Opinion individuelle de M. de Castro

Document Number
061-19751016-ADV-01-08-EN
Parent Document Number
061-19751016-ADV-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

OPINION INDIVIDUELLE DE M. DE CASTRO

J'ai votépour l'avisconsultatif parce qu'ildéclarequ'iln'ya pas de liensde
souverainetéentre d'unepart leterritoire du Sahara occidental etd'autre part
le Royaume du Maroc et l'ensemblemauritanien et qu'ily a lieu d'appliquer
audit territoire leprincipe de l'autodétermination, donnant ainsiune réponse
juste, claire et concluante aux vraiesquestions poséesàla Cour. En revanche

je ne puis suivre l'avis consultatif ni dans sa déclaration sur l'existence
d'autres liens juridiques du territoire avec le Royaume du Maroc et l'en-
semblemauritanien, ni dans toussesraisonnements. Pourjustifier mon vote,je
mesensobligéd'exposer ci-aprèsmonopinion individuelle.

1. Originede l'afaire

Pour la clarté de l'exposéet pour éviter des redites, il me semble utile
d'établirles antécédentsles plus significatifs de l'affaire portéedevant la
Cour.
A l'originelointaine de la résolution3292(XXIX) de l'Assembléegénérale
des Nations Unies. se trouve l'activité passionnée d'une personnalité extra-

ordinaire, Si Allal ElFassi. C'est à lui que le Maroc doit de s'être intéreséà
l'expansion de ses frontières. Il sembleencore que, vers 1956,les Marocains
croyaient fermement que 1'Etatchérifienne dépassait pasle cours de l'oued
Draa. Desministres du gouvernementignoraient mêmel'existencedelazone
méridionale du protectorat espagnol 1.Au contraire, dès avant I'indépen-

dance du Maroc, El Fassi prêchait la reconstitution du Grand Maroc, en
revendiquant la Mauritanie, le Rio de Oro, la Sakiet El Hamra, une partie de
l'Algérie - Tindouf et Colomb-Béchard - et une partie du Mali, sur la base
des droits historiques du Maroc. Il a pu se glorifier de son Œuvreen disant:
« J'ai d'abord étéle seul àappeler àla libération duSahara et l'on a accueilli

cet appel avec des rires 2» Estimant les droits du Maroc sur ces territoires
plus forts que la volonté du peuple autochtone, il affirme:

« la Mauritanie n'a [pas]ledroit de seséparerdu restedu Maroc. Le Roi
et lepeuple auraient éventuellementledevoir - cequ'à Dieuneplaise -

1 Husson,La questiondesfrontièresterrestresdu Maroc,196p.44.Celas'explique
parcequeTarfayaoula région desTeknaétait àl'extrémitédubled siba pacipfirles
arméesfrançaiseestespagnoles.
2 En s'adressantà la tribudes Beni-Mestara le16octobre 1957,Husson, op. cit.,
p.48.128 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)

de contraindre par la force les Mauritanienà sauvegarder l'unitéde la
Patrie1.»
Lesthèsesd'El Fassi arrivent au niveau international lors du débatde la
Quatrième Commission concernant les renseignements à donner sur les

territoires non autonomes, lorsquele représentant du Maroc proteste contre
l'inscriptiondelaMauritanie, duSahara espagnolet del'enclaved'Ifni parmi
les territoires non autonomes. Ce sont, dit-il, des parties intégrantes du
territoire marocain (14octobre 1957, A/C.4/SR.670).
C'estsur la base de ces prétendusdroits historiques - et des arguments
analoguesseront employésplus tard àpropos du Sahara occidental - quele
Maroc s'oppose àI'ONU àla déclarationde I'indépendancede la Maurita-
nie 2.Al'Assemblée générale,quelquep sayssont enfaveurdesrevendications

du Maroc,d'autres pensent àlaprimautédeI'autodétermination despeuples.
A cette occasion le représentantdu Sénégaflait observer qu'ilserait contra-
dictoire que I'ONU donne satisfaction aux revendications du Maroc à un
moment où l'on élabore un projet de résolution tendant à ce que soit
proclaméeI'indépendance de tous lespeuplessous administration coloniale
(16novembre 1960, A/4445).
Le projet mentionnépar le représentantdu Sénégad levient la résolution
1514(XV) du 14décembre1960. La Mauritanie sera finalement reconnue

comme Etat indépendant et admisecommeMembrede l'ONU.

La forcenaissante du principe de I'autodéterminationaura son effetsur le
statut du Sahara occidental. L'Espagne et I'ONU se mettent d'accord pour
considérerceterritoire comme «territoire non autonome »,donc soumis à la
décolonisationlaquelle, depuis la résolution 2229 (XXI) du 20décembre
1966,doit s'effectuerpar lemoyen d'un référendumen consultation entrela
Puissance administrante, les Gouvernements marocain et mauritanien et
toute autre partie intéressée.

De son côté,le Maroc manifestedepuis 1966son désirde voir les régions
sahariennes accéder àI'indépendance 3.Dèslors la politique du Maroc est
d'insister afin que la Puissance administrante donne I'indépendance au
Sahara oycidentalet ilvote lesrésolutionsde l'Assembléegénéraleà ceteffet
(citéesdans la résolution3292(XXIX)).
M.Lazrak,professeur à Puniversitéde Rabat, fait observer dans son livre
publiéen1974(mentionnédans la note 1):

le changement de l'attitude marocaine ...constitue un événement
important deladiplomatiemarocaineet même dans leprocessusgénéral
de la décolonisationen ce sens que I'autodétermination prônéepar le

1 Critiquedesproposduprincehéritier,7septembre1958,Husson, op.citp.72.

2 A voirdansleLivreblancsur la MauritaniRabat,1966,surtoup. 9-11.
3 Déclarationdsuministredesaffairesétrangèreesoctobre1966et duministrede
l'intérieuerndated7mai 1967.VoirsurlaréuniontenueaAddis-Abeba le7juin1966,
Lazrak,Le contentieux territorial entrele Marocet l'Espagne,1974,p. 364-365.129 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DECASTRO)

Maroc va devenir la doctrine des Nations Unies et par conséquent la
seule solution retenue au problème du Sahara»(p. 365).

Dans cemêmelivre,M. Lazrak note l'existencedes «données nouvellesdu
problème du Sahara », d'ordre économique (gisement de Bou Craa) et
politique(relations du Maroc avec la Mauritanie et l'Algérie)(p. 355et suiv.).

Mais un nouveau changement a lieu. Dans un message au chef de 1'Etat
espagnol, S. M. le roi Hassan II se plaint de la «nouvelle politique au
Sahara » de l'Espagne (A/9654). La politique annoncéepar le ministre des
affaires étrangères d'Espagne - politique concrétisée plustard par une
communication au Secrétaire généralde l'ONU - est qu'il a été décidé
d'organiser un référendumpour la décolonisation du Sahara, sous les

auspices et la garantie de l'organisatiodes Nations Unies, au cours du
premiersemestre de 1975,àune date àfixersuffisammentàl'avance (A/9714,
21 août 1974).
La réaction du Roi prend forme dans la lettre du 23 septembre 1974
adresséeau ministre des affaires étrangères d'Espagne par le ministre des
affairesétrangèresdu Maroc. La lettre reproduit lestermesd'une déclaration

du Roi àla presse:
« Vous prétendez, Gouvernement espagnol, que le Sahara était res
nullius;vous prétendezque c'étaitune terre ou un bien qui était tombée
en déshérence;vous prétendezqu'il n'y avait aucun pouvoir ni aucune

administration établissurleSahara; leMaroc prétendlecontraire. Alors
demandons l'arbitrage de la Cour internationale de Justicelledira le
droit sur titres et elle pourra moment-là éclairerl'organisation des
Nations Unies pour recommander au Maroc et à l'Espagne la voie à
suivre. »

En conséquencele Gouvernement marocain propose formellement au Gou-
vernement espagnol

«de soumettre conjointement cette question à l'arbitrage de la Cour
internationale de Justice, conformément à l'esprit et à la lettre du

chapitre VI de la Charte des Nations Unies traitant du règlement
pacifiquedes différends (A/9771,24 septembre 1974).
Le Gouvernement espagnol ne répond pas. J'en ignore la raison.

Le30 septembre 1974 M. Laraki, représentant du Maroc, déclaredevant
l'Assembléegénérale qu'en matièrede décolonisationleprincipe de I'autodé-
termination n'estpas toujours applicabl«:pour le Maroc, la décolonisation
desdeux provincessahariennes impliquait leur réintégration au seinde 1'Etat
marocain »(A/PV.2249).
Selon M. Laraki, il existe un contentieux qui oppose le Maroc àl'Espagne
depuis 1956.Pour lerésoudre,ilpropose ànouveau de soumettre àla Cour les

questions suivantes:130 SAHARAOCCIDENTAL (OP.IND.DECASTRO)

«Les deux territoires sahariens en question étaient-ils à l'origine,

comme le prétend le Gouvernement espagnol, des res nullius, des
territoires sans maître ouvertsoute occupation? Ou relevaient-ils,au
moment de leur occupation, de la souverainetéet de l'administration de
l'Etat marocain?»(lbid.)

Si cette voie directe n'est pas suivie, ajoute-t-il, il reste la voie de la demande
d'un avis consultatifa la Cour par l'Assembléegénérale; etM. Laraki de
commenter: L'avis émispar la haute juridiction internationalesur un point
de droit pourrait avoir une portée aussi considérableque la décision d'ar-
bitrage.»(lbid.)
M. Laraki, suivant les directives du Roi formulées dans la lettre du

23 septembre et s'appuyant sur les raisonnements exposés a l'Assemblée,
revendique le territoire du Sahara occidental en vertu des titres ou liens
historiques du Maroc. En conséquence il n'est plus question des «autres
parties intéressée» et on méconnaît le droit à l'autodétermination de la
population autochtone quisemblaitassurépar lesrésolutionsde l'Assemblée.

L'entente politique du groupe africain fait que la réaction contre les
demandes marocaines est modérée,mais elle se manifeste tout de même,et
avec force, en faveur du principe de l'autodétermination.
Devant l'Assembléegénérale, la Mauritanie,tout en faisant état de sa
revendication du Sahara occidental comme partie intégrante de laRépu-
blique islamique de Mauritanie, tient à dire que, quel que soit l'avis de la
Cour, «le droit a l'autodétermination de la population du Sahara ne

saurait faire l'objet d'une entrave quelconqu» (A/PV.2251). De son côté
l'Algérieaffirme « que l'opinion de la population directement intéressée
constituera toujours l'élémentrimordial et déterminant detout règlement»
(A/PV.2265). Les représentants de la Puissance administrante s'expriment
dans lemêmesens (A/PV.2253 et 2257).
Il est intéressantde rappeler lesanlécédentsde la résolution3292(XXIX).

En présentant le projet de résolution la Quatrième Commission, le repré-
sentant de la Haute-Volta dit qu'il est lefruit de longuesnégociationsentre
lesdélégationsintéressées,enparticulier cellesde la Mauritanie, du Maroc et
de l'Algéri» (A/C.4/SR.2130). Le représentant du Sénégal - un des pays
du groupe des trente-cinq qui présente le proj-texplique que l'objet de la
résolution proposée devrait êtree pouvoir

«aider les pays africains intéressésà trouver une solution, même
d'attente, qui respecte la fois les dispositions de la déclaration sur
l'octroi de l'indépendanceet ledroit éventuelque tel ou tel payspourrait
avoir sur un territoire sous domination étrang»r(A/C.4/SR.2124).

Selon le représentantde la Côte d'Ivoire, égalementdugroupe africain, le
projet est rédigé dans un esprit de compromis »et:
«on a introduit dans le texte initial un certain nombre d'éléments qui

permettent al'Assembléede rester conséquenteavecelle-même à, savoir,131 SAHARA OCCIDENTAL (OP.IND. DECASTRO)

premièrement, l'affirmation, dans le préambule, dudroit à l'autodéter-
mination du peuple du Sahara espagnol 1)(A/C.4/SR.2131).

La matière du compromis ci-dessus mentionné peut aussi se déduiredu
rapport du secrétaire généraladministratif de l'organisation de l'Unité

africaine. Selon lui, lors de la présentation au groupe africain du projet
marocain de demande d'avis consultatif à la Cour, plusieurs délégations
(many dans letexte anglais original) sesont préoccupéesde ce que letexte ne
tenait aucun compte du droit de la population du Sahara àl'autodétermina-
tion et ellesont estiméque ce pourrait êtreun précédent dangereuxpour les
paysafricains ayant luttépour leprincipe de I'autodétermination depuis leur

indépendance(exposé écrit espagnol, par.250).
De cette manière, sans que soit rejetéela proposition marocainetendant à
ce que la Cour examine la valeur des titres ou liensjuridiques sur le territoire
du Sahara occidental au moment de la colonisation espagnole, le principe
de I'autodétermination est réaffirmédans le texte de la résolution. Mais,
comme le reconnaît le représentant de la Côte d'Ivoire, il s'agit d'«réso-

lution inhabituelle [qui]ne donne, peut-être, pas entièrement satisfaction
(A/C.4/SR.2131). Pour cette raison, plusieurs membres de la Quatrième
Commission craignent que la résolutioncomporte toujours une menace au
principe del'autodétermination. En conséquence,envotant ou ens'abstenant
de voter le projet, les Etats tiennentire consigner qu'ilssont en faveur du
principe de l'autodétermination. En plus de l'Algérie(A/C.4/SR.2125), on

peut citer la République-Uniedu Cameroun et la Républiquearabe syrienne
(A/C.4/SR.2130), Cuba, la Grenade, la Guinéeéquatoriale, la Colombie,
le Costa Rica, la Malaisie, le Venezuela, le Portugal, la République arabe
libyenneet 1'Equateur(A/C.4/SR.2131). LeYémendémocratique,étantl'un
des auteurs du projet, n'a pas à expliquer son vote mais il tient à dire que
c'estexclusivement à la population du territoire elle-mêmequ'ilappartient

de déciderde la nature et de la forme de son avenir» (A/C.4/SR.2131). Le
Kenya, qui est contre la demande d'avis, s'écrie:«On demande en fait à
l'ONU detraiter cesgens[lesautochtones]commedesbiensetnon commedes
personnes » (ibid.).
La Quatrième Commissionprocède enfin au votedu projet de résolutionet
ilest adopté par81voix contre Oavec43abstentions. Al'Assembléegénérale,

il est adopté par 87 voix contre O avec 43 abstentions (résolution 3292
(XXIX)).
En conséquencel'affaire arrivedevant la Cour.Il est àreleverque, dans les
exposés écrits du Maroc et de la Mauritanie, chacun de ces deux Etats
revendiaue la totalité du territoire du Sahara occidental. Au cours des
exposés oraux prononcés devant la Cour, le caractère contradictoire des

prétentions du Maroc et de la Mauritanie vient à disparaître, chacun se
limitant à une partie - respectivement le Nord et le Sud - du Sahara
occidental. Ce changement de position s'opère sans qu'on en explique à la
Cour les raisons, ni la portée quant a la valeur des renseignements et
documents fournis dans lesexposésprécédents qui revendiquaientla totalité
du territoire. 132 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)

2. Interprétationdes termes de la demande d'avisconsultatif

Lesdeux questions poséesà la Cour sont en apparence simples et claires.
Leur examen montre qu'elles soulèventde délicats problèmes d'interpréta-
tion.

a) Méthoded'interprétation

Avant tout, se pose la question préliminairede la méthode d'interprétation
àsuivre. Doit-on isoler lesquestions poséesàlaCour du reste de la résolution
ou ellessont inclusesou faut-il au contraire lesconsidérerdans lecontexte de
la résolution, en tenant compte aussi de l'histoire et des antécédentsde
celle-ci?

Il semble évident que, pour interpréter une résolutionde l'Assemblée
généraledes Nations Unies, comme une loi et comme toute déclaration
unilatéraleen général, il faut rechercher son but et sa raison d'êtr1.II n'est
donc pas permis d'isoler les questions poséesde l'ensemble de la résolution
dans laquelle elles sont insérées.C'est la résolution dans sa totalité qui
exprime les raisons de la demande d'avis consultatif et explique l'emploi à

faire de cet avis par l'Assembléegénérale 2.

Lesantécédentsde la résolution montrent que,bien que lesdeux questions
poséesà la Cour soient les mêmesque celles qu'avait proposées S.M. le roi
Hassan II, ellesont changédebut et'desens lorsqu'ellesont été inséréedsans

le projet des trente-cinq Etats. Ces questions n'ont plus pour objet d'obtenir
une déclaration sur les titres du Maroc à la revendication du Sahara
occidental, mais d'aider l'Assembléegénéraleà se prononcer «sur la poli-
tique à suivre pour accélérerle processus de décolonisation du territoire,
conformément àla résolution1514 (XV)». Ce but est expriméd'une manière

si claire par l'Assembléegénéralequ'il ne saurait êtreignoré au moment
d'interpréterlesquestions soumises à la Cour pour avis consultatif.

b) Caractèrecomplémentaire des deux questionsposées
Lorsque sont poséesdeux questions àla Cour, ilsemblenaturel d'attribuer

à chacune un sens propre et différent.S'ils'agit de la même question,à quoi
bon la répéter avecd'autres mots?Mais, pour juste que soitcetteobservation,
il ne faut pas ignorer que les promoteurs de la demande d'avis consultatif et
lesparties concernéesont donnéaux deux questions un senscomplémentaire
et que cette signification a éconnue et acceptéede l'Assembléegénéraleen

votant la résolution.

L'Assembléegénéralen'a pas poséla question de savoir si leterritoire était
sans maître ou s'ilétaiten la possessionde tribus indépendantes; son intérêt

CommeledisaitBalde:« Ratio inlegesinct animaet spiritus, ejusautemverbasunt
corpus.»
« Incivileest nisitota legeperspecta,unaaliquaparticula ejuspropositajudicare,vel
respondere»,Celsus,D.l, 3,24. 133 SAHARAOCCIDENTAL(OP. IND. DECASTRO)

s'estlimitéà la question de savoir si le territoire était sans maître parce qu'il
n'avait pas de liens avec le Maroc ou la Mauritanie.
La connexitédes deux questions semble naturelle dans le contexte de la
résolution et elle a été admiseà plusieurs reprises par les parties inté-
ressées.

Etant donnéson origine et son but, la première question ne doit pas être
séparée de la seconde; c'estla mêmequestion,quoique rédigée autrement. Le
territoire doit êtreconsidérécomme terranulliuss'il n'étaitsoumis par des
liens juridiquesà aucun Etat ou organisation juridique au moment de la
colonisation espagnole; il n'aurait pas étéerranulliussi,a ce moment-là, il

avait étésoumis par des liens juridiques au Royaume du Maroc ou a
l'ensemblemauritanien.
C'estsur l'initiativedu Maroc, par une déclarationdeS. M.leroi Hassan II
en date du 17septembre 1974, puis sur l'intervention de M. Laraki à

l'Assembléegénéralele 30 septembre 1974, que les deux questions ont été
posées séparément,séparation qui se retrouve dans la résolution 3292
(XXIX) 1.Aprèsles débatsde l'Assembléeet le vote de la demande d'avis
consultatif, la nature complémentaire des deux questions est considérée
comme évidente.

LemêmeGouvernement marocain fait observer dans lepréambulede son
exposéécrit:

Aussibien, lesdeux questions poséesàla Coursont intimement liées.
Pour le Royaume du Maroc en effet, la démonstration du fait que le
Sahara occidental n'étaitpas une terre sans maître aux divers moments
qui marquent lesétapesdu processus de lacolonisation espagnole résulte
du fait que ce territoire était placédepuis une époquetrès ancienne

(XIesiècle),qui se confond avec la constitution du royaume lui-même,
sous uneautoritéeffectiveetque celle-ciétaitlasouverainetémarocaine.
Il est impossible de dissocier les deux démonstrations, s'agissant des
actes de souveraineté d'un Etat qui, pour êtresensiblement différent

dans sa structure des Etats européens,n'en était pas moins reconnu
comme Etat souverain par ces derniers et qui n'a cesséde résisterà
l'implantation espagnole au Sahara occidental. »

1 La raison de cette initiative semble avoir étéde présenterles revendications du
Maroc sousla formed'undifférendavecl'Espagnequant àlavaleur destitres respectifs
sur leSahara occidental. 11estsupposéquel'Espagnefonde son titre sur lacondition de
terranulliusdu territoire. Au cas où la Cour répondraitque leterritoire n'étaitpassans
maître au moment de la colonisation, ce serait qu'il avait un maître et ce maître,
pense-t-on pouvoir conclure, ne pouvait êtreque le Maroc, seul Etat voisin et
musulman. Cette manièrede poser la question change, dès le projetde résolution des
trente-cinq, par l'importance donnée au principe de l'autodétermination. Dans le
même sensjoue l'intérêt dMuaroc d'éviterde poser la question de la légitimitéde la
colonisation espagnole, ce qui aurait montréqu'ils'agissaitd'unequestion àlapre
juridiction contentieuse et non d'un avis consultatif. 134 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND. DECASTRO)

Dans son exposé écrit,la République islamiquede Mauritanie s'exprime
ainsi:

«Si le problème poséà la Cour se rapportait à la légitimitéde la
possession espagnole ou aux limites territoriales de cette possession, la
conception réalisteou conception-fiction du territoire nulliustrouverait
certainement às'appliquer.

On voit mal comment elle s'inscrit dans les préoccupations de l'As-
semblée générale qus iont les suivantes: comment décoloniserle terri-
toire du Sahara espagnol? Doit-on considérer que ce territoire, au
moment de la colonisation, n'appartenait à personne, auquel cas toute
création faite sur le territoire est espagnole et susceptible d'un avenir

entièrement indépendant et autonome, ou faut-il considérer que ce
territoire étaithabitépar des tribus qui elles-mêmes faisaient partie d'un
ensemble plus vaste, marocain ou mauritanien? »

Selon le compte rendu du débatde la Quatrième Commission, le repré-
sentant espagnol dit que l'Espagne « n'ajamais affirméque le Sahara étaitun
territoire sans maître (terra nullius).M. de Piniésrépèteque le Sahara est
peupléde Saharoua » (A/C.4/SR.2130). Lorsque les porte-parole du Gou-

vernement espagnol parlent de la condition nulliusdu Sahara occidental,
c'estpour nier l'existencedes liensjuridiques de ceterritoire avec leRoyaume
du Maroc et avec l'ensemble mauritanien.
Ces déclarations et les débatsdevant la Cour 1 montrent que les parties

concernéess'accordentàinterpréterla première question comme n'étantpas
de savoir si le territoire étaitterra nullius en ce sens qu'il aurait pu être
coloniséselon le droit en vigueur à l'époque;elles sont aussi d'accord pour
penser que la question poséeest de savoir sileterritoire du Sahara occidental
étaitoun'étaitpas terra nulliusau moment de la colonisation espagnole en ce

sens qu'il n'aurait pas eu ou qu'il aurait eu des liens juridiques avec le
Royaume du Maroc ou avec l'ensemblemauritanien.
II semble donc que la Cour a compétence pour répondre à la première

Ainsi le conseil du Maroc a dit: «Telle a été ladémarchequ'a suivie l'exposéécrit
du Gouvernement du Maroc, sefondantsur la liaison entre la notion de terraiuset
cellede l'absence de souverainetéétatique»(audience 3juillet), cequi est considéré
comme pertinent «à l'égarddu Maroc, Etat souverain » (ibid.); et de conclu«En
effet,la preuve de lanon-existenced'une terra nulliusauSahara résulte nécessairement
de lapreuve de l'exercicede lasouverainetémarocaine auSahara occidentalépoque
deLeconseil de la Mauritanie a tenu àdire:« Leproblèmequi sepose n'estpas de savoir
sil'Espagne pouvait ou non occuper leterritoire en lequalifiant de res nullius.mais bien
de situerceterritoire par rapportn environnement mauritanien et marocain en vue
de sa décolonisation(audience du 10juillet) et, en concluant son exposé,il a prié la
Cour de dire «que le Sahara occidental n'était, au moment de la colonisation, en
aucunede ses parties une terre sans maître (terra nullius) carcomposait de terres
mauritaniennes et marocaines et relevait par conséquent, l'exception d'une zone
limitéede chevauchement, dans sa partie sud de l'ensemble mauritanien et dans sa
partie nord du Royaume du Maroc »(audience du 28juillet).135 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DECASTRO)

question posée si ellea compétence pour répondre à la question de savoir
quels étaientles liensjuridiques du territoire avec le Royaume du Maroc et

l'ensemblemauritanien.
c) Liensjuridiques avecle territoire

Lestermes liensjuridiquessont d'une ampleur extraordinaire, soit que l'on
considère toutes lescatégories possiblesde liens,soit que l'on considèretout

cequi peut donner àdes liensun caractèrejuridique. Deslienspeuvent naître
du voisinage,d'un traitéou de laguerre ou ilspeuvent dériverd'unfait illicite
(responsabilité).Il y a des liens territoriaux, personnels, de souveraineté,de
servitude, de suzeraineté,de mouvance, de vassalité,sanscompter tous autres
liens de nature féodale. Selon leur source juridique, ils peuvent êtrein-
ternationaux, de droit public ou privé,de droit étatique,de droit canonique,

de droit musulman (fondésurle chraa).
Il est donc nécessairede rechercher le sens dans leauel ces termes sont
employésdans la résolution, ce qui est possible en tenant compte de la
rédactionde la seconde auestion et de sa relation avec la memière.
Lesmots « les liensjuridiques de ce territoireavleRoyaume du Maroc »

montrent la catégorie de liens visés.Il s'agit d'un vinculumjuris entre un
territoire (qui est l'objet desdits liens) et une personne publique (qui est un
Etat)1.Ils'agitdoncde liensétatiquesconcernant deuxzonesdéterminées(le
Rio de Oro et la Sakiet El Hamra). Leur nature juridique est préciséepar la
relation existant entre lesdeux questions. Par la première, ilest demandéàla
Cour si le territoire étaitou non sans maître, s'il n'appartenait à personne

(belongingto no one).La seconde question - en la complétant - revient à
demander: si le territoire n'était pas sans maître, quel en étaitle maître au
moment de la colonisation espagnole? Etait-ce le Maroc? Etait-ce l'en-
semble mauritanien 2?L;expression liensjuridiques doit s'entendre de liens
étatiques concernant le territoire et pouvant avoir la valeur d'un titre

juridique pour revendiquer le territoire, c'est-à-dire un droit de souveraineté
sur le territoire.
LeMaroc a ainsi posélaquestion: lesdeuxterritoires sahariens (RiodeOro
et Sakiet El Hamra) relevaient-ils, au moment de leur occupation, de la
souverainetéet de l'administration de 1'Etatmarocain? »(A/PV .249).Cela
correspond aux affirmationsselon lesquellesles «deux provinces »du Sahara

occidental relèvent « de notre souveraineté» (ibid.)et((antérieurement à la
colonisation espagnole, la souveraineté marocaine s'est exercée sur ces
territoires dans les conditions requises par le droit international public»
(A/C.4/SR.2117).
Dans le projet de résolution etau cours du débatau sein de la Quatrième

Commission, la question conserve le sens que lui a donnéle Maroc. D'ou la

L'ensemble mauritaniensoulèvela question de son existence etde son statut
juridique.
indépendantes qui l'habitaient.ela est sans pertinence pourse prononcersur les
processusde décolonisation.136 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)

controverse ayantpour origine la menace au principe de I'autodétermination
que plusieurs pays voient dans la demande d'avis consultatif1.
Dans le préambulede son exposéécrit, leMaroc soutient que le Sahara
occidental étaitdèsle XIe siècle« sous une autoritéeffective et que celle-ci
étaitla souverainetémarocaine ».Dans sesexposésoraux, ildit que « la seule

question qui se pose concerne, de notre point de vue, le point de savoir si le
Maroc ...étaitsouverain au Sahara occidental au moment de la colonisation
espagnole » (audience du 26juin) et que, « au moment de la colonisation
espagnole, le Royaume du Maroc exerçait sa souverainetéau Sahara occi-
dental » (audience du 25juillet), étant ((considérécomme le possesseur

immémorial»du territoire (audience-du 3juillet).
La Mauritanie soutient, de son côté,que le Sahara sous administration
espagnole est partie intégrante de l'ensemble mauritanien. Dans son exposé
écrit, elledit qu«la relation juridique entre lesdeux est une simple relation
d'inclusion». Dans ses exposés oraux,elle parle d'une« CO-souverainetédes

éléments du pays chinguittien»(audience du 10juillet).
Dans les exposésoraux du Maroc, on trouve l'affirmation que « 1'Etat
marocain répond àlaconception traditionnelle monarchique de fallégeance
personnelle »(audience du 2juillet). On ne voit pas clairement quelle est la
portée de cette déclaration. La vieille allégeance personnelle au Maroc

donnait des droits sur des personnes et non sur des territoires. Leterritoire du
vassal n'estpas soumisdirectement au seigneur;ilne luiestsoumisqu'indirec-
tement pendant letemps de l'allégeance etetteallégeanceprend fin - etdoit
êtrerenouvelée - à la mort du seigneur ou du vassa2.Dans la périodede la
colonisation espagnole, lessultans sont maîtres du territoirequi relèvedefacto

de leursouverainetéet tâchent de devenir maîtres des territoiresqu'ilscroient
leur appartenir dejure dans le bled siba. En tout cas une revendication
territoriale comme celle du territoire du Sahara occidental par le Maroc ne
saurait être fondéesurune allégeancepersonnelle.
Aprèsl'entente entre la Mauritanie et le Maroc, il est fait mention dans les

exposés oraux de la Mauritanie de ((tribus de mouvance marocaine))
(audience du 9juillet). Mais l'ampleur de cett« mouvance » supposéeest
bien limitée. Selon letémoignagede M. Vincent Monteil présentépar la
Mauritanie, on doit s'en tenir à l'oued Sakiet El Hamra comme ligne de
démarcation entre la «mouvance marocaine » et l'ensemble mauritanien

(audience du 8juillet)3.

Le groupe africain qui rédie projet prendsoin de se référruatrefois à la
résolution 1514XV), de mentionner les huit résolutionssur la décolonisationdu
Saharaoccidentaletde réaffirmeedroitàI'autodétermination du Saharccidental.
LesréclamationdselaTurquiecontrelaFranceen1881ausujetdeTunis montrent
bien le peu de force des vieux liens de vasselagedans la pratique internationale
moderne (Hertslet,TheMap ofAfrica by Treaty (Protest ofthe Porte against the French
Treaty),eprintof thethirdedition,Londres, 1897, p. 118.
Ni les liens d'allégeance personu de «mouvance»entretribus(chevauche-
mentsde parcours)n'ontétéoune pouvaient êtrel'objet du différendleearocet
l'Espagnequi« paraissa»texisterselonl'ordonnancede la Cour du22 mai 1975. SAHARA OCCIDENTAL (OP. IND. DE CASTRO)
137
d) Moment de la colonisationpar l'Espagne

Il importe de savoir comment se déterminele moment de la colonisation
par l'Espagne. Il ne s'agit pas d'établir «date critique» d'un différend;la
Cour n'a pas àjuger d'une affaire contentieuse. On ne saurait s'en tenir au

sens étroit des mots. Il n'est pas question d'un temps fort bref, car la
colonisation espagnole du Sahara occidental a étéun processus étalé sur
plusieursannées.En ce sens, on peut parler d'une périodede colonisation ou
d'une«périodecritique»et ilfaut prendre en considération non seulementle
commencement de la colonisation, soit en fait, soit en droit, mais aussi le

moment de sa consolidation par l'occupation ou la pacification.
La périodede colonisation doit s'entendre de chacun des deux territoires
considérés par la résolution,le Rio de Oro etla Sakiet El Hamra. Chacuna eu
sa propre histoire et sa propre périodede colonisation '.La colonisation du
Rio de Oro a été proclamée par l'ordonnance royale du 26 décembre1884.
Celle de la Sakiet El Hamra a eu comme point de départ le traité entre la

France et l'Espagne du 27 mars 1912. La pacification totale des deux
territoires s'estaccomplie vers l'année1934.
Il est à noter aussi que, dans la langue de l'époque,les mots colonie,
protectorat, zone d'influence, intervention,pacification sont employés indif-
féremment.Ainsi, lorsqu'on parle d'exercer unprotectorat sur des tribus ou

sur des indigènes,il s'agit d'une colonisation et non d'un protectorat au sens
technique comme celui qui a été exercé sur le Maroc.

Les termes « au moment de la colonisation par l'Espagne » imposent des
limites à la recherche des liens juridiques avec le territoirEn fondant sa

revendication de souveraineté sur la possession immémoriale, le Maroc
oblige a considérerlesfaits d'une époque très lointaine, mais celanedoit pas
faire oublier que c'estau moment de la colonisation espagnole qu'ilfaut voir
si ladite possession par le Maroc étaiten exercice.

1. Compétenced a Cour

1. Questionjuridique et questionsdefait

L'ordonnance de la Courdu 22 mai 1975considèreque lesconclusions par
elleénoncées ne préjugentenrien laquestion de lacompétencedela Cour. Au

présentstade de la procédure, laCour doit déciderde sa propre compétence.
La Cour peut donner un avis consultatif «sur toute questionjuridique »à
la demande de tout organe ou institution autorisé (Statut, art. 65). Selon la

1 En suaaérant à l'Assemblée générales auestions à Doserà la CouM. Laraki
parle des <;Jeux territoires sahaze(~/~~.2249).~etie distinction enire les deux
territoires du Sahara occidental se reflètedans la résolu(XXIX)9contenant la
demande d'avisconsultatif. La première question commencepar cet m«LeSahara
occidental (Rio deOro etkiet El Hamra)..».138 SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND. DE CASTRO)

Cour, ell« ne peut donner un avisconsultatif que surune questionjuridique.
Siune question n'estpasjuridique, la Cour n'apas de pouvoir discrétionnaire
en la matière:elle doit refuser de donner l'avisqui lui est demand».(C.I.J.

Recueil1962,p. 155.)Ce dictumde la Cour dans l'affaire relative à Certaines
dépenses des NationsUnies a pu êtreconsidéré comme uneinterprétation
reposant surl'argument a contrario.En véritéelleestobligatoire parce qu'elle
découledela naturede laprocédure consultative,bien différentede cellede la
procédure contentieuse.
Dans un procès,lesparties restent maîtressesdes preuves. Lejuge a un rôle

passif. Selon l'axiome traditionnel en procédure, le juge dit à la partDa:
mihifactum, dabo tibijus. Les parties font valoir des faits et apportent les
preuves qu'elles croient favorables à leurs prétentions et le juge en tient
compte pour décider(secundumallegata et probata). Cela est logique, parce
que l'arrêta pour but de trancher entre les parties e«n'est obligatoire que
pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidéatut,art. 59).

La fonction de la Cour à l'égarddes questions de fait en matière consul-
tative a été considérépear laCour permanente:

« La Cour nesaurait allerjusqu'à dire qu'en règlegénéraleunerequête
pour avis consultatif ne puisse impliquer une vérificationde faits; mais,
dans descirconstances ordinaires, ilseraitcertainement utile quelesfaits
sur lesquels l'avisde la Cour est demandéfussent constants.» (C.P.J.Z.
sérieB no 5,p. 28.)

Propos timides que l'on peut expliquer, peut-être,par la vieille pratique des
Etats de soumettre àla Cour leursdifférendspar la voied'unedemande d'avis
consultatif. Aujourd'hui il semble certain que, lorsque le fait sur l'existence
duquel un avis est demandén'estpas constant ou estcontroversé,laCour n'a

pas compétencepour déciderde sonexistence. La raison en estquela Cour ne
peut pas se satisfaire des preuves, peut-êtrebiaisées, desEtats intéressés ou
concernés;l'effetd'un avis consultatif n'est pas limitéaux parties comme s'il
s'agissaitd'un arrêt;l'avisa une autoritéàl'égardde tous etne serestreint pas
aux Etats ou organisations qui présentent des exposés écritsou oraux et
soumettent à la Cour des renseignements ou documents. La Cour ne saurait

collaborer avec l'organe qui demande un avis consultatif ni présenter
l'existence d'un fait comme une constatation tant qu'elle n'a pas elle-même
vérifiéson exactitude.
En faced'une demande d'avisconsultatif, c'estla Cour qui a la responsabi-
lité de vérifier lesdonnées de fait sur lesquelles elle fonde sa réponse.
Comment procéderdans une affaire où la quaestiofactiest àla base mêmede

toute réponse possible ? La procédurede la Cour n'offre pas de moyens de
faire desrecherches. Mêmeendonnant une interprétation large de l'article 68
du Statut, ilnesemblepas permis àla Courdeprendre enmatièreconsultative
lesmesures quecomporte l'administration des preuves (Statut, art. 48)ou de
confierune enquêteou une expertise à qui que ce soit (Statut,art. 50).139 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DECASTRO)

L'existenced'un faitjuridique ou d'un actejuridique estaussi une question

de fait et non de droit. C'est ce qu'a expriméla Cour permanente dans
l'affairedu Statut de la Carélieorientalelorsqu'elleaditque lepoint de savoir
si la Finlande et la Russie avaient passé uncontrat étaiten réalitun point de
fait (C.P.J.Z.sérieB no5, p. 26). Il en irait autrement si la question était
d'établirlesconditions juridiques de l'existenced'un contrat ou de connaître
ses conséquencesjuridiques dans le temps ou dans l'espace, même s'ils'agit

d'un contrat dont l'existenceest hypothétique.
Il estpossible que la demande d'avis consultatif porte ou semble porter sur
unequestionmixteou complexe de fait etdedroit. Dans cecas,la Cour devra,
en vertu de ses pouvoirs, interpréter la demande d'avis et voir si, d'aprèsles

antécédents etle but, elle peut écarter la question. En tant qu'organe de
l'ONU, elle se doit de collaborer avec l'organe qui demande l'avis et de
rechercher si ellepeut aiderà résoudreles difficultésqui sont àl'originede la
demande.

2. La question de l'existencede liens au moment
de la colonisationespagnole est-elleune question de droit?

On doit noter que, dans les renseignements fournis et dans les exposés
oraux sur le fond présentéspar les parties concernées, les efforts ont été
centrés sur la preuve des faits. Le Maroc et la Mauritanie ont tâché de
démontrerl'existencede liensentre leterritoire et leur propre pays;l'Espagne
a fait son possible pour démontrer le contraire. De là une polémique érudite

et acharnée sur des faits et des questions touchant la géographie, I'eth-
nographie, la linguistique et surtout l'histoire.

Le Maroc s'emploie àfaire « une esquisserapide des faits historiques» dès
l'an 681 (audience du 30 juin). Le rôle de la Cour est de se ((pencher sur

d'arides problèmesde géographie ou d'histoire » (audience du 24juillet) et
celui du Maroc est de rassembler un faisceau d'arguments historiques
confirmant l'existence de liens juridiques » (audience du 25juillet); il sera
((tenu a prouver les liens qui, à travers l'histoire, unissaient le Maroc au
Sahara occidental. Pour ce faire, nous nous sommes notamment fondéssur

des travaux d'historiens reconnus comme tels, spécialistesde ces époques
anciennes »(audience du 25 juillet) et on assure la Cour que l'exposé estfait
((avec le maximum d'objectivité historique ))(audience du 21juillet). La
Mauritanie promet de faire «un bref examen contradictoire des faits his-

toriques » (audience du 9juillet). L'Espagne apporte un volumineux dossier
de documents et s'évertueà contredire les arguments du Maroc et de la
Mauritanie. Enfin ces deux pays, malgré leur entente, ont des points de vue
contrairessur des faitsimportants.
L'Algériemanifeste son impatience àl'égardde cette manière d'envisager
l'affaire:140 SAHARAOCCIDENTAL(OP. IND. DE CASTRO)

«Compte tenu de la nature historique des questions posées,il ne
faudrait pourtant pas réduirel'objet de la requêteà un simple débat

historique. Car la Cour a mieux à faire qu'à éclairer,pour la seule
satisfaction des spécialistes,une controverse historiq»e(Audience du
15juillet.)

Elle propose à la Cour de ne pas répondre « par simple satisfaction acadé-
mique à une question historique » et, au contraire, d'envisager lademande
d'avis consultatif d'une manièreutile, propreà éclaircirun problème actuel
(ibid.).
Lesparties concernéesont interprétélademande d'avisconsultatif comme

posant une question historique et tendant à faire vérifier l'existencede faits
dans lepassé,mêmeleplus reculé,pourétablirl'existencedes liensjuridiques
(titres de souveraineté)entre d'une part le territoire du Sahara occidental et
d'autre part le Maroc et l'ensemblemauritanien (audience du 12mai).

Cette optique des parties concernées oblige à s'interroger sur la compé-
tence de laCour. On a citéla définitionde la questionjuridique due Charles
De Visscher,selon lequel « il s'agit de toute question susceptible de recevoir
une réponsefondéeen droit »; celui-ci ajoute que la Cour s'abstiendra de
répondre à une question qui « dépendrait de considérations étrangèresau
droit »(Théorieset réalitésendroit internationalpublic, Paris, 1970,p. 401).

En appliquant cette définitionàla présenteaffaire, on voit que la question
de l'existencede liensau moment de la colonisation espagnole ne pouvait pas
recevoir une réponsefondéeen droit, qu'elledevait se fonder sur lapreuvedes
faits historiques. C'est ce qu'ont fait les parties concernées enétudiantet en

discutant, par exemple,leseffetshistoriques de l'épopée almoravidel,a réalité
géographiqueet historique du territoire appeléNoun, la portée des expédi-
tions de Al Mamoun et de Moulay Hassan, la signification de la vie et des
exploits de Ma el Aïnin et l'existence d'un groupe ou de deux groupes de
tribus Tekna.
Il est vrai que l'ancienne Cour n'a pas craint d'étudierdes droits histo-

riques, remontant mêmeà l'an 900(C.P.J.I. sérieA/B no53, 1933),et quela
Cour actuelle a examinédestitres de 1066(C.I.J. Recueil1953,p. 53).Mais il
s'agit d'affaires soumisesaCourdans lecadrede laprocédurecontentieuse,
dont la nature est tout autre que cellede la procédureconsultative.

Il est'vrai aussi que, dans l'affaire des Conséquencejuridiques pour les

Etats de la présence continuede l'Afriquedu Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain)nonobstantla résolution 276 (1970)du Conseilde sécuritél,a Cour a
dit:

« Pour êtreà mêmede se prononcer sur des questions juridiques, un
tribunal doit normalement avoir connaissance desfaits correspondants,
les prendre en considération et, le cas échéant,statuer à leur sujet. »
(C.I.J. Recueil1971,p. 27.)141 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)

Mais-ilfaut noter que les faitsévoquésau sujet de l'Afrique du Sud n'étaient

pas des faits à prouver, mais des faits évidentsou de notoriété publique,
comme l'apartheid; c'étaientdes faits avéréspar des résolutionsde l'As-
semblée générale des Nations Unies (C.I.J. Mémoires,Conséquencesjuri-
diques,vol. II, p. 182; C.I.J. Recueil1971,opinion individuelle, p. 177-179).
L'aspectleplus frappant de cette affaire aétla difficultéoù s'esttrouvéela

Cour de constater la véritédes faits discutésdevant elle. Les exposésdes
parties concernéesn'ont pas été limités à l'apport de renseignements et de
documents, mais ont constitué de véritables plaidoiries présentéespour
défendre des causes contradictoires, plaidoiries certainement savantes et
aviséesmais naturellement biaiséeset relatives à des matières étrangères au

droit.
Cela aurait été une lourde tâche aue de suivre les débatssur les données
historiques en tâchant de connaître les ouvrages citésdans leur intégritéet
point seulementd'aprèslesextraits choisispar lesparties concernées 1mais il
y avaitla dificultémajeure d'apprécierla valeur relativedestémoignagesdes
historiens selon leur science et leur objectivité et de compléter par des

recherches dans les bibliothèques et les archives les renseignements fournis
par les parties concernées. Au surplus, plusieurs des ouvrages à consulter
étaient enlanguearabe.
Lesmêmes difficultéssesont retrouvéesdans lecadre des questions d'ordre
géographique,ethnique et linguistique.

L'impuissance de la Cour est devenue éclatante lorsqu'elle s'est trouvée
devant des traductions contradictoires de textes arabes de documents consi-
déréspar les parties concernéescomme d'importance essentielle pour leurs
thèses respectives.11en a été ainsi our le traitéhispano-marocain du 28 mai
1767(audiences des 3,21 et 25juillet), la lettre du Sultan au roi d'Espagne du

28 mai 1767 (audiences des 21 et 25 juillet), le traité anglo-marocain du
13mars 1895 (audiences des 10 et 25 juillet), la réponsedu sultan Moulay
Hassan surleslimitesdu Maroc (audiences des 21et25juillet) etlesindicesde
soumission de Ma el Aïnin au Sultan (audience du 18 juillet). A noter
égalementles vues contraires sur l'existence d'un document (audiences des

25 et 30juillet), lescitations d'ouvrages inédits (audiences des8 et 22juillet)
ou la référenceaux traditions et renseignements oraux (audiences des 22 et
30juillet). Nombreux sont les cas ou il aurait éténécessaire ou utile d'en-
tendre des témoins ou experts pour éclaircirdes questions apparemment
importantes.

3. Valeurdespreuves

11y a des raisons pour douter de la compétencede la Cour. En véritéla
Courne semblepasêtrel'organe appropriépour élucider,au moyen d'unavis

Plusieursexposés ontétpeusoignés;ilfaut noter que les référeaeusxpages des
ouvrages cités manquent parfois.142 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)

consultatif, des questions de fait ou desquestions dont l'aspect historique est
réd dominan toutefois l'es~ritde collaboration de la Cour envers lesautres
organes de l'ONU, ainsi que la nature toute spéciale d'une affaire, peuvent

justifier que la Cour n'applique pas l'article 65 de son Statut d'une manière
stricte.
L'Assembléegénéralea demandéaux parties concernéesde soumettre à la
Cour tous renseignements et documents pouvant servir à éluciderles ques-
tions posées.Mais la manière de procéder de ces parties n'a pas été celle

d'amici curiae. Tout au long de la procédure, les parties concernées ont eu
l'attitude de parties dans une procédure contentieuse. C'estce qui fait penser
qu'il aurait étéapproprié d'appliquer les règlesde la preuve (question de
droit). Le Maroc et la Mauritanie ont tâché de prouver l'existence en leur
faveur detitres d'appartenance du territoire du Sahara occidental au moment

de la colonisation espagnole. A cet effet, ils se sont référés à des faits
historiques. L'Espagne a présenté aussi des renseignementset documents,
mais avec la prétention de contester les affirmations du Maroc et de la
Mauritanie.
La question de la charge de la preuve, propre à la procédure contentieuse,

ne se pose pas dans la procédure consultative. Mais, dans cette dernière
procédure,ilfaut au moins appliquer lesrèglesde la preuve.Celuiqui avance
un point doit leprouver. Lecontrôle desfaits était encoreplus nécessairedans
une affairecomme la présente,qui a pris une tournure quasi contentieuse 1et
qui était de contours peu clairs et, dès son origine, de nature hybride.

L'examencritique desallégationsdesparties concernéesrévèle qu'ilya eudes
affirmations sans preuve suffisanteet d'autres contraires aux témoignagesles
plus autorisés 2,que des contestations de preuve ont étélaisséessans réponse
et qu'ilya eu des généralisations sans fondement et des conclusionsde toute
évidencearbitraires.

La Cour semblait donc en mesure dejuger si les preuvesqui lui avaient été
fournies étaient suffisantes vour faire naître une conviction raisonnable sur
l'existencedes liens en question ou si,au contraire, ily avait des indices assez
convaincants pour conclure a la non-existence de ces liens. En vue de cet
objectif limité,il était nécessaireetsuffisant d'examiner, selon lesrèglesde la
pratique judiciaire, la valeur et la force probante des faits invoquésdevant la

Cour àl'appui de l'existencede liensavecleterritoire du Sahara occidental au
moment de la colonisation espagnole.

Cettesituationanormalea été favoriséeparl'ordonnancedu 22 mai 1975,selon
laquelle lesquestions poséeà la Cour«peuvent être considérées commsee ratta-
chant» à undifférendexistantaumomentdel'adoptiondela résolution 3292(XXIX).
Les membresde la Couront eu l'occasion etla possibilité des'informerpar
eux-mêmeestdenepasselimiter à l'étuddesrenseignementsetdocumentsfournispar
les partiesconcernées.143 SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND. DE CASTRO)

II. Opportunité del'exercicedelacompétencd eela Cour

L'ordonnance du 22 mai 1975 mentionnait que, dans la suite de la
procédure,il pourrait y avoir lieu de trancher la question de I'opportunité
d'exercer lacompétence.

L'article65 du Statut dispose que la Cour peut donner un avis consultatif.
La Cour est ainsi autorisée user de sa discrétionpour rejeter unedemande
d'avis consultatif. Jusqu'à présent,elle n'a pas uséde ce pouvoir. Mais elle a
notéque, selon les circonstances du cas (C.I.J. Recueil 1950,p. 72), elle doit
considérers'ily a des «raisons décisives»motivant le refus de répondreàla
requêtepour avisconsultatif (C.I.J. Recueil1971,p. 27,et C.I.J.Recueil1973,

p. 183). La Cour n'a pas eu l'occasion de dire quelles sont ces ((raisons
décisives ».Ilsemble cependant évidentqu'ily a une raison décisivede refus
lorsque la demande d'avis consultatif implique que la fonction consultative
de la Cour est utiliséepour tourner la difficultéque présentele caractère
facultatif de la procédurecontentieuse.
La question de l'opportunité d'accueillir la demande d'avis consultatif

contenue dans la résolution 3292 (XXIX) pouvait êtreexaminéeen envisa-
geant deux hypothèses:1)ily a un différendentre le Maroc et l'Espagne,mais
il n'ya pas de différendentre la Mauritanie et l'Espagne; 2) il n'y a pas de
différendentre le Maroc et l'Espagne, maisune simpledivergenced'opinions
comme celle qu'il peut y avoir entre le Maroc, l'Espagne, la Mauritanie,
l'Algérie,le Zaïre et d'autres Membres des Nations Unies.

I. Hypothèsed'undifférendentre le Maroc et l'Espagne

Lesdoutes quant à I'opportunitéde répondre ontreçu un appui important
dans l'ordonnance du 22 mai 1975. Selon celle-ci, leséléments soumisà la
Cour indiquent que, au moment de l'adoption de la résolution 3292(XXIX),
ilparaissait yavoir un différendjuridique relatif auSahara occidental entre le
Maroc et l'Espagne et que les questions poséesdans la requêtepour avis

consultatif pouvaient êtreconsidérées comme se rattachant àce différend; et
qu'il paraissait n'yavoir aucun différendentre la Mauritanie et l'Espagne.
L'hypothèseque la Cour a faite sienne à I'occasion de la désignationdu
juge ad hoc semble.fondée sur l'attitude du Maroc envers l'Espagne et la
demande d'avisconsultatif. LeGouvernement espagnol croit que lemoment
est arrivé d'accomplir sonrôle de Puissance administrante et, en exécution

des résolutions insistantes de l'Assembléegénérale,d'organiser un réfé-
rendum aux finsde décoloniserle Sahara occidental.
Le représentant du Maroc à l'Assembléegénérale expliquele différend
avec l'Espagne en cestermes:

« La formulation de ces deux attitudes [celles du Maroc et de l'Es-
pagne] permet de circonscrire avec précisionlesdonnéesducontentieux
qui oppose le Maroc à l'Espagne depuis 19.56.11s'agit au préalablede
répondre àlaquestionsuivante: lesdeuxterritoiressahariens enquestion 144 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND.DECASTRO)

étaient-ilsà l'origine,comme le prétendle Gouvernement espagnol, des
res nullius, des territoires sans maître, ouverts à toute occupation? Ou
bien relevaient-ils, au moment de leur occupation, de la souverainetéet
de l'administration de I'Etat marocain? ))(A/PV.2249.)

M. Laraki poursuit:
((LeGouvernementmarocain a saisil'Espagne d'une note, en datedu

23 septembre 1974, l'invitant à se joindre à lui pour présenter une
requête,suivant les règlesde procédureen vigueur devant la Cour ..Si,
pour une raison ou une autre, cette voie directe n'étaitpas adoptée,il
nous resterait la voie qui consiste à requérir la Cour, non pour une
décisiond'arbitrage, maissimplement pourémettreun avisconsultatif ...

L'avis émispar la haute juridiction internationale sur un point de droit
pourrait avoirune portéeaussi considérableque la décisiond'arbitrage.
Dans tous les cas, l'Assembléegénérale serait enmesure, en se fondant
sur cet avis, de trancher définitivementla question politique de l'avenir
des deux provinces, Sakiet El Hamra et Rio de Oro. >)(Ibid.)

Le Maroc semble avoiratteint lebut visé.Ne pouvant porterson différend
devant la Cour par la voie contentieuse, il est arrivéà le fairesoumettre à la

Courau moyen d'unedemande d'avisconsultatif. Pour leMaroc, ledifférend
esttoujours lemêmeA . u commencement desdébatsdevant la Cour, leconseil
du Maroc a tenu à dire que la réponsede la Cour à la demande d'avis
consultatif impliquerait des intérêtsfondamentaux du Maroc « puisqu'ils
mettent en cause le principe de l'unité etde l'intégritéterritoriales ))et que,

dans ((l'avis demandé sur le Sahara occidental, nous constatons que les
intérêts desEtats sont mis en cause dans un domaine qui constitue la
substance mêmede I'Etat,dans ledomaine territorial ))(audience du 12mai).

Dans l'ordonnance du 22 mai, la Cour a paru incliner à penser qu'ilexiste

un différendentre le Maroc et l'Espagne et non entre la Mauritanie et
l'Espagne, compte tenu - semble-t-il - de la réponsede la Mauritanie àune
question posée par sir Humphrey Waldock, assurant que la Mauritanie
n'avait pas pris part à l'initiative marocaine de porter le différenddevant la
Cour.

En supposant que la Cour ait toujours pensé qu'il yavait entre le Maroc et
l'Espagne le même différend qu'au moment de la résolution3292 (XXIX),
elle devait se poser la question de savoir si la demande d'avis consultatif
((touche assurément ..le fond mêmede cesdifférends ))(C.I.J. Recueil 1950,
p. 72jet examiner silefait de répondreauxquestions poséesdans la demande

d'avisconsultatif équivalaità trancher cet ancien différendentre le Maroc et
l'Espagne.
La Cour était ainsi obligéede prendre une décision importante pour
l'avenir. Selon la manière de voir du Maroc dans les débats à l'Assemblée

générale,elle étaiten présencede la question de la recevabilitéd'«un avis
consultatif ..concernant un litige entre Etats [qui] n'est autre chose qu'un
jugement non exécutoire ))(ibid., opinion dissidente de M. ZoriEiC,p. 101). 145 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)

Le principe de la juridiction volontaire ou du consentement des Etats,
auquel fait appel la Cour permanente (C.P.J.I.série B no5, p.27),est établi
dans la Charte (art.2,par. 7)et dans le Statut (art. 36). Peut-on letourner au

moyen d'une demande d'avisconsultatif?
Un exemple montrera la portéede la question. L'Etat A revendique un
territoire occupépar 1'EtatB. L'Etat B n'accèdepas à l'offrede 1'EtatA de
soumettre sa revendication a la Courpar la voiecontentieuse. Est-il permis à
I'Etat Ade traîner 1'EtatBdevantlaCour, malgréson refus, au moyen d'une
demande d'avisconsultatif, grâce au voted'une résolutionàcet effetadoptée

par une majoritéde l'Assembléegénérale'?

2. Existenced'unecontroverseà l'Assembléegénérale

Toutefois, àmon avis,la question de l'opportuniténe seposait pas; d'après
ledroit à appliquer, il n'yavait pas de différendentre le Maroc et l'Espagne.

Il est vrai que le Maroc a voulu créerl'apparence d'un différendavec
I'Espagne 2.Decette manière, enposant en premièreligne la question de ses
titres supposéssur le Sahara occidental, il lui aurait étépossible d'écarterle
processus d'autodétermination.
Cet habile procédé étaietn vérité un trompe-l'ŒiMl. êmesil'Espagne avait

accepté la proposition marocaine de porter devant la Cour par la voie
contentieuse les deux questions poséesdans la lettre du 23 septembre 1974,
l'affairen'aurait pas éviable. L'Espagnen'avait pas a cemoment, etn'apas
aujourd'hui, qualitépour êtrepartie aun différendavecle Maroc ou avecun
autre Etat sur les titres de souveraineté actuels ou passésconcernant un
territoire qui a le statut de territoire non autonome et dont elle est Puissance

administrante. L'Espagne n'avait pas ce qu'on appelle en procédure une
légitimation passive. Du moment qu'il est établi que le statut du Sahara
occidental est celui d'un territoire non autonome, l'Espagne ne saurait ni
reconnaître le droit d'un autre Etat de revendiquer le territoire, ni admettre
l'existence des titres de souverainetéd'un Etat quelconque, ni admettre un
arbitragesur lasouveraineté,niconvenir d'un partage du territoire, nidécider
de son exploitation en commun, ni s'adjuger à elle-mêmela souveraineté.

L'Espagnene pouvait êtrepartie àun différendoù ils'agissaitde trancher, de
manièrémédiateou immédiate,une question concernant la souverainetésur
le territoire administré. La Puissance administrante ne pouvait ignorer non
plus qu'elle n'avait nile pouvoir de disposer du droit l'autodétermination
reconnu aux Sahraoui par huit résolutionsde l'Assembléegénéraleet par
les parties intéresséesou concernées, ni le pouvoir de méconnaître ce

droit.

Dans cettehypothèsel,'intervention la Mauritanienechangepasla situation:
elle est venue oindreau Maroc pourjouir delasituationcréépearcedernier.
territoiresduSaharaoccidentalétaient,umomentdelacolonisation,resnullieusdais
l'Espagnen'a passoutenupareillethèse.146 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND.DE CASTRO)

Lesdoutes que l'onaurait pu avoirsur lepoint de savoir siI'avisconsultatif
étaitdemandéau sujet d'une question juridique actuellement pendante entre
le Maroc et l'Espagne devaientdisparaîtreaprès lechangementfondamental
apportépar legroupe africain au sensdesquestionsproposéespar leMaroc '.
Au sein de la Quatrième Commission, par l'organe de M. Slaoui, le Maroc a

dit être d'accord pour considérerque le problème de la décolonisationdu
Saharane se ramènepas à un contentieux entre le Maroc et l'Espagne, mais
intéresseun autre pays et relèvede l'organisation des Nations Unies tout
entière » (A/C.4/SR.2117). Dans sa résolution 3292 (XXIX), l'Assemblée
généralemontre de façon non équivoqueque la demande d'avis consultatif

est faite pour d'autres raisons et avec un autre but que la proposition
antérieuredu Maroc. La résolution tient àdireque I'occasionde la demande
est une controverseayant surgi au cours des débatsau sein de l'Assemblée
généraleet que son but est de permettre a l'Assembléegénéralede se
prononcer, à la lumièrede l'avis consultatif,« sur la politique à suivre pour

accélérerle processus de décolonisation du territoire conformément à la
résolution1514(XV),dans les meilleures conditions B.
L'Espagne et le Maroc ne sont pas considéréscomme des parties à un
différend. L'Assemblég eénéraledemande à I'Espagne en tant que Puissance
administrante enparticulier,ainsi qu'au Maroc et àla Mauritanie en tant que

parties concernées. de soumettre àla Cour tous renseignements oudocuments
pouvant servir à éluciderlesquestions posées.Dans un vrai différendentre le
Maroc et l'Espagne, il aurait incombé aux deux parties de plaider du mieux
qu'il leur aurait semblépour défendreleursprétentions opposées.La résolu-
tion demande la collaboration destrois Etats, eten des qualitésdifférentes,en

vued'un objectif relevant de la compétencepropre de l'Assemblée générale, à
savoir la décolonisation. Les trois Etats ont une fonction d'informateurs,
selon l'ancienne terminologie, et non de parties àun différend 2.

S'il n'ya pas dedifférendausensjuridique entre leMaroc et I'Espagne,cela

fait disparaître l'obstacle leplus considérableàl'opportunité pourla Cour de
donner un avis consultatif. Le but d'une demande d'avis consultatif est
«d'éclairerles Nations Unies dans leur action,propre »(C.I.J. Recueil 1951.
p. 19; C.I.J. Recueil1971. p. 24)).

Le projet de résolution présentépar le groupe africain est le ((fruit de longues
négociations»(représentant de la Haute-Volta, A/C.4/SR.2130) et ilreflète un«esprit
de compromis » (représentantde la Côte d'Ivoire, A/C.4/SR.2131).
? IIestànoterque la résolution 3292(XXIX) aétvotéedanslecadrede l'examendu
point 23 de l'ordre du jour de la vingt-neuvièmesession relatif à I'«Application de la
déclaration sur l'octroi de l'indépendanceaux pays et aux peuples coloniaux ». Au
contraire la proposition du roi du Maroc (lettre du 23septembre 1974)étaitconçue
comme une demande tendant à faire régler ledifférendentre le Maroc et l'Espagne
conformémentà l'esprit et à la lettre du chapitre VI de la Charte.
' L'ordonnance de la Cour du 22 mai 1975n'affirmepas qu'il existait un différend
juridique relatif au territoire du Sahara occidental entre le Maroc et I'Espagne mais
qu'il « paraissait » y en avoir un; elle n'a été renduequ'à l'occasion de demandes
concernant la désignationdejuges ad hoc.147 SAHARA OCCIDENTAL (OP.IND. DECASTRO)

La Cour n'avait pas la possibilitéde faireune investigation historique sur
I'existence de liens juridiques mais, comme je l'ai déjà dit, elle pouvait
examiner la valeur de preuve des renseignements et documents apportéspar

les parties concernéespour emporter raisonnablement la conviction quant à
I'existencedes liens en question.

1.Liensavecle Royaume du Maroc

1. Considérationspréliminaires

Pour ce qui est des liens du Sahara occidental avec le Maroc, les données
connues amènent à penser que le Maroc avait des raisons, et mêmeavait
raison, de considérerque leSahara (Mauritanie incluse)étaitun territoire qui
s'ouvraità l'expansion naturelle de son empire. Tout semblait prédestiner le
pays àl'occupation marocaine. Le Maroc étaitun peuple organiséen Etat, le

Sahara étaithabitépar destribus tenues pour« féroces» par lesMarocains et
le Maroc étaitleseil Etat voisin ayant lamêmefoi musulmane. A noter aussi
les relations évidentes que les deux pays ont entretenues pendant toute
l'histoire.
Ilfaut remarquer une particularitéde cesrelations: c'estque seulescellesdu
sud au nord ont eu des effets permanents. Les Sahariens qui pénétraientau
Maroc s'yétablissaient,oubliant leterritoire pauvre et difficiledu Sahara. Les

expéditions marocaines au Sahara, qu'elles fussent guerrières ou commer-
ciales,étaientaucontraire sansprolongement;la vieau Sahara étaittropdure
pour lesMarocains. Au moment de la colonisation desterritoires africains, le
Maroc n'aeuni laforceni mêmel'intérê dte faire concurrence aux Puissances
européennesou de s'opposer a la colonisation. On peut en dire autant en ce
qui concerne tout le territoire du Sahara, de la Mauritanie et du Sahara
occidental.

Iexistait des liens entre le Sahara et le Maroc, mais de nature transitoire
et sans signification juridique ou politique. Dans sa préface au livre de
M. Rachid Lazrak, M. Paul Reuter se réfèreà ces liens, dont il dit que ce
sont des

((liens peut-être fragileset intermittents, mais qui étaient les seuls par
lesquelscesterritoires étaienten union avec un monde qui leur apportait
la culture islamiqueet lesélémentsd'uneviepolitique»(Le contentieux
territorial entre le Maroc et l'Espagne, Casablanca, 1974, p.9).

M. Rachid Lazrak indique la raison qu'oppose le ministre du Sultan à
l'occupation de Mackenzie: «Tout le Sahara peupléde Musulmans appar-
tenait, en vertu du chraa, au Sultan du Maro» (p. 142).

Dans les pages qui suivent, je ne prétends pas entrer dans l'examen des
faits controversés par les parties concernées; je me limiterai à indiquer SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DECASTRO)
148

quelques-unes des raisons qui m'ont amené aux conclusions que je
formule.

2. Liens religieux

L'appartenance au Dar el Islam est un lien puissant. Le monde des
croyants musulmanss'oppose àcelui des infidèles(Dar el Harb), opposition
qui justifie l'appel l'entraide dans les cas de guerre sainte (jihad).Il ne faut
pas confondre ce lien avec lesliensjuridiques ou politiques '.

«A l'avènement des Abbassides ...le régime de la Communauté
[musulmane] s'estompa devant l'apparition de l'esprit provincial:on vit
en effetl'Espagne Omeyyade et le Maroc Idrisside seséparerdureste de

l'Empire Musulman;d'autres défectionseurent lieu enOrient même; les
populations de ces pays estimaient alors qu'elles constituaient des
ensembles bien autonomes. » (Hajji,« L'idéede nation au Maroc et
quelques-uns de ses aspects aux XVIe et XVIIe siècles », Hespéris

Tamuda,Rabat, 1968,p. 110;voir aussi p. 114-115.)
«Au cours des siècles,la majeure partie des populations marocaines se

montrera aussi fidèleà sa foi qu'attachée à son indépendance » (Terrasse,
Histoire du Maroc,II, p. 424) 2.L'Islam, qui n'a pu êtrele ciment de l'unité
marocaine, n'a pas profondément relié le Maroc au monde extérieur:
« L'Islamn'aguèrefaitquedonner uneforme légaleàla xénophobiefoncière
des populations marocaines »(ibid., p. 431) 3.

3. Continuitéterritoriale

Il est nécessaired'examiner la situation géographique du Maroc et du
Sahara. Lereprésentant du Maroc àl'Assembléegénéralea soutenu qu'ilya
uneprésomptionde l'appartenance du Sahara occidental au Maroc, en vertu
de la contiguïtéetde la continuité territoriales(A/C.4/SR. 21 17).

Les renseignements dont j'ai pu disposer montrent qu'il y a plutôt une
discontinuité bien marquéeentre le territoire du Maroc et celui du Sahara
occidental.
D'aprèsles remarquables études de R. Montagne (Hespéris,XI, fasc. 1-2,

1Sur l'argument religieux, voirla critique du conseil de la Mauritanie au cours de
l'audience du9juillet.
2 L'Islamn'a puvaincre l'espritd'indépendancedes peuples musulmans »(Hajji,
op. cit.,p. 110;voir aussi Terrasse, op.cip.424-431).L'ambition impérialiste des
sultans s'appuie sur les liens religieux, «tout le Sahara peuplé de musulmans et
n'appartenant pas à un souverain appartient, en vertu du chrâ, au Sultan du Maroc >>
(Miège, Le Maroc et l'Europe, III, p. 305)Le Sultan se considère aussi comme
souverain du Soudan (loc.cit.,note 6).
3 Sous le règne de Moulay Hassan, Ahmed en Naciri, envisageant les réformes
militaires du Sultan, const«tLessoldats veulent apprendre lemétierdes armespour
défendrela religion et la perdent en l'appren»(Miège,op.cit.,IV, p. 416,note 4).149 SAHARA OCCIDENTAL (OP.IND.DE CASTRO)

Rabat, 1930,Congrèspour la mise au point des connaissances sur le Sahara,

p. 111etsuiv.),ilsembleétabliqu'ilexisteune frontièrenaturelle marquéepar
le Djebel Bani et les Kem-Kem, ou petits monticules, qui sont une sériede
collines isoléeslesunes desautres; c'estun véritablemur percédecréneauxou
défilésc,'est la ligne des R'négats.Dans ces défilés,trouvent des oasis de
montagne, des haltes ou relais dont le nom commence toujours par le mot
foum (bouche). Cette lignejoint les points par lesquels le Maroc débouche

versleSahara. « Parfoum on passed'un monde àun autre. Cechangement est
trèsnet,brutal même. »Ilestaccusépar d'innombrables indices:changement
de végétation, changement d'habitudes, changementde mode de vie, chan-
gement de coutumes, différence architecturale, différence géologiqueet
changement de langue (le hassania) surtout (Thomas, Sahara et com-
munauté.Paris, 1960, p. 31 et suiv.; Marchat, « Frontière saharienne du

Maroc », PolitiqueétrangèreX , XII, 1957,no6, p. 638et suiv.; La République
islamique de Mauritanie et le Royaume du Maroc; Husson, Lesfrontières
terrestresdu Maroc,1960,p. 37-38).
On doit noter en particulier l'existencede la zone présaharienne. Elle est
constituéepar des

«formes successivesde passage entre la viedes hommes du Nord et du
Sud ».II[Montagne] en distinguecinq, pour arriver aux Ait Youssa, qui
nous apparaissent comme le dernier type de transition entre le petit

nomade du Noun et le grand saharien comme lesRegueibat. C'est alors
qu'on franchit le Drâ pour atteindre le Hamada qui, toujours selon
Montagne, est la véritablerive du désert occidental(Marchat, op.cit.,
p. 638).

Aprèsla zone présaharienne, on trouve le Sahara occidental, dont on dit
qu'il« a une incontestable individualité » (Célérie, Le Sahara occidental,
Problèmesde structure et morphologie », Hespéris,XI, fasc. 1-2,1930,p.2).

4. Zoneprésaharienneet limites du Royaume du Maroc

Selondestémoignagesconcordants d'historiens etdegéographes,l'Empire
marocain avait sa limitesud en bordure de la zone présaharienne. Son statut

politique était singulier. Le Sultan prétendait en êtrele souverain etétait
considéré commetel de jure, quoique non de facto, dans les cartes géo-
graphiques et par les Etats européens.Situation étrange:leslimitesdu Maroc
restaient indéterminées.Lesautorités marocaines ne pouvaient lespréciseret
devaient donner des réponsesdilatoires aux questions que les Espagnolsleur
posaient à ce sujet.

Lebled sibarelevait du pouvoirdeschefs ou cheikslocaux, en lutte ou alliés
entre eux,etlesrelations avec lemakhzenvariaient constamment, selonque le
Sultan approchait avec des forces ou qu'on avait besoin de son aidedans les
querellesinternes. La zone du Sous étaitdans cette situation instable, qui se
compliquait encore du fait que des principautés presque indépendantes 150 SAHARA OCCIDENTAL (OP. IND.DE CASTRO)

échappaient plus ou moins au pouvoir du Sultan. Lescartographes connais-
saient bien la zone de la côte, mais devaient tenir compte de ses variations.
Celaexplique quedans lescartes du Maroc,dèsle XVIIejusqu'au XIXesiècle,

la frontière du Maroc est placéeau cap Noun, au sud du Noun, au nord du
cap Noun, à la rivière Messa, au cap Agulon, au cap Juby, à l'oued Draa,
limitéepar la régiondes Maures indépendants et par le Royaume ou Etat de
Sidi Hicham et de l'oued Noun. Sur ces principautés, on nous dit: « Taze-
roualt correspond à1'Etatde Sidi Hichâm ..[il]renfermela bourgade de Iligh

et le tombeau (Koubba) de Sidi Ahmed-Ou-Moussa » (H. de Castries,
« Notice sur la régionde l'oued Draâ », Bulletinde la société de géographie,
1880,tome XX, p. 500).Le pays de l'oued Noun (au sud de Tazeroualt) était
appelé aussi, du nom du fondateur de la dynastie, Etat de Abid Allah Ou

Salem; les représentants en étaienten 1880les frèresBeyrouk.

« Tazeroualt et l'oued Noun n'ont jamais dépendu, en réalité,du
Maroc. Cependant, d'après l'auteur du Rodh-el-Kartas, le souverain
Almohade Abdel Moumen (1159)étendit sonautoritésur cescontrées. ))

(Castries, op.cit.,p. 501.)
Il convient de noter que, vers 1765,la majeure partie de la confédération

des Tekna, établie à l'embouchure du Draa, s'était libérée ducontrôle
marocain 1. Les Tekna marocains ne doivent pas êtreconfondus avec les
Tekna libresdu Sahara 2.
La situation politique de la zone était encore compliquéepar lefait que les

chefs de la zone étendaient leur pouvoir, ou prétendaient détenirle pouvoir,
dans la zone de Tarfaya. Ainsi Beyrouk conclut comme un pouvoir indé-
pendant des accords avec Mackenzie pour l'établissementd'un entrepôt au
cap Juby et il essaya de pousser les Puissances européennesà construire un
port dans la région,contre les intérêts et malgré l'opposition du Sulta.ela

n'empêcha pasàun certain moment, lorsque lesdifférendsdesBeyrouk avec
les Marocains prirent fin, Beyrouk d'être nommé caïd par le Sultan; mais, de
ce fait même,Beyrouk vit disparaître son autoritésur lestribus Tekna (Trout,
MoroccoSSaharan Frontiers,Genève,1969, p. 151).

La pousséedes armées françaises devait tout changer (F.de la Chapelle,
« Esquissed'unehistoire du Sahara occidental »,HespérisX , I, fasc. 1-2,1930,
p. 90). Mais, comme le disait Miègedans son précissur le Maroc, c'est aux

1 Leconseildela Mauritanieobserve aussiquela confédération dTesekna,prèsde
l'embouchuredu Draa, échappait elle-même en partie au contrôle' du Sultan »
(audience du9juillet).
Ladistinction estducolonelLahure,citépaF.dela Chapelle« LesTeknadu Sud
Marocain», L'Afriquefrançais1e 933, p. 791. LaChapelle ajoute:«Cette division,si
superficiellequ'ellesoit, synthétise bien la situation réciproqduees nomadeset des
sédentaire»,en soulignant que«leslimitesnesontpas toujoursprécisesentrelesdeux
genresde vie». SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)
151

forces de la France que le Maroc dut la pacification des zones insoumises.
Pour la première fois, l'ensemble du pays dépendait d'un même pouvoir
central. L'immédiate conséquence enfut la prise de conscience nationale. »
(Miège, Le Maroc,Paris, 1950, p. 43.)
Cette particularité du bled siba explique et justifie la clause dite des

naufragésde la zone du Sous '.On en trouve l'originedans letraitéde paix et
de commerce du 28 mai 1767 entre le sultan du Maroc et le roi d'Espagne.
Plus tard elledevient une clausehabituelle dans lestraitésdu Maroc avec les
Puissances européennes 3.C'est que l'idéede la souverainetéimpliquant la
responsabilitépour lesfaits illicitesdessujetsestbien connue du Maroc. Pour

affirmer la notion d'un Maroc souverain dans toutes les régions qu'il
revendique comme lui appartenant, Moulay Hassan décidede discuter des
demandes d'indemnités qu'onlui présente, afinque ne soit pas miseen doute
son autoritésur ces territoires, augmentant ainsi, dit Miège,l'hémorragiede
numérairedont souffre 1'Etat (Le Marocet l'Europe,III, p. 357; IV, p. 417).

Une autre conséquencede cette étrange situation du bled siba est que les
autoritésmarocaines ne peuvent fixerla frontièresud de l'Empire marocain.
Lesdemandes réitéréedses Puissances européennessur les limites du Maroc

ne trouvent pas de réponsesprécises.Tout au plus invoque-t-on les vieilles
aspirations impériales(Miège,op. cit., III. p. 305-306). Le sultan El Hassan
Ben Mohammed répondra aux demandes pressantes espagnoles que les
frontières du territoire sur lequel s'exercesa souverainetésont: « L'Egypte
d'un côté, leSoudan d'un autre et Maghnia d'autre part » (documents

présentéspar leRoyaume du Maroc, ann. 9 (A),11et 12).
L'opinion généraleà l'époque estque la zone du bled siba a sa limite
extrêmeà l'oued Draa (Trout, op. cit., p. 137). Sir John Drummond Hay,

1 Leshabitants de cette zone avaient l'habitude de faire captifs les naufragés qu'ils
trouvaientsur leurscôtesetde ne lesdélivrerque moyennant de fortes rançons. En face
des réclamations desEtats dont les captifs étaient ressortissants,les sultans devaient
aider àleur rachat, au besoin en,payant eux-mêmeslarançon.
2 Dans letexte reproduit par Lazrak, l'article 18du traitééno«S.:M. Impériale
s'abstient de délibérerau sujet de l'établissementque S. M. Catholique veut former au
sud de la rivière Nun (ouedNoun) car ellene peut serendre responsable des accidents
et des malheurs qui pourraient se produire, vu que sa souveraineténe s'étend pas
jusque-là et que les peuplades vagabondes et féroceshabitant ce pays ont toujours
causé des dommages aux gensdes Canaries et les ont même réduitsn captivit»(op.
cit..D.389-390). Clause en harmonie avec la lettre du Sultan au roi Charles III
(informations et documents du Gouvernement espagnol, IIIann. 7, app. 2). L'un et
l'autre ont été. au codes exposésoraux devant la Cour, l'objet d'une polémiqsur
latraduction et lesensdesdocÛmentsen arabe. (Sur letraité,voir audiences des3,21 et
25juillet; sur la lettre du Sultan, voir audiences des 21 et 25juillet.)

3 Cette clausefiguredans letraitéentreleMaroc etlesEtats-Unis du 25janvier 1787,
dans l'article 22 du traitéde paix, d'amitié,de navigation, de commerce et de pêche
entre le Maroc et l'Espagne du ler mars 1799 et dans les traités duMaroc avec la
Grande-Bretagne (8 avril 1791), les Etats-Unis (16 septembre 1836) et la Grande-
Bretagne (9 décembre1856). SAHARAOCCIDENTAL(OP. IND.DE CASTRO)
152
défenseurattitrédes droits du Maroc, déclareque « la domination légale 1du

Sultan ne s'étend pas au-delàde l'oued Draa » (Miège, op. cit.III,p. 305,
note 3).
Dans son exposé oral devant la Cour, l'un des conseils de la Mauritanie,
tout en tâchant de montrer que le bled siba s'étendait au-delàdu Draa, a dû
avouer que plus on se rapprochait du Draa, «plus l'allégeanceau Sultan se

diluait, pour disparaître totalement au niveau de l'oued Sakiet El Hamra »
(audience du 9juillet).
L'achatpar leSultan de lafactorerie de Mackenzie au cap Juby, envertu du
traité du 28 novembre 1895, ne change pas la situation de la zone. La
confédération des Tekna ne reconnaît au Sultan que son autorité religieuse.

La vieille factorerie du cap Juby est une enclave aux mains du Sultan
considéréecommeune place extra-territorialisée, avecunegarnison militaire
minimeetsans influenceaux alentours 2.

5. Cartes géographiques

La nature toute spéciale dubled siba révèleson importance dans le cadre
des relations internationales. Même si,pendant des annéesou pendant un

siècle,leMakhzen n'a exercéaucuneautoritédans un territoire du bled siba,
ce territoire reste toujours considérépar les Puissanceseuropéennes comme
étant dejuresous l'autoritédu Sultan. Au fond les Puissancesconsidèrent les
territoires du bled siba comme des zones réservées à l'influencede l'autorité
chérifienne.C'est cette reconnaissance internationale qui permet de parler

d'une souveraineté,quin'est presquejamais exercée.
Cette caractéristique du bled siba justifie l'importance à accorder aux
cartes géographiques, qui montrent quelle étaitl'opinion internationale de
l'époquesur les frontières reconnues à l'Empire marocain. Elle a pour
conséquencede limiter la possibilité,pour les Puissances,d'occuper certains
territoires et d'obliger ces Puissances les considérer comme inclus dans le

devoir de respecterl'intégritdel'Empire chérifien(acted'Algésiras du 7 avril
1906;déclaration franco-espagnole du 3 octobre 1904).
La Cour a disposé d'uneimportante documentation cartographique four-
nie par le Gouvernement espagnol, conformément à la demande de l'As-
sembléegénérale de soumettre à la Cour tous renseignements et documents

pouvant servir à éluciderles questions posées.Dans l'annexe B-1 on trouve
quarante-quatre cartes datées de 1630 à 1887 et éditéesen France, en
Angleterre, aux Pays-Bas, en Italie, en Allemagne, en Autriche et en Amé-
rique du Nord. Dans l'annexe B-2,il y a encore six autres cartes éditéesen
France et en Allemagne. Ainsi queje l'aidit, ces cartes décrivent la frontière

sud du Maroc comme longeant diverscaps et rivièresdu bled siba, mais ne la
1C'est-à-direnon defacto,mais dejure ouà titrede zone d'influence légitime de
l'autoritduSultan.
*11est à noterque le cap Juby, bienqu'ilsoit au-delà duDraa, est au nord du
parallèle7"40' et plusloin encorede l'ouedSakietEl Hamra.LeSultan soutenait
contrela Grande-Bretagne queledistrictdépendaidtesonautorité,maiislavouaitn'y
posséder «pasleplus petit pouvoirdecontrôle»(Miège, op.citIII,p.305). 153 SAHARAOCCIDENTAL (OP.IND.DECASTRO)

portent jamais au-delà de l'oued Draa, ce qui coïncideavec lestémoignages
écritsde l'époque.

Sur la carte V de l'annexe B-2, tiréede Die DeutscheHandelsexpedition
1886 par le Dr R. Jannasch, Berlin, 1887, on remarque clairement les
anciennesfrontièresdu Maroc (alteGrenzevonMarokko), établiessurl'Atlas,
et les frontièresdes territoires se trouvant dans une situation de dépendance
envers le Sultan(GrenzederjenigenLander,welchezum SultanvonMarokko
im Abhangigkeits-Verhaltniss stehen, c'est-à-dire le bled siba), lesquelles

suivent l'oued Draa.
Les limites du pays du Sous se voient sur la carte XI (ann. B-2),tiréede
l'Œuvrede R. Montagne, Les Berbères et le Makhzendans le sud du Maroc.
Elles vont du Haut Atlas jusqu'à l'ouedDraa 1.
L'importance des cartes géographiques comme preuve des limites entre
Etats est évidenteet ellesemble décisivelorsque lestémoignages coïncident.

En l'espèce lescartes montrent bien que la communauté internationale
considéraitl'oued Draa comme la limite sud du Maroc. Lesconnaissances et
l'objectivitédesauteurs decartes de l'Afriquenesontpas douteuses. Ilestvrai
qu'ilyavait àl'intérieurde l'Afriqueune terraincognita,mais la situationdes
territoires près des côtes était bien connue. Les intérêts commerciauxet
politiquesà l'égardde ces régionsétaientconsidérableset les informations

des navigateurs, commerçants et voyageurs étaientcontinuelles.

6. Liens historiquesavecle Maroc
Le fait que le Maroc ait affirmédes droits de souverainetésur le Sahara

occidental appelait l'examen, comme question de fait, de la façon dont ces
droits ont étéacquis et de leur maintien éventuelau moment de la colonisa-
tion.
Le Maroc, auteur de la revendication, devait donc établirà la satisfaction
de la Cour àquel moment et par quelsmoyens l'Empire marocain a acquis le
Sahara occidental. Est-ce par voie de conquête? Y a-t-il eu une vraie

debellatiodes tribus du Sahara? Est-cepar voie de cession? Par quelstraités?
Est-ce par voie d'occupation? Le Sahara était-iterranullius?
S'agissantde savoir s'ily a eu une intégrationdu Sahara occidental, il faut
voir comment le Marocen a pris possession. Il faut que la possession ait été
effectiveet qu'elle n'ait été ni transitoirenitemporaire. ne suffitpas d'un

TroutreproduitlescartesdeRenoude1844etduministère françaisdelaguerrede
1848 (op.citp.478-481)D. anslacartedeRenou,onvoitleslimitesde1'EtatdeSidi
Hicham.On trouveaussi des référenc es1'Etatde Sidi Hichametà la régiondes
«Mauresindépendant» sdanslescartesXXIII-XXIX,XXXIVetXLII(1830-1887d)e
I'annexeB-1desinformationsetdocumentsprésenté psarleGouvernementespagnol.
LaseulecartefournieparleMaroc(en premierlieudanssonlivrede documents)
a pu induireenerreur,car ellenesignalepas lafrontière marocain, aisune limite
entreleszonesfrançaiseetespagnolepassantparlecapBlanc,cequiseretrouvedans
uneautreéditiondelamêmc earteproduiteparleGouvernementespagnoeltdansune
carteaccompagnantlerapportdes autorités françaisedsu Sénégdal 1891etdélimi-
tant la«sphèred'influencefrançaise» et le «protectorat espagnol» (documents
complémentairepsrésentépsarleGouvernementespagnola,nn.B-2,cartes 1et IX).154 SAHARAOCCIDENTAL (OPI.ND.DE CASTRO)

vague animuspossidendi, d'un « droit de voisinage »ou d'une appartenance
comme celle du Maroc au Dar el Islam.

Dans l'hypothèse où l'une des incursions des Marocains en territoire
saharien aurait été considéréecommeunp erise de possession d'un territoire
sansmaître ou commeune conquête,ilfallait examiner sileretrait desforces

marocaines avait eu l'effetjuridique d'un abandon. Selon le point de vue le
plus raïsonnable, ilyaabandon lorsque 1'Etatenvahisseur n'a pasétablidans
leterritoireuneadministration rendant effectivela continuitéde sonoccupa-
tion et assurant l'intégration du territoire dans son organisation étatique. On
doit en outre prouver cette intégration ab extra en montrant que I'Etat

acquéreur était responsableenvers les au,tres Etats des faits des autorités et
habitantsdu territoire 1.

La colonisation espagnole s'est faite dans la période critique sans opposi-
tion marocaine, que ce fût de la part de l'arméeou du gouvernement. Cela

peut expliquerque le Maroc ait tenu à dire à la Cour que « le fait historique
n'est autre chose en cequi le concerne quel'existencemultiséculaire de 1'Etat
marocain exerçant une possession immémoriale au Sahara occidental » et
qu'il ait ajouté que«le Maroc peut se prévaloir de l'exercice plusieurs fois
séculaireet historiquement démontré de la souveraineté au Sahara occi-

dental » et qu'«au moment de la colonisation espagnole le Maroc est
considéré commele possesseur immémorialpar la communauté internatio-
nale »(audience du 3juillet).
LeMarocétait-ilen possessionduSahara occidentalaumoment delacolo-
nisation espagnole? L'allégation de la possession immémorialen'exempte

pas de la preuve de la possession. La possession immémorialesive indejînita
se manifeste-comme un fait actuel et évidentdont personne ne connaît le
commencement. Elle nécessite ;a réalisation de deux conditions. L'une
positive: la preuve d'une possessio pacifique dans la période critique,exercée
depuis un temps si long qu'il n'ya plus souvenirdu moment où ellen'existait
pas encore. L'autre négative:le caractère ininterrompu, c'est-à-dire ni spora-

dique ni transitoire, de la possession.
Le Marocn'a pas essayéde prouver sa possession du Sahara occidentalau
moment de la colonisation espagnole. Il a entendu prouver sa possession
immémorialepar une sériede faits isolésétablissant,selon lui,une possession
continue du sultan du Maroc à titre de souverain. 11faut donc examiner ces

faits et voir s'ils offrent les conditions nécessaires pour entraîner une
conviction raisonnable quant àla preuve de la possession immémoriale 2.

Selonl'axiomedeBugeaud:«EnAfrique,uneexpéditionnonsuivied'occupation
ne laissepasdetrace plus durable quecelle faiteparle sillaged'unnaviresur la mer
immense.»(Bernard,LeMaroc, Paris, 1915,p.350.)
2 Les allégationsdu Maroc laissentencoreplanerun doute non dissipédevant la
Cour:Quelle est lavaleurdesmêmes faitest argumentsemployéspouratteindredes
objectifsdifférents:revendicatiosnuccessivedu Grand Maroc,de la Mauritanie,du
Saharaoccidental,dunord du Saharaoccidental? SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND. DE CASTRO)
155

a) Relations continues entrele Marocet le Sahara

Lesexposésprésentés àla Cour par leMaroc mentionnentcommedes liens
historiq.espe.tinents l'existencede relations immémorialesentre le Maroc et
le Sahara, ainsi qu'une sériede faits particuliers citéscomme preuves du
pouvoir du Maroc sur le Sahara occidental.
Dans la deuxième partie de son exposéécrit, leMaroc fait ressortir, en

mettant le texte en italiques, l'importance qu'il attribue à «ce fait essentiel
dans l'histoiremarocaine: la conquête périodique du Maroc intérip eurr le
Maroc extérieur ...Le plus souvent, une dynastie néeau-delà de l'Atlas a
conquisle Marocatlantique ».

Le passage citéest employé d'unemanière équivoque;il semble avoir été
interprétécommesignifiant qu'ily a deux Maroc, l'intérieur et l'extérieur, et
que le Maroc extérieur est leSahara. Cette phrase de l'exposémarocain est
reprise mot pour mot de l'Histoire du Marocd'Henri Terrasse (Casablanca,

1949, 1,p. 13).11faut donc voir ce qu'est leMaroc selon cet auteur. Dans la
carte hypsométriquedu Maroc qui estinsérée dans son livre(p. 8-9),la limite
sud du Maroc est le Draa. Pour Terrasse, le Maroc a des façades mariT
times (p. 4-6) et des façades et accès terrestres (p. 6-10); en les étudiant, il
relève I'importance de la façade présaharienne du Maroc, c'est-à-dire la

place que

«cesconfins semi-désertiques,parsemésd'oasis, ont tenu dans la vie du
pays. Leur rôle fut double: les oasis de valléesqui s'échelonnentdu
Tafilelt au Draa, par le Gheris, le Todgha et le Dadès ont constituéun

couloir d'invasion et, par-là, une des entréesdu Maroc ...

Lesoasismarocaines, qui ont été un vestibule et une entréesecondaire
du Maroc,furent aussilesponts du désert.Lescaravanes quitraversaient
le Sahara occidental aboutissaient au Draa ou au Tafilelt. ))(P. 7.)

«ces liaisons caravanières avec le monde saharien et l'Afrique noire,

même lorsqu'ellesfurent continues, restèrent légères et fragile s..
LeMaroc estdonc, dans son ensemble,un pays isolé. Ilne possèdesur
l'extérieurque trois voies d'accèsde valeur inégale ...enfin une longue
rue d'oasis qui ne donne guère d'accèsdirects qu'à l'extrêmesud du

pays, maisqui est un des aboutissants du Sahara et du Soudan. »(P. 10.)

Dans la «Vue d'ensemble )) qui termine l'Œuvrede Terrasse, le Maroc
extérieurest considérécomme constituépar «le Maroc oriental ))et«la zone
des oasis »(ibid.. II, p. 460-464).De la zonedes oasis, Terrasse dit encore:

((Lesdeuxprovincesoccidentales de cette zone présaharienne,leSous
et lebas Draa, eurent souvent une destinéeà part. LeSous a toujours été
depuis les Almohades au pouvoir du Makhzen. Mais, de cette étroite

enclave, en bled siba, les Sultans n'ont que rarement pu étendreleur
emprise sur la montagne et lesoasis. ))(P. 463.)156 SAHARAOCCIDENTAL(OP. IND.DE CASTRO)

Il semble donc évident que, selon Terrasse (dont l'autoritéest reconnue

tacitement par le Maroc), le Maroc extérieurest lazone présaharienne,dont
la limite est le Draa ',et donc que le Sahara occidental est en dehors des
frontièresdu Maroc.

b) Epopéealmoravide

L'exposéécritmarocain (deuxième partie) a consacréplusieurs pages à
faire ressortir l'importance des Almoravides dans l'évolutiondu Maroc et ce
développement se fonde sur des citations de l'Œuvrede Terrasse. L'exploit
étonnant des Sanhaja au Litham, la conquêtedu Maroc (ainsi que de l'Es-
pagne musulmane) par des Sahariens ont été considérécsomme décisifs,

peut-être avec raison,pour l'existencedu Maroc (Terrasse, op.ci?.,1,p. 256).
Mais l'union et la relation entre le Sahara et le Maroc ont étde bien courte
durée.D'autres passagesdu livre de Terrasse expliquent comment elles ont
pris fin. Abou Bekr, devenu seul chef du mouvement almoravide, voulant
réglerdes dissensions qui venaient d'éclaterau Sahara, laisse le commande-

ment du Maroc almoravide à son cousin Yousof b. Tachfin «à qui il fait
épouser Zeïneb, préalablement répudiés euivant la loi. Au retour d'Abou
Bekr,Yousof devait lui rendre son commandement et son épouse » (p. 222).

« Yousof b. Tachfin avait affirméson pouvoir et enracinéau Maroc le
mouvement almoravide. L'aventure des Sanhaja au voile, saharienne à
ses débuts, devenaitde plus en plus marocaine. Le retour d'Abou Bekr
allait êtrel'occasion d'un geste décisif.

Abou Bekr rétablitla paix au désert.Croyant avoir assuréles bases
mêmesdu mouvement almoravide, il revint vers le Maroc pour y
reprendre ses conquêtes.Yousof b. Tachfin, sur le conseil de Zeïneb,
décidade ne pas rendre àAbou Bekrlepouvoir suprême,touten évitant
une lutte àmain armée.IIseporta au-devantd'Abou Bekravecde riches

présentset une solide escorte. Lorsque les deux chefs se rencontrèrent,
Abou Bekr s'étonnade ces cadeaux: «C'est pour quetu ne manques de
rien au désert»,lui réponditYousof b. Tachfin. Abou Bekr comprit et il
retourna au pays des Lemtouna. Il étaitrestéun Saharien; Yousof b.
Tachfin était devenuun Marocain ...

Le mouvement almoravide au Maroc était pratiquement coupédu

1 La mêmelimitesuivantl'oued Draa est indiquéedans lescartes s«rLeMaroc au
temps des Idrissides »(1,p. 11l), « LeMaroc entre lesIdrissides et lesAlmoravides »(1,
p. 167),« Lepeuplement du Maroc au débutdu Xlcsiècle»(1,p. 195),« LeMaroc sous
les Almoravides » (1, p. 233-234), « Le Maroc des Almohades » (1, p. 264-265), « Le
Maroc sous les Mérinides»(II, p. 24-25),« Lesentreprises portugaises au Maroc »(II,
(II, p. 168-169)et « Le Maroc sous les Alaou»(II,p. 248-249).roc sous les Saadiens »
IIfaut noter aussi que l'existencede dynasties d'origine saharienne et lesconquêtes
du Maroc par les Sahariens (Almoravides, Ma el Aïnin, El Hiba) ne signifient pas
l'annexion du Maroc au Sahara: ce sont des exploits sans avenir. 157 SAHARAOCCIDENTAL(0P. IND. DECASTRO)

désert;ilne lui restait plus qu'une issue:achever laconquêtedu Maroc. ))
(P. 223.)

Cette citation sert à montrer, au moyen d'une anecdote symbolique, la
rupture qui intervient à nouveau entre les deux mondes: le Sahara est oublié
Dar les Almoravides devenus Marocains. Ainsi le Maroc. sous les Almora-

bides, a comme frontière sud l'oued Draa (carte figurantZdansl'ouvrage de
Terrasse, 1,p. 232-233).

c) Conquête de Tombouctou
Lesincursions ou expéditionsdessultans du Maroc ont un but bien limité.
Ellesont des raisons économiques bien connues. Il s'agit des mines de selde
Taghazze, de lagomme arabique, de l'or et des esclaves noirs du Soudan. Le

sultan Moulay Ahmed elMansour, est-ildit, arriva àétablirson autoritédans
le Sahara, après sa conquêtede Tombouctou. Son expéditionvictorieuse et
éclatanterententit dans tout le Sahara et, à sa suite, le Marocput maintenir
son influence sur le Soudan. Celle-ci dura de 1591à 1612.Le sultan Moulay
Ismaïl s'intéressaà nouveau au Soudan, surtout pour acquérirdes esclaves

noirs, et il réussit le mettre sous son influence; mais, à sa mort en 1727,le
tribut de Tombouctou cessa.

Lesexpéditionsmarocaines vers le Soudan eurent une influenceéphémère
au Sahara. Lessultans n'avaient d'intérê ptour ceslieuxdésertiquesquedans
la mesure où le chemin à suivre pour arriver au Soudan les traversait. Les

tribus sahariennes n'étaient pas enmesure de résister,mais ellesrecouvraient
toute leur libertéaprès le départdes forces marocaines. On doit noter aussi
que lesexpéditions marocaines suivaientleparcoursordinairedes caravanes,
c'est-à-dire letrajet de Tindouf au Sénégale,n laissant de côtél'actuel Sahara
occidental, chemin plus éloigné et inhospitalier.
Malgrélecaractèretrèslimitéde cesconquêtes,elleslaissèrentun souvenir

durable. Elles expliquent les réponsesdonnéesaux Puissances européennes
par les autorités marocaines qui ont prétendu que les domaines du Sultan
allaient jusqu'au Sénégal,àTombouctou et sa région,sous le prétexteque les
sultans avaient été souverainsde ces territoires et se considéraienttoujours
comme tels (Trout, op. cit., p. 137; qui cite Miège,op. cit., III, p. 305). Ces

revendications trouvent leur échodans l'idéedu Grand Maroc prêchép ear El
Fassi.

d) Tentatives de soumettre le Sous
Le sultan Moulay Hassan (« le Sanguinaire ») arrive à établir l'autorité
chérifiennegravement entaméesous Mohammed XVII (1859-1873).Dans la
régiondu Sous, I'Etat maraboutique du Tazeroualt et la principauté des

Beyrouk ne reconnaissent pas leur dépendance envers le Makhzen. Les
énormesdroitsd'importation et d'exportation prélevés au port de Mogador,
qui détientle monopole du commerce de la région,poussent les cheiks du
Sous àsemettre en relation avecdes Européenspour ouvrir des ports lelong
de leurs côtes et y disposer ainsi de débouchés commerciauxlibres d'impôts.158 SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND. DE CASTRO)

En 1879Beyrouk signe pour Mackenzie une charte de concession donnant à
la North West African Company le monopole du commerce maritime dans
les territoires de l'ouedNoun. Si Hossein, chef du royaume berbère du

Tazeroualt, a des pourparlers poussésavec des commerçants français pour
l'établissementd'un autre port. Ily a aussides projetsespagnols, allemandset
belges aux mêmesfinset avec lesmêmes personnages.

Tout cela suppose un grave périlpour les finances et pour l'autoritédu

Sultan, qui se décide à l'action militaire sur les conseils, semble-t-il, de sir
John Drummond Hay. En mai 1882 Moulay Hassan pénètredans la plaine
du Sous avec une arméede quarante à soixante-dix mille hommes, selon les
évaluations.Les difficultésde ravitaillement ne lui permettent pas de pousser
jusqu'à Goulimine. Il n'y a pratiquement pas de combat. Les notables de
toutes les tribus de la région se présentent au Sultan et promettent de

s'opposer aux agissements desétrangers.Dès lafindu mois dejuillet, l'armée
seretire (Miège,op.cit.,III, p. 351).
Les résultatsde cette premièrecampagne nesont pas décisifs.En 1884un
mouvement insurrectionnel des tribus chasse lescaïds nomméspar le Sultan.
En 1886Moulay Hassan décidede seremettre en campagne avecune armée

de quarante mille hommes. Letitre de caïd est donnédans toute la plaine du
Sous ade nombreux cheiks de Si Hossein. Décidéà occuper aussi complète-
ment que possible .le Sous, le Sultan établit une sériede postes à Tiznit, à
Kasbah Ba Amrane, à Assaka, à Goulimine (Miège,op.cit.,III, p. 352-354).

Les deux expéditions de Moulay Hassan 1 ont pour effet la perte de

l'indépendancedu Tazeroualt et de l'influence des Beyrouk, mais l'autorité
du Sultan, toujours plus nominale qu'effective, ne s'étendpas aux tribus
au-delà du Draa (Trout, op.cit.,p. 153-155et carte 16).
La décadence du pouvoir du Sultan après le traité de 1884 s'aggrave
pendant lerègned'Abdel el Aziz IV(1894-1908),quesesgoûts européensetsa
propension àaugmenter lesimpôtsrendent impopulaireetqui seheurte àdes

rébellionsdans toutson Empire. Dans lebled siba engénérae lt en particulier
dans le Sous, l'anarchie règneet les pillages deviennent de plus en plus
fréquents.
Malgré l'appui du Sultan, Ma el Aïnin se heurte à l'opposition non
seulementdes Tekna mais aussi des Aït Moussa de Goulimine (Trout, op.cit.,

p. 156). L'indépendance desSanhaja, des Regueibat, des Beraber et des
Touareg s'affirme et elle està l'origine de nouvelles luttes entre tribus du
Sahara (F.de la Chapelle, «Esquisse d'une histoire du Sahara occidental »,
HespérisX , 1,fasc. 1-2, 1930,p. 90).

Au moment où la colonisation espagnole de la Sakiet El Hamra aurait pu
commencer (traitédu 27 novembre 1912),I'autoritédu Sultan a disparu dans

Elles ne dépassent pas l'odoun (audiencedu2juillet). 159 SAHARAOCCIDENTAL (OP.IND. DE CASTRO)

la zone 1. C'est I'époquede la lutte des fils de Ma el Aïnin contre les
Marocains, considéréspar eux comme traîtres àla cause musulmane.

Il semble quece ne soit pas sans raison que l'on ait dit:

«Ainsi jamais, sauf au Soudan à l'époquede Al Mansour et au
Touat-Gourara pendant le règnede quelques sultans particulièrement
actifs,asouveraineté marocaine nes'estexercéesurleSahara » (Husson,
op.cit.,p. 56;les italiques sont dans le texte).

e) Ma el Aïnin

Les porte-parole du Maroc ontdonné une importance extraordinaire à la
figurede Ma el Aïnin, convaincus quesa vieet sesexploits appuient de façon
probante la thèsemarocaine de l'intégrationdu Sahara occidental àl'Empire
marocain 2.

Al'Assemblée généralM e,. Laraki a rappelélaconduite de Ma elAïnin, qui
a combattu avecacharnement la pénétration française,et il a demandé:«Y
a-t-il fait historique illustrant de façon aussi frappante la détermination
du peuple marocain à préserver son unité nationale et territoriale?))
(A/PV.2249.) Ses luttes contre le colonialisme au Sahara occidental et au

service du Sultan du Maroc ont étéexposéesdans la deuxième partie de
l'exposéécritdu Maroc.
L'intérêdtu Marocpour Ma elAïnin estfort explicable. Ma elAïnin, néau
Sahara, fonde Smara dans le territoire de la Sakiet El Hamra. 11aura des
relations étroiteset amicales avec lesultan du Marocpendant de nombreuses
annéeset des relations avec le Maroc jusqu'à la fin de sesjours. L'histoirede

la vie de Ma el Aïnin et 'deses fils contredit néanmoins de façon flagrante
l'idéequeMa elAïnin est devenu sujet du Sultan et qu'il afait de la Sakiet El
Hamra une partie intégrantedu Maroc '.
Ma elAïnin aurait pu êtreun autre Yousof b. Tachfin, lehéros almoravide.
Luiaussiestoriginaire du Sahara et estune personnalitéreligieuseetguerrière

d'un prestige extraordinaire, exerçant une influence dominantesur plusieurs
tribus sahariennes. Mais lesconditions sont autresqu'a I'époquedesAlmora-
vides. L'objectifde toute sa vie sera de lutter contre la pénétration française
qui se manifeste de plus en plus au Sahara. II semble y êtrepoussénon
seulement par le désirde livrer la guerresainte à l'infidèle,mais aussi par la

nécessité desurvivre. Les sources du commerce d'esclaves noirs, fondamen-
tales pour son économie,sont en effetmenacées etl'avance française coupe

1 Même la factoreriedu kap Juby, qui avait été venduear le Gouvernement
britanniqueau Sultanen 1895,étaitabandonnée par leSulta» en 191(ipforma-
tionsetdocumentsprésentépsar leGouvernementespagnola,nn.19,app.11).
2 Dans La Républiqueislamiquede Mauritanieet le Royaumedu Maroc.p. 1Ma
elAïnin estmentionnédansl'argumentation historiqsurl'appartenancedela Mau-
ritanieau Maroc.
II faut lirelesrenseignementsdonnés surla viede Ma el Aïninpar MM.Ould
Maouloudet Yedali OuldCheikh(audiencedu9juillet). 160 SAHARAGCCIDENTAL (OP.IND. DECASTRO)

de manière progressive et inexorable les voies de son commerce avec le
Sud.
Ma el Aïnin cherche dèslors des alliéspartout. II demande de l'aide aux
Allemands et aux Espagnols et surtout il s'efforce d'obtenir l'alliance du
Maroc, qui est la Puissance musulmane la plus voisine etqui sesent lui aussi
menacépar la France. De son côté, leMaroc voit dans Ma elAïnin un alliéau
Sahara, utile pour l'aider contre la progression des armées françaisesqui

l'encerclent par le sud. Alliance naturelle, mais qui devient vite difficileen
raison de l'influence croissante exercéepar laranc sur le Gouvernement
marocain.
Le pouvoir de Ma el Aïnin au Sahara est toujours limité.Sa politique, qui
s'appuie sur l'autoritédu Sultan, et ses appels à l'union destribus autour du
Sultan pour résisteraux Français seheurtent àlaméfiancedeschefsdestribus

sahariennes à l'égarddes Marocains, ainsi qu'à l'esprit d'indépendance des
Tekna et à l'inimitiédu puissant cheik Sidia. En fait Ma el Aïnin ne perd
jamais son indépendanceetson initiative politique; iln'estpas sujetdu Sultan
et les autorités marocaines n'exercent pas la moindre influence dans le
territoire dominéDarlui 1.
Lorsque son alliance avec le Maroc est àson zénith,leslettres du Sultan et

de Ma el Aïnin contiennent maintes expressions d'amitié et de loyauté,
rédigéesàlamode fleuriede l'époque;Ma elAïnin y apparaît comme envoyé
par le Sultan pour l'union des mahométansdu Sahara contre l'envahisseur
infidèle.

Mais les relations entre Ma el Aïnin et lessultansiront en se détériorantà
mesure que se fera le rapprochement du Maroc et de la France. Pendant

quelque temps, la politique du Maroc sera d'aider en secret Ma el Aïnin à
résister,en favorisant la contrebande des armes pour les Sahariens grâce à
l'enclavemarocaine decap Juby. La France netarde pas àselasser du double
jeu du Maroc et impose finalement laconvention du 4 mars 1910,par laquelle
le Maroc s'oblige à empêchertoute aide à Ma el Aïnin (art. 10). La
conséquenceimmédiatede la nouvelle politique marocaine sera une éner-
gique réaction de Ma el Aïnin contre le Maroc. Il se proclame sultan et

marche contre Fès,mais ilest arrêtépar l'arméedu général Moinier et vaincu
à Tadla. Après sa mort, son fils El Hiba se proclame sultan en 1912 et,
envahissant le Maroc, il arrive à prendre ~arrakech; il sera vaincu par
l'arméedu généralMangin. Lestroupes françaises évitent ainsique le Maroc
ne soit conquis par une arméede Sahariens.
L'indépendancedes successeurs de Ma el Aïnin et des autres groupes de

tribus du Sahara qui ne les suivent pas se maintient jusqu'en 1934; la
«pacification »totale du Sahara,comme cellede lazone présaharienne,estle
résultatde la consolidation du «fait colonia».
IIn'ya pas de preuves établissantqueMa el Aïnin ait pris possession de la

Surl'indépendance religieuseet poliàel'égardu Sultan,voirsesdéclarations
au coursde son premierpèlerinageà La Mecque(audience du9juillet).161 SAHARAOCCIDENTAL(OP. IND. DE CASTRO)

Sakiet El Hamra ou de quelque autre territoire du Sahara au nom du sultan
du Maroc. Il y a des preuves que lestribussahariennes de l'obédiencede Ma

el Aïnin neseconsidéraient paset n'étaient pas considéréecsomme dessujets
marocains. L'acceptation de l'autoritéreligieuse du sultan du Maroc était
précaireelle aussi; elle était invoquéetant qu'elle pouvait êtreutile pour
pousser àla lutte contre la France. Une foisperdutout espoird'aide de la part
du Maroc, le désaveude l'autoritédu Sultan ne pouvait prendre une forme

plus radicale: Ma el Aïnin puis son fils El Hiba se proclamèrent sultans des
croyants et envahirent le Maroc.

f) Accordanglo-marocaindu 13mars 1895
Comme il a déjà été dit, il existe des preuves apparemment incontestables

établissantque la frontièredu Maroc àl'extrêmesud setrouvait tout au plus
àl'oued Draa. C'esten tenant compte de ce faitétablique l'ondoit envisager
I'accord anglo-marocain de 1895(Lazrak, op.cit.,p. 172et suiv.).

Cet accord met fin aux difficultés néesentre le Maroc et la Grande-

Bretagne au sujet de l'établissementde Mackenzie au cap Juby. Dans la
première clause de I'accord, il est dit que, si le Gouvernement marocain
achèteledit établissement à la North West African Company:

«no one willhave any claim to the landsthatare between Wad Draa and
Cape Bojador, and which are called Terfaya above named, and al1the
lands behind it, because al1this belongs to the territory of Morocco ))
(Lazrak, op.cit.,p 406).

La clause 11ajoute:

« It is agreed that this Government shall give its word to the English
Government that they willnot giveanypart of the above-named lands to
any one whatsoever without the concurrence of the English Govern-

ment. » (lbid.)
Cestextessont considérés comme la reconnaissance de ceque la souveraineté

du Maroc ne s'étend pas seulemententre le Draa et le cap Bojador, mais sur
tout le Sahara occidental (ibid., p. 173).
Sur la valeur de l'accord, ilfaut faire lesobservations suivantes concernant
son but limité etl'attitude de la Grande-Bretagne et de la France en la
matière '.

La factorerie de Mackenzie a étéla source de graves incidents et de
difficultésdiplomatiques entre le Maroc et la Grande-Bretagne. L'accord
intervientàun moment où, étantdonnésamauvaisesituation économique,la
North West African Company a intérêt à vendre, à un moment aussi où la
diplomatiebritannique se trouve dans une situation incommode. Comment

continuer àjouer le rôle de protecteur du Maroc contre les convoitises des

Surla polémique autoud re la traduction du textearabe,voir audiencesdes 10 et
25juillet.

153 162 SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND.DE CASTRO)

autres Puissances en continuant à occuper le cap Juby contre la volontédu
Gouvernement marocain ?

La clause relative àl'étenduedu territoire marocain s'expliquecomme une
faveur faite en apparence au Gouvernement marocain *, mais il y a une
contrepartie en faveur de la Grande-Bretagne, celle-ci se réservant une
influence surcette côte, opposable le caséchéantaux autres Puissances.
La portée internationale de la déclaration sur les domaines du Maroc est

trèslimitée puisque,comme l'a observéDelcassé,l'accord est res interalios
acta (Trout, op.cit.,p. 166),donc sans valeur envers les autres Puissances.

La déclaration est aussi en contradiction avec la conduite antérieure du
Gouvernement britannique. Mackenzie s'esten effetétabliaucap Juby après

avoir été informéque I'oued Noun étaitindépendant du Maroc et que ce
territoire était sousle pouvoir du cheik Beyrouk. C'est Beyrouk qui en juin
1879accorde à Mackenzie un petit territoire pour y installer sa factorerie.

II est intéressant de lire la correspondance conservéedans les archives

britanniques sur l'établissement au cap Juby. Les autorités marocaines
affirment lesdroits du Sultan sur le cap Juby, en faisant valoir que les tribus
musulmanes habitant le territoire au sud du Draa jusqu'au Soudan et à
l'extrêmesud du Niger n'ont pas d'autre souverain; que Moulay Ismaïl a
imposé sonautorité dans le Sahara par la force des armes; et que lesdites

tribus, bien que rebelles, mentionnent le Sultan dans leurs prières. Les
autoritésbritanniques, tout en affirmant que leur gouvernement a le désirde
maintenir l'intégritédes possessions du sultan du Maroc, répliquent que
depuis toujours la limite extrême desdomaines du Maroc est àI'oued Noun,
que le pouvoir marocain dans leSousmêmeest trèsfaible et qu'il estabsurde

de confondre l'autoritéreligieuseavecl'autoritépolitique. Ellescitent comme
preuve que lenom du sultan ottoman estmentionnédans leurs prièrespar des
musulmans d'Asieet d'Afrique, sans que personne les considère comme des
sujets turcs (informations et documents présentéspar le Gouvernement
espagnol, ann. 20, app. 18-29).

Il importe de noter la valeur limitéeque les Puissances concernéesattri-
buent àl'accord de 1895.LeGouvernementfrançais s'empressede prévenirle
Gouvernement marocain de ce que l'accord peut être contraire aux intérêts
du Maroc et que la deuxièmeclausedoit s'entendre comme une référence au
cap Juby proprementdit et non au restede la côte etl'intérieur(ibid.,ann.2,

app. 35). A l'occasion des pourparlers préparatoires au traitésecret de 1904
entre l'Espagne et laFrance, la France essaie de s'assurer de l'attitude de la
Grande-Bretagne. Au débutde 1904,écrivantau ministre Delcasséà la suite

Cequia été déjàinvoquépar sirJohn Drummond Hay auprèsdu Gouvernement
britannique(Miège,op.cit.IIIp.302-303).
Laréférencaeu cap Bojadora vraisemblablementsa raison d'êtrdeansl'inimitié
existant alors entre le Sultanet Beyrouk,qui se disait indépendantet maîtrede la
principautdeI'ouedNoun,laquelle,selonlui, s'étendaijtusqu'ausud ducap Bojador.163 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)

desprotestations de la presseespagnole,l'ambassadeur Paul Cambon précise

qu'ellessont
((d'autant plus spécieusesque la domination du Maroc entre l'oued

Draa 1et le Cap Bojador n'ajamais été admisepar aucune Puissance, et
que c'est uniquement pour faire allouer des indemnités à ses nationaux
du Cap Juby que le Gouvernement britannique a reconnu la souverai-
neté du Maghzensur cette côte » (Husson, op. cit.,p. 362.

La Grande-Bretagnene fera pas d'objection au traitéfranco-espagnol du
27 novembre 1912par lequel est attribuéeà l'Espagne, au sud du Maroc, la
zone de la Sakiet El Hamra ousqu'à la rencontre avec le parallèle27' 40' de

latitude nord), traitéqui reprend dans leur intégritélesarticl5set 6du traité
de 1904.

g) Lettres annexes à l'accordfranco-allemand du 4 novembre1911
Dans ceslettresannexes, ilestdit:« étantconvenu que le Maroc comprend

toute la partie de l'Afrique du Nord s'étendant entre l'Algérie,l'Afrique
occidentale française etla colonieespagnole du Rio de Oro » (Lazrak, op.cit.,
p. 416).Cemembre de phrase a étéconsidérécomme une reconnaissancp ear
la France et l'Allemagne de ce que la zone de la Sakiet El Hamra et même
toute la Mauritanie étaientà l'intérieur des limitesduMaroc (ibid., p. 177).

Le véritable sensde ces lettres apparaît à leur lecture. Le Gouvernement
allemand tient à dire qu'il n'apportera aucun obstacle« dans l'hypothèseoù
leGouvernement françaiscroirait devoir assumerle protectorat du Maroc ».
II se dit heureux d'ajouter« que l'Allemagne restera étrangère aux accords
particuliers quela France etl'Espagnecroiront devoir faireentre ellesausujet
du Maroc »;aprèscette phrase vient lepassagedéjàcité: « ktant convenu ..B.

Ce qui est convenu sur l'étendue du Marocn'a d'autre but que de préciserles
régions d'Afriquedont l'Allemagne sedésintéresseen faveur de la France et
que la France pourra mettre sous son protectorat ou coloniser - à moins
qu'ellen'en fassel'objet d'accords avecl'Espagne -, zone dont fait partie le
Sahara tout entier, c'est-à-dire la Sakiet El Hamra et la Mauritanie.

II convient aussi de noter que, dans les relations entre la France et
l'Espagne, la Sakiet El Hanlra est souvent considérée comme une partie du

Rio de Oro. Ainsi, dans une lettre de M. Pichon, ministre des affaires
étrangères,au ministre des colonies, en date du 2 avril 1913,il est dit qu'en

Dans l'arrangementd2 7juin 1905sur lalimite entrele Sud algérien elt'Afrique
occidentaleFrançaise,lstditquelecap Noun constituela frontièreduMaroc.Lecap
Noun esta l'embouchuredu Draa(cap Draa) (Trout,op.cit., p. 182-188).

2 11est dit aussiqu«L'Espagne, installéeuRio de Oro au suddu cap Bojador, a
toujours considérlacôte s'élevanjtusqu'aucap Jubycomme lui appartenant, et des
cartes anglaises lalui attrib))nt.164 SAHARA OCCIDENTAL (OP. IND. DECASTRO)

vertu des conventions franco-espagnoles du 3 octobre 1904et du 27 novem-

bre 1912la régionde Smara fait partie de lacolonie du Rio de Oro (Trout,op.
cit., p. 211).

II. Liensjuridiquesduterritoireavecl'ensemble mauritanien

Laquestiondes liensjuridiques de l'ensemblemauritanien avecleterritoire
du Sahara occidental pose des problèmes très difficiles», comme l'a

reconnu l'un des porte-parole de la République islamique de Mauritanie
(audience du 10juillet). Cela est vrai s'ils'agitde soutenirque la Mauritanie
a des liensde souverainetéavec le territoire en raison des liens qu'avait, avec
ledit territoire, l'ensemble mauritanien au moriient de la colonisation
espagnole.

La Cour avait, avant tout, à s'interroger sur l'existence mêmedu sujet
auquel étaientattribuéslesliens ou droits de souveraineté.Au moment de la
colonisation espagnole, existait-il un ensemble mauritanien? L'ensemble
mauritanien avait-il alors la condition de personne juridique et la capacité
d'avoir desdroits? Ce sont là des questions auxquelles, malgréles efforts les

plus courageux, on ne saurait trouver une réponseaffirmative convaincante.
Sur la base des exposés présentée st des renseignements fournis par les
parties concernées,il apparaît comme une véritéincontestéequ'au moment
de la colonisation espagnole il y avait au Sahara un grand nombrede tribus
d'originesethniques diverses,destribus nomades, semi-nomades,sédentaires

ou semi-sédentairesformant des confédérations et des ligues éphémères
(l'émiratde l'Adrar fut une exception temporaire) en lutte continuelle entre
elles avec ce que cela comportait de razzias, de guerres, de vols et de
vengeances. A l'époquede la colonisation espagnole, on ne voit pas de signes
d'un ensemble, ni à l'extérieur,ni à l'intérieur.Chaque tribu, sans tenir

comptedes autres, passait des traités,des accords et des contrats et faisaitdes
actes de soumission ou de protectorat à l'égarddes Puissances européennes
oudu Maroc. Lestribus avaient entre ellesdes relationssemblables àcellesde
pouvoirs indépendants. C'étaittelle ou telle tribu qui s'engageait avecune
autre et non l'ensemble.Onne voit figurerl'ensembleen rien, ni pour rien;cet
ensemblen'acquéraitni ne possédaitaucun droit, il n'avait ni responsabilités

ni devoirsjuridiques ou non juridiques.

L'idéeet mêmela réalité sociolo" 1ue de l'ensemblemauritanien sont nées
après le « fait colonia» et en conséquence de celui-ci. La résolution du
28 août 1960du comité politiquede la Ligue arabe réuni à Chtaura (Liban)

considère la aur ri ta nie-com «umneeentitéartificielle» (Livre blanc sur la
Mauritanie, Rabat, 1960, p. 117).Elle n'existait pas avant la colonisation
française. C'est pourquoi le Gouvernement de la République islamiquede
Mauritanie a tenu à relever que: «Au XXe siècle,tout comme le Maroc, la

1Danslacarteadministrativemarocained1 e934,leRiodeOrocommence al'oued
Draa(Trout, op.ci?planche31,p.532-533).Dans lemêms eensl'arrêtrésidentiel du
Il janvier1935,art2,a)(documentsprésenté psarleMaroc,ann.89 (B)).165 SAHARAOCCIDENTAL (OP.IND. DECASTRO)

Mauritanie a étéprofondément transformée par ce qu l'on a appeléle « fait
»(La République islamique de Mauritanie etle Royaumedu
colonial français
Maroc,Paris, p. 29).
Les populations du territoire qu'on aime appeler Bilad Chinguiti étaient,
au moment de la colonisation française, comme une nébuleuse sansforme
définie,composéede tribus etde sous-tribus mouvantes etchangeantes, ayant
en puissancedes possibilités imprévisiblesC . omment donc appeler ensemble

ce qui, par l'union etlaséparationd'autres groupes humains semblables, n'a
pris corps que par l'effetde l'organisation administrative et de la pacification
imposéespar la France?
L'idéede l'ensemblechinguittien séduitcommeun beaumythe patriotique
à respecter; mais un mythe ne saurait avoir de liens juridiques avec un

territoire quelconque.
Lesconsidérationssur lenomadisme, pour intéressantesqu'ellessoient du
point de vue ethnologique et mêmede legeferenda, ne sauraient remédierau
manque d'unitédes tribus et àl'inexistence d'unensemble susceptible d'être
appréciéen droit.

La construction audacieuse d'une CO-souverainetédes tribus sur des
territoires déterminésne semble pas viable. Des tribus disparates ou même
ennemies ne peuvent se transformer de but en blanc en confédération ouen
fédération.On ne saurait non plus apparemment penser à une souveraineté
destribus en mouvement continuel sur des parcours qui s'entrecroisent.

Le fait que les tribus fréquentent de façon continue un mêmeparcours
pourrait être,comme usus continu et consenti, à l'origine d'une servitude
(comme cellesque ledroit international connaît), mais iln'estpas de nature à
faire naître un droit de souverainetésur un territoire, d'autant moins que,
comme il a étédit à la Cour, les parcours changent selon les conditions
climatologiques et les relations entre lestribus et les Etats voisins.

Ces chevauchéessurdesparcours établis,àtravers les frontières des Etats
actuels, sont consenties et permises en vertu de relations de bon voisinage,
mais non imposéespar le droit; à tout moment elles peuvent êtresuspendues
pour un motif important, par exemple une guerre.
Essayer de déduire de l'existence d'analogies ethniques, culturelles ou

géographiquesl'existence de liensjuridiques sur un territoire, c'est faire un
saut dans le vide; les porte-parole de la Mauritanie n'ont pu construire un
pont pour combler ce vide 1.
Il faut enfin noter que, depuis le moment de la colonisation de la
Mauritanie par la France et selon ledroit en vigueur àl'époque,c'estla seule

France qui aurait eu la personnalité vouluepour établir desliensjuridiques
entre leterritoire actuel de la Mauritanie et leterritoire du Sahara occidental.

' « Le représentandt e la Mauritanie insiste sI'aspecthumain, géographique,
ethniqueet culturel, car l'aspect juridiqudee ce problème estloin d'enêtre l'élément
essentiel. Cet aspect juridiee saurait,du reste, être valablement appréqc'àla
lumière d'un certainombrede données fondamentales allandte l'attachementd'un
peuple à sa terre,d'unevie communede tous les instants, auxpréoccupatiost à un
modede vie identique.»(A/C.4/SR.2117.) 166 SAHARA OCCIDENTAL(OP.[ND. DECASTRO)

TROISIÈMEPARTIE

Mêmedans l'hypothèse ou la Cour aurait conclu qu'elle n'avait pas
compétencepour répondre àune quaestiofacti comme cellede l'existencede
liensjuridiques au moment de la colonisation espagnole,on n'en'aurait pas
déduit pour autant qu'elle était incompétentepour répondre à la demande
d'avis consultatif.

1. Valeurjuridiquede la résolution3292 (XXIX)

Il faut interpréter avec soin la résolution 3292 (XXIX) de l'Assemblée
générale,ce qui n'est pas une tâche facile. La résolutionest le résultatd'un
compromis. Le représentant de la Côte d'Ivoire, qui l'appuie, ne cache pas

que c'est une « résolution inhabituell» et qu'elle«ne donne peut-être pas
entièrement satisfaction» (A/C.4/SR.2131). C'est que le premier projet du
Maroc tendant à prier la Cour de donner un avis sur ses prétendus titres de
souveraineté (liens juridiques) sur le Sahara occidental se heurte à une
énergiqueopposition. Des membres du groupe africain et d'autres membres

de la QuatrièmeCommissioncraignent qu'une reconnaissance éventuellede
ces titres par la Cour puisse être considéréecommaeyant la force nécessaire
pour justifier l'intégration immédiateduSahara occidental au Royaume du
Marocau méprisdes droits de lapopulation du Sahara. C'estpourquoi, pour
éviter cette conclusion, on rappelle, au tout début de la résolution, la
résolution1514(XV)contenantla déclarationsur l'octroi de l'indépendance

aux pays et aux peuples coloniaux. Il y a une autre référenceà la même
résolutionau paragraphe 3, concernant la politiqueàsuivre par l'Assemblée
généralepourla décolonisation.On tient aussi àrappeler leshuit résolutions
sur la décolonisationetl'indépendance duSahara occidental. Enfin ledroit à
I'autodétermination des populations du Sahara occidental est réaffirmé
conformémentà la résolution1514(XV) 1.

Dans la résolution3292(XXIX), voisinent deux thèsescontradictoires, au
moins en apparence. Que faire? Il ne m'a pas sembléque la bonne méthode
fûtde donner une interprétation restrictiveou négative,pour conclurequela
demande d'avis consultatif étaitsansobjet. Il m'a sembléquela Cour devait
faire son possible pour aider l'Assembléegénéraledans sa tâche de décoloni-

sation. La Cour était,à mon avis, en mesure d'arriver à une interprétation
positive, tout en tenant compte du but de la résolution et de l'esprit de
compromisqui est àson origineettout enrestant enharmonie aveclalettre de
la question poséeà la Cour.

Le représentandtelaCôted'Ivoire a préciséqueles éléments nouveaux introduits
dansle projetderésolution 3292XIX) par rapportau texte initial (celui du Maroc)
ont eu pour butde permettreà l'Assemblée générd ale((resterconséquente avec
elle-méme , savoir, premièremenl, réaffirmationd,ans le préambule, du dràt
I'autodéterminatiodnupeupleduSahara espagnol»(A/C.4/SR.2131).167 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)

La raison de la demande d'avis est, nous dit-on, que l'on aconstaté« une
controversejuridique au cours desdébats»au seinde l'AssembléegénéraleI.l
estànoter qu'il s'agitd'une controversejuridiqueapparue au coursdesdébats,

particulièrement à la Quatrième Commission. Précieux éclaircissement
tendant àexclure que la question ait pour seul objet l'existencede lienscar, si
tel étaitle cas, il s'agirait d'une question de fait et non d'une controverse
juridique. La controverse, ajoute-t-on, a surgi au cours des débats et la
question de l'existencede liens n'a mêmepas été effleuréeau cours des débats
de la Quatrième Commission. ees débatsont jouéautour du choc de deux

thèses opposées:la renvendication du territoire sur la base des liens existant
prétendument au moment de la colonisation espagnol; et le principe de
l'autodétermination.
Larésolution3292(XXIX) justifie ensuite la demande d'avisconsultatif en
disant que, à la lumière de l'avis donné, l'Assembléegénéraleaura à se
prononcer sur la politique àsuivre pour accélérerle processusde décolonisa-

tion du territoire, conformément àla résolution1514(XV),dans lesmeilleures
conditions. Asupposer que la question poséeportesur l'existencede liens,un
avis consultatif de la Cour disant que le Maroc ou l'ensemble mauritanien
avait des liensavecleterritoire au moment de la colonisation espagnole laisse
toujours l'Assembléedevant la mêmedifficulté,celle de savoir à laquelle des
deux thèses - intégrationou autodétermination - donner la préférencec ,e

qui retarde le processus de décolonisation du territoire plutôt que cela ne
l'accélère.
La vraie difficultéà écarter,les doutes à dissiper ont leur source dans la
valeur implicite que le Maroc donne à de prétendusliensjuridiques avec le
territoire. Le Maroc met en question toutes les résolutionssur I'autodéter-
mination du Sahara lorsque son représentant àl'Assembléegénéraledéclare:

Toutes lesrésolutionset lesrecommandations votées[depuisdix ans
par l'Assemblée]se heurtent à une question préalableet préjudicielle:

cellede savoir si lesdeux provinces sahariennes [Sakiet El Hamra et Rio
de Oro] relèventd'une souveraineté quelconque. »(A/PV.2249.)

L'existence,à.la supposer prouvée,de prétendusliens du Maroc (ou de la
Mauritanie) avec le territoire au moment de la colonisation espagnole
rend-elle sans effet lesrésolutionssur l'autodétermination et l'indépendance
du Sahara occidental? C'estcette question qui plane au-dessus desdébatsde
l'Assembléegénéraleet il y a lieu de croire qu'elle n'est pas étrangèreà la

demande d'avisconsultatif adresséeà la Cour.
Ces considérations peuvent aider à trouver le vrai sens des mots «quels
étaientles liens ». Ils peuvent êtreinterprétésainsi: quelle étaitla qualitéde
ces liens,leur forceet leur vigueur latente? Cela n'estpas forcer lesenslittéral
des mots; c'estle sens le plus conforme au but de la résolution.168 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)
Demander quels étaient Ies liens ou droits à un moment déterminé,c'est

s'interroger sur lesconséquencesqu'ilspourront avoir dans l'avenir. Un droit
est ou vaut aujourd'hui par les facultésqu'il permet d'exercer al'avenir. La
valeur d'un droit résidedans lepouvoir qu'ildonne,soncontenu en puissance
dans l'espace et dans le temps, ses possibilitésd'endurance ou de résistance
face a desévénementsnouveaux,àdeschangements du droit et a d'éventuels
motifs d'extinction.

2. Questiondu droit intertemporel

Pour accomplir la tâche à elle confiéepar l'Assembléegénérale,tâche qui
étaitde faire la lumière sur la vraie difficultésurgie au cours des débats, la
Cour devait, selon moi, préciserquellepouvait êtrela force en puissance des

liens envisagésau moment de la colonisation du territoire par l'Espagne.
Avaient-ilsla valeur de droits acquis auxquels le passage du temps n'appor-
tait aucun changement, ou de droits éventuels(A/C.4/SR.2124) que l'on
pouvait toujours exercer, ou étaient-ils soumis aux règlesdu droit intertem-
porel? La question n'est pas nouvelle, c'est celle de la valeur des droits
historiques '.

La Cour a déjàeu a considérerla valeur des liensjuridiques selon le droit
intertemporel. Dans l'affairedes Minquierset des Ecréhouse ,llea estiméqu'il
n'est pas nécessairede s'arrêterà d'inutiles controverses historiques.

« La Cour considèrequ'ilsuffitde dire que, selon elle,même silesrois
de France avaient un titre féodal originaire s'étendant auxIles de la
Manche, ce titre a dû cesser d'exister comme conséquence des événe-
ments de l'année1204 et des années suivantes. » (C.I.J. Recueil 1953,
p. 56.)

La Cour a donc jugéque le titre originaire perd sa valeur s'il intervient de
nouveaux faits à considérer selonun nouveau droit.
La même doctrineavait étéformuléd eans l'arbitrage de l'lle de Palmas(ou

Miangas). M. Huber avait dit:
« [Pour]savoir lequel des différents systèmesjuridiques en vigueur à
des époques successives doit êtreappliqué dans un cas déterminé -

question du droit dit intertemporel-, ilfaut distinguer entre la création
du droit en question et le maintien de ce droit. Le mêmeprincipe qui
soumet un acte créateurde droit au droit en vigueur au moment ou naît
le droit, exige que l'existencede ce droit, en d'autres termes sa manifes-
tation continue, suive les conditions requises par l'évolution dudroit.)

(Nations Unies, Recueildes sentencesarbitrales,vol. II, p. 845.)

1 UndesconseilsduMaroc sembleavoirconsidérc éepoint:«Cequifaitl'actualité
decedifférend [celudiuMarocavecl'Espagne]c ,'estquecesfaitsjuridiquespass[les
prétendus liensjuridique]onstituentdestitrespourbeaucoup d'entreeux,destitres
de souveraineté ayantdes applications présenteset susceptibles d'entraînerdes
implicationsprésentes.(Audiencedu 12 mai.)169 SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND. DE CASTRO)

Selon M. Gros, l'arbitre avait exprimé ainsi unedouble règle:

« Un fait juridique doit être apprécà la lumière du droit qui lui est
contemporain ...
Lorsque disparaît le systèmejuridique en vertu duquel le titre a été
valablement créé, cedroit ne peut plus être maintenu dans le système
juridique nouveau, à moins qu'il ne se conforme aux conditions exigées

par cedernier.»(C.I.J.Mémoires,Minquierset Ecréhousv ,ol. II, p. 375.)
Le dictum de M. Huber a étél'objet d'observations de la part de com-

mentateurs selon lesquelsla valeur donnéeau droit nouveau serait excessive.
Mais,quelquesoit leméritede cesobservations sur lamanièredont M.Huber
a exprimésa pensée,ilestévidentque sadécisionarbitrale étaitjuste. Comme
la Cour en 1953, M. Huber a considéré qu'àla suite du fait originaire
(découvertede l'île)étaitsurvenu un fait nouveau (prise de possession par les
Pays-Bas), lequel devait s'apprécier selon le nouveau droit.
Il faut donc tenir pour admis en droit international le principe général

acceptéen droit intertemporel et que formule la règlempus regitfactum. La
naissancedesliens ou titres sur un territoire doitêtredéterminéeselonledroit
en vigueuràcemoment. Lemêmedroit indiqueaussi la nature desliensetleur
valeur à l'époque.II faut appliquer aussi la règle tempus regitfactumpour
connaître la valeur juridique des nouveaux faits et leur influence sur la
situation déjà existante;les nouveaux faits seront soumis aux règlesde droit

en vigueur au moment où ils viennent à se produire.

3. Nouveauxfaits et nouveaudroit

Dans l'affaire actuellement devant la Cour, on ne saurait ignorer les
changements de faits ni les modifications du droit applicable. Juste avant la
colonisation espagnole, leterritoire avait un statut régipar ledroit en vigueur

à ce moment-là. Mais ce statut n'était pas cristallisé etfixéad aeternum. Il
était soumisaux changements des temps.
Il y a d'abord eu la colonisation. La colonisation est aujourd'hui
condamnéeàne pas survivre; mais lefait colonial a étéunfait nouveau, avec
une influencesociologiqueetjuridique. C'est avec raison que l'on a dit:u
XXe siècle,tout comme le Maroc, la Mauritanie a étéprofondément trans-
forméepar ce que l'on a appelé le « fait colonial françai»(La République

islamiquede Mauritanie et le Royaume du Maroc, Paris, p. 29). La colonisa-
tion acréédesliensetdesdroits quidoivent êtrejugésselon ledroit envigueur
à l'époque.
Depuis l'entrée en vigueurde la Charte des Nations Unies, le territoire du
Sahara occidental est devenu «territoire non autonome » et la Puissancequi
l'administre a par conséquent le devoir de reconnaître le principe de la

primautédes intérêts des habitants du territoire et de développer la capacité
des populations de s'administrer elles-mêmes(Charte, art.73).
Un fait nouveau est qu'en application de la résolution 1514 (XV) l'As-
semblée générale insisteauprès de la Puissance administrante afin qu'elle170 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND. DECASTRO)

prenne les mesures nécessaires pour mettre fin à la domination coloniale du
territoire. Cela ressort des résolutions rappelées dans la résolution 3292
(XXIX) 1.On peut dire que, ala date de cette résolution, ledroit alorsexistant
est fondé sur le principe selon lequel les populations des territoires non
autonomes ont le droit de disposer de leur propre destin et de décider

librement et par des moyens démocratiques soit de devenir indépendantes,
soit de s'intégrerà un Etatindépendant 2.Ce qui a comme conséquence que

Larésolution2229(XXI)du 20décembre1966distingueentrelecasd'Ifniausujet
duauel il est demandé à la Puissance administrante de «orendre ...les mesures
nécessairespour accélérerla décolonisation» et «d'arrêteravecle Gouvernement
marocain ..des modalitésde transfert des vouvoirs»et celui du Sahara esoaenol au
sujetduquelilestdemandéd'arrêter «lesmodalitésdeI'organisation d'unrgféFendum
quiseratenu souslesaus~icesdel'organisation desNationsUnies afindeDermettre à
la population autochtone du territoTred'exercer librement son droià i'autodéter-
mination ».
Larésolution2354(XXII) du 19décembre1967prend acte de la déclarationde la
Puissanceadministrante d'aprèslaquellele dialogue est déjàengagé avec leGouver-
nement marocain; et en ce qui concerne le Sahara insiste sur(l'organisation d'un
territoire.» et «le droità I'autodétermination» de «la population autochtone du
La résolution2428 (XXIII) du 18décembre1968prend acte de l'intention de la
Puissanceadministrante de signer un traitéavec leGouvernement du Maroc sur le
transfert du territoired'Ifni;jet du Sahara,elle« Réafirmeledroit inaliénabledu
peupleduSahara espagnol àI'autodétermination»et invitela Puissanceadministrante
aar;êter«l'organisationd'unréférendum »pour permettreà lapopulation autochtone
du temtoire d'exercerlibrementson droitàI'autodétermination.Cequi estdit tout en
« Notantla différencede nature desstatutsjuridiques de ces deuxterritoB.es

La résolution2591(XXIV)du 16décembre1969nes'occupe plusd'Ifni(letraitéde
Fèsa été signéle 4janvier 1969)et insisteau sujet du Sahara sur I'organisation d'un
référendum es tur le droit I'autodéterminationde la population autochtone du
territoire.
La résolution271 1(XXV)du 14décembre1970insisted'une manièrepressantesur
I'organisationdu référendum et ledroit de la population.
La résolution3162(XXVII)du 14décembre1973« Réafirmelalégitimité dela lutte
des peuples coloniaux, ainsiquesa solidaritéetson appui la population du Sahara
dans la lutte qu'ellemènepour l'exercicede son droit à l'autodétermination età
l'indépendance»,«Réitère son invitationàla Puissanceadministrante àarrêter..les
modalitésde I'organisation d'un référendum».
I'autodétermination depsopulations du Sahara espagnol,conformémentroàtla résolu-
tion1514(XV).
2 ~a résolution1541 (XV) du 15 décembre1960 a établidans son annexe les
«Principesqui doivent guider les Etats Membrespour déterminersi l'obligationde
communiquerdesrenseignements,prévue par l'alinéa)del'article73delaChartedes
Nations Unies, leur estapplicable ou non.»A ce sujet, la résolutionénumèrelescas
dans lesquelsunterritoire non autonome a atteint la pleine autonomie (principe VI).
Quand l'autonomie estacquise par intégration à un Etat indépendant,l'intégration
«devra s'êtrefaite dans lesconditions suivantes:

a) Le territoire intégré devra avoir atteintun stade avancéd'autonomie, avec des
institutions politiques libres,de tellesorte que sespopulations aient la capacitéde
choisir en pleine connaissance de cause, selon des méthodes démocratiqueset
largementdiffusées;
6) L'intégrationdoitrésulterdudésirlibrementexprimé despopulations duterritoire,171 SAHARA OCCIDENTAL (OP. IND. DE CASTRO)

I'ondoit reconnaîtreaux populations ledroit (droit acquis ou expectative de
droit non conditionnée) à décider de leur indépendance. La Cour a eu

l'occasion de s'exprimer sur ce point:
En outre l'évolutionultérieuredu droit international a l'égarddes

territoires non autonomes, tel qu'il est consacré par la Charte des
Nations Unies, a fait de l'autodétermination un principe applicable à
tous ces territoires. La notion de mission sacrée a été confirmée et
étendueàtous les«territoires dont lespopulations ne s'administrent pas
encore complètement elles-mêmes »(art. 73). Il est clair que ces termes

visaient lesterritoires sous régimecolonial»(C.I.J. Recueil1971, p.31.)

« Du fait de cette évolution [dudroitj, il n'y a guèrede douteque la
«mission sacréede civilisation » avait pour objectif ultime l'autodéter-
mination et l'indépendance des peuples en cause. Dans ce domaine,
comme dans lesautres, le corpusjurisgentiums'estbeaucoup enrichi et,
pour pouvoir s'acquitter fidèlementde ses fonctions, la Cour ne peut

l'ignorer. »(C.I.J. Recueil1971,p. 31-32.)
En déclarantque les liensjuridiques qu'auraient pu avoir le Maroc ou la

Mauritanie au moment de la colonisation espagnole avec le territoire du
Sahara occidental sont soumis aux règlesdu droit intertemporel, la Cour n'a
pas donnéune leçon a l'Assembléegénéralesur la politique a suivre pour la
décolonisationdu territoire. L'avisconsultatif de la Cour selimitedire que,
quels que soient lesliensjuridiques existant avec leterritoire au moment de la

colonisation espagnole, juridiquementceslienssont toujours soumis au droit
intertemporel et qu'en conséquence ils ne peuvent êtreun obstacle pour
l'application du principe de l'autodétermination.

Je me permets d'ajouter quelques mots pour résumerma pensée
Je crois que la première question poséeà la Cour, sur la condition de
territoire sans maître du Sahara occidental, n'aurait pas dû êtreconsidérée
indépendamment de la seconde question. En le faisant, il me semble qu'on a

donné àla question un autre sensque celui qu'elleavait pendant lesdébatsde
l'Assembléegénérale.Si I'on tenait à le faire tout de même,il aurait été
préférabled'expliciter la réponse,en disant que le territoire n'étaitpas sans
maître parce qu'il était habité, au momentde la colonisation espagnole, par
des tribus indépendantes. ,

pleinement conscientes du changement de leur statut. la consultation se faisant
appliquées et fondéessur le suffrage universel des adultes. L'Organisation des
Nations Unies pourra, quand ellelejugera nécessaire,contrôler l'application de ces
méthodes. »172 SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND. DECASTRO)

La seconde question portait sur les liens juridiques du territoire avec le

Royaume du Maroc et I'ensemblemauritanien, c'est-à-dire sur la nature de
ces liens au cas où ils auraient existé:étaient-ilsdes liens de souveraineté?
étaient-ilsen tout cas soumis au droit intertemporel?
La Cour a répondu avec raison, et avec un remarquable degré d'accord
généralq ,uecesliensn'avaient pasété desliensdesouveraineté,donc qu'ilsne

pouvaient pas êtreconsidéréscomme des titres pour une revendication ou
une demande de réintégrationdu territoire.
Pour arriver à cette conclusion, la Cour a étudié avec soin tousles
renseignements àsa disposition en tenant compte de leur valeur de preuve.
Mais, en se demandant s'ilexistait des liensjuridiques autres que ceux de

souveraineté,la Cour a interprétélaquestion qui lui avait étéposéedans un
sens différentde celui qui avait fait l'objet de la controverse au sein de
l'Assembléegénérale.
Il n'ya aucun fondement juridique pour considérercomme des liensayant
force d'ob-ligure (vinculatio) lesliens personnels et sporadiques du Sultan

avec quelques tribus indistinctes. Je n'ai trouvé aucun indice concret de
I'existencede tels liens.
Les liens du territoire avec l'ensemble mauritanien suggéréspar l'avis
consultatif résultentdes liens existant entre quelquestribus indépendanteset
leurs terrains de parcours nomadique. Il semble que, s'il en étaitainsi, il y

aurait des liens entre chaque tribu et son territoire de parcours, mais rien de
plus. En tout cas, sur l'existencede ces liens, la Cour n'a disposé,à mon avis,
que de descriptions imagées ettouchantes de la vie au désert, maisnon de
donnéesconcrètessur lestribus ayant droit et sur les lieux soumis à cesliens
qui répondent aux conditionspropres aux preuves à présenterà un tribunal.

Bilingual Content

OPINION INDIVIDUELLE DE M. DE CASTRO

J'ai votépour l'avisconsultatif parce qu'ildéclarequ'iln'ya pas de liensde
souverainetéentre d'unepart leterritoire du Sahara occidental etd'autre part
le Royaume du Maroc et l'ensemblemauritanien et qu'ily a lieu d'appliquer
audit territoire leprincipe de l'autodétermination, donnant ainsiune réponse
juste, claire et concluante aux vraiesquestions poséesàla Cour. En revanche

je ne puis suivre l'avis consultatif ni dans sa déclaration sur l'existence
d'autres liens juridiques du territoire avec le Royaume du Maroc et l'en-
semblemauritanien, ni dans toussesraisonnements. Pourjustifier mon vote,je
mesensobligéd'exposer ci-aprèsmonopinion individuelle.

1. Originede l'afaire

Pour la clarté de l'exposéet pour éviter des redites, il me semble utile
d'établirles antécédentsles plus significatifs de l'affaire portéedevant la
Cour.
A l'originelointaine de la résolution3292(XXIX) de l'Assembléegénérale
des Nations Unies. se trouve l'activité passionnée d'une personnalité extra-

ordinaire, Si Allal ElFassi. C'est à lui que le Maroc doit de s'être intéreséà
l'expansion de ses frontières. Il sembleencore que, vers 1956,les Marocains
croyaient fermement que 1'Etatchérifienne dépassait pasle cours de l'oued
Draa. Desministres du gouvernementignoraient mêmel'existencedelazone
méridionale du protectorat espagnol 1.Au contraire, dès avant I'indépen-

dance du Maroc, El Fassi prêchait la reconstitution du Grand Maroc, en
revendiquant la Mauritanie, le Rio de Oro, la Sakiet El Hamra, une partie de
l'Algérie - Tindouf et Colomb-Béchard - et une partie du Mali, sur la base
des droits historiques du Maroc. Il a pu se glorifier de son Œuvreen disant:
« J'ai d'abord étéle seul àappeler àla libération duSahara et l'on a accueilli

cet appel avec des rires 2» Estimant les droits du Maroc sur ces territoires
plus forts que la volonté du peuple autochtone, il affirme:

« la Mauritanie n'a [pas]ledroit de seséparerdu restedu Maroc. Le Roi
et lepeuple auraient éventuellementledevoir - cequ'à Dieuneplaise -

1 Husson,La questiondesfrontièresterrestresdu Maroc,196p.44.Celas'explique
parcequeTarfayaoula région desTeknaétait àl'extrémitédubled siba pacipfirles
arméesfrançaiseestespagnoles.
2 En s'adressantà la tribudes Beni-Mestara le16octobre 1957,Husson, op. cit.,
p.48. SEPARATE OPINION OF JUDGE DE CASTRO

[Translation]

1have votedin favour of the AdvisoryOpinion because it statesthat there
are no ties of sovereignty between the territory of Western Sahara and the
Kingdom of Morocco and the Mauritanian entity, and that the principle of
self-determination should be applied to the said territory, thereby giving a
correct, clear and conclusivereply to the real questionsput to the Court. On
the other hand, 1cannot go along with the Advisory Opinion either in its
statementregardingtheexistence of other legaltiesbetweentheterritory and
the Kingdom of Morocco and theMauritanian entity, nor in al1itsreasoning.
In order tojustify myvote,1feelobligedtosetoutmyseparate opinion below.

1. Originsof theCase

For the sakeof clarity and to avoid repetitions, 1think it as wellto referto
the more important features of the background to the casebefore the Court.
The ultimate origins of resolution 3292 (XXIX) of the United Nations
General Assembly can be traced back to the determined activity of a most
extraordinary personality, Si Allal El Fassi, to whom must be attributed
Morocco's interest in the expansion of its frontiers. It would seem that,
around 1956,Moroccans firmly believedthat the SherifianKingdom did not
extend beyond the Wad Dra'a. Governmentministerswereunaware even of
theexistenceofthesouthern regionoftheSpanishProtectorate 'ElFassi,on
the other hand, even before Morocco's independence, was advocating the

reconstitution of Greater Morocco, by claiming,on the basis of Morocco's
historic rights, Mauritania, Rio de Oro, the Sakiet El Hamra, part of
Algeria- Tindouf and Colomb-Béchar- andpart of Mali.Speakingofwhat
he had done, he boasted: "Originally, 1was the only person to cal1for the
liberation of the Sahara and 1was greeted with laughter 2."He considered
those rightsof Moroccoover thoseterritories as stronger than the willof the
indigenous people, and stated:

"Mauritania has no right toseparate itself from the rest of Morocco.
In such an event - which God forbid - the King and the people would

' Husson, La question des frontières terrestres du maroc1960, p. 44. The
explanationliesin the factthatTarfaya,ortheareaof theTekna,wasatthe extreme
edgeoftheBledSiba,whichhad been pacifiedby theFrenchand Spanisharrnies.
? Speakingto the Beni-Mestaratribeon 16October1957;Husson,op.cit..p. 48.128 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)

de contraindre par la force les Mauritanienà sauvegarder l'unitéde la
Patrie1.»
Lesthèsesd'El Fassi arrivent au niveau international lors du débatde la
Quatrième Commission concernant les renseignements à donner sur les

territoires non autonomes, lorsquele représentant du Maroc proteste contre
l'inscriptiondelaMauritanie, duSahara espagnolet del'enclaved'Ifni parmi
les territoires non autonomes. Ce sont, dit-il, des parties intégrantes du
territoire marocain (14octobre 1957, A/C.4/SR.670).
C'estsur la base de ces prétendusdroits historiques - et des arguments
analoguesseront employésplus tard àpropos du Sahara occidental - quele
Maroc s'oppose àI'ONU àla déclarationde I'indépendancede la Maurita-
nie 2.Al'Assemblée générale,quelquep sayssont enfaveurdesrevendications

du Maroc,d'autres pensent àlaprimautédeI'autodétermination despeuples.
A cette occasion le représentantdu Sénégaflait observer qu'ilserait contra-
dictoire que I'ONU donne satisfaction aux revendications du Maroc à un
moment où l'on élabore un projet de résolution tendant à ce que soit
proclaméeI'indépendance de tous lespeuplessous administration coloniale
(16novembre 1960, A/4445).
Le projet mentionnépar le représentantdu Sénégad levient la résolution
1514(XV) du 14décembre1960. La Mauritanie sera finalement reconnue

comme Etat indépendant et admisecommeMembrede l'ONU.

La forcenaissante du principe de I'autodéterminationaura son effetsur le
statut du Sahara occidental. L'Espagne et I'ONU se mettent d'accord pour
considérerceterritoire comme «territoire non autonome »,donc soumis à la
décolonisationlaquelle, depuis la résolution 2229 (XXI) du 20décembre
1966,doit s'effectuerpar lemoyen d'un référendumen consultation entrela
Puissance administrante, les Gouvernements marocain et mauritanien et
toute autre partie intéressée.

De son côté,le Maroc manifestedepuis 1966son désirde voir les régions
sahariennes accéder àI'indépendance 3.Dèslors la politique du Maroc est
d'insister afin que la Puissance administrante donne I'indépendance au
Sahara oycidentalet ilvote lesrésolutionsde l'Assembléegénéraleà ceteffet
(citéesdans la résolution3292(XXIX)).
M.Lazrak,professeur à Puniversitéde Rabat, fait observer dans son livre
publiéen1974(mentionnédans la note 1):

le changement de l'attitude marocaine ...constitue un événement
important deladiplomatiemarocaineet même dans leprocessusgénéral
de la décolonisationen ce sens que I'autodétermination prônéepar le

1 Critiquedesproposduprincehéritier,7septembre1958,Husson, op.citp.72.

2 A voirdansleLivreblancsur la MauritaniRabat,1966,surtoup. 9-11.
3 Déclarationdsuministredesaffairesétrangèreesoctobre1966et duministrede
l'intérieuerndated7mai 1967.VoirsurlaréuniontenueaAddis-Abeba le7juin1966,
Lazrak,Le contentieux territorial entrele Marocet l'Espagne,1974,p. 364-365. WESTERNSAHARA (SEP.OP. DE CASTRO) 128

have a duty to constrain the Mauritanians by force to preservethe unity

of the homeland l."
The theories propounded by El Fassi reached the international level in

the Fourth Committee's debate on information to be given on
non-self-governingterritories, when the representativeof Morocco protested
against the inclusion of Mauritania, Spanish Sahara and the Ifni enclave
among non-self-governing territories. They were, he said, integral parts of
Moroccan territory (14 October 1957, A/C.4/SR.670).

It was on the basis of such alleged historic righ-s,and similar arguments
wereto be used subsequently with respect to Western Sahara- that Morocco
opposed in the United Nations the declaration of the independence of
Mauritaniaz. In the General Assembly, some States were in favour of
Morocco's claims; others thought that the principle of self-determination of

peoples was paramount. On that occasion, the representative of Senegal
pointed out that it would be contradictory for the United Nations to satisfy
Morocco's claims at a time when a draft resolution proclaiming the
independence of al1 countries under colonial administration was being
prepared (16 November 1960, A/4445).
The draft referred to by the representative of Senegal became General

Assembly resolution 1514 (XV) of 14 December 1960; Mauritania was
ultimately to be recognized as an independent State and admitted as a
Member of the United Nations.
The growing strength of the principle of self-determination duly had its
effect upon the status of Western Sahara. Spain and the United Nations

agreed to consider the territory as "non-self-governing" and thus subject to
decolonization, which in pursuance of General Assembly resolution 2229
(XXI) of 20 December 1966wasto be by means of a referendum carried out
on the basis of consultations between the administering Power, the
Governments of Morocco and Mauritafiia and any other interested Party.

From 1966, Morocco, too, expressed the wish that the Saharan regions
shouldaccede to independence 3.From then on,the policy of Morocco wasto
insist that the administering Power should grant independence to Western
Sahara,and itvoted forthe General Assemblyresolutions to that effect(those
cited in General Assembly resolution 3292(XXIX)).
In his book on the subject published in 1974 (see footnote 1 below),

Professor Lazrak of the University of Rabat comments that:
".. .the change in the Moroccan attitude. .. was an important event in

Moroccan diplomacy and, indeed, in the general process of
decolonization, since the principle of self-determination, as advocated

1 Criticismoftheproposalsmadebythe CrownPrince,17September 1958,Husson,
op.cit.p.72.
2 See WhitePaperonMauritania, Rabat 1960,especiallypp.9-11.
3 Statementsbythe MinisterforForeignAffairsinOctober 1966 andbytheMinister
oftheInteriordated7May 1967.Onthe meetingheldinAddisAbabaon 7June 1966,
seeLazrak, Lecontentieuxterritorialentrele Maroc etl'Espagne.1974,pp. 364.365.129 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DECASTRO)

Maroc va devenir la doctrine des Nations Unies et par conséquent la
seule solution retenue au problème du Sahara»(p. 365).

Dans cemêmelivre,M. Lazrak note l'existencedes «données nouvellesdu
problème du Sahara », d'ordre économique (gisement de Bou Craa) et
politique(relations du Maroc avec la Mauritanie et l'Algérie)(p. 355et suiv.).

Mais un nouveau changement a lieu. Dans un message au chef de 1'Etat
espagnol, S. M. le roi Hassan II se plaint de la «nouvelle politique au
Sahara » de l'Espagne (A/9654). La politique annoncéepar le ministre des
affaires étrangères d'Espagne - politique concrétisée plustard par une
communication au Secrétaire généralde l'ONU - est qu'il a été décidé
d'organiser un référendumpour la décolonisation du Sahara, sous les

auspices et la garantie de l'organisatiodes Nations Unies, au cours du
premiersemestre de 1975,àune date àfixersuffisammentàl'avance (A/9714,
21 août 1974).
La réaction du Roi prend forme dans la lettre du 23 septembre 1974
adresséeau ministre des affaires étrangères d'Espagne par le ministre des
affairesétrangèresdu Maroc. La lettre reproduit lestermesd'une déclaration

du Roi àla presse:
« Vous prétendez, Gouvernement espagnol, que le Sahara était res
nullius;vous prétendezque c'étaitune terre ou un bien qui était tombée
en déshérence;vous prétendezqu'il n'y avait aucun pouvoir ni aucune

administration établissurleSahara; leMaroc prétendlecontraire. Alors
demandons l'arbitrage de la Cour internationale de Justicelledira le
droit sur titres et elle pourra moment-là éclairerl'organisation des
Nations Unies pour recommander au Maroc et à l'Espagne la voie à
suivre. »

En conséquencele Gouvernement marocain propose formellement au Gou-
vernement espagnol

«de soumettre conjointement cette question à l'arbitrage de la Cour
internationale de Justice, conformément à l'esprit et à la lettre du

chapitre VI de la Charte des Nations Unies traitant du règlement
pacifiquedes différends (A/9771,24 septembre 1974).
Le Gouvernement espagnol ne répond pas. J'en ignore la raison.

Le30 septembre 1974 M. Laraki, représentant du Maroc, déclaredevant
l'Assembléegénérale qu'en matièrede décolonisationleprincipe de I'autodé-
termination n'estpas toujours applicabl«:pour le Maroc, la décolonisation
desdeux provincessahariennes impliquait leur réintégration au seinde 1'Etat
marocain »(A/PV.2249).
Selon M. Laraki, il existe un contentieux qui oppose le Maroc àl'Espagne
depuis 1956.Pour lerésoudre,ilpropose ànouveau de soumettre àla Cour les

questions suivantes: -WESTERNSAHARA(SEP.OP. DE CASTRO) 129
by Morocco, wasto becomethe United Nations doctrine on thesubject
and, consequently, the only solution adopted for the problem of the

Sahara" (p. 365).
In the same book, Professor Lazrak had noted the existence of "new
aspects to the problem of the Saharam-economic aspects (the Bu Craa
deposit) and political aspects (Morocco's relations with Mauritania and
Algeria)(p. 355 et seq.).
Butthere was a further change. In his messageto the Head of the Spanish
Stàte,His Majesty King Hassan IIcomplained about Spain's"new policy in
the Sahara" (A/9654). The policy announced by the Spanish Minister for
Foreign Affairs- which wassubsequentlyembodied in a communication to

the Secretary-Generalof the United Nations- was that a decision had been
taken to hold a referendum for the decolonization of the Sahara; the
referendum was to be under the auspices of and supervised by the United
Nations, and wouldbeheld during the firstsixmonths of 1975on adate to be
fixedsufficientlylong in advance (A/9714,21 August 1974).
Thereaction ofthe Kingtooktheform ofa letter,dated 23September1974,
fromthe Minister for ForeignAffairsof Morocco to the Ministerfor Foreign
Affairsof Spain. The letter reproduced the text of a statement made by the
King to the Press:

"You,the SpanishGovernment, claimthat the Sahara wasresnullius ;
you claim that it was a territory or property left uninherited; you claim
that no Power and no administration had been established over the
Sahara; Morocco claimsthecontrary. Letusthen requestthearbitration
of the International Court of Justice..it willstate the law of title and
will then be able to enlighten the United Nations, enabling it to
recommend to Morocco and Spain the course that they should follow."

The Moroccan Government accordingly presented to the Spanish
Government a forma1proposal:

"...tosubmit thisquestionjointly to thearbitration ofthe International
Court of Justice, in accordance with the spirit and thetter of Chapter
VI of the United Nations Charter relating to the peaceful settlement of
differences"(A/977 1,24 September 1974).
The Spanish Government did not reply; 1do not know for what reason.
On 30 September 1974,Mr. Laraki, the representative of Morocco, in a
statement to the General Assembly, said that the principle of
self-determination was not always applicable in matters of decolonization;

"for Morocco,thedecolonization of thetwo Saharan provinces impliedtheir
reintegration into the Moroccan State" (A/PV.2249).
In Mr. Laraki's view,a dispute had existed between Morocco and Spain
since 1956. To resolve it, he again proposed to submit to the Court the
followingquestions:130 SAHARAOCCIDENTAL (OP.IND.DECASTRO)

«Les deux territoires sahariens en question étaient-ils à l'origine,

comme le prétend le Gouvernement espagnol, des res nullius, des
territoires sans maître ouvertsoute occupation? Ou relevaient-ils,au
moment de leur occupation, de la souverainetéet de l'administration de
l'Etat marocain?»(lbid.)

Si cette voie directe n'est pas suivie, ajoute-t-il, il reste la voie de la demande
d'un avis consultatifa la Cour par l'Assembléegénérale; etM. Laraki de
commenter: L'avis émispar la haute juridiction internationalesur un point
de droit pourrait avoir une portée aussi considérableque la décision d'ar-
bitrage.»(lbid.)
M. Laraki, suivant les directives du Roi formulées dans la lettre du

23 septembre et s'appuyant sur les raisonnements exposés a l'Assemblée,
revendique le territoire du Sahara occidental en vertu des titres ou liens
historiques du Maroc. En conséquence il n'est plus question des «autres
parties intéressée» et on méconnaît le droit à l'autodétermination de la
population autochtone quisemblaitassurépar lesrésolutionsde l'Assemblée.

L'entente politique du groupe africain fait que la réaction contre les
demandes marocaines est modérée,mais elle se manifeste tout de même,et
avec force, en faveur du principe de l'autodétermination.
Devant l'Assembléegénérale, la Mauritanie,tout en faisant état de sa
revendication du Sahara occidental comme partie intégrante de laRépu-
blique islamique de Mauritanie, tient à dire que, quel que soit l'avis de la
Cour, «le droit a l'autodétermination de la population du Sahara ne

saurait faire l'objet d'une entrave quelconqu» (A/PV.2251). De son côté
l'Algérieaffirme « que l'opinion de la population directement intéressée
constituera toujours l'élémentrimordial et déterminant detout règlement»
(A/PV.2265). Les représentants de la Puissance administrante s'expriment
dans lemêmesens (A/PV.2253 et 2257).
Il est intéressantde rappeler lesanlécédentsde la résolution3292(XXIX).

En présentant le projet de résolution la Quatrième Commission, le repré-
sentant de la Haute-Volta dit qu'il est lefruit de longuesnégociationsentre
lesdélégationsintéressées,enparticulier cellesde la Mauritanie, du Maroc et
de l'Algéri» (A/C.4/SR.2130). Le représentant du Sénégal - un des pays
du groupe des trente-cinq qui présente le proj-texplique que l'objet de la
résolution proposée devrait êtree pouvoir

«aider les pays africains intéressésà trouver une solution, même
d'attente, qui respecte la fois les dispositions de la déclaration sur
l'octroi de l'indépendanceet ledroit éventuelque tel ou tel payspourrait
avoir sur un territoire sous domination étrang»r(A/C.4/SR.2124).

Selon le représentantde la Côte d'Ivoire, égalementdugroupe africain, le
projet est rédigé dans un esprit de compromis »et:
«on a introduit dans le texte initial un certain nombre d'éléments qui

permettent al'Assembléede rester conséquenteavecelle-même à, savoir, WESTERN SAHARA (SEP.OP. DE CASTRO) 130

"... werethe two Territories of the Sahara in question originally,as the
SpanishGovernment claims,'res nullius'or Territories without a master,

and open to occupation? Or were they at the moment of occupation
under the sovereignty and administration of the Moroccan State?"
(Ibid.) i
If that direct method were not adopted, he added, there woùld remain the

method of a request to the Court by the General Assembly for an advisory
opinion. He commented: "The opinion given by the supreme international
judicial body on a point of law could have just as considerable an effectas its
arbitration." (Ibid.)
Mr. Laraki, following the lineslaid down by the King,as formulated in the
letter of 23 September 1974and relying on the arguments put forward in the
General Assembly,claimedtheterritory of Western Sahara on thegrounds of

Morocco's historic titles or ties. Thus no more was heard of the "other
interested parties", and the right to self-determination of the indigenous
population, which had appeared to be guaranteed by the Assembly's
resolutions, was ignored.
The political understanding within the African group moderated the
reaction against the Moroccan demands, but there was nevertheless a
reaction -and astrongone - in favour of the principle of self-determination.

In the General Assembly Mauritania, while referring to its claim to
Western Sahara as an integral part of the Islamic Republic of Mauritania,
nevertheless emphasized that, whatever the opinion of the Court might be,
"the right of self-determination of the people of the Sahara cannot be subject
to any impediment" (A/PV.2251). Algeria stated that "the opinion of the
population directlyconcerned willalwaysbe the most important element and
thedecisive factor in any settlement"(A/PV.2265). Therepresentatives of the

administering Power expressedthe same view(A/PV.2253 and AlPV.2257).

~he background to General Assembly resolution 3292 (XXIX) is also
worth bearing in mind. Introducing the draft resolution in the Fourth
Committee, the representative of Upper Volta said that "it was the fruit of
long negotiations among the delegations concerned, particularly those of

Mauritania, Morocco and Algeria" (A/C.4/SR.2130). The representative of
Senegal-one of the countries of the group of 35 which sponsored the
draft -explained that the purpose of the proposed resolution should be to:
"...assist the African countries concerned in finding a solution, even
one of waiting, which would respect both the provisions of the
Declaration on the Granting of Independence and the possible rights

which a given country might have over a territory under foreign
domination" (A/C.4/SR.2124).
The representative of the Ivory Coast, also a member of the African group,
said that the draft had been prepared "in a spirit of compromise" and that:

"...elements had been introduced into the original text which would
enable the General Assembly to be consistent. Those elements were,131 SAHARA OCCIDENTAL (OP.IND. DECASTRO)

premièrement, l'affirmation, dans le préambule, dudroit à l'autodéter-
mination du peuple du Sahara espagnol 1)(A/C.4/SR.2131).

La matière du compromis ci-dessus mentionné peut aussi se déduiredu
rapport du secrétaire généraladministratif de l'organisation de l'Unité

africaine. Selon lui, lors de la présentation au groupe africain du projet
marocain de demande d'avis consultatif à la Cour, plusieurs délégations
(many dans letexte anglais original) sesont préoccupéesde ce que letexte ne
tenait aucun compte du droit de la population du Sahara àl'autodétermina-
tion et ellesont estiméque ce pourrait êtreun précédent dangereuxpour les
paysafricains ayant luttépour leprincipe de I'autodétermination depuis leur

indépendance(exposé écrit espagnol, par.250).
De cette manière, sans que soit rejetéela proposition marocainetendant à
ce que la Cour examine la valeur des titres ou liensjuridiques sur le territoire
du Sahara occidental au moment de la colonisation espagnole, le principe
de I'autodétermination est réaffirmédans le texte de la résolution. Mais,
comme le reconnaît le représentant de la Côte d'Ivoire, il s'agit d'«réso-

lution inhabituelle [qui]ne donne, peut-être, pas entièrement satisfaction
(A/C.4/SR.2131). Pour cette raison, plusieurs membres de la Quatrième
Commission craignent que la résolutioncomporte toujours une menace au
principe del'autodétermination. En conséquence,envotant ou ens'abstenant
de voter le projet, les Etats tiennentire consigner qu'ilssont en faveur du
principe de l'autodétermination. En plus de l'Algérie(A/C.4/SR.2125), on

peut citer la République-Uniedu Cameroun et la Républiquearabe syrienne
(A/C.4/SR.2130), Cuba, la Grenade, la Guinéeéquatoriale, la Colombie,
le Costa Rica, la Malaisie, le Venezuela, le Portugal, la République arabe
libyenneet 1'Equateur(A/C.4/SR.2131). LeYémendémocratique,étantl'un
des auteurs du projet, n'a pas à expliquer son vote mais il tient à dire que
c'estexclusivement à la population du territoire elle-mêmequ'ilappartient

de déciderde la nature et de la forme de son avenir» (A/C.4/SR.2131). Le
Kenya, qui est contre la demande d'avis, s'écrie:«On demande en fait à
l'ONU detraiter cesgens[lesautochtones]commedesbiensetnon commedes
personnes » (ibid.).
La Quatrième Commissionprocède enfin au votedu projet de résolutionet
ilest adopté par81voix contre Oavec43abstentions. Al'Assembléegénérale,

il est adopté par 87 voix contre O avec 43 abstentions (résolution 3292
(XXIX)).
En conséquencel'affaire arrivedevant la Cour.Il est àreleverque, dans les
exposés écrits du Maroc et de la Mauritanie, chacun de ces deux Etats
revendiaue la totalité du territoire du Sahara occidental. Au cours des
exposés oraux prononcés devant la Cour, le caractère contradictoire des

prétentions du Maroc et de la Mauritanie vient à disparaître, chacun se
limitant à une partie - respectivement le Nord et le Sud - du Sahara
occidental. Ce changement de position s'opère sans qu'on en explique à la
Cour les raisons, ni la portée quant a la valeur des renseignements et
documents fournis dans lesexposésprécédents qui revendiquaientla totalité
du territoire. WESTERN SAHARA (SEP. OP. DE CASTRO) 131

firstly, the reaffirmation, in the preamble, of the right to self-
determination of the people of Spanish Sahara" (A/C.4/SR.2131).

Thenature of the compromise referred to above can also be inferred from
the report submitted by the administrative Secretary-General of the
Organization of African Unity. According to him, when the Moroccan draft

of the request to the Court for an advisory opinion was submitted to the
African Group, "many" delegationshad expressedconcern over thefactthat
the resolution totally disregarded the right of the people of the Sahara to
self-determination and had felt that this could constitute a dangerous pre-
cedent for African countries which had fought for the principle of self-
determination sincetheir independence(Spanish writtenstatement, para. 250).

Thus, although there was no rejection of the Moroccan proposa1 that the
Court should consider the validity of the legal titles to or legal ties with the
territory of Western Sahara at thetime of colonization by Spain,theprinciple
of self-determination was reaffirmed in the text of the resolution. But as the
representative of the Ivory Coast recognized, "it was an unusual draft

resolution that mightperhaps not be entirely satisfactory" (A/C.4/SR.2131).
For that reason, several members of the Fourth Committee were afraid that
the resolution still entailed a threat to the principle of self-determination.
Consequently, when voting for or abstaining from voting on the draft, States
made a point of putting on record the fact that they were in favour of the
principle of self-determination. In addition to AIgeria (A/C.4/SR.2125),

those adopting this course included the United Republic of Cameroon and
the Syrian Arab Republic (A/C.4/SR.2130), Cuba, Grenada, Equatorial
Guinea, Colombia, Costa Rica, Malaysia, Venezuela, Portugal, Libyan Arab
Republic and Ecuador (A/C.4/SR.2131). The representative of Democratic
Yemen, as a sponsor of the draft, did not have to explain his vote, but he

stressed that, "only the people of the Territory themselves were entitled to
decide the nature and form of their future life" (A/C.4/SR.2131). The
representative of Kenya was against the request for an advisory opinion; he
complained that "the United Nations was being asked to treat them [the
indigenous peoples] as chattels and not as people" (ibid.).
The Fourth Committee finally proceeded to vote on the draft resolution,

which was adopted by 81 votes to none, with 43 abstentions. In the General
Assembly,it wasadopted by 87 votesto none, with 43abstentions (resolution
3292(XXIX)).
In consequence,the matter camebefore the Court. It isnoteworthy that, in
the written statements of Morocco and Mauritania, each of those two States

claimedthe whole of theterritory of Western Sahara. In thecourse of theoral
statements before the Court, the contradictory character of the claims of
Morocco and Mauritania disappeared, each State limiting its claim to a
part - respectively the north and the sout- of Western Sahara. This change
of position occurred without any explanation being given to the Court of the
reasons prompting it, or of its bearing on the value of the information and

documents supplied in the earlier statements claiming the whole of the
territory. 132 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)

2. Interprétationdes termes de la demande d'avisconsultatif

Lesdeux questions poséesà la Cour sont en apparence simples et claires.
Leur examen montre qu'elles soulèventde délicats problèmes d'interpréta-
tion.

a) Méthoded'interprétation

Avant tout, se pose la question préliminairede la méthode d'interprétation
àsuivre. Doit-on isoler lesquestions poséesàlaCour du reste de la résolution
ou ellessont inclusesou faut-il au contraire lesconsidérerdans lecontexte de
la résolution, en tenant compte aussi de l'histoire et des antécédentsde
celle-ci?

Il semble évident que, pour interpréter une résolutionde l'Assemblée
généraledes Nations Unies, comme une loi et comme toute déclaration
unilatéraleen général, il faut rechercher son but et sa raison d'êtr1.II n'est
donc pas permis d'isoler les questions poséesde l'ensemble de la résolution
dans laquelle elles sont insérées.C'est la résolution dans sa totalité qui
exprime les raisons de la demande d'avis consultatif et explique l'emploi à

faire de cet avis par l'Assembléegénérale 2.

Lesantécédentsde la résolution montrent que,bien que lesdeux questions
poséesà la Cour soient les mêmesque celles qu'avait proposées S.M. le roi
Hassan II, ellesont changédebut et'desens lorsqu'ellesont été inséréedsans

le projet des trente-cinq Etats. Ces questions n'ont plus pour objet d'obtenir
une déclaration sur les titres du Maroc à la revendication du Sahara
occidental, mais d'aider l'Assembléegénéraleà se prononcer «sur la poli-
tique à suivre pour accélérerle processus de décolonisation du territoire,
conformément àla résolution1514 (XV)». Ce but est expriméd'une manière

si claire par l'Assembléegénéralequ'il ne saurait êtreignoré au moment
d'interpréterlesquestions soumises à la Cour pour avis consultatif.

b) Caractèrecomplémentaire des deux questionsposées
Lorsque sont poséesdeux questions àla Cour, ilsemblenaturel d'attribuer

à chacune un sens propre et différent.S'ils'agit de la même question,à quoi
bon la répéter avecd'autres mots?Mais, pour juste que soitcetteobservation,
il ne faut pas ignorer que les promoteurs de la demande d'avis consultatif et
lesparties concernéesont donnéaux deux questions un senscomplémentaire
et que cette signification a éconnue et acceptéede l'Assembléegénéraleen

votant la résolution.

L'Assembléegénéralen'a pas poséla question de savoir si leterritoire était
sans maître ou s'ilétaiten la possessionde tribus indépendantes; son intérêt

CommeledisaitBalde:« Ratio inlegesinct animaet spiritus, ejusautemverbasunt
corpus.»
« Incivileest nisitota legeperspecta,unaaliquaparticula ejuspropositajudicare,vel
respondere»,Celsus,D.l, 3,24. WESTERNSAHARA(SEP.OP.DE CASTRO)

2. Interpretationofthe Termsofthe Requestfor anAdvisory Opinion

The two questions put to the Court are apparently simple and clear. An
examination of them reveals that they raise delicate problems of

interpretation.

(a) Methodoflnterpretation
Firstof all,there isthe preliminary question of the method of interpretation
to be followed.Are the questions put to theCourt to be isolated from the rest

of the resolutionin which they are included; orare they, on the contrary, to be
considered in the context of the resolution and in the Iight of its history and
background?
It seemsclear that, in order to interpreta resolution of the United Nations
General Assembly, as when interpreting a law or with any unilateral
declaration in general, it is necessary to enquire into its purpose and the

reason for itsexistence '.It isnot therefore permissible to isolate thequestions
asked from the body of the resolution in which they are inserted. It is the
resolution as a whole which expresses the reasons for the request for an
advisory opinion and explains the useto whichthat opinion isto be put by the
General Assembly 2.

The background of the resolution shows that, although the two questions
put to the Court werethe sarneas those thathad been proposed by H.M. King
Hassan II,their purpose and sense changed when they were inserted in the
draft of the 35 States. Their object is no longer to obtain a declaration on
Morocco's title to claim Western Sahara,but to assist the General Assembly
in deciding "on the policy to be followed in order to accelerate the

decolonization process in the territory, in accordance with resolution 1514
(XV)". This object is so clearly expressed by the General Assembly that it
cannot be ignored when interpreting thequestionssubmitted to the Court for
an advisory opinion.

(b) Complementary Characteo rfthe TwoQuestionsAsked

When two questions are put to the Court it seemsnatural to ascribeto each
of them a distinct and separate meaning of its own. If one and the same
question werebeingasked,what would be thepoint of repeating it indifferent
words? However,notwithstandingthe accuracy of thisobservation, onemust
not ignore the factthat the promoters of the request for an advisory opinion,

and the parties concerned, gave the two questions a complementary sense
which the General Assembly was aware of and accepted when it voted in
favour of the resolution.
The General Assembly did not ask whether the territory had belonged to
no-one or whether it had been in the possession of independent tribes; its

1AsBaldussaid,"Ratioinlegesicutanimaet spiritus, eiusautem verbasuntcorpus".
2 "Incivileestnisitota legeperspecta,unaaliquaparticula eiuspropositajudicare, vel
respondere",Celsus,D.l, 3,24. 133 SAHARAOCCIDENTAL(OP. IND. DECASTRO)

s'estlimitéà la question de savoir si le territoire était sans maître parce qu'il
n'avait pas de liens avec le Maroc ou la Mauritanie.
La connexitédes deux questions semble naturelle dans le contexte de la
résolution et elle a été admiseà plusieurs reprises par les parties inté-
ressées.

Etant donnéson origine et son but, la première question ne doit pas être
séparée de la seconde; c'estla mêmequestion,quoique rédigée autrement. Le
territoire doit êtreconsidérécomme terranulliuss'il n'étaitsoumis par des
liens juridiquesà aucun Etat ou organisation juridique au moment de la
colonisation espagnole; il n'aurait pas étéerranulliussi,a ce moment-là, il

avait étésoumis par des liens juridiques au Royaume du Maroc ou a
l'ensemblemauritanien.
C'estsur l'initiativedu Maroc, par une déclarationdeS. M.leroi Hassan II
en date du 17septembre 1974, puis sur l'intervention de M. Laraki à

l'Assembléegénéralele 30 septembre 1974, que les deux questions ont été
posées séparément,séparation qui se retrouve dans la résolution 3292
(XXIX) 1.Aprèsles débatsde l'Assembléeet le vote de la demande d'avis
consultatif, la nature complémentaire des deux questions est considérée
comme évidente.

LemêmeGouvernement marocain fait observer dans lepréambulede son
exposéécrit:

Aussibien, lesdeux questions poséesàla Coursont intimement liées.
Pour le Royaume du Maroc en effet, la démonstration du fait que le
Sahara occidental n'étaitpas une terre sans maître aux divers moments
qui marquent lesétapesdu processus de lacolonisation espagnole résulte
du fait que ce territoire était placédepuis une époquetrès ancienne

(XIesiècle),qui se confond avec la constitution du royaume lui-même,
sous uneautoritéeffectiveetque celle-ciétaitlasouverainetémarocaine.
Il est impossible de dissocier les deux démonstrations, s'agissant des
actes de souveraineté d'un Etat qui, pour êtresensiblement différent

dans sa structure des Etats européens,n'en était pas moins reconnu
comme Etat souverain par ces derniers et qui n'a cesséde résisterà
l'implantation espagnole au Sahara occidental. »

1 La raison de cette initiative semble avoir étéde présenterles revendications du
Maroc sousla formed'undifférendavecl'Espagnequant àlavaleur destitres respectifs
sur leSahara occidental. 11estsupposéquel'Espagnefonde son titre sur lacondition de
terranulliusdu territoire. Au cas où la Cour répondraitque leterritoire n'étaitpassans
maître au moment de la colonisation, ce serait qu'il avait un maître et ce maître,
pense-t-on pouvoir conclure, ne pouvait êtreque le Maroc, seul Etat voisin et
musulman. Cette manièrede poser la question change, dès le projetde résolution des
trente-cinq, par l'importance donnée au principe de l'autodétermination. Dans le
même sensjoue l'intérêt dMuaroc d'éviterde poser la question de la légitimitéde la
colonisation espagnole, ce qui aurait montréqu'ils'agissaitd'unequestion àlapre
juridiction contentieuse et non d'un avis consultatif. WESTERNSAHARA (SEP.OP. DE CASTRO) 133

interest was confined to the question whether the territory had belonged to
no-one because it had no ties with Morocco or Mauritania.
The interconnection of the two questions appears natural in the context of

the resolution and has been admitted on a number of occasions by the
interested parties.
In viewof its origin and purpose, the first question must not be separated
from the second; it is the same question, albeit differently drafted. The

territory must be considered nulliusif it was not subjected by legal tiesto any
State orjuridical organization at the time of colonization by Spain; it would
not have been terranulliusif, at that time, it had been subjected by legal tiesto
the Kingdom of Morocco or the Mauritanian entity.

It was on the initiative of Morocco, by adeclaration of H.M. King Hassan
II dated 17September 1974,and then by thestatement made by Mr. Laraki to
the General Assemblyon 30 September 1974,that the two questions wereput

separately -a separation that recurs in General Assembly resolution 3292
(XXIX) 1.Following the debate in the General Assembly and the voting of
the request for an advisory opinion, the complementary nature of the two
questions may be regarded as evident.
The Moroccan Government itself observes, in the introduction to its

written statement:

"Clearly, the two questionsput to the Court are closelyconnected. For
the Kingdom of Morocco, the proof that Western Sahara was not, at the
various times marking the stages of the process of Spanishcolonization,
a territory belonging to no-one, follows from the fact that, since very
ancient times (the 1lth century), contemporary with the constitution of

the Kingdom itself, this territory was under an effective authority, and
that such authority wasthat of Moroccan sovereignty.It isimpossible to
separate the demonstration of thesetwo points, sincethey are concerned
with acts of sovereignty of a State which, although appreciably different

in structure from European States, was none the less recognized as a
sovereign State by them, and has never ceased its resistance to Spanish
implantation in Western Sahara."

1 Thepurpose of thisinitiative seemsto havebeen to present the Moroccan claimsin
the form of a dispute with Spain regarding the weight of the two countries' respective
titles to Western Sahara. Thesupposition is that Spain bases its title on the territory's
having been terra nulliusShould the Court reply that the territory was not one
belonging to no-one at the time of colonization, this would that it had an owner,
and that owner-or so the conclusion would appear to be-could only have been
Morocco, the sole neighbouring Muslim State. This method of posing the question
changes with the introduction of the draft resolution of the gr35,because of the
emphasis placed on the principle of self-determination. For sirnilar reasons it was in
Morocco's interest to avoid raisingthe question of the legalityofcolonization by Spain,
forto do so would have shown that the issuewasone proper to the Court's contentious
rather than its advisory jurisdiction. 134 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND. DECASTRO)

Dans son exposé écrit,la République islamiquede Mauritanie s'exprime
ainsi:

«Si le problème poséà la Cour se rapportait à la légitimitéde la
possession espagnole ou aux limites territoriales de cette possession, la
conception réalisteou conception-fiction du territoire nulliustrouverait
certainement às'appliquer.

On voit mal comment elle s'inscrit dans les préoccupations de l'As-
semblée générale qus iont les suivantes: comment décoloniserle terri-
toire du Sahara espagnol? Doit-on considérer que ce territoire, au
moment de la colonisation, n'appartenait à personne, auquel cas toute
création faite sur le territoire est espagnole et susceptible d'un avenir

entièrement indépendant et autonome, ou faut-il considérer que ce
territoire étaithabitépar des tribus qui elles-mêmes faisaient partie d'un
ensemble plus vaste, marocain ou mauritanien? »

Selon le compte rendu du débatde la Quatrième Commission, le repré-
sentant espagnol dit que l'Espagne « n'ajamais affirméque le Sahara étaitun
territoire sans maître (terra nullius).M. de Piniésrépèteque le Sahara est
peupléde Saharoua » (A/C.4/SR.2130). Lorsque les porte-parole du Gou-

vernement espagnol parlent de la condition nulliusdu Sahara occidental,
c'estpour nier l'existencedes liensjuridiques de ceterritoire avec leRoyaume
du Maroc et avec l'ensemble mauritanien.
Ces déclarations et les débatsdevant la Cour 1 montrent que les parties

concernéess'accordentàinterpréterla première question comme n'étantpas
de savoir si le territoire étaitterra nullius en ce sens qu'il aurait pu être
coloniséselon le droit en vigueur à l'époque;elles sont aussi d'accord pour
penser que la question poséeest de savoir sileterritoire du Sahara occidental
étaitoun'étaitpas terra nulliusau moment de la colonisation espagnole en ce

sens qu'il n'aurait pas eu ou qu'il aurait eu des liens juridiques avec le
Royaume du Maroc ou avec l'ensemblemauritanien.
II semble donc que la Cour a compétence pour répondre à la première

Ainsi le conseil du Maroc a dit: «Telle a été ladémarchequ'a suivie l'exposéécrit
du Gouvernement du Maroc, sefondantsur la liaison entre la notion de terraiuset
cellede l'absence de souverainetéétatique»(audience 3juillet), cequi est considéré
comme pertinent «à l'égarddu Maroc, Etat souverain » (ibid.); et de conclu«En
effet,la preuve de lanon-existenced'une terra nulliusauSahara résulte nécessairement
de lapreuve de l'exercicede lasouverainetémarocaine auSahara occidentalépoque
deLeconseil de la Mauritanie a tenu àdire:« Leproblèmequi sepose n'estpas de savoir
sil'Espagne pouvait ou non occuper leterritoire en lequalifiant de res nullius.mais bien
de situerceterritoire par rapportn environnement mauritanien et marocain en vue
de sa décolonisation(audience du 10juillet) et, en concluant son exposé,il a prié la
Cour de dire «que le Sahara occidental n'était, au moment de la colonisation, en
aucunede ses parties une terre sans maître (terra nullius) carcomposait de terres
mauritaniennes et marocaines et relevait par conséquent, l'exception d'une zone
limitéede chevauchement, dans sa partie sud de l'ensemble mauritanien et dans sa
partie nord du Royaume du Maroc »(audience du 28juillet). WESTERNSAHARA (SEP.OP. DE CASTRO) 134

The written statement by the Islamic Republic of Mauritania has this to
Say:

"If the problem submitted to the Court concerned the legitimacy of
Spanish possession or the territorial limits of that possession, there
would certainly be some cal1 to apply the realistic concept or

fiction-concept of territoriumnuiiius.
But it is difficult to see how it fits in with the preoccupations of the
General Assembly, which areas follows:how to decolonizethe territory
of Spanish Sahara? Should this territory be considered, at the time of its
colonization, to havebelonged to no-one, in whichcaseanything created

on it is Spanish and might qualify for a wholly independent and
self-governingfuture, or should it be considered to have been inhabited
by tribes which themselves formed part of a larger Moroccan or
Mauritanian whole?"

According to the record of the debate in the Fourth Committee, the
representative of Spain stated that Spain "had never said that the Sahara was

res nullius",and "he repeated that the Sahara was populated by Saharans"
(A/C.4/SR.2130). When the spokesmen for the Spanish Government speak
of the Western Sahara as being nullius,they do so to deny the existence of
legal ties between that territory and the Kingdom of Morocco or the

Mauritanian entity.
Thosestatements, andthe argument addressed to the Court ',show that the
parties concerned agree in interpreting the first question put to the Court as
not being the question whether the territory was terra nulliusin the sense of
having been capable of beingcolonized under the law in force at the time,and

they alsoagree in considering that thequestion put to the Court iswhether the
territory of Western Sahara, at the time of colonization by Spain, was or was
not terra nulliusin the sense of not having, or of having, legal ties with the
Kingdom of Morocco or with the Mauritanian entity.

It therefore seemsthat the Court is competent to reply to the firstquestion

1 Thus, counsel for Morocco said: "This was the approach followed in the written
statement of theGovernment of Morocco, based on the connection between the notion
of terra nulliusand that of the absence of State sovereignty" (hearing of 3 July) which
is considered "...relevant as regards Morocco, a sovereign State" (ibid); and he
concluded: "Proof of the non-existence of a terra nullius in the Sahara necessarily
follows from proof of the exercise of Moroccan sovereignty in Western Sahara at the
time of colonization" (hearing of 25July).
Counsel for Mauritania stated: "The problem is not whether Spain could or could
not occupy thisterritory by considering itas resnulliusbut to definethesituation of this
territory in relation to its Mauritanian and Moroccan surroundings with a viewto its
decolonization" (hearing of0July) and, at theconclusion of his address, he asked the
Court tofind "...that Western Sahara, at the time of colonization, wasnot in any part
a territory without an owner (terra nullius),because it wasmade up of Mauritanian and
Moroccan territories, and consequently, with the exception of a limited overlap area,
appertained in itssouthern partto the Mauritanian entity and in itsnorthern part to the
Kingdom of Morocco" (hearing of 28 July).135 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DECASTRO)

question posée si ellea compétence pour répondre à la question de savoir
quels étaientles liensjuridiques du territoire avec le Royaume du Maroc et

l'ensemblemauritanien.
c) Liensjuridiques avecle territoire

Lestermes liensjuridiquessont d'une ampleur extraordinaire, soit que l'on
considère toutes lescatégories possiblesde liens,soit que l'on considèretout

cequi peut donner àdes liensun caractèrejuridique. Deslienspeuvent naître
du voisinage,d'un traitéou de laguerre ou ilspeuvent dériverd'unfait illicite
(responsabilité).Il y a des liens territoriaux, personnels, de souveraineté,de
servitude, de suzeraineté,de mouvance, de vassalité,sanscompter tous autres
liens de nature féodale. Selon leur source juridique, ils peuvent êtrein-
ternationaux, de droit public ou privé,de droit étatique,de droit canonique,

de droit musulman (fondésurle chraa).
Il est donc nécessairede rechercher le sens dans leauel ces termes sont
employésdans la résolution, ce qui est possible en tenant compte de la
rédactionde la seconde auestion et de sa relation avec la memière.
Lesmots « les liensjuridiques de ce territoireavleRoyaume du Maroc »

montrent la catégorie de liens visés.Il s'agit d'un vinculumjuris entre un
territoire (qui est l'objet desdits liens) et une personne publique (qui est un
Etat)1.Ils'agitdoncde liensétatiquesconcernant deuxzonesdéterminées(le
Rio de Oro et la Sakiet El Hamra). Leur nature juridique est préciséepar la
relation existant entre lesdeux questions. Par la première, ilest demandéàla
Cour si le territoire étaitou non sans maître, s'il n'appartenait à personne

(belongingto no one).La seconde question - en la complétant - revient à
demander: si le territoire n'était pas sans maître, quel en étaitle maître au
moment de la colonisation espagnole? Etait-ce le Maroc? Etait-ce l'en-
semble mauritanien 2?L;expression liensjuridiques doit s'entendre de liens
étatiques concernant le territoire et pouvant avoir la valeur d'un titre

juridique pour revendiquer le territoire, c'est-à-dire un droit de souveraineté
sur le territoire.
LeMaroc a ainsi posélaquestion: lesdeuxterritoires sahariens (RiodeOro
et Sakiet El Hamra) relevaient-ils, au moment de leur occupation, de la
souverainetéet de l'administration de 1'Etatmarocain? »(A/PV .249).Cela
correspond aux affirmationsselon lesquellesles «deux provinces »du Sahara

occidental relèvent « de notre souveraineté» (ibid.)et((antérieurement à la
colonisation espagnole, la souveraineté marocaine s'est exercée sur ces
territoires dans les conditions requises par le droit international public»
(A/C.4/SR.2117).
Dans le projet de résolution etau cours du débatau sein de la Quatrième

Commission, la question conserve le sens que lui a donnéle Maroc. D'ou la

L'ensemble mauritaniensoulèvela question de son existence etde son statut
juridique.
indépendantes qui l'habitaient.ela est sans pertinence pourse prononcersur les
processusde décolonisation. WESTERNSAHARA (SEP.OP. DE CASTRO) 135

if it iscompetent to reply to the question regarding the nature of the legal ties
between the territory and the Kingdom of Morocco or the Mauritanian
entity.

(c) Legal Ties with the Territory

The term legal ties is extraordinarily wide, whether one considers al1the
possible categories of ties, oral1the factors that could give those ties a legal
character. Ties can arise from proximity, from a treaty or from war, or they
can flow from an unlawful act (responsibility). There are territorial ties,

persona1 ties, ties of sovereignty, of servitude, of suzerainty, of fealty, of
vassalage, to say nothing of al1the other ties of a feudal character. According
to their legalsource they can be international, ties of public or private law, of
State law, of canon law, or of Muslim law (based on the shari'a).

It is therefore necessary to enquireinto the sense in which the term is used
in the resolution, which is possible having regard to the formulation of the
second question and to its I'elationwith the first.
The words "the legal ties between this territory and the Kingdom of
Morocco"indicate the category of ties envisaged: a vinculumjuris between a

territory (which isthe object of the ties in question) and a body public (which
is a State) 1.What is involved is thus State ties relating to two specific areas
(the Rio de Oroand the Sakiet El Hamra). Their legal nature ismade plain by
the relation existing between the twoquestions.In the firstquestion, theCourt
wasaskedwhether or not theterritory had been a territory belongingtonoone

(sans maîtrein the French text).The secondquestion,supplementingthe first,
amounted to asking who,if the territory was not without a master [maître],
had been its master [or owner]at the time of colonization by Spain. Was it
Morocco? Was it the Mauritanian entitv *?The ex~ression lenaltie"must be
understood to mean State ties relating to the territory and capable of having

the value of a legal title to lay claim to the territory, that is to sayright of
sovereigntyover the territory.
Morocco put the question thus: were the two territories of the Sahara (Rio
de Oro and Sakiet El Hamra) "at the moment of occupation under the

sovereignty and administration of the Moroccan State?" (A/PV.2249). That
corresponds to its assertions that the "two provinces" of Western Sahara fa11
"under Our sovereignty" (ibid.) and that "prior to Spanish colonization,
Morocco had exercised sovereignty over those territories in accordance with
the conditions laid down by public international law" (A/C.4/SR.2117).

In the draft resolution and.during thedebate in the Fourth Committee,the
question retained the sense given to it by Morocco. Hence the controversy

1TheMauritanian entityraisesthe questionof itsexistenceandits legal status.

2 The General Assembly ignored the questionof the territory'sties with the
independent tribes inhabitinigt,as beingirrelevantfortheurposesof itsdecisionon
thedecolonizationprocess.136 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)

controverse ayantpour origine la menace au principe de I'autodétermination
que plusieurs pays voient dans la demande d'avis consultatif1.
Dans le préambulede son exposéécrit, leMaroc soutient que le Sahara
occidental étaitdèsle XIe siècle« sous une autoritéeffective et que celle-ci
étaitla souverainetémarocaine ».Dans sesexposésoraux, ildit que « la seule

question qui se pose concerne, de notre point de vue, le point de savoir si le
Maroc ...étaitsouverain au Sahara occidental au moment de la colonisation
espagnole » (audience du 26juin) et que, « au moment de la colonisation
espagnole, le Royaume du Maroc exerçait sa souverainetéau Sahara occi-
dental » (audience du 25juillet), étant ((considérécomme le possesseur

immémorial»du territoire (audience-du 3juillet).
La Mauritanie soutient, de son côté,que le Sahara sous administration
espagnole est partie intégrante de l'ensemble mauritanien. Dans son exposé
écrit, elledit qu«la relation juridique entre lesdeux est une simple relation
d'inclusion». Dans ses exposés oraux,elle parle d'une« CO-souverainetédes

éléments du pays chinguittien»(audience du 10juillet).
Dans les exposésoraux du Maroc, on trouve l'affirmation que « 1'Etat
marocain répond àlaconception traditionnelle monarchique de fallégeance
personnelle »(audience du 2juillet). On ne voit pas clairement quelle est la
portée de cette déclaration. La vieille allégeance personnelle au Maroc

donnait des droits sur des personnes et non sur des territoires. Leterritoire du
vassal n'estpas soumisdirectement au seigneur;ilne luiestsoumisqu'indirec-
tement pendant letemps de l'allégeance etetteallégeanceprend fin - etdoit
êtrerenouvelée - à la mort du seigneur ou du vassa2.Dans la périodede la
colonisation espagnole, lessultans sont maîtres du territoirequi relèvedefacto

de leursouverainetéet tâchent de devenir maîtres des territoiresqu'ilscroient
leur appartenir dejure dans le bled siba. En tout cas une revendication
territoriale comme celle du territoire du Sahara occidental par le Maroc ne
saurait être fondéesurune allégeancepersonnelle.
Aprèsl'entente entre la Mauritanie et le Maroc, il est fait mention dans les

exposés oraux de la Mauritanie de ((tribus de mouvance marocaine))
(audience du 9juillet). Mais l'ampleur de cett« mouvance » supposéeest
bien limitée. Selon letémoignagede M. Vincent Monteil présentépar la
Mauritanie, on doit s'en tenir à l'oued Sakiet El Hamra comme ligne de
démarcation entre la «mouvance marocaine » et l'ensemble mauritanien

(audience du 8juillet)3.

Le groupe africain qui rédie projet prendsoin de se référruatrefois à la
résolution 1514XV), de mentionner les huit résolutionssur la décolonisationdu
Saharaoccidentaletde réaffirmeedroitàI'autodétermination du Saharccidental.
LesréclamationdselaTurquiecontrelaFranceen1881ausujetdeTunis montrent
bien le peu de force des vieux liens de vasselagedans la pratique internationale
moderne (Hertslet,TheMap ofAfrica by Treaty (Protest ofthe Porte against the French
Treaty),eprintof thethirdedition,Londres, 1897, p. 118.
Ni les liens d'allégeance personu de «mouvance»entretribus(chevauche-
mentsde parcours)n'ontétéoune pouvaient êtrel'objet du différendleearocet
l'Espagnequi« paraissa»texisterselonl'ordonnancede la Cour du22 mai 1975. WESTERN SAHARA (SEP.OP. DE CASTRO) 136

originating in thethreat to the principle of self-determination that a number
of countries saw in the request for an advisory opinion 1.
In theintroduction toits writtenstatement, Moroccomaintained that since
the eleventh century Western Saharahad been "under an effectiveauthority,
and that such authority was that of Moroccan sovereignty". In its oral

statements it said that "the only question which has arisen, from ourpoint of
view,is whether Morocco ...was sovereign in Western Sahara at thetime of
Spanish colonization" (hearing of 26 June) and that, "at the time of
colonization by Spain, the Kingdom of Morocco was exercising its
sovereignty in Western Sahara" (hearing of 25 July), being "considered to be

the immemorial possessor" of the territory (hearing of 3 July).
Mauritania maintained, for its part, that the Sahara under Spanish
administration was an integral part of the Mauritanian entity. In itswritten
statement it said, "the legal relation between the two is a simple one of
inclusion". In itsoral statements, itspoke of a"CO-sovereigntyof thedifferent

constituents of the Shinguitti country" (hearing of 10July).
In the oral statements of Morocco, we find the assertion that "the
Moroccan State. ..conforms to thetraditionalmonarchical ideaof personal
allegiance" (hearing of 2 July). The bearing of this statement is not clear. The
personal allegiance traditional in Moroccoconferred rights over persons not

territories. The territory of the vassal isnot directlysubject to the overlord; it
is subject to him only indirectly during the period of allegiance and that
allegiance ends- and must be renewed - at the death of the lord or the
vassal 2. In the period of colonization by Spain, the Sultans are masters
[maîtreslof the territorywhich falls defacto under their sovereignty and seek

to becomemasters of theterritorieswhichthey regard as belonging to them de
jure in the Bled Siba. In any case a territorial claim such as Morocco's claim
to the territory of Western Sahara cannot be founded on a personal
allegiance.
Following the understanding between Mauritania and Morocco, reference
wasmade in the oral statements of Mauritania to "tribes of Moroccan fealty"

(hearing of 9 July). But the extent of this alleged "fealty" is very limited.
According to thetestimony of Mr. Vincent Monteil presented by Mauritania,
the Wadi Sakiet El Hamra must be taken asthedemarcation line between the
"Moroccan fealty" and the Mauritanian entity (hearing of 8 July) -7.

The African group that prepared the draft was at pains to refer four times to
resolution 1514 (XV), to mention the eight resolutions on the decolonization of
Western Sahara and to reaffirmthe right of Western Saharato self-determination.
The claims of Turkey against France in 1881on the subjecofTunis show clearly
how little force the ancient ties of vassalage retained in modern international practice
(Hertslet,TheMapofAfrica byTreaty(Protestofthe PorteagainsttheFrenchTreary).
reprint of the third ed., London 1897, p. 118).
(overlappings of routes) were or could have been the subject of the dispute between
Moroccoand Spain which "appeared" to exist according to the Order of the Court of
22 May 1975. SAHARA OCCIDENTAL (OP. IND. DE CASTRO)
137
d) Moment de la colonisationpar l'Espagne

Il importe de savoir comment se déterminele moment de la colonisation
par l'Espagne. Il ne s'agit pas d'établir «date critique» d'un différend;la
Cour n'a pas àjuger d'une affaire contentieuse. On ne saurait s'en tenir au

sens étroit des mots. Il n'est pas question d'un temps fort bref, car la
colonisation espagnole du Sahara occidental a étéun processus étalé sur
plusieursannées.En ce sens, on peut parler d'une périodede colonisation ou
d'une«périodecritique»et ilfaut prendre en considération non seulementle
commencement de la colonisation, soit en fait, soit en droit, mais aussi le

moment de sa consolidation par l'occupation ou la pacification.
La périodede colonisation doit s'entendre de chacun des deux territoires
considérés par la résolution,le Rio de Oro etla Sakiet El Hamra. Chacuna eu
sa propre histoire et sa propre périodede colonisation '.La colonisation du
Rio de Oro a été proclamée par l'ordonnance royale du 26 décembre1884.
Celle de la Sakiet El Hamra a eu comme point de départ le traité entre la

France et l'Espagne du 27 mars 1912. La pacification totale des deux
territoires s'estaccomplie vers l'année1934.
Il est à noter aussi que, dans la langue de l'époque,les mots colonie,
protectorat, zone d'influence, intervention,pacification sont employés indif-
féremment.Ainsi, lorsqu'on parle d'exercer unprotectorat sur des tribus ou

sur des indigènes,il s'agit d'une colonisation et non d'un protectorat au sens
technique comme celui qui a été exercé sur le Maroc.

Les termes « au moment de la colonisation par l'Espagne » imposent des
limites à la recherche des liens juridiques avec le territoirEn fondant sa

revendication de souveraineté sur la possession immémoriale, le Maroc
oblige a considérerlesfaits d'une époque très lointaine, mais celanedoit pas
faire oublier que c'estau moment de la colonisation espagnole qu'ilfaut voir
si ladite possession par le Maroc étaiten exercice.

1. Compétenced a Cour

1. Questionjuridique et questionsdefait

L'ordonnance de la Courdu 22 mai 1975considèreque lesconclusions par
elleénoncées ne préjugentenrien laquestion de lacompétencedela Cour. Au

présentstade de la procédure, laCour doit déciderde sa propre compétence.
La Cour peut donner un avis consultatif «sur toute questionjuridique »à
la demande de tout organe ou institution autorisé (Statut, art. 65). Selon la

1 En suaaérant à l'Assemblée générales auestions à Doserà la CouM. Laraki
parle des <;Jeux territoires sahaze(~/~~.2249).~etie distinction enire les deux
territoires du Sahara occidental se reflètedans la résolu(XXIX)9contenant la
demande d'avisconsultatif. La première question commencepar cet m«LeSahara
occidental (Rio deOro etkiet El Hamra)..». WESTERN SAHARA (SEP.OP. DE CASTRO) 137

(d) Timeof Colonization by Spain

An important point is how the time of colonization by Spain is to be
determined. It isnota question of establishingthe "critical date" of a dispute;
the Court is not judging a contentious issue. We cannot confine ourselves to

thenarrow senseof the words. Weare concerned with more than a verybrief
period, for the Spanish colonization of Western Sahara was a process spread
over a number of years. In this sense, one can speak of a period of
colonization or a "critical period", and it is necessary to take into
consideration not only the beginning of the colonization, whether defacto or

dejure, but also the time of its consolidation by occupation or pacification.
The period of colonization must be understood as referring to each of the
two territoriesreferred to in the resolution, the Rio deOro and the Sakiet El
Hamra. Each has had its own history and its own period of colonization 1.
The colonization of Rio de Oro was proclaimed by the Royal Decree of 26

December 1884.That of the Sakiet El Hamra had as its starting point the
treaty between France and Spain of 27 March 1912.The total pacification of
the two territories was accomplished in about 1934.
It should alsobe noted that, inthe language of theperiod, thewords colony,
protectorate, sphere of influence, intervention, pacijication, are used

indiscrimiriately. Thus, when there is a reference to the exercise of a
protectorate over tribes or indigenous populations, what is meant is a
colonization, and not a protectorate in the technical sense like the
protectorate which was exercisedover Morocco.
The words "at the time of colonization by Spain" impose limits on the

investigation of the legal ties with the territory. By basing its claim of
sovereignty on immemorial possession, Morocco made it necessary to
consider the events of a very distant period, but that should not make us
forget that what matters is whether the said possession by Morocco was
exercised at the time of colonization by Spain.

1. Cornpetence of the Court
1. Legal Questionand Questions of Fact

In itsOrder of 22 May 1975,theCourt considers that the conclusionsstated
in no way prejudge the question of the Court's competence. At the present
stage of the procedure, the Court has to decide on its own competence.
The Court may give an advisory opinion "on any legal question" at the
request of whateverbody may be authorized to make such a request (Statute,

1 When suggesting to the General Assemblythe questions that should be put to the
Court, Mr. Laraki spoke of the "two Territories of the Sahara" (A/PV.2249). This
distinction betweenthetwo territories of WesternSahara is reflected inresolution 3292
(XXIX) containingthe request for an advisory opinion. The firstquestion begins with
the words: "Was WesternSahara(Rio deOro and Sakiet El Hamra) ..."138 SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND. DE CASTRO)

Cour, ell« ne peut donner un avisconsultatif que surune questionjuridique.
Siune question n'estpasjuridique, la Cour n'apas de pouvoir discrétionnaire
en la matière:elle doit refuser de donner l'avisqui lui est demand».(C.I.J.

Recueil1962,p. 155.)Ce dictumde la Cour dans l'affaire relative à Certaines
dépenses des NationsUnies a pu êtreconsidéré comme uneinterprétation
reposant surl'argument a contrario.En véritéelleestobligatoire parce qu'elle
découledela naturede laprocédure consultative,bien différentede cellede la
procédure contentieuse.
Dans un procès,lesparties restent maîtressesdes preuves. Lejuge a un rôle

passif. Selon l'axiome traditionnel en procédure, le juge dit à la partDa:
mihifactum, dabo tibijus. Les parties font valoir des faits et apportent les
preuves qu'elles croient favorables à leurs prétentions et le juge en tient
compte pour décider(secundumallegata et probata). Cela est logique, parce
que l'arrêta pour but de trancher entre les parties e«n'est obligatoire que
pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidéatut,art. 59).

La fonction de la Cour à l'égarddes questions de fait en matière consul-
tative a été considérépear laCour permanente:

« La Cour nesaurait allerjusqu'à dire qu'en règlegénéraleunerequête
pour avis consultatif ne puisse impliquer une vérificationde faits; mais,
dans descirconstances ordinaires, ilseraitcertainement utile quelesfaits
sur lesquels l'avisde la Cour est demandéfussent constants.» (C.P.J.Z.
sérieB no 5,p. 28.)

Propos timides que l'on peut expliquer, peut-être,par la vieille pratique des
Etats de soumettre àla Cour leursdifférendspar la voied'unedemande d'avis
consultatif. Aujourd'hui il semble certain que, lorsque le fait sur l'existence
duquel un avis est demandén'estpas constant ou estcontroversé,laCour n'a

pas compétencepour déciderde sonexistence. La raison en estquela Cour ne
peut pas se satisfaire des preuves, peut-êtrebiaisées, desEtats intéressés ou
concernés;l'effetd'un avis consultatif n'est pas limitéaux parties comme s'il
s'agissaitd'un arrêt;l'avisa une autoritéàl'égardde tous etne serestreint pas
aux Etats ou organisations qui présentent des exposés écritsou oraux et
soumettent à la Cour des renseignements ou documents. La Cour ne saurait

collaborer avec l'organe qui demande un avis consultatif ni présenter
l'existence d'un fait comme une constatation tant qu'elle n'a pas elle-même
vérifiéson exactitude.
En faced'une demande d'avisconsultatif, c'estla Cour qui a la responsabi-
lité de vérifier lesdonnées de fait sur lesquelles elle fonde sa réponse.
Comment procéderdans une affaire où la quaestiofactiest àla base mêmede

toute réponse possible ? La procédurede la Cour n'offre pas de moyens de
faire desrecherches. Mêmeendonnant une interprétation large de l'article 68
du Statut, ilnesemblepas permis àla Courdeprendre enmatièreconsultative
lesmesures quecomporte l'administration des preuves (Statut, art. 48)ou de
confierune enquêteou une expertise à qui que ce soit (Statut,art. 50). WESTERNSAHARA(SEP.OP. DE CASTRO) 138

Art. 65). According to the Court, it "can give an advisory opinion only on a
legal question. If a question is not a legal one, the Court has no discretion in
the matter; itmustdecline to givetheopinion requested" (1.C.J. Reports1962,

p. 155).This dictum of the Court in the case concerning Certain Expensesof
the United Nations may have been regarded as an interpretation based on
argument a contrario.In fact,it isbinding, because it flowsfromthenature of
the advisory proceedings, which is very different from that of contentious
proceedings.

In litigation, the parties are mastersof the evidence:thecourthas a passive
role. In the words of the traditional axiom of procedure, thecourt saysto the
Party: da mihifactum, dabo tibijus. The parties put forward facts and submit
the evidence that they consider favourable to their claims, and thecourt takes
them into consideration when making its decison (secundum allegata et

probata). That is perfectly logical, because the purpose of the judgment is to
decide asbetween the parties, and it "has no bindingforce except between the
parties and in respect of that particular case" (Statute, Art. 59).
The function of the Court with regard to questions of fact in advisory
proceedings was considered by the Permanent Court:

"The Court does not Saythat there is an absolute rule that the request
for an advisory opinion may not involve some enquiry as to facts, but,
under ordinary circumstances, it is certainly expedient that the facts

upon which the opinion of the Court is desired should not be in
controversy." (P.C.I.J., Series B. No.5, p. 28.)
This cautious approach may perhaps be explained by the old practice of

States of submitting their disputes to the Court by means of a request for an
advisory opinion. Today, it would seem certain that, when the fact on the
existence of which an advisory opinion is requested is disputed or in
controversy, the Court has no competence to decide upon its existence. The
reason isthat theCourt cannot content itself withtheevidence,whichmay be

biased, suppiied by the States interested or concerned; the effect of an
advisory opinion is not confined to the parties as though itwerea matter of a
judgment; the opinion isauthoritative erga omnes,and isnot restricted to the
States or organizations that make written or oral statements or submit
information or documents to the Court. The Court cannot collaborate with
thebody that requests an advisory opinion or state the existence of a fact by

way of a finding, unless it has itself verified its accuracy.
When faced with a request foran advisory opinion, the Court itself bears
the responsibility for verifying the factual data on which it bases its reply.
How is itto proceed in a case in whichthe quaestio.factiisfundamental to any
possible reply? The Court's procedure does not provide the means of

conducting investigations. Even if Article 68 of the Statute is interpreted in
the broadest manner, it would not seem that in advisory proceedings the
Court isentitled to makearrangements connected withthe taking of evidence
(Statute, Art. 48)orto entrust anyone with the task of carrying out an enquiry
or giving an expert opinion (Statute, Art. 50).139 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DECASTRO)

L'existenced'un faitjuridique ou d'un actejuridique estaussi une question

de fait et non de droit. C'est ce qu'a expriméla Cour permanente dans
l'affairedu Statut de la Carélieorientalelorsqu'elleaditque lepoint de savoir
si la Finlande et la Russie avaient passé uncontrat étaiten réalitun point de
fait (C.P.J.Z.sérieB no5, p. 26). Il en irait autrement si la question était
d'établirlesconditions juridiques de l'existenced'un contrat ou de connaître
ses conséquencesjuridiques dans le temps ou dans l'espace, même s'ils'agit

d'un contrat dont l'existenceest hypothétique.
Il estpossible que la demande d'avis consultatif porte ou semble porter sur
unequestionmixteou complexe de fait etdedroit. Dans cecas,la Cour devra,
en vertu de ses pouvoirs, interpréter la demande d'avis et voir si, d'aprèsles

antécédents etle but, elle peut écarter la question. En tant qu'organe de
l'ONU, elle se doit de collaborer avec l'organe qui demande l'avis et de
rechercher si ellepeut aiderà résoudreles difficultésqui sont àl'originede la
demande.

2. La question de l'existencede liens au moment
de la colonisationespagnole est-elleune question de droit?

On doit noter que, dans les renseignements fournis et dans les exposés
oraux sur le fond présentéspar les parties concernées, les efforts ont été
centrés sur la preuve des faits. Le Maroc et la Mauritanie ont tâché de
démontrerl'existencede liensentre leterritoire et leur propre pays;l'Espagne
a fait son possible pour démontrer le contraire. De là une polémique érudite

et acharnée sur des faits et des questions touchant la géographie, I'eth-
nographie, la linguistique et surtout l'histoire.

Le Maroc s'emploie àfaire « une esquisserapide des faits historiques» dès
l'an 681 (audience du 30 juin). Le rôle de la Cour est de se ((pencher sur

d'arides problèmesde géographie ou d'histoire » (audience du 24juillet) et
celui du Maroc est de rassembler un faisceau d'arguments historiques
confirmant l'existence de liens juridiques » (audience du 25juillet); il sera
((tenu a prouver les liens qui, à travers l'histoire, unissaient le Maroc au
Sahara occidental. Pour ce faire, nous nous sommes notamment fondéssur

des travaux d'historiens reconnus comme tels, spécialistesde ces époques
anciennes »(audience du 25 juillet) et on assure la Cour que l'exposé estfait
((avec le maximum d'objectivité historique ))(audience du 21juillet). La
Mauritanie promet de faire «un bref examen contradictoire des faits his-

toriques » (audience du 9juillet). L'Espagne apporte un volumineux dossier
de documents et s'évertueà contredire les arguments du Maroc et de la
Mauritanie. Enfin ces deux pays, malgré leur entente, ont des points de vue
contrairessur des faitsimportants.
L'Algériemanifeste son impatience àl'égardde cette manière d'envisager
l'affaire: WESTERNSAHARA(SEP.OP. DE CASTRO) 139

The existenceof a legal fact or of an act in the law isalso a question of fact
rather than of law.That wasconfirmed by thePermanent Court inthe caseof

the Status ofEastern Careliawhen it ruled that the question whether Finland
and Russia had entered into a contract was a question of fact(P.C.I.J.Series
B, No. 5, p. 26). It would be another matter if the question were one of
establishing the legal conditions for the existence of a contract, or
ascertaining its legal consequences in time or in space- even in the caseof a

contract the existenceof which is hypothetical.
It ispossible thatthe request for an advisory opinion may relate or seemto
relate to a mixed or complex question of fact and law. In that case, the Court
will have to interpret, by virtue of its powers, the request for an opinion and
see whether, taking account of the background and the purpose, it can set
aside the question. As an organ of the United Nations, it has a duty to

collaborate with the organ which requests an opinion, and to consider
whether it can assist in resolving the difficulties that have given rise to the
request.

2. 1sthe Questionof the Existenceof Tiesat the Timeof Colonizationby
Spain a Questionof Law?

In the information given and the oral statements made by the parties
concerned on the substantive issues, it should be noted that efforts have

been concentrated on proving the facts. Morocco and Mauritania have
endeavoured to prove the existence of ties between the territory of Western
Sahara and their own countries; Spain has done everything in its power to
prove the contrary. As a result, there was an erudite and fiercely contested
polemic on facts and questions concerning geography, ethnography,

linguistics and,above all, history.
Morocco proceeded to "draw an outline of the historical facts" from the
year 681 (hearing of 30 June). The role of the Court is "to go into arid
problems of geography or history" (hearing of 24 July) and that of Morocco
is "to put together a bundle of historical arguments which confirm the
existence of legal ties"(hearing of 25 July); itlbe "sought to prove the ties

which throughout history united Morocco to Western Sahara. In order to do
so we based ourselves in particular on the work of recognized historians,
specialists inthese ancient periods" (hearing of 25 July) and the Court is
assured that the statement has been prepared "with the greatest possible
historical objectivity" (hearing of 21July). Mauritania promises to make "a
brief contradictory examination of the historic facts" (hearing of 9 July).

Spain has filed a voluminous dossier of documents and has endeavoured to
contradict the arguments of Morocco and Mauritania. Moreover, the latter
two countries, despite their understanding, have opposingpoints of viewon
important facts.
Algeria expressed impatience with this viewof the case:140 SAHARAOCCIDENTAL(OP. IND. DE CASTRO)

«Compte tenu de la nature historique des questions posées,il ne
faudrait pourtant pas réduirel'objet de la requêteà un simple débat

historique. Car la Cour a mieux à faire qu'à éclairer,pour la seule
satisfaction des spécialistes,une controverse historiq»e(Audience du
15juillet.)

Elle propose à la Cour de ne pas répondre « par simple satisfaction acadé-
mique à une question historique » et, au contraire, d'envisager lademande
d'avis consultatif d'une manièreutile, propreà éclaircirun problème actuel
(ibid.).
Lesparties concernéesont interprétélademande d'avisconsultatif comme

posant une question historique et tendant à faire vérifier l'existencede faits
dans lepassé,mêmeleplus reculé,pourétablirl'existencedes liensjuridiques
(titres de souveraineté)entre d'une part le territoire du Sahara occidental et
d'autre part le Maroc et l'ensemblemauritanien (audience du 12mai).

Cette optique des parties concernées oblige à s'interroger sur la compé-
tence de laCour. On a citéla définitionde la questionjuridique due Charles
De Visscher,selon lequel « il s'agit de toute question susceptible de recevoir
une réponsefondéeen droit »; celui-ci ajoute que la Cour s'abstiendra de
répondre à une question qui « dépendrait de considérations étrangèresau
droit »(Théorieset réalitésendroit internationalpublic, Paris, 1970,p. 401).

En appliquant cette définitionàla présenteaffaire, on voit que la question
de l'existencede liensau moment de la colonisation espagnole ne pouvait pas
recevoir une réponsefondéeen droit, qu'elledevait se fonder sur lapreuvedes
faits historiques. C'est ce qu'ont fait les parties concernées enétudiantet en

discutant, par exemple,leseffetshistoriques de l'épopée almoravidel,a réalité
géographiqueet historique du territoire appeléNoun, la portée des expédi-
tions de Al Mamoun et de Moulay Hassan, la signification de la vie et des
exploits de Ma el Aïnin et l'existence d'un groupe ou de deux groupes de
tribus Tekna.
Il est vrai que l'ancienne Cour n'a pas craint d'étudierdes droits histo-

riques, remontant mêmeà l'an 900(C.P.J.I. sérieA/B no53, 1933),et quela
Cour actuelle a examinédestitres de 1066(C.I.J. Recueil1953,p. 53).Mais il
s'agit d'affaires soumisesaCourdans lecadrede laprocédurecontentieuse,
dont la nature est tout autre que cellede la procédureconsultative.

Il est'vrai aussi que, dans l'affaire des Conséquencejuridiques pour les

Etats de la présence continuede l'Afriquedu Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain)nonobstantla résolution 276 (1970)du Conseilde sécuritél,a Cour a
dit:

« Pour êtreà mêmede se prononcer sur des questions juridiques, un
tribunal doit normalement avoir connaissance desfaits correspondants,
les prendre en considération et, le cas échéant,statuer à leur sujet. »
(C.I.J. Recueil1971,p. 27.) WESTERN SAHARA (SEP. OP.DE CASTRO) 140

"...while taking account of the historical nature of the questions
submitted, the subject of the request must nonetheless not be reduced to

a mere historical discussion; the Court has better things to do than
clear up a historical controversy merely for the satisfaction of the
specialists..."(hearing of 15July).

Algeria proposed that the Court should not answer "a historical question
simply to satisfy academic curiosity", and proposed, on the contrary, that the
request for an advisory opinion should be regarded as a request for useful
enlightenment on a contemporary problem (ibid.).
The parties concerned have interpreted the request foran advisory opinion
as one that poses an historical question, directed to the verification of the

existence of facts in the past- even in the most remote past - in order to
establish the existence of the legal ties (titles to sovereignty)tween the
territory of Western Sahara and Morocco and the Mauritanian entity
(hearing of 12 May).
This approach by the parties concerned compels enquiry into the
competence of theCourt. Referencehas been made to thedefinition of a legal

question which weoweto Charles De Visscher,according to whom "it means
any question capable of receiving an answer based on law"; headdsthatthe
Court would refrain from replying to a question which "depended upon
considerations extraneous to the law" (Théories et réalitésen droit
internationalpublic,Paris, 1970,p.401).
Applying that definition to the present case, itcan be seenthat thequestion
of the existence of ties at the time of colonization by Spain could not be

capable of receiving an answer based on law; the answer would have to be
based on theproofof historical facts. That is what the parties concerned have
given in studying and discussing, for example, the historical consequencesof
the Almoravid epoch, the geographical and historical reality of the territory
known as the Noun, the scope of the expeditions of Al Mamoun and of
Moulay Hassan, the significanceof the lifeand exploitsof Ma ul-'Aineenand

the existence of a group or of two groups of Tekna tribes.
It is truethat the old Court was not afraid of studying historic rights, even
going back to the year 900 (P.C.I.J., Series A/B, No. 53, 1933)and that the
present Court has examined titles going back to 1066(I.C.J. Reports 1953,
p. 53). But these were cases submitted to the Court under contentious
procedure, thenature of which is altogether different from theprocedure for

advisory opinions.
It is also true that in the case concerning Legal ConsequencesforStates of
the Continued Presence of South Africa in Namibia (South West Africa)
notwithstanding Security CouncilResolution 276(1970),the Court said:

"Normally, to enable a court to pronounce on legalquestions, it must
also be acquainted with, take into account and, if necessary, make
findings as to the relevant factual issues." (I.C.J. Reports 1971,p27,
para. 40.)141 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)

Mais-ilfaut noter que les faitsévoquésau sujet de l'Afrique du Sud n'étaient

pas des faits à prouver, mais des faits évidentsou de notoriété publique,
comme l'apartheid; c'étaientdes faits avéréspar des résolutionsde l'As-
semblée générale des Nations Unies (C.I.J. Mémoires,Conséquencesjuri-
diques,vol. II, p. 182; C.I.J. Recueil1971,opinion individuelle, p. 177-179).
L'aspectleplus frappant de cette affaire aétla difficultéoù s'esttrouvéela

Cour de constater la véritédes faits discutésdevant elle. Les exposésdes
parties concernéesn'ont pas été limités à l'apport de renseignements et de
documents, mais ont constitué de véritables plaidoiries présentéespour
défendre des causes contradictoires, plaidoiries certainement savantes et
aviséesmais naturellement biaiséeset relatives à des matières étrangères au

droit.
Cela aurait été une lourde tâche aue de suivre les débatssur les données
historiques en tâchant de connaître les ouvrages citésdans leur intégritéet
point seulementd'aprèslesextraits choisispar lesparties concernées 1mais il
y avaitla dificultémajeure d'apprécierla valeur relativedestémoignagesdes
historiens selon leur science et leur objectivité et de compléter par des

recherches dans les bibliothèques et les archives les renseignements fournis
par les parties concernées. Au surplus, plusieurs des ouvrages à consulter
étaient enlanguearabe.
Lesmêmes difficultéssesont retrouvéesdans lecadre des questions d'ordre
géographique,ethnique et linguistique.

L'impuissance de la Cour est devenue éclatante lorsqu'elle s'est trouvée
devant des traductions contradictoires de textes arabes de documents consi-
déréspar les parties concernéescomme d'importance essentielle pour leurs
thèses respectives.11en a été ainsi our le traitéhispano-marocain du 28 mai
1767(audiences des 3,21 et 25juillet), la lettre du Sultan au roi d'Espagne du

28 mai 1767 (audiences des 21 et 25 juillet), le traité anglo-marocain du
13mars 1895 (audiences des 10 et 25 juillet), la réponsedu sultan Moulay
Hassan surleslimitesdu Maroc (audiences des 21et25juillet) etlesindicesde
soumission de Ma el Aïnin au Sultan (audience du 18 juillet). A noter
égalementles vues contraires sur l'existence d'un document (audiences des

25 et 30juillet), lescitations d'ouvrages inédits (audiences des8 et 22juillet)
ou la référenceaux traditions et renseignements oraux (audiences des 22 et
30juillet). Nombreux sont les cas ou il aurait éténécessaire ou utile d'en-
tendre des témoins ou experts pour éclaircirdes questions apparemment
importantes.

3. Valeurdespreuves

11y a des raisons pour douter de la compétencede la Cour. En véritéla
Courne semblepasêtrel'organe appropriépour élucider,au moyen d'unavis

Plusieursexposés ontétpeusoignés;ilfaut noter que les référeaeusxpages des
ouvrages cités manquent parfois. WESTERNSAHARA (SEP. OP. DE CASTRO) 141

But it should be noted that the facts referred to in connection with South
Africa were not facts that required to be proved; they were facts that were
obvious or generallyknown, such asapartheid - facts affirmed in resolutions

adopted by the United Nations General Assembly (I.C.J. Pleadings,
Namibia, Vol. II, p. 182; Z.C.J.Reports 1971,separate opinion, pp. 177-179).
The most strikingaspect of this case isthe Court's difficultyin determining
the truth of the facts discussed before it. The statements by the parties
concerned have not been confined to the provision of information and

documents, but have taken the form of real forensic arguments on behalf of
opposing causes - both learned and shrewd, it is true, but naturally biased,
and on matters extraneous to the law.

It would havebeen a heavvtask to followthe debates on the historical data
and to endeavour to acquaint oneself with the works cited in their entirety

and not merely through the extracts chosen by the parties concerned 1;but
there was the still greater difficulty of assessing the relative value of the
testimony of the historians on the basis of their knowledge and objectivity
and of supplementingthe information supplied by the parties concerned by
research in libraries and archives. Furthermore, several of the works to be

consulted were in Arabic.
The same difficulties arose in connection with the geographical, ethnical
and linguistic questions.
The impotence of the Court became overwhelmingly clear when it was
confronted with conflicting translations of Arabic texts of documents that
wereconsidered by the parties concerned to be of fundamentalimportance to

their respective arguments. That was the position with regard to the
Hispano-Moroccan Treaty of 28May 1767(hearings of 3,21 and 25July),the
letter.from the Sultan to the King of Spain of 28 May 1767(hearings of 21and
25 July), thenglo-Moroccan Treaty of 13March 1895(hearings of 10and
25 July); the reply of Sultan Moulay Hassan on the boundaries of Morocco

(hearings of 21 and 25July), and the evidence of the submission of Ma
ul-'Aineen(hearing of 18July). Note should also be taken of the conflicting
views on the existence of a document (hearings of 25 and 30 July), the
citations from unpublished works (hearings of 8 and 22 July) and the
references to oral traditions and information (hearings of 27 and 30 July).
There are indeed many cases whereit would have been-necessaryor useful-to

have heard witnesses or experts in order to elucidate matters apparently of
importance.

3. Weighr ofthe Evidence

There are reasons for doubting the competence of the Court. The Court

really does not seemto be the appropriate organ to elucidate, by means of an
I
The presentation of a number of statements was somewhat careless; it may be
noted that there werecaseswhere the page references for the works cited werenot given.142 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)

consultatif, des questions de fait ou desquestions dont l'aspect historique est
réd dominan toutefois l'es~ritde collaboration de la Cour envers lesautres
organes de l'ONU, ainsi que la nature toute spéciale d'une affaire, peuvent

justifier que la Cour n'applique pas l'article 65 de son Statut d'une manière
stricte.
L'Assembléegénéralea demandéaux parties concernéesde soumettre à la
Cour tous renseignements et documents pouvant servir à éluciderles ques-
tions posées.Mais la manière de procéder de ces parties n'a pas été celle

d'amici curiae. Tout au long de la procédure, les parties concernées ont eu
l'attitude de parties dans une procédure contentieuse. C'estce qui fait penser
qu'il aurait étéapproprié d'appliquer les règlesde la preuve (question de
droit). Le Maroc et la Mauritanie ont tâché de prouver l'existence en leur
faveur detitres d'appartenance du territoire du Sahara occidental au moment

de la colonisation espagnole. A cet effet, ils se sont référés à des faits
historiques. L'Espagne a présenté aussi des renseignementset documents,
mais avec la prétention de contester les affirmations du Maroc et de la
Mauritanie.
La question de la charge de la preuve, propre à la procédure contentieuse,

ne se pose pas dans la procédure consultative. Mais, dans cette dernière
procédure,ilfaut au moins appliquer lesrèglesde la preuve.Celuiqui avance
un point doit leprouver. Lecontrôle desfaits était encoreplus nécessairedans
une affairecomme la présente,qui a pris une tournure quasi contentieuse 1et
qui était de contours peu clairs et, dès son origine, de nature hybride.

L'examencritique desallégationsdesparties concernéesrévèle qu'ilya eudes
affirmations sans preuve suffisanteet d'autres contraires aux témoignagesles
plus autorisés 2,que des contestations de preuve ont étélaisséessans réponse
et qu'ilya eu des généralisations sans fondement et des conclusionsde toute
évidencearbitraires.

La Cour semblait donc en mesure dejuger si les preuvesqui lui avaient été
fournies étaient suffisantes vour faire naître une conviction raisonnable sur
l'existencedes liens en question ou si,au contraire, ily avait des indices assez
convaincants pour conclure a la non-existence de ces liens. En vue de cet
objectif limité,il était nécessaireetsuffisant d'examiner, selon lesrèglesde la
pratique judiciaire, la valeur et la force probante des faits invoquésdevant la

Cour àl'appui de l'existencede liensavecleterritoire du Sahara occidental au
moment de la colonisation espagnole.

Cettesituationanormalea été favoriséeparl'ordonnancedu 22 mai 1975,selon
laquelle lesquestions poséeà la Cour«peuvent être considérées commsee ratta-
chant» à undifférendexistantaumomentdel'adoptiondela résolution 3292(XXIX).
Les membresde la Couront eu l'occasion etla possibilité des'informerpar
eux-mêmeestdenepasselimiter à l'étuddesrenseignementsetdocumentsfournispar
les partiesconcernées. WESTERN SAHARA (SEP. OP. DE CASTRO)
142
advisory opinion, questionsof fact or questions of whichthe historical aspect

ispredominant. However the Court's spirit of collaboration in relation to the
otherorgans of the United Nations, together with the veryspecial nature of a
case, may bejustification for the Court not applying Article 65 of its Statute
strictly.

The General Assembly called upon the interested parties to submit to the
Court al1such information and documents as might be needed to clarify the
questions posed. Butthe wayin which those parties proceeded wasnot that of
amici curiae. Throughout the proceedings, the attitude of the interested
parties was that of parties in contentious proceedings; which is what makes

one think that it would have been appropriate to apply the rules of evidence
(questionof law). Morocco and Mauritania have endeavoured to prove the
existence of titles in their favour showing that it was to them that the territory
of Western Sahara belonged at thetime ofcolonization by Spain. To that end

they have referred to historical facts. Spain has also submitted information
and documents, but with a view to disputing the assertions of Morocco and
Mauritania.
The question of the burden of proof, which appertains to contentious
proceedings, does not arise in advisory proceedings. In the latter form of

proceedings, however, it is necessary at least to apply the rules of evidence.
Whoever puts forward a point must prove it. The verification of facts was
even more necessary in a case like the present one, which assumed a
quasi-contentious form 1and was not veryclearly delineated, and was,from
the outset, of a hybrid character. A critical examination of the assertions of

the parties concerned reveals that there were statements without sufficient
evidence and others contrary to the most authoritative testimony 2, that
challenges to the evidence wereleft unanswered, and that there were baseless
generalizations and quite obviously arbitrary conclusions.

TheCourt thus appeared to be in a position to judge whether the evidence
which had been submitted to it was sufficientto give rise to a reasonable
conviction of the existenceof the tiesin question, or whether, on thecontrary,
there were sufficientlyconvincing indications leading to the conclusion that
those ties were non-existent. With a view to that limited objective, it was

necessary and sufficient to examine, in accordance with the rules of judicial
practice, the value and probativeforce of thefacts relied on beforethe Court
in support of the existence of ties withthe territory of Western Sahara at the
time of colonization by Spain.

This abnormal situation was favoured by the Order of 22 May 1975,according t.o
which the questions put to the Court "may be considered to be connected" with a
dispute existing at the time of the adoption of resolution 3292 (XXIX).
The Members ofthe Court had occasion and the opportunity to inform themselves,
and not merely study the information and documents submitted by the interested
parties.143 SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND. DE CASTRO)

II. Opportunité del'exercicedelacompétencd eela Cour

L'ordonnance du 22 mai 1975 mentionnait que, dans la suite de la
procédure,il pourrait y avoir lieu de trancher la question de I'opportunité
d'exercer lacompétence.

L'article65 du Statut dispose que la Cour peut donner un avis consultatif.
La Cour est ainsi autorisée user de sa discrétionpour rejeter unedemande
d'avis consultatif. Jusqu'à présent,elle n'a pas uséde ce pouvoir. Mais elle a
notéque, selon les circonstances du cas (C.I.J. Recueil 1950,p. 72), elle doit
considérers'ily a des «raisons décisives»motivant le refus de répondreàla
requêtepour avisconsultatif (C.I.J. Recueil1971,p. 27,et C.I.J.Recueil1973,

p. 183). La Cour n'a pas eu l'occasion de dire quelles sont ces ((raisons
décisives ».Ilsemble cependant évidentqu'ily a une raison décisivede refus
lorsque la demande d'avis consultatif implique que la fonction consultative
de la Cour est utiliséepour tourner la difficultéque présentele caractère
facultatif de la procédurecontentieuse.
La question de l'opportunité d'accueillir la demande d'avis consultatif

contenue dans la résolution 3292 (XXIX) pouvait êtreexaminéeen envisa-
geant deux hypothèses:1)ily a un différendentre le Maroc et l'Espagne,mais
il n'ya pas de différendentre la Mauritanie et l'Espagne; 2) il n'y a pas de
différendentre le Maroc et l'Espagne, maisune simpledivergenced'opinions
comme celle qu'il peut y avoir entre le Maroc, l'Espagne, la Mauritanie,
l'Algérie,le Zaïre et d'autres Membres des Nations Unies.

I. Hypothèsed'undifférendentre le Maroc et l'Espagne

Lesdoutes quant à I'opportunitéde répondre ontreçu un appui important
dans l'ordonnance du 22 mai 1975. Selon celle-ci, leséléments soumisà la
Cour indiquent que, au moment de l'adoption de la résolution 3292(XXIX),
ilparaissait yavoir un différendjuridique relatif auSahara occidental entre le
Maroc et l'Espagne et que les questions poséesdans la requêtepour avis

consultatif pouvaient êtreconsidérées comme se rattachant àce différend; et
qu'il paraissait n'yavoir aucun différendentre la Mauritanie et l'Espagne.
L'hypothèseque la Cour a faite sienne à I'occasion de la désignationdu
juge ad hoc semble.fondée sur l'attitude du Maroc envers l'Espagne et la
demande d'avisconsultatif. LeGouvernement espagnol croit que lemoment
est arrivé d'accomplir sonrôle de Puissance administrante et, en exécution

des résolutions insistantes de l'Assembléegénérale,d'organiser un réfé-
rendum aux finsde décoloniserle Sahara occidental.
Le représentant du Maroc à l'Assembléegénérale expliquele différend
avec l'Espagne en cestermes:

« La formulation de ces deux attitudes [celles du Maroc et de l'Es-
pagne] permet de circonscrire avec précisionlesdonnéesducontentieux
qui oppose le Maroc à l'Espagne depuis 19.56.11s'agit au préalablede
répondre àlaquestionsuivante: lesdeuxterritoiressahariens enquestion WESTERN SAHARA (SEP.OP. DE CASTRO)

II. Proprietyof theExerciseof theCourt'sCornpetence

The Order of 22 May 1975mentioned that, in the further proceedings, the
question of the propriety of the exercise of the Court's competence might fall

to be decided.
Article 65 of the Statute lays down that the Court may give an advisory
opinion. TheCourt is thus authorized to use its discretion to refuse a request
for an advisory opinion. Hitherto, ithasnot made use ofthat power. But ithas
noted that, according to the circurnstances of the case (I.C.J. Reports 1950,
p. 72),ithas to consider whether there are "cornpelling reasons" which would

justify a refusal of the request for an advisory opinion (I.C.J. Reports 1971,
p. 27 and I.C.J. Reports 1973,p. 183).TheCourt has not had occasion to Say
what such "cornpelling reasons" are. Nevertheless, it seemsevident that there
is a cornpelling reason for refusal when the request for an advisory opinion
implies that the advisory function of the Court isbeing used to get round the

difficulty represented by the optional nature of thecontentious jurisdiction.
The question of the propriety of acceding to the request for an advisory
opinion contained in resolution 3292 (XXIX) could be exarnined by taking
two hypotheses: (1) that there is a dispute between Morocco and Spain, but
that there is no dispute between Mauritania and Spain; (2) that there is no
dispute between Morocco and Spain, but a rnere difference of opinion like

that which may exist between Morocco, Spain, Mauritania, Algeria, Zaire
and other Mernbers of the United Nations.

1. Hypothesisof a Dispute betweenMoroccoand Spain

The doubts concerning the propriety of giving a reply find considerable

support in the Order of 22 May 1975.According to that Order, the rnaterial
subrnitted to the Court shows that when resolution 3292 (XXIX) was
adopted, there appeared to be a legal dispute between Morocco and Spain
regarding Western Sahara and that thequestions contained in the request for
an advisory opinion rnight be considered to be connected with that dispute;
and that there appeared to be no dispute between Mauritania and Spain.

The hypothesis adopted by the Court on the occasion of the appointrnent
of the judge ad hocappears to be based on the attitude of Morocco to Spain
and the request for an advisory opinion. The Spanish Governrnent believes
that thetirne has corne to accomplish its task as administering Power and, in
implernentation of the pressing resolutions of the General Assernbly, to
organize a referendum for the purpose of decolonizing Western Sahara.

Morocco's representative in the General Assernbly explained the dispute
with Spain in the following words:

"The formulation of these two attitudes [those of Morocco and Spain]
allows usto discern clearly the basis of the dispute between Morocco and
Spain since 1956. First of all, we must answer the following questions:
were the two territories of the Sahara in question originally, as the 144 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND.DECASTRO)

étaient-ilsà l'origine,comme le prétendle Gouvernement espagnol, des
res nullius, des territoires sans maître, ouverts à toute occupation? Ou
bien relevaient-ils, au moment de leur occupation, de la souverainetéet
de l'administration de I'Etat marocain? ))(A/PV.2249.)

M. Laraki poursuit:
((LeGouvernementmarocain a saisil'Espagne d'une note, en datedu

23 septembre 1974, l'invitant à se joindre à lui pour présenter une
requête,suivant les règlesde procédureen vigueur devant la Cour ..Si,
pour une raison ou une autre, cette voie directe n'étaitpas adoptée,il
nous resterait la voie qui consiste à requérir la Cour, non pour une
décisiond'arbitrage, maissimplement pourémettreun avisconsultatif ...

L'avis émispar la haute juridiction internationale sur un point de droit
pourrait avoirune portéeaussi considérableque la décisiond'arbitrage.
Dans tous les cas, l'Assembléegénérale serait enmesure, en se fondant
sur cet avis, de trancher définitivementla question politique de l'avenir
des deux provinces, Sakiet El Hamra et Rio de Oro. >)(Ibid.)

Le Maroc semble avoiratteint lebut visé.Ne pouvant porterson différend
devant la Cour par la voie contentieuse, il est arrivéà le fairesoumettre à la

Courau moyen d'unedemande d'avisconsultatif. Pour leMaroc, ledifférend
esttoujours lemêmeA . u commencement desdébatsdevant la Cour, leconseil
du Maroc a tenu à dire que la réponsede la Cour à la demande d'avis
consultatif impliquerait des intérêtsfondamentaux du Maroc « puisqu'ils
mettent en cause le principe de l'unité etde l'intégritéterritoriales ))et que,

dans ((l'avis demandé sur le Sahara occidental, nous constatons que les
intérêts desEtats sont mis en cause dans un domaine qui constitue la
substance mêmede I'Etat,dans ledomaine territorial ))(audience du 12mai).

Dans l'ordonnance du 22 mai, la Cour a paru incliner à penser qu'ilexiste

un différendentre le Maroc et l'Espagne et non entre la Mauritanie et
l'Espagne, compte tenu - semble-t-il - de la réponsede la Mauritanie àune
question posée par sir Humphrey Waldock, assurant que la Mauritanie
n'avait pas pris part à l'initiative marocaine de porter le différenddevant la
Cour.

En supposant que la Cour ait toujours pensé qu'il yavait entre le Maroc et
l'Espagne le même différend qu'au moment de la résolution3292 (XXIX),
elle devait se poser la question de savoir si la demande d'avis consultatif
((touche assurément ..le fond mêmede cesdifférends ))(C.I.J. Recueil 1950,
p. 72jet examiner silefait de répondreauxquestions poséesdans la demande

d'avisconsultatif équivalaità trancher cet ancien différendentre le Maroc et
l'Espagne.
La Cour était ainsi obligéede prendre une décision importante pour
l'avenir. Selon la manière de voir du Maroc dans les débats à l'Assemblée

générale,elle étaiten présencede la question de la recevabilitéd'«un avis
consultatif ..concernant un litige entre Etats [qui] n'est autre chose qu'un
jugement non exécutoire ))(ibid., opinion dissidente de M. ZoriEiC,p. 101). WESTERN SAHARA (SEP.OP. DE CASTRO) 144

Spanish Government claims, 'resnullius'or territories without a master,
and open to occupation? Or were they at the moment of occupation

under the sovereignty and administration of the Moroccan State?"
(A/PV.2249.)
Mr. Laraki went on to Say:

"The Government of Morocco sent Spain a note dated 23 September
1974inviting it to join Morocco in submitting a request in accordance
with the rules of procedure of the International Court ... If for one
reason or another that direct method had not been adopted, we would

stillhave requested the Court not foran arbitrarydecision but simply for
an advisory opinion .. .The opinion givenby the International Court of
Justice on a point of lawan have as considerable an effectas a decision
of arbitration. In any case theGeneral Assemblywould be in a position,
on the basis of such opinion, definitivelyto find asolution to the political
question of thefuture of the two provinces, SakiatEl-Hamra and Rio de

Oro." (Ibid.)
Morocco appears to have achieved its objective. Being unable to bring its
dispute before the Court by contentious proceedings, it hasmanaged to have
it submitted to the Court by means of a request foran advisory opinion. For
Morocco, the dispute is still the same. At the beginning of the oral

proceedings before the Court, counsel for Morocco made a point of
indicatingthat theCourt's reply to the request for an advisory opinion would
haveimplications for interestsof Morocco whichwerefundamental "because
they involve the principle of territorial unity and integrity" and that in "the
advisory opinion asked for in the Western Sahara case, we find that the
interests of States are involved in a field whichconcerns the verysubstance of

what makes a State, that is toSay,the territorial field" (hearing of 12 May).
In the Order of 22 May,the Court apparently inclined to the viewthat there
was a dispute between Morocco and Spain and not between Mauritania and
Spain, taking into account-it seems- Mauritania's reply to a question put
by Sir Humphrey Waldock, affirming that Mauritania had not taken part in
the Moroccan initiative to have thedispute subrnitted to the Court.

On the supposition that the Court still thought that there was between
Morocco and Spain the same dispute as there was when resolution 3292
(XXIX) was adopted, the Court should have asked itself whether the request
for an advisory opinion "touches the merits of thosedisputes" (I.C.J. ~eports
1950,p. 72) and to have considered whether answering the questions in the
request for an advisory opinion would be equivalent to settling that former

dispute between Morocco and Spain.
The Court wasthus obliged to take a decision of importance for thefuture.
According to the view expressed by Morocco in the debates in the General
Assembly, it was confronted by the question of the adrnissibility of "an
advisory opinion . .. in regard to a dispute between States [which]isnothing
else than an unenforceable judgment" (ihid., dissenting opinion of Judge

Zoritik, p. 101).
136 145 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)

Le principe de la juridiction volontaire ou du consentement des Etats,
auquel fait appel la Cour permanente (C.P.J.I.série B no5, p.27),est établi
dans la Charte (art.2,par. 7)et dans le Statut (art. 36). Peut-on letourner au

moyen d'une demande d'avisconsultatif?
Un exemple montrera la portéede la question. L'Etat A revendique un
territoire occupépar 1'EtatB. L'Etat B n'accèdepas à l'offrede 1'EtatA de
soumettre sa revendication a la Courpar la voiecontentieuse. Est-il permis à
I'Etat Ade traîner 1'EtatBdevantlaCour, malgréson refus, au moyen d'une
demande d'avisconsultatif, grâce au voted'une résolutionàcet effetadoptée

par une majoritéde l'Assembléegénérale'?

2. Existenced'unecontroverseà l'Assembléegénérale

Toutefois, àmon avis,la question de l'opportuniténe seposait pas; d'après
ledroit à appliquer, il n'yavait pas de différendentre le Maroc et l'Espagne.

Il est vrai que le Maroc a voulu créerl'apparence d'un différendavec
I'Espagne 2.Decette manière, enposant en premièreligne la question de ses
titres supposéssur le Sahara occidental, il lui aurait étépossible d'écarterle
processus d'autodétermination.
Cet habile procédé étaietn vérité un trompe-l'ŒiMl. êmesil'Espagne avait

accepté la proposition marocaine de porter devant la Cour par la voie
contentieuse les deux questions poséesdans la lettre du 23 septembre 1974,
l'affairen'aurait pas éviable. L'Espagnen'avait pas a cemoment, etn'apas
aujourd'hui, qualitépour êtrepartie aun différendavecle Maroc ou avecun
autre Etat sur les titres de souveraineté actuels ou passésconcernant un
territoire qui a le statut de territoire non autonome et dont elle est Puissance

administrante. L'Espagne n'avait pas ce qu'on appelle en procédure une
légitimation passive. Du moment qu'il est établi que le statut du Sahara
occidental est celui d'un territoire non autonome, l'Espagne ne saurait ni
reconnaître le droit d'un autre Etat de revendiquer le territoire, ni admettre
l'existence des titres de souverainetéd'un Etat quelconque, ni admettre un
arbitragesur lasouveraineté,niconvenir d'un partage du territoire, nidécider
de son exploitation en commun, ni s'adjuger à elle-mêmela souveraineté.

L'Espagnene pouvait êtrepartie àun différendoù ils'agissaitde trancher, de
manièrémédiateou immédiate,une question concernant la souverainetésur
le territoire administré. La Puissance administrante ne pouvait ignorer non
plus qu'elle n'avait nile pouvoir de disposer du droit l'autodétermination
reconnu aux Sahraoui par huit résolutionsde l'Assembléegénéraleet par
les parties intéresséesou concernées, ni le pouvoir de méconnaître ce

droit.

Dans cettehypothèsel,'intervention la Mauritanienechangepasla situation:
elle est venue oindreau Maroc pourjouir delasituationcréépearcedernier.
territoiresduSaharaoccidentalétaient,umomentdelacolonisation,resnullieusdais
l'Espagnen'a passoutenupareillethèse. WESTERNSAHARA (SEP. OP. DE CASTRO) 145

Theprinciple of voluntaryjurisdiction, or of theconsent of States,invoked

by the Permanent Court (P.C.I.J., Series B. No. 5, p. 27) is established in the
Charter (Art. 2,para. 7)and inthe Statute (Art. 36).Can itbecircumvented by
means of a request for an advisory opinion?
An example will illustrate the meaning of the question. State A claims a
territory occupied by State B. State Bdoes not accept the offer of StateA to

submit its claim to the contentious jurisdiction of the Court. 1s State A
allowedto bring State B,in spite of its refusal, before the Court, by means of
a request for an advisory opinion, thanks to the adoption of a resolution to
that effectby a majority of the General Assembly IL?

2. Existenceofa Controversyin the General Assembly

However, in my opinion, the question of propriety did not arise;there was
no dispute between Morocco and Spain, according to the law which isto be

applied.
It is true that Morocco has sought to create the appearance of a dispute
with Spain 2. It would thus have been possible for it, by placing in the
forefront the question of its supposed titles to Western Sahara, to have
excluded the process of self-determination.

This skilful approach wasin fact no more than a pieceof camouflage. Even
if Spain had accepted Morocco's proposa1 to bring before the Court by way
of contentious proceedings the two questions raised in the letter of
23 September 1974,the case would not have been viable. Spain did not have

at that time, and does not have today, capacity to be party to a dispute with
Morocco, or with any other State, asto thepresent or past titles to sovereignty
concerning a territory which has the status of a non-self-governingterritory,
and of which itistheadministering Power.Spain does not have what iscalled
in procedure a legitimation passive. Once it is established that the status of

Western Sahara is that of a non-self-governing territory, Spain cannot
recognizethe right of another State to claim the territory, nor can it concede
theexistence of the titles of sovereignty of any State whatsoever, nor agree to
arbitration over the sovereignty, nor make an agreement for partition of the
territory, nor decide on itsjoint exploitation, nor attribute sovereigntyover it

to itself. Spain could not be party to a dispute involving the settlement,
directly or indirectly, of any question concerning the sovereignty over the
territory under its administration. Nor could the administering Power
disregard the fact that it did not have the power to dispose of the right to

self-determination of the Sahrawi, recognized by eight resolutions of the
General ~ssembl~ and by the parties which are interested or concerned, nor
the power to disregard that right.

1In this hypothesis, the intervention of Mauritania does not alter the situation: it
joined in with Morocco to benefit from the situation created by the latter.
Morocco began by saying fhat Spain had claimed that the two territories of
Western Sahara were, at the time of colonization, res nulliub st Spain did not
advance any such contention.146 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND.DE CASTRO)

Lesdoutes que l'onaurait pu avoirsur lepoint de savoir siI'avisconsultatif
étaitdemandéau sujet d'une question juridique actuellement pendante entre
le Maroc et l'Espagne devaientdisparaîtreaprès lechangementfondamental
apportépar legroupe africain au sensdesquestionsproposéespar leMaroc '.
Au sein de la Quatrième Commission, par l'organe de M. Slaoui, le Maroc a

dit être d'accord pour considérerque le problème de la décolonisationdu
Saharane se ramènepas à un contentieux entre le Maroc et l'Espagne, mais
intéresseun autre pays et relèvede l'organisation des Nations Unies tout
entière » (A/C.4/SR.2117). Dans sa résolution 3292 (XXIX), l'Assemblée
généralemontre de façon non équivoqueque la demande d'avis consultatif

est faite pour d'autres raisons et avec un autre but que la proposition
antérieuredu Maroc. La résolution tient àdireque I'occasionde la demande
est une controverseayant surgi au cours des débatsau sein de l'Assemblée
généraleet que son but est de permettre a l'Assembléegénéralede se
prononcer, à la lumièrede l'avis consultatif,« sur la politique à suivre pour

accélérerle processus de décolonisation du territoire conformément à la
résolution1514(XV),dans les meilleures conditions B.
L'Espagne et le Maroc ne sont pas considéréscomme des parties à un
différend. L'Assemblég eénéraledemande à I'Espagne en tant que Puissance
administrante enparticulier,ainsi qu'au Maroc et àla Mauritanie en tant que

parties concernées. de soumettre àla Cour tous renseignements oudocuments
pouvant servir à éluciderlesquestions posées.Dans un vrai différendentre le
Maroc et l'Espagne, il aurait incombé aux deux parties de plaider du mieux
qu'il leur aurait semblépour défendreleursprétentions opposées.La résolu-
tion demande la collaboration destrois Etats, eten des qualitésdifférentes,en

vued'un objectif relevant de la compétencepropre de l'Assemblée générale, à
savoir la décolonisation. Les trois Etats ont une fonction d'informateurs,
selon l'ancienne terminologie, et non de parties àun différend 2.

S'il n'ya pas dedifférendausensjuridique entre leMaroc et I'Espagne,cela

fait disparaître l'obstacle leplus considérableàl'opportunité pourla Cour de
donner un avis consultatif. Le but d'une demande d'avis consultatif est
«d'éclairerles Nations Unies dans leur action,propre »(C.I.J. Recueil 1951.
p. 19; C.I.J. Recueil1971. p. 24)).

Le projet de résolution présentépar le groupe africain est le ((fruit de longues
négociations»(représentant de la Haute-Volta, A/C.4/SR.2130) et ilreflète un«esprit
de compromis » (représentantde la Côte d'Ivoire, A/C.4/SR.2131).
? IIestànoterque la résolution 3292(XXIX) aétvotéedanslecadrede l'examendu
point 23 de l'ordre du jour de la vingt-neuvièmesession relatif à I'«Application de la
déclaration sur l'octroi de l'indépendanceaux pays et aux peuples coloniaux ». Au
contraire la proposition du roi du Maroc (lettre du 23septembre 1974)étaitconçue
comme une demande tendant à faire régler ledifférendentre le Maroc et l'Espagne
conformémentà l'esprit et à la lettre du chapitre VI de la Charte.
' L'ordonnance de la Cour du 22 mai 1975n'affirmepas qu'il existait un différend
juridique relatif au territoire du Sahara occidental entre le Maroc et I'Espagne mais
qu'il « paraissait » y en avoir un; elle n'a été renduequ'à l'occasion de demandes
concernant la désignationdejuges ad hoc. WESTERN SAHARA (SEP O.P. DE CASTRO) 146

Anydoubts whichmay have existedas to whether the advisory opinion was
requested upon a legal question actually pending between Morocco and
Spain should have disappeared after the fundamental change made by the
African group in the meaning of the questions proposed by Morocco 1In the

Fourth Cornmittee, Morocco stated, through Mr. Slaoui, that it agreed that
"the problem of the decolonization of the Sahara was not merely a dispute
between Morocco and Spain but concerned another country and came within
the competence of the entire United Nations" (A/C.4/SR.2117). In

resolution 3292 (XXIX), the General Assembly showed quite unequivocally
that the request for an advisory opinion was made for reasons, and with a
purpose, different from those of Morocco's earlier proposal. The resolution
emphasized that the request was prompted by a ccntroversy which arose

during the discussionin the General Assembly, and that its purpose was to
enable the General Assembly to decide, in the lightof the advisory opinion,
"on the policy to be followed in order to accelerate thedecolonization process
in the territory, in accordance with resolution 1514(XV),in the best possible

conditions".
Spain and Morocco have not regarded themselves as parties to a dispute.
The General Assembly called upon Spain in its capacity as administering
Power inparticular, as well as Morocco and Mauritania in theircapacity as

interestedparties,to submit to the Court al1such information and documents
as might be needed to clarfy the questions put. In a true dispute between
Morocco and Spain, it would have been for the twoparties to plead their cases
as seemed best to them, with a viewto defending their rival contentions. The

resolution calls for the collaboration of the three States. and in different
capacities, with a viewto an objectivewhichpertains to thecompetenceofthe
General Assembly,namely decolonization. The function of the threeStates is
that of informateurs,to use ancient terminology, and not that of parties to a

dispute 2.
If there is no dispute in the legal sense between Morocco and Spain, this
causes the most substantial obstacle to the propriety of the Court's giving an
advisory opinion to disappear. The purpose of a request for an advisory

opinion is "to guidethe United Nations in respect of its own action" (I.C.J.
Reports 1951,p. 19; 1.C.J.Reports 1971,p. 24) 3.

The draft resolution presented by the African group was "the fruit of long
negotiations" (representative of Upper Volta,C.4/SR.2130), and reflected "a spirit
of compromise" (representative of Ivory Coast, A/C.4/SR. 2131).
It should be noted that resolution 3292(XXIX) was adopted in the context of item
23 on the agenda of the Twenty-ninth Session, concerning the "Application of the
Declaration on the Granting of Independence to Colonial Peoples and Countries". On
the other hand, theroposal of the King of Morocco (letter of23 September 1974)was
worded as a request destined to settle the dispute between Morocco and Spain in
accordance with the spirit and letter of Chapter VI of the Charter.
3 The Order of the Court of 22 May 1975does not assert that there wasa legaldispute
between Morocco and Spain regarding the territory of Western Sahara, but that there
"appeared" to be such a dispute; it was given only on the occasion of the applications
for the appointments ofjudges ad hoc.147 SAHARA OCCIDENTAL (OP.IND. DECASTRO)

La Cour n'avait pas la possibilitéde faireune investigation historique sur
I'existence de liens juridiques mais, comme je l'ai déjà dit, elle pouvait
examiner la valeur de preuve des renseignements et documents apportéspar

les parties concernéespour emporter raisonnablement la conviction quant à
I'existencedes liens en question.

1.Liensavecle Royaume du Maroc

1. Considérationspréliminaires

Pour ce qui est des liens du Sahara occidental avec le Maroc, les données
connues amènent à penser que le Maroc avait des raisons, et mêmeavait
raison, de considérerque leSahara (Mauritanie incluse)étaitun territoire qui
s'ouvraità l'expansion naturelle de son empire. Tout semblait prédestiner le
pays àl'occupation marocaine. Le Maroc étaitun peuple organiséen Etat, le

Sahara étaithabitépar destribus tenues pour« féroces» par lesMarocains et
le Maroc étaitleseil Etat voisin ayant lamêmefoi musulmane. A noter aussi
les relations évidentes que les deux pays ont entretenues pendant toute
l'histoire.
Ilfaut remarquer une particularitéde cesrelations: c'estque seulescellesdu
sud au nord ont eu des effets permanents. Les Sahariens qui pénétraientau
Maroc s'yétablissaient,oubliant leterritoire pauvre et difficiledu Sahara. Les

expéditions marocaines au Sahara, qu'elles fussent guerrières ou commer-
ciales,étaientaucontraire sansprolongement;la vieau Sahara étaittropdure
pour lesMarocains. Au moment de la colonisation desterritoires africains, le
Maroc n'aeuni laforceni mêmel'intérê dte faire concurrence aux Puissances
européennesou de s'opposer a la colonisation. On peut en dire autant en ce
qui concerne tout le territoire du Sahara, de la Mauritanie et du Sahara
occidental.

Iexistait des liens entre le Sahara et le Maroc, mais de nature transitoire
et sans signification juridique ou politique. Dans sa préface au livre de
M. Rachid Lazrak, M. Paul Reuter se réfèreà ces liens, dont il dit que ce
sont des

((liens peut-être fragileset intermittents, mais qui étaient les seuls par
lesquelscesterritoires étaienten union avec un monde qui leur apportait
la culture islamiqueet lesélémentsd'uneviepolitique»(Le contentieux
territorial entre le Maroc et l'Espagne, Casablanca, 1974, p.9).

M. Rachid Lazrak indique la raison qu'oppose le ministre du Sultan à
l'occupation de Mackenzie: «Tout le Sahara peupléde Musulmans appar-
tenait, en vertu du chraa, au Sultan du Maro» (p. 142).

Dans les pages qui suivent, je ne prétends pas entrer dans l'examen des
faits controversés par les parties concernées; je me limiterai à indiquer WESTER SAHARA (SEPO. PDE CASTRO)

It was not possible for the Courtto carry out an historical investigation as
to the existence of legal ties,but, as 1have already observed, it was able to

examinethe evidential value of the information and documents supplied by
the parties concerned, in order to attain a reasonable conviction as to the
existenceof the ties in question.

1. TieswiththeKingdomof Morocco

1. Preliminary Considerations

Concerning the tiesof Western Sahara with Morocco, theknown facts lead
one to believe that Morocco had reason to think, and indeed was right in

thinking, that the Sahara (including Mauritania) was asuitable territory for
the naturalexpansion ofher Empire;everything seemedto haveintended itto
be occupied by her. Morocco was a people organized as a State; the Sahara
was inhabited by tribes considered "wild" by the Moroccans, and it was the
only neighbouring State with the same Muslim faith. There are also the
obvious relationships between the two countries throughout history.

It is to be noted that those relationships have this particular feature: only
those from south to north have permanent effects;the people of the Sahara
who penetrated into Morocco settled there and forgot the poor and difficult
territory of theSahara. On theotherhand, the Moroccan expeditions into the

Sahara, whether military or trading expeditions, had no future; life in the
Sahara wastoo hard for the Moroccans. At thetime of the colonization of the
territories of Africa, Morocco did not have the strength to compete with the
European Powers, or to oppose the colonization, nor even any interest in
doing so. The same may be said with regard to the whole territory of the

Sahara, Mauritania and Western Sahara.
Thus there were ties between the Sahara and Morocco, but only of a
transient natureand without legal or political significance. In his preface to
the book by Mr. Rachid Lazrak, Mr. Paul Reuter refers to those ties as
follows:

"...ties perhaps fragile and intermittent, but which were the only ones
by which those territories were united with a world which brought them
Islamic culture and the elements of a political life" (Le contentieux

territorial entrele Marocet l'Espagne,Casablanca, 1974,p. 9).
Mr. Rachid Lazrak givesthe reason whichmade the Sultan's minister oppose

the occupation by Mackenzie when he Statesthat: "A11the Sahara inhabited
by Muslims belonged by virtue of the shari'a to the Sultan of Morocco"
(p. 142).
In the pages which follow, 1am not attempting to go into the facts which
were the subject of dispute between the parties concerned; 1shall confine SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DECASTRO)
148

quelques-unes des raisons qui m'ont amené aux conclusions que je
formule.

2. Liens religieux

L'appartenance au Dar el Islam est un lien puissant. Le monde des
croyants musulmanss'oppose àcelui des infidèles(Dar el Harb), opposition
qui justifie l'appel l'entraide dans les cas de guerre sainte (jihad).Il ne faut
pas confondre ce lien avec lesliensjuridiques ou politiques '.

«A l'avènement des Abbassides ...le régime de la Communauté
[musulmane] s'estompa devant l'apparition de l'esprit provincial:on vit
en effetl'Espagne Omeyyade et le Maroc Idrisside seséparerdureste de

l'Empire Musulman;d'autres défectionseurent lieu enOrient même; les
populations de ces pays estimaient alors qu'elles constituaient des
ensembles bien autonomes. » (Hajji,« L'idéede nation au Maroc et
quelques-uns de ses aspects aux XVIe et XVIIe siècles », Hespéris

Tamuda,Rabat, 1968,p. 110;voir aussi p. 114-115.)
«Au cours des siècles,la majeure partie des populations marocaines se

montrera aussi fidèleà sa foi qu'attachée à son indépendance » (Terrasse,
Histoire du Maroc,II, p. 424) 2.L'Islam, qui n'a pu êtrele ciment de l'unité
marocaine, n'a pas profondément relié le Maroc au monde extérieur:
« L'Islamn'aguèrefaitquedonner uneforme légaleàla xénophobiefoncière
des populations marocaines »(ibid., p. 431) 3.

3. Continuitéterritoriale

Il est nécessaired'examiner la situation géographique du Maroc et du
Sahara. Lereprésentant du Maroc àl'Assembléegénéralea soutenu qu'ilya
uneprésomptionde l'appartenance du Sahara occidental au Maroc, en vertu
de la contiguïtéetde la continuité territoriales(A/C.4/SR. 21 17).

Les renseignements dont j'ai pu disposer montrent qu'il y a plutôt une
discontinuité bien marquéeentre le territoire du Maroc et celui du Sahara
occidental.
D'aprèsles remarquables études de R. Montagne (Hespéris,XI, fasc. 1-2,

1Sur l'argument religieux, voirla critique du conseil de la Mauritanie au cours de
l'audience du9juillet.
2 L'Islamn'a puvaincre l'espritd'indépendancedes peuples musulmans »(Hajji,
op. cit.,p. 110;voir aussi Terrasse, op.cip.424-431).L'ambition impérialiste des
sultans s'appuie sur les liens religieux, «tout le Sahara peuplé de musulmans et
n'appartenant pas à un souverain appartient, en vertu du chrâ, au Sultan du Maroc >>
(Miège, Le Maroc et l'Europe, III, p. 305)Le Sultan se considère aussi comme
souverain du Soudan (loc.cit.,note 6).
3 Sous le règne de Moulay Hassan, Ahmed en Naciri, envisageant les réformes
militaires du Sultan, const«tLessoldats veulent apprendre lemétierdes armespour
défendrela religion et la perdent en l'appren»(Miège,op.cit.,IV, p. 416,note 4). WESTERNSAHARA (SEP. OP. DE CASTRO) 148

myselfto indicating some of the reasons which have led meto theconclusions

1have stated.

2. Religious Ties

Belonging to Dar al-Islam is a powerful tie; the world of the Muslim

believers is opposed to that of the unbelievers (Dar al-Harb); an opposition
whichjustifies the cal1for mutual help i11cases of a holy war f'jihad).It isa tie
which is not to be confused with legal or political ties '.

"With the advent of the Abbassids .. .the[Muslim]community system
becameblurred with theemergence of theprovincial spirit:. ..Omeyyad
Spain and Idrissi Morocco split offfrom the rest of the Muslim Empire;
other defections took place in the Orient itself;the populations of those

countries then considered that they constituted real self-governing
entities." (Hajji, "L'idée de nation au Maroc et quelques-uns de ses
aspects aux XVIe et XVIIe siècles", Hespéris Tamuda, Rabat, 1968,
p. 110;seealso pp. 114f.)

"Over the centuries, the greater part of the Moroccan population was to
show itself as faithful to its faith as it was attached to its independence"
(Terrasse, Histoire du Maroc, II, p. 424) 2.Islam, which proved unable to
cement Moroccan unity, did not deeplybind Morocco to the outside world:

"All that Islam did was to givea legal form to the deep-seatedxenophobia of
the Moroccan populations" (ibid., p. 431) 3.

3. Territorial Continuity

Itis necessary to pay some attention to the question of the geographical
situation of Morocco and the Sahara. The representative of Morocco in the

General Assembly maintained that there was a presumption that Western
Sahara belonged to Morocco, based on territorial contiguity and continuity
(A/C.4/SR.2117).
Such information as 1have been able to obtain shows, rather, that there is
a well-marked discontinuity between the territory of Morocco and that of

Western Sahara.
According to remarkable studies by R. Montagne (Hespéris,XI,fascs. 1-2,

With regard to the religious argument, see the criticism made by counsel for
Mauritania at the hearing of9July.
"Islam was unable to conquer the spirit of independence of the Muslim peoples"
ambitions of the Sultans rested upon ties of religion: "Al1the Sahara inhabited by
Muslims, and not belonging to a sovereign, belonged by virtue of the shari'ato the
Sultan of Morocco" (Miège,Le Marocet l'Europe, III,p. 305).TheSultan also regarded
himself as sovereign of the Soudan (loc.cit..no6).
3 During the reign of Moulay Hassan, Ahmed en-Nasiri, with reference to the
Sultan's military reforms, noted that: "The soldiers desire to learn the profession of
arms in order to defend the faith, and losetheir faith whilelearning it" (Miege,op.cit..
IV, p. 416, note 4).149 SAHARA OCCIDENTAL (OP.IND.DE CASTRO)

Rabat, 1930,Congrèspour la mise au point des connaissances sur le Sahara,

p. 111etsuiv.),ilsembleétabliqu'ilexisteune frontièrenaturelle marquéepar
le Djebel Bani et les Kem-Kem, ou petits monticules, qui sont une sériede
collines isoléeslesunes desautres; c'estun véritablemur percédecréneauxou
défilésc,'est la ligne des R'négats.Dans ces défilés,trouvent des oasis de
montagne, des haltes ou relais dont le nom commence toujours par le mot
foum (bouche). Cette lignejoint les points par lesquels le Maroc débouche

versleSahara. « Parfoum on passed'un monde àun autre. Cechangement est
trèsnet,brutal même. »Ilestaccusépar d'innombrables indices:changement
de végétation, changement d'habitudes, changementde mode de vie, chan-
gement de coutumes, différence architecturale, différence géologiqueet
changement de langue (le hassania) surtout (Thomas, Sahara et com-
munauté.Paris, 1960, p. 31 et suiv.; Marchat, « Frontière saharienne du

Maroc », PolitiqueétrangèreX , XII, 1957,no6, p. 638et suiv.; La République
islamique de Mauritanie et le Royaume du Maroc; Husson, Lesfrontières
terrestresdu Maroc,1960,p. 37-38).
On doit noter en particulier l'existencede la zone présaharienne. Elle est
constituéepar des

«formes successivesde passage entre la viedes hommes du Nord et du
Sud ».II[Montagne] en distinguecinq, pour arriver aux Ait Youssa, qui
nous apparaissent comme le dernier type de transition entre le petit

nomade du Noun et le grand saharien comme lesRegueibat. C'est alors
qu'on franchit le Drâ pour atteindre le Hamada qui, toujours selon
Montagne, est la véritablerive du désert occidental(Marchat, op.cit.,
p. 638).

Aprèsla zone présaharienne, on trouve le Sahara occidental, dont on dit
qu'il« a une incontestable individualité » (Célérie, Le Sahara occidental,
Problèmesde structure et morphologie », Hespéris,XI, fasc. 1-2,1930,p.2).

4. Zoneprésaharienneet limites du Royaume du Maroc

Selondestémoignagesconcordants d'historiens etdegéographes,l'Empire
marocain avait sa limitesud en bordure de la zone présaharienne. Son statut

politique était singulier. Le Sultan prétendait en êtrele souverain etétait
considéré commetel de jure, quoique non de facto, dans les cartes géo-
graphiques et par les Etats européens.Situation étrange:leslimitesdu Maroc
restaient indéterminées.Lesautorités marocaines ne pouvaient lespréciseret
devaient donner des réponsesdilatoires aux questions que les Espagnolsleur
posaient à ce sujet.

Lebled sibarelevait du pouvoirdeschefs ou cheikslocaux, en lutte ou alliés
entre eux,etlesrelations avec lemakhzenvariaient constamment, selonque le
Sultan approchait avec des forces ou qu'on avait besoin de son aidedans les
querellesinternes. La zone du Sous étaitdans cette situation instable, qui se
compliquait encore du fait que des principautés presque indépendantes WESTERN SAHARA (SEP .P.DE CASTRO) 149
Rabat, 1930,Conference on the Present State of Sahara Studies, pp. 111ff.),

it seemsestablished that there is a natural frontiermarked by the~ebel Bani,
and by the Kem-Kem, or littlemonticules, a seriesof hills,isolated from each
other; it is a veritable wall pierced with embrasures or defiles,it is the line of
the R'négats.In those defiles are mountain oases, halts or staging-posts of
which the name always begins with the word "foum" (mouth) [Fr. bouche].

This line joins up the points by which Morocco debouches onto the Sahara.
"It is at the 'foum'that one passes from one world into another. This change
is very marked, not toSayabrupt." It isshown by innumerable signs:change
of vegetation, change of customs, change of way of life, change of costume,
architectural differences, geological differences, and,bove all, change to a

different language (Hassaniya)(Thomas, Sahara et communautéP , aris, 1960,
pp. 31 ff.; Marchat, "Frontière Saharienne du Maroc", Politique étrangère,
XXII, 1957,No. 6,pp. 638 ff.; La République islamiquede Mauritanie et le
royaume du Maroc; Husson, Les frontières terrestresdu Maroc, 1960,
pp. 37-38).

The existence of the pre-Sahara zone calls for special mention. It is
constituted by:

"...successive 'forms' oftransition between the life of the men of the
north and of the south. He [Montagne] distinguishes five such forms,
ending up with the Ait Youssa, who appear to us to be the last
transitional type between the minor nomad of the Noun and the great
nomad of the Sahara like the Regheibat. Then one crossesthe Dra'a and

gets to the Hamada, which, stillaccording to Montagne, isthe real edge
of the westerndesert" (Marchat, op. cit.,p. 638).

After the pre-Sahara zone, one finds the western Sahara, of which weare
told that it has an incontestable individuality" (Célérier,"Le Sahara
occidental, Problèmesde structure et morphologie", Hespéris,XI, fascs. 1-2,
1930,p. 2).

4. Pre-Sahara Zone and Boundariesof the Kingdom of Morocco

The consistent testimony of historians and geographers isthat thesouthern
limit of the Moroccan Empire was at the extremity of the pre-Sahara zone.
The political status of the zone was singular. The Sultan claimed to be the

sovereign, and was considered as such de jure, but not de facto in the
geographicalmaps and by the European States. It wasa strange situation: the
boundaries of Morocco remained undetermined. The Moroccan authorities
could notstate exactlywherethey were,and gaveonlydelaying answersto the
Spaniards' requests for information.
The BledSiba was in the power of local chiefs or sheikhs,either fightingor

allied among themselves, so that relations with the Makhzen were always
liable tochange according to whether theSultan's forceswereapproaching or
whether he needed aid in his internai quarrels. Thezone of the Souss was in
that irregular condition, which was stillfurther complicated by the fact that 150 SAHARA OCCIDENTAL (OP. IND.DE CASTRO)

échappaient plus ou moins au pouvoir du Sultan. Lescartographes connais-
saient bien la zone de la côte, mais devaient tenir compte de ses variations.
Celaexplique quedans lescartes du Maroc,dèsle XVIIejusqu'au XIXesiècle,

la frontière du Maroc est placéeau cap Noun, au sud du Noun, au nord du
cap Noun, à la rivière Messa, au cap Agulon, au cap Juby, à l'oued Draa,
limitéepar la régiondes Maures indépendants et par le Royaume ou Etat de
Sidi Hicham et de l'oued Noun. Sur ces principautés, on nous dit: « Taze-
roualt correspond à1'Etatde Sidi Hichâm ..[il]renfermela bourgade de Iligh

et le tombeau (Koubba) de Sidi Ahmed-Ou-Moussa » (H. de Castries,
« Notice sur la régionde l'oued Draâ », Bulletinde la société de géographie,
1880,tome XX, p. 500).Le pays de l'oued Noun (au sud de Tazeroualt) était
appelé aussi, du nom du fondateur de la dynastie, Etat de Abid Allah Ou

Salem; les représentants en étaienten 1880les frèresBeyrouk.

« Tazeroualt et l'oued Noun n'ont jamais dépendu, en réalité,du
Maroc. Cependant, d'après l'auteur du Rodh-el-Kartas, le souverain
Almohade Abdel Moumen (1159)étendit sonautoritésur cescontrées. ))

(Castries, op.cit.,p. 501.)
Il convient de noter que, vers 1765,la majeure partie de la confédération

des Tekna, établie à l'embouchure du Draa, s'était libérée ducontrôle
marocain 1. Les Tekna marocains ne doivent pas êtreconfondus avec les
Tekna libresdu Sahara 2.
La situation politique de la zone était encore compliquéepar lefait que les

chefs de la zone étendaient leur pouvoir, ou prétendaient détenirle pouvoir,
dans la zone de Tarfaya. Ainsi Beyrouk conclut comme un pouvoir indé-
pendant des accords avec Mackenzie pour l'établissementd'un entrepôt au
cap Juby et il essaya de pousser les Puissances européennesà construire un
port dans la région,contre les intérêts et malgré l'opposition du Sulta.ela

n'empêcha pasàun certain moment, lorsque lesdifférendsdesBeyrouk avec
les Marocains prirent fin, Beyrouk d'être nommé caïd par le Sultan; mais, de
ce fait même,Beyrouk vit disparaître son autoritésur lestribus Tekna (Trout,
MoroccoSSaharan Frontiers,Genève,1969, p. 151).

La pousséedes armées françaises devait tout changer (F.de la Chapelle,
« Esquissed'unehistoire du Sahara occidental »,HespérisX , I, fasc. 1-2,1930,
p. 90). Mais, comme le disait Miègedans son précissur le Maroc, c'est aux

1 Leconseildela Mauritanieobserve aussiquela confédération dTesekna,prèsde
l'embouchuredu Draa, échappait elle-même en partie au contrôle' du Sultan »
(audience du9juillet).
Ladistinction estducolonelLahure,citépaF.dela Chapelle« LesTeknadu Sud
Marocain», L'Afriquefrançais1e 933, p. 791. LaChapelle ajoute:«Cette division,si
superficiellequ'ellesoit, synthétise bien la situation réciproqduees nomadeset des
sédentaire»,en soulignant que«leslimitesnesontpas toujoursprécisesentrelesdeux
genresde vie». WESTERNSAHARA(SEP.OP. DE CASTRO)
150
the almost independent principalities more or less eluded the Sultan's

independent authority. The cartographers knew the coastal zone well, but
had to take its variations into account. Thatexplains why in the maps of
Morocco,from theseventeenth to thenineteenth century, Morocco's frontier
isplaced at Cape Noun, to the south of the Noun, to the north of Cape Noun,
on the Messa river, at Cape Agulon, at Cape Juby and on the Wad Dra'a,

bounded by the region of the independent Moors and by the Kingdom
or State of Sidi Hisham and the Wad Noun. On the subject of those
principalities, we are told that "Tazeroualt corresponds to the State of Sidi
Hisham; ...[it]includes the township of Iligh and the tomb (Kouba) of Sidi
Ahmad-ou-Moussa" (H. de Castries, "Notice sur la régionde l'oued Draa",
Bulletindelasociétédegéographie,1880,Vol.XX, p. 500).The country of the

Wad Noun (to the south of Tazeroualt) is also called, after the name of
the founder of the dynasty, the State of Abid-Allah-Ou-Salem; the
representatives thereof in 1880were the Beyrouk brothers.

"Tazeroualt and the Wad Noun in reality never came under Morocco.
However, according to the author of Roud-el-Kartas, the Almohad
sovereign Abdel Moumen (1159)extended his authority over that land."
(Castries,op.cit.,p. 501.)

It is also to be noted that towards 1765 the greater part of the Tekna
confederation, which wasestablished at the mouth of the Dra'a, freeditself of

Moroccan control'. The Moroccan Tekna are not to be confused with the
free Tekna of the Sahara 2.
The political situation of the zone is still further complicated by the fact
that the chiefsof the zoneextended or claimed to haveauthority overthezone
of Tarfaya. Thus Beyrouk made agreements with Mackenzieconcerning the

establishment of the trading-station at Cape Juby, as an independent
authority, and healsotried to urgethe European Powersto build aharbour in
the region, against the interests and despite the opposition of the Sultan.
Nevertheless there was a time, when the differences between the Beyrouks
and the Moroccans came to an end, when Beyrouk received from the Sultan

an appointment as caid; but, for that very reason, Beyrouk found his
authority over the Tekna tribes disappearing (Trout, Morocco'sSaharan
Frontiers,eneva, 1969,p. 151).
The advance of the French armies changed everything (F. de la Chapelle,
"Esquissed'une histoiredu Sahara occidental", HespérisX, I, fascs. 1-2,1930,

p. 90). But,as Miègesaid in his essay on Morocco, it is to the French forces

1 Counselfor Mauritaniaalsoobservedthat"theconfedeiationof theTeknanear
themouthoftheDra'a wasitselfpartlyliberatedfromtheSultan'scontrol"(hearogf
9July).
Thedistinctionisthatof ColonelLahure,quotedbF.dela Chapelle,"LesTekna
du Sud Marocain",L'Afriq freançais e,33, p. 791. La Chapellegoes on: "This
division, althoughsuperficial,givesgaoodsummarypictureof therespectivepositions
of thenomads and the settled people",hasizingthat"theborderlinebetweenthe
two waysof lifesnot always clear." SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)
151

forces de la France que le Maroc dut la pacification des zones insoumises.
Pour la première fois, l'ensemble du pays dépendait d'un même pouvoir
central. L'immédiate conséquence enfut la prise de conscience nationale. »
(Miège, Le Maroc,Paris, 1950, p. 43.)
Cette particularité du bled siba explique et justifie la clause dite des

naufragésde la zone du Sous '.On en trouve l'originedans letraitéde paix et
de commerce du 28 mai 1767 entre le sultan du Maroc et le roi d'Espagne.
Plus tard elledevient une clausehabituelle dans lestraitésdu Maroc avec les
Puissances européennes 3.C'est que l'idéede la souverainetéimpliquant la
responsabilitépour lesfaits illicitesdessujetsestbien connue du Maroc. Pour

affirmer la notion d'un Maroc souverain dans toutes les régions qu'il
revendique comme lui appartenant, Moulay Hassan décidede discuter des
demandes d'indemnités qu'onlui présente, afinque ne soit pas miseen doute
son autoritésur ces territoires, augmentant ainsi, dit Miège,l'hémorragiede
numérairedont souffre 1'Etat (Le Marocet l'Europe,III, p. 357; IV, p. 417).

Une autre conséquencede cette étrange situation du bled siba est que les
autoritésmarocaines ne peuvent fixerla frontièresud de l'Empire marocain.
Lesdemandes réitéréedses Puissances européennessur les limites du Maroc

ne trouvent pas de réponsesprécises.Tout au plus invoque-t-on les vieilles
aspirations impériales(Miège,op. cit., III. p. 305-306). Le sultan El Hassan
Ben Mohammed répondra aux demandes pressantes espagnoles que les
frontières du territoire sur lequel s'exercesa souverainetésont: « L'Egypte
d'un côté, leSoudan d'un autre et Maghnia d'autre part » (documents

présentéspar leRoyaume du Maroc, ann. 9 (A),11et 12).
L'opinion généraleà l'époque estque la zone du bled siba a sa limite
extrêmeà l'oued Draa (Trout, op. cit., p. 137). Sir John Drummond Hay,

1 Leshabitants de cette zone avaient l'habitude de faire captifs les naufragés qu'ils
trouvaientsur leurscôtesetde ne lesdélivrerque moyennant de fortes rançons. En face
des réclamations desEtats dont les captifs étaient ressortissants,les sultans devaient
aider àleur rachat, au besoin en,payant eux-mêmeslarançon.
2 Dans letexte reproduit par Lazrak, l'article 18du traitééno«S.:M. Impériale
s'abstient de délibérerau sujet de l'établissementque S. M. Catholique veut former au
sud de la rivière Nun (ouedNoun) car ellene peut serendre responsable des accidents
et des malheurs qui pourraient se produire, vu que sa souveraineténe s'étend pas
jusque-là et que les peuplades vagabondes et féroceshabitant ce pays ont toujours
causé des dommages aux gensdes Canaries et les ont même réduitsn captivit»(op.
cit..D.389-390). Clause en harmonie avec la lettre du Sultan au roi Charles III
(informations et documents du Gouvernement espagnol, IIIann. 7, app. 2). L'un et
l'autre ont été. au codes exposésoraux devant la Cour, l'objet d'une polémiqsur
latraduction et lesensdesdocÛmentsen arabe. (Sur letraité,voir audiences des3,21 et
25juillet; sur la lettre du Sultan, voir audiences des 21 et 25juillet.)

3 Cette clausefiguredans letraitéentreleMaroc etlesEtats-Unis du 25janvier 1787,
dans l'article 22 du traitéde paix, d'amitié,de navigation, de commerce et de pêche
entre le Maroc et l'Espagne du ler mars 1799 et dans les traités duMaroc avec la
Grande-Bretagne (8 avril 1791), les Etats-Unis (16 septembre 1836) et la Grande-
Bretagne (9 décembre1856). WESTERNSAHARA (SEP.OP. DE CASTRO) 151

that Morocco owesthe pacification of the unsubjugated zones. "For the first
time, the whole of the country came under the same central power. The
immediate consequence was the development of a national self-awareness."
(Miège,Le Maroc, Paris, 1950, p.43.)
This peculiarity of the Bled Siba affords the explanation and justification

of the so-called shipwreck clause for the Souss region '.The origin may be
found in the Treaty of Peace and Commerce between the Sultan of Morocco
and theKing of Spain of 28 May 1767 2.Later thisbecame a customary clause
in the Treatiesbetween Morocco and European Powers 3.Thefact isthatthe
idea that sovereignty implied responsibility for unlawful acts of a sovereign's

subjects was well known to Morocco. In order to affirm the concept of
Morocco as sovereign in al1 regions claimed as belonging to it, Moulay
Hassan decided, in order that doubt should not be thrown on his authority
over those territories, to entertain the requests for indemnity submitted to
him, thus exacerbating, as Miège observes,the bleeding of the Moroccan

Treasury (Le Marocet l'Europe, III,p. 357;IV, p. 417).
A further consequence of this curious situation of the Bled Siba is that the
Moroccan authorities were unable to pinpoint the southern frontier of the
Moroccan Empire. The repeated enquiries of European Powers as to the
boundaries of Morocco received no precise reply. At best, the old aspirations
to empire were invoked (Miège,op. cit.III, pp.305-306). Sultan El-Hassan

Ben Muhammad was to reply to the pressing Spanish enquiries that the
frontiers of the territory over which his sovereignty was exercised were:
"Egypt on one side, the Soudan on another, and Maghnia on the other"
(documentssubmitted by the Kingdom of Morocco, Nos. 9A, 11and 12).
The general opinion of the period was that the furthest limit of the Bled

Siba was at the Wad Dra'a (Trout, op.cit., p.137). SirJohn Drummond Hay,

ltias thTcustom of theinhabitants of thisregionto makecaptiveany shipwrecked
mariners whom they found on their coasts, and to hand them overonly in exchange for
large ransoms. Faced withthe claims oftheStates ofwhichthe captives werenationals,
the Sultanshad to assist in ransoming them, if necessaryby paying the sum demanded
themselves.
In the text reproduced by Lazrak, Article 18 of the Treaty reads: "His Imperia1
Majesty refrains from expressing an opinion with regard to the establishment which
His Catholic Majesty wishesto found to the south of the river Noun, since he cannot
undertake the responsibility for the accidents or misfortunes whichmay occur,because
hissovereigntydoes not extend so far, and because the nomadic and savagetribes who
inhabit the country have continually injured and even made captivethe people of the
Canary Islands" (op. citpp. 389-390);this clause is consistent with the letter of the
Sultan to King Carlos III (information and documents supplied by the Spanish
Government, Book 3, App. 2to Ann. 7).Both thesetexts were,in thecourse of the oral
meaning of the Arabic texts. (On the Treaty, see hearings of 3,21 and 25 July; on the
Sultan's letter seehearings of 21 and 25July.)
Such a clause appears in the Treaty between Morocco and the United Stat25of
January 1787,in Article 22of the Treaty of Peace, Friendship, Navigation, Commerce
and Fisheriesbetween Morocco and Spain of 1 March 1799,and in Morocco's treaties
with Great Britain (8 April 1791),the United States (16 September 1836),and Great
Britain (9 December 1856). SAHARAOCCIDENTAL(OP. IND.DE CASTRO)
152
défenseurattitrédes droits du Maroc, déclareque « la domination légale 1du

Sultan ne s'étend pas au-delàde l'oued Draa » (Miège, op. cit.III,p. 305,
note 3).
Dans son exposé oral devant la Cour, l'un des conseils de la Mauritanie,
tout en tâchant de montrer que le bled siba s'étendait au-delàdu Draa, a dû
avouer que plus on se rapprochait du Draa, «plus l'allégeanceau Sultan se

diluait, pour disparaître totalement au niveau de l'oued Sakiet El Hamra »
(audience du 9juillet).
L'achatpar leSultan de lafactorerie de Mackenzie au cap Juby, envertu du
traité du 28 novembre 1895, ne change pas la situation de la zone. La
confédération des Tekna ne reconnaît au Sultan que son autorité religieuse.

La vieille factorerie du cap Juby est une enclave aux mains du Sultan
considéréecommeune place extra-territorialisée, avecunegarnison militaire
minimeetsans influenceaux alentours 2.

5. Cartes géographiques

La nature toute spéciale dubled siba révèleson importance dans le cadre
des relations internationales. Même si,pendant des annéesou pendant un

siècle,leMakhzen n'a exercéaucuneautoritédans un territoire du bled siba,
ce territoire reste toujours considérépar les Puissanceseuropéennes comme
étant dejuresous l'autoritédu Sultan. Au fond les Puissancesconsidèrent les
territoires du bled siba comme des zones réservées à l'influencede l'autorité
chérifienne.C'est cette reconnaissance internationale qui permet de parler

d'une souveraineté,quin'est presquejamais exercée.
Cette caractéristique du bled siba justifie l'importance à accorder aux
cartes géographiques, qui montrent quelle étaitl'opinion internationale de
l'époquesur les frontières reconnues à l'Empire marocain. Elle a pour
conséquencede limiter la possibilité,pour les Puissances,d'occuper certains
territoires et d'obliger ces Puissances les considérer comme inclus dans le

devoir de respecterl'intégritdel'Empire chérifien(acted'Algésiras du 7 avril
1906;déclaration franco-espagnole du 3 octobre 1904).
La Cour a disposé d'uneimportante documentation cartographique four-
nie par le Gouvernement espagnol, conformément à la demande de l'As-
sembléegénérale de soumettre à la Cour tous renseignements et documents

pouvant servir à éluciderles questions posées.Dans l'annexe B-1 on trouve
quarante-quatre cartes datées de 1630 à 1887 et éditéesen France, en
Angleterre, aux Pays-Bas, en Italie, en Allemagne, en Autriche et en Amé-
rique du Nord. Dans l'annexe B-2,il y a encore six autres cartes éditéesen
France et en Allemagne. Ainsi queje l'aidit, ces cartes décrivent la frontière

sud du Maroc comme longeant diverscaps et rivièresdu bled siba, mais ne la
1C'est-à-direnon defacto,mais dejure ouà titrede zone d'influence légitime de
l'autoritduSultan.
*11est à noterque le cap Juby, bienqu'ilsoit au-delà duDraa, est au nord du
parallèle7"40' et plusloin encorede l'ouedSakietEl Hamra.LeSultan soutenait
contrela Grande-Bretagne queledistrictdépendaidtesonautorité,maiislavouaitn'y
posséder «pasleplus petit pouvoirdecontrôle»(Miège, op.citIII,p.305). WESTERNSAHARA(SEP.OP. DE CASTRO) 152

a recognized defender of the rights of Morocco, stated that "the legal 1
domination of the Sultan does not extend beyond the Wad Dra'a" (Miège,
op. ci?.III,p. 305,note 3).
In his oral statement to the Court, one of the counsel for Mauritania, while

endeavouring to show that the Bled Siba extended beyond the Dra'a, had to
concede that the nearer one got to the Dra'a, "the more allegiance to the
Sultan was watered down, and it disappeared altogether at the level of the
Wad Sakiet El Hamra" (hearing of 9 July).
The purchase by theSultan of the Mackenzie trading-station atCape Juby,

under the Treaty of 28 November 1895,did not change the situation in the
region. The confederation of the Tekna only recognized the religious
authority of the Sultan. The former trading-station at Cape Juby was an
enclavein thehands of the Sultan,regarded asan area havingextra-territorial

status, with an exiguous military garrison, and without influence in the
neighbourhood 2.
5. Maps

The importance of the very special nature of the Bled Siba becomes
apparent in the context of international relations. Even if, for years or even
for an entire century,the Makhzen had exercisedno authority in a territory of
the Bled Siba, that territory was still considered by the European Powers as

being de jure under the authority of the Sultan. Basically, the Powers
considered the territories of the Bled Siba as spheres of influence of the
Sherifian authority. It is this international recognition which makes it
possible to speak of a sovereignty which washardly ever exercised.
This characteristic of the Bled Siba explains the importance of the maps,

which show what the international opinion of the period regarded as the
recognized frontiers of the Moroccan Empire. It had the effect oflimiting the
freedom of the Powers to occupy certain territories, and of obliging them to
consider those territories as coming within the purview of the general dutyto

respect the integrity of the Sherifian Empire (Actof Algecirasof7 April 1906;
Franco-Spanish Declaration of 3 October 1904).
The Court was provided with a considerable number of maps by the
Spanish Government, in pursuance of the General Assembly's requestto the
interested parties to submit to the Court al1such information and documents

as might be needed to clarify the questions put to it. Annex B-1 contains 44
maps dated from 1630 to 1887 and published in France, England, the
Netherlands, Italy, Germany, Austria and North America. Annex B-2
contains a further six maps published in France and Germany. As indicated
and explained to the Court, these maps show the southern frontier of

Morocco as running along certaincapes and riversof the BledSiba,but never
' That is to Saynotdefacto but dejure, or by wayof zone of lawful influenceof
authorityof theSultan.
Itshouldbe noted thatCapeJuby,althoughit wasbeyondthe Dra'a, wasto the
north of the 27" 40' parallel,and further stillfrornthe Wad Sakiet El Hamra.The
Sultan clairned asagainstGreat Britainthatthe districtunderhis authority, buthe
concededthathedidnot possess there"theslightestpowerof control"(Miège,op. cit.,
II1,p. 305).

144 153 SAHARAOCCIDENTAL (OP.IND.DECASTRO)

portent jamais au-delà de l'oued Draa, ce qui coïncideavec lestémoignages
écritsde l'époque.

Sur la carte V de l'annexe B-2, tiréede Die DeutscheHandelsexpedition
1886 par le Dr R. Jannasch, Berlin, 1887, on remarque clairement les
anciennesfrontièresdu Maroc (alteGrenzevonMarokko), établiessurl'Atlas,
et les frontièresdes territoires se trouvant dans une situation de dépendance
envers le Sultan(GrenzederjenigenLander,welchezum SultanvonMarokko
im Abhangigkeits-Verhaltniss stehen, c'est-à-dire le bled siba), lesquelles

suivent l'oued Draa.
Les limites du pays du Sous se voient sur la carte XI (ann. B-2),tiréede
l'Œuvrede R. Montagne, Les Berbères et le Makhzendans le sud du Maroc.
Elles vont du Haut Atlas jusqu'à l'ouedDraa 1.
L'importance des cartes géographiques comme preuve des limites entre
Etats est évidenteet ellesemble décisivelorsque lestémoignages coïncident.

En l'espèce lescartes montrent bien que la communauté internationale
considéraitl'oued Draa comme la limite sud du Maroc. Lesconnaissances et
l'objectivitédesauteurs decartes de l'Afriquenesontpas douteuses. Ilestvrai
qu'ilyavait àl'intérieurde l'Afriqueune terraincognita,mais la situationdes
territoires près des côtes était bien connue. Les intérêts commerciauxet
politiquesà l'égardde ces régionsétaientconsidérableset les informations

des navigateurs, commerçants et voyageurs étaientcontinuelles.

6. Liens historiquesavecle Maroc
Le fait que le Maroc ait affirmédes droits de souverainetésur le Sahara

occidental appelait l'examen, comme question de fait, de la façon dont ces
droits ont étéacquis et de leur maintien éventuelau moment de la colonisa-
tion.
Le Maroc, auteur de la revendication, devait donc établirà la satisfaction
de la Cour àquel moment et par quelsmoyens l'Empire marocain a acquis le
Sahara occidental. Est-ce par voie de conquête? Y a-t-il eu une vraie

debellatiodes tribus du Sahara? Est-cepar voie de cession? Par quelstraités?
Est-ce par voie d'occupation? Le Sahara était-iterranullius?
S'agissantde savoir s'ily a eu une intégrationdu Sahara occidental, il faut
voir comment le Marocen a pris possession. Il faut que la possession ait été
effectiveet qu'elle n'ait été ni transitoirenitemporaire. ne suffitpas d'un

TroutreproduitlescartesdeRenoude1844etduministère françaisdelaguerrede
1848 (op.citp.478-481)D. anslacartedeRenou,onvoitleslimitesde1'EtatdeSidi
Hicham.On trouveaussi des référenc es1'Etatde Sidi Hichametà la régiondes
«Mauresindépendant» sdanslescartesXXIII-XXIX,XXXIVetXLII(1830-1887d)e
I'annexeB-1desinformationsetdocumentsprésenté psarleGouvernementespagnol.
LaseulecartefournieparleMaroc(en premierlieudanssonlivrede documents)
a pu induireenerreur,car ellenesignalepas lafrontière marocain, aisune limite
entreleszonesfrançaiseetespagnolepassantparlecapBlanc,cequiseretrouvedans
uneautreéditiondelamêmc earteproduiteparleGouvernementespagnoeltdansune
carteaccompagnantlerapportdes autorités françaisedsu Sénégdal 1891etdélimi-
tant la«sphèred'influencefrançaise» et le «protectorat espagnol» (documents
complémentairepsrésentépsarleGouvernementespagnola,nn.B-2,cartes 1et IX). WESTERNSAHARA(SEP.OP.DE CASTRO)
153
as extending beyond the Wad Dra'a; and this agrees with the written

testimony of the period.
Map Vof Annex B-2,taken from Die DeutscheHandelsexpedition 1886,by
Dr. R. Jannasch, Berlin, 1887,clearly showstheoldfrontiers of Morocco (alte
GrenzevonMarokko),established on the Atlas mountains, and the frontiers

of the territories in a situation of dependence upon the Sultan (Grenze der
jenigen Lünder, welche zum Sultan von Marokko im Abhangigkeits-
Verhültnissstehen,that isto Saythe BledSiba),whichfollowthe course of the
Wad Dra'a.

The limits of the Souss country can be seen onmap XI (Ann. B-2),taken
from R. Montagne, Les Berbères etle Makhzen dans le sud du Maroc.They
extend from the High Atlas to the Wad Dra'a 1.
The importance of the maps? as evidence of inter-State territorial

boundaries isobvious and appears decisivewherethe testimony isconsistent.
In the present case, the maps clearly show that the international community
considered the Wad Dra'a as thesouthern limit of Morocco. The knowledge
and objectivity of thecartographers of Africa are not in doubt. It is true that
there was in the interior of Africa a terra incognita,but the situation of the

territories near the coasts was well known. These regions were the object of
considerable commercial and political interests and information was
constantly being supplied by navigators, merchants and travellers.

6. Historic Tieswith Morocco

Morocco's assertion of rights of sovereignty over Western Sahara called

for theexamination, as a question of fact, of the wayin whichthose rightshad
been acquired and whether they still subsisted at the time of colonization.

It was thus for Morocco as the claimant to prove to the satisfaction of the
Court when and how the Moroccan Empire.had acquired Western Sahara.

Was it by conquest? Was there a true debellatio of the tribes of the Sahara'?
Was it by 'cession? If so, by what treaties? Was it by occupation? Was the
Sahara terra nullius?
For the purpose of determining whether Western Sahara was ever

incorporated in the Sherifian Empire, it isnecessary to enquire how Morocco
took possession of it. Such possession must have been effectiveand neither

Trout reproduces the maps prepared by Renou in 1844and by the French Ministry
of War in 1848(op.cil.pp. 478-481).Renou'smap showsthe limits of the State of Sidi
Hisham. There are also references to the State of Sidi Hisham and the region of the
"independent Moors"in maps XXIII-XXIX,XXXIV,and XLll(1830-1887)ofAnnex
B-1 of information and documents supplied by the Spanish Government.
The only map supplied by Morocco (placed first in its book of documents) may
have proved misleading, since it does not indicate the Moroccan frontier, but a
boundary betweenthe French and Spanish zones running hrough Cabo Blanco,which
is also found in another edition of the same map supplied by the Spanish Government
andin a map accompanying thereport ofthe Frenchauthorities of Senegalin891and
delimiting the "French sphere of influence" and the "Spanish protectorate" (supple-
mentary documents submitted by the Spanish Government, Ann.B-2,maps 1and IX).154 SAHARAOCCIDENTAL (OPI.ND.DE CASTRO)

vague animuspossidendi, d'un « droit de voisinage »ou d'une appartenance
comme celle du Maroc au Dar el Islam.

Dans l'hypothèse où l'une des incursions des Marocains en territoire
saharien aurait été considéréecommeunp erise de possession d'un territoire
sansmaître ou commeune conquête,ilfallait examiner sileretrait desforces

marocaines avait eu l'effetjuridique d'un abandon. Selon le point de vue le
plus raïsonnable, ilyaabandon lorsque 1'Etatenvahisseur n'a pasétablidans
leterritoireuneadministration rendant effectivela continuitéde sonoccupa-
tion et assurant l'intégration du territoire dans son organisation étatique. On
doit en outre prouver cette intégration ab extra en montrant que I'Etat

acquéreur était responsableenvers les au,tres Etats des faits des autorités et
habitantsdu territoire 1.

La colonisation espagnole s'est faite dans la période critique sans opposi-
tion marocaine, que ce fût de la part de l'arméeou du gouvernement. Cela

peut expliquerque le Maroc ait tenu à dire à la Cour que « le fait historique
n'est autre chose en cequi le concerne quel'existencemultiséculaire de 1'Etat
marocain exerçant une possession immémoriale au Sahara occidental » et
qu'il ait ajouté que«le Maroc peut se prévaloir de l'exercice plusieurs fois
séculaireet historiquement démontré de la souveraineté au Sahara occi-

dental » et qu'«au moment de la colonisation espagnole le Maroc est
considéré commele possesseur immémorialpar la communauté internatio-
nale »(audience du 3juillet).
LeMarocétait-ilen possessionduSahara occidentalaumoment delacolo-
nisation espagnole? L'allégation de la possession immémorialen'exempte

pas de la preuve de la possession. La possession immémorialesive indejînita
se manifeste-comme un fait actuel et évidentdont personne ne connaît le
commencement. Elle nécessite ;a réalisation de deux conditions. L'une
positive: la preuve d'une possessio pacifique dans la période critique,exercée
depuis un temps si long qu'il n'ya plus souvenirdu moment où ellen'existait
pas encore. L'autre négative:le caractère ininterrompu, c'est-à-dire ni spora-

dique ni transitoire, de la possession.
Le Marocn'a pas essayéde prouver sa possession du Sahara occidentalau
moment de la colonisation espagnole. Il a entendu prouver sa possession
immémorialepar une sériede faits isolésétablissant,selon lui,une possession
continue du sultan du Maroc à titre de souverain. 11faut donc examiner ces

faits et voir s'ils offrent les conditions nécessaires pour entraîner une
conviction raisonnable quant àla preuve de la possession immémoriale 2.

Selonl'axiomedeBugeaud:«EnAfrique,uneexpéditionnonsuivied'occupation
ne laissepasdetrace plus durable quecelle faiteparle sillaged'unnaviresur la mer
immense.»(Bernard,LeMaroc, Paris, 1915,p.350.)
2 Les allégationsdu Maroc laissentencoreplanerun doute non dissipédevant la
Cour:Quelle est lavaleurdesmêmes faitest argumentsemployéspouratteindredes
objectifsdifférents:revendicatiosnuccessivedu Grand Maroc,de la Mauritanie,du
Saharaoccidental,dunord du Saharaoccidental?transitory nor temporary. There must be more than a vague animus

possidendi, and "right of proximity" or the fact of belonging, like Morocco,
to the Dar 'al-Islam.
On the hypothesis that one of the incursions of the Moroccans into
Saharan territory was considered as a taking of possession of a territory
belonging to no-one or as a conquest, it was necessary to consider whether
the withdrawal of the Moroccan forces had had the legal effect of an

abandonment. According to the most reasonable point of view,
abandonment occurs when the invading State has not established in the
territory an administration rendering the continuity of its occupation
effective and ensuring the incorporation of the territory into the invader's
polity. It is also necessary to proveuch incorporation ab extra by showing

that the State acquiring theterritory was responsible vis-à-visother States for
the acts of the territory's authorities and inhabitant'.
Colonization by Spain occurred during the critical period without
Moroccan opposition, whether on the part of the army or on that of the
Government. This could explain why Morocco told the Court that "the fact
of history, where Morocco isconcerned, is none other than the centuries-old

existence of the Moroccan State exercising immemorial possession of
Western Sahara" and added that "Morocco may relyonthe centuries-old and
historically proven exercise of sovereignty in Western Sahara" and that "at
the time of Spanish colonization Morocco was considered to be the
immemorial possessor by the international community" (hearing of 3July).

Was Morocco in possession of Western Sahara at the time of colonization
by Spain? The allegation of immemorial possession does not make proof of
possession unnecessary. Immemorial possession sive indejnita manifests
itself as a Dresentand evident fact the commencement of which isunknown.
It requires thefulfilment of two conditions. One condition is positive: proof

of a peaceful possessio during the critical period, exercised for so long that
there is no longer any memory of a time when it did not exist. The other is
negative: the uninterrupted-that is to Say, neither sporadic nor
transitory - character of such possession.
Morocco has not attempted to prove its possession of Western Sahara at
the time of colonization by Spain. It has sought to prove its immemorial

possession by a series of isolated facts which, it has contended, established
continuous possession by the Sultan of Morocco as sovereign. It is therefore
necessary to examine these facts and see whether they satisfy the necessary
conditions Forthe formation of a reasonable conviction as to the proof of
immemorial possession 2.

1 According to Bugeaud's axiom, "In Africa, an expedition not followed by
occupation leaves a trace no more lasting than the wake of a vesse1on the boundless
ocean" (Bernard, LeMaroc.Paris, 1915,p. 350).
The Moroccan allegations prompted a doubt which the hearings failed to
dissipate: what valuecan be attributed to identical facts and arguments used in pursuit
of different objectives:the successiveclairnsto Greater Morocco, Mauritania, Western
Sahara, the northern portion of Western Sahara? SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND. DE CASTRO)
155

a) Relations continues entrele Marocet le Sahara

Lesexposésprésentés àla Cour par leMaroc mentionnentcommedes liens
historiq.espe.tinents l'existencede relations immémorialesentre le Maroc et
le Sahara, ainsi qu'une sériede faits particuliers citéscomme preuves du
pouvoir du Maroc sur le Sahara occidental.
Dans la deuxième partie de son exposéécrit, leMaroc fait ressortir, en

mettant le texte en italiques, l'importance qu'il attribue à «ce fait essentiel
dans l'histoiremarocaine: la conquête périodique du Maroc intérip eurr le
Maroc extérieur ...Le plus souvent, une dynastie néeau-delà de l'Atlas a
conquisle Marocatlantique ».

Le passage citéest employé d'unemanière équivoque;il semble avoir été
interprétécommesignifiant qu'ily a deux Maroc, l'intérieur et l'extérieur, et
que le Maroc extérieur est leSahara. Cette phrase de l'exposémarocain est
reprise mot pour mot de l'Histoire du Marocd'Henri Terrasse (Casablanca,

1949, 1,p. 13).11faut donc voir ce qu'est leMaroc selon cet auteur. Dans la
carte hypsométriquedu Maroc qui estinsérée dans son livre(p. 8-9),la limite
sud du Maroc est le Draa. Pour Terrasse, le Maroc a des façades mariT
times (p. 4-6) et des façades et accès terrestres (p. 6-10); en les étudiant, il
relève I'importance de la façade présaharienne du Maroc, c'est-à-dire la

place que

«cesconfins semi-désertiques,parsemésd'oasis, ont tenu dans la vie du
pays. Leur rôle fut double: les oasis de valléesqui s'échelonnentdu
Tafilelt au Draa, par le Gheris, le Todgha et le Dadès ont constituéun

couloir d'invasion et, par-là, une des entréesdu Maroc ...

Lesoasismarocaines, qui ont été un vestibule et une entréesecondaire
du Maroc,furent aussilesponts du désert.Lescaravanes quitraversaient
le Sahara occidental aboutissaient au Draa ou au Tafilelt. ))(P. 7.)

«ces liaisons caravanières avec le monde saharien et l'Afrique noire,

même lorsqu'ellesfurent continues, restèrent légères et fragile s..
LeMaroc estdonc, dans son ensemble,un pays isolé. Ilne possèdesur
l'extérieurque trois voies d'accèsde valeur inégale ...enfin une longue
rue d'oasis qui ne donne guère d'accèsdirects qu'à l'extrêmesud du

pays, maisqui est un des aboutissants du Sahara et du Soudan. »(P. 10.)

Dans la «Vue d'ensemble )) qui termine l'Œuvrede Terrasse, le Maroc
extérieurest considérécomme constituépar «le Maroc oriental ))et«la zone
des oasis »(ibid.. II, p. 460-464).De la zonedes oasis, Terrasse dit encore:

((Lesdeuxprovincesoccidentales de cette zone présaharienne,leSous
et lebas Draa, eurent souvent une destinéeà part. LeSous a toujours été
depuis les Almohades au pouvoir du Makhzen. Mais, de cette étroite

enclave, en bled siba, les Sultans n'ont que rarement pu étendreleur
emprise sur la montagne et lesoasis. ))(P. 463.) WESTERNSAHARA (SEP.OP. DE CASTRO) 155

(a) UnbrokenRelations between Moroccoand the Sahara

The statements submitted to the Court by Morocco mention, as relevant
historic ties,immemorialrelationsexisting between Morocco and the Sahara,
as wellas a seriesof special facts cited as proofs of Morocco's authority over

Western Sahara.
The following quotation in the second part of the written statement of
Morocco isitalicized to indicatetheimportanceattached to it: "thisbasicfact
of Moroccanhistory, theperiodic conquest ofinner Moroccoby outerMorocco
.. .In most cases a dynasty that has come into being beyond the Atlashas
conqueredAtlantic Morocco. "

Thepassagequoted isused equivocally; itseemsto have been interpreted as
meaning that there are two Moroccos, inner Morocco and outer Morocco,
and that outer Morocco is the Sahara. The sentence in the Moroccan
statement is a word-for-word quotation from Histoire du Marocby Henri
Terrasse (Casablanca, 1949, 1, p. 13). We must therefore ascertain what
Moroccomeant for Terrasse. In thehypsometric map of Moroccoincluded in

his book (pp. 8-9), the southern boundary of Morocco is the Dra'a. In his
view, Morocco has seaward fronts (pp. 4-6) and landward fronts and also
access points (pp. 6-10); in his study of them, he refers to the importance of
the pre-Saharan front of Morocco, that is to -y the place that:

".. .these semi-desert areas with their scattering of oases,haveoccupied
in the lifeof the country. Their role was twofold:the oases of thevalleys,
situated at intevals from Tafilelt to Wad Dra'a by Charis, the Tadgha
and the Dadès, were an invasion corridor and, consequently, one of the

gateways to Morocco ...
The Moroccan oases, which were a hallway and a secondary gateway
to Morocco, were also the bridges across the desert. The caravans that
crossed Western Sahara terminated at the Dra'a or at Tafilelt." (P. 7.)

"These caravan links with the world of the Sahara and Black Africa,
even whenthey were continuous, remained tenuous and fragile.. .
Morocco, as a whole, is therefore an isolated country. On the outer
side it has only three access points of different value.. .;lastly a long

path of oases, which hardly gives direct means of access except at the
extreme south of the country, but which is one of the terminal points of
the Sahara and the Soudan." (P. 10.)

In the "overall view" with which Terrasse concludes his work, outer
Morocco isconsidered to be constituted by "eastern Morocco" and the "oasis
region" (ibid., II, pp. 460-464). Ofthe oasis region, Terrasse says:

"The two western provinces of this pre-Saharan zone, the Souss and
the lower Dra'a, often had a separate existence. Since theAlmohads,the
Souss was always under the authority of the Makhzen. But from that
narrow enclave, in the Bled Siba, it was rare for the Sultans to be able to
extend their ascendancy over the mountains and the oases." (P. 463.)156 SAHARAOCCIDENTAL(OP. IND.DE CASTRO)

Il semble donc évident que, selon Terrasse (dont l'autoritéest reconnue

tacitement par le Maroc), le Maroc extérieurest lazone présaharienne,dont
la limite est le Draa ',et donc que le Sahara occidental est en dehors des
frontièresdu Maroc.

b) Epopéealmoravide

L'exposéécritmarocain (deuxième partie) a consacréplusieurs pages à
faire ressortir l'importance des Almoravides dans l'évolutiondu Maroc et ce
développement se fonde sur des citations de l'Œuvrede Terrasse. L'exploit
étonnant des Sanhaja au Litham, la conquêtedu Maroc (ainsi que de l'Es-
pagne musulmane) par des Sahariens ont été considérécsomme décisifs,

peut-être avec raison,pour l'existencedu Maroc (Terrasse, op.ci?.,1,p. 256).
Mais l'union et la relation entre le Sahara et le Maroc ont étde bien courte
durée.D'autres passagesdu livre de Terrasse expliquent comment elles ont
pris fin. Abou Bekr, devenu seul chef du mouvement almoravide, voulant
réglerdes dissensions qui venaient d'éclaterau Sahara, laisse le commande-

ment du Maroc almoravide à son cousin Yousof b. Tachfin «à qui il fait
épouser Zeïneb, préalablement répudiés euivant la loi. Au retour d'Abou
Bekr,Yousof devait lui rendre son commandement et son épouse » (p. 222).

« Yousof b. Tachfin avait affirméson pouvoir et enracinéau Maroc le
mouvement almoravide. L'aventure des Sanhaja au voile, saharienne à
ses débuts, devenaitde plus en plus marocaine. Le retour d'Abou Bekr
allait êtrel'occasion d'un geste décisif.

Abou Bekr rétablitla paix au désert.Croyant avoir assuréles bases
mêmesdu mouvement almoravide, il revint vers le Maroc pour y
reprendre ses conquêtes.Yousof b. Tachfin, sur le conseil de Zeïneb,
décidade ne pas rendre àAbou Bekrlepouvoir suprême,touten évitant
une lutte àmain armée.IIseporta au-devantd'Abou Bekravecde riches

présentset une solide escorte. Lorsque les deux chefs se rencontrèrent,
Abou Bekr s'étonnade ces cadeaux: «C'est pour quetu ne manques de
rien au désert»,lui réponditYousof b. Tachfin. Abou Bekr comprit et il
retourna au pays des Lemtouna. Il étaitrestéun Saharien; Yousof b.
Tachfin était devenuun Marocain ...

Le mouvement almoravide au Maroc était pratiquement coupédu

1 La mêmelimitesuivantl'oued Draa est indiquéedans lescartes s«rLeMaroc au
temps des Idrissides »(1,p. 11l), « LeMaroc entre lesIdrissides et lesAlmoravides »(1,
p. 167),« Lepeuplement du Maroc au débutdu Xlcsiècle»(1,p. 195),« LeMaroc sous
les Almoravides » (1, p. 233-234), « Le Maroc des Almohades » (1, p. 264-265), « Le
Maroc sous les Mérinides»(II, p. 24-25),« Lesentreprises portugaises au Maroc »(II,
(II, p. 168-169)et « Le Maroc sous les Alaou»(II,p. 248-249).roc sous les Saadiens »
IIfaut noter aussi que l'existencede dynasties d'origine saharienne et lesconquêtes
du Maroc par les Sahariens (Almoravides, Ma el Aïnin, El Hiba) ne signifient pas
l'annexion du Maroc au Sahara: ce sont des exploits sans avenir. WESTERN SAHARA (SEP. OP. DE CASTRO)
156
It therefore seems plain that, according to Terrasse (whose authority is

tacitly recognized by Morocco), outer Morocco is the pre-Saharan zone, the
limit of which isthe Dra'a 1,and that Western Sahara is therefore outside the
frontiers of Morocco.

(b) Almoravid Epoch

In the second part of its written statement the Moroccan Governrnent
devotes several pages to showing the importance of the Almoravids in the
developrnent of Morocco; itsargument isbased on citations from the work of
Terrasse. The astonishing achievement of the "veiled Sanhaja", and the

conquest of Morocco (and also of MuslirnSpain) by the Saharans, have been
considered decisive, perhaps rightly, in the history of Morocco (Terrasse,
op. cit., 1,p. 256). But the union and the relationship between Sahara and
Morocco were of very short duration. Other passages of Terrasse's book
explain how they came to an end. Abou Bekr, who had becorne the sole chief

of the Almoravid movement, wished to settledisputes that had broken out in
the Saharaand left thecornmand of Almoravid Moroccoto hiscousin, Yussif
Ibn-Tashfeen "whom he married to Zeinab, who had been previously
repudiated in accordance with the law. On Abou Bekr'sreturn, Yussifwas to
return to hirn his comrnand and his wife" (ibid., 1,p222).

"Yussif Ibn-Tashfeen had consolidated his power and established the
Almoravid rnovernent in Morocco.Theenterprise of the veiled Sanhaja,

originally Saharan, became more and more Moroccan. The return of
Abou Bekr was to be the occasion for a decisivegesture.
Abou Bekr re-established peace in the desert. Thinking that he had
assured the Almoravid rnovernent at its very basis, he returned to
Morocco to resurne his conquests there. Yussif Ibn-Tashfeen, on the

advice of Zeinab, decided not to return the supreme cornrnand to Abou
Bekr, but also to avoid an arrned struggle. He presented himself before
Abou Bekr with rich presents and a strong escort. When the two chiefs
met each other, Abou Bekr expressed surprise at the gifts: 'they are to
rnake sure you lack nothing in the desert', Yussif Ibn-Tashfeen replied.

Abou Bekr understood and returned to the land of the Lemtouna.
He had rernained a Saharan; Yussif Ibn-Tashfeen had become a
Moroccan ...
The Almoravid movement in Morocco was practically cut off from

Thesamelimit- followingthe courseof theWadDra'a -isshownon themapsof
Le Maroc au temps des Idrissides (1, p. 11l), Le Maroc entre les Idrissides et les
Almoravides(1,p. 167), Lepeuplementdu Marocau débutdu XP siècle(1,p. 195), Le
Maroc souslesAlmoravides (1,pp.233-234),Le Marocdes Almohades(1,pp.264-265),
Le Maroc sousles Mérinides(Il, pp. 24-25), Les entreprises portugaisesau Maroc(Il,
p. 133), Le Maroc sous les Zenatta (II, pp. 152-153), Le Maroc sous lesSaadiens (Il,
pp. 168-169),Le Marocsous lesAlaouties(Il, pp.248-249).
It must be noted also that theexistence of dynasties of Saharan originand the
conquestsof Moroccoby the Saharans(Almoravids,Maul-'Aineen,al-Hiba)do not
signify the annexation of Morocco to the Sahara; they weexploits with no future
significance. 157 SAHARAOCCIDENTAL(0P. IND. DECASTRO)

désert;ilne lui restait plus qu'une issue:achever laconquêtedu Maroc. ))
(P. 223.)

Cette citation sert à montrer, au moyen d'une anecdote symbolique, la
rupture qui intervient à nouveau entre les deux mondes: le Sahara est oublié
Dar les Almoravides devenus Marocains. Ainsi le Maroc. sous les Almora-

bides, a comme frontière sud l'oued Draa (carte figurantZdansl'ouvrage de
Terrasse, 1,p. 232-233).

c) Conquête de Tombouctou
Lesincursions ou expéditionsdessultans du Maroc ont un but bien limité.
Ellesont des raisons économiques bien connues. Il s'agit des mines de selde
Taghazze, de lagomme arabique, de l'or et des esclaves noirs du Soudan. Le

sultan Moulay Ahmed elMansour, est-ildit, arriva àétablirson autoritédans
le Sahara, après sa conquêtede Tombouctou. Son expéditionvictorieuse et
éclatanterententit dans tout le Sahara et, à sa suite, le Marocput maintenir
son influence sur le Soudan. Celle-ci dura de 1591à 1612.Le sultan Moulay
Ismaïl s'intéressaà nouveau au Soudan, surtout pour acquérirdes esclaves

noirs, et il réussit le mettre sous son influence; mais, à sa mort en 1727,le
tribut de Tombouctou cessa.

Lesexpéditionsmarocaines vers le Soudan eurent une influenceéphémère
au Sahara. Lessultans n'avaient d'intérê ptour ceslieuxdésertiquesquedans
la mesure où le chemin à suivre pour arriver au Soudan les traversait. Les

tribus sahariennes n'étaient pas enmesure de résister,mais ellesrecouvraient
toute leur libertéaprès le départdes forces marocaines. On doit noter aussi
que lesexpéditions marocaines suivaientleparcoursordinairedes caravanes,
c'est-à-dire letrajet de Tindouf au Sénégale,n laissant de côtél'actuel Sahara
occidental, chemin plus éloigné et inhospitalier.
Malgrélecaractèretrèslimitéde cesconquêtes,elleslaissèrentun souvenir

durable. Elles expliquent les réponsesdonnéesaux Puissances européennes
par les autorités marocaines qui ont prétendu que les domaines du Sultan
allaient jusqu'au Sénégal,àTombouctou et sa région,sous le prétexteque les
sultans avaient été souverainsde ces territoires et se considéraienttoujours
comme tels (Trout, op. cit., p. 137; qui cite Miège,op. cit., III, p. 305). Ces

revendications trouvent leur échodans l'idéedu Grand Maroc prêchép ear El
Fassi.

d) Tentatives de soumettre le Sous
Le sultan Moulay Hassan (« le Sanguinaire ») arrive à établir l'autorité
chérifiennegravement entaméesous Mohammed XVII (1859-1873).Dans la
régiondu Sous, I'Etat maraboutique du Tazeroualt et la principauté des

Beyrouk ne reconnaissent pas leur dépendance envers le Makhzen. Les
énormesdroitsd'importation et d'exportation prélevés au port de Mogador,
qui détientle monopole du commerce de la région,poussent les cheiks du
Sous àsemettre en relation avecdes Européenspour ouvrir des ports lelong
de leurs côtes et y disposer ainsi de débouchés commerciauxlibres d'impôts. WESTERNSAHARA (SEP.OP. DE CASTRO) 157

the desert; there was only one other course open to it: to complete the
conquest of Morocco." (P. 223.)

This quotation, by means of a symbolic anecdote, serves to indicate the
fresh schism which occurred between the two worlds: the Sahara was
forgotten by the Almoravids, who had become Moroccans. Thus Morocco,

under the Almoravids, had the Wad Dra'a as its southern frontier(videmap,
Terrasse, 1,pp. 232-233).

(c) Conquestof Timbuktu
The incursions or expeditions of the Sultans of Morocco had a restricted
purpose. They werecarried out for economic reasons which are wellknown.
Their objectives were the Teghazza saltmines, gum arabic, gold and black

slaves from the Soudan. Sultan Moulay Ahmad al-Mansour, it is said,
succeeded in establishing his authority in the Sahara after his conquest of
Timbuktu. His dazzlingly victorious expedition resounded throughout the
Sahara, and thereafter Morocco was able to maintain its influence on the
Soudan. That influence lasted from 1591 to 1612. Later, Sultan Moulay
Ismail took a new interest in the Soudan, in particular in order to acquire

black slaves,and hesucceeded in establishing hisinfluence there.On hisdeath
in 1727,however, tribute from Timbuktu ceased to be paid.
The Moroccan expeditions to the Soudan had an ephemeral influence in
the Sahara. The Sultanshad no interest in thesedesert areas except inso far as
they wereon the route to the Soudan. The Saharan tribes were in no position
to resist, but they regained full freedom once the Moroccan forces had

withdrawn. It should also be noted that the Moroccan expeditions followed
the regular caravan route, in other words that from Tindouf to Senegal, thus
by-paSsing present-day Western Sahara, the route through which wasmore
roundabout and inhospitable.
Notwithstandingthe verylimited extent of theseconquests, they wereto be

long remembered.They explain the repliesgiven to the European Powers, by
the Moroccan authoritks who claimed that the Sultan's domains reached as
far as the Senegal River,and included Timbuktu and the surrounding region,
on the pretext that the Sultans had been sovereigns of these regions and still
regarded themselves as such (Trout, op. cil., p. 137; citing Miège, op. cit..
111,p. 305). Those claims were subsequently revived in the concept of

Greater Moroccoadvocated by El Fassi.
(d) Attempts to Subjugate the Souss

Sultan Moulay Hassan ("the Bloody")succeeded in establishing Sherifian
authority, which had been seriously weakened under Muhammad XVIl
(1859-1873). Inthe region of the Souss,the marabout State of Tazeroualt and

the principality of the Beyrouk familydid not acknowledge their dependence
on the Makhzen. The enormous import and export dues levied at the port of
Mogador, which had the monopoly of commerce in the region, encouraged
the sheikhs of the Souss to enter into relations with Europeans for thepur-
pose of establishing ports along their coasts and thus acquiring duty-free158 SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND. DE CASTRO)

En 1879Beyrouk signe pour Mackenzie une charte de concession donnant à
la North West African Company le monopole du commerce maritime dans
les territoires de l'ouedNoun. Si Hossein, chef du royaume berbère du

Tazeroualt, a des pourparlers poussésavec des commerçants français pour
l'établissementd'un autre port. Ily a aussides projetsespagnols, allemandset
belges aux mêmesfinset avec lesmêmes personnages.

Tout cela suppose un grave périlpour les finances et pour l'autoritédu

Sultan, qui se décide à l'action militaire sur les conseils, semble-t-il, de sir
John Drummond Hay. En mai 1882 Moulay Hassan pénètredans la plaine
du Sous avec une arméede quarante à soixante-dix mille hommes, selon les
évaluations.Les difficultésde ravitaillement ne lui permettent pas de pousser
jusqu'à Goulimine. Il n'y a pratiquement pas de combat. Les notables de
toutes les tribus de la région se présentent au Sultan et promettent de

s'opposer aux agissements desétrangers.Dès lafindu mois dejuillet, l'armée
seretire (Miège,op.cit.,III, p. 351).
Les résultatsde cette premièrecampagne nesont pas décisifs.En 1884un
mouvement insurrectionnel des tribus chasse lescaïds nomméspar le Sultan.
En 1886Moulay Hassan décidede seremettre en campagne avecune armée

de quarante mille hommes. Letitre de caïd est donnédans toute la plaine du
Sous ade nombreux cheiks de Si Hossein. Décidéà occuper aussi complète-
ment que possible .le Sous, le Sultan établit une sériede postes à Tiznit, à
Kasbah Ba Amrane, à Assaka, à Goulimine (Miège,op.cit.,III, p. 352-354).

Les deux expéditions de Moulay Hassan 1 ont pour effet la perte de

l'indépendancedu Tazeroualt et de l'influence des Beyrouk, mais l'autorité
du Sultan, toujours plus nominale qu'effective, ne s'étendpas aux tribus
au-delà du Draa (Trout, op.cit.,p. 153-155et carte 16).
La décadence du pouvoir du Sultan après le traité de 1884 s'aggrave
pendant lerègned'Abdel el Aziz IV(1894-1908),quesesgoûts européensetsa
propension àaugmenter lesimpôtsrendent impopulaireetqui seheurte àdes

rébellionsdans toutson Empire. Dans lebled siba engénérae lt en particulier
dans le Sous, l'anarchie règneet les pillages deviennent de plus en plus
fréquents.
Malgré l'appui du Sultan, Ma el Aïnin se heurte à l'opposition non
seulementdes Tekna mais aussi des Aït Moussa de Goulimine (Trout, op.cit.,

p. 156). L'indépendance desSanhaja, des Regueibat, des Beraber et des
Touareg s'affirme et elle està l'origine de nouvelles luttes entre tribus du
Sahara (F.de la Chapelle, «Esquisse d'une histoire du Sahara occidental »,
HespérisX , 1,fasc. 1-2, 1930,p. 90).

Au moment où la colonisation espagnole de la Sakiet El Hamra aurait pu
commencer (traitédu 27 novembre 1912),I'autoritédu Sultan a disparu dans

Elles ne dépassent pas l'odoun (audiencedu2juillet). WESTERNSAHARA(SEP.OP. DECASTRO) 158

commercial outlets. In 1879 Beyrouk signed for Mackenzie a concession
charter conferring on the North-West African Company the monopoly of
sea-bornetrade in the territoriesof the Wad Noun. SiHussain. thechief of the
Berber Kingdom of the Tazeroualt, had extensive negotiations with French

traders for the establishment of another port. There were also Spanish,
German and Belgian projects with the same objectives and involving the
same characters.
All this implied a serious threat to the finances and authority of the Sultan,
who decided, apparently on the advice of Sir John Drummond Hay, to take
military action. In May 1882 Moulay Hassan entered the plain of the Souss

with an army variously estimated at between 40,000 and 70,000 strong.
Supply difficultiesprevented him from penetrating as far as Qolimeen. There
was practically no fighting. The notables of al1 the tribes of the region
presented themselves before the Sultan and promised to oppose the
machinations of the foreigners. Atthe end ofJuly thearmy withdrew (Miege,
op.cit., III, p. 351).

The results of this first campaign were not decisive. In 1884 the caids
appointed by the Sultan were driven out by a tribal insurrection. In 1886
Moulay Hassan decided to take the field once more with an army of 40,000
men.The title of caid wasconferred on a considerablenumber of Si Hussain's
sheikhs throughout the plain of the Souss. Having made up his mind to
occupy the Souss as thoroughly as possible, the Sultan established a seriesof

military posts at Tiznit, Kasbah Ba Amrane, Assaka and Qolimeen (Miege,
op.cit.. III, pp. 352-354).
The twoexpeditions of Moulay Hassan 'resulted in theloss ofTazeroualt's
independence and put an end to the influence of the Beyrouk family, but the
Sultan's authority, still nominal rather than effective,did not extend to the
tribes beyond the Dra'a (Trout, op.cit., pp. 153-155and map 16).

The decline. in the Sultan's power after the Treaty of 1884 accelerated
during the reign of Abdul 'AzeezIV(l894-1908), whose European tastes and
fondness for increasing taxes made him unpopular and led to rebellions
throughout his Empire. In the Bled Siba in general and the Souss in
particular, anarchy reigned and acts of pillage became increasingly frequent.

Notwithstanding the Sultan's support, Ma ul-'Aineen encountered
opposition not only from the Tekna but also from the 'Ait Moussa of
Qolimeen (Trout, op. cit., p. 156). The independence of the Sanhaja, the
Regheibat, the Beraber and the Touareg became more pronounced and was
the cause of fresh conflicts between Saharan tribes (F. de la Chapelle
"Esquisse d'une histoiredu Sahara occidental", Hespéris,XI, fascs. 1-2,1930,

p. 90).
Bythe time Spanish colonization of the Sakiet El Hamra could have begun
(Treaty of 27 November 1912), the Sultan's authority over the area had

Whichdidnot go beyondWadNoun (hearingof 2 July). 159 SAHARAOCCIDENTAL (OP.IND. DE CASTRO)

la zone 1. C'est I'époquede la lutte des fils de Ma el Aïnin contre les
Marocains, considéréspar eux comme traîtres àla cause musulmane.

Il semble quece ne soit pas sans raison que l'on ait dit:

«Ainsi jamais, sauf au Soudan à l'époquede Al Mansour et au
Touat-Gourara pendant le règnede quelques sultans particulièrement
actifs,asouveraineté marocaine nes'estexercéesurleSahara » (Husson,
op.cit.,p. 56;les italiques sont dans le texte).

e) Ma el Aïnin

Les porte-parole du Maroc ontdonné une importance extraordinaire à la
figurede Ma el Aïnin, convaincus quesa vieet sesexploits appuient de façon
probante la thèsemarocaine de l'intégrationdu Sahara occidental àl'Empire
marocain 2.

Al'Assemblée généralM e,. Laraki a rappelélaconduite de Ma elAïnin, qui
a combattu avecacharnement la pénétration française,et il a demandé:«Y
a-t-il fait historique illustrant de façon aussi frappante la détermination
du peuple marocain à préserver son unité nationale et territoriale?))
(A/PV.2249.) Ses luttes contre le colonialisme au Sahara occidental et au

service du Sultan du Maroc ont étéexposéesdans la deuxième partie de
l'exposéécritdu Maroc.
L'intérêdtu Marocpour Ma elAïnin estfort explicable. Ma elAïnin, néau
Sahara, fonde Smara dans le territoire de la Sakiet El Hamra. 11aura des
relations étroiteset amicales avec lesultan du Marocpendant de nombreuses
annéeset des relations avec le Maroc jusqu'à la fin de sesjours. L'histoirede

la vie de Ma el Aïnin et 'deses fils contredit néanmoins de façon flagrante
l'idéequeMa elAïnin est devenu sujet du Sultan et qu'il afait de la Sakiet El
Hamra une partie intégrantedu Maroc '.
Ma elAïnin aurait pu êtreun autre Yousof b. Tachfin, lehéros almoravide.
Luiaussiestoriginaire du Sahara et estune personnalitéreligieuseetguerrière

d'un prestige extraordinaire, exerçant une influence dominantesur plusieurs
tribus sahariennes. Mais lesconditions sont autresqu'a I'époquedesAlmora-
vides. L'objectifde toute sa vie sera de lutter contre la pénétration française
qui se manifeste de plus en plus au Sahara. II semble y êtrepoussénon
seulement par le désirde livrer la guerresainte à l'infidèle,mais aussi par la

nécessité desurvivre. Les sources du commerce d'esclaves noirs, fondamen-
tales pour son économie,sont en effetmenacées etl'avance française coupe

1 Même la factoreriedu kap Juby, qui avait été venduear le Gouvernement
britanniqueau Sultanen 1895,étaitabandonnée par leSulta» en 191(ipforma-
tionsetdocumentsprésentépsar leGouvernementespagnola,nn.19,app.11).
2 Dans La Républiqueislamiquede Mauritanieet le Royaumedu Maroc.p. 1Ma
elAïnin estmentionnédansl'argumentation historiqsurl'appartenancedela Mau-
ritanieau Maroc.
II faut lirelesrenseignementsdonnés surla viede Ma el Aïninpar MM.Ould
Maouloudet Yedali OuldCheikh(audiencedu9juillet). WESTERN SAHARA (SEP.OP. DE CASTRO)
159
vanished 1.This was the period of the struggle waged by the sons of Ma

ul-'Aineen against the Moroccans, whom they regarded as traitors to the
Muslim cause.
There would appear to be good reason for the observation:

"Thus never,except in the Soudan at the time of al-Mansour and the
Touat-Gourara during the reignsof a fewparticularly activesultans, was
Moroccan sovereigntyexercisedovertheSahara "(Husson, op.cit.;italics

in original).

(e) Ma ul-'Aineen
The spokesmen for the Kingdom of Morocco attached extraordinary
importance to the figureof Ma ul-'Aineen,convinced that his lifeand exploits

provide cogent support for the Moroccan thesisof the integration of Western
Sahara with the Moroccan Empire '.
In the General Assembly, Mr. Laraki recalled the conduct of Ma
ul-'Aineen, who had struggled tenaciously against French penetration, and

asked "1sthere a more striking historical example of the determination of the
Moroccan people to preserve their national unity and territorial integrity?"
(A/PV.2249.) An account of Ma ul-'Aineen'scampaigns against colonialism
in Western Sahara and in the service of the Sultan of Morocco was given in
the second part of Morocco's written statement.

Morocco'sinterest in Ma ul-'Aineeniseasyto explain. Ma ul-'Aineen,who
was born in the Sahara, founded Smara in the territory of the Sakiet El
Hamra. He had close and friendly relations with theSultan of Morocco for
many years, and relations with Morocco until the end of his days.

Nevertheless,the history of the lifeof Ma ul-'Aineenand hissons isinglaring
contradiction withthe viewthat Ma ul-'Aineenbecame a subject of theSultan
and that he made the Sakiet El Hamra an integral part of Morocco 3.
Ma ul-'Aipeen might have been another Yussif Ibn-Tashfeen, the

Almoravid hero. Yussif, too, was a native of the Sahara. Like Yussif, Ma
ul-'Aineen was both a religious personality and a warrior of enormous
prestige exercising a dominating influence over several Saharan tribes. But
the circumstances were different from those of the Almoravid epoch. The
purpose of his whole life was to be to combat the French penetration which

was in ever-increasing evidence in the Sahara. He seems to have been
impelled to do so not only by the desire to wage a holy war against the
unbeliever, but alsobecause of the need to survive;for thesourcesofthe trade
in black slaves, an essential factor in his economy, were threatened, and the

Even the tradingstation ai câpe ~ub~,which the British Government had sold to
the Sultan in 1895, "had been abandoned by the Sultan" in 1911(information and
documents supplied by the Spanish Government, Ann. 19,App. 11).
2 In La Républiqueislamique de Mauritanie et Le Royaume du Maroc, p. 10,
Ma ul-'Aineen is mentioned in the historical argument concerning Morocco's
ownership of Mauritania.
3 Reference should bemadeto the informationonthe lifeof Ma ul-'Aineengiven by
Mr. Ould Maouloud and by Mr. Yedali Ould Cheikh (hearing of 9 July). 160 SAHARAGCCIDENTAL (OP.IND. DECASTRO)

de manière progressive et inexorable les voies de son commerce avec le
Sud.
Ma el Aïnin cherche dèslors des alliéspartout. II demande de l'aide aux
Allemands et aux Espagnols et surtout il s'efforce d'obtenir l'alliance du
Maroc, qui est la Puissance musulmane la plus voisine etqui sesent lui aussi
menacépar la France. De son côté, leMaroc voit dans Ma elAïnin un alliéau
Sahara, utile pour l'aider contre la progression des armées françaisesqui

l'encerclent par le sud. Alliance naturelle, mais qui devient vite difficileen
raison de l'influence croissante exercéepar laranc sur le Gouvernement
marocain.
Le pouvoir de Ma el Aïnin au Sahara est toujours limité.Sa politique, qui
s'appuie sur l'autoritédu Sultan, et ses appels à l'union destribus autour du
Sultan pour résisteraux Français seheurtent àlaméfiancedeschefsdestribus

sahariennes à l'égarddes Marocains, ainsi qu'à l'esprit d'indépendance des
Tekna et à l'inimitiédu puissant cheik Sidia. En fait Ma el Aïnin ne perd
jamais son indépendanceetson initiative politique; iln'estpas sujetdu Sultan
et les autorités marocaines n'exercent pas la moindre influence dans le
territoire dominéDarlui 1.
Lorsque son alliance avec le Maroc est àson zénith,leslettres du Sultan et

de Ma el Aïnin contiennent maintes expressions d'amitié et de loyauté,
rédigéesàlamode fleuriede l'époque;Ma elAïnin y apparaît comme envoyé
par le Sultan pour l'union des mahométansdu Sahara contre l'envahisseur
infidèle.

Mais les relations entre Ma el Aïnin et lessultansiront en se détériorantà
mesure que se fera le rapprochement du Maroc et de la France. Pendant

quelque temps, la politique du Maroc sera d'aider en secret Ma el Aïnin à
résister,en favorisant la contrebande des armes pour les Sahariens grâce à
l'enclavemarocaine decap Juby. La France netarde pas àselasser du double
jeu du Maroc et impose finalement laconvention du 4 mars 1910,par laquelle
le Maroc s'oblige à empêchertoute aide à Ma el Aïnin (art. 10). La
conséquenceimmédiatede la nouvelle politique marocaine sera une éner-
gique réaction de Ma el Aïnin contre le Maroc. Il se proclame sultan et

marche contre Fès,mais ilest arrêtépar l'arméedu général Moinier et vaincu
à Tadla. Après sa mort, son fils El Hiba se proclame sultan en 1912 et,
envahissant le Maroc, il arrive à prendre ~arrakech; il sera vaincu par
l'arméedu généralMangin. Lestroupes françaises évitent ainsique le Maroc
ne soit conquis par une arméede Sahariens.
L'indépendancedes successeurs de Ma el Aïnin et des autres groupes de

tribus du Sahara qui ne les suivent pas se maintient jusqu'en 1934; la
«pacification »totale du Sahara,comme cellede lazone présaharienne,estle
résultatde la consolidation du «fait colonia».
IIn'ya pas de preuves établissantqueMa el Aïnin ait pris possession de la

Surl'indépendance religieuseet poliàel'égardu Sultan,voirsesdéclarations
au coursde son premierpèlerinageà La Mecque(audience du9juillet). WESTERNSAHARA (SEPO. P.DE CASTRO) 160

French advance was progressively and inexorably cutting his trade routes
with the south.
Ma ul-'Aineen proceeded to seek allies in al1 quarters. He asked the
Germans and the Spaniards for assistance, and above al1he sought alliance

with Morocco, which was his neighbour and the closest Muslim Power,and
which also felt threatened by France. Morocco, for its part, saw Ma
ul-'Aineenas an ally in the Sahara whocould be useful inhelping to check the
progress of the French armies, which were encircling it from the south. It was

a natural alliance, but it soonbecame a difficultone as a result of the growing
influence of France on the Moroccan Government.
The power of Ma ul-'Aineen in the Sahara was, however, limited. His
policy, which reliedupon theauthority of the Sultan, and appeals to the tribes
to unite around the Sultan in order to resist the French, ran up against the

mistrust felt for the Moroccans by the chiefs of the Saharan tribes, as wellas
against the spirit of independence in the Tekna tribes and the enmity of the
powerful Sheikh Sidia. In point of fact, Ma ul-'Aineen never lost his
independence or political initiative. He was not a subject of the Sultan, and
the Moroccan authorities did not have the slightest influence over the

territory he dominated 1.
The letters exchanged between the Sultan and Ma ul-'Aineen, when their
alliance was at its zenith, contain numerous expressions of friendship and
loyalty, drafted in the flowery style of the period. Ma ul-'Aineen appears in
theseletters asthe envoy of the Sultan sent to unite the Muslimsof the Sahara

against the invading unbelievers.
But the relations between Ma ul-'Aineen and the Sultans deteriorated
steadily as relations between Morocco and France improved. For a time,
Morocco's policy was to give clandestine help to Ma ul-'Aineen's resistance
by promoting the smuggling of arms to the Saharans through the Moroccan

enclave atCape Juby. Francesoon lost patience with Morocco'sdouble game
and ultimately insisted upon the agreement of 4 March 1910,by Article 10of
which Morocco undertook to prevent al1assistance to Ma ul-'Aineen. The
immediate consequence of Morocco's new policy was a most vigorous
reaction by Ma ul-'Aineen against Morocco. He proclaimed himself Sultan

and marched against Fez,but he was halted by General Moinier'sarmy, and
defeated at Tadla.After his death, his son al-Hiba proclaimed himself Sultan
in 1912and, invading Morocco, succeeded in capturing Marrakesh; he was
eventually defeated by the army of General Mangin. French troops thus

prevented the conquest of Morocco by a Saharan army.
The independence of the successors of Ma ul-'Aineen and of the other
groups of Salraran tribes that were not among their fol!owers lasted until
1934. The total "pacification" of the Sahara, like that of the pre-Saharan
region, was the result of theconsolidation of the "colonial fact".

There isno evidence to establish that Ma ul-'Aineentook possession of the

\ For Ma ul-'Aineen'sreligious and political independence of the Sultan, see his
statements at the time of his firstpilgrimage to Mecca (hearing of 9 July).

152161 SAHARAOCCIDENTAL(OP. IND. DE CASTRO)

Sakiet El Hamra ou de quelque autre territoire du Sahara au nom du sultan
du Maroc. Il y a des preuves que lestribussahariennes de l'obédiencede Ma

el Aïnin neseconsidéraient paset n'étaient pas considéréecsomme dessujets
marocains. L'acceptation de l'autoritéreligieuse du sultan du Maroc était
précaireelle aussi; elle était invoquéetant qu'elle pouvait êtreutile pour
pousser àla lutte contre la France. Une foisperdutout espoird'aide de la part
du Maroc, le désaveude l'autoritédu Sultan ne pouvait prendre une forme

plus radicale: Ma el Aïnin puis son fils El Hiba se proclamèrent sultans des
croyants et envahirent le Maroc.

f) Accordanglo-marocaindu 13mars 1895
Comme il a déjà été dit, il existe des preuves apparemment incontestables

établissantque la frontièredu Maroc àl'extrêmesud setrouvait tout au plus
àl'oued Draa. C'esten tenant compte de ce faitétablique l'ondoit envisager
I'accord anglo-marocain de 1895(Lazrak, op.cit.,p. 172et suiv.).

Cet accord met fin aux difficultés néesentre le Maroc et la Grande-

Bretagne au sujet de l'établissementde Mackenzie au cap Juby. Dans la
première clause de I'accord, il est dit que, si le Gouvernement marocain
achèteledit établissement à la North West African Company:

«no one willhave any claim to the landsthatare between Wad Draa and
Cape Bojador, and which are called Terfaya above named, and al1the
lands behind it, because al1this belongs to the territory of Morocco ))
(Lazrak, op.cit.,p 406).

La clause 11ajoute:

« It is agreed that this Government shall give its word to the English
Government that they willnot giveanypart of the above-named lands to
any one whatsoever without the concurrence of the English Govern-

ment. » (lbid.)
Cestextessont considérés comme la reconnaissance de ceque la souveraineté

du Maroc ne s'étend pas seulemententre le Draa et le cap Bojador, mais sur
tout le Sahara occidental (ibid., p. 173).
Sur la valeur de l'accord, ilfaut faire lesobservations suivantes concernant
son but limité etl'attitude de la Grande-Bretagne et de la France en la
matière '.

La factorerie de Mackenzie a étéla source de graves incidents et de
difficultésdiplomatiques entre le Maroc et la Grande-Bretagne. L'accord
intervientàun moment où, étantdonnésamauvaisesituation économique,la
North West African Company a intérêt à vendre, à un moment aussi où la
diplomatiebritannique se trouve dans une situation incommode. Comment

continuer àjouer le rôle de protecteur du Maroc contre les convoitises des

Surla polémique autoud re la traduction du textearabe,voir audiencesdes 10 et
25juillet.

153 WESTERN SAHARA (SEP.OP. DE CASTRO)
161
Sakiet El Hamra or any other Saharan territory in the name of the Sultan of
Morocco. There is evidence that the Saharan tribes controlled by Ma

ul-'Aineen did not regard themselves as Moroccan subjects and were not so
regarded. Their acceptance of the religious authority of the Sultan of
Morocco was also precarious: it was invoked while it could be useful to
promotethe struggleagainst France. Once al1hopehad been lostofassistance
from Morocco, there was a disavowal of the Sultan'sauthority that could not
have been more complete: Ma ul-'Aineen, and then his son al-Hiba,

proclaimed themselves Sultan of the Believersand invaded Morocco.
(f) TheAnglo-Moroccan Agreementof 13March 1895

As already mentioned, there is apparently incontrovertible evidence that
the extremesoutherly frontier of Morocco wasnowhere further than the Wad
Dra'a at the furthest. This established post must be borne in mind when

considering the Anglo-Moroccan Agreement of 1895(Lazrak, op.cit.,p. 172
et seq.).
The 1895 agreement brought to an end the difficulties that had arisen
between Morocco and Great Britain over Mackenzie's settlement at Cape
Juby. Inclause 1of the agreement, it issaid that, iftheMoroccanGovernment
buys the said settlement from the North-West African Company:

"...no one willhave any claim to thelands that are between Wad Draa
and Cape Bojador, and which are called Terfaya above named and al1
thelandsbehind it, because al1this belongs to the territory of Morocco"

(Lazrak, op.cit.,p. 406).
Clause II adds:

"It is agreed that this Government shall give its word to the English
Government that they will not give any part of the above-named lands
to any one whatsoever without the concurrence of the English

Government." (Ibid.)
These texts are considered to constitute recognition that the sovereignty of
Moroccoembracednot only the region between the Dra'a and Cape Bojador,

but also the whole of Western Sahara (ibid., p. 173).
With regard to the weight to be attached to the agreement, the following
observations must be made concerning itslimited purpose and theattitude of
Great Britain and France on the question '.
The Mackeczie trading-station had been the source of serious incidents
and diplomatic difficulties between Morocco and Great Britain. The

agreement was reached at a time when, given its unfavourable economic
position, it was in the interest of the North-West African Company to sell,
and also at a time when Britishdiplomacy wasin an awkward situation. How
could Britain continue to play the role of protector of Morocco against the

and25 July.olemic concerningthe translationof the Arabictext, see hearingsof 10

153 162 SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND.DE CASTRO)

autres Puissances en continuant à occuper le cap Juby contre la volontédu
Gouvernement marocain ?

La clause relative àl'étenduedu territoire marocain s'expliquecomme une
faveur faite en apparence au Gouvernement marocain *, mais il y a une
contrepartie en faveur de la Grande-Bretagne, celle-ci se réservant une
influence surcette côte, opposable le caséchéantaux autres Puissances.
La portée internationale de la déclaration sur les domaines du Maroc est

trèslimitée puisque,comme l'a observéDelcassé,l'accord est res interalios
acta (Trout, op.cit.,p. 166),donc sans valeur envers les autres Puissances.

La déclaration est aussi en contradiction avec la conduite antérieure du
Gouvernement britannique. Mackenzie s'esten effetétabliaucap Juby après

avoir été informéque I'oued Noun étaitindépendant du Maroc et que ce
territoire était sousle pouvoir du cheik Beyrouk. C'est Beyrouk qui en juin
1879accorde à Mackenzie un petit territoire pour y installer sa factorerie.

II est intéressant de lire la correspondance conservéedans les archives

britanniques sur l'établissement au cap Juby. Les autorités marocaines
affirment lesdroits du Sultan sur le cap Juby, en faisant valoir que les tribus
musulmanes habitant le territoire au sud du Draa jusqu'au Soudan et à
l'extrêmesud du Niger n'ont pas d'autre souverain; que Moulay Ismaïl a
imposé sonautorité dans le Sahara par la force des armes; et que lesdites

tribus, bien que rebelles, mentionnent le Sultan dans leurs prières. Les
autoritésbritanniques, tout en affirmant que leur gouvernement a le désirde
maintenir l'intégritédes possessions du sultan du Maroc, répliquent que
depuis toujours la limite extrême desdomaines du Maroc est àI'oued Noun,
que le pouvoir marocain dans leSousmêmeest trèsfaible et qu'il estabsurde

de confondre l'autoritéreligieuseavecl'autoritépolitique. Ellescitent comme
preuve que lenom du sultan ottoman estmentionnédans leurs prièrespar des
musulmans d'Asieet d'Afrique, sans que personne les considère comme des
sujets turcs (informations et documents présentéspar le Gouvernement
espagnol, ann. 20, app. 18-29).

Il importe de noter la valeur limitéeque les Puissances concernéesattri-
buent àl'accord de 1895.LeGouvernementfrançais s'empressede prévenirle
Gouvernement marocain de ce que l'accord peut être contraire aux intérêts
du Maroc et que la deuxièmeclausedoit s'entendre comme une référence au
cap Juby proprementdit et non au restede la côte etl'intérieur(ibid.,ann.2,

app. 35). A l'occasion des pourparlers préparatoires au traitésecret de 1904
entre l'Espagne et laFrance, la France essaie de s'assurer de l'attitude de la
Grande-Bretagne. Au débutde 1904,écrivantau ministre Delcasséà la suite

Cequia été déjàinvoquépar sirJohn Drummond Hay auprèsdu Gouvernement
britannique(Miège,op.cit.IIIp.302-303).
Laréférencaeu cap Bojadora vraisemblablementsa raison d'êtrdeansl'inimitié
existant alors entre le Sultanet Beyrouk,qui se disait indépendantet maîtrede la
principautdeI'ouedNoun,laquelle,selonlui, s'étendaijtusqu'ausud ducap Bojador. WESTERNSAHARA (SEP.OP. DE CASTRO)
162
cupidity of the other Powers while at the same time continuing to occupy
Cape Juby against the will of the Moroccan Government '?

Theclauseconcerningthe extent of Moroccan territory can be explained as
an apparent favour to the Moroccan Government *,but in exchange there
was reserved to Great Britain a certain influence on the same Coast,which
could, if necessary, be set up against the other Powers.
The international scope of the statement on the extent of Morocco's
sovereignty was strictly limited, since, as Delcassé observed,the agreement

was resinteralios acta(Trout, op.cit.,p.166),and thus ineffectivevis-à-visthe
other Powers.
The statement was alsoin conflict with the previous conductof the British
Government. Mackenzie had in fact established himself at Cape Juby after
having been informed that Wad Noun wasindependent of Morocco and that
the territory wasunder the authority of Sheikh Beyrouk. It was Beyrouk who,

in June 1879, granted Mackenzie a small piece of land to establish his
trading-station.
It is interesting to read the correspondence on the Cape Juby settlement
preserved in the British archives. The Moroccan authorities affirmed the
rightsof the Sultan over Cape Juby on thegroundsthat the Muslimtribes that
inhabited the territory to theouth of theWad Dra'a asfaras the Soudan and

at the extreme south of the Niger had no other sovereign, that Moulay Ismail
had imposed his authority in the Sahara by force of arms, and that the said
tribes, although rebels, mentioned the Sultan in their prayers. The British
authorities, while affirming that their Government wished to uphold the
integrity of the Sultan's possessions,retorted that the furthest boündary of

Morocco's territory had always been at the Wad Noun, that Moroccan
control in the Souss itself was very feeble, and that it was absurd to confuse
religious authority with political authority. As proof of the latter argument,
they pointed out that the name of the Sultan of Turkey was mentioned in
prayer by Muslims throughout Asia and Africa, who were not and never
could be considered Turkish subjects (information and documents supplied

by the SpanishGovernment, Ann. 20,Apps. 18-29).
It isals0,important to note the restricted validity that the Powersconcerned
attributed to the 1895 agreement. The French Government endeavoured to
persuade the Moorish Government that the agreement might be against
Morocco's own interestsand that clause IIshould be interpreted as referring
to Cape Juby itself and not to the rest of the coastline and hinterland (ibid.,

Ann. 2,App. 35).At the time of the preparatory negotiations for the secret
treaty between Spain and France of 1904, France endeavoured to ascertain
the attitude of Great Britain. At the beginning of 1904, Ambassador Paul

A point alreadymade by Sir JohnDrummond Hayto the BritishGovernment
(Miège,op.ci!.III,pp. 302-303).
? Thereasonforthe referencetoCaboBojador layapparentlyintheenmityexisting
at that timebetween the Sultanand Beyrouk,who had proclaimedhimselfto be
independentandthemasterofthe principalityofWadNoun,which,accordingtohim,
extendedasfarasthe southern extremitoyf CaboBojador.

154163 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)

desprotestations de la presseespagnole,l'ambassadeur Paul Cambon précise

qu'ellessont
((d'autant plus spécieusesque la domination du Maroc entre l'oued

Draa 1et le Cap Bojador n'ajamais été admisepar aucune Puissance, et
que c'est uniquement pour faire allouer des indemnités à ses nationaux
du Cap Juby que le Gouvernement britannique a reconnu la souverai-
neté du Maghzensur cette côte » (Husson, op. cit.,p. 362.

La Grande-Bretagnene fera pas d'objection au traitéfranco-espagnol du
27 novembre 1912par lequel est attribuéeà l'Espagne, au sud du Maroc, la
zone de la Sakiet El Hamra ousqu'à la rencontre avec le parallèle27' 40' de

latitude nord), traitéqui reprend dans leur intégritélesarticl5set 6du traité
de 1904.

g) Lettres annexes à l'accordfranco-allemand du 4 novembre1911
Dans ceslettresannexes, ilestdit:« étantconvenu que le Maroc comprend

toute la partie de l'Afrique du Nord s'étendant entre l'Algérie,l'Afrique
occidentale française etla colonieespagnole du Rio de Oro » (Lazrak, op.cit.,
p. 416).Cemembre de phrase a étéconsidérécomme une reconnaissancp ear
la France et l'Allemagne de ce que la zone de la Sakiet El Hamra et même
toute la Mauritanie étaientà l'intérieur des limitesduMaroc (ibid., p. 177).

Le véritable sensde ces lettres apparaît à leur lecture. Le Gouvernement
allemand tient à dire qu'il n'apportera aucun obstacle« dans l'hypothèseoù
leGouvernement françaiscroirait devoir assumerle protectorat du Maroc ».
II se dit heureux d'ajouter« que l'Allemagne restera étrangère aux accords
particuliers quela France etl'Espagnecroiront devoir faireentre ellesausujet
du Maroc »;aprèscette phrase vient lepassagedéjàcité: « ktant convenu ..B.

Ce qui est convenu sur l'étendue du Marocn'a d'autre but que de préciserles
régions d'Afriquedont l'Allemagne sedésintéresseen faveur de la France et
que la France pourra mettre sous son protectorat ou coloniser - à moins
qu'ellen'en fassel'objet d'accords avecl'Espagne -, zone dont fait partie le
Sahara tout entier, c'est-à-dire la Sakiet El Hamra et la Mauritanie.

II convient aussi de noter que, dans les relations entre la France et
l'Espagne, la Sakiet El Hanlra est souvent considérée comme une partie du

Rio de Oro. Ainsi, dans une lettre de M. Pichon, ministre des affaires
étrangères,au ministre des colonies, en date du 2 avril 1913,il est dit qu'en

Dans l'arrangementd2 7juin 1905sur lalimite entrele Sud algérien elt'Afrique
occidentaleFrançaise,lstditquelecap Noun constituela frontièreduMaroc.Lecap
Noun esta l'embouchuredu Draa(cap Draa) (Trout,op.cit., p. 182-188).

2 11est dit aussiqu«L'Espagne, installéeuRio de Oro au suddu cap Bojador, a
toujours considérlacôte s'élevanjtusqu'aucap Jubycomme lui appartenant, et des
cartes anglaises lalui attrib))nt. WESTERNSAHARA(SEP.OP. DECASTRO) 163

Cambon, writing to Minister Delcasséfollowing protests in the Spanish
press, stated that they were:

"... the more specious in that Morocco's rule between the Wad Dra'a 1
andCabo Bojadorhas never been admitted by any Power and it issolely
in order to get compensation for its nationals of Cape Juby that the

British Government recognized the sovereignty of the Makhzen on this
coast" (Husson, op. cit.,p. 362.
Great Britain did not raise any objection to the treaty between France and

Spain of 27 November 1912, under which the Sakiet El Hamra region in the
south of Morocco (as faras parallel27" 40' N latitude) isattributed to Spain;
the 1912 treaty incorporates, in their entirety, Articles5 and 6 of the 1904
treaty.

(g) Letters Annexed to the Franco-GermanAgreement of4 November 1911

In these letters it is s"... it being understood that Morocco comprises
al1that part of Northern Africa which is situated between Algeria, French
West Africa, and the Spanish Colony of Rio de Oro.. ."(Lazrak, op. cit.,
p. 416).Thisphrase has been regarded as an acknowledgment by France and

Germany that the Sakiet El Hamra region, and eventhe wholeof Mauritania,
lay within theboundaries of Morocco (ibid.. p. 177).
The truemeaning of those letters becomes apparent when one reads them.
The intention of the German Government was to statethat it would place no
obstacle in the way "in the event of the French Government deeming it
necessary to assume a protectorate over Morocco". It States that it has

pleasure in adding "that Germany will not interyene in any special
agreements which France and Spain may think fit to conclude with each
other on the subject of Morocco"; after this sentence cornes the passage
quoted: "it being understood ..." The understanding about what was
comprised by "~orocco" had no purpose other than that of specifying the
regions of Africa in relation to which Germany waived any interest of itsown

infavour of France, and which France could place under its protectorate or
colonize-unless it entered into agreements about them with Spain; theentire
Sahara was included in the area, in other words the Sakiet El Hamra and
Mauritania.
It should also be noted that in relations between France and Spain, the

Sakiet El Hamra isoften regarded as a part of the Rio de Oro.Thus, in a letter
dated 2 April 1913 from Mr. Pichon, Minister for Foreign Affairs, to the
Minister of Colonies, it is said that by virtue of the Franco-Spanish

In the arrangement of 7 June 1905 regarding the boundary between southern
Algeria and French WestAfrica, its stated that Cape Noun constitutes the frontier of
Morocco. Cape Noun is at the mouth of the Dra'a (Cape Dra'a) (Trout, op. cit..
pp. 182-188).
It is also said that "Spain, established at the Rio de Oroto the south of Cape
Bojador, has always considered the coast up to Cape Juby as belonging to it, and
British maps ascribe it to "Spain".164 SAHARA OCCIDENTAL (OP. IND. DECASTRO)

vertu des conventions franco-espagnoles du 3 octobre 1904et du 27 novem-

bre 1912la régionde Smara fait partie de lacolonie du Rio de Oro (Trout,op.
cit., p. 211).

II. Liensjuridiquesduterritoireavecl'ensemble mauritanien

Laquestiondes liensjuridiques de l'ensemblemauritanien avecleterritoire
du Sahara occidental pose des problèmes très difficiles», comme l'a

reconnu l'un des porte-parole de la République islamique de Mauritanie
(audience du 10juillet). Cela est vrai s'ils'agitde soutenirque la Mauritanie
a des liensde souverainetéavec le territoire en raison des liens qu'avait, avec
ledit territoire, l'ensemble mauritanien au moriient de la colonisation
espagnole.

La Cour avait, avant tout, à s'interroger sur l'existence mêmedu sujet
auquel étaientattribuéslesliens ou droits de souveraineté.Au moment de la
colonisation espagnole, existait-il un ensemble mauritanien? L'ensemble
mauritanien avait-il alors la condition de personne juridique et la capacité
d'avoir desdroits? Ce sont là des questions auxquelles, malgréles efforts les

plus courageux, on ne saurait trouver une réponseaffirmative convaincante.
Sur la base des exposés présentée st des renseignements fournis par les
parties concernées,il apparaît comme une véritéincontestéequ'au moment
de la colonisation espagnole il y avait au Sahara un grand nombrede tribus
d'originesethniques diverses,destribus nomades, semi-nomades,sédentaires

ou semi-sédentairesformant des confédérations et des ligues éphémères
(l'émiratde l'Adrar fut une exception temporaire) en lutte continuelle entre
elles avec ce que cela comportait de razzias, de guerres, de vols et de
vengeances. A l'époquede la colonisation espagnole, on ne voit pas de signes
d'un ensemble, ni à l'extérieur,ni à l'intérieur.Chaque tribu, sans tenir

comptedes autres, passait des traités,des accords et des contrats et faisaitdes
actes de soumission ou de protectorat à l'égarddes Puissances européennes
oudu Maroc. Lestribus avaient entre ellesdes relationssemblables àcellesde
pouvoirs indépendants. C'étaittelle ou telle tribu qui s'engageait avecune
autre et non l'ensemble.Onne voit figurerl'ensembleen rien, ni pour rien;cet
ensemblen'acquéraitni ne possédaitaucun droit, il n'avait ni responsabilités

ni devoirsjuridiques ou non juridiques.

L'idéeet mêmela réalité sociolo" 1ue de l'ensemblemauritanien sont nées
après le « fait colonia» et en conséquence de celui-ci. La résolution du
28 août 1960du comité politiquede la Ligue arabe réuni à Chtaura (Liban)

considère la aur ri ta nie-com «umneeentitéartificielle» (Livre blanc sur la
Mauritanie, Rabat, 1960, p. 117).Elle n'existait pas avant la colonisation
française. C'est pourquoi le Gouvernement de la République islamiquede
Mauritanie a tenu à relever que: «Au XXe siècle,tout comme le Maroc, la

1Danslacarteadministrativemarocained1 e934,leRiodeOrocommence al'oued
Draa(Trout, op.ci?planche31,p.532-533).Dans lemêms eensl'arrêtrésidentiel du
Il janvier1935,art2,a)(documentsprésenté psarleMaroc,ann.89 (B)). WESTERN SAHARA (SEP.OP. DE CASTRO) 164

Convention of 3 October 1904and that of 27 November 1912the region of
Smara is part of the colony of the Rio de Oro (Trout, op. cir.p.212) 1.

II.LegalTiesof the Territorywiththe Mauritanian Entity

The question of legal ties between the Mauritanian entity and the territory
of Western Sahara raises "very difficultproblems", as Professor Salmon, one

of the spokesmen for the Islamic Republic of Mauritania, acknowledged
(hearing of 10July). That is certainly true if the intention is to maintain that
Mauritania has ties ofsovereignty with the territory by reason of the ties that
the Mauritanian entity had with that territory at thetime of colonization by
Spain.
First of all,the Courthad to satisfy itself ofthe veryexistenceof the subject

to which ties or rights of sovereignty were attributed. At the time of
colonization by Spain, was there a Mauritanian entity? Did theMauritanian
entity then have legal personality, so as to be capable of having rights? These
are questions to which, despite the bravest attempts, no convincing
affirmative answer can be found.

On the basis of the statements made and the information supplied by the
parties concerned, it would seem to be an undisputed fact that at the time of
colonization by Spain there were in the Sahara a large number of tribes of
different ethnic origin - nomadic tribes, semi-nomadic tribes, settled or
semi-settled tribes, which were grouped into short-lived confederations and
leagues(theEmirate of the Adrar was atemporary exception) and whichwere

engaged in continual strugglesamong themselves - with the resulting razzias,
wars, robberies and feuds. At the time of colonization by Spain it is hard to
detect any external or interna1 signs of an entity. Each tribe, taking no
account oftheothers, concluded treaties, agreements and contracts andmade
acts of submission or protectorate with the European Powers or with

Morocco. The relationships of the tribes between themselveswere similar to
those of independent powers. It was this or that individual tribe which
entered into commitmënts with another, and not the entity. There is no
glimpse of the entity playing any role or serving any purpose; the entity
acquired no rights, possessed no rights, had no legal or non-legal
responsibilities or duties.

The concept - and eventhe sociological reality - of the Mauritanian entity
came into being after, and as a consequence of, the "colonial fact". In the
resolution adoptedon 28August 1960bythe Political Cornmittee of theArab
League at its meeting at ~htaura (Lebanon), Mauritania is considered "an
artificial entity" ( WhitePaperon Mauritania,Rabat, 1960,p. 129).It did not

exist before the French colonization. That is why the Government of the
Islamic Republic of Mauritania stressed that: "In the 20th century,

On the Moroccan administrative map of 1934,the Rio de Oro begins at the Wad
11January 1935,Art. 2 (a) (documents supplied by Morocco, Ann. 89(B)).ecree of165 SAHARAOCCIDENTAL (OP.IND. DECASTRO)

Mauritanie a étéprofondément transformée par ce qu l'on a appeléle « fait
»(La République islamique de Mauritanie etle Royaumedu
colonial français
Maroc,Paris, p. 29).
Les populations du territoire qu'on aime appeler Bilad Chinguiti étaient,
au moment de la colonisation française, comme une nébuleuse sansforme
définie,composéede tribus etde sous-tribus mouvantes etchangeantes, ayant
en puissancedes possibilités imprévisiblesC . omment donc appeler ensemble

ce qui, par l'union etlaséparationd'autres groupes humains semblables, n'a
pris corps que par l'effetde l'organisation administrative et de la pacification
imposéespar la France?
L'idéede l'ensemblechinguittien séduitcommeun beaumythe patriotique
à respecter; mais un mythe ne saurait avoir de liens juridiques avec un

territoire quelconque.
Lesconsidérationssur lenomadisme, pour intéressantesqu'ellessoient du
point de vue ethnologique et mêmede legeferenda, ne sauraient remédierau
manque d'unitédes tribus et àl'inexistence d'unensemble susceptible d'être
appréciéen droit.

La construction audacieuse d'une CO-souverainetédes tribus sur des
territoires déterminésne semble pas viable. Des tribus disparates ou même
ennemies ne peuvent se transformer de but en blanc en confédération ouen
fédération.On ne saurait non plus apparemment penser à une souveraineté
destribus en mouvement continuel sur des parcours qui s'entrecroisent.

Le fait que les tribus fréquentent de façon continue un mêmeparcours
pourrait être,comme usus continu et consenti, à l'origine d'une servitude
(comme cellesque ledroit international connaît), mais iln'estpas de nature à
faire naître un droit de souverainetésur un territoire, d'autant moins que,
comme il a étédit à la Cour, les parcours changent selon les conditions
climatologiques et les relations entre lestribus et les Etats voisins.

Ces chevauchéessurdesparcours établis,àtravers les frontières des Etats
actuels, sont consenties et permises en vertu de relations de bon voisinage,
mais non imposéespar le droit; à tout moment elles peuvent êtresuspendues
pour un motif important, par exemple une guerre.
Essayer de déduire de l'existence d'analogies ethniques, culturelles ou

géographiquesl'existence de liensjuridiques sur un territoire, c'est faire un
saut dans le vide; les porte-parole de la Mauritanie n'ont pu construire un
pont pour combler ce vide 1.
Il faut enfin noter que, depuis le moment de la colonisation de la
Mauritanie par la France et selon ledroit en vigueur àl'époque,c'estla seule

France qui aurait eu la personnalité vouluepour établir desliensjuridiques
entre leterritoire actuel de la Mauritanie et leterritoire du Sahara occidental.

' « Le représentandt e la Mauritanie insiste sI'aspecthumain, géographique,
ethniqueet culturel, car l'aspect juridiqudee ce problème estloin d'enêtre l'élément
essentiel. Cet aspect juridiee saurait,du reste, être valablement appréqc'àla
lumière d'un certainombrede données fondamentales allandte l'attachementd'un
peuple à sa terre,d'unevie communede tous les instants, auxpréoccupatiost à un
modede vie identique.»(A/C.4/SR.2117.) WESTERNSAHARA (SEP.OP.DECASTRO) 165
Mauritania, just like Morocco, underwent profound changes as a result of

what has been called the 'French colonial fact' " (La République islamique de
Mauritanie et le Royaume du Maroc, Paris, p. 29).
The population of the territory which it issought to cal1the Bilad Shinguitti
was, at the time of the French colonization, an amorphous cluster composed
of tribes and sub-tribes-moving and changing, and whose ultimate

configuration it wasimpossibleto predict. How then-isitpossible to applythe
term entity to what, by the merger and separation of other similar human
groups,took shape onlyas a result of theadministrative organization and the
pacification imposed by France?
Theidea of the Shinguittientity isattractive, like a beautiful patriotic myth

that inspires respect; but a myth can have no legal ties with any territory.

Considerations on the question of nomadism, however interesting they
may be from the ethnological point of viewand even de legeferenda, cannot
make up forthe lack of unity of the tribes and the non-existence of any entity

capable of legal assessment.
The bold proposition of a CO-sovereigntyof tribes over particular
territories doesnot seemtostand up.Disparate or evenmutuallyhostiletribes
cannot change in a flash into a confederation or a federation. Nor does it
really seem possible to conceive of a sovereignty with reference to tribes that
are in continual movement on a series of intersecting routes.

The continuity of passage of tribes over the same route might, as a
continuous ususby consent, giverise to a servitude (such as those recognized
by international law), but it is not of such a nature as to create a right of
sovereigntyover a territory - particularly since, as the Court was informed,
these routes Vary according to climatic conditions and the relationships

between tribes and neighbouring States.
These movements along established routes, crossing the frontiers of
present-day States, were effected by consent, and permitted in accordance
with good neighbourly relations, but not imposed by law; any time, they
could be suspended for an important reason, such as a war.

To endeavour to deduce, from the existence of ethnic, cultural and
geographical analogies, the existence of legal ties over a territory is like
leaping into an abyss: the spokesmen for Mauritania have not been able to
bridge the gap 1.
Lastly, it must be noted that, from the date of the colonization of

Mauritania by France and in accordance with the law in force at the time,
France alone would have had the status required to establish legal ties
between the present territory of Mauritaiiia and the territory of Western
Sahara.

"He[the representativeof Mauritania]wishedto stress thehurnan,geographical,
ethnicand cultural aspects,for the legal aspectof the problem was far from being the
essentialone. Thelegal aspectcould, inany case,be properlyappreciated only in the
lightof a numberof fundamentalfacts rangingfrornthe attachmentof the peopleto
the soi1and a continuous life in common to the same concerns and way of life."
(A/C.4/SR.2117.) 166 SAHARA OCCIDENTAL(OP.[ND. DECASTRO)

TROISIÈMEPARTIE

Mêmedans l'hypothèse ou la Cour aurait conclu qu'elle n'avait pas
compétencepour répondre àune quaestiofacti comme cellede l'existencede
liensjuridiques au moment de la colonisation espagnole,on n'en'aurait pas
déduit pour autant qu'elle était incompétentepour répondre à la demande
d'avis consultatif.

1. Valeurjuridiquede la résolution3292 (XXIX)

Il faut interpréter avec soin la résolution 3292 (XXIX) de l'Assemblée
générale,ce qui n'est pas une tâche facile. La résolutionest le résultatd'un
compromis. Le représentant de la Côte d'Ivoire, qui l'appuie, ne cache pas

que c'est une « résolution inhabituell» et qu'elle«ne donne peut-être pas
entièrement satisfaction» (A/C.4/SR.2131). C'est que le premier projet du
Maroc tendant à prier la Cour de donner un avis sur ses prétendus titres de
souveraineté (liens juridiques) sur le Sahara occidental se heurte à une
énergiqueopposition. Des membres du groupe africain et d'autres membres

de la QuatrièmeCommissioncraignent qu'une reconnaissance éventuellede
ces titres par la Cour puisse être considéréecommaeyant la force nécessaire
pour justifier l'intégration immédiateduSahara occidental au Royaume du
Marocau méprisdes droits de lapopulation du Sahara. C'estpourquoi, pour
éviter cette conclusion, on rappelle, au tout début de la résolution, la
résolution1514(XV)contenantla déclarationsur l'octroi de l'indépendance

aux pays et aux peuples coloniaux. Il y a une autre référenceà la même
résolutionau paragraphe 3, concernant la politiqueàsuivre par l'Assemblée
généralepourla décolonisation.On tient aussi àrappeler leshuit résolutions
sur la décolonisationetl'indépendance duSahara occidental. Enfin ledroit à
I'autodétermination des populations du Sahara occidental est réaffirmé
conformémentà la résolution1514(XV) 1.

Dans la résolution3292(XXIX), voisinent deux thèsescontradictoires, au
moins en apparence. Que faire? Il ne m'a pas sembléque la bonne méthode
fûtde donner une interprétation restrictiveou négative,pour conclurequela
demande d'avis consultatif étaitsansobjet. Il m'a sembléquela Cour devait
faire son possible pour aider l'Assembléegénéraledans sa tâche de décoloni-

sation. La Cour était,à mon avis, en mesure d'arriver à une interprétation
positive, tout en tenant compte du but de la résolution et de l'esprit de
compromisqui est àson origineettout enrestant enharmonie aveclalettre de
la question poséeà la Cour.

Le représentandtelaCôted'Ivoire a préciséqueles éléments nouveaux introduits
dansle projetderésolution 3292XIX) par rapportau texte initial (celui du Maroc)
ont eu pour butde permettreà l'Assemblée générd ale((resterconséquente avec
elle-méme , savoir, premièremenl, réaffirmationd,ans le préambule, du dràt
I'autodéterminatiodnupeupleduSahara espagnol»(A/C.4/SR.2131). WESTERNSAHARA (SEP.OP. DE CASTRO)
166

Even on the hypothesis of the Court concluding that it had no competence
to reply toaquaestiofacti,such as that of theexistence of legal tiesat thetime
of colonization by Spain, it would not have followed that the Court had no
competence to reply to the request for an advisory opinion.

1. Legal ValidityofResolution3292 (XXIX)

It is important to interpret General Assembly resolution 3292 (XXIX)
most carefully - which is not an easy task. The resolution is the result of a
compromise. The representative of the Ivory Coast, who supported the
resolution,did not conceal the fact that it is "an unusual resolution" and that
"it might perhaps not be entirely satisfactory" (A/C.4/SR.2131). The fact

wasthat the firstMoroccan draft, which amounted toa request to the Courtto
give an opinion on its alleged titles of sovereignty (legal ties) over Western
Sahara, met with vigorous opposition. Members of the African Group and
other members of the Fourth Committee, were afraid that a possible
recognition of those titles by the Court might be considered as having
sufficientvalidity tojustify theimmediateintegration of Western Sahara with
the Kingdom of Morocco - in disregard of the rights of thepopulation of the

Sahara. Consequently, soasto avoid such a conclusion, at the verybeginning
of the resolution the General Assembly recalls its resolution 1514 (XV)
containing the declaration on the Granting of Independence to Colonial
Countries and Peoples. Moreover, there is another reference to the same
resolution in operative paragraph 3, which deals with the policy for
decolonization to be followed by the General Assembly. Moreover, there is a

careful recall of the eight resolutionsondecolonization and theindependence
of Western Sahara. Lastly, the right of the population of Western Sahara to
self-determination is reaffirmed, in accordance with resolution 1514(XV) '.

In the text of resolution 3292(XXIX) two contradictory positions can be
seen side by side-or at least apparently. What is to be done? It did not
seem to me that the right approach was to adopt a restrictive or negative

interpretation that would lead to the conclusion that the request for an
advisoryopinion was without object. The Court should rather do its best to
assist the General Assembly in the task of decolonization.The Court was, in
my view, in a position to arrive at a positive interpretation, while taking
account of thespiritofcompromise that led to the adoption of theresolution,
as well as of its purpose, and remaining in harmony with the text of the

question put to the Court.

Therepresentativeof the IvoryCoastexplainedthatthe new elementsintroduced
Morocco)were intendedto enable the General Assembly"to be consistent.Thosehatof
elements were, firstly, the reaffirmation, in the preamble, of the right to
self-determinationof thepeopleof SpanishSahara"(A/C.4/SR.2131).167 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)

La raison de la demande d'avis est, nous dit-on, que l'on aconstaté« une
controversejuridique au cours desdébats»au seinde l'AssembléegénéraleI.l
estànoter qu'il s'agitd'une controversejuridiqueapparue au coursdesdébats,

particulièrement à la Quatrième Commission. Précieux éclaircissement
tendant àexclure que la question ait pour seul objet l'existencede lienscar, si
tel étaitle cas, il s'agirait d'une question de fait et non d'une controverse
juridique. La controverse, ajoute-t-on, a surgi au cours des débats et la
question de l'existencede liens n'a mêmepas été effleuréeau cours des débats
de la Quatrième Commission. ees débatsont jouéautour du choc de deux

thèses opposées:la renvendication du territoire sur la base des liens existant
prétendument au moment de la colonisation espagnol; et le principe de
l'autodétermination.
Larésolution3292(XXIX) justifie ensuite la demande d'avisconsultatif en
disant que, à la lumière de l'avis donné, l'Assembléegénéraleaura à se
prononcer sur la politique àsuivre pour accélérerle processusde décolonisa-

tion du territoire, conformément àla résolution1514(XV),dans lesmeilleures
conditions. Asupposer que la question poséeportesur l'existencede liens,un
avis consultatif de la Cour disant que le Maroc ou l'ensemble mauritanien
avait des liensavecleterritoire au moment de la colonisation espagnole laisse
toujours l'Assembléedevant la mêmedifficulté,celle de savoir à laquelle des
deux thèses - intégrationou autodétermination - donner la préférencec ,e

qui retarde le processus de décolonisation du territoire plutôt que cela ne
l'accélère.
La vraie difficultéà écarter,les doutes à dissiper ont leur source dans la
valeur implicite que le Maroc donne à de prétendusliensjuridiques avec le
territoire. Le Maroc met en question toutes les résolutionssur I'autodéter-
mination du Sahara lorsque son représentant àl'Assembléegénéraledéclare:

Toutes lesrésolutionset lesrecommandations votées[depuisdix ans
par l'Assemblée]se heurtent à une question préalableet préjudicielle:

cellede savoir si lesdeux provinces sahariennes [Sakiet El Hamra et Rio
de Oro] relèventd'une souveraineté quelconque. »(A/PV.2249.)

L'existence,à.la supposer prouvée,de prétendusliens du Maroc (ou de la
Mauritanie) avec le territoire au moment de la colonisation espagnole
rend-elle sans effet lesrésolutionssur l'autodétermination et l'indépendance
du Sahara occidental? C'estcette question qui plane au-dessus desdébatsde
l'Assembléegénéraleet il y a lieu de croire qu'elle n'est pas étrangèreà la

demande d'avisconsultatif adresséeà la Cour.
Ces considérations peuvent aider à trouver le vrai sens des mots «quels
étaientles liens ». Ils peuvent êtreinterprétésainsi: quelle étaitla qualitéde
ces liens,leur forceet leur vigueur latente? Cela n'estpas forcer lesenslittéral
des mots; c'estle sens le plus conforme au but de la résolution. WESTERNSAHARA(SEP.OP.DECASTRO) 167

Thereason for the request for an advisory opinion is,weare told, that it was
noted that "during the discussion [in the Assembly] a legal controversy
arose". It should be noted that the legal controversy arose during the

discussion, particularly in the Fourth Committee. That clarification is most
valuable. It tends to rule out the possibility that thesole object of thequestion
was to ascertain whether ties existed, for that would have been a question of
fact and not of legal controversy. The controversy, it is added, arose during
the discussion, and the question of the existence of ties was not even touched
upon during the discussion in the Fourth Committee. The discussion centred
on the clash between two opposing positions - the claim to the territory on

the basis of tiesaid to be in existence at the time of colonization by Spain,
and the principle of self-determination.
General Assembly resolution 3292(XXIX) then justifies the request for an
advisory opinion by saying that, in the light of the advisory opinion to be
given, the General Assembly willdecide onthe policy to be followedin order
to acceleratethe decolonization process in the territory, in accordance with

resolution 1514(XV), in the best possible conditions. On the hypothesis that
the question asked concerns the existence of ties, an advisory opinion by the
Court statingthat Morocco or the Mauritanian entity did have ties with the
territory at the time of colonization by Spain would still leave the General
Assembly in the same difficulty, that of deciding which of the two
arguments - integration or self-determination - itshould favour. This would
retard the process of decolonization of the territory rather than accelerate it.

The origin of the real difficulty to be removed and of the doubts to be
cleared up liesin the weightwhich Moroccoimpliedly givesto itsallegedlegal
ties with the territory. Morocco called in question al1the resolutions con-
cerning the self-determination of the Sahara when its representative in the
General Assembly said:

"Al1the resolutions and recommendations which have been voted [by
the General Assembly in the previous ten years] concern the main
question: that of knowing whetherthetwo [Saharan] provinces of Sakiet
El Hamra and Rio de Oro belong to a certain sovereignty ..."
(A/ PV.2249.)

Does the existence, supposing it proved, of alleged ties of Morocco (or of
Mauritania) with the territory at the time of colonization by Spain render the

resolutions on the self-determination and the independence of Western
Sahara ineffective? That was the underlying question during the General
Assembly's debates and there is reason to suppose that it was not
unconnected with the request to the Court for an advisory opinion.
These considerations may be of assistance in finding the true meaning of
the words "What were the ties?" They may be interpreted as meaning: what
was the quality of those ties, what was their strength and their potential

validity? To interpret themthus would not be to stretchthe literalmeaning of
thewords, and such an interpretation fitsmost closelywith the purpose of the
resolution.168 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. DE CASTRO)
Demander quels étaient Ies liens ou droits à un moment déterminé,c'est

s'interroger sur lesconséquencesqu'ilspourront avoir dans l'avenir. Un droit
est ou vaut aujourd'hui par les facultésqu'il permet d'exercer al'avenir. La
valeur d'un droit résidedans lepouvoir qu'ildonne,soncontenu en puissance
dans l'espace et dans le temps, ses possibilitésd'endurance ou de résistance
face a desévénementsnouveaux,àdeschangements du droit et a d'éventuels
motifs d'extinction.

2. Questiondu droit intertemporel

Pour accomplir la tâche à elle confiéepar l'Assembléegénérale,tâche qui
étaitde faire la lumière sur la vraie difficultésurgie au cours des débats, la
Cour devait, selon moi, préciserquellepouvait êtrela force en puissance des

liens envisagésau moment de la colonisation du territoire par l'Espagne.
Avaient-ilsla valeur de droits acquis auxquels le passage du temps n'appor-
tait aucun changement, ou de droits éventuels(A/C.4/SR.2124) que l'on
pouvait toujours exercer, ou étaient-ils soumis aux règlesdu droit intertem-
porel? La question n'est pas nouvelle, c'est celle de la valeur des droits
historiques '.

La Cour a déjàeu a considérerla valeur des liensjuridiques selon le droit
intertemporel. Dans l'affairedes Minquierset des Ecréhouse ,llea estiméqu'il
n'est pas nécessairede s'arrêterà d'inutiles controverses historiques.

« La Cour considèrequ'ilsuffitde dire que, selon elle,même silesrois
de France avaient un titre féodal originaire s'étendant auxIles de la
Manche, ce titre a dû cesser d'exister comme conséquence des événe-
ments de l'année1204 et des années suivantes. » (C.I.J. Recueil 1953,
p. 56.)

La Cour a donc jugéque le titre originaire perd sa valeur s'il intervient de
nouveaux faits à considérer selonun nouveau droit.
La même doctrineavait étéformuléd eans l'arbitrage de l'lle de Palmas(ou

Miangas). M. Huber avait dit:
« [Pour]savoir lequel des différents systèmesjuridiques en vigueur à
des époques successives doit êtreappliqué dans un cas déterminé -

question du droit dit intertemporel-, ilfaut distinguer entre la création
du droit en question et le maintien de ce droit. Le mêmeprincipe qui
soumet un acte créateurde droit au droit en vigueur au moment ou naît
le droit, exige que l'existencede ce droit, en d'autres termes sa manifes-
tation continue, suive les conditions requises par l'évolution dudroit.)

(Nations Unies, Recueildes sentencesarbitrales,vol. II, p. 845.)

1 UndesconseilsduMaroc sembleavoirconsidérc éepoint:«Cequifaitl'actualité
decedifférend [celudiuMarocavecl'Espagne]c ,'estquecesfaitsjuridiquespass[les
prétendus liensjuridique]onstituentdestitrespourbeaucoup d'entreeux,destitres
de souveraineté ayantdes applications présenteset susceptibles d'entraînerdes
implicationsprésentes.(Audiencedu 12 mai.) WESTERNSAHARA (SEP.OP.DE CASTRO)
168
To ask what were the ties or rights at a given time is togo into the question

of the consequences that they might have in the future. A right exists or has
present validity according to the powers whichit confers for future exercise.
The valueof a right liesin thepowerit gives,itspotentialcontent, inspace and
time, itscapacity for continued existenceor resistance to new events,changes
in the law and possible reasons for itsextinction.

2. QuestionofIntertemporalLaw

To perform thetask entrusted to itbytheGeneral Assembly,namelythat of
casting light on thetrue difficultythat arose during the discussion, the Court
ought, in my view, to have made clear what could have been the potential

strength of thetiesreferred to at thetime ofthe colonization of the territory by
spain. Did they have the validity of acquired rights, unaltered by the passage
of time, or of contingent rights (MC.4BR.2124) which could still be
exercised,or weretheysubject to the rulesof intertemporallaw? The question
is not a new one; it is a question of the validity oftoric rights'.

The Court has already had to consider the validity of legal ties in
accordance with intertemporal law. In the Minquiersand Ecrehoscase, the
Court considered that it was not necessary to deal with pointless historical
controversies.

"The Court considers it sufficient to state as its view that even if the
Kings of France did have an original feudal title also in respect of the
Channel Islands, such a title must have lapsed as a consequence of the
events of theyear 1204and followingyears." (I.C.J. Reports 1953,p. 56.)

TheCourt thusjudged that the original title ceasesto be valid if there are new

facts to be considered on the basis of new law.
The same doctrine had been expressed in the Island of Palmas (or
Miangas)case. Huber had said:

"As regards the question which of different legal systemsprevailing at
successive periods is to be applied in a particular case (the so-called
intertemporal law), a distinction must be made between the creation of
rights and the existenceof rights. Thesame principle which subjects the

act creative of a right to the law in force at the time the right arises,
demands that the existence of the right, in other words its continued
manifestation, shall follow the conditions required by the evolution of
law." (UNRIAA, Vol. II,p. 845.)

Oneof thecounsel forMoroccoseemstohaveconsidered this point:"Whatmakes
alleged legal ties] are titles for manyStates-titleto sovereignty whichhaves [the
present-dayapplicationor which may bringaboutconsequences forthepresenttime."
(Hearingof 12May.)169 SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND. DE CASTRO)

Selon M. Gros, l'arbitre avait exprimé ainsi unedouble règle:

« Un fait juridique doit être apprécà la lumière du droit qui lui est
contemporain ...
Lorsque disparaît le systèmejuridique en vertu duquel le titre a été
valablement créé, cedroit ne peut plus être maintenu dans le système
juridique nouveau, à moins qu'il ne se conforme aux conditions exigées

par cedernier.»(C.I.J.Mémoires,Minquierset Ecréhousv ,ol. II, p. 375.)
Le dictum de M. Huber a étél'objet d'observations de la part de com-

mentateurs selon lesquelsla valeur donnéeau droit nouveau serait excessive.
Mais,quelquesoit leméritede cesobservations sur lamanièredont M.Huber
a exprimésa pensée,ilestévidentque sadécisionarbitrale étaitjuste. Comme
la Cour en 1953, M. Huber a considéré qu'àla suite du fait originaire
(découvertede l'île)étaitsurvenu un fait nouveau (prise de possession par les
Pays-Bas), lequel devait s'apprécier selon le nouveau droit.
Il faut donc tenir pour admis en droit international le principe général

acceptéen droit intertemporel et que formule la règlempus regitfactum. La
naissancedesliens ou titres sur un territoire doitêtredéterminéeselonledroit
en vigueuràcemoment. Lemêmedroit indiqueaussi la nature desliensetleur
valeur à l'époque.II faut appliquer aussi la règle tempus regitfactumpour
connaître la valeur juridique des nouveaux faits et leur influence sur la
situation déjà existante;les nouveaux faits seront soumis aux règlesde droit

en vigueur au moment où ils viennent à se produire.

3. Nouveauxfaits et nouveaudroit

Dans l'affaire actuellement devant la Cour, on ne saurait ignorer les
changements de faits ni les modifications du droit applicable. Juste avant la
colonisation espagnole, leterritoire avait un statut régipar ledroit en vigueur

à ce moment-là. Mais ce statut n'était pas cristallisé etfixéad aeternum. Il
était soumisaux changements des temps.
Il y a d'abord eu la colonisation. La colonisation est aujourd'hui
condamnéeàne pas survivre; mais lefait colonial a étéunfait nouveau, avec
une influencesociologiqueetjuridique. C'est avec raison que l'on a dit:u
XXe siècle,tout comme le Maroc, la Mauritanie a étéprofondément trans-
forméepar ce que l'on a appelé le « fait colonial françai»(La République

islamiquede Mauritanie et le Royaume du Maroc, Paris, p. 29). La colonisa-
tion acréédesliensetdesdroits quidoivent êtrejugésselon ledroit envigueur
à l'époque.
Depuis l'entrée en vigueurde la Charte des Nations Unies, le territoire du
Sahara occidental est devenu «territoire non autonome » et la Puissancequi
l'administre a par conséquent le devoir de reconnaître le principe de la

primautédes intérêts des habitants du territoire et de développer la capacité
des populations de s'administrer elles-mêmes(Charte, art.73).
Un fait nouveau est qu'en application de la résolution 1514 (XV) l'As-
semblée générale insisteauprès de la Puissance administrante afin qu'elle WESTERN SAHARA (SEP .P. DE CASTRO) 169

According to Mr. Gros, the arbitrator had intended to lay down a twofold

rule:
"A legal fact must be viewed inthe light of the law contemporaneous

with it.
When the legal system by virtue of which the title has been validly
created disappears, the right can no longer be claimed under the new
legal system unless it conforms to the conditions required by that
system." (I.C.J.Pleadings, Minquiersand Ecrehos,Vol. II,p. 375.)

Huber'sdictum has been the subject of observations by commentators who
think that excessive weight was givento the new law; but regardless of the
merit of their comments on the way in which Huber expressed his thought, it

is clear that his arbitral award was just. Like the Court in 1953, Huber
considered that after the original event (the discovery of the island) a new
event had occurred (the taking of possession of the island by the
Netherlands), which had to be weighed up according to the new law.
The generally accepted principle of intertemporal law, which iscontained

in therule ternpusregitfacturn,shouldtherefore be considered as a recognized
principle of international law. Consequently, the creation of ties withor titles
to a territory must be determined according to thelaw in force at thetime.The
same law will also determine the nature and validity of the ties at that time.
The rule ternpusregiffactum must also be applied to ascertain the legal force

of new facts and their impact on the existing situation. New facts will be
subject to the rules of law in force at the time when they occur.

3. New Factsand New Law

In the case at present before the Court, changes of facts and changes in the
law to be applied cannot be ignored. Just before colonization by Spain, the
territory had a status which wasgoverned by the law in force at that time. But
that statushad not crystallized and wasnot fixed ad aeternum.It wassubject
to changes in the times.

First ofall, there was colonization. Colonization is now condemned todie
out; but the colonial fact was a new fact with sociological and legal
implications. It has been rightly said: "ln the 20th century, Mauritania, just
like Morocco, underwent profound transformations as a result of what has
been called the 'French co10,nial fact' " (La République islamiquede

Mauritanie ef le Royaume du Maroc,Paris, p. 29.) Colonization created ties
and rights that must bejudged in accordance with the law in force at the time.
After the entry into force of the United Nations Charter, the territory
of Western Sahara became a "non-self-governing territory", and the
administering Power therefore has a duty to recognize the principle that the

interests of the inhabitants of the territory are paramount, and to develop
self-government (Art. 73 of the Charter).
Anewfact wasthat theGeneral Assembly,in implementation of resolution
1514(XV), urged the administering Power to take the necessary measures to170 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND. DECASTRO)

prenne les mesures nécessaires pour mettre fin à la domination coloniale du
territoire. Cela ressort des résolutions rappelées dans la résolution 3292
(XXIX) 1.On peut dire que, ala date de cette résolution, ledroit alorsexistant
est fondé sur le principe selon lequel les populations des territoires non
autonomes ont le droit de disposer de leur propre destin et de décider

librement et par des moyens démocratiques soit de devenir indépendantes,
soit de s'intégrerà un Etatindépendant 2.Ce qui a comme conséquence que

Larésolution2229(XXI)du 20décembre1966distingueentrelecasd'Ifniausujet
duauel il est demandé à la Puissance administrante de «orendre ...les mesures
nécessairespour accélérerla décolonisation» et «d'arrêteravecle Gouvernement
marocain ..des modalitésde transfert des vouvoirs»et celui du Sahara esoaenol au
sujetduquelilestdemandéd'arrêter «lesmodalitésdeI'organisation d'unrgféFendum
quiseratenu souslesaus~icesdel'organisation desNationsUnies afindeDermettre à
la population autochtone du territoTred'exercer librement son droià i'autodéter-
mination ».
Larésolution2354(XXII) du 19décembre1967prend acte de la déclarationde la
Puissanceadministrante d'aprèslaquellele dialogue est déjàengagé avec leGouver-
nement marocain; et en ce qui concerne le Sahara insiste sur(l'organisation d'un
territoire.» et «le droità I'autodétermination» de «la population autochtone du
La résolution2428 (XXIII) du 18décembre1968prend acte de l'intention de la
Puissanceadministrante de signer un traitéavec leGouvernement du Maroc sur le
transfert du territoired'Ifni;jet du Sahara,elle« Réafirmeledroit inaliénabledu
peupleduSahara espagnol àI'autodétermination»et invitela Puissanceadministrante
aar;êter«l'organisationd'unréférendum »pour permettreà lapopulation autochtone
du temtoire d'exercerlibrementson droitàI'autodétermination.Cequi estdit tout en
« Notantla différencede nature desstatutsjuridiques de ces deuxterritoB.es

La résolution2591(XXIV)du 16décembre1969nes'occupe plusd'Ifni(letraitéde
Fèsa été signéle 4janvier 1969)et insisteau sujet du Sahara sur I'organisation d'un
référendum es tur le droit I'autodéterminationde la population autochtone du
territoire.
La résolution271 1(XXV)du 14décembre1970insisted'une manièrepressantesur
I'organisationdu référendum et ledroit de la population.
La résolution3162(XXVII)du 14décembre1973« Réafirmelalégitimité dela lutte
des peuples coloniaux, ainsiquesa solidaritéetson appui la population du Sahara
dans la lutte qu'ellemènepour l'exercicede son droit à l'autodétermination età
l'indépendance»,«Réitère son invitationàla Puissanceadministrante àarrêter..les
modalitésde I'organisation d'un référendum».
I'autodétermination depsopulations du Sahara espagnol,conformémentroàtla résolu-
tion1514(XV).
2 ~a résolution1541 (XV) du 15 décembre1960 a établidans son annexe les
«Principesqui doivent guider les Etats Membrespour déterminersi l'obligationde
communiquerdesrenseignements,prévue par l'alinéa)del'article73delaChartedes
Nations Unies, leur estapplicable ou non.»A ce sujet, la résolutionénumèrelescas
dans lesquelsunterritoire non autonome a atteint la pleine autonomie (principe VI).
Quand l'autonomie estacquise par intégration à un Etat indépendant,l'intégration
«devra s'êtrefaite dans lesconditions suivantes:

a) Le territoire intégré devra avoir atteintun stade avancéd'autonomie, avec des
institutions politiques libres,de tellesorte que sespopulations aient la capacitéde
choisir en pleine connaissance de cause, selon des méthodes démocratiqueset
largementdiffusées;
6) L'intégrationdoitrésulterdudésirlibrementexprimé despopulations duterritoire, WESTERNSAHARA (SEP.OP.DE CASTRO) 170

put an end to the colonial domination of the territory. That is what emerges
from the resolutions cited in resolution 3292 (XXIX) 1.It can be said that, at
the date of the latter resolution, the law then in force was based on the

principle that the peoples of non-self-governingterritories have the right to
decide upon their own destiny andto decide freely,and bydemocratic means,
either to become independent or to become integrated with an independent

State 2. The consequence thereof was that it had to be recognized that these

1General Assemblyresolution 2229(XXI) of 20 December 1966drawsa distinction
between the caseof Ifni, with regard to which the administering Powerisrequested "to
take. ..the necessarystepsto acceleratethedecolonization ..."and "to determine with
the Government of Morocco ... procedures forthe transfer of Powers ..." and that of
Spanish Sahara, with regard to which the administering Power is called upon to
determine "...the procedures for the holding of a referendum under United Nations
auspices with a viewto enabling the indigenous population of the Territory to exercise
freely its right to self-determination".
Resolution 2354 (XXII) of 19 December 1967 notes the statement of the
administering Power that a dialogue had already begun with the Government of
Morocco; and with regard to Spanish Sahara insistson "the holding of a referendum"
and on "the right to self-determination" of the "indigenous population of the
Territory".
Resolution 2428 (XXIII) of 18 December 1968 notes the intention of the
administering Powerto sign a treaty with the Government of Morocco on the transfer
of the Territory of Ifni;on the subject of the Sahara: "Reafirms the inalienable right of
the people of Spanish Sahara to self-determination" and invites the administering
Power to determine the procedures for "the holding of a referendum" with a viewto
enabling the indigenous population of the territory to exercise freely its right to
self-determination. This issaid while"Notingthe differencein nature of the legalstatus
of these two territories".
Resolution 2591(XXIV) of 16December 1969 contains no further reference to Ifni
(theTreaty of Fez wassigned on 4January 1969)and, with regard to the Sahara, insists
on theholding of a referendum and onthe right to self-determination of the indigenous
population of the territory.
Resolution 271 1 (XXV) of 14 December 1970 insists - and forcefully - on the
holding of a referendum and the right of the population.
Resolution 3162 (XXVII) of 14 December 1973 "Reajïrms the legitimacy of the
struggle of colonial peoples and its solidarity with, and support for, the people of the
Sahara in the struggle they are waging in order to exercise their right to
self-determination and independence" and "Repeatsitsinvitation to theadministering

Power to determinethe procedures for the holding of a referendum".
Resolution 3292 (XXIX) of 13 December 1974 again reaffirms the right of the
population of the Spanish Saharato self-determination in accordance with resolution
1514(XV).
Resolution 1541(XV)of 15December 1960laid down in its annex the "principles
which should guide Members in determining whether or not an obligation exists to
transmit the information called for in Article 73 (e) of the Charter of the United
Nations". The resolution lists the waysby which a non-self-governing territory can be
said to have reached a full measure of self-government (principle VI). And, when
self-government is acquired by integration with an independent State, integration
"should have come about in the following circumstances:
(a) The integrating territory should have attained an advanced stage of
self-government with freepolitical institutions, so that itspeoples would have
the capacity to make a responsible choice through informed and democratic
processes;
(b) The integration should be the result of the freely expressed wishes of the171 SAHARA OCCIDENTAL (OP. IND. DE CASTRO)

I'ondoit reconnaîtreaux populations ledroit (droit acquis ou expectative de
droit non conditionnée) à décider de leur indépendance. La Cour a eu

l'occasion de s'exprimer sur ce point:
En outre l'évolutionultérieuredu droit international a l'égarddes

territoires non autonomes, tel qu'il est consacré par la Charte des
Nations Unies, a fait de l'autodétermination un principe applicable à
tous ces territoires. La notion de mission sacrée a été confirmée et
étendueàtous les«territoires dont lespopulations ne s'administrent pas
encore complètement elles-mêmes »(art. 73). Il est clair que ces termes

visaient lesterritoires sous régimecolonial»(C.I.J. Recueil1971, p.31.)

« Du fait de cette évolution [dudroitj, il n'y a guèrede douteque la
«mission sacréede civilisation » avait pour objectif ultime l'autodéter-
mination et l'indépendance des peuples en cause. Dans ce domaine,
comme dans lesautres, le corpusjurisgentiums'estbeaucoup enrichi et,
pour pouvoir s'acquitter fidèlementde ses fonctions, la Cour ne peut

l'ignorer. »(C.I.J. Recueil1971,p. 31-32.)
En déclarantque les liensjuridiques qu'auraient pu avoir le Maroc ou la

Mauritanie au moment de la colonisation espagnole avec le territoire du
Sahara occidental sont soumis aux règlesdu droit intertemporel, la Cour n'a
pas donnéune leçon a l'Assembléegénéralesur la politique a suivre pour la
décolonisationdu territoire. L'avisconsultatif de la Cour selimitedire que,
quels que soient lesliensjuridiques existant avec leterritoire au moment de la

colonisation espagnole, juridiquementceslienssont toujours soumis au droit
intertemporel et qu'en conséquence ils ne peuvent êtreun obstacle pour
l'application du principe de l'autodétermination.

Je me permets d'ajouter quelques mots pour résumerma pensée
Je crois que la première question poséeà la Cour, sur la condition de
territoire sans maître du Sahara occidental, n'aurait pas dû êtreconsidérée
indépendamment de la seconde question. En le faisant, il me semble qu'on a

donné àla question un autre sensque celui qu'elleavait pendant lesdébatsde
l'Assembléegénérale.Si I'on tenait à le faire tout de même,il aurait été
préférabled'expliciter la réponse,en disant que le territoire n'étaitpas sans
maître parce qu'il était habité, au momentde la colonisation espagnole, par
des tribus indépendantes. ,

pleinement conscientes du changement de leur statut. la consultation se faisant
appliquées et fondéessur le suffrage universel des adultes. L'Organisation des
Nations Unies pourra, quand ellelejugera nécessaire,contrôler l'application de ces
méthodes. » WESTERNSAHARA (SEP. OP. DE CASTRO)
171
peoples must be regarded as having the right (either an acquired right or an

unconditional spesjuris) to decide upon their independence. The Court has
had occasion to make a statementon the matter:

"Furthermore, the subsequent development of international law in
regard to non-self-governing territories, as enshrined in the Charter of
the United Nations, made the principle of self-determination applicable
to al1 of them. The concept of the sacred trust was confirmed and
expanded to al1'territories whose peoples have not yet attained a full
measure of self-government' (Art. 73). Thus it clearly embraced

territories under a colonial régime."(I.C.J. Reports 1971,p. 31.)

"These developments [in the law] leave little doubt that the ulti-
mate objective of the sacred trust was the delf-determination and
independence of thepeoplesconcerned. In this domain, aselsewhere,the

corpusjurisgentiumhas been considerably enriched, and this the Court,
if it is faithfully to discharge its functions, may not ignore." (Ibid.,
pp. 31-32.)

Bydeclaring that the legaltiesthat Morocco or Mauritania mighthave had
with the territory of Western Saharaat the time of colonization by Spain are
subject to the rules of intertemporal law, the Court was not laying down for
the General Assembly the policy to be followed in the decolonization of the

territory. Theadvisory opinion of the Court isconfined to the statement that,
whatevertheexisting legal ties with the territory may have been at the time of
colonization by Spain, legallythose ties remain subject to intertemporal law
and that, as a consequence, they cannot stand in the way ofthe application of
the principle of self-determination.

1venture to add a few words to sum up my thinking.
1believe that the first question put to the Court, as to whether Western

Sahara had the status of a territory belonging to no-one, should not have
been considered independently of the second question. In considering it
separately, itseemsto me,the Court hasgiven ita differentmeaning from that
which it had during the discussions in the General Assembly. If it was
nevertheless desired to do this, it would have been preferable to make the

answer explicit, by saying that the territory was not a territory belonging to
no-one, because it was inhabited at the time of colonization by Spain by
independent tribes.

territory's peoples acting with full knowledge of the change in their status,
their wishes having been expressed through informed and democratic
processes,impartially conducted and based on universal adult suffrage.The
United Nations could, when itdeenis it necessary,supervisethese processes."172 SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND. DECASTRO)

La seconde question portait sur les liens juridiques du territoire avec le

Royaume du Maroc et I'ensemblemauritanien, c'est-à-dire sur la nature de
ces liens au cas où ils auraient existé:étaient-ilsdes liens de souveraineté?
étaient-ilsen tout cas soumis au droit intertemporel?
La Cour a répondu avec raison, et avec un remarquable degré d'accord
généralq ,uecesliensn'avaient pasété desliensdesouveraineté,donc qu'ilsne

pouvaient pas êtreconsidéréscomme des titres pour une revendication ou
une demande de réintégrationdu territoire.
Pour arriver à cette conclusion, la Cour a étudié avec soin tousles
renseignements àsa disposition en tenant compte de leur valeur de preuve.
Mais, en se demandant s'ilexistait des liensjuridiques autres que ceux de

souveraineté,la Cour a interprétélaquestion qui lui avait étéposéedans un
sens différentde celui qui avait fait l'objet de la controverse au sein de
l'Assembléegénérale.
Il n'ya aucun fondement juridique pour considérercomme des liensayant
force d'ob-ligure (vinculatio) lesliens personnels et sporadiques du Sultan

avec quelques tribus indistinctes. Je n'ai trouvé aucun indice concret de
I'existencede tels liens.
Les liens du territoire avec l'ensemble mauritanien suggéréspar l'avis
consultatif résultentdes liens existant entre quelquestribus indépendanteset
leurs terrains de parcours nomadique. Il semble que, s'il en étaitainsi, il y

aurait des liens entre chaque tribu et son territoire de parcours, mais rien de
plus. En tout cas, sur l'existencede ces liens, la Cour n'a disposé,à mon avis,
que de descriptions imagées ettouchantes de la vie au désert, maisnon de
donnéesconcrètessur lestribus ayant droit et sur les lieux soumis à cesliens
qui répondent aux conditionspropres aux preuves à présenterà un tribunal. WESTERN SAHARA (SEP. OP. DE CASTRO)
172
The second question concerned the legal ties between the territory and the

Kingdom of Morocco and the Mauritanian entity, that isto Saythe nature of
those ties,should they have existed: Were they ties of sovereignty? Were they
in any casesubject to intertemporal law?
The Court has answered rightly, and with a remarkable degree of general
agreement, that those ties were not ties of sovereignty, and that thus they

could not be considered to be titles to a claim or forademand for recovery of
territory.
To reach that .conclusion,ithe Court had ,studied carefully al1the infor-
mation available to it, taking into-account its value as evidence.
But, in asking itself whether there existed legal ties other than those of

sovereignty,the Court interpreted the question which had been put to it in a
different sense from that which had been the object of the controversy in the
General Assembly.
There isno legal foundation for regarding as tieswith theforce of ob-ligure
(vinculatio)the personal and sporadic tiesof the Sultan withcertain unclearly
definedtribes. 1have not found any firmevidence of the existenceof such ties.

The ties of the territory with the Mauritanian entity suggested by the
Advisory Opinion result from the ties existing between some independent
tribes and the lands through which their nomadic routes passed. It would
seemthat, ifsuch werethecase,there would be ties between eachtribe and the

territory over which it passed, but nothing more. In any case, as regards the
existence of those ties, the Court had nothing to goon, in my opinion, except
vivid and touching descriptions of desert life- but no concrete facts about
the beneficiary tribes or about the places subject to those ties which would
fuifil the conditions required of evidence to be submitted to a court.

(SignedF ).DE CASTRO.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. de Castro

Links