Volume 2 (Annexes 1 à 23)

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130-20050125-WRI-02-01-EN
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14135
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
10572
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
AFFAIRE DE LA SOUVERAINETÉ SUR PEDRA BRANCA/PULAU BATU PUTEH,
MIDDLE ROCKS ET SOUTH LEDGE
(MALAISIE/SINGAPOUR)
CONTRE-MÉMOIRE DE SINGAPOUR
VOLUME 2
Annexes 1 à 23
25 janvier 2005
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
Pages
Annexe 1 F. Valentyn, Oud en Nieuw Oost-Indiën, Vervattende en Naauwkeurige en
Uitvoerige Verhandelinge van Nederlands Mogentheyd in de Gewesten, vol. 7,
partie 5 (1726, réimprimé en 2004) (extraits)................................................................ 1
Annexe 2 Lettre en date du 10 janvier 1824 adressée à G. Swinton, secrétaire du
gouvernement de l’Inde, par J. Crawfurd, résident à Singapour ................................... 2
Annexe 3 Lettre en date du 3 août 1824 adressée à G. Swinton, secrétaire du
gouvernement de l’Inde, par J. Crawfurd, résident à Singapour ................................... 8
Annexe 4 Lettre en date du 1er octobre 1824 adressée à G. Swinton, secrétaire du
gouvernement de l’Inde, par J. Crawfurd, résident à Singapour (extraits) .................. 11
Annexe 5 Lettre en date du 25 juin 1825 adressée au sultan Hussein par le sultan
Abdul Rahman............................................................................................................. 12
Annexe 6 Lettre en date du 25 juin 1825 adressée au sultan Hussein par le Raja Jaffar,
vice-roi......................................................................................................................... 14
Annexe 7 Liste des lieux relevant de la juridiction de Johor, avec le nombre probable
d’habitants (à l’exception de Pahang), jointe au rapport en date du
5 décembre 1828 présenté par E. Presgrave, directeur de l’enregistrement des
importations et des exportations, à K. Murchison, conseiller résident à
Singapour..................................................................................................................... 16
Annexe 8 P. J. Begbie, The Malayan Peninsula (1834, réimprimé en 1967) (extraits)............... 19
Annexe 9 Lettre en date du 2 octobre 1844 adressée à E. Belcher, capitaine du navire de
S. M. le Samarang, par W. J. Butterworth, gouverneur de l’île du
Prince-de-Galles, de Singapour et de Malacca ............................................................ 23
Annexe 10 Lettre en date du 3 octobre 1844 adressée à C. E. Faber, ingénieur-surintendant,
par W. J. Butterworth, gouverneur de l’île du Prince-de-Galles, de Singapour et
de Malacca................................................................................................................... 24
Annexe 11 Lettre en date du 25 août 1846 adressée à W. J. Butterworth, gouverneur de l’île
du Prince-de-Galles, de Singapour et de Malacca, par S. Congalton, capitaine du
Hooghly, et J. T. Thomson, géomètre du gouvernement............................................. 25
Annexe 12 Trois versions manuscrites de la lettre en date du 26 août 1846 adressée à
G. A. Bushby, secrétaire du gouvernement du Bengale, par W. J. Butterworth,
gouverneur de l’île du Prince-de-Galles, de Singapour et de Malacca (pour
résoudre les problèmes liés à la différence de transcription entre l’annexe 16 au
mémoire de Singapour et l’annexe 51 au mémoire de la Malaisie), à savoir : ............ 27
i) reproduction en fac-similé de la lettre signée par le gouverneur Butterworth
(source : archives nationales de l’Inde)................................................................ 27
ii) version manuscrite contemporaine figurant dans le Straits Settlement
Records R13/210-213 (source : archives nationales de l’Inde) ........................... 27
iii) version manuscrite contemporaine figurant dans le Board of Control
Records F/4/2166, collection n° 104700 (source : British Library, India
Office Collections) ............................................................................................... 27
- ii -
Annexe 13 J. R. Logan, Journal of a Voyage to the Eastern Coast and Islands of Johore,
Journal of the Indian Archipelago and Eastern Asia, vol. II, p. 616 (1848)............... 40
Annexe 14 P. Favre, A Journey in Johore, Journal of the Indian Archipelago and Eastern
Asia, vol. III, p. 50 (1849) ........................................................................................... 46
Annexe 15 J. T. Thomson, Description of the Eastern Coast of Johore and Pahang, and
Adjacent Islands, Journal of the Indian Archipelago and Eastern Asia, vol. V,
p. 83 (1851).................................................................................................................. 56
Annexe 16 Extraits des travaux préparatoires de la loi des Indes no VI de 1852........................... 59
Annexe 17 J. Crawfurd, A Descriptive Dictionary of the Indian Islands and Adjacent
Countries (1856, réimprimé en 1971) (extraits) .......................................................... 65
Annexe 18 Ministère néerlandais des colonies, note interne en date du 15 octobre 1858
concernant la question de Bornéo avec l’Angleterre ................................................... 66
Annexe 19 Lettre en date du 17 juillet 1861 adressée au secrétaire du gouvernement de
l’Inde par O. Cavenagh, gouverneur des Etablissements des détroits, assortie de
9 pièces jointes............................................................................................................. 67
Annexe 20 Lettre en date du 27 août 1885 adressée à R. Meade, sous-secrétaire adjoint au
Colonial Office, par F. Weld, gouverneur des Etablissements des détroits................. 83
Annexe 21 Correspondance relative à la revendication du sultan de Johor sur les îles
Natuna, Anambas et Tambelan.................................................................................... 87
i) note en date du 23 mars 1886 relative à la réunion avec
Inchi Abdul Rahman, secrétaire du sultan de Johor, établie par R. Herbert,
sous-secrétaire au Colonial Office ....................................................................... 87
ii) lettre en date du 25 mars 1886 adressée au Foreign Office par le Colonial
Office ................................................................................................................... 87
iii) lettre en date du 20 avril 1886 adressée à Inchi Abdul Rahman, secrétaire
du sultan de Johor, par le Colonial Office ........................................................... 87
iv) mémorandum en date du 5 mai 1886 présenté au Colonial Office par
Inchi Abdul Rahman, secrétaire du sultan de Johor............................................. 87
v) lettre en date du 26 mai 1886 adressée à Inchi Abdul Rahman, secrétaire du
sultan de Johor, par le Colonial Office ................................................................ 87
Annexe 22 Minutes internes du Colonial Office datées des 28 et 29 avril 1886 ........................... 92
Annexe 23 Sections III, IV et V de la Constitution de l’Etat de Johor en date du
14 avril 1895................................................................................................................ 93
ANNEXE 1
F. VALENTYN, OUD EN NIEUW OOST-INDIËN, VERVATTENDE EN NAAUWKEURIGE EN
UITVOERIGE VERHANDELINGE VAN NEDERLANDS MOGENTHEYD IN DE GEWESTEN,
VOL. 7, PARTIE 5 (1726, RÉIMPRIMÉ EN 2004) (EXTRAITS)
[Traduction française établie par le Greffe à partir de la traduction anglaise fournie par
Singapour.]
A part Johor, ce prince possédait encore une ville, plus avancée dans les terres, nommée
Batusauwer ou Batusabar, dans laquelle il s’était replié parce qu’elle était partiellement fortifiée.
Ce même prince détenait aussi de longue date les villes de Calca, Seribas et Melanoege sur l’île de
Bornéo, qui avaient été perdues par le roi de Bornéo et se trouvaient au nord de Sambas.
___________
- 2 -
ANNEXE 2
LETTRE EN DATE DU 10 JANVIER 1824 ADRESSÉE À G. SWINTON, SECRÉTAIRE DU
GOUVERNEMENT DE L’INDE, PAR J. CRAWFURD, RÉSIDENT À SINGAPOUR
A cette occasion, j’ai eu l’honneur de transmettre au secrétaire perse une lettre conjointe des
chefs indigènes avec lesquels nous sommes en relation sur place et une autre lettre provenant du
temenggong, ainsi qu’une traduction de ces deux documents.
2. Au sujet de ces communications, il devient nécessaire pour moi de fournir quelques
explications. Le premier point concerne la lettre conjointe, qui se réfère au fait que le drapeau
britannique a été érigé à Johor, ce qu’ignore probablement le gouvernement, du moins autrement
que par la rumeur. Les circonstances entourant cette opération sont brièvement les suivantes. Au
mois de février 1823, les chefs indigènes avec lesquels nous sommes en relation firent part de leur
inquiétude aux autorités locales quant à la volonté de leurs rivaux de Riau d’occuper Johor, et ils
sollicitèrent la permission d’y ériger le drapeau britannique pour les protéger de ce risque. Leur
demande fut acceptée, un drapeau leur fut fourni et leurs sujets le hissèrent.
3. Au mois d’août, j’ai reçu l’ordre confidentiel d’abaisser le drapeau britannique au Johor
dans l’éventualité où celui-ci y avait été élevé. A la réception de cet ordre, les instructions
nécessaires ont été communiquées aux chefs indigènes afin qu’ils abaissent le drapeau, et je n’ai, à
l’époque, nourri aucun doute quant à la stricte exécution de ces instructions car on me l’avait
assuré.
4. En novembre cependant, l’occupation redoutée de Johor par les chefs rivaux de Riau,
facilitée par les autorités néerlandaises dans cet établissement, a effectivement eu lieu. Des
messagers ont été envoyés depuis Johor afin de me communiquer cette information, et j’ai ainsi
non seulement appris que le drapeau n’avait pas été abaissé, mais qu’un droit à bénéficier de notre
aide pour chasser les gens de Riau avait même été invoqué. C’est en vain que j’ai donné les ordres
les plus péremptoires d’abaisser le drapeau britannique et que j’ai expliqué qu’aucune clause
d’aucun traité n’obligeait le Gouvernement britannique à maintenir l’autorité du sultan et du
temenggong en quelque endroit que ce soit au-delà des limites de l’île de Singapour. Mes
instructions ont été laissées sans suite jusqu’à ce que je me trouve dans l’obligation de menacer
d’envoyer des troupes pour abaisser le drapeau, après quoi elles ont été enfin respectées.
5. L’objet de la présente communication des chefs indigènes à l’honorable gouverneur
général semble être de se plaindre du retrait de notre protection du fait de l’abaissement du drapeau
au Johor, et de réclamer le respect d’un traité ou d’une disposition hypothétique qui nous obligerait
à asseoir et maintenir leur autorité par la force des armes. Est-il seulement nécessaire de rappeler
qu’aucun engagement de ce type n’existe, et qu’au contraire le deuxième article du traité conclu en
février 1819 établit expressément que nous ne sommes pas tenus de nous ingérer dans les affaires
politiques internes de leur gouvernement ni d’aider celui-ci par la force des armes à affirmer son
autorité, tandis que tous les autres engagements pris avec lui sont muets sur ce sujet ?
6. J’ai eu beaucoup de peine à expliquer cela aux chefs indigènes et mes efforts n’ont pas été
couronnés du succès que j’aurais souhaité car le sujet va à l’encontre de leurs désirs et de certaines
ambitions qu’ils ont été amenés à nourrir. Il serait donc extrêmement souhaitable et satisfaisant
que les principes de la relation politique qui subsiste entre eux et notre gouvernement soient portés
à leur connaissance par la plus haute autorité afin de les guider.
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7. Le deuxième point de la lettre conjointe des chefs indigènes renvoie à la question de
l’esclavage. Leur revendication porte sur le fait que la loi malaise qui admet l’existence de
l’esclavage ne doit pas être modifiée ni enfreinte. Je pars du principe que cette demande doit être
considérée comme parfaitement inadmissible. Singapour, quelqu’anormale que soit sa situation à
certains égards, n’existe que par la protection britannique et est donc pratiquement une possession
anglaise à l’heure actuelle. L’esclavage, sous quelque forme expressément contraire à la loi qu’il
se présente, ne saurait être toléré.
8. Les seuls individus qui peuvent être considérés comme esclaves dans cette île
conformément à nos lois sont les personnes qui avaient un statut d’esclave avant que l’endroit ne
soit cédé au Gouvernement britannique et que le drapeau britannique n’y soit élevé. Cela
comprend plusieurs esclaves du temenggong, car ce chef, comme beaucoup de ses sujets, était déjà
sur l’île quand nous en avons pris possession. Cela exclut peut-être en revanche tous les sujets du
sultan puisque celui-ci n’était pas présent à la période considérée et qu’il n’est pas arrivé avec ses
serviteurs avant un certain temps.
9. La situation se complique nettement en raison de l’impossibilité de déterminer qui est ou
qui n’est pas esclave. Les chefs insistent sur le fait que toute personne leur appartenant est un
esclave et n’est en aucune façon maître de ses biens ni de ses actions, et ils ne limitent aucunement
cette monstrueuse prétention à leurs simples relations à Singapour, mais étendent cette
revendication à tous les indigènes des nombreux états et îles de notre proximité immédiate qui
dépendent d’eux nominalement ou de toute autre façon, et qui séjournent ou résident dans cet
établissement. Au moins le temenggong déclare-t-il en même temps qu’il ne possède aucun esclave
dans le sens où nous entendons ce terme, c’est-à-dire des personnes qui peuvent être achetées ou
vendues contre de l’argent. Il est vrai que ces chefs ne pratiquent pas la vente de leurs gens contre
de l’argent, mais il est tout aussi certain que leurs serviteurs ne peuvent pas s’affranchir de leur
allégeance, ou plutôt de la condition de servitude dans laquelle ils sont, sans le paiement d’une taxe
— et cela seulement sur faveur spéciale.
10. En raison des circonstances qui règnent dans cet établissement — de la nature de nos
relations avec les chefs indigènes — et de l’inconvénient grave bien qu’inévitable de leur existence
parmi nous ou à notre proximité immédiate, la question de l’esclavage revient fréquemment, et à
moins qu’elle ne soit réglée et définie par la plus haute autorité, il est probable qu’elle devienne une
source de contrariété et d’embarras considérables.
11. La tentation de quitter les chefs indigènes est très grande pour leurs sujets. La
rémunération élevée du travail et le confort des classes laborieuses libres qu’ils ont devant les yeux
sont des incitations suffisantes pour les hommes. La part féminine de cette population est plus
incitée encore du fait de la disproportion entre les sexes qui existent dans les différentes classes
d’habitants. Parmi les sujets du sultan et du temenggong, la proportion de femmes est de deux pour
un homme. Parmi les habitants libres de l’établissement, quelle que soit leur état, cette proportion
est plus qu’inversée, les hommes étant plus de deux fois plus nombreux que les femmes. Dans le
cas des Chinois cette disproportion est telle qu’il y a au moins huit hommes pour une femme.
12. La gravité des mauvais traitements et leur importance considérable dont nous avons eu
connaissance sont suffisantes dans les circonstances que nous avons décrites pour encourager les
sujets des chefs indigènes à les quitter. Lorsque pareil événement se produit, ces personnes sont
recherchées, des remontrances s’ensuivent et un certain mécontentement a été exprimé dans de
nombreux cas, dans lesquels aucune prétention de servitude n’a pu être faite, cas où cela aurait
constitué une injustice flagrante de renvoyer les parties.
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13. La réponse simple à apporter aux désagréments dont il est fait état me semble être
l’ouverture par le résident d’un registre recensant les noms de toutes les personnes qui sont des
esclaves authentiques des chefs indigènes ou, pour ceux qui sont d’âge adulte, qui reconnaissent
eux-mêmes leur condition d’esclave en présence de témoins impartiaux. Dans ce même registre
peuvent également figurer les noms de tous les sujets des chefs indigènes qui sont leurs débiteurs,
classe très nombreuse étant donné la pauvreté et l’imprévoyance de cette race. La hauteur de la
dette doit être précisée et les parties ne sont libres de quitter le service des chefs que lorsqu’elles se
sont acquittées de la totalité de la dette, ou qu’elles ont servi pendant une durée raisonnable
pouvant être considérée comme équivalente à sa liquidation.
14. J’ai souvent proposé ce plan aux chefs indigènes et, bien qu’ils aient apparemment
commencé par acquiescer, ils n’ont finalement pas manqué de s’y soustraire, le considérant sans
aucun doute avec méfiance comme une restriction ennuyeuse de leur autorité.
15. S’il plaisait à l’honorable gouverneur général d’approuver la présente proposition de
constituer un registre, il pourrait le faire sans difficulté, en signifiant son approbation dans sa
réponse à la lettre des chefs indigènes.
16. La violation de l’engagement auquel il est apparemment fait référence, dans la
conclusion de la lettre des chefs indigènes, se rapporte essentiellement au sujet de l’esclavage. Je
n’ai connaissance d’aucun traité ou engagement par lequel le droit de perpétuer l’esclavage leur
serait garanti alors qu’ils sont sous la protection du drapeau britannique, et suis tout à fait
convaincu que la concession d’un tel droit, ou de tout autre qui implique la violation des lois du
Royaume, n’a pu être envisagée par aucune autorité britannique. Dans la convention signée en
juin 1823, la seule concession faite aux institutions malaises concerne les cérémonies religieuses, le
mariage et les règles de succession, et celles-ci ne peuvent elles-mêmes être respectées que si elles
ne sont pas contraires à la raison, à l’humanité, etc.
17. L’objet de la lettre distincte du temenggong concerne un engagement général et indéfini
de l’aider à déménager et à s’établir dans sa présente résidence. Un engagement similaire a été pris
envers le sultan pour la construction d’une mosquée, et une promesse verbale spécifique de
trois mille dollars lui a été faite par sir T. Raffles en ma présence au cours d’un entretien organisé à
ce sujet et à d’autres fins. Le temenggong, qui était également invité à cet entretien, n’y a pas
personnellement assisté, arguant d’une indisposition passagère. Ses conseillers personnels l’ont
représenté mais n’ont rien demandé et ce n’est pas avant un mois suivant le départ de sir T. Raffles
que ce chef a réclamé une somme comparable à celle qu’avait obtenue le sultan. Il a déjà reçu
trois mille dollars, soit pour déménager soit pour construire une nouvelle résidence, pourtant avec
tout mon respect je ne saurais que vous recommander d’accéder à cette présente demande, bien
qu’elle ne soit pas très raisonnable, afin que le gouvernement ne puisse aucunement être suspecté
de mauvaise foi pour un fait supposé avoir eu lieu, même sur un malentendu.
18. La réclamation d’une résidence dans la ville de Singapour faite par ce même chef me
place dans la même situation pénible que sa demande pécuniaire. La question ne m’a jamais été
signalée, ni par oral, ni par écrit, par la source de mes instructions, et c’est avec une grande surprise
que j’ai entendu pour la première fois cette demande. La résidence du temenggong et de sa suite
nombreuse et désordonnée était une nuisance de premier ordre. Trois mille dollars lui ont
effectivement été versés pour son déménagement — trois mille supplémentaires ont été demandés
pour le même objet et pourtant il souhaite conserver une résidence temporaire exactement au même
endroit et occuper la totalité de la surface qu’il habitait jusque là. Cela n’aurait fait que perpétuer la
nuisance même que nous avons tenté de supprimer au prix d’une si grande dépense. Le problème
se serait même probablement aggravé lorsque les sujets du temenggong vivant dans ces murs se
seraient affranchis du contrôle de leur chef.
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19. Les désagréments qui naissent de la nature indéfinie de nos arrangements avec les chefs
indigènes me poussent à suggérer que l’honorable gouverneur général envisage l’opportunité de
contracter de nouveaux engagements avec eux, dans lesquels les relations qui les lieraient
dorénavant au gouvernement européen seraient définies avec précision, ce qui mettrait un terme
aux espoirs d’agrandissement à nos frais, qu’ils ont été amenés à nourrir, et à la gêne occasionnée à
notre administration locale.
20. Je me permets d’attirer un moment l’attention de l’honorable gouverneur général sur la
situation de cette île et des contrées avoisinantes qui constituaient de nom la principauté de Johor
lorsque nous avons créé notre établissement en 1819. Cette principauté s’étend, sur le continent, de
Malacca jusqu’à l’extrémité de la péninsule sur les deux côtes. Elle comptait plusieurs
établissements sur l’île de Sumatra, et comprenait toutes les îles sises au débouché du détroit de
Malacca ainsi que toutes celles des mers de Chine, jusqu’aux Natuna au point 4° de latitude nord et
109° de longitude est. Ces contrées sont toutes stériles, ne sont peuplées qu’en certains endroits de
la côte, et cela communément par une race de pirates ou de pêcheurs dont le statut social, ignorant
l’agriculture et sans attachement au sol, ne s’élève que très peu au dessus d’un état sauvage. Il n’y
a pas non plus de preuve suffisante indiquant qu’il ait un jour existé une meilleure société ou une
société mieux organisée.
21. L’état de l’île de Singapour elle-même peut être cité en exemple pour tout le reste.
Aucune parcelle de sa surface n’était cultivée et pas dix n’étaient défrichées. Les habitants, qui
étaient quelques centaines, avaient pour habitude de vivre sur leurs bateaux et finalement l’endroit
a la réputation, non usurpée, d’être l’un des principaux repaires de pirates de ces mers.
22. Le père du présent sultan, qui était une personne dotée d’un fort caractère, s’était adonné
à des activités commerciales ; il jouissait d’une meilleure considération que ses prédécesseurs et
exerçait par conséquent une plus grande influence. Mais il n’avait pas de successeur reconnu au
sein de son gouvernement. Les personnes reconnues à la fois par nous-mêmes et les Néerlandais
étaient des enfants illégitimes manquant d’allant qui n’ont aucunement tenté de prendre à leur
charge son autorité.
23. Les principaux officiers du gouvernement de Johor depuis une époque lointaine étaient le
Pindahara, ou trésorier, et le temenggong ou premier ministre de la justice. Ces charges semblent
être de longue date héréditaires dans les familles de leurs actuels détenteurs, qui étaient en fait des
chefs pratiquement indépendants, le premier résidant et exerçant sa souveraineté à Pahang et
l’autre, qui est la personne avec qui le Gouvernement britannique est le plus en contact, occupant
les mêmes fonctions à Singapour.
24. L’actuel sultan, lorsqu’il est entré en relation avec nous, était non seulement privé de
toute autorité, mais vivait dans une totale indigence. Il n’est donc pas nécessaire de s’appesantir
sur le confort et la respectabilité auxquels ce chef a accédés depuis qu’il s’est placé lui-même sous
notre protection. La situation du temenggong ne s’est pas autant améliorée, mais je n’ai
connaissance d’aucune perte de ressources honnêtes que lui avait causé ce changement de
circonstances et l’on peut ajouter, bien qu’il ne soit peut-être pas entièrement convaincu de la
nature bénéfique de ce changement, qu’il a ainsi été préservé d’une évolution qui n’eût pas été des
plus honorables. Il vit à présent, et de façon indiscutable, dans une abondance, une sécurité et un
confort bien meilleurs que ce dont il aurait pu jouir sans notre protection.
25. C’est sans hésitation que je soumets à l’honorable gouverneur général ma ferme opinion
selon laquelle les personnes nées et éduquées d’après des habitudes et des préjugés tels que les
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hommes en nourrissent dans la situation de la société que je viens de décrire ne doivent en aucun
cas être associés à nous au sein du gouvernement d’un établissement, puisque bien quatre-vingt-dix
pour cent d’entre eux entretiennent une répugnance absolue, voire peut-être du mépris, pour leur
gouvernement et leurs institutions. Il m’apparaît que toute participation à toute administration
locale que ce soit serait une source certaine de problèmes et de tracas et je ne suis pas plus en
mesure d’envisager le moindre avantage que ce soit qui pourrait résulter d’une relation aussi peu
prometteuse !
26. La principale disposition de tout engagement futur avec les chefs indigènes devrait, ainsi
qu’il me semble, être la cession sans équivoque de l’île de Singapour en toute souveraineté et
propriété, en contrepartie du versement d’une somme en espèces, et d’une pension à vie. Le
versement en espèces n’a pas besoin d’être important et il peut comprendre les montants
récemment réclamés par les chefs indigènes. La pension ne saurait être supérieure à la somme
actuelle qui est de deux mille piastres espagnoles pour les deux chefs.
27. Il devrait être également inscrit dans une autre disposition que le Gouvernement
britannique n’offrira pas de protection personnelle aux chefs sauf lorsqu’ils résident à Singapour,
les laissant entièrement libres toutefois, sans réduction de leur pension, de résider dans tout autre
endroit de leur territoire qui leur semble approprié, à la seule condition qu’ils ne contractent pas
d’arrangement politique tendant à impliquer le Gouvernement britannique et qu’ils ne s’engagent
pas dans une entreprise tendant à perturber l’ordre public.
28. Les arrangements mineurs destinés à définir la situation et les devoirs des chefs indigènes
lors de leur résidence sur l’île, une fois le point de la souveraineté établi, ne seraient évidemment
pas source de difficulté. Ils seraient alors considérés comme des princes indépendants résidant
parmi nous en qualité de visiteurs, et en tant que tels avaient droit d’être traités avec des marques
de respect et des formes de politesse qui satisferaient leurs attentes sans paraître injurieux au
gouvernement de l’établissement.
29. Aussi souhaitable que cet arrangement puisse être, je suis dans l’obligation d’indiquer au
gouvernement que je m’attends à des difficultés considérables pour sa mise en application. Il y
aura des réfractaires qui essaieront de faire obstacle aux négociations parmi les serviteurs et les
parasites dont ils sont entourés. Il est également nécessaire de mentionner que les chefs
eux-mêmes ont été inexplicablement amenés à nourrir des espoirs infondés d’agrandissement et de
soutien grâce à nos moyens financiers ; mais ils ne sont pas non plus sans désirer participer à notre
autorité, bien que l’indolence et l’incapacité singulières, dont ils font preuve tous deux et leurs
suites, les rendent parfaitement incapables d’exercer quelque charge utile que ce soit.
30. Au moment de la formation de cet établissement, l’opinion prédominante semble avoir
été que le soutien des chefs indigènes était indispensable à son succès bien que, si l’on considère
leur caractère, leur indigence et leur manque général d’influence majeure, il ne soit pas facile d’en
retrouver les fondements. Le premier traité conclu avec eux leur a concédé la moitié des droits dus
par les vaisseaux indigènes. Les commandants de ces vaisseaux avaient alors pour ordre de leur
présenter leurs respects alors que des présents étaient attendus, et ceci a continué jusqu’à ce qu’il en
ait été fait largement abus. Un droit exclusif sur tout le bois de l’île utile à l’exportation semble
leur avoir profité, et une proposition est actuellement à l’étude en vue de lever une taxe pour tout
Chinois retournant dans son pays d’origine, pour le bénéfice exclusif de ces chefs. Ces faits
viennent étayer l’opinion à laquelle j’ai fait allusion.
- 7 -
31. Il ne me semble pas que l’influence des chefs indigènes ait été à quelque égard que ce
soit nécessaire voire bénéfique à la formation, à l’entretien ou au développement de cet
établissement, dont la prospérité a reposé uniquement et exclusivement sur la détermination et les
ressources du Gouvernement britannique.
32. Si je peux me permettre d’avancer une opinion, l’objectif facile et évident qu’il aurait
fallu poursuivre au moment de la formation initiale de l’établissement aurait été de donner une fois
pour toute une compensation pécuniaire intéressante pour la souveraineté totale de l’île, disposition
qui nous aurait laissé les mains libres à tous égards et qui nous aurait conféré un titre d’une validité
telle qu’aucune action ultérieure des chefs indigènes, quel que soit l’endroit de leur résidence ou
l’influence qu’ils auraient subie, n’aurait pu annuler. A ce stade précoce, la somme qui aurait suffit
à atteindre un tel objectif n’aurait certainement pas égalé la moitié de ce qui a déjà été déboursé en
faveur des chefs indigènes et qui atteint non moins de 60 000 dollars. On pourra peut-être
considérer que plus tôt on reviendra à ce principe, moins notre titre pourra être remis en cause et
plus nos relations futures avec les chefs indigènes seront faciles et sans entrave.
33. S’il plaisait à l’honorable gouverneur général de m’autoriser à négocier en vue d’un
engagement avec le sultan et le temenggong de Johor au sujet des principes que je viens d’avoir
l’honneur de suggérer ou sur tout autre point non moins évident que la sagesse du gouvernement
voudra bien faire ressortir, je me fixerais pour mission de surmonter tous les obstacles qui
s’élèveront sur la voie du succès.
(Signé) J. CRAWFURD,
Résident.
___________
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ANNEXE 3
LETTRE EN DATE DU 3 AOÛT 1824 ADRESSÉE À G. SWINTON, SECRÉTAIRE DU GOUVERNEMENT
DE L’INDE, PAR J. CRAWFURD, RÉSIDENT À SINGAPOUR
Conformément aux instructions contenues dans votre dépêche du 5 mars, reçue en ce lieu le
11 mai, j’ai l’honneur d’informer le très honorable gouverneur général que je n’ai pas perdu de
temps pour ouvrir les négociations avec le sultan et le temenggong concernant la cession de cette
île. Ces négociations ont abouti au traité ci-joint, que je soumets respectueusement au très
honorable gouverneur général pour approbation et ratification.
Concernant les différentes dispositions de cette convention, j’ai l’honneur de présenter au
gouvernement le bref commentaire suivant. Le titre et l’article premier appellent à peine une
remarque. Les noms des princes indigènes y sont cités en entier et leurs titres légitimes de sultan et
temenggong de Johor, sous lesquels seulement ils peuvent être censés avoir le pouvoir de nous
céder la souveraineté de l’île, leur sont donnés, à l’exclusion d’appellations plus limitées.
Les articles II, III et IV du traité prévoient la cession complète à l’honorable Compagnie
anglaise des Indes orientales de la et de la propriété de l’île de Singapour et des lieux contigus,
selon les termes que j’ai trouvés pour l’exprimer. Lors de l’élaboration de ces conditions, j’ai pu
constater que le sultan possédait le droit de dominion suprême, et que le temenggong, non
seulement exerçait pratiquement les pouvoirs du gouvernement, mais à l’instar des autres
souverains asiatiques était de facto le véritable propriétaire du sol ⎯ principe établi de façon
d’autant plus satisfaisante dans le cas présent, que l’ensemble du territoire cédé lorsque nous
l’avons occupé était en friche ⎯ à l’état naturel et totalement dépourvu d’habitants permanents. Le
gouvernement aura la bonté de remarquer que la cession effectuée ne se limite pas à l’île principale
de Singapour, mais s’étend aux mers, détroits et îlots (qui ne sont probablement pas moins de
cinquante), dans les 10 milles géographiques de ses côtes, à l’exclusion toutefois de toute portion
continentale. De cette manière, nos limites engloberont les Old Straits de Singapour, et l’important
passage des Rabbit et Coney, le chenal principal du détroit de Malacca et le seul passage commode
menant de là à la mer de Chine. Ces limites élargies me paraissent absolument nécessaires pour la
protection militaire de l’établissement et notre sécurité intérieure, et pour nous prémunir des bandes
de pirates qui nous entourent, aux incursions et déprédations desquelles nous serions
nécessairement exposés si nous n’occupions pas les nombreux îlots qui se trouvent aux abords
immédiats des côtes de l’établissement principal. Jointe à cette dépêche, j’ai l’honneur de présenter
au gouvernement une carte schématique de l’Etablissement britannique, tel qu’il existera après la
ratification du présent traité.
La somme stipulée à payer par la Compagnie des Indes orientales pour la cession de
Singapour et ses dépendances, dont il sera question dans l’article III du traité, est en principe de
soixante mille dollars espagnols en liquidités, avec une allocation à vie pour les princes indigènes
de deux mille dollars espagnols par mois. Cependant le montant des liquidités est nettement
inférieur en réalité, et s’élève à seulement quarante mille dollars, la différence de vingt mille étant
le solde entre la somme de huit mille dollars versée aux termes du traité original, et le salaire plus
élevé payé en application de la convention de juin 1823 depuis sa signature. Cet engagement n’a
jamais été ratifié, c’est pourquoi j’ai naturellement considéré que les sommes payées jusque là à ce
titre étaient une partie du capital versé aujourd’hui pour l’île. Outre cette somme de
quarante mille dollars espagnols, certaines dépenses annexes seront engagées ; elles n’excéderont
pas trois mille cinq cents dollars espagnols et seront détaillées dans une autre dépêche.
Les allocations mensuelles à payer aux deux princes indigènes sont identiques à celles
prévues par la convention de juin 1823 c’est-à-dire deux mille dollars pour eux deux. Ils ont été
habitués à recevoir cette forte somme au cours des douze derniers mois ⎯ leurs dépenses et frais
- 9 -
généraux ayant été mesurés en conséquence, il n’y avait aucune possibilité de la réduire. En fait
d’importants efforts ont été déployés pour rendre cette allocation héréditaire et perpétuelle, et la
ferme résistance opposée à cette exigence n’ayant aucun fondement dans quelque traité ou
promesse que ce soit a longtemps constitué le principal obstacle au succès de la négociation.
Les articles VI et VII offrent à leurs altesses la possibilité de quitter l’île de Singapour afin
de résider de manière permanente dans leurs propres dominions. La somme à leur verser dans ce
cas s’élèverait à trente-cinq mille dollars espagnols et si nous pouvions nous débarrasser d’eux à ce
prix, je pense que l’avantage serait peu cher payé. Mon objectif en proposant une somme aussi
importante, était de les inciter à partir ; toutefois, compte tenu de la tranquillité et la sécurité dont
ils bénéficient actuellement, et des dispositions qu’ils ont manifestées au cours de cette négociation,
montrant clairement qu’ils étaient peu enclins à renoncer, je ne peux envisager l’éventualité comme
très probable. Les avantages de cet article sont délibérément destinés à s’étendre aux héritiers et
successeurs des princes, avec lesquels bien entendu il ne peut y avoir aucune difficulté à appliquer
ses intentions. Cette clause aura un avantage évident pour notre administration : elle aura tendance
à limiter tout mécontentement provisoire que les princes et les membres de leur suite souhaiteraient
exprimer en vivant sous notre protection immédiate, étant donné qu’ils auront toujours la
possibilité de se retirer dans leurs propres Etats sans aucune perte ni désagrément.
Doute quant au fait
que ce soit
uniquement à
l’héritier et
successeur immédiat
de chacun.
Sur ce sujet particulier, j’ai la grande satisfaction de pouvoir informer le gouvernement que
depuis la réception des lettres adressées au sultan et au temenggong sur ordre du très honorable
gouverneur général, j’ai pu observer un changement net et très favorable dans leur comportement.
Le temenggong en particulier, le plus influent et le plus intelligent des deux, a fait preuve d’un
grand respect et de beaucoup de constance tout au long de la présente négociation et je dois en
grande partie à son soutien le succès que je me permets d’anticiper comme étant le résultat de mes
efforts.
Les articles VIII, IX et X portent sur les relations politiques qui doivent dorénavant subsister
entre les princes indigènes et nous-même. Tant qu’ils résident sur nos territoires, et perçoivent de
notre part une allocation, la clause selon laquelle ils ne doivent entretenir aucune correspondance
avec toute nation étrangère sans notre consentement semble également équitable et indispensable.
En fait, ils étaient loin d’opposer quelque objection à cet article, car leur désir manifeste était
d’établir avec nous une alliance étroite et de faire en sorte que nous intervenions, que ce soit de
manière offensive ou défensive, dans leurs querelles. Nous devions nous prémunir soigneusement
contre ce point, et je me suis efforcé de prendre les dispositions nécessaires dans les articles IX et X
qui assurent aux princes indigènes, sans nous placer dans une situation politique fâcheuse, un asile
à titre personnel en cas de nécessité et nous protègent en même temps contre la nécessité
d’interférer dans les querelles sans intérêt qui éclatent entre eux ou avec leurs voisins, ainsi que de
l’éventualité plus grave de devoir intervenir face aux puissances européennes par leur imprudence.
L’article XI prévoit de réprimer le vol et la piraterie. Les princes indigènes ont peu de
pouvoir dans ce domaine ; cependant c’est déjà une chose qu’ils soient au moins contraints de
veiller à la bonne conduite des personnes sous leur autorité immédiate, parmi lesquelles on trouve
certains voleurs très célèbres, et une majorité toujours plus disposée à piller qu’à travailler quand
l’occasion se présente.
L’article XII protège contre l’établissement de petits monopoles, pratique pernicieuse à
laquelle les princes indigènes ont encore une forte tendance. La liberté de commerce avec nos
voisins immédiats, qui sont tous sous la domination de ces derniers, est indispensable pour un
approvisionnement bon marché en matières premières, et cette nécessité pour la prospérité de
l’Etablissement semblait préconiser tout particulièrement cette clause ⎯ indépendamment de son
bien-fondé et de sa légitimité à l’égard des principes généraux.
A propos de l’article XIII, je peux noter qu’avec la souveraineté et la propriété de l’île, les
membres de la suite des princes indigènes ou leurs serviteurs seront nécessairement soumis aux lois
telles qu’établies par le pouvoir souverain, à l’instar de toute autre classe d’habitants. Toutefois ce
- 10 -
droit devra être exercé avec délicatesse et réserve. Certaines prérogatives semblables à celle
concédées aux ambassadeurs pour leurs familles peuvent être généralement accordées aux princes
indigènes par courtoisie, sans toutefois permettre à leurs résidences de devenir un sanctuaire pour
criminels de tout genre.
Ce même article du traité contient la seule concession faite à une question pour laquelle les
princes indigènes étaient extrêmement insistants, la désertion de leurs serviteurs. Les personnes
visées par cette disposition sont stricto sensu des sujets des princes indigènes, et donc des étrangers
en ce qui nous concerne, aussi j’espère que cette clause à cet égard est légale au sens strict du
terme.
J’ai eu l’honneur dans une précédente dépêche d’attirer l’attention du gouvernement suprême
sur la question de l’esclavage en rapport avec les princes indigènes. Je n’ai pas permis que le
présent traité soit entaché par la seule mention de ce sujet. Je dois reconnaître qu’on ne m’y a pas
incité. Dans les conditions favorables où la présente convention est ratifiée, on peut affirmer que
l’esclavage est banni de l’île, où son illégalité ⎯ que l’on tienne compte de notre souveraineté, de
la situation de nos colons asiatiques ou des colonisateurs britanniques ⎯ sera totale comme sur le
sol de la Grande-Bretagne. J’éprouve une grande satisfaction à établir ce rapport, car la pratique
consistant à faire venir des esclaves était devenue à un moment trop courante, et exigeait de
fréquentes sanctions. Je dois maintenant demander au gouvernement la permission de publier une
dénonciation officielle contre cette pratique, avec une description de la loi relative à la question de
l’esclavage en général.
Le quatorzième et dernier article annule tous les anciens traités et conventions, et j’ai pensé
qu’il était prudent, notamment pour ce qui est de nos relations avec les puissances européennes, de
stipuler l’exception pour les droits d’occupation tels qu’ils nous ont été conférés par les
engagements en question.
Tout au long de la négociation qui arrive maintenant à son terme, j’ai soigneusement prévenu
les princes indigènes ainsi que leurs hommes de confiance, qu’aucune clause du présent traité ne
pourrait avoir force obligatoire avant que l’ensemble ne soit dûment ratifié par le très honorable
gouverneur général. De ce fait, l’ensemble est sujet à modification et amendement, que ce soit sur
le fond ou sur la forme, sans nullement compromettre la réputation de l’agent chargé de l’appliquer.
Toutefois, je pense en toute modestie, vu tout le soin qui a été apporté, à la fois dans la version
anglaise et la version malaise, qu’aucune révision sérieuse ne sera nécessaire, et que les questions
importantes envisagées par le très honorable gouverneur général en conseil lors de l’ouverture des
négociations seront exprimées dans la convention avec la précision et l’exhaustivité adéquates.
___________
- 11 -
ANNEXE 4
LETTRE EN DATE DU 1ER OCTOBRE 1824 ADRESSÉE À G. SWINTON, SECRÉTAIRE DU
GOUVERNEMENT DE L’INDE, PAR J. CRAWFURD,
RÉSIDENT À SINGAPOUR (EXTRAITS)
Ayant lu, dans le Journal officiel néerlandais, une copie authentique du traité conclu à
Londres en mars dernier avec le Gouvernement des Pays-Bas, je sollicite la permission de présenter
au gouverneur général en conseil certaines observations, concernant notamment les accords qui ont
récemment été conclus sur place avec les chefs indigènes.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Selon l’article 12 du traité, Sa Majesté britannique atteste qu’il ne sera créé aucun
établissement britannique dans les îles Carimon, Battan, Bintang et Lingin ni sur aucune autre île
au sud du détroit de Singapour et qu’aucun autre traité ne sera conclu, par autorité britannique, avec
les chefs de ces îles. La cession qui nous a été accordée par les princes indigènes de l’île de
Singapour proprement dite et des îlots adjacents, dans la mesure de 10 milles géographiques de la
côte, n’est en rien remise en cause par la condition dont il s’agit, puisque, même selon
l’interprétation la plus large, l’ensemble des territoires touchés par la cession se trouve au nord des
limites méridionales du détroit de Singapour.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
D’une façon générale, je n’ai pas le sentiment que l’occupation de Rhio pourrait être utile au
Gouvernement britannique. Toutefois, que le Gouvernement néerlandais conserve ce territoire et
que nous soyons exclus de relations politiques avec les chefs de toutes les îles situées au sud du
détroit de Singapour ainsi qu’entre la péninsule et Sumatra pourrait se révéler gênant pour nous.
En effet, cela reviendrait presque à un démembrement de la principauté de Johor, ce qui ne pourrait
que causer embarras et confusion. Prenons un exemple : les îles Carimon et l’établissement malais
de Bulang sont deux des principales possessions du tumungong de Johor ou Singapour et sa
revendication sur ces territoires est non seulement vue d’un bon oeil par les chefs rivaux mais
surtout acceptée par les habitants, qui se sont volontairement ralliés à lui, avec enthousiasme. En
vertu du présent traité, toutefois, le tumungong devrait soit renoncer à toute prétention sur ces
possessions, soit renoncer à ses liens avec le Gouvernement britannique.
___________
- 12 -
ANNEXE 5
LETTRE EN DATE DU 25 JUIN 1825 ADRESSÉE AU SULTAN HUSSEIN
PAR LE SULTAN ABDUL RAHMAN
[Note : traduit du malais vers le néerlandais en 1825 par le fonctionnaire néerlandais
Christiaan van Angelbeek et traduit du néerlandais vers l’anglais pour le Gouvernement de
Singapour aux fins de ce contre-mémoire.]
Lettre du sultan Abdul Rahman Shah des îles Lingga, Bintan et de toutes les dépendances
vassales au sultan de Singapour et toutes les dépendances vassales
Après l’introduction/le préambule
Votre frère vous envoie cette lettre qui, bien que son style ne se conforme pas aux
instructions données par vous, devra tenir lieu de rencontre personnelle et d’échange verbal entre
nous, pour vous informer de la conclusion d’un traité entre S. M. le roi des Pays-Bas et S. M. le roi
de Grande-Bretagne, par lequel sont partagés les territoires du Johor et du Pahang, de Riau et de
Lingga. Les parties de territoire qui vous ont été attribuées, mon frère, je vous les donne en toute
satisfaction et avec ma sincère affection, car nous sommes frères et les seuls enfants laissés par
notre père. Je vous conjure, mon frère, de faire en sorte que l’amitié et l’unanimité puissent régner
entre nous, que désormais aucun de nous ne prête attention aux faux rapports établis par ceux qui
nous éloignent en érigeant des rancunes entre nous. Si l’un de ceux-là devait faire surface, je vous
conjure de ne pas le croire ; qu’il fasse au contraire l’objet d’une enquête concernant sa valeur
véritable et que les rumeurs de ces personnes rancunières soient écartées : sur ce point, je vous
promets de vous soutenir de mon côté.
Vous connaissez déjà les frontières de nos empires respectifs. Toutefois, afin que la question
soit rendue claire et transparente, votre frère souhaite par cette lettre amicale en proposer une
description détaillée.
Votre territoire, donc, s’étend sur le Johor et le Pahang sur le continent ou sur la péninsule
malaise. Le territoire de votre frère s’étend au large des côtes sur les îles de Lingga, Bintan,
Galang, Bulan, Karimon et toutes les autres îles. Tout ce qui se trouve en mer appartient à votre
frère et tout ce qui se trouve sur le continent vous appartient. Sur cette base, je vous demande
instamment de faire en sorte que vos notables, le Paduka Bendahara du Pahang et le temenggong
Abdul Rahman, ne s’occupent en rien des îles appartenant à votre frère. Ce qui précède est
conforme à l’esprit et au contenu du traité conclu entre Leurs Majestés le roi des Pays-Bas et le roi
de Grande-Bretagne. Tenez donc compte, mon frère, dans toute la mesure du possible, du conseil
de votre frère, et n’agissez pas à son encontre. Qui, sans cela, pourrait répondre des
conséquences ?
Pour attester de sa vérité et de son authenticité, cette copie de la lettre de S. M. le sultan de
Lingga Abdul Rahman Shah au sultan de Singapour Hussein est marquée du sceau de Tunku Said
Mohamad Zein, qui se porte témoin de sa composition.
- 13 -
Ecrite à Riau sur l’île de Penjingat le 21 du mois de Syawal, mardi, à huit heures du soir,
l’an 1240.
Traduit par le traducteur malais du gouvernement
M. van Angelbeek
Copie conforme à l’original
Signée, le secrétaire général
(Signature incertaine)
___________
- 14 -
ANNEXE 6
LETTRE EN DATE DU 25 JUIN 1825 ADRESSÉE AU SULTAN HUSSEIN
PAR LE RAJA JAFFAR, VICE-ROI
[Note : traduite du malais vers le néerlandais en 1825 par le fonctionnaire néerlandais
Christiaan van Angelbeek et traduite du néerlandais vers l’anglais pour le Gouvernement de
Singapour aux fins de ce contre-mémoire]
Lettre du Raja Jaffar, vice-roi et plénipotentiaire de S. M. le sultan Abdul Rahman Shah, à
S. M. le sultan Hussein, siégeant sur le trône de Singapour
et toutes ses dépendances vassales
Après l’introduction/le préambule
Votre Père vous envoie cette lettre, Mon Fils, afin de vous informer qu’il est considéré
comme le plénipotentiaire et chargé d’affaires de Votre Frère, S. M. le sultan Abdul Rahman, en
vertu de droit et de coutume. Il a reçu ordre de ce dernier en personne de vous informer vous,
Mon Fils, de la conclusion d’un traité entre S. M. le roi des Pays-Bas et S. M. le roi de
Grande-Bretagne stipulant la répartition des terres de Johor, Pahang, Riau et Lingga. La partie des
terres qui vous est attribuée à vous, Mon Fils, nous, Votre Père et Votre Frère, la donnons avec
entière satisfaction et sincère affection, car vous deux êtes frères et les seuls enfants restants de
votre père.
Nous, Votre Père et Votre Frère, vous conjurons, Mon Fils, de faire en sorte que l’amitié et
l’unanimité puissent régner entre vous, que désormais aucun de vous ne prête attention aux faux
rapports établis par ceux qui sèment la rancune. Si l’une de ces personnes devait se présenter à
l’avenir, nous vous implorons de ne pas la croire ; au contraire, que ces rapports fassent l’objet
d’une enquête quant à leur valeur véritable et que les rumeurs de ces personnes rancunières soient
écartées.
Les frontières de votre empire et celles de l’empire de Votre Frère, permettez, Mon Fils,
qu’elles soient décrites ci-après. Mais afin que la question soit rendue claire et transparente, Votre
Père souhaite par cette lettre amicale en proposer une description détaillée.
Votre territoire s’étend sur Johor et Pahang dans les terres continentales ou sur la péninsule
malaise. Le territoire de Votre Frère s’étend sur les îles de Lingga, Bintan, Galang, Bulan,
Karimon et sur toutes les autres îles. Car tout ce qui peut se trouver dans la mer est le territoire de
Votre Frère et tout ce qui se trouve dans les terres continentales est à vous. Voilà la raison pour
laquelle nous, Votre Père et Votre Frère, vous invitons ardemment à faire en sorte que vos notables,
le Paduka Bendahara de Pahang et le temenggong Abdul Rahman, ne s’occupent ni de près ni de
loin des îles qui appartiennent à Votre Frère.
Ce qui précède est conforme à l’esprit et au contenu du traité conclu entre Leurs Majestés le
roi des Pays-Bas et le roi de Grande-Bretagne. Pour cette raison, Mon Fils, veillez à respecter le
conseil donné dans toute la mesure du possible et n’agissez pas à son encontre. Qui, sans cela,
pourrait répondre des conséquences ?
Pour attester sa vérité et son authenticité, cette copie de la lettre de S. A. le Raja Jaffar,
vice-roi, au sultan de Singapour Hussein est marquée du sceau de Tunku Said Mohamad Zein, qui
se porte témoin de sa composition.
- 15 -
Ecrite à Riau sur l’île de Penjingat le 21 du mois de Syawal, mardi, à huit heures du soir,
l’an 1240.
Traduit par le traducteur malais du gouvernement
M. van Angelbeek
Copie conforme à l’original
Signée, le secrétaire généra l
(Signature incertaine)
___________
- 16 -
ANNEXE 7
LISTE DES LIEUX RELEVANT DE LA JURIDICTION DE JOHOR, AVEC LE NOMBRE PROBABLE D’HABITANTS (À L’EXCEPTION DE PAHANG), JOINTE AU
RAPPORT EN DATE DU 5 DÉCEMBRE 1828 PRÉSENTÉ PAR E. PRESGRAVE, DIRECTEUR DE L’ENREGISTREMENT DES
IMPORTATIONS ET DES EXPORTATIONS, À K. MURCHISON,
CONSEILLER RÉSIDENT À SINGAPOUR
Nom des
îles et des
lieux
Nombre
d’habitants Production annuelle prévue Commentaires, etc.
Tambelan 1000 Huile environ
100 piculs
Sucre de palme
200 piculs Trépang 20 Carapace de tortue 15
Siantan 1000 " " 50 " " " " 80 " " 60 " " " 3
Bunguran 2000 " " 200 " " " " " " " 60 " " " 10
Sulie 500 " " 100 " " " " 400 " " 60 " " " 4
Pulow
Laut 400 " " 200 " " " " 40 " " 60 " " " 2
Jarasam 400 " " 50 " " " " 50 " " 60 " " " 4
Junaja 80 " " " " " " " 50 " " 60 " " " " riz paddy 800 piculs
Pulow Aor 100 " " 30 " " " " 10 " " 60 " " " "
Pulow
Tinje 80 " " " " " " " " " " 60 " " " "
Îles situées entre Singapour & les
mers de Chine
Truiman 40 " " " " " " " " " " 60 " " " "
Batupahat 400 400 piculs ébène 1000 fagots de
rotin
5 piculs bois de
garao
Mamah 1000 600 " " " " " 8 " " "
Padang 200 fruits
Andow 60 300 piculs ébène 7000 fagots de
rotin
Rampim 50 200 " " 8000 " " " 3 " " "
Côte ouest de la
péninsule
Sedeli 100 300 " " 10000 " " " 4 " " "
- 17 -
Rilleh 1000 4000 " riz paddy 30 paquets de cire
d’abeille
Kalma(?) (?) … … …
Maudah 300 9000 " " 8 " " " 400 " " "
Tapok 300 600 " " 3 " " " 600 " " "
Igal 200 1000 " " 5 " " " 300 " " "
Sumatra(?)
Ana Saika 200 800 " " 8 " " " 400 " " "
Sahama 1000 Contrebande
Oamah 400 Id.
Buroh 100 Id.
Bulah 180 Id.
Temiang 600 Id.
Gulang 200 Id.
Mappah 500 Id.
Mansudah 300 Id.
Lingga
Juruk 400 Id.
Murok 200 Id.
Luge 300 Id.
Pulow
Trang 250 Id.
Palampang 200 Id.
Salah Laut 100 Id.
Ungaram 200 800 piculs rotin
Burah 160 1000 " "
Près des
Carrimons
Karimen 100 1000 " " 4 piculs bois de garao 100 piculs dammar 1000 kajang
A reporter 15 400
- 18 -
Report 15 400
Yadi 30 10 000 piculs
rotin
4 piculs bois de
garao
30 piculs dammar 1000 kajang
Tring 40 200 " " " " 40 " " " "
Rampang 50 " " " " " " 100 " "
Labom 30 1200 algues bahra
Riau
Ayer 50 Pêcheurs
Badan 100 Aucun produit
Sakalah 50 Aucun produit
Panageng 60 Aucun produit
Sukang 40 Petites quantités de dammar et algues
Salat
Trang
30 800 kajangs
Sungie
Buloh
40 1000 "
Kalang 100 1000 " 400 algues bahra
Monlang 100 1000 " 500 " "
Rhion 100 2000 " 200 " "
Tambres 200 " " 400 " "
16420
(Signé) S.G. BONHAM,
Gouverneur par intérim.
(Signé) Edward PRESGRAVE,
Directeur de l’enregistrement
des importations et des exportations.
___________
Copies conformes
- 19 -
ANNEXE 8
P. J. BEGBIE, THE MALAYAN PENINSULA (1834, RÉIMPRIMÉ EN 1967) (EXTRAITS)
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
résistance unifiée ou s’associer pour une défense en commun. Dans les deux cas, la garantie des
prises et leur nombre qui forment à l’heure actuelle le pilier de soutènement de la piraterie, ne
fourniraient plus les mêmes tentations au crime.
Le tableau suivant présente sous forme condensée les différentes parties de cet empire pirate
et d’autres sujets d’intérêt qui y sont liés.
- 20 -
Îles Tribus Nom des Population estimée
chefs Hommes Femmes Enfants Total Commentaires
Timbelan Timbelan
Datto
Pattiengi
Serina Rajah
1 300 1 000 600 2 900
Serasa Serasa
Orang Kaya
Passie,
Orang Kaya
Ibrahim
1 200 500 400 2 100
Soobee Soobee Id. Id. 430 160 200 790
Temaja Temaja Panglimah
Rajah 450 300 320 1 070
Siantan Siantan
Dattoo
Pangerang
Mohammed
Tayer aud
Orang Kaya
Setia
Palawang
2 500 1 800 2 000 6 300
Ces îles contiennent en général des sagoutiers et des
cocotiers dont les habitants récupèrent chaque année les
produits et l’huile pour les écouler dans les îles voisines de
Singapour, Riau et Lingga.
Boongooran Boongooran Orang Kaya
Dana Rajah 3 000 2 000 2 500 7 500
Laut Laut Id. Id. 250 40 60 350
En plus des produits indiqués précédemment, ces îles
produisent de l’ébène, du bois de garao, du bois de laka et
de l’étain.
Tiooman Tiooman Panghooloo 150 20 30 200
Tinggy Tinggy Batteen 150 35 40 225
The
Carimons
The
Carimons Id. 600 300 300 1 250
Les habitants de ces îles récoltent la biche de mer et
l’agar-agar.
Laboo Laboo Id. 100 20 15 135 Cette île est totalement inculte.
Booroo Booroo Id. 200 60 100 360
Oongarang Oongarang Orang Kaya 400 160 230 790
Rété Rété Orang Kaya
et Bandara 2 000 1 200 2 000 5 200
La première de ces îles abrite des pirates notoires et aucune
des trois n’est cultivée, bien que le sol soit bien adapté à la
production de gambir et de poivre noir. La cause doit en
être l’abondance des fourmis blanches qui détruiraient le
produit du travail des habitants.
- 21 -
Sinkeip Sinkei
Dattoo
Sultan de
Lingga
4 000 3 000 2 500 9 500
Cette île fournit chaque année près de 3 000 piculs d’étain
dont une portion considérable, peut-être un tiers, est
constituée de minerai de banca, qui est passée en
contrebande par là, et après avoir été extrait par fusion, est
acheminée vers le marché de Singapour.
Sekana Sekana Id. Id. 2 000 1 500 2 000 5 500 La population entière est pirate.
Mappah Mappah
Orang Kaya
et
Panghooloo
Hamba
Rajah
2 000 1 500 2 500 6 000 Id. Id.
Sungei
Papan.
Sungie
Papan. Batteen 400 150 225 775
Barras Glang Id. 200 160 100 460
La population est employée pour abattre le bois pour la
construction de sampangs ou de solives et de poutres pour
des maisons, etc.
Bombang Ladi Id. 400 300 200 900
Mantan Mantan Id. 400 400 300 1 100
Ces habitants-ci abattent le bois pour le travail des
charpentiers, principalement pour la construction de
maisons, de réserves, etc. Les femmes préparent et vendent
de la chaux pour le bétel et les deux sexes fabriquent des
tapis kadjun qui sont ensuite vendus, ainsi que du rotin.
Oongang Oongang Id. 300 300 300 900
Gouwn Gouwn Id. 500 300 160 960
Booroo Booroo Id. 400 200 70 670
Koondoor Koondoor Id. 250 160 40 450
Seraka Seraka Id. 100 60 20 1 801
Si ces habitants des îles, notamment ceux de Booroo, sont
pour la plupart des pirates, ils se consacrent toutefois à
l’agriculture durant le temps qu’ils ne peuvent passer sur la
mer. Les hommes et les femmes plantent, fabriquent et
vendent du sagou.
Sungei
Gouwn
Sungei
Gouwn Id. 100 40 60 200 Les deux sexes sont employés dans des pêcheries.
Galang Galang Id. 600 400 300 1 300
Les hommes sont pirates à temps plein. Les femmes
s’occupent à pêcher et à préparer la biche de mer et
l’agar-agar, qu’elles écoulent principalement auprès des
Chinois de Singapour, de Riau et de Lingga.
- 22 -
Timmiang Timmiang Id. 500 400 200 1 100
Mooroo Mooroo Id. 300 200 60 560
Bulang Bulang Id. 500 300 250 1 050
Soogie Soogie 600 500 500 1 600
Les habitants de ces îles suivent les mêmes occupations que
ceux de Galang. L’île de Soogie produit du bon ébène et du
bois de garao que les indigènes écoulent dans les bazars
chinois de Singapour, Riau et Lingga vers lesquels ces
articles sont envoyés chaque année.
Lingga Lingga Sultan de
Johor 10 000 8 000 6 000 24 000 Cette île produit du gambir et du poivre, ce dernier en
grandes quantités.
Singapour Singapour
Le
temenggong
de Johor
600 400 500 1 500
Johor Johor Id. 400 300 300 1 000 Johor, comme Pahang, se trouve sur le continent, mais est
inclus dans l’empire.
Pahang Pahang Le
Bandharra 20 000 19 000 20 000 59 000
Parmi ces habitants, on considère que 12 000 sont en
mesure de porter des armes. Pahang produit de grande
quantités de poudre d’or, d’ébène, de Kayoo Koomoonie,
d’étain, etc.
Bintang et
la résidence
de Riau
Bintang et
la résidence
de Riau
Rajah
Moodah de
Riau
16 000 14 000 12 000 42 000 Bintang est très productive en gambir.
Pinigad Pinigad Id. 2 000 1 500 2 300 5 800
Palandoo Palandoo Orang Kaya 300 200 150 650
Manda Manda Bateen 600 400 300 1 300
Igal Igal Id. 200 100 70 370
Bintayan Bintayan Id. 100 80 60 240
Goowoon Goowoon Id. 400 300 300 1 000
Ces cinq endroits sont voisins de l’île de Sumatra et
l’autorité principale est conférée à l’Orang Kaya de
Palandoo.
Tumboosoo 600 200 240 1 040
Cette tribu erre sur l’archipel, sans résidence fixe, en se
montrant hostile à toutes les autres. Ses bateaux supportent
une charge de 3 à 8 coyangs et sont armés de quelques
émerillons et de quelques lances.
TOTAL 71 480 61 995 60 000 194 275
___________
- 23 -
ANNEXE 9
LETTRE EN DATE DU 2 OCTOBRE 1844 ADRESSÉE À E. BELCHER, CAPITAINE DU NAVIRE DE
S. M. LE SAMARANG, PAR W. J. BUTTERWORTH, GOUVERNEUR DE L’ÎLE DU
PRINCE-DE-GALLES, DE SINGAPOUR ET DE MALACCA
No 198
Transmission des remerciements du gouvernement pour les informations fournies touchant au site
du phare Horsburgh et sollicitation de l’avis du capitaine Belcher concernant la nécessité d’un
phare à Malacca.
J’ai l’honneur d’accuser réception de votre lettre datée du 1er du mois courant en réponse à
ma communication du 20 avril dernier sollicitant la faveur de votre avis concernant le site le plus
approprié pour l’érection d’un phare dans le but de mettre à exécution le projet philanthropique du
comité des souscripteurs d’un mémorial en l’honneur de feu l’hydrographe James Horsburgh.
Je vous prie d’agréer mes plus vifs remerciements pour vous être si prestement conformé à
ma requête et pour les savantes informations dont vous m’avez gratifié. Je me propose
sur-le-champ de soumettre ces informations au gouvernement suprême avec le plus ferme espoir
d’être habilité à mettre en application vos idées.
La prévenance dont vous avez fait preuve en accédant à ma demande concernant le «phare
Horsburgh» m’encourage à prendre la liberté de faire encore appel à votre expérience notoire.
J’ose espérer que vous m’en excuserez et me ferez à nouveau grâce de votre éminent avis.
J’ai devant moi une demande pour de considérables réparations à effectuer sur le phare de
Malacca, dont l’état se trouve si délabré que je me demande s’il ne serait pas plus rentable de
construire de toutes pièces une lanterne que de réparer celle-ci, mais je reste sceptique quant à
savoir s’il serait opportun de faire subir quelque dépense à l’Etat pour cette raison, maintenant que
Malacca n’est plus un lieu de commerce, à moins que le phare ne soit considéré d’importance pour
la navigation dans cette partie spécifique du détroit, et c’est sur ce point que je désire à nouveau
demander la faveur de votre avis, avant de solliciter le gouvernement suprême à ce sujet.
Veuillez agréer, etc.
(Signé) W. J. BUTTERWORTH,
Gouverneur.
___________
- 24 -
ANNEXE 10
LETTRE EN DATE DU 3 OCTOBRE 1844 ADRESSÉE À C. E. FABER, INGÉNIEUR-SURINTENDANT,
PAR W. J. BUTTERWORTH, GOUVERNEUR DE L’ÎLE DU PRINCE-DE-GALLES,
DE SINGAPOUR ET DE MALACCA
No 200
Concernant l’érection d’un phare à Point Romania comme mémorial en l’honneur de feu
l’hydrographe M. James Horsburgh.
J’ai l’honneur de vous transmettre ci-joint, pour votre information, la copie d’une lettre du
capitaine sir Edward Belcher C.B. concernant le site d’un phare à construire à l’entrée de la mer de
Chine.
2. Il me faut rappeler que des fonds ont été recueillis en Chine il y a quelques années en vue
d’ériger un monument à la mémoire de James Horsburgh, le célèbre hydrographe.
3. Lors d’une réunion des souscripteurs, le voeu a été émis que la somme soit consacrée à la
construction d’un phare portant le nom d’Horsburgh sur Pedro Branco, à l’entrée de la mer de
Chine, ou en tout autre lieu qui aurait la préférence du gouvernement.
4. La question de la construction d’un phare sur Barn Island a été soumise au gouvernement
suprême par le regretté gouverneur de ces établissements mais, cette proposition nécessitant une
garde militaire, un surintendant spécial et un établissement important, la proposition a été
abandonnée.
5. La somme, qui s’élève à 5513 dollars, n’a pas encore été versée, et je souhaiterais de
nouveau soumettre la question au gouvernement suprême, fort de l’expérience reconnue et du
jugement assuré d’un officier aussi talentueux que le capitaine Edward Belcher C. B. dont la lettre
avisée vous aidera à comprendre les raisons pour lesquelles je ferai appel à vos lumières pour
m’indiquer les dépenses qu’entraînerait vraisemblablement la réalisation de l’idée de M. Edward
Belcher.
6. Ayant l’intention de me rendre à Port Romania à bord du vapeur d’ici quelques jours, je
me permettrai de solliciter votre assistance pour appuyer la résolution philanthropique du comité en
faveur du mémorial Horsburgh.
Veuillez agréer, etc.
(Signé) W. J. BUTTERWORTH,
Gouverneur.
___________
- 25 -
ANNEXE 11
LETTRE EN DATE DU 25 AOÛT 1846 ADRESSÉE À W. J. BUTTERWORTH, GOUVERNEUR DE L’ÎLE
DU PRINCE-DE-GALLES, DE SINGAPOUR ET DE MALACCA, PAR S. CONGALTON, CAPITAINE
DU HOOGHLY, ET J. T. THOMSON, GÉOMÈTRE DU GOUVERNEMENT
Nous avons l’honneur d’accuser réception de votre lettre n°112, datée du 14 août 1846
accompagnée des pièces jointes de la l’amirauté et des bureaux de la Compagnie des Indes
orientales concernant la localisation d’un phare dont l’érection a été proposée en mémoire de feu
M. Horsburg à l’entrée est du détroit de Singapour.
En réponse, nous prions Votre Honneur de nous permettre de lui faire savoir que nous
sommes résolument d’avis que Pedra Branca se trouve être le seul emplacement approprié pour
qu’un phare y soit installé pour la sécurité du trafic maritime à l’entrée ou au départ du détroit de
Singapour. En émettant sur le sujet un avis contraire à celui d’un arpenteur aussi éminent que
M. le capitaine Edward Belcher, il nous sera nécessaire de déclarer, pour en informer des autorités
plus distantes, que nous le faisons après avoir entrepris un levé hydrographique précis du détroit,
que ce levé inclut tout l’espace que couvrirait l’éclairage du phare s’il se trouvait placé sur le pic de
Rock Romania ou à Pedra Branca et que le premier de nous bénéficie d’une expérience de
vingt-cinq ans de navigation dans les parages, par tous temps et à bord des vaisseaux à voile et à
vapeur de l’honorable Compagnie.
C’est durant la mousson du nord-est que se ressent le plus fortement le besoin d’un éclairage
pour les vaisseaux qui passent par le détroit, car à ce moment, ils ont une côte sous le vent sur la
péninsule malaise et l’île de Bintang avec un courant du nord qui les ramène vers les écueils situés
le long des côtes. Si la nuit tombe avant qu’un navire ait passé tous les dangers vers l’intérieur ou
l’extérieur faut de pouvoir mouiller en haute mer, balloté et détourné de son estime par les courants
forts, sa sécurité devient très précaire lorsque l’obscurité empêche d’avoir le moindre repère ; ce fut
du reste dans ces circonstances que survinrent la plupart des regrettables naufrages ces dernières
années. Au moment de considérer cette question, le guidage des navires durant la mousson du
nord-est doit donc être tenu pour l’un des sujets de la plus haute importance.
Pedra Branca, comme indiqué dans le document joint des Lords commissaires de l’amirauté,
fut à l’origine destinée à accueillir le phare, jusqu’à ce que M. Edward Becker se soit déclaré en
faveur de Peak Rock et quoique nous soyons entièrement d’accord avec les avis exposés dans le
document des Lords commissaires, nous proposerons en même temps un avis aussi succinct que
possible concernant les mérites relatifs de chaque emplacement, afin que Votre Honneur puisse
juger par lui-même du bien-fondé de nos remarques. Pedra Branca se situe au milieu du détroit et
constitue la position la plus avancée vers la mer de Chine. Il s’agit ainsi du premier objet que les
navires rencontrent en naviguant vers le détroit de Singapour. En supposant que le phare se trouve
posté à cet endroit de manière à pouvoir être vu à quinze milles au plus à la ronde ⎯ par temps
pluvieux ou brumeux, il serait en effet impossible de se fier à une distance supérieure, et cela quel
que soit le niveau de luminosité du phare ⎯, on notera, en se référant à la carte, que la lumière
s’étendrait à tous les écueils sur le chemin des navires, que ce soit sur la côte de Bintang, au niveau
des hauts-fonds de Romania ou à l’approche de la côte de Johor et que les navires provenant de la
mer de Chine, qu’ils viennent du nord ou de l’est, n’auraient qu’à suivre un cap fixe en direction du
phare et à passer sur son côté nord, lequel est profond, sans écueil et donc susceptible d’être
approché sans danger. Un relèvement de poupe conduirait les navires vers le détroit. A l’inverse,
s’il l’on supposait qu’à Peak Rock la lumière du phare était de même magnitude et de même
luminosité, elle n’attendrait pas les principaux écueils que l’on peut redouter, à savoir ceux à la
pointe nord-est de Bintang où les navires sont très exposés en sortant du détroit et risquent d’être
entraînés par le courant qui, comme indiqué précédemment, vient du côté nord de cette côte dont
les pointes les plus avancées sont non seulement basses et difficiles à discerner, mais contiennent
aussi de dangereux récifs et des rochers immergés qui s’avancent jusqu’à un mille et demi à
- 26 -
l’intérieur de la mer. Ce fait rend inutile l’installation d’un phare à Peak Rock pour les navires qui
se dirigent vers l’est ou en proviennent. Les navires provenant du nord seraient aussi gênés, car les
îles Romania, entourées au large de nombreux bancs de sable immergés, ne peuvent être
approchées de près. Les navires seraient donc contraints de modifier continuellement leurs
relèvements par rapport au phare et ne pourraient pas l’approcher en se fixant un cap direct comme
dans le cas de Pedra Branca. Une autre objection à l’encontre de Peak Rock nous paraît
insurmontable et tient à ce que dans un canal aussi étroit, les navires pourraient percuter par temps
brumeux les rochers immergés qui s’avancent à un mille dans le canal car leurs capitaines
jugeraient le phare plus distant, alors que par temps clair, le danger opposé surviendrait avec le
banc de sable de Romania, le phare étant cette fois jugé trop proche.
Peak Rock se trouve à 28 milles de Singapour et Pedra Branca à 34. Pour ce qui concerne le
ravitaillement et la communication avec ces emplacements, nous pensons qu’il n’y aurait pas de
différence à cet égard, les deux sites étant exposés de la même manière à la puissance des vagues
pendant la mousson du nord-est. Ces rocs sont l’un et l’autre également arides, dépourvus d’eau
douce et de taille et de hauteur presque identiques ⎯ 30 pieds au-dessus du niveau de la mer à
marée haute. Avant le début des mois orageux de décembre, janvier et février, il faudrait donc
constituer une réserve de nourriture et d’eau pour les gardiens car les rocs deviendraient rarement
accessibles, alors qu’aux autres saisons, la mer étant toujours calme, une réserve mensuelle
suffirait.
Veuillez agréer, etc.
(Signé) S. CONGALTON,
Commandant du vapeur Hooghly de
l’Honorable Compagnie anglaise
des Indes orientales
(Signé) J. T. THOMSON,
Géomètre du gouvernement.
[Copie conforme]
(Signé) W. J. BUTTERWORTH,
Gouverneur.
___________
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ANNEXE 12
TROIS VERSIONS MANUSCRITES DE LA LETTRE EN DATE DU 26 AOÛT 1846 ADRESSÉE
À G. A. BUSHBY, SECRÉTAIRE DU GOUVERNEMENT DU BENGALE,
PAR W. J. BUTTERWORTH, GOUVERNEUR DE
L’ÎLE DU PRINCE-DE-GALLES,
DE SINGAPOUR ET DE
MALACCA
(POUR RÉSOUDRE LES PROBLÈMES LIÉS À LA DIFFÉRENCE DE TRANSCRIPTION ENTRE
L’ANNEXE 16 AU MÉMOIRE DE SINGAPOUR ET L’ANNEXE 51 AU MÉMOIRE DE
LA MALAISIE), À SAVOIR :
i) reproduction en fac-similé de la lettre signée par le gouverneur Butterworth (source :
archives nationales de l’Inde)
ii) version manuscrite contemporaine figurant dans le Straits Settlement Records
R13/210-213 (source : archives nationales de l’Inde)
iii) version manuscrite contemporaine figurant dans le Board of Control Records
F/4/2166, collection n° 104700 (source : British Library, India Office Collections)

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ANNEXE 13
J. R. LOGAN, JOURNAL OF A VOYAGE TO THE EASTERN COAST AND ISLANDS OF JOHORE,
JOURNAL OF THE INDIAN ARCHIPELAGO AND EASTERN ASIA, VOL. II, P. 616 (1848)
Journal d’un voyage vers la côte orientale et les îles de Johor
Les motifs qui ont présidé à ce voyage et la gentillesse de M. le gouverneur qui m’a permis
de l’entreprendre en mettant à ma disposition l’une des canonnières pendant un mois ont été
mentionnés dans l’introduction à mon compte rendu sur l’Orang Binua de Johor1. Le bref exposé
qui y a été donné du voyage et du périple suivant à travers la péninsule rend toute explication
supplémentaire inutile à présent. Mes observations les plus intéressantes ont été consignées dans
cet écrit et dans d’autres concernant le bassin de la rivière Sidili, Pulo Tingi, Pulo Tioman, la
rivière Indau, la géographie et géologie de Johor, etc. La plupart de ces observations seront insérées
de temps à autre dans le Journal2, mais puisque cette partie de la péninsule est quasiment inconnue,
n’a jamais été décrite et pourrait ne pas recevoir de visite de si tôt à nouveau, le reste de mes notes,
quoique de valeur comparativement moindre, pourra être livré ici sous forme de narration
personnelle, et bon nombre pratiquement à l’état brut, telles qu’elles furent griffonnées lors du
voyage et du périple subséquent.
Singapour à Kwalla Sidili
8 Septembre 1847 — Nous quittâmes Singapour au matin du 8 septembre et nous
retrouvâmes au large de Tánjong Penyuso (Point Romaniá), soit à l’extrémité sud-est de la
péninsule, à deux heures de l’après-midi. Le paysage dans tout le détroit est plaisant bien qu’il se
trouve dépourvu de toute particularité frappante après que nous nous soyons accoutumés à son
aspect général et ayons perdu de vue la ville de Singapour et ses îles côté ouest. Alors que nous
quittons le port et naviguons vers l’est en direction de Tánjong Kátong, l’un des mélanges les plus
merveilleux s’offre à notre vue. Sur notre côté, vers la gauche, se trouve une plage basse de sable
au-dessus de laquelle s’élève une jungle verte d’arbustes. La ligne de la forêt lointaine, qui marque
la limite de la plaine cultivée, s’aperçoit au-dessus, avec ici et là quelques massifs de cocotiers.
Devant, la plage se termine dans l’amas épais de noix de coco luxuriantes à la pointe de Kátong,
d’où se détachent de manière évanescente les lignes de pièges à poissons sur l’horizon brumeux.
Cette pointe masque toute la côte vers l’est et l’ouverture entre cette extrémité et l’île distante de
Béntán est la seule entrée apparente vers la grande mer intérieure qui se trouve à droite et derrière
nous, entourée de tous les côtés par des collines basses sous forme de chaînes liées ou de groupes
d’îlots épars. En regardant en arrière, la plage de sable se prolonge jusqu’à ce que la jungle
d’arbustes disparaisse et que les huttes et étables serrées de Tánjong Ru prennent sa place. En
prolongement, depuis l’arrière de ces dernières, et s’étendant sur la largeur du premier plan, on peut
voir s’élever au-dessus de la plage du port les demeures ordonnées de Kámpong Glám à moitié
dissimulées par les arbres, la colline verte et boisée du gouvernement et à sa droite, l’extrémité de
la chaîne de Claymore, une pente sombre couverte d’arbres à épices plus foncés, alors que le creux
entre les deux est rempli par le nuage gris semblable à du feuillage formé par les élévations plus
éloignées dans les terres.
A gauche de la colline du gouvernement, la masse des entrepôts de la berge occidentale du
fleuve et les douces ondulations vertes de Pearl et des collines adjacentes sont surmontées par les
1 Ante, vol. I, p. 242
2 S’il est possible de trouver l’espace pour les insérer, ce qui paraît assez improbable.
- 41 -
hauteurs abruptes de jungle de la chaîne plus lointaine de Teloh Blángá. A mesure que le soleil se
dégage de la brume à l’horizon et vient brosser ce paysage de ses rayons rasants, les maisons se
dépouillent de leur revêtement matinal terne et se transforment en autant de points irradiants de
lumière blanche, alors que dans le gris sombre des collines qui les surplombent, quelques
résidences, auparavant invisibles, se mettent à poindre. Au premier plan s’élèvent de la surface
ondulante et striée de l’eau les coques et gréements de nombreux navires et plus petites
embarcations. De temps à autre, la voile d’un bateau en mouvement glisse lentement en travers,
disparaît par intermittence et lorsqu’elle émerge, dissimule à son tour les maisons devant lesquelles
elle passe. Au sud de la ville, les falaises empourprées de la chaîne se terminant à Tánjong Bátu
s’élèvent dans une couleur rouille terne qui rappelle, par la nuance sombre de rochers plus ferreux,
l’aspect bien différent que le paysage maintenant paré par l’art et la nature cultivée avait dû revêtir
avant qu’aucun oeil humain ne l’ait encore parcouru, lorsqu’au moment où la région se façonnait au
gré des spasmes sous-jacents de l’océan plutonique en fusion, les strates massives se tordaient,
rompaient comme des roseaux et se soulevaient de leur position horizontale sous le lit de la mer
jusqu’à se hisser à la perpendiculaires au-dessus de sa surface, alors que des émanation
ferrugineuses rougeâtres s’élevaient au travers des failles et des fissures et que la «fumée du pays
montait comme la fumée d’une fournaise».
Au-delà de Tánjong Bátu, les collines de Pulo Bráni et Blákáng Máti, à une distance
d’environ quatre milles, prolongent le circuit vers le sud, la mer s’élargissant rapidement à mesure
que nous suivons l’amas dense d’îles qui semble occuper tout le détroit au sud. Un peu de haute
mer, la côte effritée de Pulo Sikukor, seul îlot aride du groupe, un petit morceau de haute mer à
nouveau, la chaîne de Palo Sákijáng couverte d’ananas et d’arbres fruitiers, puis un détroit plus
large interrompu par plusieurs îlots dont le plus lointain se trouve à environ 12 milles de distance
alors que ceux au sud deviennent presque contigus, les lointains pics bleus de Sugi, Glám Tuá et
Gunong Bulán qui semblent s’élever du sein de la mer et conduire l’oeil vers l’île de Báttám dont la
longue bande de jungle sombre ondulante, qui s’avance ici en larges promontoires de grès et de
granit endurci et se retire là dans de profondes baies s’étend d’ouest en est et forme toute la limite
sud de cette portion du détroit pour se fondre à son extrémité avec le contour plus sombre de la côte
de Béntán. Sa moitié ouest est plus édentée qu’à l’est et atteint une hauteur considérable à Bukit
Sábimbá, qui donne son nom à la tribu fruste qui hante les forêts adjacentes. La mer au travers de
laquelle nous suivons les côtes de Báttám et qui s’étend vers l’est jusqu’à se perdre dans le
brouillard reposant sur la mer de Chine est une belle nappe d’eau d’environ neuf milles de largeur
et à la différence de la portion ouest du détroit opposée à l’île de Singapour, sa surface lisse, qui
Pourquoi cette côte très accidentée est-elle si différente de celle de Singapour côté nord du détroit, qui de
Tanjong Ru en avançant vers l’est présente une courbe très peu sinueuse ? Pourquoi le creux qui constitue le large bassin
sur lequel le port de Singapour se situe est-il rempli de débris de roche à son extrémité nord, formant ainsi la plaine de
Singapour et dégagé au sud, à Battam Bay ? Le promontoire de Trend, qui sépare Battam de Bulan Bay, est
principalement constitué de grès, comme les chaînes de Red Cliff du côté de Singapour, mais le granit côté est l’a endurci
et a servi à le protéger de l’abrasion. Le grès sur la côte de Singapour, à l’inverse, n’entre pas en contact avec le granit
jusqu’à une distance considérablement éloignée au-delà des Large Red Cliffs, vers le promontoire de Changy, et n’a donc
acquis que peu de cohésion. Il a en effet été si peu affecté par l’activité plutonique qui est intervenue dans son voisinage
que ses strates sont encore presque horizontales. Ce grès tendre a déjà cédé aux vagues et aux courants qui ont sapé ses
coteaux donnant sur la mer, ont émietté les masses qui s’éboulent sous forme de sable et de sédiments et les ont
transporté dans cet état vers l’ouest pour les y déposer en longs bancs de sable dans l’ancienne baie de Singapour. Ces
bandes sableuses qui marquent le sens des courants et le tracé de la côte de cette baie à différentes époques peuvent être
suivies sur la plaine de Singapour. Ce processus se poursuit encore aujourd’hui, les Red Cliffs continuent de perdre du
terrain et les bandes plus récentes de sable peuvent être suivies le long de la côte vers Tanjong Ru, ce qui amène la partie
nord-est du port à se remplir. La masse de sable qui a été déposée par la mer à l’ouest des collines de Red Cliff est si
importante qu’on est porté à penser que le détroit entre ces collines et le promontoire opposé de Treng devait être
considérablement plus étroit lorsque les vagues du bassin à l’ouest affluaient sur la partie la plus importante de l’espace
qui forme à présent les districts de Sigláp, Páyá Lebár, Kálláng, Géláng et Rochor (voir Aperçu de la géographie
physique et de la géologie de la péninsule malaise, plus haut, p. 133-134).
4 Voir «L’Orang Sabimba», plus haut, vol. I, p. 295.
- 42 -
ressemble plus à un lac qu’à un bras de l’océan, n’est interrompue par aucune île5. Les lignes
parallèles de stratification et d’élévation ⎯ car sur l’ensemble, elles coïncident ici pratiquement ⎯
sur lesquelles se trouvent disposés la chaîne Teloh Blángá, Blákáng Máti, les Sákijángs et les
Sámbos séparent ces deux divisions fortement marquées du détroit ; il vaut en outre la peine de
noter que la portion de l’île de Singapour qui se trouve au nord-ouest de la partie insulaire du
détroit possède le même aspect, puisqu’il ne s’agit de rien d’autre que d’une série de péninsules
irrégulières séparées par de nombreux bras de mer, lesquels pénètrent près de l’élévation granitique
de Bukit Pándá et Bukit Timáh.
Concernant l’aspect que présentait le détroit alors que nous progressions vers son entrée est,
je dirais seulement ici qu’il se trouve bordé tout du long par une terre très basse recouverte d’une
forêt sombre continue et de contour irrégulier, à cause d’un certain nombre de petites collines et de
chaînes vallonnées. A cet égard, la partie continentale ne diffère pas des îles. Elle possède
trois collines qui s’élèvent nettement au-dessus du niveau général, Gunong Bau6 (749 pieds de
hauteur7) Márbukit8 (661 pieds) et Bukit Sánti9 (645 pieds). De la même manière, Bukit Timáh
(530 pieds) et quelques autres collines moins élevées dépassent le niveau de Singapour et Gunong
Béntán10 (1212 pieds) et Bukit Kijáng11 (759 pieds) celui de Pulo Béntán12. Báttam et Béntán sont
en général quelque peu plus élevées que Singapour, mais la configuration de toute la terre des
deux côtés du détroit suit un plan. Il s’agit d’une collection de chaînes vallonnées séparées par
d’étroites vallées s’ouvrant dans de petites plaines alluviales ou marécages qui sont pénétrés par
des bras de mer d’eau salée. Les côtes de la division orientale du détroit sont plus érodées que
celles qui se trouvent plus à l’ouest. Elles sont exposées aux courants forts et aux lourdes vagues
de la mer de Chine et la différence d’exposition se remarque immédiatement lorsque l’on atteint
Tánjong Pingráng par l’augmentation notable de la taille des galets érodés par l’eau13. La côte du
continent de Tánjong Pingráng à Tánjong Penyusoh est l’extrémité d’une péninsule vallonnée
d’environ 40 miles de long14 et 15 de large, qui s’étend vers le S.S.E. à partir du dernier groupe de
montagnes de la péninsule15, avec la mer de Chine d’un côté et la vallée le plus souvent large mais
parfois resserrée de la rivière Johor et l’estuaire de l’autre côté. Le bassin de la rivière Sídílí peut
être considéré comme marquant sa limite originelle au nord. Cette péninsule est constituée de
chaînes basses reliées qui s’étendent souvent parallèlement les unes aux autres sur une certaine
longueur jusqu’à que les chaînes externes retombent sous le niveau de la mer ou des marais où se
forment de petites baies et des criques dans lesquelles les fleuves et les rivières des petites vallées
et des cuvettes s’écoulent. Certains des fleuves ou des cours d’eau ainsi produits sont de taille
5 Il s’en trouve quelques petites près de la côte de Battam que l’oeil ne distingue pas.
6 Petite colline de Johor.
7 Toutes ces hauteurs proviennent de mesures trigonométriques par M. J. T. Thomson.
8 Colline de Johor.
9 Barbukit.
10 Grande colline de Bintang.
11 Petite colline de Bintang.
12 Île de Bintang.
13 J’ai décrit les rochers de cette pointe dans un papier sur la géologie de la vallée de la rivière Johor, et
notamment l’estuaire et ses îles.
14 La vallée de Johor s’étend néanmoins bien plus loin dans les terres, mais en déviant vers l’ouest.
15 Celui de Gunong Pánti, constitué de Gunon Gáong, G. Pánti, G. Pilippá, B. Koáyá et B. Besisé. Cette chaîne
est visible à l’est de Singapour depuis Pulo Tùkong et à mesure que nous avançons dans le majestueux estuaire de la
rivière Johor, on la voit s’élever par-dessus son extrémité supérieure, qui étend la vallée transversalement sur près de
7 milles et dissimule ainsi la chaîne plus haute et plus centrale de Blumut, Pinyábong, Bulan, etc. On peut en obtenir un
bon aperçu depuis les collines plus élevées de Singapour, comme Bulkit Timáh et le mont Faber, lorsque l’état de
l’atmosphère permet de la voir.
- 43 -
considérable16 et possèdent un caractère particulièrement sauvage et isolé, étant généralement
dépourvus de tout habitant humain, à l’exception, par moments, de quelques Támbus en bateau
dans les cours qui s’ouvrent sur la mer de Chine et de quelques Orang Sletár dans ceux qui
alimentent le fleuve Johor. Hormis une ligne broussailleuse de clairières étroites et pour la plupart
à l’état sauvage, la ville Bugis de Johor Lámá et quelques petits villages sur la berge du fleuve, la
péninsule entière est couverte par une jungle épaisse.
A deux heures, nous avons passé Pulo Penyuso, qui est rocheuse, expose une face brunâtre
descendant dans la mer et entrecoupée de plaines qui la partagent ⎯ entretenant ainsi une
ressemblance étroite avec la face est de Pulo Ubin. Tánjong Penyuso (Point Romania) est la pointe
S.E. d’un imposant promontoire rocheux et les nombreux îlots rocailleux, récifs et rochers qui s’en
détachent sont probablement les vestiges de l’extension plus large en direction du sud qui en faisait
autrefois partie. La roche dont le promontoire et ces restes semblent être composés paraît
entièrement plutonique17. Je n’ai pas débarqué pour l’examiner, car M. Thomson m’avait
précédemment fourni des spécimens qu’il avait collectés et parce que l’uniformité de son aspect et
son apparente similitude caractéristique avec certaines parties de Pulo Ubin laissait peu de place
pour le doute quant à ses constituants minéraux. De Tánjong Sippong, la pointe N.E. du
promontoire, une longue plage de sable appelée Teloh Ayer Rámbut s’incurve vers le nord avec
une belle régularité vers une autre pointe rocheuse appelée Tánjong Pungái. Les cours d’eau douce
atteignent la mer à chaque extrémité de ce Teloh. L’embouchure de celui du nord (Sungie Pungái)
est, dit-on, profonde. Tánjong Pungái possède une apparence remarquable, la plage au pied de la
falaise étant entièrement couverte de grands blocs arrondis principalement constitués de peroxyde
de fer hydraté et reluisant au soleil comme autant de balles gigantesques de métal poli. J’ai
débarqué sur la plage de sable de la pointe et suis resté un certain temps à examiner ces rochers
curieux, mais pour épargner aux lecteurs du journal qui ne s’intéressent pas à la géologie la lecture
des notes de mes observations, je les ai placées dans un papier séparé18.
De T. Pungái jusqu’à l’extrémité nord du promontoire (T. Kináwár), le sol est bas et plat.
Les marées montent au-dessus de la plage de sable jusqu’aux racines des arbres et des arbustes qui
poussent avec luxuriance sur le plat et forment une bande de végétation riche et variée. Le buáh
butá pousse en formant une lisière continue devant. Les anciens arbres pinágá et pudé pittoresques
abondent ; et ici et là, des touffes de páku, un petit palmier élégant de trois à quatre pieds de haut
tout au plus, remplissent les espaces ouverts sous les branches des arbres qui se propagent. Le
kámpá et le putat sont également courants. Il vaut bien la peine de prendre un jour pour visiter une
plage de ce type, car il n’existe rien de comparable dans le détroit. Habitué à cet endroit à voir de
l’eau salée cernée de toutes parts par des îles et dans ce paysage réduit aux dimensions d’un lac, il y
a quelque chose de presque enivrant à faire à nouveau face à de véritables vagues de mer qui
déferlent à l’horizon. La scène n’est cependant pas dépourvu de tristesse.
Au sein des 28 milles d’un établissement britannique vigoureux et populeux et à l’entrée
d’un détroit au travers duquel transitent près de mille cinq cents navires chaque année, l’oeil
chercherait en vain la moindre hutte à la ronde. Une solitude parfaite envahit aussi bien la mer que
la jungle. Pas un seul sampan de pêcheur ne s’aperçoit flottant, pas un seul cocotier ne s’élève le
16 J’ai remonté le plus grand d’entre eux, Sungie Libbam, pendant 4 heures et demie le 22 du mois dernier (août)
et aussi loin que je sois allé, j’ai découvert qu’il correspondait à un bras de mer plutôt qu’à un fleuve. Plusieurs cours
d’eau se jettent dedans, principalement en provenance du nord, comme le S. Láyu qui s’étend jusque derrière Johor
Lámá, S. Saminchu et un grand bras de mer ou un cours d’eau, S. Pápán. Il avance ensuite vers l’est et le nord-est. Les
plus grands des fleuves qui se jettent dans sa partie supérieure sont le Chimáráng, Chimágá et Libbam (ce dernier donne
son nom à l’estuaire). La partie sud-ouest de la péninsule doit avoir présenté un contour très irrégulier avant que les
forêts de palétuviers ne se soient formées. Des cours d’eau considérables le pénètrent des deux côtés de Gunong Bau.
17 Il passe du granit au wacke. Ce dernier peut cependant être de l’argile sédimentaire métamorphosé.
18 Voir plus bas, Comptes rendus de la géologie de la côte orientale de Johor.
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long de la plage. Au siècle dernier, alors que Johor était encore un lieu de commerce et de
puissance, cette côte aurait, dit-on, été habitée, mais le royaume s’est longtemps montré dépourvu
de vigueur pour résister aux attaques des pirates sur des parties de son rivage bien moins exposées
que celle-là. Si une hutte devait être aujourd’hui bâtie ici, tous ses occupants seraient déportés par
les pirates et vendus comme esclaves en moins d’un an. Les navires locaux sont fréquemment
attaqués et bien que les canonnières et les vapeurs occasionnellement envoyés ici de Singapour
aient sans aucun doute fourni une protection considérable au commerce, la côte ne sera pas sûre
tant qu’un garde permanent ne se trouvera pas stationné à proximité. La localité est aussi connue
pour des dangers d’un autre type, car il se passe rarement une année sans qu’un bateau ne fasse
naufrage. Ce n’est que récemment qu’un levé hydrographique soigneux de l’entrée dans le détroit
a été mené. Plusieurs nouveaux écueils ont été découverts et enregistrés par le capitaine Congalton
et M. Thomson, mais il est à craindre que d’autres restent à découvrir. L’érection du phare
envisagée depuis longtemps peut seule sécuriser la navigation et empêcher les pirates de rôder dans
les environs.
Tánjong Kináwár n’est pas élevé comme Tánjong Pungái. La colline qui s’y trouvait à
l’origine a été effondrée par la mer et réduite à ses fondations. Celles-ci couvrent un espace
considérable devant la plage et quelques vestiges pittoresques s’élèvent à la manière de grands
murs depuis la jungle ouverte et rase éparpillée sur le plat sableux de la pointe. A les examiner de
plus près, ces vestiges de l’ossature de la colline se révèlent aussi curieux par leur composition que
par leur forme. A certains endroits, ils semblent formés de bois brun rougeâtre en état de
décomposition et je pense que des roches similaires le long de cette côte ont été prises par erreur
pour du bois fossile19.
Nous mouillâmes pour la nuit entre Tánjong Kináwár et le point proéminent suivant au nord,
Tánjong Lompátán. Entre ces points se trouvent Lábuán Moroh, Tánjong Bátu Belobáng, Teloh
Pádáng Moloh et Teloh Mirtáng.
9 septembre — Ce matin, j’ai débarqué sur la plage de sable au nord de Tánjong Lompátán.
La jungle est ici très luxuriante. Près de l’endroit où j’ai débarqué se trouvait une cabane en bois
vide sous un arbre au feuillage étendu. Quelques rondins de Bintábgor, un arbre très réputé pour
les mâts, jonchent la plage. A la pointe se trouve une petite péninsule couverte de végétation qui
doit être isolée à marée haute. Les Malais disent qu’elle en tire son nom, la pointe se précipitant
(lompát) dans la mer. Sur ces plages, je ramassai un certain nombre de coquillages, mais en
quittant la canonnière, les boîtes à ouvrage les contenant se mélangèrent à d’autres boîtes contenant
des roches et les coquillages furent cassés. On trouvait en abondance de grandes carapaces d’une
sorte de crabe. Les Malais disent que le tigre les chasse, mais je n’ai pas eu moyen de juger s’il
s’agissait d’une réalité ou d’un fable20.
De T. Lompátán à T. Mantígí, la côte est une succession de longues courbes de sable
occasionnellement interrompues par des rochers bas. A Tánjong Báláu ou à Bulo, elle est plus
élevée qu’ailleurs. Entre ce point et T. Mantígí se trouvent Sungei Tingár et ses Teloh, Tánjong
Klísá, Teloh Lundáng Bákáu et Teloh Lundáng Wy dans lequel se trouve un Ayér Chá qui porte
bien son nom, peu flatteur pour l’eau. Entre T. Klísá et T. Mantígí, de nombreux rochers sortent de
19 Voir plus bas, les comptes rendus de la géologie de cette côte.
20 A la suite de ce voyage, je découvris à la pointe N.E. de Báttám et à l’intérieur du détroit de Singapour sur
Pulo Sambo, de nombreux fragments de pierre ponce qui ressemblaient fortement à certains types de corail en
décomposition jusqu’à ce qu’en les examinant attentivement, je n’eus pas le moindre doute que j'étais passé devant sans
les remarquer sur d’autres plages. Les Malais, qui l’appellent Bátu timbul (caillou flottant) disent qu’on le trouve flottant
dans la mer de Chine et éparpillé sur les plages de la côte est de Johor. Je pensai qu’il pouvait être provenu de la grande
éruption du Tomboro, mais M. Zollinger, qui avait récemment visité Sambáwá, m’informa que la pierre ponce de
Tomboro était noirâtre (alors que celle-ci était blanchâtre) et que les courants ne pouvaient l’avoir conduite jusqu’ici.
Elle est donc probablement d’origine philippine.
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la plage. Tánjong Mantígí est un promontoire saillant avec, comme à l’habitude, des extrémités
rocheuses et de petits rochers éparpillés le long de la plage de sable entre les pointes. Lorsqu’on la
contourne, la côte paraît se retirer vers le sud en formant ainsi un angle droit avec la face N.E. A
l’intérieur, une seconde pointe s’avance, au nord de laquelle se trouve l’embouchure du Sídílí
Kichí. Ces pointes paraissent être les extrémités de petites chaînes de collines parallèles. Lorsque
nous contournons le promontoire de Mantígí, la côte prend un autre aspect. Jusqu’à présent, parce
qu'elle se trouvait assez dégagée et exposée, elle était aussi dépourvue de palétuviers. Entre
Mantígí et T. Tabal, la pointe suivante au nord, la côte se retire pour former la petite et peu
profonde baie de Sídílí, baptisée à cause des deux fleuves du même nom (Sungei Sídílí Kichí et
S. Sídílí Bésár) qui s’y jettent au niveau de ses angles nord et sud. Les côtés nord et sud de cette
baie sont rocheux ; à l’arrière se trouve une longue plage de sable d'où dépassent fréquemment de
petits rochers et qui constitue la face côté mer d’une plaine alluviale qui s’étend loin dans les terres.
L’après-midi, nous entrâmes dans la baie. En avançant, nous vîmes des rochers s’étendre au loin
depuis T. Tabal. La profondeur de l’eau se réduisit peu à peu de 6 à 2 brasses jusqu’à ce que nous
arrivâmes au niveau des rochers. A ce moment, aucun des Malais à bord n’étant suffisamment
familiarisé avec la région, il s’avéra nécessaire de mouiller et d’envoyer le sámpán en éclaireur afin
de sonder le canal qui entrait dans le fleuve. Nous n’avions mouillé que depuis peu lorsque le
câble se rompit soudainement et nous amena vite à dériver. Les hommes prirent les rames
sur-le-champ et ramenèrent le navire à sa position d’ancrage, mais la marée descendit avec une
telle force que nous continuâmes à perdre du fonds. Le Seráng remonta dans le sámpán consterné,
car il apparut que la canonnière ne portait qu’une seule ancre. Je proposai d'envoyer le sámpán
récupérer un pilote. Le Jarágán, qui désirait retourner immédiatement à Tánjong Lompátán où il
disait avoir vu un morceau de bois qui semblait adapté pour une ancre, consentit finalement et le
sámpán fut envoyé dans le fleuve pendant que nous hissâmes les voiles et nous tînmes à distance
afin d’éviter d’être attrapés par une bourrasque entre les rochers et la plage. Nous conservâmes
cette position en l'ajustant continuellement et attendîmes impatiemment le retour du sámpán,
jusqu’à la tombée de la nuit. A ce moment, nous fûmes contraints de nous fixer au sud de
T. Mantígí, à une plus grande distance du rivage. Les heures passèrent et la nuit entière se passa à
attendre le sámpán, en vain.
(A suivre.)
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ANNEXE 14
P. FAVRE, A JOURNEY IN JOHORE, JOURNAL OF THE INDIAN ARCHIPELAGO
AND EASTERN ASIA, VOL. III, P. 50 (1849)
Un voyage à Johor
Par le révérend P. Favre, missionnaire apostolique, Malacca.
Les nombreuses difficultés auxquelles je fus confronté au cours des quelques voyages que
j'entrepris dans les pays malais avec les chefs tracassiers établis dans chaque village m’ont
convaincu qu’il était presque impossible de réussir de pareils périples sans avoir préalablement
obtenu un passeport en règle de la part des dirigeants des Etats malais. En septembre 1846, je me
rendis donc à Singapour obtenir de S. M. le sultan de Johor et de S. A. le tummongong de
Singapour l’autorisation nécessaire pour voyager dans le territoire de Johor. Comme je connaissais
la mère de S. M. le sultan, je pris la précaution d’obtenir de sa part une lettre de recommandation
au sultan ; je trouvai ainsi le moyen de communiquer sans obstacle avec Sa Majesté. Je fus reçu
avec une familiarité et une gentillesse remarquables et quelques jours plus tard, le document
demandé, dûment authentifié par le sceau du sultan, me fus délivré.
Je fis la même demande auprès de S. A. le tumungong de Singapour. Je ne fus reçu par lui ni
si familièrement, ni si gentiment ; il me fournit cependant l’autorisation requise — il me la fournit
sur parole uniquement, arguant que le document déjà pourvu par le sultan suffisait et m’assurant
que l’autorité de ce dernier et la sienne étaient unum et idem21.
Je quittai Singapour le cinq septembre, accompagné d'un garçon indo-portugais qui me
servait de domestique et d’un coolie Chinois ; le bateau qui me transportait était de petite taille et
comptait à son bord deux hommes de Malabar comme rameurs, au cas où le vent viendrait à
tomber, et un autre comme pilote22. Mes provisions se composaient de quelques gantangs de riz et
d’une petite quantité de poisson séché ; quelques tenues de rechange formaient ma garde-robe.
L’expérience m’avait appris toutes les difficultés de ces voyages et notamment que de bonnes et
confortables réserves de nourriture et de vêtements, quoique très utiles, pouvaient dans certaines
circonstances s'avérer plus encombrantes qu’avantageuses en raison de la difficulté de les
transporter. Je ne pris donc avec moi que le strict nécessaire pour assurer ma subsistance et celles
des deux autres personnes qui m’accompagnaient pour l’espace d’un mois, soit la durée supposée
du voyage que j’entreprenais alors.
Mon intention était d’entrer dans la péninsule malaise par le fleuve de Johor, et en
poursuivant la route par terre à travers la jungle qui recouvre la quasi-totalité de la péninsule,
d'orienter ma marche en direction du Mont Ophir, puis de là, vers Malacca ; traçant ainsi de Johor à
la latitude de Malacca, par le milieu de la péninsule, une ligne qui n’avait encore été suivie par
aucun Européen, et peut-être par très peu, voire aucun Malais. Il apparaîtra ci-après que plusieurs
accidents m’empêchèrent de faire le voyage prévu. Mon objectif était de visiter les quelques tribus
21 C’est si loin d’être le cas que le temenggong exerce toute l’autorité et reçoit tous les revenus du souverain. Si
M. Favre en avait eu conscience et était allé demander directement une lettre au temenggong, il s'en serait mieux porté
dans son voyage. Les Malais considèrent le sultan de Linga comme le sultan de Johor et les autorités britanniques y
acquiescent apparemment, car bien qu’elles aient reconnu Tunku Allí comme successeur de feu son père le sultan de
Johor (par qui, ainsi que de feu le temenggong, Singapour nous fut cédée), aucune démarche n’a été entreprise pour
établir cette reconnaissance autrement que de manière nominale — note de l’éditeur.
22 Autres erreurs. Tous les hommes étaient des Malais et mis à disposition par le temenggong qui se fait un plaisir
d’obliger les Européens qui désirent visiter Johor — note de l’éditeur.
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sauvages qu'on disait habiter en grand nombre dans la partie la plus intérieure de la péninsule et
d’obtenir à leur égard les informations les plus complètes et les plus exactes que les circonstances
me permettraient d’obtenir. J’étais également enjoint par M. le Dr Boucho, d’établir s’il y aurait
une possibilité d’établir une mission parmi eux.
Mon petit bateau, qui quitta Singapour le cinq septembre à cinq heures du matin avec une
brise favorable parvint à 10 heures entre Tanjong Changry, la partie la plus orientale de l’île de
Singapour, et Pulo Tikong ; en doublant la pointe ouest de cette petite île, j’atteignis quelque
minutes après un petit village Malais près de Gunong Báu. Le nom du village est Tikong23. Il
n’est constitué que de quelques malheureuses maisons malaises et est gouverné par un panghulu
qui était absent ; je ne m’y arrêtai que quelques moments et empruntai immédiatement le fleuve de
Johor. A 11 h 30, j’atteignis un autre village appelé Pomatang où je débarquai. Ce second village
est plus considérable que le premier. Il s’agit de la résidence d’un Rajah qui s’appelait alors
Raja Práng24 et se trouvait absent. J’essayai d’obtenir des informations concernant le village
lui-même ainsi qu’à propos des lieux voisins, mais en me voyant, les résidents fuirent et je pus à
peine atteindre quelques-uns d’entre eux qui apparurent si surpris et étonnés que je ne pus en tirer
la moindre réponse satisfaisante. Je quittai le village environ une heure après mon arrivée ; je
naviguai vers Johor où j'arrivai à quatre heures de l’après-midi.
Johor25, auparavant la principale ville de l’empire de ce nom et résidence du sultan, est située
environ vingt milles en amont du fleuve. La ville fut fondée en 1511 ou 1512 ap. J.-C. par le sultan
Mohamad Shah II de Malacca, qui après son expulsion de cet endroit par les Portugais, s’enfuit
vers le fleuve de Johor. Depuis lors, la ville de Johor a été la capitale de l’empire qui prit le nom
d’empire de Johor au lieu de Malacca26.
Les habitants de Johor me dirent que leur ville était autrefois considérable, que le sultan qui
y résidait alors possédait un château fortifié et que la ville était parée de plusieurs beaux édifices
érigés principalement sur des sols élevés distants de quelques centaines de pas des dernières
maisons du présent village en descendant vers la rivière. Je visitai l’endroit mais ne pus trouver
aucun reste27.
La ville de Johor a subi le même sort que l’empire ; elle est entièrement tombée. Elle est
constituée d’environ vingt-cinq ou trente maisons malaises28 construites sur des poteaux en bois et
couvertes d’ataps et de feuilles de chucho ; vers le centre du village, je remarquai une mosquée
construite avec des planches, mais elle s’avéra en piteux état et requérait des réparations ; l’endroit
est maintenant sans intérêt.
Johor est la résidence d’un panghulu désigné à la fois par le sultan de Johor et par le
Tumungong de Singapour. Le présent panghulu nommé Jáwá me reçut très courtoisement après
avoir examiné les papiers que j’avais reçus du sultan. Les hommes que j’avais engagés à
Singapour, refusant d’aller plus loin, repartirent avec leur bateau. Je passai la nuit dans la maison
d’un Chinois qui tenait une boutique.
23 Le village de Tikong se trouve sur l’île appelée Pulo Tikong Besár. Gunong Bau se trouve sur le continent —
note de l’éditeur.
24 Ce village se trouve également sur P. Tikong Besár. Rájá Práng n’est pas un Rájá si l’on entend par ce terme un
roi ou un dirigeant. Les nobles et officiels malais sont férus de titres et de patronymes (nama gelar) clinquants. De
nombreux chefs de Sukus, subalternes de petits panghu’us, sont appelés Máhá Rájá — note de l’éditeur.
25 La ville de Johor Lámá — note de l’éditeur.
26 Le siège du gouvernement s’est trouvé pendant un certain temps dans l’archipel de Johor — note de l’éditeur.
27 Les vestiges d’un vaste rempart sont toujours visibles — note de l’éditeur.
28 Les maisons, comme les habitants, ne sont pas malaises, mais Bugis — note de l’éditeur.
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Le jour suivant, le panghulu me procura un petit bateau et trois hommes pour monter le
fleuve vers la petite rivière de Kamang. A dix heures du matin, je quittai Johor. Vers midi,
j’arrivai près de Pulo Káyu Anák Besár ; il s’agit d’une île d’environ 4 ou 5 milles de longueur ;
près de cette île se trouve une autre petite île appelée Pulo Káyu Anák Kechil. Vers 6 heures, je
parvins à la petite rivière de Kamang ; quelques maisons s’y trouvent et un panghulu réside à
l’embouchure du fleuve ; le nom du panghulu est Sápá. Je passai la nuit dans cette maison et les
hommes qui m’y avaient amené retournèrent à Johor avec leur bateau.
Le matin suivant, ce ne fut pas une mince affaire d’amener le panghulu à proposer des
hommes et un bateau pour me faire remonter le fleuve. Comme il savait qu’aucun ne consentirait à
m’accompagner s’il ne l’y autorisait pas, il demanda un prix si fort pour chaque homme et pour le
bateau que je ne pouvais tomber d’accord avec lui. Comme il restait obstinément fixé à sa
première demande, je pensai qu’il était impossible de poursuivre ; je lui demandai donc au moins
un bateau et des hommes pour retourner à Johor ; mais il le refusa brutalement. Je commençai
ensuite à être un peu anxieux, prisonnier d’un endroit si reculé et entre de telles mains. Après le
petit-déjeuner, nous reprîmes une nouvelle discussion sur le sujet et il apparut un peu plus
conciliant. Pour finir, après de longs pourparlers, il consentit à fournir des hommes pour me faire
remonter le fleuve à un prix modéré. Cet homme n’était pas pire qu’un autre Malais. Il est
généralement admis parmi eux que d'aucuns peuvent user de tous les moyens pour faire de l’argent,
quel qu'en soient les expédients ; et si cet homme ne s’était pas rendu compte que j’avais très peu
d’argent, je n’aurais jamais pu avancer sans qu’une grande partie ne tombât directement dans sa
poche. Je pense néanmoins qu’il doit être considéré comme un honnête Malais.
Je partis de cet endroit vers dix heures ; rien de remarquable ne se produisit ce jour-là ; je fus
simplement informé que près du fleuve de Kamang se trouvaient les vestiges d’un ancien fort, mais
je ne visitai pas l’endroit. Vers 6 heures, je m'arrêtai pour me reposer ; je dormis dans le bateau et
comme il n’y avait aucun endroit pour une seconde personne, mes hommes s'endormirent dans une
maison sur la rive droite du fleuve.
Le 8, nous ne pûmes faire que quelques milles, le fleuve étant ensuite obstrué par une grande
quantité d’arbres effondrés. Mes hommes durent fréquemment couper avec beaucoup de difficulté
les arbres et leurs branches en travers du fleuve ou soulever le bateau pour le faire passer au-dessus
de gros troncs qu’ils ne purent couper : ce fut assez dangereux à cause de la profondeur du fleuve.
Au coucher du soleil, je m'arrêtai dans un endroit désert ; mes hommes dormirent sous un arbre
près du fleuve sur la rive gauche ; je passai la nuit sur le bateau.
Le 9, vers neuf heures du matin, j’atteignis la jonction des deux fleuves Sayong et
Negaoyoung avec celui de Johor. Je fus ensuite informé que les deux étaient habités par des
Jakuns, mais comme il aurait fallu plusieurs jours pour les visiter, je continuai à remonter le fleuve.
Le soir, j’atteignis un endroit appelé Minkao où se trouvent les deux dernières maisons malaises
dans un kámpong sur la rive gauche en remontant le fleuve et où je trouvai également les premières
familles de Jakuns. Celles-ci regroupent à cet endroit trente personnes. Sur le côté opposé, dans un
autre kámpong nommé Kanmpong Ynass, se trouvent également cinq familles Jakuns.
La pluie incessante me força à rester sur place deux jours. Le fleuve ne fait pas ici plus
de 20 à 25 pieds de largeur, mais il est très profond. Je notai que le fleuve de Johor depuis sa source
jusqu’à Menkao était appelé Sayon Besár par les aborigènes, alors qu’ils donnent le nom de Sayong
Kechil au fleuve Sayong que j’ai mentionné précédemment.
Durant mon séjour à cet endroit, je fus informé que le grand panghulu batín qui règne sur
tous les Jakuns habitant cette partie du territoire de Johor résidait à environ deux heures de là. Les
Malais qui m’avait amenés ici refusant d’aller plus loin, je le fis chercher. Le matin suivant, il
arriva avec six autres Jakuns ; il promit de me donner des hommes pour me conduire par voie de
terre à l’extrémité du fleuve Banut. Je commençai donc avec lui dans un petit bateau, afin de me
rendre à sa maison. Lorsque je quittai les Malais pour me confier aux Jakuns, je me sentis assez à
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l’aise : j’étais très satisfait de me retrouver à nouveau parmi des personnes que je savais être
parfaitement honnêtes et tout à fait inoffensives. J’étais à peine parti qu’une pluie lourde se mit à
tomber, qui continua jusqu’au soir ; nous poursuivîmes néanmoins notre remontée du fleuve
pendant une heure environ, jusqu’à ce que la pluie devint si violente que le Batin déclara qu’il était
impossible d’aller plus loin. Nous nous arrêtâmes à une maison Jakun sur la rive droite du fleuve,
qui ne fait à cet endroit pas plus de huit ou dix pieds de largeur mais se trouve cependant très
profond. Les branches des arbres barrant le fleuve nous ayant empêché de conserver une protection
au-dessus du bateau, nous étions tous mouillés et dans un état fort désagréable. Nous allumâmes
des feux à différents endroits afin de nous réchauffer et de nous sécher. Plusieurs de mes hommes
se sentirent mal toute la soirée. Deux heures après mon arrivée à cet endroit, le Batin fut pris d’un
grave accès de fièvre ; le garçon Indo-Portugais eut également une attaque, mais légère. Je
m’inquiétai pour eux ; le franc appétit qu’ils manifestèrent chacun le lendemain matin au
petit-déjeuner me remonta le moral. Ce jour, je me rendis à la maison du Pánghulu Batin, qui est à
l’intérieur de la jungle, à près d’une heure de marche de la rive du fleuve. Je m’y arrêtai deux jours
que je passai à visiter des kampungs de Jakuns voisins et à collecter des informations concernant
l’endroit. On m’indiqua que la source du Sayon Besar, autrement dit, le fleuve de Johor, n’était pas
loin de là, près d’une colline que l’on me montra du doigt mais que je ne pus apercevoir. Selon
cette indication, elle devait se trouver approximativement au centre de la péninsule, vers la latitude
de l’embouchure du fleuve Sídílí. Je souhaitai vivement remonter ce fleuve à sa source, mais les
Jakuns m’indiquèrent que c’était impossible en raison de la grande quantité d’arbres tombés qui
l’obstruaient totalement.
Le Bátin dont j’ai fait mention est un vieil homme d’environ quatre-vingt ans ; il est désigné
en bonne et due forme par le sultan de Johor et par le temenggong de Singapour pour régner sur
deux à trois cents Jakuns résidant dans un périmètre d’environ une journée de marche à partir de sa
maison ; cette charge lui fut conférée environ quinze années auparavant, par deux documents écrits,
le premier authentifié par le sceau du sultan et le second par celui du temenggong. Au même
moment, il reçut de chacune de ces deux autorités une lance parée d’or et d’argent comme insigne
de sa fonction de batín. Lorsque je demandai à voir ces documents, on me répondit : sudá makán
apí — ils sont brûlés ; quant aux deux lances, comme elles étaient bien plus précieuses pour ces
enfants de la nature qu’une lettre morte dont ils ne pouvaient comprendre la moindre portion, elles
furent conservées plus soigneusement et quotidiennement utilisées.
Avant que je ne poursuive le récit de mon voyage, je dois dire quelques mots concernant le
fleuve de Johor. Ce fleuve est probablement le plus grand de la péninsule. A son embouchure, il
atteint environ trois milles de largeur ; au niveau d’une île appelée Pulo Layang, soit quelques
milles en amont de l’ancienne ville de Johor, il fait encore deux milles de largeur ; après les
deux îles appelées Pulo Kayu Kechil et Pulo Kayu Besar, il fait entre 200 à 300 yards de largeur,
mais après, il se rétrécit rapidement, de sorte que quelques milles en amont, à la jonction du petit
fleuve Kamang, il ne fait pas plus de 30 yards. Il se réduit ensuite très peu en largeur jusqu’à
Menkao où j’ai constaté qu’il faisait 25 pieds, puis quelques milles après, 10 seulement. Il
convient de noter que ce fleuve, ainsi que plusieurs autres fleuves de la péninsule que j’ai visités,
ne perdent pas en profondeur ce qu’ils perdent en largeur ; car j’ai trouvé 15 pieds d’eau à Menkao
où le fleuve ne fait pas plus de 25 pieds de largeur. Johor peut donc être considéré comme
navigable même pour les bateaux de grande taille jusqu’à la proximité de sa source s’il peut être
débarrassé des arbres qui l’obstruent. J’ai remarqué que la jungle qui couvre les rives du fleuve
abonde en rotangs, principalement dans la partie supérieure ; il s’y trouve aussi quantité de bois de
dammar et de garao. Ces quelques matières premières sont dans une faible mesure collectées par
les Malais, mais en bien plus grande quantité par les Jakuns qui les échangent avec les Malais
contre du riz, des habits, etc. Elles sont transportées par les Malais à Johor où plusieurs marchands
chinois les achètent et les apportent au marché de Singapour. Les rives du fleuve de Johor sont
presque désertes et l’on y rencontre pour seules habitations quelques maisons malaises
généralement fort éloignées les unes des autres. Il peut arriver au voyageur d'avancer une
demi-journée voire une journée entière sans en rencontrer la moindre. Il n’existe rien qui
s’apparente à un village, à l’exception de celui de Johor. Mais en l’absence d’êtres humains, on
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rencontre un grand nombre de bêtes sauvages des deux côtés du fleuve. Nous aperçûmes plusieurs
tigres ; et les nombreux endroits où nous observâmes leurs empreintes près de l’eau ne purent
laisser le moindre doute quant à la présence de cet animal féroce qui doit s'y trouver en grand
nombre. Ce fait est également confirmé par les Malais ; plusieurs d’entre eux m’assurèrent que
durant les six derniers mois précédant ma visite, cinq Malais furent dévorés par des tigres sur les
rives du fleuve, et un dans un bateau sur l’eau, car m’assurèrent-ils, l’un des cinq Malais
précédemment mentionnés fut emporté hors de son bateau par l’animal alors qu’il dormait la nuit.
Le 14, je quittai la maison du batín pour atteindre l’extrémité du fleuve Banut. Le Bátín
avait pendant longtemps essayé de me dissuader d’aller plus loin en m’assurant qu’il se trouvait
plusieurs endroits où un gentleman ne pouvait passer. Je lui demandai s’il était lui-même déjà
passé. Il me dit qu’il avait l’habitude de le faire. «Fort bien», répondis-je, «partout où l’homme
peut passer, je passerai aussi» — et nous partîmes. Je dus prendre cinq Jakuns pour porter mes
bagages si insignifiant qu’ils fussent, car chaque homme ne pouvait porter qu’une très faible charge
en raison de la difficulté du voyage. Nous passâmes une partie de la matinée à traverser un pays
couvert d’herbe sauvage qui atteignait huit ou dix pieds de hauteur ; le sol était bas et couvert d’eau
dans laquelle poussait cette herbe. Nous poursuivîmes notre trajet, avec pendant un long moment
de l’eau boueuse jusqu’aux genoux ; un peu après, l’eau monta jusqu’aux cuisses et nous nous
retrouvâmes pour finir dans de la boue et de l’eau jusqu’à la taille. Je commençai à croire que ce
que le batín m’avait dit était vrai, mais avant de faire demi-tour, je demandai à mes guides si la
profondeur du bourbier allait s’accroître. Comme ils répondirent que nous nous trouvions à présent
dans la partie la plus profonde, nous continuâmes notre chemin et environ une demi-heure après,
nous retrouvâmes sur du sol sec. Nous empruntâmes un sentier de bonne qualité, mais ne purent
l’apprécier fort longtemps, car à peine une demi-heure s’était écoulée que nous fûmes obligés de
retourner dans la boue à nouveau. En l’absence de sentier, nous suivîmes un petit cours d’eau
terreux. La boue ou l’eau ne dépassait pas nos genoux et nous aurions pu marcher assez loin si une
autre entrave ne s’était pas présentée. Elle fut occasionnée par le rotang épineux qui croît
abondamment à cet endroit. Les feuilles et les branches qui tombent chaque année de cet arbre et
pénètrent la boue au fil du temps doivent être une sérieuse gêne pour le voyageur contraint de se
déplacer pieds nus. Cet inconvénient ajouté aux branches et aux épines des arbres auxquelles les
vêtements s’accrochent de tous les côtés rendent le voyage très difficile. Nous passâmes ainsi près
de trois heures à marcher pour ne faire me semble-t-il pas plus d’un 1,5 mille. Vers 3 heures de
l’après-midi, nous parvînmes à un kampung habité par des Jakuns, constitué de trois maisons,
cinq familles et dix-huit personnes. Ces Jakuns ont occupé le lieu depuis de nombreuses années ;
ils possèdent un grand kampung cultivé bien approvisionné en mangoustiers, champadah et autres
types d’arbres fruitiers. Je remarquai de la même manière un certain nombre d’aréquiers et de
cannes à sucre, ainsi qu’un grand champ de riz paddy.
Les Jakuns de cet endroit sont les plus confortablement installés que je n’aie jamais
rencontrés. Je fus chaleureusement accueilli par les résidents de ce lieu solitaire et mon arrivée fut
l’occasion d’une fête. Toute la population du kampung se réunit dans la plus grande maison,
celle-là même dans laquelle je m’étais déjà établi, des gâteaux de plusieurs sortes furent cuisinés et
des kladees furent préparés avec plusieurs sauces ; on tua une volaille et me l'offrit ; toute la soirée
se passa à converser avec entrain et à chanter au son des tambours. On m’indiqua que l’endroit
était entièrement solitaire, la maison la plus proche étant celle du batín que j’avais quittée le matin
et que de tous les autres côtés, il ne se trouvait aucune maison plus proche que celle sur le fleuve de
Banut où j’avais l’intention de me rendre et qui pouvait être atteinte en trois jours par un sentier de
qualité tolérable au travers de la jungle épaisse. Le jour suivant, les propriétaires de l’endroit me
donnèrent une volaille, des kladees, et d’autres légumes. Comme l’un d’eux remarqua que mon
Chinois se plaignait beaucoup du poids de sa charge, il se porta volontaire pour se joindre à nous
jusqu’au fleuve Banut ; j’acceptai volontiers et partis après avoir donné quelques objets en
dédommagement de l’hospitalité reçue.
Nous empruntâmes d’assez bonnes routes et bénéficiâmes d’un temps convenable jusqu’à
deux heures de l’après-midi lorsqu’un lourd orage éclata. Les Jakuns me dirent qu’il était
- 51 -
impossible d’avancer plus loin ce jour-là et disparurent tout à coup ; je fus d'abord très inquiet, puis
les vis revenir, chacun portant une grande botte de feuilles de chucho qui servit à bâtir une sorte
d’abri en quelques minutes. Nous allumâmes un feu afin de sécher nos vêtements ; la pluie
continuant jusqu’à la tombée du jour, nous nous serrâmes les uns contre les autres pour y passer la
nuit, quoique de manière très inconfortable. Vers 9 heures, nous reçûmes la visite d’un tigre, qui
ne nous nuisit pas ; il passa près de moi et du garçon Portugais et poursuivit son chemin
silencieusement ; nous entendîmes son rugissement dans le voisinage, mais ne le revîmes plus. Le
jour suivant, le garçon Portugais me dit qu’il avait été si effrayé par la vue du tigre qu’il n’avait pu
dormir de la nuit.
Le 15, nous marchâmes toute la journée, et rien ne se produisit qui vaille d’être noté ; nous
nous arrêtâmes dans un endroit désert et dormîmes comme la nuit précédente.
Le 16, vers 2 heures de l’après-midi, nous parvînmes à un endroit nommé kampung Banut où
se trouvait autrefois un village habité par des Jakuns : leur nombre avait probablement été
considérable, car une grande partie du sol avait été dégagée et cultivée. Mes guides me dirent que
l’insalubrité de l’endroit avait forcé les habitants à l’abandonner il y a quelques années ; la jungle
avait déjà repoussé ; d'ici quelques années, on peut prévoir qu'il ne sera guère possible de distinguer
cet endroit de la forêt la plus épaisse. Au coucher du soleil, nous parvînmes à l’endroit où les
Jakuns de Banut résident à présent. La population de ce lieu s’élève à quatre-vingt personnes que
dirige un chef nommé panghulu. Toutes habitent des maisons confortables et cultivent beaucoup
de riz ; ce grain, avec des kladees et quantité de poissons qu’elles attrapent dans le fleuve Banut
composent la quasi-totalité de leur nourriture quotidienne. Je fus reçu par le chef de la manière la
plus aimable et courtoise qui soit, et à sa demande expresse, je passai deux nuits dans la maison.
J’avais l'intention d'aller de là à l’extrémité du fleuve de Batu Páhát (le Rio Formosa des Portugais)
et j’avais déjà donné mon accord pour un guide et des coolies, lorsque mon garçon portugais et
mon Chinois déclarèrent qu’ils ne pouvaient continuer le trajet par voie de terre. Leurs pieds se
trouvaient en piteux état ; c’était l’effet de la morsure d’une sorte de sangsue que les Malais
appellent Puchat. Comme je n’ai jamais vu ce danger signalé dans aucun écrit, je vais le
mentionner ici. Ces sangsues sont d’un genre particulier, petites en taille mais très nombreuses
dans la jungle. On les rencontre principalement par temps humide ; les personnes qui ne sont pas
habituées à voyager dans la jungle souffrent parfois beaucoup de leur morsure, qui est
particulièrement dangereuse parce que très souvent, on ne la sent pas, ce qui leur donne assez de
temps pour saisir la chair avant d’être perçues ; habituellement, le sang continue de s’écouler bien
après qu’on les retire et les blessures qu’elles causent sont difficiles à guérir : j’ai vu des plaies
provoquées par ces sangsues qui restaient vives après plusieurs semaines.
L’état de mes deux hommes m’obligea à prendre une nouvelle résolution. Je tombai
d’accord avec le chef Jakun pour que l’on me fît descendre le fleuve jusqu’à proximité de la mer où
se trouve un petit village Malais régi par un panghulu. Il mit à ma disposition son propre bateau,
deux de ses fils et un troisième homme. J’avais espéré que le panghulu malais me fournirai des
hommes et un bateau pour me conduire au fleuve de Batu Páhát. J’avais l’intention de cette
manière d’entrer à nouveau à l’intérieur de la péninsule et de reprendre mon premier voyage prévu.
Le 18, je quittai les Jakuns de Banut : deux jours et demi passèrent à descendre le fleuve. Le
bateau ne permettant pas d’y dormir, je passai deux nuits sur la rive et le sol des deux côtés du
fleuve étant généralement bas et couvert d’eau à une profondeur considérable, nous coupâmes des
pieux fourchés et y plaçâmes des bâtons en travers, afin de nous procurer un endroit sec où dormir.
Nous ne subîmes aucune autre nuisance durant la nuit, hormis la pluie d’un orage qui éclata sur
nous.
Le troisième jour, j’arrivai au village malais. Le chef se trouvant dans son champ de paddy
dans un kampung situé quelque milles en amont d’un petit fleuve nommé Pingan, je fus obligé de
me rendre à cet endroit. J’atteins l’habitation du panghulu vers deux heures de l’après-midi. Le
titre de ce chef est panghulu Kissang, car il gouverna pendant de nombreuses années une petite
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zone dans le fleuve du même nom. C’est un vieil homme de plus de quatre-vingt ans ; ses yeux
semblent annoncer la duperie et la fausseté, sous un masque d'apparence calme. Ses enfants
forment à la troisième et quatrième générations une nombreuse famille. D’après des informations
que je reçus concernant ce personnage quelques jours après mon arrivée à Malacca, je suis porté à
croire que lui-même et toute sa famille ont mauvais caractère. Ils sont considérés comme des
pirates et le fils aîné du vieux père fut pendu il y a quelques années à Pinang pour piraterie et pour
meurtre. Je n’étais pas conscient de cela lorsque j’arrivai à sa maison, mais j’eus rapidement
l’occasion de connaître ces gens.
Le panghulu ne se trouvait pas à la maison lorsque j’arrivai ; plusieurs personnes de sa
famille me dirent qu’il était parti pêcher et devait revenir quelques heures plus tard. Elles
m’assurèrent qu’il n’y aurait pas de difficulté à trouver un bateau et des hommes pour me conduire
où je le souhaitais. Après une telle promesse, je payai les Jakuns pour leur peine et les renvoyai
chez eux ; mais à peine furent-ils partis que la conduite des Malais changea soudain. Plus de
moyen de trouver ni bateau ni homme ; et à l’arrivée du panghulu, les difficultés s’amplifièrent.
Mon garçon portugais, ayant observé le comportement des Malais, me dit : «Monsieur, vous vous
trouvez entre les mains de mauvaises gens.» Les événements confirmèrent peu après l’exactitude
de son opinion. Le panghulu, sous plusieurs prétextes, refusa de fournir ni bateau ni homme ; il me
dit finalement tout nettement qu'étant donné qu’il ne m’avait pas invité à venir ici, ce n’était pas à
lui de m’en faire partir. J’exhibai la lettre du sultan. Il considéra qu'étant placé sous la seule
autorité du temonggong, il n’était en rien tenu d’obéir aux ordres du sultan. J’essayai d’établir un
accord avec d’autres Malais, mais connaissant l’intention du chef, ils refusèrent quelque
arrangement que ce soit. Je demandai de la même manière un homme pour envoyer une lettre à
Singapour. Cela me fut refusé également, malgré une bonne récompense.
Le panghulu me garda une semaine dans une petite maison au milieu d’un champ de paddy à
l’écart de toute habitation ; il espérait que je me fatiguasse rapidement d’une geôle si inconfortable
et proposasse une rançon considérable. Mes provisions dépensées, je demandai à acheter des
vivres frais ; on me fournit du riz et du sucre de canne ; pour la volaille et le poisson, le refus fut
catégorique. Au cinquième jour de cette mesquine captivité, un homme me fut envoyé par le
panghulu qui m’assura que j’étais libre de partir à condition de payer préalablement une certaine
somme d’argent. Je répondis : «Allez dire au panghulu qu’il ne pourra jamais se faire gloire de
m’avoir volé de l’argent.» Il objecta que je serai probablement obligé de rester là un long moment,
mais je lui dis : «Je n’y vois pas grand inconvénient, puisque je suis un homme seul, sans famille.»
Il me demanda répétitivement si j’avais peur des voleurs. «Pourquoi», lui dis-je, «devrais-je avoir
peur des voleurs, puisque je n’ai rien de précieux qu’ils puissent voler ?» Mais, disait-il, «ils
pourraient vous tuer» ; et je lui répondais : «Aurais-je eu peur de mourir que je ne serais pas venu
ici ; mais si je devais être attaqué, deux de mes ennemis mourraient sans doute avant moi,
regarde» — je montrai un pistolet à double barillet qui me servait contre les bêtes sauvages —, «il
pourrait être utilisé pour une telle occasion». Deux jours après, le même homme revint et après
avoir vainement tenté de m'extorquer de l’argent, me dit que je pourrai partir le jour suivant, mais
que les hommes qui m’accompagneraient seraient dix et devraient être bien payés. Je ne pouvais
imaginer la raison pour laquelle tant d’hommes étaient requis pour m’accompagner ; je soupçonnai
que, craignant que je pusse me plaindre d’eux après mon arrivée à Malacca, ils eussent
éventuellement l’intention de me jeter dans le fleuve ou à la mer, où cela pouvait être plus aisément
exécuté que dans le kampung ; ce soupçon en tête, je répondis que quatre ou cinq hommes suffisant
bien, je n’en prendrai pas un de plus. Il alla voir le panghulu et me dit en revenant que le bateau
serait prêt le jour suivant.
Le soir du même jour, nous remarquâmes que tous les hommes du kampung s’étaient retirés
dans la maison du panghulu. Ils y passèrent la nuit ; ils firent un bruit épouvantable, dont je ne
connus pas la cause. Plusieurs nuits de suite, nous ne dormîmes que très peu, gardant l’oeil ouvert
en cas d’attaque et soutenus dans notre surveillance assidue par les moustiques qui s'y trouvaient en
grand nombre ; mais la dernière nuit, la manière mystérieuse dont toute la population de l’endroit
se retira dans la maison du panghulu excita plus encore notre attention. Vers minuit, je commençai
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à somnoler lorsque mon Chinois me réveilla en disant que de nombreux hommes étaient venus et se
trouvaient sous la maison où ils parlèrent un certain temps à voix basse, sans que l’on pût
comprendre la signification de leur conversation. Mes deux hommes apparurent très apeurés,
considérant comme ils me le dirent que ces gens ne pouvaient venir à pareille que dans de mauvais
desseins. Mais la conversation qui avait attiré notre attention ayant cessé, nous restâmes coi le
reste de la nuit et n’entendîmes rien d’autre hormis le bruit qui se poursuivit dans la maison du
panghulu.
Le jour suivant vers dix heures du matin, le bateau était prêt et nous nous préparâmes à
partir. J’eus la surprise de trouver le panghulu et sa famille visiblement apeurés et présentant de
longues et pénibles excuses pour n’avoir pas pu, disait-il, me procurer de bateau plus tôt. Je
suppose qu’il appréhendait que je me vengeasse contre lui après mon arrivée à Malacca.
Le fleuve a sa source vers le centre de la péninsule. Un bateau peut aller de sa source à la
mer en trois jours et je suppose qu’il en faudrait cinq pour le remonter. Il est très tortueux de sa
source jusqu’à l’habitation des Jakuns, mais peu profond. Je le croisai à plusieurs endroits, l’eau
m’arrivant tout juste aux cuisses. Depuis le kampung des Jakuns jusqu’à la mer, il est en revanche
profond ; à beaucoup d’endroits, je ne pus atteindre le fond avec un bâton de trois brasses. Les
deux rives sont si basses que le vrai canal du fleuve ne peut que difficilement se deviner : les
nombreux grands arbres qui poussent au milieu du fleuve en perdent aisément le lit. Les bateaux
doivent voguer parmi ces arbres à la manière d’un voyageur dans la jungle qui n’a pas de sentier :
un courant toujours rapide allié à ces difficultés rend la navigation dangereuse. Il serait
certainement très imprudent d’entreprendre ce parcours sans un guide familier de l’endroit. Les
Jakuns qui me guidèrent, pourtant bien habitués à la région, se perdirent plusieurs fois. A environ
cinq milles de son embouchure, le fleuve est dégagé de tout arbre et s’ouvre un horizon plus
clément. Les rives sont maintenant hautes et une grande partie des sols voisins furent autrefois
cultivés bien qu’ils se trouvent maintenant presque entièrement abandonnés. Un nombre
considérable d’alligators que l’on rencontre à l’embouchure du fleuve et quelques milles plus loin
étonne le voyageur qui le parcourt la première fois. Le fleuve de Banut abonde en poissons et
tortues de très grande taille. Mes guides attrapèrent plusieurs grands poissons et une tortue qui ne
pesait pas moins de 60 livres.
A environ trois milles de l’embouchure du fleuve, du côté gauche en descendant vers la mer,
se trouve un petit village appelé Banut constitué d’environ douze à quinze maisons éparpillées sur
un espace d’environ un mille. Un prêtre mahométan y réside ; il s'y trouve aussi une mosquée,
mais en piteux état.
A environ un mille de la mer, également sur le côté gauche en descendant le fleuve, se situe
la jonction avec le petit fleuve Pingan ; environ deux milles plus haut se trouve un kampung ou
petit village appelé Pingan constitué de huit ou neuf maisons ; ce village n’est habité qu’une partie
de l’année. Les habitants de Banut y viennent planter du riz et retournent après la récolte à leurs
habitations ordinaires. Le fleuve Banut est donc habité par deux types d’hommes : les Malais,
environ quarante à cinquante personnes, habitent la partie inférieure ; les Jakuns, au nombre de
quatre-vingt environ, se trouvent dans la partie supérieure. Le grand intervalle qui sépare ces
deux populations est entièrement déserté.
Remarques générales sur l’intérieur de la partie sud de la péninsule
A partir des observations que j’ai effectuées au cours de ce voyage et de plusieurs autres
réalisés à l’intérieur de la péninsule, je suis porté à la considérer de la manière suivante.
Cette partie de la péninsule malaise comprise entre d’une part, une ligne imaginaire à droite
partant de l’embouchure du fleuve Cassang sur la côte ouest passant par le mont Ophir et se
terminant sur la côte est à mi-chemin entre le fleuve Sedíllí et le fleuve Pahang et d’autre part,
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Point Romania, peut pratiquement être considérée comme un vaste désert. Seuls quelques Malais
se trouvent à quelques endroits sur la côte et à peu près le même nombre sur les rives des fleuves ;
un petit nombre de Jakuns habitent enfin l’intérieur. Je suppose que toute la population de cet
immense territoire n’atteint pas un sixième ou un septième de la population de la seule île de
Singapour. Les principaux villages malais sont les suivants : — un sur la côte ouest à Padang près
de l’embouchure du fleuve Muar ; une quantité considérable de fruits était autrefois exportée de cet
endroit, mais une grande partie des arbres fruitiers ayant été détruite par des éléphants il y a
quelques années, l’activité est maintenant très faible ; un sur Batu Pahat, ou Rio Formosa, d’où
s'exportent l’ébène et le rotin ; le village de Johor sur le fleuve du même nom ; enfin un autre que
j’ai visité sur le fleuve Sedillí sur la côte est.
Les principales habitations des Jakuns se trouvent à l’extrémité supérieure des fleuves de
Johor, Banut, Batu Pahat et Muar.
L’intérieur de cette partie de la péninsule est généralement bas en altitude et à certaines
périodes de l’année se recouvre d’eau dans de nombreux endroits. Une forêt majestueuse et
auguste qui s’étend sur la quasi-totalité de cette immense espace borne continuellement la vue du
voyageur, même lorsque celui-ci se tient sur les collines que l'on rencontre quelquefois, quoique
rarement. L’obscurité provoquée par l’épais feuillage des grands arbres et le calme sourd souvent
joint au murmure bourdonnant des ruisseaux rocailleux inspirent les plus mélancoliques rêveries,
alors que la vue de certains vieux arbres tombés rappelle à l’esprit la fin de toute chose terrestre et
offre au voyage un objet approprié pour la méditation philosophique. Les oiseaux qui, par leur
langage mélodieux, pourraient élever l’âme à quelques réflexions légères et joyeuses se trouvent là
en petit nombre. Les habitants les plus nombreux de cette terre sont les bêtes sauvages. La
panthère, appelée à tort tigre noir par les Malais, est l’une des plus courantes. Le tigre royal semble
aussi présent en grand nombre. Les éléphants se trouvent en troupeaux, mais à certains endroits
uniquement. On m’avait dit qu’il ne se trouvait pas d’ours dans la péninsule, mais j’ai été
convaincu du contraire par mes propres sens. On me dit que les rhinocéros se rencontrent dans la
partie la plus dense et la plus basse de la forêt, mais je n’en ai jamais vu. Je n’ai vu que quelques
serpents, quoi que les Jakuns m’assurent qu’ils sont très nombreux ; ils rencontrent souvent une
espèce qu’ils appellent ular sáwáh, qui se trouve être le boa, dont certains font la taille du corps
d’un homme et peuvent avaler un buffle29.
La végétation de l’intérieur de la péninsule est l’une des plus luxuriante que l’on puisse
rencontrer : les arbres poussent jusqu’à atteindre la plus grande taille possible.
Parmi les arbres fruitiers, le durian est l’un des plus remarquables ; il pousse dans la partie la
plus dense de la forêt, sans aucune culture : le mangoustanier sauvage et le ramboutan se trouvent
également à de nombreux endroits et leurs fruits sont de qualité à peine inférieure à ceux cultivés
en jardin.
L’intérieur de la partie de la péninsule dont je parle à présent est sans conteste très
productive. Toutes les endroits bas paraissent convenir pour la culture du riz : et je n’ai pas de
doute que la canne à sucre réussirait à certains endroits, principalement là où l’on trouve le type de
palmier que les Malais appellent nibong. J’ai vu dans plusieurs cas de la canne à sucre d’une
luxuriance extraordinaire, bien qu’après avoir été plantée par des Jakuns, elle n’eût bénéficié que
de très peu d’attention.
Il est probable que le pays soit riche en or et en étain : à tout le moins, le fait de son existence
à plusieurs endroits me conduit à croire qu’on pourrait en trouver à d’autres endroits. Il existe des
29 Le serpent signalé dans le Journal de l’archipel indien, alors qu’il ne faisait pas plus de trois pouces de diamètre
au niveau de la partie la plus épaisse du corps, avala un cochon de plus de cinquante livres.
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mines d’étain sur les rives du fleuve Johor. Plusieurs nouvelles mines ont été récemment
découvertes dans des portions de sol qui se trouvent entre les deux fleuves de Muar et de Cassang ;
et tout le monde a conscience de la quantité d’or qui est extraite chaque année des mines du mont
Ophir, pourtant exploitées sans les moyens appropriés et par quelques personnes seulement.
Une grande partie des nombreux fleuves qui se jettent à la fois sur la côte est et la côte ouest
serait navigable au centre de la péninsule s’ils étaient débarrassés des arbres chus qui les obstruent
et l’exportation du produit du sol cultivé et des mines serait ainsi rendue très aisée.
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ANNEXE 15
J. T. THOMSON, DESCRIPTION OF THE EASTERN COAST OF JOHORE AND PAHANG, AND
ADJACENT ISLANDS, JOURNAL OF THE INDIAN ARCHIPELAGO AND
EASTERN ASIA, VOL. V, P. 83 (1851)
Description de la côte orientale de Johor, de Pahang et des îles adjacentes
Par J. T. Thomson, membre de la Société géologique royale
Les notes dont les descriptions suivantes sont tirées furent prises par mes soins durant le
temps où je fus employé à établir le levé hydrographique sur ces côtes et ces îles. Je quittai
Singapour à bord du vapeur Hoogly de l’honorable Compagnie commandé par le capitaine
Congalton, le 5 juillet 1849. Nous commençâmes les opérations le 7 et le Hooghly resta
jusqu’au 15 du même mois, lorsque la canonnière Charlotte envoyée par les autorités vint pour
rappeler ce vaisseau à Singapour. Durant la période du séjour du Hooghly, le capitaine Congalton
et M. Stewart, officier en chef, prirent chacun leur part aux tâches d’hydrographie, mais à leur
départ, je restai dans le Charlotte, un vaisseau de 23 tonnes transportant deux canons de 6 livres et
vingt-sept hommes pour terminer ce qui avait été commencé. Durant le temps de la présence du
Hooghly, nous nous confinâmes aux côtes entre Sidili et Kaban — et à son départ, je poussai
jusqu’à Pulo Aur, dont j’ai déjà fourni un croquis dans les pages de ce journal. De Pulo Aur,
j’avançai jusqu’à Pulo Tioman, de là à Pulo Berallah et après cela, je continuai à établir le levé
hydrographique de la côte de la péninsule malaise et des groupes d’îles à proximité. A la fin de
juillet, nous fûmes forcés de retourner à Singapour pour des approvisionnements et y parvînmes le
premier août. Durant le mois d’août, je fus engagé au levé hydrographique du fleuve de Johor et de
l’estuaire, au terme duquel je me remis en route à bord du Charlotte pour la côte est. Je quittai
Singapour le 12 septembre et revins, au terme du levé, le 5 octobre.
Géographie. Le territoire de Johor occupe l’extrême sud de la péninsule malaise ; sur sa côte
est, il est borné au nord par le territoire de Pahang. Le premier Etat est gouverné par le tomungong
de Johor, qui réside maintenant à Singapour, et le deuxième par le bindahara résidant à Pahang. Je
ne parvins pas à établir précisément la limite entre les deux Etats. Il est de conséquence naturelle
qu’il se trouve des terres sujettes à discussion là où le pays est complètement improductif et
inhabité. Le dernier fleuve d’importance qui reconnaisse indubitablement la suprématie de Johor
est Sidili Besar, mais je fus informé que Sungei Merising, petit bras de mer et fleuve à l’opposé de
Pulo Babi, appartenait aussi à Johor, mais cela reste incertain. Le dernier fleuve d’importance dans
Pahang qui appartient indubitablement à ce territoire est le fleuve Indau. Un pays couvert par une
forêt dense occupe l’intervalle entre Sidili Besar et Indau. Il détient 50 milles géographiques de
côte dans lesquels ne se trouve aucun habitant installé et les quelques récoltants de dammar et de
rotin qui fréquentent ses jungles réclament la protection de l’un ou l’autre chef selon la commodité.
Le groupe d’îles qui s’étend à l’écart de la côte à une distance de 30 milles géographiques en
commençant à Tokong Eu et en se terminant à Pulo Beralah appartient incontestablement au
Pahang dans la mesure où tous leurs habitants reconnaissent le Raja comme étant leur chef et lui
paient un tribut annuel. Tanjong Leman, une pointe de terre près de la plus méridionale de ces îles
de Pahang constituait parmi les habitants la limite la plus généralement admise entre les
deux territoires, et elle apparaîtrait comme la plus naturelle étant donné que les îles voisines au
nord de cette pointe appartiennent, comme indiqué auparavant, à Pahang.
Si Tanjong Leman était admise comme la limite des deux états, la côte est de Johor
s’étendrait du point situé par 1° 22' de latitude nord au point situé par 2°09' de latitude nord, avec
une côte de 40 milles géographiques s’étendant dans la direction du N.N.O. Je n’ai pas visité toute
la côte de Pahang, mon levé s’étant limité à la côte à l’intérieur de l’espace contenu entre Tanjong
Leman et Tanjong Batu à lat. 3° 10' N. sur une distance en direction du N.N.O. de 70 milles
géographiques. Tanjong Batu se trouve environ 10 milles au sud du fleuve Pahang.
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Quelques îles se trouvent à proximité de la côte. En partant du nord, leurs noms sont les
suivants : Dochong, Kompet, Lalang Leiar, Tonas, Kaban, Tudong Kaban, Ujul, Mau, Pochong,
Gaja Stenan et Blana. Deux chaînes d’îles se trouvent à l’écart de la côte, qui peuvent être décrites
comme la chaîne externe et la chaîne interne. La première se trouve à 30 milles géographiques de
la côte et la deuxième à 8 ou 10 milles. Ces deux chaînes courent presque parallèlement à la côte
de la péninsule malaise et sont de longueur presque égale, à savoir, de 40 milles géographiques.
Configuration, etc., de la côte et des îles. La côte suit une ligne presque droite depuis
Tanjong Penyusoh jusqu’à Tanjong Peniabong près de Pulo Kaban. Des baies faiblement
échancrées avec des plages de sable alternent tout au long de cette distance avec des pointes
rocheuses ; de là s’étend vers le nord une profonde baie de sable jusqu’à Pahang. La terre entre
Penyusoh et Kaban est modérément élevée — mais au nord de la dernière pointe, la côte est basse
et apparemment marécageuse sur plusieurs milles à l’intérieur des terres. L’eau sur la côte devient
progressivement plus profonde, en atteignant généralement 4 brasses à une distance d’un mille de
la côte et en descendant à 10 brasses à une distance de 6 à 8 milles. Près de la côte, comme je l’ai
déjà indiqué, se trouvent plusieurs petites îles ; la principale est Pulo Kaban, d’1,5 mille de
longueur mais étroite en largeur. Cette île forme avec le continent un détroit appelé «Blair’s
Harbour» dans les cartes de Horsburgh. La meilleure entrée de ce port se trouve entre Tonas et
Kaban ; dans l’entrée qui mène à l’ouest de Pulo Leiar, l’îlot le plus au nord, se trouve un roc
dangereux qui n’est visible qu’à marée basse. A Pulo Kaban, nous trouvâmes de l’eau potable mais
comme il s’agissait de la saison sèche, seulement de très petites réserves ; une bonne réserve peut
se trouver près de Pulo Mau, sur le continent. A 10 milles géographiques au sud de Pulo Kaban se
trouve Pulo Gaja, remarquable par sa perforation. Pulo Beralah qui se trouve à 3° 14' N. à une
distance de 12 milles de la côte est la plus septentrionale que j’aie visitée ; elle est bien plus petite
que ne la représentent les cartes de Horsburgh en n’atteignant qu’environ 60 pieds de diamètre
et 40 de haut, cernée par quelques buissons. Elle s’avance vers le nord-est et comme elle se trouve
composée de matières fragiles, elle ne survivra probablement pas un autre siècle au laminage par
les vagues de la mousson du nord-est. Les vaisseaux qui viennent du nord doivent passer par Pulo
Beralah avant d’entrer dans le canal formé par la côte malaise et la chaîne interne des îles ; je l’ai
appelé le canal Sibu. Il est presque dénué d’écueil : les principaux sont le banc Margaret Shoal
situé à 2° 59' de latitude nord et à 103 °30' de longitude est, distant de la côte d’environ 4 milles, le
Batu Boyah au large de Pulo Dochong et Malang Morau qui se trouve à mi-chemin entre le
continent et Pulo Tingi. Le groupe le plus septentrional de la chaîne intérieure d’îles est celui dont
Pulo Siribuat forme l’essentiel. Pulo Siribuat est constituée de deux îles jointes à marée basse par
un récif de corail, son approche est sécurisée tout autour et la profondeur est d’environ 14 à
15 brasses à sa proximité. Les deux îles mesurent 3 milles d’est en ouest et 1 mille et demi du nord
au sud. Au sud de Siribuat se trouvent trois petits îlots appelés Pulo Mirtang, et à l’est un autre
appelé Santu. Siribuat est pratiquement dénuée de forêt et les îles à l’est ou plus grandes
contiennent de l’eau douce. Au milieu du canal entre Pulo Siribuat et Pulo Tioman se trouvent
deux groupes d’îlots et de rochers appelés Tokong Burong et Tokong Bara. Tokong est un terme
appliqué par les Malais de ces zones à tous les petits îlots sans arbre ou assez peu. A 10 milles au
S.S.O. de Siribuat se trouve le groupe Babi, dont Pulo Babi est la principale île, mais aussi la plus
méridionale. Elle mesure 2,5 milles de longueur et 1 mille de largeur. Certaines des îles de ce
groupe sont dépourvues de bois mais d’autres sont très boisées. A côté de Pulo Babi en direction
du N.N.O. se trouvent Babi Tingah et Babi Ujong et au nord à 4 à 7 milles de distance se trouvent
Pulo Rawa, Batu Kalabang, Pulo Goal, Pulo Mensirip et Pulo Gurong. A l’est de Babi, à 3 milles
de distance, se trouvent deux rochers appelés Malang Sakit Mata et Malang Tikus. Le terme
Malang est donné aux petits rochers qui ne sont pas recouverts à marée haute mais ne dépassent
que légèrement. A dix milles au S.O. de Babi se trouve Pulo Tingi, une haute île couverte de forêt
mesurant d’est en ouest 4 milles et du nord au sud 2 milles. On y trouve de l’eau potable sur son
côté ouest où il y a un bon mouillage ; le fleuve se trouve 100 yards au N.O. d’un petit bosquet de
palétuviers situé dans une petite baie. Pulo Tingi est bordée de plusieurs petits îlots à proximité de
ses côtés sud et est, leurs noms sont Pulo Penyumbang, Ibul, Lantin, Sembang, Appel, Mentigi et
Nangeh. Au sud-est de Pulo Tingi, une longue chaîne d’îlots s’étend sur une distance de 12 milles.
Je les inclus aussi dans le groupe Tingi. En partant du nord se trouvent Tokong Sangul, Pulo Lima
- 58 -
(remarquable par un rocher perforé sur son côté S.E.), Tokong Raket, Tokong Belelei (c’est un îlot
trompe, il est également perforé et le rocher en surplomb ressemble à cet appendice nasal), Tokong
Gatang, Tokong Chondong, Tokong Chupa et enfin Tokong Yu, déjà mentionnée pour le compte
de Pulo Aur.
La plupart de ces îlots sont arides et escarpés, quoique de petite taille. Le sondage avoisine
en moyenne les 10 brasses à l’intérieur de la chaîne et entre 18 à 20 brasses à l’extérieur. La
dernière des îles de la chaîne interne, qui est aussi la plus au sud, est Sibu, située à 5 milles au sud
de Pulo Tingi. Pulo Sibu est une longue île couverte de forêt qui possède une remarquable pointe
de sable sur sa côte S.O. où d’innombrables oiseaux de mer se nichent la nuit. La longueur de Sibu
sur l’axe N.O est de 3 milles et sa largeur bien moindre, en se réduisant à quelques yards à un
endroit. Les autres îles de ce groupe se trouvent au S.E. de l’île principale ; il s’agit de Tokong
Pappan, Sibu Tingah, Mallang Natcha, Sibu Kukus et Sibu Ujong. Le groupe peut être approché
sans risque par son côté N.E., à proximité, mais du côté S.O., il faut se tenir à un mille de distance.
Par temps sec, Sibu contient peu d’eau. De la chaîne externe d’îles, j’ai déjà décrit Pulo Aur.
Entre Pulo Aur et Pulo Tioman se trouve Pemangil (Pisang sur les cartes), une île très boisée,
inhabitée, mesurant 2,5 mille de longueur et 1,5 mille de largeur. Tioman est la plus grande et la
plus remarquable des deux chaînes, quoi que de moindre importance que Pulo Aur. Plus
populeuse, elle est escarpée, montagneuse et couverte d’une forêt haute ; elle compte peu
d’habitants, le sondage à sa proximité avoisine 20 à 25 brasses, elle n’est bordée par aucun écueil
immergé isolé mais peut aussi être approchée de près de tous les côtés. Sa configuration sur la
carte de Horsburgh est incorrecte, mais la description écrite dans le répertoire suffit parfaitement
pour le marin. Un bon mouillage se trouve à Tilo Joara durant la mousson du S.O. et les baies sur
le côté S.O. offrent un abri durant la mousson du N.E. Il existe six petites îles voisines ⎯ au sud
Pulo Geit, au N.O Pulo Chibeh, Labas, Sepoi et Tolei, et près de la côte ouest Pulo Pyah. La pointe
la plus proche de Tioman se trouve à 20 milles de la péninsule malaise ; elle fait 11 milles
géographiques de longueur (axe N.-S.) et sa plus grande largeur (E.-O.) atteint 6 milles
géographiques, elle se trouve entre les coordonnées 2° 43' et 2° 54' de latitude nord et 104° 09' et
104 °15' de longitude est (Greenwich). L’eau douce abonde à partir de n’importe lequel des
fleuves qui se jettent dans ses nombreuses baies. Sur la côte sud du Tioman se trouvent deux pics
ou pinacles remarquables que les anglais appellent les Asses Ears [Oreilles d’âne] et les Malais le
Chula Naga (Cornes de dragons) ; elles s’élèvent à partir du contrefort de l’une des montagnes
méridionales à environ 1500 pieds au-dessus du niveau de la mer ; de cette hauteur, sur un côté,
elles avancent à la perpendiculaire de 1000 autres pieds. Ces pics offrent un spectacle splendide
par l’aspect qu’ils donnent à l’île et forcent jusqu’au plus sceptique à l’émerveillement et à
l’admiration.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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ANNEXE 16
EXTRAITS DES TRAVAUX PRÉPARATOIRES DE LA LOI DES INDES NO VI DE 1852
Comprenant :
i) le procès-verbal de C. R. M. Jackson, avocat-général de l’Inde, en date du 23 octobre 1851
ii) le projet de loi en date du 24 octobre 1851
iii) la lettre en date du 24 octobre 1851 adressée au sous-secrétaire du gouverneur général
par A. R. Young, sous-secrétaire du gouvernement de l’Inde
iv) la lettre en date du 24 octobre 1851 adressée à W. J. Butterworth, gouverneur de l’île du
Prince-de-Galles, de Singapour et de Malacca, par F. J. Halliday, secrétaire du
gouvernement de l’Inde
v) la lettre en date du 12 novembre 1851 adressée à F. J. Halliday, secrétaire du
gouvernement de l’Inde, Home Department, par H. M. Elliot, secrétaire du gouvernement
de l’Inde auprès du gouverneur général
vi) un extrait d’une lettre en date du 1er novembre 1851 adressée au secrétaire du
gouvernement de l’Inde par le gouverneur de l’île du Prince-de-Galles, de Singapour et de
Malacca
vii) la lettre en date du 17 novembre 1851 adressée à F.J. Halliday, secrétaire du
gouvernement de l’Inde, par W.J. Butterworth, gouverneur de l’île du Prince-de-Galles,
de Singapour et de Malacca
Procès-verbal no 5 en date du 23 octobre 1851
de l’Honorable C. R. M. Jackson
J’ai rayé les 10e et 11e sections du projet de loi initial élaboré par le gouvernement des
Etablissements des détroits. Edicter qu’une amende devrait s’appliquer à un navire à perpétuité et
être recouvrable auprès de ce navire même si celui-ci se trouve entre les mains d’un acquéreur
innocent constituerait un fait inédit en matière de législation. Cette démarche tente d’assimiler une
amende à une servitude foncière, sans prendre en considération le fait qu’un navire est un bien
mobilier et que ses titres de propriété ne donneraient aucune indication de cette charge aux
acquéreurs. Les rigoureuses lois sur l’esclavage ne sont jamais allées encore jusqu’à déclarer
qu’un négrier, après avoir changé de propriétaire et une fois utilisé dans le cadre du trafic maritime
licite, restait passible d’une condamnation.
Le conseil législatif de l’Inde n’ayant pas le pouvoir de légiférer en matière de haute mer,
j’ai pensé qu’il était bon d’insérer la douzième section ; sans cette section, il pourrait être soutenu
que l’ensemble du détroit est la rade, et par conséquent que tous les navires le traversant devraient
s’acquitter du droit de péage.
- 60 -
[Note du transcripteur : un exemplaire imprimé du projet de loi en date du 24 octobre 1851
est joint au manuscrit ci-inclus et n’est donc pas transcrit ici. Aux fins de référence, la «douzième
section» mentionnée dans le procès-verbal de l’avocat général C. R. M. Jackson ci-dessus est
reproduit ici : «La présente loi ne saurait être interprétée dans le but de lever un droit de péage, ni
d’influer autrement, sur tout bâtiment traversant le détroit de Singapour et ne pénétrant pas dans
ledit port ni ladite rade de Singapour susmentionnés.»]
Lettre en date du 24 octobre 1851 adressée au sous-secrétaire du gouverneur général par
A. R. Young, sous-secrétaire du gouvernement de l’Inde
N°657
* Sec. du gouv.
du Bengale,
26 oct. 1849
Sec. ____
____,
19 mars 1850
et P. J. :
P. V. de
l’Honorable M.
Jackson en date
du 23 courant
* le 20 du mois
dernier
En référence à la dépêche de l’Honorable Directoire de la marine no 3
en date du 5 septembre 1849, il m’est demandé de faire suivre, pour
soumission à S. Exc. le gouverneur général, copies des documents indiqués
dans la *marge, ainsi que le projet d’une «loi visant à couvrir le coût d’un
phare sur Pedra Branca».
2e L’Honorable directoire a autorisé le prélèvement d’un droit de
tonnage sur la navigation dès qu’un feu serait allumé sur l’îlot rocheux
précité, et étant donné qu’il s’avère, d’après la copie ci-jointe d’une
*communication émanant du gouverneur des Etablissements des détroits,
que le feu en question sera allumé à partir du 15 courant, le président du
conseil a jugé opportun, au vu de l’urgence de l’affaire, de devancer
l’approbation du gouverneur général et d’autoriser la publication immédiate
du projet de loi sous la forme dans laquelle il en a été donné lecture ce jour
au conseil.
Veuillez agréer, etc.
- 61 -
Lettre en date du 24 octobre 1851 adressée à W. J. Butterworth, gouverneur de l’île du
Prince-de-Galles, de Singapour et de Malacca, par F. J. Halliday, secrétaire du
gouvernement de l’Inde
No 603
En référence à votre lettre no 22 du 13 juillet 1850 à destination du secrétaire du
gouvernement du Bengale, il m’est demandé de faire suivre le projet de loi ci-joint «visant
à couvrir le coût d’un phare sur Pedra Branca», et de vous prier de bien vouloir gratifier, le
cas échéant, le gouvernement suprême d’observations ou de suggestions relatives à ses
dispositions.
Min. de
l’Int. :
Cons. lég. :
Lettre en date du 12 novembre 1851 adressée à F. J. Halliday, secrétaire du gouvernement de
l’Inde, Home Department, par H. M. Elliot, secrétaire du gouvernement de l’Inde auprès
du gouverneur général
No 405
Il m’est demandé d’accuser réception de la lettre de M. le sous-secrétaire Young
no 657, en date du 24 du mois dernier, soumettant des documents et un projet de loi visant
à couvrir le coût d’un phare sur Pedra Branca, en levant un droit de tonnage sur la
navigation, et en réponse de vous faire part de l’approbation de S. Exc. le gouverneur
général quant à la publication du projet de loi.
Min. de
l’Int. :
Extrait d’une lettre en date du 1er novembre 1851 adressée au secrétaire du gouvernement de
l’Inde par le gouverneur de l’île du Prince-de-Galles, de Singapour et de Malacca
No 42
A dest.
du
gouv.
du
Bengale
8) Permettez-moi, en conclusion, de suggérer que le projet de loi, soumis conjointement avec
ma lettre en date du 13 juillet 1850, no 22*, portant sur le prélèvement des droits de phare, soit
publié rapidement, une fois qu’il aura reçu l’approbation de S. Exc. le gouverneur général au
conseil, en vue de couvrir les frais sus-mentionnés, et ceux qui seront engagés pour la mise en
place du bateau-phare, sur le 2 ½ fathom bank, dans le détroit de Malacca. La seule modification
que j’aie à proposer est que le montant des droits de phare devrait être porté à trois cents d’un
dollar par tonne pour tous les navires à phares carrés, sur le principe formulé dans la 2e clause du
projet de loi susmentionné.
- 62 -
Lettre en date du 17 novembre 1851 adressée à F. J. Halliday, secrétaire du gouvernement de
l’Inde, par W. J. Butterworth, gouverneur de l’île du Prince-de-Galles, de Singapour et de
Malacca
No 50
J’ai l’honneur d’accuser réception de votre lettre en date du 24 du mois dernier relative à un
projet de loi visant à couvrir le coût du phare de Pedra Branca, et me priant d’envoyer toutes
observations ou suggestions que je suis susceptible d’avoir à ce propos.
Le projet de loi a reçu toute mon attention, et me semble englober la fin désirée ; je
mentionnerais toutefois qu’il sera nécessaire, ainsi que je l’ai signifié dans ma lettre du 1er courant,
no 42, de faire passer les droits de tonnage de deux cents et demi à trois cents par tonne, en vue de
couvrir les frais de la balise flottante sur 2 ½ fathom bank.
Il est une erreur mineure que je me permets de mentionner, bien qu’elle soit négligeable. Je
fais allusion au mot «Pedro», qui devrait être en fait «Pedra», ou pierre dans la langue du Portugal,
pays par lequel, je n’en doute pas, ce rocher fut découvert en premier. Je crains que cette erreur ne
soit imputable au copiste de mon bureau.
Ministère de l’intérieur, 1851
Conseil législatif
Projet de loi
Visant à couvrir le coût d’un phare sur Pedro Branca,
Lu en conseil pour la première fois le 24 octobre 1851
Ordonné qu’il soit réexaminé après le 24e jour de janvier 1852
Le projet ci-dessous relatif à une proposition de loi a été donné en lecture au conseil pour la
première fois en date du 24 octobre 1851.
Loi no ___ de 1851
Loi visant à couvrir le coût d’un phare sur Pedro Branca.
Considérant qu’il a été jugé opportun, pour la sécurité et le guidage des navires naviguant
dans les mers de Chine, de construire un phare sur l’îlot rocheux nommé Pedro Branca, situé à
l’entrée orientale du détroit de Singapour ; considérant en outre que certaines sommes d’argent ont
été souscrites à cette fin par des individus privés, mais que celles-ci se sont révélées insuffisantes
pour couvrir les frais relatifs à la construction du phare ; considérant en outre que la Compagnie
anglaise des Indes orientales a accepté de construire ce phare, et d’avancer certaines sommes
d’argent pour l’achever, sous réserve que lesdites sommes d’argent leur soient remboursées par le
prélèvement d’un droit de péage sur les bâtiments et autres navires à phares carrés pénétrant dans le
port de Singapour ; considérant en outre que ledit phare a été construit par la Compagnie anglaise
des Indes orientales, et qu’il est souhaitable que les frais de construction de celui-ci, et de
fonctionnement d’un feu dans ledit phare, soient couverts par les sommes provenant de ce droit de
péage ; considérant en outre qu’il pourrait ultérieurement être jugé opportun de mettre en place
d’autres feux ou balises dans le détroit de Malacca ou ailleurs dans ses environs ;
- 63 -
il est déclaré ce qui suit :
I. Le phare susmentionné situé sur Pedro Branca portera l’appellation «phare Horsburgh», et
ledit phare ainsi que les dépendances s’y rattachant ou occupées pour ses besoins, et l’ensemble des
installations, appareils et équipements y afférents, deviendront la propriété pleine et entière de la
Compagnie des Indes orientales et de ses successeurs.
II. A compter du _________ jour de ________ 1852, chaque bâtiment ou autre navire à
phares carrés, d’une jauge de cinquante tonnes et plus, arrivant à, ou pénétrant dans, le port ou la
rade de Singapour depuis n’importe quelle partie du monde s’acquittera d’un droit de péage de
deux cents et demi d’un dollar par tonne pour chaque tonne de sa jauge ou de son tonnage
enregistrés, sous réserve qu’aucun bâtiment ni autre navire à phares carrés ne paient ce droit de
péage plus d’une fois pour chaque période de six mois calendaires.
III. Tous les bâtiments de guerre appartenant à Sa Majesté britannique, ou à n’importe quel
gouvernement ou Etat étranger, et tous les navires armés appartenant à la Compagnie anglaise des
Indes orientales, seront exonérés du paiement de ce droit de péage.
IV. L’administration et le contrôle dudit «phare Horsburgh», s’appliquant aussi à son gardien
et à l’ensemble des installations y afférentes, sont conférés par les présentes au Gouverneur des
Etablissements des détroits.
V. Ledit gouverneur peut nommer, en tant que percepteur des droits de péage exigibles en
vertu de la présente loi, toute personne qu’il jugera compétente.
VI. Au moyen des fonds collectés par ces droits de péage, un feu efficace sera constamment
entretenu et montré pendant la nuit dans et depuis ledit phare, et les sommes excédentaires
découlant de ces droits de péage, après déduction des frais de fonctionnement de ce feu tel que
susmentionné, devront de temps à autre être versées à ladite Compagnie anglaise des Indes
orientales, en remboursement des fonds qu’elle a avancés pour l’érection et l’achèvement dudit
phare, ainsi que pour ses appareils et mobiliers.
VII. Le droit de péage à lever en vertu de la présente loi sera dû et exigible sans délai à
l’arrivée de chaque bâtiment y étant soumis dans le port ou la rade de Singapour ; et, sans délai à
l’arrivée d’un tel bâtiment dans le port ou la rade, le percepteur nommé en vertu de la présente loi
réclamera, ou fera réclamer, auprès du commandant ou de toute autre personne commandant ce
bâtiment, le paiement du droit de péage de deux cents et demi d’un dollar par tonne pour chaque
tonne de sa jauge ou de son tonnage enregistrés ; et si ledit droit de péage n’est pas acquitté dans un
délai de deux jours après cette réclamation faite tel que susmentionné, ou si à tout moment suivant
l’arrivée du bâtiment tel que susmentionné ledit percepteur a lieu de suspecter ou de croire que le
bâtiment va quitter sans délai ledit port ou ladite rade, sans s’acquitter de ce droit de péage, tout
juge pourra en toute légalité, après une déclaration dans ce sens faite devant lui sous serment par
ledit percepteur (ledit juge étant autorisé par ces présentes à faire prêter ledit serment), décerner son
mandat sous son seing, adressé à tout agent de la paix de Singapour susmentionné, pour monter à
bord dudit bâtiment, et saisir et emporter tous les biens, marchandises, armes à feu, apparaux ou
mobiliers de ou appartenant à ou à bord de ce bâtiment, et les garder durant les trois jours suivants,
à moins que ledit droit de péage ne soit acquitté dans l’intervalle ; et au cas où le montant du droit
de péage dû par ce bâtiment ne serait pas acquitté avant l’expiration de ces trois jours, ledit
percepteur pourra faire vendre lesdits biens, marchandises, armes à feu, apparaux ou mobiliers ainsi
saisis, et prélèvera sur les produits de cette vente le montant dudit droit de péage auquel le bâtiment
est soumis, ainsi que les charges raisonnables de la saisie, de la détention et de la vente, et remettra
sur demande le trop perçu (le cas échéant) au commandant ou au propriétaire ou à toute autre
personne commandant ce bâtiment.
- 64 -
VIII. Le fonctionnaire du gouvernement dont la fonction sera de délivrer une clairance de
port à tout bâtiment suivant la procédure de sortie ou quittant le port de Singapour susmentionné,
pourra refuser de délivrer cette clairance de port à tout bâtiment jusqu’à ce que le propriétaire,
l’agent, le commandant ou toute autre personne commandant ce bâtiment produise un certificat
émanant du percepteur nommé en vertu de la présente loi, indiquant que ledit bâtiment s’est
acquitté du montant du droit de péage auquel il est soumis en vertu de la présente loi.
IX. Nonobstant le contenu de la présente loi, ledit percepteur nommé en vertu de la présente
loi peut intenter un procès et recouvrer le montant de tout droit de péage exigible par lui en vertu
des présentes, par la voie d’une action pour dette ou une action en equity, auprès de tout tribunal de
Sa Majesté en Inde, à l’encontre du propriétaire, du commandant ou de toute autre personne
assurant le commandement de tout bâtiment étant soumis audit droit de péage, au moment du
défaut de paiement de ce droit de péage.
X. Afin de déterminer la jauge ou le tonnage exacts de tout bâtiment soumis au paiement du
droit de péage pouvant être levé en vertu de la présente loi, le percepteur nommé en vertu de la
présente loi pourra demander à tout Juge d’exiger que, et sur ce ledit juge sommera et exigera que,
le propriétaire, le commandant ou toute autre personne commandant le bâtiment produise le registre
dudit bâtiment pour inspection par ledit juge, et en cas de refus ou de négligence de la part du
propriétaire, du commandant ou de ladite personne de produire le registre, ledit juge pourra en
toute légalité décider que le propriétaire, le commandant ou la personne s’acquitte d’une amende
n’excédant pas cent dollars et, en cas de défaut de paiement, soit emprisonné dans la prison de Sa
Majesté pour toute période n’excédant pas deux mois calendaires.
XI. Lorsque et dès que les fonds avancés par ladite Compagnie anglaise des Indes orientales
en vue de l’érection et de la réalisation dudit phare auront été pleinement remboursés, et liquidés de
la manière visée par les présentes, il sera du ressort du gouverneur des Etablissements des détroits
d’établir, ou de faire établir, un ou plusieurs autres feux ou une ou plusieurs balises pour la sécurité
et le guidage des bâtiments dans cette partie ou ces parties du détroit de Malacca, ou dans leurs
environs, tel que jugé opportun, et leur coût ainsi que celui de leur fonctionnement et de l’entretien
et de l’allumage d’un feu ou de feux en ces lieux, seront couverts par les sommes excédentaires
découlant de ces droits de péage en vertu de la présente loi, après remboursement des frais de
fonctionnement courants du «phare de Horsburgh» susmentionné.
XII. La présente loi ne saurait être interprétée dans le but de lever un droit de péage, ni
d’influer autrement, sur tout bâtiment traversant le détroit de Singapour et ne pénétrant pas dans
ledit port ni ladite rade de Singapour susmentionnés.
XIII. Le terme bâtiments mentionné tout au long de la présente loi doit être compris comme
signifiant et incluant les goélettes, les bricks, les brigantins, les trois-mâts, les bateaux à vapeur, et
tous les autres navires à phares carrés, ainsi que les bâtiments, et les termes indiquant le singulier
uniquement incluent le pluriel, et les termes indiquant le pluriel uniquement incluent également le
singulier, et les termes indiquant le masculin s’étendent au féminin, à moins qu’un élément dans le
sujet ou le contexte ne soit incompatible avec une telle interprétation.
Ordonné que le projet lu à présent soit publié pour information générale.
Ordonné que ledit projet soit réexaminé au cours de la première réunion du conseil législatif
de l’Inde, après le 24e jour de janvier 1852.
Fred. Jas. Halliday,
Secrétaire du gouvernement de l’Inde.
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ANNEXE 17
J. CRAWFURD, A DESCRIPTIVE DICTIONARY OF THE INDIAN ISLANDS AND
ADJACENT COUNTRIES (1856, RÉIMPRIMÉ EN 1971) (EXTRAITS)
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
PEDRA-BRANCA, ou la «pierre blanche» des navigateurs portugais, célèbre point de repère situé à
32 milles de Singapour, est donc bien décrite par M. Windsor Earl. «Pedra Branca est un rocher
séparé émergeant de vingt-quatre pieds au-dessus du niveau de la mer, presque situé au centre de
l’entrée orientale du détroit de Malacca, qui est le grand point de repère des navires pénétrant ou
quittant le détroit depuis des temps immémoriaux. Le chenal principal, qui se trouve directement
au nord du rocher, mesure quatre milles de large dans sa partie la plus étroite. Un phare en granite
dressé de soixante-quinze pieds de haut a récemment été érigé au sommet du rocher, constituant
probablement l’ouvrage le plus parfait de la sorte qui ait jamais été construit à l’est du cap de
Bonne-Espérance. Régulièrement illuminé, le phare fonctionne selon le principe de rotation,
projetant les lueurs les plus vives une fois par minute, lorsque les rayons convergent vers l’oeil du
spectateur. Il est visible depuis le pont d’un navire situé à une distance de quinze milles, où il
disparaît sous la ligne d’horizon, mais demeure visible de bien plus loin depuis la tête du mât, sa
luminosité étant telle que seul l’horizon en limite la portée. Les récifs et dangers dont est semée
l’entrée orientale du détroit de Malacca se trouvent tous dans le rayon éclairé par le phare, tel qu’il
peut être vu depuis le pont d’un navire.»
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
TINGI (Pulo), ce qui signifie littéralement «l’île haute», est le nom de la formation la plus
méridionale d’un groupe d’îlots qui est proche de la côte orientale de la péninsule malaise, vers son
extrémité, et qui appartient à l’Etat de Pahang. Il s’agit d’une masse de trapp et de porphyre qui
s’élève jusqu’à 2046 pieds au-dessus du niveau de la mer et qui est couverte de forêt. Avec les
îlots environnants, elle abrite une population de trois cents pêcheurs malais. Sa position est
2° 17' de latitude nord.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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ANNEXE 18
MINISTÈRE NÉERLANDAIS DES COLONIES, NOTE INTERNE EN DATE DU 15 OCTOBRE 1858
CONCERNANT LA QUESTION DE BORNÉO AVEC L’ANGLETERRE
Copie de la note du bureau G. concernant la question de Bornéo avec l’Angleterre illustrée
par le ministère des affaires étrangères s’appuyant sur des documents officiels
concernant les négociations pour le traité de 1824, datée du 15 octobre 1858
(jointe aux notes du dossier avec des extraits concernant les négociations avec l’Angleterre de 1816
à 1824 déposées auprès du ministère des affaires étrangères,
ARA 2.10.01 #9191 ministère des Colonies, 1850-1900)
(Extraits pertinents)
[Traduction française établie par le Greffe à partir de la traduction anglaise fournie par
Singapour.]
L’article 12 de référence reflète manifestement cette préoccupation, cela étant adopté dans le
traité, en faisant référence au détroit de Singapour comme ligne de partage…
[Note du transcripteur : les passages transcrits suivants sont surlignés en gris dans les manuscrits
joints.]
___________
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ANNEXE 19
LETTRE EN DATE DU 17 JUILLET 1861 ADRESSÉE AU SECRÉTAIRE DU GOUVERNEMENT DE
L’INDE PAR O. CAVENAGH, GOUVERNEUR DES ETABLISSEMENTS DES DÉTROITS,
ASSORTIE DE 9 PIÈCES JOINTES
i) lettre en date du 2 mai 1861 adressée à M. Protheroe, secrétaire par intérim du
gouverneur des Etablissements des détroits, par R. MacPherson, conseiller résident à
Singapour (y compris deux rapports de police consignant les déclarations de pêcheurs
chinois)
ii) lettre en date du 4 mai 1861 adressée au temenggong de Johor par le gouverneur des
Etablissements des détroits
iii) requête de quarante et un pêcheurs chinois, habitants de Singapour, présentée au
conseiller résident à Singapour (non datée)
iv) lettre en date du 15 mai 1861 adressée au temenggong de Johor par le gouverneur des
Etablissements des détroits
v) lettre en date du 17 mai 1861 adressée au gouverneur des Etablissements des détroits par
le temenggong de Johor
vi) lettre en date du 18 mai 1861 adressée au temenggong de Johor par le gouverneur des
Etablissements des détroits
vii) lettre en date du 4 juin 1861 adressée au gouverneur des Etablissements des détroits par
le temenggong de Johor
viii) lettre en date du 12 juillet 1861 adressée au gouverneur des Etablissements des détroits
par le temenggong de Johor (contenant les dépositions de plusieurs pêcheurs chinois et
malais)
ix) lettre en date du 16 juillet 1861 adressée au gouverneur des Etablissements des détroits
par le temenggong de Johor
Lettre en date du 17 juillet 1861 adressée au Secrétaire du gouvernement de l’Inde, Foreign
Department, par le colonel Orfeur Cavenagh, gouverneur de l’île du Prince-de-Galles, de
Singapour et de Malacca
No 118
J’ai l’honneur de joindre pour les soumettre à S. Exc. le gouverneur général en conseil, des
copies de la correspondance notée en marge, sur le sujet des préjudices subis par les résidents
chinois à Singapour de la part de sujets de S. A. le tumongong.
- 68 -
1. Lettre n°113, datée du 2 mai 1861, du conseiller résident (avec pièces jointes).
2. Lettre n°229, datée du 4 mai 1861, à S. A. le tumongong.
3. Demande de pêcheurs chinois.
4. Lettre n°209, datée du 15 mai 1861, à S. A. le tumongong.
5. Lettre de S. A. le tumongong, datée du 17 mai 1861.
6. Lettre à S. A. le tumongong, n°275, datée du 18 mai 1861.
7. Lettre de S. A. le tumongong, datée du 4 juin 1861.
8. Lettre de S. A. le tumongong, datée 12 juillet 1861.
9. Lettre à S. A. le tumongong, n°101, datée du 16 juillet 1861.
2. Les faits de la première affaire semblent être les suivants : un groupe de pêcheurs, bien
qu’employé à son activité ordinaire à moins de 10 milles de l’île de Singapour et donc au sein des
eaux britanniques fut abordé par des Malais pour être soumis à une sorte de chantage et suite à leur
résistance, l’un des leurs fut gravement blessé et leur bateau pillé ; il est tout à fait possible que les
Chinois aient pu être provocants en usant d’un langage injurieux, mais cela même n’aurait pu
justifier l’attaque dont ils furent victimes, alors qu’il y a des raisons de croire que les Malais furent
les premiers agresseurs.
3. Dans la seconde affaire, bien qu’aucun dommage corporel n’ait été infligé, un bateau de
pêche a été retenu et rendu seulement contre le paiement d’une amende.
4. D’après la déclaration faite dans la demande qui forme la pièce no 3 des annexes, il
semblerait que, en plus d’être contraints, en toute illégalité, à subir les exactions des séides du
tumongong, nos sujets soient tenus de se munir d’un permis et d’acquitter à Son Altesse une
redevance pour obtenir le droit de pêcher dans les limites de notre propre juridiction; il est vrai que
le permis ne mentionne rien de plus que les territoires du Johore, mais, puisque les pêcheurs
s’éloignent rarement de plus de 10 milles de l’extrémité de l’île de Singapour, Changie Point, il ne
fait guère de doute que cette mesure est censée s’appliquer aux zones où ils ont coutume de
pêcher ; qu’en fait, le tumongong a depuis un certain temps, sans doute depuis des années, tiré
revenu de l'octroi d'autorisations aux pêcheurs britanniques pour la pêche dans les eaux
britanniques. Comme toutefois cette prise d’autorité peut dans une certaine mesure être attribuée à
la passivité de la part de nos propres fonctionnaires, je n’ai pas estimé nécessaire d’insister sur ce
point dans mes communications avec Son Altesse, mais me suis contenté de demander réparation
pour le tort enduré par nos gens ; il s’est également abstenu de faire la moindre allusion directe au
sujet.
5. Le tumongong, ou plutôt ses conseillers européens, insistent pour que je n’interfère pas
dans les affaires de plainte contre des sujets de Johore tant que je n’ai pas été convaincu que les
plaignants n’ont pu obtenir justice entre les mains de Son Altesse ; mais, en premier lieu, si les faits
motivant la plainte se sont produits à moins de 10 milles, en mer, de Singapour, c’est aux autorités
britanniques, et non à celles du Johore, qu’il appartient d’en connaître ; en second lieu en l’absence
de quelque cour correctement constituée ou de quelque code de lois connus dans l’Etat
susmentionné, je ne peux faire autrement que considérer que je serais coupable d’un grave
manquement à mes devoirs si je devais me restreindre à référer simplement des sujets britanniques
à son dirigeant pour réparation sans prendre les moyens de m’assurer qu’ils se voient accorder une
audition équitable et garantir en outre leur sécurité personnelle, car j’ai le regret de dire que je n'ai
que peu de confiance en l'équité du traitement dont ils pourraient faire l’objet sans cela.
- 69 -
Lettre en date du 2 mai 1861 adressée à M. Protheroe, secrétaire par intérim du gouverneur
des Etablissements des détroits, par R. MacPherson, conseiller résident à Singapour
No 113
Dans ma lettre no 99 datée du 20 du mois dernier qui vous est adressée, j’ai considéré de mon
devoir de signaler au gouverneur un fait d’oppression illégale par le tumongong de Johore de
certains résidents domiciliés à Singapour ; le devoir m’incombe maintenant de faire état de ce qui
selon moi est une prise d’autorité de la part du même chef, dans la mesure où il requiert que tous
les pêcheurs de Singapour obtiennent un laissez-passer émis par ses soins pour être habilités à
poursuivre leur activité sur la côte de Johore.
Note : Coût du laissez-passer, 1 dollar.
2. Je joins ici l’original de l’un des laissez-passer ainsi accordés, ainsi qu’une traduction.
3. Cette situation m’a été signalée ce jour dans une communication du commissaire de police
par intérim (copie ci-jointe), signalant une attaque menée par les Malais de Johore à
Tanjong Punjurin sur les mêmes pêcheurs chinois qui, sous la protection du laissez-passer du
tumongong, s’employaient à leur activité habituelle dans ces parages, au cours de laquelle attaque
un homme, habitant de Singapour, fut grièvement blessé ; il semble par ailleurs qu’ensuite, les
mêmes Malais se soient emparés d’un bateau appartenant à d’autres pêcheurs et l'aient retenu.
Tanjong Punjurin se trouve environ six milles à l’est de la pointe de Changhie.
4. Le gouverneur remarquera que le laissez-passer du tumongong ne concerne pas la mise en
place d’un kaylong ou bas-parc, mais simplement l’autorisation «de pêcher du poisson sur le
territoire de Johore». Il se pose naturellement la question de savoir jusqu’où s’étend, en mer, la
compétence revendiquée par le gouvernement du Johore, et sur quels textes ce dernier fonde sa
revendication. La totalité des îles situées à moins de 10 milles de Singapour ont été cédées au
Gouvernement anglais par traité, et autour de ces îles, de même que le long de la côte de
Singapour, les habitants du Johore ont, en commun avec les pêcheurs battant notre pavillon, qu’ils
soient résidents ou non, pleine et entière liberté de pêcher. Même à supposer défendable la
présomption de souveraineté du tumongong, les bons offices devraient à tout le moins être
réciproques. En ce qui concerne l’autre aspect plus grave de l’affaire actuellement étudiée, soit
nommément l’attaque des pêcheurs chinois par les Malais de Johore et son malheureux résultat, il
est difficile, avec les informations unilatérales actuelles dont nous disposons, d’en venir à quelque
conclusion satisfaisante. Il est possible que les Chinois aient été les agresseurs, mais considérant la
nature despotique du gouvernement de Johore et sa capacité à exercer des pressions sur les témoins,
il est extrêmement douteux que l’on puisse jamais avoir accès à la vérité.
Note : Les Chinois déclarent que le punghulu du village au large duquel ils pêchaient vint
demander une taxe et que suite à leur refus, il commença à s’emparer du poisson ; ils resistèrent et
les Malais blessèrent deux des pêcheurs.
5. Afin d'illustrer cette difficulté, il est un fait que je peux mentionner afin d'en informer le
gouverneur. Il y a peu30, je visitai Tanjong Rue avec le commissaire de police par intérim ; l’une
30 Le 2 du mois dernier.
- 70 -
des petites canonnières venait d’arriver de l’ancien détroit. En présence de l'équipage, le Havildar
qui se tenait dans le bateau signala qu’à Qualla Johore, un punghulu nommé Jewa s’était plaint de
la perte de son bateau avec rames et voile et que le même homme avait été volé par neuf détenus.
Ayant peu auparavant annoncé à S. A. le tumongong l’évasion de ces détenus et demandé son aide
pour les capturer, je fus déçu que ce punghulu du tumongong n’en ait pas été informé, car il eût pu
immobiliser les fugitifs lorsqu’ils se présentèrent à lui en prétendant venir à Johore couper du rotin
pour notre gouvernement. J’écrivis en conséquence au tumongong pour lui faire part de ma
déception.
6. Le Havildar qui établit ce rapport en présence de son équipage, ensuite accompagné par
deux de ses membres, le reformula au commissariat où celui-ci fut consigné par écrit.
7. Il y a quelques jours, le tumongong m’envoya ce punghulu nommé Jewa, qui continua
d'affirmer que le Havildar mentait et qu’il n’avait lui-même ni vu les fugitifs ni perdu le moindre
bateau. Lors de la confrontation avec l’équipage du bateau (le Havildar ayant, après avoir fait le
rapport précité, été démis de ses fonctions et étant devenu introuvable), les membres de l’équipage
nièrent catégoriquement avoir remonté le fleuve Johore ou avoir entendu le Havildar donner
quelque ordre que ce soit à cet effet — et cela, ils persistèrent à le dire, sous la menace du renvoi, et
encore après leur renvoi effectif. Cette dénégation de l’équipage qui nie avoir entendu le rapport
doit être un mensonge direct dans la mesure où ces personnes se trouvaient toutes plus proche du
Havildar que je ne l’étais moi-même au moment du rapport ; et quant au rapport lui-même, je ne
peux avoir le moindre doute sur sa véracité, car il ne pouvait y avoir aucune raison de formuler un
tel récit à moins qu’il ne s’agît d’un fait établi et la manière employée par le Havildar et les détails
circonstanciés allant jusqu’à la valeur même du sampan prétendument volé par les fugitifs, ainsi
que la voile et les rames, ne laissaient pas la place au moindre doute.
8. Qu’est-ce qui aurait bien pu dans ce cas inciter la totalité des membres de l’équipage du
bateau à nier qu'ils aient eu connaissance des faits et qu'ils aient même entendu le rapport, mais
encore à accepter leur renvoi sans un mot de remontrance, si ces personnes n’avaient, d’une
manière ou d’une autre, été manipulées ? Cet événement me porte à supposer qu’il pourrait être
très difficile d’établir l'exactitude des faits de l’affaire traitée en ce qui concerne l’origine du
différend entre le Chinois de Singapour et les Malais de Johore, mais je soumets respectueusement
l’autre question à la considération du gouverneur, qui consiste à savoir si la zone maritime qui
sépare Singapour de Johore relève de la juridiction de S. A. le tumongong et lui permet ainsi
d’interdire à nos pêcheurs d’exercer leur activité sans laissez-passer attesté par son sceau.
[Sceau]
Le présent permis, délivré par Son Altesse le tumongong Sree Maharajah de Johore confère à
Queck Tye Hoo, un pêcheur chinois, le droit de pêcher dans les eaux du Johore sans gêne ni
entrave de quiconque; il lui est interdit de jeter ses filets à moins de cinquante brasses d’une nasse
(kelong) quelconque, sous peine de saisie. Ce permis sera valide pour une durée de six mois.
Secunder Putri,
Le 13 Rajab 1277,
Correspondant approximativement au 25 janvier.
(Signé) Mohamed Saleb Bin Prang.
- 71 -
Lettre en date du 2 mai 1861 adressée au conseiller résident à Singapour par
R. B. S. Robertson, commissaire de police par intérim
No 51
J’ai l’honneur de vous faire part d’un extrait de la main courante du commissariat de
Rochore pour le matin du 29 du mois dernier et le 1er de ce mois par lequel vous constaterez que les
pêcheurs chinois de Campong Glam ont été attaqués par les Malais d’un lieu appelé Punjurin dans
le territoire de Johore et qu’un Chinois se trouve à présent à l’hôpital en état critique. Il semble que
des laissez-passer soient émis par Inche Wan Aboo Baker, qui octroient l’autorisation de pêcher à
cet endroit ; je joins l’un de ces laissez-passer afin que vous puissiez l’examiner. Les Malais qui
ont mené ces attaques sont connus et peuvent être désignés, et l’affaire mérite d’être considérée
instamment.
(Copie conforme)
(Signé) R. MACPHERSON,
Conseiller résident.
Extrait de la main courante du commissariat de Rochore pour le 29 avril 1861
A huit heures et demi ce matin, un Chinois nommé Koey Twa Teo résidant au
no 165 Beach Road s’est présenté à ce commissariat et m’a signalé qu’un Chinois nommé
Koey Ah Chew, pêcheur, avait été poignardé par un Malais (l’un des paysans du punghulu) à
Punjurin, Johore, ou dans ses environs, et qu’il se trouvait depuis alité dans une maison à
Campong Kallang. J’envoyai immédiatement un duffadar et des paysans pour ramener l’homme
blessé à mon commissariat et constatai qu’il avait été poignardé au ventre, ses entrailles étant à vif ;
il était incapable de parler ; je le fis immédiatement conduire à l’hôpital de police ; l’homme blessé
et six autres personnes quittèrent Singapour ou Campong Kallang hier midi dans un bateau de
pêche pour aller pêcher comme d’habitude à Punjurin où ils parvinrent aux alentours de 7 heures du
soir. Après avoir mangé leur riz, ils jetèrent le filet et commencèrent à pêcher alors qu’il était
environ 8 heures du soir ; ils avaient tiré le filet à huit reprises et attrapé de grandes quantités de
poisson et se trouvaient sur le point de retourner à Singapour lorsqu’un bateau malais avec quatre
Malais à son bord les accosta ; ils demandèrent aux pêcheurs s’ils avaient amené du tabac pour eux,
les pêcheurs répondirent qu’ils n’en avaient pas ; les Malais dirent ensuite : «Quel commerce
effectuez-vous pour venir ici pêcher du poisson ?» et ajoutèrent : «Cet endroit est à nous et ces
poissons sont les nôtres», puis commencèrent à s’en emparer ; l’homme blessé, Koey Ah Chew,
tenta de les en empêcher lorsque l’un des Malais le blessa au ventre avec une lance ; un autre
pêcheur, nommé Koey Kye He, reçut également une légère blessure à sa main droite d’un autre
Malais qui tenta de le poignarder. Les pêcheurs prirent peur, cessèrent toute résistance et
autorisèrent les Malais à prendre leurs poissons ; ils revirent ensuite à Singapour qu’ils rejoignirent
vers 7 heures ce matin (les Malais montèrent à bord du bateau de pêche vers minuit ; les pêcheurs
peuvent identifier ces quatre Malais s’ils les rencontrent à nouveau, car ils se sont souvent rendus à
cet endroit pour pêcher et commercer et possèdent un permis les y autorisant émis par
Inche Wan Abeo Baker) ; ils ne furent jamais molestés à cet endroit auparavant.
Extrait de la main courante du commissariat de Rochore pour le 1er mai 1861
Lim Ah Ree, un pêcheur chinois, s’est présenté à ce commissariat à 8 heures ce matin et a
établi la déclaration suivante :
- 72 -
«Je suis un pêcheur et réside à Campong Pokat. A midi hier, j’ai quitté le
fleuve Rochore dans mon bateau de pêche avec six hommes et suis allé à Punjurin
pour pêcher. Je suis arrivé là bas à 8 heures du soir ; mon filet a été jeté environ une
demi-heure et je commençai à le tirer lorsque je vis dix Malais armés avec des kris et
des lances qui marchaient sur la plage — une fois à hauteur de mon bateau, ils
avancèrent dans l’eau vers l’endroit où je me trouvais et dirent qu’il y avait eu une
bagarre ici l’autre jour et qu’un homme avait été poignardé, — comment oses-tu venir
pêcher ici ? Ils s’emparèrent ensuite de mon bateau et de mon filet et prirent l’un des
pêcheurs avec eux ; le nom du pêcheur est Teoh Ah Tow. J’obtins un autre bateau et
retournai à Rochore avec cinq hommes. Ce pêcheur n’est jamais allé à cet endroit
pour pêcher avant et ne possède pas de permis.»
(Extraits certifiés)
(Signé) R.B.S. ROBERTSON.
Commissaire de police par intérim
Lettre en date du 4 mai 1861 adressée à S. A. le tumongong de Johore par le colonel
Orfeur Cavenagh, gouverneur de l’île du Prince-de-Galles, de Singapour et de Malacca
No 227
J’ai l’honneur de faire savoir à mon ami qu’il a été porté à mon attention qu’à deux
occasions, des pêcheurs chinois, résidents de Singapour, ont été attaqués par certains des sujets de
mon ami alors qu’ils vaquaient à leur activité dans les parages de Punjurin, à environ six milles de
Changhie ; la première fois, deux pêcheurs ont été blessés et l’un d’eux se trouve maintenant alité à
l’hôpital dans un état critique ; la seconde fois, bien qu’aucun dommage physique ne semble avoir
été subi, le bateau dans lequel les Chinois se trouvaient ainsi que l’un de leurs compagnons nommé
Tan Ah Tow ont été saisis et emportés. Il me semble légitime de faire remarquer à mon ami que la
mer dans laquelle les infractions précédentes ont été commises se trouvant à l’intérieur des limites
prescrites par l’article 11 du traité du 2 août 1824, les pêcheurs se trouvaient dans les eaux
britanniques, en conséquence de quoi aucun des sujets de mon ami ne pouvait en quelque façon que
ce soit se trouver légitimé à interférer avec eux ou à s’emparer de leur propriété ; il incombe donc à
mon ami de prendre des mesures pour obtenir immédiatement leur sanction, la libération de
l’homme disparu et la restitution du bateau volé, et je demande la faveur d’un rapport complet du
résultat de ces actions afin de le soumettre à S. Exc. le gouverneur général de l’Inde.
Le modeste mémoire de quarante et un pêcheurs (en caractères chinois), habitants de
Singapour, présenté à l’honorable R. MacPherson, conseiller résident à Singapour
Expose respectueusement,
Que vos mémorialistes sont des chefs pêcheurs résidents de Singapour depuis ces
onze dernières années et ont sous leurs ordres près de trois-cent cinquante coolies qui les assistent.
Que vos mémorialistes possèdent des huttes sur la rive opposée près de Soongie Punjurin, où
ils sont autorisés à pêcher par autorisation de S. A. le tumongong ; que plusieurs de vos
mémorialistes possèdent des permis manuscrits de S. A. le tumongong, à qui une taxe d’un dollar
par personne a été versée.
Que le pungulu Nong Besar du tumongong est posté à Soongie Punjurin et perçoit des taxes
en prélevant autant de poissons qu’il le choisit.
- 73 -
Que vos mémorialistes vont pêcher en haute mer et font halte à Soongie Punjurin sur leur
chemin vers Singapour.
Qu’il y a environ dix jours, sept de vos mémorialistes allèrent pêcher en sampan près du
phare de Pedro Branco et que, sur le chemin du retour, un Malais connu pour être le chef d’un
village proche de celui que dirigeait Nong Besar est monté à bord, accompagné de trois autres
individus, et qu’ils ont tenté, par la force, de s’emparer de toute la pêche dans le bateau de vos
mémorialistes, lorsque l’un des mémorialistes nommé Koey Ah Chew résista ; que les
remontrances semblèrent inutiles lorsqu’il fut poignardé avec une lance par l’un des Malais connu
sous le nom de Moping, au ventre, en raison de quoi Koey Ah Chew se trouve toujours à l’hôpital.
Qu’un autre de vos mémorialistes nommé Koey Kye Ho fut également blessé à la main par
l’un des Malais.
Qu’un plus ou moins grand nombre des mémorialistes ont à différent moments subi des
pertes graves par les mains des gens de S. A. le tumongong et furent soumis à d’importantes
intimidations physiques sans la moindre raison ; dans de nombreux cas, des filets et d’autres outils
des mémorialistes ont été saisis et conservés par les Malais jusqu’au paiement d’une somme
d’argent.
Que vos mémorialistes sont résidents de Singapour, un établissement anglais, et sollicitent
respectueusement la protection du gouvernement contre les agissements malhonnête et pirates des
sujets de S. A. le tumongong, résidant dans la partie sud de la péninsule de Johore.
Que vos mémorialistes et leurs assistants emploient deux kampungs entiers dans Singapour
en fournissant du travail, des emplois et de la subsistance à près d’un millier d’âmes et que leur lieu
de pêche s’est toujours trouvé un peu après Pulo Pikong et ce côté de Pedro Branco ; vos
mémorialistes considérant les impôts qu’exigent les Malais de leur part assez insupportables,
s’adressent respectueusement à Votre Honneur pour lui demander sa protection, qu’ils suggèrent en
toute humilité être leur droit en qualité de sujets britanniques naturalisés.
Vos mémorialistes prient donc respectueusement qu’il agrée à Votre Honneur de suivre les
étapes nécessaires pour mettre un terme aux agissements sans foi ni loi des gens de S. A. le
tumongong, afin que vos humbles mémorialistes puissent à l’avenir être autorisé à poursuivre
pacifiquement leur métier légitime, sans appréhension et sans craindre pour leur intégrité physique.
Et vos mémorialistes ne cesseront de prier.
Lettre en date du 15 mai 1861 adressée à S. A. le tumongong de Johore par le colonel Orfeur
Cavenagh, gouverneur de l’île du Prince-de-Galles, de Singapour et de Malacca
No 269
Me référant à la précédente communication no 227, en date du 4 courant, adressée à notre
ami, sur la question des blessures infligées à des sujets britanniques par des résidents du territoire
de notre ami, nous joignons à l’intention de celui-ci, pour son information, une copie d’un recours
formé par plusieurs pêcheurs chinois affirmant avoir été victimes de graves actes de violence alors
qu’ils s’adonnaient à leur activité habituelle à proximité du phare de Pedro Branco. Nous espérons
que notre ami punira les auteurs de cette agression, au cours de laquelle deux des plaignants ont été
blessés, et adoptera en outre les mesures qui s’imposent aux fins d’empêcher que ne se renouvellent
de tels actes illicites.
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Lettre en date du 17 mai 1861 adressée au colonel Orfeur Cavenagh, gouverneur de l’île du
Prince-de-Galles, de Singapour et de Malacca, par S. A. Daing Ibrahim, Sri Maharajah et
tumongong de Johore
Nous avons eu l’honneur de recevoir la lettre de notre ami du 4 du mois courant, faisant
savoir qu’il avait été porté à l’attention de notre ami qu’à deux occasions des pêcheurs chinois
résidents de Singapour avaient été attaqués par certains de nos sujets dans le voisinage de Punjurin,
que lors de la première occasion, deux pêcheurs furent blessés ; et que lors de la seconde, bien
qu’aucun dommage physique ne semble avoir été subi, le bateau et l’un des hommes nommé
Tan Ah Tow ont été saisis et emportés.
Nous avons immédiatement diligenté une enquête et devons maintenant informer notre ami
qu’avant réception de sa lettre, trois hommes avaient été arrêtés par notre directeur de district pour
avoir pris part à la rixe au cours de laquelle les Chinois furent blessés et que quatre autres se
trouvent encore en liberté. Trois autres furent depuis arrêtés et nous espérons que le dernier
inculpé (puisqu’il y en avait sept en tout) pourra rapidement être trouvé. Dès que l’enquête aura été
menée, nous informerons notre ami du résultat ; il sera toutefois difficile, si ce n’est impossible,
d’établir des preuves contre eux lors du procès si les Chinois qui ont été attaqués ne viennent pas
témoigner.
En ce qui concerne la seconde plainte, nous venons également de recevoir le rapport de notre
fonctionnaire local qui établit en substance qu’un certain nombre de pêcheurs chinois dans
cinq bateaux appelé pukats étaient employés à pêcher à l’embouchure du «Sungei Ringat» lorsque
leurs provisions de riz vinrent à manquer. Ils s’adressèrent à un homme malais autochtone et
comme celui-ci connaissait le chef de l’un des pukats, il leur donna six gantangs de riz, moyennant
accord qu’il devait être remboursé (en nature) d’ici un certain nombre de jours. Les Chinois purent
donc poursuivre leur pêche et le délai s’écoula sans que le riz ne fut remboursé. Lorsque les
pêcheurs furent sur le point de partir pour Singapour, l’homme malais n’accepta pas que le pukat
lui appartenant, qui avait emprunté le riz, parte tant que son règlement n’aurait pas été versé et le
Chinois chargea l’un des siens de rester avec le bateau jusqu’à ce qu’il se rende à Singapour et
s’acquitte. L’homme ne fut pas détenu par le Malais, mais se vit ordonner de rester avec son
maître. Peu après, le riz fut retourné ou payé par le propriétaire du bateau et le bateau fut rendu et
emporté par lui. Voici la déclaration établie par le Malais. Sans doute la plainte du Chinois qui a
été soumise à notre ami a-t-elle été différente, mais si le Chinois se sent lésé, nous ferons tout notre
possible pour réparer son tort auprès de notre Cour, qui lui est ouverte.
Nous demandons à notre ami de considérer s’il n’est pas préférable, lorsque de telles plaintes
lui sont soumises, que les parties nous les fassent parvenir, à nous ou à nos fonctionnaires, au lieu
de faire de notre ami l’intermédiaire par lequel ils s’adressent à nous, tout en les informant que si
justice ne leur est pas rendue, notre ami interviendra en leur faveur. Cette procédure nous aiderait
considérablement pour l’administration judiciaire dans nos territoires, à la fois en conduisant à
l’arrestation rapide des coupables et en nous permettant, par l’examen de ceux qui sont les témoins
les plus pertinents de l’affaire, de parvenir à la vérité et de statuer correctement. Nous éviterions
aussi à notre ami, selon toute probabilité, une grande partie de la peine qu’il se donne dans ces
affaires.
En ce qui concerne la dernière partie de la lettre de notre ami concernant l’effet de
l’article 11 du traité de 1824, selon vos informations (que nous estimons probablement correctes),
les deux affaires examinées ont eu lieu dans le «qualla» ou estuaire de Sungie Ringat et non à
Punjurin. Nous ne connaissons pas la distance entre Sungie Ringat et la pointe la plus proche de
l’île de Singapour, mais nous pensons qu’il doit s’agir de plus de 10 milles, de sorte que la question
afférente au traité ne se pose pas. Enfin même s’il s’agissait de moins de 10 milles, nous espérons
que notre ami ne considère pas que l’article 11 du traité nous prive des eaux à l’intérieur de nos
territoires.
- 75 -
Lettre en date du 18 mai 1861 adressée à S. A. le tumongong de Johore par le colonel
Orfeur Cavenagh, gouverneur de l’île du Prince-de-Galles, de Singapour et de Malacca
No 275
Nous avons reçu la lettre de notre ami du 17 de ce mois et sommes heureux de constater que
des mesures ont été prises par les fonctionnaires de notre ami pour faire comparaître en justice les
personnes ayant attaqué et maltraité les pêcheurs chinois auxquels il a été fait allusion dans notre
précédente communication ; si notre ami nous faisait connaître la date à laquelle leur procès devant
sa Cour doit prendre place, nous pourrions, dans l’éventualité où l’homme blessé aurait
suffisamment récupéré, ordonner au conseiller résident de Singapour de prendre les dispositions
requises pour lui permettre, avec ses camarades, d’assister au procès et de faire valoir leur
culpabilité.
2. Nous souhaitons faire remarquer à notre ami qu’il est de notre devoir d’adopter les
mesures que nous jugerions les plus opportunes pour obtenir réparation pour les sujets britanniques
dans toutes les affaires dans lesquelles nous pourrions avoir des raisons de considérer qu’ils ont été
victimes d’injustice ; dans l’affaire récemment signalée qui plus est, s’il s’avérait que l’infraction a
été commise comme cela nous fut exposé, soit sur la mer à moins de dix milles géographiques de
Singapour, les faits se seraient dès lors produits à l’intérieur du territoire britannique et
constitueraient comme tel, en toute circonstance, un acte de piraterie, ce qui nous légitimerait en
vertu de la loi des nations à diligenter une force armée pour capturer les contrevenants et dans
l’éventualité de leur appréhension, à les faire comparaître en justice devant un tribunal britannique.
3. Que notre ami soit assuré que si nous allons, en toute circonstance, faire appliquer
strictement les droits du gouvernement britannique comme le prescrit le traité de 1821, nous ferons
également en sorte que tout droit qu'il pourrait requérir par le même accord le soit également.
Lettre en date du 4 juin 1861 adressée au colonel Orfeur Cavenagh, gouverneur des
Etablissements des détroits, etc., par S. A. le tumongong de Johore, etc.
Conformément au premier paragraphe de notre ami du 18 du mois dernier, sachez que les
accusations d'agression à la lance, etc., auxquelles il est fait référence ici, pourront être examinées
dans notre Cour à Tanjong Putri à tout moment dans les trois ou quatre prochains jours, si les
plaignants sont présents avec leurs témoins.
Lettre en date du 12 juillet 1861 adressée au colonel Orfeur Cavenagh, gouverneur de l’île du
Prince-de-Galles, de Singapour et de Malacca par S.A. Daing Ibrahim, Sri Maharajah et
tumongong de Johore
En référence aux lettres de notre ami datées des 4, 15 et 18 mai dernier, et aux nôtres du
17 mai et du 4 juin, veuillez trouver ci-joint pour votre information des traductions des
procès-verbaux fournis au cours de l'enquête intervenue dans notre Cour à Tanjong Putri en
présence de notre fils, Inche Wan Aboo Baker, sous les motifs d’inculpation auxquels il est fait
référence. Nous prions notre ami de bien vouloir faire venir les hommes à Tanjong Putri sous la
responsabilité d'un agent de police européen qui fut présent durant la procédure.
2. Aucune décision n’a encore été rendue, car nous souhaitons profiter des remarques et de
l’avis de notre ami avant de juger l'affaire plutôt qu’après, moment où il serait difficile d'en tirer
parti.
- 76 -
3. Notre ami remarquera que les faits déclarés sous serment par les Chinois et les Malais sont
très différents, et dans l’éventualité où notre ami jugerait approprié de nous faire grâce des
suggestions et des avis précieux qui pourraient lui venir à l'esprit, nous pensons qu’il est judicieux
de mentionner qu'Inche Wan Aboo Baker s'est formé l'opinion très ferme que la version des Malais
est la vraie et que les pêcheurs chinois, au lieu d'être plaignants, auraient dû comparaître comme
prévenus. Notre propre opinion coïncide avec celle de notre fils et nous pensons que notre ami a
des chances d'être du même avis car, en plus de la vraisemblance que la déclaration des Malais
revêt par comparaison au témoignage des Chinois, notre ami ne manquera pas de remarquer que si
ces hommes ont affirmé sous serment dire la vérité au moment du procès, ils ont dû avoir
l’effronterie de mobiliser notre ami dans cette affaire au moyen d’une déclaration grossièrement
fausse (voir le paragraphe 5 du mémoire présenté par ces hommes, dont notre ami nous a transmis
une copie avec sa lettre du 15 mai).
4. A présent que cette affaire est entièrement aux mains de notre ami pour en référer à
S. Exc. le gouverneur général de l’Inde en conseil, nous le prions à nouveau de considérer
l’opportunité de refuser de recevoir les plaintes des personnes déclarant avoir été lésées à Johore ou
par nos sujets le long de ses côtes jusqu’à ce qu’une réparation ait été recherchée par nous ou
auprès de notre Cour. Si cette réparation devait être refusée ou s'il devait apparaître que nous
ayons agi de manière injuste envers des sujets britanniques ou envers des personnes ayant droit à la
protection britannique, que notre ami nous demande dans ce cas des explications. Nous faisons
cependant remarquer à notre ami et à S. Exc. le gouverneur général de l’Inde en conseil que le
traitement adopté dans la présente affaire par notre ami nous est non seulement préjudiciable à
nous-mêmes et à notre position de souverain de Johore, mais a également pour fonction de faire
obstacle à l'administration judiciaire en la compliquant par des recours d’arbitrage préliminaires
auprès de notre ami.
5. D’autres conséquences pernicieuses sont susceptibles de s’ensuivre, sur lesquelles nous
aimerions attirer votre attention. La haute et influente position de notre ami en qualité de
représentant de la reine de Grande-Bretagne est parfaitement connue et perçue par toutes les
populations locales alentour et non moins dans notre propre territoire de Johore, or quand, comme
dans l’affaire présente, la partie concernée vient à la Cour après un appel préliminaire à notre ami
et avec le soutien et la protection du gouvernement de notre ami manifestées de manière si
ostentatoire, les témoins et autres participants peuvent en être influencés d'une manière susceptible
de nuire à la cause de la vérité et de la justice. A nouveau, et il s’agit peut-être là du pire des effets,
nous faisons remarquer que considérant le caractère agressif des Chinois, la procédure adoptée par
notre ami contribue résolument à les encourager à faire fi des règles établies concernant les
distances auxquelles les pukats doivent être tenus des kaylongs (pièges à poissons), etc., selon
l’habile procédé dont atteste le cas présent et aurait pour conséquence nécessaire de rendre ce type
de rixe plus fréquent et plus grave.
6. Ce que nous avons dit ne fait évidemment pas référence aux affaires de piraterie, catégorie
de crime sous laquelle notre ami semble avoir pensé, dans ses lettres du 18 mai, qu’il fallait ranger
l’affaire considérée, mais nous sommes quelque peu surpris et alarmé d’apprendre que dans de
telles affaires, selon la lecture des lois des nations qu’opérée notre ami, celui-ci pourrait envoyer
une force armée (dans notre territoire, nous présumons qu'il s'agissait de ce que notre ami voulait
dire) pour appréhender les contrevenants. Nous faisons confiance à notre ami pour qu’il n’agisse
pas ainsi sans nous demander d’abord de livrer les contrevenants ; ces derniers ne seraient pas
retenus chez nous à moins que nous n’ayons des raisons satisfaisantes à faire valoir pour ce faire
auprès de notre ami et de Son Excellence le gouverneur général de l’Inde.
7. Nous espérons que notre ami pourra nous répondre dès que possible et nous faire part de
ses remarques afin de nous aider et de nous éclairer concernant les preuves dans cette affaire et leur
utilisation ; et si notre ami devait parvenir aux mêmes conclusions que nous, nous l’inviterions à
- 77 -
indiquer de quelle manière il proposerait de traiter avec ces pêcheurs chinois. Lorsque notre ami
connaîtra le résultat du référé de cette affaire auprès de S. Exc. le gouverneur général de l’Inde en
conseil, nous gageons qu’il ne manquera pas de nous en tenir informé.
A Skandra Putri, le 29 du mois de Zoolkaidah, Hejerah 1277
Déposition de Kweh Kiehan
Je soussigné, Kweh Kiehan, résident de Singapour dans le kampung Glam, pêcheur de
profession depuis trente ans. Je pêchais à Punjurin, mais pas dans le village de ce nom. Nous
étions sept pêcheurs, à savoir moi, Kwek Kehuat, Chack Chucha, Tan Asing, Kwek Achew,
Kwek Lunchoo et Kwek Kilie.
Je partis pêcher le dix-huitième jour du mois de Shawal ; alors que je pêchai et que mon filet
se trouvait toujours dans l’eau, à environ 11 heures du soir, avant que la lune ne se lève, deux
hommes vinrent dans un kolek à rames et trois hommes avancèrent en traversant l’eau qui
atteignait leurs genoux. Au départ, je ne savais pas qui ils étaient, mais lorsqu’ils saisirent le filet,
je les reconnus.
Lorsqu’ils furent proches, je reconnus une voix disant : «Comment osez-vous pêcher ici sans
me le faire savoir ? Si vous voulez pêcher ici, vous devez m’apporter quelque chose.» L’homme
qui parlait se trouvait à environ six yards de mois, mais je ne le reconnus pas. Je répondis : «J’ai
pensé acheter quelque chose mais je l’ai oublié.» Je reçus ensuite l’ordre de partir : le filet resta là,
mais mes poissons furent emportés ; le no 3 et le no 4 sortirent les poissons de mon bateau. A ce
moment, Achew dit : «N’en prenez pas tant, un peu suffira.» Après qu’ils eurent pris les poissons,
comme Koweh Achew avait dit cela, ils lui donnèrent un coup de lance ; je ne pus reconnaître la
personne qui l’avait poignardé, car je me trouvais assis à la poupe du bateau ; l’homme qui fut
poignardé se trouvait à l’avant du bateau, dans l’eau. Lorsque Achew fut poignardé, nous sautâmes
tous à l’eau : dès qu’ils (les Malais) arrivèrent sur le rivage, je montai dans le bateau à nouveau et
m’enfuis en ramant. Au moment où je sautai du bateau, je me trouvai à 200 pieds de la plage.
Après avoir couru pendant environ une demi-heure, je retournai au bateau. Lorsque je quittai le
bateau, il ne flottait pas. Je retrouvai toutes mes affaires à l’exception des poissons qui avaient été
pris.
A la Cour de Johore, à Skandra Putri, le 29 du mois de Zoolkaidah, Hejerah 1277
Déposition de Chan Chucha
Je soussigné, Chan Chucha, résident de Singapour dans le kampung Glam, pêcheur de
profession depuis dix ans, en activité ici depuis huit ans. Le dix-septième jour du mois de Shawal,
à 7 heures du matin, je sortis du fleuve Rochore pour pêcher à Punjurin. Vers six heures du soir,
lorsque j’arrivai à destination, je m’arrêtai pour manger du riz. Après avoir mangé, je commençai à
pêcher. Après avoir tiré six fois le filet, la lune devint plus claire ; vers dix heures cinq Malais
vinrent en ramant dans un kolek et s’approchèrent de mon bateau. Ils prirent mes poissons, lorsque
Achew dit : «N’en prenez pas trop, prenez un peu, ce sera assez.» A ce moment, je me trouvais à
environ quatre-vingt pieds de distance du bateau. Achew se trouvait dans l’eau près du bateau. Je
vis ces Malais, cinq d’entre eux vinrent et prirent les poissons (hors du bateau), tous se trouvaient
dans le kolek ; ils chargèrent les poissons avec ma pelle et les jetèrent dans leur kolek ; mais je ne
sais pas combien de poissons ils prirent, moi et les autres nous trouvions dans l’eau à ce
moment-là ; pas un homme ne se trouvait dans le bateau. Achew fut ensuite poignardé et je
m’enfuis en courant ensuite. Je sus qu’Achew avait été poignardé parce que je l’entendis crier :
«J’ai été poignardé» ; dès que je l’entendis, je courus pour m’enfuir. Lorsqu’il fut poignardé, il ne
se trouvait que deux hommes près du bateau sur le moment, à savoir Kwek Kahuat, l’homme qui
tenait le gouvernail, et moi-même (Achew). Je courus sur une distance de 100 brasses. Environ
une demi-heure après que je vis que les Malais avaient atteint le rivage, je revins tirer le bateau et
- 78 -
partis en ramant. Je ne connais qu’un seul homme, le no 5. Je fis sa rencontre il y a un mois
environ. Je ne peux pas dire s’il vint ou non cette nuit. Je n’ai pas pu reconnaître un seul homme
ce soir-là. Je soulevai Achew et le plaçai dans le bateau, puis ramai pour rentrer. A l’opposé de
l’endroit où je pêchais, il n’y avait pas un seul piège à poissons. La raison pour laquelle je n’ai pas
averti Nong Besar, c’est que j’avais peur, en plus, je ne connais pas Nong Besar.
A la Cour à Skandra Putri, le 29 du mois de Zoolkaidah, Hejerah 1277
Déposition de Kowek Achew
Je soussigné, Kowek Achew, réside sur le fleuve Kallang. J’ai vécu dix-huit ans à Singapour
et j’ai été pêcheur pendant environ dix ans.
Je partis pêcher à Bay Ampat, le dix-septième jour du mois de Shawal ; je quittai Singapour
à 7 heures le matin. J’atteins Bay Ampat vers 6 heures du soir. Nous étions sept en tout : Kwek
Kichan, le chef, Chan Chucha, Kwek Kchuat, Kwek Kilie, Lun Mee et Kwe Kong Choo. Après
avoir mangé, je commençai à pêcher ; à 7 heures la lune s’assombrit (on ne la voyait plus). J’avais
posé le filet six fois, après quoi vinrent cinq Malais pour pêcher, deux d’entre eux ramaient dans un
kolek et trois sont venus à pied depuis la plage à travers l’eau, soit cinq hommes en tout. Dès qu’ils
furent à côté du bateau, ils sortirent les poissons pour les prendre ; trois se trouvaient dans l’eau et
deux dans le kolek. Je dis : «N’en prenez pas trop, un peu suffira.» Comme j’avais dit cela, l’un
d’entre eux me transperça ; à ce moment, je me trouvais dans l’eau ; je fus percé au ventre avec une
lance. L’homme qui me poignarda se trouvait aussi dans l’eau du même côté du bateau que moi.
Ses compagnons se trouvaient sur le côté du bateau. Je ne reconnus pas l’homme qui me poignarda
car il faisait nuit ; mais je soupçonne que l’homme qui me poignarda était l’homme no 5 ; je crois
que c’est lui. La distance entre l’homme et moi était d’une brasse. Je tombai sur le dos sur la plage
à proximité du pukat ; la profondeur de l’eau atteignait le genou. Je n’étais pas conscient à ce
moment, mais je reconnus cet homme ; l’autre, je ne le reconnais pas.
A Skandra Putri, le 29 du mois de Zoolkaidah, Hejerah 1277
Déposition de Tan Asing
Je soussigné, Tan Asing, ai été un résident de Singapour sur le fleuve Kallang depuis plus de
vingt-sept ans et devins pêcheur il y a huit ans. Avant cela, j’habitai dans la jungle et travaillais
comme planteur. J’avais pour habitude aussi de naviguer ici et là, jusqu’à Klantan. Je partis
pêcher à Punjurin Tua Sua Boy. Le dix-sept du mois de Shawal, le dix-neuvième jour du mois
chinois, je vins de Singapour à 7 heures du matin. Je m’arrêtai un moment pour manger du riz.
Nous étions sept hommes en tout dans un pukat. Le chef était Kowek Hua le timonier. Six
hommes ramaient : Kwek Kahuat, Chan Chucha, Kwek Achew, Kwek Kilie et un homme à côté
que je ne connais pas, car je n’ai été engagé qu’un mois à pêcher avec eux. Après avoir mangé, je
posai le filet pour pêcher. Il était alors environ 7 heures. Trois hommes se trouvaient dans l’eau, à
savoir Achew, Kahuat et Kilie, et trois à côté de moi dans le bateau. Dès que le filet fut posé, nous
descendîmes tous les sept dans l’eau. Après avoir tiré le filet environ six fois, des Malais vinrent
qui se trouvaient à vingt pieds de nous. Deux hommes se trouvaient dans le kolek et quatre
avançaient à pied dans l’eau. Lorsqu’ils attinrent le pukat, ils commencèrent à prendre les
poissons ; à ce moment, nous étions tous dans l’eau ; ceux qui tirèrent le filet se trouvaient à
environ dix brasses du pukat, nous sept tirions le filet. L’eau atteignait alors nos cuisses. Les
Malais ne dirent pas un mot. Le timonier dit : «Si vous allez prendre (du poisson), prenez-en un
peu, assez pour manger.» L’homme répliqua : «Je dois prendre tout le poisson ; vous êtes venu
pêcher sans me le faire savoir.» Ensuite, mon compagnon le timonier dit : «Je suis venu de
Singapour, ne prenez pas trop, un peu suffira.» L’homme répondit : «Si vous voulez pêcher ici,
vous devez acheter quelque chose à me donner.» Je leur demandai ensuite de ne pas en prendre
trop ; ils se servirent néanmoins ; à ce moment, quatre de mes compagnons s’approchèrent du
pukat. L’homme continuait de prendre d’autres poissons, mon compagnon ne voulait pas le laisser
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faire, et il commença à tirer. A ce moment, je tenais la corde du filet et je vis moi-même l’homme
prendre les poissons ; mon compagnon lui reprit ensuite le poisson des mains ; mes compagnons
qui tiraient s’appellent Kowek Hua et Achew. Je ne connais pas ces Malais. Alors que je regardai
en arrière, je vis Achew tomber sur son dos ; lorsque je vis Achew, nous le soulevâmes tous et le
plaçâmes dans le pukat. Le filet était toujours dans l’eau, mais aucun de nos compagnons ne
s’enfuit. Lorsque je vis qu’Achew avait été poignardé, je tirai immédiatement le filet et ramai pour
m’enfuir. Les Malais étaient alors retournés sur la rive. Je ne sais rien de plus.
A la Cour à Skandra Putri, le 29 du mois de Zoolkaidah, Hejerah 1277
Déposition de Kowek Huat
Je soussigné, Kowek Huat, ai été résident à Singapour, dans le kampung Kallang, depuis six
ou sept ans. Tout d’abord, j’ai ouvert un magasin pendant trois ans puis j’ai été pêcheur quatre ans.
Le dix-septième jour du mois de Shawal, je partis pêcher à Bay Ampat. Je partis de
Singapour à 7 heures du matin et parvins à Bay Ampat le soir à 6 heures.
Nous étions sept, à savoir Kowek Hua, le chef, moi-même, Tan Asing, Kowek Afoy,
Poot Hua Ho et Kowek Achew. Dès que nous arrivâmes sur place, je pris de la nourriture. Vers
7 heures, je commençai à pêcher, mon filet avait été posé environ six fois. Je tirai le filet avec
deux autres, nous étions donc trois ; quatre hommes se trouvaient près du pukat ; en tout,
sept hommes dans l’eau tiraient le filet. Le bateau pukat était aussi proche. Après, j’entendis un
homme près du pukat crier : «Ne prenez pas tant de poissons, quelques-uns suffiront», mais je ne
sais pas qui avait pris les poissons ; la voix que j’entendis était celle d’un homme malais. Je tirai le
filet, à environ 100 pieds du pukat d’où provenait le bruit. Il y avait quatre hommes, mais je ne
peux pas les authentifier chacun. Après cela, je revins vers le bateau pukat et vit qu’Achew était
allongé sur son dos. Les Malais avaient disparu. En toute hâte, j’aidai à placer Achew dans le
bateau pukat. Après avoir ramené le filet, je ramai vers Singapour. Je ne m’enfuis pas en courant
lorsque cet homme (Achew) se trouva allongé (sur le sol). J’appelai mes compagnons à l’aide pour
le soulever, car certains d’entre eux avaient couru à une distance de trente pieds. Moi, je n’ai pas
couru.
A Skandra Putri, le 29 du mois de Zoolkaidah, Hejerah 1277
Déposition de Chua Sah
Je soussigné, Chua Sah, ai résidé à Singapour dans le kampung Glamenviron quatorze ans ;
employé dans le commerce de la pêche tout ce temps. Je ne sais rien de cette rixe, je ne suis pas
allé avec eux à ce moment.
A la Cour à Skandra Putri, le 29 du mois de Zoolkaidah, Hejerah 1277
Déposition de Si Klat
Je soussigné, Si Klat, résidant à l’embouchure du fleuve Rayat depuis quatorze ans, pêcheur
avec un petit piège à poissons, je ne connais rien de cette rixe, excepté que Si Diman est venu et
s’est plaint auprès de moi que les Chinois l’avaient insulté cinq fois et que Si Diman n’avait pas
répliqué. Les pièges à poissons appartenaient à Si Diman, ceux qui surveillaient les pièges étaient
Si Diman et Si Ninggal.
Après que les Chinois les aient insultés et alors qu’ils s’approchaient, un Chinois les frappa
avec la poignée d’une rame et frappa Si Diman à l’épaule droite et le blessa ; Si Diman s’enfuit en
courant, mais Si Ninggal resta dans le kolek. Après, il vint me voir et dit : «Les pièges à
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poissons ont été mis en pièces, le kolek a été emmené et Si Ninggal jeté à l’eau.» Le jour suivant,
je fis rapport à Nong et dit : «Mes pièges à poissons ont été mis en pièces par le pukat chinois, mon
kolek emporté et Si Diman est blessé.»
A Skandra Putri, le 29 du mois de Zoolkaidah, Hejerah 1277
Déposition de Diman
Je soussigné, Diman, résidant à Rayat, pêcheur depuis trois ans avec mes propres pièges à
poissons. Il est vrai que je me trouvai dans une rixe avec les Chinois. Avant cela, je surveillai les
pièges à poissons avec Si Ninggal. Ensuite vint un bateau pukat avec des Chinois pour pêcher près
des pièges à poissons. Cela remonte maintenant à quarante jours. Je ne connais pas ces Chinois ; il
y en avait environ sept. Je leur dit : «Ne pêchez pas près des pièges à poissons, si vous souhaitez
pêcher, allez un peu plus loin.» Je me trouvai alors dans le kolek, il me répondit : «Vous n’êtes pas
le roi de la mer.» Je dis ensuite : «Ne faites pas de bruit, l’ami.» Il m’insulta ensuite : «Le
pudendum muliebre de ta mère.» Je l’insultai également (dans les mêmes termes). Il me frappa
alors avec une rame et me toucha à l’épaule droite, j’écartai le coup avec ma pagaie ; ensuite vint
Si Ninggal et il le tapa avec la pagaie ; immédiatement après cela, le Chinois me frappa à nouveau ;
comme je ne pouvais pas le supporter, je courus vers la plage : quelques moments après Si Ninggal
courut également, mais mon kolek resta sur place. Peu après, j’y retournai et vis que mon kolek
avait été emmené à nouveau par les Chinois et mes pièges à poissons mis en pièces.
A Skandra Putri, le 29 du mois de Zoolkaidah, Hejerah 1277
Déposition de Si Ninggal
Je soussigné, Si Ninggal, résidant à l’embouchure du fleuve Rayat, ai déménagé de Punjurin
il y a environ quatre mois ; je suis pêcheur avec mes propres pièges à poissons qui font environ
quatorze pieds de hauteur. Vers 8 heures du soir, je surveillais mes pièges à poissons. Cela fait
maintenant quarante jours. Des Chinois vinrent pêcher avec leur filet près de mes pièges à
poissons, à une distance d’environ deux brasses ; je les prévins et leur dit : «Ne restez pas là, vous
pêchez trop près de mes pièges à poissons ; vous souhaitez profiter, moi aussi, allez un peu plus
loin, ne serait-ce pas mieux ?» Ensuite, ils m’insultèrent, certains des Chinois se trouvaient dans le
bateau et d’autres dans l’eau. J’étais dans le kolek. Je dis ensuite : «Ne m’insultez pas. J’ai le
droit de vous empêcher, je ne souhaite pas créer des ennuis ; pourquoi m’insultez-vous ?». Ils
m’insultèrent à nouveau, je les insultai également. Six hommes prirent leurs rames et un homme
avait un bâton dans sa main et frappa Si Diman, le blessant à l’épaule droite. Il faisait nuit à ce
moment là, je ne pouvais donc pas le savoir, je fus également frappé ; je ne pouvais plus le
supporter. Si Diman s’étant enfui en courant, je tapai l’homme du bout du manche de ma pagaie ;
je ne peux pas dire à quel endroit (du corps) il fut touché. Ils me frappèrent à nouveau, et je tombai
dans l’eau ; je me levai ensuite et m’enfuis en courant. J’appelai certains de mes compagnons à
l’aide. Comme ils venaient, les Chinois (entre temps) s’enfuirent en ramant et prirent avec eux le
kolek. Le matin suivant, je descendis voir les pièges à poissons et les trouvai tous en pièces.
Sept Chinois en tout se battirent contre moi.
A Skandra Putri, le 29 du mois de Zoolkaidah, Hejerah 1277
Déposition de Kasim
Je soussigné, Kasim, résidant à l’embouchure du fleuve Rayat, ayant déménagé de Punjurin
il y a environ quatre mois ; suis occupé à pêcher depuis environ quatre mois avec mes petits pièges
à poissons. Au début de la rixe, j’étais endormi ; j’entendis ensuite Diman et Si Ninggal crier «A
l’aide, à l’aide.» Je descendis mais ne vis aucun Chinois là. Le matin suivant, Diman et Si Ninggal
se rendirent aux pièges et virent que tous avaient été mis en pièces. Voilà ce que je sais.
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A Skandra Putri, le 29 du mois de Zoolkaidah, Hejerah 1277
Déposition de Kitab
Je soussigné, Kitab, vivant à l’embouchure du fleuve Rayat, occupé à la pêche depuis
trois ans avec mes propres pièges à poissons de deux brasses de hauteur ; je n’ai en aucune manière
été concerné par cette rixe, étant endormi. J’ai effectivement entendu Si Diman et Si Ninggal
appeler à l’aide, je suis descendu (à la plage) et j’ai vu que les Chinois étaient partis en ramant et
avaient pris avec eux le kolek. Le matin suivant, je constatai que les pièges à poissons appartenant
à Si Ninggal avaient été mis en pièces.
A Skandra Putri, le 29 du mois de Zoolkaidah, Hejerah 1277
Déposition d’Ambek
Je soussigné, Ambek, vivant à Rayant, pêcheur depuis quatre mois environ avec mon frère
Si Ninggal. Nos pièges à poissons étaient petits, je n’étais en rien concerné par cette rixe, étant
alors endormi, (j’entendis) Diman et Si Ninggal appeler «A l’aide, à l’aide», Kasim me réveilla
soudainement et dit : «Il y a du bruit.» Je me réveillai et descendis à la plage ; alors que j’arrivai
sur place, Si Ninggal dit : «Les Chinois ont emporté notre kolek.» Le matin suivant, je descendis
avec mon frère et vis que les pièges à poissons étaient tous en pièces. Je ne sais rien d’autre.
Lettre en date du 16 juillet 1861 adressée à S. A. le tumongong de Johor par le colonel
Orfeur Cavenagh, gouverneur de l’île du Prince-de-Galles, de Singapour et de Malacca
No 401
Nous avons reçu la lettre de notre ami du 12 de ce mois et avons attentivement passé en
revue les dépositions transmises à la même occasion.
Bien que les preuves présentées à notre ami soient contraires à la déclaration contenue dans
la requête dont une copie a été transmise avec notre lettre datée du 15 mai (une requête, faut-il le
rappeler, écrite dans une langue étrangère et dont les requérants pourraient ne pas avoir bien saisi le
sens sauf pour ce qui concerne le nombre des assaillants), elles sont strictement conformes au
rapport effectué par la police le 29 avril, rapport sur lequel notre première communication était
fondée et dont nous joignons une copie à notre pour information. Dans ces conditions, nous
sommes conduits à croire que dans le cas présent, bien que les Chinois puissent avoir été
provocateurs en usant de langage injurieux, pour l’essentiel, leur version est avérée, plus
particulièrement parce qu’il est clair d’après le certificat en annexe qu’un de leurs membres a été
gravement blessé, apparemment par un coup de kris ou d’un autre instrument pointu, alors que les
témoins malais affirment que le seul coup porté de leur côté correspond à celui qu’a reconnu avoir
porté Si Ninggal avec sa pagaie, lequel aurait difficilement pu infliger une blessure de la nature
décrite par l’assistant chirurgien interne. Nous avons déjà signalé à notre ami qu’en vertu du traité
du 2 août 1824, toutes les mers, tous les détroits et tous les îlots dans la limite de dix milles
géographiques à partir de la côte de l’île principale de Singapour ont été cédés au Gouvernement
britannique, en raison de quoi la pêche en mer dans ces limites et à l’intérieur de l’étale de basse
mer est parfaitement ouverte à tous les sujets britanniques. Dès lors, toute attaque qui les ciblerait
dans ces limites ne peut être considérée que comme un acte de piraterie et rendre les offenseurs
passibles d’arrestation par une force britannique et de poursuites par un tribunal britannique.
Evidemment, s’ils devaient chercher refuge dans quelque portion des territoires de notre ami, nous
serions amenés à considérer de notre devoir, en vertu de l’article XI du traité mentionné, de
demander à notre ami l’aide nécessaire pour en assurer la capture ; une demande qui, nous voulons
le croire, serait entièrement appuyée.
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Kay Ah Chew a été admis le 29 avril à 10 heures du matin et a quitté l’hôpital le 14 mai. A
l’admission, il présentait une blessure par perforation pénétrant l’abdomen et au travers de laquelle
une partie de l’enveloppe des intestins dépassait. La blessure faisait un pouce et demi de largeur et
aurait pu avoir été infligée par un kris ou tout autre instrument pointu de taille similaire.
(Signé) Jame COWPAR.
[Copies conformes]
(Signé ) M. PROTHEROE,
Lieutenant, secrétaire adjoint du gouverneur des
Etablissements des détroits.
___________
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ANNEXE 20
LETTRE EN DATE DU 27 AOÛT 1885 ADRESSÉE À R.MEADE, SOUS-SECRÉTAIRE ADJOINT AU
COLONIAL OFFICE, PAR F.WELD, GOUVERNEUR DES ETABLISSEMENTS DES DÉTROITS
Confidentiel
I. Je n’objecte pas à la formule «avoir une fonction semblable à celle d’un agent consulaire»
omettre ordinaire ? mais je pense que le gouvernement de l’Inde a peu de chances de permettre aux
coolies indiens de se rendre à Johor à moins que leur capitaine n’ait quelque contrôle sur eux, mais
vous pourrez l’établir à l’India Office.
II. Le seul danger auquel je souhaite parer, tout comme vous, est le prétexte à une
intervention étrangère. Je pense qu’il est suffisamment réel pour qu’il faille s’en prémunir. Il y
aurait ainsi beaucoup à dire concernant certaines des objections, mais comme nos fins sont les
mêmes que celles poursuivies par le Maharajah, nous devrions pouvoir trouver une solution.
Avez-vous consulté M. Bramston ? Savoir s’il n’est pas possible d’insérer une clause dans les
accords du Maharajah pour y satisfaire, par exemple en faisant du Gouvernement britannique
l’arbitre en cas de litige, mais peut-être qu’il y objecterait — la question dans son ensemble est
difficile, même une Compagnie britannique pourrait se vendre à une compagnie étrangère —, voilà
ce que j’examinerai. Je laisse un espace et passe à la suivante (VII).
___________
Depuis la rédaction des faits précités et des paragraphes suivants, j’ai réfléchi à la question,
je ne vois aucun moyen de sortir de la difficulté sauf à laisser tomber le point [et par quelque chose
ayant le résultat suivant]. Je n’aime pas laisser tomber le point s’il est possible d’y parvenir par des
moyens raisonnables, mais nous ne pouvons pas exclure les Chinois, etc., ni a fortiori les Javanais,
qui sont en un sens les propres compatriotes du Maharajah. En effet, celui-ci est de descendance
Bugis… Mais avec le temonggong, il … autres … devant nous, un point de vue aussi exceptionnel
que Johor se doit d’être soigneusement protégé. Est-ce que quoi que ce soit de ce genre irait ?
«et il doit y avoir pour condition dans toutes les concessions de ce type qu’elles
deviennent ipso facto nulles et non avenues s’il devait être fait appel pour contester
S. A. le sultan de l’Etat du Johor, ses héritiers, ses successeurs ou le gouvernement de
Johor, à quelque gouvernement étranger que ce soit ou dussent de telles concessions
être l’occasion d’ingérences au sein de Johor ou de son gouvernement dans le cadre de
tout plaidoyer, quel qu’il soit, par quelque gouvernement étranger que ce soit».
En cas de compensation, s’il y a lieu, établir un arbitrage par notre gouvernement ?
___________
VII Je ne pense pas que «légitime» ira. J’ai entendu, sans en avoir la preuve, que le
Maharajah avait un enfant d’une première femme divorcée, princesse de la famille de Pahang
⎯ alors, si cet enfant était vivant, il serait probablement le successeur «légitime» selon nos idées ⎯ il a
une fille, une enfant charmante, je crois de sa femme actuelle, mais je suppose qu’elle ne succédera
pas et sa femme actuelle est moitié chinoise et n’a, me semble-t-il, pas de sang Malais noble. Je
dois dire que si le chef y consentait et le Maharajah nommait son frère, il s’agirait d’une succession
- 84 -
légitime conformément aux coutumes malaises et il s’agirait probablement de la meilleure chose à
faire. Si le Maharajah mourrait sans qu’un tel accord des chefs soit d’abord obtenu, nous pourrions
toujours influencer les chefs et ils s’attendraient à ce que nous les consultions ou souhaitions le
faire, et nos intérêts le requerraient car après tout, Johor fait en pratique partie de Singapour. Je
devrais mettre «il» «et ses héritiers et successeurs succédant légalement conformément à la
coutume malaise». Cela exclurait d’emblée tous les étrangers, toutes les compagnies, etc. et le
limiterait principalement à sa propre famille et certainement au sang malais dans le cas le plus
extrême. L’injustice flagrante de l’affaire Muar ne portait pas seulement sur le fait d’écarter
Tunku Allum (un homme en pleine forme), mais également sur le fait d’écarter toute la famille
royale et le sang royal. Sous la clause telle que je la propose, le Maharajah pourrait à son retour
nommer son successeur avec l’accord du chef. Si toutefois, il le désignait sans que ce consentement
soit formellement exprimé — il devrait compter sur le fait que ce consentement soit donné à la
prise de fonction de son successeur. J’insère le mot «Son Altesse» dans l’avant dernière ligne
malgré la maladresse de tournure car je ne veux pas qu’il s’arroge le titre d’Altesse Royale. Les
sultans du Perak et du Selangor pourraient le revendiquer parce que nous avons reconnu par traité
un «roi» de Perak et également je pense de Selangor, et ils possèdent le plus haut «Sangre Azul»
comme le disent les Espagnols. Le mot Altesse utilisé quelques lignes avant fait référence à ces
derniers. Je vous laisse une lettre tout juste reçue de la part de C. C. Smith. Veuillez la lire et la
retourner car elle est privée.
Sincèrement vôtre,
(Signé) J. W. WELD.
Confidentiel
P.S. : je ferais seulement remarquer également que le Maharajah ne doit pas considérer ces
dispositions comme susceptibles d’être exploitées contre lui. Elles ont pour but de nous permettre
de le protéger et d’éviter des lacunes que pourrait exploiter quelque puissance étrangère pour faire
ingérence et exercer des pressions sur lui.
Si nous avions adopté la formule hypocrite nous ne pourrions souffrir de le protéger sans
spécifier que nous ne devons le faire que s’il se comporte correctement lui-même et n’attaque pas
d’autres peuples.
Je conserverais pour ma part la conclusion Etat et Territoire de Johor. La formule sultan de
l’Etat de Johor doit être la formule d’adresse officielle. Sultan de Johor deviendra à coup sûr la
formule ordinaire et informelle mais si elle devait être attribuée de manière officielle, elle risquerait
d’être prise pour l’ancien titre de Tunku Allum, avec ses anciens droits sur les petits Etats et la
suzeraineté sur Malacca et Pahang. Cela pourrait être mentionné dans une dépêche confidentielle
mais il n’est pas nécessaire de le porter à l’attention du Maharajah.
Excusez ce griffonnage.
J.A.W.
[Note du transcripteur : les pièces jointes à cette note sont incluses mais ne sont pas transcrites.]
- 85 -
Confidentiel
Imprimé à l’intention du Colonial Office
[annotations manuscrites illisibles]
Mémorandum relatif à certains points touchant les relations entre le gouvernement des
Etablissements des détroits de Sa Majesté et le Gouvernement de l’Etat
indépendant du Johore
Article premier
Les deux gouvernements coopéreront cordialement en tous temps afin d’établir sur leurs
territoires limitrophes respectifs une population paisible et de défendre conjointement lesdits
territoires contre des agressions venues de l’extérieur, et de se livrer mutuellement les personnes
accusées ou reconnues coupables d’un crime ou d’une infraction quelconque, dans des conditions à
fixer entre les parties.
Article II
S. A. le maharajah du Johore s’engage, en cas de demande en ce sens du gouvernement des
Etablissements des détroits, à coopérer à la conclusion d’arrangements facilitant le commerce et le
transit des marchandises par voie de terre avec l’Etat du Pahang via l’Etat du Johore.
Article III
Au cas où, à un moment quelconque, le Gouvernement des Etablissements des détroits
exprimerait le désir de nommer un fonctionnaire britannique comme agent résidant dans l’Etat du
Johore [ajout manuscrit : et assumant des fonctions analogues à celles d’un officier consulaire],
S. A. le maharajah sera disposée à fournir gratuitement un site approprié sur son territoire afin d’y
ériger une résidence destinée à l’intéressé.
Article IV
Toutes les pièces de monnaie frappées dans la devise des Etablissements des détroits
requises pour l’usage du Gouvernement du Johore seront fournies à ce dernier par le gouvernement
des Etablissements des détroits à des taux ne dépassant pas ceux exigés des Gouvernements des
Etats protégés de Malaisie et dans les mêmes limites quantitatives. S. A. le maharajah s’engage
pour sa part à limiter strictement les demandes de pièces de monnaie divisionnaires émises par son
gouvernement en fonction des besoins légitimes des habitants de l’Etat du Johore et à ce que les
pièces ainsi frappées soient soumises aux mêmes limites en matière de cours légal que celles en
vigueur dans les Etablissements des détroits.
Article V
Le gouverneur des Etablissements des détroits [ajout manuscrit :, dans l’esprit des traités
précédents,] fera toujours tout son possible pour prendre les mesures éventuellement requises afin
de protéger le Gouvernement et le territoire du Johore contre des attaques extérieures hostiles ;
[ajout manuscrit : à cette fin et à des fins analogues,] les fonctionnaires de Sa Majesté jouiront en
permanence d’un accès libre aux eaux de l’Etat du Johore ; et il est convenu que ces eaux
s’étendent sur une largeur de 3 milles à partir du littoral de l’Etat ou, lorsque la largeur des eaux en
- 86 -
question est inférieure à 6 milles, [correction manuscrite : jusqu’à] une ligne imaginaire située à
mi-distance des côtes respectives des deux pays.
Article VI
[Supprimé. Annotations manuscrites illisibles]
Article VII
Attendu que S. A. le maharajah du Johore a fait savoir au gouverneur des Etablissements des
détroits que ses chefs et son peuple voudraient lui voir porter le titre de sultan, il est également
convenu qu’en considération de l’amitié et l’affection constantes témoignées par Son Altesse
envers le gouvernement de S. M. la reine et l’impératrice, et des dispositions contenues dans le
mémorandum, lui [ajout manuscrit , ses héritiers et ses successeurs légaux selon la coutume
malaise, seront] à l’avenir reconnu[s] comme S. A. le sultan [ajout manuscrit : de l’Etat et]
territoire du Johore et devr[ont] se voir donner ce titre par [leurs] interlocuteurs.
___________
- 87 -
ANNEXE 21
CORRESPONDANCE RELATIVE À LA REVENDICATION DU SULTAN DE JOHOR SUR LES ÎLES
NATUNA, ANAMBAS ET TAMBELAN
i) note en date du 23 mars 1886 relative à la réunion avec Inchi Abdul Rahman,
secrétaire du sultan de Johor, établie par R. Herbert, sous-secrétaire au Colonial
Office
ii) lettre en date du 25 mars 1886 adressée au Foreign Office par le Colonial Office
iii) lettre en date du 20 avril 1886 adressée à Inchi Abdul Rahman, secrétaire du sultan
de Johor, par le Colonial Office
iv) mémorandum en date du 5 mai 1886 présenté au Colonial Office par
Inchi Abdul Rahman, secrétaire du sultan de Johor
v) lettre en date du 26 mai 1886 adressée à Inchi Abdul Rahman, secrétaire du sultan de
Johor, par le Colonial Office
Note en date du 23 mars 1886 relative à la réunion avec Inchi Abdul Rahman (secrétaire du
sultan de Johor) établie par R. Herbert (sous-secrétaire au Colonial Office), du
C.O. 273/142, Détroit, no 4962, folio nos 841-842
Service ou individu
Johor, sultan de
Date
1886
20 mars
Dernier papier précédent
(Sujet)
Iles dans les mers et détroits
appartenant à Johor
Demande qu’un registre puisse être tenu par le secrétaire d’Etat
ainsi que le gouverneur — dans l’éventualité que tout autre
pouvoir considère l’une d’entre elles comme étant sous sa
protection
(Minutes)
Monsieur R. Herbert
(signé) 23/3
Le secrétaire du sultan de Johor et son avocat M. Rodyck vinrent ici la semaine dernière et
expliquèrent à M. Meade et à moi-même leurs raisons de penser que la revendication de Johor sur
les îles auxquelles il est fait référence dans cette lettre n’avait pas été invalidée par quelque
occupation effective de ces îles ou de l’une d’entre elles par le gouvernement des Pays-Bas.
Ils mentionnèrent que le Gouvernement néerlandais possédait depuis longtemps,
croyaient-ils, un port à charbon sur l’île principale de Natuna, mais que ce port avait été abandonné
il y a un certain temps et pensaient que les Néerlandais n’avaient à présent aucun établissement à
cet endroit.
- 88 -
Ils firent remarquer qu’en vertu de l’article 12 du traité de 1824, la Grande-Bretagne avait
reconnu la revendication de la Hollande sur certaines îles au sud de Singapour, d’après quoi ils
infèrent que les Néerlandais n’établirent aucune revendication sur les îles mentionnées dans cette
lettre ; ils dirent en outre n’avoir pas connaissance du moindre titre sur ces îles établi par la
Hollande, alors qu’ils alléguèrent que le titre de Johor est correct comme le stipule M. Crawfurd
dans l’extrait M.S. de son dictionnaire joint en annexe.
[ici] comme avant, [et] J’envoie les originaux de leurs documents et des cartes au ministère des affaires
étrangères, en demandant si le ministère est d’avis que Johor a, d’après ces éléments, quelque
apparente légitimité à réclamer les îles, et en suggérant que si tel était le cas (puisqu’il semblerait
important de rattacher les îles à un Etat ami dont les relations étrangères se trouvent sous le
contrôle de ce pays, leur proximité avec Singapour faisant de leur occupation par une puissance
étrangère une source possible de danger pour les établissements britanniques), il serait souhaitable
de vérifier si le Gouvernement néerlandais pourrait légitimement revendiquer quelqu’une des îles
en question.
Lettre en date du 25 mars 1886 adressée au Foreign Office par le Colonial Office, du
C.O. 273/142, Détroit no 4962, folio nos 854-855
J’ai reçu pour instruction de la part d’Earl Granville de vous transmettre pour le cousin du
comte de Rosebery la lettre jointe de S. A. le sultan de l’Etat et Territoire de Johor au sujet des îles
appartenant à cet Etat.
2. Le secrétaire du sultan de Johor et M. Rodyck son avocat vinrent ici la semaine dernière et
expliquèrent leurs raisons de penser que la revendication de Johor sur les îles auxquelles il est fait
référence dans cette lettre n’avait pas été invalidée par quelque occupation effective de ces îles ou
de l’une d’entre elles par le Gouvernement des Pays-Bas.
3. Ils mentionnèrent que le Gouvernement néerlandais possédait depuis longtemps,
croyaient-ils, un port à charbon sur l’île principale de Natuna, mais que ce port avait été abandonné
il y a un certain temps et pensaient que les Néerlandais n’avaient à présent aucun établissement à
cet endroit.
4. Ils firent remarquer qu’en vertu de l’article 12 du traité de 1824, la Grande-Bretagne avait
reconnu la revendication de la Hollande sur certaines îles au sud de Singapour, d’après quoi ils
infèrent que les Néerlandais n’établirent aucune revendication sur les îles mentionnées dans cette
lettre ; ils dirent en outre n’avoir pas connaissance du moindre titre sur ces îles établi par la
Hollande, alors qu’ils alléguèrent que le titre de Johor est correct comme le stipule M. Crawfurd
dans l’extrait M.S. de son dictionnaire joint en annexe.
5. Je dois demander si Lord Rosebery est d’avis que Johor a, d’après ces éléments, quelque
apparente légitimité à réclamer les îles, et si c’est le cas suggérer (puisqu’il semblerait important de
rattacher les îles à un Etat ami dont les relations étrangères se trouvent sous le contrôle de ce pays,
leur proximité avec Singapour faisant de leur occupation par une puissance étrangère une source
possible de danger pour les établissements britanniques) qu’il serait souhaitable de vérifier si le
Gouvernement néerlandais pourrait légitimement revendiquer quelqu’une des îles en question.
- 89 -
Lettre en date du 20 avril 1886 adressée à Inchi Abdul Rahman (secrétaire du sultan de
Johor) par le Colonial Office, du C.O. 273/142, Détroit no 6236, folio nos 280-285
J’ai reçu pour instruction de la part d’Earl Granville de vous demander d’informer S. A. le
sultan de l’Etat et Territoire de Johor que le gouvernement de Sa Majesté a considéré la lettre de
Son Altesse du 20 du mois dernier concernant certaines îles présumées appartenir à Johor, mais que
le gouvernement a le regret de déclarer qu’il ne pense pas que Son Altesse puisse établir sa
revendication à ce sujet.
2. Il semble clair que le droit néerlandais de souveraineté sur certaines des îles a été reconnu.
Il est stipulé dans le Dictionnaire des îles indiennes et des pays adjacents de Crawfurd (publié
en 1856) que les îles en question font partie du territoire de Johor ; mais le 3 mai 1866, le ministre
des Pays-Bas à Londres a officiellement communiqué au secrétaire d’Etat des affaires étrangères,
conformément au traité du 17 mars 1824, différentes conventions et «contrats» qui avaient été
conclus entre le Gouvernement des Indes néerlandaises et certains dirigeants indigènes dans les
mers orientales et parmi eux figurait un «contrat» conclu entre le résident de Riau dûment autorisé
par le gouverneur général des Indes néerlandaises et le sultan du Royaume de Lingga, Riau et
dépendances dans lequel était dite «annexée» une «convention» datée du 19 août 1864 qui se
présente de la manière suivante :
«Le résident de Riau et dépendances ayant constaté, lors d’un voyage
d’inspection réalisé au mois de mai 1862 que, parmi les groupes Anambas, Natuna,
Pirates et Tambelan mentionnés comme faisant partie du Royaume de Lingga, Riau et
dépendances dans les 5e, 6e, 7e, 8e, 9e, 10e et 11e sections de la liste de l’article II du
contrat conclu entre le Gouvernement des Indes néerlandaises et ledit Royaume le
1er décembre 1857, toutes les îles y appartenant ne sont pas nommées dans la liste et
que certaines de celles qui y figurent sont nommées de manière incorrecte ; en
conséquence, le 19 août 1864, ledit résident, autorisé par l’article 5 du décret du
gouvernement du 15 octobre 1862 n°37 et S. A. Rajah Mohamad Joesolf, autorisée par
S. A. Soleiman Badar uel Alam Sjah sultan dudit royaume, par lettre du
9 décembre 1862, à représenter ici le sultan et les nobles de Lingga, Riau et
dépendances, dans l’intention de lever tout doute qui en proviendraient ; sous réserve
de l’approbation ci-après de S. Exc. le gouverneur général des Indes néerlandaises, se
sont mis d’accord sur l’article unique suivant.»
Il fut ensuite stipulé que les terres et îles mentionnées dans la liste ajoutée ici formaient le
Territoire du Royaume de Lingga, Riau et dépendances appartenant à l’article II du Contrat du
1er décembre 1857.
3. Dans cette liste, les îles suivantes ont été spécifiquement nommées : Anambas (96 îles en
tout), les grandes îles Natuna (38), Natuna Nord (6), Natuna Sud (11), les îles Pirate (13) et
Tambelan (41).
4. Cette convention du 19 août 1864 a été approuvée et ratifiée par le gouverneur général des
Indes néerlandaises le 13 octobre 1864.
5. Lorsque la correspondance fut présentée au parlement en 1882 concernant la Compagnie
britannique du Nord-Bornéo, une liste de traités, conventions, etc., conclus entre le Gouvernement
des Pays-Bas et les princes natifs de la mer orientale (dont des copies avaient de temps à autre été
officiellement communiquées par les Néerlandais au Gouvernement britannique) fut publiée avec
- 90 -
les documents et dans cette liste apparaissaient les îles Anambas, Natuna et Tambelan, avec une
carte des territoires revendiqués par les Pays-Bas en 1882 où les îles Natuna, etc., étaient coloriées
comme appartenant aux Néerlandais.
6. En regard de ces faits, le gouvernement de Sa Majesté craint qu’il ne serait maintenant pas
possible de conserver la revendication du sultan de Johor sur ces îles, quand bien même il pourrait
être prouvé qu’en des temps antérieurs, elles appartinrent à cet Etat.
Veuillez agréer, etc.
(Signé) RM.
Mémorandum en date du 5 mai 1886 présenté au Colonial Office par Inchi Abdul Rahman
(secrétaire du sultan de Johor), du C.O. 273/142, Détroit no 8704, folio nos 347-350
Note :
Les îles Natuna, Anambas et Tambelan
1. Le sultan de Johor revendique ces groupes d’îles comme apanages de la Principauté de
Johor — voir le «Dictionnaire de l’archipel des Indes» de Crawford, pour preuve que les dirigeants
de Johor ont exercé souveraineté sur ces groupes.
2. Il est stipulé qu’il y a quelques années, les Néerlandais ont revendiqué ces îles comme leur
appartenant et que le gouvernement a admis leur revendication.
Les Néerlandais ont appuyé leur revendication sur le fait que ces îles faisaient partie du
Royaume de Lingga et Riau, qui se trouve sous la souveraineté formant une partie des Indes
néerlandaises.
Le sultan nie ce fait et remarque que les dirigeants de Lingga et Riau n’ont jamais eu le
moindre droit à la possession de ces îles, de sorte qu’en les remettant aux Néerlandais, ils ont
donné ce qui ne leur appartenait pas.
Le dirigeant de Lingga et Riau à l’époque de la passation présumée était sans aucun doute au
courant que si les îles avaient été une fois reconnues comme possessions néerlandaises, elle se
placeraient directement sous sa domination = Lingga, Riau, etc. furent autrefois des parties du
Royaume de Johor.
3. En vertu du traité anglo-néerlandais de 1824, les Néerlandais ne peuvent exercer le
moindre droit sur les îles au nord du détroit de Singapour ni interférer avec elles. Les groupes en
question sont situés au nord de cette ligne, à l’exception de certaines îles du groupe Tambelan sur
l’une desquelles les Néerlandais possèdent un dépôt de charbon et un fort.
Cette île se trouve sous la ligne du détroit de Singapour.
4. Lorsque feu M. James Brook vint la première fois prendre possession de Sarawak
(Bornéo-Nord), on dit que les Néerlandais objectèrent à la procédure mais il leur fut rappelé le
Traité de 1824 et ils renoncèrent à leurs objections, le territoire occupé par les Anglais étant audessus
de la ligne du détroit de Singapour.
- 91 -
5. Il est significatif que les Néerlandais n’ont jamais placé de fonctionnaire sur aucune des
îles au-dessus de la ligne et qu’ils se débarrassèrent d’un port de charbon qu’ils avaient un temps
établi sur l’une des îles du groupe Natuna Sud.
Pour les Néerlandais, à l’est, il est bien connu qu’ils conservent un fonctionnaire comme
résident sur toute île qui leur appartient partout où se comptent plus de cent habitants ; mais ils ne
l’ont clairement pas fait en ce qui concerne les Natunas, etc., bien que ces îles soient très peuplées
et que leur situation soit importante.
6. Les habitants de ces îles ont fréquemment sollicité le sultan pour qu’il s’intéresse plus à
eux, parmi ses terres, qu’il ne l’avait fait les années précédentes, et Son Altesse, qui se montre
désireux de le faire, désire maintenant la reconnaissance et le soutien du gouvernement britannique
avant de poursuivre dans cette voie, afin d’éviter tout conflit avec les intérêts des Néerlandais dans
les mers orientales.
7. Des rapports indiquent qu’il existe d’excellents ports sur certaines des îles et Son Altesse
pense qu’il servirait dans une large mesure les intérêts des britanniques de faire tout son possible
pour ramener maintenant ces îles négligées sous son contrôle.
Lettre en date du 26 mai 1886 adressée à Inchi Abdul Rahman (secrétaire du sultan de
Johor) par le Colonial Office, du C.O. 273/142, Détroit nos 8704, Folio no 351
En référence à votre note du 5 de ce mois et aux précédentes correspondances concernant la
revendication de S. A. le sultan de l’Etat et Territoire de Johor sur les îles Natuna, Anambas et
Tambelan, j’ai reçu ordre d’Earl Granville de vous demander d’informer Son Altesse qu’après une
enquête plus soignée et approfondie, le gouvernement de Sa Majesté est clairement d’avis que
comme ce pays a pleinement reconnu la revendication des Pays-Bas sur les îles en question, le
gouvernement de Sa Majesté ne peut maintenant prendre aucune initiative qui impliquerait que
cette revendication soit à présent remise en cause.
___________
- 92 -
ANNEXE 22
MINUTES INTERNES DU COLONIAL OFFICE DATÉES DES 28 ET 29 AVRIL 1886
[Du C.O. 273/142, Détroit no 6236, folio no 273]
M. Meade
Je suppose que ces cartes doivent être retournées au Sultan avec une note verbale ?
Jns. 28/4
Oui, à l’Inchi
RM 28/4
[Du folio no 272]
Cartes retournées à l’Inchi (en note verbale) 29 avril
[Note du transcripteur : les passages transcrits qui suivent sont surlignés en gris dans les manuscrits
joints.]
___________
- 93 -
ANNEXE 23
SECTIONS III, IV ET V DE LA CONSTITUTION DE L’ETAT DE JOHOR EN DATE
DU 14 AVRIL 1895
I. La Constitution de l’Etat de Johor
A.H. 1312
(14 avril 1895)
Descendants du sultan Abu Bakar
III. Le souverain (après le souverain actuel) doit être un descendant de chair et de sang de
S. A. le sultan et chef souverain Abu-Bakar fils d’Almarhom Ibrahim, et celui qui est reconnu tel
doit être d’origine authentique et légitime ; et le descendant éligible doit, pour devenir le souverain,
être un fils, génération après génération jusqu’au dernier, ce qui implique qu’il ne doit en aucun cas
être permis et qu’il sera illégal d’élire comme souverain toute personne autre qu’un descendant du
sultan Abu-Bakar s’il existe un descendant de ladite Altesse répondant aux critères précédents ; à
l’exception du cas où un tel descendant de Son Altesse qui pourrait être considéré et choisi soit,
après entière et complète enquête des «partisans de l’Etat», considéré inéligible en qualité de
souverain, en raison de grands et graves défauts portant atteinte à la qualité d’un souverain, comme
l’aliénation mentale, la cécité, la mutité ou la possession de particularités fondamentales en raison
desquelles il ne serait pas permis par la loi mahométane de devenir un chef souverain.
Descendant d’Almarhom Ibrahim et Abdul-Rahman
IV. Si à quelque moment que ce soit, les descendants en ligne directe de S. A. le sultan
Abu-Bakar devaient s’éteindre complètement ou s’il devait n’en rester qu’un mais que celui-ci
s’avérait indigne de devenir Souverain pour les raisons définies dans la section III, il sera
nécessaire de choisir et nommer comme Souverain un prince parmi les descendants en ligne directe
d’Almarhom Temeggong Ibrahim ; et à nouveau, s’il devait n’en rester aucun ou s’il n’y en avait
aucun parmi les descendants en ligne directe d’Almarhom Ibrahim qui soit considéré comme
éligible, il serait nécessaire de choisir et de nommer comme Souverain toute personne du sexe mâle
parmi les descendants en ligne directe d’Almarhom Temeggong Abdul-Rahma et dans l’un ou
l’autre des cas précédents, la personne à nommer comme Souverain doit être d’authenticité
reconnue et de sang légitime.
Election comme souverain d’une personne qui n’est pas un descendant d’Abu-Bakar,
Ibrahim ou Abdul Rahman
V. A supposer qu’un temps vienne où il ne reste pas un seul représentant des descendants des
trois chefs mentionnés dans la dernière section ou s’il devait en rester un mais qui ne possède pas
les qualifications nécessaires requises par cette loi et la loi mahométane, alors la tâche de choisir,
d’élire et de nommer le Souverain doit être laissée à la considération, au jugement et à la décision
du conseil d’Etat avec les partisans du pays ; mais il est prévu que la personne à prendre, choisir,
élire et nommer par eux comme Souverain doit être un homme d’âge mûr, d’âme saine, un vrai
Malais de Johor, un sujet de l’Etat de Johor, professant la religion mahométane, de sang pur, libre
et reconnu comme légitimement et légalement engendré, et en outre capable de lire et d’écrire dans
sa propre langue et possédant une réputation, une compréhension, une nature, un caractère, une
disposition et une conduite méritoires et dignes de louanges. Et si la personne prise, choisie, élue et
- 94 -
nommée souverain devait ne pas être de sang royal, il est admis qu’un tel cas devrait être une
exception à la règle définie à la section II et devrait être licite.
Trahison des héritiers inférieurs
VI. Si l’héritier apparent ou l’héritier présomptif ou d’autres héritiers ou toute autre personne
de la ligne des descendants mentionnée dans les quelques sections qui suivent devait faire ou tenter
de faire quoi que ce soit ou de mettre à exécution un plan ou un projet de nature à constituer une
trahison contre une personne dont la position relative au trône de Johor est plus proche que la
sienne avec l’intention de parvenir à la destruction du membre ou des membres de la famille royale
bénéficiant de cette relation plus proche afin que lui-même ou tout autre personne de sa
descendance ou quiconque d’un autre sang puisse par les moyens, la raison ou la cause d’un tel acte
de trahison devenir le chef souverain, comme l’héritier apparent conspirant contre le souverain
régnant, ou le second…
___________

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Volume 2 (Annexes 1 à 23)

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