction du périphyton qui pousse sur le substrat des cours d’eau (Steinman et McIntire, 1990). Cela ressort clairement de notre étude, qui montre que la réduction de la biomasse du périphyton est très marquée sur les sites drainant la route. En outre, l’augmentation de la turbidité de l’eau réduit la pénétration de la lumière et la production de phytoplancton (Hoetzel et
- 130 -
Croome, 1994). Les diminutions enregistrées dans les deux groupes, à savoir chez les producteurs primaires (le périphyton) et les macroinvertébrés, peuvent avoir des effets graves sur les niveaux trophiques supérieurs (les poissons, par exemple) (Henley et al., 2010).
5. CONCLUSION
Les éléments dont nous disposons montrent que les communautés aquatiques des ruisseaux drainant la route sont sensiblement détériorées par rapport à celles des deltas des affluents qui se jettent dans le fleuve sur sa rive nord, lesquelles ne sont pas touchées par les sédiments provenant de la route. Par conséquent, l’abondance et la richesse (des macroinvertébrés) de la biomasse (du périphyton) sur les sites visés sont sensiblement inférieures à celles des deltas non touchés par les sédiments provenant de la route.
Tableau 4 : Taxons de macroinvertébrés présents dans les deltas du fleuve San Juan et sensibles aux sédiments en suspension (SS) et aux dépôts de sédiments fins, selon les publications scientifiques (ms = moyenne sensibilité ; hs = haute sensibilité)
Taxon
SS
Sédiments fins déposés
Coleoptera
Elmidae
ms(*)
Diptera
Orthocladiinae
hs(+)
Simuliidae
Simulium
ms(*)
Tabanidae
hs(*)
Ephemeroptera
Caenidae
ms(*), hs(+)
Caenis
ms(*)
Heptageniidae
ms(*)
Leptohyphidae
Tricorythodes
hs(+)
Leptophlebiidae
hs(*)
Gastropoda
Ancylidae
ms(*)
Heteroptera
Veliidae
ms(*)
Odonata
Coenagrionidae
Argia
hs(+)
Gomphidae
hs(*)
hs(*)
Plecoptera
Perlidae
Anacroneuria
hs(*)
hs(*)
Trichoptera
Leptoceridae
ms(*)
ms(*)
Oecetis
ms(*)
hs(*)
(*) Carlise et al., 2007 (+) Zweig et Rabeni, 2001
___________
- 131 -
ANNEXE 5 WILLIAM R. SHEATE, «OBSERVATIONS SUR L’ABSENCE D’ÉVALUATION DE L’IMPACT SUR L’ENVIRONNEMENT PRÉALABLE À LA CONSTRUCTION DE LA ROUTE FRONTALIÈRE LONGEANT LE SAN JUAN», JUILLET 2014
1. Introduction
Je travaille depuis près de 30 ans dans le domaine des politiques, de la réglementation et de la mise en oeuvre des évaluations de l’impact sur l’environnement. Je suis titulaire d’un doctorat (PhD) obtenu grâce aux travaux que j’ai publiés sur les questions du droit, des politiques et de la pratique de l’évaluation environnementale. Je suis à la fois universitaire et consultant en exercice. Je suis Reader en évaluation de l’environnement à l’Imperial College de Londres, directeur technique pour le Royaume-Uni au sein de la société Collingwood Environmental Planning Ltd, Honorary Senior Fellow de l’université de Manchester et membre du groupe consultatif d’universitaires du cabinet d’avocats Francis Taylor Building de Londres (Royaume-Uni). J’ai été le fondateur et le rédacteur en chef (1998-2009) du Journal of Environmental Assessment Policy and Management, publié par les éditions World/Scientific/Imperial College Press et comptant parmi les revues de premier plan dans le domaine de l’évaluation environnementale. J’ai publié plus de 100 ouvrages et articles dans des revues universitaires et à comité de lecture sur ce sujet. Mon expertise porte notamment sur les politiques, les processus et la mise en oeuvre des évaluations environnementales, et notamment sur l’application de méthodologies d’évaluation et la participation publique. Mon curriculum vitae détaillé figure en annexe au présent rapport (pièce jointe 1).
Ainsi que je le présente dans mon rapport, je suis d’avis que le fait que le Costa Rica n’ait pas procédé à une évaluation de l’impact sur l’environnement eu égard à la construction de la route frontalière longeant le San Juan n’est pas conforme aux attentes habituelles en matière de pratique internationale de l’évaluation de l’impact sur l’environnement, telles qu’elles sont formulées par la réglementation internationale et les recommandations de bonnes pratiques.
Aux fins de la rédaction du présent rapport, j’ai examiné les documents suivants :
 les volumes I et II du mémoire déposé par le Nicaragua et en particulier son annexe 2, le plan de gestion environnementale de 2012 ;
 les volumes I et II du contre-mémoire déposé par le Costa Rica et en particulier l’annexe 10, le diagnostic de l’impact sur l’environnement («le rapport du CCT») ;
 les informations relatives aux sites Ramsar et aux sites désignés réserves de biosphère par l’UNESCO se trouvant dans la zone concernée ;
 le décret exécutif no 31849 pris par le Costa Rica le 28 juin 2004 et intitulé «Réglementation générale relative aux procédures d’évaluation de l’impact sur l’environnement».
2. Résumé
Dans le cas de la construction d’une route d’une longueur et d’une envergure telles dans un environnement aussi sensible, on s’attendrait normalement, sur le fondement des bonnes pratiques internationales en matière de tri préliminaire environnemental des projets envisagés, à ce qu’il ait été procédé à une évaluation de l’impact sur l’environnement avant de décider de l’opportunité, de l’emplacement et des modalités de la construction de pareille route, projet qui a de toute évidence pu, et peut encore, entraîner d’importantes répercussions négatives sur l’environnement. Le fait que le fleuve San Juan et les zones adjacentes relèvent de sites Ramsar et de sites désignés par
- 132 -
l’UNESCO aurait dû, à lui seul, suffire à justifier une évaluation de l’impact sur l’environnement, ou tout du moins, une évaluation quelque peu approfondie. Compte tenu de l’envergure de la reconnaissance internationale accordée à la zone concernée, l’absence d’évaluation de l’impact sur l’environnement de la construction d’une route de 160 kilomètres de long traversant un paysage sensible est d’autant plus surprenante. Les lignes directrices internationales en matière de tri préliminaire à une évaluation de l’impact sur l’environnement que ce type d’évaluation soit effectuée dans le cas d’un projet de cette envergure et de cette nature, dans un environnement récepteur aussi singulier.
La réglementation costa-ricienne relative à l’évaluation de l’impact sur l’environnement10 semble, en majeure partie, se conformer aux pratiques internationales en matière de tri préliminaire, et vise à établir la probabilité de l’importance des impacts et la nécessité de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement ou à une autre forme d’évaluation préalable. Toutefois, contrairement à la pratique internationale habituelle, cette réglementation ne prévoit pas explicitement de mesures d’urgence. En conséquence, et nonobstant le décret instituant l’état d’urgence11, on n’a visiblement pas cherché à entreprendre une forme plus limitée d’évaluation de l’impact sur l’environnement en cas d’urgence, disposition au demeurant souvent prévue dans la pratique internationale.
Les mesures correctives mises en exergue dans le contre-mémoire du Costa Rica, ainsi que les passages du plan de gestion environnementale et du diagnostic de l’impact sur l’environnement s’y rapportant — la rédaction de ces deux documents ayant été demandée par le Costa Rica a posteriori — font apparaître les difficultés rencontrées par le Costa Rica faute d’avoir entrepris une étude de référence préalable à la construction de la route, d’avoir anticipé les effets néfastes potentiellement importants sur l’environnement ou d’avoir pris les mesures nécessaires pour éviter, réduire ou atténuer pareils effets avant la construction, en particulier pour ce qui est du fleuve San Juan. Ces difficultés confirment qu’il était nécessaire de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement dans le cadre de ce projet.
Bien que le diagnostic de l’impact sur l’environnement, tout comme le plan de gestion environnementale, confirme la nécessité d’une évaluation de l’impact sur l’environnement en l’espèce, pareil diagnostic ne saurait s’y substituer. De surcroît, la conclusion du diagnostic, selon laquelle la construction de la route frontalière n’a eu aucun impact sur le fleuve San Juan, est infondée. De fait, le diagnostic de l’impact sur l’environnement considère comme non pertinents ce qui pourrait relever, aux termes même du document, d’impacts modérément importants sur le territoire costa-ricien. En outre, l’idée que pareils impacts se limitent au seul territoire costa-ricien n’est pas plausible, compte tenu de l’interconnexion des systèmes aquatiques et des autres systèmes écologiques de la zone concernée (qui est l’une des raisons justifiant l’existence de multiples sites Ramsar dans ce secteur).
Nonobstant le décret instituant l’état d’urgence qui dispense les autorités de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement, une autre évaluation préalable, plus simple ou plus rapide, à défaut d’évaluation exhaustive, aurait tout de même pu être menée et aurait d’ailleurs dû l’être en vue de la construction d’une route d’une telle longueur dans un environnement sensible désigné à plusieurs titres.
3. Le but et les éléments constitutifs d’une évaluation de l’impact sur l’environnement
L’évaluation de l’impact sur l’environnement constitue une pratique internationale bien établie eu égard aux projets de construction de grande ampleur susceptibles d’avoir une incidence
10 Décret no 31849.
11 Décret no 36440 - MP.
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significative sur l’environnement, ainsi qu’un outil préventif visant à éviter des impacts importants sur des sites sensibles. Au fil du temps, des objectifs, des attentes et des principes essentiels ont été élaborés, que l’on retrouve désormais dans la plupart des régimes d’évaluation de l’impact sur l’environnement dans le monde. Ils ont été particulièrement bien définis dans la législation comme dans les conventions internationales12, ainsi que dans l’arrêt rendu par la Cour internationale de Justice en 2010 en l’affaire des Usines de pâte à papier13. L’évaluation de l’impact sur l’environnement est en outre solidement ancrée dans les pratiques courantes des banques de développement et des institutions de crédit internationales, telles que la Banque mondiale dans le cadre des projets qu’elle finance14.
Le présent rapport porte sur les attentes habituelles en matière d’évaluation de l’impact sur l’environnement, telles qu’elles ont été établies au cours des 45 dernières années dans le cadre des conventions internationales et des pratiques courantes en la matière, sur le plan international et national. Il ne prétend pas s’intéresser aux impacts détaillés et spécifiques sur l’environnement liés à la construction de la route, qui ont été traités ailleurs, mais comporte toutefois quelques observations, lorsque cela se justifie, visant à comparer les faits de l’espèce aux bonnes pratiques internationales en matière d’évaluation de l’impact sur l’environnement. Le rapport expose, d’un point de vue théorique, la nature, le but et la pratique de l’évaluation de l’impact sur l’environnement, tels qu’on les entend à l’échelle internationale comme point de référence à l’aune duquel il convient de considérer l’absence de pareille évaluation en l’espèce.
L’évaluation de l’impact sur l’environnement entend apporter un éclairage au processus de décision afin de tenir compte des effets importants que pourrait avoir un projet envisagé sur l’environnement, avant toute décision effective ne soit prise et préalablement au démarrage des travaux de construction. Ainsi, l’évaluation de l’impact sur l’environnement est un outil essentiel qui permet d’éviter les impacts négatifs sur l’environnement et d’atténuer les éventuels effets résiduels ne pouvant être évités. A cette fin, ce type d’évaluation vise à mettre en oeuvre une «hiérarchisation des mesures d’atténuation» : le demandeur doit en premier lieu faire en sorte d’éviter les impacts négatifs sur l’environnement, puis s’efforcer de réduire (atténuer) pareils impacts et, uniquement en dernier ressort, chercher à corriger (réparer) les impacts résiduels sur l’environnement après l’application de mesures d’évitement et d’atténuation15.
L’un des principes fondamentaux de l’évaluation de l’impact sur l’environnement est que celle-ci doit avoir lieu préalablement à toute décision d’entreprendre ou d’autoriser une quelconque activité susceptible d’avoir une incidence significative sur l’environnement. Elle doit ainsi être effectuée suffisamment tôt dans le processus de planification et de conception du projet pour que ses conclusions puissent être dûment prises en compte dans le dossier définitif, ainsi que dans la
12 Voir par exemple les principes du PNUE relatifs à l’évaluation de l’impact sur l’environnement (1987) ; la déclaration de Rio de 1992 ; la convention sur la diversité biologique de 1992, la directive européenne sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement (initialement directive 85/337/CEE, aujourd’hui consolidée dans la directive 2011/92/UE) ; la Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière (convention d’Espoo) ; le manuel de la Convention de Ramsar sur l’évaluation des impacts (2010) ; la résolution 2995 (XXVII) de l’Assemblée générale des Nations Unies de 1972 ; l’action 21 (par. 7.41, litt. b) et 8.4) ; la convention nordique sur la protection de l’environnement (art. 6).
13 Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010.
14 A la Banque mondiale, cette question est abordée par la voie de l’une des dix Politiques de sauvegarde de la Banque, établie sous la forme de la Politique opérationnelle 4.01, Évaluation environnementale (http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/TOPICS/ENVIRONMENT/EXTENVASS/0… (en anglais uniquement). L’évaluation environnementale figure parmi les politiques officielles de la Banque depuis 1989 et impose un examen préalable des projets financés par la banque en vue d’identifier leurs impacts sur l’environnement, notamment sur les ressources physiques, biologiques, socioéconomiques et culturelles.
15 Voir par exemple la directive européenne 2011/92/UE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, article 5, alinéa 3), litt. b) ; le manuel de formation sur l’étude d’impact environnemental du PNUE, thème 7, p. 307-333, disponible à l’adresse suivante www.unep.ch/etu /publications/French/Theme%207.doc.
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décision finale de donner suite ou non au projet16. L’un des éléments centraux de l’évaluation de l’impact sur l’environnement est la nécessité d’envisager des solutions de remplacement au projet envisagé17 (par exemple, des emplacements ou voies de substitution, un tracé différent, etc.), ainsi que les effets cumulatifs potentiels dudit projet et d’activités déjà en cours ou susceptibles de se dérouler dans un avenir proche et risquant d’avoir une incidence sur des récepteurs environnementaux importants, notamment des habitats ou des espèces sensibles18. Dans le cas de la route frontalière longeant le San Juan, ce ne sont pas uniquement les impacts de la route à proprement parler sur l’environnement qui sont source de préoccupations, mais également les impacts cumulatifs potentiels de la route et d’autres activités susceptibles de porter atteinte à l’environnement, et en particulier au fleuve San Juan, notamment par l’augmentation des niveaux de sédiments charriés par d’autres rivières, y compris en provenance du Costa Rica.
L’évaluation de l’impact sur l’environnement est un processus reconnu comme favorisant la participation du public à la prise de décision en matière d’environnement19. Ainsi, le grand public a généralement la possibilité de formuler des observations sur le document issu du processus d’évaluation (à savoir le rapport ou l’étude de l’impact sur l’environnement) avant qu’une décision d’autorisation soit prise, et souvent bien plus en amont, lors de l’étape de cadrage préliminaire du processus d’évaluation de l’impact sur l’environnement. En cas d’effets transfrontières, il est préconisé de prévoir des dispositions réciproques20. La consultation et la participation du public et des autres autorités au processus d’évaluation visent à établir l’ensemble des effets importants potentiels d’un projet avant toute décision d’autorisation. C’est également un moyen de reconnaître que les experts ne sont pas les seuls à pouvoir formuler des avis intéressants et pertinents en matière d’environnement, mais que ces connaissances sont également le fait des communautés locales, des individus, des entreprises, des agences de l’Etat, des organisations non gouvernementales (ONG), etc21. Cette démarche constitue en outre un mécanisme imposant aux demandeurs et aux décideurs de rendre des comptes à l’opinion publique22.
Il est essentiel que l’évaluation ait lieu avant toute décision d’autorisation, afin que les effets importants potentiels puissent être pris en compte alors qu’il est encore possible d’y remédier, par exemple en modifiant la conception du projet, en le déplaçant ou encore en y incluant des mesures d’atténuation des impacts sur l’environnement lors de la construction.
Ces objectifs trouvent leur expression dans chacune des étapes essentielles d’une évaluation de l’impact sur l’environnement, qui sont les suivantes :
 Le tri préliminaire
16 Ibid.
17 Ibid.
18 Commission européenne (2013) Guidance on Integrating Climate Change and Biodiversity into Environmental Impact Assessment, Office des publications de l’Union européenne, 59 p., disponible à l’adresse suivante http://ec.europa.eu/environment/eia/pdf/EIA%20Guidance.pdf ; IAIA (2005) Biodiversity in Impact Assessment, Special Publication Series no 3, disponible à l’adresse suivante http://www.iaia.org/publicdocuments/ special-publications/SP3.pdf.
19 Sheate, W.R. (1994), Making an Impact: A Guide to EIA Law and Policy, Londres, Cameron May (2e édition, 1996) ; Wood, C. (2003).
20 Convention d’Espoo sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière de 1991 ; déclaration de Rio de 1992, principe 19.
21 Sheate W.R., et Partidário MR (2010), «Strategic approaches and assessment techniques-Potential for knowledge brokerage towards sustainability», Environ Impact Asses Rev, vol. 30, p. 278-288.
22 Sheate W.R. (2012), «Purposes, paradigms and pressure groups: Accountability and sustainability in EU environmental assessment, 1985-2010», Environmental Impact Assessment Review, vol. 33, p. 91-102.
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Il s’agit du processus consistant à décider s’il est obligatoire de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement ou à une autre forme d’évaluation (abordé plus en détail ci-après). De façon générale, la décision de savoir si une évaluation de l’impact sur l’environnement est obligatoire ou non doit être consignée, afin que les raisons justifiant la réalisation de pareille évaluation, d’une évaluation plus sommaire ou une absence d’évaluation soient rendues publiques, présentées de façon transparente et soumises à l’examen de toute partie intéressée.
 Le cadrage préliminaire et l’examen de solutions de substitution
Il s’agit à cette étape d’identifier les problématiques environnementales essentielles et les principaux paramètres environnementaux de l’évaluation. Il convient en outre de définir le cadre d’étude et l’échelle à laquelle ces paramètres doivent être étudiés, en s’interrogeant notamment sur la mesure dans laquelle les effets potentiels risquent de s’étendre au-delà des limites du chantier. C’est également au cours de cette étape que l’on envisage des solutions et des processus de substitution, notamment pour ce qui relève de l’emplacement, des voies, des matériaux et des procédés de construction.
 La description de l’état des lieux de l’environnement
Il importe de disposer de données environnementales de référence, établies à partir d’ensembles de données existants et de nouveaux relevés lorsque cela s’avère nécessaire, afin de rédiger une description essentielle de l’état de l’environnement à l’aune de laquelle les modifications que le projet envisagé est susceptible d’entraîner pourront être évaluées.
 L’identification des impacts
Cette étape consiste à prévoir les effets environnementaux probables de certains aspects spécifiques du projet sur certains éléments particuliers de l’environnement, ainsi que le risque d’effets cumulatifs résultant des différents aspects du projet envisagé et des interactions possibles entre celui-ci et les autres projets en cours de déroulement dans les zones avoisinantes.
 L’évaluation des impacts (importance) et leur atténuation
Il s’agit de l’évaluation de l’importance relative des impacts identifiés, compte tenu de l’ampleur, de la nature et de l’emplacement du projet envisagé, de la sensibilité de l’environnement récepteur et des récepteurs proprement dits (espèces, habitats, communautés), de la nature temporelle des impacts prévisionnels (à court, moyen ou long terme, irréversibles ou réversibles) et de la mesure dans laquelle il est possible d’atténuer pareils effets.
 L’établissement d’un rapport
Il s’agit du processus de consignation des conclusions de l’évaluation dans une étude de l’impact sur l’environnement (ou un document similaire), qui doit être mis à disposition du public, des parties prenantes et des autorités dans le cadre de la procédure de demande d’autorisation auprès de l’autorité compétente. Sur ce fondement, un plan de gestion
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environnementale peut être élaboré (en fonction des régimes) pour assurer la mise en oeuvre des mesures d’atténuation ainsi définies23.
 La consultation
Il s’agit de l’examen de l’étude de l’impact sur l’environnement par le grand public, les parties prenantes, les organisations non gouvernementales, ainsi que d’autres instances, qu’elles soient nationales ou relèvent d’un Etat voisin, le cas échéant, lorsque les impacts envisagés présentent un caractère transfrontière.
 La prise de décision (de donner suite ou non)
A cette étape, il s’agit de prendre en considération les conclusions de l’étude de l’impact sur l’environnement et de la consultation publique afin de décider de donner suite ou non au projet et, le cas échéant, de définir les conditions et les mesures d’atténuation à mettre en place.
 Le suivi
Il s’agit du suivi et de la vérification des effets (envisagés ou non) du projet sur l’environnement pendant et après la phase de construction et en cours d’exploitation, y compris la mise en place des mesures correctives nécessaires en cas d’impacts préjudiciables importants et non envisagés.
Les modalités, conditions et priorités du suivi varient d’un régime à l’autre. Tous les éléments ne constituent pas des exigences formelles dans tous les régimes ; pour autant, les éléments susmentionnés semblent considérés comme faisant partie des bonnes pratiques24. Toutefois, ce qui précède met avant tout en évidence le fait que l’évaluation de l’impact sur l’environnement est un processus qui doit respecter une procédure détaillée afin de garantir une évaluation en bonne et due forme des impacts importants et probables sur l’environnement avant toute décision de donner suite ou non à un projet.
4. Dans quels cas une évaluation de l’impact sur l’environnement est-elle nécessaire ?
Ainsi qu’on l’a fait remarquer précédemment, le processus qui permet d’établir si un projet envisagé en particulier nécessite une évaluation de l’impact sur l’environnement est appelé «tri préliminaire». Il s’agit d’un des points fondamentaux en l’espèce.
Pour ce qui est du tri préliminaire de façon générale (et non uniquement dans les situations transfrontières), la question centrale qui se pose est celle d’établir la probabilité de l’importance des impacts. Bien que ce terme ne soit que rarement défini dans la plupart des régimes juridiques, des recommandations sont généralement formulées quant aux facteurs qui contribuent à l’importance et
23 La formation en ligne sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement proposée par l’Université des Nations Unies (section 7.4) indique ce qui suit : «Un plan de gestion environnementale, également appelé plan de gestion des impacts, est généralement rédigé dans le cadre de l’établissement du rapport d’évaluation de l’impact sur l’environnement. Il traduit les mesures d’atténuation et de suivi recommandées en actions précises qui seront menées par le demandeur. En fonction des exigences, le plan peut être inclus ou annexé au rapport d’évaluation de l’impact sur l’environnement ou constituer un document distinct. Le plan de gestion environnementale devra être adapté aux conditions générales précisées dans l’éventuelle notification d’autorisation du projet. Ce document fera ensuite référence pour ce qui est de la gestion des impacts pendant les phases de construction et d’exploitation du projet». http://eia.unu.edu/course/index.html%3Fpage_id=120.html.
24 Voir par exemple Wood, C. (2003), Environmental Impact Assessment: A Comparative Review, 2e édition, Harlow, Pearson, p. 6-9 ; Lawrence, D.P. (2003) Environmental Impact Assessment: Practical Solutions to Recurrent Problems, New Jersey, Wiley, p. 78-88 ; IAIA (2012), Impact Assessment, FasTips no 1, disponible à l’adresse suivante http://www.iaia.org/publicdocuments/special-publications/fast-tips/Fast….
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doivent être pris en considération afin d’établir la probabilité d’effets importants sur l’environnement. Les facteurs à prendre en considération sont notamment les suivants :
 l’ampleur (taille ou échelle) des impacts, ainsi que la portée géographique des effets potentiels ;
 la sensibilité de l’environnement récepteur (l’action aura-t-elle un effet sur un ou plusieurs sites désignés, sur des espèces ou habitats désignés ou en danger ou sur des zones d’importance sur le plan de la biodiversité ?) ;
 la probabilité d’effets cumulatifs potentiellement importants, malgré la faible importance des effets individuels ;
 la nature temporelle des impacts (la réversibilité des impacts probables) ; et
 la mesure dans laquelle les impacts résiduels peuvent être atténués25.
Pour ce qui est du tri préliminaire, l’une des solutions consiste à l’effectuer au cas par cas. On procède ainsi à une évaluation spécifique au projet, dans une plus ou moins grande mesure, de la probabilité d’effets importants dus au projet dont il est question. Ce type d’évaluation prend généralement en considération les éléments indiqués plus haut et permet de décider s’il est nécessaire de procéder à une évaluation exhaustive de l’impact sur l’environnement ou à une évaluation simplifiée, ou encore de ne procéder à une aucune évaluation. La démarche retenue par la Banque mondiale en est un exemple. La banque classe ainsi chaque proposition de projet en fonction du type, de l’emplacement, de la sensibilité et de l’échelle du projet, ainsi que de la nature et de l’ampleur de ses impacts potentiels sur l’environnement. Chaque catégorie emporte différents niveaux d’obligations en matière d’évaluation de l’impact sur l’environnement. Pour les projets de catégorie A, susceptibles d’avoir des impacts négatifs importants, sensibles, variés et sans précédent sur l’environnement et qui risquent de concerner une zone plus vaste que les sites ou installations faisant l’objet de travaux, l’emprunteur est tenu de rédiger un rapport, normalement une évaluation de l’impact sur l’environnement. Pour les projets de catégorie B, qui présentent moins d’impacts négatifs sur les populations humaines ou sur des zones d’importance environnementale et des impacts plus spécifiques au site proprement dit, réversibles et dont l’atténuation est aisée, le champ d’application de l’évaluation de l’impact sur l’environnement est plus restreint et peu susceptible de nécessiter une évaluation exhaustive distincte. Enfin, les projets de catégorie C sont susceptibles de présenter des impacts négatifs faibles, voire inexistants, sur l’environnement, à tel point que le tri préliminaire suffit et qu’il n’est pas nécessaire de procéder à une évaluation plus poussée26.
Le tri préliminaire peut également être effectué à l’aide de listes de projets pour lesquels une évaluation de l’impact sur l’environnement est obligatoire (listes d’inclusion), pouvant y être
25 Voir Wood, C. (2003), ainsi que Sadler (1996), L’évaluation environnementale dans un monde en évolution. Évaluer la pratique pour améliorer le rendement. Rapport final. Etude internationale sur l’efficacité de l’évaluation environnementale. Hull, Québec, ACEE.
26 Politique opérationnelle (PO) de la Banque mondiale 4.01 Évaluation environnementale, par. 8, disponible à l’adresse suivante http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/PROJECTS/EXTPOLICIES/EXTOPMANU… 0,,contentMDK:20064724~menuPK:64701637~pagePK:64709096~piPK:64709108~theSitePK:502184,00.html. A des fins d’illustration, si le projet de route frontalière était assujetti aux procédures d’évaluation environnementale de la Banque mondiale (ce qui n’est pas le cas), il semble fort probable qu’il serait classé dans la catégorie A, compte tenu de la longueur de la route, de la sensibilité de l’environnement récepteur et de la probabilité d’impacts dans une zone plus vaste que le site concerné (voir les facteurs abordés ci-après). Toutefois, la question de savoir si la construction de la route relèverait de la catégorie A ou de la catégorie B reste quelque peu théorique : en effet, dans un cas comme dans l’autre, une évaluation préalable serait de toute façon requise, qu’il s’agisse d’une évaluation exhaustive de l’impact sur l’environnement ou d’une forme simplifiée d’évaluation environnementale. Il est évident que pareil projet ne saurait relever de la catégorie C, puisqu’il ressort déjà d’éléments factuels que la route a bel et bien eu des impacts négatifs, de l’aveu même des auteurs du plan de gestion environnementale et du diagnostic de l’impact sur l’environnement (voir ci-après).
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soumis en fonction de certains critères ou seuils (listes facultatives) ou qui en sont habituellement exclus (listes d’exclusion)27. La rédaction de ces listes implique qu’il a fallu établir ce qui est susceptible d’être «important», par exemple, au-delà d’un certain seuil de superficie ou de capacité de production ou lorsque plusieurs critères particuliers sont réunis. A titre d’exemple, la Convention d’Espoo sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière prévoit à la fois des listes d’inclusion obligatoire (appendice I, qui énumère les projets nécessitant systématiquement une évaluation de l’impact sur l’environnement) et des listes facultatives portant sur certains critères (appendice III, qui prévoit des critères généraux de tri préliminaire permettant d’évaluer l’importance d’un projet au regard de l’environnement). Les critères figurant à l’appendice III sont, entre autres, l’échelle du projet, la sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d’être concernées, ainsi que la proximité d’une frontière internationale28.
Nombre de régimes nationaux, régionaux ou internationaux prévoient des lignes directrices préconisant de bonnes pratiques d’évaluation de l’impact sur l’environnement, qui fixent notamment les critères à prendre en considération afin d’établir la probabilité de l’importance d’un impact29. Les lignes directrices relatives à l’évaluation de l’impact sur l’environnement et à la biodiversité présentent un intérêt singulier en l’espèce en raison des sites Ramsar se trouvant dans la zone concernée pour ce qui est de la conservation de la faune de la zone humide. L’évaluation de l’impact sur l’environnement est largement reconnue comme essentielle afin d’éviter les impacts négatifs sur la biodiversité et les ressources en eau, entre autres facteurs et figure à ce titre dans la déclaration de Rio30, l’Action 2131, la Convention sur la diversité biologique32 et les orientations relatives à la Convention de Ramsar33.
En 2002, la Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique à sa sixième réunion (La Haye, Pays-Bas, avril 2002) a avalisé un projet de lignes directrices pour l’intégration des questions relatives à la diversité biologique dans la législation ou les processus concernant les études d’impact sur l’environnement et dans l’évaluation des impacts à des fins stratégiques (décision VI/7-A). Lesdites lignes directrices de 2002 ont également été adoptées par la Conférence des Parties à la Convention de Ramsar à sa huitième session (Valence, Espagne, novembre 2002), ainsi que plusieurs annotations concernant leur pertinence spécifique au regard de la Convention de Ramsar (résolution VIII.9)34. Les lignes directrices adoptées par la Convention de Ramsar fournissent notamment des orientations quant au tri préliminaire à une évaluation de l’impact sur l’environnement, qui permettent d’établir la probabilité d’effets importants et, partant,
27 Voir le chapitre 9 consacré au tri préliminaire dans Wood, C. (2003), Environmental Impact Assessment: A Comparative Review, 2e édition, Harlow, Pearson.
28 Appendice III de la Convention d’Espoo, litt. a) à d). A des fins d’illustration, il semble peu probable que le projet de route frontalière longeant le San Juan satisferait aux critères établis à l’appendice I de la Convention d’Espoo (si celle-ci était applicable en l’espèce), tout simplement parce que la route ne pourrait être qualifiée d’autoroute ou de voie expresse aux termes dudit appendice. En effet, pareilles routes comptent généralement de 2 à 4 voies et sont asphaltées. En revanche, il me semble incontestable que les caractéristiques du projet satisferaient aux critères figurant à l’appendice III pour exiger une évaluation de l’impact sur l’environnement, en raison de l’échelle de la route, de son emplacement dans un environnement sensible et de sa proximité avec le Nicaragua.
29 Voir par exemple les orientations formulées par l’International Association for Impact Assessment : IAIA (1999), Principles of Environmental Impact Assessment Best Practice, disponible à l’adresse suivante http://www.iaia.org/publicdocuments/special-publications/Principles%20o… et IAIA (2012), Impact Assessment, FasTips no 1 (avril 2012).
30 Convention d’Espoo sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière de 1991 ; déclaration de Rio de 1992, principe 17.
31 Voir par exemple, les par. 7.41, 15.51, 18.40.
32 Article 14, alinéa 1)
33 Résolution Ramsar VIII.9 ; Manuel Ramsar no 16 : Évaluation des impacts (2010), disponible à l’adresse suivante http://www.ramsar.org/pdf/lib/hbk4-16fr.pdf.
34 http://www.ramsar.org/pdf/res/key_res_x_17_f.pdf.
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de répondre à la question de savoir si pareille évaluation est obligatoire. Le tableau 135 des lignes directrices ainsi adoptées est tiré directement des lignes directrices de la Convention sur la diversité biologique. Il porte tout particulièrement sur le tri préliminaire à une évaluation de l’impact sur l’environnement et fixe les questions ou critères à prendre en considération pour ce qui est de la biodiversité :
Tableau 1 : Questions pertinentes pour la sélection des impacts sur la diversité biologique
Niveau de diversité
Conservation de la diversité biologique
Utilisation durable de la diversité biologique
Diversité des écosystèmes*
Est-ce que l’activité envisagée entraîne des dommages graves ou la perte totale d’un/d’écosystème(s) ou de types d’utilisation de sols, causant ainsi une perte de services écosystémiques ayant une importance scientifique/écologique ou culturelle ?
Est-ce que l’activité envisagée affecte l’exploitation durable d’un (de plusieurs) écosystème(s) ou de types d’utilisation de sols de telle manière qu’une exploitation devient destructrice ou non viable (perte de services écosystémiques ayant une importance sociale et/ou économique) ?
Diversité des espèces*
Est-ce que l’activité envisagée cause la perte directe ou indirecte d’une population d’une espèce donnée ?
Est-ce que l’activité envisagée affecte l’utilisation durable d’une population d’une espèce donnée ?
Diversité génétique
Est-ce que l’activité envisagée risque d’entraîner l’extinction d’une population d’une espèce endémique localisée ayant une importance scientifique, écologique ou culturelle ?
Est-ce que l’activité envisagée cause une perte locale de variétés/cultivars/races de plantes cultivées et/ou d’animaux domestiques et de leurs parents, gènes ou génomes ayant une importance sociale, scientifique et économique ?
(* L’échelle de définition des écosystèmes dépend de la définition des critères dans un pays et doit tenir compte des principes de l’approche par écosystème. De même, le niveau de définition de la notion de «population» dépend des critères de sélection utilisés par un pays. Par exemple, l’état de conservation des espèces peut être apprécié à l’intérieur des frontières d’un pays (pour des raisons de protection légale) ou à l’échelle mondiale (listes rouges de l’UICN)).
On trouvera dans les encadrés qui suivent36 des annotations spécifiques à la Convention de Ramsar, ainsi que des critères particuliers de tri préliminaire, qui mettent l’accent sur l’importance d’une approche par écosystème lors de l’évaluation d’un projet envisagé sur un site Ramsar ou à proximité d’un tel site. Pareille démarche nécessite une bonne compréhension des éléments constitutifs de l’écosystème et de la façon dont ceux-ci risquent d’être affectés par le projet.
35 Manuel Ramsar 16 : Evaluation des impacts (2010), page 16, disponible à l’adresse suivante : http://www.ramsar.org/pdf/lib/hbk4-16fr.pdf.
36 Ibid., p. 16-17.
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Ramsar :
Objectifs  les objectifs de la Convention de Ramsar doivent être considérés de la même manière, c’est-à-dire comme encourageant la conservation des zones humides, l’utilisation rationnelle des zones humides et maintenant les caractéristiques écologiques des sites Ramsar.
Les questions contenues dans le tableau 1 restent pertinentes mais au niveau écosystémique, deux autres questions doivent être posées concernant les zones humides :
 l’activité prévue entraînerait-elle, directement ou indirectement, une modification négative de tout élément, processus et/ou avantage/service écosystémique d’une zone humide ? (à savoir : entraînerait-elle un changement dans les caractéristiques écologiques définies par la Convention), et ;
 l’activité prévue constituerait-elle une utilisation «non rationnelle» au sens où elle serait en conflit avec les principes «d’utilisation rationnelle des zones humides» définis par la Convention, le plus récemment dans la Résolution IX.1 Annexe A ?
Dans le contexte de Ramsar, l’échelle spatiale appropriée pour réfléchir aux impacts peut parfois correspondre à une interprétation particulièrement large du mot «écosystème». En particulier, le bassin hydrographique (bassin versant) est une échelle importante pour traiter les aspects des impacts relatifs aux zones humides. De même, lorsque des impacts sur des espèces particulièrement importantes telles que les poissons ou les oiseaux migrateurs sont en jeu, une évaluation à l’échelle de la zone de migration (voie de migration) des populations concernées serait extrêmement pertinente. Cette évaluation peut porter sur une chaîne d’écosystèmes (peut-être même disjoints) et nécessiter, en conséquence, l’adoption d’une perspective plus large que l’approche par écosystème.
Diversité des espèces  les références à la «population d’une espèce» devraient inclure les espèces des zones humides et les espèces migratrices. A titre de référence pour les populations, les populations biogéographiques appropriées d’oiseaux d’eau sont établies dans Waterbird Population Estimates publié périodiquement par Wetlands International. Pour les autres taxons, il convient d’utiliser l’information sur les populations régulièrement mise à jour par les groupes de spécialistes de l’UICN dans le cadre du Service d’information sur les espèces (SIS) de l’UICN et publiée dans les Rapports techniques Ramsar. Lorsqu’un site accueille régulièrement plus de 1 % d’une ou plusieurs populations d’oiseaux d’eau ou autre espèce animale dépendant des zones humides, une question supplémentaire peut se poser : l’activité prévue risque-t-elle d’entraîner une perte directe ou indirecte de l’importance internationale de ces éléments dans le site ?
Diversité génétique  La Convention de Ramsar ne traite pas actuellement directement des questions de diversité génétique.
Ces annotations mettent en évidence l’importance, lorsqu’il s’agit de décider s’il est nécessaire de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement dans le contexte de Ramsar, de réfléchir aux impacts sur «l’écosystème» plus vaste, notamment sur le bassin hydrographique dans son ensemble, afin d’atteindre l’objectif fixé par Ramsar d’une utilisation rationnelle des zones humides37.
On trouve également d’autres lignes directrices pertinentes concernant les longs projets linéaires, qui prennent une importante particulière dans les zones sensibles sur le plan de la
37 La Convention de Ramsar définit «l’utilisation rationnelle» comme suit : «L’utilisation rationnelle des zones humides est le maintien de leurs caractéristiques écologiques obtenu par la mise en oeuvre d’approches par écosystème dans le contexte du développement durable» (Résolution IX.1 annexe A de la COP9 de la Convention de Ramsar, p. 6, par. 22).
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biodiversité. Les orientations de l’International Association for Impact Assessment (IAIA)38 insistent sur la nécessité de procéder à des évaluations approfondies et particulièrement détaillées des impacts pour ce type de projets. En effet, le caractère linéaire d’une route entraîne des effets sur l’ensemble des écosystèmes et habitats qu’elle traverse et des effets cumulatifs peuvent survenir le long du tracé de la route en raison à la fois de sa construction et de son exploitation.
L’examen de la réglementation costa-ricienne relative à l’évaluation de l’impact sur l’environnement, à savoir le décret exécutif no 31849 du 28 juin 2004, fait ressortir que ce texte prévoit un processus de tri préliminaire à l’évaluation conforme à la pratique internationale décrite précédemment39, bien que dans d’autres pays, les régimes juridiques relatifs à l’évaluation de l’impact sur l’environnement prévoient souvent des dispositions explicites relatives aux situations d’urgence (voir section 7 ci-après). Le Costa Rica a choisi de procéder au tri préliminaire à l’aide de listes. Pour certains projets, parmi lesquels la construction d’infrastructures dans des réserves naturelles, la loi exige de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement40. La question de savoir si une évaluation de l’impact sur l’environnement, exhaustive ou limitée, est nécessaire pour les autres projets ou s’ils en sont exemptés dépend de celle de savoir s’ils relèvent de la catégorie A, B1, B2 ou C ou d’aucune catégorie, compte tenu de la nature du projet et de son impact potentiel sur l’environnement41. Aux termes du décret costa-ricien relatif à l’évaluation de l’impact sur l’environnement, la mise en place de cette classification avait pour objet de donner corps au processus de tri préliminaire tel qu’il a été mis au point dans le monde au cours des dernières décennies et reprend nombre de considérations déjà décrites42. Ainsi, l’échelle d’un projet peut contribuer à établir le niveau d’évaluation de l’impact sur l’environnement requis : les projets de construction de routes nationales d’une longueur supérieure à 5 kilomètres sont considérés comme relevant de la catégorie A et requièrent une évaluation exhaustive, tandis que les routes d’une longueur inférieure à 5 kilomètres relèvent de la catégorie B1, qui exige la rédaction d’un projet/plan de gestion environnementale plus limité43. Les projets sont également classés en fonction de leurs impacts potentiels — individuels, mais également cumulatifs — sur la flore, la faune, ainsi que d’autres ressources biologiques, notamment en raison du déboisement et des impacts sur les forêts ou les zones protégées44. L’attention particulière devant être accordée aux zones présentant une biodiversité importante est abordée à l’annexe III, qui prévoit qu’une évaluation de l’impact sur l’environnement doit prendre spécifiquement en compte les impacts sur les zones fragiles sur le plan environnemental, telles que les réserves naturelles et les zones humides45.
5. Les raisons pour lesquelles ce projet nécessitait une évaluation de l’impact sur l’environnement
Afin de répondre à la question de savoir si le projet de route frontalière longeant le San Juan nécessitait une évaluation de l’impact sur l’environnement, nonobstant le décret instituant l’état
38 IAIA (2012), Impact Assessment, FasTips no 1.
39 Il convient de noter qu’on ne se prononce pas ici sur la question de savoir si le droit costa-ricien exigeait par principe la réalisation d’une évaluation de l’impact sur l’environnement, mais uniquement sur le fait que le Costa Rica a choisi de procéder au tri préliminaire à l’aide de listes, conformément à la pratique internationale.
40 Décret no 31849, annexe I, p. 82.
41 Décret no 31849, annexe II, p. 88.
42 Décret no 31849, annexe II, p. 92.
43 Décret no 31849, annexe II, p. 105 (classification de la construction de la route) ; décret no 31849, art. 27 (exigences applicables aux projets de catégorie A) ; décret no 31849, art. 24 (exigences applicables aux projets de catégorie B1).
44 Décret no 31849, annexe II, p. 88-89.
45 Décret no 31849, annexe III, p. 107-108.
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d’urgence (dont il est question plus loin), il convient en premier lieu de se demander si ladite route serait susceptible d’avoir des effets importants sur l’environnement. Il semble inconcevable qu’une évaluation de l’impact sur l’environnement ne soit pas normalement exigée, compte tenu des nombreux facteurs entrant en ligne de compte en vue d’établir la probabilité d’effets importants sur l’environnement. Ainsi qu’il a été évoqué plus haut, pareils facteurs figurent dans les lignes directrices internationales. Sont de toute évidence pertinents en l’espèce la nature et la sensibilité de l’environnement récepteur46 (ainsi qu’en témoignent ses multiples désignations internationales), ainsi que l’échelle et la nature mêmes du projet47, facteurs qui, pris ensemble, augmentent le risque d’impacts irréversibles et cumulatifs48.
Un environnement récepteur sensible
La sensibilité de l’environnement récepteur en l’espèce est tout à fait exceptionnelle, ainsi qu’en témoigne le nombre de sites désignés à l’échelle nationale, mais également internationale, que compte la zone. Les sites désignés figurant ci-après concernent le fleuve San Juan :
 Echelon national
Nicaragua
Réserve Indio Maíz (1990)
Costa Rica
Refugio de Vida Silvestre Corredor Fronterizo (1994)
 Echelon international
Convention de Ramsar sur les zones humides
Refugio de Vida Silvestre Rio San Juan (Nicaragua, 2001)
Humedal Caribe Noreste (Costa Rica, 1996)
Humedal Maquenque (Costa Rica, 2010)
Cano Negro (Costa Rica, 1991)
Site désigné réserve de biosphère par l’UNESCO
Fleuve San Juan  Réserve de biosphère du Nicaragua (2003, qui inclut la réserve Indio Maíz et le Refugio de Vida Silvestre Rio San Juan)
Les sites désignés au titre de la Convention de Ramsar sont particulièrement importants dans le contexte de la route frontalière et du fleuve San Juan. En effet, l’intégralité du fleuve San Juan
46 Voir par exemple le Manuel Ramsar no 16, Evaluation des impacts (2010), p. 18 ; Commission européenne (1999), Guidelines for the Assessment of Indirect and Cumulative Impacts and Impact Interactions, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, p. 79-85.
47 Manuel Ramsar (2010), p. 19-20 ; Commission européenne (1999), Guidelines for the Assessment of Indirect and Cumulative Impacts and Impact Interactions, p. 73-78.
48 Commission européenne (1999), Guidelines for the Assessment of Indirect and Cumulative Impacts and Impact Interactions, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, p. 73-85.
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constitue un site Ramsar, contigu à d’autres sites Ramsar. La décision d’accorder au fleuve San Juan le statut de site Ramsar insiste sur l’importance de ce site :
«Refugio de Vida Silvestre Río San Juan. 08/11/2001 ; fleuve San Juan ; Atlantique sud ; 43 000 ha ; environ 10°56’N 083°40’W. Réserve naturelle, réserve de biosphère. Un site long, étroit et sinueux qui suit le cours du Río San Juan  lequel prend sa source dans le lac Nicaragua, à 32 m d’altitude, et dont le cours suit la frontière costa-ricienne sur une distance de 200 km jusqu’à la ville de San Juan del Norte sur la côte caraïbe  et qui comprend également le littoral au nord ainsi qu’une partie de la réserve de biosphère d’Indio Maiz, constituant l’un des deux noyaux biologiques les plus importants du couloir biologique méso-américain. Le site abrite différents types de zones humides, notamment des eaux d’estuaire et des eaux marines peu profondes, des lagunes côtières d’eau douce, des marais intertidaux, ainsi que des lacs, rivières et marais permanents. Cette zone remplit quasiment tous les critères Ramsar et abrite quatre espèces de tortues, ainsi que le lamantin Trichechus manatus. Site Ramsar no 1138. Dernière date de soumission de la fiche descriptive sur les zones humides Ramsar (FDR) : 2001. (La mise en gras est de nous.)
Ce site et les autres sites Ramsar se trouvant dans la zone d’influence du projet revêtent une importance particulière et méritent que l’on s’y attarde plus en détail. A mon sens, ils auraient dû suffire, à eux seuls, à justifier une évaluation de l’impact sur l’environnement, et tel aurait été le cas en vertu de nombre d’autres régimes49. La Convention de Ramsar50 donne corps aux engagements pris par ses Etats membres de maintenir les caractéristiques écologiques de leurs zones humides d’importance internationale et de prévoir «l’utilisation rationnelle» ou l’utilisation durable de l’ensemble des zones humides situées sur leurs territoires. La Convention de Ramsar a pour mission «la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides par des actions locales et nationales et par la coopération internationale, en tant que contribution à la réalisation du développement durable dans le monde entier»51.
Les Lignes directrices pour la coopération internationale dans le cadre de la Convention de Ramsar (1999) soulignent l’importance de l’évaluation de l’impact sur l’environnement pour ce qui est des sites Ramsar, en cas de systèmes de zones humides partagés ou d’obligations de consulter les autres parties52 :
«Du point de vue administratif, il importe également que les propositions de développement, qu’elles soient totalement financées à partir de capitaux internes ou partiellement à partir de capitaux internes ou totalement à partir d’investissements étrangers soient soumises à des études d’impact.» (La mise en gras est de nous.)
Il s’agit là d’une reconnaissance appuyée de l’importance de l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans la prévention des impacts environnementaux négatifs sur les caractéristiques écologiques d’un site Ramsar.
49 Voir par exemple Byron, H. (2000). Biodiversity Impact - Biodiversity and Environmental Impact Assessment: A Good Practice Guide for Road Schemes. Sandy, Royaume-Uni : The RSPB, WWF-UK, English Nature and the Wildlife Trusts ; Commission européenne (2001), Guidance on EIA Screening, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg ; PNUE (2002), Manuel de formation sur l’étude d’impact environnemental, thème 4 etude préalable, disponible à l’adresse suivante www.unep.ch/etu/publications/French/Theme%204.doc.
50 Convention sur les zones humides (Ramsar, Iran, 1971) http://www.ramsar.org/cda/fr/ramsar-home/main/ramsar/1_4000_1.
51 Ibid.
52 S.2.7.1, par. 62, Lignes directrices pour la coopération internationale dans le cadre de la Convention de Ramsar, Mise en oeuvre de l’Article 5 de la Convention, adoptées par la voie de la résolution VII.19 (1999) de la Convention de Ramsar, disponible à l’adresse suivante http://www.ramsar.org/pdf/guide/guide-cooperation-f.pdf.
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L’existence d’une réserve Ramsar dans une zone humide témoigne de la reconnaissance de son importance internationale pour la conservation de la faune et l’on s’attend, au titre de la Convention de Ramsar, à ce qu’il soit procédé à une évaluation de l’impact sur l’environnement en cas de projets de construction risquant d’affecter les sites Ramsar : ces deux éléments devraient donc suffire à déclencher une évaluation de l’impact sur l’environnement lorsqu’une activité risque d’avoir des effets potentiels importants sur le site. Les sites Ramsar sont désignés par les signataires de la Convention afin de signaler la reconnaissance de leur importance et de leur accorder un degré de protection dont ne peuvent bénéficier d’autres sites. La probabilité d’effets importants est accrue par le caractère sensible de l’environnement désigné et des habitats et de la faune au titre desquels le site a été désigné. On s’attend donc à juste titre à ce que le seuil de déclenchement d’une évaluation de l’impact sur l’environnement soit bien plus faible que dans le cas d’un environnement récepteur non désigné site Ramsar (voir l’étape de tri préliminaire plus haut). En pratique, il convient d’appliquer le principe de précaution53 : si l’on n’est pas certain de la probabilité d’effets importants sur l’environnement, il doit être procédé à une évaluation environnementale, quelle qu’en soit la forme, afin d’établir si une évaluation exhaustive de l’impact sur l’environnement est nécessaire pour éviter ou réduire autant que possible les éventuels impacts préjudiciables à l’intégrité et aux caractéristiques écologiques du site.
Dans ce cas précis, la sensibilité de l’environnement est encore renforcée par deux facteurs : la réserve naturelle du fleuve San Juan est elle-même un site Ramsar, comprenant toute la longueur du fleuve et la zone du delta, contigu à un autre site Ramsar au sud, et l’ensemble de la zone, y compris la réserve du fleuve San Juan et la réserve Indio Maiz, est désigné réserve de biosphère par l’UNESCO depuis 200354. La réserve de biosphère est une désignation exclusivement accordée aux sites les plus importants de 117 pays, formant un réseau mondial cohérent de 621 réserves. Elle vise à intégrer la diversité culturelle et biologique tout en soutenant la conservation, le développement et l’appui logistique par la voie de plans de zonage, la mise en valeur de bonnes pratiques et de politiques de développement durable fondées sur la recherche et le suivi, et en faisant office de sites d’excellence pour l’enseignement et la formation.
La décision de l’UNESCO (désignation du site en 2003) met en lumière les raisons pour lesquelles la réserve de biosphère du fleuve San Juan est aussi importante :
«D’une superficie de 1 392 900 hectares, la réserve de biosphère du fleuve San Juan est composée de sept zones protégées et autres territoires adjacents. La réserve de biosphère concerne une variété importante d’écosystèmes représentatifs des forêts et zones humides tropicales, des marais littoraux, des lagunes côtières et des estuaires qui constituent des abris importants pour certains animaux ou ressources génétiques végétales rares ou menacés des tropiques méso-américains. En outre, la réserve de biosphère intègre une partie du lac Cocibolca et les municipalités de El Almendro, San Miguelito, Morrito et Nueva Guinea, qui accueillent une population importante (256 000 habitants) et culturellement riche, dont 20 000 membres des groupes ethniques rama, miskito, negra et créole. Chacun de ces groupes possède ses propres modalités de préservation ou d’utilisation des ressources nationales de la zone.
La taille considérable de la réserve de biosphère, ainsi que sa proximité avec les zones protégées voisines se trouvant au Costa Rica et son appartenance au couloir biologique méso-américain garantissent que la zone est adaptée à la préservation de la diversité génétique, à la libre mobilité des espèces, à la
53 S.2.7.1, par. 62, Lignes directrices pour la coopération internationale dans le cadre de la Convention de Ramsar, Mise en oeuvre de l’Article 5 de la Convention, adoptées par la voie de la résolution VII.19 (1999) de la Convention de Ramsar, disponible à l’adresse suivante http://www.ramsar.org/pdf/guide/guide-cooperation-f.pdf.
54 UNESCO http://www.unesco.org/new/fr/natural-sciences/environment/ecological-sc….
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reproduction et au maintien d’espèces majeures, telles que le jaguar (Felis onca), le tapir (Tapirus biardii), ainsi que le perroquet rouge et vert (Psittacideae).» (La mise en gras est de nous).
De toute évidence, il s’agit d’un site tout à fait singulier, abritant des ressources et des communautés biologiques sensibles qui risqueraient de subir des impacts négatifs en cas d’activité importante entreprise dans une zone immédiatement adjacente au fleuve San Juan. Le statut de réserve de biosphère de l’UNESCO permet de reconnaître l’interaction importante entre le maintien de l’environnement naturel et des processus écosystémiques et les populations locales :
«Les réserves de biosphère sont par conséquent considérées comme :
 des sites d’excellence où de nouvelles pratiques sont testées et développées pour une meilleure gestion des ressources naturelles et des activités humaines ;
 des outils pour aider les pays à appliquer les recommandations du Sommet mondial sur le développement durable et notamment celles de la Convention sur la diversité biologique et son approche écosystémique ;
 des sites d’apprentissage dans le cadre de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation au service du développement durable.»55
Le recours à des «pratiques ... pour une meilleure gestion des ressources naturelles et des activités humaines» et la mise en oeuvre de la convention sur la diversité biologique et de son approche écosystémique conformément aux principes de l’UNESCO exigeaient tous deux une évaluation de l’impact sur l’environnement dans le cadre de la construction de la route frontalière longeant le San Juan. En l’absence de pareille évaluation, on ne saurait raisonnablement prétendre que le projet a été ou est entrepris en conformité avec les normes internationales les plus strictes en matière de protection de l’environnement.
L’échelle du projet dans ce contexte
L’échelle du projet de route frontalière longeant le San Juan (160 kilomètres) et sa proximité avec le fleuve sur la majeure partie de cette distance sont toutes deux à prendre en considération en vue d’établir l’importance des impacts56. En premier lieu, la construction d’une route de 160 kilomètres est un projet d’envergure, qui risque d’affecter une zone géographique étendue. Au-delà de la simple perturbation des sols inhérente à un projet de cette ampleur, le caractère long et linéaire de la route soulève d’autres préoccupations57. En raison de sa longueur, la route traversera de nombreux écosystèmes distincts, dont la sensibilité a été soulignée précédemment. En second lieu, les activités importantes de construction liées à un projet de cette échelle dans un environnement sensible augmentent le risque d’effets cumulatifs sur toute la longueur de la route, du fait des interactions entre l’occupation des terres, les perturbations occasionnées par les équipements et les véhicules d’excavation et de construction, les polluants atmosphériques et d’origine hydrique issus de la construction, à la circulation et aux équipements affectant des espèces végétales ou animales en particulier.
Pour un projet de l’échelle de la route frontalière, la probabilité d’impacts importants est renforcée par la proximité avec le fleuve San Juan. D’emblée, ce facteur augmente le risque
55 http://www.unesco.org/new/fr/natural-sciences/environment/ecological-sc….
56 Voir par exemple le Manuel Ramsar no 16 (2010), Evaluation des impacts p. 28 et suiv. ; Commission européenne (1999), Guidelines for the Assessment of Indirect and Cumulative Impacts and Impact Interactions, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, p. 86-90.
57 IAIA (2012), Impact Assessment, FasTips no 1.
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d’impacts significatifs sur le fleuve. En outre, le fleuve lui-même est susceptible d’élargir la zone subissant les impacts importants potentiels du projet de route frontalière, par le transport de matières en dehors de la zone d’influence directe. Certaines zones situées en aval, autour du delta, éloignées des activités de construction et d’exploitation de la route, pourraient subir des impacts, par exemple si des sédiments et des polluants parvenaient jusqu’au fleuve San Juan et se déposaient en aval, à l’endroit où le débit du fleuve diminue, avec un impact potentiel sur la faune aquatique et la géomorphologie du fleuve à ces endroits.
L’échelle de la route et sa proximité avec le fleuve San Juan autorisent ainsi à penser qu’il serait nécessaire de prendre en compte les impacts potentiels sur le système de zone humide Ramsar à l’échelle écosystémique. Des perturbations légères, pouvant sembler insignifiantes à titre individuel, mais cumulées sur toute la longueur de la route ou du fleuve risquent d’avoir des effets importants sur l’environnement et conduire à une perturbation des caractéristiques écologiques du système. C’est précisément pour ce type de projet que l’évaluation de l’impact sur l’environnement a été mise au point.
Les impacts avérés
Selon le contre-mémoire, une évaluation de l’impact sur l’environnement n’était pas requise, la route n’étant pas susceptible d’avoir des impacts préjudiciables pour l’environnement58. Compte tenu de la sensibilité de l’environnement récepteur et des zones avoisinantes, pareille conclusion me semble difficilement acceptable. Il est délicat de vérifier les éléments sur lesquels le Costa Rica fonde sa décision, alors qu’il ne semble pas y avoir eu de tri préliminaire permettant de justifier ce choix. A titre d’exemple, aux Etats-Unis, une évaluation environnementale peut conduire à une décision indiquant l’absence d’impact important («Finding of No Significant Impact» ou FONSI), qui constitue une évaluation beaucoup plus simple que celle exigeant la production d’une étude de l’impact sur l’environnement dans le cadre d’un processus complet d’évaluation de l’impact sur l’environnement.
Quoi qu’il en soit, l’allégation selon laquelle la route n’était pas susceptible d’avoir d’effets importants sur l’environnement est contredite par les travaux de remise en état entrepris par le Costa Rica, ainsi que par les conclusions du plan de gestion environnementale et du diagnostic de l’impact sur l’environnement.
Au paragraphe 2.38 du contre-mémoire, il est indiqué que «depuis avril 2012, pour protéger les travaux réalisés jusqu’alors et pour atténuer les effets de la route (principalement en territoire costa-ricien), le Costa Rica a effectué d’autres travaux d’entretien et de remise en état sur la route frontalière». La liste de ces travaux allant de a) à t) qui figure au paragraphe 2.38 met en évidence les effets néfastes importants ayant déjà nécessité des mesures correctives. Au paragraphe 2.40 du contre-mémoire, le Costa Rica poursuit en expliquant que de nouveaux travaux sont prévus.
La réalisation de travaux de remise en état de cette nature et la planification d’autres travaux, indépendamment de la question de savoir s’ils sont suffisants, témoignent d’impacts négatifs résiduels sur l’environnement dus à la seule construction de la route, qui auraient dû et pu être anticipés, et pour la plupart évités, si une évaluation de l’impact sur l’environnement avait été menée au préalable, et que le Costa Rica considère comme suffisamment importants pour justifier des mesures correctives. Puisqu’il n’a été procédé à aucune évaluation de l’impact sur l’environnement ou autre forme d’évaluation préalable avant de décider de la construction de la route et des modalités des travaux, il est probable que les mesures correctives soient plus importantes qu’elles ne l’auraient été si des mesures d’évitement et d’atténuation adaptées avaient pu être préalablement intégrées dans le processus de construction, au moyen d’une évaluation de l’impact sur l’environnement.
58 CMCR, par. 5.41, litt. a).
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Un plan de gestion environnementale a été publié en avril 2012, fruit d’une enquête par observation des effets immédiats de la route suite à sa construction. Ce document ne ressemble pas aux plans de gestion environnementale habituellement produits dans le cadre d’un processus d’évaluation de l’impact sur l’environnement : en effet, il a été rédigé après la construction, en l’absence de la moindre évaluation préalable en bonne et due forme, et alors que ses conclusions ne pouvaient plus avoir d’incidence sur la mise en oeuvre de mesures d’atténuation pendant la réalisation du projet. Malgré le caractère limité, rapide et a posteriori de l’enquête menée, le plan de gestion environnementale de 2012 reconnaît que la construction de la route frontalière longeant le San Juan a entraîné un ensemble d’impacts négatifs sur l’environnement et requis des mesures correctives conséquentes59. En particulier, le plan identifie parmi les impacts déjà constatés une augmentation de l’érosion des sols, une instabilité des talus et un accroissement de la sédimentation60. Il suggère ensuite des mesures correctives visant à limiter ces impacts, parmi lesquelles l’installation de pièges à sédiments, l’arrêt du déversement de matériaux issus de l’excavation ou de l’abattage dans les rivières et ruisseaux, la mise en oeuvre de mesures visant à prévenir les fuites de carburant, l’interdiction du lavage et de l’entretien des équipements dans les cours d’eau et la désignation de sites d’évacuation des déchets et débris de construction61. Une fois encore, une évaluation préalable aurait permis d’éviter la majeure partie des impacts cités, en favorisant le choix d’un tracé adapté et l’intégration au projet de mesures d’évitement et d’atténuation.
Nonobstant les limites qu’il présente (et qui sont abordées ci-après), le diagnostic de l’impact sur l’environnement apporte également des preuves des impacts avérés et de la nécessité de mesures correctives62, qui auraient largement pu être évitées si une évaluation de l’impact sur l’environnement avait été réalisée.
Par conséquent, l’idée même qu’il n’était pas nécessaire de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement, en raison de la faible probabilité que la construction de la route frontalière longeant le San Juan ait des effets importants sur l’environnement, est non seulement incohérente au regard de la pratique internationale en matière de tri préliminaire de l’importance des impacts (du reste reprise dans la réglementation costa-ricienne relative à l’évaluation de l’impact sur l’environnement), mais également des travaux de remise en état que le Costa Rica affirme effectuer et des conclusions du plan de gestion environnementale comme du diagnostic de l’impact sur l’environnement. Si l’on en croit les maigres documents produits a posteriori par le Costa Rica lui-même, le projet a déjà eu des impacts préjudiciables sur l’environnement et continuera d’en avoir en l’absence d’évaluation de l’impact sur l’environnement.
6. Le diagnostic de l’impact sur l’environnement
Le Costa Rica a fait réaliser un diagnostic de l’impact sur l’environnement63 en vertu de certaines réglementations administratives, après la construction de la route64. Selon le Costa Rica65, «[c]e type d’étude a deux objectifs principaux : premièrement, déterminer les effets préjudiciables éventuels sur l’environnement et les risques à cet égard et, deuxièmement, recommander les mesures de contrôle environnemental nécessaires pour prévenir ou atténuer ces effets et ces
59 Plan de gestion environnementale, p. 19-27.
60 Ibid.
61 Ibid.
62 CMCR, vol. II, annexe 10, diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 144 et suiv.
63 CMCR, vol. II, annexe 10.
64 CMCR, vol. I, par. 1.34.
65 CMCR, vol. I, par. 2.35.
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risques». Pour autant, le diagnostic de l’impact sur l’environnement reste une évaluation a posteriori et non a priori.
Le diagnostic ne saurait se substituer à une évaluation de l’impact sur l’environnement
Le diagnostic de l’impact sur l’environnement ne saurait se substituer à une évaluation de l’impact sur l’environnement, ne serait-ce que parce qu’il ne permet pas, par définition, d’agir pour éviter les impacts et ne peut viser qu’à les atténuer ou à y remédier a posteriori ; or, il est à ce moment trop tard pour éviter, ou même pour atténuer, les effets sur l’environnement. La mise en oeuvre de mesures correctives a posteriori ne saurait remplacer le fait d’éviter la survenue des impacts, ce qui est le but même de l’évaluation de l’impact sur l’environnement : le mal est déjà fait. Une évaluation de l’impact sur l’environnement aurait permis de répondre précisément à certaines questions, parmi lesquelles : selon quelle norme de conception la route est-elle construite ? Où les déchets et débris issus de la construction doivent-ils être évacués et dans quelle mesure le tracé ou l’emplacement de la route permettent-ils d’éviter ou de réduire au minimum les effets de l’ensemble de ces activités sur l’environnement ? Le diagnostic de l’impact sur l’environnement ne répond pas à ces questions, comme à d’autres du même ordre, et n’aurait pas pu y répondre correctement : ce document ne saurait donc se substituer à une évaluation de l’impact sur l’environnement ou en être l’équivalent de quelque façon que ce soit.
Le diagnostic de l’impact sur l’environnement ne saurait même pas s’apparenter à un processus de vérification en bonne et due forme, en l’absence d’état des lieux à l’aune duquel mesurer les impacts. Dans le meilleur des cas, ce document fournit un aperçu limité de l’état de l’environnement d’une zone restreinte et des observations sur l’état de l’environnement tel qu’il est influencé par les effets de la construction, au moment où le diagnostic est effectué.
De surcroît, le diagnostic de l’impact sur l’environnement ne peut suffire en ce qu’il n’aborde pas certaines questions telles que les impacts potentiels du ruissellement et de la sédimentation sur le fleuve San Juan et les zones protégées. Même pour ce qui est de la zone restreinte étudiée, le diagnostic de l’impact sur l’environnement porte essentiellement sur les effets écologiques liés à la route et non sur l’ensemble plus large de paramètres environnementaux sur lesquels porterait une évaluation de l’impact sur l’environnement : l’impact sur les communautés locales, la pollution atmosphérique ou encore les effets cumulatifs de la route et d’autres projets de construction, en cours ou prévus.
En outre, le diagnostic de l’impact sur l’environnement n’étudie pas les impacts sur la durée, tels que les effets de l’exploitation de la route ou ses répercussions à long terme, notamment ceux consécutifs à l’existence même de la route (par exemple, l’afflux de personnes dans la zone avoisinante en raison de l’amélioration de l’accès, la construction et le développement d’habitations, le développement d’activités industrielles, telles que l’exploitation de mines ou l’ouverture d’hôtels le long de la route), qui pourraient à leur tour avoir des effets importants sur le fleuve San Juan en modifiant la qualité de l’eau et la charge sédimentaire due au ruissellement ou au déversement de matériaux dans le fleuve. Le diagnostic de l’impact sur l’environnement porte uniquement sur les impacts liés à la construction. Or, pareille démarche ne correspond pas aux modalités habituelles d’une évaluation de l’impact sur l’environnement, qui s’intéresse normalement aux effets liés à l’exploitation de la route, parmi lesquels la nature et les tendances de circulation et d’utilisation de véhicules, les émissions de polluants et leurs impacts, ainsi que les conséquences plus générales de l’utilisation de la route, en particulier à proximité d’un environnement sensible. A titre d’exemple :
 Quel effet pourrait avoir un ruissellement provenant de la route dans les cours d’eau en cas de déversement de carburant ou de produits chimiques ? Il s’agit d’une route non asphaltée, qui est donc susceptible de subir une érosion due aux précipitations et à des crues subites, ce qui augmenterait le risque de sortie de route accidentelle des véhicules. Quelles précautions ont été
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prises pour empêcher que les véhicules, leur carburant et leur cargaison terminent leur course dans le fleuve San Juan en pareils cas ? Du reste, quels types de véhicules emprunteront la route ? S’agira-t-il principalement de camions ou de véhicules légers, par exemple ?
 La circulation sur les routes non asphaltées dégage en outre de la poussière, qui a une incidence sur la végétation et la biodiversité. Les niveaux de poussière peuvent dépendre du type de gravier utilisé et de la présence ou de l’absence de composés stabilisants (produits chimiques, minerais et résines) entrant dans leur composition66. Ces composés peuvent à leur tour avoir leurs propres impacts sur l’environnement naturel, par exemple en cas de ruissellement vers les cours d’eau, et affecter les espèces végétales et animales aquatiques.
Dans des conditions normales, une évaluation de l’impact sur l’environnement préalable au projet aurait pour objet de répondre à ces questions d’ordre plus général bien en amont. Or, le diagnostic de l’impact sur l’environnement ne répond à aucune d’entre elles. A ce titre également, il ne saurait se substituer à une évaluation de l’impact sur l’environnement.
Absence d’impact ou impact faible : des conclusions infondées
Le diagnostic de l’impact sur l’environnement conclut que la construction de la route n’a eu aucun impact environnemental important sur le fleuve San Juan. A mon sens, cette conclusion n’est pas motivée, pour deux raisons distinctes, mais au demeurant liées : elle se fonde sur une interprétation erronée de conclusions qui sont elles-mêmes le fruit d’une méthodologie d’évaluation discutable.
Le diagnostic de l’impact sur l’environnement s’appuie sur une matrice de Léopold modifiée afin d’évaluer les impacts de la route frontalière67. Il s’agit d’une méthodologie d’évaluation pseudo-quantitative d’interprétation de l’ampleur et de l’importance des impacts, fondée sur l’attribution de scores numériques à ce qui constitue en réalité des mesures qualitatives. L’application de ce type de méthodologie d’évaluation présente deux grands défauts en l’espèce.
Le premier défaut est que ladite méthodologie est appliquée a posteriori, et non comme méthode d’évaluation préventive. Le problème vient de l’absence d’état des lieux à l’aune duquel on peut comparer l’évaluation. Ainsi, les valeurs utilisées ne peuvent faire l’objet d’une vérification rétrospective afin de mieux comprendre le fondement des scores attribués à chacun des paramètres : comment pareils scores ont-ils été attribués ? Un avis d’expert fondé sur un état des lieux en bonne et due forme ne me pose aucun problème, puisqu’il existe un fondement sur lequel débattre des modalités de l’évaluation. Lorsque des scores qualitatifs sont attribués (qu’il s’agisse de scores chiffrés ou de valeurs qualitatives, telles qu’»élevé», «moyen» ou «faible»), ils doivent être justifiés par référence à l’évolution anticipée ou prévue suite au projet (envisagé). Comment le diagnostic de l’impact sur l’environnement peut-il estimer l’ampleur de l’évolution sans savoir ce qui a pu changer et dans quelle mesure ? La réponse est simple : c’est impossible.
Le second défaut que présente l’utilisation de la matrice dans le diagnostic de l’impact sur l’environnement est qu’elle aboutit à un score total pour certains paramètres essentiels d’impact, fondé sur l’ampleur (ou l’intensité) et sur un ensemble de facteurs contribuant à l’importance relative  sensibilité, irréversibilité, effets cumulatifs, etc. Si les facteurs étudiés sont corrects, c’est bien le système de notation qui me pose problème, et en particulier l’absence de transparence quant à la justification de ces scores et leurs modalités d’interprétation dans le diagnostic de l’impact sur l’environnement.
66 Voir par exemple les orientations de l’Environmental Protection Agency (EPA) aux Etats-Unis concernant les pollutions d’origine diffuse disponibles aux adresses suivantes http://water.epa.gov/polwaste/nps/roadshwys.cfm#guide et http://water.epa.gov/polwaste/nps/upload/2003_07_24_NPS_gravelroads_sec….
67 CMCR, vol. II, annexe 10, diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 131.
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L’addition des scores, telle qu’est effectuée dans le diagnostic par application du modèle habituellement utilisé au Costa Rica68, génère une valeur que l’on suppose comme étant probante, puisqu’elle semble être quantitative. Toutefois, les scores totaux ne veulent pas dire grand-chose en termes absolus, les nombres n’ayant pas d’unités, et n’ont de valeur qu’en tant que nombres relatifs permettant de comparer des solutions de substitution quasi similaires par rapport à un état des lieux, c’est-à-dire des scores de type avant/après (nonobstant le fait que pareil système de notation présente des problèmes inhérents appelant une attention particulière, ainsi qu’il a déjà été observé).
Le diagnostic de l’impact sur l’environnement se fonde sur des critères préétablis afin de juger si les scores totaux69 des paramètres évalués sont «non pertinents» ou d’importance «modérée», «sévère» ou «critique». Or, on ne sait pas vraiment sur quels fondements ces critères préétablis ont été conçus. On ne sait pas non plus sur quelles bases les scores ont été attribués à chaque élément de l’environnement et à chaque paramètre du modèle de notation : il ne semble y avoir aucune justification des scores attribués. Ces scores correspondent, par définition, à des avis d’expert et présentent donc un certain degré de subjectivité. En outre, les éléments sur lesquels ils se fondent manquent de transparence.
Les critères d’importance définis dans le diagnostic de l’impact sur l’environnement sont les suivants :
 «Importance des impacts inférieure à 25 : non pertinent.
 Importance des impacts entre 25 et 50 : impacts modérés.
 Importance des impacts entre 50 et 75 : impacts sévères.
 Importance des impacts supérieure à 75 : impacts critiques.» (Page 139 du diagnostic de l’impact sur l’environnement).
Selon ce diagnostic, seuls quelques impacts sont d’importance modérée (l’importance maximale identifiée dans le document) pour ce qui est du territoire costa-ricien :
 Déforestation le long de l’emprise du chantier et dans les zones contiguës
 Impact potentiel sur les microhabitats et substrats des macroinvertébrés aquatiques en raison du remplissage des espaces interstitiels par des sédiments
 Impact possible sur la qualité de l’eau en raison de la turbidité causée par des sédiments70.
On notera toutefois avec intérêt que des 11 paramètres étudiés au tableau 2371, trois présentent des scores qui les classaient dans la catégorie des impacts modérés, tandis que cinq affichaient un score de -24 ou -25 et étaient classés dans le diagnostic de l’impact sur l’environnement comme non pertinents, alors même que ces scores indiquaient des impacts «limites», voire (dans le cas des deux paramètres notés -25) des impacts modérés d’après leurs propres critères (voir ci-dessus). Ainsi, aux termes même du document, l’interprétation de cette notation est largement discutable. Rejeter ces scores limites en les qualifiant d’impacts non pertinents met en évidence les risques inhérents à pareille démarche par trop numérique. En effet, on a tendance à «croire» aux chiffres et partant, à ne pas approfondir la question afin d’apporter
68 Conformément au décret no 32967 — diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 138.
69 En application du modèle I = ± [IN + 2 EX + MO + PE + PV + SI + AC + EF + PR + MC].
70 CMCR, vol. II, annexe 10, tableau 23, diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 140.
71 Ibid.
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une justification adaptée à ces chiffres en se fondant sur des preuves du degré d’évolution importante probable ou réelle que l’on prévoit ou que l’on observe, par comparaison à un état des lieux.
Une autre interprétation de la même matrice est proposée : sur les 11 paramètres, cinq ont été notés comme ayant des impacts modérés (entre 25 et 50), trois autres paramètres ont été jugés à la limite de cette catégorie et seuls trois présentaient des scores d’impact «non pertinents». Il s’agit là d’une interprétation fort différente, même aux termes du document. De fait, elle modifie totalement le sens de l’évaluation, puisque pour la plupart des paramètres, le diagnostic de l’impact sur l’environnement conclut que la construction de la route a eu, a minima, des impacts d’importance modérée. Cette conclusion aurait donc dû justifier à elle seule la réalisation d’une évaluation de l’impact sur l’environnement, puisque des effets importants ont été constatés.
Le diagnostic de l’impact sur l’environnement n’a pas permis d’évaluer les impacts sur le fleuve San Juan ou sur d’autres sites nicaraguayens, visiblement car leur accès était impossible. Or, l’accès au fleuve à proprement parler n’empêche en rien de procéder à une évaluation des impacts possibles sur celui-ci. Une matrice, conçue sur la même base que pour le territoire costa-ricien, figure tout de même dans le diagnostic de l’impact sur l’environnement pour ce qui est des éléments suivants :
 impact sur l’habitat aquatique ;
 impact potentiel sur les microhabitats et substrats des macroinvertébrés aquatiques en raison du remplissage des espaces interstitiels par des sédiments ;
 diminution possible de l’abondance et de la richesse des taxons ;
 impact possible sur la qualité de l’eau en raison de la turbidité causée par les sédiments ;
 impact sur le paysage dû à la construction.
En raison de l’absence d’accès au fleuve, la matrice (diagnostic de l’impact sur l’environnement, tableau 24, p. 142) est laissée vide, mais avec des scores à 0 pour chacun des facteurs. Toutefois, malgré l’absence de toute évaluation, le diagnostic de l’impact sur l’environnement poursuit en concluant que : «on ne considère pas qu’il puisse y avoir un quelconque impact significatif sur le fleuve San Juan» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 141).
Il ne s’agit pas d’une conclusion plausible, compte tenu de l’absence totale de données disponibles concernant le fleuve San Juan, aux termes mêmes du document. Même si l’on convenait de ce que l’évaluation de la construction de la route telle qu’elle figure dans le diagnostic de l’impact sur l’environnement portant sur le territoire costa-ricien conclut à des impacts modérés pour seuls trois des paramètres identifiés (sans tenir compte de l’autre interprétation mentionnée précédemment), en l’absence d’autres données indiquant le contraire, on s’attendrait à ce que l’hypothèse d’un degré similaire d’impacts négatifs sur l’environnement aquatique soit retenue pour ce qui est du fleuve San Juan, en particulier puisqu’il s’agit d’un site Ramsar et d’un site désigné par l’UNESCO.
L’absence de données n’est pas synonyme d’absence de preuve des impacts. Il n’est pas rare d’être confronté, dans le cadre d’une évaluation de l’impact sur l’environnement ou d’autres formes d’évaluation, à l’absence de certaines données. En pareil cas, les bonnes pratiques recommandent de rechercher des indicateurs indirects susceptibles de donner une idée des tendances possibles au regard de paramètres environnementaux essentiels liés à ceux pour lesquels il n’existe pas de données. Ainsi, en l’absence de données réelles ou récentes sur les charges sédimentaires, par exemple, on pourrait s’intéresser à l’échelle, à l’étendue et à la nature des types d’activités dont on
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sait qu’elles augmentent les charges sédimentaires dans les cours d’eau : dégagement de terrains, emploi de véhicules lourds et d’équipements d’excavation, activités perturbant les sols et le couvert végétal à proximité des cours d’eau (déboisement, par exemple), etc. Les impacts de la construction de la route sur le territoire costa-ricien, dus aux activités menées dans le cadre de la construction, pourraient être considérés comme des indicateurs indirects, utiles à la réalisation d’une évaluation étayée. Même en l’absence d’indicateurs indirects, une évaluation de l’impact sur l’environnement ou toute autre évaluation devrait se fonder un avis d’expert, étayé par un raisonnement approprié. Or, on ne trouve pas dans le diagnostic de l’impact sur l’environnement la moindre ébauche d’examen d’indicateurs indirects pour ce qui est du fleuve San Juan ou de formulation d’un avis d’expert étayé par une quelconque justification. Le rapport se contente de conclure, sans le moindre fondement, que la construction n’a pas d’impact significatif sur le fleuve San Juan. A mon sens, pareille conclusion remet en question la crédibilité même du diagnostic de l’impact sur l’environnement.
De surcroît, le diagnostic ne conclut pas à l’absence totale d’impacts significatifs dus à la route, puisqu’il reconnaît au moins l’existence d’impacts modérément importants de la construction sur le territoire costa-ricien, notamment sur l’environnement et les espèces aquatiques en raison de la turbidité et de l’évolution de la qualité de l’eau. De fait, le diagnostic de l’impact sur l’environnement fait également valoir une absence de données quant à la vulnérabilité du biote aquatique à l’augmentation des charges sédimentaires au Costa Rica72, mais poursuit tout de même son évaluation de l’impact sur le territoire costa-ricien en l’absence de pareilles données. Compte tenu de l’interconnexion des systèmes aquatiques de la zone concernée (qui est l’une des raisons justifiant l’existence de multiples sites Ramsar dans ce secteur) et de ce que nombre de cours d’eau costa-riciens se jettent dans le fleuve San Juan, les impacts sur le territoire du Costa Rica sont de toute évidence susceptibles de concerner également le fleuve San Juan et le Nicaragua. Dès lors, comment un tel diagnostic peut-il, aux termes mêmes du document, conclure à l’absence d’impacts significatifs sur le fleuve San Juan ? Pareil raisonnement est tout simplement illogique. Il l’est d’autant plus si l’on interprète les scores figurant dans la matrice de façon plus adaptée à leurs propres critères : ainsi, la route aurait eu, a minima, un impact modérément important pour la majorité des 11 paramètres étudiés par le Costa Rica.
7. L’évaluation de l’impact sur l’environnement dans les situations d’urgence
Selon le contre-mémoire, une évaluation de l’impact sur l’environnement n’était pas requise, car la construction de la route procédait d’une mesure «d’urgence» et, partant, était dispensée d’évaluation de l’impact sur l’environnement en vertu du décret exécutif no 36440— MP73. De nouveau, la qualification retenue sur ce point n’est pas conforme aux pratiques internationales établies en matière d’évaluation de l’impact sur l’environnement.
Nombre de régimes relatifs à l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans le monde, par exemple dans l’Union européenne74 ou aux Etats-Unis75, prévoient des clauses d’exemption en
72 Diagnostic de l’impact sur l’environnement, section 5.1.2.5.3, p. 111.
73 CMCR, vol. I, par. 2.27.
74 Directive 2001/92/UE sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement, article 2, alinéa 4) «Sans préjudice de l’article 7, les Etats membres peuvent, dans des cas exceptionnels, exempter en totalité ou en partie, un projet spécifique des dispositions prévues par la présente directive. Dans ce cas, les Etats membres : a) examinent si une autre forme d’évaluation conviendrait ; ...»
75 Réglementation américaine NEPA émise par le CEQ (1969), partie 1506, section 1506.11 «Emergencies».
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cas d’urgences civiles ou de projets relevant de la défense nationale. Le fait pour le Costa Rica de se prévaloir de pareille exemption76 n’est pas en soi particulièrement inhabituel. En revanche, l’absence de toute disposition explicite relative à une exemption pour situation d’urgence dans la réglementation relative à l’évaluation de l’impact sur l’environnement77 proprement dite est plus surprenante, à moins qu’il ne soit pas prévu de pouvoir déroger à la réglementation en cas d’urgence. Dans le cas de l’Union européenne, il convient de noter que l’exemption ne peut être invoquée si le projet en question risque d’affecter un autre Etat membre, c’est-à-dire en cas de probabilité d’impact transfrontière78, puisque la convention d’Espoo sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière (1991) n’autorise aucune exemption. De fait, le recours aux clauses d’exemption a tendance à être extrêmement rare en pratique. Pareilles exemptions sont généralement invoquées lors de catastrophes naturelles et de situations d’urgence, par exemple en cas de séismes ou de crues. A titre d’exemple, l’éruption du volcan du mont Saint Helens, dans l’Etat de Washington (Etats-Unis) dans les années 1980, a entraîné des crues de grande ampleur, la sédimentation des rivières et des impacts négatifs sur les poissons et la faune, ainsi que sur les établissements humains. Le Corps of Engineers de l’armée américaine, principale agence fédérale d’intervention, a invoqué la disposition relative aux «modalités particulières» de la réglementation dite NEPA du Council on Environmental Quality (CEQ), qui lui permettait de procéder directement à certaines activités de dragage et à d’autres travaux d’urgence, tout en menant parallèlement un processus accéléré d’évaluation de l’impact sur l’environnement. Le Corps a établi un groupe de travail interagences, publié un projet d’étude de l’impact sur l’environnement pour examen et observations publiques en moins de trois semaines et terminé l’étude définitive de l’impact sur l’environnement en moins de cinq semaines79. Cet exemple montre bien qu’il est possible de réaliser une évaluation environnementale rapide, y compris en situation d’urgence.
Même dans l’hypothèse où la déclaration d’état d’urgence par le Costa Rica était justifiée, la question qui se pose est celle de savoir si l’évaluation effectuée par le Costa Rica était suffisante ou adaptée compte tenu de la nature du projet envisagé et de l’environnement dans lequel la construction devait avoir lieu. Même en l’absence d’une évaluation exhaustive de l’impact sur l’environnement en raison de l’état d’urgence, par manque de temps par exemple, quelle évaluation aurait-on raisonnablement pu effectuer en lieu et place d’une évaluation exhaustive ? Le diagnostic de l’impact sur l’environnement réalisé a posteriori était-il suffisant ?
Une évaluation partielle de l’impact sur l’environnement aurait pu, et aurait dû, être réalisée, conformément aux pratiques internationales, ou tout du moins une évaluation très rapide des conséquences potentielles de la route pour les sites Ramsar et les sites désignés par l’UNESCO risquant d’être affectés (les sites costa-riciens entrant dans ces catégories n’ont d’ailleurs même pas été étudiés). Il existe des orientations internationales particulières, rédigées avec le soutien du PNUE et CARE International, ainsi que d’autres ressources pédagogiques, se rapportant à la
Lorsqu’une situation d’urgence nécessite de prendre des mesures présentant un impact important pour l’environnement sans se conformer aux dispositions de la présente réglementation, l’agence fédérale décidant de pareilles mesures doit solliciter auprès du Conseil l’application de modalités particulières. Les agences concernées et le Conseil s’engagent à limiter pareilles modalités aux mesures nécessaires à la maîtrise des impacts immédiats de la situation d’urgence en question. Les autres mesures restent assujetties à un examen en vertu de la réglementation NEPA. http://ceq.hss.doe.gov/nepa/regs/ceq/1506.htm#1506.11
76 Décret no 36440— MP.
77 Décret no 31849.
78 Commission européenne (2006), Clarification of the Application of Article 2 (3) [as was] of the EIA Directive, Union européenne, Luxembourg, p. 10.
79 Réponse de Robert B Smythe (Potomac Resource Consultants, Chevy Chase, Maryland, Etats-Unis) en date du 10 septembre 2012 à une question posée sur le site Internet ResearchGate : Comment bien exploiter l’évaluation de l’impact sur l’environnement en cas de catastrophe ? Disponible à l’adresse suivante http://www.researchgate.net/post/How_can_the_Environmental_Impact_Asses….
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conduite d’évaluations rapides dans des situations d’urgences ou de catastrophe80. Les principales lignes directrices résument ainsi le but d’une évaluation environnementale rapide :
«L’évaluation environnementale rapide est conçue pour les situations de catastrophes naturelles, technologiques ou politiques et constitue un outil reconnu par les bonnes pratiques en matière d’évaluation et de gestion des catastrophes. Elle ne saurait remplacer une évaluation exhaustive de l’impact sur l’environnement, mais répond à un besoin jusqu’à ce que la réalisation d’une évaluation complète soit possible. L’évaluation environnementale rapide peut être utilisée juste avant la catastrophe et jusqu’à 120 jours après sa survenue ou lors d’un changement d’échelon important en cas de crise prolongée.»81
A ce jour, la construction de la route a commencé depuis plus de trois ans et n’est toujours pas terminée. Le manque de temps pour réaliser ne serait-ce qu’une évaluation préliminaire ou rapide d’une durée de quelques semaines, voire quelques mois, ne semble pas constituer une raison suffisante pour ne pas agir. Des mesures auraient pu être prises parallèlement aux premiers travaux préparatoires afin d’éviter les effets potentiels les plus importants sur l’environnement. Certains régimes prévoient la possibilité de recourir à une autre forme d’évaluation dans des circonstances exceptionnelles, lorsqu’un projet est exempté d’évaluation de l’impact sur l’environnement82. Il semblerait que l’on n’ait jamais eu l’intention de prévoir la moindre forme simplifiée d’évaluation préalable, ni même l’équivalent d’une décision de tri préliminaire susceptible de conduire à un examen de la probabilité de survenue d’effets significatifs sur l’environnement.
Il semblerait en outre qu’il y ait eu, et qu’il reste encore, suffisamment de temps pour procéder à une évaluation préalable, quelle qu’en soit la forme, se rapportant aux travaux restant à mener avant d’achever la construction de la route. Nonobstant le décret instituant l’état d’urgence, la nécessité d’accélérer la procédure, qui justifie pareille exemption d’évaluation de l’impact sur l’environnement, n’apparaîtrait plus comme pertinente.
Compte tenu de l’importance internationale de l’environnement naturel dans lequel ladite route est construite, même en cas d’urgence et en particulier puisque le projet n’est pas achevé plus de trois ans après le démarrage du chantier, on peut raisonnablement espérer qu’il soit procédé à une quelconque forme d’évaluation de son impact potentiel sur l’environnement. Une fois les travaux de construction commencés, il était encore temps de procéder à une évaluation préalable, en particulier pour les zones dans lesquelles la route n’avait pas encore été construite.
8. Conclusions
Pour ce qui est de la route frontalière longeant le San Juan, compte tenu de sa longueur et du caractère sensible de l’environnement dans lequel elle est construite, sa construction risque d’avoir des effets à l’échelle écosystémique le long de l’intégralité du fleuve San Juan et d’affecter la zone humide Ramsar et d’autres sites désignés se trouvant le long du fleuve. Ce projet pourrait avoir des effets cumulatifs importants sur le site désigné. Même dans les cas où certains impacts individuels ne seraient pas significatifs, ils pourraient le devenir cumulativement et conjointement avec d’autres impacts, ce qu’il revient à une évaluation préalable, quelle qu’en soit la forme, de
80 Site Internet de ProAct Network website, rubrique «Environmental Assessment and Environmental Action Plans», consultable à l’adresse suivante http://www.proactnetwork.org/proactwebsite/environmental-assessments-an….
81 Kelly, C. (2005), Guidelines for Rapid Environmental Impact Assessment in Disasters, Benfield Hazard Research Centre University College London et CARE International, disponible à l’adresse suivante http://www.proactnetwork.org/proactwebsite/media/download/resources/Res….
82 Directive 2001/92/UE sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement, article 2, alinéa 4), par exemple.
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déterminer. En pareil cas, une évaluation de l’impact sur l’environnement est par conséquent tout indiquée.
En l’absence de pareille évaluation, le Costa Rica ne procède à aucune évaluation des impacts de la route sur son propre environnement, et pas uniquement sur celui du Nicaragua. La désignation des sites par la Convention de Ramsar et par l’UNESCO, ainsi que l’impact environnemental potentiel de la route sur ceux-ci, aurait dû suffire à déclencher la mise en place d’une évaluation de l’impact sur l’environnement ou d’une autre forme d’évaluation préalable, compte tenu de leur importance pour le Costa Rica comme pour le Nicaragua. Le couloir du fleuve San Juan fait l’objet de désignations conjointes, qui ne concernent pas uniquement le territoire nicaraguayen, ce qui aurait dû avoir une incidence significative sur la décision du Costa Rica de construire la route.
Le diagnostic de l’impact sur l’environnement ne saurait constituer une solution de rechange acceptable en lieu et place d’une évaluation de l’impact sur l’environnement, puisqu’il s’agit d’une démarche a posteriori et non d’une évaluation préalable à la construction. Ce diagnostic, aux termes même du document, ne constitue pas une évaluation appropriée des impacts sur l’environnement des tronçons de route déjà construits. En l’absence de données suffisantes concernant le fleuve San Juan, il n’est tout simplement pas possible de conclure, comme l’a pourtant fait le diagnostic de l’impact sur l’environnement, que la route n’a eu aucun impact significatif sur le fleuve San Juan et un impact faible sur le territoire du Costa Rica. Pareille conclusion remet totalement en question la crédibilité de ce document. L’ampleur des mesures correctives identifiées après la construction, y compris dans des documents aussi limités que le plan de gestion environnementale de 2012 et le diagnostic de l’impact sur l’environnement, donne à penser que la route a eu des impacts négatifs significatifs sur le territoire costa-ricien proprement dit et que, partant, il est fort probable qu’elle ait également eu des impacts négatifs sur le fleuve San Juan.
Puisque des travaux de construction supplémentaires sont prévus, si le Costa Rica souhaite s’assurer qu’ils sont réalisés conformément aux normes internationales les plus strictes, il est de toute évidence fondamental que soit menée une évaluation de l’impact sur l’environnement, qu’elle soit exhaustive ou simplifiée, avant la reprise des travaux. En outre, les éventuels projets de construction à venir, tels que l’exploitation de mines ou la construction d’hôtels à proximité du fleuve San Juan, rendus possibles grâce à l’accès fourni par la route, devront faire l’objet d’une évaluation de l’impact sur l’environnement à part entière.
___________
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ANNEXE 6 GOLDER ASSOCIATES, INC., «EVALUATION DE L’IMPACT SUR L’ENVIRONNEMENT : EXIGENCES ATTACHÉES AU PROJET DE CONSTRUCTION D’UNE ROUTE DE GRANDE ENVERGURE LE LONG DU FLEUVE SAN JUAN, NICARAGUA», JUILLET 2014
Rapport Evaluation de l’impact sur l’environnement : exigences attachées au projet de construction d’une route de grande envergure le long du fleuve San Juan, Nicaragua Préparé pour : République du Nicaragua Présenté par : Golder Associates, Inc., 6026 NW 1st Place Gainesville, FL 32607 (Etats-Unis) Juillet 2014, Projet no 1402647 Golder, Golder Associates and the GA Globe Design sont des marques de commerce de Golder Associates Corporation
1.0. RÉSUMÉ
Nous sommes ingénieurs et scientifiques et réalisons des évaluations de l’impact sur l’environnement pour des projets d’infrastructure à travers le monde, y compris en Amérique latine. A ce titre, nous avons été invités par le gouvernement du Nicaragua à apprécier le processus d’évaluation de l’impact sur l’environnement, entrepris, ou non, par le Costa Rica pour la construction de la route 1856, projet d’autoroute située au nord du Costa Rica, à proximité du fleuve San Juan du Nicaragua. D’après notre expérience professionnelle, nous sommes certains que le projet de la route 1856 nécessitait une évaluation de l’impact sur l’environnement et que son omission a eu des répercussions importantes et prévisibles, y compris pour le Nicaragua.
L’évaluation de l’impact sur l’environnement est un processus d’évaluation qui cherche à identifier les impacts environnementaux et sociaux d’un projet avant son lancement, et à déterminer la manière dont ces répercussions peuvent être évitées, réduites au minimum ou atténuées. Pour déterminer si un projet nécessite une évaluation de l’impact sur l’environnement, on suit un processus de «tri préliminaire» (screening), qui indique si le projet est susceptible d’avoir des répercussions environnementales et sociales importantes.
Le Costa Rica n’a pas réalisé de tri préliminaire pour le projet de la route 1856 avant son lancement. Si un tri préliminaire adéquat avait été mené, on aurait déterminé que le projet nécessitait une évaluation de l’impact sur l’environnement. Non seulement le droit costa-ricien requiert une évaluation de l’impact sur l’environnement pour les projets d’autoroute, y compris pour des routes bien plus petites que la route 1856, mais en plus, le projet était clairement susceptible d’avoir des répercussions importantes. En effet, la route 1856 a été construite dans une zone sujette à de très fortes précipitations et où les terrains sont fragiles ; l’érosion considérable des sédiments y est ainsi un risque important. Vu la proximité de la route avec de nombreuses masses d’eau, y compris le fleuve San Juan et ses affluents, le risque de contamination du fleuve par les sédiments, causée par l’érosion, est particulièrement préoccupant. Si le Costa Rica avait effectué un tri préliminaire de la route 1856, d’autres risques importants auraient été déterminés, par exemple les effets probables sur les aires protégées de la zone, sur la biodiversité et sur les forêts primaires.
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Avec une évaluation adéquate de l’impact sur l’environnement de la route 1856, on aurait pu déterminer les risques du projet et ses impacts probables. L’évaluation aurait en effet étudié les aspects biophysiques et sociaux, y compris l’hydrogéologie, l’hydrologie, la qualité des eaux de surface et des eaux souterraines, la géologie et la géomorphologie, les sols, les risques naturels et industriels, les écosystèmes aquatiques et terrestres, la biodiversité, les aires protégées, la santé humaine et écologique et l’esthétique visuelle. Elle aurait au moins dû inclure une description claire du projet, y compris l’identification et l’évaluation de ses enjeux biophysiques et sociaux et des risques connexes, ainsi qu’une analyse des autres sites possibles pour le projet. Elle aurait également dû recueillir des données de départ, préalables au projet, afin que les répercussions éventuelles liées au projet puissent être comparées aux conditions préexistantes. Une fois les données de départ recueillies, le Costa Rica aurait dû y superposer la route 1856 afin de prédire où, comment et dans quelle mesure le projet était susceptible d’avoir un impact sur les conditions de base. Tout au long de ce processus, le Costa Rica aurait dû identifier les mesures d’atténuation nécessaires et préparer un plan de gestion environnementale pour faire face, entre autres, aux effets du dépôt de sédiments dans les masses d’eau, y compris dans le fleuve San Juan.
Si le Costa Rica avait entrepris une évaluation de l’impact sur l’environnement, même restreinte, il aurait établi que la route 1856 présentait des risques importants, y compris pour le fleuve San Juan du Nicaragua, dans la mesure où de grandes quantités de sédiments seraient probablement charriées depuis le secteur de la route jusqu’au fleuve, soit directement soit par ses affluents. Cela était entièrement prévisible, vu qu’aucune étude de conception de la route n’a été réalisée, que l’on n’a pas respecté les normes techniques routières largement acceptées, y compris en ce qui concerne la construction de passages de cours d’eau, et que l’on n’a pas compacté le matériau de remblai. Le dépôt important de sédiments dans le San Juan était également prévisible, étant donné la grande proximité de la route avec le fleuve et puisqu’elle a été construite sur un terrain escarpé, composé de terres fragiles dans des zones sujettes à de fortes précipitations. En mai 2014, nous avons pu observer nous-mêmes, depuis un bateau et un hélicoptère, que ces résultats prévisibles s’étaient concrétisés. D’après nous, aucun des régimes réglementaires environnementaux que nous connaissons n’accepterait les deltas alluvionnaires de grande taille, qui se sont développés dans le San Juan.
Le «diagnostic de l’impact sur l’environnement» produit par le Costa Rica en novembre 2013, soit bien après que la majeure partie de la route 1856 a été construite, ne permet pas de corriger les problèmes engendrés par l’absence d’évaluation de l’impact sur l’environnement. Une telle évaluation vise à identifier les répercussions avant qu’un projet ne soit mené. Ainsi, les impacts prévisibles peuvent être évités, réduits au minimum, compensés ou atténués. A l’inverse, un diagnostic de l’impact sur l’environnement vise à identifier les répercussions une fois qu’elles sont survenues. Ainsi, bon nombre des recommandations formulées dans le diagnostic relativement à la conception et à la construction de la route 1856 sont arrivées trop tard.
Le diagnostic contient par ailleurs des lacunes majeures, qui rendent indéfendables ses conclusions sur les effets attendus de la route 1856, notamment pour le Nicaragua. Pour étudier l’impact de la route, il a défini de manière arbitraire une bande de 1000 m s’étendant vers le sud depuis la rive droite du fleuve San Juan. Ainsi, le diagnostic n’incluait pas les travaux connexes à la route, réalisés à d’autres endroits, y compris le réseau étendu de routes d’accès liées au projet. Plus grave encore, en définissant son champ d’observation sur la langue de terre située à 1000 m au sud de la rive droite du San Juan, il a totalement exclu le territoire nicaraguayen et le fleuve lui-même. Le diagnostic de l’impact sur l’environnement présente d’autres lacunes ; il détermine par exemple les impacts écologiques d’une manière qui apparaît quantitative, mais qui, en réalité, est subjective et susceptible d’avoir été manipulée. En outre, il dédramatise de façon artificielle l’importance des impacts, y compris la sédimentation dans les masses d’eau. Pour cela, il les considère, à tort, uniquement à la lumière du projet routier global, alors qu’il aurait dû les examiner dans leur contexte local.
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En résumé, nous concluons que le Costa Rica aurait dû mener une évaluation de l’impact sur l’environnement pour la route 1856 et que son omission a eu des effets importants sur le Nicaragua, en premier lieu sous la forme d’une sédimentation du San Juan, qui ne se serait pas produite, ou aurait été largement réduite, si une évaluation des impacts avait été réalisée. Par conséquent, nous recommandons ce qui suit :
 que la route ne puisse demeurer sans protection ;
 que la route ne puisse être utilisée pour le transport de matières dangereuses ;
 qu’un contrôle véritable de l’érosion soit mis en place ;
 que des travaux d’atténuation soient menés sans causer de dommages supplémentaires ;
 que les nouveaux projets de développement, désormais rendus possibles par la route et pouvant avoir un impact sur le Nicaragua, soient également précédés d’une planification adéquate et d’une évaluation de l’impact sur l’environnement, et que le Nicaragua y soit considéré comme une partie concernée.
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3.0. INTRODUCTION
Parmi les documents examinés par les auteurs du présent rapport (ci-après appelés «Golder»), citons :
 Requête introductive d’instance du Nicaragua contre la République du Costa Rica (décembre 2011)
 Mémoire de la République du Nicaragua (décembre 2012) incluant :
 annexe 2 : Plan costa-ricien de gestion environnementale pour la route Juan Rafael Mora Porras (avril 2012)
 annexe 3 : Rapport du laboratoire national des matériaux et des modèles structurels de l’Université du Costa Rica (mai 2012)
 annexe 4 : Rapport du collège des ingénieurs et architectes du Costa Rica (juin 2012)
 Contre-mémoire du Costa Rica, y compris l’annexe 10, Diagnostic de l’impact sur l’environnement  Volet écologique du projet (novembre 2012)
 Décret 31849 du Costa Rica du 28 juin 2004
 Blanca Ríos Touma, «impacts écologiques de la route 1856 sur le fleuve San Juan, Nicaragua» (juillet 2014)
 Danny Hagans et Bill Weaver, «évaluation de l’érosion, de l’impact sur l’environnement et de la remise en état de certains tronçons de la route 1856 (route Juan Rafael Mora Porras) au Costa Rica, le long du fleuve San Juan, Nicaragua» (juillet 2014)
En outre, pour mieux comprendre l’ampleur du projet routier et ses effets, Golder a visité la zone concernée. Le 2 mai 2014, il a tout d’abord survolé en hélicoptère la section de la
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route 1856 parallèle au fleuve San Juan (dans l’espace aérien nicaraguayen), puis effectué une reconnaissance du site par bateau le long du San Juan, du 2 au 4 mai 2014.
La suite du présent rapport se compose des cinq parties suivantes :
 une analyse expliquant qu’un tri préliminaire adéquat aurait permis de déterminer que le projet de la route 1856 nécessitait une évaluation de l’impact sur l’environnement (partie 4) ;
 un exposé de ce qu’aurait dû inclure une évaluation de l’impact sur l’environnement de la route 1856 et pour quelle raison (partie 5) ;
 une description des problèmes survenus en raison de l’absence d’évaluation préalable au projet de la route 1856, d’après ce qu’ont observé les auteurs sur les travaux de la route et d’après leur examen des documents pertinents (partie 6) ;
 une évaluation du diagnostic de l’impact sur l’environnement, réalisé en décembre 2013 par le Costa Rica et une explication des raisons pour lesquelles il ne s’agit ni d’un substitut d’une évaluation de l’impact sur l’environnement ni d’un audit adéquat ultérieur à la construction (partie 7) ;
 des conclusions et recommandations (partie 8).
4.0. UN TRI PRÉLIMINAIRE ADÉQUAT AURAIT PERMIS DE DÉTERMINER QUE LE PROJET DE LA ROUTE 1856 NÉCESSITAIT UNE ÉVALUATION DE L’IMPACT SUR L’ENVIRONNEMENT
L’évaluation de l’impact environnemental et social, parfois appelée étude de l’impact sur l’environnement, est un processus reconnu visant à élaborer un projet durable et à gérer les performances environnementales et sociales tout au long du projet. Même si l’évaluation de l’impact environnemental et social est utilisée dans de nombreux pays comme outil de délivrance de permis et comme processus administratif, il s’agit essentiellement d’un processus de planification pour les initiateurs de projets et d’un processus décisionnel pour les autorités environnementales. C’est aussi un important outil de gestion des risques, car il détermine, avant l’élaboration d’un projet en particulier, les principaux problèmes, qui pourraient présenter des risques et avoir des effets environnementaux et sociaux négatifs. L’évaluation permet par ailleurs de garantir que ces risques et impacts sont correctement pris en compte.
Avant qu’un projet ne soit élaboré, il est primordial de déterminer si une évaluation de l’impact sur l’environnement est nécessaire. C’est ce qu’on appelle le «tri préliminaire», qui consiste à déterminer si et dans quelle mesure le projet à l’étude pourrait avoir des répercussions importantes sur l’environnement. Dans l’affirmative, une évaluation de l’impact sur l’environnement est alors requise. Selon nous, il est évident d’un point de vue technique et environnemental que la construction de la route 1856 nécessitait une évaluation complète. En effet, compte tenu de son envergure et de divers facteurs liés aux caractéristiques particulières du site, le projet était susceptible de causer des dommages environnementaux importants, y compris au Nicaragua. Si le Costa Rica avait entrepris un tri préliminaire pour ce projet, il aurait pu déterminer le risque de dommages importants, qui auraient pu être évités ou réduits au minimum si le projet avait été correctement conçu et bien exécuté.
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4.1. Réglementation du Costa Rica en matière d’évaluation de l’impact sur l’environnement
Au premier abord, le droit costa-ricien exigerait normalement une évaluation de l’impact sur l’environnement pour le projet de la route 1856. L’annexe 1 du décret 31849 du 28 juin 2004 répertorie les types de projets pour lesquels une évaluation de l’impact sur l’environnement est nécessaire. Les catégories suivantes s’appliquent à la route 1856 : a) la construction de routes (comme l’exige la Loi sur l’administration des contrats) (annexe 1, page 83) ; b) les projets d’infrastructure publique ou privée d’intérêt national (comme l’exige la Loi forestière) (annexe 1, page 85) ; et c) les projets élaborés dans des réserves naturelles (comme l’exige la Loi sur la faune et la conservation) (annexe 1, p. 82). En outre, la catégorie A de l’annexe 2 répertorie d’autres projets requérant une évaluation complète de l’impact sur l’environnement, comme condition d’obtention d’une licence pour le projet (annexe 2, p. 31). On y compte des projets de construction de routes nationales dont la longueur dépasse les 5 km et de routes provinciales dont la longueur dépasse les 10 km (annexe 2, p. 105). Que la route 1856 soit considérée comme une route nationale ou provinciale, une évaluation complète de l’impact sur l’environnement est requise par la réglementation en vigueur, car la route dépasse largement ces distances.
4.2. Possibilité de répercussions négatives importantes
Si un tri préliminaire adéquat du projet avait été réalisé, il aurait également permis de déterminer qu’une évaluation de l’impact sur l’environnement était requise pour la route 1856. En effet, la route pourrait avoir des répercussions importantes, y compris sur le Nicaragua, étant donné par exemple l’ampleur des travaux, le contexte environnemental sensible dans lequel le projet a été initié et sa proximité avec le fleuve San Juan.
4.2.1. Ampleur du projet
Le fait que le projet s’étende sur 160 km souligne les possibilités d’impacts importants. En fait, l’envergure du projet à elle seule, qui implique des perturbations majeures, est suffisante pour conclure que des répercussions importantes sont probables.
4.2.2. Réalités physiques
Grâce au tri préliminaire du projet de la route 1856, on aurait identifié deux éléments importants annonçant que le projet aurait probablement des répercussions importantes. Non seulement il se situe dans une zone où les précipitations sont très abondantes (la troisième plus grande quantité de précipitations au Costa Rica83), mais on y trouve également la catégorie Ultisol, c’est-à-dire les sols les plus anciens et les plus abîmés par les intempéries (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 35). Les fortes précipitations associées à des sols abîmés par les intempéries (fragiles) pourraient entraîner l’érosion. S’il n’est pas réduit au minimum et contrôlé correctement, ce risque pourrait déstabiliser les ouvrages construits et entraîner la sédimentation dans les masses d’eau environnantes. En outre, la zone du projet est soumise à des conditions climatiques incluant des risques naturels, tels que des tempêtes tropicales et des ouragans (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 35), qui pourraient avoir davantage de répercussions en présence de sols érodés et exposés.
83 Le diagnostic de l’impact sur l’environnement fournit des données variables et incohérentes sur les précipitations, qui entrent néanmoins toutes dans la catégorie des moyennes annuelles élevées : 1500 à 3500 mm (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 20), plus de 200 mm (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 35), 2300 à 4400 mm (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 36), 2300 à 2800 mm (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 42).
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Le risque que posent ces facteurs est aggravé par le fait que la route 1856 est très proche du fleuve San Juan du Nicaragua, ainsi que de «nombreux fleuves ... chenaux et ruisseaux de différentes dimensions» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 55, ainsi que p. 36-37, 45). La présence de ces masses d’eau augmente la probabilité d’impacts importants sur le Nicaragua. En effet, bon nombre d’entre elles favorisent les effets sur le fleuve San Juan, vers lequel elles cheminent. Le diagnostic de l’impact sur l’environnement le reconnaît : sept «bassins hydrographiques importants» du Costa Rica se déversent dans le San Juan, dont les rivières San Carlos et Sarapiquí (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 36), ainsi que de plus petits ruisseaux (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 63). Dans la section située en amont de la route 1856, au-dessus de la rivière San Carlos, le diagnostic de l’impact sur l’environnement indique que «28 affluents ont été identifiés qui se déversent dans le fleuve San Juan» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 69).
Le tri préliminaire de la route 1856 aurait également permis de déterminer que les masses d’eau situées dans la zone d’influence du projet sont importantes pour la biodiversité et servent d’habitat à diverses espèces, dont certaines sont endémiques (c’est-à-dire qu’elles n’existent qu’à ces endroits). Par exemple, «[l]e long du tracé de la route 1856, on trouve un réseau complexe de zones humides, associé au bassin hydrographique inférieur du fleuve San Juan», dont la végétation est «très importante» en raison de la composition unique des espèces ; ces zones humides constituent «l’habitat de poissons et mammifères tels que le «poisson gaspar» (Atractosteus tropicus) et le lamantin, ou éléphant de mer (Trichechus manatus), tous deux en voie de disparition» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 59). Une partie du diagnostic est dédiée aux espèces endémiques de la faune aquatique (poissons, mammifères, reptiles et crustacés), dont on sait qu’elles existent dans la zone d’étude, et que leurs populations y sont réduites ou menacées (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 106-108). Le diagnostic met en garde contre la perturbation ou la pollution possible de ces habitats aquatiques, observant ce qui suit : «La présence d’espèces en voie de disparition ou gravement menacées dans la zone étudiée justifie la protection des écosystèmes riverains» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 106).
Plus généralement, le diagnostic fournit des informations importantes sur les nombreuses espèces animales terrestres et aquatiques menacées, présentes dans la zone d’influence du projet (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 62-63, 106-108), désignant cette dernière comme «un refuge pour les espèces en voie de disparition» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 64). Il souligne :
«L’importance du territoire du nord du Costa Rica ; outre la présence de zones humides d’une grande valeur biologique, il contient les derniers vestiges d’une forêt tropicale très humide où l’amandier des montagnes (Dipteryx panamensis) est une espèce dominante. C’est aussi le foyer de nombreuses espèces menacées, parmi lesquelles des espèces emblématiques : le jaguar (Panthera Onca), l’éléphant de mer (Trichechus manatus) et l’Ara de Buffon84, espèce profondément dépendante de l’amandier qu’elle utilise comme source de nourriture et comme substrat pour la nidification.» (Diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 39.)
Un projet de route mené dans ces zones risque inévitablement d’avoir des répercussions importantes, y compris sur le Nicaragua. Non seulement la construction et l’utilisation de la route peuvent détruire ou endommager des zones forestières sensibles, mais les effets de tels dommages sont également susceptibles d’être ressentis dans l’écosystème au sens large. Dans le cas de la route 1856, la forêt du nord du Costa Rica «est la biozone qui offre le principal habitat de liaison
84 Relativement à l’Ara de Buffon (Ara ambiguus), le diagnostic de l’impact sur l’environnement indique que la zone du projet inclut des endroits qui constituent son «aire de nidification prioritaire» et qui sont «essentiels pour la survie de l’espèce» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 59). En d’autres termes, le projet traverse le biocorridor qui «constitue le dernier habitat viable de terrains moins aménagés, qui peut maintenir l’Ara de Buffon de vie», «reconnu à l’échelle internationale comme une espèce menacée» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 60).
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entre la partie sud du bassin hydrographique atlantique du Nicaragua et le massif volcanique central du Costa Rica» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 42). Un habitat de liaison, ou biocorridor, est un habitat précisément conçu pour relier les populations fauniques en permettant aux espèces de se mouvoir librement et à tout moment, et en autorisant la continuité des peuplements végétaux, et ce, à l’écart des activités ou infrastructures humaines. Cette liaison permet un échange des individus entre les populations et peut éviter les effets négatifs du croisement consanguin et de l’appauvrissement de la diversité génétique (par la dérive génétique) qui se produisent souvent chez les populations isolées.
L’habitat de liaison découvert dans la zone de la route 1856 relie les communautés écologiques du Costa Rica à celles du sud du Nicaragua. Nous souscrivons au diagnostic, qui indique qu’«[é]tant donné que la Route est essentiellement située à la frontière entre le Costa Rica et le Nicaragua, il [était] de la plus haute importance d’analyser ses impacts potentiels sur la conservation de la connectivité, en se fondant sur l’identification de sites prioritaires et de liens essentiels à la connectivité» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 18-19). Les perturbations existantes et la fragmentation du corridor augmentent le risque d’effets importants au Nicaragua. Comme le note le diagnostic, «le paysage a souffert d’un grand processus de fragmentation qui menace la connectivité entre des aires protégées naturelles au Costa Rica et au sud-est du Nicaragua» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 46). La construction d’une route à un tel emplacement risque incontestablement d’engendrer des répercussions importantes au Nicaragua.
Un tri préliminaire aurait permis de découvrir que la destruction de la forêt primaire pour y tracer la route 1856 aurait probablement, d’une manière ou d’une autre, un impact sur le Nicaragua. Les forêts primaires85 offrent un couvert végétal et une structure de soutien aux sols. Une fois les arbres et autres végétaux retirés, les sols sont exposés aux éléments et soumis à l’érosion, notamment aux endroits comme celui-ci, où les précipitations sont abondantes. Il s’agit d’une préoccupation importante pour l’emplacement de ce projet, où la «forêt primaire située sur un terrain en pente» croît sur des sols «hautement soumis à l'érosion hydrique» (diagnostic de l'impact sur l'environnement, p. 57). Le diagnostic reconnaît qu’en raison de cette combinaison de précipitations et de sols fragiles, on s’inquiète de l’érosion et des répercussions importantes sur les masses d’eau environnantes : «Etant donné le fort taux de précipitations dans la zone de la Route, le degré élevé d’altération des matériaux géologiques et l’absence de couvert forestier sur certains sites précis, on a identifié le risque potentiel de sédiments érodés se déposant dans différentes masses d’eau.» (Diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 31.) Par conséquent, la proximité du projet avec le fleuve San Juan et les nombreuses masses d’eau qui s’y jettent risque d’avoir des répercussions au Nicaragua.
4.2.3. Aires protégées
Un tri préliminaire aurait permis de constater qu’une évaluation de l’impact sur l’environnement était nécessaire, car le projet se situe dans des aires protégées, y compris des réserves de biosphère et des zones de conservation dont l’importance a été reconnue à l’échelle régionale, nationale et internationale (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 20, 38-41).
85 Certains des arbres et autres plantes sont eux-mêmes menacés et doivent être conservés. Le diagnostic le reconnaît, expliquant que la zone du projet est importante pour la biodiversité des arbres (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 47) et qu’elle compte jusqu’à 28 essences d’arbres menacées, dont 10 sont endémiques (c’est-à-dire qu’elles n’apparaissent qu’à cet endroit particulier) et dont neuf sont «menacées d’extinction» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 63). La zone comprend également «plusieurs espèces de fleurs [qui] sont menacées, au moins quatre espèces endémiques» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 63). Les détails sont fournis dans les graphiques 9 et 10 du diagnostic (p. 64-65). Ainsi, comme le reconnaît le diagnostic, dans le cadre du projet, on «risquait [risque basique, mais important] d’abattre des arbres qui sont en danger d’extinction» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 30) ainsi que d’autres plantes menacées qui n’existent qu’à cet endroit. Le fait qu’«une forte menace pèse déjà sur un grand nombre d’espèces de bois d’oeuvre dans le territoire du nord» du Costa Rica (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 65) a aggravé cet impact potentiel.
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La diversité biologique des lieux est «exceptionnellement élevée» et la zone fait partie du «corridor biologique présentant la plus grande diversité biologique d’Amérique centrale» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 42), ce qui en fait «l’un des sites prioritaires pour la conservation de la biodiversité en Méso-Amérique» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 46). Nous sommes d’accord avec le diagnostic qui dit qu’il est important de conserver cet «écosystème unique, qui protège un grand nombre d’espèces en danger ou menacées par des effets néfastes qui, très souvent, sont générés par les activités humaines» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 47, citant une source de 2008), et que les impacts sur l’écosystème sont plus importants, vu le contexte. Voilà pourquoi une évaluation de l’impact sur l’environnement du projet est particulièrement nécessaire à cet emplacement.
4.2.4. Vulnérabilités existantes
En déterminant si le projet pouvait avoir des répercussions importantes, un tri préliminaire adéquat aurait pris en compte les contraintes déjà imposées à l’environnement. Citons la charge sédimentaire déjà importante dans le fleuve San Juan, venue de sources situées au Costa Rica.
En outre, avant la construction de la route 1856, il «existait des problèmes de fragmentation entraînés par l’expansion de la frontière agricole» au Costa Rica (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 39). D’après le diagnostic, de nombreuses espèces ont déjà été touchées «par la réduction de l’habitat, suite à la déforestation et à la fragmentation des forêts» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 106) ; la fragmentation constituait d’ailleurs déjà «une grave menace pour la connectivité écologique et pour la qualité génétique de la biodiversité» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 59). «De nombreuses espèces de flore et de faune dépendent de l’état de ces vestiges forestiers.» (Diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 59.)
L’importance écologique de la zone est ainsi mise en lumière et l’on constate qu’il était nécessaire de faire preuve de vigilance pour éviter les impacts sur l’environnement. Les activités, dont les effets auraient peut-être été moins importants si elles avaient été réalisées dans un environnement moins compromis, peuvent être plus graves et engendrer des répercussions plus importantes, en raison des faiblesses et dommages existants.
La construction de la route 1856 pourrait aggraver la sédimentation des masses d’eau, y compris du San Juan, et augmenter la déforestation et la fragmentation des forêts. D’après les conditions existantes décrites ci-dessus, un tri préliminaire adéquat visant une évaluation de l’impact sur l’environnement aurait permis d’identifier l’importance de tels effets et aurait imposé une évaluation de l’impact sur l’environnement pour que le projet puisse être correctement géré et ait ainsi des effets moins importants.
4.2.5. Impacts après construction
Un tri préliminaire aurait permis de découvrir que la route 1856 pouvait avoir des impacts non seulement pendant la phase de construction, mais aussi après la mise en service de la route. Parmi les répercussions éventuelles, citons le bruit, la poussière, la pollution par hydrocarbures des véhicules (tous ces impacts peuvent aussi être présents pendant la construction), qui peuvent avoir une incidence sur les espèces et la qualité de l’eau, et aussi toucher l’environnement. La circulation sur des routes dépourvues de revêtement telles que la route 1856 aggrave l’érosion et le transfert de sédiments vers les masses d’eau, notamment en l’absence de mesures appropriées pour le compactage, la gestion du drainage et le contrôle de l’érosion et des sédiments. Une évaluation de l’impact sur l’environnement était nécessaire pour évaluer ces effets.
Les plates-formes peuvent engendrer des impacts visuels importants, c’est-à-dire une dégradation de l’attrait esthétique de la zone du projet, rendant ainsi l’évaluation de l’impact sur
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l’environnement nécessaire. Ce risque s’accroît lorsque la construction nécessite de tailler une brèche dans la forêt le long de l’emprise. Il augmente également lorsque le projet est situé dans des zones relativement vierges, comme c’est le cas de certaines parties de la route 1856. Dans de telles circonstances, la construction d’une plate-forme risque d’avoir des répercussions négatives sur la valeur de régions pittoresques.
La présence d’une route peut également entraîner une migration induite, la présence accrue d’humains et les répercussions correspondantes. Comme le souligne le diagnostic, «[l]a construction de la route 1856 pourrait attirer de nouveaux habitants dans la région, ce qui aura pour effet de solliciter les services et l’infrastructure existants, ainsi que les zones naturelles protégées de la région», provoquant «une plus grande vulnérabilité due à l’impact sur les zones de liaison naturelle et la contamination découlant de l’activité humaine» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 65). L’accès accru à cette zone biologiquement fragile présente également des risques liés à l’extraction des ressources, qui constitue déjà un problème pour la zone, même sans cet axe routier (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 45). Voilà une raison supplémentaire pour laquelle une évaluation de l’impact sur l’environnement était nécessaire.
4.3. Conclusion
Les répercussions potentielles susmentionnées, qui auraient toutes été identifiées si le Costa Rica avait réalisé un tri préliminaire adéquat du projet, sont plus que suffisantes pour justifier une évaluation de l’impact sur l’environnement. C’est pourquoi une évaluation de l’impact sur l’environnement, quelle qu’elle soit, est universellement requise pour les projets de plates-formes telles que la route 1856, ainsi que pour les routes bien plus petites, qui ne se situent pas immédiatement à côté d’une rivière ou dans des aires biologiques sensibles. Nous n’avons connaissance d’aucun régime d’évaluation de l’impact sur l’environnement dans lequel un projet de cette nature n’aurait pas requis d’évaluation de l’impact sur l’environnement. La plupart des régimes, y compris celui du Costa Rica, requièrent une évaluation de l’impact sur l’environnement pour des projets de routes bien plus courtes, même là où les effets sur l’eau, les forêts primaires et la biodiversité ne sont pas évidents.
Nous croyons comprendre que le Costa Rica a décidé qu’un décret instituant l’état d’urgence l’exemptait de l’obligation de réaliser une évaluation de l’impact sur l’environnement. Nous avons participé à la préparation de travaux mis en oeuvre dans des circonstances d’urgence et la décision du Costa Rica de poursuivre sans évaluation de l’impact sur l’environnement n’est pas conforme à la pratique courante. Par exemple, à la suite du tremblement de terre historique de janvier 2010, Haïti a été confronté à de graves problèmes sanitaires causés par l’absence de systèmes d’assainissement pour collecter et éliminer les déchets sanitaires. Même s’il s’agissait d’une urgence, une évaluation de l’impact sur l’environnement restreinte a tout de même été menée, comprenant la conception de zones d’élimination et de traitement de fortune. Selon nous, rien ne justifie que le Costa Rica n’ait pas réalisé au moins une certaine forme d’évaluation de l’impact sur l’environnement pour la route 1856.
5.0. CE QU’AURAIT DÛ INCLURE UNE ÉVALUATION DE L’IMPACT SUR L’ENVIRONNEMENT DE LA ROUTE 1856
5.1. L’objectif d’une évaluation de l’impact sur l’environnement
Des évaluations adéquates de l’impact sur l’environnement mobilisent de véritables analyses préalables au projet. Elles visent à déterminer les aspects environnementaux et sociaux de la zone d’un projet afin d’évaluer l’ampleur du risque et les répercussions probables à associer à l’élaboration du projet. Ces évaluations permettent d’éviter les impacts inacceptables et de
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préparer des systèmes de gestion visant à améliorer en continu les performances environnementales et sociales, permettant finalement d’aboutir à de meilleurs résultats environnementaux et sociaux.
Pour déterminer les effets potentiels d’un projet, on s’appuie sur une expérience dans des projets professionnels spécifiques, sur les enjeux identifiés pendant la phase précoce de planification ou de cadrage préliminaire de l’évaluation de l’impact sur l’environnement, sur les connaissances sur la zone du projet et sur les parties intéressées concernées dûment consultées. Il aurait fallu intégrer les disciplines techniques suivantes à l’évaluation de l’impact sur l’environnement de la route 1856 : hydrogéologie ; hydrologie ; qualité des eaux de surface et des eaux souterraines ; géologie et géomorphologie ; sols ; risques naturels et industriels ; écosystèmes aquatiques ; écosystèmes terrestres ; évaluation de la biodiversité et aires protégées ; santé humaine et écologique ; et esthétique visuelle.
L’évaluation de l’impact sur l’environnement de la route 1856 aurait au moins dû inclure :
 Une description des conditions environnementales et socioéconomiques de départ avant l’élaboration du projet, par rapport auxquelles les effets potentiels pourraient être évalués, gérés et surveillés.
 Une description des répercussions environnementales et socioéconomiques qui pourraient être engendrées par le projet pendant les phases de construction, d’exploitation et de fermeture, ou après la fermeture.
 Une description des améliorations du projet qui auraient dû être intégrées afin de gérer les impacts potentiels.
 L’élaboration et la mise en oeuvre d’un plan de gestion environnementale comprenant l’évitement des répercussions, leur réduction au minimum, la réhabilitation ou la compensation, de manière à ce que les effets négatifs potentiels soient atténués. Voilà ce que poursuit en permanence une évaluation de l’impact sur l’environnement : maîtriser les impacts ; surveiller ; et résoudre les problèmes qui surviennent grâce à une gestion adaptée.
 L’élaboration de programmes de surveillance visant à évaluer l’exactitude des effets prédits et à apprécier les mesures d’atténuation mises en oeuvre pour déterminer si des mesures supplémentaires sont nécessaires pour atteindre les objectifs identifiés en matière de réglementation et de meilleures pratiques de gestion.
Le degré d’étude requis pour une évaluation de l’impact sur l’environnement est fonction des activités du projet, qui pourraient engendrer d’importants risques ou impacts environnementaux ou sociaux. Au minimum, l’évaluation de l’impact sur l’environnement pour la route 1856 aurait dû couvrir tous les aspects de l’environnement naturel, biologique et humain et aborder les risques et répercussions sur l’environnement, les collectivités et les parties intéressées concernés. Elle aurait dû intégrer une hiérarchie des mesures d’atténuation qui aurait : a) anticipé les impacts et cherché à les éviter ; b) réduit au minimum de tels impacts là où il était impossible de les éviter ; et c) compensé les impacts résiduels restants malgré les meilleurs efforts, l’évitement et la réduction au minimum. En évaluant et en gérant les risques et répercussions, l’évaluation de l’impact sur l’environnement pour la route 1856 aurait dû prendre en compte toutes les phases d’élaboration du projet, y compris sa conception, sa planification, sa construction et son exploitation.
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5.2. Les étapes d’une évaluation de l’impact sur l’environnement
5.2.1. Description claire du projet
L’évaluation de l’impact sur l’environnement pour la route 1856 aurait dû inclure une description détaillée du projet proposé, y compris son objectif et tous les éléments et activités qui le constitueraient. Elle aurait dû inclure, au minimum, une description du contexte du projet ; l’ampleur et l’état du réseau routier existant ; les aires de chargement proposées ; les zones où il faudrait détruire la végétation ; l’emplacement proposé et les sources de matériau d’emprunt et les sites d’élimination ; l’équipement proposé ; et le calendrier de construction.
Une telle description de tous les éléments du projet est nécessaire pour définir la portée de l’évaluation de l’impact sur l’environnement. Une description du projet permet de comprendre ses activités et composantes afin que l’on puisse définir la bonne zone d’influence directe et indirecte du projet. La zone d’influence permet de définir les études de base, requises pour évaluer les impacts potentiels prévus, causés par les activités du projet.
Une description détaillée du projet de la route 1856, y compris ses activités proposées, aurait servi de base à la planification des programmes biophysiques et sociaux de départ nécessaires. Elle aurait en effet fourni les renseignements nécessaires pour comprendre quels éléments du projet nécessitaient une évaluation environnementale pour que des modifications puissent être apportées à la conception, au besoin, afin d’éviter, de réduire au minimum ou d’atténuer les impacts potentiels.
Il était également nécessaire de bien comprendre l’objectif du projet et ses composantes pour déterminer quels critères techniques étaient pertinents pour le projet, chose que l’évaluation de l’impact sur l’environnement aurait prise en compte pour la route 1856. Elle aurait dû déterminer, entre autres :
 la catégorie (usage normal : poids légers contre poids lourds) et le type de route (terre ou gravier) ;
 la géométrie de conception (rayon maximal), la pente, la courbe verticale maximale ;
 la vitesse de conception ;
 les spécifications de la plate-forme ;
 l’objectif et la délimitation des routes ;
 le niveau de service de la route ;
 le contrôle des eaux de pluie, de l’érosion et des sédiments ;
 l’emprise et les zones tampons à l’écart des masses d’eau.
Sans un projet clairement défini, il est impossible de déterminer les spécifications techniques et les critères de conception pertinents. Par exemple, une petite route dépourvue de revêtement n’ayant pas pour but d’être utilisée par des poids lourds peut être construite différemment et à un emplacement différent d’une grande autoroute qui sera utilisée pour la circulation commerciale. Il est possible qu’une plate-forme construite conformément à un ensemble de spécifications ne soit pas adaptée à différents usages. En outre, sans l’identification préalable de critères de conception et de spécifications techniques, le projet risque d’être élaboré de manière inadaptée, par exemple sans référence à des normes techniques ou de conception (ce qui semble avoir été le cas ici).
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5.2.2. Etude de cadrage préliminaire
La phase précoce de planification, ou «cadrage préliminaire», d’une évaluation de l’impact sur l’environnement est l’outil de planification utilisé pour identifier et évaluer les enjeux biophysiques et sociaux associés au projet proposé et pour déterminer les zones exposées à des répercussions éventuelles. L’objectif est de déterminer quelles répercussions potentielles nécessitent une évaluation approfondie.
Le projet de la route 1856 aurait dû intégrer une étude de cadrage préliminaire, qui aurait inclus, au minimum :
 la cartographie thématique de l’utilisation des sols et des zones sensibles (zones humides, zones forestières, aires protégées), des collectivités, des zones tampons, des masses d’eau, de la géologie, des risques naturels, de la constructibilité et de la gestion des déchets ;
 l’élaboration d’autres couloirs afin de choisir un tracé devant être soumis à une enquête approfondie pendant l’évaluation de l’impact sur l’environnement ;
 une vérification au sol, ou reconnaissance du sol, pour vérifier les conditions biophysiques et sociales existantes du couloir sélectionné, nécessitant une étude approfondie.
5.2.3. Analyse des solutions de rechange
Etant donné que la route 1856 risquait d’avoir des conséquences importantes sur l’environnement, d’autres options auraient dû être évaluées pour la réalisation de certains aspects du projet, afin de limiter ou d’atténuer les répercussions négatives potentielles. Cette évaluation aurait dû analyser des solutions de rechange afin de déterminer si des tronçons de la route 1856 auraient dû être éloignés davantage du San Juan pour garantir que les impacts négatifs sur le Nicaragua soient évités ou réduits au minimum.
5.2.4. Définition des conditions de départ
Après sélection du couloir privilégié grâce à l’étude de cadrage préliminaire et à l’analyse des solutions de rechange, l’évaluation de l’impact sur l’environnement pour la route 1856 aurait dû déterminer les conditions de départ préalables au projet (avant toute activité liée au projet), fondées sur un ensemble de programmes sur le terrain et, le cas échéant, sur les documents disponibles les plus récents, contenant des données valables sur l’état préalable du site. Des études axées sur une discipline particulière auraient dû être menées conjointement au processus de conception du projet ; elles auraient fourni des renseignements à l’équipe de conception à propos des contraintes et enjeux environnementaux afin qu’ils soient intégrés à la conception, à la construction et à l’exploitation du projet.
Les évaluations de base sont cruciales pour déterminer les conditions préalables au projet afin que les effets prédits, associés au projet, puissent être comparés aux conditions préexistantes. Les études de départ de la route 1856 auraient dû aborder, au minimum : l’hydrogéologie, l’hydrologie et la qualité des eaux de surface ; la géologie, la géomorphologie et les sols ; la biologie et la biodiversité dans la zone ; l’esthétique visuelle ; et les risques naturels.86
86 Dans une évaluation de l’impact sur l’environnement bien conçue, il aurait également fallu collecter des informations de départ sur la qualité de l’air et le bruit, qui pourraient être touchés par les projets routiers, tout comme les aspects sociaux.
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5.2.4.1. Hydrogéologie, hydrologie et qualité des eaux de surface
Comme indiqué précédemment, l’un des risques posés par la route 1856 est qu’elle entraîne le dépôt de sédiments dans les masses d’eau, y compris dans le San Juan. En conséquence, il était particulièrement important qu’une base de référence adéquate soit établie pour les cours d’eau situés dans la zone d’influence potentielle de la route. A ce titre, il aurait fallu prélever des échantillons d’eau et de sédiments dans le San Juan pour pouvoir comparer les conditions environnementales antérieures et ultérieures à la construction de la route 1856. Il aurait fallu prélever des échantillons d’eau et de sédiments afin d’analyser leurs paramètres physiques, chimiques, organiques et inorganiques et leur lien avec les conditions écologiques de départ, afin d’évaluer les impacts potentiels.
5.2.4.2. Géologie, géomorphologie et sols
Comme indiqué précédemment, la géologie, la géomorphologie et les sols de la zone concernée influencent l’érosion éventuelle des sédiments dans les masses d’eau, y compris dans le San Juan, du fait de la construction et de l’utilisation de la route 1856. Ainsi, l’évaluation de l’impact sur l’environnement aurait dû déterminer la géologie et la géomorphologie de la zone87. Pour caractériser les sols, il aurait fallu examiner les informations, rapports et documents existants, y compris examiner le sol existant d’après des études géotechniques, des cartes et des rapports géomorphologiques et topographiques de la situation de départ ; et examiner le sol existant et les informations et documents géomorphiques. Cette étape est importante pour un projet de construction de route de ce genre, car il est nécessaire de déterminer le type de sol pour pouvoir concevoir une route qui pourra résister à l’emplacement où elle doit être construite. Certains sols ne peuvent pas résister aux pentes raides, par exemple, ou sont particulièrement sensibles à l’érosion et aux glissements.
5.2.4.3. Composante biologique
Des études biologiques de base auraient au moins dû évaluer les écosystèmes aquatiques, les écosystèmes terrestres, la biodiversité et les interactions de départ avec les aires protégées dans la zone. Par ailleurs, la liste des espèces menacées, des espèces protégées nationales ou des espèces à répartition limitée/endémiques de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), ainsi que les espèces d’intérêt local, auraient dû être évaluées afin qu’une planification, des précautions et des mesures appropriées soient mises en place avant le début de la construction. Étant donné que la nature des habitats terrestres et aquatiques peut considérablement changer pendant la saison humide et la saison sèche, des campagnes d’études biologiques distinctes auraient dû être réalisées à chaque saison88.
Etant donné les impacts potentiels de la route 1856 sur le San Juan et ses biotopes, des études de base auraient dû étudier sa flore et sa faune. Elles auraient au moins dû :
 se concentrer sur les emplacements susceptibles d’être perturbés par la route 1856 ;
87 Elle aurait dû intégrer la collecte des cartes, rapports et documents géologiques existants ; l’examen des rapports et documents géologiques existants, y compris les strates géologiques, les cartes des failles, l’activité sismique et les caractéristiques géologiques uniques ; et l’examen des cartes et documents relatifs aux sols fragiles, aux glissements de terrain et à l’activité des mouvements de masse.
88 Relativement à la flore et à la faune terrestres, les études des conditions de base auraient dû inclure un échantillonnage proportionnel de chaque type d’habitat dans la zone d’influence afin : de cerner les communautés ; d’identifier les espèces présentant un statut de conservation particulier (national et international) ; de désigner les espèces d’importance traditionnelle ; et de déterminer les habitats critiques et les services écosystémiques. Il aurait fallu réaliser des enquêtes sur la végétation, les amphibiens et les reptiles, les oiseaux et les mammifères en utilisant des transects stratifiés par type d’habitat et par impact, en fonction des zones de contrôle.
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 inclure les sites de la zone d’étude régionale qui ne seraient peut-être pas perturbés afin de permettre des comparaisons futures éventuelles dans la zone de surveillance de la route 1856 ;
 se concentrer sur les impacts prévus associés au déversement et au ruissellement, y compris aux charges accrues de sédiments en suspension issus des activités de construction de la route 1856 ;
 déterminer les préoccupations pour la santé humaine (c’est-à-dire charge de contaminants dans le poisson) et la mesure dans laquelle le poisson, qui pourrait être touché par les rejets de sédiments et de produits chimiques dans le San Juan, est utilisé.
Les aires protégées constituent à la fois une source de revenus potentiels issus du tourisme et une manière de conserver le patrimoine naturel et culturel de la zone. Conformément aux directives internationales (Société financière internationale, SFI), les effets sur les aires formellement protégées sont pris très au sérieux. Ils doivent être réduits au minimum ; pour cela, il faut choisir des sections de route appropriées et appliquer des mesures d’atténuation efficaces. En outre, il aurait fallu évaluer les compensations de la biodiversité et les services écosystémiques. Dans ce cas, les effets sur les aires protégées reliées à la plate-forme par le San Juan auraient dû être pris en compte.
5.2.4.4. Esthétique visuelle
Il aurait fallu déterminer les conditions de départ en matière d’esthétique visuelle à l’aide des vues aériennes, des images satellite et des cartes topographiques disponibles pour la zone du projet, ainsi que de photographies géoréférencées qu’il aurait fallu rassembler. Il aurait fallu porter une attention particulière aux photographies prises à partir de zones facilement accessibles d’où il était possible de constater les impacts visuels du projet, comme celles situées le long du San Juan, d’une grande valeur esthétique ou culturelle.
Les rapports de base auraient dû intégrer un classement de l’esthétique visuelle du paysage dans les zones clés. Le classement aurait également dû prendre en compte les informations de base recueillies par d’autres spécialistes, par exemple sur la géologie, la biodiversité et les ressources sociales et culturelles. Les conditions visuelles de base auraient dû se concentrer sur le classement de la qualité esthétique (attrait visuel du lieu) et la sensibilité des utilisateurs (y compris l’attitude de la population à l’égard de la route 1856).
5.2.4.5. Risques naturels
L’évaluation de l’impact sur l’environnement de la route 1856 aurait dû identifier les risques naturels qui pourraient entraîner des glissements dans le projet proposé, y compris ceux associés aux événements sismiques, géotechniques et météorologiques extrêmes. Pour gérer ces risques, il aurait fallu évaluer les informations environnementales et techniques pour la route 1856 afin de déterminer les exigences d’atténuation des risques naturels, y compris la stabilisation des pentes, les mesures liées à l’érosion et aux sédiments et l’organisation de la Route, et ce, avant la planification.
5.2.5. Analyse/évaluation des impacts
Une fois les conditions de base établies, l’évaluation de l’impact sur l’environnement pour la route 1856 aurait dû superposer le projet proposé sur ces conditions afin de prédire où, comment et dans quelle mesure le projet proposé était susceptible d’affecter le milieu naturel et le milieu humain. Etant donné que les conditions de base incluent toutes les perturbations existantes, les
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effets prévus du projet auraient dû être pris en compte avec les effets existants. Ainsi, l’évaluation de l’impact sur l’environnement aurait dû prendre en compte les «effets cumulatifs», c’est-à-dire les effets probables du projet sur l’environnement, associés à ceux d’autres projets et activités qui ont été ou seront menés, et qui pourraient se superposer aux effets directs du projet.
Il aurait fallu prendre soin d’évaluer le risque d’érosion des sédiments, étant donné les facteurs décrits ci-dessus : précipitations abondantes, sols abîmés par les intempéries (fragiles) et nombreuses masses d’eau environnantes, y compris le San Juan, qui accueillent une biodiversité importante et menacée dans les zones humides protégées.
Pour le projet de la route 1856, l’évaluation des impacts aurait dû superposer non seulement la construction de la route elle-même sur les conditions de base, mais également toutes les autres composantes du projet, y compris les sablières, les routes d’accès, l’élimination des déchets, l’enlèvement de la végétation, etc. Elle aurait également dû évaluer les effets potentiels sur l’environnement de toutes les phases du projet : construction, exploitation et fermeture définitive. Pour ce faire, elle aurait dû identifier les différentes activités susceptibles d’être conduites pendant les étapes du projet et décrire leurs interactions avec les différentes composantes environnementales.
Grâce à l’évaluation des effets potentiels du projet sur l’environnement, on aurait identifié des occasions de concevoir à nouveau le projet afin d’éliminer ou de réduire au minimum les effets potentiels ou de les atténuer.
Des analyses d’impact auraient dû être menées pour chaque lien entre les activités du projet et les composantes environnementales. Elles se composent de cinq (5) étapes :
 Etape 1  Identification des activités du projet qui pourraient contribuer à des changements environnementaux ou sociaux
 Etape 2  Evaluation des effets potentiels
 Etape 3  Description des mesures d’atténuation des effets potentiels
 Etape 4  Analyse et détermination de l’impact résiduel
 Etape 5  Identification de la surveillance nécessaire pour évaluer et contrôler le rendement
Il aurait fallu décrire les effets prédits qui subsistent après l’atténuation, ou impacts résiduels, pour la composante environnementale, à l’aide des critères suivants : direction (c’est-à-dire si l’impact est négatif, positif ou neutre) ; ampleur ; portée géographique ; durée ; réversibilité ; et fréquence89.
5.2.6. Identification et préoccupations des parties intéressées
L’évaluation de l’impact sur l’environnement nécessite généralement d’identifier les parties intéressées principales et leurs préoccupations, par l’entremise du processus de consultation. L’évaluation de l’impact sur l’environnement aurait dû intégrer les résultats de ces consultations dans l’identification des enjeux à traiter, mais également dans l’évaluation des impacts potentiels et l’élaboration de plans de gestion environnementale et sociale, au besoin. On aurait pu élaborer des mesures d’atténuation et d’amélioration appropriées pendant la consultation auprès des populations locales, réalisée pour enregistrer leurs avis.
89 Les critères d’évaluation des impacts sont fondés sur le jugement professionnel et la prise en compte des effets jugés particulièrement importants pour les parties intéressées. L’usage du système susmentionné varie au besoin pour certaines disciplines.
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5.2.7. Détermination des mesures d’atténuation et préparation d’un plan de gestion environnementale
D’après la comparaison des conditions de base avec l’évaluation des impacts, l’évaluation de l’impact sur l’environnement pour la route 1856 aurait dû identifier des mesures d’atténuation et préparer un plan de gestion environnementale, cadre visant à garantir que tous les problèmes révélés au cours du processus d’évaluation de l’impact sur l’environnement font l’objet de mesures d’atténuation et de contrôle satisfaisantes. Le plan de gestion environnementale aurait en particulier dû évoquer :
 la qualité des eaux terrestres et des masses d’eau et le contrôle de l’érosion/des sédiments ;
 la gestion des eaux de pluie ;
 la biodiversité ;
 la gestion des déchets et des matières dangereuses ;
 la qualité de l’air et l’émission de poussières ;
 le bruit.
Le plan de gestion environnementale de la route 1856 aurait dû prendre en compte les aspects de conception du projet, nécessaires pour éviter ou réduire au minimum les impacts sociaux et environnementaux négatifs, ainsi que les mesures précises requises pour atténuer les répercussions potentielles qu’il est impossible d’empêcher ou de réduire au minimum. Le plan aurait dû être élaboré avant le début de toute activité de construction et aurait dû mettre en oeuvre des mesures spécifiques pour empêcher, atténuer, gérer et contrôler de manière appropriée les impacts sociaux et environnementaux potentiels du projet pendant les phases de construction et d’exploitation.
6.0. PROJET DE LA ROUTE 1856  PROBLÈMES CAUSÉS PAR L’ABSENCE D’ÉVALUATION DE L’IMPACT SUR L’ENVIRONNEMENT
Comme le Costa Rica n’a pas mené d’évaluation de l’impact sur l’environnement pour le projet de la route 1856, les expertises susmentionnées n’ont pas été effectuées. Ainsi, les impacts qui auraient pu être évités se sont produits et ceux qui auraient pu être réduits au minimum ont été bien plus graves (et le sont toujours) que s’ils avaient être pris en compte correctement avant ou pendant la construction du projet. C’est particulièrement vrai pour l’érosion incontrôlée de grandes quantités de sédiments dans le San Juan.
6.1. Aucune définition cohérente de l’objectif et de la portée
` Comme décrit ci-dessus, l’objectif principal d’une évaluation de l’impact sur l’environnement est de définir ce que le projet vise et la manière dont cet objectif doit être atteint. Pourtant, le Costa Rica n’a jamais procédé à cette définition. Par conséquent, les éléments de planification de base, qui sont normalement intégrés à une évaluation de l’impact sur l’environnement, étaient absents, c’est-à-dire : description du projet ; identification des spécifications techniques pertinentes ; et évaluation des solutions de rechange au projet. Les répercussions sur les impacts de la route sur le Nicaragua ont ainsi été conséquentes.
L’objectif du projet et la description détaillée des tâches afférentes auraient dû éclairer le choix des normes techniques appropriées. Les normes applicables lorsqu’on construit une petite
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route d’accès qui ne sera pas utilisée par de gros camions sont différentes des normes applicables lorsqu’on construit une grande autoroute. En fonction de son usage, la route 1856 aurait dû être conçue conformément aux normes routières adaptées à cet objectif et suffisantes pour respecter au moins l’une des normes suivantes : le Ministerio de Obras Publica y Transporter (ministère des travaux publics et des transports, MOPT2010) costa-ricien, les normes de conception, de construction et d’entretien des plates-formes en Amérique centrale (SIECA, 2002, 2004 et 2011) ou les meilleures pratiques de gestion internationales. De manière générale, il semble que la route n’ait pas fait l’objet d’une étude de conception, et encore moins d’une étude visant à respecter de tels critères de conception.
Une étude de conception appropriée de la route 1856 aurait nécessité, au minimum, que les ouvrages permanents, tels que les ponts et les ponceaux, soient installés aux passages d’eau conformément aux normes routières acceptables. Au lieu de cela, pour construire la route 1856, on a créé de multiples passages où des matériaux excavés ont été introduits dans les cours d’eau, dont la plupart, voire tous, mènent directement au San Juan. D’autres normes techniques ont également été ignorées, p. ex. le compactage adéquat, l’utilisation de matériaux appropriés pour les ponceaux, eux-mêmes correctement dimensionnés et bien placés. Le résultat était prévisible : les passages de cours d’eau s’effondrent et endommagent l’assiette qui est ravinée, ainsi que les masses d’eau, y compris le San Juan, dommages représentés par les immenses deltas de sédiments dérivés de la route, désormais visibles dans le fleuve. Il est totalement inacceptable que, du fait de la construction d’une route, des sédiments plongent dans un fleuve en quantités suffisantes pour y créer d’immenses deltas. D’après notre expérience professionnelle, cela constitue une négligence environnementale.
Ces problèmes étaient évidents pendant notre visite sur site, durant laquelle nous avons observé de nombreux emplacements où l’effondrement de passages de cours d’eau défectueux ou mal construits a entraîné la formation de très grands deltas alluvionnaires, comme le montrent les photographies 1, 2 et 3, tirées de notre visite sur site de mai 2014.
Photo 1 : Emplacement : KM 18 de la route (depuis le bateau, mai 2014). Formation d’un delta alluvionnaire causé par l’érosion et l’absence de gestion adéquate de l’eau.
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Photo 2 : Emplacement : KM 18,2 à 18,3 de la route (depuis le bateau, mai 2014).
Formation d’un delta alluvionnaire causé par l’effondrement d’un passage
de cours d’eau en remblai et par une érosion d’un autre type.
Photo 3 : Emplacement : KM 20,3 de la route (depuis le bateau, mai 2014). Section de route
présentant un passage de cours d’eau inadapté, composé d’un pont en billes de bois,
qui a étranglé l’écoulement de l’eau et créé un delta alluvionnaire dans le fleuve.
Etant donné l’absence d’objectif explicite et de spécifications de conception pertinentes, la
Route pourrait être utilisée pour transporter des matières dangereuses, alors qu’elle n’a pas été
conçue pour le faire en toute sécurité. Cela risque d’avoir des répercussions importantes sur le
San Juan, qui pourrait être contaminé par les pannes des véhicules, leurs rotations et leurs
projections.
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6.2. Aucune étude de couloir de rechange
L’évaluation de l’impact sur l’environnement pour la route 1856 aurait dû envisager d’autres options de tracé afin que des parties de la route soient construites plus loin du San Juan, réduisant ainsi la probabilité que des quantités importantes de sédiments ou d’autres polluants liés à la route atteignent le fleuve.
Des routes candidates auraient notamment dû être identifiées en fonction des critères de sélection, en prenant en compte les aspects environnementaux, sociaux, techniques, d’utilisation des terres, de sécurité et de coûts. Les critères de sélection de la route auraient dû inclure (entre autres) les aires protégées, les espèces protégées, les types d’habitat, les sols fragiles, la topographie, la stabilité du sol, la proximité des masses d’eau, les contraintes d’accès, l’ingénierie et les charges foncières, la sécurité, la constructibilité et les effets cumulatifs.
Il aurait fallu réaliser des évaluations comparatives des autres routes pour éliminer les tronçons de route relativement défavorables. Il aurait fallu élaborer, documenter et évaluer une liste de tronçons de routes ou de routes candidates à l’aide de critères spécifiques au projet. Pour sélectionner la route, si l’on avait été attentif aux ressources environnementales et sociales et aux considérations d’utilisation des terres, il aurait été possible de choisir une route privilégiée, plus acceptable d’un point de vue de compatibilité biophysique et sociale. Si elle avait été réalisée, cette évaluation aurait permis d’identifier des sections présentant des pentes inaccessibles ou raides, des sols fragiles et des problèmes de stabilité.
Pourtant, ce processus n’a pas été entrepris. En conséquence, le couloir sur lequel la route 1856 a été construite n’est pas celui qui aurait été sélectionné dans le cadre d’un véritable processus d’évaluation de l’impact sur l’environnement. Dans ces conditions, l’érosion dans le San Juan a été conséquente et l’on a constaté la formation d’immenses deltas alluvionnaires.
Par exemple, des déblais raides ont été creusés dans des sols profondément abîmés par les intempéries, qui ne peuvent pas y résister, entraînant ainsi des glissements de terrain. Cela était évident lors de notre visite sur site, comme le montrent les photographies 4 et 5, ci-dessous.
Photo 4 : Emplacement : KM 16,1 à 16,5 de la route (depuis l’hélicoptère, mai 2014). Des déblais et des talus escarpés ont été creusés dans ces sols fragiles à des déclivités qui ne sont en général pas considérées comme étant stables ou ne sont pas recommandées pour ces types de sols. Les conditions observées s’expliquent par l’absence de planification, de conception et de mesures d’atténuation.
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Photo 5 : Emplacement : KM 21,4 à 22,1 de la route (depuis l’hélicoptère, mai 2014). Section
de la plate-forme trop proche du fleuve. Les déblais raides réalisés pour construire la route
et l’absence de mesures de contrôle de l’érosion et des sédiments ont entraîné la
sédimentation dans le fleuve. Les terrasses construites dans les talus ne
permettent qu’un faible contrôle des effets érosifs de l’eau des tempêtes,
comme le montrent les ravines d’érosion sur la face
des déblais dans les collines.
Cela s’est également produit à des endroits présentant une topographie complexe, y compris
des zones escarpées et inégales, comme sur les photographies 6 et 7, et là où des déblais au pied
des collines reçoivent des lames d’eau importantes d’en haut, phénomène causant une forte érosion,
comme le montrent les photographies 8 et 9.
Photo 6 : Emplacement : KM 7,4 à 7,9 de la route (depuis l’hélicoptère, mai 2014). Exemple
de l’absence d’un processus de conception et de planification adéquat et où cette section de la
plate-forme a été construite sur un relief indésirable. On y trouve des zones trop raides,
trop inégales ou trop élevées comparativement à l’environnement attenant. Des pentes
instables et des conditions d’érosion, qui s’expliquent par la topographie et
les sols fragiles, ont entraîné le déversement de
quantités de sédiments dans le fleuve.
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Photo 7 : Emplacement : KM 7,4 à 7,9 de la route (depuis le bateau, mai 2014). Exemple de
l’absence d’un processus de conception et de planification adéquat et où cette section de la
plate-forme a été construite sur un relief indésirable. On y trouve des zones trop raides,
trop inégales ou trop élevées comparativement à l’environnement attenant.
Des pentes instables et des conditions d’érosion, qui s’expliquent par
la topographie et les sols fragiles, ont entraîné le déversement
de quantités de sédiments dans le fleuve.
Photo 8 : Emplacement : KM 18,3 à 18,6 de la route (depuis l’hélicoptère, mai 2014).
La topographie, associée à la mauvaise gestion des eaux de pluie, a conduit à une
érosion importante. Le terrassement a été réalisé dans des pentes raides (en
raison de l’absence de sélection et de conception d’une route appropriée)
pour accueillir la plate-forme sur un terrain escarpé. La construction de
la plate-forme sur un relief escarpé a accéléré le mouvement de l’eau
sur des sols exposés, aggravant l’érosion et la sédimentation,
qui ont un impact direct sur le San Juan.
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Photo 9 : Emplacement : KM 2,5 de la route (depuis le bateau, mai 2014). Cette section de la
route a été construite en taillant dans le bas de la pente existante, qui est très proche de la
rive du San Juan. Le déblai construit sur la colline est trop raide et n’est pas protégé.
Le talus de déblai escarpé et la pente non protégée, située sur le flanc d’une colline
assez haute, provoqueront l’érosion, lorsque l’eau s’écoulera sur le déblai
pendant les périodes de précipitations, et continuera de tailler la pente
et de produire des sédiments qui se déverseront dans le San Juan.
Pour construire la route 1856, on a inutilement enlevé la végétation, y compris des forêts
primaires menacées et nécessaires pour les espèces en voie de disparition. Le dépôt de sédiments
dans le San Juan s’est ainsi accru, comme l’illustrent les photographies 10 et 11.
Photo 10 : Emplacement : KM 16,1 à 16,5 de la route (depuis l’hélicoptère, mai 2014).
Retrait excessif d’arbres pour construire la plate-forme, ce qui a déstabilisé
des pentes désormais exposées et non protégées.
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Photo 11 : Emplacement : KM 23,6 à 24,5 de la route (depuis l’hélicoptère, mai 2014).
Zones d’abattage excessif d’arbres pour y construire deux routes.
Au moins une grande sablière a été créée au sommet d’une colline. Les sédiments sont ainsi
transportés en contrebas, dans les masses d’eau, y compris dans le San Juan. C’est ce que montre
la photographie 12.
Photo 12 : Emplacement : KM 7,4 à 7,9 de la route (depuis le bateau, mai 2014). Sablière
utilisée pour extraire des sols pour la construction de la plate-forme. La sablière
construite en altitude est restée ouverte et soumise à l’érosion, causée par les
précipitations, sans meilleures pratiques de gestion.
Plus généralement, la majeure partie de la route 1856 a été construite bien trop près du
San Juan et de ses affluents, contrevenant ainsi aux exigences de zones tampons raisonnables
(par exemple la zone tampon de 50 m pour les rives d’un fleuve, établie dans la
Loi forestière 7575 costa-ricienne de février 1996). Cette situation est visible à de nombreux
endroits, y compris sur toutes les photographies présentées ci-dessus.
En résumé, dans diverses sections de la route 1856, on a tenté maladroitement de construire
la route à des emplacements escarpés et inégaux, constitués d’un sol fragile et abîmé par les
intempéries, qui ne peut pas supporter les déblais raides réalisés. En outre, on n’y a mis en oeuvre
aucune mesure de gestion de l’eau ou aucune meilleure pratique de gestion relative à l’érosion et à
la sédimentation. La gravité et l’eau agissent sur les perturbations et engendrent des défauts dans
les travaux eux-mêmes et des dommages sur les ressources aquatiques voisines, y compris sur le
San Juan, car ces travaux sont trop proches du fleuve et des ruisseaux qui y mènent. Ces problèmes
sont précisément ceux qu’un processus d’évaluation de l’impact sur l’environnement aurait
identifiés et pris en compte, afin que le couloir le plus adapté soit sélectionné.
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6.3. Absence de plan de gestion environnementale efficace
Même un projet bien défini, présentant des spécifications techniques et une conception basée sur une étude minutieuse pour sélectionner la route, nécessite un plan de gestion environnementale. Ce dernier sert d’outil principal permettant de garantir que les considérations environnementales sont mises en oeuvre sur le terrain. Le plan de gestion environnementale devrait s’appuyer sur le processus d’évaluation des impacts et fournir des conseils pour éviter et réduire au minimum les impacts sur l’environnement.
Au moins au cours des phases initiales du projet, aucun plan de gestion environnementale n’était en place pour guider les activités préalables à la construction, telles que le dégagement des terres, les routes d’accès temporaire, l’élimination des végétaux et débris issus du dégagement, les types et contrôles nécessaires et les mesures d’atténuation requises, ainsi que les emplacements et méthodes de mise en oeuvre. Il apparaît qu’aucun contrôle de ce type n’a été réalisé sur le projet, qui a notamment donné lieu à un dégagement excessif et apparemment non planifié, ainsi qu’à l’«élimination» inadaptée des végétaux et débris issus du nettoyage des terres dans les remblais, eux-mêmes rejetés dans des cours d’eau, comme le décrivent les rapports du LANAMME et du CFIA.
L’absence de plan de gestion environnementale a également conduit, entre autres :
 à des levées excessives ;
 à un compactage inadéquat des remblais ;
 à la construction inadaptée de passages de cours d’eau à l’aide des mauvais matériaux, sous-dimensionnés et mal installés, dont bon nombre sont aujourd’hui instables et transportent du remblai et des fragments de ponceaux vers le fleuve ;
 à l’incapacité à protéger efficacement les pentes exposées, à l’aide d’un matériau géotextile mal choisi et souvent mal installé, qui, alors exposé aux rayons du soleil, se détériore sans atteindre son objectif90 ;
 à la plantation inadéquate de végétaux sur des pentes verticales sans créer de plates-formes pour permettre à l’eau de s’écouler en cascade vers le bas de la pente, ce qui entraîne une érosion des pentes à la verticale ;
 à l’incapacité à construire un système de drainage adapté, ce qui a entraîné une érosion supplémentaire des zones non protégées (y compris les remblais et les sablières) ;
 à l’incapacité à mettre en place des mesures de contrôle de l’érosion et de la sédimentation avant les activités de terrassement et pendant la construction91.
90 Même s’ils sont installés correctement, les géotextiles ne peuvent empêcher l’érosion des pentes trop raides ou présentant des mouvements de terrain, comme dans le cas des glissements de terrain.
91 Au minimum, la route 1856 devrait respecter le manuel de 2010 du MOPT costa-ricien, qui exige de mettre en oeuvre un plan de contrôle de l’érosion, qui doit inclure toutes les mesures temporaires et permanentes pour contrôler l’érosion et la sédimentation (cf. p. 104-105). Le manuel de 2004 des SIECA d’Amérique centrale fixe les mêmes exigences (cf. p. 150-26 et 150-27). En outre, les deux manuels routiers précisent qu’avant d’abattre des végétaux ou d’entreprendre des activités de construction, des travaux préliminaires visant à contrôler l’érosion autour de la zone du projet devraient être mis en oeuvre.
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6.4. Absence d’atténuation et de surveillance
D’après notre examen des rapports soumis par le Costa Rica et notre inspection pendant notre visite sur site, nous concluons que le Costa Rica n’a pas déployé de véritables efforts d’atténuation ou de surveillance. En particulier :
Les pentes exposées et les tronçons de route et sablières mal construits jouxtant le San Juan continuent de s’éroder dans le fleuve et ont donc des conséquences sur la qualité de l’eau et sur les habitats et espèces aquatiques. Cette situation perdurera tant qu’aucune mesure corrective ne sera prise pour stabiliser tous les tronçons de route et les sols exposés. Comme en témoignent les nombreux exemples de pentes non protégées et l’absence d’activités pour corriger l’érosion et la sédimentation, la surveillance visant à garantir le bon fonctionnement des mesures de contrôle de l’érosion et de la sédimentation ne semble pas systématique.
Aucun programme de surveillance, visant à vérifier le respect des mesures de contrôle de l’érosion et de la sédimentation, ne semble en place, même si le plan de gestion environnementale (avril 2012) et le diagnostic de l’impact sur l’environnement (novembre 2013) l’avaient recommandé.
7.0. INADÉQUATION DU «DIAGNOSTIC DE L’IMPACT SUR L’ENVIRONNEMENT» DU COSTA RICA
Dans cette partie, nous analyserons le «Diagnostic de l’impact sur l’environnement  Volet écologique», daté de novembre 2013, qui a été préparé par le centre scientifique tropical et présenté à l’annexe 10 du contre-mémoire du Costa Rica. Le diagnostic ne se substitue pas à une évaluation de l’impact sur l’environnement. Et il ne signale pas non plus avec précision les impacts existants de la route 1856.
7.1. Ce n’est pas un substitut de l’évaluation de l’impact sur l’environnement
Pour commencer, même si les auteurs du diagnostic de l’impact sur l’environnement sont peut-être qualifiés dans leurs domaines d’expertise spécifiques (géographie, biologie, foresterie, tourisme et SIG), aucun d’eux ne semble être ingénieur civil et avoir de l’expérience dans la réalisation d’une évaluation de l’impact sur l’environnement ou dans l’évaluation des impacts, outre des évaluations biologiques. Il apparaît donc qu’il leur manque les qualifications requises pour préparer une évaluation de l’impact sur l’environnement pour un projet majeur d’infrastructure lourde, tel que celui de la route 1856.
En outre, un diagnostic de l’impact sur l’environnement est un outil fondamentalement différent d’une évaluation de l’impact sur l’environnement. D’après la résolution 2572-2009 du secrétariat technique national à l’environnement (SETENA), réglementation costa-ricienne qui guide l’élaboration des diagnostics de l’impact sur l’environnement, une évaluation de l’impact sur l’environnement vise «[à] vérifier la viabilité environnementale du projet et à proposer des mesures de contrôle environnemental avant que la décision ne soit prise» (cf. annexe 1). Cela diffère de l’objectif d’un diagnostic de l’impact sur l’environnement qui, selon le SETENA, est de «[d]éterminer les impacts négatifs, notamment la pollution et le risque, et proposer des mesures de contrôle environnemental» (cf. annexe 1). En d’autres termes, l’évaluation de l’impact sur l’environnement vise à identifier les impacts préalablement à la réalisation d’un projet, pour pouvoir les éviter, les réduire au minimum, les compenser et les atténuer, tandis que le diagnostic de l’impact sur l’environnement vise à déterminer les impacts une fois qu’ils sont survenus. Ainsi, même s’il est correctement réalisé, un diagnostic de l’impact sur l’environnement ne peut pas empêcher ou réduire au minimum des impacts qui se sont déjà produits. Les nombreuses différences entre l’évaluation de l’impact sur l’environnement et le diagnostic de l’impact sur
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l’environnement sont précisées dans un tableau présenté dans la résolution 2572-2009, et reproduit à l’annexe 1.
C’est pour cette raison que bon nombre des recommandations formulées dans le diagnostic sont arrivées trop tard. Elles ont été fournies après les faits et auraient dû être mises en oeuvre pendant la planification et la conception (ce qui, comme indiqué précédemment, n’a pas été le cas) ou pendant la construction. Le diagnostic ne peut donc pas atteindre ce qu’il dit être l’un de ses «objectifs spécifiques», c’est-à-dire «[d]e fournir les bases techniques et scientifiques pour guider le gouvernement du Costa Rica dans son processus décisionnel quant à la conception et à la construction de la route 1856» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 16). Une fois le diagnostic préparé, la majeure partie de la construction avait déjà eu lieu sans qu’aucune étude de conception n’ait été entreprise.
7.2. Cet audit ultérieur à la construction n’est pas crédible
Au mieux, le diagnostic pourrait identifier les impacts existants de la route 1856. Toutefois, ses nombreuses lacunes l’empêchent d’atteindre cet objectif plus limité.
7.2.1. Portée du diagnostic de l’impact sur l’environnement
Le diagnostic s’est exclusivement concentré sur «les 1000 premiers mètres qui s’étendent depuis la rive droite du San Juan, en direction du territoire costa-ricien» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 22). Cette délimitation géographique du diagnostic (décrite sur les cartes aux p. 24-29 du diagnostic) est arbitraire et excessivement restreinte. Elle ne tient pas compte de tous les travaux menés dans le cadre du projet routier en dehors de la bande de 1000 m, y compris les routes d’accès, qui s’étendent bien au-delà de la limite des 1000 m de la zone étudiée et font partie du projet (cf. diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 21 pour «Carte de l’emplacement et routes d’accès»), ainsi que les plus de 50 km de route en amont, le long de la frontière terrestre avec le Nicaragua. En se concentrant sur une partie seulement du projet, le diagnostic restreint artificiellement sa portée et ses impacts sur l’environnement. Il s’agit d’une grave lacune, car la majeure partie du projet a été réalisée dans des zones constituées de zones humides, de forêts, de masses d’eau et de biocorridors, au-delà de la bande de 1000 m. Il est impossible d’«établir les effets sur l’environnement du projet de la route 1856» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 15) si l’on ignore autant d’aspects du projet.
Plus important encore, la zone d’étude arbitrairement définie du diagnostic s’arrête sur la rive sud du San Juan. Ce manque de considération pour le territoire nicaraguayen ne constitue pas une approche appropriée pour identifier et évaluer les impacts, car les impacts déterminés précédemment (partie 4.0) ne respectent pas les frontières internationales. Ce point est surtout important dans le cas du San Juan, qui est très proche de la route en de nombreux endroits, et qui reçoit presque toutes les particules qui s’écoulent depuis les terres costa-riciennes sur lesquelles le projet a été mené ; réalité que le diagnostic lui-même reconnaît (par exemple diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 69).
En fait, le diagnostic admet qu’il est nécessaire d’«évaluer les conditions identifiées précédemment [c’est-à-dire les conditions mentionnées dans le diagnostic] du point de vue des impacts potentiels sur le territoire nicaraguayen». Toutefois, il soutient, à tort, qu’il «n’a pas été possible de donner suite à la suggestion précédente», car les auteurs n’ont pas été autorisés à opérer des prélèvements dans le San Juan (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 141). L’impossibilité d’accéder au fleuve pour y prélever des échantillons ne signifie pas «qu’il n’a pas été possible d’analyser les résultats de l’étude dans un contexte élargi» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 19). La majeure partie de l’évaluation au Costa Rica, rapportée dans le
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diagnostic, n’incluait pas de prélèvements ; un examen de la documentation a été jugé suffisant. La même évaluation aurait pu et aurait dû être effectuée en tenant compte du San Juan.
Autre grave lacune dans le diagnostic : il n’aborde pas et n’intègre pas les résultats d’autres études et rapports préparés au Costa Rica à propos du projet de la route 1856. Le plan de gestion environnementale costa-ricien (avril 2012), le LANAMME (mai 2012) et le CFIA (juin 2012) fournissent de précieux renseignements sur les problèmes observés le long de la route, les impacts sur l’environnement et les mesures correctives et d’atténuation nécessaires. Nous aurions souhaité qu’un audit ultérieur à la construction approprié prenne en compte de telles études antérieures.
7.2.2. Méthodes et conclusions
Dans le diagnostic de l’impact sur l’environnement, l’évaluation est presque entièrement qualitative92. La matrice de Léopold modifiée comprend des colonnes qui représentent les facteurs environnementaux à prendre en compte (par exemple flore et faune terrestres ; flore et faune aquatiques ; et paysage) et diverses lignes qui représentent les 11 impacts désignés du projet (déforestation le long de l’emprise, sédimentation partielle en bordure des zones humides voisines de la route 1856, etc.). Pour chacun des impacts, des caractéristiques ont été évaluées (positif, négatif, intensité, étendue, etc.). Des valeurs ont été attribuées à chaque caractéristique et utilisées dans une équation pour évaluer l’importance de l’impact, d’après le score numérique calculé dans la formule. L’importance de l’impact est fondée sur le score (par exemple un score <25 est considéré comme étant sans aucune incidence et un score compris entre 25 et 50 est considéré comme modéré; un score compris entre 50 et 75 est considéré comme un impact grave) (diagnostic de l’impact sur l’environnement, matrice de l’importance des impacts sur l’environnement, tableau 2, diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 140).
Dans le diagnostic, l’évaluation des impacts est ainsi basée sur une analyse subjective qui attribue des valeurs numériques pour produire des valeurs «quantitatives» afin de mesurer les impacts. Elle produit ainsi une mesure apparemment quantitative de ce qui est en réalité une conclusion subjective. Par conséquent, les données présentées dans la matrice peuvent être manipulées pour aboutir aux conclusions souhaitées. En outre, ces impacts ont été évalués en l’absence de données de départ, ce qui complique, ou empêche, les comparaisons scientifiquement défendables.
La section 5 du diagnostic de l’impact sur l’environnement détermine divers aspects environnementaux qui ont des répercussions importantes. Toutefois, ces effets sont jugés sans aucune incidence ou ayant une incidence modérée lorsqu’ils apparaissent dans la matrice de Léopold modifiée, à la section 6 du diagnostic. Vu l’évaluation lacunaire et étant donné que le diagnostic a seulement évalué le milieu écologique, les impacts sont minimisés.
Le tableau 24 à la page 142 du diagnostic est décrit comme une matrice des impacts du projet sur l’environnement en territoire nicaraguayen. Selon le diagnostic, elle est tirée des «résultats de l’analyse» des impacts potentiels sur le San Juan (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 141). Pourtant, le tableau 24 est vide, ce qui indique qu’aucun impact potentiel n’a été évalué. Nous ne comprenons donc pas que le diagnostic affirme que «chacune des activités potentielles qui pourraient générer un impact a été analysée, afin de vérifier si les mêmes répercussions pourraient se manifester sur le San Juan » (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 141). Il est évident qu’aucune évaluation de ce genre n’a été réalisée. Nous ne comprenons pas non plus comment les auteurs du diagnostic auraient pu attribuer la note de zéro à ces impacts, dans la colonne relative à leur «importance». Vu l’absence d’évaluation, rien ne
92 Le seul nouveau prélèvement réalisé pour fournir des données quantitatives concerne les macroinvertébrés et n’a pas été réalisé correctement. cf. Blanca Ríos Touma, «impacts écologiques de la route 1856 sur le fleuve San Juan, Nicaragua» (juillet 2014), section 4.C.
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motivait apparemment l’attribution d’un zéro à l’importance des répercussions, ou la conclusion du diagnostic, selon laquelle «aucun impact important sur le San Juan n’est envisageable» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 141).
Plus généralement, le diagnostic souffre d’une lacune méthodologique majeure. Le projet de la route 1856 aurait dû être évalué en tant que projet linéaire constitué de plusieurs sites touchés. Au lieu de cela, dans le diagnostic, on a traité l’ensemble de la route jouxtant le San Juan comme un site unique présentant divers impacts, et on a lissé chaque site distinct, souvent largement touché, sur toute la longueur de la route. Cela a eu pour effet de réduire l’impact. En d’autres termes, le diagnostic a évalué l’ensemble du projet à un niveau global, le considérant sur sa longueur totale jouxtant le fleuve, afin que ces multiples zones touchées, une fois comparées à la plus grande ampleur du projet, soient diluées et présentent un impact «sans aucune incidence» ou «modéré». Il n’est pas opportun que le diagnostic se soit concentré sur la totalité du couloir plutôt que sur les emplacements problématiques individuels, et que les répercussions, ainsi réparties sur une longue distance, soient minimisées.
7.2.2.1. Sédimentation des masses d’eau
Cet effet peut être constaté dans les résultats du diagnostic de l’impact sur l’environnement : il est qualifié de «modéré» pour ce qui est de «l’impact potentiel sur la qualité des eaux [au Costa Rica] en raison de la turbidité causée par les sédiments» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 140, tableau 23). Il s’agit d’une grave sous-estimation de l’impact de la sédimentation, qui, comme indiqué dans la partie 6, est très significative en de nombreux endroits sur le San Juan et en direction du fleuve. Pour déterminer que l’impact de la sédimentation est seulement «modéré» au Costa Rica et sans importance pour le San Juan (cf. diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 141), le diagnostic semble avoir minimisé l’érosion et la sédimentation présentes dans des sites individuels et considéré ces répercussions uniquement dans le contexte général, sur la longueur totale de la route jouxtant le fleuve.
Ce n’est pas correct. D’après notre expérience dans l’évaluation des impacts, les diverses zones touchées par l’érosion et la sédimentation devraient être prises en compte dans leur contexte local ; elles présentent assurément des effets importants, qui nécessitent des mesures correctives immédiates. Dans le diagnostic, le traitement du problème n’est pas conforme à la pratique normalisée d’évaluation de l’impact sur l’environnement, guidée par le principe selon lequel les projets ou activités ne devraient pas entraîner d’érosion ou de sédimentation dans une masse d’eau. Ces répercussions ne devraient certainement pas survenir dans les proportions actuelles découvertes dans le San Juan (que le diagnostic sous-estime en les qualifiant de sans importance) ou à l’intensité constatée dans de nombreux sites.
Le diagnostic exagère par ailleurs les mesures correctives entreprises pour traiter le problème de sédiments érodés, qui se déposent dans les masses d’eau. Il affirme que, «[à] titre de mesure préventive, des systèmes de contrôle du ruissellement ont été mis en place, ainsi que des pièges à sédiments le long de la route» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 31). D’après les observations que nous avons menées en personne en mai 2014 et notre examen des documents disponibles, aucun système n’a empêché les sédiments d’atteindre le San Juan ou ses affluents sur le territoire costa-ricien et il n’existe aucune preuve de programme de surveillance véritable visant à assurer une telle protection.
L’érosion et l’effondrement de nombreux passages de cours d’eau construits le long de la route 1856 constituent une autre source de sédimentation dans les masses d’eau. Dans la quasi-totalité des cas, les matériaux excavés se sont directement écoulés dans le lit des cours d’eau (cf. annexe 6 du contre-mémoire, p. 27). Le diagnostic souligne à juste titre que bon nombre de ces structures sont «en mauvais état» et qu’il existe «[u]ne possibilité d’effondrement» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 30). Toutefois, il ne fait pas expressément le lien entre un tel
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effondrement et la sédimentation des masses d’eau. En outre, le diagnostic stipule que, pour éviter l’effondrement, «un effort de surveillance périodique a été déployé sur la route 1856 par CONSEVI, qui encourage un contrôle préventif adéquat des structures tout le long de la route» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 30). C’est inexact, car les glissements n’ont pas été évités, comme le démontrent les passages de cours d’eau et les ponceaux ravinés qui s’écoulent dans le San Juan à divers endroits.
7.2.2.2. Défrichement
L’autre effet que le diagnostic de l’impact sur l’environnement identifie comme étant «modéré» au Costa Rica est la «[d]éforestation le long de l’emprise et des zones contiguës» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 140, tableau 23). Nous contestons le fait que les répercussions identifiées au Costa Rica présentent seulement une importance modérée et récusons la conclusion du diagnostic, selon laquelle ils n’ont aucune importance pour le San Juan (voir le diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 141). En fait, l’abattage d’arbres à grande échelle, principalement dans les forêts primaires, est très préoccupant. On aurait dû éviter un tel dégagement pour les raisons invoquées ci-dessus : la fragilité de telles forêts, leur faune et leur flore menacées et en voie de disparition, leur ampleur déjà limitée, les sols fragiles sur lesquels elles se trouvent et leur proximité avec des masses d’eau, y compris le San Juan, qui pose un risque de sédimentation lorsque les sols fragiles sont exposés, suite au dégagement.
Le diagnostic signale que 68,3 hectares de forêts primaires ont été dégagés, ajoutés à 14,9 hectares de forêts secondaires (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 132). (Ces chiffres ne tiennent pas compte du dégagement réalisé en dehors de la bande de 1000 m qui jouxte le fleuve. Ainsi, le nombre total réel d’hectares de forêts dégagés ou touchés pourrait être bien plus élevé.) Étant donné les facteurs susmentionnés (les impacts physiques résultant de l’exposition des sols fragiles à une altération directe pendant de longues périodes, sans leur couvert naturel protégé, qu’il s’agisse d’une forêt primaire ou secondaire), cet impact aurait dû être jugé important. C’est d’autant plus vrai que «la majeure partie [de la forêt primaire touchée] (59,56 hectares, soit 87 %) est située en amont de Boca San Carlos» (annexe 3, p. 27), que le plan de gestion environnementale a déterminé comme étant la section de route qui «présente le terrain le plus accidenté avec un nombre de masses d’eau plus important... ce qui en fait la zone la plus vulnérable aux dommages environnementaux» (plan de gestion environnementale, p. 6).
D’après le diagnostic de l’impact sur l’environnement lui-même, «la forêt primaire située sur un terrain en pente constitue [l’emplacement] le plus vulnérable», où les impacts pourraient être irréversibles (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 65, 67), et présente des sols texturés et secs avec «une très forte susceptibilité à l’érosion hydrique» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 57). Il s’agit également de la section de la route 1856 que le plan de gestion environnementale reconnaît comme «[étant] parallèle au San Juan», et où il recommande que la «distance [entre la route] et le fleuve soit évaluée eu égard principalement à l’intégrité du projet» (plan de gestion environnementale, p. 10). Le diagnostic de l’impact sur l’environnement désigne ce segment de la route 1856 situé en amont comme «le plus touché, en raison de la présence de plusieurs murs de rétention inclinés instables qui pourraient entraîner de la sédimentation, de l’érosion et des panaches sédimentaires dans le San Juan et ses affluents» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 69).
Le diagnostic fournit une indication supplémentaire sur la raison pour laquelle l’importance de l’enlèvement des arbres a été sous-évaluée. Il indique : «Etant donné que cette étude ne dispose pas d’informations quantitatives sur les écosystèmes des forêts primaires non altérées et qu’elle ignore leur emplacement, on suppose que les forêts déterminées comme étant primaires sont, pour la plupart, des forêts altérées» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 67). Cet énoncé n’est pas fondé. Un manque d’informations à propos de l’emplacement des forêts primaires non altérées ne justifie pas l’hypothèse selon laquelle les forêts primaires ont été altérées. En outre, le
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diagnostic se contredit lorsqu’il indique qu’on a pu observer une «forêt primaire non altérée» dans la zone d’influence directe du projet (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 67).
Le diagnostic semble aussi se méprendre lorsqu’il indique que «[l]’on a déterminé la quantité d’arbres à abattre en fonction des besoins de chaque tronçon de la route et de la couverture végétale existante» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 144), et que l’enlèvement des arbres en voie de disparition «a été réduit au minimum suite à l’inventaire réalisé par le [CONAVI] pendant la construction du projet» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 30). Cela sous-entend l’existence d’une planification préalable à la construction, qui ne reflète pas la réalité93. Aucune preuve d’un tel inventaire n’apparaît dans les documents soumis par le Costa Rica et rien n’indique que la construction a été réalisée de manière organisée, en tenant compte d’un inventaire. Au contraire, le diagnostic indique ailleurs qu’«en raison de l’absence d’inventaire préalable des essences d’arbres existantes, il a été impossible de déterminer les espèces florales touchées et de fournir leurs coordonnées de géolocalisation» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 68).
7.2.2.3. Impacts sur la biodiversité
Comme expliqué ci-dessus, les forêts primaires sont essentielles pour la conservation de la biodiversité, à la fois de la flore qui constitue la forêt et de la faune qui dépend de la forêt pour son habitat. Les répercussions au Costa Rica sont très importantes pour le Nicaragua, étant donné la connectivité biologique dans la zone d’influence du projet, ainsi que les problèmes de fragmentation existants.
Le diagnostic de l’impact sur l’environnement identifie des effets potentiels sur la biodiversité, mais en sous-estime largement l’ampleur et l’importance. C’est particulièrement évident concernant l’impact probable du projet sur l’Ara de Buffon (Ara ambiguus). Comme le reconnaît le diagnostic, la zone du projet inclut des endroits qui constituent son «aire de nidification prioritaire» et qui sont «essentiels pour la survie de l’espèce» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 59). En effet, la route traverse le biocorridor qui, selon le diagnostic, «constitue le dernier habitat viable de terrains moins aménagés, qui peut maintenir l’Ara de Buffon en vie», «reconnu à l’échelle internationale comme une espèce menacée» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 60). Nous souscrivons au diagnostic, qui indique qu’
«[é]tant donné que la route est essentiellement située à la frontière entre le Costa Rica et le Nicaragua, il [était] de la plus haute importance d’analyser ses impacts potentiels sur la conservation de la connectivité, en se fondant sur l’identification de sites prioritaires et de liens essentiels à la connectivité» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 18-19).
Néanmoins, l’analyse du diagnostic à propos des impacts sur l’Ara de Buffon n’est pas défendable.
Sur ce point, l’ensemble de l’évaluation du diagnostic indique que «[s]ur les plus de 100 nids des Aras de Buffon connus, actuellement potentiellement actifs, seuls trois (3 %) sont situés dans la zone d’influence de la route 1856 ; l’impact de ce projet sur la population d’Aras de Buffon est donc jugé sans aucune incidence» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 60). Il s’agit là d’une conclusion indéfendable pour une évaluation de l’impact sur l’environnement.
Premièrement, elle se base sur l’hypothèse erronée selon laquelle il est possible d’évaluer adéquatement les répercussions en se concentrant uniquement sur une portion limitée de la zone
93 Il en va de même pour l’affirmation suivante, qui apparaît à l’annexe 3 : «La zone forestière relativement petite désormais empruntée par la Route 1856 illustre le fait que la route a été planifiée pour éviter autant que possible de traverser la forêt primaire» (annexe 3, p. 27). Aucune planification de ce type ne semble avoir eu lieu. En conséquence, un couloir inapproprié a été sélectionné, comme évoqué ci-dessus.
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totale touchée par un projet. Comme le montre la carte à la page 61 du diagnostic (reproduite
ci-après), la conclusion se concentre exclusivement sur l’étroite bande de terre à proximité
immédiate du fleuve, alors que les autres nids de cette espèce menacée se situent à une courte
distance, dans des zones touchées par la construction et l’«amélioration» des routes d’accès (voir le
diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 21 pour «Carte de l’emplacement et routes
d’accès»). Si le diagnostic avait pris en compte la portée totale du projet, il est probable qu’il aurait
identifié un impact bien supérieur sur les nids de l’Ara de Buffon.
Deuxièmement, si l’on se concentre exclusivement sur les nids, on ignore le fait que pour
évaluer les effets sur les oiseaux, on doit prendre non seulement en compte l’emplacement des nids,
mais aussi l’aire d’alimentation. Les impacts liés à la route pourraient toucher les aires
d’alimentation des oiseaux, à tel point que même si la nidification n’était pas directement touchée,
d’autres activités cruciales pourraient l’être.
Quoi qu’il en soit, selon les normes des évaluations internationales de l’impact sur
l’environnement, un impact sur 3 % de la population d’une espèce en danger serait jugé important.
Par ailleurs, il est inacceptable que le diagnostic qualifie ces impacts comme étant «sans aucune
incidence» (ils seraient, en tout état de cause, probablement plus importants si l’on prenait en
compte l’ampleur du projet total et les diverses activités de l’espèce en question, et si l’on
examinait l’évolution future, suite à la construction de la route).
7.2.2.4. Glissements de terrain et érosion des talus
Comme expliqué dans la partie 6.0, de graves problèmes de glissements de terrain et
d’érosion sont constatés dans plusieurs sections de la route 1856. Le diagnostic identifie cet impact
notamment dans «le secteur proche de la rivière Infiernillo [sic] et le secteur connu sous le nom de
Chorreras», où il «apparaît depuis l’ouverture de la route et continuera probablement de survenir,
Diagnostic de l’impact sur l’environnement,
route 1856  Volet écologique du projet
Ecosystème du Ara Ambiguus
Emplacement des nids
Aire de migration
Zone habituelle des nids
Limites de la zone étudiée
Route frontalière no 1856
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comme c’est généralement le cas dans ces types de configurations topographiques et avec des sols susceptibles de s’éroder»94 (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 133).
Toutefois, le diagnostic juge cet impact comme étant sans aucune incidence pour le Costa Rica (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 140, 143) et sans importance pour le San Juan (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 141). Nous contestons cette caractérisation. Elle semble fondée, au moins en partie, sur l’affirmation selon laquelle, «[a]u cours des derniers mois, les talus sur le bas-côté de la route ont été protégés et des systèmes de drainage ont été installés aux mêmes endroits pour éviter les glissements de terrain» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 146). Une affirmation identique est faite à la page 30 du diagnostic, où il est indiqué que le risque d’érosion et d’instabilité des talus «a également été contrôlé par la mise en place de géotextiles et, mieux encore, par la plantation de graminées sur les talus, dans le but de diminuer l’impact direct des précipitations sur la surface exposée». D’après nos observations de mai 2014, ces affirmations exagèrent largement l’ampleur réelle de telles mesures correctives. Il existe de nombreux sites où les glissements de terrain et l’érosion des talus semblent permanents, et où aucune protection ou aucune évacuation adéquate n’est évidente. Citons par exemple les sites présentant les pires problèmes de glissements de terrain et d’érosion, y compris ceux identifiés sur les sites 8.1-8.2 et 9.4-9.6 dans l’inventaire des sites gravement érodés, annexé au rapport de 2014 du Dr. Kondolf, où il apparaît qu’aucune mesure corrective véritable n’a été entreprise.
Soulignons que parmi les mesures environnementales recommandées pour gérer le problème de glissements de terrain et d’érosion des talus, le diagnostic préconise d’utiliser des géotextiles (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 147). De tels matériaux peuvent être utiles à certains endroits pour empêcher l’érosion de surface, mais ils ne peuvent pas faire obstacle aux glissements de terrain ou à l’érosion des talus instables et trop raides, construits dans des sols incapables de les supporter. En outre, d’après nos observations de mai 2014, en de nombreux endroits de la route 1856 où ils ont été installés, ces matériaux visant à contrôler l’érosion sont déjà inopérants. Ils n’ont donc peut-être pas été installés correctement ou le type de géotextile appliqué n’est peut-être pas le bon.
Dans une autre partie, le diagnostic lui-même indique que les talus «devraient être améliorés et atténués au cas par cas, en tenant compte en premier lieu de leur déclivité et, en second lieu, de la composition des matériaux géologiques in situ» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 144). C’est exact ; une telle mesure corrective est désormais nécessaire, car le projet n’a pas été correctement planifié ou mis en oeuvre. Cette mesure corrective est importante pour une raison précise : la grave instabilité des talus et leur exposition aux éléments, qui conduisent aux glissements de terrain et à l’érosion, nuisent gravement à l’intégrité et à la sécurité de la route elle-même et aux masses d’eau voisines, y compris au San Juan, qui sont touchés par la sédimentation qui en résulte.
Nous sommes également d’accord avec le diagnostic, qui dit que certaines sections de la route 1856 sont si instables, vu les défauts de construction, qu’il est nécessaire «d’évaluer la possibilité technique de modifier la route... d’emprunter des routes locales, construites sur un terrain moins en pente, en traçant la route à quelques kilomètres plus au sud, où il existe des espaces découverts et des installations présentant des conditions topographiques plus favorables» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 147). Citons par exemple la bande identifiée dans le diagnostic près de la rivière Infiernito, ainsi que d’autres, désignées dans le rapport de Hagans et Weaver (2014). Fondamentalement, lorsque le diagnostic reconnaît la nécessité de déplacer la route, il fait preuve d’incohérence avec sa conclusion déraisonnable, selon laquelle les glissements de terrain et la grave érosion des talus constituent des impacts sans aucune incidence.
94 Comme évoqué dans les parties 5 et 6 précédentes, voici les raisons pour lesquelles la route n’aurait jamais dû être construite à de tels endroits et qu’une évaluation de l’impact sur l’environnement adaptée aurait permis d’éviter.
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7.2.2.5. Vie aquatique
Dans sa description des résultats du prélèvement de macroinvertébrés, le diagnostic indique que dans les sites touchés, situés en amont de la rivière San Carlos, des répercussions ont été «observées dans la communauté des macroinvertébrés aquatiques, dont la richesse et l’abondance ont diminué aux endroits situés en aval de la route» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 98). Le diagnostic poursuit en expliquant que
«deux facteurs pourraient expliquer [ce résultat] : 1) la dégradation de la qualité de l’habitat, conséquence de certaines activités réalisées dans le cadre de la construction de la route, telles que le terrassement et l’abattage de la végétation en marge du fleuve ; 2) le processus de sédimentation qui survient dans les rivières, en raison de l’érosion des talus et remblais instables, causée par les précipitations» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 98).
Le diagnostic explique également que dans divers sites «se trouvant dans le segment touché de la route», «la qualité de l’eau s’est dégradée dans les sites en aval (sous l’influence de la route) passant de modérée à mauvaise, et de mauvaise à très mauvaise comparativement aux sites contrôlés en amont» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 99). Le diagnostic poursuit : «Dans des sites situés dans la section classée comme étant touchée (rivière Infiernito  embouchure de la rivière San Carlos), la qualité de l’eau a été influencée par les travaux réalisés sur la route, tout comme la richesse et l’abondance des communautés biologiques» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 100).
Il s’agit de descriptions d’impacts potentiellement importants (même si le manque d’informations de départ rend une telle quantification difficile). Néanmoins, dans sa matrice des impacts, le diagnostic caractérise ces impacts comme étant «sans aucune incidence» (relativement à l’abondance/la richesse des macroinvertébrés) ou «modérés» (concernant la qualité de l’eau) (tableau 23, diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 140). La raison de ces notations n’est pas totalement claire (c’est d’ailleurs l’un des problèmes d’une approche subjective de type matrice). Elle peut néanmoins s’expliquer par le fait qu’on a comparé les sites gravement touchés au projet total. Plutôt que de comparer chaque site au projet global de route, il aurait fallu prendre en compte séparément chaque site touché et y planifier des mesures d’atténuation spécifiques.
Lorsqu’il caractérise l’impact de la route 1856 sur la flore et la faune aquatiques comme étant «sans aucune incidence» au Costa Rica et au Nicaragua, le diagnostic contredit ce qu’il souligne à la section 5, c’est-à-dire le manque d’informations nécessaires pour une telle détermination. Le diagnostic indique :
«Pour évaluer avec une plus grande certitude si les travaux sur la route 1856 ont créé un niveau de sédimentation qui pourrait avoir un effet sur la faune aquatique du San Juan et de ses affluents dans la zone étudiée, il est d’abord nécessaire de déterminer et de valider les seuils de sédimentation qui pourraient affecter les espèces découvertes dans ces rivières, car il n’existe aucune information sur les organismes aquatiques dans la zone étudiée.» (Diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 111.)
Il souligne également la «nécessité de déterminer et de valider les seuils de morbidité et de mortalité des espèces découvertes dans ces rivières, ainsi que leur niveau de tolérance à la sédimentation, étant donné qu’il n’existe aucune information sur les organismes aquatiques dans la zone étudiée» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 112). Le diagnostic poursuit et explique que des travaux substantiels seraient nécessaires pour recueillir de telles informations (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 112).
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L’absence d’informations de contexte ou de départ ne signifie pas qu’il n’existe aucun impact significatif. En outre, lorsqu’il confirme le manque d’informations de base, le diagnostic contredit l’affirmation de la matrice selon laquelle les répercussions sur la vie aquatique, causées par la route, sont «sans aucune incidence». Un processus d’évaluation de l’impact sur l’environnement adéquat aurait traité les lacunes dans les connaissances de contexte et aurait dû prendre en compte le temps qu’il faut pour acquérir les informations de départ nécessaires pour évaluer les conditions biophysiques réelles. Il aurait ensuite été utilisé pour élaborer une évaluation des impacts potentiels avant le début de la construction. Le risque d’impacts aurait ainsi pu être éliminé ou réduit avant la construction, par la création d’autres couloirs, d’une autre conception et d’autres méthodes de construction et, enfin, d’un plan de gestion environnementale et d’une surveillance.
Une évaluation de l’impact sur l’environnement de la vie aquatique aurait traité et évalué les impacts sociaux connexes (par exemple la manière dont les impacts sur la qualité de l’eau et sur la vie aquatique pourraient affecter les communautés humaines dépendantes de ces ressources) et elle aurait consulté des parties intéressées afin de comprendre leur situation socioéconomique, y compris la manière dont elles utilisent le fleuve comme ressource économique. Le diagnostic ne traite pas de la question de la pêche de subsistance. Bien qu’il reconnaisse l’existence d’«une pêche de subsistance sporadique» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 159), il n’a pas analysé si cette pêche a souffert d’impacts.
7.2.2.6. Impacts visuels et tourisme
Le diagnostic désigne l’«altération du paysage» comme un impact de la route 1856, et dit que «[l]es surfaces exposées des talus et déblais sur certains sites précis le long du tracé de la route contrastent avec la forêt, les pâturages et les paysages de champs agricoles dominants» (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 134 ; voir également p. 150). Afin de gérer cet effet (que nous considérons comme une sous-estimation, vu les grandes étendues de piste exposée et non protégée), le diagnostic recommande la reforestation «devant tous les déblais visibles depuis la rive droite du San Juan» et indique qu’il est important pour le tourisme de corriger les modifications du paysage (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 150).
Malgré ces indications, le diagnostic classe l’impact de la modification du paysage comme n’ayant aucune incidence, à la fois au Costa Rica et au Nicaragua (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 140-141). Nous contestons cette caractérisation, notamment pour ce qui concerne le Nicaragua. Comme le note le diagnostic : «Le potentiel touristique de la région est suffisant pour justifier d’y attirer des visiteurs internationaux» (p. 159). Ce potentiel est lié principalement à la beauté naturelle de cette région éloignée et peu exploitée. La construction de la route a laissé sur le paysage naturel95 une cicatrice que les visiteurs nationaux et étrangers ne manqueront pas de percevoir lorsqu’ils observeront le paysage costa-ricien le long du fleuve. Le potentiel touristique de la région ne peut qu’en souffrir.
7.2.3. Impacts ignorés dans l’évaluation du diagnostic
Plusieurs problèmes sont désignés dans le diagnostic de l’impact sur l’environnement, mais ne sont pas inclus dans l’évaluation des impacts. Deux d’entre eux méritent d’être mentionnés ici.
95 Ces effets visuels sont bien plus importants que nécessaire, car la route n’a pas été construite avec le soin normalement apporté par les entrepreneurs de l’industrie de la construction routière, ni en vertu d’un plan de gestion environnementale, comme indiqué dans les parties 5 et 6, ci-dessus.
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7.2.3.1. Utilisation de la route et développement connexe
Les répercussions associées à l’utilisation réelle de la route ne sont pas correctement traitées dans le diagnostic. Comme expliqué ci-dessus, ces impacts auraient dû être analysés dans une évaluation de l’impact sur l’environnement adéquate, préalable au projet.
Les impacts générés par l’utilisation de la route varieront en fonction des conditions réelles de circulation. Etant donné que bon nombre des sections de la route observées sont uniquement constituées du sol existant, et non d’une surface en graviers, la circulation des véhicules générera de la poussière, non seulement préoccupante pour la santé humaine, vu les concentrations de particules de moins de 10 microns dans l’atmosphère, mais aussi pour les environnements écologiques et aquatiques. Circuler sur des surfaces de roulement dépourvues de revêtement contribue également à l’érosion. L’introduction de la circulation signifie forcément l’introduction du carburant, qui peut s’égoutter sur les surfaces de roulement et être emporté dans les masses d’eau à proximité. Les projections des véhicules sont aussi préoccupantes, notamment dans certaines sections de la route caractérisées par un compactage inadapté, des surfaces inégales, des rives et des talus non protégés et des passages d’eau instables.
Outre les impacts pouvant survenir suite à l’utilisation de la route 1856, la présence de la route risque d’avoir des répercussions supplémentaires liées au développement, telles que l’augmentation des activités agricoles et commerciales ou d’autres activités humaines. La présence humaine accrue s’accompagne de l’augmentation possible des dommages causés à l’environnement, par exemple la perturbation des terres, la production de déchets et l’utilisation de pesticides et de fertilisants, tous étant des sources probables de pollution du San Juan et des zones sensibles attenantes. Le diagnostic mentionne ces impacts potentiels liés à la présence accrue de l’homme (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 65), mais ne les intègre pas à son évaluation des impacts.
7.2.3.2. Risques
De même, le diagnostic juge les ouragans, les tempêtes tropicales et les tremblements de terre comme étant pertinents dans la zone du projet (diagnostic de l’impact sur l’environnement, pp. 33, 35), mais il n’aborde pas leurs conséquences dans la caractérisation des impacts. Bon nombre des zones présentant des sols fragiles et exposés et des pentes raides le long de la route 1856 sont menacées par des tempêtes ordinaires. En raison des glissements de talus, de l’érosion et de l’écoulement de sédiments dans le fleuve, causés par la mauvaise qualité de la construction de sections de la route et de talus, la zone du projet compte déjà des impacts localisés importants sur les sédiments.
Des événements plus graves (tremblements de terre, ouragans, tempêtes) conduiraient à une plus grande charge sédimentaire et compromettraient l’intégrité de la route. Outre l’augmentation de la quantité de sédiments causée par de tels événements, les réparations qui seraient nécessaires pour reconstruire la route entraîneraient probablement des impacts supplémentaires issus, entre autres, des activités de construction, y compris le terrassement, l’enlèvement d’arbres et la création d’accès supplémentaires aux aires de travaux. Dans le cadre des réparations, la contamination issue des activités d'alimentation en carburant ou du recours à d'autres produits chimiques constitue un risque supplémentaire.
7.2.4. Conclusion
Pour toutes les raisons susmentionnées, l’affirmation du diagnostic selon laquelle le projet de la route 1856 «ne pourrait pas avoir d’impact important sur le San Juan», n’est ni confirmée, ni crédible.
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Le diagnostic sous-estime les effets du projet au Costa Rica, jugeant «sans aucune incidence» ou «modérés» des impacts réellement importants. Même les impacts jugés «modérés» au Costa Rica sont considérés comme «sans aucune incidence» au Nicaragua. Cette divergence n’est pas fondée, notamment car la zone d’étude du diagnostic et les informations de contexte sont exclusivement liées au Costa Rica.
En outre, l’affirmation selon laquelle il n’y a aucun impact sur le San Juan est incohérente avec le fait que bon nombre des mesures recommandées dans le diagnostic indiquent qu’il existe des impacts importants nécessitant une attention particulière (diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 144-155, 161-163), certains d’entre eux étant directement liés au San Juan. Il en va de même pour le plan de gestion environnementale de 2012, qui souligne clairement que les mesures correctives hautement prioritaires (indiquées en rouge dans l’annexe 2 du plan) sont celles visant à empêcher les impacts sur le fleuve.
En résumé, comme le Costa Rica n’a pas mené d’évaluation de l’impact sur l’environnement avant la construction de la route 1856, on constate un risque substantiel de répercussions négatives sur l’environnement au Nicaragua, y compris sur le fleuve San Juan, risque qui, comme le montrent les preuves, s’est concrétisé.
8.0. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
Les impacts potentiels sur le Costa Rica et le Nicaragua, évoqués ci-dessus, étaient largement suffisants pour imposer une évaluation de l’impact sur l’environnement. C’est pourquoi l’évaluation de l’impact sur l’environnement est habituellement requise pour les projets de plates-formes telles que la route 1856, ainsi que pour les routes bien plus petites, qui ne se situent pas immédiatement à côté d’une rivière ou dans des aires biologiques sensibles. En fait, nous n’avons connaissance d’aucun régime d’évaluation de l’impact sur l’environnement dans lequel un projet de cette nature ne requerrait pas d’évaluation de l’impact sur l’environnement. La plupart des régimes, y compris celui du Costa Rica, requièrent une évaluation de l’impact sur l’environnement pour des projets de routes bien plus courtes, même là où les impacts importants sur l’eau, les forêts primaires et la biodiversité ne sont pas évidents.
Par conséquent, l’affirmation selon laquelle ce projet particulier ne nécessitait pas d’évaluation de l’impact sur l’environnement est contraire à notre expérience professionnelle et à notre opinion professionnelle. D’après la réglementation du Costa Rica en matière d’évaluation de l’impact sur l’environnement, une telle évaluation aurait normalement dû être obligatoire pour ce projet (et même pour des projets de construction routière bien plus petits et moins complexes). L’affirmation selon laquelle une évaluation de l’impact sur l’environnement n’était pas obligatoire n’est pas valable.
Le Costa Rica a contourné ses réglementations nationales, qui requièrent une évaluation de l’impact sur l’environnement pour la route 1856 ; il a ignoré le décret exécutif précité qui préserve les aires protégées fragiles ; il a minimisé la possibilité d’impacts importants causés par l’absence de tri préliminaire et d’étude de conception préalables à la construction ; il a ignoré la proximité de la route 1856 avec le San Juan et les impacts transfrontaliers connexes ; et il continue d’affirmer que la route 1856 n’a pas engendré d’impacts importants. La route 1856 pouvait causer un certain nombre d’impacts importants, dont un grand nombre est reconnu dans le diagnostic de l’impact sur l’environnement et dans le plan de gestion environnementale du Costa Rica, ainsi que dans les études réalisées par le LANAMME et le CFIA, qui sont tous deux des organismes très respectés, et qui contredisent les affirmations formulées dans le contre-mémoire du Costa Rica.
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Nous recommandons ce qui suit :
 que la Route ne puisse demeurer sans protection ;
 que la Route ne puisse être utilisée pour le transport de matières dangereuses ;
 qu’un contrôle véritable de l’érosion soit mis en place ;
 que des travaux d’atténuation soient menés sans causer de dommages supplémentaires ;
que les nouveaux projets de développement, désormais rendus possibles par la route et pouvant avoir un impact sur le Nicaragua, soient également précédés d’une planification adéquate et d’une évaluation de l’impact sur l’environnement, et que le Nicaragua y soit considéré comme une partie concernée.
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ANNEXE 7 NOTE MRE/DM/645/12/13 EN DATE DU 17 DÉCEMBRE 2013 ADRESSÉE AU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DU COSTA RICA PAR SON HOMOLOGUE NICARAGUAYEN
La présente fait suite aux déclarations de la présidente du Costa Rica, Mme Laura Chinchilla, selon lesquelles les travaux de construction de la route parallèle au fleuve San Juan de Nicaragua se poursuivront cet été. Lors d’une conférence de presse donnée le 13 décembre, Mme Chinchilla a en effet affirmé ce qui suit : «… comme prévu, plusieurs ponts seront érigés l’été prochain… et, [en ce qui concerne la route,] certains travaux de construction à proprement parler seront également entamés».
Dans le même sens, au cours d’une conférence de presse, notamment relayée par le média costa-ricien EFE, le 13 décembre 2013, dans un article intitulé «La Cour de La Haye a rejeté l’instance introduite par le Nicaragua contre le Costa Rica», le ministre des travaux publics et des transports, M. Pedro Castro, a déclaré que «le marché [était] déjà attribué à l’entreprise … pour la conception du premier tronçon de 45 kilomètres».
Le Nicaragua rappelle que la Cour a souligné dans les considérants de son ordonnance datée du 13 décembre 2013 que le Costa Rica «avait admis à l’audience qu’il était tenu de ne causer aucun dommage transfrontière significatif du fait des travaux de construction réalisés sur son territoire».
De même, le Gouvernement du Nicaragua tient à rappeler que, ayant reconnu «la nécessité de prendre des mesures correctrices afin d’atténuer les effets de la planification et de l’exécution déficientes des travaux de construction de la route», les représentants du Costa Rica auprès de la Cour internationale de Justice ont fait savoir à celle-ci, il y a un mois à peine, que lesdits travaux ne reprendraient pas avant «la fin de l’année 2014 ou le début de l’année 2015». Or, comme cela ressort clairement de l’ordonnance, cette déclaration a pesé dans la décision de la Cour, qui «regrette que le Costa Rica n’ait pas fait connaître cette information à un stade antérieur».
En ce sens, non seulement le Nicaragua déplore les propos tenus par la présidente Chinchilla et certains hauts responsables, qui désavouent ainsi les déclarations formulées par leur pays devant la Cour et jettent le doute sur la bonne foi des Parties, mais il exige en outre l’arrêt des travaux, dont [le Costa Rica] a lui-même reconnu la planification et l’exécution déficientes, jusqu’à ce que celui-ci se conforme à ses engagements internationaux selon lesquels ces travaux ne causeront plus d’autres dommages au Nicaragua.
Le Gouvernement de réconciliation et d’unité nationale appelle la république soeur du Costa Rica à s’abstenir de tout autre acte susceptible d’aggraver ou d’étendre le différend devant la Cour ou de le rendre plus difficile à résoudre, tout comme il appelle au respect de l’ensemble des engagements pris devant la Cour internationale de Justice.
Veuillez agréer, etc.
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ANNEXE 8 NOTE DM-AM-704-13 EN DATE DU 19 DÉCEMBRE 2013 ADRESSÉE AU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DU NICARAGUA PAR SON HOMOLOGUE COSTA-RICIEN
Je vous adresse la présente en référence à votre note MRE/DM/645/12/13 en date du 17 décembre 2013, ainsi qu’à l’ordonnance rendue par la Cour internationale de Justice le 13 décembre 2013.
Les extraits que le Nicaragua cite de cette ordonnance dénaturent gravement l’analyse de la Cour et sa décision unanime. Je rappelle à votre Excellence que la Cour a rejeté la position du Nicaragua selon laquelle la construction de la route costa-ricienne causait d’importants dommages au fleuve San Juan, ainsi que, partant, sa demande en indication de mesures conservatoires, y compris celle de suspendre les travaux de construction. Le paragraphe 39 de l’ordonnance le montre clairement.
En référence aux observations de la Cour sur les engagements pris par le Costa Rica, je cite l’ordonnance :
«37. La Cour, bien qu’ayant conclu qu’aucune mesure conservatoire ne devait être indiquée, observe que le Costa Rica a admis à l’audience qu’il était tenu de ne causer aucun dommage transfrontière significatif du fait des travaux de construction réalisés sur son territoire, et qu’il prendrait les mesures qu’il jugerait appropriées pour prévenir pareil dommage. Elle relève en outre que le Costa Rica a, en tout état de cause, reconnu la nécessité de prendre des mesures correctrices afin d’atténuer les effets de la planification et de l’exécution déficientes des travaux de construction de la route en 2011, et a précisé qu’un certain nombre de mesures avaient déjà été prises à cette fin.»
Par conséquent, comme la Cour l’a fait remarquer, le Costa Rica peut continuer d’améliorer la qualité de la route située sur son territoire. Il ne s’est jamais engagé à suspendre les travaux, pas plus que la Cour ne lui a enjoint de le faire, comme vous l’affirmez à tort dans votre note. Le Costa Rica est en droit de poursuivre les travaux de remise en état, de conception et de construction en vue d’achever cette infrastructure d’envergure. La demande en indication de mesures conservatoires du Nicaragua a précisément été rejetée parce que celui-ci n’a pas prouvé l’existence de dommages transfrontières réels ou imminents découlant du chantier.
Mon gouvernement déplore le fait que le Nicaragua cherche à dénaturer la portée des décisions de la Cour.
Veuillez agréer, etc.
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ANNEXE 9 GUATEMALA, RÉSOLUTION 03-99 DU 18 NOVEMBRE 1999 (XXIE COMITRAN) RESOLUTION 03-99 (XXIE COMITRAN) NORMALISATION ET MODERNISATION DE LA RÉGLEMENTATION TECHNIQUE APPLICABLE AUX ROUTES ET AUX TRANSPORTS ROUTIERS
LES MINISTRES DES TRANSPORTS D’AMERIQUE CENTRALE CONSIDERANT QUE :
a) Le ministère a informé le Conseil qu’un accord avait été signé le 30 septembre avec l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) concernant la mise en oeuvre d’un projet destiné à améliorer la capacité des pays de la région à atténuer les effets des catastrophes transnationales en élaborant des normes et lignes directrices régionales qui mettraient l’accent sur la réduction de la vulnérabilité du réseau routier aux catastrophes naturelles, et ce, dans le cadre d’un programme de travail visant à normaliser et à moderniser la réglementation technique applicable aux routes et aux transports routiers en Amérique centrale.
b) Dans la Déclaration de Guatemala II qu’ils ont adoptée lors du sommet qui a eu lieu les 18 et 19 octobre derniers, les présidents d’Amérique centrale ont appelé les pays de la région à unir leurs efforts en matière de réduction de la vulnérabilité aux catastrophes et d’atténuation des effets de ces dernières, ce qui constitue l’objectif du projet susmentionné, dont le caractère urgent a été reconnu lors de plusieurs réunions précédentes du Conseil.
c) En vue de la mise en oeuvre de l’accord, le ministère propose de former plusieurs équipes de travail régionales composées de représentants des ministères des transports de chacun des cinq pays d’Amérique centrale, afin d’examiner et d’approuver les propositions soumises par des consultants qui seront engagés par le Secrétariat permanent du Traité général d’intégration de l’Amérique centrale (SIECA) dans les différents domaines retenus.
d) Il y a lieu de répondre aux besoins en matière de construction et de préservation des routes rurales ou vicinales dans la région, étant donné qu’elles sont reliées aux principaux axes de transport régionaux et sont essentielles au développement économique de l’Amérique centrale.
DECIDENT
1. D’adresser, par l’intermédiaire de son ministère, le SIECA, nos plus sincères remerciements à l’USAID pour son soutien dans la mise en oeuvre d’un projet destiné à améliorer la capacité des pays de la région à atténuer les effets transnationaux des catastrophes en élaborant des normes et lignes directrices régionales qui mettraient l’accent sur la réduction de la vulnérabilité du réseau routier aux catastrophes naturelles.
2. De désigner, dans un délai prudentiel de quinze jours, des experts nationaux qui feront partie d’équipes de travail régionales chargées d’étudier et d’approuver les propositions qui leur seront soumises par le SIECA, dans chacun des domaines susmentionnés :
 mise à jour de l’accord centraméricain sur la circulation routière du 10 juin [1958], axée sur le poids et les dimensions des véhicules à moteur ;
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 mise à jour du manuel d’entretien des routes en Amérique centrale ;
 élaboration d’un manuel des spécifications applicables en Amérique centrale concernant la construction de routes et de ponts régionaux ;
 mise à jour de l’accord centraméricain sur l’unification de la signalisation routière du 10 juin 1958 ;
 élaboration d’un manuel de la règlementation applicable en Amérique centrale concernant la conception géométrique des routes régionales.
3. D’apporter au SIECA tout le soutien nécessaire pour élaborer avec succès un plan de travail relatif à ce projet.
4. D’ordonner au SIECA de prendre les mesures nécessaires pour obtenir l’appui financier de la communauté internationale, ainsi que pour élaborer des règles en matière de construction et de préservation des routes rurales ou vicinales et pour rendre compte des résultats obtenus.
Guatemala, le 18 novembre 1999
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ANNEXE 10 RECUEIL DES NORMES ENVIRONNEMENTALES EN VIGUEUR EN AMÉRIQUE CENTRALE CONCERNANT LA CONCEPTION, LA CONSTRUCTION ET L’ENTRETIEN DES ROUTES (2002) (EXTRAIT)
C.10.1. Dans la plupart des sols, les saignées de 10 à 15 mètres de hauteur (excavations) doivent être stabilisées par l’aménagement de pentes de ¾:1 à 1:1. Dans les sols meubles, graveleux ou sablonneux, ce rapport doit être de 1:1 à 1½:1.
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ANNEXE 11 RECUEIL DES SPÉCIFICATIONS EN VIGUEUR EN AMÉRIQUE CENTRALE POUR LA CONSTRUCTION DE ROUTES ET DE PONTS RÉGIONAUX (2E ÉDITION, 2004) (EXTRAITS)
Lors de sa XXIe session, qui a eu lieu à Guatemala en novembre [1999], le Conseil sectoriel des ministres des transports d’Amérique centrale (COMITRAN) a approuvé la résolution 03-99 soutenant le programme de modernisation de la réglementation technique applicable aux routes et aux transports routiers.
Grâce à un don de l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) et conformément à l’accord no 596-0181.20 passé entre cette dernière et le Secrétariat permanent du Traité général d’intégration économique de l’Amérique centrale (SIECA), intitulé «Renforcement des capacités des pays de la région à atténuer les effets transnationaux des catastrophes», le SIECA a élaboré le «manuel des spécifications applicables en Amérique centrale concernant la construction de routes et de ponts régionaux».
Entité chargée de l’expertise : Laboratoire national des matériaux et des modèles structurels, faculté de génie civil, Université du Costa Rica (LANAMME), contrat no 36-00 SIECA/USAID.
Groupe de soutien technique : Mario Arce J. (ingénieur) ; Federico Baltodano A. (ingénieur) ; Pedro L. Castro F. (ingénieur) ; Jorge A. Castro H. (ingénieur) ; Edgar G. Herrera J. (ingénieur) ; Gaston Laporte M. (ingénieur) ; L. Guillermo Loria S. (ingénieur) ; Marco A. Rodriguez M. (ingénieur).
Coordination du SIECA : Ernesto Torres Chico ; Rafael Perez Riera (ingénieur) ; Raul Trejos Esquivel.
Groupe technique régional : Jose M. Gonzalez (ingénieur), Guatemala ; Alejandro Salazar (ingénieur), El Salvador ; Lorena Reina (ingénieur), Honduras ; Amadeo Santana R. (ingénieur), Nicaragua ; Ernesto Rodriguez P. (ingénieur), Costa Rica.
Guatemala, mars 2001.
2e édition
Selon les instructions que le Conseil sectoriel des ministres des transports d’Amérique centrale (COMITRAN) a formulées dans la résolution 04-2001 (XXIIIe COMITRAN) et en vue d’évaluer la pertinence du manuel des spécifications applicables en Amérique centrale concernant la construction de routes et de ponts régionaux et d’actualiser celui-ci, ledit manuel a été revisé en septembre 2003 par le groupe technique régional.
Groupe technique régional : Jose Gonzalez (ingénieur), Guatemala ; Edwin Alvarenga (ingénieur), El Salvador ; Ivete Rodriguez (ingénieur), Honduras ; Amadeo Santana (ingénieur), Nicaragua ; Ernesto Rodriguez (ingénieur), Costa Rica
Coordination du SIECA : Ernesto Torres Chico ; Rafael Perez Riera (ingénieur) ; Cesar A. Castillo M. (ingénieur)
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Guatemala, mars 2004.
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Préface
Le présent «manuel des spécifications applicables en Amérique centrale concernant la construction de routes et de ponts régionaux» [s’adresse] aux gouvernements des pays de la région, conformément aux dispositions de la résolution 03-99, adoptée lors de la vingt-et-unième session du conseil sectoriel des ministres des transports (XXIe COMITRAN), qui a eu lieu le jeudi 18 novembre 1999 à Guatemala.
Cette résolution du COMITRAN vise principalement à l’harmonisation et à la modernisation de la réglementation technique applicable aux routes et aux transports routiers dans l’isthme, en vue d’améliorer la capacité des pays de la région à atténuer les effets transnationaux des catastrophes en élaborant des normes et lignes directrices régionales actualisées qui contribueraient à réduire la vulnérabilité du réseau routier en cas de catastrophes naturelles.
Ces spécifications seront désignées par l’abréviation «CA-2001», étant entendu qu’il est fait référence aux spécifications générales publiées en 2001. Lorsqu’il en est fait mention dans un contrat, elles seront considérées comme faisant partie intégrante de celui-ci et comme étant incluses dans l’offre.
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ANNEXE 12 MANUEL D’ENTRETIEN DES ROUTES EN AMÉRIQUE CENTRALE (EDITION DE 2010) (EXTRAITS)
Présentation
En 2000, alors que l’Amérique centrale commençait à se remettre des dommages causés par le passage, en 1998, de l’ouragan Mitch et s’était rendu compte que les catastrophes naturelles ignoraient les frontières politiques, les pays de la région sont convenus que, pour faire face à ces menaces, ils devaient prendre des mesures et adopter des règles techniques applicables aux routes afin de réduire la vulnérabilité de leur réseau routier.
En conséquence, le Secrétariat permanent du Traité général d’intégration économique de l’Amérique centrale (SIECA) a entrepris d’élaborer une série de documents techniques destinés à harmoniser les réglementations existantes dans la région en matière de circulation routière. Ces travaux ont notamment donné lieu à la publication d’un manuel d’entretien des routes en Amérique centrale. Une fois celui-ci achevé, d’autres questions relatives aux routes et aux services de transport routier ont été examinées, et ces efforts se poursuivent à l’heure actuelle.
La gestion globale des risques de catastrophes devrait être considérée comme faisant partie intégrante des procédures de planification et des investissements publics, sur la base des aspects sociaux, économiques, environnementaux et polico-institutionnels du développement, afin de créer des conditions de sécurité exhaustives, comme cela a été établi dans le cadre de la politique centraméricaine de gestion intégrale des risques de catastrophes.
Conformément à ce qui précède, un mémorandum d’accord a été signé le 24 août 2009 entre le secrétariat exécutif du centre de coordination pour la prévention des catastrophes naturelles en Amérique centrale (SE-CEPREDENAC selon l’acronyme espagnol) et le SIECA concernant la mise en oeuvre du projet intitulé «Des normes pour les routes», élaboré à l’aide de fonds provenant de l’Agence espagnole de coopération internationale pour le développement (AECID selon l’acronyme espagnol)…
Ce mémorandum, qui vise à améliorer la circulation routière et à réduire la vulnérabilité du transport terrestre dans les pays de la région (Guatemala, El Salvador, Honduras, Nicaragua, Costa Rica et Panama), prévoit que des groupes techniques composés de représentants des ministères des transports et des autorités chargées de la protection civile actualisent le présent manuel.
Les conditions générales et les spécifications devraient être principalement appliquées par les unités exécutives des fonds alloués aux routes établis dans chaque pays d’Amérique centrale pour l’entretien des routes, à partir des prix unitaires convenus. Toutefois, ces spécifications peuvent également servir de guide pour réglementer la qualité des activités d’entretien effectuées en régie directe ou celle des normes ou des projets sous-traités.
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Le présent document recense les règles convenues pour l’entretien des routes, en utilisant l’adjudication à partir de prix unitaires, en actualisant les notions définies dans l’édition de 2004 et en intégrant les précieuses contributions des pays qui subordonnent l’octroi de marchés publics au respect de cette méthode d’entretien des routes. En outre, cette nouvelle édition intègre des outils d’évaluation des risques et de réduction des facteurs de vulnérabilité.
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Le secrétaire exécutif,
La secrétaire générale,
(Signé) Ivan MORALES.
(Signé) Yolanda MAYORA DE GAVIDIA.
CEPREDENAC
SIECA
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802. Nettoyage des ponceaux et autres ouvrages de drainage
802.01. Contenu
Cette activité consiste à enlever toutes les matières, quelle que soit leurs dimensions, qui se sont déposées dans les ponceaux, conduits et chenaux d’entrée et de sortie, ainsi qu’à nettoyer les autres éléments de la structure de drainage en en retirant toutes les matières qui s’y trouvent. Il convient de garder à l’esprit que ces tâches sont destinées à assurer l’écoulement rapide de l’eau au moyen de ces ouvrages.
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ANNEXE 13 RECUEIL DES NORMES EN VIGUEUR EN AMÉRIQUE CENTRALE CONCERNANT LA CONCEPTION GÉOMÉTRIQUE DES ROUTES (3E ÉDITION, 2011) (EXTRAITS)
Elaboration du projet
La phase suivant la planification et la programmation est l’élaboration du projet (conception préliminaire). En voici les grandes étapes :
 affinement des objectifs et des besoins ;
 élaboration d’une série de solutions ;
 évaluation des différentes solutions et de leurs effets sur l’environnement ;
 élaboration de mesures d’atténuation appropriées.
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Conception finale du projet
Lorsque la solution la plus avantageuse a été choisie et que l’évaluation de l’impact sur l’environnement a permis d’élaborer plus avant le contenu du projet, celui-ci entre dans sa phase de conception finale. Il est alors décliné sous différentes formes : plans, devis et quantification des matériaux nécessaires et des travaux à réaliser.
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4.2.2. Talus de déblai
La stabilité du talus de déblai dépend de la nature des matériaux présents sur le site et de la méthode de construction utilisée.
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8.1.4. Risques liés à la conception du drainage superficiel
L’eau est l’un des éléments susceptibles de causer de graves dommages aux routes et aux sentiers, car elle affaiblit la résistance des sols en provoquant des affaissements dans les remblais, les déblais et les surfaces portantes. C’est pourquoi la construction d’un système de drainage efficace est indispensable pour permettre à l’eau de s’écouler le plus rapidement possible.
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ANNEXE 14 DÉCLARATION SOUS SERMENT D’ANA ISABEL IZAGUIRRE AMADOR, 18 JUILLET 2014
Témoignage
ACTE NUMERO DOUZE (12)
NOTARIE
DÉCLARATION  En la ville de Managua, à sept heures le dix-huit juillet deux mille quatorze s’est présentée devant moi,  LESLIE MARIA CHAMORRO HIDALGO, majeure, mariée, avocate et notaire de la République du Nicaragua, dûment habilitée par la Cour suprême de Justice pour un mandat de cinquante ans qui s’achèvera le vingt-neuf mars deux mille dix-neuf,  ANA ISABEL IZAGUIRRE AMADOR, majeure, célibataire, architecte, résidant à Managua et titulaire de la carte nationale d’identité numéro zéro, zéro, un, tiret, huit, un, deux, cinq, un, tiret, zéro, zéro, deux, six, L (001-181251-0026L), dont j’atteste avoir vérifié l’identité dans le présent acte, dans lequel elle agit en son nom propre et déclare : PREMIEREMENT : Je suis actuellement conseiller technique, spécialiste de l’évaluation des risques et de l’atténuation des catastrophes, au sein du système national de prévention, d’atténuation et de surveillance des catastrophes (dont l’acronyme espagnol est SINAPRED) de la République du Nicaragua. J’occupe ce poste depuis huit ans, et mes fonctions et responsabilités au sein du SINAPRED sont les suivantes : conseiller technique pour les programmes, plans et projets ayant trait à la gestion globale des risques ; rédiger des rapports et études sur les sites vulnérables ; procéder à des analyses en vue de définir des zones en incorporant des variables touchant à la gestion des risques, promouvoir la prise en compte de la gestion globale des risques dans les processus de développement territorial et local. DEUXIEMEMENT : En sus du poste de fonctionnaire du SINAPRED que je viens d’évoquer, je fais partie de l’équipe technique régionale du Centre de coordination de la prévention des catastrophes naturelles en Amérique centrale (dont l’acronyme espagnol est CEPREDENAC), en tant qu’expert de la gestion globale des risques dans le cadre des processus d’harmonisation régionale et de modernisation des normes techniques applicables en matière de conception, de construction et de maintenance des routes, dont la gestion est assurée par le Secrétariat permanent du traité général d’intégration économique de l’Amérique centrale (SIECA) en application de la résolution 03-1999 (COMITRAN XXI) adoptée par les ministères des transports d’Amérique centrale le 18 novembre 1999. Je sais par ailleurs que la République du Costa Rica a activement participé à l’élaboration des manuels et normes techniques régionaux auxquels je fais référence ci-dessous. TROISIEMEMENT : L’objectif de la résolution 03-1999 (COMITRAN XXI) est de renforcer la capacité des pays d’Amérique centrale à atténuer les effets des désastres transnationaux par l’établissement de lignes directrices et de normes régionales et l’incorporation de facteurs de réduction des risques dans le secteur routier dans les pays membres du SICA. QUATRIEMEMENT : Dans l’exercice de mes fonctions, j’ai eu à connaître des ouvrages suivants : le Manuel des spécifications pour la conception géométrique des routes régionales pour l’Amérique centrale (3e édition, 2011). La première édition de cet ouvrage a été approuvée par les ministères des transports de l’Amérique centrale le 30 mars 2001, conformément à la résolution no 04-2001 (COMITRAN XXIII). La deuxième édition a été publiée en 2004 sur instruction des ministères des transports de l’Amérique centrale, afin d’en actualiser le contenu. La troisième et dernière édition est parue en 2011. Ce manuel rassemble les normes et spécifications nécessaires pour planifier le tracé d’une route, ainsi que les contrôles à effectuer sur la conception de la route et les critères applicables à celle-ci, qui sont fondés sur les caractéristiques du trafic et la catégorie fonctionnelle de la route ou de l’autoroute. De même, ce manuel contient des critères et des recommandations sur des questions touchant à la gestion des risques et à la sécurité routière, de sorte que la géométrie de la route peut être sélectionnée de manière à assurer le mieux possible l’intégrité physique des usagers de la route et de l’infrastructure routière.
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CINQUIEMEMENT : le Manuel des spécifications pour la construction de routes et ponts régionaux pour l’Amérique centrale (2e édition, mars 2004). La première édition de cet ouvrage, qui a été élaboré sous la responsabilité du laboratoire national des matériaux structurels et modèles de la faculté d’ingénierie civile de l’université du Costa Rica (dont l’acronyme espagnol est LANAMME), a été approuvée en mars 2001 en vertu d’une résolution n° 04-2001 (COMITRAN XXIII). Sa mise à jour la plus récente date de mars 2004. Cet ouvrage énonce des conditions de qualité ainsi que les normes généralement admises en ce qui concerne les différentes phases d’exécution des travaux de construction routière, notamment les mouvements de terrain et les travaux d’excavation, les critères de construction et le tassement des talus de déblai et de remblai, l’installation de structures de drainage et de système de lutte contre l’érosion, ainsi que les matériaux à utiliser, la gestion et l’exploitation adéquates des carrières d’emprunt, la protection du matériel dans les sites de dépôt des déchets, les mesures de prévention à adopter durant la suspension temporaire des travaux afin d’éviter l’érosion, entre autres mesures pour assurer la faisabilité du projet. SIXIEMEMENT : le Manuel de maintenance routière dans le cadre d’une stratégie de gestion des risques et de sécurité routière pour l’Amérique centrale (édition 2010). La première édition de cet ouvrage a été publiée en 2001 en application de la résolution n° 03-2001 (COMITRAN XXIII). Le manuel a été mis à jour une deuxième fois en octobre 2004, et pour la dernière fois en 2010. Il décrit les différents types de travaux  et précise avec quelle régularité ils doivent être effectués  pour assurer la maintenance de tous les types de routes et en garantir la durée d’utilisation. Ces travaux de maintenance comprennent, entre autres : a) le nettoyage et la réparation des systèmes de drainage et des égouts et les travaux de lutte contre l’érosion ; et b) la stabilisation des talus de déblai et de remblai par la reforestation ou l’installation de tissu maillé destiné à empêcher les glissements de terrain afin de réduire l’érosion. De surcroît, ce manuel contient des lignes directrices relatives à l’atténuation des dommages causés par les glissements de terrain et les inondations. SEPTIEMEMENT : le Manuel des normes environnementales applicables à la conception, la construction et la maintenance des routes pour l’Amérique centrale (novembre 2002). Le principal objectif de cet ouvrage, approuvé en vertu de la résolution n° 02-2002 (COMITRAN XXIV) adoptée à San Jose, Costa Rica, le 6 décembre 2002, est d’énoncer les normes environnementales applicables aux différentes phases de la construction d’une route  à savoir, la planification, la conception, la construction et la maintenance  pour empêcher, atténuer, corriger ou compenser les conséquences de la construction de la route sur l’environnement, ainsi que celles engendrées par les catastrophes naturelles. Ainsi, en ce qui concerne la phase de planification de la construction d’une route, ce manuel dispose que le tracé de la route doit entraîner le moins de mouvements de terrain possibles, et qu’il devrait traverser le moins de sources d’eau possible. Il expose également les normes recommandées pour les talus de déblai, en fonction du type de sol, et la gestion des carrières d’emprunt, en insistant sur l’atténuation des dommages causés par l’érosion et les catastrophes naturelles ; il précise également l’importance de la mise en place de systèmes de drainage adéquats lorsque la route traverse des masses d’eau, afin d’éviter le captage d’eau, qui entraîne le transport de boue et de sédiments ainsi que la détérioration des routes et nuit à la flore et la faune aquatiques. HUITIEMEMENT : Ces manuels servent de base à l’élaboration des normes techniques nationales de chaque pays de la région. En fait, la République du Costa Rica a adopté son propre Manuel des spécifications pour la construction routière en 2010, dont le contenu est quasiment identique à celui du Manuel des spécifications pour la construction de routes et ponts régionaux pour l’Amérique centrale. NEUVIEMEMENT : Les manuels de conception, construction et maintenance routières pour l’Amérique centrale et la route 1856. En tant que fonctionnaire du SINAPRED, j’ai été désignée par le Gouvernement de la République du Nicaragua pour évaluer l’impact de la route 1856, après m’être rendue à cinq reprises par voie terrestre dans la zone frontalière avec le Costa Rica et avoir observé cette zone depuis l’espace aérien nicaraguayen, navigué sur le San Juan et interprété des images satellites. A mon sens, d’après les visites que j’ai effectuées sur le terrain, les analyses théoriques que j’ai réalisées et mes connaissances professionnelles, la route 1856 n’est pas conforme aux lignes directrices et normes techniques énoncées dans les manuels de conception, construction et maintenance routières pour l’Amérique centrale : des talus non protégés et trop abrupts, des talus de remblai non tassés et ne présentant aucune protection, des passages de cours d’eau effondrés,  tout cela tout près du fleuve San Juan , y compris des systèmes de drainage inadéquats pour
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les eaux superficielles, sont les preuves les plus évidentes de la non-conformité de l’ouvrage. Rien dans la conception de la route 1856 ne permet de conclure que celle-ci est conforme aux normes techniques établies au niveau centraméricain. Par conséquent, les travaux de construction  ainsi que les caractéristiques présentées à la lumière de mes connaissances, d’un point de vue technique  n’ont fait l’objet d’aucune planification préalable conformément à la législation régionale. Dans certains cas, les alignements horizontaux et verticaux sont proches de la rive du fleuve San Juan de Nicaragua, ce qui est la caractéristique technique la plus décisive pour évaluer les risques actuels et futurs. En ces points, les mesures correctrices et de restauration sont insuffisantes et les risques persistent. Des risques graves d’inondation et d’érosion ont été décelés au niveau des points évalués, phénomènes qui sont source de sédimentation dans le lit du fleuve San Juan. Les conditions physiques naturelles de la zone, telles que les formations géologiques, les sols de mauvaise qualité, les fortes pluies et la proximité du fleuve, imposent de concevoir un autre tracé, ce qui nécessite d’étudier d’autres solutions, en s’éloignant de la rive du fleuve San Juan de Nicaragua, et différent de celui qui a été choisi pour la route 1856. Il est évident que, tant du point de vue de la réglementation que des objectifs et des raisons qui ont présidé à la création de la route, les travaux réalisés jusqu’à présent ne correspondent à aucune proposition technique ni aucune procédure de planification dûment mise en oeuvre. L’emplacement de la route actuelle résulte d’une série de manquements aux engagements des Gouvernements centraméricains consacrés dans les manuels du SIECA, principalement ceux qui sont mentionnés ci-dessus. La route 1856 ne répondant pas aux caractéristiques et à la réglementation recensées dans ces manuels, il en découle que la route construite par le Gouvernement du Costa Rica ne correspond à aucune norme technique définie par le Secrétariat permanent du traité général d’intégration économique de l’Amérique centrale. Je déclare que ce qui précède est, à ma connaissance, vrai et exact dans son intégralité. Ainsi s’est exprimée l’auteur de la déclaration, que j’atteste avoir informée de l’objet, de la valeur juridique et de l’importance du présent acte, des clauses générales qui en garantissent la validité ainsi que de la valeur juridique et de l’importance de la clause spéciale qu’il contient et qui implique des renonciations et stipulations implicites et explicites.
Moi, notaire, j’ai lu le présent acte dans son intégralité à la personne qui s’est présentée devant moi, qui le reconnaît, l’approuve et le ratifie sans y apporter aucune modification, et le signe avec moi, notaire, qui en atteste l’exactitude dans son intégralité.
(Signé) Ana Isabel IZAGUIRRE AMADOR.
(Signé) Leslie CHAMORRO H.
Passe devant moi : du recto du feuillet numéro quinze au verso du feuillet numéro dix-sept de mon registre numéro seize, que je tiens pour la présente année et, à la demande d’Ana Isabel Izaguirre Amador, je délivre ce premier témoignage sur trois feuilles utiles de papier scelle de la série «n», numéros 9367063, 9367064 et 9559583, que je signe et paraphe, et sur lesquelles j’appose mon sceau en la ville de Managua, à sept heures trente le dix-huit juillet deux mille quatorze.
L’avocate et notaire public, Leslie CHAMORRO HIDALGO,
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ANNEXE 15 NICARAGUA, LOI NO 274 DE 1998 RELATIVE À LA RÉGLEMENTATION ET AU CONTRÔLE DES PESTICIDES ET DES SUBSTANCES TOXIQUES OU DANGEREUSES, ARTICLE 23, PARAGRAPHE 2
Article 23. Le ministère de la construction et des transports est investi des missions suivantes :
1) Normaliser, réglementer, contrôler et superviser le transport par voies aérienne, aquatique et terrestre des pesticides, substances toxiques ou dangereuses et autres produits similaires, ainsi que prévenir et gérer les risques liés au transport de ces substances. Il est interdit de mobiliser ou transporter du bétail ou des produits alimentaires avec les unités de transport utilisées pour mobiliser et transporter les produits et substances relevant de la présente loi. Les modalités de la mobilisation des produits et substances relevant de la présente loi seront établies par décret.
2) En coopération avec les ministères de la santé et de l’agriculture : surveiller, réglementer et contrôler les moyens de transport des applications, pulvérisations ou traitements des cultures contenant des pesticides, des substances toxiques ou dangereuses, ou d’autres substances similaires, qui s’effectuent par voie aérienne dans un périmètre maximal de quatre kilomètres ou, par voie terrestre, à une distance de cinquante mètres, des villes, villages et sources d’eau ;
3) Après avoir vérifié qu’ils respectent les exigences fondamentales en matière de préservation de l’environnement et de santé humaine, animale et végétale, ainsi que les normes d’hygiène et de sécurité du travail, le ministère pourra délivrer une autorisation d’exploitation aux entreprises et opérateurs spécialisés dans la pulvérisation par voie aérienne ou terrestre et le transport de pesticides, de substances toxiques ou dangereuses ou de substances similaires.
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ANNEXE 16 «PRESIDENT CONFIRMS ERRORS IN CONSTRUCTION OF TRAIL 1856» [LE PRÉSIDENT CONFIRME QUE DES ERREURS ONT ÉTÉ COMMISES DANS LA CONSTRUCTION DE LA ROUTE 1856], EL PAIS, 24 MAI 2014 HTTP://WWW.ELPAIS.CR/FRONTEND/NOTICIA_DETALLE/1/92093
[ANNEXE NON TRADUITE]
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ANNEXE 17 «TRAIL CONSTRUCTION WILL RESTART AT THE END OF THE CHINCHILLA ADMINISTRATION» [LA CONSTRUCTION DE LA ROUTE REPRENDRA À LA FIN DU MANDAT DE MME CHINCHILLA], CRHOY.COM, 13 DÉCEMBRE 2013 HTTP://WWW.CRHOY.COM/PRECIO-TOTAL-DE-LA-TROCHA-FRONTERIZA-SE-ESTIMA- EN-MAS-DE-50-MIL-MILLONES/ (EXTRAITS)
[ANNEXE NON TRADUITE]
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ANNEXE 18 «SOLIS COMMITS TO FINISHING THE TRAIL» [M. SOLÍS S’ENGAGE À ACHEVER LA ROUTE], DIARIO EXTRA, 6 MAI 2014 HTTP://WWW.DIARIOEXTRA.COM/DNEW/NOTICIADETALLE/231053 (EXTRAITS)
[ANNEXE NON TRADUITE]
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ANNEXE 19 «TRAIL WILL BE A PROJECT FOR THE NEXT GOVERNMENT» [LA ROUTE SERA L’UN DES CHANTIERS DU PROCHAIN GOUVERNEMENT], LA PRENSA LIBRE, 21 FÉVRIER 2014 HTTP://WWW.PRENSAESCRITA.COM/ADIARIO.PHP?CODIGO=AME&PAGINA= HTTP://WWW.PRENSALIBRE.CR
[ANNEXE NON TRADUITE]
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ANNEXE 20 «VISIT BY THE PRESIDENT TWO DAYS BEFORE DELIVERING THE COMMAND» [VISITE DE LA PRÉSIDENTE DEUX JOURS AVANT LA PASSATION DES POUVOIRS], LA NACIÓN, 6 MAI 2014 HTTP://WWW.NACION.COM/NACIONAL/CHINCHILLA-DISCULPA-VECINOS-TROCHAFRONTERIZA_0_1412858873.HTML (EXTRAITS)
[ANNEXE NON TRADUITE]
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ANNEXE 21 WORKS ON THE TRAIL PARALYZED WHILE WAITING FOR DESIGNS AND MODULAR BRIDGES» [LE CHANTIER AU POINT MORT DANS L’ATTENTE DE PLANS DE CONCEPTION ET DE PONTS MODULAIRES], CRHOY.COM, 10 JUILLET 2014 HTTP://WWW.CRHOY.COM/TRABAJOS-EN-LA-TROCHA-SE-PARALIZAN- A-LA-ESPERA-DE-DISENOS-Y-PUENTES-MODULARES/
[ANNEXE NON TRADUITE]
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ANNEXE 22 ALBERTO CABEZAS, «BORDER TRAIL CASE» [L’AFFAIRE DE LA ROUTE FRONTALIÈRE], PUBLIÉ LE 4 JUIN 2014 HTTP://REVISTA-AMAUTA.ORG/2014/06/CASO-TROCHA-FRONTERIZA/
[ANNEXE NON TRADUITE]
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ANNEXE 23 «ACCIDENT IN CHACLACAYO : RÍMAC RIVER FUEL SPILL CAUSES CONCERN AMONG LOCAL RESIDENTS» [ACCIDENT À CHACLACAYO : LE DÉVERSEMENT D’HYDROCARBURES DANS LE FLEUVE RÍMAC PRÉOCCUPE LES RIVERAINS], EL COMERCIO, 31 DÉCEMBRE 2013 HTTP://ELCOMERCIO.PE/LIMA/SUCESOS/ACCIDENTECHACLACAYO-DERRAME- COMBUSTIBLE-AL-RIO-RIMAC-PREOCUPAVECINOS-NOTICIA-1680548
[ANNEXE NON TRADUITE]
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ANNEXE 24 «OEFA ASSESSES IMPACT OF OIL SPILL IN THE RÍMAC RIVER» [L’OEFA ÉVALUE L’IMPACT DU DÉVERSEMENT D’HYDROCARBURES DANS LE FLEUVE RÍMAC], MINING PRESS EDICIÓN PERÚ, 1ER FÉVRIER 2014 HTTP://WWW.MININGPRESS.COM.PE/NOTA/250217/OEFA-EVALUA-IMPACTO- DEDERRAME-DE-PETROLEO-EN-EL-RIO-RIMAC-
[ANNEXE NON TRADUITE]
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ANNEXE 25 OIL SPILLED INTO THE VILLALOBOS RIVER» [DÉVERSEMENT D’HYDROCARBURES DANS LA RIVIÈRE VILLALOBOS], LA NACIÓN, 19 JUIN 2012 HTTP://WWW.LANACION.COM.CO/INDEX.PHP/NOTICIAS-JUDICIAL/ ITEM/156017-PETROLEO-CAYO-AL-RIO-VILLALOBOS
[ANNEXE NON TRADUITE]
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ANNEXE 26 «OMBUDSMAN INVESTIGATES MINING COMPANY SPILLAGE INTO RIVER» [ENQUÊTE DU MÉDIATEUR SUR LE DÉVERSEMENT D’HYDROCARBURES DANS UN COURS D’EAU PAR UNE ENTREPRISE MINIÈRE], LOS ANDES, 26 AOÛT 2009 HTTP://ARCHIVO.LOSANDES.COM.AR/NOTAS/2009/8/26/UN-442539.ASP
[ANNEXE NON TRADUITE]
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ANNEXE 27 «OIL SPILL CONTAMINATES LAKE” [LE DÉVERSEMENT D’HYDROCARBURES CONTAMINE UN LAC], PERÚ21, 9 MAI 2012 HTTP://PERU21.PE/2012/05/09/IMPRESA/DERRAME-CRUDOCONTAMINA-LAGUNA-2023480
[ANNEXE NON TRADUITE]
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ANNEXE 28 «OIL TRUCK OVERTURNED NEAR THE CRUCES RIVER» [RENVERSEMENT D’UN CAMION-CITERNE À PROXIMITÉ DE LA RIVIÈRE CRUCES], EL MERCURIO ONLINE, 3 JANVIER 2009 HTTP://WWW.EMOL.COM/NOTICIAS/NACIONAL/2009/01/03/338122/CAMION-CON-PETROLEO-SE-VOLCOEN-LAS-CERCANIAS-DEL-RIO-CRUCES.HTML
[ANNEXE NON TRADUITE]
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ANNEXE 29 «TRUCK SPILLED 9,000 GALLONS OF FUEL INTO RIVERS» [RENVERSEMENT D’UN CAMION-CITERNE : PRÈS DE 35 000 LITRES D’HYDROCARBURES DÉVERSÉS DANS DEUX COURS D’EAU], ENLACE NACIONAL, 4 FÉVRIER 2008 HTTP://ENLACENACIONAL.COM/2008/02/04/CAMION-DERRAMO- 9-MIL-GALONES-DE-PETROLEO-EN-RIOS
[ANNEXE NON TRADUITE]
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ANNEXE 30 «TRUCK OVERTURNS  SEVERE ENVIRONMENTAL DAMAGE» [GRAVES DOMMAGES ENVIRONNEMENTAUX À LA SUITE DU RENVERSEMENT D’UN CAMION-CITERNE], LA ANGOSTURA DIGITAL, 23 JUILLET 2009 HTTP://WWW.LAANGOSTURADIGITAL.COM.AR/V3/HOME/ INTERNA.PHP?ID_NOT=10282&ORI=WEB
[ANNEXE NON TRADUITE]
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volume II - Annexes 1 à 30

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