Opinion dissidente de M. Bustamante

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049-19620720-ADV-01-09-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. BUSTAMANTE

I. Je fais partie des juges quiontétéd'avis d'examiner la question
de la conformité OU non confoywzité à la Charte des résolutions des
Nations Unies au sujet des affaires du Moyen-Orient et du Congo,
comme un moyen indispensable d'appréciation pour répondre à la
demande poséepar l'Assemblée générald eans la requête de cet avis
consultatif. C'estpour cela que j'estime nécessaire d'exposerle cours
de mon raisonnement sur cette matière afin d'expliquer ma réponse
conditionnée à la requêteet de préciser la vraie portée de cette
réponse.

2. Il me faut expliquer avant tout pourquoi j'ai cru que la Cour
devait donner son avis à l'Assemblée générale, conformémenà t
l'article65 du Statut.

Il est vrai qu'une question préalable a étésoulevéeà cet égard:
celle de savoir s'il était possible ou non de répondre à la demande
d'avis, étant donné quele texte de la requêtevise exclusivement à
la qualification de certaines dépenses comme «dépensesde lJOrgani-
sation », en excluant implicitement toute définitionde la Cour au
sujet de la légalitéintrinsèque et formelle des résolutionsoù lesdites
dépensesfurent autorisées.Maisjepense quela facultédel'Assemblée
généralepour fixer les limites des consultations qu'elle veut bien
formuler n'est pas incompatible avec la faculté des juges, comme
maîtres de leur propre raisonnement, pour prendre en considération
tous les éléments d'appréciationqu'ils croient utiles ou nécessaires

pouratteindre une définitionde leur critèresur leproblèmeconsulté.
Ces élémentsayant la qualité de motifs de l'opinion judiciaire, ne
devront pas figurer dans la partie déclarative de l'avis.

Cette solution s'accorde avec la règle selon laquelle, pour inter-
préterl'une des clauses d'un traité, on l'examine à l'égard detoutes
autres dispositions pertinentes du traité, celui-ci considérédans son
ensemble. Une limitation quelconque à ce sujet ferait tort au prin-
cipe de l'indépendance judiciaire.
En outre, le fait que la Cour ait communiqué la présentation de
l'avis consultatif àtous les États Membres, conformémentàl'article

66 du Statut, implique, à mon avis, l'obligation de la part de la Cour
d'examiner les vues des États qui ont exprimédes objections aux
résolutions dont la requête fait référence. Le ((dossier )remis à la
Cour par le Secrétariat général des Nations Unies contient à cet
égardune documentation abondante. Les débats de la Cinquième
Commission et de l'Assemblée généralea ,insi que le rapport duGroupe deTravail des Quinze pour l'examen desprocédures adminis-
tratives et budgétaires - du IOnovembre 1961- (Doc. 57 du dos-
sier, première partie), montrent les divergences très sérieuses qui
se sont produites au sujet de divers points d'interprétation de la
Charte liés aux affaires du 'Moyen-Orient et du Congo et leurs
dépenses.L'étude du problème en cause ne serait qu'incomplète et
la réponsede la Cour risquerait d'êtrestérileou sans utilité majeure

si l'on ne prend pas en considération ces aspects de la réalité
institutionnelle, et si l'on omet d'essayer l'éclaircissement des
doutes et des discordances qui ont précisémentdonné motif à la
demande d'avis.
Le cas, tel que je l'entends, peut êtreénoncéen ces termes: étant
donné que la Charte est la norme légale à laquelle les actes de
l'Organisation des Nations Unies doivent se soumettre, la consé-
quence découle de ce que l'étude de la légalité (conformité à la
Charte) des résolutions citées à la requêteconstitue un élémentin-

dispensable pour estimer si les dépensesque l'on y mentionne sont,
ou non, des ((dépensesde l'organisation ». Dans la réponse de la
Cour on essayera de s'en tenir aux termes stricts et limités dans
lesquels la demande d'avis a étélibellée;mais cela n'empêchepas
que dans la partie considérative de l'avis la question de la légalité
soit discutéecomme prémisse nécessaire. Onne peut jamais supposer
que l'Assembléegénéraleait voulu restreindre la liberté de critère
de la Cour en écartant absolument de sa considération interne la
question de la légalité. A mon avis, l'intention de l'Assemblée
ghérale a bien étésaisie par le représentant du Gouvernement des

Etats-Unis quand il a dit dans son exposéoral devant le Cour:
(...L'Assembléen'a pas entendu soumettre à la Courune question
àlaquelle elle ne pourra répondreou la placer dans des conditions
qui l'empêcheraientde répondre ..Il s'ensuit quesi la Cour devait
avoir une opiniondifférentede celleavancéepar les Gouvernements
desEtats-Unis, du Royaume-Uni, d'Australie,d'Irlande et d'autres
pays, à savoir que la question peut se limiter de manièreà éviter
le problème dela validité des résolutionssousjacentes, il lui est
loisibled'examiner ces questions plus larges.)(C.R. 62/32p, . 34,
texte français, ligne2 à 4, 24et sç.)

Ma conclusion est donc que la Cour peut et doit répondre à la
demande d'avis consultatif poséepar l'Assemblée générale.

3. J'ai dit qu'un examen préalable de la légalité des résolutions
respectives me paraît tout à fait indispensable pour savoir si les
dépenses énoncéesdans la requêtesont, ou non, des ((dépensesde

l'organisation D.
Parmi les résolutionsfigurant à la requête, ilfaut mentionner que
certaines d'entre elles visent exclusivement les aspects politiques
des deux problèmes du Moyen-Orient et du Congo en exposant lesévénements,afin de justifier l'action arméedes Nations Unies. Ce

sont des résolutionsde base.Il y en a d'autres qui, en se fondant sur
les résolutions de base, autorisent l'engagement des ressources de
l'Organisation et statuent sqr la forme de financement des
dépensesentraînées par l'action entreprise. Ce sont des résolutions
dérivées ou subsidiaires. Les objections soulevéespar divers États
comprennent plusieurs des résolutions des deux groupes.
La question de la légalitou conformitéàla Charte desrésolutions
examinées vise lesdeux aspects de la légalité formelle(régularitéde
la forme, quorum, votes, etc.) et la légalitéintrinsèqueou de fond.
La concurrence des deux éléments déterminela validitéde la ré-
solution.

Quant à la légalitéformelle,les objections soulevéespar certains
États visent surtout les résolutionsdu Conseil de Sécuritédans les
deux affaires du Moyen-Orient et du Congo. Il faut donc examiner
séparémentles deux sériesde résolutions.
En ce qui concerne l'affaire du Moyen-Orient, l'intervention des
Nations Unies en territoire égyptien a étéordonnéeàla fin d'octobre
1956, à la suite d'un appel du Gouvernement d'Égypte.
Le Conseil de Sécuritén'ayant pu au cours de trois séances con-
sécutives (nos748 à 750) obtenir l'unanimité des Membres perma-
nents pour prendre position à l'égard del'invasion de l'Égypte, a
décidé (résolution du 31 octobre 1956) de convoquer l'Assemblée
générale en séance extraordinaire d'urgence - conformément à la

résolutionno377A (V)de 1950 - ((afin de faire les recommandations
nécessaires B.Cet accord a étépris par 7 votes (États-unis, Union
soviétiqueet Chine inclus) contre 2 (France et Royaume-Uni) et 2
abstentions (Australie et Belgique).

Conformément au paragraphe 3, article 27, de la Charte, le
Membre permanent qui fait partie d'un différend susceptible de
perturber la paix selon le chapitre VI, s'abstientde voter.A fortiori,
l'abstention doit avoir lieu siun Membre permanent fait déjà partie
d'un conflit existant qui entraîne une rupture de la paix (chapitre
VII). Dans ce cas, il était interdit à la France et au Royaume-Uni
de prendre part au vote du Conseil: ils devaient donc s'en abstenir.
L'abstention obligatoire est, bien entendu, la négation du droit de
veto. Dans ce cas, l'unanimité des Membres permanents se compte

seulement parmi les Membreshabilitésou nonemfiêché ; lsesdécisions
étant valides si elles ont étéprises par la majorité légale desvotesy
compris cellesde tous les Membres permanents non empêchéD s.onc,
la résolutiondu 31 octobre a été adoptée d'une façon régulièredans
son aspect formel. L'Assemblée généralse'est saisie de l'affaire sur la base de cette
résolution du Conseil et a dicté, à son tour, les résolutions nos997
à 1001 et 1121 qui s'inspirent du but du rétablissement de la paix.
Ces résolutions ayant étéprises par plus des deux tiers des votes
(art. 18, par. 2),leur légalité formelleest hors de doute.

Les opérations au Congo ont commencéau mois de juillet 1960.
Le Gouvernement de la nouveUe République dénonçal'entrée des
troupes belges sur le territoire congolais, en faisant appel à l'aide
militaire des Nations Unies pour obtenir l'évacuation et aussi -

selon les renseignements fournis par le Secrétaire général - pour
se faire prêterassistance afin de rétablir l'ordre public troublé par
des mutineries. Le Conseil de Sécurité aaccueilli cette demande et
a adopté les résolutions des14 juillet, 22 juillet, 9 août et 17 sep-
tembre 1960, 21 février et 24 novembre 1961, dans lesquelles des
mesures diverses sont dictées, selon lecours des événements,pour
faire face à la situation internationale et interne du pays.

Quant aux conditions formelles d'après lesquelles les résolutions
du Conseil de Sécuritéont étéprises, il faut dire que la résolution
du 17 septembre 1960 qui a étévotée contrepar un Membre per-
manent (Union soviétique) visait la convocation d'une session
extraordinaire d'urgence de l'Assembléegénérale. Néanmoins, à une
date postérieure,le 21 février1961,le Conseilde Sécuritéaréaffirmé

la résolution no 1474 (ES-IV) du 19 septembre 1960, adoptée par
l'Assemblée générald eans la session extraordinaire convoquéepar
le Conseil. La résolutiondu 17 septembre a donc étéindirectement
confirmée.
La résolutiondu Conseilde Sécuritédatéedu 22 juillet 1960a été
votéeà l'unanimité. Quant aux autres résolutions, aucune d'entre
elles n'a obtenu des voix contre,mais seulement des abstentions.Il

est déjàbien connu qu'un amendement coutumier de la Charte est
intervenu dans la pratique du Conseil de Sécurité,en ce sens que
l'abstention d'un Membre permanent présent à la séancen'est pas
assimiléeàl'exercicedu droit de veto l.Certes, cette sorte d'amende-
ment peut juridiquement êtrereniéedans un cas d'espèceen invo-
quant le texte de la Charte (art. 27, par. 3), car aucun Membre

permanent ne s'est engagéà le pratiquer sans réserve;mais dans le
cas du Congo, parmi les Membres permanents qui se sont abstenus,
aucun n'a fait valoir son abstention comme veto, au contraire, à
deux reprises la France (17 septembre 1960) et l'Union soviétique
(21 février1961) ont déclaré que leurattitude ne signifiait pas une
position contraire à la résolution. D'autre part, la Chine et le Roy-

aume-Uni, en trois occasions (résolutionsdes 22 juillet et 9août 1960
l Georges Day,« Le Droit de veto dans l'Organisation des Nation»Pedone,
Paris,1952;Pierre F. Brugière«La réglede l'unanzmité des Membres permanent<
au Consezl de Sécurité-Droit de veta, Pedone, Paris,1952.et 21 février1961)ont effacé, envotant favorablement, les traces de
leur abstention initiale du 14 juillet, bien que le Royaume-Uni ait
répété son abstention le 24 novembre 1961. L'Union soviétique a
votéfavorablement quatre résolutions et s'est abstenue pour celle
du 21 février 1961, la considérant peu énergique, quoique utile
jusqu'à un certain point. Le seul pays qui ait maintenu sa ligne
abstentionniste est la France, sauf à la séancedu 22 juillet 1960où
elle vota flour.

L'impression de droit et de conscience que donne ce scrutin est
que les résolutions du Conseil de Sécuritédans l'affaire du Congo
ne sont pas dépourvues de légalité formelleet que les résolutions
de dates plus récentes ratifient, en fait, les précédentes, en conti-
nuant le cours de l'action armée.
Quant aux résolutions (de base ))de l'Assembléegénérale,no 1599
(XV), no 1600 (XV) et 1601 (XV),toutes du 15 avril 1960, elles
visent l'exécutionde celles du Conseilde Sécuritédans le cadre des

objectifs tracéspar cet organe. C'est égalementle cas de la première
résolution no 1474 (ES-IV) de l'Assembléegénérale,dont j'ai déjà
parléet qui fut ratifiéepar le Conseil de Sécurité. Toutesces réso-
lutions de l'Assembléeont étéapprouvées par les deux tiers des
Membres présents et votants, conformément à l'article 18, para-
graphe 2, de la Charte. L'aspect formel a donc étéobservé.

4. Les principales objections faites par divers États, en ce qui
concerne la légalitéintrinsèque ou de fond, peuvent se résumer
comme suit :
a) La Charte a - dit-on - étévioléeparce que dans l'affaire du
Moyen-Orient ce n'est pas le Conseil de Sécurité maisl'Assemblée

généralequi a pris la décisiond'entreprendre une action armée en
contrevenant aux articles 39 à 43 de la Charte.
J'ai déjàexpliqué comment l'affaire d'Égypte a étérenvoyéepar
le Conseilde Sécuritéà l'Assembléegénérale.Le Conseilde Sécurité
peut-il faire cette délégation outransfert de fonctions? Si l'on parle
en termes généraux,la réponse est évidemment négative parce que
cela détruirait les((sphères de compétence 1que la Charte a établies
pour l'un et l'autre de ces organes. Mais dans le cas d'espèce,une

situation exceptionnelle et non prévue à la Charte s'étaitprésentée
à cause de l'empêchement notoire de deux Membres permanents
du Conseil. Celui-cia pensé, assurément, qu'ilne pouvait pas libre-
ment agir à l'égardou contre les parties intéresséessans provoquer
au sein de l'organe une rupture dangereuse,en rendant inefficaceson
intervention. Et, en présencede ce problème, ce que le Conseil a
fait, à mon avis, n'est pas de déléguer ses fonctions, mais il a dévolu
à l'Organisation le mandat que celle-cilui avait conféréen vertu de

l'article 24 de la Charte. Le mandant réassume l'exercice de son
145 droit quand le mandataire renonce à son mandat ou est empêché
de l'exercer. Ainsi, l'Assemblée comme organisme représentatif
de tous les États Membres reprendrait l'exercice de la compétence
et de la responsabilité conféréespar eux au Conseil de Sécurité
conformément audit article 24.

De cette façon, on peut dire que l'intervention de l'Assemblée
générale commençaet sedéroula en vertu d'un cas de force majeure,
à savoir l'impossibilité reconnuepar le Conseil de Sécurité de faire
face à ses responsabilités vis-à-vis d'un conflit où deux Membres
permanents étaient parties. Si l'on considère que l'organisation
était à ce moment devant le dilemme de permettre passivement
que l'occupation de l'Égypte fût consommée ou d'adopter
des mesures d'urgence pour préserver la paix et mettre fin aux
hostilités, il me semble que l'intervention active de l'Assemblée
peut êtrejustifiée parce que l'Organisation était obligéed'accom-

plir les buts primordiaux de son existence conformément àl'article I
de la Charte.
Pour conclure, je crois que l'intervention des Nations Unies dans
le cas du Moyent-Orient dérive de résolutions intrinsèquement
valables au point de vue de la compétence de l'organe. Bien que le
Conseil de Sécurité n'ait pas prispart dans cette affaire, il y a eu
des raisons tout à fait exceptionnelles qui justifient l'intervention
de l'Assembléegénérale.Celle-ci a donc étécompétente pour agir.
Cette appréciation couvre la périodedu 31 octobre au 24 novembre
1956,date de la dernièrerésolutionde base no 1121 jointe au dossier.
A partir de cette date, la situation devra êtreexaminée sous un

nouvel aspect. En effet: étant donné que le Royaume-Uni et la
France acceptèrent de renoncer à leur action armée contrel'Égypte
et de retirer leurs forces, l'empêchementd'intervenir comme Mem-
bres permanents du Conseil de Sécuritécessa pour eux, et par
conséquent, le Conseil fut habilité à nouveau comme organe compé-
tent pour décider du fonctionnement de la Force d'urgence et de
la continuation de l'action des Nations Unies visant l'affaire Israël-
palestinienne. Le Conseil de Sécuritén'est pas intervenu, que je
sache; peut-être en vertu de la thèse de la non-applicabilité de
l'article43 de la Charte et de la compétence de l'Assembléepour

agir au sujet des actions de caractère non coercitif. Mais cette
question sera traitée plus avant.
b) Une autre question très proche de la précédentese réfèreaux
sphères de compétence du Conseil de Séciiritéet de l'Assemblée
généraleau point de vue de l'action pour le maintien de la paix.
C'est le Conseil de Sécurité - dit-on - qi?iest le seul organe possé-
dant la facultéde prendre action (art. 24, 35 (par. 3), 39 à 43). Il est
expressément interdit à l'Assemblée générale d'agi(rart. II, par. 2,

partie finale, et 35, par. 3). L'Assembléen'a, à ce sujet, que les
pouvoirs de discussion et de recommandation (art. IO, II,par. 2, et
art. 14), ainsi que celui d'attirer l'attention du Conseil de Sécurité
sur des situations qui semblent êtredangereuses (art. II, par. 3).
146 Néanmoins - affirme-t-on -, en ce qui concerne l'affaire du Moyen-
Orient, l'Assembléea pris à sa chargel'autorisation de l'actionmili-
taire et, en plus, a crééune Force spéciale d'urgence desNations
Unies pour exécuter les opérations,sans que ce recours ait étéprévu
expressément dans la Charte. Dans l'affaire du Congo, bien que ce
soit le Conseil de Sécuritéqui ait décidél'assistance militaire sous
le contrôle du Secrétaire général,c'est l'Assemblée généralq eui a
pris en charge l'application de cette mesure concernant le soutien
et le financement de l'ONUC, celle-ci étant une force auxiliaire non
prévueà la Charte.

Ces observations demandent une interprétation du sens dans
lequel le mot «action » a étéemployé dans les dispositions de la
Charte.
Il faut mentionner que, dans d'autres domaines, l'Assemblée
généralepeut exercer certaines actionsbien spécifiéesp , ar exemple
l'admission de nouveaux Membres (art. 4), la suspension et l'ex-
clusion d'un Membre (art. 5 et 6), l'exercice de fonctions concernant
le régimeinternational de tutelle (art. 16) ou le Conseil économique
et social (art. 18, 86 et ss.) et les questions administratives et budgé-
taires (art. 17).
Il reste à examiner s'ily a d'autres sortes d'actions que 1'Assem-

bléepourrait prendre sans violation de la Charte dans le domaine
du maintien de la paix.
Dans l'article II, paragraphe 2, la Charte n'a ajouté au mot
« action » aucun adjectif, aucune qualification qui signale le carac-
tère spécifiquede l'action du Conseil de Sécurité.Quelle est alors la
nature de l'action dont la Charte charge le Conseilcomme une chose
relevant de sa compétence exclusive, comme une chose qui est
interdite à l'Assemblée conformémentaux article II ~&ar. 2) et

35Dès maintenant, on veut avancer aue l'action attribuée au
Conseil n'est pas uniquement l'action miiitaire. Je m'appuie sur le

texte de l'article 35, paragraphe 3, qui fait référence(dans le chap.
VI de la Charte) au règlement pacifique des différends. Ici, il n'y a
encore actuellement aucun conflit, aucune situation de fait qui
appelle l'emploi de la force armée: on a affaire seulement à des cas
de controverses qui dans un futur, peut-être lointain, pourraient
aboutir à une menace contrela paix. Néanmoins,dans ces cas, c'est
le Conseil et non pas l'Assemblée(art. 35, par. 3) qui doit exercer
son action, pas certainement militaire, mais de bons offices, de
médiation, d'invitation à l'arbitrage ou à la soumission de la justice
internationale, etc., tout cela renforcépar une certaine compulsion

morale (art. 33 et ss.).
Sil'action militaire n'est pas la seule que le Conseil détienne, quel
est en définitive, et comment se caractérise le type d'action que
la Charte lui a conféré?On peut essayer d'élaborerune conception
théorique qui permettrait, peut-être, à l'Assemblée généralede
147s'avancer dans la voie de l'action. La solution pourrait êtretrouvée
dans les articles I (par.1), 2(par. 2,3, 4, 5), 5, 6, 24 (parI et2), 33,
36 (par. 3), 37, 39 à 44 et 48 de la Charte. Toutes ces dispositions

impliquent de la part des Etats Membres certaines renonciations
partielles et conventionnelles àl'exercice de leur propre souveraineté
- bien reconnue d'ailleurs par l'article2 (par. I et 7)- au bénéfice
de la cause de la coopérationet de la paix internationales. En outre,
quelques-uns de ces articles impliquent de la part des Etats Mem-
bres la reconnaissance a priori du droit de l'Organisation à exercer
sur eux son autorité comminatoire pour les obliger à accomplir les
obligations de la Charte. Cette autorité va de la pression morale
(art. 33, par. 2; 36, par. I; 37, par. 2) en passant par la pression
économiqueet diplomatique (art. 41) jusqu'à l'intervention armée
préventive (art. 42) et l'emploi de la force (art. 43). Tout cela ren-

ferme l'action coercitive sous ses deux aspects de prévention ou
remarque impérative et de punition. Telle est la fonction de graves
responsabilités dont la Charte a voulu charger le Conseil de Sécurité
où les cinq grandes Puissances du monde siègent en permanence.
Uniquement dans les cas des articles 5 et 6 (punition institution-
nelle) le principe s'adoucit et l'Assembléeparticipe, à côtédu Con-
seil, à la fonction punitive.

En essayant d'établir la différenceentre ce pouvoir d'action du
Conseil de Sécuritéet les pouvoirs de l'Assemblée généralej,e dirai
que ces derniers sont de nature à respecter toujours et dans toutes

les circonstances les limites de 1.asouveraineté des États; et c'est
pour cela que les accords de l'Assembléene se traduisent que par des
discussions, pétitions, recommandations et mêmepar des actions
d'une portée restreinte. Mais quand une crise de la paix se produit,
la communauté internationale tombe dans une situation ancimale;
et alors, en vertu du règlement conventionnel de la Charte, les inté-
rêts souverains des États particuliers se placent au-dessous de
l'intérêtplus fondamental de la communauté et les pouvoirs du
Conseil de Sécuritéfont appel à la compulsion et même à la force
pour rétablir l'ordre.
Cette ipterprétation du sens de l'action que la Charte mentionne

comme l'un des attributs du Conseil de Sécurité simplifiela solution
des problèmes relatifs au maintien de la paix. L'action du Conseil
présuppose l'existence d'un État infracteur: alors une décision
d'autoritéou comminatoire de la part du Conseil intervient. Dans
les cas, graves s'ajoute le manque d'obéissancede l'infracteur et,
par corîséquent,une action coercitive intervient contrelui, y compris
l'emploi de la force. A ce moment, on négligele consentement de
l'État responsable et le Conseil peut agir contre la volonté dudit
État.

Si cette interprétation trouve une chance d'acceptation, il serait

plus facile de comprendre l'attitude de l'Assembléegénérale au
148 Moyen-Orient, exprimée et expliquée dans les rapports du Secré-
taire général l.Certes, si une assistance militaire avait étédemandée
par le Gouvernement d'Egypte, si la France et le Royaume-Uni
avaient consenti à abandonner leur attitude de force et si Israël
paralysait son invasion, l'action entreprise par les Nations Unies
n'entraînerait pas - affirme-t-on - une vraie belligérance contre
un Etat dans le sens de l'article 43 de la Charte, mais serait devenue
- par un accord mutuel - une action non coercitive de sécurité

et de contrôie prise en conformitédel'article 14,aux finsde surveiller
la retraite de troupes et le rétablissement de la ligne de l'armistice.
C'est de cette façon que l'envoi de la Force d'urgence a étéjustifié.

Toutefois, cette distinction entre l'action coercitive et l'action
armée non coercitive mais simplement policière ou de sécuritéest,
peut-être, trop subtile pour attriuber la seconde de ces actions à
l'Assembléegénérale.Il faudrait peut-être pour cela une addition
expresse, ou un amendement de la Charte, fait par l'Organe compé-

tent des Nations Unies. Après tout, ceci a trait à une action de
mobilisation militaire sur un territoire étranger, toujours susceptible
de complications qui en fait se sont produites quelques fois. C'est
seulement la considération de cette circonstance exceptionnelle de
l'empêchement du Conseil de Sécurité dans le cas particulier de
l'Égypte qui rend l'affaire plus claire et atténue les doutes dont
j'ai fait mention. On a invoqué, à cet égard, le précédentd'autres
interventions analogues de l'Assemblée générale, qui auraient
copstitué une répétition des cas analogues réaffirmant la portée
des facultés de l'Assembléepour le maintien de la paix. Parmi ces

interventions, on a cité la création du Comité spécialpour les
Balkans (octobre 1g47), celle de la Commission pour !'ilnification
de la Corée (octobre 1950) et celle du groupe d'observation des
Nations Unies au Liban (juin 1958). C'est à l'organisation d'appré-
cier la pertinence et la valeur de ces précédents.
Dans le cas du Congo, l'action militaire a étéordonnée par le
Conseil de Sécuritéet non pas par l'Assemblée généraleD . onc le
problème ne se pose pas sur la validité des résolutions visant l'ini-
tiation de l'action. 11se pose peut-être en ce qui concerne sa conti-

nuation dans des circonstances nouvelles et complexes. La présence
de 1'ONUC au Congo s'étant prolongée, les résolutions financières
de l'Assembléegénéralese sont succédéindéfiniment et ont provo-
quédes contradictions de la part de quelques Etats.
Comme conclusion, on peut affirmer que dans les cas du Moyen-
Orient et du Congoune définitiond'autorité compétente des Nations
Unies est indispensable au sujet de la nature de l'action qu'accom-

l Doc. Al3267, 3 novembre 1956, p. 3; Doc. Al3287, 4 novembre, p. II; Doc.
Al3289, 4 novembre, p. 15; tous ces documents étant compris dans le cahier d'an-
nexes dela première session extraordinaird'urgence,74gme et 750me séances
du Conseil deSécurit6, en date du 30 octobre 1-56Dossier du Secrétariat des
Nations Unies,Doc:n0 132.plissent l'UNEF et 1'ONUC(coercitive ou de simple police de sé-
curité); et au sujet de la portée des obligations des États Membres
à l'égardde ces sortes d'expéditions armées - non prévues à la
Charte - qui ne sont pas imposéespar le Conseil de Sécuritécon-
formément à l'article 43 deB Charte, mais qui émanentdedécisions
du Conseil de Sécuritéou de recommandations de celui-ci et de
l'Assemblée généralp eour exercer, avec le consentement des États
intéressés,une simple activité de contrôle policier non coercitif.

c) La Charte - affirme-t-on - a étévioléeparce que l'Organisa-
tion s'est immiscéedans les affaires internes de la République du
Congo en dépitde la prescription de l'article 2,paragraphes I et 7.
En effet, ajoute-t-on, l'.undes buts de l'action armée autoriséepar le
Conseil de Sécurité (résolutionsdes 14 et 22 juillet, 8 août 1960,
21 févrieret 24 novembre 1961) était de fournir au Gouvernement

coneolais l'assistance militaire dont il avait besoin Dour rétablir
l'orzre public interne et, postérieurement, celui d'étoufierle mouve-
ment sécessionniste de la province du Katanga; mais ces deux
objectifs - dit-on - relèvent clairement de la compétence exclu-
sive du Gouvernement local et du peuple congolais.
Ide critère soutenu par le Conseil de Sécuritéétablit une liaison
étroite entre le maintien de l'ordre public intérieur et le maintien
de la paix et de la sécuritéinternationales, étant donnéla présence
de troupes belges et l'influence des intérêtscomplexes dont le pays
était le théâtre. On ajoute que le Congo étant une république nou-

velle, récemment incorporée aux Nations Unies, elle doit recevoir
de l'organisation toute l'aide qu'elle a demandée pour atteindre sa
formation normale comme État (art. 1, par. 3, de la Charte).
Finalement, il est dit que la constitution politique du nouvel État
est fondéesur le principe de l'unitéconfédéréd ees diverses provin-
ces, le Katanga étant l'une d'elles; et que, n'ayant pas terminé le
((processus » constitutionnel ni l'organisation des pouvoirs natio-
naux avec le concours des représentants de toutes les provinces,
un mouvement quelconque contre la loi fondamentale est préma-

turé et mérite la condamnation de la communauté internationale.

Cette interprétation élargie des nouvelles fonctions tutélaires
des Nations Unies à l'égard desnouveaux États contient évidem-
ment une thèse de noble signification humanitaire et civique, mais
la portée de cette thèse devra préalablement êtreconjuguée par
l'organisation avec le principe qu'énonce l'article 2, paragraphes I
et 7,de la Charte et également avec les possibilités financièresdes
États Membres. C'est la question à résoudre.
Quant au principe de la non-intervention dans des affaires qui

relèvent de la compétencenationale, il est indéniable que l'organi-
sation n'a pas commis en fait d'infraction dans le cas du Congo,
étant donné que c'est le Gouvernement dudit État qui,de sa propre
initiative, demanda l'assistance des Nations Unies. Mais le cas est moins simple quant à lJ?spect du financement. Ces nouvelles
obligations pécuniaires des Etats Membres n'étaient pas prévues
à la Charte. Donc, l'existence d'une obligation conventionnelle de
paiement reste douteuse. On peut dire que l'attitude d'aide au
Congo pour régler ses affaires intérieures a étéprise dans l'esprit
des articles I (par. 3) et 55 (par. b et c) de la Charte; mais dans
le domaine de la coopération internationale les dépensessont cou-
vertes au moyen de contributions, volontaires et ne se répartissent
pas obligatoirement sur tous les Etats. En tout cas, quelque déci-

sion interprétative généralede l'organisation manque à ce sujet.
d) Les États qui ont fait des objections aux dépenses examinées
affirment que la Charte a étévioléeparce que les actions arméesdu
Moyen-Orient et du Congo n'ont pas étéconfiéespour leur exécu-
tion à la <esponsabilité militaire et financière d'un État ou d'un
groupe d'Etats, moyennant des ((accords spéciaux )) signés avec

eux par le Conseil de Sécurité(art. 43), mais que, lesdites actions
ayant été prises directement en main par l'Assemblée générale,
elles ont étéplacées sous la responsabilité de l'organisation et
livrées àune Force spéciale des Nations Unies dont l'existence n'est
pas prévue dans la Charte.
Pour bien apprécier cette objection, il faut examiner deux ques-
tions: l'une de droit et l'autre de fait.
La question de droit consiste à savoir si la formulation des
((accords spéciaux ))est tellement substantielle selon l'esprit de la

Charte que, faute de cette condition, l'action ordonnée ne devrait
pas être entreprise. Je penche pour la négative. Le cas peut se
présenter dans la pratique que l'État ou le groupe d'Etats appelésà
prêterune assistance armée ne puissent pas le faire tout de suite ou
s'excusent d'en accepter la responsabilité. Dans la théorie de la
Charte - il faut le noter - une telle excuse des États n'est pas
prévue. Mais, en tout cas, cela suffirait pour que la décision des
Nations Unies de maintenir ou rétablir la paix soit vouée à un
échec. Dans cette hypothèse, le Conseil de Sécuritédevra combler

le vide au moyen d'un recours direct. Le principe de (l'efficacité
institutionnelle )) que la Cour a appliqué à certaines occasions
(Recueil, avis consultatif du II avril 1949) signale que l'organisa-
tion peut, dans une telle circonstance, chercher dans l'esprit de la
Charte le moyen effectif d'arriver à la réalisation de ses buts (art.1).
On ne voit pas quel moyen pourrait avoir en main l'organisation
autre que celui de la formation d'une Force propre aux opérations.
Il reste encore un point à élucider: les États appelés à intervenir
dans les «?ccords spéciaux »dont parle l'article 43 sont-ils seule-

ment les Etats Membres du Conseil de Sécuritéou seulement ses
Membres permanents, ou l'un quelconque des autres États Membres
de l'Organisation? Certes, l'opinion favorable aux deux premières
thèses a étéénoncéeet cherche appui dans le fait que les Membres
du Conseilsont lesresponsables devant le monde entier des décisions
surla paix et la guerre; et que les Membres permanents représententla gravitation plus puissante au sein de la communauté internatio-
nale du point de vue du pouvoir et des finances. Mais le texte des
articles 43 et 45, en accord avec l'article 2 (par. 2) et les articles17,
24 (par. 1) et 25 de la Charte permet, à mon avis, de reconnaître

l'obligation à tous les Etats de faire honneur, le cas échéant,à
l'appel du Conseil de Sécuritépour prendre part aux ((accords
spéciaux D. C'est une autre question où une décision des Nations
Unies est attendue par les États objecteurs.

Quant à la question de fait, il me semble qu'une erreur aurait

étécommise lorsque l'on affirme au sujet des affaires du Moyen-
Orient et du Congs que des ((ac.cords spéciaux » ne sont pas inter-
venus. Plusieurs Etats ont répondu favorablement à la demande
du Secrétaire généralpour fournir des troupes à l'expédition des
Nations Unies en Égypte l; et, en fait, plusieurs de ces pays ont
envoyéleurs troupes et, vraisemblablement, ont signé des accords

partiels en stipulant les conditions de leur aide. Une pareille chose
est arrivée dans l'affaire du Congo, où le Secrétaire générals'est
mis d'accord avec plusieurs États africains pour la fourniture de
troupes. On ne peut alors dire que la règle sur les (accords spé-
ciaux n ait été violée.Ce qu'il y a de particulier à ce sujet, c'est

qu'on n'a pas confiétotalement àun seul État ou àun groupe d'États
la réalisation de l'action armée comme l'article 43 l'a prévu, mais
que c'est l'organisation des Nations Unies qui a contribué elle-
mêmeà une bonne part des dépenses et qui a crééune Force
d'urgence indépendante mais intégrée d'effectifs nationaux de
plusieurs États et fournie par eux en armements, équipes, moyens

de transport, etc., selon des accords spéciaux. Évidemment, cette
modalité de Force des Nations Unies n'est pas mentionnée à l'ar-
ticle 43 et son origine doit être recherchée dans la conception
fermement soutenue au sein de l'Assembléeet du Secrétariat géné-
ral selon laquelle les cas du Moyen-Orient et du Congo n'étaient
pas des cas relevant du chapitre VI1 de la Charte (menace et mp-

ture de la paix et agression contre la paix), mais des actions de
sécuritéet de contrôle volontairement acceptées par les parties
intéressées,sans caractère coercitif. Comme un élémentde ces ac-
tions, la création de la Force d'urgence serait comprise - de l'avis
de l'Assembléeet du Secrétariat - dans la faculté de l'Assemblée
généralepour créer des organes secondaires (art. 14 et 22). SOUS

ce concept il n'y aurait aucune obligation - a-t-on déclaré -
de s'en tenir à la disposition de l'article 43 sur les «accords spé-
ciaux ».
Les réserves que j'ai expriméesà propos de laportéedu pouvoir
d'action de l'Assemblée généralesont également pertinentes ici.

l D. O., annexes de la onzième session de l'Assemblée générale,suite du5point
de la première session extraordinaire d'urge(rer auIO novembre 1956). New
York, 1956-1957 - no 153 du ndossierIenvoy6 à la Cour par le Secrétariat des
Nations Unies.
1.52Et je dois faire aussi des réserves A l'égard du fait qu'une Force
militaire puisse êtrequalifiéed'«organe subsidiaire » des Nations

Unies, parce que les organes institutionnels supposent une certaine
capacité discrétionnaire de raisonnement pour remplir consciem-
ment la fonction qui leur est assignée,et une Force militaire manque
de toutes facultés délibéranteset constitue tout simplement un
instrument exécutif discipliné des ordres supérieurs. L'Assemblée
aurait, certes, la possibilité de créer cet instrument d'action - en
s'efforçant de surmonter ses objections bureaucratiques -; mais
il faudrait que le problème fondamental soit préalablement résolu
en sa faveur, c'est-à-dire si l'on reconnaît que, misàpart l'article 43,
il y a certaines catégories d'actionsmilitaires ou paramilitaires non
belligérantes qu'elle pourrait aborder, indépendamment du Con-

seil de Sécuritéet en marge des ((accords spéciaux ».Je crois qu'un
amendement coutumier de la Charte à ce sujet n'est pas encore
intervenu parce que, dès le premier instant, il a soulevé des objec-
tions de la part de plusieurs États Membres qui rejetèrent l'inno-
vation. Cette position réticente se lie étroitement avec une autre
objection de caractère financier que je vais considérertout de suite.

e) L'objection examinée dans le paragraphe précédent vise
l'aspect politique de l'absence d'«accords spéciaux »et de leur subs-
titution par la Force d'urgence des Nations Unies dans les affaires
du Moyen-Orient et du Congo. Mais l'objection a une portée plus
vaste et vise simultanément l'aspect financier des actions entre-
prises pour le maintien de la paix. De l'avis de certains États, les
dépenses de cette sor;e d'actions 'armées doivent êtresupportées
exclusivement par 1'Etat ou le groupe d'États désignés comme
exécuteurs de l'action selon les ((accords spéciaux »préalablement
souscrits en conformité de l'article 43; mais non pas par tous les

États Membres comme la pratique de l'Assembléegénéraleveut
l'établir. Quelques États vont plus loin en arrivant à la conclusion
que selon l'esprit de la Charte seuls les Membres du Conseil de
Sécuritéet particulièrement ses Membres permanents devraient
êtreappelés à souscrire et à financer les ((accords spéciaux »pour
effectuer les opérations armées de l'Organisation compte tenu:

a) de la responsabilité principale que la Charte attribue aux
Membres du Conseil pour le maintien de la paix (art. 24) ;
b) de leur intervention décisiveaux décisionsse référantàl'action
armée de l'organisation (art. 24, 25, 39 à 43) ;
c) de la grande partie d'autorité que la Charte reconnaît aux
Membres permanents dans la direction politique de l'organisa-

tion (art.27, par. 3).
D'autres critères additionnels ont étéénoncés,à savoir:

d) la considération de la responsabilité spécialedes États qui ont
un intérêtdirect à la pacification du territoire affectépar un
conflit; e) la responsabilité civile de l'État ou des États qui ont troublé la
paix.

C'est pour cela qu'au cours des débats, au sein des divers organes
des Nations Unies on a discuté largement sur la question de savoir
si les dépenses causéespar l'application des résolutions autorisant
des actions armées sont comprises ou non dans les ccdépenses de
l'organisation » conçues au sens du paragraphe 2, article 17.
Plusieurs Etats Membres donnent une réponsenégativeen soutenant
que les dépenses de l'action armée sont soumises à un règlement
spécialdifférent de l'ordinaire prévu par ledit paragraphe 2. Cette
thèse conduit à analyser si, selon l'intention de l'article 43, les

((accords spéciaux » supposent que le poids financier de chaque
intervention arméetombera toujours et d'une façon totale et exclu-
sive sur l'État ou le groupe d'États dont l'aide a étédemandée; ou
si les dépensespeuvent êtrepartagées entre lesdits États individuels
et l'organisation en tant que telle, ou assuméespar elle seule. Etant
donnéle manque de règleexpresse - car la Charten'est pas explicite
àce sujet -je pense que l'examen du contexte généralde l'article 43
conduit àpencher en faveur de la deuxièmeinterprétation. En effet,
dans le paragraphe 2 de cet article, on a prévu que les ccaccords ))

détermineront non seulement le numéro et la catégorie des forces,
etc., mais aussi ccla nature de l'aide qui devra être apportée », c'est-
à-dire - à mon avis - si cette aide sera gratuite ou rémunéréeo ,u
mixte, et dans quelle proportion. Et si l'aide doit êtrepayéetotale-
ment ou partiellement par l'organisation, le montant que celle-ci
assume constituera en pnncipe une (dépense de l'organisation 1)
aux termes du paragraphe 2 de l'article 17 de la Charte. On doit
prévoir également le cas où l'État ou les États appelés à exécuter
l'action armée ne peuvent le faire, ni souscrire des caccords spé-

ciaux », l'organisation assumant alors elle-mêmel'exécution de
l'action. De plus, le texte de l'article 43, paragraphe 1,ainsi que
les articles2,paragraphe 4,45 et 48, font retomber, en pnncipe, sur
tous les États Membres la responsabilité du maintien de la paix et,
par conséquent, la responsabilité des dépenses.

Un aspect particulier, mais important des objections soulevées
contre l'inclusion dans le paragraphe 2, article17 des dépensespour

le maintien de la paix, est celui du montant - chaque jour plus
grand - desdites dépenses, compte tenu de l'ampleur considérable
par les interventions armées des Nations Unies pour préserver ou
rétablir la paix. Cette observation renferme non pas seulement les
opérations coercitives comprises dans l'article 43 de la Charte, mais
une action armée quelconquequi donne lieu à des dépenses suppor-
tées par l'organisation. C'est précisément lecas des interventions
armées appeléesnon coercitives mais de police, comme celles des
Forces des Nations Unies (UNEF et ONUC) dont une proportion

importante des dépenses est retombée sur l'organisation.
154 Quelques États Membres ont fait état à ce sujet de l'impossibilité
de faire honneur dans leurs budgets nationaux aux obligations
d'ordre international pourla défensede lapaix, parce que sonvolume
dépassela capacitééconomiqueet lesressources fiscalesdeleur pays.
L'argument prend toute sa force àl'égarddes pays sous-développés,
dont le devoir primordial est de prêterattention aux besoins fon-
damentaux de leur propre population. On allègue que l'accroisse-
ment constant des opérations militaires de l'espèce dèsla promulga-
tion de la Charte jusqu'à présent constitue un élémentnouveau qui
a créé des conditionsaussi nouvelles, lesquelles doivent êtreretenues
en droit pour sauvegarder l'équitéet les intérêtsdes Parties contrac-
tantes. La France a même allégué que si l'on prétend faire prévaloir

les décisions financièresde l'Assemblée générale sur la volonté du
pouvoir parlementaire de chaque Etat, cela équivaudrait à admettre
au sein des Nations Unies l'existence d'un pouvoir supranational
qui est en contradiction avec la Charte (art. 2,par. Iet 7). Certes,
ces allégations méritent un examen très approfondi. Ce n'est pas
seulement un problème de quantité,car on ne peut pas sous-estimer
ce vrai conflit de pouvoirs et d'obligations opposant deux sujets de
droit public.

Il me semble indéniable qu'au moment de la signature de la
Charte aucun des Etats Membres n'a pu prévoir que les obligations
qu'il se reconnaissait devant l'organisation pourraient un jour être
en contradiction avec ses obligations de droit interne vis-à-vis de sa
communauté nationale. On n'a nullement prévu que l'accroissement

des dépensesdes Nations Unies pourrait se faire au détriment de la
solvabilité du budget national. Mais ce phénomèneapparu posté-
rieurement à la mise en vigueur de la Charte, il est évident qu'un
tel élémentnouveau demande une considération toute particulière
de la part de l'organe compétent de l'organisation. La répartition
des quotes-parts selon le système des barèmes budgétaires a fait
l'objet de critiques réitéréesI.l faudrait donc arriveràun compromis
plus explicite et formel entre les nécessitésbudgétaires des Nations
Unies et le problème constitutionnel des Etats réclamants, afin
d'incorporer dans la convention de la Charte un règlement addition-
nel de la nouvelle situation. Entre-temps, le cas n'étant pas prévuni
soumis à aucun accord exprès préétabli,on ne voit pas clairement
en vertu de quel principe de droit l'obligation de couvrir ce genre
de dépenses ultra pacte pourrait êtreinvoquée. Le fait de déclarer

dans ces circonstances que cette sorte de dépensessont des dépenses
de l'organisation, sans attendre un règlement spécial,serait àmon
avis d'une gravité extrême :cela équivaudrait àplacer certains Etats
devant le choix de manquer à leurs devoirs auprès de l'organisation
ou de porter préjudice à leur droit interne.

L'Assembléegénéralea perçu toute l'importance de ce problème
ainsi que de ses difficultéset elle a commencé - je crois- à y faire

155face. Elle a inclus dans la partie considérative de ses plus récentes
résolutions financières quelques-uns des nouveaux critères qui ont
étésuggérés àpropos du différent degréde responsabilité de certains

des États Membres quant au financement des dépenses encourues
lors des opérationspour le maintien de lapaix. Maisl'adoption d'une
méthode spéciale accordéeauxdits critères n'a pas encore abouti
d'une manière satisfaisante bien que la résolution 1619 (XV) du 21
avril 1961annonçât une solution intermédiaire, à savoir: l'établisse-
ment d'un nouveau barème des quotes-parts pour faire face aux
dépensesextraordinaires résultant de ces opérations.

fl On a reprochéau Secrétairegénéral d'avoirvioléla Charte lors
des conflits du Moyen-Orient et du Congo, en s'acquittant de fonc-
tions et de responsabilités qui appartiennent au Conseil de Sécurité
ou à l'Assemblée généraleM . ais on doit, à cet égard, prendre en
considération non pas seulement les articles 22 et 29 de la Charte

qui permettent auxdits organes de signaler des organes subsidiaires
d'exécution, maisaussil'article 98 selon lequel le Secrétairegénéral,
en plus de ses fonctions propres, remplit ((toutes autres fonctions
dont il est chargé par l'Assembléegénérale, leConseil de Sécurité,
le Conseiléconomiqueet socialet le ConseildeTutelle 1)L'Assemblée
générale,dans ses résolutionsde 1956,et le Conseilde Sécurité,dans
les siennes de 1960 et 1961, ont chargéexpressément le Secrétaire
généraldelamise en Œuvredeleursdispositions àl'égarddesactions
arméesdans les deux pays. Dans le cas de ces mandats, le Secrétaire
général aagi au nom et pour le compte des ses mandants. Il n'y a
donc pas d'usurpation de fonctions, à moins que la démonstration
ne soit faite que le Secrétairegénéralait outrepassé ses droits dans
l'exercice de son mandat.

5. De l'examen qui précèdeil s'ensuit qu'en principe, c'est-à-dire
dans une interprétation théoriquede la Charte et sans envisager
aucun cas déterminé,on peut affirmer que les dépenses encouruesen
actions armées légalement mises en Œuvre pour le maintien de la
paix sont des dépensesde l'organisation au sens du paragraphe 2,
article 17. Mais il résulte également, selon l'avis de certains États
Membres, que dans les conflits du Moyen-Orient et du Congo des
circonstances spéciales de faitsont intervenues, en vertu desquelles
des résolutionsont étéprises par des organes des Nations Unies qui
entraînent desinfractions àla Charte. Dans ces conditions - disent-
ils - on ne peut pas faire valoir contre ces États Membres des
'obligations dérivéesde résolutionsqui ne sont pas légales.
Voici le point où une définitionest nécessaire.Et ce ne sont pas

les juges qui peuvent aider à la chercher parce que la requête de
l'avis consultatif ne comprend pas la question de la légalitéou
validité des résolutions .qu'elle mentionne. Je me bornerai donc à
faire certaines réflexionsau sujet de cette impasse afin d'expliquer
mes vues qüant à la réponseà donner à la requête.
156 304 AVIS DU 20 VI1 62 (OP.DISS. DE M. BUSTAMANTE)

L'Organisation des Nations Unies est une association d'États où
les droits et les obligations des Membres sont inscrits par voie con-
ventionnelle dans sa charte constitutive. C'est la Charte qui règle
les relations entre les associés,soitréciproquement, soit à l'égard de
l'organisation elle-même.C'estseulement en raison de la soumission
aux buts et aux garanties fixéspar la Charte que les Etats Membres

ont limité partiellement la portéede ses pouvoirs souverains (art. 2).
Il va sans dire par conséquent que la vraie raison de l'obéissance
des États Membres aux autorités de l'organisation est la conformité
des mandats de ses organes compétents au texte de la Charte. Ce
principe de la correspondance conditionnée entre le devoir d'accep-
ter les décisionsinstitutionnelles et la conformité de ces décisions à
la Charte a étéconsacrépar l'article 25,lequel, bien que se référant
explicitement au Conseil de Sécurité,établit à mon avis une norme
basique fondamentale de caractère généralapplicable à tout le
régimede la Charte. L'article 2,paragraphe 2,confirme cette inter-

prétation.
11existe donc la présomption légaleque chacun des organes de
l'institution ait soin dese conformer dans ses actes aux prescriptions
de la Charte; mais quand, de l'avis de l'un des Etats Membres, une
erreur d'interprétation s'est produite ou mêmesi une infraction à la
Charte a étéfaite, on est en droit de contester la résolution où le
défaut a été constatéafin qu'on puisse établir si elle s'est ou non
écartée dela Charte.
On ne saurait soutenir que les résolutionsd'un organe quelconque
des Nations Unies ne sont pas susceptibles de revision: cela équi-
vaudrait à rocl la merl'inutilité de la Charte ou sa subordination

absolue au critère - toujours faillible- des organes.
Mais évidemment le cas des Nations Unies est un cas spécial.
Étant donné sa qualifé de plus haute institution internationale
comme association dJEtats souverains, sa plénitude d'autonomie
ne reconnaît aucune instance supérieure capable de reviser ses
actes. C'est elle-mêmequi a le pouvoir de les rectifier ou de les
confirmer. C'est probablement pour cela qu'aucun organe de con-
trôle de la légalité ou conformité à la Charte n'a étéprévudans son
texte, au sens d'une instance devant laquelle on pourrait soumettre
- à la manière d'une controverse judiciaire - la contestation
présentéepar un État Membre contre une décisionde l'organisa-

tion. Mais cela n'exclut nullement la fonction de l'organisation de
faire elle-mêmejustice aux réclamations de ses associés. Et je
crois trouver une preuve que cela a étél'intention de la Charte
dans le texte de son article 96 oùle conseil de la Cour internationale
de Justice est prévu en ce qui concerne les questions juridiques.
L'avis consultatif se substituant à l'instance judiciaire est le re-
cours volontaire qui, à titre simplement illustratif, précèdela déci-
sion que l'Org?nisation est appelée à donner sur les réclamations
de droit des Etats Membres. A propos des affaires du Moyen-Orient et du Congo, des obser-
vations ont étéfaites par quelques États sur diverses matières:

les uns affirmant la non-conformité à la Charte de certaines réso-
lutions de l'Assembléegénéraleou du Conseilde Sécurité;les autres
signalant des erreurs ppssibles d'interprétation de la Charte qui
ont imposé à tous les Etats Membres des obligations dont la res-
ponsabiliténe devrait pas êtrecommune; d'autres enfin, demandant
que l'organisation établisseun règlement sur des sujets qui n'ont
pas étéprévus dans la Charte. On signale également le caractère
non obligatoire des résolutions qui proviennent d'une simple re-
commandation et non pas d'un mandat impératif d'un organe
principal. Cette attitude de certains États relève d'un droit inhé-
rent à tous les membres des associations possédant un statut
auquel les actes institutionnels doivent se conformer. Ceprincipe de
la conformité au statut est - il faut le rappeler - la base de

l'obligation conventionnelle. Le fait qu'en présence de ce nombre
de réclamations l'Assembléegénéraleait demandé l'opinion juri-
dique de la Cour est - à mon avis - la meilleure preuve que cet
organe des Nations Unies a l'intention de trancher en droit les
objections formulées par plusieurs de ses Membres et - peut-
être - d'aborder une revision ou adaptation de la Charte aux
nouvelles circofistances. Entre-temps, on ne saurait définir si,
à l'égard des Etats objecteurs, les dépenses encourues dans les
opérations d'Égypte et du Congo sont des dépenses légitimeset,
partant, des dépenses de l'Organisation.
On pourrait dire que les résolutions objectéesayant été prises
par la majorité des Membres que la Charte signale (art. 18, par. 2,
et art.27, par.,3) sont juridiquement valables et mêmeobligatoires
pour tous les Etats Membres, bien que certains d'entre eux aient

votécontreou n'aient pas pris part au vote. Celui-ci est, en effet, le
principe généralqui règle les accords de toute association pour
garantir l'unité et l'efficacité institutionnelles. Mais cela a trait
seulement à la légalitéformelle ou externe et non pas à la validité
intrinsèque des résolutions. La non-conformité à la Charte est
une question de légalitéintrinsèque qui peut être posée par les
États Membres bien que la légalitéformelle soit incontestable.
L'objection à la légalitéde fond vise l'exigibilité de l'obligation,
étant donné que l'existence mêmedu lien conventionnel est mise
en cause.
En outre, il faut que l'organisation se prononce sur l'allégation
selon laquelle les résolutionsqui approuvent de simples recomman-
dations de l'Assembléeou du Conseil de, Sécurité ne produisent
pas des effets obligatoires à l'égard desEtats qui ne les ont pas

acceptées.C'est une modalité spécialedu régimedes Nations Unies
à l'égardde laquelle rien n'est définidans la Charte. Quelle serait
la différenceentre une résolution impérativedu Conseil de Sécurité
et une autre qui entraîne simplement une recommandation de
l'Assembléeou du Conseil lui-même ?La recommandation devient-
158 306 AVIS DU 20 VI162 (OP. DIS. DE M. BUSTAMANTE)

elle obligatoire pour tous, en vertu de l'approbation de la majorité?
Le mot ((recommandation )signifieinsinuation, conseil, convenance,
utilité, mais non pas ordre ou mandat impératif. Logiquement une
insinuation ou un conseil ne peut pas normalement se transfor-
mer en obligation. C'est la question à définir.
Visant un autre aspect de l'affaire, on a dit que les résolutions
de l'Assemblée généralteouchant l'engagement de ressources pour
les opérations du Moyen-Orient et du Congo ou le financement des

dépensesopérationnelles (résolutions ((dérivées»)sont elles-mêmes
autonomes et ne doivent pas êtreconsidérées commedépendantes
des résolutions de base qui autorisèrent les opérations militaires.
Chaque organe des Nations Unies - dit-on - est le juge de sa
propre compétence; et les résolutions financières de l'Assemblée
ont, par elles-mêmes,une force obligatoire qui découlede l'autorité
et du critère de cet organe, indépendamment de la liaison avec
les résolutionsde base. Donc, un vice légalquelconque qui pourrait
affecter ces dernières résolutions ne transmettrait pas son défaut
aux résolutions financières de l'Assemblée.Je ne souscris pas à

cette opinion. On ne saurait détruire par cette sorte de raisonne-
ment lelien substantiel et objectif de cause àeffet entrela résolution
qu'autorise une action arméeet celle que recherche les fonds pour
couvrir ses dépenses. Une chose est la légitimitéde la compétence
de l'Assembléepour s'acquitter de la tâche de financer les dépenses
de l'Organisation; une autre, très différente, est celle d'examiner
si le but des dépenses et le procédédu financement sont ou non
conformes à la Charte. Cet examen est loisible à mon avis à l'égard
de toute sorte de résolutions. En outre, certaines des objections

soulevéesvisent, non seulement les résolutions de base mais aussi
d'une façon directe celles de caractère financier, quant à la répar-
tition de la charge des dépenses entre tous les États.

Ce qui constitue une complication au sujet des résolutions finan-
cières est le fait que beaucoup d'entre elles prescrivent l'obligation
de payer, à titre de remboursement, certaines dépensesqui ont été
encourues au moyen de crédits fournis par des tiers. L'honneur et
la bonne foi de l'Organisation exigent l'accomplissement de cette

sorte d'obligation, même si ellesont trouvé leur origine dans des
résolutions défectueuses ou illégales.Je pense que la solution est
donnéepar le régimede la Charte elle-même. Si lesrésolutions ont
étéprises, selon les formes prescrites, par la majorité des États
Membres prévue dans la Charte, une présomption provisoire de
légalitéfavorise ces décisions. Lescas isolésd'allégationsde quelque
ou quelques États contre la validité ou la non-conformité de telles
résolutions à la Charte devront êtrerégléspar l'organe compétent
au moment opportun; mais entre-temps, les effets des résolutions

envers les tiers doivent demeurer intacts. Deux solutions possibles
sont,à considérer: ou l'exécution des obligations est supportée p.ar
les Etats qui ont accepté explicitement ou implicitement la réso-
159lution d'espèce; ou la responsabilité est attribuée à tous les États
Membres, et dans ce cas, après le tranchement des objections pro-
poséespar un État quelconque, des arrangements ou compensa-
tions internes peuvent intervenir si la décisionfavorisel'État objec-
teur. La première solution pourrait surtout êtreappliquée quand
on a affaire à des résolutionsqui proviennent de simples recomman-
dations et la deuxième dans le cas où l'obligation émane d'un
mandat impératif de l'organe compétent.

6. Ce que je viens d'exposer suffit, je pense, à expliquer pour-
quoi je ne puis pas répondre simplement oui ou non à la question
poséepar la requête de l'avis consultatif, étant donné qu'il manque,
selon ma pensée, un élémentsubstantiel d'appréciation, à savoir
la vérification de la conformité ou non-conformité à la Charte de
certaines des résolutions mentionnées à la requête, lesquelles ont
étéle sujet d'objections juridiques de la part de divers États
Membres.
D'après mon exposé onpeut déduirequelle est ma position per-
sonnelle de jugement à l'égard de ces objections dont quelques-
unes, à mon avis, sont mal fondées, bien que des raisons sérieuses

interviennent àl'appui des autres. En tout cas, je crois indispensable
de chercher une définition de droit qui tranche sur la légalité de
toutes ces objections ou qui règle expressément les situations non
prévues à la Charte ou survenues après promulgation. On est en
face d'une situation d'incertitude qui ne peut pas êtreignorée.
La crise financière qui s'est produite au sein de l'Organisation n'est
que le reflet d'une autre crise dont le sujet est le fond mêmede
la Charte. Mais le cas est que la Cour n'a pas lieu de se prononcer
sur ces sujets, non seulement du fait de la nature de cet avis con-
sultatif (opiner,pas juger) mais parce que les limites de la question
poséeà l'avis visent uniquement la définition de savoir si les dé-

penses du Moyen-Orient et du Congo sont, oui ou non, des « dé-
penses de l'organisation », sans inclure l'aspect de la légalité
desdites dépenses.
Alors, je dois répéterce que j'ai dit plus haut: en principe, je
considère que les dépenses valablement autorisées par l'organe
compétent aux fins d'exécution d'une action armée visant au
maintien de la paix et de la sécurité internationales constituent
des (dépensesde l'Organisation 1)Mais dans le cas des dépenses
autorisées pour les opérations du Moyen-Orient et du Congo, c'est
à l'organe compétent des Nations Unies de se prononcer sur les
objections légalesprésentéespar certains États contre les résolu-

tions pertinentes. C'est seulement aprèscette définitionconcernant
le légalitéou la non-légalitédesdites résolutions que la réponse à
la requête serait possible à mon avis.
En conséquence,je conclus que les dépensesdont fait référence
la requête pour avis consultatif seraient des dépensesde l'organi-
sation si, après examen des objections juridiques opposées parcertains États Membres, l'organe compétent des Nations Unies
arrive à définir commelégaleset valables les résolutions en vertu
desquelles lesdites dépenses ont étéencourues.
Étant donné que cette définition n'a pas étéfaite et compte

tenu drs limites de la requête,la Cour - à mon avis - ne peut
pas dire si les dépenses en question sont ou non des dépenses de
l'organisation au sens du paragraphe 2de l'article17 de la Charte.
Mais si la Cour doit, pour le vote, répondre catégoriquement «oui ))
ou «non )à la question poséedans la requête,ma réponsene peut
êtreque négative car, d'après ce qui a étéexposé,je ne suis pas en
mesure d'assumer la responsabilité d'une qualification affirmative
de la légalitédes dépenses.

(Signé) J. L. BUSTAMANTE.

Bilingual Content

OPINION DISSIDENTE DE M. BUSTAMANTE

I. Je fais partie des juges quiontétéd'avis d'examiner la question
de la conformité OU non confoywzité à la Charte des résolutions des
Nations Unies au sujet des affaires du Moyen-Orient et du Congo,
comme un moyen indispensable d'appréciation pour répondre à la
demande poséepar l'Assemblée générald eans la requête de cet avis
consultatif. C'estpour cela que j'estime nécessaire d'exposerle cours
de mon raisonnement sur cette matière afin d'expliquer ma réponse
conditionnée à la requêteet de préciser la vraie portée de cette
réponse.

2. Il me faut expliquer avant tout pourquoi j'ai cru que la Cour
devait donner son avis à l'Assemblée générale, conformémenà t
l'article65 du Statut.

Il est vrai qu'une question préalable a étésoulevéeà cet égard:
celle de savoir s'il était possible ou non de répondre à la demande
d'avis, étant donné quele texte de la requêtevise exclusivement à
la qualification de certaines dépenses comme «dépensesde lJOrgani-
sation », en excluant implicitement toute définitionde la Cour au
sujet de la légalitéintrinsèque et formelle des résolutionsoù lesdites
dépensesfurent autorisées.Maisjepense quela facultédel'Assemblée
généralepour fixer les limites des consultations qu'elle veut bien
formuler n'est pas incompatible avec la faculté des juges, comme
maîtres de leur propre raisonnement, pour prendre en considération
tous les éléments d'appréciationqu'ils croient utiles ou nécessaires

pouratteindre une définitionde leur critèresur leproblèmeconsulté.
Ces élémentsayant la qualité de motifs de l'opinion judiciaire, ne
devront pas figurer dans la partie déclarative de l'avis.

Cette solution s'accorde avec la règle selon laquelle, pour inter-
préterl'une des clauses d'un traité, on l'examine à l'égard detoutes
autres dispositions pertinentes du traité, celui-ci considérédans son
ensemble. Une limitation quelconque à ce sujet ferait tort au prin-
cipe de l'indépendance judiciaire.
En outre, le fait que la Cour ait communiqué la présentation de
l'avis consultatif àtous les États Membres, conformémentàl'article

66 du Statut, implique, à mon avis, l'obligation de la part de la Cour
d'examiner les vues des États qui ont exprimédes objections aux
résolutions dont la requête fait référence. Le ((dossier )remis à la
Cour par le Secrétariat général des Nations Unies contient à cet
égardune documentation abondante. Les débats de la Cinquième
Commission et de l'Assemblée généralea ,insi que le rapport du DISSENTING OPINION OF JUDGE BUSTAMAKTE
[Translation]

I.1 am among the Judges who held the view that the question
of the conformityor non-conformity with the Charter of the United
Nations resolutions concerning the Middle East and the Congo
should be examined as being a necessary means of appraisement
in order to reply to the question put by the General Assembly in
its request for an advisory opinion. That is why 1 consider it neces-
sary to give an account of my line of reasoning in this matter so as
to explain my conditional reply to the request and to make the
true scope of that reply clear.

2. First of all, 1 should explain why 1 have thought that the
Court should give the General Assembly its opinion, in conformity
with Article 65 of the Statute.
It is true that a preliminary question was raised in this respect:
namely whether it was possible or no: to reply to the request for
an opinion, since the text of the request relates exclusively to the
characterization of certain expenditures as "expenses of the
Organization", implicitly excluding any pronouncement on the
part of the Court as regards the intrinsic and forma1legality of the
resolutions by which those expenses were authorized. But 1 think
that the General Assembly's power to determine the limits of the
questions upon which it asks an opinion is not incompatible with
the power of the Court, as master of its ourn reasoning, to takeinto
consideration al1 the elements of appraisement which it thinks
useful or necessary in order to arrive at a definition of its stand-
point on the question on which an opinion is asked. These elements,
having the character of reasons for the Court's view, should not

be included in the operative part of the Opinion.
This view is in accordance with the rule that the interpretation
of one of the clauses of a treaty should be carried out byconsidering
that clause in the light of al1 the other relevant provisions of the
treaty, taken as a whole. Any limitation whatever on this point
would run counter to the principle of judicial independence.
Furthermore, the fact that the Court has communicated the
request for an advisory opinion to al1the Member States in confor-
mity with Article 66 of the Statute implies, in my opinion, an obliga-
tion for the Court to consider the points of view of those States
which expressed objections to the resolutions referred to in the
request. On this point the dossier sent to the Court by theecretary-
General of the United Nations contains abundant documentation.
The debates in the Fifth Committee and the General Assembly,

141Groupe deTravail des Quinze pour l'examen desprocédures adminis-
tratives et budgétaires - du IOnovembre 1961- (Doc. 57 du dos-
sier, première partie), montrent les divergences très sérieuses qui
se sont produites au sujet de divers points d'interprétation de la
Charte liés aux affaires du 'Moyen-Orient et du Congo et leurs
dépenses.L'étude du problème en cause ne serait qu'incomplète et
la réponsede la Cour risquerait d'êtrestérileou sans utilité majeure

si l'on ne prend pas en considération ces aspects de la réalité
institutionnelle, et si l'on omet d'essayer l'éclaircissement des
doutes et des discordances qui ont précisémentdonné motif à la
demande d'avis.
Le cas, tel que je l'entends, peut êtreénoncéen ces termes: étant
donné que la Charte est la norme légale à laquelle les actes de
l'Organisation des Nations Unies doivent se soumettre, la consé-
quence découle de ce que l'étude de la légalité (conformité à la
Charte) des résolutions citées à la requêteconstitue un élémentin-

dispensable pour estimer si les dépensesque l'on y mentionne sont,
ou non, des ((dépensesde l'organisation ». Dans la réponse de la
Cour on essayera de s'en tenir aux termes stricts et limités dans
lesquels la demande d'avis a étélibellée;mais cela n'empêchepas
que dans la partie considérative de l'avis la question de la légalité
soit discutéecomme prémisse nécessaire. Onne peut jamais supposer
que l'Assembléegénéraleait voulu restreindre la liberté de critère
de la Cour en écartant absolument de sa considération interne la
question de la légalité. A mon avis, l'intention de l'Assemblée
ghérale a bien étésaisie par le représentant du Gouvernement des

Etats-Unis quand il a dit dans son exposéoral devant le Cour:
(...L'Assembléen'a pas entendu soumettre à la Courune question
àlaquelle elle ne pourra répondreou la placer dans des conditions
qui l'empêcheraientde répondre ..Il s'ensuit quesi la Cour devait
avoir une opiniondifférentede celleavancéepar les Gouvernements
desEtats-Unis, du Royaume-Uni, d'Australie,d'Irlande et d'autres
pays, à savoir que la question peut se limiter de manièreà éviter
le problème dela validité des résolutionssousjacentes, il lui est
loisibled'examiner ces questions plus larges.)(C.R. 62/32p, . 34,
texte français, ligne2 à 4, 24et sç.)

Ma conclusion est donc que la Cour peut et doit répondre à la
demande d'avis consultatif poséepar l'Assemblée générale.

3. J'ai dit qu'un examen préalable de la légalité des résolutions
respectives me paraît tout à fait indispensable pour savoir si les
dépenses énoncéesdans la requêtesont, ou non, des ((dépensesde

l'organisation D.
Parmi les résolutionsfigurant à la requête, ilfaut mentionner que
certaines d'entre elles visent exclusivement les aspects politiques
des deux problèmes du Moyen-Orient et du Congo en exposant lesand the report dated IO November 1961 of the Working Group
of Fifteen on the Examination of the Administrative and Bud-
getary Procedures of the United Nations (Document 57 of the
dossier, Part 1),reveal the very serious differences of opinion which
were expressed regarding various points of interpretation of the
Charter bearing on the Middle East and Congo questions and on the
expenditures involved. An examination of the prowem would be
incomplete, and the Court's reply would risk being either fruitless
or devoid of any great utility, if these aspects of institutional reality
are not taken into account, and if no attempt is made to clear up
precisely those doubts and disagreements which led to the request
for an advisory opinion.
As 1 understand it, the case may be put in these terrns: since the
Charter is the legal standard to which the acts of the United Nations
must conform, it follows that a study of the legality (conformity

with the Charter) of the resolutions cited in the request constitutes
an indispensable factor in the decision whether the expenditures
referred to are, or are not, "expenses of the Organization". In the
Court's reply an attempt is made to remain strictly within the
limited terms in which the request for an opinion has been worded;
nevertheless, in the reasoning of the Opinion the question of legality
is discussed as an essential premiss. It cannot be supposed that the
General Assembly wished to limit the Court's freedom of judgment
by excluding absolutely from its own consideration the question
of legality. In iny opinion, the General Assembly's intention was
well stated by the representative of the Government of the United
States when, in his oral statement before the Court, he said:

which it could not answer, or to place conditions upon the Court
which wouldprevent it from answering ..From this it followsthat,
if the Court should differ with the views advanced by the Govern-
ments of the United States, the United Kingdom,Australia, Ireland
and others, that the issues can properly be limited so as to avoid
passing upon the validity of the underlying resolutions, then it
is free to inquire into these broader questions." (Oral Statevnenfs,
p.131, lines 1-4afld 26 ff.)

My conclusion, then, is that the Court can and should reply tothe
request for an advisory opinion put to it by the General Assembly.

3. 1 have said that a prior examination of the legality of the
respective resolutions seems to me to be absolutely indispensable
for ascertaining whether the expenditures mentioned in the re-
quest are, or are not, "expenses of the Organization".
Among the resolutions listed in the request, it should be men-
tioned that some of them deal exclusively with the political aspects
of the two problems of the Middle East and'the Congo, describingévénements,afin de justifier l'action arméedes Nations Unies. Ce

sont des résolutionsde base.Il y en a d'autres qui, en se fondant sur
les résolutions de base, autorisent l'engagement des ressources de
l'Organisation et statuent sqr la forme de financement des
dépensesentraînées par l'action entreprise. Ce sont des résolutions
dérivées ou subsidiaires. Les objections soulevéespar divers États
comprennent plusieurs des résolutions des deux groupes.
La question de la légalitou conformitéàla Charte desrésolutions
examinées vise lesdeux aspects de la légalité formelle(régularitéde
la forme, quorum, votes, etc.) et la légalitéintrinsèqueou de fond.
La concurrence des deux éléments déterminela validitéde la ré-
solution.

Quant à la légalitéformelle,les objections soulevéespar certains
États visent surtout les résolutionsdu Conseil de Sécuritédans les
deux affaires du Moyen-Orient et du Congo. Il faut donc examiner
séparémentles deux sériesde résolutions.
En ce qui concerne l'affaire du Moyen-Orient, l'intervention des
Nations Unies en territoire égyptien a étéordonnéeàla fin d'octobre
1956, à la suite d'un appel du Gouvernement d'Égypte.
Le Conseil de Sécuritén'ayant pu au cours de trois séances con-
sécutives (nos748 à 750) obtenir l'unanimité des Membres perma-
nents pour prendre position à l'égard del'invasion de l'Égypte, a
décidé (résolution du 31 octobre 1956) de convoquer l'Assemblée
générale en séance extraordinaire d'urgence - conformément à la

résolutionno377A (V)de 1950 - ((afin de faire les recommandations
nécessaires B.Cet accord a étépris par 7 votes (États-unis, Union
soviétiqueet Chine inclus) contre 2 (France et Royaume-Uni) et 2
abstentions (Australie et Belgique).

Conformément au paragraphe 3, article 27, de la Charte, le
Membre permanent qui fait partie d'un différend susceptible de
perturber la paix selon le chapitre VI, s'abstientde voter.A fortiori,
l'abstention doit avoir lieu siun Membre permanent fait déjà partie
d'un conflit existant qui entraîne une rupture de la paix (chapitre
VII). Dans ce cas, il était interdit à la France et au Royaume-Uni
de prendre part au vote du Conseil: ils devaient donc s'en abstenir.
L'abstention obligatoire est, bien entendu, la négation du droit de
veto. Dans ce cas, l'unanimité des Membres permanents se compte

seulement parmi les Membreshabilitésou nonemfiêché ; lsesdécisions
étant valides si elles ont étéprises par la majorité légale desvotesy
compris cellesde tous les Membres permanents non empêchéD s.onc,
la résolutiondu 31 octobre a été adoptée d'une façon régulièredans
son aspect formel.events in order to justify the armed action of the United Nations.
These are the basic resolutions. There are others which, on the

strength of the basic resolutions, authorize the commitment of the
Organization's resources and prescribe the method of financing the
expenditure involved by the action taken. These are the derived
or subsidiary resolutions. The objections raised by certain States
relate to a number of resolutions in both groups.
The question of the legality or of the conformity with the Charter
of the resolutions examined covers the two aspects of forma1
legality (regularity of form, quorum, votes, etc.) and the intrinsic
or substantive Zegality.The concurrence of the two factors deter-
mines the validity of the resolution.

As to the formal legality, the objections raised by certain States
relate in particular to the Security Council resolutions concerning
the Middle East and the Congo respectively. These two series of
resolutions must therefore be examined separately.
In the case of the Middle East, the intervention of the United

Nations in Egyptian territory was ordered at the end of Octo-
ber 1956, following an appeal by the Egyptian Government.
During three consecutive meetings (Nos. 748to 750), the Security
Council was not able to secure the unanimity of the permanent
Members for adopting a definite position as regards the invasion
of Egypt; it therefore decided (resolution of 31 October 1956) to
convene the General Assembly in an emergency special session-
in conformity with resolution No. 377 A (V) of 1950-"in order
to make appropriate recommendations". This was agreed to by
7 votes (including the United States, the Soviet Union and China)
to 2 (France and the United Kingdom) with 2 abstentions (Aus-
tralia and Belgium) .
In conformity with Article 27, paragraph 3, of the Charter, a
permanent Member which is a party to a dispute which may en-
danger the peace according to Chapter VI shaZZabstainfrom voting.
A fortiori, there must be such abstention from voting if a permanent
Member is already a party to an existing conflict involving a breach
of the peace (Chapter VII). In this case, France and the United

Kingdom were debarred from taking part in the Council's vote,
and were under an obligation to abstain. Compulsory abstention
is, naturally, the negation of the right to veto. In such a case, the
unanimity of the permanent Members refers only to those perma-
nent Members who are duly entitled to vote in the matter or not
debarred; the decisions being valid if taken by the legal majority
of the votes, including those of al1 the permanent Members who
are not debarred.Hence, the resolution of 31 October was, from a
forma1 point of view, properly adopted.
143 L'Assemblée généralse'est saisie de l'affaire sur la base de cette
résolution du Conseil et a dicté, à son tour, les résolutions nos997
à 1001 et 1121 qui s'inspirent du but du rétablissement de la paix.
Ces résolutions ayant étéprises par plus des deux tiers des votes
(art. 18, par. 2),leur légalité formelleest hors de doute.

Les opérations au Congo ont commencéau mois de juillet 1960.
Le Gouvernement de la nouveUe République dénonçal'entrée des
troupes belges sur le territoire congolais, en faisant appel à l'aide
militaire des Nations Unies pour obtenir l'évacuation et aussi -

selon les renseignements fournis par le Secrétaire général - pour
se faire prêterassistance afin de rétablir l'ordre public troublé par
des mutineries. Le Conseil de Sécurité aaccueilli cette demande et
a adopté les résolutions des14 juillet, 22 juillet, 9 août et 17 sep-
tembre 1960, 21 février et 24 novembre 1961, dans lesquelles des
mesures diverses sont dictées, selon lecours des événements,pour
faire face à la situation internationale et interne du pays.

Quant aux conditions formelles d'après lesquelles les résolutions
du Conseil de Sécuritéont étéprises, il faut dire que la résolution
du 17 septembre 1960 qui a étévotée contrepar un Membre per-
manent (Union soviétique) visait la convocation d'une session
extraordinaire d'urgence de l'Assembléegénérale. Néanmoins, à une
date postérieure,le 21 février1961,le Conseilde Sécuritéaréaffirmé

la résolution no 1474 (ES-IV) du 19 septembre 1960, adoptée par
l'Assemblée générald eans la session extraordinaire convoquéepar
le Conseil. La résolutiondu 17 septembre a donc étéindirectement
confirmée.
La résolutiondu Conseilde Sécuritédatéedu 22 juillet 1960a été
votéeà l'unanimité. Quant aux autres résolutions, aucune d'entre
elles n'a obtenu des voix contre,mais seulement des abstentions.Il

est déjàbien connu qu'un amendement coutumier de la Charte est
intervenu dans la pratique du Conseil de Sécurité,en ce sens que
l'abstention d'un Membre permanent présent à la séancen'est pas
assimiléeàl'exercicedu droit de veto l.Certes, cette sorte d'amende-
ment peut juridiquement êtrereniéedans un cas d'espèceen invo-
quant le texte de la Charte (art. 27, par. 3), car aucun Membre

permanent ne s'est engagéà le pratiquer sans réserve;mais dans le
cas du Congo, parmi les Membres permanents qui se sont abstenus,
aucun n'a fait valoir son abstention comme veto, au contraire, à
deux reprises la France (17 septembre 1960) et l'Union soviétique
(21 février1961) ont déclaré que leurattitude ne signifiait pas une
position contraire à la résolution. D'autre part, la Chine et le Roy-

aume-Uni, en trois occasions (résolutionsdes 22 juillet et 9août 1960
l Georges Day,« Le Droit de veto dans l'Organisation des Nation»Pedone,
Paris,1952;Pierre F. Brugière«La réglede l'unanzmité des Membres permanent<
au Consezl de Sécurité-Droit de veta, Pedone, Paris,1952. The General Assembly dealt with the matter on the basis of
this Council resolution and, in its turn, passed resolutions Nos. 997
to 1001 and 1121, inspired by the purpose of restoring peace. Since
these resolutions were adopted by more than two-thirds of the votes
(Art. 18, para. 2), their formal legality is beyond question.

The operations in the Congo began in July 1960. The Govern-
ment of the new Republic protested against the entry of Belgian
troops on Congo territory, appealing for the military help of the
United Nations to obtain their evacuation and also-according to
information supplied by the Secretary-General-to obtain assistance

so as to restore public order, which was disturbed by mutinies.
The Security Council complied with this request and adopted the
resolutions of 14July, 22 July, g August and 17 September 1960
and 21 February and 24 November 1961,in which various measures
were prescribed, according to the course of events, to deal with the
international and interna1 situation of the country.
As to the formal conditions in which the Security Council resolu-
tions were adopted, it should be said that the resolution of 17 Sep-

tember 1960, against which one permanent Member (the Soviet
Union) voted, concerned the calling of an emergency special ses-
sion of the General Assembly. Nevertheless, at a later date, namely
21 February 1961, the Security Council reaffirmed resolution
No. 1474 (ES-IV) of 19 September 1960, adopted by the General
Assembly in the special session called by the Council. The resolu-
tion of 17 September was thus indirectly confirmed.

The Security Council's resolution of 22 July 1960 was adopted
~na~~imously.None of the other resolutions involved any votes
against, but only abstentions.It is already well known that an un-
written amendment to the Charter has taken place in the practice
of the Security Council, namely, to the effect that the abstention
of a permanent Member present at a meeting is not assimilated to

the exercise of the right to vetol. No doubt thistype of amendment
may be legally repudiated in a given case by invoking thetext of the
Charter (Art. 27, para. 3), since no permanent Member has under-
taken to apply it without reservations; but inthe case of the Congo,
of the permanent Members abstaining, none asserted that its ab-
stention was to be regarded as a veto. On the contrary, on two
occasions France (17 September 1960) and the Soviet Union
(21 February 1961) stated that their attitude did not mean taking

up a position contrary to the resolution. Again, China andthe Unit-
ed Kingdom on three occasions (resolutions of 22 July and
l Georges Day: Le droit de veto dans l'Organisation des Nations Unies, Pedone,
Paris,1952;Pierre F. Brugière: La règle del'unanimité des Membres permanents
au Conseil de Sécur-téDroit de veto, Pedone, Pa1952.et 21 février1961)ont effacé, envotant favorablement, les traces de
leur abstention initiale du 14 juillet, bien que le Royaume-Uni ait
répété son abstention le 24 novembre 1961. L'Union soviétique a
votéfavorablement quatre résolutions et s'est abstenue pour celle
du 21 février 1961, la considérant peu énergique, quoique utile
jusqu'à un certain point. Le seul pays qui ait maintenu sa ligne
abstentionniste est la France, sauf à la séancedu 22 juillet 1960où
elle vota flour.

L'impression de droit et de conscience que donne ce scrutin est
que les résolutions du Conseil de Sécuritédans l'affaire du Congo
ne sont pas dépourvues de légalité formelleet que les résolutions
de dates plus récentes ratifient, en fait, les précédentes, en conti-
nuant le cours de l'action armée.
Quant aux résolutions (de base ))de l'Assembléegénérale,no 1599
(XV), no 1600 (XV) et 1601 (XV),toutes du 15 avril 1960, elles
visent l'exécutionde celles du Conseilde Sécuritédans le cadre des

objectifs tracéspar cet organe. C'est égalementle cas de la première
résolution no 1474 (ES-IV) de l'Assembléegénérale,dont j'ai déjà
parléet qui fut ratifiéepar le Conseil de Sécurité. Toutesces réso-
lutions de l'Assembléeont étéapprouvées par les deux tiers des
Membres présents et votants, conformément à l'article 18, para-
graphe 2, de la Charte. L'aspect formel a donc étéobservé.

4. Les principales objections faites par divers États, en ce qui
concerne la légalitéintrinsèque ou de fond, peuvent se résumer
comme suit :
a) La Charte a - dit-on - étévioléeparce que dans l'affaire du
Moyen-Orient ce n'est pas le Conseil de Sécurité maisl'Assemblée

généralequi a pris la décisiond'entreprendre une action armée en
contrevenant aux articles 39 à 43 de la Charte.
J'ai déjàexpliqué comment l'affaire d'Égypte a étérenvoyéepar
le Conseilde Sécuritéà l'Assembléegénérale.Le Conseilde Sécurité
peut-il faire cette délégation outransfert de fonctions? Si l'on parle
en termes généraux,la réponse est évidemment négative parce que
cela détruirait les((sphères de compétence 1que la Charte a établies
pour l'un et l'autre de ces organes. Mais dans le cas d'espèce,une

situation exceptionnelle et non prévue à la Charte s'étaitprésentée
à cause de l'empêchement notoire de deux Membres permanents
du Conseil. Celui-cia pensé, assurément, qu'ilne pouvait pas libre-
ment agir à l'égardou contre les parties intéresséessans provoquer
au sein de l'organe une rupture dangereuse,en rendant inefficaceson
intervention. Et, en présencede ce problème, ce que le Conseil a
fait, à mon avis, n'est pas de déléguer ses fonctions, mais il a dévolu
à l'Organisation le mandat que celle-cilui avait conféréen vertu de

l'article 24 de la Charte. Le mandant réassume l'exercice de son
1459 August 1960 and 21 February 1961) obliterated, by subsequent
favourable votes, any traces of their original abstention o14 July,

although indeed the United Kingdom did renew its abstention on
24 November 1961. The Soviet Union voted for four resolutions
and abstained with regard to that of 21 February 1961, considering
it not strong enough, although useful up to a certain point. The
only country which maintained its abstentionist line was France,
except at the meeting of 22 July 1960, when she voted for.
The impression in law and conscience given by this vote is that
the Security Council's resolutions in the case of the Congo are not
devoid of forma1 legality, and that the resolutions of more recent
dates in fact ratify the earlierones, by continuing the course of
armed action.
With respect to the "basic" resolutions of the General Assembly,
1599 (XV), 1600 (XV) and 1601 (XV), al1of them dated 15 April
1960, they deal with the carrying out of the Security Council's
resolutions within the scope of the objectives laid down by the
latter organ. This is also the case with the first resolution 1474
(ES-IV) of the General Assembly, of which 1 have already spoken

and which was ratified by the Security Council. Al1these Assembly
resolutions were approved by two-thirds of the Members present
and voting, in conformity with Article 18, paragraph 2, of the Char-
ter. The forma1 aspect has thus been observed.

4.The chief objections made by certain States as regards the
intrinsic or substantive legality may be summed up as follows:

(a) The Charter-it is said-has been violated because in the
case of the Middle East it was not the Security Council but the
General Assembly which took the decision to undertake armed
action, in contravention of Articles 39 to43 of the Charter.
1 have already explained how the Egyptian question was refer-
red by the Security Council to the General Assembly. Can the Secu-
rity Council so delegate or transfer its functions? Speaking in gene-
ral terms, the reply is clearly negative,because that would upset

the "spheres of competence" which the Charter has laid down for
these two organs. But in this particular case a really exceptional
situation, and one not provided for in the Charter, had arisen, by
reason of the obvious incapacity of two permanent Members of the
Council. The Council evidently thought that it could not take action
freely with respect to or against the interested parties without
provoking a dangerous breach within the organ, making its inter-
vention ineffective. Faced with this problem, what the Council did,
in my opinion, was not to delegate its functions but to return to
the Organization the mandate which the latter had conferred upon
it under Article 24 of the Charter. The principal reassumes the

145 droit quand le mandataire renonce à son mandat ou est empêché
de l'exercer. Ainsi, l'Assemblée comme organisme représentatif
de tous les États Membres reprendrait l'exercice de la compétence
et de la responsabilité conféréespar eux au Conseil de Sécurité
conformément audit article 24.

De cette façon, on peut dire que l'intervention de l'Assemblée
générale commençaet sedéroula en vertu d'un cas de force majeure,
à savoir l'impossibilité reconnuepar le Conseil de Sécurité de faire
face à ses responsabilités vis-à-vis d'un conflit où deux Membres
permanents étaient parties. Si l'on considère que l'organisation
était à ce moment devant le dilemme de permettre passivement
que l'occupation de l'Égypte fût consommée ou d'adopter
des mesures d'urgence pour préserver la paix et mettre fin aux
hostilités, il me semble que l'intervention active de l'Assemblée
peut êtrejustifiée parce que l'Organisation était obligéed'accom-

plir les buts primordiaux de son existence conformément àl'article I
de la Charte.
Pour conclure, je crois que l'intervention des Nations Unies dans
le cas du Moyent-Orient dérive de résolutions intrinsèquement
valables au point de vue de la compétence de l'organe. Bien que le
Conseil de Sécurité n'ait pas prispart dans cette affaire, il y a eu
des raisons tout à fait exceptionnelles qui justifient l'intervention
de l'Assembléegénérale.Celle-ci a donc étécompétente pour agir.
Cette appréciation couvre la périodedu 31 octobre au 24 novembre
1956,date de la dernièrerésolutionde base no 1121 jointe au dossier.
A partir de cette date, la situation devra êtreexaminée sous un

nouvel aspect. En effet: étant donné que le Royaume-Uni et la
France acceptèrent de renoncer à leur action armée contrel'Égypte
et de retirer leurs forces, l'empêchementd'intervenir comme Mem-
bres permanents du Conseil de Sécuritécessa pour eux, et par
conséquent, le Conseil fut habilité à nouveau comme organe compé-
tent pour décider du fonctionnement de la Force d'urgence et de
la continuation de l'action des Nations Unies visant l'affaire Israël-
palestinienne. Le Conseil de Sécuritén'est pas intervenu, que je
sache; peut-être en vertu de la thèse de la non-applicabilité de
l'article43 de la Charte et de la compétence de l'Assembléepour

agir au sujet des actions de caractère non coercitif. Mais cette
question sera traitée plus avant.
b) Une autre question très proche de la précédentese réfèreaux
sphères de compétence du Conseil de Séciiritéet de l'Assemblée
généraleau point de vue de l'action pour le maintien de la paix.
C'est le Conseil de Sécurité - dit-on - qi?iest le seul organe possé-
dant la facultéde prendre action (art. 24, 35 (par. 3), 39 à 43). Il est
expressément interdit à l'Assemblée générale d'agi(rart. II, par. 2,

partie finale, et 35, par. 3). L'Assembléen'a, à ce sujet, que les
pouvoirs de discussion et de recommandation (art. IO, II,par. 2, et
art. 14), ainsi que celui d'attirer l'attention du Conseil de Sécurité
sur des situations qui semblent êtredangereuses (art. II, par. 3).
146exercise of his powers when the agent renounces his mandate or is
prevented from exercising it. Thus, as a body representative of all

the Member States,the Assembly would be reassurning the exercise
of the competence and the resppnsibility conferred by them on the
Security Council under Article 24.
Thus the intervention of the General Assembly may be said to
have begun and continued by virtue of a case of force majeure,
namely the impossibility acknowledged by the Security Council of
carrying out its responsibilities in respect of a conflict to which
two permanent Members were parties. If account is taken of the
fact that the Organization was then faced with this dilemma:
either passively to allow the occupation of Egypt to be accomplish-
ed, or to adopt urgent measures to preserve peace and put an end to
hostilities, it would seem that the Assembly's active intervention
may be justified since the Organization was obliged to fulfil the
principal purposes of its existence under Article I of the Charter.

To sum up, 1 think that the United Nations intervention in the
case of the Middle East derives from resolutions which are intnn-
sically valid from the point of view of the competence of the organ
concerned. Although the Security Council did not take part in the
matter, there were quite exceptional reasons which justified the
General Assembly's intervention. The latter was therefore compe-
tent to act. This holds for the period from 31 October to 24 Novem-
ber 1956, the date of the last basic resolution No. 1121 in the dos-
sier. As from that date, the situation needs to be considered from
a new point of view. Since the United Kingdom and France agreed
to abandon their armed action against Egypt and to withdraw
their forces, the bar to their participation as permanent Members
of the Security Council no longer existed, and the Council therefore

became once more the competent organ to take decisions.concern-
ing the functioning of the Emergency Force and the continuation of
United Nations action in the Israel-Palestine question. So far as 1
know, the Security Council did not intervene; perhaps by virtue of
the theory of the non-applicability of Article 43 of the Charter and
of the competente of the Assembly to act in respect of actions not
of an enforcement nature. But this question will be dealt with fur-
ther on.
(b) Another question closely related to the foregoing refers to
the spheres of competence of the Secunty Council and the General

Assembly from the point of view of action for the maintenance of
peace. It is the Security Council-it is said-which .is the only
organ having the right to take action (Articles 24; 35, para. 3; and
39-43). The General Assembly is expressly forbidden ;totake action
(Article II, para. 2, last part; and Article 35, para. 3). In this
respect the Assembly only has the power to discuss or make rec-
ommendations (Articles IO; II, para, 2; and 14) and to cal1 the
Security Council's attention to situations which seem to be danger- Néanmoins - affirme-t-on -, en ce qui concerne l'affaire du Moyen-
Orient, l'Assembléea pris à sa chargel'autorisation de l'actionmili-
taire et, en plus, a crééune Force spéciale d'urgence desNations
Unies pour exécuter les opérations,sans que ce recours ait étéprévu
expressément dans la Charte. Dans l'affaire du Congo, bien que ce
soit le Conseil de Sécuritéqui ait décidél'assistance militaire sous
le contrôle du Secrétaire général,c'est l'Assemblée généralq eui a
pris en charge l'application de cette mesure concernant le soutien
et le financement de l'ONUC, celle-ci étant une force auxiliaire non
prévueà la Charte.

Ces observations demandent une interprétation du sens dans
lequel le mot «action » a étéemployé dans les dispositions de la
Charte.
Il faut mentionner que, dans d'autres domaines, l'Assemblée
généralepeut exercer certaines actionsbien spécifiéesp , ar exemple
l'admission de nouveaux Membres (art. 4), la suspension et l'ex-
clusion d'un Membre (art. 5 et 6), l'exercice de fonctions concernant
le régimeinternational de tutelle (art. 16) ou le Conseil économique
et social (art. 18, 86 et ss.) et les questions administratives et budgé-
taires (art. 17).
Il reste à examiner s'ily a d'autres sortes d'actions que 1'Assem-

bléepourrait prendre sans violation de la Charte dans le domaine
du maintien de la paix.
Dans l'article II, paragraphe 2, la Charte n'a ajouté au mot
« action » aucun adjectif, aucune qualification qui signale le carac-
tère spécifiquede l'action du Conseil de Sécurité.Quelle est alors la
nature de l'action dont la Charte charge le Conseilcomme une chose
relevant de sa compétence exclusive, comme une chose qui est
interdite à l'Assemblée conformémentaux article II ~&ar. 2) et

35Dès maintenant, on veut avancer aue l'action attribuée au
Conseil n'est pas uniquement l'action miiitaire. Je m'appuie sur le

texte de l'article 35, paragraphe 3, qui fait référence(dans le chap.
VI de la Charte) au règlement pacifique des différends. Ici, il n'y a
encore actuellement aucun conflit, aucune situation de fait qui
appelle l'emploi de la force armée: on a affaire seulement à des cas
de controverses qui dans un futur, peut-être lointain, pourraient
aboutir à une menace contrela paix. Néanmoins,dans ces cas, c'est
le Conseil et non pas l'Assemblée(art. 35, par. 3) qui doit exercer
son action, pas certainement militaire, mais de bons offices, de
médiation, d'invitation à l'arbitrage ou à la soumission de la justice
internationale, etc., tout cela renforcépar une certaine compulsion

morale (art. 33 et ss.).
Sil'action militaire n'est pas la seule que le Conseil détienne, quel
est en définitive, et comment se caractérise le type d'action que
la Charte lui a conféré?On peut essayer d'élaborerune conception
théorique qui permettrait, peut-être, à l'Assemblée généralede
147ous (Article II, para.3). Nonetheless-it is alleged-in the case of
the Middle East it was the Assembly which took the responsibility
for authorizing the military action and, further, which created a
special United Nations Emergency Force to carry out the operation,
although this step was not expressly provided for in the Charter.
In the case of the Congo, while it was the Security Council which
decided on military assistance under the supervision of the Secre-
tary-General, it was the General Assembly which undertook the
application of this measure regarding the support and financing of
ONUC, the latter being an auxiliary force not provided for in the
Charter.
With regard to these observations, an interpretation is required
of the sense in which the word "action" is used in the provisions
of the Charter.

It may be mentioned that, in other fields, the General Assembly
may take certain clearly defined actions,for instance the admission
of new Members (Article 4), the suspension and expulsion of a
Member (Articles 5 and 6),the performance of functions with re-
spect to the international trusteeship system (Article 16) or the
Economic and Social Council (Articles 18and 86ff.) a,d admini-
strative and budgetary questions (Article 17).
It remains to be considered whether there are other examples of
actions which the Assembly might take, without violation of the
Charter, in the peace-keeping field.
In ArticleII, paragraph 2,the Charter adds no adjective to the
word "action", no qualification indicating the specific character of
the Security Council'saction. What then is the nature of the action
which the Charter entrusts to the Council as something within its
exclusive competence, as something prohibited for the Assembly

under Article II, paragraph 2, and Article 35, paragraph 3?

It may at once be said that the action allotted to the Council is
not exclusively military action. 1 base myself on the text of Article
35, paragraph 3, which refers to the pacific settlement of disputes
(Chapter VI of the Charter). Here, no actual conflict has yet taken
place, no factual situation which calls forthe use of armed force; it
is so far only a matter of disputes which in the future, possibly a
distant future, might lead to a threat to the peace. Nonetheless, in
such cases, it is the Council and not the Assembly (Article 35,
para. 3) which is to take action, not indeed military action, but
good offices, mediation, invitation to arbitrate or submit for inter-
national judicial settlement, etc., al1of which are strengthened by

a certain moral compulsion (Article 33 et sep.).

If military action is not the only type of action within the power
of the Council, what then is the type of action which the Charter
confers on the Council and what are its distinguishing features? It
would be possible to attempt to elaborate a theoretical conception
147s'avancer dans la voie de l'action. La solution pourrait êtretrouvée
dans les articles I (par.1), 2(par. 2,3, 4, 5), 5, 6, 24 (parI et2), 33,
36 (par. 3), 37, 39 à 44 et 48 de la Charte. Toutes ces dispositions

impliquent de la part des Etats Membres certaines renonciations
partielles et conventionnelles àl'exercice de leur propre souveraineté
- bien reconnue d'ailleurs par l'article2 (par. I et 7)- au bénéfice
de la cause de la coopérationet de la paix internationales. En outre,
quelques-uns de ces articles impliquent de la part des Etats Mem-
bres la reconnaissance a priori du droit de l'Organisation à exercer
sur eux son autorité comminatoire pour les obliger à accomplir les
obligations de la Charte. Cette autorité va de la pression morale
(art. 33, par. 2; 36, par. I; 37, par. 2) en passant par la pression
économiqueet diplomatique (art. 41) jusqu'à l'intervention armée
préventive (art. 42) et l'emploi de la force (art. 43). Tout cela ren-

ferme l'action coercitive sous ses deux aspects de prévention ou
remarque impérative et de punition. Telle est la fonction de graves
responsabilités dont la Charte a voulu charger le Conseil de Sécurité
où les cinq grandes Puissances du monde siègent en permanence.
Uniquement dans les cas des articles 5 et 6 (punition institution-
nelle) le principe s'adoucit et l'Assembléeparticipe, à côtédu Con-
seil, à la fonction punitive.

En essayant d'établir la différenceentre ce pouvoir d'action du
Conseil de Sécuritéet les pouvoirs de l'Assemblée généralej,e dirai
que ces derniers sont de nature à respecter toujours et dans toutes

les circonstances les limites de 1.asouveraineté des États; et c'est
pour cela que les accords de l'Assembléene se traduisent que par des
discussions, pétitions, recommandations et mêmepar des actions
d'une portée restreinte. Mais quand une crise de la paix se produit,
la communauté internationale tombe dans une situation ancimale;
et alors, en vertu du règlement conventionnel de la Charte, les inté-
rêts souverains des États particuliers se placent au-dessous de
l'intérêtplus fondamental de la communauté et les pouvoirs du
Conseil de Sécuritéfont appel à la compulsion et même à la force
pour rétablir l'ordre.
Cette ipterprétation du sens de l'action que la Charte mentionne

comme l'un des attributs du Conseil de Sécurité simplifiela solution
des problèmes relatifs au maintien de la paix. L'action du Conseil
présuppose l'existence d'un État infracteur: alors une décision
d'autoritéou comminatoire de la part du Conseil intervient. Dans
les cas, graves s'ajoute le manque d'obéissancede l'infracteur et,
par corîséquent,une action coercitive intervient contrelui, y compris
l'emploi de la force. A ce moment, on négligele consentement de
l'État responsable et le Conseil peut agir contre la volonté dudit
État.

Si cette interprétation trouve une chance d'acceptation, il serait

plus facile de comprendre l'attitude de l'Assembléegénérale au
148which might enable the General Assembly to embark on a course
of action.The solution may perhaps be found in Articles I (para.1),

and 48 of the,4@ harter. Ail these provisions imply on the part of44
Member States certain partial and contractual renunciations in
respect of the exercise of their own sovereignty-which indeed is

fully recognized by Article 2 @aras. I and ?)-in the interests of
international CO-operationand peace. Furthermore, some of these
articles imply on the part of States Members the a priorirecogni-
tion of the Organization's rights-to exercise upon them its commi-
natory authority to compel them to fulfil the obligations of the
Charter. This authority runs from moral pressure (Article 33,
para. 2; Article 36, para. I; Article 37, para. 2), through economic
and diplomatic pressure (Article 41), to preventive armed inter-
vention (Article 42) and the use of force (Article 43). Ail this
comprises enforcement actionunder its two aspects of prevention or
imperative admonition, and punishment. Such is the gravely re-
sponsible function which the Charter has entrusted to the Security
Council, where the five Great Powers of the world have permanent
seats. Only in the case of Articles 5 and 6 (institutional punish-
ment) is the principle mitigated and does the Assembly take part,
side by side with the Council, in the punitive function.
Seeking to establish the differencebetween this power of action of
the Security Council and the powers of the General Assembly, 1
would say that thelatter are of a kind to respect always and under
ail circumstances the limitations imposed by State sovereignty;
and that is why the Asgembly's role is confined to discussions,
petitions, recomrnendations and actions of limited scope. But when
a crisis in the matter of peace occurs, the international community
finds itself in anbnormal situation; and then, by virtue ofthe con-
tractual rules of the Charter, the sovereign interests of particular
States come below the more fundamental interests of the com-

munity, and the Security Council has the power to resort to com-
pulsion and even to force so as to restore order.

This interpretation of the meaning of theactionwhich the Charter
mentions as one of the attributes of the Security Council simplifies
the solution of problems affecting the maintenance of peace. The
Council's action presupposes the existence of a State which has
committed an infringement, and hence the possibility of an autho-
ritativeor comminatory decision by the Council. There is in addi-
tion, inthese serious cases, lack of compliance on the part of the
infringing State, and consequently enforcement action against it,
including the use of force. At this stage, the consent of the State
which is responsible is ignored, and the Council may act against
the will of that State.
If this interpretationcan be accepted, it is easier to understand
the General Assembly's attitude in the case of the Middle East, as
I48 Moyen-Orient, exprimée et expliquée dans les rapports du Secré-
taire général l.Certes, si une assistance militaire avait étédemandée
par le Gouvernement d'Egypte, si la France et le Royaume-Uni
avaient consenti à abandonner leur attitude de force et si Israël
paralysait son invasion, l'action entreprise par les Nations Unies
n'entraînerait pas - affirme-t-on - une vraie belligérance contre
un Etat dans le sens de l'article 43 de la Charte, mais serait devenue
- par un accord mutuel - une action non coercitive de sécurité

et de contrôie prise en conformitédel'article 14,aux finsde surveiller
la retraite de troupes et le rétablissement de la ligne de l'armistice.
C'est de cette façon que l'envoi de la Force d'urgence a étéjustifié.

Toutefois, cette distinction entre l'action coercitive et l'action
armée non coercitive mais simplement policière ou de sécuritéest,
peut-être, trop subtile pour attriuber la seconde de ces actions à
l'Assembléegénérale.Il faudrait peut-être pour cela une addition
expresse, ou un amendement de la Charte, fait par l'Organe compé-

tent des Nations Unies. Après tout, ceci a trait à une action de
mobilisation militaire sur un territoire étranger, toujours susceptible
de complications qui en fait se sont produites quelques fois. C'est
seulement la considération de cette circonstance exceptionnelle de
l'empêchement du Conseil de Sécurité dans le cas particulier de
l'Égypte qui rend l'affaire plus claire et atténue les doutes dont
j'ai fait mention. On a invoqué, à cet égard, le précédentd'autres
interventions analogues de l'Assemblée générale, qui auraient
copstitué une répétition des cas analogues réaffirmant la portée
des facultés de l'Assembléepour le maintien de la paix. Parmi ces

interventions, on a cité la création du Comité spécialpour les
Balkans (octobre 1g47), celle de la Commission pour !'ilnification
de la Corée (octobre 1950) et celle du groupe d'observation des
Nations Unies au Liban (juin 1958). C'est à l'organisation d'appré-
cier la pertinence et la valeur de ces précédents.
Dans le cas du Congo, l'action militaire a étéordonnée par le
Conseil de Sécuritéet non pas par l'Assemblée généraleD . onc le
problème ne se pose pas sur la validité des résolutions visant l'ini-
tiation de l'action. 11se pose peut-être en ce qui concerne sa conti-

nuation dans des circonstances nouvelles et complexes. La présence
de 1'ONUC au Congo s'étant prolongée, les résolutions financières
de l'Assembléegénéralese sont succédéindéfiniment et ont provo-
quédes contradictions de la part de quelques Etats.
Comme conclusion, on peut affirmer que dans les cas du Moyen-
Orient et du Congoune définitiond'autorité compétente des Nations
Unies est indispensable au sujet de la nature de l'action qu'accom-

l Doc. Al3267, 3 novembre 1956, p. 3; Doc. Al3287, 4 novembre, p. II; Doc.
Al3289, 4 novembre, p. 15; tous ces documents étant compris dans le cahier d'an-
nexes dela première session extraordinaird'urgence,74gme et 750me séances
du Conseil deSécurit6, en date du 30 octobre 1-56Dossier du Secrétariat des
Nations Unies,Doc:n0 132. OPIN. OF 20 VI1 62 (DISS.OP. JUDGE BUSTAMI~NTE)
296
expressed and explained in the Secretary-General's reports l. No
doubt, if military assistance had been asked for by the Egyptian
Government, if France and the United Kingdom had agreed to
abandon their policy of force, and if Israel had stopped its invasion,
then the action undertaken by the United Nations would not, it is

asserted, have involved real belligerence against a State within the
meaning of Article 43 of the Charter, but would-by mutual agree-
ment-have becbe action, other than enforcement action, of
security and supervision, taken in conformity with Article 14, with
a view to supervising the withdrawal of the troops and the re-
establishment of the armistice line. It is in this way that it has
been sought to justify the dispatch of the Emergency Force.
However, this distinction between enforcement action and armed

action which is not coercive but simply police or security action is
perhaps too subtle for the second of these to be assigned to the
General Assembly. For that, a specific addition to or an amend-
ment of the Charter, made by the competent organ of the United
Nations, would perhaps be required. After all, this has reference
to a military mobilization action on foreign territory, which is
always liable to cause complications, which has in fact occurred on
occasion. It is only the consideration of this exceptional circum-
stance of the Secunty Council's paralysis in the particular case of

Egypt which makes the matter clearer and lessens the doubts
which 1 have referred to. In this connection, reference has been
made to the precedent of other similar interventions by the Gen-
eral Assembly, which are said to have constituted a reaffirmation
of the scope of the Assembly's peace-keeping powers. Among these
interventions have been mentioned the establishment of a Special
Committee on the Balkans (October 1947)~of the Commission for
the Unification of Korea (October 1950)~and of the observation

group in the Lebanon (June 1958). It is for the Organization to
appraise the pertinence and the weight of these precedents.
In the case of the Congo, the military action was ordered by the
Security Council and not by the General Assembly. Hence no prob-
lem arises as to the validity of the resolutions initiating the action.
One may perhaps arise with regard to its continuance in new and
complex circumstances. The presence of ONUC in the Congo having
continued, financial resolutions by the General Assembly followed
one another indefinitely and gave nse to objections on the part of

certain States.
To sum up, it may be asserted that in the cases of the Middle
East and the Congo a definition by a competent authority of the
United Nations is indispensable of the nature of the actiou nnder.
- -
Document A/3267, 3 November 1956, p. 3; Document A13284,November,
p. xI;Document Al3289, 4 November, p. 15; al1 these documents are included
in the volume of annexes of the first Emergency Special Session, 749th and
Nations Secretariat, DocumenNo. 132.ted 30 October 1956-Dof the United

149plissent l'UNEF et 1'ONUC(coercitive ou de simple police de sé-
curité); et au sujet de la portée des obligations des États Membres
à l'égardde ces sortes d'expéditions armées - non prévues à la
Charte - qui ne sont pas imposéespar le Conseil de Sécuritécon-
formément à l'article 43 deB Charte, mais qui émanentdedécisions
du Conseil de Sécuritéou de recommandations de celui-ci et de
l'Assemblée généralp eour exercer, avec le consentement des États
intéressés,une simple activité de contrôle policier non coercitif.

c) La Charte - affirme-t-on - a étévioléeparce que l'Organisa-
tion s'est immiscéedans les affaires internes de la République du
Congo en dépitde la prescription de l'article 2,paragraphes I et 7.
En effet, ajoute-t-on, l'.undes buts de l'action armée autoriséepar le
Conseil de Sécurité (résolutionsdes 14 et 22 juillet, 8 août 1960,
21 févrieret 24 novembre 1961) était de fournir au Gouvernement

coneolais l'assistance militaire dont il avait besoin Dour rétablir
l'orzre public interne et, postérieurement, celui d'étoufierle mouve-
ment sécessionniste de la province du Katanga; mais ces deux
objectifs - dit-on - relèvent clairement de la compétence exclu-
sive du Gouvernement local et du peuple congolais.
Ide critère soutenu par le Conseil de Sécuritéétablit une liaison
étroite entre le maintien de l'ordre public intérieur et le maintien
de la paix et de la sécuritéinternationales, étant donnéla présence
de troupes belges et l'influence des intérêtscomplexes dont le pays
était le théâtre. On ajoute que le Congo étant une république nou-

velle, récemment incorporée aux Nations Unies, elle doit recevoir
de l'organisation toute l'aide qu'elle a demandée pour atteindre sa
formation normale comme État (art. 1, par. 3, de la Charte).
Finalement, il est dit que la constitution politique du nouvel État
est fondéesur le principe de l'unitéconfédéréd ees diverses provin-
ces, le Katanga étant l'une d'elles; et que, n'ayant pas terminé le
((processus » constitutionnel ni l'organisation des pouvoirs natio-
naux avec le concours des représentants de toutes les provinces,
un mouvement quelconque contre la loi fondamentale est préma-

turé et mérite la condamnation de la communauté internationale.

Cette interprétation élargie des nouvelles fonctions tutélaires
des Nations Unies à l'égard desnouveaux États contient évidem-
ment une thèse de noble signification humanitaire et civique, mais
la portée de cette thèse devra préalablement êtreconjuguée par
l'organisation avec le principe qu'énonce l'article 2, paragraphes I
et 7,de la Charte et également avec les possibilités financièresdes
États Membres. C'est la question à résoudre.
Quant au principe de la non-intervention dans des affaires qui

relèvent de la compétencenationale, il est indéniable que l'organi-
sation n'a pas commis en fait d'infraction dans le cas du Congo,
étant donné que c'est le Gouvernement dudit État qui,de sa propre
initiative, demanda l'assistance des Nations Unies. Mais le castaken by UNEF and ONUC (enforcement action or mere security
policing); and also of the scope of the obligations of States Members
in respect ofthis type of armed expedition-not provided for in the
Charter-which are not imposed by the Security Council under
Article 43 of the Charter, but which emanate from decisions of the
Security Council or from recommendations by it and by the General
Assembly with a view to carrying out, with the consent of the States
interested, a mere action of police control without enforcement
character."
(4 The Charter-it is asserted-has been violated because the

Organization has intervened in the domestic affairs of the Republic
of the Congo in spite of the provision of Article2, paragraphs I and
7. In fact, it is added, one of the purposes of the armed action autho-
rized by the Security Council (resolutions of 14 and 22 July and
8 August 1960, and 21 February and 24 November 1961) was to
supply the Government of the Congo with the military assistance
which it needed to restore internal law and order and, subsequently,
to stamp out the secessionist movement of Katanga province;
but these two objectives-it is said-come clearly within the exclu-
sive competence of the local government and the CongoIese people.
The view taken by the Security Council establishes a close con-
nection between the maintenance of internal law and order and the
maintenance of international peace and security, in view of the

presence of Belgian troops and the influence of complex interests
within the country. It was added that since the Congo was a new
Republic, only recently having become a Member of the United
Nations, it should receive from the Organization al1the assistance
which it has asked for to achieve its normal formation as a State
(Article 1, para. 3, of the Charter). Finally, it was said that the
political constitution of the new State was founded upon the prin-
ciple of the confederal unity of the various provinces, of which
Katanga was one; and that, not having yet completed either its
constitutional "process" or the organization of its national powers
with the participatibn of the representatives of al1 the provinces,
any kind of movement against the loi fondamentalewas premature
and called for condemnation by the international community.
This broadened interpretation of the new tutelary functions of the

United Nations in respect of new States clearly contains a theory
which is a noble conception from the humanitarian and civic point
of view; but the scope of this theory must first be reconciled by the
Organization with the principle laid down by Article 2,paragraphs I
and 7, and like-se with the financial possibilities of States Mem-
bers. That is the question which has to be solved.
As to the principle of non-intervention in matters within the
domestic jurisdiction, it is beyond dispute that the Organization
hasnot in fact committed any infringement in the case of the Congo,
since it was the Government of that State which, on its own initia-
tive, asked for the assistance of the United Nations. But the question

150 est moins simple quant à lJ?spect du financement. Ces nouvelles
obligations pécuniaires des Etats Membres n'étaient pas prévues
à la Charte. Donc, l'existence d'une obligation conventionnelle de
paiement reste douteuse. On peut dire que l'attitude d'aide au
Congo pour régler ses affaires intérieures a étéprise dans l'esprit
des articles I (par. 3) et 55 (par. b et c) de la Charte; mais dans
le domaine de la coopération internationale les dépensessont cou-
vertes au moyen de contributions, volontaires et ne se répartissent
pas obligatoirement sur tous les Etats. En tout cas, quelque déci-

sion interprétative généralede l'organisation manque à ce sujet.
d) Les États qui ont fait des objections aux dépenses examinées
affirment que la Charte a étévioléeparce que les actions arméesdu
Moyen-Orient et du Congo n'ont pas étéconfiéespour leur exécu-
tion à la <esponsabilité militaire et financière d'un État ou d'un
groupe d'Etats, moyennant des ((accords spéciaux )) signés avec

eux par le Conseil de Sécurité(art. 43), mais que, lesdites actions
ayant été prises directement en main par l'Assemblée générale,
elles ont étéplacées sous la responsabilité de l'organisation et
livrées àune Force spéciale des Nations Unies dont l'existence n'est
pas prévue dans la Charte.
Pour bien apprécier cette objection, il faut examiner deux ques-
tions: l'une de droit et l'autre de fait.
La question de droit consiste à savoir si la formulation des
((accords spéciaux ))est tellement substantielle selon l'esprit de la

Charte que, faute de cette condition, l'action ordonnée ne devrait
pas être entreprise. Je penche pour la négative. Le cas peut se
présenter dans la pratique que l'État ou le groupe d'Etats appelésà
prêterune assistance armée ne puissent pas le faire tout de suite ou
s'excusent d'en accepter la responsabilité. Dans la théorie de la
Charte - il faut le noter - une telle excuse des États n'est pas
prévue. Mais, en tout cas, cela suffirait pour que la décision des
Nations Unies de maintenir ou rétablir la paix soit vouée à un
échec. Dans cette hypothèse, le Conseil de Sécuritédevra combler

le vide au moyen d'un recours direct. Le principe de (l'efficacité
institutionnelle )) que la Cour a appliqué à certaines occasions
(Recueil, avis consultatif du II avril 1949) signale que l'organisa-
tion peut, dans une telle circonstance, chercher dans l'esprit de la
Charte le moyen effectif d'arriver à la réalisation de ses buts (art.1).
On ne voit pas quel moyen pourrait avoir en main l'organisation
autre que celui de la formation d'une Force propre aux opérations.
Il reste encore un point à élucider: les États appelés à intervenir
dans les «?ccords spéciaux »dont parle l'article 43 sont-ils seule-

ment les Etats Membres du Conseil de Sécuritéou seulement ses
Membres permanents, ou l'un quelconque des autres États Membres
de l'Organisation? Certes, l'opinion favorable aux deux premières
thèses a étéénoncéeet cherche appui dans le fait que les Membres
du Conseilsont lesresponsables devant le monde entier des décisions
surla paix et la guerre; et que les Membres permanents représententis not so simple from the financing point of view. These new finan-
cial obligations of Member States were not contemplated in the
Charter. Hence it is doubtful whether a contractual obligation to
pay exists. It may be said that the policy of assisting the Congo to
settle itsdomestic affairs was adopted in the spirit of Articles I
(paragraph 3)and 55 (paragraphs (b) and (c)) of the Charter; but
in the field of international CO-operation, expenses are met by
means of voluntary contributions and are not compulsorily ap-
portioned among al1States. In any case, somegeneral interpretative
decision on the part of the Organization is lacking on this subject.

(d) The States which raised objections to the expenditures in
question contend that there has been a violation of the Charter
because the execution of armed actions in the Middle East and the
Congo was not made the military and financial responsibility
of a State or group of States under "special agreements" signed
with them by the Security Council (Article43) ,ut that the actions
in question were taken in hand directly by the General Assembly,
and therefore placed under the responsibility of the Organization
and entrusted to a special United Nations Force, for which there is
no provision in the Charter.
To understand and evaluate this objection,two questions must be
considered: one of law and one of fact.
The legal question is whether the negotiation of "special agree-
ments" is, according to the spirit of the Charter, such a basic one
that, if such agreements are not concluded, the action ordered
should not be undertaken. 1 incline not to think so. In practice it
may occur that the State or group of States called upon to supply
armed assistance cannot do so at once or decline to accept the
responsibility. In thetheory of the Charter-it should be noted-

there is no provision for such refusal but, in any case, that would be
sufficient to frustrate the decision of the United Nations to main-
tain or re-establish peace. Inthat event, the Security Council must
filthe gap by means of direct measures. The principle of "institu-
tional effectiveness" which the Court has applied on certain oc-
casions (Reports,Advisory Opinion of II April 1949 ndicates that
the Organization may, in such circumstances, seek in the spirit of
the Charter the effectiveeans of attaining its purposes (Articl1).
No other means would appear to be available to the Organization
but the formation of a special Force for the operations.

One more point remains to be cleared up: are the States called
upon to intervene, bymeans of the "special agreements" mentioned
in Article43,only States which are Members of the Security Council
or only its permanent Members, or can they be any other Member
States of the Organization? Undoubtedly, the view favourable to
the first two hypotheses has been put fonvard and may find sup-
port in the fact that the Members of the Council are the responsible
parties before the whole world in decisions on peace and war; and

151la gravitation plus puissante au sein de la communauté internatio-
nale du point de vue du pouvoir et des finances. Mais le texte des
articles 43 et 45, en accord avec l'article 2 (par. 2) et les articles17,
24 (par. 1) et 25 de la Charte permet, à mon avis, de reconnaître

l'obligation à tous les Etats de faire honneur, le cas échéant,à
l'appel du Conseil de Sécuritépour prendre part aux ((accords
spéciaux D. C'est une autre question où une décision des Nations
Unies est attendue par les États objecteurs.

Quant à la question de fait, il me semble qu'une erreur aurait

étécommise lorsque l'on affirme au sujet des affaires du Moyen-
Orient et du Congs que des ((ac.cords spéciaux » ne sont pas inter-
venus. Plusieurs Etats ont répondu favorablement à la demande
du Secrétaire généralpour fournir des troupes à l'expédition des
Nations Unies en Égypte l; et, en fait, plusieurs de ces pays ont
envoyéleurs troupes et, vraisemblablement, ont signé des accords

partiels en stipulant les conditions de leur aide. Une pareille chose
est arrivée dans l'affaire du Congo, où le Secrétaire générals'est
mis d'accord avec plusieurs États africains pour la fourniture de
troupes. On ne peut alors dire que la règle sur les (accords spé-
ciaux n ait été violée.Ce qu'il y a de particulier à ce sujet, c'est

qu'on n'a pas confiétotalement àun seul État ou àun groupe d'États
la réalisation de l'action armée comme l'article 43 l'a prévu, mais
que c'est l'organisation des Nations Unies qui a contribué elle-
mêmeà une bonne part des dépenses et qui a crééune Force
d'urgence indépendante mais intégrée d'effectifs nationaux de
plusieurs États et fournie par eux en armements, équipes, moyens

de transport, etc., selon des accords spéciaux. Évidemment, cette
modalité de Force des Nations Unies n'est pas mentionnée à l'ar-
ticle 43 et son origine doit être recherchée dans la conception
fermement soutenue au sein de l'Assembléeet du Secrétariat géné-
ral selon laquelle les cas du Moyen-Orient et du Congo n'étaient
pas des cas relevant du chapitre VI1 de la Charte (menace et mp-

ture de la paix et agression contre la paix), mais des actions de
sécuritéet de contrôle volontairement acceptées par les parties
intéressées,sans caractère coercitif. Comme un élémentde ces ac-
tions, la création de la Force d'urgence serait comprise - de l'avis
de l'Assembléeet du Secrétariat - dans la faculté de l'Assemblée
généralepour créer des organes secondaires (art. 14 et 22). SOUS

ce concept il n'y aurait aucune obligation - a-t-on déclaré -
de s'en tenir à la disposition de l'article 43 sur les «accords spé-
ciaux ».
Les réserves que j'ai expriméesà propos de laportéedu pouvoir
d'action de l'Assemblée généralesont également pertinentes ici.

l D. O., annexes de la onzième session de l'Assemblée générale,suite du5point
de la première session extraordinaire d'urge(rer auIO novembre 1956). New
York, 1956-1957 - no 153 du ndossierIenvoy6 à la Cour par le Secrétariat des
Nations Unies.
1.52also in the fact that the permanent Members represent the most

important centre of gravity within the international community
from the point of view of power and resources. But the text of
Articles 43 and 45, in agreement with Article 2,paragraph 2, and
Articles 17, 24 (paragraph 1) and 25 of the Charter, in my opinion,
make it possible to recognize an obligation on al1States to answer,
if necessary, the cal1 of the Security Council to participate in
"special agreements". That is another question where a decision
by the United Nations is expected by the objecting States.
As to the question of fact, it seems to me that a mistake has
been made when it is stated, with regard to the Middle East and
Congo, that "special agreements" were not entered into. Several

States replied favourably to the Secretary-General's request to
supply troops for the United Nations expedition in Egypt l; and
several of these countries did in fact send troops and, probably,
signed partial agreements stiprlating the conditions of their assist-
ance. A similar situation arose in the.case of the Congo, when the
Secretary-General reached agreement with several African States
for the provision of troops. It cannot therefore be said that the rule
as regards "special agreements" has been violated. The distinguish-
ing feature is that the carrying out of the armed action was not
entmsted wholly to a single State or to a group of States as laid
down in Article 43, but rather it was the United Nations which
contributed as an organization a large share of the expenses and

which created an Emergency Force which was independent but
made up of the national contingents of several States and supplied
by them with arms, equipment, means of transport, etc., under
special agreements. Obviously, this type of United Nations force
is not mentioned in Article 43 and its origin must be sought in the
notion strongly upheld in the Assembly and the Secretariat that
the cases of the Middle East and the Congo were not cases coming
under Chapter VI1 of the Charter (threats to the peace, breaches
of the peace, and acts of aggression), but actions of security and
supervision freely accepted by the parties concerned, having no
enforcement character. As an element of these actions, the creation

of the Emergency Force was held-in the opinion of the Assembly
and the Secretariat-to come within the power of the General
Assembly to establish secondary organs (Articles 14 and 22). In
this view there would be no obligation-so it has been maintained-
to have regard only to the provision of Article 43 with regard to
"special agreements".

The reservations which 1 have expressed on the scope of the
General Assembly's power of action are equally relevant here. And 1

Oficial Records, Annexes, 11th Session of the General Ascontinuation
of agenda item 5 of the first emergency special session November 1956),
New York, 1g56-1g57-No. 153 of the dossier transmitto the Court by the
Secretariat of the United Nations.
1.52Et je dois faire aussi des réserves A l'égard du fait qu'une Force
militaire puisse êtrequalifiéed'«organe subsidiaire » des Nations

Unies, parce que les organes institutionnels supposent une certaine
capacité discrétionnaire de raisonnement pour remplir consciem-
ment la fonction qui leur est assignée,et une Force militaire manque
de toutes facultés délibéranteset constitue tout simplement un
instrument exécutif discipliné des ordres supérieurs. L'Assemblée
aurait, certes, la possibilité de créer cet instrument d'action - en
s'efforçant de surmonter ses objections bureaucratiques -; mais
il faudrait que le problème fondamental soit préalablement résolu
en sa faveur, c'est-à-dire si l'on reconnaît que, misàpart l'article 43,
il y a certaines catégories d'actionsmilitaires ou paramilitaires non
belligérantes qu'elle pourrait aborder, indépendamment du Con-

seil de Sécuritéet en marge des ((accords spéciaux ».Je crois qu'un
amendement coutumier de la Charte à ce sujet n'est pas encore
intervenu parce que, dès le premier instant, il a soulevé des objec-
tions de la part de plusieurs États Membres qui rejetèrent l'inno-
vation. Cette position réticente se lie étroitement avec une autre
objection de caractère financier que je vais considérertout de suite.

e) L'objection examinée dans le paragraphe précédent vise
l'aspect politique de l'absence d'«accords spéciaux »et de leur subs-
titution par la Force d'urgence des Nations Unies dans les affaires
du Moyen-Orient et du Congo. Mais l'objection a une portée plus
vaste et vise simultanément l'aspect financier des actions entre-
prises pour le maintien de la paix. De l'avis de certains États, les
dépenses de cette sor;e d'actions 'armées doivent êtresupportées
exclusivement par 1'Etat ou le groupe d'États désignés comme
exécuteurs de l'action selon les ((accords spéciaux »préalablement
souscrits en conformité de l'article 43; mais non pas par tous les

États Membres comme la pratique de l'Assembléegénéraleveut
l'établir. Quelques États vont plus loin en arrivant à la conclusion
que selon l'esprit de la Charte seuls les Membres du Conseil de
Sécuritéet particulièrement ses Membres permanents devraient
êtreappelés à souscrire et à financer les ((accords spéciaux »pour
effectuer les opérations armées de l'Organisation compte tenu:

a) de la responsabilité principale que la Charte attribue aux
Membres du Conseil pour le maintien de la paix (art. 24) ;
b) de leur intervention décisiveaux décisionsse référantàl'action
armée de l'organisation (art. 24, 25, 39 à 43) ;
c) de la grande partie d'autorité que la Charte reconnaît aux
Membres permanents dans la direction politique de l'organisa-

tion (art.27, par. 3).
D'autres critères additionnels ont étéénoncés,à savoir:

d) la considération de la responsabilité spécialedes États qui ont
un intérêtdirect à la pacification du territoire affectépar un
conflit;must also make reservations as to whether a military force may be
described as a "subsidiary organ" of the United Nations, since
institutional organs presuppose a certain discretionary capacity of
thought if they are to fulfil conscientiously the duty assigned to
them, and a military force lacks all deliberative powers and is
simply a disciplined executive instrufnent of orders from on high.
The Assembly would, no doubt, be able to create such an instrument
of action-endeavouring to overcome bureaucratic objections-if
the fundamental problem were first resolved in its favour, that is
to Say if it were recognized that, leaving aside Article 43, there
were certain categories of military or para-military non-belligerent
actionswhich it could take up, independently of the Security Council
and outside the special agreements. No unwritten amendment of
the Charter on this subject has so far in my opinion been made
because, from the first moment, the idea was objected to by several

States Members, which rejected the innovation. This reluctance is
closely bound up with another objection of a financial character,
which 1 shall now consider.

(e) The objection considered in the foregoing paragraph concerns
tke political aspect of the absence of "special agreements" and their
replacement by the Emergency Force of the United Nations in the
cases of the Middle East and the Congo. But the obiection has a
wider beanng and concerns at the same time the fiLancial aspect
of the actions undertaken for the maintenance of peace. In the
opinion of certain States, the expenditures on this type of armed

action should be borne exclusively by the State or group of States
called upon to carry out the action in accordance with "special
agreements" previously signed under Article 43; but not by al1
States Members, as the practice of the General Assembly seeks to
establish. Certain States go further and take the view that, in
accordance with the spirit of the Charter, only Members of the
Security Council and particularly its permanent Members, should
be required to sign and to finance "special agreements" effecting
armed operations by the Organization, taking into consideration:

(a) the primary responsibility for the maintenance of peace
assigned by the Charter to Members of the Council;
(b) their decisive intervention in decisions concerning armed
action by the Organization (Articles 24, 25 and 39-43) ;
(c) the great share of authority which the Charter allots to per-
manent Members in the political direction of the Organiza-
tion (Article 27, para. 3).

Other, additional, criteria have been put forward, namely:
(d) the special responsibility of States which have a direct interest
in the pacification of the territory affected by the conflict; e) la responsabilité civile de l'État ou des États qui ont troublé la
paix.

C'est pour cela qu'au cours des débats, au sein des divers organes
des Nations Unies on a discuté largement sur la question de savoir
si les dépenses causéespar l'application des résolutions autorisant
des actions armées sont comprises ou non dans les ccdépenses de
l'organisation » conçues au sens du paragraphe 2, article 17.
Plusieurs Etats Membres donnent une réponsenégativeen soutenant
que les dépenses de l'action armée sont soumises à un règlement
spécialdifférent de l'ordinaire prévu par ledit paragraphe 2. Cette
thèse conduit à analyser si, selon l'intention de l'article 43, les

((accords spéciaux » supposent que le poids financier de chaque
intervention arméetombera toujours et d'une façon totale et exclu-
sive sur l'État ou le groupe d'États dont l'aide a étédemandée; ou
si les dépensespeuvent êtrepartagées entre lesdits États individuels
et l'organisation en tant que telle, ou assuméespar elle seule. Etant
donnéle manque de règleexpresse - car la Charten'est pas explicite
àce sujet -je pense que l'examen du contexte généralde l'article 43
conduit àpencher en faveur de la deuxièmeinterprétation. En effet,
dans le paragraphe 2 de cet article, on a prévu que les ccaccords ))

détermineront non seulement le numéro et la catégorie des forces,
etc., mais aussi ccla nature de l'aide qui devra être apportée », c'est-
à-dire - à mon avis - si cette aide sera gratuite ou rémunéréeo ,u
mixte, et dans quelle proportion. Et si l'aide doit êtrepayéetotale-
ment ou partiellement par l'organisation, le montant que celle-ci
assume constituera en pnncipe une (dépense de l'organisation 1)
aux termes du paragraphe 2 de l'article 17 de la Charte. On doit
prévoir également le cas où l'État ou les États appelés à exécuter
l'action armée ne peuvent le faire, ni souscrire des caccords spé-

ciaux », l'organisation assumant alors elle-mêmel'exécution de
l'action. De plus, le texte de l'article 43, paragraphe 1,ainsi que
les articles2,paragraphe 4,45 et 48, font retomber, en pnncipe, sur
tous les États Membres la responsabilité du maintien de la paix et,
par conséquent, la responsabilité des dépenses.

Un aspect particulier, mais important des objections soulevées
contre l'inclusion dans le paragraphe 2, article17 des dépensespour

le maintien de la paix, est celui du montant - chaque jour plus
grand - desdites dépenses, compte tenu de l'ampleur considérable
par les interventions armées des Nations Unies pour préserver ou
rétablir la paix. Cette observation renferme non pas seulement les
opérations coercitives comprises dans l'article 43 de la Charte, mais
une action armée quelconquequi donne lieu à des dépenses suppor-
tées par l'organisation. C'est précisément lecas des interventions
armées appeléesnon coercitives mais de police, comme celles des
Forces des Nations Unies (UNEF et ONUC) dont une proportion

importante des dépenses est retombée sur l'organisation.
154 (e) the liability of the State or States which caused the distur-
bance of the peace.

That is why, during debates in the various organs of the United
Nations, there was much discussion of the question whether the
expenses incurred by the application of resolutions authorizing
armed actions are included or not in the "expenses of the Organiza-
tion" within the meaning of Article 17, paragraph 2.Several Member
States gave a negative reply to this question, and maintained that
expenditure on armed action is subject to special rules different
from the ordinary one laid down in paragraph 2 of that Article.
This view leads one to consider whether, in the intention of Arti-
cle 43, the "special agreements" presuppose that the financial
burden of each arrned intervention will always fall completely and
exclusively on the State or group of States whose assistance has
been asked for; or whether this expenditure may be shared between

those individual States and the Organization as such; or borne by
the Organization alone. In the absence of any express rule-the
Charter itself is not explicit on the matter-1 think that a conside-
ration of the general context of Article 43 bears in favour of the
second interpretation. It is in fact laid down in paragraph 2 of that
Article that the "agreements" shall govern not only the numbers
and types of forces, etc., but also "the nature of the...assistance to
be firovidedJJ-that is to Say, in my view, whether this assistance
shall befreeorpaidfor, or a mixture of both, and in what proportion.
And if this assistance is to be paid for wholly or partly by the Or-
ganization, the amount which the latter bears will in principle
constitute an "expense of the Organization" within the meaning
of Article 17, paragraph 2, of the Charter. The case has also to be
contemplated in which the State or States called upon to carry out

the armed action are not able to do so or to sign "special agree-
ments", the Organization itself in that case undertaking the car-
rying out of the action. Furthermore, the text of Article 43, para-
graph 1,and that of Article 2,paragraph 4, and Articles 45 and 48
in principle places the responsibility for the maintenance of peace
and consequently the responsibility for the expenditure on all
Member States.
A particular and an important aspect of the objections raised to
the inclusion in Article 17, paragraph 2, of expenditure for the
maintenance of peace is the amount-every day a larger amount-
of that expenditure, in view of the great extension of the armed
interventions of the United Nations to preserve or restore peace.
This refers not only to the enforcement operations coming under

Article 43 of the Charter, but to any kind of armed action giving
rise to expenditure borne by the Organization; which is exactly the
case of the armed interventions described as not of an enforcement
but of a police character,such as those of the United Nations Forces
(UNEF and ONUC), a large proportion of the expenditure on
which has fallen upon the Organization.
154 Quelques États Membres ont fait état à ce sujet de l'impossibilité
de faire honneur dans leurs budgets nationaux aux obligations
d'ordre international pourla défensede lapaix, parce que sonvolume
dépassela capacitééconomiqueet lesressources fiscalesdeleur pays.
L'argument prend toute sa force àl'égarddes pays sous-développés,
dont le devoir primordial est de prêterattention aux besoins fon-
damentaux de leur propre population. On allègue que l'accroisse-
ment constant des opérations militaires de l'espèce dèsla promulga-
tion de la Charte jusqu'à présent constitue un élémentnouveau qui
a créé des conditionsaussi nouvelles, lesquelles doivent êtreretenues
en droit pour sauvegarder l'équitéet les intérêtsdes Parties contrac-
tantes. La France a même allégué que si l'on prétend faire prévaloir

les décisions financièresde l'Assemblée générale sur la volonté du
pouvoir parlementaire de chaque Etat, cela équivaudrait à admettre
au sein des Nations Unies l'existence d'un pouvoir supranational
qui est en contradiction avec la Charte (art. 2,par. Iet 7). Certes,
ces allégations méritent un examen très approfondi. Ce n'est pas
seulement un problème de quantité,car on ne peut pas sous-estimer
ce vrai conflit de pouvoirs et d'obligations opposant deux sujets de
droit public.

Il me semble indéniable qu'au moment de la signature de la
Charte aucun des Etats Membres n'a pu prévoir que les obligations
qu'il se reconnaissait devant l'organisation pourraient un jour être
en contradiction avec ses obligations de droit interne vis-à-vis de sa
communauté nationale. On n'a nullement prévu que l'accroissement

des dépensesdes Nations Unies pourrait se faire au détriment de la
solvabilité du budget national. Mais ce phénomèneapparu posté-
rieurement à la mise en vigueur de la Charte, il est évident qu'un
tel élémentnouveau demande une considération toute particulière
de la part de l'organe compétent de l'organisation. La répartition
des quotes-parts selon le système des barèmes budgétaires a fait
l'objet de critiques réitéréesI.l faudrait donc arriveràun compromis
plus explicite et formel entre les nécessitésbudgétaires des Nations
Unies et le problème constitutionnel des Etats réclamants, afin
d'incorporer dans la convention de la Charte un règlement addition-
nel de la nouvelle situation. Entre-temps, le cas n'étant pas prévuni
soumis à aucun accord exprès préétabli,on ne voit pas clairement
en vertu de quel principe de droit l'obligation de couvrir ce genre
de dépenses ultra pacte pourrait êtreinvoquée. Le fait de déclarer

dans ces circonstances que cette sorte de dépensessont des dépenses
de l'organisation, sans attendre un règlement spécial,serait àmon
avis d'une gravité extrême :cela équivaudrait àplacer certains Etats
devant le choix de manquer à leurs devoirs auprès de l'organisation
ou de porter préjudice à leur droit interne.

L'Assembléegénéralea perçu toute l'importance de ce problème
ainsi que de ses difficultéset elle a commencé - je crois- à y faire

155 Certain Member States have, in this connection, maintained that
it is impossible for them in their national budgets to meet the
international obligations for the defence of peace, since the cost of
these goes beyond the economic capacities and the fiscal resources
of their countries. This argument carries particular weight with
regard to under-developed countries, whose primordial duty is to

care for the fundamental needs of their own population. It is
maintained that the continua1 increase in military operations of
this nature from the promulgation of the Charter up to the present
time constitutes a new factor which has created equally new
circumstances, and that these should be taken into consideration
from a legal point of view so as to safeguard equityand the interests
of the contracting parties. France has indeed maintained that to
seek to make the financial decisions of the Assembly prevail over
the will of the parliamentary authority of each State would amount
to admitting the existence in the United Nations of a supranational
power which would be in conflict with the Charter (Article 2, paras.
I and 7). These assertions undoubtedly deserve very thorough
consideration. It is not merely a question of quantity, for this real
conflict of powers and obligations between two public law perçons
must not be underestimated.

It is clear to me that, at the time of the signature of the Charter,
none of the States Members couid have foreseen that the obligations
which they acknowledged in respect of the Organization could one
day conflict with their obligations under municipal law vis-à-vis
their national communities. Nobody foresaw that the increase in
expenditure of the United Nations could one day endanger the
solvency of national budgets. But since this state of affairs has
arisen subsequently to the coming into force of the Charter, it is
obvious that such a new factor calls for very special consideration
by the competent organ of the Organization. The apportionment of
assessments according to the system of budgetary scales has been
the subject of continua1 criticisms. Some more explicit and forma1
compromisebetween the budgetary necessities of the United Nations
and the constitutional problem of the objecting States must
therefore bearrived at, soas to incorporate inthe Charter settlement

some further rule covenng the new situation. In the meantirne,
the case not having been foreseen and not coming under any spe-
cific pre-established agreement, it is not clear by virtue of what
principle of law the obligation to meet this type of expenditurewZtra
pacte could be invoked. To declare, in these circumstances, that these
types of expenditure are expenses of the Organization, before there
is any special regulation in the matter, would in my view be an
extremely serious step: it would amount to placing certain States
before the dilemma of failing in their duties to the Organization or
of acting to the detriment of their own domestic law.
The GeneralAssembly has seenthe fuii importance of this problem,
as also the difficulties which it involves, and it has-1 believe-

155face. Elle a inclus dans la partie considérative de ses plus récentes
résolutions financières quelques-uns des nouveaux critères qui ont
étésuggérés àpropos du différent degréde responsabilité de certains

des États Membres quant au financement des dépenses encourues
lors des opérationspour le maintien de lapaix. Maisl'adoption d'une
méthode spéciale accordéeauxdits critères n'a pas encore abouti
d'une manière satisfaisante bien que la résolution 1619 (XV) du 21
avril 1961annonçât une solution intermédiaire, à savoir: l'établisse-
ment d'un nouveau barème des quotes-parts pour faire face aux
dépensesextraordinaires résultant de ces opérations.

fl On a reprochéau Secrétairegénéral d'avoirvioléla Charte lors
des conflits du Moyen-Orient et du Congo, en s'acquittant de fonc-
tions et de responsabilités qui appartiennent au Conseil de Sécurité
ou à l'Assemblée généraleM . ais on doit, à cet égard, prendre en
considération non pas seulement les articles 22 et 29 de la Charte

qui permettent auxdits organes de signaler des organes subsidiaires
d'exécution, maisaussil'article 98 selon lequel le Secrétairegénéral,
en plus de ses fonctions propres, remplit ((toutes autres fonctions
dont il est chargé par l'Assembléegénérale, leConseil de Sécurité,
le Conseiléconomiqueet socialet le ConseildeTutelle 1)L'Assemblée
générale,dans ses résolutionsde 1956,et le Conseilde Sécurité,dans
les siennes de 1960 et 1961, ont chargéexpressément le Secrétaire
généraldelamise en Œuvredeleursdispositions àl'égarddesactions
arméesdans les deux pays. Dans le cas de ces mandats, le Secrétaire
général aagi au nom et pour le compte des ses mandants. Il n'y a
donc pas d'usurpation de fonctions, à moins que la démonstration
ne soit faite que le Secrétairegénéralait outrepassé ses droits dans
l'exercice de son mandat.

5. De l'examen qui précèdeil s'ensuit qu'en principe, c'est-à-dire
dans une interprétation théoriquede la Charte et sans envisager
aucun cas déterminé,on peut affirmer que les dépenses encouruesen
actions armées légalement mises en Œuvre pour le maintien de la
paix sont des dépensesde l'organisation au sens du paragraphe 2,
article 17. Mais il résulte également, selon l'avis de certains États
Membres, que dans les conflits du Moyen-Orient et du Congo des
circonstances spéciales de faitsont intervenues, en vertu desquelles
des résolutionsont étéprises par des organes des Nations Unies qui
entraînent desinfractions àla Charte. Dans ces conditions - disent-
ils - on ne peut pas faire valoir contre ces États Membres des
'obligations dérivéesde résolutionsqui ne sont pas légales.
Voici le point où une définitionest nécessaire.Et ce ne sont pas

les juges qui peuvent aider à la chercher parce que la requête de
l'avis consultatif ne comprend pas la question de la légalitéou
validité des résolutions .qu'elle mentionne. Je me bornerai donc à
faire certaines réflexionsau sujet de cette impasse afin d'expliquer
mes vues qüant à la réponseà donner à la requête.
156begun to face it. It has introduced into the preamble of its most
recent financial resolutions some of the new criteria which have
been suggested regarding the different degrees of responsibility
of certain States Members in meeting the expenditure incurred in
peace-keeping operations. But the adoption of a special method
taking such cnteria into consideration has not yet come to a satis-
factory conclusion although indeed resolution 1619 (XV) of 21
April 1961 announced an intermediate solution, namely the estab-
lishment of a new scale of assessments for the extraordinary expen-
diture incurred in these operations.

(/) The Secretary-General has been reproached with having vio-
lated the Charter, in connection with the Middle East and Congo
conflicts, by discharging functions and responsibilities which belong

to the Security Council or to the General Assembly. But, in this
respect, regard must be had not only to Articles 22 and 29 of the
Charter, which enable those organs to establish subsidiary execu-
tive organs, but also to Article 98, under which the Secretary-
General, over and above his own functions, shall perform such
other functions as are entrusted to him by "the General Assembly,
the Security Council, the Economic and Social Council and the
Trusteeship Council". The General Assembly in its resolutions of
1956, and the Secunty Council in its resolutions of 1960 and 1961,
expressly charged the Secretary-General with the implementation
of their decisions regarding armed action in the two countries.
In the case of such mandates, the Secretary-General acted in the
name of and on behalf of the mandators. There is therefore no
usurpation of functions, unless it is shown that the Secretary-
General has gone beyond his rights in the exercise of his mandate.

5. From the foregoing examination it follows in @incifile-that
is to Say, by a theoreticalinterpretation of the Charter and without
contemplating any specific case-that it may be affirmed that the
expenses incurred by armed actions legally undertaken for the

maintenance of peace are expenses of the Organization within the
meaning of Article 17, paragraph z. But, according to the view of
certain Member States, it equally follows that in the Middle East
and Congo conflicts, special circumstances of fact arose, because
of which resolutions were adopted by the organs of the United
Nations involving infringements of the Charter. In these circum-
stances-they saj-no reliance can be pIaced as against Member
States on obligations deriving from resolutions which are not lawful.
Here is the point where a definintion is required. And it is not
the Court which can help to find it, since the request for an advisory
opinion does not include the question of the legality or the validity
of the resolutions to which it refers.1 shail therefore confine my-
self to certain observations regarding this deadlock, so as to ex-
plain my views as to the answer to be given to the request.

156 304 AVIS DU 20 VI1 62 (OP.DISS. DE M. BUSTAMANTE)

L'Organisation des Nations Unies est une association d'États où
les droits et les obligations des Membres sont inscrits par voie con-
ventionnelle dans sa charte constitutive. C'est la Charte qui règle
les relations entre les associés,soitréciproquement, soit à l'égard de
l'organisation elle-même.C'estseulement en raison de la soumission
aux buts et aux garanties fixéspar la Charte que les Etats Membres

ont limité partiellement la portéede ses pouvoirs souverains (art. 2).
Il va sans dire par conséquent que la vraie raison de l'obéissance
des États Membres aux autorités de l'organisation est la conformité
des mandats de ses organes compétents au texte de la Charte. Ce
principe de la correspondance conditionnée entre le devoir d'accep-
ter les décisionsinstitutionnelles et la conformité de ces décisions à
la Charte a étéconsacrépar l'article 25,lequel, bien que se référant
explicitement au Conseil de Sécurité,établit à mon avis une norme
basique fondamentale de caractère généralapplicable à tout le
régimede la Charte. L'article 2,paragraphe 2,confirme cette inter-

prétation.
11existe donc la présomption légaleque chacun des organes de
l'institution ait soin dese conformer dans ses actes aux prescriptions
de la Charte; mais quand, de l'avis de l'un des Etats Membres, une
erreur d'interprétation s'est produite ou mêmesi une infraction à la
Charte a étéfaite, on est en droit de contester la résolution où le
défaut a été constatéafin qu'on puisse établir si elle s'est ou non
écartée dela Charte.
On ne saurait soutenir que les résolutionsd'un organe quelconque
des Nations Unies ne sont pas susceptibles de revision: cela équi-
vaudrait à rocl la merl'inutilité de la Charte ou sa subordination

absolue au critère - toujours faillible- des organes.
Mais évidemment le cas des Nations Unies est un cas spécial.
Étant donné sa qualifé de plus haute institution internationale
comme association dJEtats souverains, sa plénitude d'autonomie
ne reconnaît aucune instance supérieure capable de reviser ses
actes. C'est elle-mêmequi a le pouvoir de les rectifier ou de les
confirmer. C'est probablement pour cela qu'aucun organe de con-
trôle de la légalité ou conformité à la Charte n'a étéprévudans son
texte, au sens d'une instance devant laquelle on pourrait soumettre
- à la manière d'une controverse judiciaire - la contestation
présentéepar un État Membre contre une décisionde l'organisa-

tion. Mais cela n'exclut nullement la fonction de l'organisation de
faire elle-mêmejustice aux réclamations de ses associés. Et je
crois trouver une preuve que cela a étél'intention de la Charte
dans le texte de son article 96 oùle conseil de la Cour internationale
de Justice est prévu en ce qui concerne les questions juridiques.
L'avis consultatif se substituant à l'instance judiciaire est le re-
cours volontaire qui, à titre simplement illustratif, précèdela déci-
sion que l'Org?nisation est appelée à donner sur les réclamations
de droit des Etats Membres. The United Nations is an association of States in which the rights
and the obligations of the Members are contractually prescribed in
its constituent charter. It is the Charter which governs the mutual
relations of the associates and their relations with the Organiza-
tion itself. Onlybecause of their acceptance of the purposes of the

Charter and the guarankes therein laid down have the States
Members partially limited the scope of their sovereign powers
(Article 2).It goes without saying, therefore, that the real reason
for the obedience of States Members to the authorities of the Organ-
ization is the conformity of the mandates of its competent organs
with the text of the Charter. This principle of the conditional link
between the duty to accept institutional decisions and the confor-
mity of those decisions with the Charter is enshrined in Article 25,
which, although referring explicitly to the Security Council, in
my opinion lays down a fundamental basic rule which is generally
applicable to the,whole system of the Charter. Article2, paragraph 2,
confirms this interpretation.
There is therefore a legal presumption that each of the organs of

the Organization is careful in its actions to comply with the pre-
scriptions of the Charter; but when, in the opinion of one of the
Member States, a mistake of interpretation has been made or there
has even been an infringement of the Charter, there is a right to
challenge the resolution in which the error has been noted for the
purpose of determining whether or not it departed from the Charter.
It cannot be maintained that the resolutions of any organ of the
United Nations are not subject to review: that would amount to
declaring the pointlessness of the Charter or its absoIute subordi-
nation to the judgment-always fallible-of the organs.
But the case of the United Nations is clearly a special one. Hav-
ing regard to the fact that it is the highest international institution
as being an association of sovereign States, its unfettered autonomy

is subject to no higher tribunal capable of reviewing its acts. It is
the institution itself which has the power to rectify or to con-
firm them. That is probably why no provision was made in the
Charter for any supervisory organ to determine legality or confor-
mity with the Charter, such as some tribunal to which it would
be possible to refer-in the manner of judicial proceedings-the
objection of a Member State to a decision of the Organization. But
that in no way excludes the Organization's function of dealing with
complaints by its Members. And 1 think 1find evidence that that
was the intention of the Charter in the text of its Article 96, which
makes provision for the advice of the International Court of Justice
on legal questions. An advisory opinion, taking the place of judicial
proceedings, is a method of voluntary recourse which, if only by

way of elucidation, precedes the decision which the Organization
is called upon to give with regard to legal objections raised by
Member States. A propos des affaires du Moyen-Orient et du Congo, des obser-
vations ont étéfaites par quelques États sur diverses matières:

les uns affirmant la non-conformité à la Charte de certaines réso-
lutions de l'Assembléegénéraleou du Conseilde Sécurité;les autres
signalant des erreurs ppssibles d'interprétation de la Charte qui
ont imposé à tous les Etats Membres des obligations dont la res-
ponsabiliténe devrait pas êtrecommune; d'autres enfin, demandant
que l'organisation établisseun règlement sur des sujets qui n'ont
pas étéprévus dans la Charte. On signale également le caractère
non obligatoire des résolutions qui proviennent d'une simple re-
commandation et non pas d'un mandat impératif d'un organe
principal. Cette attitude de certains États relève d'un droit inhé-
rent à tous les membres des associations possédant un statut
auquel les actes institutionnels doivent se conformer. Ceprincipe de
la conformité au statut est - il faut le rappeler - la base de

l'obligation conventionnelle. Le fait qu'en présence de ce nombre
de réclamations l'Assembléegénéraleait demandé l'opinion juri-
dique de la Cour est - à mon avis - la meilleure preuve que cet
organe des Nations Unies a l'intention de trancher en droit les
objections formulées par plusieurs de ses Membres et - peut-
être - d'aborder une revision ou adaptation de la Charte aux
nouvelles circofistances. Entre-temps, on ne saurait définir si,
à l'égard des Etats objecteurs, les dépenses encourues dans les
opérations d'Égypte et du Congo sont des dépenses légitimeset,
partant, des dépenses de l'Organisation.
On pourrait dire que les résolutions objectéesayant été prises
par la majorité des Membres que la Charte signale (art. 18, par. 2,
et art.27, par.,3) sont juridiquement valables et mêmeobligatoires
pour tous les Etats Membres, bien que certains d'entre eux aient

votécontreou n'aient pas pris part au vote. Celui-ci est, en effet, le
principe généralqui règle les accords de toute association pour
garantir l'unité et l'efficacité institutionnelles. Mais cela a trait
seulement à la légalitéformelle ou externe et non pas à la validité
intrinsèque des résolutions. La non-conformité à la Charte est
une question de légalitéintrinsèque qui peut être posée par les
États Membres bien que la légalitéformelle soit incontestable.
L'objection à la légalitéde fond vise l'exigibilité de l'obligation,
étant donné que l'existence mêmedu lien conventionnel est mise
en cause.
En outre, il faut que l'organisation se prononce sur l'allégation
selon laquelle les résolutionsqui approuvent de simples recomman-
dations de l'Assembléeou du Conseil de, Sécurité ne produisent
pas des effets obligatoires à l'égard desEtats qui ne les ont pas

acceptées.C'est une modalité spécialedu régimedes Nations Unies
à l'égardde laquelle rien n'est définidans la Charte. Quelle serait
la différenceentre une résolution impérativedu Conseil de Sécurité
et une autre qui entraîne simplement une recommandation de
l'Assembléeou du Conseil lui-même ?La recommandation devient-
158 In respect of the Middle East and the Congo, observations have
been made by certain States on various matters: some of them stat-
ing that certain resolutions of the General Assembly or the Security
Council are not in conformity with the Charter; others pointing
out possible mistakes of interpretation of the Charter which have
imposed on all Member States obligations for which there shouldnot
be general responsibility; others, again, asking that the Organiza-

tion should lay down rules on matters for which there is no provi-
sion in the Charter. The non-obligatory character of decisionswhich
result from a mere recommendation and not from an imperative
mandate by a principal organ has also been pointed out. This
attitude on the part of certain States derives from an inherent
right of all members of associations which have a body of rules to
which the acts of the institution have to conform. This principle of
conformity with the rules is, one must not forget, the basis for a
contractual obligation. The fact that, faced with this number of
objections, the General Assembly has asked for the legal opinion of
the Court is-in my view-the best proof that this organ of the
United Nations intends to decide in accordance with law the objec-
tions put forward by several of its Members and-perhaps-to
embark upon a review or adaptation of the Charter to the new
circumstances. Meantime, it is not possible to determine whether,
with regard to the objecting States, the expenditures incurred in
the operations in Egypt and the Congo are lawful expenses and,
accordingly, expenses of the Organization.

It might be said that the resolutions objected to having been
adopted bythe majority required by the Charter (Article 18, para.2,
and Article 27, para. 3) are legally valid and indeed binding on all
Member States, although some of them voted against or did not
take part in the vote. This is, indeed, the general principle which
governs the agreements of any association with a view to guaran-
teeing institutional unity and efficacity. But that refers only to the
formal or external legality and not to the intrinsic validity of the
resolutions. Non-conformity with the Charter is a question of in-
trinsic Iegality which may be raised by States Memberseven though
the forma1 legality may be indisputable. An objection to the sub-
stantive legality relates to the very existence of an obligation, since
the very existence of a contractual bond is in issue.

Furthermore, the Organization must pronounce on the allegation
that resolutions which approve mere recommendations of the
Assembly or the Security Council do not have obligatory effect
for States which have not accepted them. This is a special feature
of the system of the United Nations as to which nothing is defined

in the Charter. What would be the difference between an imperative
resolution of the Security Council and another involving simply a
recommendationof the Assembly or of the Council itself? Does the
recommendation become binding on all, by virtue of the approval
158 306 AVIS DU 20 VI162 (OP. DIS. DE M. BUSTAMANTE)

elle obligatoire pour tous, en vertu de l'approbation de la majorité?
Le mot ((recommandation )signifieinsinuation, conseil, convenance,
utilité, mais non pas ordre ou mandat impératif. Logiquement une
insinuation ou un conseil ne peut pas normalement se transfor-
mer en obligation. C'est la question à définir.
Visant un autre aspect de l'affaire, on a dit que les résolutions
de l'Assemblée généralteouchant l'engagement de ressources pour
les opérations du Moyen-Orient et du Congo ou le financement des

dépensesopérationnelles (résolutions ((dérivées»)sont elles-mêmes
autonomes et ne doivent pas êtreconsidérées commedépendantes
des résolutions de base qui autorisèrent les opérations militaires.
Chaque organe des Nations Unies - dit-on - est le juge de sa
propre compétence; et les résolutions financières de l'Assemblée
ont, par elles-mêmes,une force obligatoire qui découlede l'autorité
et du critère de cet organe, indépendamment de la liaison avec
les résolutionsde base. Donc, un vice légalquelconque qui pourrait
affecter ces dernières résolutions ne transmettrait pas son défaut
aux résolutions financières de l'Assemblée.Je ne souscris pas à

cette opinion. On ne saurait détruire par cette sorte de raisonne-
ment lelien substantiel et objectif de cause àeffet entrela résolution
qu'autorise une action arméeet celle que recherche les fonds pour
couvrir ses dépenses. Une chose est la légitimitéde la compétence
de l'Assembléepour s'acquitter de la tâche de financer les dépenses
de l'Organisation; une autre, très différente, est celle d'examiner
si le but des dépenses et le procédédu financement sont ou non
conformes à la Charte. Cet examen est loisible à mon avis à l'égard
de toute sorte de résolutions. En outre, certaines des objections

soulevéesvisent, non seulement les résolutions de base mais aussi
d'une façon directe celles de caractère financier, quant à la répar-
tition de la charge des dépenses entre tous les États.

Ce qui constitue une complication au sujet des résolutions finan-
cières est le fait que beaucoup d'entre elles prescrivent l'obligation
de payer, à titre de remboursement, certaines dépensesqui ont été
encourues au moyen de crédits fournis par des tiers. L'honneur et
la bonne foi de l'Organisation exigent l'accomplissement de cette

sorte d'obligation, même si ellesont trouvé leur origine dans des
résolutions défectueuses ou illégales.Je pense que la solution est
donnéepar le régimede la Charte elle-même. Si lesrésolutions ont
étéprises, selon les formes prescrites, par la majorité des États
Membres prévue dans la Charte, une présomption provisoire de
légalitéfavorise ces décisions. Lescas isolésd'allégationsde quelque
ou quelques États contre la validité ou la non-conformité de telles
résolutions à la Charte devront êtrerégléspar l'organe compétent
au moment opportun; mais entre-temps, les effets des résolutions

envers les tiers doivent demeurer intacts. Deux solutions possibles
sont,à considérer: ou l'exécution des obligations est supportée p.ar
les Etats qui ont accepté explicitement ou implicitement la réso-
159of the majority? The word recommendation implies suggestion,
advice, advisability, usefulness, but not an order or an imperative
mandate. Logically, suggestion or advice cannot normally be
transformed into an obligation. It is the question which has to be
determined.
Tuming to another aspect of the matter, it has been said that the
General Assembly's resolutions regarding the commitment of
resources for the operations in the Middle East and in the Congo or
the financing of operational expenditures ("derived" resolutions)
are themselves independent and ought not to be considered as
depending on the basic resolutions which authorize military opera-
tions. Each organ of the United Nations-it is said-is the judge
of its own competence; and the financial resolutions of the Assembly
have, in themselves, a binding force which proceeds from the

authority and the judgment of this organ, independently of the
connection with the basic resolutions. A legal defect of any kind
which might affect these last resolutions would not, therefore,
communicate its defect to the financial resolutions of the Assembly.
1 do not agree with this view. One cannot demolish by this type of
reasoning the substantial and objective connection of cause and
effect between the resolution authorizing armed action and a
resolution providing for funds to cover the expenditure involved.
The legitimacy of the Assembly's competence to fulfïl its duty of
financing the Organization's expenses is one thing; whether the
purpose of the expenses and the method of financing are or are not
in conformity with the Charter is a very different matter. An
examination of this latter question is in my opinion permissible
with regard to all types of resolution. Moreover, some of the objec-
tions raised cover, not only the basicresolutions but also in a direct
fashion those of a financial nature, with regard to the apportion-
ment of the burden of the expenses among all the States.

A complication with regard to the financial resolutions lies in
the fact that many of them lay down the obligation €0pay, by way
of reimbursement, for certain expenses met out of credits supplied
by third parties. Both the honour and the good faith of the Organi-
zation require the discharge of this type of obligation, even if it
originated in defective or unlawful resolutions. 1 think that the
solution is to be found in the general system of the Charter itself.
If the resolutions were adopted according to the prescribed forms,
by the majority of Member States required by the Charter, there is
a provisional presumption of legality in favour of these decisions.
The isolated cases of allegations on the part of some State or States
against the validity or conformity with the Charter of such reso-
lutions should also be decided by the competent organ at the
appropnatetime; but in the meantime the effectsofthe resolutions
towards third parties should remain intact. Two possible solutions
may be considered: either the performance of the obligations is
borne by the States which explicitly or implicitly accepted the re-

159lution d'espèce; ou la responsabilité est attribuée à tous les États
Membres, et dans ce cas, après le tranchement des objections pro-
poséespar un État quelconque, des arrangements ou compensa-
tions internes peuvent intervenir si la décisionfavorisel'État objec-
teur. La première solution pourrait surtout êtreappliquée quand
on a affaire à des résolutionsqui proviennent de simples recomman-
dations et la deuxième dans le cas où l'obligation émane d'un
mandat impératif de l'organe compétent.

6. Ce que je viens d'exposer suffit, je pense, à expliquer pour-
quoi je ne puis pas répondre simplement oui ou non à la question
poséepar la requête de l'avis consultatif, étant donné qu'il manque,
selon ma pensée, un élémentsubstantiel d'appréciation, à savoir
la vérification de la conformité ou non-conformité à la Charte de
certaines des résolutions mentionnées à la requête, lesquelles ont
étéle sujet d'objections juridiques de la part de divers États
Membres.
D'après mon exposé onpeut déduirequelle est ma position per-
sonnelle de jugement à l'égard de ces objections dont quelques-
unes, à mon avis, sont mal fondées, bien que des raisons sérieuses

interviennent àl'appui des autres. En tout cas, je crois indispensable
de chercher une définition de droit qui tranche sur la légalité de
toutes ces objections ou qui règle expressément les situations non
prévues à la Charte ou survenues après promulgation. On est en
face d'une situation d'incertitude qui ne peut pas êtreignorée.
La crise financière qui s'est produite au sein de l'Organisation n'est
que le reflet d'une autre crise dont le sujet est le fond mêmede
la Charte. Mais le cas est que la Cour n'a pas lieu de se prononcer
sur ces sujets, non seulement du fait de la nature de cet avis con-
sultatif (opiner,pas juger) mais parce que les limites de la question
poséeà l'avis visent uniquement la définition de savoir si les dé-

penses du Moyen-Orient et du Congo sont, oui ou non, des « dé-
penses de l'organisation », sans inclure l'aspect de la légalité
desdites dépenses.
Alors, je dois répéterce que j'ai dit plus haut: en principe, je
considère que les dépenses valablement autorisées par l'organe
compétent aux fins d'exécution d'une action armée visant au
maintien de la paix et de la sécurité internationales constituent
des (dépensesde l'Organisation 1)Mais dans le cas des dépenses
autorisées pour les opérations du Moyen-Orient et du Congo, c'est
à l'organe compétent des Nations Unies de se prononcer sur les
objections légalesprésentéespar certains États contre les résolu-

tions pertinentes. C'est seulement aprèscette définitionconcernant
le légalitéou la non-légalitédesdites résolutions que la réponse à
la requête serait possible à mon avis.
En conséquence,je conclus que les dépensesdont fait référence
la requête pour avis consultatif seraient des dépensesde l'organi-
sation si, après examen des objections juridiques opposées par solution in question; or the responsibility is ascribed to all State
Members-and, in the latter case, after the settlement of objections
put forward by any State, interna1 arrangements of compensation
may be made if the decision is in favour of the objecting State.
The first so1.utionmight principally be appIied when it is a question

of resolutions deriving from simple recommendations, and the
second solution when the obligation derives from an imperative
mandate by the competent orgari.

6.What 1 have said above suffices, 1 think, to explain why 1
cannot reply simply yes or no to the question put in the request for
an advisory opinion, since in my view a substantial element of
appraisement is lacking, namely the ascertainment of the confor-
mity or non-conformity with the Charter of certain resolutions
mentioned in the request, which have been the subject of legal
objections on the part of various Member States.

From my present statement it is possible to infer my own judg-
ment with regard to these objections, some of which in my opinion
are il1founded, while there are serious reasons in support of others.
In any case,1 think it indispensable to seek a legal definition which
decides as to the legaiity of al1these objections or which expressly
governs situations not provided for in the Charter or having ansen
after the promulgation of the Charter. We are faced with a situa-
tion of uncertainty which cannot be ignored. The financial crisis
which has occurred within the Organization is only the reflection of
another crisis the subject of which is the very substance of the
Charter. But the fact is that the Court has not to pronounce on
this subject, not only because of the character of this advisory
opinion (which is an opinion, not a judgment) but also because the
question put to us for an opinion is Iimited entireltodetermining
whether the expenditures in the Middle East and in the Congo

constitute or do not constitute "expenses of the Organization",
without reference to the aspect of the legality of those expenditures.
Thus, 1 repeat what 1 have said above: in principle, 1 am of
opinion that expenditures validly authorized by the competent
organ for the carrying out of an armed action with the purpose of
maintaining international peace and security constitute "expenses
of the Organization". But in the case of the expenditures authorized
forthe operations in the Middle East and the Congo, it is for the
competent organ of the United Nations to pronounce on the legal
objections put fonvard by certain States against the relevant resolu-
tions. Only after this pronouncement on the legality or the non-
legality of these resolutions would, in my opinion, a reply to the
request be possible.
In consequence, 1 conclude that the expenditures referred to in
the request for an advisory opinion would constitute expenses of
the Organization if, after consideration of the legal objections
160certains États Membres, l'organe compétent des Nations Unies
arrive à définir commelégaleset valables les résolutions en vertu
desquelles lesdites dépenses ont étéencourues.
Étant donné que cette définition n'a pas étéfaite et compte

tenu drs limites de la requête,la Cour - à mon avis - ne peut
pas dire si les dépenses en question sont ou non des dépenses de
l'organisation au sens du paragraphe 2de l'article17 de la Charte.
Mais si la Cour doit, pour le vote, répondre catégoriquement «oui ))
ou «non )à la question poséedans la requête,ma réponsene peut
êtreque négative car, d'après ce qui a étéexposé,je ne suis pas en
mesure d'assumer la responsabilité d'une qualification affirmative
de la légalitédes dépenses.

(Signé) J. L. BUSTAMANTE. OPIN. OF 20 VII 62 (DISS. OP. JUDGE BUSTAMANTE) 308

raised by certain Member States, the competent organ of the United
Nations succeeds in determining as legal and valid the resolutions
by virtue of which the expenses in question were incurred.
Since this definition has not been given and having regard to the
limitations of the request, the Court-in my view-cannot declare
whether the expenditures in question are or are not expenses of the
Organization within the meaning of Article 17, paragraph 2,of the
Charter. But if the Court must in voting reply categoncally "yes"
or "no" to the question put in the request, my reply can only be
negative for, according to the foregoing, 1 am not in a position to

assume the responsibility for an affirmative characterization of the
legality of the expenditures.

(Signed)J. L. BUSTAMANTE.

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Document Long Title

Opinion dissidente de M. Bustamante

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