Opinion dissidente de M. Moreno Quintana

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049-19620720-ADV-01-07-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. MORENO QUINTANA

Je regrette vivement ne pas pouvoir souscrireà l'avis consultatif
que rend la majorité de mes collègues au sujet des obligations
financières des Membres des Nations Unies. Il aurait étépour moi
une grande satisfaction celle de contribuer dans l'exercice de ma
fonction judiciaire àla réalisationla plus efficacedubut essentiel de
l'organisation. Mais je ne peux me départir de certaines notions
juridiques qui ont à mon sens, pour l'interprétation de la Charte,
une importance capitale. Ce sont celles qui, dans le cas d'espèce,
empêchent la Cour de donner suite à l'avis qui lui est demandé.

Par sa résolution 1731 (XVI) en date du 20 décembre 1961,
l'Assembléegénérale des Nations Unies demande à la Cour un
avis consultatif qui fait surgir une importante question. Celle des
obligations des États Membres quant au financement des opéra-
tions des Nations Unies au Congo et dans le Moyen-Orient.

Le Secrétariat généraltransmet le 12 février 1962 à la Cour une
note introductive. Dix-sept exposésécritsd'États Membres ont été
également transmis à la Cour afin de savoir si les dépensesdiverses

faites par l'ONU pour soutenir ses opérations au Congo et à la
bande de Gaza constituent des dépenses au sens de l'article 17,
paragraphe 2, de la Charte. Quatres autres exposésécrits ont été
présentés postérieurementà la Cour. Un abondant dossier composé
de cinq parties lui a étéaussi remis. Il contient un grand nombre
de pièceset deux notes qui illustrent la Cour au sujet de faits et de
circonstances d'une portée déterminante pour qu'elle puisse se
prononcer sur la question qui lui est posée. Telssont les débats des
organes des Nations Unies qui ont amené l'Assemblée générale à
prier la Cour de donner un avis consultatif: les opérations entre-
prises par les Nations Unies au Congo (ONUC), les opérations de
la Force d'urgence des Nations Unies au Moyen-Orient (FUNU),
l'élaboration et l'adoption par la conférencede San Francisco en

1945 du paragraphe 2 de l'article17de la Charte et les procédures
et pratiques des organes de l'ONU en application de ladite disposi-
tion. A l'origine de la demande d'avis consultatif se trouve le débat
entamépar les quinze Membres qui firent partie du groupe de travail
crééle 21 avril 1961 par l'Assembléegénérale pour examiner les
procédures administratives et budgétaires de l'ONU. Plusieurs
opinions de ces Membres et du Secrétaire généralfurent émisesau
sein du groupe de travail sur la nature juridique des obligations
financières découlant des opérations relatives au maintien de la
paix. Vu leur divergence, le groupe de travail conseilla à 1'Assem-

bléegénéralela demande d'avis consultatif à la Cour, et l'Assem-
bléegénérale décidadu libelléde la question.

Elle fut poséed'une manière concrète par ledit organe en recon-
naissant qu'il avait besoin d'un avis juridique autorisé et en faisant
état des résolutions de l'Assemblée générale sur les dépenses en-
courues par les opérations réalisées enexécution de diverses réso-
lutions du Conseil de Sécuritéet de la même Assemblée générale.
Son libellé peut être réduit, quant à sa portée juridique, de la
manière suivante: les dépensesautorisées par l'Assembléegénérale
au sujet des opérations entreprises par les Nations Unies au Congo
et au Moyen-Orient constituent-elles des dépenses de l'organisation
au sens du paragraphe 2 de l'article17 de la Charte ?

La Cour a consacré d'ores et déjà,de 1948 à 1955, à la tâche qui
lui incombe de l'interprétation de la Charte, six avis consultatifs.
- Ces avis furent dans un certain sens à la base de la mise en Œuvre

juridique de cet instrument. Ils eurent trait à l'admission de nou-
veaux Membres à l'ONU, à la réparation des dommages subis au
service de l'organisation, à la compétence de l'Assemblée générale
pour l'admission de nouveaux Membres, au statut du territoire du
Sud-Ouest africain, aux effets de jugements du tribunal administra-
tif de l'ONU, et à la procédure de vote de l'Assembléegénéraleau
sujet dudit territoire. L'exercice de sa compétence en matière con-
sultative qui découledes articles 96 de la Charte et65 de son Statut
- interpretatio legis des jurisconsultes romains -, ne fait que
s'accroître d'année en année. 11 surpassera peut-être bientôt
celui de la compétence que la Cour a en matière contentieuse qui
ne satisfait pas toujours les aspirations de ceux qui auraient voulu
établir les assises de la juridiction internationale sur d'autres bases.
Dire que ce nouvel avis consultatif pourrait décider du sort des
Nations Unies dans les années à venir est assurément osé,mais on
peut néanmoins affirmer que sa portée serait considérable. Elle

touche à une question aussi déterminante que celle du financement
de l'organisation pour atteindre son but du maintien de la paix
et de la sécurité internationales.

Une solution égalitaire, tendant à considérer le financement
d'opérations qui s'appuient principalement sur une action militaire
93241 AVIS DU 20 VI1 62 (OP. DISS. M. MORENO QUINTANA)

comme une dépensenormale de l'organisation devant êtrerépartie
entre tous ses États Membres, semble encourageante pour la
cause qui envisage ledit but. Mais elle ne paraît pas très favorable
face à la faible capacité financière d'un grand nombre d'États
Membres, dont beaucoup Sont des pays sous-développés.En
échange,une solution qualifiéemettant ce financement à la charge
exclusive des Membres du Conseil de Sécurité, s'adresseraitaux
États directement engagésdans cette cause. Peut-être aurait-elle
le désavantage de restreindre toute action en ce sens par souci
de ses conséquences financières. Voilàquel est le cadre dans lequel
joue aujord'hui la question posée à la Cour. Celle-ci a toutefois
à l'examiner du point de vue du droit et non pas de celui de la

politique.

Il faut bien remonter, pour tracer la perspective dans laquelle se
pose la question soumise à la Cour, aux origines des dificultés
financièresdans lesquelles se trouva l'ONU quand elle dut assister
les États Membres qui demandaient l'appui de l'organisation pour
que fût maintenu le but principal qui lui fut assigné par la Charte.
Un bref aperçu historique s'avère en tout cas nécessaire.

Au mois d'octobre 1956,un acte d'agression fut déclenchécontre
l'Égypte, État Membre de l'ONU, par trois autres États Membres
dont deux d'entre eux étaient des Membres permanents du Conseil

de Sécurité.L'Assemblée générale v,u que le manque d'accord des
Membres permanents ne p'ermettait pas au Conseil de Sécuritéde
s'acquitter de sa tâche essentielle, constitua une force internationale
d'urgence (FUNU) et adopta les mesures indispensables. Sept réso-
lutions de cet organe, dictées de 1956 à 1958, y pourvurent. Huit
autres résolutions s'occupèrent, entre 1956 et 1960, d'assurer le
financement des opérations y afférentes. La demande d'avis les
énonce.En synthèse, vu les opinions expriméesà plusieurs reprises
au sein des organes compétentspar leSecrétairegénérall,'Assemblée
généraleprit finalement la position indiquéepar sa résolution 1575
(XV) en date du 20 décembre1960, selon laquelle le montant auto-
risédu financement des dépensesdes opérations au Moyen-Orient
pour 1961 serait couvert par tous les États Membres sur la base du
barème ordinaire des quotes-parts.

Peu après, comme une conséquencede la situation d'anarchie où
paraissait sombrer le Congo,nouveau Membre des Nations Unies, le
Conseil de Sécuritéprit, en 1960 et en 1961, cinq résolutions qui
décidèrent desopérations de l'Organisation dans ce pays (ONUC) ;
et, à son tour, l'Assemblée généralp erit, les mêmesannées,quatre
résolutions sur ce sujet. Le financement desdites opérations fit
l'objet, égalementen 1960 et en 1961, de cinq résolutionsde l'As-
semblée généraleT . outes ces résolutions sont indiquées dans la demande d'avis. Bien que le Conseil de Sécuritéait adopté, dans
le cas du Congo, des mesures qu'il ne put pas prendre dans celui
du Moyen-Orient, il n'examina pas la question de leur financement.
De longues délibérations s'engagèrent à la Cinquième Commission,
où diverses opinions se firent entendre à ce sujet. Le 20 décembre
1960, l'Assembléegénérale déclara par sa résolution 1583 (XV) que
les dépenses entraînées par les opérations au Congo constituaient

des dépensesde l'organisation au sens de l'article 17, paragraphe 2,
de la Charte et que la répartition des dépenses entre les États
Membres leur imposait l'obligation juridique de payer leur quote-
part.
Cet historique montre de quelle manière a agi l'Assemblée géné-
rale, face à des opinions divergentes, pour assurer l'efficacitédes
mesures prises par elle-mêmeou par le ConseildeSécuritéen exercice
de la haute mission de maintenir la paix et la sécuritéinternatio-
nales. Les décisions prises par l'Assembléegénéraleau sujet du
financement des opérations au Moyen-Orient et au Congo lient-
elles ou non tous les États Membres des Nations Unies et, dans
l'affirmative, dans quelle mesure? C'est ce qu'il faudrait analyser.

La Cour a reçu vingt et un exposésécrits d'États Membres de
l'ONv sur la question qui lui a étéposée, enplus de l'ample dévelop-
pement que le Secrétairegénéral a donnéàsa noteintroductive pour

la Cour. Elle a entendu aussi les plaidoiries orales des représentants
de neuf d'entre eux, lesquelles ont confirméla position exprimée
dans les exposés écrits. D'autre part, les opinions manifestées à
plus d'une reprise par le Secrétaire généralau sein de la Cinquième
Commission et du Comitéconsultatif, et dans ses rapports à l'As-
semblée générale, ainsique celles qui furent émisespar diverses
délégationsaux réunions des organes compétents, et la tonique
juridique mêmedes résolutions de l'Assembléegénérale,donnent
aussi une idéesur les diverses positions adoptées. Il s'agit mainte-
nant d'en extraire leur substance, de les réduire à des communs
dénominateurs pour en faire la synthèse et le résumé,et d'en dres-
ser le bilan.
Tout ce matérielpourrait êtreclassifiéd'un point de vue simpliste
en établissant par ouiou par nonla réponse à la question posée.
Mais cette technique serait tout à fait insuffisante aux fins que l'on
doit rechercher. Et seulement une exégèseconcrète des différentes

positions prises et des fondements qui les appuient pourra fournir
une base de travail raisonnable. De ce point de vue on peut aperce-
voir, sans tenir compte de certaines variantes ou réserves expri-
mées,quatre thèses principales: une thèse affirmative, une autre
thèse apparemment affirmative mais soumise à des conditions
déterminées,une thèse négative et une dernière thèse qui ne consi-
dère pas possible que la Cour puisse se prononcer sur la question. Comme position idéologique, la thèse affirmative est la plus
séduisante. Reste à savoir si elle est exacte du point de vue juri-
dique. Elle estime que les dépenses entraînées par les opérations

de l'ONU au Moyen-Orient et au Congo sont des dépenses de
l'organisation au sens du paragraphe 2 de l'article 17 de la Charte.
Cesdépenses,bienque d'une nature différentede cellescouvertes par
le budget administratif, sont des dépenses normales qui assurent le
maintien de la paix et de la sécurité internationales, but principal
de l'organisation. Elles sontà la charge de tous les États Membres
et doivent êtreréparties entre eux; ils ont l'obligation juridique
de payer leur quote-part selon le barème établi pour ledit budget.
Leur recouvrement est une question technique d'ordre comptable
qui doit êtrerésoluepar une méthode adéquate: incorporation au
budget ordinaire, établissement d'un budget additionnel ou ouver-
ture d'un compte spécial. C'est,sauf questions de détail, la thèse
qui a étédéfenduepar le Secrétairegénéralet adoptée présumable-

ment par les résolutions de l'Assemblée généralen ,otamment par
la résolution 1583 (XV) en date du zo décembre 1960. Elle a été
soutenue aussi, dans leurs exposés écrits,par-les Gouvernements
de l'Italie, du Danemark, des Pays-Bas, des Etats-Unis d'Améri-
que, du Canada, du Japon, de l'Australie, du Royaume-Uni, de
l'Irlande, et de même,aux plaidoiries orales, par celui de la Nor-
vège.

Une autre thèse affirmative fait néanmoins dépendre son effica-
cité de l'accomplissement de certaines conditions. Elle ne discute
pas le fondement juridique de la réponse à fournir à la question,
mais elle donne aux contributions demandées pour des opérations
militaires un caractère volontaire et les soumet à la capacité de
paiement des gouvernements intéressésou à l'autorisation requise

par leurs constitutions respectives. Ces diverses positions ont été
avancées,en 1959, par quelques délégationsau sein de la Cinquième
Commission.
La thèse négative tire principalement sa force d'un dispositif
d'ordre fonctionnel. Elle ressort du fait que, d'après les articles II,
39, 41, 42, 43 et 48 de la Charte, l'action de force et l'usage des
forces arméesappartiennent à la compétencedu Conseilde Sécurité.
L'Assemblée généralp eeut faire des recommandations sur le main-
tien de la paix et de la sécuritéinternationales, mais non pas prendre
des mesures sur elles. C'est par conséquent à cet organe et non pas
à celui-ci d'assurer le financement indispensable à l'accomplisse-
ment de sa fonction spécifique. Toute décision prise à son sujet
doit êtreappuyée à cet égard sur les accords spéciaux entre le

Conseil de Sécuritéet les États Membres de l'ONU auxquels fait
référencel'article 43 de la Charte. Les dépenses envisagées à
l'article17, paragraphe 2, de la Charte, ne sont que celles du
budget dressépour les activités normales de l'organisation et non
pas celles qui sont demandées pour d'autres activités. C'est aux
96États Membres dont l'action a provoqué la création d'une force
militaire que revient l'obligation de contribuer à son financement.
Et les États Membres qui n'ont pas accédé à cette création n'ont

pas ladite obligation à leur charge. Cette thèse a étésoutenue au
sein de la Cinquième Commission et dans des exposésécrits. Elle
revient, sous des formes différentes, aux Gouvernements de l'Union
soviétique, du Mexique, de l'Inde, de la Haute-Volta, de la Tché-
coslovaquie, du Portugal, de l'Espagne, de l'Afrique du Sud, de
la Biélorussie, de la Bulgarie, de l'Ukraine et de la Roumanie.
On peut-en déduire,surtout pour ce qui a trait à la position adoptée
par les Etats du groupe soviétique, que la non-obligation juridique
de payer lesdites dépenses repose non seulement sur l'invalidité
des résolutions par lesquelles les opérations furent entreprises,
mais aussi sur le fait que les dépensesne sont pas celles qu'envisage

l'article17, paragraphe 2.Ce dernier argument, comme fait acquis,
donnerait d'embléela réponse à la question poséedans la requête
d'avis consultatif.
Une quatrième thèse est celle exposéepar la France qui a trait à
une question fondamentale de procédure en l'espèce. Selon elle, la
question posée àla Cour par la demande d'avis l'a étéd'une manière
équivoque. Les conditions dans lesquelles la Cour est consultée
ne permettent pas d'obtenir l'opinion de droit qu'on attend d'elle.
Elles impliqueraient par une procédure détournéeune revision de
fait des règles constitutionnelles de la Charte, laquelle est au-delà
de sa lettre et de son esprit. Ce point de vue a étéaussi avancépar

l'Afrique du Sud.

Le problème juridique à considération de la Cour est, par consé-
quent, celui de l'interprétation de l'articl17 de la Charte dans son
paragraphe 2, où il est dit:« Les dépenses de l'Organisation sont
supportées par les Membres selon la répartition fixéepar 1'Assem-
bléegénérale. 1)Pour le trancher, il y a lieu de recourir à divers
éléments dejugement. Tels, les idées généralesqui président à l'a-

doption dudit texte, la portée des résolutions par lesquelles a été
faite son application, les procédureset les pratiques administratives
observéesen la matière, les travaux préparatoires qui l'ont précédé
et, finalement, l'exégèsedu texte même. Néanmoins,il faudra
aborder en dernier lieu si on ne le fait pas ab initio - c'est une
question de méthode - le problème de la compétence de la Cour
pour répondre à la question telle qu'elle lui a étésoumise.
Cette disposition, dont la portéeapparaît être d'un ordre général,
vise-t-elle toutes les dépensesde l'Organisation ou seulement les
dépensesqui ont trait à ses activités normales ? La terminologie qui
est employée est ambiguë et laisse toute place au doute. Elle doit

avoir évidemment un sens puisque c'est (au sens de l'article 17,
97 paragraphe 2, de la Charte ))que l'Assemblée généralepose la
question à la Cour. 11faut rattacher en plus à cette disposition
celle du paragraphe I du mêmearticle qui se rapporte au (budget
de l'organisation ». Faut-il entendre par ce budget celui qui se

réfèreauxdites activités ou celui qui recueille toutes les dépenses,
courantes ou extraordinaires, de l'organisation? Parce qu'il y a
une relation technique de cause à effet entre le budget qui autorise
les crédits nécessaireset les dépensesqui sont sa conséquence. Les
prises successives de position de l'Assemblée générale et du Secré-
taire généralsur ce problème ne permettent pas d'en tirer une
conséquence unique. Car, bien que la position définitive de l'un
et de l'autre parait être celle qui a étédéjàavancée,il ressort d'au-
tres documents une position différente. Dans le rapport du Secré-
taire général endate du 6novembre 1956 l est dit que toute nation
fournissant une unité pour la FUNU devrait assumer tous les frais
de matériel et de personnel tandis que toutes les autres dépenses
seraient couvertes à l'aide de ressources autres que celles du budget

ordinaire de l'ONU. A son tour l'Assemblée généralep ,ar sa réso-
lution 1619(XV) du 21 avril 1961 reconnut (que la nature des
dépenses extraordinaires afférentes aux opérations des Nations
Unies au Congo était essentiellement distincte de celle des dépenses
de l'Organisation inscrites au budget ordinaire, si bien qu'il fallait
appliquer, pour les couvrir, une procédure différente de celle qui
étaitappliquée dans le cas dudit budget ».
On pourrait se demander en premier lieu, comme base de départ
d'un avis consultatif sur la question, si une Organisation interna-
tionale comme celle des Nations Unies jouit ou non de l'indépen-
dance financière requise pour mettre en Œuvre les buts et principes
qui sont à la base de sa création. Une réponse s'avère immédiate-
ment dans le sens affirmatif. Cette solution a étéconfirmée, bien

que découlant de situations différentes, dans les avis consultatifs
que la Cour rendit en 1949 surla réparation des dommages soufferts
au service de l'ONU, et en 1954 sur les effets de jugements du tri-
bunal administratif des Nations Unies. Elle constitue la conséquence
obligéede l'établissement d'une organisation internationale, mais
n'implique cependant pas qu'un certain organe doive prendre
certaines mesures, ni que toutes les dépenses soient nécessairement
supportées par tous ses membres. Rien ne s'oppose à une distribu-
tion adéquate des responsabilités, des obligations et des pouvoirs.
Cela dépend non seulement du degré d'intérêt,mais aussi du degré
d'intervention assignéà chaque catégorie de membres par l'instru-
ment constitutif de l'organisation. A chaque organe sa fonction.
Les pouvoirs implicites qui peuvent découler de cet instrument

pour que l'Organisation puisse atteindre tous ses buts n'ont pas
à êtreinvoqués quand des pouvoirs explicites prévoient expressé-
ment les cas envisagés. Ainsi posé,le problème semble s'adresser
aux dispositions spécifiques qui régissent tant le fonctionnementdes organes que l'ordre financier de l'Organisation des Nations
Unies et non pas à celles qui établissent ses buts généraux.

Il a étédiscutépar plusieurs délégations - notamment celles de
la Tchécoslovaquie, de l'Union soviétiqueet de la Biélomssie - la
validité des résolutions par lesquelles l'Assemblée généraleet le
mêmeConseil de Sécuritéentreprirent au nom de l'ONU des opé-
rations au Moyen-Orient et au Congo. En conséquence, les dépenses
occasionnéespar ces opérations (autorisées par des résolutions de
l'Assemblée générale)ne créeraient aucune obligation financière
pour les Membres de l'organisation. De ce chef, on peut déduire
que, mêmeau cas où lesdites dépenses engageraient par leur carac-
tère tous les États Membres, ceux-ci seraient relevésde toute obli-

gation en vertu de l'invalidité des résolutions qui auraient étéà
leur base. Un raisonnement contraire découlede l'opinion exprimée
en 1961 par le Secrétaire généralà la Cinquième Commission -
laquelle est aussi celle des Pays-Bas - dans le sens de l'existence
de cette obligation vu que lesdites dépenses ne correspondaient
pas à l'action de force qui relève de l'article41 de la Charte, ni à
l'usage de forces arméesprévu par les articles 42 et 43, mais bien
à celles de l'activité normale de l'organisation. Leur recouvrement
serait pour autant une obligation à la charge de tous les Membres de
l'ONU mêmequand les dépensesentraînées par ladite action relè-
veraient d'une nature extraordinaire.

Cette distinction ne paraît cependant pas bien fondée. 11n'en
est nullement question dans la Charte. Tout emploi de forces ar-
méesdestiné à un but ou à un autre implique par définition une

action coercitive et toutes autres dépensesque celles qui soutien-
nent cet emploi, mêmecelles afférentes à des activités non mili-
taires mais qui se rapportent à l'opération entreprise, participent
du mêmecaractère. Le cas du Katanga, où, depuis la fin de 1961
jusqu'au commencement de l'année actuelle, se sont déroulésdes
faits notoires, est particulièrement éloquent à ce sujet. Il serait
difficile d'en tirer des conséquences selon lesquelles les forces de
l'ONU n'auraient entrepris aucune action coercitive, et que même
étant coercitive, elle ne tomberait pas dans le cas envisagé par
l'articleII de la Charte qui se réfèreà u un État D. Quand il y a eu
des morts et des blessés,quand des bombardements sont intervenus
de part et d'autre, quand des populations civiles en ont supporté
les frais, quand un cessez-le-feu et d'autres conventions militaires
ont étépassésentre deux groupes belligérants, il n'est pas aiséde

réfugierl'analyse du problème de l'action coercitive dans les limites
d'une interprétation purement grammaticale reniée par la juris-
prudence de la Cour. Pas plus que de nier en tel cas l'action d'une
communauté belligérante à laquelle le droit international recon-
naît une personnalité juridique. Et quel ne serait pas le cas, le
jour de demain, si des forces arméesisraéliennes, renouvelant l'a-gression déclenchée en 1956 contre l'Égypte, attaquaient la bande
de Gaza et obligeaient les forces des Nations Unies à les repousser.
S'agirait-il oui ou non d'une action coercitive? L'éloquence des
faits donnerait par elle seule la réponse. C'est alors au Conseil

de Sécuritéet non pas à l'Assemblée généralequ'il appartient
d'exercer - comme il est rappelé à l'article24 de la Charte - les
pouvoirs spécifiquesdécoulant du maintien de la paix et de la sé-
curité internationales.
Le problème débattu par lesdites délégationset par le Secrétaire
général présente entous sens un énorme intérêtjuridique face à
l'interprétation de la Charte. Dans son exposé écrit, le Gouverne-
ment français en fait une question importante au point de vue des
dépenses y afférentes. Celui de l'Afrique du Sud en fait autant.
Elle aurait pu êtresoumise à la Cour comme intégrante de la de-
mande d'avis consultatif et préalabie à celle qui a étéposéedans
celle-ci. Mais l'Assemblée générale ne l'a pas entendu ainsi et n'a
pas appeléla Cour à juger la validité des résolutions susdites, ni à
dire si les opérations déclenchéespar l'ONU au Moyen-Orient et
au Congo sont une conséquence de l'activité normale de l'organi-
sation, ou constituent l'action de force ou l'usage de forces armées
prévus par la Charte. La réponseà la demande qui lui est faite a

étélimitée et joue exclusivement dans le cadre de l'article 17,
paragraphe 2. C'est grand dommage car elle empêchela Cour de
porter jugement sur l'élément juridiquedéterminant de l'espèce
et partant de résoudre peut-être le problème qui est soumis à sa
considération.

Quant aux procédures et aux pratiques observées en matière
budgétaire par des organes des Nations Unies en application de
ladite disposition de la Charte, on ne peut nier qu'elles ont une
importance technique indéniable. Elles démontrent de quelle façon
est élaboré lebudget ordinaire de l'organisation, comment on
approuve les crédits demandés, et de quelle manière est menéesa
gestion financière. On y trouve aussi des informations d'intérêt
sur d'autres aspects de caractère comptable et très particulière-
ment ce qui a trait aux comptes spéciauxétablis pour les opérations
de l'ONU au Moyen-Orient et au Congo. Des prises de position
mêmesur le problème débattu peuvent en résulter, ce qui a été

le cas pour les résolutions de l'Assembléegénéralequi s'y réfèrent.
Aucune de ces procédures et pratiques ne constitue sûrement pas
l'application du droit mais signale néanmoins la nécessitéd'une
séparation technique entre les dépenses administratives normales
de l'organisation et celles demandées par des circonstances excep-
tionnelles.
Les travaux préparatoires quiont étéàla base de l'adoption d'un
texte peuvent certainement êtred'une très grande utilité quand
celui-ci n'apparaît pas suffisamment clair. Ce n'est pas évidemment
IO0le cas du paragraphe 2 de l'article17 de la Charte qui a trait sans
nul doute aux dépensesde l'organisation. Mais à quelles dépenses
fait-il référencepuisqu'il ne les limite pas à quelques-unes, ni ne
les englobe pas non plus toutes? Car il a étérelevéaux débats du
comité spécialiséde la conférence de San Francisco que 1'Assem-
blée générale est le seul organe des Nations Unies autorisé pour

approuver le budget de l'organisation, que les dépenses sont sup-
portées par ses Membres, que l'Assembléegénéralefixe le taux
de leur répartition, etc. Aucun de ces arguments ne constitue toute-
fois un élémentdécisifpour trancher le cas d'espèce. Ils peuvent
soutenir aussi bien une interprétation extensive qu'une interpré-
tation limitée. On pourrait cependant déduire des travaux de
San Francisco une conclusion a contrario sensu de ce qui fut dit
au sujet de l'application de la sanction prévue par l'article 19 de
la Charte. Celle que si les dépenses de la nature de celles qui sont
discutées n'entraînent pas l'application de ladite sanction, elles ne
sont pas les dépenses dont parle l'article 17, paragraphe 2. La
réponse demandéeà la Cour demeure en essence une question d'in-
terprétation et, partant, d'exégèsejuridique.

Qu'est-ce que l'article 17, paragraphe 2, de la Charte a voulu
dire quand il prescrit que les dépensesde l'Organisation sont sup-
portéespar ses Membres? Cette disposition n'a sûrement pas voulu
innover en la matière, mais bien poser une règle commune à pres-
que tous les types d'organisations internationales. Il serait difficile
d'en trouver aucune où tous ses membres seraient les bénéficiaires
et dont seulement quelques-uns supporteraient les charges. Elle
a une portée généralequi ne parait pas discriminer entre des caté-
gories différentes de dépenses et l'adage ubi lex non distinguit,
nec nos distinguere debemus lui serait en tout cas applicable. Mais
l'esprit le moins avisé penche aussitôt à comprendre qu'il ne s'agit
que des dépenses normales, c'est-à-dire celles qui sont de rigueur
dans une organisation quelconque. En d'autres mots, les dépenses
administratives qui sont celles dont on ne pourrait se passer sous

peine de voir lJ?rganisation disparaître. Car, s'il n'en était pas ainsi
et quetous les Etats Membres de l'ONU fussent obligésde supporter
deschargesau-delà de la responsabilité à laquelle ils se sont engagés,
le pouvoir financier de l'Organisation se serait substitué au pouvoir
étatique de chacun de ses Membres. L'on sait, bien que l'organisa-
tion des Nations Unies n'est pas un super-Etat comme l'affirma
la Cour dans son avis consultatif sur la réparation des dommages
subis au service des Nations Unies (v. Recueil, etc., I949, p. 179).
Elle constitue une association d'Etats en vue de la réalisation de
fins communes et dont l'instrument constitutif reconnaît l'égalité
souveraine. Toutes autres dépenses comme celles qui découle-
raient de l'exercice de fonctions propres de chaque organe des
Nations Unies ont leur régimeparticulier et ne paraissent pas avoir
étéenvisagéesdans la requêtepour avis consultatif. Cette référence est surtout applicable aux conditions dans lesquelles sont établis
les accords spéciaux dont parle l'article 43 de la Charte.

La Charte a prévu par son article 23 deux catégoriesde Membres

dans la composition du Conseil de Sécurité:les permanents et les
non permanents. Les Membres permanents ont un siège ad vitam
societatisaudit Conseil; les Membres non permanents agissent
comme s'ils étaient des Membres permanents, hors le droit de veto,
pendant l'exercice de leur mandat. A cet organe revient, par l'arti-
cle 24, la ((responsabilitéprincipale du maintien de la paix et de
la sécurité internationales ))Elle lui est décernéepar tous les autres
Membres au nom desquels agit le Conseilde Sécuritéet elle suppose
un mandat d'honneur qui ne peut êtrerenoncé ni révoquépar
rapport aux Membres permanents; il est à la base mêmede 1'Orga-
nisation des Nations Unies. L'article 106 de la Charte est particu-
lièrement illustratif à ce sujet: il met à la charge des parties à la
déclaration des Quatre Nations émise en1943 et de la France, en

attendant l'entrée en vigueur des accords spéciaux mentionnés
à l'article 43, l'entreprise en commun, au nom des Nations Unies,
de ((toute action qui pourrait êtrenécessairepour maintenir la
paix et la sécurité internationales». C'est à ce groupelimitéd'États
d'abord, puis aux Membres du Conseilde Sécuritéaprès,et non pas
aux autres Membres de l'organisation, qu'incombe une telle mis-
sion. La référencene peut êtreplus claire. Mais un privilègepareil
semble avoir aussi sa contrepartie. Fournir les moyens nécessaires
à l'accomplissement de cette tâche va de pair avec l'exercice du
droit de gérerles intérêtsmondiaux. C'est donc aux Membres du
Conseildeisécuritéque reviendrait l'obligation de payer les dépenses
que comporte l'entreprise des opérations de la nature de celles
qui ont pour théâtre le Moyen-Orient et le Congo.

Voilà pourquoi une exégèsejuridique de la disposition de réfé-
rence amèneà penser que les dépenses qu'envisagel'article 17 dans
son paragraphe 2 sont les dépensesadministratives courantes de
l'organisation et non pas d'autres dépenses comme celles qui
résultent de l'entreprise d'opérations menées par des forces
militaires.

Face à la requête pour avis consultatif qui lui est demandée,
trois issues se présentent à la considération de la Cour. Car les
conditions par lesquelles elle a étésaisie exigent la détermination
préalable de sa compétencedans le cas d'espèce.On ne peut nier

la fonction d'utilité que doit représenter pour l'Organisation des
Nations Unies un avis consultatif de la Cour. La requêtea écarté
précisémentde l'avis qu'elle demande la question qui se rapporte
tant à la validitédes résolutionsde base par lesquelles l'Assemblée
générale décidal'entreprise d'opérations au Moyen-Orient et au 250 AVIS DU 20 VI1 62 (OP. DISS. M. MORENO QUINTANA)

Congo qu'à celles qui autorisèrent les dépenses y afférentes.Cela
évidemment peut constituer un sérieux obstacle à l'acquittement
de sa tâche judiciaire par la Cour. Elle pourrait alors rendre son
avis d'une manière purement formelle étant donné l'encadrement
limité de la requête, le rendre d'une manière substantielle en
analysant nonobstant la question de la validité des résolutions

susdites, ou bien dire que les conditions dans lesquelles elle est
requise l'empêchentde rendre l'avis qu'on attend d'elle. C'estune
question de procédure qui, reliéeau problème beaucoup plus im-
portant de la compétencede la Cour dans l'espèce,doit êtrerésolue
d'emblée.
Si elle rendait d'une manière formelle l'avis demandé, la Cour
devrait partir en quelque sorte de l'idéeque les dépensesdont on
parle ont été autorisées valablement par l'Assemblée générale.

Leur validité assuréepar le vote des deux tiers des Membres excu-
serait la Cour de trancher la question de la validité des résolutions
qui furent à la base des opérations militaires. Il s'agirait alors d'une
question d'ordre légal clairement déterminée. « Fixer la portée
d'un texte conventionnel, dans l'espèce, déterminer le caractère
(limitatif ou non limitatif) des conditions d'admission qui s'y trou-
vent énoncées » - a dit la Cour dans son avis consultatif sur les

conditions d'admission d'un État comme Membre desNations Unies
- (est un problème d'interprétation et, partant, une questions
juridique ))(v. Recueil etc., 1947-1948, p. 61). Mais ce cadre serait
en tout cas très incomplet par l'absence de l'analyse de droit exigée
par les circonstances de l'espèce.Un avis émisdans ces conditions
serait de nature aussi à fausser les données juridiques du problème.
La Cour se ferait malgré ellel'intermédiaired'une solution affirma-

tive ou négative mais qui ne reposerait que sur une base hypothé-
tique. Son avis n'aiderait que piètrement de la sorte l'ONU dans
I'accomplissement de ses buts. Le prestige de la Cour en souffrirait
et l'organisation n'en retirerait aucune utilité pratique.

De choisir pour sa réponse une position substantielle, la Cour
aurait à se prononcer sur la validité tant intrinsèque que formelle
des résolutions qui entrent en ligne de compte. Ceci équivaudrait

à porter jugement sur un phénomène politico-juridique en vertu
duquel l'Assembléegénérale,visant l'effectivité du système paci-
fiste de la Charte, s'est substituée dans les dernières années à la
fonction dévolue au Conseil de Sécurité.Bien que l'article 18 de la
Charte énumèreles ((questions importantes » qui sont l'objet de
((décisions 1)de l'Assemblée générale,ces décisions, quand elles
portent sur la question du maintien de la paix et de la sécurité in-

ternationales, ne prennent que la forme de (recommandations »;
et il n'y a pas d'organe international qui puisse changer par sesdéci-
sions approuvant des recomrnandations leur nature intrinsèque qui
est non obligatoire. Aucun autre type d'action que l'action coercitive
pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales, qui est

103une attribution exclusive du Conseil de Sécurité, n'aétéprévu par
la Charte comme fonction d'autre organe. La Cour pourrait peut-

êtrerevêtiren ce cas d'un caractère extra-légalsinon légal lesréso-
lutions par lesquelles l'Assemblée générale a pris à sa charge, face
à la paralysie du Conseilde Sécurité,la fonction que donne à celui-ci
la Charte pour assurer le but primordial de l'Organisation en vue
du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Pareil pro-
cessus d'adaptation des prévisions initiales de la Charte aux nou-
velles circonstances de la vie internationale est en tout cas au-
delà des possibilités d'interprétation par la Cour de cet instrument.

Il supposerait l'exercice par cet organe, par une voie détournée,
d'une activité de legeferenda qui ne lui est dévolueni par la Charte,
ni par son Statut.
Il s'avèrealors seulement pour la Cour la troisième issue comme
solution adéquate. Celle de faire savoir à l'Assemblée générale,
comme organe des Nations Unies qui a demandé l'avis, qu'elle
est empêchée de le rendre vu la limitation établie-dans la requête.
Le procédéserait absolument cohérent et d'accord avec la faculté

que la Cour a, par l'article 65 de son Statut, d'accéderou dene pas
accéder à la demande qui lui est faite. Il sera inutile de rappeler
l'emploi, par cette disposition, du verbe +ouvoir quand elle dit:
c(La Cour peut donner un avis consultatif.. . ))Elle ne suppose
aucune injonction comme cela aurait étéle cas si elle avait employé
le verbe devoir. D'autre part, la Cour a confirmépar sa jurispru-
dence cette interprétation. ((La disposition permissive de l'article
65 du Statut 1)- a-t-elle dit dans son avis consultatif sur les réser-
ves àla convention sur le génocide - ((reconnaît à la Courlepouvoir

d'apprécier si les circonstances de l'espècesont telles qu'elles doi-
vent la déterminer à ne pas rfpondre à la demande d'avis ))(v.
Recueil, etc.,1951, p.19) . adite interprétation avait étéaussi bien
appliquée dans l'avis consultatif demandé à la Cour permanente
sur la question de la Carélieorientale quand elle dit: ((La Cour
estime qu'il y a encore d'autres raisons péremptoires pour lesquel-
les tout effort de la Cour de traiter la question actuelle serait in-
opportun )(v. C. P. J. I.,etc., sérieB, no 5,p. 28).

Dans son avis sur les jugements du tribunal administratif de
l'OIT sur requêtescontre l'UNESCO, la Cour a fait référenceau
ccmotif déterminant )) et aux « raisons décisives 1)pour qu'elle
refuse de donner un avis consultatif qui lui est demandé dans le
cadre d'une collaboration indispensable avec les organes des Na-
tions Unies (v. Recueil, etc., 1956, p. 86). Le cas présent fournit
aussi bien à mon sens le motif déterminant que les raisons décisives

qui s'opposent à ce qu'elle puisse remplir avec l'efficacitéet même
l'opportunité qui sont requises la fonction consultative qui lui est
dévolue. Pour conclure, il sied de résumer comme suit les points de vue

pertinents :
1) La Charte des Nations Unies a donnéà l'organisation I'indé-
pendance financièrerequisepour l'accomplissement de sesbuts, mais
ceci ne signifie pas pour autant que tous ses Membres aient l'obli-
gation de contribuer à toutes les dépensesqui en découlent;
2) La question de la nature juridique des résolutions par les-
quelles l'Assembléegénéraleet le Conseil de Sécuritéentreprirent

des opérations au Moyen-Orient et au Congo, constitue l'élément
déterminant de l'espèce;
3) Les procédures et les pratiques budgétaires des organes des
Nations Unies, qui relèvent d'un ordre technique et non juridique,
n'empêchentpas pour autant de signaler une nette séparationentre
deux catégories de dépenses;

4) Les travaux préparatoires de la conférencede San Francisco
n'indiquent pas d'une manière précise lesquels des Membres de
l'ONU sont tenus de contribuer au financement d'opérations spé-
cifiques, mais permettent de déduire a contrariosensu la réponseà
la question soulevée;
5) L'exégèsedudit article 17,paragraphe 2, conduit à donner à
son texte l'interprétation juridique qui paraît en découlerdans le
sens que les dépensesqu'il envisage sont les dépensesadministra-
tives de l'Organisation et non pas celles qui, par leur nature, sont
à la charge exclusive des Membres du Conseil de Sécurité;

6) Les conditions dans.lesquelles est libelléela question posée
dans la requêted'avis consultatif ne permettent pas à la Cour, vu
la limitation de sa compétencequi en résulte, de s'acquitter cons-
ciemment de sa tâche dans l'espèce.

(Signé)Lucio M. MORENO QUINTANA.

Bilingual Content

OPINION DISSIDENTE DE M. MORENO QUINTANA

Je regrette vivement ne pas pouvoir souscrireà l'avis consultatif
que rend la majorité de mes collègues au sujet des obligations
financières des Membres des Nations Unies. Il aurait étépour moi
une grande satisfaction celle de contribuer dans l'exercice de ma
fonction judiciaire àla réalisationla plus efficacedubut essentiel de
l'organisation. Mais je ne peux me départir de certaines notions
juridiques qui ont à mon sens, pour l'interprétation de la Charte,
une importance capitale. Ce sont celles qui, dans le cas d'espèce,
empêchent la Cour de donner suite à l'avis qui lui est demandé.

Par sa résolution 1731 (XVI) en date du 20 décembre 1961,
l'Assembléegénérale des Nations Unies demande à la Cour un
avis consultatif qui fait surgir une importante question. Celle des
obligations des États Membres quant au financement des opéra-
tions des Nations Unies au Congo et dans le Moyen-Orient.

Le Secrétariat généraltransmet le 12 février 1962 à la Cour une
note introductive. Dix-sept exposésécritsd'États Membres ont été
également transmis à la Cour afin de savoir si les dépensesdiverses

faites par l'ONU pour soutenir ses opérations au Congo et à la
bande de Gaza constituent des dépenses au sens de l'article 17,
paragraphe 2, de la Charte. Quatres autres exposésécrits ont été
présentés postérieurementà la Cour. Un abondant dossier composé
de cinq parties lui a étéaussi remis. Il contient un grand nombre
de pièceset deux notes qui illustrent la Cour au sujet de faits et de
circonstances d'une portée déterminante pour qu'elle puisse se
prononcer sur la question qui lui est posée. Telssont les débats des
organes des Nations Unies qui ont amené l'Assemblée générale à
prier la Cour de donner un avis consultatif: les opérations entre-
prises par les Nations Unies au Congo (ONUC), les opérations de
la Force d'urgence des Nations Unies au Moyen-Orient (FUNU),
l'élaboration et l'adoption par la conférencede San Francisco en

1945 du paragraphe 2 de l'article17de la Charte et les procédures
et pratiques des organes de l'ONU en application de ladite disposi-
tion.DISSENTING OPINION OF JUDGE MORENO QUINTANA
[Translation]

1 greatly regret that 1 am unable to concur in the advisory
opinion given by the majority of my colleagues concerning the
financial obligations of Members of the United Nations. It would
have been for me a matter of great satisfaction to contribute in
the exercise of my judicial function to the most effective realization
of the essentialpurpose of the Organization. But 1cannot depart
from certain legal concepts which to my mind are of cardinal im-
portance for the interpretation of the Charter; they are those

which, in the present case, preclude the Court from giving the
opinion requested of it.

By its resolution 1731 (XVI) of 20 December 1961 the General
Assembly of the United Nations requested of the International
Court of Justice an advisory opinion which raises an important
question, that of the obligations of Member States in the matter
of financing the United Nations operations in the Congo and in the
Middle East.
On 12 February 1962 the Secretary-General transmitted to the
Court an Introductory Note. Seventeen written statements by
Member States were also received by the Court on the question of
whether the various expenses incurred by the United Nations in
financing its operations in the Congoand in the Gaza strip constitute

expenses within the meaning of Article 17, paragraph 2, of the
Charter. Four other written statements were later presented to the
Court. A voluminous dossier consisting of five parts was also
transmitted to the Court. This dossier contains a large number of
documents and two notes which inform the Court of decisively
important facts and circumstances, with a view to enabling it to
pronounce on the question submitted to it. Such matters are the
debates in organs of the United Nations which led the General
Assembly to ask the Court for an advisory opinion; the operations
undertaken by the United Nations in the Congo (ONUC); the
operations of the United 'Nations Emergency Force in the Middle
East (UNEF), the drafting and adoption by the San Francisco
Conference in 1945 of Article17,paragraph 2, of the Charter; and
the procedure and practice of the organs of the United Nations in
applying that provision. A l'origine de la demande d'avis consultatif se trouve le débat
entamépar les quinze Membres qui firent partie du groupe de travail
crééle 21 avril 1961 par l'Assembléegénérale pour examiner les
procédures administratives et budgétaires de l'ONU. Plusieurs
opinions de ces Membres et du Secrétaire généralfurent émisesau
sein du groupe de travail sur la nature juridique des obligations
financières découlant des opérations relatives au maintien de la
paix. Vu leur divergence, le groupe de travail conseilla à 1'Assem-

bléegénéralela demande d'avis consultatif à la Cour, et l'Assem-
bléegénérale décidadu libelléde la question.

Elle fut poséed'une manière concrète par ledit organe en recon-
naissant qu'il avait besoin d'un avis juridique autorisé et en faisant
état des résolutions de l'Assemblée générale sur les dépenses en-
courues par les opérations réalisées enexécution de diverses réso-
lutions du Conseil de Sécuritéet de la même Assemblée générale.
Son libellé peut être réduit, quant à sa portée juridique, de la
manière suivante: les dépensesautorisées par l'Assembléegénérale
au sujet des opérations entreprises par les Nations Unies au Congo
et au Moyen-Orient constituent-elles des dépenses de l'organisation
au sens du paragraphe 2 de l'article17 de la Charte ?

La Cour a consacré d'ores et déjà,de 1948 à 1955, à la tâche qui
lui incombe de l'interprétation de la Charte, six avis consultatifs.
- Ces avis furent dans un certain sens à la base de la mise en Œuvre

juridique de cet instrument. Ils eurent trait à l'admission de nou-
veaux Membres à l'ONU, à la réparation des dommages subis au
service de l'organisation, à la compétence de l'Assemblée générale
pour l'admission de nouveaux Membres, au statut du territoire du
Sud-Ouest africain, aux effets de jugements du tribunal administra-
tif de l'ONU, et à la procédure de vote de l'Assembléegénéraleau
sujet dudit territoire. L'exercice de sa compétence en matière con-
sultative qui découledes articles 96 de la Charte et65 de son Statut
- interpretatio legis des jurisconsultes romains -, ne fait que
s'accroître d'année en année. 11 surpassera peut-être bientôt
celui de la compétence que la Cour a en matière contentieuse qui
ne satisfait pas toujours les aspirations de ceux qui auraient voulu
établir les assises de la juridiction internationale sur d'autres bases.
Dire que ce nouvel avis consultatif pourrait décider du sort des
Nations Unies dans les années à venir est assurément osé,mais on
peut néanmoins affirmer que sa portée serait considérable. Elle

touche à une question aussi déterminante que celle du financement
de l'organisation pour atteindre son but du maintien de la paix
et de la sécurité internationales.

Une solution égalitaire, tendant à considérer le financement
d'opérations qui s'appuient principalement sur une action militaire
93 At the origin of the request for an advisory opinion are the dis-
cussions which took place between the fifteen members of the
Working Group set up on 21 April1961 by the General Assembly to
examine the administrative and budgetary procedures of the
Vnited Nations. A number of views were expressed by these mem-
bers and by the Secretary-General in the Working Group on the
legal nature of the financial obligations arising from peace-keeping
operations. Having regard to their divergence, the Working Group
advised the GenerZl Assembly to ask the Court for an advisory
opinion, and the General Assembly decided on the wording of the
question.
The question was put in a concrete way by that organ, which
recognized that it had need for authoritative legal guidance and

listed the General Assembly resolutions on the expenditures in-
curred through the operations undertaken in pursuance of various
resolutions of the Security Council and of the General Assembly
itself. The wording of the question, from the standpoint of its legal
scope, may be reduced to the following: Do the expenditures
authorized by the General Assembly with regard to the operations
undertaken by the United Nations in the Congo and Middle East
constitute expenses of the Organization within the meaning of
-Article17, paragraph 2, of the Charter?
The Court has already, from 1948 to 1955, devoted six Advisory
Opinions to its task in connection with the interpretation of the
Charter. These Opinions were, in a sense, at the foundation of the
legal implementation of that instrument. They dealt with the
admission of new Members to the United Nations, reparation for
injuries suffered in the service of the United Nations, the compe-

tence of the General Assembly for the admission of a State to the
United Nations, the international status of South West Africa,
the effect of awards of compensation made by the United Nations
Administrative Tribunal and the voting procedure of the General
Assembly with regard to the aforementioned territory. The exercise
of the Court's advisory jurisdiction which derives from Article 96
of the Charter and frop Article 65 of the Statute of the Court-
the interpretatiolegis of the Roman jurisconsults-is growing from
year to year. It may soon perhaps become more important than
the Court's jurisdiction in contentious proceedings, which does not
always satisfy the aspirations of those who would have preferred
the tribunal with international jurisdiction to be established on
other bases. To Say that this new advisory opinion might decide

the fate of the United Nations inthe years to come would certainly
be rash, but it may at least be affirmed that its effects would be
far-reaching. It relates to a matter as decisive as that of the financing
of the Organization for the achievement of its purpose of main-
taining international peace and security.
An egalitarian solution, taking the financing of operations
mainly based on military action as being a normal expense of the241 AVIS DU 20 VI1 62 (OP. DISS. M. MORENO QUINTANA)

comme une dépensenormale de l'organisation devant êtrerépartie
entre tous ses États Membres, semble encourageante pour la
cause qui envisage ledit but. Mais elle ne paraît pas très favorable
face à la faible capacité financière d'un grand nombre d'États
Membres, dont beaucoup Sont des pays sous-développés.En
échange,une solution qualifiéemettant ce financement à la charge
exclusive des Membres du Conseil de Sécurité, s'adresseraitaux
États directement engagésdans cette cause. Peut-être aurait-elle
le désavantage de restreindre toute action en ce sens par souci
de ses conséquences financières. Voilàquel est le cadre dans lequel
joue aujord'hui la question posée à la Cour. Celle-ci a toutefois
à l'examiner du point de vue du droit et non pas de celui de la

politique.

Il faut bien remonter, pour tracer la perspective dans laquelle se
pose la question soumise à la Cour, aux origines des dificultés
financièresdans lesquelles se trouva l'ONU quand elle dut assister
les États Membres qui demandaient l'appui de l'organisation pour
que fût maintenu le but principal qui lui fut assigné par la Charte.
Un bref aperçu historique s'avère en tout cas nécessaire.

Au mois d'octobre 1956,un acte d'agression fut déclenchécontre
l'Égypte, État Membre de l'ONU, par trois autres États Membres
dont deux d'entre eux étaient des Membres permanents du Conseil

de Sécurité.L'Assemblée générale v,u que le manque d'accord des
Membres permanents ne p'ermettait pas au Conseil de Sécuritéde
s'acquitter de sa tâche essentielle, constitua une force internationale
d'urgence (FUNU) et adopta les mesures indispensables. Sept réso-
lutions de cet organe, dictées de 1956 à 1958, y pourvurent. Huit
autres résolutions s'occupèrent, entre 1956 et 1960, d'assurer le
financement des opérations y afférentes. La demande d'avis les
énonce.En synthèse, vu les opinions expriméesà plusieurs reprises
au sein des organes compétentspar leSecrétairegénérall,'Assemblée
généraleprit finalement la position indiquéepar sa résolution 1575
(XV) en date du 20 décembre1960, selon laquelle le montant auto-
risédu financement des dépensesdes opérations au Moyen-Orient
pour 1961 serait couvert par tous les États Membres sur la base du
barème ordinaire des quotes-parts.

Peu après, comme une conséquencede la situation d'anarchie où
paraissait sombrer le Congo,nouveau Membre des Nations Unies, le
Conseil de Sécuritéprit, en 1960 et en 1961, cinq résolutions qui
décidèrent desopérations de l'Organisation dans ce pays (ONUC) ;
et, à son tour, l'Assemblée généralp erit, les mêmesannées,quatre
résolutions sur ce sujet. Le financement desdites opérations fit
l'objet, égalementen 1960 et en 1961, de cinq résolutionsde l'As-
semblée généraleT . outes ces résolutions sont indiquées dans laOrganization to be apportioned among al1 Menibers States, seenls
an attractive one from the point of view of the cause served by the
purpose in question. But it does not seem to be very desirable in

the light of the small financial resources of a great number of
Member States, many of which are under-developed countries.
On the other hand, a qualified solution which made such financing
an exclusive responsibility of the members of the Security Council
would be dhected at the States directly committed to that cause.
It would perhaps have the disadvantage oflimiting al1action in this
connection out of concern for the financial consequences. That then
is the setting today of the question put to the Court. But the latter
has to examine the question from the point of view of law and not
from the political point of view.

To situate the context in which the question submitted to the
Court arises, it is necessary to go back to the origins of the financial
difficulties encountered by the United Nations when it had to assist
Member States which asked for the Organization's support with a
view to the maintenance of the principal purpose assigned to it
by the Charter. A short historical account would seem in any case

to be necessary.
In October 1956,anact of aggression was launched against Egypt,
a Member State of the United Nations, by three other Member
States, two of which were permanent members of the Security
Council. Since the lack of agreement among the permanent mem-
bers prevented the Security Councilfrom fulfilling its essential task,
the General Assembly set up an international emergency force
(UNEF) and adopted the necessary measures. Seven resolutions
of that organ adopted between 1956 and 1958 dealt with the matter.
Eight other resolutions, from 1956 to 1960,dealt with the financing
of the related operations. The request for an opinion lists these.
In short, having regard to the views expressed on several occasions
in the competent organs of the United Nations by the Secretary-
General, the General Assembly finally took up the position indi-
cated in its resolution1575 (XV) of20 December 1960, according
to which the amount authorized for the financing of the expenditure
on the operations in the Middle East for 1961 would be met by al1
Member States on the basis of the regular scale of assessment.

Soon after, as a result of the state of anarchy into which the
Congo, a new Member of the United Nations, seemed to be falling,
in 1960 and 1961 the Security Council adopted five resolutions
which decided on operations by the Organization in that country
(ONUC) ;and, in the same years, the General Assembly in its turn
adopted four resolutions on the subject. The financing of these
operations was the subject, also in 1960 and in 1961, of five reso-
lutions by the General Assembly. Al1these resolutions are indicated demande d'avis. Bien que le Conseil de Sécuritéait adopté, dans
le cas du Congo, des mesures qu'il ne put pas prendre dans celui
du Moyen-Orient, il n'examina pas la question de leur financement.
De longues délibérations s'engagèrent à la Cinquième Commission,
où diverses opinions se firent entendre à ce sujet. Le 20 décembre
1960, l'Assembléegénérale déclara par sa résolution 1583 (XV) que
les dépenses entraînées par les opérations au Congo constituaient

des dépensesde l'organisation au sens de l'article 17, paragraphe 2,
de la Charte et que la répartition des dépenses entre les États
Membres leur imposait l'obligation juridique de payer leur quote-
part.
Cet historique montre de quelle manière a agi l'Assemblée géné-
rale, face à des opinions divergentes, pour assurer l'efficacitédes
mesures prises par elle-mêmeou par le ConseildeSécuritéen exercice
de la haute mission de maintenir la paix et la sécuritéinternatio-
nales. Les décisions prises par l'Assembléegénéraleau sujet du
financement des opérations au Moyen-Orient et au Congo lient-
elles ou non tous les États Membres des Nations Unies et, dans
l'affirmative, dans quelle mesure? C'est ce qu'il faudrait analyser.

La Cour a reçu vingt et un exposésécrits d'États Membres de
l'ONv sur la question qui lui a étéposée, enplus de l'ample dévelop-
pement que le Secrétairegénéral a donnéàsa noteintroductive pour

la Cour. Elle a entendu aussi les plaidoiries orales des représentants
de neuf d'entre eux, lesquelles ont confirméla position exprimée
dans les exposés écrits. D'autre part, les opinions manifestées à
plus d'une reprise par le Secrétaire généralau sein de la Cinquième
Commission et du Comitéconsultatif, et dans ses rapports à l'As-
semblée générale, ainsique celles qui furent émisespar diverses
délégationsaux réunions des organes compétents, et la tonique
juridique mêmedes résolutions de l'Assembléegénérale,donnent
aussi une idéesur les diverses positions adoptées. Il s'agit mainte-
nant d'en extraire leur substance, de les réduire à des communs
dénominateurs pour en faire la synthèse et le résumé,et d'en dres-
ser le bilan.
Tout ce matérielpourrait êtreclassifiéd'un point de vue simpliste
en établissant par ouiou par nonla réponse à la question posée.
Mais cette technique serait tout à fait insuffisante aux fins que l'on
doit rechercher. Et seulement une exégèseconcrète des différentes

positions prises et des fondements qui les appuient pourra fournir
une base de travail raisonnable. De ce point de vue on peut aperce-
voir, sans tenir compte de certaines variantes ou réserves expri-
mées,quatre thèses principales: une thèse affirmative, une autre
thèse apparemment affirmative mais soumise à des conditions
déterminées,une thèse négative et une dernière thèse qui ne consi-
dère pas possible que la Cour puisse se prononcer sur la question.in the request for opinion. Although the Security Council adopted
measures, in the case of the Congo, which it could not take in the
case of the Middle East,it did not consider the question of financing
them. Lengthy debates began in the Fifth Committee, where
various views on the subject were expressed. On 20 December 1960,
the General Assembly declared in its resolution 1583(XV) that the
expenses involved in the operations in the Congo constituted
expenses of the Organization within the meaning of Article 17,
paragraph 2, of the Charter, and that the assessment thereof against
Member States created binding legal obligations on them to pay

their assessed shares.
This historical account showshow, faced with divergent opinions,
the General Assembly acted to assure the efficacy of the measures
taken by itself or by the Security Council in pursuance of the lofty
mission to maintain international peace and security. Are the deci-
sions taken by the General Assembly on the financing of operations
in the Middle East and in the Congo binding or not binding on al1
the Member States of the United Nations and, if they are binding,
in what degree? That is what should be examined.

The Court has received twenty-one written statements by Mem-
ber States of the United Nations on the question referred to it, in

addition to the ample account which the Secretary-General has
given in his Introductory Note for the Court. It has also heard
oral statements by the representatives of nine States which con-
firmed the position set forth in their written statements. A further
indication of the various positions taken up is also given by the
views more than once expressed by the Secretary-General in the
Fifth Committee and the Advisory Committee, in his reports to
the General Assembly, in the opinions expressed by various dele-
gations at the meetings of the competent organs, and in the legal
..ne.itself of the resolutions of the General Assemblv. It is now
necessary to extract the substance of the various views, reduce

them to common denominators so as to arrive at a summary and a
synthesis, and strike the balance.
Al1this material could be simplistically classified by establishing
whether the answer to the question is yes or no. But such a method
would be quite inadequate for the purposes which must be sought.
Only a concrete exegisis of the different positions taken up and the
grounds on which they are based can furnish a reasonable working
basis. From this point of view, and without taking into account
certain variants or reservations which have been expressed, four
principal contentions can be discerned: an affirmative contention,
another contention apparently affirmative but subject to certain
definite conditions, a negative contention, and lastly, the conten-

tion according to which it is not possible for the Court to pronounce
on the question. Comme position idéologique, la thèse affirmative est la plus
séduisante. Reste à savoir si elle est exacte du point de vue juri-
dique. Elle estime que les dépenses entraînées par les opérations

de l'ONU au Moyen-Orient et au Congo sont des dépenses de
l'organisation au sens du paragraphe 2 de l'article 17 de la Charte.
Cesdépenses,bienque d'une nature différentede cellescouvertes par
le budget administratif, sont des dépenses normales qui assurent le
maintien de la paix et de la sécurité internationales, but principal
de l'organisation. Elles sontà la charge de tous les États Membres
et doivent êtreréparties entre eux; ils ont l'obligation juridique
de payer leur quote-part selon le barème établi pour ledit budget.
Leur recouvrement est une question technique d'ordre comptable
qui doit êtrerésoluepar une méthode adéquate: incorporation au
budget ordinaire, établissement d'un budget additionnel ou ouver-
ture d'un compte spécial. C'est,sauf questions de détail, la thèse
qui a étédéfenduepar le Secrétairegénéralet adoptée présumable-

ment par les résolutions de l'Assemblée généralen ,otamment par
la résolution 1583 (XV) en date du zo décembre 1960. Elle a été
soutenue aussi, dans leurs exposés écrits,par-les Gouvernements
de l'Italie, du Danemark, des Pays-Bas, des Etats-Unis d'Améri-
que, du Canada, du Japon, de l'Australie, du Royaume-Uni, de
l'Irlande, et de même,aux plaidoiries orales, par celui de la Nor-
vège.

Une autre thèse affirmative fait néanmoins dépendre son effica-
cité de l'accomplissement de certaines conditions. Elle ne discute
pas le fondement juridique de la réponse à fournir à la question,
mais elle donne aux contributions demandées pour des opérations
militaires un caractère volontaire et les soumet à la capacité de
paiement des gouvernements intéressésou à l'autorisation requise

par leurs constitutions respectives. Ces diverses positions ont été
avancées,en 1959, par quelques délégationsau sein de la Cinquième
Commission.
La thèse négative tire principalement sa force d'un dispositif
d'ordre fonctionnel. Elle ressort du fait que, d'après les articles II,
39, 41, 42, 43 et 48 de la Charte, l'action de force et l'usage des
forces arméesappartiennent à la compétencedu Conseilde Sécurité.
L'Assemblée généralp eeut faire des recommandations sur le main-
tien de la paix et de la sécuritéinternationales, mais non pas prendre
des mesures sur elles. C'est par conséquent à cet organe et non pas
à celui-ci d'assurer le financement indispensable à l'accomplisse-
ment de sa fonction spécifique. Toute décision prise à son sujet
doit êtreappuyée à cet égard sur les accords spéciaux entre le

Conseil de Sécuritéet les États Membres de l'ONU auxquels fait
référencel'article 43 de la Charte. Les dépenses envisagées à
l'article17, paragraphe 2, de la Charte, ne sont que celles du
budget dressépour les activités normales de l'organisation et non
pas celles qui sont demandées pour d'autres activités. C'est aux
96 As an ideologicalposition, the affirmative contention is the most
attractive. It remains to be seen whether it is correct from the
legal point of view. It takes the view that the expenses involved
in the operations of the United Nations in the Middle East and in
the Congo are expenses of the Organization within the meaning of
Article 17, paragraph 2, of the Charter. Although of a different
nature from those covered by the administrative budget, they are

normal expenses to ensure the maintenance of international peace
and security, the Organization's principal purpose. They are to be
borne by al1the Member States and should be apportioned among
them; al1the States are under a legal obligation to pay their share
according to the scale of assessment laid down for that budget.
The collection of the payments in question is a technicalmatter of
book-keeping which should be solved in some appropriate way:
incorporation in the ordinary budget, setting up of an additional
budget, or the opening of a special account. Apart from questions
of detail, such is the contention upheld by the Secretary-General
and adopted, presumably, by the resolutions of:the General Assem-
bly, in particular by resoluti1583 (XV) of20 December 1960.This
view is also upheld, in their written statements, by the Govern-
ments of Italy, Denmark, the Netherlands, the United States of
America, Canada, Japan, Australia, the United Kingdom and
Ireland; and also, in the oral proceedings, by the Norwegian Govern-
ment.

The other affirmative contention nevertheless makes its effec-
tiveness dependent on the fulfilment of certain conditions. It does
not dispute the legal basis of the reply to be made to the question,
but it attributes a voluntary character to the contributions re-
quested for military operations, and subordinates them to the
capacity of the Governments concerned to pay or to the authori-
zation required by their constitutional processes. These various
positions were taken in 1959 by certain delegations in the Fifth
Cornmittee.
The negative contention derives its main strength from pre-
scriptions concerning the distribution of functions. It comes from
the fact thatunder Articles II,39, 41,42, 43 and 48 of the Charter,
any action involving force or the use of anned forces comes within
the competence of the Security Council. The General Assembly
may make recommendations as to the maintenance of international
peace and security, but may not take measures with regard to
them. It istherefore for the Security Council and not for the General

Assembly to make the necessary financial arrangements for the
fulfilment of its specific function. Any decision taken on such a
matter should be based on the special agreements between the
Security Council and the Member States of the United Nations to
which Article 43 of the Charter refers. The expenses referred to in
Article17, paragraph 2,of the Charter are only those of the budget
drawn up for the normal activities of the Organization and not
96États Membres dont l'action a provoqué la création d'une force
militaire que revient l'obligation de contribuer à son financement.
Et les États Membres qui n'ont pas accédé à cette création n'ont

pas ladite obligation à leur charge. Cette thèse a étésoutenue au
sein de la Cinquième Commission et dans des exposésécrits. Elle
revient, sous des formes différentes, aux Gouvernements de l'Union
soviétique, du Mexique, de l'Inde, de la Haute-Volta, de la Tché-
coslovaquie, du Portugal, de l'Espagne, de l'Afrique du Sud, de
la Biélorussie, de la Bulgarie, de l'Ukraine et de la Roumanie.
On peut-en déduire,surtout pour ce qui a trait à la position adoptée
par les Etats du groupe soviétique, que la non-obligation juridique
de payer lesdites dépenses repose non seulement sur l'invalidité
des résolutions par lesquelles les opérations furent entreprises,
mais aussi sur le fait que les dépensesne sont pas celles qu'envisage

l'article17, paragraphe 2.Ce dernier argument, comme fait acquis,
donnerait d'embléela réponse à la question poséedans la requête
d'avis consultatif.
Une quatrième thèse est celle exposéepar la France qui a trait à
une question fondamentale de procédure en l'espèce. Selon elle, la
question posée àla Cour par la demande d'avis l'a étéd'une manière
équivoque. Les conditions dans lesquelles la Cour est consultée
ne permettent pas d'obtenir l'opinion de droit qu'on attend d'elle.
Elles impliqueraient par une procédure détournéeune revision de
fait des règles constitutionnelles de la Charte, laquelle est au-delà
de sa lettre et de son esprit. Ce point de vue a étéaussi avancépar

l'Afrique du Sud.

Le problème juridique à considération de la Cour est, par consé-
quent, celui de l'interprétation de l'articl17 de la Charte dans son
paragraphe 2, où il est dit:« Les dépenses de l'Organisation sont
supportées par les Membres selon la répartition fixéepar 1'Assem-
bléegénérale. 1)Pour le trancher, il y a lieu de recourir à divers
éléments dejugement. Tels, les idées généralesqui président à l'a-

doption dudit texte, la portée des résolutions par lesquelles a été
faite son application, les procédureset les pratiques administratives
observéesen la matière, les travaux préparatoires qui l'ont précédé
et, finalement, l'exégèsedu texte même. Néanmoins,il faudra
aborder en dernier lieu si on ne le fait pas ab initio - c'est une
question de méthode - le problème de la compétence de la Cour
pour répondre à la question telle qu'elle lui a étésoumise.
Cette disposition, dont la portéeapparaît être d'un ordre général,
vise-t-elle toutes les dépensesde l'Organisation ou seulement les
dépensesqui ont trait à ses activités normales ? La terminologie qui
est employée est ambiguë et laisse toute place au doute. Elle doit

avoir évidemment un sens puisque c'est (au sens de l'article 17,
97expenses for other activities. It is on those Member States whose
action brought about the establishment of a military force that
the obligation to contribute to financing it falls. And Member
States which have not agreed to the establishment of the force
do not have that obligation. This contention was advanced in the
Fifth Committee and in various written statements. It is the view
taken, in different forms, by the Governments of the Soviet Union,
Mexico, India, Upper Volta, Czechoslovakia, Portugal, Spain,
South Africa, Byelorussia, Bulgaria, the Ukraine and Romania.
It may be deduced from it, in particular as regards the position
taken up by the States of the Soviet group, that the legal non-
obligation to pay the expenses in question is based not only on the
invalidity of the resolutions under which the operations were
undertaken, but also on the fact that the expenses are not those

referred to in Article 17, paragraph 2. This last argument, as an
established fact, would straightway suffice to furnish the reply to
the question submitted in the request for an advisory opinion.
A fourth contention is that advanced by France, and dealswith a
fundamental question of procedure in this matter. In this view the
question put to the Court by the request for an opinion was put
in an equivocal way. The circumstances in which the Court is being
consulted are not such as to make it possible to obtain the legal
opinion which is expected of it. These circumstances would tend to
involve, by means of a devious procedure, a revision de facto of the
constitutional rules of the Charter, which would go beyond its
letter and spirit. The same point of view was also put forward by
South Africa.

The legal problem for the Court's consideration is, therefore,

that of the interpretation of Article17,paragraph 2,of the Charter,
which runs: "The expenses of the Organization shall be borne by
the Members as apportioned by the General Assembly." To decide
the question, it is necessary to consider various elements of appre-
ciation. These include the general principles which governed the
adoption of the text, the scope and significance of the resolutions
by which it has been applied, the administrative procedures and
practices followed in the matter, the preparatory work which pre-
ceded the adoption of the text, and, finally, the exegesis of the text
itself. Last of all-unless itis done ab initio, that is a question of
method-the problem of the competence of the Court to reply to
the question as it has been submitted to it must be dealt with.
Does the provision is question, whose scope seems to be of a
general nature, apply to al1 the expenses of the Organization or
only to the expenses related to its normal activities? The phraseo-
logy used is ambiguous and leaves ample room for doubt. The pro-
vision must clearly have a meaning because it is "within the mean-

97 paragraphe 2, de la Charte ))que l'Assemblée généralepose la
question à la Cour. 11faut rattacher en plus à cette disposition
celle du paragraphe I du mêmearticle qui se rapporte au (budget
de l'organisation ». Faut-il entendre par ce budget celui qui se

réfèreauxdites activités ou celui qui recueille toutes les dépenses,
courantes ou extraordinaires, de l'organisation? Parce qu'il y a
une relation technique de cause à effet entre le budget qui autorise
les crédits nécessaireset les dépensesqui sont sa conséquence. Les
prises successives de position de l'Assemblée générale et du Secré-
taire généralsur ce problème ne permettent pas d'en tirer une
conséquence unique. Car, bien que la position définitive de l'un
et de l'autre parait être celle qui a étédéjàavancée,il ressort d'au-
tres documents une position différente. Dans le rapport du Secré-
taire général endate du 6novembre 1956 l est dit que toute nation
fournissant une unité pour la FUNU devrait assumer tous les frais
de matériel et de personnel tandis que toutes les autres dépenses
seraient couvertes à l'aide de ressources autres que celles du budget

ordinaire de l'ONU. A son tour l'Assemblée généralep ,ar sa réso-
lution 1619(XV) du 21 avril 1961 reconnut (que la nature des
dépenses extraordinaires afférentes aux opérations des Nations
Unies au Congo était essentiellement distincte de celle des dépenses
de l'Organisation inscrites au budget ordinaire, si bien qu'il fallait
appliquer, pour les couvrir, une procédure différente de celle qui
étaitappliquée dans le cas dudit budget ».
On pourrait se demander en premier lieu, comme base de départ
d'un avis consultatif sur la question, si une Organisation interna-
tionale comme celle des Nations Unies jouit ou non de l'indépen-
dance financière requise pour mettre en Œuvre les buts et principes
qui sont à la base de sa création. Une réponse s'avère immédiate-
ment dans le sens affirmatif. Cette solution a étéconfirmée, bien

que découlant de situations différentes, dans les avis consultatifs
que la Cour rendit en 1949 surla réparation des dommages soufferts
au service de l'ONU, et en 1954 sur les effets de jugements du tri-
bunal administratif des Nations Unies. Elle constitue la conséquence
obligéede l'établissement d'une organisation internationale, mais
n'implique cependant pas qu'un certain organe doive prendre
certaines mesures, ni que toutes les dépenses soient nécessairement
supportées par tous ses membres. Rien ne s'oppose à une distribu-
tion adéquate des responsabilités, des obligations et des pouvoirs.
Cela dépend non seulement du degré d'intérêt,mais aussi du degré
d'intervention assignéà chaque catégorie de membres par l'instru-
ment constitutif de l'organisation. A chaque organe sa fonction.
Les pouvoirs implicites qui peuvent découler de cet instrument

pour que l'Organisation puisse atteindre tous ses buts n'ont pas
à êtreinvoqués quand des pouvoirs explicites prévoient expressé-
ment les cas envisagés. Ainsi posé,le problème semble s'adresser
aux dispositions spécifiques qui régissent tant le fonctionnementing of Article 17, paragraph 2, of the Charter" that the General
Assembly submits the question to the Court. With this provision
must also be linked that of paragraph I of the same Article, which
refers to the "budget of the Organization". 1s by this budget to be
understood that relating to normal activities or one including al1

the expenses, both current and extraordinary, of the Organization ?
For there is a technical relationship of cause and effect between the
budget which authorizes the necessary appropriations and the
resulting expenditure. No single conclusion can be drawn from the
successive positions adopted by the General Assembly and by the
Secretary-General on this problem. For, although the final position
adopted by both one and the other seems to be that which has
already been put forth, from other documents a different position
emerges. In the Secretary-General's Report of 6 November it is
stated that every nation providing a unit for UNEF would be
responsible for al1costs for equipment and salaries while al1other
costs should be financed outside the normal budget of the United
Nations. In its turn the General Assembly, by its resolution 1619
(XV) of 21 April1961, recognized that "the extraordinary expenses

for the United Nations operations in the Congo are essentially
different in nature from the expenses of the Organization under the
regular budget and that therefore a procedure different from that
applied in the case of the regular budget is required for meeting
these extraordinary expenses".
It might be considered in the first place, as a starting point for
formulating an advisory opinion on the matter, whether an inter-
national Organization such as the United Nations does or does not
enjoy the financial independence necessary to implement the pur-
poses and principles which are at the basis of its existence. The
reply is at once seen to be in the affirmative. This solution was
confirmed, though from different situations, in the Advisory
Opinions which the Court gave in 1949 on the reparation for in-
juries suffered in the service of the United Nations, and again in

1954 on the effect of awards made by the United Nations Admini-
strative Tribunal. It is the necessary consequence of the establish-
ment of an international organization, but it does not however
imply that any specific organ should take certain measures, nor
that al1the expenses must necessarily be borne by al1the Members.
Nothing stands inthe way of an appropriatedistribution of responsi-
bilities, obligations and powers. That depends not only upon the
degree of interest involved but also on the degree of intervention
assigned to each category of Members by the constitutive instru-
ment of the Organization. Each organ has its due function. The
implied powers which may derive from the Charter so that the
Organization may achieve al1 its purposes are not to be invoked
when explicit powers provide expressly for the eventualities under

consideration. The problem, thus stated, seems to focus on thedes organes que l'ordre financier de l'Organisation des Nations
Unies et non pas à celles qui établissent ses buts généraux.

Il a étédiscutépar plusieurs délégations - notamment celles de
la Tchécoslovaquie, de l'Union soviétiqueet de la Biélomssie - la
validité des résolutions par lesquelles l'Assemblée généraleet le
mêmeConseil de Sécuritéentreprirent au nom de l'ONU des opé-
rations au Moyen-Orient et au Congo. En conséquence, les dépenses
occasionnéespar ces opérations (autorisées par des résolutions de
l'Assemblée générale)ne créeraient aucune obligation financière
pour les Membres de l'organisation. De ce chef, on peut déduire
que, mêmeau cas où lesdites dépenses engageraient par leur carac-
tère tous les États Membres, ceux-ci seraient relevésde toute obli-

gation en vertu de l'invalidité des résolutions qui auraient étéà
leur base. Un raisonnement contraire découlede l'opinion exprimée
en 1961 par le Secrétaire généralà la Cinquième Commission -
laquelle est aussi celle des Pays-Bas - dans le sens de l'existence
de cette obligation vu que lesdites dépenses ne correspondaient
pas à l'action de force qui relève de l'article41 de la Charte, ni à
l'usage de forces arméesprévu par les articles 42 et 43, mais bien
à celles de l'activité normale de l'organisation. Leur recouvrement
serait pour autant une obligation à la charge de tous les Membres de
l'ONU mêmequand les dépensesentraînées par ladite action relè-
veraient d'une nature extraordinaire.

Cette distinction ne paraît cependant pas bien fondée. 11n'en
est nullement question dans la Charte. Tout emploi de forces ar-
méesdestiné à un but ou à un autre implique par définition une

action coercitive et toutes autres dépensesque celles qui soutien-
nent cet emploi, mêmecelles afférentes à des activités non mili-
taires mais qui se rapportent à l'opération entreprise, participent
du mêmecaractère. Le cas du Katanga, où, depuis la fin de 1961
jusqu'au commencement de l'année actuelle, se sont déroulésdes
faits notoires, est particulièrement éloquent à ce sujet. Il serait
difficile d'en tirer des conséquences selon lesquelles les forces de
l'ONU n'auraient entrepris aucune action coercitive, et que même
étant coercitive, elle ne tomberait pas dans le cas envisagé par
l'articleII de la Charte qui se réfèreà u un État D. Quand il y a eu
des morts et des blessés,quand des bombardements sont intervenus
de part et d'autre, quand des populations civiles en ont supporté
les frais, quand un cessez-le-feu et d'autres conventions militaires
ont étépassésentre deux groupes belligérants, il n'est pas aiséde

réfugierl'analyse du problème de l'action coercitive dans les limites
d'une interprétation purement grammaticale reniée par la juris-
prudence de la Cour. Pas plus que de nier en tel cas l'action d'une
communauté belligérante à laquelle le droit international recon-
naît une personnalité juridique. Et quel ne serait pas le cas, le
jour de demain, si des forces arméesisraéliennes, renouvelant l'a- specific provisions which govern the functioning of the organs and
the financial arrangements of the United Nations and not on those

provisions laying down its general purposes.
The validity of the resolutions by which the General Assembly
and the Security Council undertook operations in the Middle East
and in the Congo in the name of the United Nations has been
questioned by several delegations, in particular those of Czecho-
slovakia, the Soviet Union and Byelorussia. Consequently, the
expenditure incurred by these operations (authorized by resolutions
of the General Assembly) would, in this view, involve no financial
obligation for Members of the Organization. From this standpoint
it may be inferred that, even if the expenditures in question might
by their nature be binding on al1 the Member States, the latter
would nonetheless be relieved from al1obligation by virtue of the
invalidity of the resolutions at their base. An opposite reasoning is
to be found in the opinion expressed in the Fifth Committee in 1961
by the Secretary-General-and this is the opinion of the Nether-
lands also-namely, that this obligation does exist in view of the
fact that the expenditures in question did not relate to action
involving force under Article 41 of the Charter, nor to the use of
armed forces provided for in Articles 42 and 43, but were expenses

for the normal activities of the Organization. The ~avment of these
expenses would thus be an obligatLn to be borne b; dl the Members
of the United Nations, even when the expenditure involved by the
action in question was of an extraordina* nature.
This distinction does not however seem to be well founded. There
is no warrant for it in the Charter. Any use of armed forces intended
for whatever purpose implies by definition enforcement action, and
al1expenses other than those in support of the use of such forces-
even those for activities which are non-military but which relate to
the operation undertaken-partake of the same character. The case
of Katanga, which from the end of 1961 until the beginning of the
Dresent vear has been the scene of events which are a matter of
bublic kkowledge, is particularly revealing in this connection. It
would be difficult to infer therefrom a conclusion that the United
Nations forces did not undertake enforcement action, or that, even
if coercive in nature, it did notfa11within the purview of Article II
of the Charter which refers to a "State". When there have been dead
and wounded, bombardments on both sides, when civilian popula-

tions have paid the price, when a cease-fire and other rnilitary
agreements have been negotiated between two belligerent groups,
it is not easy to evade the analysis of the question of enforcement
action by restricting the interpretation to a purely grammatical
construction discountenanced in previous decisions of the Court.
Xor is it possible to disregard in such a case the action of a belligerent
community recognized under international law as possessing a legal
personality. And what would be the position if tomorrow Israeli
armed forces, renewing the aggression unleashed in 1956 againstgression déclenchée en 1956 contre l'Égypte, attaquaient la bande
de Gaza et obligeaient les forces des Nations Unies à les repousser.
S'agirait-il oui ou non d'une action coercitive? L'éloquence des
faits donnerait par elle seule la réponse. C'est alors au Conseil

de Sécuritéet non pas à l'Assemblée généralequ'il appartient
d'exercer - comme il est rappelé à l'article24 de la Charte - les
pouvoirs spécifiquesdécoulant du maintien de la paix et de la sé-
curité internationales.
Le problème débattu par lesdites délégationset par le Secrétaire
général présente entous sens un énorme intérêtjuridique face à
l'interprétation de la Charte. Dans son exposé écrit, le Gouverne-
ment français en fait une question importante au point de vue des
dépenses y afférentes. Celui de l'Afrique du Sud en fait autant.
Elle aurait pu êtresoumise à la Cour comme intégrante de la de-
mande d'avis consultatif et préalabie à celle qui a étéposéedans
celle-ci. Mais l'Assemblée générale ne l'a pas entendu ainsi et n'a
pas appeléla Cour à juger la validité des résolutions susdites, ni à
dire si les opérations déclenchéespar l'ONU au Moyen-Orient et
au Congo sont une conséquence de l'activité normale de l'organi-
sation, ou constituent l'action de force ou l'usage de forces armées
prévus par la Charte. La réponseà la demande qui lui est faite a

étélimitée et joue exclusivement dans le cadre de l'article 17,
paragraphe 2. C'est grand dommage car elle empêchela Cour de
porter jugement sur l'élément juridiquedéterminant de l'espèce
et partant de résoudre peut-être le problème qui est soumis à sa
considération.

Quant aux procédures et aux pratiques observées en matière
budgétaire par des organes des Nations Unies en application de
ladite disposition de la Charte, on ne peut nier qu'elles ont une
importance technique indéniable. Elles démontrent de quelle façon
est élaboré lebudget ordinaire de l'organisation, comment on
approuve les crédits demandés, et de quelle manière est menéesa
gestion financière. On y trouve aussi des informations d'intérêt
sur d'autres aspects de caractère comptable et très particulière-
ment ce qui a trait aux comptes spéciauxétablis pour les opérations
de l'ONU au Moyen-Orient et au Congo. Des prises de position
mêmesur le problème débattu peuvent en résulter, ce qui a été

le cas pour les résolutions de l'Assembléegénéralequi s'y réfèrent.
Aucune de ces procédures et pratiques ne constitue sûrement pas
l'application du droit mais signale néanmoins la nécessitéd'une
séparation technique entre les dépenses administratives normales
de l'organisation et celles demandées par des circonstances excep-
tionnelles.
Les travaux préparatoires quiont étéàla base de l'adoption d'un
texte peuvent certainement êtred'une très grande utilité quand
celui-ci n'apparaît pas suffisamment clair. Ce n'est pas évidemment
IO0 Egypt, attacked the Gaza strip and obliged the United Nations

forces to repel them? Would this be enforcement action or would
it not ?The facts would speak the answer for themselves. It is then,
as laid down in Article 24 of the Charter, for the Security Council
and not the General Assembly to exercise the specific powers
derived from the maintenance of international peace and security.

The problem discussed by the delegations referred to and by the
Secretary-General is in every way of the greatest legal interest with
respect to the interpretation of the Charter. In its written statement
the French Government makes it an important question from the
point of view of the expenses involved. South Africa's written
statement makes the same point. This question could have been
submitted to the Court as an integral part of the request for an
advisory opinion, and as a preliminary question to the one sub-

mitted in the present request. But the General Assembly did not
see things that way, and has not asked the Court to pronounce on
the validity of the resolutions in question nor $0 Say whether the
operations launched by the United Nations in the Middel East and
inthe Congoare a consequence of the normal activity of the Organi-
zation, or whether they constitute action involving force or the use
of armed forces as provided for in the Charter. The reply to the
request which is made to the Court has been restricted and comes
exclusively within the ambit of Article 17, paragraph 2. This is a
great pity, for it prevents the Court from bringing its judgment to
bear on the legally decisive factor in the case and hence perhaps
from solving the problem which is put to it for consideration.
As to the procedure and practice followed in budgetary matters
by organs of the United Nations in pursuance of the above-mention-
ed provision of the Charter, itis not to be denied that they are of

definite technical importance. They show in what way the regular
budget of the Organization is drawn up, how the estimates are
approved, and in what way the financial administration is carried
out. Important information is also given on other book-keeping
aspects and particularly on those concerning the special accounts
opened for the United Nations operations in the Middle East and
in the Congo. A consequence may be the adoption of an actualstand
on the problem at issue; which was the case in respect of the relevant
resolutions of the General Assembly. Certainly none of these pro-
cedures and practices constitute an application of the law, but they
do nonetheless make clear the necessity for a technical separation
between the normal administrative expenses of the Organization
and those called for by exceptional circumstances.

The preparatory work leading to the adoption of a given text can
certainly be very useful when the text is not sufficiently clear. That

is obviously not the case with respect to Article 17,paragraph 2, of
IO0le cas du paragraphe 2 de l'article17 de la Charte qui a trait sans
nul doute aux dépensesde l'organisation. Mais à quelles dépenses
fait-il référencepuisqu'il ne les limite pas à quelques-unes, ni ne
les englobe pas non plus toutes? Car il a étérelevéaux débats du
comité spécialiséde la conférence de San Francisco que 1'Assem-
blée générale est le seul organe des Nations Unies autorisé pour

approuver le budget de l'organisation, que les dépenses sont sup-
portées par ses Membres, que l'Assembléegénéralefixe le taux
de leur répartition, etc. Aucun de ces arguments ne constitue toute-
fois un élémentdécisifpour trancher le cas d'espèce. Ils peuvent
soutenir aussi bien une interprétation extensive qu'une interpré-
tation limitée. On pourrait cependant déduire des travaux de
San Francisco une conclusion a contrario sensu de ce qui fut dit
au sujet de l'application de la sanction prévue par l'article 19 de
la Charte. Celle que si les dépenses de la nature de celles qui sont
discutées n'entraînent pas l'application de ladite sanction, elles ne
sont pas les dépenses dont parle l'article 17, paragraphe 2. La
réponse demandéeà la Cour demeure en essence une question d'in-
terprétation et, partant, d'exégèsejuridique.

Qu'est-ce que l'article 17, paragraphe 2, de la Charte a voulu
dire quand il prescrit que les dépensesde l'Organisation sont sup-
portéespar ses Membres? Cette disposition n'a sûrement pas voulu
innover en la matière, mais bien poser une règle commune à pres-
que tous les types d'organisations internationales. Il serait difficile
d'en trouver aucune où tous ses membres seraient les bénéficiaires
et dont seulement quelques-uns supporteraient les charges. Elle
a une portée généralequi ne parait pas discriminer entre des caté-
gories différentes de dépenses et l'adage ubi lex non distinguit,
nec nos distinguere debemus lui serait en tout cas applicable. Mais
l'esprit le moins avisé penche aussitôt à comprendre qu'il ne s'agit
que des dépenses normales, c'est-à-dire celles qui sont de rigueur
dans une organisation quelconque. En d'autres mots, les dépenses
administratives qui sont celles dont on ne pourrait se passer sous

peine de voir lJ?rganisation disparaître. Car, s'il n'en était pas ainsi
et quetous les Etats Membres de l'ONU fussent obligésde supporter
deschargesau-delà de la responsabilité à laquelle ils se sont engagés,
le pouvoir financier de l'Organisation se serait substitué au pouvoir
étatique de chacun de ses Membres. L'on sait, bien que l'organisa-
tion des Nations Unies n'est pas un super-Etat comme l'affirma
la Cour dans son avis consultatif sur la réparation des dommages
subis au service des Nations Unies (v. Recueil, etc., I949, p. 179).
Elle constitue une association d'Etats en vue de la réalisation de
fins communes et dont l'instrument constitutif reconnaît l'égalité
souveraine. Toutes autres dépenses comme celles qui découle-
raient de l'exercice de fonctions propres de chaque organe des
Nations Unies ont leur régimeparticulier et ne paraissent pas avoir
étéenvisagéesdans la requêtepour avis consultatif. Cette référencethe Charter, which deals without any doubt with the expenses of
the Organization. But to what expenses does it refer, since it does
not limit them to certain expenses only nor does it include them all?

For it was stressed in the debates of the special committee of the
San Francisco Conference that the General Assembly was the only
organ of the United Nations authorized to approve the budget of
the Organization, that the expenses were to be borne by its Members,
that the General Assembly should fix the scale of contributions, etc.
None of these arguments however constitutes a decisive factor for
solving the present case. They may be used to support either a
liberal or a restrictive construction. From the work of the San
Francisco Conference, a conclusion a contrariosensu might however
be inferred from what was said as to the application of the sanction
provided for by Article 19 of the Charter, namely that if expenditures
of the kind under discussion do not involve the application of the
sanction in question they are not the expenses mentioned in Arti-
cle 17, paragraph 2. The reply requested from the Court remains
essentially a question of interpretation and, therefore, of legal
exegesis.
What did Article 17, paragraph 2, of the Charter intend to mean
when it laid down that the expenses of the Organization shall be

borne by its Members? This paragraph certainly did not intend to
make any innovation in the matter, but rather to lay down a rule
common to almost al1types of international organization. It would
be difficult to find any international organization where al1 the
members benefited and only some of them bore the expenses. The
Article has a general bearing which does not seem to discriminate
between different types of expenditure, and the saying ubi lex non
distinguit, necnos distinguere debemus would in any case be appIic-
able to it. But the least expert mind is inclined to understand that
only normal expenses are meant, that is to say those that are
indispensable in any organization-in other words, the administra-
tive expenses which are those that could not be dispensed with
without the organization disappearing. For, if it were not so, and
if al1the Member States of the United Nations were obliged to bear
burdens over and above the responsibility to which they had com-
mitted themselves, then the financial power of the Organization
would be substituted for the national powers of each of its Members.

It is established that the Cnited Nations is not a super-State, as the
Court affirmed in its Advisory Opinion on the reparation for injuries
suffered in the service of the United Nations (seeI.C.J. Reports 1949,
p. 179). The Organization is an association of States with a view to
the achievement of certain common purposes, and of which the
constitutive instrument recognizes the sovereign equality. Al1other
expenditure, such as that deriving from the exercise of functions
proper to each organ of the United Nations, has its own particular
regulations governing it, and does not appear to have been con- est surtout applicable aux conditions dans lesquelles sont établis
les accords spéciaux dont parle l'article 43 de la Charte.

La Charte a prévu par son article 23 deux catégoriesde Membres

dans la composition du Conseil de Sécurité:les permanents et les
non permanents. Les Membres permanents ont un siège ad vitam
societatisaudit Conseil; les Membres non permanents agissent
comme s'ils étaient des Membres permanents, hors le droit de veto,
pendant l'exercice de leur mandat. A cet organe revient, par l'arti-
cle 24, la ((responsabilitéprincipale du maintien de la paix et de
la sécurité internationales ))Elle lui est décernéepar tous les autres
Membres au nom desquels agit le Conseilde Sécuritéet elle suppose
un mandat d'honneur qui ne peut êtrerenoncé ni révoquépar
rapport aux Membres permanents; il est à la base mêmede 1'Orga-
nisation des Nations Unies. L'article 106 de la Charte est particu-
lièrement illustratif à ce sujet: il met à la charge des parties à la
déclaration des Quatre Nations émise en1943 et de la France, en

attendant l'entrée en vigueur des accords spéciaux mentionnés
à l'article 43, l'entreprise en commun, au nom des Nations Unies,
de ((toute action qui pourrait êtrenécessairepour maintenir la
paix et la sécurité internationales». C'est à ce groupelimitéd'États
d'abord, puis aux Membres du Conseilde Sécuritéaprès,et non pas
aux autres Membres de l'organisation, qu'incombe une telle mis-
sion. La référencene peut êtreplus claire. Mais un privilègepareil
semble avoir aussi sa contrepartie. Fournir les moyens nécessaires
à l'accomplissement de cette tâche va de pair avec l'exercice du
droit de gérerles intérêtsmondiaux. C'est donc aux Membres du
Conseildeisécuritéque reviendrait l'obligation de payer les dépenses
que comporte l'entreprise des opérations de la nature de celles
qui ont pour théâtre le Moyen-Orient et le Congo.

Voilà pourquoi une exégèsejuridique de la disposition de réfé-
rence amèneà penser que les dépenses qu'envisagel'article 17 dans
son paragraphe 2 sont les dépensesadministratives courantes de
l'organisation et non pas d'autres dépenses comme celles qui
résultent de l'entreprise d'opérations menées par des forces
militaires.

Face à la requête pour avis consultatif qui lui est demandée,
trois issues se présentent à la considération de la Cour. Car les
conditions par lesquelles elle a étésaisie exigent la détermination
préalable de sa compétencedans le cas d'espèce.On ne peut nier

la fonction d'utilité que doit représenter pour l'Organisation des
Nations Unies un avis consultatif de la Cour. La requêtea écarté
précisémentde l'avis qu'elle demande la question qui se rapporte
tant à la validitédes résolutionsde base par lesquelles l'Assemblée
générale décidal'entreprise d'opérations au Moyen-Orient et ausidered in the request for an advisory opinion. This point is partic-
ularly applicable to the circumstances under which the special
agreements mentioned in Article 43 of the Charter are drawn up.
In Article 23 the Charter provides for two categories of Members

in the composition of the Security Council: the permanent Members
and the non-permanent Members. The permanent Members have a
seat on thacouncil advitam societatis ;the non-permanent Members
act for the duration of their mandate as though they were perma-
nent Members, apart from the right of veto.According to Article 24
of the Charter, the Security Council has the "primary responsibility
for the maintenance of international peace and security". The
responsibility is conferred by al1the other Members on whose behalf
the Security Council actsand it supposesa mandate of honour which
cannot be renounced or revoked as far as the permanent Members
are concerned; it is at the very basis of the United Nations. Arti-
cle 106 of the Charter makes this point particularly clear :it lays on
the parties to the 1943 Four-Nation Declaration, and France, pend-
ing the coming into force of the special agreements referred to in
Article 43, the responsibility for"such joint action on behalf of the
Organization as may be necessary for the purpose of maintaining
international peace and security". This task is incumbent, first of
all, upon this limited group of States, next on the Members of the

Security Council and not on the other Members of the Organization.
The reference could not be clearer. But such a privilege would seem
also to have its counterpart. The exercise of the right to administer
world affairs goes together with the duty of furnishing the necessary
means for the accomplishment of that duty. It is therefore the
obligation of the Members of the Security Council to pay the
expenses incurred by such operations as those in the Middle East
and the Congo.
Hence, a legal interpretation of the provision in question leads to
the view that the expenses referred to in Article 17,paragraph 2, of
the Charter are the current administrative expenses of the Organi-
zation, and not other expenditure such as that resulting from the
undertaking of operat'ions by military forces.

N7ithregard to the request which is made for an advisory opinion

from the Court there are three solutions which the Court may
consider. For the circumstances in which the matter has been
referred to the Court require a prior decision as to its competence
in the case. It cannot be denied that an advisory opinion by the
Court must be of utility to the United Nations. The request in fact
excludes from the opinion requested the question of the validity of
the basic resolutions in which the General. Assembly decided to
undertake the operations in the Middle East and in the Congo, and
IO2 250 AVIS DU 20 VI1 62 (OP. DISS. M. MORENO QUINTANA)

Congo qu'à celles qui autorisèrent les dépenses y afférentes.Cela
évidemment peut constituer un sérieux obstacle à l'acquittement
de sa tâche judiciaire par la Cour. Elle pourrait alors rendre son
avis d'une manière purement formelle étant donné l'encadrement
limité de la requête, le rendre d'une manière substantielle en
analysant nonobstant la question de la validité des résolutions

susdites, ou bien dire que les conditions dans lesquelles elle est
requise l'empêchentde rendre l'avis qu'on attend d'elle. C'estune
question de procédure qui, reliéeau problème beaucoup plus im-
portant de la compétencede la Cour dans l'espèce,doit êtrerésolue
d'emblée.
Si elle rendait d'une manière formelle l'avis demandé, la Cour
devrait partir en quelque sorte de l'idéeque les dépensesdont on
parle ont été autorisées valablement par l'Assemblée générale.

Leur validité assuréepar le vote des deux tiers des Membres excu-
serait la Cour de trancher la question de la validité des résolutions
qui furent à la base des opérations militaires. Il s'agirait alors d'une
question d'ordre légal clairement déterminée. « Fixer la portée
d'un texte conventionnel, dans l'espèce, déterminer le caractère
(limitatif ou non limitatif) des conditions d'admission qui s'y trou-
vent énoncées » - a dit la Cour dans son avis consultatif sur les

conditions d'admission d'un État comme Membre desNations Unies
- (est un problème d'interprétation et, partant, une questions
juridique ))(v. Recueil etc., 1947-1948, p. 61). Mais ce cadre serait
en tout cas très incomplet par l'absence de l'analyse de droit exigée
par les circonstances de l'espèce.Un avis émisdans ces conditions
serait de nature aussi à fausser les données juridiques du problème.
La Cour se ferait malgré ellel'intermédiaired'une solution affirma-

tive ou négative mais qui ne reposerait que sur une base hypothé-
tique. Son avis n'aiderait que piètrement de la sorte l'ONU dans
I'accomplissement de ses buts. Le prestige de la Cour en souffrirait
et l'organisation n'en retirerait aucune utilité pratique.

De choisir pour sa réponse une position substantielle, la Cour
aurait à se prononcer sur la validité tant intrinsèque que formelle
des résolutions qui entrent en ligne de compte. Ceci équivaudrait

à porter jugement sur un phénomène politico-juridique en vertu
duquel l'Assembléegénérale,visant l'effectivité du système paci-
fiste de la Charte, s'est substituée dans les dernières années à la
fonction dévolue au Conseil de Sécurité.Bien que l'article 18 de la
Charte énumèreles ((questions importantes » qui sont l'objet de
((décisions 1)de l'Assemblée générale,ces décisions, quand elles
portent sur la question du maintien de la paix et de la sécurité in-

ternationales, ne prennent que la forme de (recommandations »;
et il n'y a pas d'organe international qui puisse changer par sesdéci-
sions approuvant des recomrnandations leur nature intrinsèque qui
est non obligatoire. Aucun autre type d'action que l'action coercitive
pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales, qui est

103that of the resolutions authorizing the relevant expenditures. That

can clearly constitute a serious obstacle to the fulfilment of its
judicial task by the Court. The Court might therefore deliver its
opinion in a purely forma1 fashion in view of the limited frame of
reference of the request ; deliver an opinion on the substance while
nonetheless analysing the validity of the resolutions in question;
or, again, might Saythat the circumstances in which the request has
been made prevent the Court from delivering the opinion which is
expected of it. This is a question of procedure which, connected
with the much more important problem of the Court's cornpetence
in the matter, must be solved at the outset.
If the Court should deliver in a forma1 manner the Opinion
requested, it should, as it were, start from the idea that thexpendi-
tures in question were validly authorized by the General Assembly.
Their validity derived from the vote of two thirds of the Members
would dispense the Court from deciding the question of the validity
of the resolutions which were at the base of the military operations.
In that case the question would be a clearly defined legal one. In its
Advisory Opinion on the conditions of admission of a State to mem-
bership in the United Nations the Court stated: "To determine the

meaning of a treaty provision-to determine, as in this case, the
character (exhaustive or otherwise) of the conditions for admission
stated therein-is a problem of interpretation and consequently a
legal question" (see I.C.J. Reports 1947-1948, p. 61). But this would
be in any case a very incomplete background for a judgment, owing
to the absence of the legal analysis required by the circumstances
of the case. An opinion given under these conditions would also be
of a nature to distort the legal aspects of the case. The Court would,
despite itself, be making itself the intermediary for an affirmative
or a negative solution, which would however rest on a hypothetical
basis only. Its opinion would therefore be of but trifling help to the
United Nations in the fulfilment of its purposes. The Court's prestige
would suffer, and the Organization would derive no practical benefit.
If the Court chose to deliver a reply of substance, it would have to
pronounce on both the intrinsic and forma1validity of the resolutions
involved. That would amount to passing judgment on a politico-
legal phenomenon by virtue of which the General Assembly, naving
in view the effectiveness of the pacifist system of the Charter, has in

recent years substituted itself for the function assigned to the
Security Council. Although Article 18 of the Charter lists the
"important questions" which are the subject of "decisions" of the
General Assembly, such decisions,when concerned with the question
of the maintenance of international peace and security, merely
assume the form of "recommendations"; nor is there any inter-
national organ which, by its decisions approving recommendations,
can alter their intrinsic character, which is non-obligatory. No type
of action other than enforcement action for the maintenance of
international peace and security, which is the exclusive prerogativeune attribution exclusive du Conseil de Sécurité, n'aétéprévu par
la Charte comme fonction d'autre organe. La Cour pourrait peut-

êtrerevêtiren ce cas d'un caractère extra-légalsinon légal lesréso-
lutions par lesquelles l'Assemblée générale a pris à sa charge, face
à la paralysie du Conseilde Sécurité,la fonction que donne à celui-ci
la Charte pour assurer le but primordial de l'Organisation en vue
du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Pareil pro-
cessus d'adaptation des prévisions initiales de la Charte aux nou-
velles circonstances de la vie internationale est en tout cas au-
delà des possibilités d'interprétation par la Cour de cet instrument.

Il supposerait l'exercice par cet organe, par une voie détournée,
d'une activité de legeferenda qui ne lui est dévolueni par la Charte,
ni par son Statut.
Il s'avèrealors seulement pour la Cour la troisième issue comme
solution adéquate. Celle de faire savoir à l'Assemblée générale,
comme organe des Nations Unies qui a demandé l'avis, qu'elle
est empêchée de le rendre vu la limitation établie-dans la requête.
Le procédéserait absolument cohérent et d'accord avec la faculté

que la Cour a, par l'article 65 de son Statut, d'accéderou dene pas
accéder à la demande qui lui est faite. Il sera inutile de rappeler
l'emploi, par cette disposition, du verbe +ouvoir quand elle dit:
c(La Cour peut donner un avis consultatif.. . ))Elle ne suppose
aucune injonction comme cela aurait étéle cas si elle avait employé
le verbe devoir. D'autre part, la Cour a confirmépar sa jurispru-
dence cette interprétation. ((La disposition permissive de l'article
65 du Statut 1)- a-t-elle dit dans son avis consultatif sur les réser-
ves àla convention sur le génocide - ((reconnaît à la Courlepouvoir

d'apprécier si les circonstances de l'espècesont telles qu'elles doi-
vent la déterminer à ne pas rfpondre à la demande d'avis ))(v.
Recueil, etc.,1951, p.19) . adite interprétation avait étéaussi bien
appliquée dans l'avis consultatif demandé à la Cour permanente
sur la question de la Carélieorientale quand elle dit: ((La Cour
estime qu'il y a encore d'autres raisons péremptoires pour lesquel-
les tout effort de la Cour de traiter la question actuelle serait in-
opportun )(v. C. P. J. I.,etc., sérieB, no 5,p. 28).

Dans son avis sur les jugements du tribunal administratif de
l'OIT sur requêtescontre l'UNESCO, la Cour a fait référenceau
ccmotif déterminant )) et aux « raisons décisives 1)pour qu'elle
refuse de donner un avis consultatif qui lui est demandé dans le
cadre d'une collaboration indispensable avec les organes des Na-
tions Unies (v. Recueil, etc., 1956, p. 86). Le cas présent fournit
aussi bien à mon sens le motif déterminant que les raisons décisives

qui s'opposent à ce qu'elle puisse remplir avec l'efficacitéet même
l'opportunité qui sont requises la fonction consultative qui lui est
dévolue.of the Security Council,is provided for by the Charter as the function
of any other organ. The Court might perhaps in that case accord an
extra-legal, if not legal, character to the resolutions by which the
General Assembly, faced with the paralysis of the Security Council,
took over the function which the Charter allots to the latter body
with a view to securing the primary purpose of the Organization to
maintain international peace and security. Such a process of adapta-
tion ofthe originalprovisions ofthe Charter to the new circumstances
of international life is in any case beyond the Court's scope of inter-
pretation of the Charter. It would assume the exercise by that
organ, by indirect means, of an activity de legeferenda which is
assigned to it neither by the Charter nor by itsStatute.

There thus remains for the Court only the third course as an
adequate solution; namely, to inform the General Assembly, as the
organ of the United Nations whic1.ihas requested the opinion, that
the Court is prevented from delivering an opinion in view of the
limitation imported into the request. Such a procedure would be
absolutely consistent and in accordance with the right that the
Court possesses, under Article 65 of its Statute, to accede or not
accede to a request made to it. It is unnecessary to recall the use in
this Article of the word may-"the Court may give an Advisory
Opinion...". Here, no injunction or order is laid down, as would
have been the case if the word must had been used. Furthermore this
interpretation has been confirmed bythe Court in previous decisions.
"The permissive provision of Article 65 of the Statute''-the Court
stated in its Advisory Opinion on Reservations to the Genocide
Convention-"recognizes that the Court has the power to decide
whether the circumstances of a particular case are such as to lead
the Court to decline to reply to the request for an opinion" (see
I.C.J. Reports 1951, p.19) .his interpretation was also applied in
the Advisory Opinion requested of the Permanent Court on the
question of Eastern Carelia, where the Court said: "It appears to
the Court that there are other cogent reasons which render it very
inexpedient that the Court shouId attempt to deal with the present
question" (see P.C.I.J.,Series B, No. 5, p. 28).
In its Opinion on Judgments of the Administrative Tribunal of

the I.L.O. upon complaints made against UNESCO, the Court
referred to the "compelling reasons" which would cause the Court
to decline to give an advisory opinion requested within the frame-
work of the indispensable collaboration with the organs of the
United Nations (see I.C.J Reports 1956, p. 86). The present case,
in my opinion, furnishes compelling reasons militating against the
possibility of itslfillingwith the necessary effectiveness and indeed
expediency the advisory function assigned to it. Pour conclure, il sied de résumer comme suit les points de vue

pertinents :
1) La Charte des Nations Unies a donnéà l'organisation I'indé-
pendance financièrerequisepour l'accomplissement de sesbuts, mais
ceci ne signifie pas pour autant que tous ses Membres aient l'obli-
gation de contribuer à toutes les dépensesqui en découlent;
2) La question de la nature juridique des résolutions par les-
quelles l'Assembléegénéraleet le Conseil de Sécuritéentreprirent

des opérations au Moyen-Orient et au Congo, constitue l'élément
déterminant de l'espèce;
3) Les procédures et les pratiques budgétaires des organes des
Nations Unies, qui relèvent d'un ordre technique et non juridique,
n'empêchentpas pour autant de signaler une nette séparationentre
deux catégories de dépenses;

4) Les travaux préparatoires de la conférencede San Francisco
n'indiquent pas d'une manière précise lesquels des Membres de
l'ONU sont tenus de contribuer au financement d'opérations spé-
cifiques, mais permettent de déduire a contrariosensu la réponseà
la question soulevée;
5) L'exégèsedudit article 17,paragraphe 2, conduit à donner à
son texte l'interprétation juridique qui paraît en découlerdans le
sens que les dépensesqu'il envisage sont les dépensesadministra-
tives de l'Organisation et non pas celles qui, par leur nature, sont
à la charge exclusive des Membres du Conseil de Sécurité;

6) Les conditions dans.lesquelles est libelléela question posée
dans la requêted'avis consultatif ne permettent pas à la Cour, vu
la limitation de sa compétencequi en résulte, de s'acquitter cons-
ciemment de sa tâche dans l'espèce.

(Signé)Lucio M. MORENO QUINTANA. In conclusion, it will be appropriate to summarize the relevant
points of view as follows:
(1)The Charter of the United Nations gave the Organization the
financial independence required for the fulfilment of its purposes,
but this does not mean that al1the Members are under the obliga-

tion to contribute to al1the expenses which may result ;
(2)The question of the legal nature of the resolutions by which
the General Assembly and the Security Council undertook the
operations in the Middle East and in the Congo constitutes the
decisive element in the present case;

(3) The budgetary procedures and practices of the organs of the
Vnited Nations, which are of a technical and not of a legal character,
do not on that account prevent .a clear separation being made
between two categories of expenses;
(4)The preparatory work of the San Francisco Conference does
not indicate in any precise fashion which of the Members of the
United Nations are required to contribute to the financing of
specific operations, but they enable the reply to the question raised
to be inferred a contrario sensu ;

(5) The exegesis of Article 17, paragraph 2,leads to giving to its
words the legal construction which seems to proceed from it, in the
sense that the expenses it refers to are the administrative expenses
of the Organization and not those expenses which, by their nature,
are the exclusive responsibility of the Members of the Security
Council ;

(6) The circumstances in which the question put to the Court in
the request for an advisory opinion is worded do not, in view of the
resulting limitation of its competence, permit the Court conscien-
tiously to accomplish its task in the present case.

(Signed) Lucio M. MORENO QUINTANA.

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de M. Moreno Quintana

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