OPINION DISSIDENTE DE M. SCHWEBEL, VICE-PRÉSIDENT
[Traduction]
Plus que toute autre affaire dans l'histoire de la Cour, la procédure
actuelle présenteune tension titanesque entre pratique des Etats et prin-
cipejuridique. Il n'en est que plus important de ne pas confondre le droit
international que nous avons et le droit international dont nous avons
besoin. Dans l'ensemble, l'avisde la Cour ne le fait pas. J'approuve pour
l'essentielmais pas entièrementla plus grande partie de l'avis etje préci-
serai dans l'opinion qui suit les points de divergence. Mais comme je suis
en profond désaccordavec l'ultime etprincipale conclusion de la Cour,
j'ai le regret de devoir formuler une opinion dissidente.
Le problème estessentiellement celui-ci.La pratique des Etats pendant
cinquante ans n'exclutpas, et dèslors confirme, la licéitéde la menace ou
de l'emploi d'armes nucléaires dans certaines circonstances. En même
temps, lesprincipes de droit international humanitaire qui sont antérieurs
à cette pratique régissentl'utilisation de toutes les armes, y compris les
armes nucléaires,et il est extraordinairement difficilede concilier l'emploi
- ou du moins certains emplois - des armes nucléaires avecl'applica-
tion des principes en question.
Une manière de surmonter la contradiction entre pratique et principe
consisteraità faire abstraction de la pratique. C'est ce que font ceux qui
soutiennent l'illicéide la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires. Une
autre manière consisterait àfaire abstraction du principe età soutenir que
les principes du droit international humanitaire ne s'appliquent pas aux
armes nucléaires.Cela n'a pas été faiptar lesEtats, y compris ceuxqui sont
dotés d'armes nucléaired s,ans la présente affaireet ne devait pas l'êt. es
principes - essentiellementlaproportionnalitéquant au niveau de la force
utilisée,la distinction entre combattants et civilsdans l'usage dela force,
l'interdiction de causer des maux superflus aux combattants - ont été
dégagés àl'époque prénucléaire. In le s'adaptent pas facilementà l'emploi
d'un armementayant lescaractéristiquesdes armes nucléaires.Il faut noter
en mêmetemps que les puissances nucléaires et leursalliésse sont opposés
avec succès à ce que le développementprogressif du droit humanitaire
s'étende aux armes nucléaires c,ommeen témoignentles travaux des confé-
rencesqui ont abouti à l'adoption desconventionsdeGenèvede1949et des
protocoles additionnelsde 1977.Néanmoinssoutenir que cesprincipes fon-
damentaux ne s'appliquent pas aux inventionsmises au point dans le
domaine de l'armement postérieurement à leur formation serait dénaturer
le droit international humanitaire. Il n'est pas concevablenon plus qu'en
élaborantces principes la communautéinternationale ait voulu exclurede
leur champ d'application les armes qui seraient inventéesplus tard. La
clause de Martens atteste du contraire. Qu'il me soit permis,avant d'examiner comment le fosséentre la pra-
tique et le principe pourrait êtrecomblé,et comment l'avis de la Cour le
comble, de présenter certaines observations sur le contenu de l'un et de
l'autre.
La pratique étatique montreque les armes nucléairessont fabriquéeset
déployées par les Etats depuis une cinquantaine d'années,que la menace
de leur utilisation est inhérenteà leur déploiementet que, loin de pros-
crire la menace ou l'emploid'armes nucléairesdans toutes les circonstan-
ces, la communauté internationale a, soit par traitésoit par l'action du
Conseil de sécurité de l'organisation des Nations Unies, admis en fait ou
expressémentque, dans certaines circonstances, on pouvait utiliser des
armes nucléairesou menacer de les employer.
Non seulementlespuissances nucléairesont ouvertement et pendant des
décenniesfabriqué,entretenuet mis en place desarmes nucléairesau prix
d'efforts et de dépensesconsidérables, maiselles ont aussi affirméavoir
le droit de s'en servirdans certaines circonstances ou de menacer de s'en
servir. Qu'elles aient menacé d'y recourirrésultedu simple fait qu'elles
possédaientet déployaientces armes avec les conséquencesinexorables
qui en découlaient,qu'elles étaient prêtes à lancer des armes nucléaires
trois cent soixante-cinq jours par an et vingt-quatre heures sur vingt-
quatre, qu'elles avaient élaborédes plans militaires, stratégiqueset tac-
tiques, parfois révélé psubliquement, et, dans quelques très rarescrisesin-
ternationales, du fait qu'elles avaient effectivement menacéd'utiliser des
armes nucléaires.La menace de l'emploi éventuel desarmes nucléaires
est inhérente à la doctrine et àla pratique mêmesde la dissuasion.
Cette pratique nucléaire n'estpas le fait d7Etats ({objecteurs persis-
tants)), isoléset d'importance secondaire. Ce n'est pas la pratique d'un
gouvernement mis au ban de la communauté des nations ne trouvant
aucun échodans une opinion internationale d'un avis contraire. C'est la
pratique de cinq des grandes puissances mondiales, des membres perma-
nents du Conseil de sécurité ee tlle a étéappuyéetrèslargement pendant
près decinquante anspar leurs alliéset par d'autres Etats s'abritant sous
leur parapluie nucléaire.Autrement dit, c'est la pratique d'Etats - une
pratique appuyéepar un nombre important et imposant d'autres Etats -
qui, pris ensemble, représententl'essentielde la puissance militaire, éco-
nomique, financièreet technologique du monde et une très grande pro-
portion de sa population - et cette pratique a étéreconnue, prise en
compte et, dans une certaine mesure, acceptéepar la communautéinter-
nationale. L'étenduede cette acceptation est incertaine mais ellen'est pas
dénuée desens. 11est évidentque les alliances fondéessur le déploiement
d'armes nucléairesacceptent la licéitéde leur emploi dans certaines cir-
constances. Mais ce qui est peut-êtremoins évident, c'est l'effed t u traité
sur la non-prolifération, les conséquencesdu système de garanties desécurité négativee st positives donnéespar les puissances nucléaireset
acceptéespar le Conseil de sécurité conformémentau traité, etc'est aussi
l'incidence des réserves des puissances nucléairea sdhérant à des traités
régionaux régissant la détention, le déploiement et l'emploi d'armes
nucléaires.
LE TRAITÉ SUR LA NON-PROLIFÉRATION
DES ARMES NUCLÉAIRES
Le traité surla non-prolifération des armes nucléaires,conclu en 1968
et prorogépour une duréeindéfiniepar cent soixante-quinze Etats parties
en 1995,revêtune importance fondamentale. Aux termes de l'article pre-
mier: «Tout Etat dotéd'armes nucléairesqui est partie au traités'engage
à ne transférerà qui que ce soit ..des armes nucléaires ...ou le contrôle
de tellesarmes ..»et à n'aider «un Etat non dotéd'armes nucléaires,quel
qu'il soit,à fabriquer ou acquérir de quelque autre manière des armes
nucléaires...)) Selon l'articleII, tout Etat non doté d'armes nucléaires
s'engage à ne pas accepter d'armes nucléaireset à ne pas en fabriquer.
L'article III dispose que tout Etat non dotéd'armes nucléaires s'engage à
accepter les garanties qui devront êtrenégociées avecl'Agence interna-
tionale de l'énergieatomique en vue d'empêcherque l'énergie nucléaire
ne soit détournéede ses utilisations pacifiques vers des armes nucléaires.
L'article IV laisseà toutes les parties le droit de développerl'utilisation
de l'énergienucléaire à des fins pacifiques et l'article V stipule que les
avantages pouvant découler des applications pacifiques des explosions
nucléairesseront accessibles aux Etats non dotésd'armes nucléairesqui
sont parties au traité.L'article VI dispose que:
«Chacune des parties au traités'engage à poursuivre de bonne foi
des négociationssur des mesures efficacesrelatives à la cessation de
la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au
désarmementnucléaire etsur un traité de désarmement généralet
complet sous un contrôle international strict et efficace.
L'article VI1 est ainsi conçu:
«Aucune clause du présenttraiténe porte atteinte au droit d'un
groupe quelconque d7Etats de conclure des traités régionaux de
façon à assurer l'absence totale d'armes nucléairessur leurs terri-
toires respectifs.
L'article VI11est une clause d'amendement. Aux termes de l'article IX le
traitéest ouvert à tous les Etats et
«aux fins du traité,un Etat dotéd'armes nucléaires estun Etat qui a
fabriqué et a fait exploser une arme nucléaireou un autre dispositif
nucléaireavant le le'janvier 1967)).L'article X est une clause de retrait en cas d'événements extraordinaires
et contient une disposition sur la base de laquelle une conférence des
parties peut être convoquéepour proroger le traité.
Le traité sur la non-prolifération concernedonc la possession d'armes
nucléairesplutôt que leur emploi. Il établit une distinctionfondamentale
entre lesEtats détenteurs d'armesnucléaireset lesEtats qui n'enpossèdent
pas et confère aux uns et aux autres des responsabilitéséquilibrées.Il
admet qu'il peut y avoir des armes nucléairessur des territoires d'où leur
absence totale n'a pas étéprescrite. Rien dans le traité n'autorise ni
n'interdit la menace ou l'emploi d'armes nucléaires.Toutefois le traité
considère comme légitimela possession d'armes nucléairespar les cinq
puissances nucléaires,du moins tant que le désarmement nucléairen'est
pas réalisé.En 1968et en 1995,ce qui caractérisaitaux yeux de tous la
possession, c'étaitla mise au point, le perfectionnement, l'entretien et le
déploiement de milliers et de milliers d'armes nucléaires. Si les armes
nucléairesn'étaientpas entretenues, elles pouvaient êtreen tout étatde
cause plus dangereuses; si ellesn'étaientpas déployéesl,a possession per-
dait une bonne part de son utilité. Dèslors qu'une puissance possède,
entretient et déploie desarmes nucléaireset les moyens de les lancer, elle
se met dans une situation de dissuasion.
Que signifiedonc cette pratique que constitue la possession d'armes nu-
cléaires? Les puissances nucléaires np eossèdentpas des armes nucléaires
sans raison. Elles les mettent au point et les entretiennent à grands
frais, elles lesdéploientavec leurs lanceurs; elles ont fait savoir et conti-
nuent àfaire savoir qu'ellessont disposéesa les utiliser dans certaines cir-
constances. Elles poursuivent une politique de dissuasion dont le monde
étaitinformé lorsquele traité sur la non-prolifération aété conclu et dont
il reste informé aujourd'hui. La politique de dissuasion diffère par sa
généralité de la politique qui consiste a menacer d'employer desarmes
nucléaires.Mais si la menace de l'emploi éventueln'étaitpas inhérentea
la dissuasion, il n'y aurait pas de dissuasion. Si la possession d'armes
nucléairespar les cinq puissances nucléaires est licitejusqu'à ce que le
désarmementnucléaire devienneune réalité,si la possession est au cŒur
de la dissuasion, si la dissuasion est au cŒur de la menace, il en résulte
quelapratique desEtats, ycomprisleur pratique conventionnelle, n'exclut
pas absolument la menace ou l'emploi d'armes nucléaires.
Ainsi le régimeinstituépar le traité sur la non-prolifération constitue
plus qu'un acquiescement par les Etats non dotésd'armes nucléaires à la
possession effectivepar les cinq puissances nucléairesd'armes nucléaires.
Comme le représentantdu Royaume-Uni l'a dit au cours de la procédure
orale :
«Toute la structure du traité sur la non-prolifération ...présup-
pose que les parties n'ont pas considéréle recours aux armes nu-
cléairescomme proscrit dans toutes les circonstances. ))
Certes, l'acquiescement donnépar la plupart des Etatsnon dotésd'armes
nucléaires à la possession effectived'armes nucléairespar les cinq puis- MENACE OU EMPLOID'ARMESNUCLÉAIRES (OP.DISSS.CHWEBEL) 315
sances nucléaires - avec les conséquences inéluctables attachées à ce fait
- s'est accompagné deprotestations véhémentes ed te réservesde droits
comme le montrent les résolutionssuccessivesde l'Assemblée générale. Il
serait exagéréde dire que l'acquiescement donne naissance en l'occur-
rence à une opiniojuris établissantla licéitéde la menace ou de l'emploi
d'armes nucléaires.Ce qu'il fait - tout comme la pratique des Etats -
c'est d'empêcher la naissance ou le maintien d'une opinio juris en sens
contraire. De surcroît, il faut aller au-delà de la pratique décriteplus haut
et des conséquencesqu'entraîne le traité sur la non-prolifération.
GARANTIES NÉGATIVES ET POSITIVES DE SÉCURITÉ APPROUVÉES
PAR LE CONSEIL DE SÉCURITÉ
En liaison avec la conclusion du traité sur la non-prolifération des
armes nucléaires en1968et sa prorogation pour une duréeindéfinie en
1995, trois Etats dotésd'armes nucléaires en1968 et cinq en 1995 ont
donnédes garanties négatives et positivesde sécurité aux Etats parties au
traité qui n'étaientpas dotésd'armes nucléaires.Dans sa résolution984
(1995) dont les coauteurs étaientles cinq Etats dotés d'armes nucléaires
et qu'il a adoptée à l'unanimitéle 11 avril 1995,
«Le Conseil desécurité,
.............................
Considérantqu'il est de l'intérêtlégitime desEtats non dotés
d'armes nucléairesqui sont parties au traité sur la non-prolifération
des armes nucléairesde recevoir des garanties de sécurité,
Tenant compte de ce que les Etats non dotés d'armes nucléaires
ont le souci légitimede voir adopter, parallèlement à leur adhésion
au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, d'autres
mesures appropriéespour garantir leur sécurité,
Considéranten outre qu'au sens où l'entendent les dispositions
pertinentes de la Charte des Nations Unies, toute agression avec
emploi d'armes nucléairesmettrait en danger la paix et la sécurité
internationales,
1. Prend acte avec satisfaction des déclarationsfaites par chacun
des Etats dotésde l'arme nucléaire ...dans lesquelles ceux-ci ont
donné aux Etats non dotés d'armes nucléairesqui sont parties au
traité sur la non-prolifération des armes nucléaires desgaranties de
sécuritécontre l'emploi de telles armes;
2. Reconnaît le désir légitime desEtats dotésd'armes nucléaires
qui sont parties au traité sur la non-prolifération des armes nu-
cléairesd'obtenir l'assurance que le Conseil de sécurité, et en pre- MENACE OU EMPLOI D'ARMES NUCLEAIRES (OP.DISSS.CHWEBEL) 316
mier lieu tous ses membres permanents dotés de l'arme nucléaire,
prendrait immédiatement des mesures, conformément aux disposi-
tions pertinentes de la Charte des Nations Unies, au cas où les-
dits Etats seraient victimesd'un acte d'agression impliquant l'emploi
d'armes nucléairesou menacésd'une telle agression ;
3. Reconnaît en outre qu'en cas d'agressionou de menace d'agres-
sion avecemploi d'armes nucléairescontre un Etat non dotéde telles
armes qui est partie au traité sur la non-prolifération des armes
nucléaires, tout Etat peut appeler immédiatement l'attention du
Conseil de sécuritésur la question de manièreà permettre au Conseil
de prendre des mesures urgentes afin de fournir, conformément à la
Charte, une assistance à 1'Etat victime de l'acte d'agression ou
menacéd'une telle agression, et reconnaît égalementque les Etats
dotésd'armes nucléairesqui sont membres permanents du Conseil
de sécuritéporteront immédiatement la question à l'attention du
Conseil et s'emploieront à obtenir que celui-ci fournisse, conformé-
ment àla Charte, l'assistance nécessairà 1'Etatvictime;
.............................
7. Se félicite que certains Etats aient exprimél'intention de venir
immédiatement en aide ou de prêter immédiatementun appui,
conformément à la Charte, àtout Etat non dotéd'armes nucléaires
partie au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires qui
serait victime d'un acte d'agression avecemploi d'armes nucléaires
ou serait menacéd'une telle agression;
.............................
9. Réaf$rme le droit naturel de légitime défense, individuelle ou
collective, que l'article 51 de la Charte reconnaàtun Membre des
Nations Unies qui est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que
le Conseil de sécuritéait pris les mesures nécessairespour maintenir
la paix et la sécuritéinternationales;
............................. »
Il est clai- si l'on tient compte en particulier de l'insertion du para-
graphe 9 dans le dispositif- que le Conseil de sécurité, enprenant acte
«avec satisfaction)), au paragraphe 1de ce dispositif, des garanties néga-
tives de sécuritédonnéespar les puissances nucléaireset en se félicitant,
au paragraphe 7, de l'«intention» que traduisent les garanties de sécurité
positives donnéespar les puissances nucléaires,a acceptél'éventualité de
la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires,notamment pour venir en
aide à un Etat non doté d'armes nucléairesqui, aux termes du para-
graphe 7, ((serait victime d'un acte d'agression avec emploi d'armes
nucléairesou serait menacéd'une telle agression)).
Cela est encore plus clair si l'on se réfèreau libellé desgaranties de
sécuritéunilatérales donnéespar quatre des Etats dotés d'armes nu-
cléairesqui sont largement concordantes, le cas de la Chine faisant excep-
tion. Elles envisagent expressément l'usaged'armes nucléairesdans des
circonstances déterminées. Implicitementelles n'excluent pas l'emploi MENACE OU EMPLOID'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSS. CHWEBEL) 317
d'armes nucléairescontre une autre puissance nucléaire(ou un Etat non
partie au traité sur la non-prolifération) et explicitement elles n'excluent
pas l'usage de ces armes contre un Etat partie non doté d'armes nu-
cléairesqui violerait les obligations découlant du traité.
C'est ainsi que les Etats-Unis d'Amérique réaffirment qu'ils n'utilise-
ront pas d'armes nucléairescontre un Etat partie au traité sur la non-
prolifération des armes nucléaires qui n'en posséderaip tas
«sauf dans le cas d'une invasion ou de toute autre attaque menée
ou soutenue par un tel Etat, en alliance ou en association avec un
Etat doté d'armes nucléaires,contre les Etats-Unis ...leurs forces
armées ..leurs alliésou un Etat enverslequel ils auraient un engage-
ment de sécurité)).
L'exception vise manifestement l'emploi d'armes nucléairesdans les cir-
constances exceptionnelles dont il s'agit. Aux termes delagarantiedonnée
par les Etats-Unis, les parties au traité surla non-prolifération des armes
nucléaires doivent remplirles obligations que le traitéleur impose «pour
pouvoir bénéficier des avantages que donne l'adhésion)).Les Etats-Unis
affirment en outre leur ((intention de venir immédiatementen aide ou de
prêter immédiatemenu tn appui» à tout Etat non dotéd'armes nucléaires
qui «serait victime d'un acte d'agression avec emploi d'armes nucléaires
ou serait menacéd'une telle agression)).Ils réaffirmentle droit naturel de
légitime défense,individuelle ou collective, énoncé à l'article 51 de la
Charte «dans le cas où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une
agression armée,y compris une attaque nucléaire ..» Ces déclarations -
et leur acceptation unanime par le Conseil de sécurité - montrent que les
puissances nucléairesont affirméla licéitéde la menace ou de l'emploi
des armes nucléaires dans certaines circonstances et que le Conseil de
sécurité ena accepté l'éventualité.
Ainsi que la Cour le rappelle dans son avis, outre le traité surla non-
prolifération des armes nucléaires, un certainnombre de traitéslimitent
l'acquisition, la fabrication et la possession d'armes nucléaires, interdi-
sent leur déploiementou leur emploi dans certaines zones ou réglemen-
tent leurs essais. La négociationet la conclusion de ces traitésn'a desens
que parce que la communauté internationale n'a pas généralement inter-
dit la possession, la menace ou l'emploi d'armes nucléairesen toutes cir-
constances, soit par traité,soit en vertu du droit international coutumier.
A quoi bon conclure de tels traitéssi l'essentielde leurs dispositions fait
déjàpartie du droit international, voire, comme certains le soutiennent,
du jus cogens?
Il est bien évident qu'il n'existe aucun traité généralprohibant la
menace ou l'emploi d'armes nucléairesen toutes circonstances. Pourtant
on soutient que toute cette activité disparate de conclusion de traitésmontre qu'une opiniojuris sefaitjour en faveurde l'interdictiongénéralee
toute menace ou de tout emploi d'armesnucléaires,que, mêmesiles armes
nucléairesn'ont pas été miseshors la loi il a quelques dizaines d'années,
ellesle sont aujourd'hui ou sont sur le point de l'par lejeu de l'addition
de tels traitéset de résolutionsde l'Assemblégénérale des Nations Unies.
La faiblesse de cet argument n'est pas moins évidente.Peut-on vrai-
ment supposer que des puissances nucléaires aient pu ces derniers mois
adhérer à un protocole au traitéde Rarotonga établissant une zonedénu-
cléariséedans le Pacifique Sud parce qu'elles pensaient que la menace ou
l'emploi d'armes nucléaires était déjà interditartout et en toutes circons-
tances, là comme ailleurs? Peut-on vraiment croire que des Etats aient
pu, aussi récemmentque le 15décembre1995,signer à Bangkok un traité
sur la zone exempte d'armes nucléairesde l'Asie du Sud-Est et que les
Etats d'Afrique se soient donnéla peine de conclure au Caire le 11 avril
1996un traitérelatif à la créationd'une zone exempte d'armes nucléaires
en Afrique s'ilsconsidéraientque, par la force de l'opiniojuris, le droit
international coutumier exigedéjàque toutes les régionsdu monde soient
dénucléarisées?
Les divers traitésrelatifs aux armes nucléaires confirmentau contraire
ce que donne a penser la pratique décrite plus haut: la menace ou
l'emploi d'armes nucléaires n'estpas - et certainement pas encore -
interdit en toutes circonstances, que ce soit par traitéou en vertu du droit
international coutumier. Cela apparaît plus clairement encore si l'on tient
compte des termes du traitéde Tlatelolco du 14février1967visant l'inter-
diction des armes nucléaires en Amériquelatine ainsi que des déclara-
tions des cinq puissances nucléairesqui ont été jointesà leur adhésion à
un protocole additionnel. Les cinq puissances dotées d'armes nucléaires
se sont engagées, lors de cette adhésion, à ne recourir ni à l'emploi
d'armes nucléaires ni à la menace de leur emploi contre les parties
contractantes au traité.Mais elles ont subordonnéleur engagement à la
possibilité d'utiliser des armes nucléairesdans certaines circonstances,
comme il est indiquéau paragraphe 59 de l'avis de la Cour. Aucune des
parties contractantes au traité de Tlatelolco n'a soulevéd'objections à
l'égard desdéclarations des cinq Etats détenteurs d'armes nucléaireset
cela veut dire que les parties contractantes ont admis la licde l'emploi
d'armes nucléairesdans certaines circonstances.
La Cour conclut, dans son avis, que les résolutions successives de
l'Assembléegénérale surles armes nucléaires ((n'établissentpas encore
l'existenced'une opiniojuris quant à l'illicéide l'emploi de ces armes))
(par. 71).A mon sens, ellesne commencent mêmepas à le faire. La toute
première résolution en la matière, la résolution1653 (XVI) du 24 no-
vembre 1961,déclareque le recours aux armes nucléaires constitue «une
violation directe de la Charte des Nations Unies», qu'elle est((contraireaux règlesdu droit international et aux lois del'humanité)),et que tout Etat
se servant d'armes nucléairesdoit êtreconsidéré ((commecommettant un
crime contre l'humanitéet la civilisation)).Elle s'achèvede façon quelque
peu contradictoire en demandant de consulter les Etats afin d'obtenir
leurs vues sur la possibilitéde convoquer une conférencepour la signa-
ture d'une convention sur l'interdiction de l'emploi des armes nucléaires
des fins de guerre. La résolution 1653 (XVI) a étéadoptée par 55 voix
contre 20, avec 26 abstentions. Quatre des cinq puissances nucléairesont
votécontre. Les résolutionsqui se sont ensuite succédéet qui disposaient,
comme la résolution36/92 1,que «le recours ou la menace du recours aux
armes nucléaires devraientêtre interdits...))ont étéadoptées à des majo-
rités variables, malgré une opposition puissante,constante et qualitati-
vement importante. Il n'y a pas lieu d'êtrefrappépar les majorités plus
larges qui se sont dégagéescar elles ont résultédans une certaine mesure
de l'augmentation du nombre des Membres de l'Organisation. Le fait que
cette opposition persistante regroupe des Etats qui représentent une
bonne partie du pouvoir économiqueetmilitaire dans lemonde etun pour-
centage important de sa population suffit à ôter toute valeur juridique
aux résolutionsen question.
L'Assemblée générale n'esptas habilitée à élaborer le droit interna-
tional. Aucune des résolutionsde l'Assembléegénéralesur les armes nu-
cléairesn'est déclaratoiredu droit international existant. L'Assembléene
peut adopter de résolutions déclaratoiresdu droit international que si ces
résolutionstraduisent véritablement l'étatdu droit international. Si une
résolutionse veut déclaratoire du droit international, si elle est adoptée
à l'unanimité (ou presque, qualitativement commequantitativement) ou
par consensuset si ellecorrespond àla pratique des Etats, ellepeut êtredé-
claratoire du droit international. Les résolutionsdont la résolution 1653
est le modèlene répondent manifestement pas à ces critères.Tout en se
voulant déclaratoires du droit international (mais non sans demander
que des consultations soient menéessur la possibilité de conclure un
traité interdisant ce que l'on dit interdit), non seulement elles nereflètent
pas la pratique des Etats mais ellessont aussi en contradiction avec celle-
ci, comme on l'a montréplus haut. Quarante-six Etats ont votécontre la
résolution 1653 ou se sont abstenus et parmi eux figure la majorité des
puissances nucléaires. Soutenirqu'une majoritédes Membres de 17Assem-
bléegénérale peut«dire» le droit international face à une pratique éta-
tique contraire et malgré l'oppositiond'un tel groupe d'Etats n'emporte
nullement la conviction. Ces résolutions nesont pas non plus des inter-
prétations faisant autorité des principes et des dispositions de la Charte
des Nations Unies. Celle-cine dit pas un mot des armes particulières qui
peuvent êtreutilisées,pas plus que des armes nucléaires oudu jus inbello.
Dire que l'emploi d'armes nucléairesest une violation de la Charte est
une interprétation novatrice de celle-ci, et ne saurait être considérée
comme une interprétation faisant autorité des principes et des disposi-
tions de la Charte créant des obligations qui s'imposent aux Etats en
vertu du droit international. Enfin, le fait que l'Assembléegénéraleait MENACEOU EMPLOID'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSS. CHWEBEL) 320
adopté des résolutions successives de la même veine,loin d'engendrer
«une opinio juvis naissante)), pour reprendre les termes de la Cour,
montre plutôt ce que le droit n'est pas. Leur répétition, faceà une oppo-
sition considérable etdurable, dénote le caractère inopérant de ces réso-
lutions tant sur le plan de la formation du droit que sur le plan des effets
pratiques.
S'iln'est pas difficilede conclure que les principes du droit internatio-
nal humanitaire - et avant tout la proportionnalité dans l'usage de la
force et la distinction entre ciblesmilitaires et civi-esrégissentl'utilisa-
tion des armes nucléaires,il ne s'ensuit pas que l'application de ces prin-
cipes à la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires«en toutes circons-
tances)) soit facile. Les cas extrêmessont relativement clairs; ceux qui,
dans la gamme des usages possibles,se situent vers lemilieule sont moins.
A l'un des extrêmeso , n trouve l'emploimassif d'armes nucléairesstra-
tégiquescontre les villeset lesindustries de l'ennemi. Cesfrappes ((contre-
valeurs)) (par opposition aux frappes ((contre-forces))uniquement diri-
géescontre les forces et les installations nucléairesde l'ennemi) peuvent
provoquer un nombre considérable demorts et de blessés,de l'ordre par-
fois de plusieurs millions; et outre les personnes immédiatementvictimes ,
de l'effet de chaleur et de souffle des armes en question, un très grand
nombre d'autres pourraient êtretouchéespar la propagation des rayon-
nements, cedont beaucoup pourraient mourir. Des «échanges»de grande
envergure d'armes nucléairesde ce genre pourrait détruire non seulement
des villes mais aussi des pays et rendre des continents, voire la terre
entière, inhabitables, sinon immédiatementdu moins à plus long terme en
raison des effets des retombées radioactives. On ne saurait admettre que
l'emploi d'armes nucléaires à une échellequi causerait ou pourrait causer
la mort de millions d'êtreshumains dans un anéantissement aveugle et
infernal ou à la suite de retombées très dispersées, quiauraient ou pour-
raient avoir des effets profondément pernicieux dans l'espace et le temps
et rendre inhabitable une grande partie ou l'ensemble de la planète,
puisse êtrelicite.
A l'autre extrême,on trouve l'emploid'armes nucléaires tactiques diri-
géescontre des cibles militaires et navales furtives, déployéesde façon à
ne provoquer aucune perte civile. C'est ainsi que l'utilisation d'un engin
nucléaire quiaurait pour objet de détruireun sous-marin nucléairesur le
point de tirer des missilesnucléairesou ayant déjàtiréun certain nombre
de ces missiles pourrait bien êtrelicite. Vu les circonstances de son
emploi, cet engin nucléairene causerait aucune victime civile.Son utilisa-
tion répondrait facilement au critère de la proportionnalité car les dom-
mages que les missiles lancéspar le sous-marin pourraient infliger à la
population et au territoire de 1'Etat viséseraient infiniment plus graves
que ceux qui résulteraient de la destruction du sous-marin et de son équi-
page. La destruction du sous-marin par une arme nucléaire engendreraitdes rayonnements en mer mais ceux-ci seraient bien moindres que ceux
que le tir de missilesproduirait sur terre. n'est pas certain non plus que
l'usage d'un engin de type classique remplirait la mêmemission avec suc-
cès;en raison de sa beaucoup plus grande puissance, une arme nucléaire
pourrait provoquer la destruction du sous-marin, ce qu'un engin clas-
sique pourrait ne pas faire.
Un cas intermédiaire consisterait à utiliser des armes nucléairespour
détruireune armée ennemiedans le désert.Dans certaines circonstances,
cet emploi répondrait peut-êtreaux critères dela distinction et de la pro-
portionnalité, dans d'autres non. L'argument selon lequel l'utilisation
d'armes nucléaires serait inévitablementdisproportionnée soulève des
questions complexes que l'Attorney-Geneval du Royaume-Uni a évo-
quéesen ces termes lors de la procédure orale devant la Cour:
«Quand on parle de «disproportion», la question qui se pose est
celle-ci: disproportionné par rapportà quoi? Ce ne peut être qu'àla
menacedirigéecontre 1'Etatvictime. C'estpar rapport àcettemenace
que la proportionnalité doit êtremesurée. Il faut donc tenir compte
de toutes les circonstances, en particulier de l'étendueet du genre de
la menace ainsi que du lieu où elle se manifeste. Présumerque tout
emploi défensifd'armes nucléairesne peut êtreque disproportionné
quelle que soit la gravité de la menace à la sécurité età la survie
mêmede 1'Etat qui recourt à cet emploi est dépourvu de tout fon-
dement. De plus, cela suppose de la part des adversaires des armes
nucléaires une grande présomption, à savoir qu'ils peuvent dire
d'avance qu'aucune menace, qu'elle soit notamment nucléaire, chi-
mique ou biologique, nejustifiejamais l'emploid'une arme nucléaire.
Il n'est sûrement pas juste de dire que, si un agresseur frappe assez
fort, sa victime perd le droit de se défendre et de repousser l'agres-
sion. Ce ne serait pas là un régimede droit. Ce serait le règne de
l'agresseur.
Pour sa part, l'avis de la Cour traite avec prudence les problèmes que
pose l'application des principes du droit international humanitaire à des
cas concrets. 11traduit une certaine indécisiondans une affaire où la ten-
sion entre la pratique des Etats et le principe juridique est extrême. Il
conclut au paragraphe 2 E du dispositif que:
«Il ressort des exigencessusmentionnéesque la menace ou l'emploi
d'armes nucléaires serait généralemenctontraire aux règlesdu droit
international applicable dans les conflits armés, et spécialementaux
principes et règlesdu droit humanitaire.))
Cette conclusion, bien qu'imprécise, n'estpas déraisonnable. L'emploi
d'armes nucléaires est,pour les raisons examinées plus haut, excessive-
ment difficileà concilier avec les règlesdu droit international applicable
dans les conflits armés et en particulier les principes et règlesdu droit
international humanitaire. Mais cela ne veut nullement dire que l'emploi
d'armes nucléaires serait,dans une circonstance déterminéeou en toutes MENACEOU EMPLOID'ARMESNUCLÉAIRES (OP.DISSS.CHWEBEL) 322
circonstances, nécessairement et toujours contraire aux règles du droit
international. Loin de là- et comme le dispositif le reconnaît en fait-
cet emploi peut être ((généralement))contraire à ces règlesmais, dans des
cas particuliers, il pourrait ne pas l'être.Tout dépenddes circonstances
en cause.
Le premier alinéa du paragraphe 2 E du dispositif que l'on vient de
citer est suivi de la dernière conclusion de la Cour en l'affaire, la conclu-
sion essentielle- et vivement controversée -, adoptéedejustesse par la
voix prépondérantedu Président:
«Au vu de l'étatactuel du droit international, ainsi que des élé-
ments de fait dont elle dispose, la Cour ne peut cependant conclure
de façon définitiveque la menace ou l'emploi d'armes nucléaires
serait licite ou illicite dans une circonstance extrême de légitime
défensedans laquelle la survie mêmed'un Etat serait en cause. »
C'est une conclusion étonnante à laquelle la Cour internationale de
Justice aboutit ici. Son Statut a beau faire ((partie intégrante)) de la
Charte des Nations Unies, lelibelléde l'article2, paragraphe 4, et celui de
l'article 51 de cette Charte ont beau êtregénérauxet catégoriques, la
Cour conclut, sur la question primordiale de la menace et de l'emploi de
la force à notre époque,qu'elle n'a pas d'opinion. Dans «une circons-
tance extrême delégitimedéfensedans laquelle la survie mêmed'un Etat
serait en cause)), la Cour déclare quele droit international et partant la
Cour elle-mêmen'ont rien à dire. Après s'être donnétant de peine pour
examiner le droit en la matièrependant des mois, la Cour découvre qu'il
n'y en a pas. Quand elle aborde les intérêts suprême dsel'Etat, la Cour
fait abstraction des progrèsjuridiques accomplis au XXesiècle,écarteles
dispositions de la Charte des Nations Unies, organisation dont elle est
1'«organe judiciaire principal »,et proclame en des termes qui évoquent la
Realpolitik son ambivalence au sujet des dispositions les plus importantes
du droit international moderne. Si elle devait en fin de compte en arriver
là, elle aurait mieux fait d'invoquer l'incontestable pouvoir discrétion-
naire dont elle dispose de ne pas donner d'avis du tout.
Ni la doctrine dominante (telle qu'elle a été clairementexposéepar
Lauterpacht dans son ouvrage The Function of Law in the Intevnational
Community, 1933)ni la jurisprudence de la Cour n'admettent une décla-
ration de non liquet et moins encore une conclusion - ou une incapacité
de conclure - d'un caractère si fondamental. Lauterpacht a écrit très
pertinemment (et cela s'est révélp érémonitoire):
((11n'y a pas la moindre relation entre le contenu du droit de Iégi-
time défenseet l'allégation selon laquellil est au-dessusdu droit et ne
relèvepas d'une évaluation juridique. Unetelle allégationrenferme MENACE OU EMPLOI D'ARMESNUCLÉAIRES (OP.DISS.SCHWEBEL) 323
une contradiction car elleprétendsefonder surun droit tout en sedis-
sociant d'une réglementationet d'une évaluation juridiques. Comme
tout autre différend soulevantdes questions importantes, la question
du droit de recourir la guerre au titre de la légitimedéfensepeut fort
bien faire l'objet d'unedécisionjudiciaire...)) (Op. cit., p. 180.)
Qui plus est, les auteurs du Statut de la Cour permanente de justice inter-
nationale ont rédigéles dispositions de l'article 38 de ce Statut dispo-
sitions que l'on retrouveà l'article 38 du Statut de la Cour actuel-e de
façon à éviter,commel'a dit le présidentdu comité consultatif dejuristes,
((notamment l'impassed'un non liquet)).A cette fin, ils ont adoptéla pro-
position Root-Phillimore tendant à autoriser la Cour à appliquer non
seulement le droit international conventionnel et la coutume internatio-
nale mais aussi «les principes généraux dedroit reconnus par les peuples
civilisés»(Cour permanente de Justice internationale, Comité consultatif
de juristes, Pvocès-verbauxdes séancesdu comité,16juin-24 juillet 1920,
La Haye, 1920,p. 332et 344).Voir aussi la page 296 (((11faut établir une
règlepour répondre à cette éventualité,afin d'éviterque la Cour ne se
déclare incompétente (non liquet) faute de normes matérielles))),les
pages 307 à 320 et 336 (la référenceaux principes généraux«est néces-
saire pour parer à l'éventualité d'unnon liquet))).
En outre, loin de justifier l'indécisionde la Cour, des événements
contemporains démontrent plutôt la licéitéde la menace ou de l'emploi
d'armes nucléairesdans des circonstances extraordinaires.
La menace de l'emploi d'armes nucléairesla plus récenteet la plus
grave a étélancée à la veillede l'opération((Tempêtedu désert)).Les cir-
constances méritent d'êtreexposéescar ellesmettent remarquablement en
évidenceun cas où la menace de l'emploi d'armes nucléairesa été perçue
non seulement comme éminemmentlicite mais aussi comme profondé-
ment souhaitable.
L'Iraq, condamnépar le Conseil de sécuritépour son invasion et son
annexion du Koweït et pour les graves violations du droit international
humanitaire qui les avaient accompagnées, s'étaitmontré disposé à
employer des armes de destruction massive. Il avait récemment et à
maintes reprises utiliséde grandes quantitésde gaz contre les formations
militaires iraniennes, avec des effets substantiels et peut-êtredécisifs.Il
s'étaitmême servide gaz contre ses propres ressortissants kurdes. Il n'y
avait aucune raison de penser que des scrupules juridiques ou huma-
nitaires l'empêcheraient d'employerdes armes de destruction massive -
et notamment des armes chimiques, peut-être bactériologiquesou nu-
cléaires- contre les forces de la coalition qui s'était formécontre lui.
En outre il déployaitdes efforts extraordinaires pour fabriquer des armes
nucléaires enviolation des obligations que lui imposait le traité sur la
non-prolifération des armes nucléairesauquel il était partie. Le généralNorman Schwarzkopf a déclaréle 10janvier 1996lors de
l'émission Frontline diffuséepar la télévisionpublique nationale aux
Etats-Unis :
«Le scénario cauchemardesque qui me hantait était qu'en atta-
quant l'Iraq chez lui nous concentrions à cepoint nos forces qu'elles
deviendraient la cibled'armes chimiques ou de quelque sorte d'engin
nucléaire rudimentaire qui causerait des pertes massives.
C'est exactement ce que les Iraquiens ont fait pendant la guerre
Iran-Iraq. Ils laissaient s'approcher des massesd'attaquants iraniens,
les laissaient atteindre le systèmede défense et quand des milliers
d'hommes s'étaientmassésprès de ce systèmeils lâchaient sur eux
des armes chimiques et en tuaient des milliers.)) (Frontline, Show
No. 1408,«The Gulf War», Transcriptof Journal Graphies,Inc., par-
tie II, p. 5.)
Pour exorciser ce cauchemar, les Etats-Unis ont pris les mesures que
James A. Baker alors secrétaired'Etat a décritesdans le passage suivant
où il raconte la réunion cruciale qu'ila eue le 9 janvier 1990 à Genève
avec le ministre des affaires étrangères iraquien de l'époque,Tariq Aziz:
«J'ai parléalors du «côté sombre du tableau)) que Colin Powell
m'avait expressémentdemandé d'évoquerdans les termes les plus
clairs possibles. «Si le conflit vous amène à utiliser des armes chi-
miques ou biologiques contre nos forces - ai-je dit- le peuple
américain criera vengeance.Nous avons les moyens de l'exercer. Ce
que je viens de dire n'est pas une menace, c'est un engagement. Si
des armes comme celles-làsont employées,notre objectif ne sera pas
seulement la libération du Koweït, ce sera l'éliminationdu régime
iraquien actuel et quiconque sera responsable de l'utilisation de ces
armes devra rendre des comptes. »
Le Président avait décidéa Camp David, en décembre, que la
meilleure dissuasion contre l'emploi d'armes de destruction massive
par l'Iraq serait la menace de s'enprendre au régimeBaas lui-même.
11avait aussi décidéque les forces des Etats-Unis n'useraient pas
d'armes chimiquesou nucléaires àtitre de représaillessi lesIraquiens
attaquaient avec des munitions chimiques. Il n'y avait manifeste-
ment aucune raison d'informer les Iraauiens de cela. Dans l'esooir
de les amener à considérer plus posémentla folie que serait cette
guerre, j'ai donné à dessein l'impression que l'emploi d'agents chi-
miques ou biologiques par l'Iraq pourrait entraîner une riposte nu-
cléaire tactique. (Nous ignorons vraiment si telle est la raison pour
laquelle il semble que nous n'ayons aucune confirmation que l'Iraq
ait utilisédes armes chimiques pendant le conflit. Mon opinion per-
sonnelle est que l'ambiguïté calculéequi planait sur notre éventuelle
réaction doit l'expliquer en partie.))) (The Politics of Diplornacy
- Revolution, War and Peace, 1989-1992,par James A. Baker III,
1995,p. 359.) Dans l'émissionFvontline, M. Baker a ajouté:
«La lettre du Présidentà Saddam Hussein, que Tariq Aziz a lue à
Genève, précisaitbien que si l'Iraq utilisait des armes de destruction
massive, des armes chimiques, contre les forces des Etats-Unis, le
peuple américain réclameraitvengeance et que nous avions les
moyens de l'exercer.)) (Loc. cit., par1,ep. 13.)
On voit ensuite à l'écranM. Aziz répondre immédiatement:
«J'ai lula lettre très soigneusementet, dès quej'aifini de la lire,je
lui ai dit: ((Ecoutez, Monsieur le Secrétaire,ce n'est pas le genre de
correspondance qu'échangent deuxchefs d'Etats. Ceci est une lettre
de menace et je ne puis recevoir de vous une lettre de menace
adresséeà mon président)), etje la lui ai rendue.» (Ibid.)
A un autre moment de l'émission,les propos suivants ont été échangés:
~PRÉSENTATE ULes marines s'attendaient à une attaque à l'aide
d'armes chimiques,il n'y en a jamais eu.
TARIQ AZIZ:NOUSn'avons pas pensé qu'ilétaitsagede les utiliser.
C'est tout ce que je peux dire. Qu'il n'étaitpas..sage d'utiliser ce
genre d'armes dans ce genre de guerre avec ...avec un tel ennemi.))
(Loc. cit., partie II, p. 7.)
Dans The Washington Post du 26 août 1995a paru un article portant
l'indication «Nations Unies, 25 août)), qui étaitainsi conç:
((L'lraq a donné à l'organisation des Nations Unies de nouvelles
indications prouvant qu'il étaitdisposéà utiliser des toxines et des
bactéries mortellescontre les forces américaineset alliéespendant la
guerre du golfe Persique de 1991qui a permis de libérerle Koweït de
sesoccupants iraquiens, a dit aujourd'hui l'ambassadeur desNations
Unies, Rolf Ekeus.
Ekeus, chef de la mission d'enquête desNations Unies sur lespro-
grammes d'armement iraquiens, a dit que des fonctionnaires ira-
quiens avaient reconnu devant lui à Bagdad, la semaine dernière,
qu'en décembre1990ilsavaient placé des agents biologiques de trois
catégoriesdans quelque deux cents ogives et bombes aériennes,les-
quelles ont ensuite éexpédiées vers debsases aériennes et un site de
missiles.
Les Iraquiens ont commencé cetteopérationle lendemain du jour
où le Conseil de sécurité desNations Unies avait autorisé l'utilisa-
tion de tous les moyens nécessairespour libérerle Koweït, a indiqué
Ekeus. Selon lui, cela revenait à jouer à la roulette russe avec des
armes extraordinairement dangereuses à la veille de la guerre.
Des fonctionnaires des Etats-Unis et des Nations Unies ont dit
que les armes iraquiennes contenaient assez d'agents biologiques
pour tuer des centaines de milliers de personnes et répandred'hor-ribles maladies dans les villesou les bases militaires d'Israël, d'Ara-
bie saoudite ou en tout lieu vers lequel l'Iraq aurait tiréses missiles
à moyenne portéeou dans lequel ses bombardiers seraient parvenus
à s'infiltrer au travers des défensesaériennes ennemies.
Selon Ekeus, des fonctionnaires iraquiens ont dit qu'ils avaient
décidé dene pas utiliser ces armes aprèsavoir reçu un avertissement
ferme et sans ambiguïté del'administration Bush le 9 janvier 1991,
aux termes duquel le recours à des moyens de guerre non conven-
tionnels provoquerait une réaction particulièrement destructrice.
Les dirigeants iraquiens ont supposéque cela signifiait de la part
de Washington une riposte nucléaire,a-t-on dit àEkeus. De l'avis de
certains responsables de l'ONU, la déclaration du premier ministre
adjoint, Tariq Aziz, serait la première indication digne de foi expli-
quant pourquoi l'Iraq n'a pas employéles armes chimiques et bio-
logiques dont il disposait.
Selon des fonctionnaires iraquiens, les documents ont été cachés
par Hussein Kamel Hassan Majeed, directeur du programme ira-
quien d'armes dedestruction massive, qui a fui en Jordanie le 7 août
et dont la défectiona poussé l'Iraqà convoquer Ekeus pour lui faire
de nouvelles révélations...
L'Iraq a admis avoir rempli au total cent cinquante bombes
aériennes de toxines et de bactéries botuliques capablesde causer des
infections charbonneuses, chacune étant parmi les substances mor-
telles les plus actives et pouvant tuer avec de très faibles quantités,
a dit Ekeus. L'Iraq prétend avoir placéles deux agents dans vingt-
cinq ogives qui devaient être transportées parune fusée à moyenne
portée.
Selon ce qu'Aziz a dit à Ekeus le 4 août, le secrétaired'Etat de
l'époque, James A. BakerIII, a lancé la menace américaine de dures
représaillesqui a amené l'Iraq àhésiter lorsd'une réunion tendue de
quatre heures qui s'esttenue à Genève environ cinq semaines avant
le début de la campagne militaire dirigée par les Etats-Unis et
dénommée ((Tempêtdeu désert».Baker a fait allusion à une riposte
des Etats-Unis qui ramènerait l'Iraq des annéesen arrière et laisse-
rait son industrie en ruine.
Ekeus a déclaréque, selon ce qu'Aziz lui avait dit, l'Iraq avait
«interprété»cet avertissement comme une menace de riposte nu-
cléaire dela part de Washington. En fait le chef d'état-majorinter-
armes - qui étaitalors Colin L. Powell - et d'autres responsables
militaires américains avaient déjàdécidéqu'il n'étaitpas nécessaire
de recourir à des armes nucléaires etaucun plan n'existait pour une
riposte de cette nature. »(The WashingtonPost, 26 août 1995,p. Al.
Voir aussi l'article duew York Times du 26 août 1995,p. 3. Pour
la thèse iraquienne inverse selon laquelle «le pouvoir de lancer des
ogivesbiologiques et chimiques avait déjà étédélégué au cas où Bag- dad aurait étéfrappéepar des armes nucléairespendant la guerre du
Golfe)), voir le huitièmerapport au Conseil de sécurité présentépar
le président exécutif de la commission spéciale (l'ambassadeur
Ekeus), document des Nations Unies SI19951864 du 11octobre 1995,
p. 12.Ce rapport poursuit en ces termes: «Cette délégation depou-
voirs n'exclut pas que les moyens en question auraient pu être
déclenchéspar ailleurs et ne prouve donc pas qu'il étaitseulement
question d'un emploi en second.» (Ibid.)
Enfin, l'ambassadeur Ekeus a réponducomme suit à une question qui lui
a été posée lorsqu'ailtémoigné dans le cadre des auditions consacréesà la
prolifération mondialedes armes de destruction massive le 20 mars 1996:
«J'ai eu une conversation avec le premier ministre adjoint ira-
quien, Tariq Aziz, dans laquelle il a mentionnél'entretien qu'ilavait
eu avec le secrétaire d'Etat James Baker à Genève,juste avant le
déclenchementde la guerre. Selon Tariq Aziz, Baker lui aurait dit
que si de telles armes [chimiques ou bactériologiques]étaient uti-
lisées, ily aurait une trèsforte réactionde la part des Etats-Unis.
Tariq Aziz n'a pas laisséentendre que Baker avait indiquéde quel
genre de réactionil s'agissait.Mais il m'a dit que la partie iraquienne
avait considéré commeallant de soi aue cela voulait eut-être dire
l'emploid'armesnucléairescontre Bagdad ou quelquechose d'appro-
chant. Et que cette menace a étéun élémentdécisifdans la non-uti-
lisation de ces armes par l'Iraq.
Mais c'estlà l'histoireque lui, Aziz,raconte.l faut faire trèsatten-
tion avant de le croire. Je ne dis pas qu'il a nécessairementtort mais
il y aà mon sens, de fortes raisons de penser que c'estlà peut-êtrela
manièredont il expliquepourquoi l'Iraq a perdu la guerre au Koweït.
C'est la version que les Iraquiens sont heureux de raconter à qui-
conque leur en parle. Je pense donc qu'il faut au moins se montrer
prudent avant decroirecetteversion.C'estencore,je crois,une question
qui n'a pas été résolue.)) (Dépositiodne l'ambassadeur Rolf Ekeus
devant le sous-comitépermanent des enquêtesdu comitédu Sénat
des Etats-Unis pour les affaires gouvernementales, Heavings on the
Global Proliferation of Weapons of Mass Destruction, sous presse.)
Ainsi on dispose de preuves remarquables montrant qu'un agresseur a
été effectivemeno tu a pu êtredissuadé d'utiliserdes armes de destruction
massive interdites contre les forces et les pays qui s'étaient unispour
s'opposer à son agression à l'appel desNations Unies parce qu'ila perçu
comme une menacede l'emploi d'armes nucléairec sontre lui au cas où il se
servirait en premier d'armes de destruction massive contre les forces coa-
lisées.Peut-on sérieusement soutenirque la menace calculée - et appa-
remment efficace - de M. Baker étaitillicite? A coup sûr, loin de trans-
gresser lesprincipes de la Charte des Nations Unies, cette menace les a
renforcés.L'opération ((Tempêtd eu désert))et les résolutionsdu Conseil
de sécurité quli'ont précédée e stuivieconstituent peut-êtrela plus granderéussitedesprincipes de sécuritécollectivedepuis la fondationde la Société
des Nations. Si cet effort immense des Nations Unies pour s'opposer à un
acte d'agression avait échoué parceque des armes de destruction massive
auraient étéutiliséescontre les forces et les pays de la coalition, cet échec
aurait étécatastrophique non seulement pour les forces et les populations
coalisées mais aussidu point de vue de ces principes et de l'organisation
des Nations Unies. Quoi qu'il ensoit, lesNations Unies ont triomphéet ce
que l'Iraq a perçu comme une menace de l'emploi d'armes nucléairesa
peut-êtrecontribué de façon décisive à ce triomphe. Au reste on ne se
trouve pas icidans un cas où la finjustifie lesmoyens. Cette affaire montre
plutôt que, dans certaines circonstances, la menace de l'utilisation d'armes
nucléaires - aussi longtemps que ces armes ne seront pas proscrites par le
droit international - peut êtrelicite et rationnelle.
De surcroît, sil'Iraq avait employédes armes chimiques et biologiques
- armes de destruction massive prohibées - contre les forces de la coali-
tion, cela aurait constituéen droit international un acte dommageable jus-
tifiant des représailles en temps de conflitarmé.Même sip , our les besoins
de l'argumentation, on considéraitle recours àdes armes nucléaires comme
lui aussi prohibé,l'utilisation proportionnée deces armes au titre de repré-
saillesen temps de conflit arméafin de prévenir un nouvel emploi d'armes
chimiques ou biologiques aurait été licite. Il en serait ainsi en tout cas si
l'interdiction de l'emploi d'armes nucléaires n'excluaip tas expressément
leur utilisationà titre de représaillesou n'imposait pas aux Etats l'obliga-
tion de ne jamais se servir d'armes nucléaires, quellesque soient les cir-
constances, interdiction expresse qui s'applique, elle, à l'emploi d'armes
chimiques aux termes de l'article premier de la convention de 1993 sur
l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de
l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction, si elle entre en
vigueur. Au paragraphe 46de son avis, la Cour dit, à propos de la question
des représaillesen temps de conflit armé, que «tout droit de recourir à de
telles représailles serait, commele droit de légitime défenser ,égi,notam-
ment, par le principe de proportionnalité)). Il est exact de rappeler ce prin-
cipe parmi d'autres mais il ne l'estpas de susciter le doute, comme la Cour
semblele faire, quant à l'existencede représailles en temps de conflitarmé.
Un tel doute ne saurait s'appuyer nisur le droit coutumier de la guerre et
les manuels militaires établispar les Etats en application de ce droit - où
sont affirmésdepuis longtempsle principe et la pratique des représaillesen
temps de conflit armé - ni sur le libellédes conventions de Genève etde
leurs protocoles additionnels qui interdisent les représaillesnon pas d'une
façon générale maisdans des cas particuliers (quand elles sont dirigées
contre des prisonniers de guerre, des blessés, des civils,ertains objets, cer-
taines installations, etc.). Non seulement les nouvelles restrictions impor-
tantes qui visent les représaillesdans le protocole 1, lequel ne lie que les
parties, n'interdisent pas complètementles représailles en temps de conflit
armé, mais encoreon a estimé,au moment de leur élaboration et de leur
adoption, que ces restrictions, comme d'ailleurs les autres innovations du
protocole 1, ne s'appliquaient pasaux armes nucléaires. Il y a une autre leçonà tirer de cet exempleà savoir que, tant que des
Etats qu'on a parfois qualifiésde ((sans foi ni loi» menacent le monde
(qu'ils soient ou non parties au traitésur la non-prolifération des armes
nucléaires), il serait imprudent d'arrêter une politique en la matière
fondéesur l'idéeque la menace ou l'emploi d'armes nucléairesest illicite
«en toutes circonstances)). Au reste, il n'y a pas seulement des Etats sans
foi ni loi, mais il y a aussi des criminelset des fanatiques dont lesmenaces
ou les actes de terrorisme pourraient fort bien appeler une riposte ou un
élément de dissuasion nucléaire.
ARTICLE VI DU TRAITÉ SUR LA NON-PROLIFÉRATION
DES ARMES NUCLÉAIRES
Enfin, j'ai des doutes au sujet du dernier paragraphe du dispositif, le
paragraphe 2 F aux termes duquel:
((11existe une obligation de poursuivre de bonne foi et de meneà
terme des négociations conduisant au désarmement nucléairedans
tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace.
Si cette obligation ne s'impose qu'à ((chacune des parties au traité))
comme le précisel'article VI du traité sur la non-prolifération, ce n'est
qu'une répétitionanodine d'une évidence,tout comme cellesque contien-
nent lesparagraphes 2 A, 2 B, 2 C et 2 D du dispositif. Si elles'appliquait
aux Etats non parties au traité,ce serait une constatation équivoque.Il
s'agirait d'une conclusion que personne n'a avancéependant la procé-
dure; qui n'aurait éténi démontrée pardes preuves ni soumise au prin-
cipe du contradictoire; ce serait une conclusion difficiàeconcilier avec
les bases fondamentales du droit international. De toute manière, comme
leparagraphe 2 F ne répond pas à la question poséeà la Cour, il doit être
considéré comme unsimple dictum.
(Signé) Stephen M. SCHWEBEL.
DISSENTING OPINION OF VICE-PRESIDENT SCHWEBEL
More than any case in the history of the Court, this proceeding
presents a titanic tension between State practice and legal principle. It is
accordingly the more important not to confuse the international law we
have with the international law we need. In the main, the Court's Opin-
ion meets that test. 1 am in essential though not entire agreement with
much of it, and shall, in this opinion, set out my differences. Since how-
ever 1profoundly disagree with the Court's principal and ultimate hold-
ing, 1regret to be obliged to dissent.
The essence of the problem is this. Fifty years of the practice of States
does not debar, and to that extent supports, the legality of the threat or
use of nuclear weapons in certain circumstances. At the same time, prin-
ciples of international humanitarian law which antedate that practice
govern the use of al1 weapons including nuclear weapons, and it is
extraordinarily difficult to reconcile the use - at any rate, some uses -
of nuclear weapons with the application of those principles.
One way of surmounting the antinomy between practice and principle
would be to put aside practice. That is what those who maintain that the
threat or use of nuclear weanons is unlawful in al1 circumstances do.
Another way is to put aside principle, to maintain that the principles of
international humanitarian law do not govern nuclear weapons. That has
not been done by States, including the nuclear-weapon States, in these
proceedings nor should it be done. These principles - essentiallypropor-
tionality in the degree of force applied, discrimination in the application
of force as between combatants and civilians, and avoidance of unneces-
sary suffering of combatants - evolved in the pre-nuclear age. They do
not easily fit the use of weaponry having the characteristics of nuclear
weapons. At the same time, it is the fact that the nuclear Powers and their
allieshave successfullyresisted applying further progressive development
of humanitarian law to nuclear weapons; the record of the conferences
that concluded the Geneva Conventions of 1949and its Additional Pro-
tocols of 1977 establishes that. Nevertheless to hold that inventions in
weaponry that post-date the formation of such fundamental principles
are not governed by those principles would vitiate international humani-
tarian law. Nor is it believable that in fashioning these principles the
international community meant to exclude their application to post-
invented weaponry. The Martens Clause implies the contrary. OPINION DISSIDENTE DE M. SCHWEBEL, VICE-PRÉSIDENT
[Traduction]
Plus que toute autre affaire dans l'histoire de la Cour, la procédure
actuelle présenteune tension titanesque entre pratique des Etats et prin-
cipejuridique. Il n'en est que plus important de ne pas confondre le droit
international que nous avons et le droit international dont nous avons
besoin. Dans l'ensemble, l'avisde la Cour ne le fait pas. J'approuve pour
l'essentielmais pas entièrementla plus grande partie de l'avis etje préci-
serai dans l'opinion qui suit les points de divergence. Mais comme je suis
en profond désaccordavec l'ultime etprincipale conclusion de la Cour,
j'ai le regret de devoir formuler une opinion dissidente.
Le problème estessentiellement celui-ci.La pratique des Etats pendant
cinquante ans n'exclutpas, et dèslors confirme, la licéitéde la menace ou
de l'emploi d'armes nucléaires dans certaines circonstances. En même
temps, lesprincipes de droit international humanitaire qui sont antérieurs
à cette pratique régissentl'utilisation de toutes les armes, y compris les
armes nucléaires,et il est extraordinairement difficilede concilier l'emploi
- ou du moins certains emplois - des armes nucléaires avecl'applica-
tion des principes en question.
Une manière de surmonter la contradiction entre pratique et principe
consisteraità faire abstraction de la pratique. C'est ce que font ceux qui
soutiennent l'illicéide la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires. Une
autre manière consisterait àfaire abstraction du principe età soutenir que
les principes du droit international humanitaire ne s'appliquent pas aux
armes nucléaires.Cela n'a pas été faiptar lesEtats, y compris ceuxqui sont
dotés d'armes nucléaired s,ans la présente affaireet ne devait pas l'êt. es
principes - essentiellementlaproportionnalitéquant au niveau de la force
utilisée,la distinction entre combattants et civilsdans l'usage dela force,
l'interdiction de causer des maux superflus aux combattants - ont été
dégagés àl'époque prénucléaire. In le s'adaptent pas facilementà l'emploi
d'un armementayant lescaractéristiquesdes armes nucléaires.Il faut noter
en mêmetemps que les puissances nucléaires et leursalliésse sont opposés
avec succès à ce que le développementprogressif du droit humanitaire
s'étende aux armes nucléaires c,ommeen témoignentles travaux des confé-
rencesqui ont abouti à l'adoption desconventionsdeGenèvede1949et des
protocoles additionnelsde 1977.Néanmoinssoutenir que cesprincipes fon-
damentaux ne s'appliquent pas aux inventionsmises au point dans le
domaine de l'armement postérieurement à leur formation serait dénaturer
le droit international humanitaire. Il n'est pas concevablenon plus qu'en
élaborantces principes la communautéinternationale ait voulu exclurede
leur champ d'application les armes qui seraient inventéesplus tard. La
clause de Martens atteste du contraire. Before considering the extent to which the chasm between practice and
principle may be bridged - and is bridged by the Court's Opinion -
observations on their content are in order.
State practice demonstrates that nuclear weapons have been manufac-
tured and deployed by States for some 50years; that in that deployment
inheres a threat of possible use; and that the international community, by
treaty and through action of the United Nations Security Council, has,
far from proscribing the threat or use of nuclear weapons in al1circum-
stances, recognized in effect or in terms that in certain circumstances
nuclear weapons may be used or their use threatened.
Not only have the nuclear Powers avowedly and for decades,with vast
effort and expense, manufactured, maintained and deployed nuclear
weapons. They have affirmed that they are legally entitled to use nuclear
weapons in certain circumstances and to threaten their use. They have
threatened their use by the hard facts and inexorable implications of the
possession and deployment of nuclear weapons; by a posture of readiness
to launch nuclear weapons 365days a year, 24 hours of every day; by the
military plans, strategic and tactical, developed and sometimes publicly
revealed by them; and, in a very few international crises, by threatening
the use of nuclear weapons. In the very doctrine and practice of deter-
rence, the threat of the possible use of nuclear weapons inheres.
This nuclear practice is not a practice of a lone and secondary persis-
tent objector. This is not a practice of a pariah Government crying out in
the wilderness of otherwise adverse international opinion. This is the
practice of five of the world's major Powers, of the permanent members
of the Security Council, significantly supported for almost 50 years by
their allies and other States sheltering under their nuclear umbrellas.
That is to Say,it is the practice of States - and a practice supported by
a large and weighty number of other States - that together represent the
bulk of the world's military and economic and financial and technologi-
cal power and a very large proportion of its population. This practice has
been recognized, accommodated and in some measure accepted by the
international community. That measure of acceptance is ambiguous but
not meaningless. It is obvious that the alliance structures that have been
predicated upon the deployment of nuclear weapons accept the legality of
their use in certain circumstances. But what may be less obvious is the
effect of the Non-Proliferation Treaty and the structure of negative and
positive security assurances extended by the nuclear Powers and accepted
by the Security Council in pursuance of that Treaty, as well as of reser- Qu'il me soit permis,avant d'examiner comment le fosséentre la pra-
tique et le principe pourrait êtrecomblé,et comment l'avis de la Cour le
comble, de présenter certaines observations sur le contenu de l'un et de
l'autre.
La pratique étatique montreque les armes nucléairessont fabriquéeset
déployées par les Etats depuis une cinquantaine d'années,que la menace
de leur utilisation est inhérenteà leur déploiementet que, loin de pros-
crire la menace ou l'emploid'armes nucléairesdans toutes les circonstan-
ces, la communauté internationale a, soit par traitésoit par l'action du
Conseil de sécurité de l'organisation des Nations Unies, admis en fait ou
expressémentque, dans certaines circonstances, on pouvait utiliser des
armes nucléairesou menacer de les employer.
Non seulementlespuissances nucléairesont ouvertement et pendant des
décenniesfabriqué,entretenuet mis en place desarmes nucléairesau prix
d'efforts et de dépensesconsidérables, maiselles ont aussi affirméavoir
le droit de s'en servirdans certaines circonstances ou de menacer de s'en
servir. Qu'elles aient menacé d'y recourirrésultedu simple fait qu'elles
possédaientet déployaientces armes avec les conséquencesinexorables
qui en découlaient,qu'elles étaient prêtes à lancer des armes nucléaires
trois cent soixante-cinq jours par an et vingt-quatre heures sur vingt-
quatre, qu'elles avaient élaborédes plans militaires, stratégiqueset tac-
tiques, parfois révélé psubliquement, et, dans quelques très rarescrisesin-
ternationales, du fait qu'elles avaient effectivement menacéd'utiliser des
armes nucléaires.La menace de l'emploi éventuel desarmes nucléaires
est inhérente à la doctrine et àla pratique mêmesde la dissuasion.
Cette pratique nucléaire n'estpas le fait d7Etats ({objecteurs persis-
tants)), isoléset d'importance secondaire. Ce n'est pas la pratique d'un
gouvernement mis au ban de la communauté des nations ne trouvant
aucun échodans une opinion internationale d'un avis contraire. C'est la
pratique de cinq des grandes puissances mondiales, des membres perma-
nents du Conseil de sécurité ee tlle a étéappuyéetrèslargement pendant
près decinquante anspar leurs alliéset par d'autres Etats s'abritant sous
leur parapluie nucléaire.Autrement dit, c'est la pratique d'Etats - une
pratique appuyéepar un nombre important et imposant d'autres Etats -
qui, pris ensemble, représententl'essentielde la puissance militaire, éco-
nomique, financièreet technologique du monde et une très grande pro-
portion de sa population - et cette pratique a étéreconnue, prise en
compte et, dans une certaine mesure, acceptéepar la communautéinter-
nationale. L'étenduede cette acceptation est incertaine mais ellen'est pas
dénuée desens. 11est évidentque les alliances fondéessur le déploiement
d'armes nucléairesacceptent la licéitéde leur emploi dans certaines cir-
constances. Mais ce qui est peut-êtremoins évident, c'est l'effed t u traité
sur la non-prolifération, les conséquencesdu système de garanties devations by nuclear Powers adhering to regional treaties that govern the
possession, deployment and use of nuclear weapons.
The Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons (NPT), con-
cluded in 1968and indefinitelyextended by 175States parties in 1995,is
of paramount importance. By the terms of Article 1, "Each nuclear-
weapon State Party to the Treaty undertakes not to transfer to any
recipient whatsoever nuclear weapons ... or control over such weapons"
nor to assist "any non-nuclear-weapon State to manufacture or otherwise
acquire nuclear weapons . ..". By the terms of Article II, each non-
nuclear-weapon State undertakes not to receivenuclear weapons and not
to manufacture them. Article III provides that each non-nuclear-weapon
State shall accept safeguards to be negotiated with the International
Atomic Energy Agency with a view to preventing diversion of nuclear
energy from peaceful uses to nuclear weapons. Article IV preserves the
right of al1 parties to develop peaceful uses of nuclear energy, and
Article V provides that potential benefits from peaceful applications of
nuclear explosions will bemade available to non-nuclear-weapon States
parties. Article VI provides :
"Each of the Parties to the Treaty undertakes to pursue negotia-
tions in good faith on effectivemeasures relating to cessation of the
nuclear arms race at an early date and to nuclear disarmament, and
on a treaty on general and complete disarmament under strict and
effective international control."
Article VI1 provides :
"Nothing in this Treaty affects the right of any group of States to
conclude regional treaties in order to assure the total absence of
nuclear weapons in their respective territories."
Article VI11is an amendment clause. Article IX provides that the Treaty
shall be open to al1States and that, for the purposes of the Treaty,
"a nuclear-weapon State is one which has manufactured and
exploded a nuclear weapon or other nuclear explosive deviceprior to
1 January 1967".sécurité négativee st positives donnéespar les puissances nucléaireset
acceptéespar le Conseil de sécurité conformémentau traité, etc'est aussi
l'incidence des réserves des puissances nucléairea sdhérant à des traités
régionaux régissant la détention, le déploiement et l'emploi d'armes
nucléaires.
LE TRAITÉ SUR LA NON-PROLIFÉRATION
DES ARMES NUCLÉAIRES
Le traité surla non-prolifération des armes nucléaires,conclu en 1968
et prorogépour une duréeindéfiniepar cent soixante-quinze Etats parties
en 1995,revêtune importance fondamentale. Aux termes de l'article pre-
mier: «Tout Etat dotéd'armes nucléairesqui est partie au traités'engage
à ne transférerà qui que ce soit ..des armes nucléaires ...ou le contrôle
de tellesarmes ..»et à n'aider «un Etat non dotéd'armes nucléaires,quel
qu'il soit,à fabriquer ou acquérir de quelque autre manière des armes
nucléaires...)) Selon l'articleII, tout Etat non doté d'armes nucléaires
s'engage à ne pas accepter d'armes nucléaireset à ne pas en fabriquer.
L'article III dispose que tout Etat non dotéd'armes nucléaires s'engage à
accepter les garanties qui devront êtrenégociées avecl'Agence interna-
tionale de l'énergieatomique en vue d'empêcherque l'énergie nucléaire
ne soit détournéede ses utilisations pacifiques vers des armes nucléaires.
L'article IV laisseà toutes les parties le droit de développerl'utilisation
de l'énergienucléaire à des fins pacifiques et l'article V stipule que les
avantages pouvant découler des applications pacifiques des explosions
nucléairesseront accessibles aux Etats non dotésd'armes nucléairesqui
sont parties au traité.L'article VI dispose que:
«Chacune des parties au traités'engage à poursuivre de bonne foi
des négociationssur des mesures efficacesrelatives à la cessation de
la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au
désarmementnucléaire etsur un traité de désarmement généralet
complet sous un contrôle international strict et efficace.
L'article VI1 est ainsi conçu:
«Aucune clause du présenttraiténe porte atteinte au droit d'un
groupe quelconque d7Etats de conclure des traités régionaux de
façon à assurer l'absence totale d'armes nucléairessur leurs terri-
toires respectifs.
L'article VI11est une clause d'amendement. Aux termes de l'article IX le
traitéest ouvert à tous les Etats et
«aux fins du traité,un Etat dotéd'armes nucléaires estun Etat qui a
fabriqué et a fait exploser une arme nucléaireou un autre dispositif
nucléaireavant le le'janvier 1967)).Article X is an extraordinary withdrawal clause which also contains pro-
vision on the basis of which a conference of the parties may be called to
extend the Treaty.
The NPT is thus concerned with the possession rather than the use of
nuclear weapons. It establishes a fundamental distinction between States
possessing, and States not possessing, nuclear weapons, and a balance of
responsibilities between them. It recognizes the possibility of the presence
of nuclear weapons in territories in whichtheir total absence has not been
prescribed. Nothing in the Treaty authorizes, or prohibits, the use or
threat of use of nuclear weapons. However, theTreaty recognizes the legi-
timacy of the possession of nuclear weapons by the five nuclear Powers,
at any rate until the achievement of nuclear disarmament. In 1968,and in
1995,that possession was notoriously characterized by the development,
refinement, maintenance and deployment of many thousands of nuclear
weapons. If nuclear weapons were not maintained, they might be more
dangerous than not; if they were not deployed, the utility of possession
would be profoundly affected. Once a Power possesses, maintains and
deploys nuclear weapons and the means of their delivery, it places itself
in a posture of deterrence.
What does the practice of such possession of nuclear weapons thus
import? Nuclear Powers do not possess nuclear arms to no possible pur-
pose. They develop and maintain them at vast expense; they deploy them
in their delivery vehicles; and they made and make known their willing-
ness to use them in certain circumstances. They pursue a policy of deter-
rence, on which the world was on notice when the NPT was concluded
and is on notice today. The policy of deterrence differs from that of the
threat to use nuclear weapons by its generality. But if a threat of possible
use did not inhere in deterrence, deterrence would not deter. If possession
by the fivenuclear Powers is lawful until the achievement of nuclear dis-
armament; if possession is the better part of deterrence; if deterrence is
the better part of threat, then it follows that the practice of States -
including their treaty practice - does not absolutely debar the threat or
use of nuclear weapons.
Thus the régime ofthe Non-Proliferation Treaty constitutes more than
acquiescence by the non-nuclear States in the reality of possession of
nuclear weapons by the fivenuclear Powers. As the representative of the
United Kingdom put it in the oral hearings,
"The entire structure of the Non-Proliferation Treaty . . . pre-
supposes that the parties did not regard the use of nuclear weapons
as being proscribed in al1circumstances."
To be sure, the acquiescence of most non-nuclear-weapon States in the
fact of possession of nuclear weapons by the five nuclear Powers - andL'article X est une clause de retrait en cas d'événements extraordinaires
et contient une disposition sur la base de laquelle une conférence des
parties peut être convoquéepour proroger le traité.
Le traité sur la non-prolifération concernedonc la possession d'armes
nucléairesplutôt que leur emploi. Il établit une distinctionfondamentale
entre lesEtats détenteurs d'armesnucléaireset lesEtats qui n'enpossèdent
pas et confère aux uns et aux autres des responsabilitéséquilibrées.Il
admet qu'il peut y avoir des armes nucléairessur des territoires d'où leur
absence totale n'a pas étéprescrite. Rien dans le traité n'autorise ni
n'interdit la menace ou l'emploi d'armes nucléaires.Toutefois le traité
considère comme légitimela possession d'armes nucléairespar les cinq
puissances nucléaires,du moins tant que le désarmement nucléairen'est
pas réalisé.En 1968et en 1995,ce qui caractérisaitaux yeux de tous la
possession, c'étaitla mise au point, le perfectionnement, l'entretien et le
déploiement de milliers et de milliers d'armes nucléaires. Si les armes
nucléairesn'étaientpas entretenues, elles pouvaient êtreen tout étatde
cause plus dangereuses; si ellesn'étaientpas déployéesl,a possession per-
dait une bonne part de son utilité. Dèslors qu'une puissance possède,
entretient et déploie desarmes nucléaireset les moyens de les lancer, elle
se met dans une situation de dissuasion.
Que signifiedonc cette pratique que constitue la possession d'armes nu-
cléaires? Les puissances nucléaires np eossèdentpas des armes nucléaires
sans raison. Elles les mettent au point et les entretiennent à grands
frais, elles lesdéploientavec leurs lanceurs; elles ont fait savoir et conti-
nuent àfaire savoir qu'ellessont disposéesa les utiliser dans certaines cir-
constances. Elles poursuivent une politique de dissuasion dont le monde
étaitinformé lorsquele traité sur la non-prolifération aété conclu et dont
il reste informé aujourd'hui. La politique de dissuasion diffère par sa
généralité de la politique qui consiste a menacer d'employer desarmes
nucléaires.Mais si la menace de l'emploi éventueln'étaitpas inhérentea
la dissuasion, il n'y aurait pas de dissuasion. Si la possession d'armes
nucléairespar les cinq puissances nucléaires est licitejusqu'à ce que le
désarmementnucléaire devienneune réalité,si la possession est au cŒur
de la dissuasion, si la dissuasion est au cŒur de la menace, il en résulte
quelapratique desEtats, ycomprisleur pratique conventionnelle, n'exclut
pas absolument la menace ou l'emploi d'armes nucléaires.
Ainsi le régimeinstituépar le traité sur la non-prolifération constitue
plus qu'un acquiescement par les Etats non dotésd'armes nucléaires à la
possession effectivepar les cinq puissances nucléairesd'armes nucléaires.
Comme le représentantdu Royaume-Uni l'a dit au cours de la procédure
orale :
«Toute la structure du traité sur la non-prolifération ...présup-
pose que les parties n'ont pas considéréle recours aux armes nu-
cléairescomme proscrit dans toutes les circonstances. ))
Certes, l'acquiescement donnépar la plupart des Etatsnon dotésd'armes
nucléaires à la possession effectived'armes nucléairespar les cinq puis-the ineluctable implications of that fact - have been accompanied by
vehement protest and reservation of rights, as successiveresolutions of
the General Assembly show. It would be too much to Saythat acquies-
cence in this case gives rise to opiniojuris establishing the legality of the
threat or use of nuclear weapons. What it - and the State practice
described - does do is to abort the birth or survival of opiniojuris to the
contrary. Moreover, there is more than the practice so far described and
the implications of the Nuclear Non-Proliferation Treaty to weigh.
In connection with the conclusion of the Treaty in 1968and its indefi-
nite extension in 1995, three nuclear Powers in 1968 and five in 1995
extended negative and positive security assurances to the non-nuclear
States parties to the NPT. In resolution 984 (1995),CO-sponsoredby the
five nuclear Powers, and adopted by the Security Council on 11 April
1995by unanimous vote,
"The Security Council,
Recognizing the legitimate interest of non-nuclear-weapon States
Parties to the Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons
to receive security assurances,
Taking into consideration the legitimate concern of non-nuclear-
weapon States that, in conjunction with their adherence to the
Treaty on theNon-Proliferation of Nuclear Weapons, further appro-
priate measures be undertaken to safeguard their security,
Consideringfurther that, in accordance with the relevant provi-
sions of the Charter of the United Nations, any aggression with the
use of nuclear weapons would endanger international peace and
security,
1. Takes note with appreciation of the statements made by each
of the nuclear-weapon States .. ., in which they give security assur-
ances against the use of nuclear weapons to non-nuclear-weapon
States that are Parties to the Treaty on the Non-Proliferation of
Nuclear Weapons ;
2. Recognizes the legitimate interest of non-nuclear-weapon States
Parties to the Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons
to receive assurances that the Security Council, and above al1 its MENACE OU EMPLOID'ARMESNUCLÉAIRES (OP.DISSS.CHWEBEL) 315
sances nucléaires - avec les conséquences inéluctables attachées à ce fait
- s'est accompagné deprotestations véhémentes ed te réservesde droits
comme le montrent les résolutionssuccessivesde l'Assemblée générale. Il
serait exagéréde dire que l'acquiescement donne naissance en l'occur-
rence à une opiniojuris établissantla licéitéde la menace ou de l'emploi
d'armes nucléaires.Ce qu'il fait - tout comme la pratique des Etats -
c'est d'empêcher la naissance ou le maintien d'une opinio juris en sens
contraire. De surcroît, il faut aller au-delà de la pratique décriteplus haut
et des conséquencesqu'entraîne le traité sur la non-prolifération.
GARANTIES NÉGATIVES ET POSITIVES DE SÉCURITÉ APPROUVÉES
PAR LE CONSEIL DE SÉCURITÉ
En liaison avec la conclusion du traité sur la non-prolifération des
armes nucléaires en1968et sa prorogation pour une duréeindéfinie en
1995, trois Etats dotésd'armes nucléaires en1968 et cinq en 1995 ont
donnédes garanties négatives et positivesde sécurité aux Etats parties au
traité qui n'étaientpas dotésd'armes nucléaires.Dans sa résolution984
(1995) dont les coauteurs étaientles cinq Etats dotés d'armes nucléaires
et qu'il a adoptée à l'unanimitéle 11 avril 1995,
«Le Conseil desécurité,
.............................
Considérantqu'il est de l'intérêtlégitime desEtats non dotés
d'armes nucléairesqui sont parties au traité sur la non-prolifération
des armes nucléairesde recevoir des garanties de sécurité,
Tenant compte de ce que les Etats non dotés d'armes nucléaires
ont le souci légitimede voir adopter, parallèlement à leur adhésion
au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, d'autres
mesures appropriéespour garantir leur sécurité,
Considéranten outre qu'au sens où l'entendent les dispositions
pertinentes de la Charte des Nations Unies, toute agression avec
emploi d'armes nucléairesmettrait en danger la paix et la sécurité
internationales,
1. Prend acte avec satisfaction des déclarationsfaites par chacun
des Etats dotésde l'arme nucléaire ...dans lesquelles ceux-ci ont
donné aux Etats non dotés d'armes nucléairesqui sont parties au
traité sur la non-prolifération des armes nucléaires desgaranties de
sécuritécontre l'emploi de telles armes;
2. Reconnaît le désir légitime desEtats dotésd'armes nucléaires
qui sont parties au traité sur la non-prolifération des armes nu-
cléairesd'obtenir l'assurance que le Conseil de sécurité, et en pre- nuclear-weapon State permanent members, will act immediately in
accordance with the relevant provisions of the Charter of the United
Nations. in the event that such States are the victim of an act of.
or object of a threat of, aggression in which nuclear weapons are
used :
3. Recognizes further that, in case of aggression with nuclear
weapons or the threat of such aggression against a non-nuclear-
weapon State Party to the Treaty on the Non-Proliferation of
Nuclear Weapons, any State may bring the matter immediately to
the attention of the Security Council to enable the Council to take
urgent action to provide assistance, in accordance with the Charter,
to the State victim of an act of, or object of a threat of, such aggres-
sion; and recognizes also that the nuclear-weapon State permanent
members of the Security Council will bring the matter immediately
to the attention of the Council and seek Council action to provide,
in accordance with the Charter, the necessary assistance to the State
victim ;
7. Welcomes the intention expressed by certain States that they
will provide or support immediate assistance, in accordance with the
Charter, to any non-nuclear-weapon StateParty to the Treaty on the
Non-Proliferation of Nuclear Weapons that is a victim of an act of,
or an object of a threat of, aggression in which nuclear weapons are
used ;
9. ReafJirmsthe inherent right, recognized under Article 51 of the
Charter, of individual and collective self-defenceif an armed attack
occurs against a member of the United Nations, until the Security
Council has taken measures necessary to maintain international
peace and security;
2,
It is plain- especially by the inclusion of operative paragraph 9 in its
context - that the Security Council, in so taking note "with apprecia-
tion" in operative paragraph 1 of the negative security assurances of the
nuclear Powers, and in so welcoming in operative paragraph 7 "the inten-
tion expressed" by the positive security assurances of the nuclear Powers,
accepted the possibility of the threat or use of nuclear weapons, particu-
larly to assist a non-nuclear-weapon State that, in the words of para-
graph 7 - "s a victim of an act of, or an object of a threat of, aggression
in which nuclear weapons are used".
This is the plainer in view of the terms of the unilateral security assur-
ances made by four of the nuclear-weapon States which are, with the
exception of those of China, largely concordant. They expressly contem-
plate the use of nuclear weapons in specified circumstances. They impli-
citly do not debar the use of nuclear weapons against another nuclear MENACE OU EMPLOI D'ARMES NUCLEAIRES (OP.DISSS.CHWEBEL) 316
mier lieu tous ses membres permanents dotés de l'arme nucléaire,
prendrait immédiatement des mesures, conformément aux disposi-
tions pertinentes de la Charte des Nations Unies, au cas où les-
dits Etats seraient victimesd'un acte d'agression impliquant l'emploi
d'armes nucléairesou menacésd'une telle agression ;
3. Reconnaît en outre qu'en cas d'agressionou de menace d'agres-
sion avecemploi d'armes nucléairescontre un Etat non dotéde telles
armes qui est partie au traité sur la non-prolifération des armes
nucléaires, tout Etat peut appeler immédiatement l'attention du
Conseil de sécuritésur la question de manièreà permettre au Conseil
de prendre des mesures urgentes afin de fournir, conformément à la
Charte, une assistance à 1'Etat victime de l'acte d'agression ou
menacéd'une telle agression, et reconnaît égalementque les Etats
dotésd'armes nucléairesqui sont membres permanents du Conseil
de sécuritéporteront immédiatement la question à l'attention du
Conseil et s'emploieront à obtenir que celui-ci fournisse, conformé-
ment àla Charte, l'assistance nécessairà 1'Etatvictime;
.............................
7. Se félicite que certains Etats aient exprimél'intention de venir
immédiatement en aide ou de prêter immédiatementun appui,
conformément à la Charte, àtout Etat non dotéd'armes nucléaires
partie au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires qui
serait victime d'un acte d'agression avecemploi d'armes nucléaires
ou serait menacéd'une telle agression;
.............................
9. Réaf$rme le droit naturel de légitime défense, individuelle ou
collective, que l'article 51 de la Charte reconnaàtun Membre des
Nations Unies qui est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que
le Conseil de sécuritéait pris les mesures nécessairespour maintenir
la paix et la sécuritéinternationales;
............................. »
Il est clai- si l'on tient compte en particulier de l'insertion du para-
graphe 9 dans le dispositif- que le Conseil de sécurité, enprenant acte
«avec satisfaction)), au paragraphe 1de ce dispositif, des garanties néga-
tives de sécuritédonnéespar les puissances nucléaireset en se félicitant,
au paragraphe 7, de l'«intention» que traduisent les garanties de sécurité
positives donnéespar les puissances nucléaires,a acceptél'éventualité de
la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires,notamment pour venir en
aide à un Etat non doté d'armes nucléairesqui, aux termes du para-
graphe 7, ((serait victime d'un acte d'agression avec emploi d'armes
nucléairesou serait menacéd'une telle agression)).
Cela est encore plus clair si l'on se réfèreau libellé desgaranties de
sécuritéunilatérales donnéespar quatre des Etats dotés d'armes nu-
cléairesqui sont largement concordantes, le cas de la Chine faisant excep-
tion. Elles envisagent expressément l'usaged'armes nucléairesdans des
circonstances déterminées. Implicitementelles n'excluent pas l'emploiPower (or State not party to the NPT), and explicitly do not debar their
use against a non-nuclear-weapon State party that acts in violation of its
obligations under the NPT.
For example, the United States reaffirms that it will not use nuclear
weapons against non-nuclear-weapon States parties to the NPT
"except in the case of an invasion or other attack on the United
States . . its armed forces, its allies, or on a State towards which it
has a security commitment, carried out or sustained by such a non-
nuclear-weapon State in association or alliance with a nuclear-
weapon State".
The exception clearly contemplates the use of nuclear weapons in the
specified exceptional circumstances. The United States assurances add:
"parties to the Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons
must be in compliance" with "their obligations under the Treaty" in
order to be "eligible for any benefits of adherence to the Treaty". The
United States further "affirms its intention to provide or support imme-
diate assistance" to any non-nuclear-weapon State "that is a victim of an
act of, or an object of a threat of, aggression in which nuclear weapons
are used". It reaffirms the inherent right of individual or collective self-
defence under Article 51 of the Charter "if an armed attack, including a
nuclear attack, occurs against a Member of the United Nations . ..".
Such affirmations by it - and their unanimous acceptance by the Secu-
rity Council - demonstrate that nuclear Powers have asserted the legal-
ity and that the SecurityCouncil has accepted the possibility of the threat
or use of nuclear weapons in certain circumstances.
As the Court's Opinion recounts, a number of treaties in addition to
the NPT limit the acquisition, manufacture, and possession of nuclear
weapons; prohibit their deployment or use in specified areas; and regu-
late their testing. The negotiation and conclusion of these treaties only
makes sense in the light of the fact that the international community has
not comprehensively outlawed the possession, threat or use of nuclear
weapons in al1circumstances, whether by treaty or through customary
international law. Why conclude these treaties if their essence is already
international law, indeed, as some argue, jus cogens?
The fact that there is no comprehensive treaty proscribing the threat or
use of nuclear weapons in al1circumstances is obvious. Yet it is argued
that the totality of this disparate treaty-making activity demonstrates an MENACE OU EMPLOID'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSS. CHWEBEL) 317
d'armes nucléairescontre une autre puissance nucléaire(ou un Etat non
partie au traité sur la non-prolifération) et explicitement elles n'excluent
pas l'usage de ces armes contre un Etat partie non doté d'armes nu-
cléairesqui violerait les obligations découlant du traité.
C'est ainsi que les Etats-Unis d'Amérique réaffirment qu'ils n'utilise-
ront pas d'armes nucléairescontre un Etat partie au traité sur la non-
prolifération des armes nucléaires qui n'en posséderaip tas
«sauf dans le cas d'une invasion ou de toute autre attaque menée
ou soutenue par un tel Etat, en alliance ou en association avec un
Etat doté d'armes nucléaires,contre les Etats-Unis ...leurs forces
armées ..leurs alliésou un Etat enverslequel ils auraient un engage-
ment de sécurité)).
L'exception vise manifestement l'emploi d'armes nucléairesdans les cir-
constances exceptionnelles dont il s'agit. Aux termes delagarantiedonnée
par les Etats-Unis, les parties au traité surla non-prolifération des armes
nucléaires doivent remplirles obligations que le traitéleur impose «pour
pouvoir bénéficier des avantages que donne l'adhésion)).Les Etats-Unis
affirment en outre leur ((intention de venir immédiatementen aide ou de
prêter immédiatemenu tn appui» à tout Etat non dotéd'armes nucléaires
qui «serait victime d'un acte d'agression avec emploi d'armes nucléaires
ou serait menacéd'une telle agression)).Ils réaffirmentle droit naturel de
légitime défense,individuelle ou collective, énoncé à l'article 51 de la
Charte «dans le cas où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une
agression armée,y compris une attaque nucléaire ..» Ces déclarations -
et leur acceptation unanime par le Conseil de sécurité - montrent que les
puissances nucléairesont affirméla licéitéde la menace ou de l'emploi
des armes nucléaires dans certaines circonstances et que le Conseil de
sécurité ena accepté l'éventualité.
Ainsi que la Cour le rappelle dans son avis, outre le traité surla non-
prolifération des armes nucléaires, un certainnombre de traitéslimitent
l'acquisition, la fabrication et la possession d'armes nucléaires, interdi-
sent leur déploiementou leur emploi dans certaines zones ou réglemen-
tent leurs essais. La négociationet la conclusion de ces traitésn'a desens
que parce que la communauté internationale n'a pas généralement inter-
dit la possession, la menace ou l'emploi d'armes nucléairesen toutes cir-
constances, soit par traité,soit en vertu du droit international coutumier.
A quoi bon conclure de tels traitéssi l'essentielde leurs dispositions fait
déjàpartie du droit international, voire, comme certains le soutiennent,
du jus cogens?
Il est bien évident qu'il n'existe aucun traité généralprohibant la
menace ou l'emploi d'armes nucléairesen toutes circonstances. Pourtant
on soutient que toute cette activité disparate de conclusion de traitésemergent opinio juris in favour of the comprehensive outlawry of the
threat or use of nuclear weapons; that, even if nuclear weapons were not
outlawed decades ago, they are today, or are on the verge of so becom-
ing, by the cumulation of such treaties as well as resolutions of the
United Nations General Assembly.
The looseness of that argument is no less obvious. Can it really be sup-
posed that, in recent months, nuclear Powers have adhered to a protocol
to the Treaty of Raratonga establishing a nuclear-free zone in the South
Pacific because they believe that the threat or use of nuclear weapons
already is outlawed in al1circumstances and places, there as elsewhere?
Can it really be believed that as recently as 15 December 1995,at Bang-
kok, States signed a Treaty on the South-East Asia Nuclear-Weapon-
Free Zone, and on 11April 1996the States of Africa took the consider-
able trouble to conclude at Cairo a treaty for the creation of a nuclear-
weapons-free zone in Africa, on the understanding that by dint of
emergent opiniojuris customary international law already requires that
al1zones of the world be nuclear-free?
On the contrary, the various treaties relating to nuclear weapons con-
firm what the practice described above imports: the threat or use of
nuclear weapons is not - certainly, not yet - prohibited in al1circum-
stances, whether by treaty or customary international law. This is the
clearer in the light of the terms of the Treaty of Tlatelolco for the Pro-
hibition of Nuclear Weapons in Latin America of 14 February 1967and
the declarations that accompanied adherence to an Additional Protocol
under the Treaty of the five nuclear-weapon States. Al1 of the five
nuclear-weapon States in so adheringundertook not to use or threaten to
use nuclear weapons against the Contracting Parties to the Treaty. But
they subjected their undertakings to the possibility of the use of nuclear
weapons in certain circumstances, as recounted above in paragraph 59 of
the Court's Opinion. None of the Contracting Parties to the Tlatelolco
Treaty objected to the declarations of the five nuclear-weapon States,
which is to say that the Contracting Parties to the Treaty recognized the
legality of the use of nuclear weapons in certain circumstances.
In its Opinion, the Court concludes that the succession of resolutions
of the General Assembly on nuclear weapons "still fa11short of establish-
ing the existence of an opiniojuris on the illegality of the use of such
weapons" (para. 71). In my view,they do not begin to do so. The seminal
resolution, resolution 1653(XVI)of 24 November 1961,declares that the
use of nuclear weapons is "a direct violation of the Charter of the United
Nations" and "is contrary to the rules of international law and to themontre qu'une opiniojuris sefaitjour en faveurde l'interdictiongénéralee
toute menace ou de tout emploi d'armesnucléaires,que, mêmesiles armes
nucléairesn'ont pas été miseshors la loi il a quelques dizaines d'années,
ellesle sont aujourd'hui ou sont sur le point de l'par lejeu de l'addition
de tels traitéset de résolutionsde l'Assemblégénérale des Nations Unies.
La faiblesse de cet argument n'est pas moins évidente.Peut-on vrai-
ment supposer que des puissances nucléaires aient pu ces derniers mois
adhérer à un protocole au traitéde Rarotonga établissant une zonedénu-
cléariséedans le Pacifique Sud parce qu'elles pensaient que la menace ou
l'emploi d'armes nucléaires était déjà interditartout et en toutes circons-
tances, là comme ailleurs? Peut-on vraiment croire que des Etats aient
pu, aussi récemmentque le 15décembre1995,signer à Bangkok un traité
sur la zone exempte d'armes nucléairesde l'Asie du Sud-Est et que les
Etats d'Afrique se soient donnéla peine de conclure au Caire le 11 avril
1996un traitérelatif à la créationd'une zone exempte d'armes nucléaires
en Afrique s'ilsconsidéraientque, par la force de l'opiniojuris, le droit
international coutumier exigedéjàque toutes les régionsdu monde soient
dénucléarisées?
Les divers traitésrelatifs aux armes nucléaires confirmentau contraire
ce que donne a penser la pratique décrite plus haut: la menace ou
l'emploi d'armes nucléaires n'estpas - et certainement pas encore -
interdit en toutes circonstances, que ce soit par traitéou en vertu du droit
international coutumier. Cela apparaît plus clairement encore si l'on tient
compte des termes du traitéde Tlatelolco du 14février1967visant l'inter-
diction des armes nucléaires en Amériquelatine ainsi que des déclara-
tions des cinq puissances nucléairesqui ont été jointesà leur adhésion à
un protocole additionnel. Les cinq puissances dotées d'armes nucléaires
se sont engagées, lors de cette adhésion, à ne recourir ni à l'emploi
d'armes nucléaires ni à la menace de leur emploi contre les parties
contractantes au traité.Mais elles ont subordonnéleur engagement à la
possibilité d'utiliser des armes nucléairesdans certaines circonstances,
comme il est indiquéau paragraphe 59 de l'avis de la Cour. Aucune des
parties contractantes au traité de Tlatelolco n'a soulevéd'objections à
l'égard desdéclarations des cinq Etats détenteurs d'armes nucléaireset
cela veut dire que les parties contractantes ont admis la licde l'emploi
d'armes nucléairesdans certaines circonstances.
La Cour conclut, dans son avis, que les résolutions successives de
l'Assembléegénérale surles armes nucléaires ((n'établissentpas encore
l'existenced'une opiniojuris quant à l'illicéide l'emploi de ces armes))
(par. 71).A mon sens, ellesne commencent mêmepas à le faire. La toute
première résolution en la matière, la résolution1653 (XVI) du 24 no-
vembre 1961,déclareque le recours aux armes nucléaires constitue «une
violation directe de la Charte des Nations Unies», qu'elle est((contraire laws of humanity", and that any State using nuclear weapons is to be
considered "as committing a crime against mankind and civilization". It
somewhat inconsistently concludes by requesting consultations to ascer-
tain views on the possibility of convening a conference for signing a con-
vention on the prohibition of the use of nuclear weapons for war pur-
poses. Resolution 1653 (XVI) was adopted by a vote of 55 to 20, with
26 abstentions. Four of the fivenuclear Powers voted against it. Succeed-
ing resolutions providing, as in resolution 361921,that "the use or threat
of use of nuclear weapons should . .. be prohibited . . .",have been
adopted by varying majorities, in the teeth of strong, sustained and quali-
tatively important opposition. Any increasein the majority for such reso-
lutions is unimpressive, deriving in some measure from an increase in the
membership of the Organization. The continuing opposition, consisting
as itdoes of States that bring together much of the world's military and
economicpower and a significantpercentage of its population, more than
sufficesto deprive the resolutions in question of legal authority.
The General Assembly has no authority to enact international law.
None of the General Assembly's resolutions on nuclear weapons are
declaratory of existing international law. The General Assembly can
adopt resolutions declaratory of international law only if those resolu-
tions truly reflectwhat international law is. If a resolution purports to be
declaratory of international law, if it is adopted unanimously (or virtually
so, qualitatively as well as quantitively) or by consensus, and if it corre-
sponds to State practice, it may be declaratory of international law. The
resolutions of which resolution 1653is the exemplar conspicuously fail to
meet these criteria. While purporting to be declaratory of international
law (yet calling for consultations about the possibility of concluding a
treaty prohibition of what is so declared), they not only do not reflect
State practice, they are in conflict with it, as shown above. Forty-six
States voted against or abstained upon the resolution, including the
majority of the nuclear Powers. It is wholly unconvincing to argue that a
majority of the Members of the General Assembly can "declare" inter-
national law in opposition to such a body of State practice and over the
opposition of such a body of States. Nor are these resolutions authentic
interpretations of principles or provisions of the United Nations Charter.
The Charter contains not a word about particular weapons, about nuclear
weapons, about jus in bello. To declare the use of nuclear weapons a vio-
lation of the Charter is an innovative interpretation of it, which cannot
be treated as an authentic interpretation of Charter principles or provi-
sions giving rise to obligations binding on States under international law.
Finally, the repetition of resolutions of the General Assembly in this vein,
far from giving rise, in the words of the Court, to "the nascent opinio
juris", rather demonstrates what the law is not. When faced with con-
tinuing and significant opposition, the repetition of General Assemblyaux règlesdu droit international et aux lois del'humanité)),et que tout Etat
se servant d'armes nucléairesdoit êtreconsidéré ((commecommettant un
crime contre l'humanitéet la civilisation)).Elle s'achèvede façon quelque
peu contradictoire en demandant de consulter les Etats afin d'obtenir
leurs vues sur la possibilitéde convoquer une conférencepour la signa-
ture d'une convention sur l'interdiction de l'emploi des armes nucléaires
des fins de guerre. La résolution 1653 (XVI) a étéadoptée par 55 voix
contre 20, avec 26 abstentions. Quatre des cinq puissances nucléairesont
votécontre. Les résolutionsqui se sont ensuite succédéet qui disposaient,
comme la résolution36/92 1,que «le recours ou la menace du recours aux
armes nucléaires devraientêtre interdits...))ont étéadoptées à des majo-
rités variables, malgré une opposition puissante,constante et qualitati-
vement importante. Il n'y a pas lieu d'êtrefrappépar les majorités plus
larges qui se sont dégagéescar elles ont résultédans une certaine mesure
de l'augmentation du nombre des Membres de l'Organisation. Le fait que
cette opposition persistante regroupe des Etats qui représentent une
bonne partie du pouvoir économiqueetmilitaire dans lemonde etun pour-
centage important de sa population suffit à ôter toute valeur juridique
aux résolutionsen question.
L'Assemblée générale n'esptas habilitée à élaborer le droit interna-
tional. Aucune des résolutionsde l'Assembléegénéralesur les armes nu-
cléairesn'est déclaratoiredu droit international existant. L'Assembléene
peut adopter de résolutions déclaratoiresdu droit international que si ces
résolutionstraduisent véritablement l'étatdu droit international. Si une
résolutionse veut déclaratoire du droit international, si elle est adoptée
à l'unanimité (ou presque, qualitativement commequantitativement) ou
par consensuset si ellecorrespond àla pratique des Etats, ellepeut êtredé-
claratoire du droit international. Les résolutionsdont la résolution 1653
est le modèlene répondent manifestement pas à ces critères.Tout en se
voulant déclaratoires du droit international (mais non sans demander
que des consultations soient menéessur la possibilité de conclure un
traité interdisant ce que l'on dit interdit), non seulement elles nereflètent
pas la pratique des Etats mais ellessont aussi en contradiction avec celle-
ci, comme on l'a montréplus haut. Quarante-six Etats ont votécontre la
résolution 1653 ou se sont abstenus et parmi eux figure la majorité des
puissances nucléaires. Soutenirqu'une majoritédes Membres de 17Assem-
bléegénérale peut«dire» le droit international face à une pratique éta-
tique contraire et malgré l'oppositiond'un tel groupe d'Etats n'emporte
nullement la conviction. Ces résolutions nesont pas non plus des inter-
prétations faisant autorité des principes et des dispositions de la Charte
des Nations Unies. Celle-cine dit pas un mot des armes particulières qui
peuvent êtreutilisées,pas plus que des armes nucléaires oudu jus inbello.
Dire que l'emploi d'armes nucléairesest une violation de la Charte est
une interprétation novatrice de celle-ci, et ne saurait être considérée
comme une interprétation faisant autorité des principes et des disposi-
tions de la Charte créant des obligations qui s'imposent aux Etats en
vertu du droit international. Enfin, le fait que l'Assembléegénéraleaitresolutions is a mark of ineffectualityin law formation as it is in practical
effect.
While it is not difficult to conclude that the principles of international
humanitarian law - above all, proportionality in the application of
force, and discrimination between military and civilian targets - govern
the use of nuclear weapons, it does not follow that the application of
those principles to the threat or use of nuclear weapons "in any circum-
stance" is easy. Cases at the extremes are relatively clear; cases closer to
the centre of the spectrum of possible uses are less so.
At one extreme is the use of strategic nuclear weapons in quantities
against enemy cities and industries. This so-called "countervalue" use (as
contrasted with "counterforce" uses directed only against enemy nuclear
forces and installations) could cause an enormous number of deaths and
injuries, running in some cases into the millions; and, in addition to those
immediatelv affected bv the heat and blast of those weaDons. 1 ,t num-
bers could be affected,many fatally, by spreading radiation. Large-scale
"exchanges" of such nuclear weaponry could destroy not only cities
but countries, and render continents, perhaps the whole of the earth,
uninhabitable, if not at once then through longer-range effects of nuclear
fallout. It cannot be accepted that the use of nuclear weapons on a
scale which would - or could - result in the deaths of many millions
in indiscriminate inferno and by far-reaching fallout, have profoundly
pernicious effects in space and time, and render uninhabitable much
or al1of the earth, could be lawful.
At the other extreme is the use of tactical nuclear weapons against dis-
crete military or naval targets so situated that substantial civilian casual-
ties would not ensue. For example, the use of a nuclear depth-charge to
destroy a nuclear submarine that is about to fire nuclear missiles, or has
fired one or more of a number of its nuclear missiles, might well be law-
ful. By the circumstance of its use, the nuclear depth-charge would not
give rise to immediate civilian casualties. It would easily meet the test of
proportionality ;the damage that the submarine's missiles could inflict on
the population and territory of the target State would infinitely outweigh
that entailed in the destruction of the submarine and its crew. The sub-
marine's destruction by a nuclear weapon would produce radiation in the
sea, but far less than the radiation that firing of its missiles would pro- MENACEOU EMPLOID'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSS. CHWEBEL) 320
adopté des résolutions successives de la même veine,loin d'engendrer
«une opinio juvis naissante)), pour reprendre les termes de la Cour,
montre plutôt ce que le droit n'est pas. Leur répétition, faceà une oppo-
sition considérable etdurable, dénote le caractère inopérant de ces réso-
lutions tant sur le plan de la formation du droit que sur le plan des effets
pratiques.
S'iln'est pas difficilede conclure que les principes du droit internatio-
nal humanitaire - et avant tout la proportionnalité dans l'usage de la
force et la distinction entre ciblesmilitaires et civi-esrégissentl'utilisa-
tion des armes nucléaires,il ne s'ensuit pas que l'application de ces prin-
cipes à la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires«en toutes circons-
tances)) soit facile. Les cas extrêmessont relativement clairs; ceux qui,
dans la gamme des usages possibles,se situent vers lemilieule sont moins.
A l'un des extrêmeso , n trouve l'emploimassif d'armes nucléairesstra-
tégiquescontre les villeset lesindustries de l'ennemi. Cesfrappes ((contre-
valeurs)) (par opposition aux frappes ((contre-forces))uniquement diri-
géescontre les forces et les installations nucléairesde l'ennemi) peuvent
provoquer un nombre considérable demorts et de blessés,de l'ordre par-
fois de plusieurs millions; et outre les personnes immédiatementvictimes ,
de l'effet de chaleur et de souffle des armes en question, un très grand
nombre d'autres pourraient êtretouchéespar la propagation des rayon-
nements, cedont beaucoup pourraient mourir. Des «échanges»de grande
envergure d'armes nucléairesde ce genre pourrait détruire non seulement
des villes mais aussi des pays et rendre des continents, voire la terre
entière, inhabitables, sinon immédiatementdu moins à plus long terme en
raison des effets des retombées radioactives. On ne saurait admettre que
l'emploi d'armes nucléaires à une échellequi causerait ou pourrait causer
la mort de millions d'êtreshumains dans un anéantissement aveugle et
infernal ou à la suite de retombées très dispersées, quiauraient ou pour-
raient avoir des effets profondément pernicieux dans l'espace et le temps
et rendre inhabitable une grande partie ou l'ensemble de la planète,
puisse êtrelicite.
A l'autre extrême,on trouve l'emploid'armes nucléaires tactiques diri-
géescontre des cibles militaires et navales furtives, déployéesde façon à
ne provoquer aucune perte civile. C'est ainsi que l'utilisation d'un engin
nucléaire quiaurait pour objet de détruireun sous-marin nucléairesur le
point de tirer des missilesnucléairesou ayant déjàtiréun certain nombre
de ces missiles pourrait bien êtrelicite. Vu les circonstances de son
emploi, cet engin nucléairene causerait aucune victime civile.Son utilisa-
tion répondrait facilement au critère de la proportionnalité car les dom-
mages que les missiles lancéspar le sous-marin pourraient infliger à la
population et au territoire de 1'Etat viséseraient infiniment plus graves
que ceux qui résulteraient de la destruction du sous-marin et de son équi-
page. La destruction du sous-marin par une arme nucléaire engendreraitduce on and over land. Nor is it as certain that the use of a conventional
depth-charge would discharge the mission successfully; the far greater
force of a nuclear weapon could ensure destruction of the submarine
whereas a conventional depth-charge might not.
An intermediate case would be the use of nuclear weapons to destroy
an enemy army situated in a desert. In certain circumstances, such a use
of nuclear weapons might meet the tests of discrimination and propor-
tionality; in others not. The argument that the use of nuclear weapons is
inevitably disproportionate raises troubling questions, which the British
Attorney-General addressed in the Court's oral proceedings in these
terms :
"If one is to speak of 'disproportionality', the question arises: dis-
proportionate to what? The answer must be 'to the threat posed to
the victim State'. It is by reference to that threat that proportionality
must be measured. So one has to look at al1the circumstances, in
particular the scale, kind and location of the threat. To assume that
any defensive use of nuclear weapons must be disproportionate, no
matter how serious the threat to the safety and the very survival of
the State resorting to such use, is wholly unfounded. Moreover, it
suggests an overbearing assumption by the critics of nuclear weap-
ons that they can determine in advance that no threat, including a
nuclear, chemical or biological threat, is ever worth the use of any
nuclear weapon. It cannot be right to Say that if an aggressor hits
hard enough, his victim loses the right to take the only measure by
which he can defend himself and reverse the aggression. That would
not be the rule of law. It would be an aggressor's charter."
For its part, the body of the Court's Opinion is cautious in treating
problems of the application of the principles of international humani-
tarian law to concrete cases. It evidences a measure of uncertainty in a
case in which the tension between State practice and legal principle is
unparalleled. It concludes, in paragraph 2E of the dispositiJ;that,
"It follows from the above-mentioned requirements that the threat
or use of nuclear weapons would generally be contrary to the rules
of international law applicable in armed conflict, and in particular
the principles and rules of international humanitarian law."
That conclusion, while imprecise, is not unreasonable. The use of
nuclear weapons is, for the reasons examined above, exceptionally diffi-
cult to reconcile with the rules of international law applicable in armed
conflict, particularly the principles and rules of international humanitar-
ian law. But that is by no means to Saythat the use of nuclear weapons,
in any and al1circumstances, would necessarily and invariably conflictdes rayonnements en mer mais ceux-ci seraient bien moindres que ceux
que le tir de missilesproduirait sur terre. n'est pas certain non plus que
l'usage d'un engin de type classique remplirait la mêmemission avec suc-
cès;en raison de sa beaucoup plus grande puissance, une arme nucléaire
pourrait provoquer la destruction du sous-marin, ce qu'un engin clas-
sique pourrait ne pas faire.
Un cas intermédiaire consisterait à utiliser des armes nucléairespour
détruireune armée ennemiedans le désert.Dans certaines circonstances,
cet emploi répondrait peut-êtreaux critères dela distinction et de la pro-
portionnalité, dans d'autres non. L'argument selon lequel l'utilisation
d'armes nucléaires serait inévitablementdisproportionnée soulève des
questions complexes que l'Attorney-Geneval du Royaume-Uni a évo-
quéesen ces termes lors de la procédure orale devant la Cour:
«Quand on parle de «disproportion», la question qui se pose est
celle-ci: disproportionné par rapportà quoi? Ce ne peut être qu'àla
menacedirigéecontre 1'Etatvictime. C'estpar rapport àcettemenace
que la proportionnalité doit êtremesurée. Il faut donc tenir compte
de toutes les circonstances, en particulier de l'étendueet du genre de
la menace ainsi que du lieu où elle se manifeste. Présumerque tout
emploi défensifd'armes nucléairesne peut êtreque disproportionné
quelle que soit la gravité de la menace à la sécurité età la survie
mêmede 1'Etat qui recourt à cet emploi est dépourvu de tout fon-
dement. De plus, cela suppose de la part des adversaires des armes
nucléaires une grande présomption, à savoir qu'ils peuvent dire
d'avance qu'aucune menace, qu'elle soit notamment nucléaire, chi-
mique ou biologique, nejustifiejamais l'emploid'une arme nucléaire.
Il n'est sûrement pas juste de dire que, si un agresseur frappe assez
fort, sa victime perd le droit de se défendre et de repousser l'agres-
sion. Ce ne serait pas là un régimede droit. Ce serait le règne de
l'agresseur.
Pour sa part, l'avis de la Cour traite avec prudence les problèmes que
pose l'application des principes du droit international humanitaire à des
cas concrets. 11traduit une certaine indécisiondans une affaire où la ten-
sion entre la pratique des Etats et le principe juridique est extrême. Il
conclut au paragraphe 2 E du dispositif que:
«Il ressort des exigencessusmentionnéesque la menace ou l'emploi
d'armes nucléaires serait généralemenctontraire aux règlesdu droit
international applicable dans les conflits armés, et spécialementaux
principes et règlesdu droit humanitaire.))
Cette conclusion, bien qu'imprécise, n'estpas déraisonnable. L'emploi
d'armes nucléaires est,pour les raisons examinées plus haut, excessive-
ment difficileà concilier avec les règlesdu droit international applicable
dans les conflits armés et en particulier les principes et règlesdu droit
international humanitaire. Mais cela ne veut nullement dire que l'emploi
d'armes nucléaires serait,dans une circonstance déterminéeou en touteswith those rules of international law. On the contrary, as the dispositifin
effect acknowledges, while they might "generally" do so, in specificcases
they might not. It al1depends upon the facts of the case.
The just-quoted first paragraph of paragraph 2E of the holdings is fol-
lowed by the Court's ultimate, paramount - and sharply controverted
- conclusion in the case, narrowly adopted by the President's casting
vote :
"However, in view of the current state of international law, and of
the elements of fact at its disposal, the Court cannot conclude defini-
tively whether the threat or use of nuclear weapons would be lawful
or unlawful in an extreme circumstance of self-defence, in which the
very survival of a State would be at stake."
This is an astounding conclusion to be reached by the International
Court of Justice. Despite the fact that its Statute "forms an integral part"
of the United Nations Charter, and despite the comprehensive and cat-
egorical terms of Article 2, paragraph 4, and Article 51 of that Charter,
the Court concludes on the supreme issue of the threat or use of force of
Our age that it has no opinion. In "an extreme circumstance of self-
defence,in which the very survival of a State would be at stake", the Court
finds that international law and hence the Court have nothing to say.
After many months of agonizing appraisal of the law, the Court dis-
covers that there is none. When it comes to the supremeinterests of State,
the Court discards the legal progress of the twentieth century, puts aside
the provisions of the Charter of the United Nations of which it is "the
principaljudicial organ", and proclaims, in terms redolent of Realpolitik,
its ambivalence about the most important provisions of modern interna-
tional law. If this was to be its ultimate holding, the Court would have
done better to have drawn on its undoubted discretion not to render an
opinion at all.
Neither predominant legal theory (as most definitively developed by
Lauterpacht in The Function of Law in the International Community,
1933)nor the precedent of this Court admit a holding of non liquet, still
less a holding - or inability to hold - of such a fundamental character.
Lauterpacht wrote most pertinently (and, as it has turned out, pre-
sciently):
"There is not the slightest relation between the content of the
right to self-defence and the claim that it is above the law and not
amenable to evaluation by law. Such a claim is self-contradictory, MENACEOU EMPLOID'ARMESNUCLÉAIRES (OP.DISSS.CHWEBEL) 322
circonstances, nécessairement et toujours contraire aux règles du droit
international. Loin de là- et comme le dispositif le reconnaît en fait-
cet emploi peut être ((généralement))contraire à ces règlesmais, dans des
cas particuliers, il pourrait ne pas l'être.Tout dépenddes circonstances
en cause.
Le premier alinéa du paragraphe 2 E du dispositif que l'on vient de
citer est suivi de la dernière conclusion de la Cour en l'affaire, la conclu-
sion essentielle- et vivement controversée -, adoptéedejustesse par la
voix prépondérantedu Président:
«Au vu de l'étatactuel du droit international, ainsi que des élé-
ments de fait dont elle dispose, la Cour ne peut cependant conclure
de façon définitiveque la menace ou l'emploi d'armes nucléaires
serait licite ou illicite dans une circonstance extrême de légitime
défensedans laquelle la survie mêmed'un Etat serait en cause. »
C'est une conclusion étonnante à laquelle la Cour internationale de
Justice aboutit ici. Son Statut a beau faire ((partie intégrante)) de la
Charte des Nations Unies, lelibelléde l'article2, paragraphe 4, et celui de
l'article 51 de cette Charte ont beau êtregénérauxet catégoriques, la
Cour conclut, sur la question primordiale de la menace et de l'emploi de
la force à notre époque,qu'elle n'a pas d'opinion. Dans «une circons-
tance extrême delégitimedéfensedans laquelle la survie mêmed'un Etat
serait en cause)), la Cour déclare quele droit international et partant la
Cour elle-mêmen'ont rien à dire. Après s'être donnétant de peine pour
examiner le droit en la matièrependant des mois, la Cour découvre qu'il
n'y en a pas. Quand elle aborde les intérêts suprême dsel'Etat, la Cour
fait abstraction des progrèsjuridiques accomplis au XXesiècle,écarteles
dispositions de la Charte des Nations Unies, organisation dont elle est
1'«organe judiciaire principal »,et proclame en des termes qui évoquent la
Realpolitik son ambivalence au sujet des dispositions les plus importantes
du droit international moderne. Si elle devait en fin de compte en arriver
là, elle aurait mieux fait d'invoquer l'incontestable pouvoir discrétion-
naire dont elle dispose de ne pas donner d'avis du tout.
Ni la doctrine dominante (telle qu'elle a été clairementexposéepar
Lauterpacht dans son ouvrage The Function of Law in the Intevnational
Community, 1933)ni la jurisprudence de la Cour n'admettent une décla-
ration de non liquet et moins encore une conclusion - ou une incapacité
de conclure - d'un caractère si fondamental. Lauterpacht a écrit très
pertinemment (et cela s'est révélp érémonitoire):
((11n'y a pas la moindre relation entre le contenu du droit de Iégi-
time défenseet l'allégation selon laquellil est au-dessusdu droit et ne
relèvepas d'une évaluation juridique. Unetelle allégationrenferme inasmuch as it purports to be based on legal right, and as, at the
same time, it dissociates itself from regulation and evaluation by the
law. Like any other dispute involving important issues, so also the
question of the right of recourse to war in self-defence is in itself
capable of judicial decision . . .(Op. cit., p. 180.)
Indeed, the drafters of the Statute of the Permanent Court of Interna-
tional Justice crafted the provisions of Article 38 of its Statute - provi-
sions which Article 38 of the Statute of this Court maintains - in order,
in the words of the President of the Advisory Committee of Jurists, to
avoid "especially the blind alley of non liquet". To do so, they adopted
the Root-Phillimore proposa1 to empower the Court to apply not only
international conventions and international custom but "the general
principles of law recognized by civilized nations" (Permanent Court of
International Justice, Advisory Committee of Jurists, Procès-Verbaux of
the Pvoceedingsof the Committee, June 16th-July 24th, 1920,The Hague,
1920,pp. 332, 344. See also pp. 296 ("A rule must be established to meet
this eventuality, to avoid the possibility of the Court declaring itself
incompetent (non liquet) though lack of applicable rules"), 307-320and
336 (the reference to general principles "was necessary to meet the pos-
sibility of anon liquet").
Moreover, far from justifying the Court's inconclusiveness, contempo-
rary events rather demonstrate the legality of the threat or use of nuclear
weapons in extraordinary circumstances.
The most recent and effective threat of the use of nuclear weapons
took place on the eve of "Desert Storm". The circumstances merit exposi-
tion, for they constitute a striking illustration of a circumstance in which
the perceived threat of the use of nuclear weapons was not only emi-
nently lawful but intensely desirable.
Iraq, condemned by the Security Council for its invasion and annexa-
tion of Kuwait and for its attendant grave breaches of international
humanitarian law, had demonstrated that it was prepared to use weapons
of mass destruction. It had recently and repeatedly used gas in large
quantities against the military formations of Iran, with substantial and
perhaps decisive effect. It had even used gas against its own Kurdish
citizens. There was no ground for believing that legal or humanitarian
scruple would prevent it from using weapons of mass destruction -
notably chernical, perhaps bacteriological or nuclear weapons - against
the coalition forces arrayed against it. Moreover, it was engaged in
extraordinary efforts to construct nuclear weapons in violation of its
obligations as a party to the Non-Proliferation Treaty. MENACE OU EMPLOI D'ARMESNUCLÉAIRES (OP.DISS.SCHWEBEL) 323
une contradiction car elleprétendsefonder surun droit tout en sedis-
sociant d'une réglementationet d'une évaluation juridiques. Comme
tout autre différend soulevantdes questions importantes, la question
du droit de recourir la guerre au titre de la légitimedéfensepeut fort
bien faire l'objet d'unedécisionjudiciaire...)) (Op. cit., p. 180.)
Qui plus est, les auteurs du Statut de la Cour permanente de justice inter-
nationale ont rédigéles dispositions de l'article 38 de ce Statut dispo-
sitions que l'on retrouveà l'article 38 du Statut de la Cour actuel-e de
façon à éviter,commel'a dit le présidentdu comité consultatif dejuristes,
((notamment l'impassed'un non liquet)).A cette fin, ils ont adoptéla pro-
position Root-Phillimore tendant à autoriser la Cour à appliquer non
seulement le droit international conventionnel et la coutume internatio-
nale mais aussi «les principes généraux dedroit reconnus par les peuples
civilisés»(Cour permanente de Justice internationale, Comité consultatif
de juristes, Pvocès-verbauxdes séancesdu comité,16juin-24 juillet 1920,
La Haye, 1920,p. 332et 344).Voir aussi la page 296 (((11faut établir une
règlepour répondre à cette éventualité,afin d'éviterque la Cour ne se
déclare incompétente (non liquet) faute de normes matérielles))),les
pages 307 à 320 et 336 (la référenceaux principes généraux«est néces-
saire pour parer à l'éventualité d'unnon liquet))).
En outre, loin de justifier l'indécisionde la Cour, des événements
contemporains démontrent plutôt la licéitéde la menace ou de l'emploi
d'armes nucléairesdans des circonstances extraordinaires.
La menace de l'emploi d'armes nucléairesla plus récenteet la plus
grave a étélancée à la veillede l'opération((Tempêtedu désert)).Les cir-
constances méritent d'êtreexposéescar ellesmettent remarquablement en
évidenceun cas où la menace de l'emploi d'armes nucléairesa été perçue
non seulement comme éminemmentlicite mais aussi comme profondé-
ment souhaitable.
L'Iraq, condamnépar le Conseil de sécuritépour son invasion et son
annexion du Koweït et pour les graves violations du droit international
humanitaire qui les avaient accompagnées, s'étaitmontré disposé à
employer des armes de destruction massive. Il avait récemment et à
maintes reprises utiliséde grandes quantitésde gaz contre les formations
militaires iraniennes, avec des effets substantiels et peut-êtredécisifs.Il
s'étaitmême servide gaz contre ses propres ressortissants kurdes. Il n'y
avait aucune raison de penser que des scrupules juridiques ou huma-
nitaires l'empêcheraient d'employerdes armes de destruction massive -
et notamment des armes chimiques, peut-être bactériologiquesou nu-
cléaires- contre les forces de la coalition qui s'était formécontre lui.
En outre il déployaitdes efforts extraordinaires pour fabriquer des armes
nucléaires enviolation des obligations que lui imposait le traité sur la
non-prolifération des armes nucléairesauquel il était partie. General Norman Schwarzkopf stated on 10January 1996over national
public television in the United States on Frontline:
"My nightmare scenario was that Our forces would attack into
Iraq and find themselves in such a great concentration that they
became targeted by chemical weapons or some sort of rudimentary
nuclear device that would cause mass casualties.
That's exactly what the Iraqis did in the Iran-Iraq war. They
would take the attacking masses of the Iranians, let them run up
against their barrier system, and when there were thousands of
people massed against the barrier system, they would drop chemical
weapons on them and kill thousands of people." (Frontline, Show
No. 1408, "The Gulf War", Transcript of Journal Graphies, Inc.,
Part II, p. 5.)
To exorcise that nightmare, the United Statestook action as described
by then Secretary of State James A. Baker in the following terms, in
which he recounts his climactic meeting of 9 January 1990 in Geneva
with the then Foreign Minister of Iraq, Tariq Aziz:
"1 then made a point 'on the dark side of the issue' that Colin
Powell had specifically asked me to deliver in the plainest possible
terms. 'If the conflictinvolves your use of chemical or biological
weapons against Our forces', 1 warned, 'the American people will
demand vengeance. We have the means to exact it. With regard to
this part of my presentation, that is not a threat, it is a promise. If
there is any use of weapons like that,Ourobjective won't just be the
liberation of Kuwait, but the elimination of the current Iraqi regime,
and anyone responsible for using those weapons would be held
accountable.'
The President had decided, at Camp David in December, that the
best deterrent of the use of weapons of mass destruction by Iraq
would be a threat to go after the Ba'ath regime itself. He had also
decided that U.S. forceswould not retaliate with chemical or nuclear
response if the Iraqis attacked with chemical munitions. There was
obviously no reason to inform the Iraqis of this. In hope ofpersuad-
ing them to consider more soberly the folly of war, 1purposely left
the impression that the use of chemical or biological agents by Iraq
could invite tactical nuclear retaliation. (We do not really know
whether this was the reason there appears to have been no confirmed
use by Iraq of chemical weapons during the war. My own view is
that the calculated ambiguity how we might respond has to be part
of the reason.)"(The Politics of Diplomacy - Revolution, War and
Peace, 1989-1992, by James A. Baker III, 1995,p. 359.) Le généralNorman Schwarzkopf a déclaréle 10janvier 1996lors de
l'émission Frontline diffuséepar la télévisionpublique nationale aux
Etats-Unis :
«Le scénario cauchemardesque qui me hantait était qu'en atta-
quant l'Iraq chez lui nous concentrions à cepoint nos forces qu'elles
deviendraient la cibled'armes chimiques ou de quelque sorte d'engin
nucléaire rudimentaire qui causerait des pertes massives.
C'est exactement ce que les Iraquiens ont fait pendant la guerre
Iran-Iraq. Ils laissaient s'approcher des massesd'attaquants iraniens,
les laissaient atteindre le systèmede défense et quand des milliers
d'hommes s'étaientmassésprès de ce systèmeils lâchaient sur eux
des armes chimiques et en tuaient des milliers.)) (Frontline, Show
No. 1408,«The Gulf War», Transcriptof Journal Graphies,Inc., par-
tie II, p. 5.)
Pour exorciser ce cauchemar, les Etats-Unis ont pris les mesures que
James A. Baker alors secrétaired'Etat a décritesdans le passage suivant
où il raconte la réunion cruciale qu'ila eue le 9 janvier 1990 à Genève
avec le ministre des affaires étrangères iraquien de l'époque,Tariq Aziz:
«J'ai parléalors du «côté sombre du tableau)) que Colin Powell
m'avait expressémentdemandé d'évoquerdans les termes les plus
clairs possibles. «Si le conflit vous amène à utiliser des armes chi-
miques ou biologiques contre nos forces - ai-je dit- le peuple
américain criera vengeance.Nous avons les moyens de l'exercer. Ce
que je viens de dire n'est pas une menace, c'est un engagement. Si
des armes comme celles-làsont employées,notre objectif ne sera pas
seulement la libération du Koweït, ce sera l'éliminationdu régime
iraquien actuel et quiconque sera responsable de l'utilisation de ces
armes devra rendre des comptes. »
Le Président avait décidéa Camp David, en décembre, que la
meilleure dissuasion contre l'emploi d'armes de destruction massive
par l'Iraq serait la menace de s'enprendre au régimeBaas lui-même.
11avait aussi décidéque les forces des Etats-Unis n'useraient pas
d'armes chimiquesou nucléaires àtitre de représaillessi lesIraquiens
attaquaient avec des munitions chimiques. Il n'y avait manifeste-
ment aucune raison d'informer les Iraauiens de cela. Dans l'esooir
de les amener à considérer plus posémentla folie que serait cette
guerre, j'ai donné à dessein l'impression que l'emploi d'agents chi-
miques ou biologiques par l'Iraq pourrait entraîner une riposte nu-
cléaire tactique. (Nous ignorons vraiment si telle est la raison pour
laquelle il semble que nous n'ayons aucune confirmation que l'Iraq
ait utilisédes armes chimiques pendant le conflit. Mon opinion per-
sonnelle est que l'ambiguïté calculéequi planait sur notre éventuelle
réaction doit l'expliquer en partie.))) (The Politics of Diplornacy
- Revolution, War and Peace, 1989-1992,par James A. Baker III,
1995,p. 359.) In F~ontline,Mr. Baker adds:
"The president's letter to Saddam Hussein, which Tariq Aziz read
in Geneva, made it very clear that if Iraq used weapons of mass
destruction, chemicalweapons, against United States forces that the
American people would - would demand vengeance and that we
had the means to achieve it." (Loc. cit., Part 1,p. 13.)
Mr. Aziz is then portrayed on the screen immediately thereafter as
saying :
"1 read it very carefully and then when 1 ended reading it, 1 told
him, 'Look, Mr. Secretary, this is not the kind of correspondence
between two heads of state. This is a letter of threat and 1 cannot
receivefrom you a letter of threat to my president', and 1returned it
to him." (Ibid.)
At another point in the programme, the following statements were made :
"NARRATOR T:he Marines waited for a chemical attack. It never
came.
TARIQAZIZ:We didn't think that it was wise to use them. That's
al1what 1can say. That was not - was not wiseto use such kind of
weapons in such kind of a war with - with such an enemy." (Loc.
cit., Part II, p. 7.)
In The Washington Post of 26 August 1995, an article datelined
"United Nations, 25 August", was published as follows:
"Iraq has released to the United Nations new evidence that it was
prepared to use deadly toxins and bacteria against U.S. and allied
forces during the 1991Persian Gulf War that liberated Kuwait from
its Iraqi occupiers, U.N. Ambassador Rolf Ekeus said today.
Ekeus, the chief U.N. investigator of Iraq's weapons programs,
said Iraqi officials admitted to him in Baghdad last week that
in December 1990they loaded three types of biological agents into
roughly 200missilewarheads and aircraft bombs that were then dis-
tributed to air bases and a missile site.
The Iraqis began this process the day after the U.N. Security
Council voted to authorize using 'al1necessary means' to liberate
Kuwait, Ekeus said. He said the action was akin to playing 'Russian
roulette' with extraordinarily dangerous weapons on the eve of war.
U.S. and U.N. officials said the Iraqi weapons contained enough
biological agents to have killed hundreds of thousands of people and
spread horrible diseases in cities or military bases in Israel, Saudi Dans l'émissionFvontline, M. Baker a ajouté:
«La lettre du Présidentà Saddam Hussein, que Tariq Aziz a lue à
Genève, précisaitbien que si l'Iraq utilisait des armes de destruction
massive, des armes chimiques, contre les forces des Etats-Unis, le
peuple américain réclameraitvengeance et que nous avions les
moyens de l'exercer.)) (Loc. cit., par1,ep. 13.)
On voit ensuite à l'écranM. Aziz répondre immédiatement:
«J'ai lula lettre très soigneusementet, dès quej'aifini de la lire,je
lui ai dit: ((Ecoutez, Monsieur le Secrétaire,ce n'est pas le genre de
correspondance qu'échangent deuxchefs d'Etats. Ceci est une lettre
de menace et je ne puis recevoir de vous une lettre de menace
adresséeà mon président)), etje la lui ai rendue.» (Ibid.)
A un autre moment de l'émission,les propos suivants ont été échangés:
~PRÉSENTATE ULes marines s'attendaient à une attaque à l'aide
d'armes chimiques,il n'y en a jamais eu.
TARIQ AZIZ:NOUSn'avons pas pensé qu'ilétaitsagede les utiliser.
C'est tout ce que je peux dire. Qu'il n'étaitpas..sage d'utiliser ce
genre d'armes dans ce genre de guerre avec ...avec un tel ennemi.))
(Loc. cit., partie II, p. 7.)
Dans The Washington Post du 26 août 1995a paru un article portant
l'indication «Nations Unies, 25 août)), qui étaitainsi conç:
((L'lraq a donné à l'organisation des Nations Unies de nouvelles
indications prouvant qu'il étaitdisposéà utiliser des toxines et des
bactéries mortellescontre les forces américaineset alliéespendant la
guerre du golfe Persique de 1991qui a permis de libérerle Koweït de
sesoccupants iraquiens, a dit aujourd'hui l'ambassadeur desNations
Unies, Rolf Ekeus.
Ekeus, chef de la mission d'enquête desNations Unies sur lespro-
grammes d'armement iraquiens, a dit que des fonctionnaires ira-
quiens avaient reconnu devant lui à Bagdad, la semaine dernière,
qu'en décembre1990ilsavaient placé des agents biologiques de trois
catégoriesdans quelque deux cents ogives et bombes aériennes,les-
quelles ont ensuite éexpédiées vers debsases aériennes et un site de
missiles.
Les Iraquiens ont commencé cetteopérationle lendemain du jour
où le Conseil de sécurité desNations Unies avait autorisé l'utilisa-
tion de tous les moyens nécessairespour libérerle Koweït, a indiqué
Ekeus. Selon lui, cela revenait à jouer à la roulette russe avec des
armes extraordinairement dangereuses à la veille de la guerre.
Des fonctionnaires des Etats-Unis et des Nations Unies ont dit
que les armes iraquiennes contenaient assez d'agents biologiques
pour tuer des centaines de milliers de personnes et répandred'hor-Arabia or wherever Iraq aimed the medium-range missiles or
squeaked a bomb-laden aircraft through enemy air defenses.
Ekeus said Iraqi officials claimed they decided not to use the
weapons after receiving a strong but ambiguously worded warning
from the Bush administration on Jan. 9, 1991,that any use of un-
conventional warfare would provoke a devastating response.
Iraq's leadership assumed this meant Washington would retaliate
with nuclear weapons, Ekeus said he was told. U.N. officials said
they believe the statement by Iraqi Deputy Prime Minister Tariq
Aziz is the first authoritative account for why Iraq did not employ
the biological or chemical arms at its disposal.
Iraqi officialssaid the documents were hidden by Hussein Kamel
Hassan Majeed, the director of Iraq's weapons of mass destruction
program who fledtoJordan on Aug. 7and whosedefection prompted
Iraq to summon Ekeus to hear the new disclosures . . .
Iraq admitted to filling a total of 150aircraft bombs with botuli-
num toxin and bacteria capable of causing anthrax disease, each of
which is among the most deadly substances known and can kill in
extremely small quantities, Ekeus said. It also claimed to have put
the two agents into 25 warheads to be carried by a medium-range
rocket.
According to what Aziz told Ekeus on Aug. 4, then-Secretary of
State James A. Baker III delivered the U.S. threat of grievous retali-
ation that caused Iraq to hold back during a tense, four-hour meet-
ing in Geneva about fiveweeks before the beginning of the U.S.-led
Desert Storm military campaign. Baker hinted at a U.S. response
that would set Iraq back years by reducing its industry to rubble.
Ekeus said that Aziz told him Iraq 'translated' the warning into a
threat that Washington would respond with nuclear arms. In fact,
then-Joint Chiefs of StaffChairman Colin L. Powell and other U.S.
military leaders had decided early on that nuclear weapons were not
needed and no such retaliatory plans existed." (The Washington
Post, 26 August 1995, p. Al. See also the report in The New York
Times, 26 August 1995,p. 3. For a contrasting contention by Iraq
that "authority to launch biological and chemical war-heads was
pre-delegated in the event that Baghdad was hit by nuclear weapons
during the Gulf war", see the 8th Report to the Security Council byribles maladies dans les villesou les bases militaires d'Israël, d'Ara-
bie saoudite ou en tout lieu vers lequel l'Iraq aurait tiréses missiles
à moyenne portéeou dans lequel ses bombardiers seraient parvenus
à s'infiltrer au travers des défensesaériennes ennemies.
Selon Ekeus, des fonctionnaires iraquiens ont dit qu'ils avaient
décidé dene pas utiliser ces armes aprèsavoir reçu un avertissement
ferme et sans ambiguïté del'administration Bush le 9 janvier 1991,
aux termes duquel le recours à des moyens de guerre non conven-
tionnels provoquerait une réaction particulièrement destructrice.
Les dirigeants iraquiens ont supposéque cela signifiait de la part
de Washington une riposte nucléaire,a-t-on dit àEkeus. De l'avis de
certains responsables de l'ONU, la déclaration du premier ministre
adjoint, Tariq Aziz, serait la première indication digne de foi expli-
quant pourquoi l'Iraq n'a pas employéles armes chimiques et bio-
logiques dont il disposait.
Selon des fonctionnaires iraquiens, les documents ont été cachés
par Hussein Kamel Hassan Majeed, directeur du programme ira-
quien d'armes dedestruction massive, qui a fui en Jordanie le 7 août
et dont la défectiona poussé l'Iraqà convoquer Ekeus pour lui faire
de nouvelles révélations...
L'Iraq a admis avoir rempli au total cent cinquante bombes
aériennes de toxines et de bactéries botuliques capablesde causer des
infections charbonneuses, chacune étant parmi les substances mor-
telles les plus actives et pouvant tuer avec de très faibles quantités,
a dit Ekeus. L'Iraq prétend avoir placéles deux agents dans vingt-
cinq ogives qui devaient être transportées parune fusée à moyenne
portée.
Selon ce qu'Aziz a dit à Ekeus le 4 août, le secrétaired'Etat de
l'époque, James A. BakerIII, a lancé la menace américaine de dures
représaillesqui a amené l'Iraq àhésiter lorsd'une réunion tendue de
quatre heures qui s'esttenue à Genève environ cinq semaines avant
le début de la campagne militaire dirigée par les Etats-Unis et
dénommée ((Tempêtdeu désert».Baker a fait allusion à une riposte
des Etats-Unis qui ramènerait l'Iraq des annéesen arrière et laisse-
rait son industrie en ruine.
Ekeus a déclaréque, selon ce qu'Aziz lui avait dit, l'Iraq avait
«interprété»cet avertissement comme une menace de riposte nu-
cléaire dela part de Washington. En fait le chef d'état-majorinter-
armes - qui étaitalors Colin L. Powell - et d'autres responsables
militaires américains avaient déjàdécidéqu'il n'étaitpas nécessaire
de recourir à des armes nucléaires etaucun plan n'existait pour une
riposte de cette nature. »(The WashingtonPost, 26 août 1995,p. Al.
Voir aussi l'article duew York Times du 26 août 1995,p. 3. Pour
la thèse iraquienne inverse selon laquelle «le pouvoir de lancer des
ogivesbiologiques et chimiques avait déjà étédélégué au cas où Bag- the Executive Chairman of the Special Commission (Ambassador
Ekeus), United Nations document SI19951864of 11 October 1995,
p. 11.That Report continues: "This pre-delegation does not exclude
the alternative use of such capability and therefore does not consti-
tute proof of only intentions concerning second use." (Ibid.))
Finally, there is the following answer by Ambassador Ekeus to a ques-
tion in the course of testimony in hearings on global proliferation of
weapons of mass destruction of 20 March 1996:
".. .1have had conversation with the Deputy Prime Minister of
Iraq, Tariq Aziz, in which he made references to his meeting with
Secretary of State James Baker in Geneva just before the outbreak
of war. He, Tariq Aziz, says that Baker told him to the effect that if
such [chemicalor biological]weapons were applied there would be a
very strong reaction from the United States.
Tariq Aziz did not imply that Baker mentioned what type of reac-
tion. But he told me that the Iraqi side took it for granted that it
meant the use of maybe nuclear weapons against Baghdad, or some-
thing like that. And that threat was decisivefor them not to use the
weapons.
But this is the story he, Aziz,tells. 1think one should be very care-
ful about buying it. 1don't say that he must be wrong, but 1believe
there are strong reasons that this may be an explanation he offers of
why Iraq lost the war in Kuwait. This is the story which they gladly
tell everyonewho talks to them. So 1think one should be cautious at
least about buying that story. 1 think still it is an open question."
(Testimony of Ambassador Rolf Ekeus before the Senate Permanent
Subcommittee on Investigations of the Committee on Governmental
Affairs of the United States Senate, Hearings on the Global Prolif-
eration of Weapons of Mass Destruction, in press.)
Thus there is on record remarkable evidenceindicating that an aggres-
sor was or may have been deterred from using outlawed weapons of mass
destruction against forces and countries arrayed against its aggression at
the cal1of the United Nations by what the aggressor perceived to be a
threat to use nuclear weapons against it should it first use weapons of
mass destruction against the forces of the coalition. Can it seriously be
maintained that Mr. Baker's calculated - and apparently successful -
threat was unlawful? Surely the principles of the United Nations Charter
were sustained rather than transgressed by the threat. "Desert Storm"
and the resolutions of the Security Council that preceded and followed it
may represent the greatest achievement of the principles of collective dad aurait étéfrappéepar des armes nucléairespendant la guerre du
Golfe)), voir le huitièmerapport au Conseil de sécurité présentépar
le président exécutif de la commission spéciale (l'ambassadeur
Ekeus), document des Nations Unies SI19951864 du 11octobre 1995,
p. 12.Ce rapport poursuit en ces termes: «Cette délégation depou-
voirs n'exclut pas que les moyens en question auraient pu être
déclenchéspar ailleurs et ne prouve donc pas qu'il étaitseulement
question d'un emploi en second.» (Ibid.)
Enfin, l'ambassadeur Ekeus a réponducomme suit à une question qui lui
a été posée lorsqu'ailtémoigné dans le cadre des auditions consacréesà la
prolifération mondialedes armes de destruction massive le 20 mars 1996:
«J'ai eu une conversation avec le premier ministre adjoint ira-
quien, Tariq Aziz, dans laquelle il a mentionnél'entretien qu'ilavait
eu avec le secrétaire d'Etat James Baker à Genève,juste avant le
déclenchementde la guerre. Selon Tariq Aziz, Baker lui aurait dit
que si de telles armes [chimiques ou bactériologiques]étaient uti-
lisées, ily aurait une trèsforte réactionde la part des Etats-Unis.
Tariq Aziz n'a pas laisséentendre que Baker avait indiquéde quel
genre de réactionil s'agissait.Mais il m'a dit que la partie iraquienne
avait considéré commeallant de soi aue cela voulait eut-être dire
l'emploid'armesnucléairescontre Bagdad ou quelquechose d'appro-
chant. Et que cette menace a étéun élémentdécisifdans la non-uti-
lisation de ces armes par l'Iraq.
Mais c'estlà l'histoireque lui, Aziz,raconte.l faut faire trèsatten-
tion avant de le croire. Je ne dis pas qu'il a nécessairementtort mais
il y aà mon sens, de fortes raisons de penser que c'estlà peut-êtrela
manièredont il expliquepourquoi l'Iraq a perdu la guerre au Koweït.
C'est la version que les Iraquiens sont heureux de raconter à qui-
conque leur en parle. Je pense donc qu'il faut au moins se montrer
prudent avant decroirecetteversion.C'estencore,je crois,une question
qui n'a pas été résolue.)) (Dépositiodne l'ambassadeur Rolf Ekeus
devant le sous-comitépermanent des enquêtesdu comitédu Sénat
des Etats-Unis pour les affaires gouvernementales, Heavings on the
Global Proliferation of Weapons of Mass Destruction, sous presse.)
Ainsi on dispose de preuves remarquables montrant qu'un agresseur a
été effectivemeno tu a pu êtredissuadé d'utiliserdes armes de destruction
massive interdites contre les forces et les pays qui s'étaient unispour
s'opposer à son agression à l'appel desNations Unies parce qu'ila perçu
comme une menacede l'emploi d'armes nucléairec sontre lui au cas où il se
servirait en premier d'armes de destruction massive contre les forces coa-
lisées.Peut-on sérieusement soutenirque la menace calculée - et appa-
remment efficace - de M. Baker étaitillicite? A coup sûr, loin de trans-
gresser lesprincipes de la Charte des Nations Unies, cette menace les a
renforcés.L'opération ((Tempêtd eu désert))et les résolutionsdu Conseil
de sécurité quli'ont précédée e stuivieconstituent peut-êtrela plus grandesecurity since the founding of the League of Nations. The defeat of this
supreme effort of the United Nations to overcome an act of aggression
by the use of weapons of mass destruction against coalition forces and
countries would have been catastrophic, not only for coalition forces and
populations, but for those principles and for the United Nations. But the
United Nations did triumph, and to that triumph what Iraq perceived as
a threat to use nuclear weapons against it may have made a critical con-
tribution. Nor is this a case of the end justifying the means. It rather
demonstrates that, in some circurnstances, the threat of the use of nuclear
weapons - as long as they remain weapons unproscribed by interna-
tional law - may be both lawful and rational.
Furthermore, had Iraq employed chemical or biological weapons -
prohibited weapons of mass destruction - against coalition forces, that
would have been a wrong in international law giving rise to the right of
belligerentreprisal. Even if, arguendo,the use of nuclear weapons were to
be treated as also prohibited, their proportionate use by way of belliger-
ent reprisa1in order to deter further use of chemicalor biological weapons
would have been lawful. At any rate, this would be so if the terms of a
prohibition of the use of nuclear weapons did not debar use in reprisa1or
obli"ate States "never under anv circumstances" to use nuclear weaDons. A ,
as they will be debarred by those terms from using chemical weapons
under Article 1 of the Convention on the Prohibition of the Develop-
ment, Production, Stockpiling and Use of Chemical Weapons and on
Their Destruction of 1993,should it come into force. In paragraph 46 of
its Opinion, the Court states that, on the question of belligerentreprisals,
"any" right of such recourse would, "like self-defence,be governed inter
alia by the principle of proportionality". The citation of that latter prin-
ciple among others is correct, but any doubt that the Court's reference
may raise about the existence of a right of belligerent reprisa1is not. Such
a doubt would be unsupported not only by the customary law of war and
by military manuals of States issued in pursuance of it, which have long
affirmed the principle and practice of belligerent reprisal, but by the
terms of the Geneva Conventions and its Additional Protocols, which
prohibit reprisals not generally but in specificcases (against prisoners-of-
war, the wounded, civilians, certain objects and installations, etc.) The
far-reaching additional restrictions on reprisals of Protocol 1,which bind
only its parties, not only do not altogether prohibit belligerent reprisals;
those restrictions as well as other innovations of Protocol I were under-
stood at the time of their preparation and adoption not to govern nuclear
weapons.réussitedesprincipes de sécuritécollectivedepuis la fondationde la Société
des Nations. Si cet effort immense des Nations Unies pour s'opposer à un
acte d'agression avait échoué parceque des armes de destruction massive
auraient étéutiliséescontre les forces et les pays de la coalition, cet échec
aurait étécatastrophique non seulement pour les forces et les populations
coalisées mais aussidu point de vue de ces principes et de l'organisation
des Nations Unies. Quoi qu'il ensoit, lesNations Unies ont triomphéet ce
que l'Iraq a perçu comme une menace de l'emploi d'armes nucléairesa
peut-êtrecontribué de façon décisive à ce triomphe. Au reste on ne se
trouve pas icidans un cas où la finjustifie lesmoyens. Cette affaire montre
plutôt que, dans certaines circonstances, la menace de l'utilisation d'armes
nucléaires - aussi longtemps que ces armes ne seront pas proscrites par le
droit international - peut êtrelicite et rationnelle.
De surcroît, sil'Iraq avait employédes armes chimiques et biologiques
- armes de destruction massive prohibées - contre les forces de la coali-
tion, cela aurait constituéen droit international un acte dommageable jus-
tifiant des représailles en temps de conflitarmé.Même sip , our les besoins
de l'argumentation, on considéraitle recours àdes armes nucléaires comme
lui aussi prohibé,l'utilisation proportionnée deces armes au titre de repré-
saillesen temps de conflit arméafin de prévenir un nouvel emploi d'armes
chimiques ou biologiques aurait été licite. Il en serait ainsi en tout cas si
l'interdiction de l'emploi d'armes nucléaires n'excluaip tas expressément
leur utilisationà titre de représaillesou n'imposait pas aux Etats l'obliga-
tion de ne jamais se servir d'armes nucléaires, quellesque soient les cir-
constances, interdiction expresse qui s'applique, elle, à l'emploi d'armes
chimiques aux termes de l'article premier de la convention de 1993 sur
l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de
l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction, si elle entre en
vigueur. Au paragraphe 46de son avis, la Cour dit, à propos de la question
des représaillesen temps de conflit armé, que «tout droit de recourir à de
telles représailles serait, commele droit de légitime défenser ,égi,notam-
ment, par le principe de proportionnalité)). Il est exact de rappeler ce prin-
cipe parmi d'autres mais il ne l'estpas de susciter le doute, comme la Cour
semblele faire, quant à l'existencede représailles en temps de conflitarmé.
Un tel doute ne saurait s'appuyer nisur le droit coutumier de la guerre et
les manuels militaires établispar les Etats en application de ce droit - où
sont affirmésdepuis longtempsle principe et la pratique des représaillesen
temps de conflit armé - ni sur le libellédes conventions de Genève etde
leurs protocoles additionnels qui interdisent les représaillesnon pas d'une
façon générale maisdans des cas particuliers (quand elles sont dirigées
contre des prisonniers de guerre, des blessés, des civils,ertains objets, cer-
taines installations, etc.). Non seulement les nouvelles restrictions impor-
tantes qui visent les représaillesdans le protocole 1, lequel ne lie que les
parties, n'interdisent pas complètementles représailles en temps de conflit
armé, mais encoreon a estimé,au moment de leur élaboration et de leur
adoption, que ces restrictions, comme d'ailleurs les autres innovations du
protocole 1, ne s'appliquaient pasaux armes nucléaires. There is another lesson in this example, namely, that as long as what
are sometimes styled as "rogue States" menace the world (whether they
areor are not parties to the NPT), it would be imprudent to set policy on
the basis that the threat or use of nuclear weapons is unlawful "in any
circumstance". Indeed, it may not only be rogue States but criminals or
fanatics whose threats or acts of terrorism conceivably may require a
nuclear deterrent or response.
Finally, 1have my doubts about the Court's last operative conclusion
in paragraph 2F :
"There exists an obligation to pursue in good faith and bring to a
conclusion negotiations leading to nuclear disarmament in al1 its
aspects under strict and effectiveinternational control."
If this obligation is that only of "Each of the Parties to the Treaty" as
Article VI of the Non-Proliferation Treaty States,this is another anodyne
asseveration of the obvious, like those contained in operative para-
graphs 2A, 2B, 2C and 2D. If it applies to States not party to the NPT,
it would be a dubious holding. It would not be a conclusion that was
advanced in any quarter in these proceedings; it would have been sub-
jected to no demonstration of authority, to no test of advocacy; and it
would not be a conclusion that could easily be reconciled with the fun-
damentals of international law. In any event, since paragraph 2F is not
responsive to the question put to the Court by the General Assembly, it
is to be treated as dictum.
(Signed) Stephen M. SCHWEBEL. Il y a une autre leçonà tirer de cet exempleà savoir que, tant que des
Etats qu'on a parfois qualifiésde ((sans foi ni loi» menacent le monde
(qu'ils soient ou non parties au traitésur la non-prolifération des armes
nucléaires), il serait imprudent d'arrêter une politique en la matière
fondéesur l'idéeque la menace ou l'emploi d'armes nucléairesest illicite
«en toutes circonstances)). Au reste, il n'y a pas seulement des Etats sans
foi ni loi, mais il y a aussi des criminelset des fanatiques dont lesmenaces
ou les actes de terrorisme pourraient fort bien appeler une riposte ou un
élément de dissuasion nucléaire.
ARTICLE VI DU TRAITÉ SUR LA NON-PROLIFÉRATION
DES ARMES NUCLÉAIRES
Enfin, j'ai des doutes au sujet du dernier paragraphe du dispositif, le
paragraphe 2 F aux termes duquel:
((11existe une obligation de poursuivre de bonne foi et de meneà
terme des négociations conduisant au désarmement nucléairedans
tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace.
Si cette obligation ne s'impose qu'à ((chacune des parties au traité))
comme le précisel'article VI du traité sur la non-prolifération, ce n'est
qu'une répétitionanodine d'une évidence,tout comme cellesque contien-
nent lesparagraphes 2 A, 2 B, 2 C et 2 D du dispositif. Si elles'appliquait
aux Etats non parties au traité,ce serait une constatation équivoque.Il
s'agirait d'une conclusion que personne n'a avancéependant la procé-
dure; qui n'aurait éténi démontrée pardes preuves ni soumise au prin-
cipe du contradictoire; ce serait une conclusion difficiàeconcilier avec
les bases fondamentales du droit international. De toute manière, comme
leparagraphe 2 F ne répond pas à la question poséeà la Cour, il doit être
considéré comme unsimple dictum.
(Signé) Stephen M. SCHWEBEL.
Opinion dissidente de M. Schwebel, vice-président (traduction)