Opinion individuelle de M. Ammoun, Vice-Président

Document Number
061-19751016-ADV-01-04-EN
Parent Document Number
061-19751016-ADV-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

Tout en souscrivant à l'avis auquel la Cour est arrivée,je me vois tenu de

traiter dans ma présente opinion de certaines questions qu'elle n'a pas
abordées, et decertaines autres qui exigent de plus amples développements,
ou qui ont reçu une solution ou un traitement auxquels je ne puis me rallier.

La Cour a considéré avec raisonque des liens juridiques existaient, au
moment de la colonisation espagnole, entre le Maroc et le Sahara occidental.
Mais c'est sans raisons suffisamment convaincantes qu'elle minimise la
nature de ces liens en soutenant qu'ils consistaient en une allégeancede la
population saharienne au sultan du Maroc. Allégeance politique au Sultan

disent oppurtunément les paragraphes 95,107,129.
Jedévelopperai longuement les objections que soulèvecette thèse.Pour le
moment je voudrais préciserla notion d'allégeanceau souverain marocain
pour en déterminer la portée exacte.

En elle-même,l'allégeance au souverain est de caractère politique et

constitutionnel, comme dans certains pays qui étaient soumisàune féodalité
militaire. Au surplus, au temps de la colonisation espagnole, c'est-à-dire vers
la findu XIXe siècle,leSultan réunissaiten sa personne lespouvoirs législatif
et exécutif, auxquels s'ajoutait le pouvoir spirituel. Il les exerçait par des
dahirs. Ces dahirs étaientdélivrésf,ait significatif,sous la seulesignature du
Sultan.

N'est-cepas à dire que le Sultan en ce temps-là personnifiait 1'Etatdont il
exerçait tous les pouvoirs ? Aussi l'allégeance ay Sultan, ou souverain,
équivalait-elleàl'allégeanceà1'Etat.Et c'estreconnaître en conséquenceque
lesliensjuridiques du Maroc avec le Sahara occidental reconnus parla Cour
se traduisent par des liens politiques,voire des liens de souveraineté.

Cependant nous devons nous rendre compte que ces liens, qui sont de

caractèrepolitique,doivent êtreconsidéréscommetels directement et sans le
détourempruntépar l'avis, celuide l'allégeanceau Sultan.84 SAHARAOCCIDENTAL(0P. IND.AMMOUN)

Cela résulte,sur le plan international, desactes internation-uxtraitéset
déclarationsunilatérales desgouvernementsétrangers - et, dans ledomaine
interne, des actes de l'autorité marocaine.

IIfaut débarrassertout d'abord leterrain de la discussion de la thèseselon
laquellele Sahara occidental n'étaitpas terraulliu ns, pasparce qu'ilavait
des liensjuridiques avec le Maroc et la Mauritanie, mais parce que lestribus

y habitant étaient politiquement organiséeset ont signédes accords avec
l'Espagne (accords d'Idjil).
Je ne m'arrêtepas à la discussion de la valeurjuridique de ces accords qui
ont étésignéspar des particuliers non munis, antérieurement à la signature,
de pouvoirs délivréspar 1'Etatespagnol.
A les supposer juridiquement valables, on ne pouvait en conclure que le

Sahara occidental, étant maître de ses destinées, n'avaitpas de liens juri-
diques avec le Maroc et la Mauritanie. Car la facultéde signer des accords
n'est pas incompatibleavec l'existenced'une autoritésuperposée àl'autorité
locale.
En tout cas, si le Sahara occidental s'est trouvécoupéde tout pouvoir
politique extérieur,il semblebien que cela soit l'effetde la colonisation.

Telleaétégénéralemelnatpolitique du colonialisme: ellea laissédépérirles
langues, les littératures et les civilisations locales ou régionales, dont la
civilisation arabe dans les pays du Maghreb, aux sources philosophiques et
scientifiquesde laquelle a puisél'Europe du Moyen Agejusqu'aux débutsde
la Renaissance.
Dans une seconde étape, lescolonisateurs ont Œuvréen vue de gagner les

peuples colonisésà leur propre civilisation pour se lesmieux attacher.
Dans le Sahaia occidental, cette politique envahissante n'a cependant pas
supprimétous liensaveclesautres Arabes. Desrapports ont subsistédepuisla
conquêtemusulmaneet sous lesdynasties maghrébinessuccessives jusqu'a la
dynastie alaouite régnante.
Si telle est bien l'explication de l'origine d'une certaine vie aufonome des
populations tribales du Sahara occidental, on peut penser de mêmeque les

tendances séparatistesactuelles que signale leconseil de l'Espagne (audience
du 22 juillet 1975,matin), àsavoir ledocument envoyépar la djemaa au chef
de I'Etat espagnol le 23 mars 1973 et les déclarations faites par certains
groupes locaux sont, elles aussi, le résultatd'une présenceétrangère.Nous
verrons au surplus (infrpa.,101)pourquoi l'Espagne tient tellement au réfé-
rendum.

M. Benjelloun, procureur générad l e la Cour suprêmedu Maroc et bien au
fait de la géographieet de l'histoire de son pays, a réfutéladite thèsedans un
savant exposé; ila fait justice de l'argumentation tendant ànier les rapports
nautrels et humains et, en définitive,les liensjuridiques qui font de la partie
nord du Sahara occidental un territoire relevant de'Empire du Maroc. Et le85 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND.AMMOUN)

procureur générad l e conclure, à bon escient, que, entre les Sahraouiet leurs

compatriotes marocains, existe ce qui fait d'eux une mêmenation,à savoir:

« lepassécommun qu'ilsont forgé,lesluttes menéesde concert, lemême

idéalpartagé,une culture bâtie sur un effort concertéet une volonté
permanente, une détermination réelleà vivre ensemble » (audience du
30juin 1975).

La thèseespagnole serait en somme contredite, du point de vue du Maroc,
par un faisceau de preuves basésur des actes diplomatiques, des considéra-
tions ethniques, desmŒurscommunes, une mêmeviesocialeetculturelle, une
langue unique, une religion et des pratiques religieusescommunes, des luttes
en commun,la soumission àl'autoritédessultans marocains, enfin et surtout

les.aspirations communes qui ont constitué, en somme, les liens unissant
juridiquement lesélémentsd'une mêm neation.

M. Bayona-ba-Meya, premier président de la Cour suprêmedu Zaïre, et
M. Mohammed Bedjaoui, ambassadeur d'Algérie à Paris, représentants

respectifs de la Républiquedu Zaïre et de la Républiquealgériennedémo-
cratique et populaire, ont exprimétous deux,à propos de la notion de terra
nullius,des vues pénétrantes quiforcent l'attention.

Quiconque estfamilieravec la philosophie deZénonde Sidon eu deCitium
etde son écoledu Portique ne peut manquer d'êtrefrappépar la similitudedes
idéesde ce philosophe et des vues de M. Bayona-ba-Meya quant aux liens

entre l'êtrehumain et la nature, entre l'homme et le cosmos. En outre, la
spiritualitéde la penséedu représentantdu Zaïrefaitéchoàla spiritualitédes
Africains bantous que nous livre dans son ouvrage intitulé Philosophie
bantouele pèrePlacideTempels,franciscain belge.Celui-ciyvoitune «analo-
giesaisissante »avec «cette doctrine spirituelleintensequi anime et alimente
lesâmes au sein de I'EglisecatholiquB.

M. Bayona-ba-Meya en vient à rejeter la notion matérialistede la terra
nullius,notion qui a abouti, à la suite de la Conférencede Berlin de 1885,au
dépeçagede l'Afrique. M. Bayona-ba-Meya y substitue un conceptspiritua-
liste:lelienancestral entre laterre, ou lanature»,et l'homme quien est 86 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND.AMMOUN)

issu, qui y reste attaché, et qui doit y retourner un jour pour s'unir à ses
ascendants. Celienfonde lapropriétédusolou,mieuxencore,lasouveraineté.
Ce qui revient à nier la notion mêmede terra nullius au sens d'une terre

susceptible d'appropriation par quelqu'un qui n'en est pas issu. C'est la
condamnation de lanotion,moderne, définiepar Pasquale Fiore, considérant
terra nullius lesterritoires habitéspar des populations dont la civilisation, au
sens du droit public de l'Europe, est peu avancée et dont l'organisation
politique n'estpasconçue selon lesnormes occidentales.

On peut aller encore plus loin dans l'analyse de l'exposédu représentant
zaïrois pourdire que celui-ciexclut de la notion de terra nulliustout territoire
habité. Il rejoint ainsi Vattel, qui a définila terra nullius une terre vide
d'habitants.
C'estla réponsequ'on peut faire aux congressistesde Berlin en1885qui ont
considéré,au cours de la flambéecolonialiste du XIXe siècleet pour en

assurer le succèsen éliminantles compétitions,que l'Afrique subsaharienne
est une immense terra nullius qui revient au premier occupant, alors que ce
continent est habité depuis les temps préhistoriques, que des royaumes
florissants y ont étéconstitués - le Ghana, le Mali, le Bournou - dont la
civilisation a survécujusqu'à l'époquecoloniale et n'a succombéque sous les
coups de la colonisation et de la traite (C.I.J. Recueil 1971, p. 86, opinion
individuelle). Et c'estdans lapartie méridionalede ce continent et au Kenya

que les ethnologues ont découvertles restes des premiers hominiens.

Quant àM. Mohammed Bedjaoui, il distingue, avecune science consom-
mée,dans un hardi survol de l'histoire, depuis l'Antiquité jusqu'auxTemps
modernes, trois grandes époques:

1) L'Antiquitéromaine, où est nulliustout territoire qui n'est pas romain.
2) L'époquedes grandes découvertes des XVIe et XVIIe siècles, durant
laquelle est nullius tout territoire qui n'appartient pas à un souverain
chrétien.
3) LeXIXesiècle,au cours duquel est nulliustout territoire qui n'appartient

pas àun Etatdit civilisé.
C'est,en somme,lacondamnation de lanotion de terra nulliusdans tous les

temps, jusqu'à l'oréedu XXesiècle,pour justifier la conquêteet la colonisa-
tion. On sait qu'au XVIe siècleFrançois de Vittoria s'étaitélevécontre la
notion de resnulliusappliquéeaux Indiens de l'Amériquepour lesdéposséder
de leurs terres.
Cette conception de l'éminentjuriste et canoniste espagnol, reprise par
Vattel au XIXesiècle, n'eutguèred'échoau congrèsde Berlin en 1885.C'est

pourtant celle qui mérite d'être actuellementretenue. L'avis, après avoir87 SAHARA OCCIDENTAL(0P. IND. AMMOUN)

mentionné la grande diversité des opinions des juristes modernes, fait, au
paragraphe 80, un grand pas dans la voie tracée par Vittoria, Vattel et

MM. Bedjaouiet Bayona-ba-Meya.

Les traités

II faut signaler d'abord que I'avis n'a pas fait état de certains traités
pertinents, ou lesa interprétés différemmend te leur sens réel.

L'analysede cesactes dénotel'existenced'une autoritémarocaine étatique
ou politique s'étendantjusqu'au cap Bojador, englobant Sakiet El Hamra.

1. Il y a d'abord deux traités duXVIesiècle,citéspar l'historien Romeu
(tome 1).Ce sont les traitésd'Alcaçovas et de Cintra entre l'Espagne et le
Portugal.

Letraitéd'Alcaçovasfixe,du commun accord desdeux Puissances,lalimite
du Royaume de Marrakech au sud du cap Bojador.
Letraité de Cintra en fait de mêmede ce qu'il appelle le Royaume de Fès.

Lesdeux traités,dont la pertinence paraît manifeste, n'ont mêmepas été
mentionnéspar I'avis.

Ils ne se bornent pas à faire état d'une allégeance au Sultan, mais
reconnaissent que l'autorité du Maroc s'étendaitau-delà du cap Bojador.
2. Il y a aussi le traité entre le Maroc et l'Espagne du termars 1267.
Ce traité, qui dispose dans I'article 18 que la souveraineté chérifienne
s'étendaitau-delà de Wady Noun, c'est-à-dire plus au sud dans la région

limitrophe de Sakiet El Hamra, a soulevéune controverse entre le Maroc et
l'Espagne; il a étérejetépar I'avis, laCour n'ayant pas cru nécessairede
trancher cette controverse sous prétexte que I'article8 aurait été remplacé
par I'article8du traitéhispano-marocain du 20 novembre 1861.C'était dire
que I'article 18a été abrogéI.l ne l'a pas étécependant de façon expresse par
une disposition quelconque du traité de1861.Il ne paraît pas non plus avoir

étéabrogétacitement par l'article 38.Cet article est venu plutôt lecompléter
et lerenforcer. Je reviendrai plus loin sur l'analyse de I'article 38.En outre, la
reconnaissance de l'extension du territoire marocain par I'article 18 était
acquise et ne saurait être déniée palra suite.88 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. AMMOUN)

Il faut donc s'en tenir à l'article 18 du traité de 1767, que l'Espagne
interprètede façon erronéeen opposant le texte espagnol du traité.
Le Maroc a soutenu, conformément à une jurisprudence constante, que,

lorsque deux textes d'un mêmetraiténe concordent pas, c'estle texte le plus
restrictif qui doit l'emporter, en l'occurrence le texte arabe.
L'avisa mentionnécette affirmation du Maroc mais n'y a pas répondu.Il
ne pouvait pas la rejeter parce que, comme il a été rappelée ,lle a pour
fondementune jurisprudence constante. Or voici ceque dit letextearabe:

« Sa majesté impériale meten garde leshabitants desCanaries contre

toute initiative d'aller pêchersur les côtes d'Oued Noun et au-delà. Il
dégagetoute responsabilitéde cequi leur arrivera de la part des Arabes
du pays auxquels il est difficiled'appliquer les décisions,eux qui n'ont
pas de résidencefixe,qui sedéplacentcomme ilsveulent etplantent leurs
tentes où ils l'entende..»

L'Espagne conteste le sens de ce texte, prétendant qu'il signifieque les

nomades échappent à la juridictiondu Sultan, et non aux décisions qui
seraient prisesà leur encontre par le Sultan.
La controverse tourne autour du terme ahkam, traduit pardécisions.

Un argument péremptoireen faveur de la thèsemarocaine est que le sens
que l'Espagne veut attribuer au motahkam, c'est-à-dire lesensdjuridiction,

est toujours au singuliehokm. Alors qu'ilest au plurielahkam, dans letexte
de I'article8.En français on dit bien lajuridiction du Sultanou de I'Etat,et
non pas lesjuridictions. En arabe, de même,on dit hokmel Sultan ou hokm
eddaoulo au signulier, et non paahkam au pluriel. Ce qui veut bien dire que
ahkam dans I'article 18ne peut avoir que le sens ddécisionsau pluriel.
Un second argument:
On aurait pu hésitersur lesensque l'Espagne et leMarocdonnent au terme

ahkam indépendamment de l'argument précédent, mais l'hésitationn'aurait
étépermise que si l'on prenait le terme en dehors de son contexte.
En effet,dans l'énoncé de I'article 18,une explication est donnée:c'estle
nomadismedespopulations de Wady Noun et ai-delà. Or, lenomadisme, qui
rend ces populations souvent insaisissables après le fait illicite qui leur est
imputé,n'exclut pas l'autorité existantesur leterritoire qu'ellestraversent. Le

nomadisme ne peut que rendre difficiles l'application et l'exécutiondes
décisionsde I'autoritégouvernante qui les prononce.

Le Maroc en déduit à bon droit l'existence de I'autorité chérifiennsur
Wady Noun et au-delà dans le Sahara occidental, outre l'allégeanceau
Sultan.

3. Au surplus, le traité du 20 novembre 1861, bien loin d'affaiblir le
raisonnement du Maroc, est, comme il a été dit,de nature à le renforcer. II
dispose en effet: 89 SAHARA OCClDENTAL(0P. IND. AMMOUN)

« Si un navire espagnol naufrageait à l'Oued Noun ou en tout autre
point de cette côte, le roi du Maroc emploiera tout son pouvoir pour
sauver le capitaine et I'équipageusqu'à ce qu'ils retournent dans leur

pays, et il sera permis au consul général d'Espagne, au consul,vice-
consul, agent consulaire ou leur déléguéde prendre toutes les informa-
tions ou renseignements qu'ils voudront..»
En premier lieu, si le roi du Maroc est appeléàemployerson pouvoir pour

sauverl'équipage du bateau naufragé,c'estqu'ildispose d'une autoritésur les
lieuxdu naufrage. En outre, siune autorisation ou un permis estsollicitépour
que leconsul,etc. puissent recueillir des renseignements, c'estbien parce que
le Sultan possèdeune autoritéavec laquelle les Espagnols doivent traiter.

4. Plusieurstraitésinternationauxappuient letraitédu lermars 1767, mais
ne nous donnent pas plus d'informations au sujet de la limite à laquelle
s'étend l'autoritmarocaine au-delà de Wady Noun. Ce sont notamment les
traitésentre leMaroc et l'Espagne du 1" mars 1799,article22;entre le Maroc
et les Etats-Unis du16 septembre 1836, article10;enfin lesdeux traitésentre
le Maroc et la Grande-Bretagne, tousdeux du 9décembre 1856,en l'article33
du premier et en l'article 12du second.

5. Les traités susceptiblesde nous éclairer sur les limites des confins du
Maroc et, partant, de nous permettre d'apprécier les liensqui ont existéentre
ce pays et leSahara occidental, ne manquentcependant pas.
Tel, pour commencer, l'accord anglo-marocain du 13 mars 1895. La

clause 1de cet accord selit:
« Si le gouvernement achète à la compagnie susnommée les immeu-
bles, etc., sis au lieu indiqué, nulne pourra émettrede prétentionsur les

terres comprises entre l'oued Draa et le capojador, appeléesTarfaya,
comme il est dit plus haut, ainsi que celles constituant leur arrière-pays,
car ellesfont toutes parties du territoire du Maro».

La Grande-Bretagne reconnaît ainsi que le territoire marocain s'étendau
cap Bojador, englobant Sakiet El Hamra.
Lesreprésentantsde l'Espagne ont mis en question lesensde ce texte. Et la
Cour a dit qu'il lui semble que, en vertu des dispositions de ce traité, la
Grande-Bretagne s'engageait àne plus s'opposer, à l'avenir, aux prétentions90 SAHARA OCClDENTAL(0P. IND. AMMOUN)

du Sultan sur les terres comprises entre le Draa et le cap Bojador, mais sans
pourautant reconnaîtrela souverainetémarocaine préexistantesurces terres.

La Cour n'affirme pas. Elle dit que cela «lui semble » êtreainsi, pour en
arriver àécarterletraitésur letexteclairduquel leMaroc s'appuie.Comment
cela lui a-t-ilsembléainsiàdéfautd'une prémissequelconque?

Au surplus, aux termes d'une jurisprudence constante, un texte clair n'est
pas à interpréter.
Et là ou paraît le défautde l'armure, c'est lorsque l'Espagne soutient que
l'accord ne peut lui êtreopposé,resinteralios acta;comme s'ils'agissaitd'un
simple accord bilatéralet non d'un des éléments de la reconnaissance par la

communauté internationaledes frontièresd'un pays.
Que l'on n'ait pas, d'autre part, reconnu dans le texte de l'accord le pur
style anglais signifiait-il que dans un accord bilatéral la collaboration des
deux parties àla rédactionde I'accord n'est pas àconsidérer?
On voit combien sont inconsistants lesarguments auxquels l'Espagne a eu
recours pour rejeter le texte clair du traitéde 1895.

On est en droit de se demander, en revanche, comment un gouvernement,
après avoir solennellement reconnu un fait dans un acte authentique, le nie
par la voix de ses représentants. Il faut rechercher les mobiles de ce
revirement.
On les trouve dans les préoccupations des Puissances au plus fort de

l'expansion colonialiste.
Aux termes du traitédu 8 avril 1904,la France s'engageà ne pas entraver
l'action del'Angleterre en Egypte, moyennant quoi l'Angleterre s'engageaà
ne pas entraver l'action de la France au Maroc. Un pacte pareil eut lieuentre
l'Allemagne et laFrance, qui abandonna le Gabon à l'Allemagnepour avoir
lesmains libres au Maroc.

Le Maroc s'est élevé àjuste titre contre le traitéanglo-français du 8 avril
1904qui avait été tenu secret.
II est vrai que le droit colonialiste de l'Europe à cette époquen'interdisait
pas lestraitéssecrets. Maisla moraleinternationale lesa toujoursmndamnés;
etcesont lespréceptesmoraux qui ontjustement reçu laconsécrationdudroit

positif dans ce cas comme dans tant d'autres.
Le traitédu 8 avril 1904étaitaussi moralement condamnable parce qu'il
habilitait des Etats tiersà disposer, à l'insu du Maroc, dans le secret des
chancelleries, de la souveraineté marocaine.
Ce traitéexplique le changement d'attitude de l'Angleterre vis-à-vis du
Maroc dont elle se désintéressepolitiquement, réservefaite de Tanger. Car

elle sedevait, selon lesstipulations du troisième des articles secrets du traité
franco-anglais du 8 avril 1904,de faciliterl'entente que la France envisageait
avec l'Espagne pour l'établissement de zones d'influence au Maroc en
prévisionde son partage. La Grande-Bretagne devait lever tout obstacle à la
conclusion de cette entente. Aussi renonça-t-elle à se prévaloirdes disposi-91 SAHARAOCCIDENTAL(0P.IND. AMMOUN)
tions du traitéanglo-marocain de 1895. Et l'on entendit des responsables
britanniques nier la reconnaissance officiellede la limite du Maroc au cap

Bojador.
L'avis a ainsi fait état des déclarations d'unepartie au traitépour lui
attribuer unesignification laquelleletextene seprêtenullementf,auted'une
baseintrinsèquedéduitedestermesdelaconvention,significationquisemble
avoirsurgidu néant et,pour lemoins, d'unepure visionde l'esprit.Et,cequi
est plus grave,l'interprétationa étéfaitentra legem.Interprétation quiest
de nature à saper l'assisefondamentale des relations entre Etatàsavoir la
foi due aux traités.

L'Espagne avait d'ailleurs reconnu elle-mêmecette extension au cap
Bojador de l'autorité chérifiennedans les deux traités déjà mentionnés
d'Alcaçores et de Cintra. Néanmoins, dans le traité franco-espagnol du
3,octobre 1904,égalementsecret,lesdeux contractants seconcèdent mutuel-
lementdeszones d'influenceau Maroc. Ilsdevaienten garder lesecretcar,le
jour mêmede sa signature, ils publiaient une déclaration dont la teneur,

contraire auxdispositionsdu traité,étaitdestinéedissiperlesappréhensions
des marocains et qui affirmaitla détermination,contraireà leurs intentions
réelles,àgarantir l'intégritdu territoire marocain. Ce traité du3octobre
1904 encourait, en plusdesreprochesréitérécsontre letraitédu 8avril 1904,
celuiqu'entraîne lacontrariétéc,achéeau Maroc, entre letraitédu 3octobre
et la déclarationdu même jour.

L'avisa encoreécarté sansjustification suffisanteun textedans lequelilest
reconnu que le territoire du Maroc englobaitSakiet El Hamra. Il s'agitdes
lettresannexéesautraitédu 4novembre 1911entrela France et l'Allemagne.
Dans ceslettres ilest dit:

tL'Allemagne restera étrangère aux accords particuliers que la
France et l'Espagne croiront devoir faire entre ellesau sujet du Maroc,
étantconvenu que le Maroc comprend toute la partie de l'Afrique du

Nord s'étendantentre l'Algérie, l'Afrique occidentale française et la
colonieespagnole du Rio de Oro. »

C'estenvain quel'Espagneaessayédeprêter àl'expression(tRiode Oro »
le sens de Sahara occidental. Le Rio de Oro s'arrête ausud de Sakiet El92 SAHARA OCCIDENTAL (OP.[ND. AMMOUN)

Hamra,qui est reconnue par leslettreséchangéesfaire partie du territoire du
Maroc.
Ainsi qu'à propos du traité anglo-marocain de 1895,l'avis fait dire, aux

lettresfranco-allemandes, autre chose quece qu'ellesénoncent clairement. Il
leurattribue, par une pure vision de l'esprit,lebut de reconnaître simplement
des zones d'influence sur le territoire marocain, alors que ces lettresne font
pas lamoindre allusion àcettepratique mort-née d'un colonialismeexpirant.

Aux traités s'ajoutent des actes internationaux non moins probants. Ce
sont deux déclarations de portée internationale émanant l'une de l'Espagne,

l'autre de la France, qui reconnaissent toutes deux l'appartenancede Sakiet
El Hamra au Maroc.
Dès 1454,en effet, au temps où le Portugal était en compétition avec
l'Espagne, celle-ciaffirmaque la limite du Royaume du Maroc était situéeau
cap Blanc, englobant en conséquence Sakiet El Hamra.

L'avis n'a pas évoqué cette déclaration.L'eût-il énoncée,qu'il l'aurait
probablement attribuée au désir de l'Espagne de détourner les vues du
Portugal de ce territoire. Elle n'en est pas moinsdéterminante.

Ce point de vue était partagépar le Gouvernement français: en effet,dans
les Instructions nautiquespubliéesen 1849,ce dernier intitulait un para-

graphe ainsi:« Sur les côtes occidentales d'Afrique, depuis le cap Sparte1
jusqu'au cap Bojador (côtes du Maroc). » La référence aux côtesdu Maroc
est significative.

Aprèsavoir traitéde l'activitédiplomatique appuyant l'existencede liens
juridiques entre le Maroc et le Sahara occidental (Sakiet El Hamra), je passe
àl'étudedesmanifestations de ces liens par l'exercicedes pouvoirs législatif,
exécutifet spirituel.

Activité législative

Les sultans légiféraient pour Sakiet El Hamra comme pour le territoire
national au nord du Draa. Cette législation se manifestait par des dahirs
sultaniens.93 SAHARAOCCIDENTAL(OPI.ND.AMMOUN).

Elles'étendaiàl'activitééconomiquepar lecontrôledu commerceet dela
production et,en particulier, relativementa pêched, ont lemonopoleétait
généralement réservéauxnationaux, saufconcessionspéciale àdesétrangers;

elles'étendait aussil'administration desports, pour lesouvrir ou lesfermer
aux trafiquants étrangers,selonlesimpératifsde la politique nationale.

Lepouvoir législatifdu Sultan portait aussi sur les matièrespremièreset
fiscales par la détermination, l'imposition et la perception des taxes et
revenus.
Ainsi l'historien espagnol Huici rapporte dans sonHistoire politique de
l'Empirealmohade (p.193) que le sultan Abdelmoumen soumit à l'impôt le
SouselAksa,ou extrêmeSousq , ui chevauchesurla valléeSakiet El Hamra.

Le pouvoir exécutif

Les sultans l'exerçaient,comme en matièrelégislative,par des dahirs. Ils
nommaient ainsi et révoquaientlescaïdsà qui ilsconfiaientdesresponsabi-
litésgouvernementalesdans une région,sur un littoral, ousur un groupe de
tribus. Les caïdssont,selonlesensétymologiquedu terme,descommandants
militairescumulant desfonctions administratives.
Le choix du souverainpouvait seporter sur une personnalitéen raison de
son influencelocale ou de ses attaches familiales ou tribales. Ce n'est pas
direqueletitre decaïd était plutôt honorifiquecommeila étéprétendu. C'est
une pratique constante dans biens despays que de choisir, en l'absence d'un
pouvoir centralisé,desgouvernantsayant lesaptitudes et lesmoyensqui les

mettent àmême de s'imposeretd'accomplir leurmission.

Cesont lesdahirs du XIXe sièclequinous intéressenten premier lieu.

Parmicesdahirs présentés par leMaroc,cinq visentdesrégionsdu Sahara
occidental. Ce sont les dahirsos4, 5 et 8 qui nomment des caïds ayant
autoritésur les tribus des Tidrarine ou ouled Tidrarine du Sahara,dont les
parcours de nomadisation s'étendentàtout le Sahara occidental, d'aprèsles

cartes mauritaniennesnos2 et 3, et dépassent lecap Bojador; le dahir no4
préciténommeégalemen lt caïd ayant autoritésurleskna du Sahara, dont
leparcours de nomadisation s'étendàla partie nord du Sahara, ou Sakiet El
Hamra, d'aprèsla carteno 3.
Puis c'estune sériede caïdsà Sakiet El Hamra, qui ont étémentionné às
l'occasion des faits qui leur sont attribuésdans l'histoire du Sahara occi-
dental,soitqu'ilsaientétenposte àSakietElHamra mêmes,oitqu'ilsl'aient
gouvernée àpartirdu postequ'ilsoccupaientà l'intérieur. Etcelatout au long94 SAHARA OCCIDENTAL(0P. IND. AMMOUN)

des VIIIe,XIe,XIIeet XIVesiècles,telque rapportépar leshistoriensVernet,
Domenech, Huici, Secode Lucena,dont ilseraquestionaux pagessuivantes.

Les historiens

Cinq historiens, un Français, Vernet, et quatre Espagnols, Domenech
Lafuente, Seco de Lucena, Huici et Romeu, qui inspirent une grande
confiance quant aux faits qu'ilsrapportent à l'appui dela causemarocaine,
notamment en raison deleurnationalité, relatent desévénementq suiremon-
tent, avec Vernet,au VIIesiècle,concernant le Sahara occidental et sesliens

juridiques avecleMaroc.Certainsd'entre euxont déjàété mis à contribution,
et tous leseront selonlessujetstraités.
II sera égalementfait mention d'un géographede célébrité mondialeE ,l
Idrissi.

Vernetrelate à lapage 36desonouvrage Islamisationqu'aprèslaconquête
arabe du Maroc par Okba, en 681, Moussa ben Nosaïr (un chef libanais
converti àl'Islamet qui fut lecompagnon de Tarek ben Ziad au passagedu
détroit etàla conquêtede l'Espagne) envoya son filsMerouane à l'extrême

Sous. Et l'on sait que l'extrêmeSous, ou Sous el Aksa, se situe dans le
périmètrede Sakiet El Hamra.
Vernet rapporte aussi les faits suivants: en 740, le gouverneur (ou caïd)
marocain du nom d'Ismaïl ben Obeidetallah est nommé à Sakiet El Hamra
(P.48).
En 745,le petit neveu d'Okba arrive jusqu'à Ighliet creuse les premiers
puits du Sahara (p. 53),marquant par là manifestement l'occupation de ce
territoire.
Du VIIIeau XIesiècle,cetteoccupation a étérenforcép ear laconstruction
de routesà travers le Sahara (p. 138).
En 757,la villede Sijilmassaa eté fondée et son gouverneura étendu son

autoritésur le Sahara ,ibi,.).
En 761, le Sahara avait un gouverneur (ou caïd) marocain, du nom de
Mohamed Sonjaï, qui mena une campagne au Soudan (p. 55).
Depuis lors, poursuit Vernet, la dynastie des Idrissides n'a pas cesséde
gouverner le Sahara jusqu'à l'avènementdela dynastie suivante.
L'historien espagnol Domenech Lafuente, non moins illustreque Vernet,
confirme dans son livre Quelque chosesur le Rio de Oro les événements
rapportésparcedernier et en continue la relation.95 SAHARA OCCIDENTAL (OP.IND. AMMOUN)

Il mentionne que le sultan Abdallah ben Yassine a administré le Sud

jusqu'à sa mort en 1040(p. 19).
L'historien espagnol Huici poursuit l'énumération des faits attestant
l'autorité marocaine surle Sahara occidental.
C'estd'abord l'information figurant dans son Histoire politiquedel'Empire
almohadeselon laquellela capitale du Sous gouvernait tout le Sud (p. 65);il
mentionneensuiteque des soldats du désert ont répondu à l'appel du sultan

Abdelmoumen pour assiégerla ville ci'Iglis(p. 68).
Un autre historienespagnol, Seco de Lucena, dans son ouvrage Le Maroc
au débutdu XIV siècle(p. 94),raconte que lesultan Habib ben Othman, qui
a régné de 1331à1351,a fait de Sigilmassalacapitaledu territoire du Sahara.
On ne peut terminercetteénumerationdes faitsrapportéspar leshistoriens
attestant sansconteste l'extension de l'autorité marocaineàSakiet El Hamra

jusqu'au cap Bojador, sans mentionner l'appui décisifque leur donne le
géographeEl Idrissi.
El Idrissi, continuant la lignéede Marinos de Tyr, le fondateur de la
géographiemathématique basée surle calcul des longitudes et des latitudes,
précurseur du grand Ptolémée,a étéle géographe le plus illustre dans le

monde arabe et l'Europe du Moyen Age. Sa scienceétait le sujet de la plus
grandeconsidérationdes roisnormands de Sicile,dans leroyaume desquels il
écrivit,en 1154, un grand ouvrage décrivant la géographie de l'Afrique du
Nord, le Nouzhatal Mouchtak.Partant de considérationsrigoureuses, ilsitue
le Sahara occidental àl'intérieur desconfins du Maroc.

Les routes

L'Espagne a prétendu, pour démontrer que le Sahara occidental se
distinguaitdu Marocet n'avait pas de liensavec lui, quecette Puissance n'ya
laisséaucune construction de type architectural marocain. C'est oublier que
l'architecturetypiquemarocaine estpropre aux citéset n'a nulle part laisséde
vestigesdans le désert.

En revanche, le Maroc a construit au Sahara occidental des routes le
traversant de part en part, du nord au sud. Deux routes principales ont été
notamment mentionnées:la route de Lemtouna et celle de Jouder. Préten-
drait-on qu'ellesont étéconstruitespar les tribus bédouines? A propos de la
route Lemtouna, il n'ya nul besoin de citer les historiens qui en parlent car

depuissaconstruction, ilya neuf centsans, elleestencorepraticable. En 1678
le sultan Moulay Rachid emprunta cette route dans deux de sesexpéditions
au-delàdu Sahara occidental(Domenech, op.cit.,p. 30).
La route Jouder a été construiteplus tard, au temps du sultan Ahmed el
Mansour, àl'occasion de son expédition au Soudan.96 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. AMMOUN)

On peut conclure en définitivede cequi précèdeque lestrois dynasties des
Idrissides,des Almoravides et des Almohades ont étendusans discontinuité
leur autorité sur au moins le nord du Sahara, à Sakiet El Hamra.

Les expéditions militaires

L'autorité dessultans sur le Sahara occidental, reconnue par la com-
munauté internationale destemps passés,ne pouvait manquerde semanifes-
ter par une présencede forces armées.

Les expéditions dessultans étaientde deux sortes: les unes avaient pour
objectif le contrôle du Sahara occidental, et plus précisémentde la Sakiet El
Hamra. Lesexpéditionsde 1882et de 1886en sont des exemples. Les autres
empruntaient le Sahara occidental pour se rendre dans les pays du sud,
jusqu'au fleuveNiger et Tombouctou.
Dans son ouvrage Avec les roisAlaouites (p.39, Odette de Puigaudeau
constate que «les interventions chérifiennes perdirent leur caractère de

conquêtepour ne conserver que celui de tournées d'inspection etde pres-
tigeP.
C'est lemoment considérépar l'aviscomme étantcelui de la colonisation
espagnole.
Lesdocuments du temps démontrentqu'ily a accord entre l'histoireet les
rapports des diplomates. Ainsi le consul de France à Mogador, dans son

rapport du 7juin 1886au ministre de France àTanger, écrit:
« L'expédition du Sultan Mouley Hassan dans le Sous peut être
considérée comme entièrement terminée. Cen'a été qu'une marche
triomphale. Toutes les tribus se sont soumises et lui ont juréfidélitéI.I

n'est pas jusqu'aux nomades du Sahara qui n'aient tenu à lui apporter
des méhariset lui offrir leur concours pour la guerre sain»e(Docu-
ments présentéspar le Royaume du Maroc, ann. 115.)

Il faut souligner, àpropos de ce rapport, lespassages relatifs aux serments
de fidélitdes tribus et le concours que les tribus du Sahara ont proposé au
Sultan en vue de la guerre sainte. J'y reviendrai propos de la solidarité
religieuseentreSahraoui et Marocains.
A soulignerégalementque, silesforcesdu Sultan en 1882et 1886n'ont pas
étkjusqu9enplein Sahara, c'estparce que Sakiet El Hamra, seule, relevait du

Marocet qu'ils'agissait,comme ila étérappeléd,e tournéesd'inspectionetde
prestige.
*
* *

Les autres expéditions empruntaient le territoire saharien comme lieu de
passage vers le Soudan (ou Mali), Tombouctou et le Niger.97 SAHARA OCCIDENTAL(OPI.ND. AMMOUN)

Ces expéditions passaient par le Sahara occidental sans encombre, les
arméesquilesentreprenaient étantchez elles. Parfois des élémentssahariens

se joignaient aux forces marocaines et, de toute façon, celles-ci trouvaient
auprèsdes Sahariens toute l'aide dont ellesavaient besoin en cours de route.
Des Sahariens sejoignaient mêmeaux troupes du Sultan pour combattre
avec elles. C'est ainsi que le sultan Abdelmoumen s'est fait aider, au siège
d'Iglis, de troupes originaires du sud de l'Atlaset du désert (Huici,p. 68).

C'est dans les écrits des historiens dignes de confiance qu'il faut chercher
les renseignements au sujet de ces expéditions.
On lit dans Vernet qu'en 707 Moussa ben Nosaïr, ce Libanais converti à

l'Islam, lecompagnon de Tarek ben Ziad au passage historique du détroitde
Gibraltar qui porte le nom de ce dernier, ainsi que dans la conquêtede
l'Espagne, envoya son fils Merouane à l'extrême Sousou Sakiet El Hamra
(op. cit.,p. 36).
En 721, toujours d'après Vernet, un neveu d'Okba, le conquérant du

Maroc, poussa jusqu'au Soudan (p. 71).
Il ajoute que le gourverneur (ou caïd) marocain du Sahara, Mohamed
Sonjaï,ainsi que lecaïd Moussaben AlielAfia,ysont allés,lepremier en 701,
le second en 1032,en passant par le Sahara (op. cit.,p. 55et 216 à218).

Domenech Lafuente raconte à son tour qu'en 1584et 1589 Ahmed el
Mansour el Assadi entreprit deuxexpéditionsau Soudan (op.cit.,p. 28et 30).
En 1618, Moulay Zidane envoya une expédition à travers le Sahara
atteignant Tombouctou.
En 1665, Moulay Rachid, de la dynastie alaouite régnante, dirigea une
expéditionvers le Soudan (op. cit.,p. 33).

En 1678, il dirigea deux expéditions par la route Lemtouna vers le sud
(ibid.).
Entre 1734 et 1736, Moulay Abdallah organisa une expédition vers le
Soudan (ibid.).
En 1730,Moulay Abdallah dirigea une première expédition vers le Séné-

gal, qui passa par Massa, Wady Noun et Sakiet El Hamra, et une seconde
entre 1734et 1736,au Soudan (ibid.).
Entre 1802et 1809,Moulay Slimane dépêcha deux expéditions vers le sud
(ibid.).

Les Sahraoui, au surplus, sollicitaient eux-mêmesl'assistance des sultans
pour repousser les attaques des forces étrangères, nommémentcelles de
l'Espagne et de la France.98 SAHARA OCCIDENTAL(OP.[ND. AMMOUN)

Dans son ouvrage précité, page 33, Domenech écritque les Maures se
considéraient à tel point liésau sultan du Maroc que, lorsque les troupes
françaises arrivèrent aux limites de la Mauritanie et du Hodh, les troupes
menacéesdemandèrent secours et assistance à Moulay Abdel Aziz,le roi du
Maroc, qui a revendiquéces régions comme relevant de sa souveraineté.Le
Sultan qui lui succédaa envoyé son propre oncle Moulay Idriss avec des

armeset desmunitions pour soutenir laguerre saintecontre lesFrançais qu'il
a assiégésà Tidjikja.

Les liens religieux

Le sentiment religieux n'exclutpas lasolidaritéethnique ou nationaleentre
Sahraoui et Marocains. Il la consolide plutôt.
Ce lien a été négligépar l'avis. Pourtant il n'est pas douteux que le lien
religieux estun des élémentsconstitutifs des liensjuridiques etde laationa-

,lité,s'ajoutant aux liens ethniques, sociaux, culturels, économiques et aux
aspirations nationales, pour les cimenter. Et cela d'autant plus que le Sultan
cumulaitlespouvoirs temporel etspirituel, nommant lescadisqui appliquent
le droit musulman. Les exemples modernes attestant la force des liens
religieux abondent: l'Irlande, le Pakistan, le Bangladesh, les Etats dont les
constitutions déterminent la religion du chef de I'Etat ou instituent une

religiond'Etat.
Le lien religieux est donc un élémentconstitutifdu lienjuridique.
~onobstant les allégations espagnoles, la documentation déjà signalée
démontrequelelien religieuxentreSahraoui et Marocains s'exprimaitjusque
par le recours àla guerre sainte. Et cela quoique la guerre sainte illustréepar

l'espritde croisade puis par la grande épopéede Saladin, l'un et l'autre ayant
en vue leslieuxsaints delachrétientéou de l'Islam,ait perdu beaucoup deson
ardeur et de son efficacité.Témoin l'attitudedes Puissances tant chrétiennes
que musulmanes restéessourdes à l'appel pour la délivrance deslieux saints
de Jérusalem.
L'espritde la guerre sainte s'estnéanmoinsmieux conservéauMaroc et au

Sahara occidental, faceaux Puissancescolonialisteschrétiennes. Je renvoie à
l'historien Domenech (supra,p. 94 et suiv.)et au rapport du consul deFrance
àMogador (supra.p. 96).
Pour attester l'existence du lien religieux entre les Sahraoui et les Maro-
cains, il faut citer en particulier Paul Cambon, l'ambassadeur de France à
Madrid, qui rapporte les propos suivants à son ministre des affaires étran-

gères:

Il a toujours été reconnuque la souverainetéterritoriale du Sultan
s'étendaussi loin que sa suzerainetéreligieuse et, comme il est hors de
doute que les populations du cap Juby lui sont soumises au point de 99 SAHARAOCCIDENTAL(OPI.ND. AMMOUN)

vue religieux, nous pourrions considérer sa souveraineté comme indis-
cutable.» (Documents diplomatiques français, 1871-1914, Ire série,
tome VIII.)

Rappelons enfin que l'islamisation des Etats de l'Afrique occidentale (le
Mali, le Ghana, le Nigéria, le Sénégale ,tc.) a été lacontinuation de cette
conquêtearabe dont le point de départ ou le passage étaitgénéralement la

province détachéepar la colonisation sous la dénomination de Sahara
espagnol. Les Royaumes du Mali et du Ghana en ont été consolidés eo tnt
subsistéforts et prospères jusqu'à la conquête européenne, laquelle ena
sapéles fondements par le partage de l'Afrique et sa colonisation et par la
traite massive vers les deux Amériques,dont l'ampleur n'eut pas de précé-
dent depuis l'Antiquité gréco-romaine etdont les vestiges subsistent dans'
l'apartheid en Afrique du Sud et dans la ségrégationet la discrimination

raciale là et ailleurs.

L'avistraite du droit à l'autodétermination dans ses paragraphe54 à 59.

Ce dernier paragraphe se termine par l'énumérationde certaines hypo-
thèses oùla consultation, par application du principe d'autodétermination,
n'a pas étéexigéepar l'Assembléegénérale.Ces hypothèses sont trèsnom-
breuses.
II est certes assez généralpuisqu'il prévoit infine «la conviction qu'une
consultation eût étésans nécessitéaucune, en raison de circonstances spé-

cialesB.
Néanmoins, il me semble qu'il y a une hypothèse qui mérite d'être
mentionnée spécifiquement:c'est lalutte légitimeen vuede la libérationde la
domination étrangère.
L'Assembléegénéralea affirméla légitimitéde cette lutte dans au moins
quatre résolutions,quisont lesrésolutions2372 (XXII), 2403 (XXIII),2498 et
2517 (XXIV), dont l'ensemble constitue déjà une coutume. Et le Conseil de

sécuritédans sa résolution269(1, ,) l'a affirméeàson tour.
Cette reconnaissance par les Nations Unies de la légitimitéde cette lutte
rentre dans lecadre de l'évolutiondu droit affirméepar la Cour dans son avis
consultatif sur la Namibie(C.1.J. Recueil1971,p.31).Et la Cour précise que:
adans ce domaine, comme dans les autres, le corpus juris gentium s'est
beaucoup enrichi et, pour pouvoir s'acquitter fidèlementde ses~fonctions,la

Cour ne peut l'ignorer» (ibid.).
J'ai soutenu cepoint de vueàl'occasion de l'avisconsultatif surla Namibie
en 1971. Je n'ai pas étésuivi.Je reviens à la charge etj'aurais souhaitéque la100 SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND.AMMOUN)

dernièrephrase du paragraphe 59soitcomplétée dans lestermes suivants:«et
'notamment la lutte légitimepour la libérationde la domination étrangère ».

Rien ne saurait manifester davantage la volontéd'émancipation que la

lutte entreprise en commun avec les risques et les immenses sacrificesqu'elle
comporte. Cette lutte est plus décisiveque le référendum,étantabsolument
sincèreetauthentique. Etnombreux sont lespeuplesqui yont eurecours pour
fairetriompher leur droit. Et, faut-il le répét,'estcettelutte millénairequi
a fondéle droit des peuples à disposer de leur sort et que les légistes, les
hommes d'Etat, les constitutions et les déclarations, la Charte des Nations

Unies n'ont fait que reconnaître et proclamer solennellement.

En têtede ligne viennent l'Algérieet le Maroc.

L'Algériequi, aprèsavoir héroïquementrésisté àla conquête,a été annexée
purement et simplement; l'Algériequi a sacrifiéun millionde sesenfants pour
reconquérirsa liberté.
Quant au Maroc, il a combattu pendant des sièclespour maintenir son
indépendanceet l'intégrité de son territoire face àune coalition despuissants

dujour. Et quand I'Etat a dû céderàdesforcessupérieures,lepeuple, selon le
terme heureux du professeur Dupuy, a pris la relèvede I'Etat, poursuivant le
combat sur tous lesfronts jusqu'à lavictoire finalequi manifesta, mieux que
tout référendum,la volontéirrésistiblede la nation.
En remontant l'histoire,on peut mentionner la libérationsans référendum,
par une lutte Iégitime,de nombreux pays.

Lalutte sepoursuit encore inlassablement pourla libérationdes peuples de
la Namibie et la Palestine arabe.

Parmi les motifs sur lesquels l'Espagne se base pour convaincre la Cour
qu'elledoit refuser de répondreà la demande d'avisde l'Assembléegénérale,
elle mentionne le fait que l'Assemblée adéjà décidé qu'il soit procédéà un
référendum,et qu'elle ne peut revenir sur cette décision qui la lie; l'avis
n'aurait, dans ces circonstances, qu'une portée académique.

Cet argument a été àbon droit rejetépar la Cour.
Mais pourquoi l'Espagne s'est-elletellement attachéeau référendum ? 101 SAHARA OCCIDENTAL (OP.IND.AMMOUN)

On en peut trouver l'explication dans le mémorandum du ministre des
affairesétrangèresd'Espagneàl'ambassadeur du Maroc àMadrid endate du

5avril 1957, qui détermine les modalités devant être adoptéespour que
l'Espagne évacuele territoire et que le mémorandum énoncedans lestermes
suivants:

4. La reconnaissance en faveur de l'Espagne, en considération de
l'Œuvre qu'ellea réalisée, etsous une forme à convenir, de privilèges
spéciaux, ainsi que la concession d'un droit préférentielen relation à
d'autres pays, en ce qui concerne le développement économiqueet
l'exploitation en commun dudit territoire.» (Audience du lerjuillet

1975.)

On peut revoirci-haut lesmentions quej'ai faites de certainesdesluttes que
les Sahraoui ont entreprises en commun avec les Marocains pour repousser

les troupes espagnoles et françaises (supra, p. 97). Cette lutte commune
démontreleur détermination à réintégrer la mèrepatrie (ibid.).

L'allégeanceau Sultan et le dispositif

Tout en ayant convenu avec la Cour que le Sahara occidental a des liens

juridiques avec le Royaume du Maroc et l'ensemble mauritanien, je conteste
que ces liens ne constituaient pour le Maroc rien de plus qu'une allégeance
entre le sultan du Maroc et certaines des tribus nomades vivant sur le
territoire du Sahara occidental.
L'allégeanceau Sultan n'estqu'un des élémentsdes liensjuridiques.
Ces liensétaientde caractère étatiqueou politique comme la Cour l'a dit.

En examinant de près le texte du paragraphe 162 auquel renvoie le
dispositif, on constate au surplus ce qui suit:
1. Cetexteignore totalement la notion deterritoire en disant que leMaroc
avait des liensjuridiques avec certaines populations.
Ces populations ne vivaient pas entre ciel et terre.

Leterritoire de Sakiet El Hamra qu'ellesonttoujourshabité et parcouru en
tous sens,exploitant sesressourcesagricoles(palmeraies, pâturages, cultures
saisonnières, points d'eau, etc.) et ses ressources économiques (voies de
communication, transit commercial), ce territoire n'est-il pas le leur?

L'Espagnes'estbien baséesur desaccords avecdescheiks pourétendreson

protectorat sur le territoire qu'ils habitent.
2. D'autre part, il faut se reporter à la question poséepar l'Assemblée
générale pourlui donner la réponse adéquate,or la question II est ainsi
libellée:«Quelsétaientlesliensjuridiques de ce territoireavec leRoyaumedu
Maroc et l'ensemble mauritanien ?»102 SAHARA OCCIDENTAL (OP.IND.AMMOUN)

Les liens que l'Assembléegénéraledemande de déterminersont les liens
juridiques du territoire, lequel (dans l'intention manifeste de l'Assemblée
générale) inclutla population, et non pas uniquement les liens avec cette
population.
3. La réponsetelle qu'elleest libelléedans le dispositif, avec le renvoi aux
motifs tels qu'ilss'énoncent,comporteune contradiction interne.

Car il y est fait mention du territoirdu Sahara, mais tout de suite on
explique par ledit renvoi que c'estdes tribus qu'il s'agit.
En somme, les développements que j'ai exposéstout au long de mon
opinion établissentqu'ilexistedesliensjuridiques decatactèrepolitique entre
le territoire du Sahara occidental et le Royaume du Maroc. Je souligne: le

territoire avec la population qui s'ytrouve.
De toute façon, l'allégeanceau Sultan équivalaità l'allégeanceà I'Etat,
comme il a étéprécédemmen etxposé.
En ce qui concerne l'ensemble mauritanien, les liens ethniques, sociaux,
culturels, économiques,religieux que l'avisa relevésconstituent leséléments

des liens politiques entre le Sahara occidental et l'ensemblemauritanien.

(Signé) Fouad AMMOUN.

Bilingual Content

Tout en souscrivant à l'avis auquel la Cour est arrivée,je me vois tenu de

traiter dans ma présente opinion de certaines questions qu'elle n'a pas
abordées, et decertaines autres qui exigent de plus amples développements,
ou qui ont reçu une solution ou un traitement auxquels je ne puis me rallier.

La Cour a considéré avec raisonque des liens juridiques existaient, au
moment de la colonisation espagnole, entre le Maroc et le Sahara occidental.
Mais c'est sans raisons suffisamment convaincantes qu'elle minimise la
nature de ces liens en soutenant qu'ils consistaient en une allégeancede la
population saharienne au sultan du Maroc. Allégeance politique au Sultan

disent oppurtunément les paragraphes 95,107,129.
Jedévelopperai longuement les objections que soulèvecette thèse.Pour le
moment je voudrais préciserla notion d'allégeanceau souverain marocain
pour en déterminer la portée exacte.

En elle-même,l'allégeance au souverain est de caractère politique et

constitutionnel, comme dans certains pays qui étaient soumisàune féodalité
militaire. Au surplus, au temps de la colonisation espagnole, c'est-à-dire vers
la findu XIXe siècle,leSultan réunissaiten sa personne lespouvoirs législatif
et exécutif, auxquels s'ajoutait le pouvoir spirituel. Il les exerçait par des
dahirs. Ces dahirs étaientdélivrésf,ait significatif,sous la seulesignature du
Sultan.

N'est-cepas à dire que le Sultan en ce temps-là personnifiait 1'Etatdont il
exerçait tous les pouvoirs ? Aussi l'allégeance ay Sultan, ou souverain,
équivalait-elleàl'allégeanceà1'Etat.Et c'estreconnaître en conséquenceque
lesliensjuridiques du Maroc avec le Sahara occidental reconnus parla Cour
se traduisent par des liens politiques,voire des liens de souveraineté.

Cependant nous devons nous rendre compte que ces liens, qui sont de

caractèrepolitique,doivent êtreconsidéréscommetels directement et sans le
détourempruntépar l'avis, celuide l'allégeanceau Sultan. SEPARATE OPINION OF VICE-PRESIDENT AMMOUN

[Translation]

While subscribing to the Opinion arrived at by the Court, 1feel obliged to
deal in thisopinion with certain questions to which theCourt did not address
itself, and with certain others that need to be developed at greater length, or
which received a solution or treatment that 1am unable to agree with.

The Court has rightly held that legal tiesexisted,at thetime of colonization
by Spain, between Morocco and Western Sahara.
Without sufficientlyconvincing reasons, however, it minimizes the nature

of those ties by maintaining that they consisted in an allegiance of the
Saharan population to the Sultan of Morocco. Paragraphs 95,107and 129
quite properly speak of "political" allegiance to the Sultan.
1shall develop the objections to this thesis at length. For the moment, 1
should liketo definethe notion of allegiance to the Moroccan sovereign more
precisely inorder to determine its exact bearing.

In itself, allegiance to the sovereign is of a political and constitutional
character, as.incertain countries that weresubject to a militaryfeudal system.
Furthermore, at the time of colonization by Spain,that is to say towards the
end of the nineteenth century, the Sultan combined in his person the
legislativeand executive powers, to which was added the spiritual power. He

exercised those powers by means of dahirs, which wereissued-a significant
fact - under his solesignature.
Does this not mean that the Sultan at that time personified the State, al1of
whose powers he exercised?Therefore allegiance to the Sultan, or sovereign,
was equivalent to allegianceto the State.This entails acknowledging that the
legal ties between Morocco and Western Sahara recognized by the Court

took the form of political ties, indeed ties of sovereignty.

Wemust, however, realize that these ties, whichare of a political character,
are to be considered as such directly and not in the round about way adopted
in the Advisory Opinion, viaallegiance to the Sultan.84 SAHARAOCCIDENTAL(0P. IND.AMMOUN)

Cela résulte,sur le plan international, desactes internation-uxtraitéset
déclarationsunilatérales desgouvernementsétrangers - et, dans ledomaine
interne, des actes de l'autorité marocaine.

IIfaut débarrassertout d'abord leterrain de la discussion de la thèseselon
laquellele Sahara occidental n'étaitpas terraulliu ns, pasparce qu'ilavait
des liensjuridiques avec le Maroc et la Mauritanie, mais parce que lestribus

y habitant étaient politiquement organiséeset ont signédes accords avec
l'Espagne (accords d'Idjil).
Je ne m'arrêtepas à la discussion de la valeurjuridique de ces accords qui
ont étésignéspar des particuliers non munis, antérieurement à la signature,
de pouvoirs délivréspar 1'Etatespagnol.
A les supposer juridiquement valables, on ne pouvait en conclure que le

Sahara occidental, étant maître de ses destinées, n'avaitpas de liens juri-
diques avec le Maroc et la Mauritanie. Car la facultéde signer des accords
n'est pas incompatibleavec l'existenced'une autoritésuperposée àl'autorité
locale.
En tout cas, si le Sahara occidental s'est trouvécoupéde tout pouvoir
politique extérieur,il semblebien que cela soit l'effetde la colonisation.

Telleaétégénéralemelnatpolitique du colonialisme: ellea laissédépérirles
langues, les littératures et les civilisations locales ou régionales, dont la
civilisation arabe dans les pays du Maghreb, aux sources philosophiques et
scientifiquesde laquelle a puisél'Europe du Moyen Agejusqu'aux débutsde
la Renaissance.
Dans une seconde étape, lescolonisateurs ont Œuvréen vue de gagner les

peuples colonisésà leur propre civilisation pour se lesmieux attacher.
Dans le Sahaia occidental, cette politique envahissante n'a cependant pas
supprimétous liensaveclesautres Arabes. Desrapports ont subsistédepuisla
conquêtemusulmaneet sous lesdynasties maghrébinessuccessives jusqu'a la
dynastie alaouite régnante.
Si telle est bien l'explication de l'origine d'une certaine vie aufonome des
populations tribales du Sahara occidental, on peut penser de mêmeque les

tendances séparatistesactuelles que signale leconseil de l'Espagne (audience
du 22 juillet 1975,matin), àsavoir ledocument envoyépar la djemaa au chef
de I'Etat espagnol le 23 mars 1973 et les déclarations faites par certains
groupes locaux sont, elles aussi, le résultatd'une présenceétrangère.Nous
verrons au surplus (infrpa.,101)pourquoi l'Espagne tient tellement au réfé-
rendum.

M. Benjelloun, procureur générad l e la Cour suprêmedu Maroc et bien au
fait de la géographieet de l'histoire de son pays, a réfutéladite thèsedans un
savant exposé; ila fait justice de l'argumentation tendant ànier les rapports
nautrels et humains et, en définitive,les liensjuridiques qui font de la partie
nord du Sahara occidental un territoire relevant de'Empire du Maroc. Et le WESTERN SAHARA (SEPO. PAMMOUN) 84

This follows, on the international level, from international instru-
ments-treaties and unilateral declarations of foreign governments

-and internally, from acts of Moroccan authority.

It is firstnecessary to clear the ground by disposing of thesis according

to which Western Sahara was not terra nullius,not because it had legal ties
with Morocco and Mauritania, but because the tribes inhabiting it were
politically organized and signed agreements with Spain (the 'Ijil
Agreements).
1shall not pause to discuss the legal vaiidity of those Agreements, which

were signed by private persons who had not been invested prior to the act of
signature with powers conferred by the Spanish State.
Evensupposing them to be legallyvalid, onecouldnot conclude from them
that Western Sahara, being the master of its own destiny, had no legal ties
with Morocco and Mauritania. For the capacity to sign agreements is not
incompatible with the existence of an authority superimposed on the local

authority.
In any case, if Western Sahara found itself cut off from any external
political power, this would certainly seem to be the effect of colonization.
This was generally the policy of colonialism: it let the local and regional
languages, literature and civilizations fall into decay, including the Arab

civilization of the countries of the Maghreb, upon whose philosophical and
scientific sources Europe drew from the Middle Ages up until the beginning
of the Renaissance.
In a second stage,the colonizerssought to win over the colonized peoples
to their own civilization, inrder to bind them more closely to themselves.
In Western Sahara, this policy of encroachmentdid not, however,suppress

al1ties with the other Arabs. Relations continued to exist from the Muslim
conquest onwards and under the successive Maghreb dynasties up until the
reigning 'Alaweetdynasty.
If this isindeed theexplanationfor the origin of a certain autonomous way
of life on the part of the tribal populations in Western Sahara, one can

similarly suppose that the present separatist tendenciespointed to by counsel
for Spain (hearing of 22 July 1975,morning), namely the document sent by
the Jum'a to the Head of the Spanish State on 23 March 1973, and the
statements made by various local groups, are also the result of a foreign
presence. We shall see, moreover (infra,p. 101),why Spain is so keen on a
referendum.

Mr. Benjelloun, Procureurgénérao lf the Supreme Court of Morocco, who
iswellacquainted with the geography and history of hiscountry, refuted this
argument in a learned address; hedisposed of theargument which denies the
natural and human relationships and, in fact, the legal ties whichmake the
northern part of Western Sahara a territory forming part of the Empire of85 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND.AMMOUN)

procureur générad l e conclure, à bon escient, que, entre les Sahraouiet leurs

compatriotes marocains, existe ce qui fait d'eux une mêmenation,à savoir:

« lepassécommun qu'ilsont forgé,lesluttes menéesde concert, lemême

idéalpartagé,une culture bâtie sur un effort concertéet une volonté
permanente, une détermination réelleà vivre ensemble » (audience du
30juin 1975).

La thèseespagnole serait en somme contredite, du point de vue du Maroc,
par un faisceau de preuves basésur des actes diplomatiques, des considéra-
tions ethniques, desmŒurscommunes, une mêmeviesocialeetculturelle, une
langue unique, une religion et des pratiques religieusescommunes, des luttes
en commun,la soumission àl'autoritédessultans marocains, enfin et surtout

les.aspirations communes qui ont constitué, en somme, les liens unissant
juridiquement lesélémentsd'une mêm neation.

M. Bayona-ba-Meya, premier président de la Cour suprêmedu Zaïre, et
M. Mohammed Bedjaoui, ambassadeur d'Algérie à Paris, représentants

respectifs de la Républiquedu Zaïre et de la Républiquealgériennedémo-
cratique et populaire, ont exprimétous deux,à propos de la notion de terra
nullius,des vues pénétrantes quiforcent l'attention.

Quiconque estfamilieravec la philosophie deZénonde Sidon eu deCitium
etde son écoledu Portique ne peut manquer d'êtrefrappépar la similitudedes
idéesde ce philosophe et des vues de M. Bayona-ba-Meya quant aux liens

entre l'êtrehumain et la nature, entre l'homme et le cosmos. En outre, la
spiritualitéde la penséedu représentantdu Zaïrefaitéchoàla spiritualitédes
Africains bantous que nous livre dans son ouvrage intitulé Philosophie
bantouele pèrePlacideTempels,franciscain belge.Celui-ciyvoitune «analo-
giesaisissante »avec «cette doctrine spirituelleintensequi anime et alimente
lesâmes au sein de I'EglisecatholiquB.

M. Bayona-ba-Meya en vient à rejeter la notion matérialistede la terra
nullius,notion qui a abouti, à la suite de la Conférencede Berlin de 1885,au
dépeçagede l'Afrique. M. Bayona-ba-Meya y substitue un conceptspiritua-
liste:lelienancestral entre laterre, ou lanature»,et l'homme quien est WESTERNSAHARA (SEP. OP.AMMOUN) 85

Morocco. The Procureurgénéra cloncluded, very rightly, that, between the
Sahrawi and their Moroccan compatriots there existed something which
made of them one and the same nation, namely:

"...the shared past which they have wrought, the struggles carried out
sideby side, the same shared ideal, a culture based on a concerted effort
and lasting will, a real determination to live togethe..." (hearing of
30 June 1975).

Thus from the point of view of Morocco, the Spanish argument is
contradicted by a body of evidencebased on diplomatic instruments, ethnic
considerations, common customs, one and the same social and cultural life,a

single language, common religion and religious practices, struggles carried
out sideby side,submission to theauthority of Moroccan Sultans, and finally
and above al1the common aspirations which have ultimately constituted the
ties which as amatter of lawlink together the elementsof one and the same
nation.

Mr. Bayona-Ba-Meya, Senior President of the Supreme Court of Zaire,
and Mr. Mohammed Bedjaoui, Algerian Ambassador in Paris, repre-

sentatives respectively of the Republic of Zaire and the Democratic and
Popular Republicof Algeria,both expressed penetrating viewswhichcompel
our attention with regard to the concept ofterra nullius.

Anyone familiar with the philosophy of Zeno of Sidon or Citium and his
Stoic school cannot butbe struckby the similarity between the ideas of that
philosopher and the views of Mr. Bayona-Ba-Meya as to the links between
human beings and nature, between man and the cosmos. Further, the
spirituality of the thinking of the representative of Zaire echoes the

spirituality of the African Bantu revealed to us by Father Placide Tempels, a
Belgian Franciscan, in hiswork Philosophiebantoue. The author seestherein
a "striking analogy" with "that intensespiritual doctrine which quickens and
nourishes souls within the Catholic Church".
Mr. Bayona-Ba-Meya goes on to dismiss the materialistic concept terra
nullius,which led to this dismemberment of Africa following the Berlin
Conference of 1885. Mr. Bayona-Ba-Meya substitutes for this a spiritual

notion: the ancestral tie between the land, or "mother nature", and the man 86 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND.AMMOUN)

issu, qui y reste attaché, et qui doit y retourner un jour pour s'unir à ses
ascendants. Celienfonde lapropriétédusolou,mieuxencore,lasouveraineté.
Ce qui revient à nier la notion mêmede terra nullius au sens d'une terre

susceptible d'appropriation par quelqu'un qui n'en est pas issu. C'est la
condamnation de lanotion,moderne, définiepar Pasquale Fiore, considérant
terra nullius lesterritoires habitéspar des populations dont la civilisation, au
sens du droit public de l'Europe, est peu avancée et dont l'organisation
politique n'estpasconçue selon lesnormes occidentales.

On peut aller encore plus loin dans l'analyse de l'exposédu représentant
zaïrois pourdire que celui-ciexclut de la notion de terra nulliustout territoire
habité. Il rejoint ainsi Vattel, qui a définila terra nullius une terre vide
d'habitants.
C'estla réponsequ'on peut faire aux congressistesde Berlin en1885qui ont
considéré,au cours de la flambéecolonialiste du XIXe siècleet pour en

assurer le succèsen éliminantles compétitions,que l'Afrique subsaharienne
est une immense terra nullius qui revient au premier occupant, alors que ce
continent est habité depuis les temps préhistoriques, que des royaumes
florissants y ont étéconstitués - le Ghana, le Mali, le Bournou - dont la
civilisation a survécujusqu'à l'époquecoloniale et n'a succombéque sous les
coups de la colonisation et de la traite (C.I.J. Recueil 1971, p. 86, opinion
individuelle). Et c'estdans lapartie méridionalede ce continent et au Kenya

que les ethnologues ont découvertles restes des premiers hominiens.

Quant àM. Mohammed Bedjaoui, il distingue, avecune science consom-
mée,dans un hardi survol de l'histoire, depuis l'Antiquité jusqu'auxTemps
modernes, trois grandes époques:

1) L'Antiquitéromaine, où est nulliustout territoire qui n'est pas romain.
2) L'époquedes grandes découvertes des XVIe et XVIIe siècles, durant
laquelle est nullius tout territoire qui n'appartient pas à un souverain
chrétien.
3) LeXIXesiècle,au cours duquel est nulliustout territoire qui n'appartient

pas àun Etatdit civilisé.
C'est,en somme,lacondamnation de lanotion de terra nulliusdans tous les

temps, jusqu'à l'oréedu XXesiècle,pour justifier la conquêteet la colonisa-
tion. On sait qu'au XVIe siècleFrançois de Vittoria s'étaitélevécontre la
notion de resnulliusappliquéeaux Indiens de l'Amériquepour lesdéposséder
de leurs terres.
Cette conception de l'éminentjuriste et canoniste espagnol, reprise par
Vattel au XIXesiècle, n'eutguèred'échoau congrèsde Berlin en 1885.C'est

pourtant celle qui mérite d'être actuellementretenue. L'avis, après avoir WESTERNSAHARA (SEP.OP.AMMOUN) 86

who was born therefrom, remains attached thereto, and must one day return
thither to be united with hisancestors. This link is the basis of the ownership

of the soil, or better, of sovereignty. This amounts to a denial of the very
concept of terra nulliusin the sense of a land which is capable of being
appropriated by someone who isnot born therefrom. It isa condemnation of
the modern concept, as defined by Pasquale Fiore, which regards as terrae
nulliusterritories inhabited by populations whosecivilization, in the senseof
the public law of Europe, is backward, and whose political organization is

not conceived according to Western norms.
One might go still further in analysing the statement of the representative
of Zaire so as toSaythat he would exclude from the concept of terra nullius
any inhabited territory. His viewthus agrees with that of Vattel, who defined
terra nulliusas a land empty of inhabitants.
This is the reply which may be given to the participants in the Berlin

Conference of 1885, who, during the fierce blaze of nineteenth-century
colonialism, the success of which they sought to ensure by eliminating
competition, regarded sub-Saharan Africa as an immense terra nullius
available for the first occupier, whereas that continent had been inhabited
since prehistoric times, and flourishing kingdoms had there been
established - Ghana, Mali, Bornu - whose civilization survived until the
colonial period, and only succumbed to the wounds inflicted by colonization

and theslave trade (I.C.J.Reports 1971,p. 86,separate opinion). It wasin the
southern part of this continent andin Kenya that the ethnologistsdiscovered
the remains of the first hominoids.

Asfor Mr. Mohammed Bedjaoui, in a bold surveyof historyfrom antiquity
up to modern times, he distinguishes, with consummate skill, three major
epochs:

(1) Roman antiquity, when any territory which wasnot Roman was nullius.
(2) The epoch of the great discoveries of the sixteenth and seventeenth
centgries, during which any territory not belonging to a Christian
sovereign was nullius.
(3) The nineteenth century, during which any territory which did not belong

to a so-called civilized State was nullius.
In short, the concept of terra nullius,employed at al1periods, to the brink
of the twentieth century, to justify conquest and colonization, stands

condemned. It is well known that in the sixteenth century Francisco de
Vittoriaprotested againsttheapplication to the American Indians, in order to
deprive them of their lands, of the concept of res nullius.
This approach by the eminent Spanish jurist and canonist, which was
adopted by Vattel in the nineteenth century, was hardiy echoed at al1at the
Berlin Conference of 1885. It is however the concept which should be87 SAHARA OCCIDENTAL(0P. IND. AMMOUN)

mentionné la grande diversité des opinions des juristes modernes, fait, au
paragraphe 80, un grand pas dans la voie tracée par Vittoria, Vattel et

MM. Bedjaouiet Bayona-ba-Meya.

Les traités

II faut signaler d'abord que I'avis n'a pas fait état de certains traités
pertinents, ou lesa interprétés différemmend te leur sens réel.

L'analysede cesactes dénotel'existenced'une autoritémarocaine étatique
ou politique s'étendantjusqu'au cap Bojador, englobant Sakiet El Hamra.

1. Il y a d'abord deux traités duXVIesiècle,citéspar l'historien Romeu
(tome 1).Ce sont les traitésd'Alcaçovas et de Cintra entre l'Espagne et le
Portugal.

Letraitéd'Alcaçovasfixe,du commun accord desdeux Puissances,lalimite
du Royaume de Marrakech au sud du cap Bojador.
Letraité de Cintra en fait de mêmede ce qu'il appelle le Royaume de Fès.

Lesdeux traités,dont la pertinence paraît manifeste, n'ont mêmepas été
mentionnéspar I'avis.

Ils ne se bornent pas à faire état d'une allégeance au Sultan, mais
reconnaissent que l'autorité du Maroc s'étendaitau-delà du cap Bojador.
2. Il y a aussi le traité entre le Maroc et l'Espagne du termars 1267.
Ce traité, qui dispose dans I'article 18 que la souveraineté chérifienne
s'étendaitau-delà de Wady Noun, c'est-à-dire plus au sud dans la région

limitrophe de Sakiet El Hamra, a soulevéune controverse entre le Maroc et
l'Espagne; il a étérejetépar I'avis, laCour n'ayant pas cru nécessairede
trancher cette controverse sous prétexte que I'article8 aurait été remplacé
par I'article8du traitéhispano-marocain du 20 novembre 1861.C'était dire
que I'article 18a été abrogéI.l ne l'a pas étécependant de façon expresse par
une disposition quelconque du traité de1861.Il ne paraît pas non plus avoir

étéabrogétacitement par l'article 38.Cet article est venu plutôt lecompléter
et lerenforcer. Je reviendrai plus loin sur l'analyse de I'article 38.En outre, la
reconnaissance de l'extension du territoire marocain par I'article 18 était
acquise et ne saurait être déniée palra suite. WESTERN SAHARA (SEPOP. AMMOUN) 87

adopted today.TheAdvisoryOpinion, after mentioning thegreat diversityof
viewsamongmodernjurists,takes,inparagraph 80,aconsiderable stepalong
the path marked out by Vittoria, Vattel, Mr. Bedjaoui and Mr.
Bayona-ba-Meya.

RECOGNITION BY THE INTERNATIONC ALMMUNIT OYF THELEGAL
TIES BETWEEN MOROCCO AND WESTERN SAHARA

The Treaties

It must first be pointed out that the Advisory Opinion has left out of
account, or has misinterpreted, certain relevant treaties.
An analysis ofthese instmments points to the existence of a Moroccan
political or Stateauthority extending asfarasCabo Bojador and embracing
the Sakiet El Hamra.

1. To begin with, there are two sixteenth-century treaties, quoted by the
historian Romeu (Vol.1):the Treaty of Alcaçovas and the Treaty of Cintra,
between Spain and Portugal.
TheTreaty of Alcaçovasfixed,by agreementbetween the two Powers,the
limitsof the Kingdom of Marrakesh to the south of Cabo Bojador.
TheTreaty of Cintradoes the samething for what it calls the Kingdom of
Fez.
These two treaties, whose relevance appears manifest, are not even

mentioned in the AdvisoryOpinion.
They do not simply record an allegiance to the Sultan, but recognizethat
the authority of Morocco extended beyond Cabo Bojador.
2. Then there isthe treaty between Morocco and Spai1 March 1767.
This treaty, according to Article 18 of which Sherifian sovereignty
extended beyond the Wad Noun, Le.,further south into the neighbouring
region of Sakiet El Hamra, gave riseto a controversy between Morocco and
Spain; it is rejected by the AdvisoryOpinion, the Court not having found it
necessaryto resolvethe controversy on the ground that Article 18had been
superseded by Article 38of the Hispano-Moroccan Treaty of 20 November

1861: in other words, that it had been abrogated. It was not, however,
expresslyabrogated byanyprovisionoftheTreatyof 1861,noroesitappear
to have been tacitly abrogated by Article38 of that Treaty, the function of
which wasrather to supplement and reinforce it.hall have more to Say
about Article38 later on. Furthermore, the recognition of the extent of
Moroccan territory inArticle 18wasestablished,and could not subsequently
be denied.88 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. AMMOUN)

Il faut donc s'en tenir à l'article 18 du traité de 1767, que l'Espagne
interprètede façon erronéeen opposant le texte espagnol du traité.
Le Maroc a soutenu, conformément à une jurisprudence constante, que,

lorsque deux textes d'un mêmetraiténe concordent pas, c'estle texte le plus
restrictif qui doit l'emporter, en l'occurrence le texte arabe.
L'avisa mentionnécette affirmation du Maroc mais n'y a pas répondu.Il
ne pouvait pas la rejeter parce que, comme il a été rappelée ,lle a pour
fondementune jurisprudence constante. Or voici ceque dit letextearabe:

« Sa majesté impériale meten garde leshabitants desCanaries contre

toute initiative d'aller pêchersur les côtes d'Oued Noun et au-delà. Il
dégagetoute responsabilitéde cequi leur arrivera de la part des Arabes
du pays auxquels il est difficiled'appliquer les décisions,eux qui n'ont
pas de résidencefixe,qui sedéplacentcomme ilsveulent etplantent leurs
tentes où ils l'entende..»

L'Espagne conteste le sens de ce texte, prétendant qu'il signifieque les

nomades échappent à la juridictiondu Sultan, et non aux décisions qui
seraient prisesà leur encontre par le Sultan.
La controverse tourne autour du terme ahkam, traduit pardécisions.

Un argument péremptoireen faveur de la thèsemarocaine est que le sens
que l'Espagne veut attribuer au motahkam, c'est-à-dire lesensdjuridiction,

est toujours au singuliehokm. Alors qu'ilest au plurielahkam, dans letexte
de I'article8.En français on dit bien lajuridiction du Sultanou de I'Etat,et
non pas lesjuridictions. En arabe, de même,on dit hokmel Sultan ou hokm
eddaoulo au signulier, et non paahkam au pluriel. Ce qui veut bien dire que
ahkam dans I'article 18ne peut avoir que le sens ddécisionsau pluriel.
Un second argument:
On aurait pu hésitersur lesensque l'Espagne et leMarocdonnent au terme

ahkam indépendamment de l'argument précédent, mais l'hésitationn'aurait
étépermise que si l'on prenait le terme en dehors de son contexte.
En effet,dans l'énoncé de I'article 18,une explication est donnée:c'estle
nomadismedespopulations de Wady Noun et ai-delà. Or, lenomadisme, qui
rend ces populations souvent insaisissables après le fait illicite qui leur est
imputé,n'exclut pas l'autorité existantesur leterritoire qu'ellestraversent. Le

nomadisme ne peut que rendre difficiles l'application et l'exécutiondes
décisionsde I'autoritégouvernante qui les prononce.

Le Maroc en déduit à bon droit l'existence de I'autorité chérifiennsur
Wady Noun et au-delà dans le Sahara occidental, outre l'allégeanceau
Sultan.

3. Au surplus, le traité du 20 novembre 1861, bien loin d'affaiblir le
raisonnement du Maroc, est, comme il a été dit,de nature à le renforcer. II
dispose en effet: WESTERNSAHARA(SEP. OP.AMMOUN) 88

We must therefore abide by Article 18of theTreaty of 1767,which Spain
misinterprets on the basis of the Spanish text of the Treaty.
Morocco contended, in conformity with settled case-law, that, where two
textsof a treaty do not agree,it isthemore limited textthat should prevail in
the present case, theArabic text.
The Advisory Opinion mentions this contention by Morocco but does not

answer it. It could not reject itecause, as 1have said, it is based on settled
case-law. This is what the Arabic text says:

"His Imperia1 Majesty warns the inhabitants of the Canaries against
any fishing expedition to the coasts of Wad Noun aiid beyond. He
disclaims any responsibility for the waythey may be treated by theArabs

of thecountry, to whom it is difficultto apply decisions,ince they have
no fixed residence, travel as they wish and pitch their tents where they
choose ..."

Spain disputes the sense of this text, alleging it to mean, not that the

nomads were beyond the Sultan's power to enforce decisionswith respect to
them, but that they werebeyond his jurisdiction.
The controversy turns on the word ahkam translated by the word
"decisions".
A decisive argument in support of the Moroccan contention is that the
sense which Spain wishes to give to the plural ahkam,that ofjurisdiction, is

one which it can bear only in thesingular hukm,whereas it is in the plural in
the text of Articl18. In French one speaks of thejuridiction of the Sultan or
of the State, and not of thejuridictions. In Arabic, similarly one says hukm
as-sultanor hukmad-dawla in the singular, and not ahkamin the plural. This
signifiesthat ahkam in the text has the meaning of decisionsin the plural.
A second argument:

One might have hesitated about themeaning given by Spain and Morocco
to the term ahkamindependently of the above argument, but such hesitation
would only have been permissible if the term were taken out of its context.
For Article 18 includes in its terms an explanation: it is the nomadic
character of thepopulations of the Wad Noun and the regions beyond. Now

thenomadiccharacter of those populations, which often makes it impossible
to catch them afterthe illegalact imputed to them, does not do away with the
authority which exists over the territory through which they pass. Their
nomadic existence can only render difficult the application and imple-
mentation of the decisions of the governing authority that pronounces
them.

Morocco rightly deduces from that the existence, in addition to allegiance
to the Sultan, of Sherifian authority over the Wad Noun and the regions
beyond in Western Sahara.
3. Furthermore, theTreaty of 20 November 1861,farfrom weakening the
Moroccan argument, is, as has been said, calculated to strengthen it. It

contains the following provision: 89 SAHARA OCClDENTAL(0P. IND. AMMOUN)

« Si un navire espagnol naufrageait à l'Oued Noun ou en tout autre
point de cette côte, le roi du Maroc emploiera tout son pouvoir pour
sauver le capitaine et I'équipageusqu'à ce qu'ils retournent dans leur

pays, et il sera permis au consul général d'Espagne, au consul,vice-
consul, agent consulaire ou leur déléguéde prendre toutes les informa-
tions ou renseignements qu'ils voudront..»
En premier lieu, si le roi du Maroc est appeléàemployerson pouvoir pour

sauverl'équipage du bateau naufragé,c'estqu'ildispose d'une autoritésur les
lieuxdu naufrage. En outre, siune autorisation ou un permis estsollicitépour
que leconsul,etc. puissent recueillir des renseignements, c'estbien parce que
le Sultan possèdeune autoritéavec laquelle les Espagnols doivent traiter.

4. Plusieurstraitésinternationauxappuient letraitédu lermars 1767, mais
ne nous donnent pas plus d'informations au sujet de la limite à laquelle
s'étend l'autoritmarocaine au-delà de Wady Noun. Ce sont notamment les
traitésentre leMaroc et l'Espagne du 1" mars 1799,article22;entre le Maroc
et les Etats-Unis du16 septembre 1836, article10;enfin lesdeux traitésentre
le Maroc et la Grande-Bretagne, tousdeux du 9décembre 1856,en l'article33
du premier et en l'article 12du second.

5. Les traités susceptiblesde nous éclairer sur les limites des confins du
Maroc et, partant, de nous permettre d'apprécier les liensqui ont existéentre
ce pays et leSahara occidental, ne manquentcependant pas.
Tel, pour commencer, l'accord anglo-marocain du 13 mars 1895. La

clause 1de cet accord selit:
« Si le gouvernement achète à la compagnie susnommée les immeu-
bles, etc., sis au lieu indiqué, nulne pourra émettrede prétentionsur les

terres comprises entre l'oued Draa et le capojador, appeléesTarfaya,
comme il est dit plus haut, ainsi que celles constituant leur arrière-pays,
car ellesfont toutes parties du territoire du Maro».

La Grande-Bretagne reconnaît ainsi que le territoire marocain s'étendau
cap Bojador, englobant Sakiet El Hamra.
Lesreprésentantsde l'Espagne ont mis en question lesensde ce texte. Et la
Cour a dit qu'il lui semble que, en vertu des dispositions de ce traité, la
Grande-Bretagne s'engageait àne plus s'opposer, à l'avenir, aux prétentions WESTERNSAHARA (SEP. P. AMMOUN) 89

"If a Spanish vesselbe wrecked at Wad Noun or onany otherpart of
its Coast,the Sultan of Morocco shall make use of his authority to Save
and protect the master and crew until they return to their country, and
the Spanish Consul-General, Consul, Vice-Consul, Consular Agent, or

person appointed by them shall be allowd to collect every information
they may require..."
To begin with, if theSultan of Morocco is called upon to use his authority

to Savethe crew of the wrecked vessel, itmust mean that he has authority in
the place where the shipwreck occurred. Moreover, if authorization or
permission is sought to enable the consul, etc., to collect information, it is
clearlybecause the Sultan possesses an authority with which the Spaniards
must treat.

4. The Treaty of 1 March 1767 is supported by several international
treaties, but they do not giveusany more information about thelimit to which
Moroccan sovereignty extends beyond the Wad Noun. They include that
between Morocco and Spain of 1 March 1799, Article 22; that between
Morocco and the United Statesof 16September 1836, Article10;and, finally,
the two treaties between Morocco and Great Britain, both of 9 December
1856, Articles33 and 12 respectively.

5.Treaties likely to throw light on the limits of the confines of Morocco
and thereby to enable us to assess the ties that existed between that country

and Western Sahara are, however, not lacking.
To begin with, there isthe Anglo-Moroccan Agreement of 13 March 1895.
Clause 1of that agreement reads as follows:

"If this Government buy the building, etc., inthe place above-named
from the above-named Company, no one will have any claim to the
lands that are between Wad Draa and Cape Bojador, and which are
called Terfaya above-named, and al1thelands behind it,because al1this
belongs to the territory of Morocco."

Great Britain thus recognizes that Moroccan territory extends to Cabo
Bojador, including Sakiet El Hamra.
The representatives of Spainhave questioned the meaning of this text. The
Court has said that the provisions of the treaty appear to it to represent an
agreement by Great Britain not to question in future any pretension of the90 SAHARA OCClDENTAL(0P. IND. AMMOUN)

du Sultan sur les terres comprises entre le Draa et le cap Bojador, mais sans
pourautant reconnaîtrela souverainetémarocaine préexistantesurces terres.

La Cour n'affirme pas. Elle dit que cela «lui semble » êtreainsi, pour en
arriver àécarterletraitésur letexteclairduquel leMaroc s'appuie.Comment
cela lui a-t-ilsembléainsiàdéfautd'une prémissequelconque?

Au surplus, aux termes d'une jurisprudence constante, un texte clair n'est
pas à interpréter.
Et là ou paraît le défautde l'armure, c'est lorsque l'Espagne soutient que
l'accord ne peut lui êtreopposé,resinteralios acta;comme s'ils'agissaitd'un
simple accord bilatéralet non d'un des éléments de la reconnaissance par la

communauté internationaledes frontièresd'un pays.
Que l'on n'ait pas, d'autre part, reconnu dans le texte de l'accord le pur
style anglais signifiait-il que dans un accord bilatéral la collaboration des
deux parties àla rédactionde I'accord n'est pas àconsidérer?
On voit combien sont inconsistants lesarguments auxquels l'Espagne a eu
recours pour rejeter le texte clair du traitéde 1895.

On est en droit de se demander, en revanche, comment un gouvernement,
après avoir solennellement reconnu un fait dans un acte authentique, le nie
par la voix de ses représentants. Il faut rechercher les mobiles de ce
revirement.
On les trouve dans les préoccupations des Puissances au plus fort de

l'expansion colonialiste.
Aux termes du traitédu 8 avril 1904,la France s'engageà ne pas entraver
l'action del'Angleterre en Egypte, moyennant quoi l'Angleterre s'engageaà
ne pas entraver l'action de la France au Maroc. Un pacte pareil eut lieuentre
l'Allemagne et laFrance, qui abandonna le Gabon à l'Allemagnepour avoir
lesmains libres au Maroc.

Le Maroc s'est élevé àjuste titre contre le traitéanglo-français du 8 avril
1904qui avait été tenu secret.
II est vrai que le droit colonialiste de l'Europe à cette époquen'interdisait
pas lestraitéssecrets. Maisla moraleinternationale lesa toujoursmndamnés;
etcesont lespréceptesmoraux qui ontjustement reçu laconsécrationdudroit

positif dans ce cas comme dans tant d'autres.
Le traitédu 8 avril 1904étaitaussi moralement condamnable parce qu'il
habilitait des Etats tiersà disposer, à l'insu du Maroc, dans le secret des
chancelleries, de la souveraineté marocaine.
Ce traitéexplique le changement d'attitude de l'Angleterre vis-à-vis du
Maroc dont elle se désintéressepolitiquement, réservefaite de Tanger. Car

elle sedevait, selon lesstipulations du troisième des articles secrets du traité
franco-anglais du 8 avril 1904,de faciliterl'entente que la France envisageait
avec l'Espagne pour l'établissement de zones d'influence au Maroc en
prévisionde son partage. La Grande-Bretagne devait lever tout obstacle à la
conclusion de cette entente. Aussi renonça-t-elle à se prévaloirdes disposi- WESTERNSAHARA (SEP. OP. AMMOUN) 90
Sultan to the lands between the Dra'a and Cape Bojador, and not a

recognition by Great Britain of previously existing Moroccan sovereignty
over those lands.
The Court does not say "represent" but "appear to represent" and on the
ground of this "appearance" which is not asserted as a fact proceeds to set
asidethetreatyontheclear textof whichMoroccorelies.How,intheabsence
of any premisewhatever, wasthe Court able to decidewhat theprovisionsof
the treaty "appeared" to represent?
Moreover, according to settled case-law, a clear text is not to be
interpreted.
Wherethe chink in the armour appears is where Spain contends that the
agreementcannot be invokedagainst it,being resinter aliosucta-as if what
wasinquestionwasamerebilateral agreement and not oneoftheelementsin

the international community's recognition of the frontiers of a country.
Furthermore, did the statement that the text of the agreement did not
appear to be in a pure English style implythat in a bilateral agreementthe
collaboration of the two parties in itsdrafting isnot to be considered?
We thus see how inconsistent are the arguments to which Spain has
resorted inorder to reject the clear text of1895 Treaty.
One is entitled to riposte byasking how a Government, after solemnly
recognizingafact inan authenticinstrument, can denyitthroughthe voiceof
itsrepresentatives.Itisnecessaryto seekthe motivesfor this volte-face.

They are to be found in the concerns of the Powers at the time when
colonialistexpansion wasat its height.
Under the Treaty of 8April 1904, France undertook not to interfere with

theaction ofEngland in Egypt,inreturn for whichEngland undertook not to
interfere with the action of France in Morocco. A similar agreement was
concluded between Germany and France, which abandoned Gabon to
Germany in return for freedom of action in Morocco.
Morocco rightly protested against the Anglo-French Treaty of 8 April
1904, whichhad been kept secret.
It is true that European colonialist law at that time did not forbid secret
treaties;but international moralityhas alwayscondemnedthem; and it isthe
precepts ofmoralitythat havejustly receivedtheconsecration ofpositivelaw
in this caseas in so many others.
TheTreaty of 8 April 1904was alsomorally wrongbecause it empowered
third parties to dispose of Moroccan sovereignty by secret negotiations,

unknown to Morocco.
This treatyexplains the change in the attitude of England to Morocco, in
which, withthe exception of Tangier, it ceased to take any political interest.
For England was obliged, under the provisions of the third of the secret
articles of the Anglo-French Treaty of 8 April 1904, to facilitate the
understanding which France was proposing to enter into with Spain for the
establishment of spheresof influencein Morocco witha viewto itspartition.
Great Britain was obliged to remove any obstacle to the conclusion of that91 SAHARAOCCIDENTAL(0P.IND. AMMOUN)
tions du traitéanglo-marocain de 1895. Et l'on entendit des responsables
britanniques nier la reconnaissance officiellede la limite du Maroc au cap

Bojador.
L'avis a ainsi fait état des déclarations d'unepartie au traitépour lui
attribuer unesignification laquelleletextene seprêtenullementf,auted'une
baseintrinsèquedéduitedestermesdelaconvention,significationquisemble
avoirsurgidu néant et,pour lemoins, d'unepure visionde l'esprit.Et,cequi
est plus grave,l'interprétationa étéfaitentra legem.Interprétation quiest
de nature à saper l'assisefondamentale des relations entre Etatàsavoir la
foi due aux traités.

L'Espagne avait d'ailleurs reconnu elle-mêmecette extension au cap
Bojador de l'autorité chérifiennedans les deux traités déjà mentionnés
d'Alcaçores et de Cintra. Néanmoins, dans le traité franco-espagnol du
3,octobre 1904,égalementsecret,lesdeux contractants seconcèdent mutuel-
lementdeszones d'influenceau Maroc. Ilsdevaienten garder lesecretcar,le
jour mêmede sa signature, ils publiaient une déclaration dont la teneur,

contraire auxdispositionsdu traité,étaitdestinéedissiperlesappréhensions
des marocains et qui affirmaitla détermination,contraireà leurs intentions
réelles,àgarantir l'intégritdu territoire marocain. Ce traité du3octobre
1904 encourait, en plusdesreprochesréitérécsontre letraitédu 8avril 1904,
celuiqu'entraîne lacontrariétéc,achéeau Maroc, entre letraitédu 3octobre
et la déclarationdu même jour.

L'avisa encoreécarté sansjustification suffisanteun textedans lequelilest
reconnu que le territoire du Maroc englobaitSakiet El Hamra. Il s'agitdes
lettresannexéesautraitédu 4novembre 1911entrela France et l'Allemagne.
Dans ceslettres ilest dit:

tL'Allemagne restera étrangère aux accords particuliers que la
France et l'Espagne croiront devoir faire entre ellesau sujet du Maroc,
étantconvenu que le Maroc comprend toute la partie de l'Afrique du

Nord s'étendantentre l'Algérie, l'Afrique occidentale française et la
colonieespagnole du Rio de Oro. »

C'estenvain quel'Espagneaessayédeprêter àl'expression(tRiode Oro »
le sens de Sahara occidental. Le Rio de Oro s'arrête ausud de Sakiet El WESTERNSAHARA(SEP. OP.AMMOUN) 91

understanding. It therefore waived its rights under the Anglo-Moroccan
Treaty of 1895;and British officiais were to be heard denying the official
recognitionof the Moroccan boundary at Cape Bojador.

The Advisory Opinion has thus taken account of the statements of one
party to the treaty in order to attributeto it a meaning to which the text in no
wavlends itselfintheabsence of anvintrinsicbasisdeducedfromthe terms of
the Convention: a meaning which appears to have sprung from nowhere and
to be, to say the least, a pure figment of the imagination. What is worse, the
interpretation has been made contra legem. Such an interpretation is
calculated to undermine the very foundation of relations between States,

namely the respect dueto treaties.

Moreover,Spain itselfhad recognized that extension of Sherifianauthority

to Cape Bojador, in the two treaties of Alcaçovas and Cintra already
mentioned. Nevertheless, in the Franco-Spanish Treaty (also secret) of
3 October 1904,the two contracting parties conceded tooneanother spheres
of influence in Morocco. They were obliged to keep this arrangement secret
for,on the veryday of itssignature, they published a declaration whosetenor,
contrary to the provisions of the treaty, was intended to allay the

apprehensions of the Moroccans, and which affirmed the determination,
contrary to the real intentions, of France and Spain, to guaranteetheintegrity
of Moroccan territory.ThisTreaty of 3 October 1904incurred, in addition to
a reiteration of the criticisms of the Treaty ofApril 1904,that of duplicity
because of the conflict - hidden from Morocco - between the Treaty of
3 October and the declaration issued that same day.

The Advisory Opinion also brushes aside without adequate justification a

text in which itisrecognized that theterritory of Moroccoincludedthe Sakiet
El Hamra. 1have in mind the letters annexed to the Treaty of 4 November
1911between France and Germany. These letters state:

"Germany willnot intervene in any specialagreements which France
and Spain may think fit to conclude with each other on the subject of
Morocco, it being understood that Morocco comprises al1that part of

northern Africa which is situated between Algeria, French West Africa
and the Spanish colony of Rio de Oro."

It is invain that Spainhasattempted to giveto the expression "Rio de Oro"
the meaning of Western Sahara. The Rio de Oro stops at the southern92 SAHARA OCCIDENTAL (OP.[ND. AMMOUN)

Hamra,qui est reconnue par leslettreséchangéesfaire partie du territoire du
Maroc.
Ainsi qu'à propos du traité anglo-marocain de 1895,l'avis fait dire, aux

lettresfranco-allemandes, autre chose quece qu'ellesénoncent clairement. Il
leurattribue, par une pure vision de l'esprit,lebut de reconnaître simplement
des zones d'influence sur le territoire marocain, alors que ces lettresne font
pas lamoindre allusion àcettepratique mort-née d'un colonialismeexpirant.

Aux traités s'ajoutent des actes internationaux non moins probants. Ce
sont deux déclarations de portée internationale émanant l'une de l'Espagne,

l'autre de la France, qui reconnaissent toutes deux l'appartenancede Sakiet
El Hamra au Maroc.
Dès 1454,en effet, au temps où le Portugal était en compétition avec
l'Espagne, celle-ciaffirmaque la limite du Royaume du Maroc était situéeau
cap Blanc, englobant en conséquence Sakiet El Hamra.

L'avis n'a pas évoqué cette déclaration.L'eût-il énoncée,qu'il l'aurait
probablement attribuée au désir de l'Espagne de détourner les vues du
Portugal de ce territoire. Elle n'en est pas moinsdéterminante.

Ce point de vue était partagépar le Gouvernement français: en effet,dans
les Instructions nautiquespubliéesen 1849,ce dernier intitulait un para-

graphe ainsi:« Sur les côtes occidentales d'Afrique, depuis le cap Sparte1
jusqu'au cap Bojador (côtes du Maroc). » La référence aux côtesdu Maroc
est significative.

Aprèsavoir traitéde l'activitédiplomatique appuyant l'existencede liens
juridiques entre le Maroc et le Sahara occidental (Sakiet El Hamra), je passe
àl'étudedesmanifestations de ces liens par l'exercicedes pouvoirs législatif,
exécutifet spirituel.

Activité législative

Les sultans légiféraient pour Sakiet El Hamra comme pour le territoire
national au nord du Draa. Cette législation se manifestait par des dahirs
sultaniens. WESTERNSAHARA(SEP.OP.AMMOUN) 92
boundary ofSakiet El Hamra, whichisrecognized inthe exchangeof letters

as forming part of the territory of Morocco.
AswiththeAnglo-MoroccanTreaty of 1895,the AdvisoryOpinion makes
theFranco-German letters saysomethingother than what they clearlystate.
It attributes to them, by a pure figment of the imagination, thef
simplyrecognizingspheresof influenceoverMoroccan territory, whereasthe
letters make no allusion whatever to this stillborn practice of an
colonialism.

Besidesthe treaties, there are other international instruments that are no

less conclusive. They consist of two declarations of international scope
emanating respectivelyfromSpain and fromFrance,both of whichrecognize
theSakiet El Hamra as belonging to Morocco.
Asearlyas 1454,at thetime whenPortugal wasincompetition withSpain,
the latter asserted that the limit of thef Morocco was situated at
Cabo Blanco,and therefore includedkiet El Hamra.
TheAdvisoryOpinion makesno referenceto thisdeclaration. Had it
so, it would no doubt have attributed the declaration to Spain's wish to
discourageany Portugueseambitions withregard to theterritory inquestion.
Thisdoes not, however,make the declaration any lessconclusive.
This point of view was shared by the French Government: in the
Instructions nautiqupublished by that Government in 1849 there is a

paragraph headed: "Onthewest coast of Africa,from Cape Spartel to Cape
Bojador (coast of Morocco)." The reference to the coast of Morocco is
significant.

~NTERNAL MANIFESTATI OFMSOROCCA ANUTHORIT OYER
WESTERS NAHARA

Havingdealt withthe diplomaticactivitiesthatsupport the existenceofthe
legal ties between Morocco and Western Sahara (Sakiet El Ha1now,

turn to an examination of the manifestations of that sovereignty by the
exerciseof legislative,executiveand spiritual authority.

Legislative Activity

TheSultans legislatedfor the Sakiet El Hamra as theydid forthenational
territory north of the Dra'a. That legislationtook the form of dahirs of the
Sultan.93 SAHARAOCCIDENTAL(OPI.ND.AMMOUN).

Elles'étendaiàl'activitééconomiquepar lecontrôledu commerceet dela
production et,en particulier, relativementa pêched, ont lemonopoleétait
généralement réservéauxnationaux, saufconcessionspéciale àdesétrangers;

elles'étendait aussil'administration desports, pour lesouvrir ou lesfermer
aux trafiquants étrangers,selonlesimpératifsde la politique nationale.

Lepouvoir législatifdu Sultan portait aussi sur les matièrespremièreset
fiscales par la détermination, l'imposition et la perception des taxes et
revenus.
Ainsi l'historien espagnol Huici rapporte dans sonHistoire politique de
l'Empirealmohade (p.193) que le sultan Abdelmoumen soumit à l'impôt le
SouselAksa,ou extrêmeSousq , ui chevauchesurla valléeSakiet El Hamra.

Le pouvoir exécutif

Les sultans l'exerçaient,comme en matièrelégislative,par des dahirs. Ils
nommaient ainsi et révoquaientlescaïdsà qui ilsconfiaientdesresponsabi-
litésgouvernementalesdans une région,sur un littoral, ousur un groupe de
tribus. Les caïdssont,selonlesensétymologiquedu terme,descommandants
militairescumulant desfonctions administratives.
Le choix du souverainpouvait seporter sur une personnalitéen raison de
son influencelocale ou de ses attaches familiales ou tribales. Ce n'est pas
direqueletitre decaïd était plutôt honorifiquecommeila étéprétendu. C'est
une pratique constante dans biens despays que de choisir, en l'absence d'un
pouvoir centralisé,desgouvernantsayant lesaptitudes et lesmoyensqui les

mettent àmême de s'imposeretd'accomplir leurmission.

Cesont lesdahirs du XIXe sièclequinous intéressenten premier lieu.

Parmicesdahirs présentés par leMaroc,cinq visentdesrégionsdu Sahara
occidental. Ce sont les dahirsos4, 5 et 8 qui nomment des caïds ayant
autoritésur les tribus des Tidrarine ou ouled Tidrarine du Sahara,dont les
parcours de nomadisation s'étendentàtout le Sahara occidental, d'aprèsles

cartes mauritaniennesnos2 et 3, et dépassent lecap Bojador; le dahir no4
préciténommeégalemen lt caïd ayant autoritésurleskna du Sahara, dont
leparcours de nomadisation s'étendàla partie nord du Sahara, ou Sakiet El
Hamra, d'aprèsla carteno 3.
Puis c'estune sériede caïdsà Sakiet El Hamra, qui ont étémentionné às
l'occasion des faits qui leur sont attribuésdans l'histoire du Sahara occi-
dental,soitqu'ilsaientétenposte àSakietElHamra mêmes,oitqu'ilsl'aient
gouvernée àpartirdu postequ'ilsoccupaientà l'intérieur. Etcelatout au long WESTERNSAHARA (SEP . P. AMMOUN) 93

It extended to economic activity through the control of trade and
production, in particular as regards fishing, the monopoly of which was
generally reserved to the Sultan's subjects, except in the case of special

concessions to foreigners; it also extended to the administration of the ports,
in order to open and close them to foreign trade, according to the
requirements of national policy.
The Sultan's legislative authority also related to raw materials and fiscal
matters through the assessment, imposition and collection of taxes and dues.

Thus the Spanish historian Huici says in his political history of the
Almohad Empire (p. 193)that the Sultan Abdulmoumey levied taxes in the
Souss al-Aksa, or farthest Souss, which straddles the valley of theSakiet El
Hamra.

Execu tivePower

TheSultans exercised executivepower by means of dahirs, as in matters of
legislation. That was how they appointed and dismissed the caids to whom

they entrusted responsibilities of government in a region, on a Coast,or over
agroup of tribes.Thecaidsare,according to theetymologicalmeaning of the
term, military commanders who also have administrative functions.
The choice of the sovereign could fa11on a personage because of his local
influence or family or tribal connections.Thatdoes not mean that thetitle of

caid tended to be an honorary one,ashas been alleged. It isa practicecurrent
in quite a number of countries, in the absence of a centralized authority, to
choose persons to govern who have the qualifications which enable them to
make their authority felt and carry out their tasks.

It is the dahirs of the nineteenth century which are primarily oferest to
US.

Of those dahirs submitted by Morocco, fiverelate to the regionsof Western
Sahara. It is the dahirs in documents 4, 5 and 8 which appoint caids with
authorityoverthe Sahara tribes of theTidrareen and Oulad Tidrareen, whose
nomadic migration routes extend to the whole of Western Sahara according
to Mauritania's maps numbers 2 and 3, and go beyond Cabo Bojador; the

dahir in document 4 also appoints the caid with authority over the Saharan
Tekna, whose nomadic migration route extends to the northern part of the
Sahara,or the Sakiet El Hamra, according to map number 3.
Then there were a wholyseries of caids in the Sakiet El Hamra, who were
mentioned in connection with the deeds attributed to them in the history of

Western Sahara, whether they held their post in theakiet El Hamra itself,or
governed it from a post which they held in the interior. And that wasthe case94 SAHARA OCCIDENTAL(0P. IND. AMMOUN)

des VIIIe,XIe,XIIeet XIVesiècles,telque rapportépar leshistoriensVernet,
Domenech, Huici, Secode Lucena,dont ilseraquestionaux pagessuivantes.

Les historiens

Cinq historiens, un Français, Vernet, et quatre Espagnols, Domenech
Lafuente, Seco de Lucena, Huici et Romeu, qui inspirent une grande
confiance quant aux faits qu'ilsrapportent à l'appui dela causemarocaine,
notamment en raison deleurnationalité, relatent desévénementq suiremon-
tent, avec Vernet,au VIIesiècle,concernant le Sahara occidental et sesliens

juridiques avecleMaroc.Certainsd'entre euxont déjàété mis à contribution,
et tous leseront selonlessujetstraités.
II sera égalementfait mention d'un géographede célébrité mondialeE ,l
Idrissi.

Vernetrelate à lapage 36desonouvrage Islamisationqu'aprèslaconquête
arabe du Maroc par Okba, en 681, Moussa ben Nosaïr (un chef libanais
converti àl'Islamet qui fut lecompagnon de Tarek ben Ziad au passagedu
détroit etàla conquêtede l'Espagne) envoya son filsMerouane à l'extrême

Sous. Et l'on sait que l'extrêmeSous, ou Sous el Aksa, se situe dans le
périmètrede Sakiet El Hamra.
Vernet rapporte aussi les faits suivants: en 740, le gouverneur (ou caïd)
marocain du nom d'Ismaïl ben Obeidetallah est nommé à Sakiet El Hamra
(P.48).
En 745,le petit neveu d'Okba arrive jusqu'à Ighliet creuse les premiers
puits du Sahara (p. 53),marquant par là manifestement l'occupation de ce
territoire.
Du VIIIeau XIesiècle,cetteoccupation a étérenforcép ear laconstruction
de routesà travers le Sahara (p. 138).
En 757,la villede Sijilmassaa eté fondée et son gouverneura étendu son

autoritésur le Sahara ,ibi,.).
En 761, le Sahara avait un gouverneur (ou caïd) marocain, du nom de
Mohamed Sonjaï, qui mena une campagne au Soudan (p. 55).
Depuis lors, poursuit Vernet, la dynastie des Idrissides n'a pas cesséde
gouverner le Sahara jusqu'à l'avènementdela dynastie suivante.
L'historien espagnol Domenech Lafuente, non moins illustreque Vernet,
confirme dans son livre Quelque chosesur le Rio de Oro les événements
rapportésparcedernier et en continue la relation. WESTERN SAHARA (SEP.OP. AMMOUN) 94

throughout the eighth, the eleventh, twelfth and fourteenth centuries, as
recounted by the historians Vernet, Domenech, Huici and Secode Lucena, to
whom weshall refer in the pages which follow.

Historians

Five historians - a Frenchman, Vernet, and four Spaniards, Domenech
Lafuente, Seco de Lucena, Huici and Romeu - who inspire great confidence
with regard to the facts, supporting the Moroccan case, which they relate,
particularly in viewof their nationality, tell of eventsgoing back, in the case
of Vernet,tq theseventhcentury,concerning Western Saharaand itslegalties

with Morocco. Recoursehas already been had to some of them, and willbe to
all,depending on the subject.
Mention will also be made of a geographer of world-wide renown, El
Idrissi.

Vernet tells on page 36 of his work Islamisation how, after the Arab
conquest of Morocco by Okba in 681, Moussa ben Nosaïr (a Lebanese chief
converted to Islam, who wasthecompanion of Tarek ben Ziad in thepassage
of the Straits of Gibraltar and in the conquest of Spain) sent his son

Merouana to the furthest Souss. We know that the furthest Souss, or Sous
al-Aksa, is situated within the boundary of the Sakiet El Hamra.
Vernet also relates the following facts: in 740,the Moroccan governor (or
caid) called Ismaïl ben Obeidetallah was appointed to Sakiet El Hamra
(P. 48)-
In 745,Okba's great-nephew went asfar as 'Ijil,and dugthe firstwellsinthe
Sahara (p. 53),thus clearly showing occupation of the territory.

From the eighth to the eleventh centuries, that occupation was reinforced
by the building of roads across the Sahara (p. 138).
In 757,the town of Sijilmassa was founded and its governor extended his
authority over the Sahara (ibid.).
In 761, the Sahara had a Moroccan governor (or caid), called Mohamed

Sonjaï, who conducted a campaign in the Sudan (p. 55).
From that time on, continues Vernet, the dynasty of the Idrissids did not
cease to govern the Sahara, until the advent of the followingdynasty.
The Spanish historian Domenech Lafuente, no lessillustrious than Vernet,
confirms in hisbook Quelquechosesurle Riode Oro,the eventsrelated by the
latter, and goes on with the story.95 SAHARA OCCIDENTAL (OP.IND. AMMOUN)

Il mentionne que le sultan Abdallah ben Yassine a administré le Sud

jusqu'à sa mort en 1040(p. 19).
L'historien espagnol Huici poursuit l'énumération des faits attestant
l'autorité marocaine surle Sahara occidental.
C'estd'abord l'information figurant dans son Histoire politiquedel'Empire
almohadeselon laquellela capitale du Sous gouvernait tout le Sud (p. 65);il
mentionneensuiteque des soldats du désert ont répondu à l'appel du sultan

Abdelmoumen pour assiégerla ville ci'Iglis(p. 68).
Un autre historienespagnol, Seco de Lucena, dans son ouvrage Le Maroc
au débutdu XIV siècle(p. 94),raconte que lesultan Habib ben Othman, qui
a régné de 1331à1351,a fait de Sigilmassalacapitaledu territoire du Sahara.
On ne peut terminercetteénumerationdes faitsrapportéspar leshistoriens
attestant sansconteste l'extension de l'autorité marocaineàSakiet El Hamra

jusqu'au cap Bojador, sans mentionner l'appui décisifque leur donne le
géographeEl Idrissi.
El Idrissi, continuant la lignéede Marinos de Tyr, le fondateur de la
géographiemathématique basée surle calcul des longitudes et des latitudes,
précurseur du grand Ptolémée,a étéle géographe le plus illustre dans le

monde arabe et l'Europe du Moyen Age. Sa scienceétait le sujet de la plus
grandeconsidérationdes roisnormands de Sicile,dans leroyaume desquels il
écrivit,en 1154, un grand ouvrage décrivant la géographie de l'Afrique du
Nord, le Nouzhatal Mouchtak.Partant de considérationsrigoureuses, ilsitue
le Sahara occidental àl'intérieur desconfins du Maroc.

Les routes

L'Espagne a prétendu, pour démontrer que le Sahara occidental se
distinguaitdu Marocet n'avait pas de liensavec lui, quecette Puissance n'ya
laisséaucune construction de type architectural marocain. C'est oublier que
l'architecturetypiquemarocaine estpropre aux citéset n'a nulle part laisséde
vestigesdans le désert.

En revanche, le Maroc a construit au Sahara occidental des routes le
traversant de part en part, du nord au sud. Deux routes principales ont été
notamment mentionnées:la route de Lemtouna et celle de Jouder. Préten-
drait-on qu'ellesont étéconstruitespar les tribus bédouines? A propos de la
route Lemtouna, il n'ya nul besoin de citer les historiens qui en parlent car

depuissaconstruction, ilya neuf centsans, elleestencorepraticable. En 1678
le sultan Moulay Rachid emprunta cette route dans deux de sesexpéditions
au-delàdu Sahara occidental(Domenech, op.cit.,p. 30).
La route Jouder a été construiteplus tard, au temps du sultan Ahmed el
Mansour, àl'occasion de son expédition au Soudan. WESTERNSAHARA(SEP.OP.AMMOUN) 95

He mentions that Sultan Abdullah ben Yasseen administered the south
until his death in1040 (p. 19).
TheSpanishhistorian Huicicontinues thelist offacts whichbear witnessto

Moroccan authority over Western Sahara.
First of all, there is the information appearing in hHistoirepolitiquede
l'empirealmohade that the whole of the south was governed by the capital of
the Souss(p. 65);later he mentions that desert troops responded to the cal1of
Sultan Abdul Moumen and beseiged the town of Igli (p. 68).
Another Spanishhistorian, Secode Lucena, in hiswork LeMarocaudébut
du XZVesiècle(p .4),related that the Sultan Habib ben Othman, whoreigned

from 1331to 1351,made Sijilmassathe capital of the territory of Sahara.
One cannot conclude this list of the facts recorded by the historians,
providing indisputableevidenceoftheextensionoftheauthority of Morocco
to the Sakiet El Hamra as far as Cape Bojador, without mentioning the
decisive support they received from the geographer El Idrissi.
El Idrissi, following in the tradition of Marinos of Tyre, the founder of

mathematic geographybased on the calculation of longitudes and latitudes,
and precursor of thegreat Ptolemy, wasthe most illustriousgeographer in the
Arab world and Europe of the Middle Ages. His knowledge was highly
esteemedby the Norman kings of Sicily,in whose kingdom he wrote,in 1154,
a great work describing the geography of norîhern Africa, Nouzhat al
Mouchtak. Taking the facts strictly into account, he situates the western
Sahara within the confines of Morocco.

Roads

Spain has alleged, in order to show that Western Sahara was distinct from
Morocco and had no ties with it, that the latter Power had left there no
building of the Moroccan architectural type. That is to forget that typical
Moroccan architecture belongs to the cities,and hasnowhere left traces inthe
desert.
On the other hand, Morocco built roads in Western Sahara which went

right across it, from north toouth. Two main roads in particular have been
mentioned: the Lemtouna road and that of Jouder. Could it claim that they
were built by the Bedouin tribes? As far as the Lemtouna road is concerned,
there is no need to quote the historians who speak of it, for, 900years after it
was built, itan still be used. In 1678Sultan Moulay Rasheed used that road
in two of hisexpeditions beyond Western Sahara (Domenech, op.cit.p. 30).

The Jouder road was built later, in the time of Sultan Ahmad al-Mansour,
on the occasion of his expedition to the Soudan.96 SAHARA OCCIDENTAL(OP.IND. AMMOUN)

On peut conclure en définitivede cequi précèdeque lestrois dynasties des
Idrissides,des Almoravides et des Almohades ont étendusans discontinuité
leur autorité sur au moins le nord du Sahara, à Sakiet El Hamra.

Les expéditions militaires

L'autorité dessultans sur le Sahara occidental, reconnue par la com-
munauté internationale destemps passés,ne pouvait manquerde semanifes-
ter par une présencede forces armées.

Les expéditions dessultans étaientde deux sortes: les unes avaient pour
objectif le contrôle du Sahara occidental, et plus précisémentde la Sakiet El
Hamra. Lesexpéditionsde 1882et de 1886en sont des exemples. Les autres
empruntaient le Sahara occidental pour se rendre dans les pays du sud,
jusqu'au fleuveNiger et Tombouctou.
Dans son ouvrage Avec les roisAlaouites (p.39, Odette de Puigaudeau
constate que «les interventions chérifiennes perdirent leur caractère de

conquêtepour ne conserver que celui de tournées d'inspection etde pres-
tigeP.
C'est lemoment considérépar l'aviscomme étantcelui de la colonisation
espagnole.
Lesdocuments du temps démontrentqu'ily a accord entre l'histoireet les
rapports des diplomates. Ainsi le consul de France à Mogador, dans son

rapport du 7juin 1886au ministre de France àTanger, écrit:
« L'expédition du Sultan Mouley Hassan dans le Sous peut être
considérée comme entièrement terminée. Cen'a été qu'une marche
triomphale. Toutes les tribus se sont soumises et lui ont juréfidélitéI.I

n'est pas jusqu'aux nomades du Sahara qui n'aient tenu à lui apporter
des méhariset lui offrir leur concours pour la guerre sain»e(Docu-
ments présentéspar le Royaume du Maroc, ann. 115.)

Il faut souligner, àpropos de ce rapport, lespassages relatifs aux serments
de fidélitdes tribus et le concours que les tribus du Sahara ont proposé au
Sultan en vue de la guerre sainte. J'y reviendrai propos de la solidarité
religieuseentreSahraoui et Marocains.
A soulignerégalementque, silesforcesdu Sultan en 1882et 1886n'ont pas
étkjusqu9enplein Sahara, c'estparce que Sakiet El Hamra, seule, relevait du

Marocet qu'ils'agissait,comme ila étérappeléd,e tournéesd'inspectionetde
prestige.
*
* *

Les autres expéditions empruntaient le territoire saharien comme lieu de
passage vers le Soudan (ou Mali), Tombouctou et le Niger. WESTERNSAHARA (SEP .P.AMMOUN) 96

One can conclude definitely from the foregoing that three dynasties of the

Idrissids, the Almoravids and the Almohads have extended their authority
without a break over at anyratethe north oftheSahara, at Sakiet El Hamra.

TheMilitas, Expeditions

The authority of the Sultans over Western Sahara, recognized by the
international community of former times,could not fail to make itselfknown
through the presence of armed forces.

Theexpeditions of theSultans wereof two kinds:somehad as their purpose
control of Western Sahara, and more particularly the Sakiet El Hamra. The
expeditions of 1882and 1886are examples of these. The others went through
Western Sahara in order to goto thecountries in the south, as far asthe River
Niger and Timbuktu.

In her work Avecles roisAlaouites(p. 35),Odette de Puigaudeaunotes that
"the Sherifian interventions losttheir character of conquest and only retained
that of tours of inspection and prestige".

This was at the time which is considered in the Opinion to be the time of
colonization by Spain.
The documents of the timeshow that history and the reports of diplomats
agree. For example, the French Consul in Mogador, in his report of 7 June
1886to the French Minister in Tangier, wrote:

"The expedition of Sultan Moulay Hassan to the Souss can be
regarded as fully completed. It was a triumphal progress1the way.Al1

the tribes made their submission and swore allegiance to him. Even the
very nomads of the Sahara were bent on bringing him fast camels and
offeringhim their help in the Holy War." (Documents submitted by the,
Kingdom of Morocco, No. 115.)

What should be noted in this report arethe passages concerning the oaths
of allegiance of the tribes and thehelp which the tribes of the Sahara offered
the Sultan in connection with the Holy War. 1shall revert to the point in

relation to the religious solidarity between Sahrawi and Moroccans.
It should also be stressed that the reason why the Sultan's forcesin 1882
and 1886did not go right on into the heart of the Sahara was that only the
Sakiet El Hamra appertained to Morocco, and it was a matter, as has been
recalled, of tours of inspection and prestige.

The other expeditions used the Saharan territory as a way through to the
Soudan(or Mali), Timbuktu and the Niger.

8897 SAHARA OCCIDENTAL(OPI.ND. AMMOUN)

Ces expéditions passaient par le Sahara occidental sans encombre, les
arméesquilesentreprenaient étantchez elles. Parfois des élémentssahariens

se joignaient aux forces marocaines et, de toute façon, celles-ci trouvaient
auprèsdes Sahariens toute l'aide dont ellesavaient besoin en cours de route.
Des Sahariens sejoignaient mêmeaux troupes du Sultan pour combattre
avec elles. C'est ainsi que le sultan Abdelmoumen s'est fait aider, au siège
d'Iglis, de troupes originaires du sud de l'Atlaset du désert (Huici,p. 68).

C'est dans les écrits des historiens dignes de confiance qu'il faut chercher
les renseignements au sujet de ces expéditions.
On lit dans Vernet qu'en 707 Moussa ben Nosaïr, ce Libanais converti à

l'Islam, lecompagnon de Tarek ben Ziad au passage historique du détroitde
Gibraltar qui porte le nom de ce dernier, ainsi que dans la conquêtede
l'Espagne, envoya son fils Merouane à l'extrême Sousou Sakiet El Hamra
(op. cit.,p. 36).
En 721, toujours d'après Vernet, un neveu d'Okba, le conquérant du

Maroc, poussa jusqu'au Soudan (p. 71).
Il ajoute que le gourverneur (ou caïd) marocain du Sahara, Mohamed
Sonjaï,ainsi que lecaïd Moussaben AlielAfia,ysont allés,lepremier en 701,
le second en 1032,en passant par le Sahara (op. cit.,p. 55et 216 à218).

Domenech Lafuente raconte à son tour qu'en 1584et 1589 Ahmed el
Mansour el Assadi entreprit deuxexpéditionsau Soudan (op.cit.,p. 28et 30).
En 1618, Moulay Zidane envoya une expédition à travers le Sahara
atteignant Tombouctou.
En 1665, Moulay Rachid, de la dynastie alaouite régnante, dirigea une
expéditionvers le Soudan (op. cit.,p. 33).

En 1678, il dirigea deux expéditions par la route Lemtouna vers le sud
(ibid.).
Entre 1734 et 1736, Moulay Abdallah organisa une expédition vers le
Soudan (ibid.).
En 1730,Moulay Abdallah dirigea une première expédition vers le Séné-

gal, qui passa par Massa, Wady Noun et Sakiet El Hamra, et une seconde
entre 1734et 1736,au Soudan (ibid.).
Entre 1802et 1809,Moulay Slimane dépêcha deux expéditions vers le sud
(ibid.).

Les Sahraoui, au surplus, sollicitaient eux-mêmesl'assistance des sultans
pour repousser les attaques des forces étrangères, nommémentcelles de
l'Espagne et de la France. WESTERN SAHARA (SEP.OP.AMMOUN) 97

Those expeditions passed through Western Sahara without hindrance
as the amies which undertook them were on home territory. Sometimes
Saharan contingentsjoined the Moroccan forces and, in any case,the latter
receivedfrom the Saharans al1the help they neededalong the way.
Saharans evenjoined the Sultan's troopsin order to fightat their side.For
instance,SultanAbdul Moumengothelp,at thesiegeof Igli,fromtroops who
came from south of the Atlas and from the desert (Huici, p. 68).

It is in the writings of historians worthy of confidence that information
about those expeditions must be sought.
One reads in Vernet that in 707 Moussa ben Nosaïr, the Lebanese
converted to Islam,thecompanion of Tarek BenZiad in the historicpassage
of the Straits of Gibraltar which is named after the latter, and also in the
conquest of Spain,sent hisson Merouan to the furthest Soussto the SakietEl
Hamra (op. cit.p. 36).
In 721, still according to Vernet, a nephew of Okba, the conqueror of
Morocco,penetrated as far as the Soudan (p. 71).
He addsthat the Moroccan governor (or caid) of the Sahara, Muhammad

Soniaïand alsoCaid MussaBen Ali ElAfia,wentthere.theformerin701and
the fatterin 1032,passingthroughthe ~ahaia ontheir way(op. cit.pp. 55and
216 ff..).
~okenech Lafuente,too, relatesthat in 1584and 1589Ahmad al-Mansour
el-Assadiundertook two expeditions to the Soudan (op. cit.pp. 28and 30).
In 1618, Moulay Zidane sent an expedition through the Sahara which
reached Timbuktu.
In 1665,Moulay Rasheed, of the reigning 'Alaweetdynasty, commanded
an expedition to the Soudan (op. cit.p. 33).
In 1678,he commanded two expeditions which followed the Lemtouna
route to thesouth (ibid.).
Between1734and 1736,Moulay Abdullah organized an expedition to the

Soudan (ibid.).
In 1730,Moulay Abdullah commanded a first expedition to the Senegal,
which went by way of Massa, Wadi Noun and the Sakiet El Hamra, and a
second between 1734and 1736,to the Soudan (ibid.).
Between 1802and 1809, Moulay Suleiman sent two expeditions to the
south (ibid.).

The Sahrawi,moreover, themselvesasked the Sultan for help in repelling
attacks by foreign forces, namely those of Spain and France.98 SAHARA OCCIDENTAL(OP.[ND. AMMOUN)

Dans son ouvrage précité, page 33, Domenech écritque les Maures se
considéraient à tel point liésau sultan du Maroc que, lorsque les troupes
françaises arrivèrent aux limites de la Mauritanie et du Hodh, les troupes
menacéesdemandèrent secours et assistance à Moulay Abdel Aziz,le roi du
Maroc, qui a revendiquéces régions comme relevant de sa souveraineté.Le
Sultan qui lui succédaa envoyé son propre oncle Moulay Idriss avec des

armeset desmunitions pour soutenir laguerre saintecontre lesFrançais qu'il
a assiégésà Tidjikja.

Les liens religieux

Le sentiment religieux n'exclutpas lasolidaritéethnique ou nationaleentre
Sahraoui et Marocains. Il la consolide plutôt.
Ce lien a été négligépar l'avis. Pourtant il n'est pas douteux que le lien
religieux estun des élémentsconstitutifs des liensjuridiques etde laationa-

,lité,s'ajoutant aux liens ethniques, sociaux, culturels, économiques et aux
aspirations nationales, pour les cimenter. Et cela d'autant plus que le Sultan
cumulaitlespouvoirs temporel etspirituel, nommant lescadisqui appliquent
le droit musulman. Les exemples modernes attestant la force des liens
religieux abondent: l'Irlande, le Pakistan, le Bangladesh, les Etats dont les
constitutions déterminent la religion du chef de I'Etat ou instituent une

religiond'Etat.
Le lien religieux est donc un élémentconstitutifdu lienjuridique.
~onobstant les allégations espagnoles, la documentation déjà signalée
démontrequelelien religieuxentreSahraoui et Marocains s'exprimaitjusque
par le recours àla guerre sainte. Et cela quoique la guerre sainte illustréepar

l'espritde croisade puis par la grande épopéede Saladin, l'un et l'autre ayant
en vue leslieuxsaints delachrétientéou de l'Islam,ait perdu beaucoup deson
ardeur et de son efficacité.Témoin l'attitudedes Puissances tant chrétiennes
que musulmanes restéessourdes à l'appel pour la délivrance deslieux saints
de Jérusalem.
L'espritde la guerre sainte s'estnéanmoinsmieux conservéauMaroc et au

Sahara occidental, faceaux Puissancescolonialisteschrétiennes. Je renvoie à
l'historien Domenech (supra,p. 94 et suiv.)et au rapport du consul deFrance
àMogador (supra.p. 96).
Pour attester l'existence du lien religieux entre les Sahraoui et les Maro-
cains, il faut citer en particulier Paul Cambon, l'ambassadeur de France à
Madrid, qui rapporte les propos suivants à son ministre des affaires étran-

gères:

Il a toujours été reconnuque la souverainetéterritoriale du Sultan
s'étendaussi loin que sa suzerainetéreligieuse et, comme il est hors de
doute que les populations du cap Juby lui sont soumises au point de WESTERN SAHARA (SEP. OP. AMMOUN) 98

Domenech, on page 33 of the work already quoted, writes that the Moors
considered that their tieswith the Sultan of Morocco weresoclosethat, when

the French trooDs arrived on the confines of Mauritania and the Hodh. the
threatened troobs requestedhelp and assistancefrom Moulay ~bdul-'Leez,
the King of Morocco, who had claimed those regions as coming under his
sovereignty. The Sultan who succeeded him sent his own uncle, Moulay
Idriss, with armsand munitions to support the Holy War against the French,
whom he beseiged at Tijiqja.

Religious Ties

Religious feeling does not preclude ethnic or national solidarity between
Sahrawi and Moroccans. It tends, rather, to consolidate it.
That tie has been neglected in the Opinion. Yet there is no doubt that the
religious tie is one of the constituent elements in legal ties and in those of
nationality, being additional to ethnic,social,cultural and economic ties and
national aspirations, and making them more binding: the more so in that the

Sultan possessed both temporal and spiritual powers, and appointed the
caids who applied Muslim law. Modern examples showing the strength of
religious ties abound: Ireland, Pakistan, Bangladesh and the States with
constitutions which determine the religion of the Head of State or establish a
State religion.
The religious tie ishus a constituent element of the legal tie.

Notwithstanding the Spanish allegations, the documentation already
mentioned shows that the religious ties between the Sahrawi and the
Moroccans found expression even in recourse to the holy war. That was the
case even though holy wars, rendered illustrious by the crusading spirit and
later by the great epic of Saladin, each concerned with the holy places of
Christendom or Islam,had lost much of their zeal and effectiveness - witness

the attitude of the Powers, both Christian and Muslim, which remained deaf
to the appeal to rescue the holy places of Jerusalem.
The spirit of a holy war neverthelessremained more alive in Morocco and
Western Sahara, confronted with the Christian colonialist powers. 1would
referagain to the historian Domenech (supra,p. 94 ff.)and to the report from
the French consul in Mogador (supra,p. 96).

To prove the existence of the religious tie between Sahrawi and the
Moroccans, one must quote in particular Paul Cambon, the French
Ambassador in Madrid, who reported the following observation in a
despatch to his Minister of Foreign Affairs:

"It has always been recognized that the territorial sovereignty of the

Sultan extends as far as hisreligioussuzerainty, and as it isbeyond doubt
that the peoples of Cape Juby are subject to him from the religious point 99 SAHARAOCCIDENTAL(OPI.ND. AMMOUN)

vue religieux, nous pourrions considérer sa souveraineté comme indis-
cutable.» (Documents diplomatiques français, 1871-1914, Ire série,
tome VIII.)

Rappelons enfin que l'islamisation des Etats de l'Afrique occidentale (le
Mali, le Ghana, le Nigéria, le Sénégale ,tc.) a été lacontinuation de cette
conquêtearabe dont le point de départ ou le passage étaitgénéralement la

province détachéepar la colonisation sous la dénomination de Sahara
espagnol. Les Royaumes du Mali et du Ghana en ont été consolidés eo tnt
subsistéforts et prospères jusqu'à la conquête européenne, laquelle ena
sapéles fondements par le partage de l'Afrique et sa colonisation et par la
traite massive vers les deux Amériques,dont l'ampleur n'eut pas de précé-
dent depuis l'Antiquité gréco-romaine etdont les vestiges subsistent dans'
l'apartheid en Afrique du Sud et dans la ségrégationet la discrimination

raciale là et ailleurs.

L'avistraite du droit à l'autodétermination dans ses paragraphe54 à 59.

Ce dernier paragraphe se termine par l'énumérationde certaines hypo-
thèses oùla consultation, par application du principe d'autodétermination,
n'a pas étéexigéepar l'Assembléegénérale.Ces hypothèses sont trèsnom-
breuses.
II est certes assez généralpuisqu'il prévoit infine «la conviction qu'une
consultation eût étésans nécessitéaucune, en raison de circonstances spé-

cialesB.
Néanmoins, il me semble qu'il y a une hypothèse qui mérite d'être
mentionnée spécifiquement:c'est lalutte légitimeen vuede la libérationde la
domination étrangère.
L'Assembléegénéralea affirméla légitimitéde cette lutte dans au moins
quatre résolutions,quisont lesrésolutions2372 (XXII), 2403 (XXIII),2498 et
2517 (XXIV), dont l'ensemble constitue déjà une coutume. Et le Conseil de

sécuritédans sa résolution269(1, ,) l'a affirméeàson tour.
Cette reconnaissance par les Nations Unies de la légitimitéde cette lutte
rentre dans lecadre de l'évolutiondu droit affirméepar la Cour dans son avis
consultatif sur la Namibie(C.1.J. Recueil1971,p.31).Et la Cour précise que:
adans ce domaine, comme dans les autres, le corpus juris gentium s'est
beaucoup enrichi et, pour pouvoir s'acquitter fidèlementde ses~fonctions,la

Cour ne peut l'ignorer» (ibid.).
J'ai soutenu cepoint de vueàl'occasion de l'avisconsultatif surla Namibie
en 1971. Je n'ai pas étésuivi.Je reviens à la charge etj'aurais souhaitéque la WESTERNSAHARA(SEP. OP.AMMOUN) 99

of view,wecould consider his sovereignty as indisputable." (Documents
diplomatiquesfrançais, 1871-1914,firstseries, Vol.VIII).

Finally, let us recall that the Islamisation of the States of Western Africa

(Mali, Ghana, Nigeria, Senegal, etc.) was the continuation of that Arab
conquest which generally set out from or through the province detached by
colonization under the name of Spanish Sahara. The Kingdoms of Mali and
of Ghana were thereby consolidated and remained strong and prosperous
udtil the European conquest, which undermined their foundations by the
partitioning of Africa and its colonization, and by the massive slavetrade to

North and South America, which wason a scalewithout precedent since the
ancient days of Greece and Rome, and of which vestigesremain in apartheid
in South Africa and in racial discrimination and segregation there and
elsewhere.

The Opinion deals with the right of self-determination in paragraphs 54to
59.
The latter paragraph ends by referring to certain instances where con-

sultation in application of the principle of self-determination was dispensed
with bytheGeneral Assembly.Such instances are very numerous.

The paragraph is certainly in fairly general terms, since it mentions injne
"the conviction that a consultation was totally unnecessary in viewof special
circumstances".

Nevertheless, it seems to me that there is one case which deserves to be
mentioned specifically: that is the legitimate struggle for liberation from
foreign domination.
The General Assembly has affirmed the legitimacy of that struggle in at
least four resolutions, namely resolutions 2372 (XXII), 2403 (XXIII), 2498

and 2517 (XXIV), which taken together already constitute a custom.
Furthermore the SecurityCouncil too has affirmed it in resolution 269(1969).
This recognition by the United Nations of the legitimacy of that struggle
comes within theframework of thedevelopments in law affirmed bytheCourt
in its Advisory Opinion on Namibia (I.C.J. Reports 1971,p. 31).The Court
thereexplainedthat: "in thisdomain as elsewherethe corpusjurisgentiumhas

been considerably enriched, and this the Court, if it is faithfully to discharge
its functions, may not ignore" (ibid.).
1upheld this point of view on the occasion of the Advisory Opinion on
Namibia in 1971.1was not followed. 1return to the charge, and 1would have100 SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND.AMMOUN)

dernièrephrase du paragraphe 59soitcomplétée dans lestermes suivants:«et
'notamment la lutte légitimepour la libérationde la domination étrangère ».

Rien ne saurait manifester davantage la volontéd'émancipation que la

lutte entreprise en commun avec les risques et les immenses sacrificesqu'elle
comporte. Cette lutte est plus décisiveque le référendum,étantabsolument
sincèreetauthentique. Etnombreux sont lespeuplesqui yont eurecours pour
fairetriompher leur droit. Et, faut-il le répét,'estcettelutte millénairequi
a fondéle droit des peuples à disposer de leur sort et que les légistes, les
hommes d'Etat, les constitutions et les déclarations, la Charte des Nations

Unies n'ont fait que reconnaître et proclamer solennellement.

En têtede ligne viennent l'Algérieet le Maroc.

L'Algériequi, aprèsavoir héroïquementrésisté àla conquête,a été annexée
purement et simplement; l'Algériequi a sacrifiéun millionde sesenfants pour
reconquérirsa liberté.
Quant au Maroc, il a combattu pendant des sièclespour maintenir son
indépendanceet l'intégrité de son territoire face àune coalition despuissants

dujour. Et quand I'Etat a dû céderàdesforcessupérieures,lepeuple, selon le
terme heureux du professeur Dupuy, a pris la relèvede I'Etat, poursuivant le
combat sur tous lesfronts jusqu'à lavictoire finalequi manifesta, mieux que
tout référendum,la volontéirrésistiblede la nation.
En remontant l'histoire,on peut mentionner la libérationsans référendum,
par une lutte Iégitime,de nombreux pays.

Lalutte sepoursuit encore inlassablement pourla libérationdes peuples de
la Namibie et la Palestine arabe.

Parmi les motifs sur lesquels l'Espagne se base pour convaincre la Cour
qu'elledoit refuser de répondreà la demande d'avisde l'Assembléegénérale,
elle mentionne le fait que l'Assemblée adéjà décidé qu'il soit procédéà un
référendum,et qu'elle ne peut revenir sur cette décision qui la lie; l'avis
n'aurait, dans ces circonstances, qu'une portée académique.

Cet argument a été àbon droit rejetépar la Cour.
Mais pourquoi l'Espagne s'est-elletellement attachéeau référendum ? WESTERNSAHARA (SEP. OP. AMMOUN) 100

liked the last sentence of paragraph 59 to be completed as follows: "and in
particular the legitimatestruggle for liberation from foreign domination."

Nothing could show more clearly the will for emancipation than the

struggle undertaken in common, with the risks and immense sacrifices it
entails. That struggle is more decisivethan a referendum, being absolutely
sincere and authentic. Many are the peoples who have had recourse to it to
make their right prevail. It is, one need hardly repeat, that thousand-year
struggle which has established the right of peoples to decide their own fate, a
right whichjurists, statesmen,constitutions and declarations, and the United

Nations Charter, have merely recognized and solemnly proclaimed.

In the forefront we find Algeria and Morocco.

Algeria, which, after having heroically resisted conquest, was purely and
simply annexed; Algeria, which sacrificed a million of its children to
reconquer its freedom.
As for Morocco, it fought for centuries to maintain its independence and
the integrity of itsterritory in the face of a coalition of the mighty of the

day; and when the State had to give way to superior force, the people, in the
felicitous phrase of Professor Dupuy, took over from the State, continuing
the figo on al1fronts until the final victory, which showed, better than any
referendum, the irresistible will of the nation.
Coing back through history, one can mention instances of liberation
without a referendum through the legitimatestruggle of numerous countries.

The struggle is still being untiringly pursued for the liberation of the
peoples of Namibia and Arab Palestine.

Among the grounds put forward by Spain to convince the Court that it
should refuse to answer the General Assembly's request for an advisory
opinion, it mentions the fact that the Assembly has already decided that a
referendumshould be carried out,and that it cannot goback on that decision
which is binding on it; the Advisory Opinion would, it is alleged, in those
circumstances only be of academic interest.

That argument was rightly rejected by the Court.
But why isSpain so keen on the referendum? 101 SAHARA OCCIDENTAL (OP.IND.AMMOUN)

On en peut trouver l'explication dans le mémorandum du ministre des
affairesétrangèresd'Espagneàl'ambassadeur du Maroc àMadrid endate du

5avril 1957, qui détermine les modalités devant être adoptéespour que
l'Espagne évacuele territoire et que le mémorandum énoncedans lestermes
suivants:

4. La reconnaissance en faveur de l'Espagne, en considération de
l'Œuvre qu'ellea réalisée, etsous une forme à convenir, de privilèges
spéciaux, ainsi que la concession d'un droit préférentielen relation à
d'autres pays, en ce qui concerne le développement économiqueet
l'exploitation en commun dudit territoire.» (Audience du lerjuillet

1975.)

On peut revoirci-haut lesmentions quej'ai faites de certainesdesluttes que
les Sahraoui ont entreprises en commun avec les Marocains pour repousser

les troupes espagnoles et françaises (supra, p. 97). Cette lutte commune
démontreleur détermination à réintégrer la mèrepatrie (ibid.).

L'allégeanceau Sultan et le dispositif

Tout en ayant convenu avec la Cour que le Sahara occidental a des liens

juridiques avec le Royaume du Maroc et l'ensemble mauritanien, je conteste
que ces liens ne constituaient pour le Maroc rien de plus qu'une allégeance
entre le sultan du Maroc et certaines des tribus nomades vivant sur le
territoire du Sahara occidental.
L'allégeanceau Sultan n'estqu'un des élémentsdes liensjuridiques.
Ces liensétaientde caractère étatiqueou politique comme la Cour l'a dit.

En examinant de près le texte du paragraphe 162 auquel renvoie le
dispositif, on constate au surplus ce qui suit:
1. Cetexteignore totalement la notion deterritoire en disant que leMaroc
avait des liensjuridiques avec certaines populations.
Ces populations ne vivaient pas entre ciel et terre.

Leterritoire de Sakiet El Hamra qu'ellesonttoujourshabité et parcouru en
tous sens,exploitant sesressourcesagricoles(palmeraies, pâturages, cultures
saisonnières, points d'eau, etc.) et ses ressources économiques (voies de
communication, transit commercial), ce territoire n'est-il pas le leur?

L'Espagnes'estbien baséesur desaccords avecdescheiks pourétendreson

protectorat sur le territoire qu'ils habitent.
2. D'autre part, il faut se reporter à la question poséepar l'Assemblée
générale pourlui donner la réponse adéquate,or la question II est ainsi
libellée:«Quelsétaientlesliensjuridiques de ce territoireavec leRoyaumedu
Maroc et l'ensemble mauritanien ?» WESTERNSAHARA(SEP.OP.AMMOUN) 101

One can find the explanation in the memorandum from the Spanish

Minister for Foreign Affairs to Morocco's Ambassador in Madrid dated
5 April 1957, which lays down the procedures to be adopted for Spain's
evacuation of the territory, which the memorandum States in the following
terms:

"4. Therecognition in favour of Spain, in consideration of what ithas
achieved, and in a form to be agreed, of special privileges, as well as the
grant of a right preferential to that of other countries with regard to the
economic development and joint exploitation of the said territory."
(Hearing of 1July 1975.)

Reference can be made again to themention 1made above of certain of the
struggles which the Sahrawi undertook in common with the Moroccans to
repel the Spanish and French troops (supra, p. 97).That joint struggleshows
their determination to be reintegrated into the mother country (ibid).

Allegianceto the Sultan and the Operative Part of the Opinion

Whilehaving agreed with the Court that Western Sahara has legal tieswith
the Kingdom of Morocco and the Mauritanian entity, 1do not accept that
those ties represented for Morocco nothing more than ties of allegiance

between the Sultan of Morocco and some of the nomadic tribes living in the
territory of Western Sahara.
The allegiance to the Sultan is only one of the elements of the legal ties.
Those ties were of a State or political character, as the Court has said.
On closeexamination of the text of paragraph 162,to which the operative
part of the Opinion refers, one notes, further, the following:
1. That text completely disregards the notion of territory in saying that

Morocco had legal ties with certain peoples.
Those peoples did not livesuspended between the sky and the ground.
Theterritory of the Sakiet El Hamra which they havealwaysinhabited and
traversed in al1directions, exploiting its agricultural resources(palm groves,
grazinggrounds, seasonal crops, water-holes,etc.)and itseconomic resources
(routes of communication and commercial transit) - is that territory not

theirs?
After all, Spain based itself on agreements with sheikhs to extend its
protectorate over the territory which they inhabited.
2. Further, one must refer to the question put by the General Assembly in
order to give itan appropriate answer: but Question II is worded as follows:
"What werethe legal ties between this territoryand the Kingdom of Morocco

and the Mauritanian entity?"102 SAHARA OCCIDENTAL (OP.IND.AMMOUN)

Les liens que l'Assembléegénéraledemande de déterminersont les liens
juridiques du territoire, lequel (dans l'intention manifeste de l'Assemblée
générale) inclutla population, et non pas uniquement les liens avec cette
population.
3. La réponsetelle qu'elleest libelléedans le dispositif, avec le renvoi aux
motifs tels qu'ilss'énoncent,comporteune contradiction interne.

Car il y est fait mention du territoirdu Sahara, mais tout de suite on
explique par ledit renvoi que c'estdes tribus qu'il s'agit.
En somme, les développements que j'ai exposéstout au long de mon
opinion établissentqu'ilexistedesliensjuridiques decatactèrepolitique entre
le territoire du Sahara occidental et le Royaume du Maroc. Je souligne: le

territoire avec la population qui s'ytrouve.
De toute façon, l'allégeanceau Sultan équivalaità l'allégeanceà I'Etat,
comme il a étéprécédemmen etxposé.
En ce qui concerne l'ensemble mauritanien, les liens ethniques, sociaux,
culturels, économiques,religieux que l'avisa relevésconstituent leséléments

des liens politiques entre le Sahara occidental et l'ensemblemauritanien.

(Signé) Fouad AMMOUN. WESTERNSAHARA(SEP.OP.AMMOUN) 102

The ties which the General Assembly request should be determined are
the legal ties of the territory, which (as obviously intended by the Gen-
eral Assembly) includes the population, not solely the ties with that popu-
lation.
3. The reply, as worded in the operative part, with the reference to the
grounds as stated, contains an interna1contradiction.

Mention is made there of the territory of the Sahara, but it is immediately
explained, by the cross-reference,that it is the tribes that are meant.
In short, the considerations which 1have set forth throughout my Opinion
establish that there existlegal ties ofa politicalcharacter between theterritory
of Western Sahara and the Kingdom of Morocco. 1would emphasize: that
territory with the population living there.

At al1events, allegiance to the Sultan was equivalent to allegiance to the
State, as has been explainedbove.
As regards the Mauritanian entity, the ethnic, social, cultural, economic
and religious ties indicated in the Opinion constitute the elements of the
political ties between Western Sahara and the Mauritanian entity.

(Signed Fouad AMMOUN.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. Ammoun, Vice-Président

Links