Opinion individuelle de M. Oda (traduction)

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100-19990429-ADV-01-02-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. ODA

(Traduction]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes

1-2

2.MODIFICAT IO N'ENONCÉ DES QUESTIONS À POSERCOURA 3-6

4.IMMUNITÉ JURIDIQUE DEM. CUMARASWA -MYDIFFÉREND ENTRE
L'ORGANISAT IS NATION USNIEST LAMALAIS IER L'INTERPRÉ-
TATION ET L'APPLICATIONDE LA CONVENTION 11-17

5. EXONERAT ISNOBLIGATIONFINANCIERES 18-19

6. DECISIOSNR L'IMMUNITE DES TRIBUNAUX MALAISIENS IN LIMINE20-22S 1. J'ai votéen faveur des alinéas1 a), 1b), 2 b) et 3 du dispositif de
l'avis consultatif de la Cour, qui ont principalement trait l'application
de la convention de 1946 sur les privilèges et immunités des Nations
Unies (ci-aprèsdénomméela ((convention)))au casde M. Cumaraswamy,
rapporteur spécialde la Commission des droits de l'homme de I'Organi-

sation des Nations Unies chargé de la question de I'indépendance des
juges et des avocats. J'ai toutefois voté contre les alinéas a) et4 du
dispositif, qui concernent les obligations juridiques de la Malaisie en
l'espèce.
2. Avant d'expliquer mon vote sur chacun des alinéasdu paragraphe
du dispositif, je souhaiterais exposer mes vues généralessur l'avisconsul-
tatif de la Cour dans son ensemble. J'estime que la Cour n'a pas néces-
sairement donnéune réponseadéquateaux questions poséesdans la déci-
sion 19981297du Conseil économiqueet social, mêmesi aux alinéas 1 a),
1b) et 3 du paragraphe du dispositif la Cour semble vouloir répondre à
la première question poséepar le Conseil économiqueet social et si aux

alinéas 2 a),2 6) et 4 elle semble répondre à la seconde question.

3. Je dois tout d'abord souligner lesparticularitésde la présente espèce.
Comme indiqué à juste titre aux paragraphes 20,35 et 37 de l'avisconsul-
tatif, le texte original des questionsposer à la Cour tel qu'il avait été
établi par le Secrétairegénéralde l'organisation des Nations Unies a
l'intention du Conseil économique et social était différentdu texte des
questions qui ont en fait été poséedsans la décision19981297du Conseil

économiqueet social en date du 5 aoùt 1998.
4. Le texte de la question posée à l'origine dans la note du Secrétaire
généraldu 28juillet 1998intitulée ((Privilègeet immunitésdu rapporteur
spécialde la Commission des droits de l'homme chargé dela question de
I'indépendance des juges et desavocats)) étaitle suivant:

«le Secrétaire généralde l'organisation des Nations Unies a-t-il
exclusivement autorité pour déterminer si lesdites paroles ont été
prononcées [par M. Cumaraswamy] au cours [de sa] mission pour
l'organisation, au sens de la section 22) de la convention [sur les
privilègeset immunitésdes Nations Unies]?)) (E11998194,par. 21).
Les questions ont étémodifiéesdans leur forme de manière assez sou-

daine lorsque, a l'issuede consultations officieuses,le projet de décisiona
été formulépar le vice-président du Conseil économique et social le
5 août 1998 (E/1998lL.49lRev.l) et adoptéce mêmejour par le Conseil
en tant que décision 19981297.Les questions a poser a la Cour énoncéesdans le projet de décisiondu Conseil économiqueet social ainsi formulé
(cité au paragraphe 6 ci-aprés) étaient sensiblement différentes de ce
qu'avait proposéinitialement le Secrétaire général une semaine plutsôt,
le 28juillet 1998,dans sa note citée ci-dessus.
5. Lescirconstances dans lesquelles le projet a étémodifié nesont pas
connues en dehors du Conseil économique et social lui-même,comme
l'explique laCour au paragraphe 37 de son avis consultatif:

«Mêmesi les comptes rendus analytiques du Conseil [économique
et social] ne font pas expressémentétatde ce point, il est clair que le
Conseil, auquel il appartenait de présenterla demandeà la Cour, n'a
pas adopté les questions énoncéesdans la conclusion de la note du
Secrétaire général, maias préférformuler sa propre question en des
termes qui n'ont pas étécontestésà l'époque.))

La Cour doit maintenant répondre aux questions poséessous cette forme
définitivepar le Conseil économique et social, comme elle le dità bon
droit dans ce mêmeparagraphe: «La Cour répondra maintenant à la
question telle que formuléepar le Conseil [économiqueet social].
6. Quelles que soient les raisons pour lesquelles les questions ont été

modifiées,il appartientà la Cour de répondre aux questions qui ont été
effectivement poséespar le Conseil économiqueet social, et dont la pre-
mièreportait sur :
«le point de droit concernant l'applicabilitéde la section 22 de l'ar-
ticle VI de la convention [sur les privilèges et immunités des Na-
tions Unies] au cas de [M.] Cumaraswamy, en tant que rapporteur

spécialde la Commission des droits de l'homme chargéde la ques-
tion de l'indépendancedesjuges et des avocats, en tenant compte des
paragraphes 1 à 15de la note du Secrétaire général)).
Il me semble, comme je l'ai déjà indiquéau paragraphe 2 de la présente
opinion, que la Cour répond à cette question aux alinéas 1a) et 1b) du

dispositif de l'avis consultatif; elle semble répondre égalementla pre-
mièrequestion à l'alinéa3, qui est analysà la section 5 de la présente
opinion (voir le paragraphe 18ci-après).

3. LE ((POUVOIR EXCLUSIF)) DUSECRÉTAIR GENÉRAL N'EST PASEN CAUSE

7. Il est demandé maintenant a la Cour, eu égard àla section 30 de
l'articleI11de la convention sur les privilèges etimmunitésdes Nations
Unies, de donner un avis consultatif sur(([un]point de droit» dans «un
différend [surgi]entre l'organisation des Nations Unies, d'une part, et [la
Malaisie], d'autre part)), comme indiqué dans la première question
énoncéedans la décisiondu Conseil économiqueet social.

8. Le pouvoir du Secrétairegénéraln'est en fait pas directement en
cause, mêmesi c'est sur cette question que les deux Parties au différend,
à savoir l'organisation des Nations Unies et la Malaisie, dans leurs écri- IMMUNITÉ DE JURIDICTION (OP.IND.ODA) 102

tures comme lors de la procédure orale,et les Etats qui ont participé
procédureont largement concentré leursarguments. Dans son avisconsul-
tatif, la Cour analyse les arguments des Parties sur cette question (voir les
paragraphes 32, 33et 34), mais les conclusions auxquelles elleaboutit aux

alinéas 1a) et 1b) du dispositif de l'avis consultatif ne sont en fait pas
fondéessur la décision présentéeomme obligatoire du Secrétairegénéral
de l'organisation des Nations Unies concernant I'applicabilité de la
convention au cas de M. Cumaraswamy ou le droit de M. Cumaraswamy
à I'immunitéde juridiction devant les tribunaux malaisiens.
9. La responsabilitéprincipale et le pouvoir de dernier ressort qu'aurait
le Secrétairegénéral nesont pas pertinents à cet égard vu la question
poséepar le Conseil économiqueet socialà la Cour. Je vois mal pourquoi

la Cour està ce point préoccupéepar le pouvoir dont le Secrétaire géné-
ral de l'organisation des Nations Unies serait investi. La Cour déclareau
paragraphe 49 que: «le Conseil [économique et social] souhaite être
informéde l'avis de la Cour sur la question de savoir si.le Secrétaire
générala conclu à bon droit que le rapporteur spéciala agi au cours de
sa mission)); au paragraphe 50 que: «En sa qualité de plus haut fonc-
tionnaire de l'organisation, [le Secrétairegénéral]a le pouvoir et la res-
ponsabilité d'assurer la protection nécessairelorsque besoin ent)); au
paragraphe 51 que: ((c'est au Secrétaire généralque sont principa-
lement conférésla responsabilitéet le pouvoir de protégerles intérêts de

l'organisation et de ses agents, compris les experts en missions)); au
paragraphe 52 que: «le Secrétairegénéral... a informéà de nombreuses
reprises le Gouvernement malaisien de sa conclusion»; et au para-
graphe 56 que: «la Cour est d'avis que [le Secrétairegénéral]a conclà
bon droit [en la matière])).
10. Je ne conteste pas, quant au fond, ce que la Cour a ainsi déclaré,
dans son avis consultatif,à propos du pouvoir du Secrétaire général.
Mais c'esta Iu Couret non au Secrétairegénéral qu'ialppartient d'exer-
cer ce pouvoir qui lui a étéconféréde déterminer, à la demande du

Conseil économique et social, I'applicabilitéde la convention et le droit
de M. Cumaraswamy à l'immunité.

4. IMMUNITÉ JURIDIQUE DE M. CUMARASWAM -Y DIFFÉREND ENTRE
L'ORGANISATIO DENS NATIONSUNIES ET LA MALAISIE SUR L'INTERPRÉ-
TATION ET L'APPLICATION DE LA CONVENTION

11. La déclarationfiguranà l'alinéa1a) du dispositif de l'avisconsul-

tatif selon laquellela convention sur les privilèges et immunités des
Nations Unies est applicable au cas deM.]Dato' Param Cumaraswamy,
en tant que rapporteur spécialde la Commission des droits de l'homme»
énonceune évidencedans la mesure où M. Cumaraswamy a étédûment
nommé((rapporteur spécial))dela Commission et que l'on interprète le
terme «experts» figurant dans la convention comme incluant les «rap-
porteurs spéciaux))nomméspar l'organisation des Nations Unies. IMMUNITÉ DE JURIDICTION (OP.IND.ODA) 103

12. La question essentielle est de savoir si Cumaraswamy a droit à
l'«immunitéde toute juridiction)) (convention, art. VI, section 22 b)) en
dépitdes propos qu'il a tenus «sur certaines affaires qui avaient étépor-
téesdevant les tribunaux malaisiens)), et dont il est allégué qu'iconte-
naient des paroles diffamatoires, publiés dans un article du numéro
de novembre 1995 de la revue International Commercial Litigation. La
convention dispose que:

c<[l]eexperts ..lorsqu'ils accomplissent des missionspour l'organi-
sation des Nations Unies, jouissent, pendant la durée de cette mis-
sion ...des privilèges et immunités nécessairespour exercer leurs
fonctions en toute indépendance.Ils jouissent en particulier

.............................
6) [de l']immunitéde toute juridiction en ce qui concerne les actes
accomplis par eux au cours de leurs missions (y compris leurs
paroles et écrits).(Art. VI, section 22 b).)

13. La Cour est appelée à répondre a la question de savoir si les pa-
roles qui auraient étéprononcéespar M. Cumaraswamy lors de l'inter-
view qui a été publiée dans le numéro de novembre 1995 de la revue
International Commercial Litigation sont ou ne sont pas des «paroles»
prononcées «au cours de [sa] mission)). La Cour y répond par I'affir-
mative à l'alinéa1b) du dispositif, en déclarantque:

«[M.] Cumaraswamy jouit de l'immunité detoute juridiction pour
lesparoles qu'il a prononcéesau cours d'une interview,tellesqu'elles
ont été publiéed sans un article du numérode novembre 1995de la
revue International Commercial Litigation.))

14. Ce qui est vraiment en cause en l'espèce,ce n'est pas la teneur des
paroles elles-mêmes que M. Cumaraswamy aurait prononcées lorsde son
interview, telles qu'ellesont épubliéesdans la revue International Com-
mercial Litigation. La Cour dit à bon droit au paragraphe 56 que «[l]a
Cour, dans la présente espèce, n'estpas appelée à se prononcer sur le
caractère approprié ou non des propos tenus par le rapporteur spécial et
sur son évaluation de la situation)). La question que la Cour aurait dû
examiner dans la présenteespèce estcelle de savoir si M. Cumaraswamy
a prononcéces paroles au cours de sa missionen tant que rapporteur spé-
cial de la Commission desdroit de l'hommede l'organisation des Nations
Unies et s'ilétaitdonc en droit de bénéficiedre l'immunité dejuridiction

prévuepar la convention en ce qui concerne ces paroles.
15. Lesmots «au cours de leurs missions))ou des termes comparables
ont souvent été utilisédsans divers instruments concernant les privilèges
et immunités diplomatiques, ainsi que les privilègeset immunités des
forces armées stationnéesdans des pays étrangers en application d'ac-
cords bilatéraux. L'interprétation deces expressions n'est pas la même
dans chaque cas. Aucune règlene semble avoir étéfermement établieen
la matière,ni dans la doctrine ni dans la pratique du droit international.On pourrait fort bien se demander si l'interviewque M. Cumaraswamy a
accepté dedonner a une revue commerciale s'inscrit dans le cadre de ses
activités accomplies «au cours de [sa] mission)) en tant que rapporteur
spécialet si elleest donc couverte par l'immunité reconnuepar la conven-
tion. Il est cependant courant, en fait, que les rapporteurs spéciaux des
commissions de l'organisation des Nations Unies aient des contacts avec
les médiassur les sujets essentiellement liésaux mandats qui leur sont
confiéspar l'organisation des Nations Unies. Le mandat de M. Cuma-
raswamy comprend les tâches suivantes :

(ta) soumettre toute allégation transmiseau rapporteur spécial à un
examen contradictoire ..;

6) identifier et recenser non seulement lesatteintes portéesàI'indé-
pendance du pouvoir judiciaire, des avocats et des personnels et
auxiliaires de justice, mais aussi les progrès accomplis dans la
protection et l'améliorationde cette indépendance ...;
C) étudieren raison de leur importance et de leur actualité...cer-
taines questions de principe, dans le but de protéger et de ren-
forcer l'indépendancedu judiciaire et des avocats)) (avis consul-
tatif, par.4).

Il me semble clair que les déclarations faitespar M. Cumaraswamy dans
son interview à la revue constituaient réellement desparoles prononcées
(tau cours de [sa]mission)).
16. Le fait suivant peut êtreaussi pertinentricet égard.Avant I'inter-
view publiéedans le numéro de novembre 1995 de la revue, M. Cuma-
raswamy, apparemment en sa qualitéde rapporteur spécialde la Com-
mission des droits de l'homme, a publiéle 23 août 1995une déclaration à
la presse ou on lit notamment:

((l'on ne compte plus les plaintes selon lesquelles des personnalités
haut placées en Malaisie, notamment dans le monde de l'industrie et
du commerce manipulent le système judiciaire malaisien, sapant
ainsi la bonne administration d'une justice indépendante et impar-

tiale par les tribunaux)).
Quelques jours plus tard, le 29 août 1995, M. Cumaraswamy a formulé
ses préoccupations quant au systèmejudiciaire malaisiendans une lettre

au présidentde la Commission des droits de I'homme. La déclaration à la
presse de M. Cumaraswamy est ultérieurement évoquéedans son
deuxième rapport présenté à la Commission des droits de I'homme, le
1"'mars 1996. M. Cumaraswamy est citédans le numéro de novembre
1995 d'lntrrnational Commevcial Litigation dans les termes suivants:
((l'on ne compte plus les plaintes selon lesquelles des personnalités haut
placéesdans le monde de l'industrie et du commerce sont en mesure de
manipuler le système judiciaire malaisien)) - qui sont très semblables à
ceux qu'il avait employésauparavant en sa qualité derapporteur spécial
dans sa déclaration à la presse du 23août 1995,comme indiquéci-dessus. IMMUNITÉ DE JURIDICTION (OP.IND.ODA) 105

Alors que les entreprises commerciales de Malaisie ont fait valoir qu'elles
ont intenté les actions en diffamation contre M. Cumaraswamy pour les
propos qu'il a tenus au cours de l'interview accordée à International
Commercial Litigation, il se trouve que M. Cumaraswamy avait en fait,
à peu près trois mois plus tôt, déjàfait, de sa propre initiative, une dé-

claration à la presse presque identique en sa qualité de rapporteur spé-
cial.
17. Somme toute, je suis toutà fait d'accord avec la Cour lorsqu'elle
déclare à l'alinéa1 6) du dispositif, que je cite de nouveau ici, que:

«[M.] Cumaraswamy jouit de l'immunitéde toute juridiction pour
lesparoles qu'il a prononcéesau cours d'une interview, telles qu'elles
ont étépubliéesdans un article du numérode novembre 1995de la
revue International Commercial Litigution)).

5. EXONÉRATIO DNS OBLlGATlONS FINANCIÈRES

18. L'alinéa3 du dispositif de I'avisconsultatif: «[M.] Cumaraswamy
doit êtredégagéde toute obligation financière mise à sa charge par les
tribunaux malaisiens, notamment au titre des dépens)),figure dans cet
avis parce que la Cour a été informépear l'additif la note du Secrétaire
général (E/1998/94/Add.l) qu'un avis de taxation des dépenseset frais de
justice, daté du 28 juillet 1998, avait étésignifiéM. Cumaraswamy.
Comme indiquéau paragraphe 6 ci-dessus, l'alinéa3 du dispositif répond
à la première question du conseil économiqueet social.
19. Bien que je souscrive entièrement ce que la Cour a dità ce pro-
pos, je crois qu'il n'étaitpas nécessaireque cet alinéafigure expressément
dans le dispositif de l'avisconsultatif, dès lorsqu'il avaitpondupar
l'affirmative a la première question posée par le Conseil économique

et social, la question del'«obligation financière miseà [la] charge [de
M. Cumaraswamy] par les tribunaux malaisiens, notamment au titre des
dépens))étantcertainement couverte par l'immunitédejuridiction. Siune
personne jouit de l'immunitéde juridiction devant les tribunaux natio-
naux, elle doit aussi jouir de l'immunité a l'égardde toute obligation
financièreau titre des dépens mise à sa charge, comme la Cour le dit à
juste titre au paragraphe 64 de l'avisconsultatif:

((l'immunité... reconnue par la Cour a M. Cumaraswamy suppose
que ce dernier soit dégagéde toute obligation financière miseà sa
charge par lestribunaux malaisiens, notamment au titre des dépens)).

A cet égard,l'alinéa3 ne fait qu'énoncerune évidence,et sicette question
devait êtrementionnéedans le dispositif de l'avis consultatif, elle aurait
dû l'êtreimmédiatement après les alinéas1a) et 1b), plutôt qu'après les
alinéas 2 a) et b), qui traitent des obligations juridiques de la Malaisie. IMMUNITÉ DE JURIDICTION (OP.IND.ODA)

6. DÉcisro~ SUR L'IMMUNITÉ DES TRIBUNAUX MALAISIENS

IN LlMlNE LlTIS

20. Je souscris entièrement à la conclusion énoncéepar la Cour à
l'alinéa2 b) du dispositif suivant laquelle les tribunaux nationaux ma-
laisiens auraient dû trancher d'emblée la question de l'immunité:
«les tribunaux malaisiens avaient l'obligation de traiter la question de
l'immunité de juridiction comme une question préliminaire à trancher
dans les meilleurs délaisin limine litis)). A supposer que M. Cumaras-
wamy ait droit à l'immunitéau titre de la convention, à quel stade la

Malaisie a-t-elle commencé à manquer à son obligation d'accorder cette
immunité'? A quel moment commence la responsabilité de la Malaisie
à cet égard en tant qu'Etat? Certaines entreprises commerciales malai-
siennes ont intenté des actions en diffamation contre M. Cumaraswamy
devant les tribunaux nationaux malaisiens. La question de savoir si ces
tribunaux auraient dû refuser de connaître de ces affaires avant de signi-
fierà M. Cumaraswamy une assignation à comparaître le 12 décembre
1996, ou après avoir pris connaissance de ses vues présentéespar écrit
ou en sa présenceau cours de la procédure officielle, est une question
concernant les privilèges et immunités diplomatiques et constitue un

point controversé - d'ailleurs, la pratique et la jurisprudence des Etats
varient à cet égard.
21. En fait, les tribunaux nationaux d'aucun Etat ne peuvent
prendre une décisionconcernant l'immunitéd'un rapporteur spécialtant
qu'ils ne se sont pas assuréssi celui-ci est en droit d'invoquer l'immu-
nité de juridiction. L'assignationà comparaître signifiéepar les tribu-
naux nationaux malaisiens peut l'avoir été à juste titre en ce qui con-
cerne M. Cumaraswamy. Mais ces tribunaux auraient dû, une fois
informés - directement par M. Cumaraswamy lui-même lorsqu'ila été

assigné à comparaître devant le tribunal compétent ou par le ministère
des affaires étrangèresmalaisiens, voire directement par l'organisation
des Nations Unies dans une note ou un certificat émanant de son Secré-
taire général- de la mission confiée à M. Cumaraswamy par I'Orga-
nisation des Nations Unies, trancher à ce stade-là la question prélimi-
naire: le point de savoir siM. Cumaraswamy jouit de l'immunitépour
les paroles qu'il prononcées lors d'une interview à une revue commer-
ciale.
22. La High Court de Kuala Lumpur n'a pas tranché cette question et

a par contre, le 28juin 1997, ordonné au rapporteur spécialde joindre
son exception d'immunité à sa défensesur le fond. M. Cumaraswamy
pouvait - comme il l'a effectivement fait en s'appuyant sur le certificat
du Secrétairegénéral - se prévaloir deses privilègesetimmunitésdevant
les tribunaux nationaux malaisiens. Dans ce cas précis, lestribunaux
nationaux malaisiens, lors de la phase de la procédure consacrée la
compétence,auraient dû in limine litis refuser de connaître des poursuites
engagées par les entreprises privées malaisiennes contre M. Cuma-
raswamy. 7. OBLIGATION JSRIDIQUES DE LA MALAISIE

23. (Observations générales.)Je me demande si lesalinéas 2a) et 4 du
dispositif répondentvraiment à la deuxième question poséepar le Conseil
économiqueet social, soit: «Le Conseil [économiqueet social] ...prie la
Cour internationale de Justice de donner ...un avis consultatif ... sur les
obligations juridiques de la Malaisie en l'espèce.»Si on laisse de côtéle
point de savoir si le Conseil économique et social a formulé comme il
convient la deuxième question elle-même,la Cour devrait, en réponse à

cette deuxième question, se limiter à dire que la Malaisie est juridique-
ment tenue de faire en sorteque M. Cumaraswamy, rapporteur spécialde
la Commission des droits de l'homme, jouisse en l'espècedes privilèges et
immunités accordésen vertu de la section 22 de l'article VI de la conven-
tion.
24. (Alinéa2 b) du dispositg) Les tribunaux nationaux malaisiens ont
préféré examiner l'exception de M. Cumaraswamy lors de la phase de
l'examen au fond de l'action engagéecontre lui. La Malaisie est, en tant
qu'Etat, responsable du comportement de ses tribunaux nationaux qui
ont autoriséla poursuite de l'action engagéecontre M. Cumaraswamy au
lieu de refuser de s'en saisir. En d'autres termes, c'est la Malaisie qui est,
en tant qu'Etat, responsable du fait que ses organes - en l'occurrence le

pouvoir judiciaire - n'accordent pas à M. Cumaraswamy l'immunitéde
juridiction. La question de savoir si tel ou tel organe du Gouvernement
malaisien a informé les tribunaux du pays de la position prise par le
Secrétairegénéral n'estpas pertinente en l'espèce.Je ne peux pas sous-
crireà la conclusion à laquelle est parvenue la Cour au paragraphe 62 de
son avis consultatif, selon laquelle

«le Gouvernement de la Malaisie étaittenu, en vertu de l'article 105
de la Charte et de la convention ...d'aviser sestribunaux de la posi-
tion prise par le Secrétaire général)()les italiques sont de moi).
C'est pourquoi je ne souscrispas à ce que la Cour a déclaréà l'alinéa2 a)
du dispositif,à savoir:

«[q]ue le Gouvernement de la Malaisie était tenu d'aviser les tribu-
naux malaisiens compétents de la conclusion du Secrétairegénéral
selon laquelle[M.]Cumaraswamy jouissait de l'immunitéde juridic-
tion».

25. (Alinéa4 du dispositg) Le Gouvernement de la Malaisie, en vertu
des dispositions de la section 30 de I'article VI11 de la convention, est
tenu d'accepter cet avis consultatif comme décisifet il n'est donc pas
nécessaireque la Cour fasse expressément une déclaration du type de
celle qui figureà l'alinéa4 et est ainsi libellée:
«[q]ue le Gouvernement de la Malaisie est tenu de communiquer le

présent avis consultatif aux tribunaux malaisiens, afin qu'il soit
donnéeffet aux obligations internationales de la Malaisie et que soit
respectéel'immunitéde [M.] Cumaraswamy ». IMMUNITÉ DE JURIDICTION (OP. IND. ODA) 108

L'alinéa 4 est superflu. Il serait souhaitable que les vues de la Cour inter-
nationale de Justice soient communiquéesaux tribunaux malaisiens com-
pétents par l'entremise du ministère des affaires étrangères, maisje ne
conviens pas que le Gouvernement de la Malaisie soit tenu de le faire.
26. (Résumé.) J'ai donc votécontre l'alinéa2 a) et contre l'alinéa4 du
dispositif pour les motifs exposés plushaut. En répondant àla dezixiéme
question,concernant les obligationsjuridiques de la Malaisie, la Cour, au

lieu de faire des déclarations inutiles sur la responsabilité incombant
l'organisation des Nations Unies pour tout préjudicesubi du fait d'actes
accomplis par l'Organisation ou par ses agents dans l'exercice de leurs
fonctions officielles, ou sur les limites des fonctions des agents, que
ceux-ci ((doivent veiller a ne pas excéder))(avis consultatif, par. 66),
aurait dû indiquer si le Gouvernement de la Malaisie doit a l'Organisa-
tion des Nations Unies et à M. Cumaraswamy réparation pour ne s'être
pas acquitté des obligations qui lui incombent et préciserla forme que
cette réparation des préjudicescausésà l'organisation des Nations Unies
etlou a son rapporteur spécial,M. Cumaraswamy, devait (le cas échéant)

revêtir.

(SignéS )higeru ODA.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE ODA

TABLE OF CONTENTS

Paragraphs
1-2

5. EXEMPTIOFNOMTAXED COSTS 18-19
20-22
6.DECISIO N IMMUNIT BY THEMALAYSIA COURTINLIMINE LITIS

7. LEGALOBLIGATIOONMALAYSIA 23-26 OPINION INDIVIDUELLE DE M. ODA

(Traduction]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes

1-2

2.MODIFICAT IO N'ENONCÉ DES QUESTIONS À POSERCOURA 3-6

4.IMMUNITÉ JURIDIQUE DEM. CUMARASWA -MYDIFFÉREND ENTRE
L'ORGANISAT IS NATION USNIEST LAMALAIS IER L'INTERPRÉ-
TATION ET L'APPLICATIONDE LA CONVENTION 11-17

5. EXONERAT ISNOBLIGATIONFINANCIERES 18-19

6. DECISIOSNR L'IMMUNITE DES TRIBUNAUX MALAISIENS IN LIMINE20-22S 1. 1voted in favour of paragraphs (1) (a), (1) (b), (2) (b) and (3) of
the operative part of the Court's Advisory Opinion, which mainly relate
to the application of the 1946Convention on the Privileges and Immu-
nities of the United Nations (hereinafter called "the Convention") in the
case of Mr. Cumaraswamy, Special Rapporteur of the United Nations
Commission on Human Rights on the independence of judges and law-
yers. However, 1voted against paragraph (2) (a) and paragraph (4) of

the operative part, which involve the legal obligations of Malaysia in this
case.
2. Before explaining the reasons behind my voting position on each of
the paragraphs of the operative part, 1would like to present my general
views on the Court's Advisory Opinion as a whole. 1am of the view that
the Court has not necessarily given an adequate response to the questions
set out in decision 19981297by the Economic and Social Council (here-
inafter called "ECOSOC"), even though the Court's intention in para-
graphs (1) (a), (1) (6) and (3) of the operative part appears to be to
respond to thejirst question put forward by ECOSOC, while the inten-
tion of paragraphs (2) (a), (2) (b) and (4) of the operative part is to
respond to the second question put forward by ECOSOC.

3. First of all, 1must point out the peculiarities of the present case. As
correctly stated in paragraphs 20, 35 and 37 of the Advisory Opinion, the
original text of the questions to be put before the Court prepared by the
United Nations Secretary-General for ECOSOC was different from the
text of the questions which were in fact spelled out in ECOSOC's deci-
sion 19981297dated 5 August 1998.

4. The text which the Secretary-General originally prepared in his note
of 28 July 1998on the "Privileges and Immunities of the Special Rappor-
teur of the Commission on Human Rights on the Independence of Judges
and Lawyers" was drafted in order to find out whether:

"the Secretary-General . ..ha[s] the exclusiveauthority to determine
whether words were spoken [by Mr. Cumaraswamy] in the course of
the performance of a mission for the United Nations within the
meaning of Section 22 (b) of the Convention" (El1998194,para. 21).

The form of the questions was changed in a somewhat abrupt manner
when, following informa1 consultations, the draft decision was formu-
Iated by the Vice-President of ECOSOC on 5 August 1998(E/1998lL.49/
Rev.1)and was adopted by ECOSOC on the same day, as decision 19981
297. The questions to be put to the Court in ECOSOC's draft decision 1. J'ai votéen faveur des alinéas1 a), 1b), 2 b) et 3 du dispositif de
l'avis consultatif de la Cour, qui ont principalement trait l'application
de la convention de 1946 sur les privilèges et immunités des Nations
Unies (ci-aprèsdénomméela ((convention)))au casde M. Cumaraswamy,
rapporteur spécialde la Commission des droits de l'homme de I'Organi-

sation des Nations Unies chargé de la question de I'indépendance des
juges et des avocats. J'ai toutefois voté contre les alinéas a) et4 du
dispositif, qui concernent les obligations juridiques de la Malaisie en
l'espèce.
2. Avant d'expliquer mon vote sur chacun des alinéasdu paragraphe
du dispositif, je souhaiterais exposer mes vues généralessur l'avisconsul-
tatif de la Cour dans son ensemble. J'estime que la Cour n'a pas néces-
sairement donnéune réponseadéquateaux questions poséesdans la déci-
sion 19981297du Conseil économiqueet social, mêmesi aux alinéas 1 a),
1b) et 3 du paragraphe du dispositif la Cour semble vouloir répondre à
la première question poséepar le Conseil économiqueet social et si aux

alinéas 2 a),2 6) et 4 elle semble répondre à la seconde question.

3. Je dois tout d'abord souligner lesparticularitésde la présente espèce.
Comme indiqué à juste titre aux paragraphes 20,35 et 37 de l'avisconsul-
tatif, le texte original des questionsposer à la Cour tel qu'il avait été
établi par le Secrétairegénéralde l'organisation des Nations Unies a
l'intention du Conseil économique et social était différentdu texte des
questions qui ont en fait été poséedsans la décision19981297du Conseil

économiqueet social en date du 5 aoùt 1998.
4. Le texte de la question posée à l'origine dans la note du Secrétaire
généraldu 28juillet 1998intitulée ((Privilègeet immunitésdu rapporteur
spécialde la Commission des droits de l'homme chargé dela question de
I'indépendance des juges et desavocats)) étaitle suivant:

«le Secrétaire généralde l'organisation des Nations Unies a-t-il
exclusivement autorité pour déterminer si lesdites paroles ont été
prononcées [par M. Cumaraswamy] au cours [de sa] mission pour
l'organisation, au sens de la section 22) de la convention [sur les
privilègeset immunitésdes Nations Unies]?)) (E11998194,par. 21).
Les questions ont étémodifiéesdans leur forme de manière assez sou-

daine lorsque, a l'issuede consultations officieuses,le projet de décisiona
été formulépar le vice-président du Conseil économique et social le
5 août 1998 (E/1998lL.49lRev.l) et adoptéce mêmejour par le Conseil
en tant que décision 19981297.Les questions a poser a la Cour énoncées101 IMMUNITY FROM LEGAL PROCESS (SEP.OP. ODA)

thus formulated (as quoted in paragraph 6 below) differed significantly
from what the Secretary-General had originally suggested one week
before on 28 July 1998,as quoted above.

5. The circumstances in which the change to the draft occurred are not
known outside of ECOSOC itself, as the Court explains in paragraph 37
of the Court's Advisory Opinion:

"Although the Summary Records of [ECOSOC] do not expressly
address the matter, it is clear that [ECOSOC], as the organ entitled
to put the request to the Court, did not adopt the questions setorth
at the conclusion of the note by the Secretary-General, but instead
formulated its own question in terms which were not contested at
that time."

The Court now has to respond to the questions presented in that final
form by ECOSOC, as it correctly goes on to state in that same para-
graph: "the Court will now answer the question as formulated by
[ECOSOC]".
6. Whatever the reasons were behind the change in the questions, it is
the task of the Court to respond to the questions which were actually put
forward by ECOSOC, the first of which concerned :

"the legal question of the applicability of Article VI, Section 22, of
the [Convention] in the case of [Mr.]Cumaraswamy as Special Rap-
porteur of the Commission on Human Rights on the independence
of judges and lawyers, taking into account the circumstances set out
in paragraphs 1 to 15of the note by the Secretary-General".

It appears to me, as already stated in paragraph 2 of this opinion, that
the Court responds to this question in paragraphs (1) (a) and (1) (b) of
the operative part of the Advisory Opinion; paragraph (3) also appears
to be the Court's response to the first question, of which an explanation
is given in Section 5 of this opinion (see paragraph 18 below).

7. The Court is now requested, under Article VIII, Section 30, of the
Convention, to give an advisory opinion on "[a] legal question involved"

in "a difference . .. between the United Nations on the one hand and
[Malaysia] on the other hand" as spelled out in the jîrst question in
ECOSOC's decision.

8. The authority of the Secretary-General is in fact not directly at
issue, even though the arguments of both the Parties to the difference,
namely the United Nations and Malaysia, in the written and oral plead-dans le projet de décisiondu Conseil économiqueet social ainsi formulé
(cité au paragraphe 6 ci-aprés) étaient sensiblement différentes de ce
qu'avait proposéinitialement le Secrétaire général une semaine plutsôt,
le 28juillet 1998,dans sa note citée ci-dessus.
5. Lescirconstances dans lesquelles le projet a étémodifié nesont pas
connues en dehors du Conseil économique et social lui-même,comme
l'explique laCour au paragraphe 37 de son avis consultatif:

«Mêmesi les comptes rendus analytiques du Conseil [économique
et social] ne font pas expressémentétatde ce point, il est clair que le
Conseil, auquel il appartenait de présenterla demandeà la Cour, n'a
pas adopté les questions énoncéesdans la conclusion de la note du
Secrétaire général, maias préférformuler sa propre question en des
termes qui n'ont pas étécontestésà l'époque.))

La Cour doit maintenant répondre aux questions poséessous cette forme
définitivepar le Conseil économique et social, comme elle le dità bon
droit dans ce mêmeparagraphe: «La Cour répondra maintenant à la
question telle que formuléepar le Conseil [économiqueet social].
6. Quelles que soient les raisons pour lesquelles les questions ont été

modifiées,il appartientà la Cour de répondre aux questions qui ont été
effectivement poséespar le Conseil économiqueet social, et dont la pre-
mièreportait sur :
«le point de droit concernant l'applicabilitéde la section 22 de l'ar-
ticle VI de la convention [sur les privilèges et immunités des Na-
tions Unies] au cas de [M.] Cumaraswamy, en tant que rapporteur

spécialde la Commission des droits de l'homme chargéde la ques-
tion de l'indépendancedesjuges et des avocats, en tenant compte des
paragraphes 1 à 15de la note du Secrétaire général)).
Il me semble, comme je l'ai déjà indiquéau paragraphe 2 de la présente
opinion, que la Cour répond à cette question aux alinéas 1a) et 1b) du

dispositif de l'avis consultatif; elle semble répondre égalementla pre-
mièrequestion à l'alinéa3, qui est analysà la section 5 de la présente
opinion (voir le paragraphe 18ci-après).

3. LE ((POUVOIR EXCLUSIF)) DUSECRÉTAIR GENÉRAL N'EST PASEN CAUSE

7. Il est demandé maintenant a la Cour, eu égard àla section 30 de
l'articleI11de la convention sur les privilèges etimmunitésdes Nations
Unies, de donner un avis consultatif sur(([un]point de droit» dans «un
différend [surgi]entre l'organisation des Nations Unies, d'une part, et [la
Malaisie], d'autre part)), comme indiqué dans la première question
énoncéedans la décisiondu Conseil économiqueet social.

8. Le pouvoir du Secrétairegénéraln'est en fait pas directement en
cause, mêmesi c'est sur cette question que les deux Parties au différend,
à savoir l'organisation des Nations Unies et la Malaisie, dans leurs écri-ings, as well as the arguments of those States which participated in the
proceedings, were largely concentrated on that very issue. While the
Advisory Opinion discussed the arguments of the Parties on thismatter
(cf. paras. 32, 33 and 34), the Court's conclusions in paragraphs (1) (a)
and (1) (b)of the operative part of the Advisory Opinion were not in fact
founded on the United Nations Secretary-General's allegedly authorita-

tive determination with regard to the applicability of the Convention in
the case of Mr. Cumaraswamy or to Mr. Cumaraswamy's entitlement to
immunity from Malaysian legal process.
9. The Secretary-General's alleged primary responsibility and defini-
tive authority are irrelevant in this respect in relation to the question put
to the Court by ECOSOC. 1 find it difficult to see why the Court is so
very much concerned with the authority purported to be vested in the
United Nations Secretary-General. The Court states in paragraph 49
that: "[ECOSOC] wishes to be informed of the Court's opinion as to
whether .. .the Secretary-General's finding that the Special Rapporteur

acted in the course of the performance of his mission correct"; in para-
graph 50,that :"[tlhe Secretary-General, asthe chiefadministrative officer
of the Organization, has the authority and the responsibility to exercise
the necessary protection where required" ; in paragraph 51, that: "the
Secretary-General has the primary responsibility and authority to protect
the interests of the Organization and its agents, including experts on mis-
sion"; in paragraph 52, that: "the Secretary-General.. .has on numer-
ous occasions informed the Government of Malaysia of his finding";
and, in paragraph 56, that: "the Court is of the opinion that the Secre-
tary-General correctly found [in this matter]".

10.1 do not contest the substance of what the Court thus stated in
its Advisory Opinion in connection with the authority of theSecretary-
General. However, it is not for the Secretary-General but for the
Court to exercise the authority vested in it to make a determination, at
the request of ECOSOC, on the applicability of the Convention, and on
Mr. Cumaraswamy's entitlement to immunity.

4. MR. CUMARASWAML YE'GALIMMUNIT Y DIFFERENC EETWEEN THE
UNITEDNATIONS AND MALAYSI AN THE INTERPRETATI OND APPLICA-

TION OF THE CONVENTION

11. The statement in paragraph (1) (a) of the operative part of the
Advisory Opinion that "[the Convention] is applicable in the case of
[Mr.]Cumaraswamy as SpecialRapporteur of the Commission on Human
Rights" is self-evident, since Mr. Cumaraswamy was duly appointed as a
"Special Rapporteur" of the Commission, and "experts" under that Con-
vention are interpreted to include "special rapporteurs" appointed by the
United Nations. IMMUNITÉ DE JURIDICTION (OP.IND.ODA) 102

tures comme lors de la procédure orale,et les Etats qui ont participé
procédureont largement concentré leursarguments. Dans son avisconsul-
tatif, la Cour analyse les arguments des Parties sur cette question (voir les
paragraphes 32, 33et 34), mais les conclusions auxquelles elleaboutit aux

alinéas 1a) et 1b) du dispositif de l'avis consultatif ne sont en fait pas
fondéessur la décision présentéeomme obligatoire du Secrétairegénéral
de l'organisation des Nations Unies concernant I'applicabilité de la
convention au cas de M. Cumaraswamy ou le droit de M. Cumaraswamy
à I'immunitéde juridiction devant les tribunaux malaisiens.
9. La responsabilitéprincipale et le pouvoir de dernier ressort qu'aurait
le Secrétairegénéral nesont pas pertinents à cet égard vu la question
poséepar le Conseil économiqueet socialà la Cour. Je vois mal pourquoi

la Cour està ce point préoccupéepar le pouvoir dont le Secrétaire géné-
ral de l'organisation des Nations Unies serait investi. La Cour déclareau
paragraphe 49 que: «le Conseil [économique et social] souhaite être
informéde l'avis de la Cour sur la question de savoir si.le Secrétaire
générala conclu à bon droit que le rapporteur spéciala agi au cours de
sa mission)); au paragraphe 50 que: «En sa qualité de plus haut fonc-
tionnaire de l'organisation, [le Secrétairegénéral]a le pouvoir et la res-
ponsabilité d'assurer la protection nécessairelorsque besoin ent)); au
paragraphe 51 que: ((c'est au Secrétaire généralque sont principa-
lement conférésla responsabilitéet le pouvoir de protégerles intérêts de

l'organisation et de ses agents, compris les experts en missions)); au
paragraphe 52 que: «le Secrétairegénéral... a informéà de nombreuses
reprises le Gouvernement malaisien de sa conclusion»; et au para-
graphe 56 que: «la Cour est d'avis que [le Secrétairegénéral]a conclà
bon droit [en la matière])).
10. Je ne conteste pas, quant au fond, ce que la Cour a ainsi déclaré,
dans son avis consultatif,à propos du pouvoir du Secrétaire général.
Mais c'esta Iu Couret non au Secrétairegénéral qu'ialppartient d'exer-
cer ce pouvoir qui lui a étéconféréde déterminer, à la demande du

Conseil économique et social, I'applicabilitéde la convention et le droit
de M. Cumaraswamy à l'immunité.

4. IMMUNITÉ JURIDIQUE DE M. CUMARASWAM -Y DIFFÉREND ENTRE
L'ORGANISATIO DENS NATIONSUNIES ET LA MALAISIE SUR L'INTERPRÉ-
TATION ET L'APPLICATION DE LA CONVENTION

11. La déclarationfiguranà l'alinéa1a) du dispositif de l'avisconsul-

tatif selon laquellela convention sur les privilèges et immunités des
Nations Unies est applicable au cas deM.]Dato' Param Cumaraswamy,
en tant que rapporteur spécialde la Commission des droits de l'homme»
énonceune évidencedans la mesure où M. Cumaraswamy a étédûment
nommé((rapporteur spécial))dela Commission et que l'on interprète le
terme «experts» figurant dans la convention comme incluant les «rap-
porteurs spéciaux))nomméspar l'organisation des Nations Unies. 12. The essential question concerns whether Mr. Cumaraswamy is
entitled to "immunity from legal process of every kind" (Convention,
Art. VI, Sec.22 (b)) in spite of his "[comments] on certain litigations that
had been carried out in Malaysian courts7', comments which allegedly
contained defamatory words and published in an article in the November
1995issue of International CommercialLitigation. The Convention pro-
vides that :

"[elxperts . . performing missions for the United Nations shall be
accorded such privileges and immunities as are necessary for the
independent exercise of their functions during the period of their
missions . ..In particular they shall be accorded:
.............................
(b) in respect of words spoken or written and acts done by them in

the course of the performance of their mission, immunity from
legal process of every kind." (Art. VI, Sec. 22 (b).)
13. The issue on which the Court is bound to reply is whether the
words allegedly spoken by Mr. Cumaraswamy in the interview published
in the November 1995issue of International Commercial Litigation do or
do not fall within the meaning of "words spoken .. .in the course of the
performance of [his]mission". The Court answers this question in para-

graph (1) (6) of the operative part in the affirmative, stating that:
"[Mr.] Cumaraswamy is entitled to immunity from legal process
of every kind for the words spoken by him during an interview as
published in an article in the Novemberl995 issue of International
Commercial Litigation."

14. What is really at issue in the present case is not the content of the
words themselves which Mr. Cumaraswamy was alleged to have uttered
during the course of his interview as published in the journal Interna-
tional Commercial Litigation. The Court properly states in paragraph 56
that "[tlhe Court is not called upon in the present case to pass upon the
aptness of the terms used by the Special Rapporteur or his assessment of
the situation". What the Court should have discussed in the present case
is whether Mr. Cumaraswamy spoke the words in the course of theper-
formance of his mission as Special Rapporteur of the United Nations

Commission and was therefore entitled to legal immunity granted under
the Convention in connection with those words.

15. The words "in the course of the performance of [the] mission", or
some similar expression, have often been utilized in the various instru-
ments relating to diplomatic privileges and immunities, and also to the
privileges and immunities for the armed forces stationed in foreign coun-
tries in pursuance of bilateral agreements. The interpretation of these
expressions varies according to each case. No rule appears to have been
firmly established in the doctrine or practice of international law in this IMMUNITÉ DE JURIDICTION (OP.IND.ODA) 103

12. La question essentielle est de savoir si Cumaraswamy a droit à
l'«immunitéde toute juridiction)) (convention, art. VI, section 22 b)) en
dépitdes propos qu'il a tenus «sur certaines affaires qui avaient étépor-
téesdevant les tribunaux malaisiens)), et dont il est allégué qu'iconte-
naient des paroles diffamatoires, publiés dans un article du numéro
de novembre 1995 de la revue International Commercial Litigation. La
convention dispose que:

c<[l]eexperts ..lorsqu'ils accomplissent des missionspour l'organi-
sation des Nations Unies, jouissent, pendant la durée de cette mis-
sion ...des privilèges et immunités nécessairespour exercer leurs
fonctions en toute indépendance.Ils jouissent en particulier

.............................
6) [de l']immunitéde toute juridiction en ce qui concerne les actes
accomplis par eux au cours de leurs missions (y compris leurs
paroles et écrits).(Art. VI, section 22 b).)

13. La Cour est appelée à répondre a la question de savoir si les pa-
roles qui auraient étéprononcéespar M. Cumaraswamy lors de l'inter-
view qui a été publiée dans le numéro de novembre 1995 de la revue
International Commercial Litigation sont ou ne sont pas des «paroles»
prononcées «au cours de [sa] mission)). La Cour y répond par I'affir-
mative à l'alinéa1b) du dispositif, en déclarantque:

«[M.] Cumaraswamy jouit de l'immunité detoute juridiction pour
lesparoles qu'il a prononcéesau cours d'une interview,tellesqu'elles
ont été publiéed sans un article du numérode novembre 1995de la
revue International Commercial Litigation.))

14. Ce qui est vraiment en cause en l'espèce,ce n'est pas la teneur des
paroles elles-mêmes que M. Cumaraswamy aurait prononcées lorsde son
interview, telles qu'ellesont épubliéesdans la revue International Com-
mercial Litigation. La Cour dit à bon droit au paragraphe 56 que «[l]a
Cour, dans la présente espèce, n'estpas appelée à se prononcer sur le
caractère approprié ou non des propos tenus par le rapporteur spécial et
sur son évaluation de la situation)). La question que la Cour aurait dû
examiner dans la présenteespèce estcelle de savoir si M. Cumaraswamy
a prononcéces paroles au cours de sa missionen tant que rapporteur spé-
cial de la Commission desdroit de l'hommede l'organisation des Nations
Unies et s'ilétaitdonc en droit de bénéficiedre l'immunité dejuridiction

prévuepar la convention en ce qui concerne ces paroles.
15. Lesmots «au cours de leurs missions))ou des termes comparables
ont souvent été utilisédsans divers instruments concernant les privilèges
et immunités diplomatiques, ainsi que les privilègeset immunités des
forces armées stationnéesdans des pays étrangers en application d'ac-
cords bilatéraux. L'interprétation deces expressions n'est pas la même
dans chaque cas. Aucune règlene semble avoir étéfermement établieen
la matière,ni dans la doctrine ni dans la pratique du droit international.respect. It might be considered debatable whether Mr. Cumaraswamy's
agreeing to give an interview for a business journal is within "the course
of the performance of [his]mission" as a special rapporteur and is there-
fore within the scope of the immunity granted under the Convention.
However, it is in fact standard practice for special rapporteurs of the
United Nations commissions to have contact with the media on the sub-
jects essentially connected with the mandates given to them by the United
Nations. Mr. Cumaraswamy's mandate consists of the following task:

"(a) to inquire into any substantial allegations transmitted to
him .. .;
(b) to identify and record not only attacks on the independence of
the judiciary, lawyers and court officials but also progress

achieved in protecting and enhancing their independence . ..;

(c) to study . . .important topical questions of principle wjth a
view to protecting and enhancing the independence of the
judiciary and lawyers" (Advisory Opinion, para. 44).

It seems clear to me that what Mr. Cumaraswamy said in his interview
with the journal did in truth constitute words spoken "in the course of
the performance of [his] mission".
16. The following fact may also be pertinent in this respect. Previous
to the interview by the journal published in its November 1995issue, Mr.
Cumaraswamy, apparently acting in his capacity as Special Rapporteur
of the Commission on Human Rights issued, on 23 August 1995,a press
statement reading in part:

"Complaints are rife that certain highly placed personalities in
Malaysia including those in business and corporate sectors are
manipulating the Malaysian system ofjustice and thereby undermin-
ing the due administration of independent and impartial justice by
the courts."

Several days later, on 29 August 1995, Mr. Cumaraswamy set out his
concerns about the Malaysian judicial system in a letter to the Chairman
of the Commission on Human Rights. Mr. Cumaraswamy's press state-
ment was later referred to in his second report submitted on 1 March
1996to the Commission on Human Rights. Mr. Cumaraswamy is quoted

in the November 1995 issue of International Commercial Liiigution as
stating that: "Complaints are rife that certain highly placed personalities
in the business and corporate sectors are able to manipulate the Malay-
sian system of justice" - words quite similar to those he had previously
used in his capacity as Special Rapporteur in his press statement of
23 August 1995,as referred to above. Thus, while the commercial com-
panies in Malaysia claimed that they were bringing defamation suitsOn pourrait fort bien se demander si l'interviewque M. Cumaraswamy a
accepté dedonner a une revue commerciale s'inscrit dans le cadre de ses
activités accomplies «au cours de [sa] mission)) en tant que rapporteur
spécialet si elleest donc couverte par l'immunité reconnuepar la conven-
tion. Il est cependant courant, en fait, que les rapporteurs spéciaux des
commissions de l'organisation des Nations Unies aient des contacts avec
les médiassur les sujets essentiellement liésaux mandats qui leur sont
confiéspar l'organisation des Nations Unies. Le mandat de M. Cuma-
raswamy comprend les tâches suivantes :

(ta) soumettre toute allégation transmiseau rapporteur spécial à un
examen contradictoire ..;

6) identifier et recenser non seulement lesatteintes portéesàI'indé-
pendance du pouvoir judiciaire, des avocats et des personnels et
auxiliaires de justice, mais aussi les progrès accomplis dans la
protection et l'améliorationde cette indépendance ...;
C) étudieren raison de leur importance et de leur actualité...cer-
taines questions de principe, dans le but de protéger et de ren-
forcer l'indépendancedu judiciaire et des avocats)) (avis consul-
tatif, par.4).

Il me semble clair que les déclarations faitespar M. Cumaraswamy dans
son interview à la revue constituaient réellement desparoles prononcées
(tau cours de [sa]mission)).
16. Le fait suivant peut êtreaussi pertinentricet égard.Avant I'inter-
view publiéedans le numéro de novembre 1995 de la revue, M. Cuma-
raswamy, apparemment en sa qualitéde rapporteur spécialde la Com-
mission des droits de l'homme, a publiéle 23 août 1995une déclaration à
la presse ou on lit notamment:

((l'on ne compte plus les plaintes selon lesquelles des personnalités
haut placées en Malaisie, notamment dans le monde de l'industrie et
du commerce manipulent le système judiciaire malaisien, sapant
ainsi la bonne administration d'une justice indépendante et impar-

tiale par les tribunaux)).
Quelques jours plus tard, le 29 août 1995, M. Cumaraswamy a formulé
ses préoccupations quant au systèmejudiciaire malaisiendans une lettre

au présidentde la Commission des droits de I'homme. La déclaration à la
presse de M. Cumaraswamy est ultérieurement évoquéedans son
deuxième rapport présenté à la Commission des droits de I'homme, le
1"'mars 1996. M. Cumaraswamy est citédans le numéro de novembre
1995 d'lntrrnational Commevcial Litigation dans les termes suivants:
((l'on ne compte plus les plaintes selon lesquelles des personnalités haut
placéesdans le monde de l'industrie et du commerce sont en mesure de
manipuler le système judiciaire malaisien)) - qui sont très semblables à
ceux qu'il avait employésauparavant en sa qualité derapporteur spécial
dans sa déclaration à la presse du 23août 1995,comme indiquéci-dessus.against Mr. Cumaraswamy on account of words spoken during the inter-
view with International Commercial Litigation, he had in fact already,
some three months earlier, made an almost identical statement to the
press at his own initiative in his capacity as Special Rapporteur.

17. In sum, 1 totally agree with the Court when it states in para-
graph (1) (b) of the operative part, which 1reiterate here, that:

"[Mr.] Cumaraswamy is entitled to immunity from legal process of
every kind for the words spoken by him during an interview as pub-
lished in an article in the November 1995issueof InternafionalCom-
mercial Litigation".

18. Paragraph (3) of the operative part : "[Mr.] Cumaraswamy shall be
held financially harmless for any costs imposed upon him by the Malay-
sian courts, in particular taxed costs", is included in the Advisory Opin-
ion because the Court was informed by means of the Addendum to the
Secretary-General's Note (El1998194lAdd. 1)that Mr. Cumaraswamy had
been served with a Notice of Taxation and Bill of Costs dated 28 July
1998.As suggested in paragraph 6 above, paragraph (3) of the operative
part is made in response to ECOSOC'sJirst question.
19. In spite of my full agreement with what the Court stated in this

respect, 1 believe that this paragraph need not have been specifically
included in the operative part of the Advisory Opinion, once the first
question put forward by ECOSOC had been answered in the affirmative,
since the matter of "costs imposed upon [Mr. Cumaraswamy] by the
Malaysian courts, in particular taxed costs", is certainly one included in
immunity from legal process. If a person is immune from legal process
before the national courts, he must also be entitled to immunity from any
costs imposed upon him, as the Court correctly states in paragraph 64 of
the Advisory Opinion :

"the immunity .. . to which the Court finds Mr. Cumaraswamy
entitled entails holding Mr. Cumaraswamy financially harmless for
any costs imposed upon him by the Malaysian courts, in particular
taxed costs".

In this respect, paragraph (3)simply states the obvious and, if this matter
is to be mentioned in the operative part of the Advisory Opinion, then it
should have been stated immediately after paragraphs (1) (a) and (1) (b)
rather than after paragraphs (2) (a) and (2) (b), which deal with the
legal obligations of Malaysia. IMMUNITÉ DE JURIDICTION (OP.IND.ODA) 105

Alors que les entreprises commerciales de Malaisie ont fait valoir qu'elles
ont intenté les actions en diffamation contre M. Cumaraswamy pour les
propos qu'il a tenus au cours de l'interview accordée à International
Commercial Litigation, il se trouve que M. Cumaraswamy avait en fait,
à peu près trois mois plus tôt, déjàfait, de sa propre initiative, une dé-

claration à la presse presque identique en sa qualité de rapporteur spé-
cial.
17. Somme toute, je suis toutà fait d'accord avec la Cour lorsqu'elle
déclare à l'alinéa1 6) du dispositif, que je cite de nouveau ici, que:

«[M.] Cumaraswamy jouit de l'immunitéde toute juridiction pour
lesparoles qu'il a prononcéesau cours d'une interview, telles qu'elles
ont étépubliéesdans un article du numérode novembre 1995de la
revue International Commercial Litigution)).

5. EXONÉRATIO DNS OBLlGATlONS FINANCIÈRES

18. L'alinéa3 du dispositif de I'avisconsultatif: «[M.] Cumaraswamy
doit êtredégagéde toute obligation financière mise à sa charge par les
tribunaux malaisiens, notamment au titre des dépens)),figure dans cet
avis parce que la Cour a été informépear l'additif la note du Secrétaire
général (E/1998/94/Add.l) qu'un avis de taxation des dépenseset frais de
justice, daté du 28 juillet 1998, avait étésignifiéM. Cumaraswamy.
Comme indiquéau paragraphe 6 ci-dessus, l'alinéa3 du dispositif répond
à la première question du conseil économiqueet social.
19. Bien que je souscrive entièrement ce que la Cour a dità ce pro-
pos, je crois qu'il n'étaitpas nécessaireque cet alinéafigure expressément
dans le dispositif de l'avisconsultatif, dès lorsqu'il avaitpondupar
l'affirmative a la première question posée par le Conseil économique

et social, la question del'«obligation financière miseà [la] charge [de
M. Cumaraswamy] par les tribunaux malaisiens, notamment au titre des
dépens))étantcertainement couverte par l'immunitédejuridiction. Siune
personne jouit de l'immunitéde juridiction devant les tribunaux natio-
naux, elle doit aussi jouir de l'immunité a l'égardde toute obligation
financièreau titre des dépens mise à sa charge, comme la Cour le dit à
juste titre au paragraphe 64 de l'avisconsultatif:

((l'immunité... reconnue par la Cour a M. Cumaraswamy suppose
que ce dernier soit dégagéde toute obligation financière miseà sa
charge par lestribunaux malaisiens, notamment au titre des dépens)).

A cet égard,l'alinéa3 ne fait qu'énoncerune évidence,et sicette question
devait êtrementionnéedans le dispositif de l'avis consultatif, elle aurait
dû l'êtreimmédiatement après les alinéas1a) et 1b), plutôt qu'après les
alinéas 2 a) et b), qui traitent des obligations juridiques de la Malaisie. 20. 1agree entirely with the Court in its finding in paragraph (2) (b) of
the operative part that the Malaysian national courts should have decided

the issue of immunity at the outset: "the Malaysian courts had the obli-
gation to deal with the question of immunity from legal process as a pre-
liminary issue to be expeditiously decided in limine litis". Assuming that
Mr. Cumaraswamy was entitled to immunity under the Convention, at
which stage did Malaysia begin to fail to ensure that immunity? When
did the responsibility of Malaysia as a State in this respect begin? Certain
Malaysian commercial companies initiated defamation suits against
Mr. Cumaraswamy before the Malaysian national courts. The matter of
whether the Malaysian courts should have dismissedthe suits before issu-
ing Mr. Cumaraswamy with the Order of Summons on 12 December
1996,or after having heard his views in writing or in his presence at the
forma1 proceedings, is a matter relating to diploiriatic privileges and

immunities and constitutes a controversial issue - and, in fact,the prac-
tice and jurisprudence of States in this respect varies.

21. In fact, the national courts of any State cannot reach a decision
concerning the immunity of a special rapporteur until they are aware of
his or her status as a person entitled to claim legal immunity. The writ of
summons issued by the Malaysian national courts may well have been
justifiably issued against Mr. Cumaraswamy. However, upon being
informed of the mission entrusted to Mr. Cumaraswamy by the United
Nations - whether directly by Mr. Cumaraswamy himself upon his

being summoned to appear before the relevant court, or by the Malay-
sian Foreign Office, or even by receiving directly a note or certificate
issued bythe United Nations Secretary-General- the Malaysian national
courts should at that point have determined the preliminary issue, namely,
whether Mr. Cumaraswamy was immune in respect of words spoken by
him in the course of an interview with a businessjournal.

22. The Malaysian High Court of Kuala Lumpur failed to rule on this
matter and instead, on 28 June 1997, ordered the Special Rapporteur to
join his plea for immunity to his defence on the merits. Mr. Cumara-
swamy could have claimed - and actually did claim, with the support of
the certificate issued by the Secretary-General - his privilegesand immu-

nities before the Malaysian domestic courts. In this particular case, the
Malaysian domestic courts should, at the jurisdictional phase, have then
disposed in limine litis of the suits brought by the Malaysian commercial
firms against Mr. Cumaraswamy. IMMUNITÉ DE JURIDICTION (OP.IND.ODA)

6. DÉcisro~ SUR L'IMMUNITÉ DES TRIBUNAUX MALAISIENS

IN LlMlNE LlTIS

20. Je souscris entièrement à la conclusion énoncéepar la Cour à
l'alinéa2 b) du dispositif suivant laquelle les tribunaux nationaux ma-
laisiens auraient dû trancher d'emblée la question de l'immunité:
«les tribunaux malaisiens avaient l'obligation de traiter la question de
l'immunité de juridiction comme une question préliminaire à trancher
dans les meilleurs délaisin limine litis)). A supposer que M. Cumaras-
wamy ait droit à l'immunitéau titre de la convention, à quel stade la

Malaisie a-t-elle commencé à manquer à son obligation d'accorder cette
immunité'? A quel moment commence la responsabilité de la Malaisie
à cet égard en tant qu'Etat? Certaines entreprises commerciales malai-
siennes ont intenté des actions en diffamation contre M. Cumaraswamy
devant les tribunaux nationaux malaisiens. La question de savoir si ces
tribunaux auraient dû refuser de connaître de ces affaires avant de signi-
fierà M. Cumaraswamy une assignation à comparaître le 12 décembre
1996, ou après avoir pris connaissance de ses vues présentéespar écrit
ou en sa présenceau cours de la procédure officielle, est une question
concernant les privilèges et immunités diplomatiques et constitue un

point controversé - d'ailleurs, la pratique et la jurisprudence des Etats
varient à cet égard.
21. En fait, les tribunaux nationaux d'aucun Etat ne peuvent
prendre une décisionconcernant l'immunitéd'un rapporteur spécialtant
qu'ils ne se sont pas assuréssi celui-ci est en droit d'invoquer l'immu-
nité de juridiction. L'assignationà comparaître signifiéepar les tribu-
naux nationaux malaisiens peut l'avoir été à juste titre en ce qui con-
cerne M. Cumaraswamy. Mais ces tribunaux auraient dû, une fois
informés - directement par M. Cumaraswamy lui-même lorsqu'ila été

assigné à comparaître devant le tribunal compétent ou par le ministère
des affaires étrangèresmalaisiens, voire directement par l'organisation
des Nations Unies dans une note ou un certificat émanant de son Secré-
taire général- de la mission confiée à M. Cumaraswamy par I'Orga-
nisation des Nations Unies, trancher à ce stade-là la question prélimi-
naire: le point de savoir siM. Cumaraswamy jouit de l'immunitépour
les paroles qu'il prononcées lors d'une interview à une revue commer-
ciale.
22. La High Court de Kuala Lumpur n'a pas tranché cette question et

a par contre, le 28juin 1997, ordonné au rapporteur spécialde joindre
son exception d'immunité à sa défensesur le fond. M. Cumaraswamy
pouvait - comme il l'a effectivement fait en s'appuyant sur le certificat
du Secrétairegénéral - se prévaloir deses privilègesetimmunitésdevant
les tribunaux nationaux malaisiens. Dans ce cas précis, lestribunaux
nationaux malaisiens, lors de la phase de la procédure consacrée la
compétence,auraient dû in limine litis refuser de connaître des poursuites
engagées par les entreprises privées malaisiennes contre M. Cuma-
raswamy. 23. (In general.) 1 would have some doubts as to whether para-
graph (2) (a) and paragraph (4) of the operative part really answer the
second questionput by ECOSOC, namely, "[ECOSOC] ... [rlequests ...
an advisory opinion from the International Court of Justice . . on the
legal obligations of Malaysia in this case". Putting aside the issue of
whether ECOSOC's second question was itself adequately formulated by
that organization, the Court's answer to the second question should be
simply that Malaysia is legally obliged to ensure that Mr. Cumaraswamy,
Special Rapporteur of the Commission on Human Rights, enjoys in this
case the immunities granted under Article VI, Section 22, of the
Convention.

24. (Paragraph (2) (a) of the oprrativepart. )The Malaysian national
courts decided to examine Mr. Cumaraswamy's plea in the merits phase

of the proceedings against him. Malaysia, as a State, is responsible for
the actions of its national courts in allowing the proceedings against
Mr. Cumaraswamy to be pursued, rather than dismissing them. In other
words, it is Malaysia, as a State, that is responsible for the failure ofts
organs - the judicial power in this case - to ensure Mr. Cumara-
swamy's legal immunity. The matter of whether or not an executive
department of the Malaysian Government informed its courts of the
position taken by the Secretary-General is not a relevant issue in this
case. 1 cannot agree with the conclusion reached by the Court in para-
graph 62 of its Advisory Opinion that:

"the Government of Malaysia had an obligation, under Article 105
of the Charter and under the [Convention], to inform its courts of
the position taken by the Secretary-General" (emphasis added).
Thus, 1do not support what the Court has stated in paragraph (2) (a) of
the operative part:

"the Government of Malaysia had the obligation to inform the
Malaysian courts of the finding of the Secretary-General that
[Mr.]Cumaraswamy was entitled to immunity from legal process".

25. (Paragruph (4) of the operative part.) The Malaysian Govern-
ment is obliged by Article VIII, Section 30, of the Convention to accept
this Advisory Opinion as decisiveand it is therefore not necessary for the
Court to make any explicit statement such as that in paragraph (4):

"the Government of Malaysia has the obligation to communicate
this Advisory Opinion to the Malaysian courts, in order that Malay-
sia's international obligations be given effect and [Mr.] Cumara-
swamy's immunity be respected". 7. OBLIGATION JSRIDIQUES DE LA MALAISIE

23. (Observations générales.)Je me demande si lesalinéas 2a) et 4 du
dispositif répondentvraiment à la deuxième question poséepar le Conseil
économiqueet social, soit: «Le Conseil [économiqueet social] ...prie la
Cour internationale de Justice de donner ...un avis consultatif ... sur les
obligations juridiques de la Malaisie en l'espèce.»Si on laisse de côtéle
point de savoir si le Conseil économique et social a formulé comme il
convient la deuxième question elle-même,la Cour devrait, en réponse à

cette deuxième question, se limiter à dire que la Malaisie est juridique-
ment tenue de faire en sorteque M. Cumaraswamy, rapporteur spécialde
la Commission des droits de l'homme, jouisse en l'espècedes privilèges et
immunités accordésen vertu de la section 22 de l'article VI de la conven-
tion.
24. (Alinéa2 b) du dispositg) Les tribunaux nationaux malaisiens ont
préféré examiner l'exception de M. Cumaraswamy lors de la phase de
l'examen au fond de l'action engagéecontre lui. La Malaisie est, en tant
qu'Etat, responsable du comportement de ses tribunaux nationaux qui
ont autoriséla poursuite de l'action engagéecontre M. Cumaraswamy au
lieu de refuser de s'en saisir. En d'autres termes, c'est la Malaisie qui est,
en tant qu'Etat, responsable du fait que ses organes - en l'occurrence le

pouvoir judiciaire - n'accordent pas à M. Cumaraswamy l'immunitéde
juridiction. La question de savoir si tel ou tel organe du Gouvernement
malaisien a informé les tribunaux du pays de la position prise par le
Secrétairegénéral n'estpas pertinente en l'espèce.Je ne peux pas sous-
crireà la conclusion à laquelle est parvenue la Cour au paragraphe 62 de
son avis consultatif, selon laquelle

«le Gouvernement de la Malaisie étaittenu, en vertu de l'article 105
de la Charte et de la convention ...d'aviser sestribunaux de la posi-
tion prise par le Secrétaire général)()les italiques sont de moi).
C'est pourquoi je ne souscrispas à ce que la Cour a déclaréà l'alinéa2 a)
du dispositif,à savoir:

«[q]ue le Gouvernement de la Malaisie était tenu d'aviser les tribu-
naux malaisiens compétents de la conclusion du Secrétairegénéral
selon laquelle[M.]Cumaraswamy jouissait de l'immunitéde juridic-
tion».

25. (Alinéa4 du dispositg) Le Gouvernement de la Malaisie, en vertu
des dispositions de la section 30 de I'article VI11 de la convention, est
tenu d'accepter cet avis consultatif comme décisifet il n'est donc pas
nécessaireque la Cour fasse expressément une déclaration du type de
celle qui figureà l'alinéa4 et est ainsi libellée:
«[q]ue le Gouvernement de la Malaisie est tenu de communiquer le

présent avis consultatif aux tribunaux malaisiens, afin qu'il soit
donnéeffet aux obligations internationales de la Malaisie et que soit
respectéel'immunitéde [M.] Cumaraswamy ».Paragraph (4) is superfluous. It would be desirable that the views of the
International Court of Justice should be communicated to the relevant
Malaysian courts through the channel of the Foreign Office,but 1do not
agree that the Government of Malaysia is obliged to do so.
26. (Summary.) 1 thus voted against paragraph (2) (a) and against
paragraph (4) of the operative part for the reasons stated above. In
responding to the second question concerning the matter of Malaysia's
legal obligations, the Court should, instead ofaking unnecessary state-
ments concerning the responsibility to be borne by the United Nations
forany damage arising from acts performed by the United Nations or by

its agents acting in theirfficia1capacity, or concerning the scope of the
agents' functions which they "must take care not to exceed" (Advisory
Opinion, para. 66), have indicated whether the Government of Malaysia
should make reparation to the United Nations as wellas to Mr. Cumara-
swamy for its non-cornpliance with the responsibility which it has to bear
and how that reparation for the damages caused to the United Nations
andlor to its Special Rapporteur, Mr. Cumaraswamy (if any is due),
should be effected.

(Signed) Shigeru ODA. IMMUNITÉ DE JURIDICTION (OP. IND. ODA) 108

L'alinéa 4 est superflu. Il serait souhaitable que les vues de la Cour inter-
nationale de Justice soient communiquéesaux tribunaux malaisiens com-
pétents par l'entremise du ministère des affaires étrangères, maisje ne
conviens pas que le Gouvernement de la Malaisie soit tenu de le faire.
26. (Résumé.) J'ai donc votécontre l'alinéa2 a) et contre l'alinéa4 du
dispositif pour les motifs exposés plushaut. En répondant àla dezixiéme
question,concernant les obligationsjuridiques de la Malaisie, la Cour, au

lieu de faire des déclarations inutiles sur la responsabilité incombant
l'organisation des Nations Unies pour tout préjudicesubi du fait d'actes
accomplis par l'Organisation ou par ses agents dans l'exercice de leurs
fonctions officielles, ou sur les limites des fonctions des agents, que
ceux-ci ((doivent veiller a ne pas excéder))(avis consultatif, par. 66),
aurait dû indiquer si le Gouvernement de la Malaisie doit a l'Organisa-
tion des Nations Unies et à M. Cumaraswamy réparation pour ne s'être
pas acquitté des obligations qui lui incombent et préciserla forme que
cette réparation des préjudicescausésà l'organisation des Nations Unies
etlou a son rapporteur spécial,M. Cumaraswamy, devait (le cas échéant)

revêtir.

(SignéS )higeru ODA.

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Opinion individuelle de M. Oda (traduction)

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