Opinion individuelle de M. Lauterpacht (traduction)

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024-19550607-ADV-01-03-EN
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024-19550607-ADV-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LAUTERPACHT

[Traduction]

Dans la présente affaire, l'Assembléegénéralea demandé à la
Cour un avis consultatif sur la question de savoir si l'article spécial
F, adopté le II octobre 1954 par l'Assemblée,au sujet de la procé-
dure de vote à suivre par elle quand elle prend des décisionssur des
questions concernant les rapports et pétitions relatifs au Territoire
du Sud-Ouest africain, est une interprétation exacte de l'avis rendu
par la Cour en 1950sur le Statut international du Sud-Ouest africain.
L'articleF dispose que ces décisions sont considérées comme ques-
tions importantes au sens du paragraphe 2 de l'article 18 de la
Charte, c'est-à-dire qu'une majorité des deux tiers est nécessaire à
leur adoption. Dans le préambule à sa requêteI'Assembléegénérale
a particulièrement attiré l'attention sur certains passages de l'avis

de 1950. Ces passages sont mentionnés plus loin.
J'ai considéréqu'il m'incombait de joindre la présente opinion
individuelle car, si je suis d'accord avec l'avis unanime de la Cour
en ce qu'il donne une réponse affirmative à la question qu'on lui a
posée,je le fais pour des motifs et par une méthode sensiblement
différents et qui s'écartent deceux sur lesquels se fondel'opinion de
la Cour. En ce qui concerne la méthode,il me paraît nécessairede
consacrer quelquesobservations préliminaires à la question de savoir
quels sont les points juridiques qui devraient trouver réponsedans
l'avis de la Cour. Ceci fait apparaître la question plus généraledu
caractère de la fonction de la Cour et de la nature de ses décisions
judiciaires.
La Cour peut arriver à sa décisionsur le présent avis consultatif

en se référant exclusivement,outre ce qu'on peut appeler la méthode
de pure interprétation, à l'une quelconque des trois questions
juridiques suivantes :
1) Dans la mesure où le point principal tire son origine de la
thèse de l'Afrique du Sud selon laquelle l'unanimité absolue était
nécessaire lorsque le Conseil de la Sociétédes Nations, en prenant
ses décisions, agissait en tant qu'organe de surveillance institué
par le Régimedes Mandats, la Cour pourrait fonder son avis sur le
rejet de cette thèse en la considérant mal fondéeen droit. Dans
ce cas l'on pourrait dire - peut-être sans êtretout à fait exact,
ainsi qu'on le verra - que les questions 2) et 3) ne se posent pas.
2) La Cour peut fonder son avis sur la manière de voir adoptée

par elle, à savoir que, quelle que puisse êtrela réponse aux deux
autres questions, l'Assemblée généralene peut absolument pas
prendre de décisionpar une méthode de vote autre que ceile qui
est prévue à l'article 18 de la Charte, et que pour cette raison on
doit considérer qu'en adoptant l'article F, elle s'est conformée
«autant que possible )à l'avis rendu par la Cour en 1950. Si cette
manière de voir est adoptée, on pourrait soutenir qu'il n'est pas
nécessaire de répondre aux questions 1) et 3).

27 AVIS CONS. DU 7 VI 55 (OPIN.INDIV. M. LAUTERPACHT) 9I
3) La Cour peut fonder son avis sur la manière de voir suivante :
les décisionsde ltAssembléegénérale,à la différencede celles du
Conseil de la Sociétédes Nations, n'étant pas juridiquement

obligatoires, l'articlF n'implique évidemment pas d'excès de
surveillance par comparaison avec celle qu'exerçait le Conseilde la
Société des Nations et, par conséquent, il n'est nécessaire de
répondre ni à la question 1) ni à la question 2).
Finalement, et telle est au fond la méthode suivie par la Cour,
on peut répondreàla question posée à la Cour sans référenceprinci-
pale à aucune de ces questions, mais simplement sur la base d'une
interprétation des passages pertinents de l'avis rendu par la Cour
en 1950.
Selon moi, il est essentiel, eu égard à la fois aux circonstances
de l'espèce et aux objets de la fonction judiciaire de la Cour en
général,que son avis contienne une réponse à toutes les questions

juridiques pertinentes en l'espèce, surtout quand il s'agit de
questions sur lesquelles se sont fondés les membres de l'Assemblée
générale,y compris l'Afrique du Sud.
Ainsi, en ce qui concerne la question I) - à savoir celle qui
se pose du fait que l'Afrique du Sud prétend que les résolutions
relatives au Mandat exigeaient l'unanimité absolue des membres
du Conseil de la Sociétédes Nations - et bien que la Cour soit
arrivée à la conclusion que le passage pertinent de son avis de
1950 ne s'applique pas au système de vote, j'estime qu'il faut
répondre à la thèse de l'Union sud-africaine dans tous ses détails.
Il ne suffit pas de la rejeter pour le motif que cette thèse est sans
pertinence, attendu qu'elle est écartée par ce qu'on appelle le
sens ordinaire et naturel des termes de l'avis de 1950. Telle était,

en effet, la thèse principale avancée par l'Afrique du Sud au
cours des débats devant l'Assembléegénéraleet ses commissions.
C'est la question relative à la justification de cette thèse qui a
préoccupél'esprit des membres de l'Assemblée générale,qui a
troublé leur conscience, et c'estA cette question qu'est très large-
ment due la présente demande d'avis consultatif. Les circonstances
de l'espècesont telles qu'il faut examiner d'une manière complète
le principal argument juridique de l'État qui, en tapt que Man-
dataire, s'est mis en opposition avec la manière de voir exprimée
à plusieurs reprises par les Nations Unies, et dont l'attitude a
étélargement désapprouvée. Aussi, bien que je n'accepte pas la
thèse du Gouvernement de l'Afrique du Sud dont il s'agit, je

dois l'examiner avec tou~ les détails nécessaires.
Les mêmes considérations s'appliquent à ce que l'on pourrait
appeler le point constitutionnel, tel qu'il est exprim.6 dans la
question 2). L'avis de la Cour est fondé sur la manière de voir
suivante : l'Assembléegénéralene pourrait, en aucune manière,
prendre ses décisionsen recourant à une procédure de vote autre
que celle qui est prévuepar la Charte, et pour cette raison l'artFcle
est conforme à l'avis rendu par la Cour en 1950, aux termes duquel
la procédure de l'Assembléegénérale doit «autant que possible a

28 AVIS CONS. DU 7 VI 55 (OPIN. INDIV. M. LAUTERPACHT) 92
se rapprocher de celle du Conseil de la Sociétédes Nations. Il est
possible de trancher la question tout entière en se référant à la
simple proposition selon laquelle les dispositionsde la Charte en

matière de vote sont impératives et péremvtoires et que toute
modification de la procédure de vote de l'Assemblée générale,
destinée à répondre aux circonstances de la cause, constituerait
une violation de la Charte ou, plus encore, qu'elle constituerait une
impossibilité juridique. Mais cette opinion prête à controverse.
Certaine pratique antérieure, dont il sera fait mention plus loin,
suggère la possibilité d'une procédure de vote différente si un
instrument étranger l'autorise - bien que la Cour semble avoir
accepté le point de vue selon lequel il n'existerait, dans la présente
affaire, aucun instrument de ce genre, étant donné que les pouvoirs
de l'Assembléegénéralesont, dit-on, tirés de la Charte et non d'un

instrument étranger. Ceci également prête à controverse. Il semble,
par-dessus tout, que ce problème constitutionnel fût à la base de
la plbs grande partie du débat devant l'Assemblée généraleet
que la plupart des membres de celle-ci -.comme le fait la Cour
étaient disposés à considérer l'objection constitutionnelle comme
décisive et suffisante. Ceci étant, il me paraît souhaitable que
la solution à cet aspect de l'affaire ne soit pas considéréecomme
allant de soi ou évidente en elle-même. Pour ce motif, eu égard
à des considérations de principe divergentes et à une divergence
dans la pratique, j'estime devoir examiner pleinement cet aspect
de la question.

Les mêmes considérations s'appliquent, encore une fois, à la
question 3) - par référenceà laquelle il serait possible de régler
l'affaire soumise à la Cour en se fondant sur le motif suivant: les
décisionsde l'Assembléegénéralesont dépourvues d'effet juridique
ou possèdent un effet plus limité que celles du Conseil de la Société
des Nations. C'est là un motif - et le motif principa- de penser,
ainsi que je le fais dans la présente opinion, qu'on peut répondre
affirmativement à la question poséepar l'Assemblée générale.Pour
cette raison, il ne m'est pas permis de négligerce point à cause des
difficultésou complications qui lui sont inhérentes. L'absence, en
général, depleine force juridique obligatoire, dans les résolutions
de l'Assemblée générale, est un principe si fondamental et rudi-

mentaire que l'on n'aurait pas à craindre le danger ou l'inutilité
d'une tentative en vue de l'appliquer et de le restreindre. Je ne
puis négliger cet aspect de l'affaire sous prétexte que la Cour ne
peut répondre à cette question - ou àtoute autre question juridique
- se rattachant à l'avis, attendu que l'Assemblée générale n'a
pas spécifiquement demandé de réponse à ces questions. L'Assem-
blée généralen'a posé qu'une question de fond et cette question,
cette seule question, trouve sa réponse dans le dispositif de l'avis
unanime de la Cour. Évidemment, pour répondre à cette question,
la Cour est tenue, dans son raisonnement, d'examiner un certain

nombre de questions juridiques variées et d'y répondre. C'est là
l'essence mêmede sa fonction judiciaire qui lui permet de rendre
29des arrêts et d'émettre des avis qui emportent conviction et éclair-
cissent le droit. .
Pour ces motifs, je ne pilis attacher une importance prépon-

dérante - et encore moins exclusive - à ce qui pourrait être
défini comme le point de vue de la ((simple interprétation n,tel
que ce point de vue est impliqué dans l'argument selon lequel
la question du vote serait sans rapport avec l'un ou l'autre des
deux passages décisifs de l'avis rendu par la Cour en 1950, à
savoir celui qui touche au «degré de surveillance 1)et celui qui
touche à la tprocédure n du Conseil de la Société des Nations.
On peut soutenir que, dans ces deux expressions, il y a une réfé-
rence implicite au vote ; on peut soutenir que cette référence
n'existe à titre inhérent que dans l'une ou dans l'autre de ces
expressions ;et ily a place pour l'idée,qui trouve qiielque appui
dans l'avis de la Cour, que ni l'une ni l'autre de ces expressions

ne se réfèreau vote. Cette diversité de vues fournit un exemple
du danger de se fonder sur ce qui est supposéêtrele sens ordinaire
et naturel des mots.
Enfin, eu égard à l'intégrité de la fonction interprétative, il
n'est pas souhaitable d'encourager l'application d'une méthode
qui, par voie d'interprétation, pourrait amener à traiter som-
mairement la principale question soumise à la Cour ou à ne pas
en tenir compte. On pourrait dire, par exemple, que, l'Assemblée
génCraleagissant en vertu de l'article IO de la Charte et, selon
l'avis rendu par la Cour en 1950, étant responsable de la sur-
veillance, ne peut remplir cette fonction que conformément à
sa propre procédure, et qu'en appliquant sa procédiire de vote,
supposée inaltérable, elle se rapproche (autant que possible » de

la procédure du Conseil de la Société desNations. Quoi qu'il en
soit, ce point - le point dit «constitutionnelu - est l'un des
principa~x soumis à la Cour. Je ne me considérerais pas comme
fondé à y répondre - sans un examen approprié de la pratique
connue - par référenceà une prétendue impossibilité logique.
Ces considérations me paraissent conformes au plus haut intérêt
de l'autorité de la justice internationale. Elles n'excluent pas la
nécessitéde fonder l'avis de la Cour, entre autres motifs, sur
l'interprétation des textes qui lui sont soumis.

Les expres~ions degréde surveillance »

et « procédzcresuivie par le Conseilde
la Sociktédes Nations ))ont-ellestraità
la procédurede vote?

L'un des principaux passages de l'avis consultatif de 1950 que
la Cour est appelée à interpréter énonce deux directives : i) le
degréde surveillance à exercer par l'Assembléegénéralene saurait
dépasser celui qui a étéappliqué sous le Régime des Mandats, etii) cette surveillance devrait êtreconforme, autant que possible, à la
procédure suivieen la matière par le Conseil de la Sociétédes Nation.

L'expression (degré de surveillance 1)a deux sens : elle signifie
principalement les moyens d'exercer la surveillance. Ainsi, il est
évident que la place assignée aux missions périodiques ou aux
pétitions sous le Régime de Tutelle dépasse le degré de surveil-
lance adopté sous le Régime des Mandats, et que ce moyen de sur-
veillance employé par les Kations Unies ne peut, sans le consente-
ment du Gouvernement de l'union sud-africaine, être appliqué
au Territoire sous Mandat du Sud-Ouest africain. Il s'agit là de
moyens de surveillance au sens plus large de cette expression. La
Cour, invitée à donner un avis consultatif sur la question du vote,

n'a pas à se préoccuper de ces moyens. Cependant, l'expression
((degré de surveillance ))comprend également les méthodes desti-
nées à veiller à ce que les moyens de surveillance ainsi adoptés
soient respectés et notamment la méthode à appliquer pour
décider sil'autorité chargée de l'administration s'y est conforméeet
pour rechercher quelles mesures cette autorité devrait prendre à
cet effet. Si l'Assemblée généraledevait être mise en mesure de
prendre, relativement aux pétitions et rapports, des décisions obli-
gatoires soumises à des conditions de vote moins strictesque celles
qui prévalaient au sein du Conseil de la Société desNations- ces

décisions comprenant des demandes d'informations complémen-
taires, l'expression d'un regret ou d'une désapprobation à l'égard
des actes ou des omissions del'autorité chargéede l'administration,
et des invitations à cesser l'action désapprouvée - dans ce cas
l'innovation ainsi introduite semblerait atteindre un degré de
surveillance dépassant celui qui était auparavant en lyigueur. Il en
est ainsi, mêmesi en certains cas de telles,décisions constituent
une approbation des dispositions prises par 1'Etat chargéde l'admi-
nistration ou un appui donné à ces dispositions - auquel cas-on
pourrait soutenir que des conditions de vote moins strictes impli-

qi;ent un relâchement du degré de surveillance. Quoi qu'il en soit,
1'Etat soumis à la surveillance est principalement affecté par
l'intervention éventuelle dans sa liberté d'action exercée par
l'organe chargé de la surveillance. Sous cet angle, la méthode de
vote moins stricte ajoute à la rigueur et au degréde surveillance -
tout comme une modification de la procédure de vote peut ajouter
à l'étendue de l'obligation. Si je consens à accepter l'obligation de
payer des impôts en conformité de décisions unanimes prises par
un comité, mon obligation se trouve augmentée si ce comité, en

modifiant sa procédure, peut prescrire des impôts par un vote à la
majorité. Ceci paraît être une proposition de bon sens.
Mon avis, ainsi qu'il est exprimé ci-dessous, est que l'article F.
n'entraîne pas d'excèsde surveillance, pour le motif que les décisions
du Conseil de la Sociétédes Nations n'exigeaient pas l'unanimité
absolue et qu'en tout cas les décisions de l'Assemblée généralene
possèdent pas la mêmeautorité juridique que celies du Conseil de la
Société des Nations. Mais je ne crois pas que la Cour devrait, dans

31son avis, répondre à la question qui lui est poséeen se fondant sur ce
motif que le degré de surveillance serait sans rapport avec la
question de vote. La procédure de vote détermine le degré de sur-
veillance. Mêmesi nous n'allons pas jus u'à la concession - qui
n'est pas justifiée - qu'un veto de 1' 9 tat mandataire pouvait
faire obstacle à une décisionvalable du Conseil de la Société des
Nations agissant en tant qu'organe de surveillance sous le Régime
des Mandats, le fait demeure que, selon l'articleF qui'est envisagé,
aux décisions par ailleurs unanimes du Conseil, qui comprenait

toutes les Puissances principales Membres de la Société desNations,
sera substituée une décision prise par l'Assemblée généraleaux
deux tiers des voix, qui peut comprendre ou ne pas comprendre
le vote d'un membre permanent du Conseil de Sécurité,qui peut
représenter moins d'un quart des contributions au budget des
Nations Unies ou moins d'un quart ou d'un cinquième de la
population totale des Membres des Nations Unies, qui agit par
des méthodes différentes de celles qui caractérisaient le Conseil
de la Sociétédes Nations, lequel, à son tour, conformément à
l'atmosphère politique tout entière de la SociétdesNations, tendait
à procéder en dernière analyse par voie d'accord plutôt que
par un compte des votes. Il n'est pas non plus complètement
sans pertinence qu'au Conseil de la Sociétédes Nations l'unanimité
ou la quasi-unanimité comportât la sauvegarde additionnelle de
pouvoir êtreinfluencéepar les rapports et le point de vue d'une

commission d'experts - car tel était le caractère de la Commission
des Mandats -- jouissant d'une haute autorité et indépendante des
gouvernements. Les décisions de l'Assembléegénérale, selonl'article
F que l'on envisage, seront prises sous l'influence du Comitépour
l'Afrique du Sud, organisme dont le dévouement et le désinté-
ressement ne doivent pas êtremis en doute, mais qui est différem-
ment composé.
Ces élémentsprésentent une pertinence directe relativement
au «degré de surveillance N. Ceci n'est pas incompatible avec
le fait que la seconde partie du passage («et devrait être
conforme, autant que possible, à la procédure suivie en la matière
par le Conseil de la Société des Nations»)a trait également et plus
directement au vote. Selon l'usage accepté, le vote est compris
dans les questions de procédure. Il est probable que, bien que la
première partie du passage vise le principe prédominant interdisant
de dépasser le degréde surveillance appliqué jusque-là, le passage

citéen dernier lieu ait étédestiné viser le problème plus spécifique
consistant à rapprocher, dans la mesure du possible, cette procédure
de celle que suivait le Conseil de la Société des Nations. Pour ces
raisons, j'hésiteà admettre que le sens ordinaire et naturel des
mots ait pour effet d'exclure la méthode de vote de la notion de
degré de surveillance. Il ,l'y a pas de sens ordinaire et naturel des
termes «degré de surveillance ))dans l'abstrait. Leur signification
n'est pas quelque chose d'apparent à première vue ;elle dépend
des situations et des problèmes dont la Cour est saisie. Au surplus,
elle dépend des questions juridiques qui se rattachent directement

32à la situation. Ainsi, en admettant que la thèse principale de
l'Afrique du Sud sur Ir. question de l'unanimité soit correcte, il
serait raisonnable d'admettre que les expressions tmployées par
la Cour visant le « degré de surveillance »et la (procédure » n'ont
pas étéemployéesdans l'intention d'ignorer la position juridique
ainsi établie. Il n'y a pas d'avantage à traiter la question tout
entière comme inexistante, pour le motif que les mots employés
ont un sens fixe, certain et immuable.
Il est possible, bien entendu, que la question du vote n'ait pas
étéprésente à l'esprit de la Courà l'époquede l'avis de 1950 Ceci
ne veut pas dire que la procédure de vote ne soit pas un élément

essentiel du problème. Au contraire, c'est à la Cour, se trouvant en
face d'une lacune apparente dans l'avis rendu en 1950 à propos
d'une situation qui demande à êtreéclaircie, qu'il appartient de
combler la lacune en recourant à tous les moyens d'interprétation
disponibles. Ceux-ci ne comprennent pas la connaissance que pour-
rait avoir un membre de la Cour actuelle de son état d'esprit ou
de celui de ses collègues à l'époqueoù fut rendu l'avis consultatif
de 1950.
* * *
Il est importantà cet égardde tenir-compte du rapport existant
entre les deux passages examinés ici. A mon avis, des deux condi-
tions qui sont prescrites, la première, qui concerne le degré de

surveillance, est l'idée maîtresse présentant le caractère d'une
disposition de fond;la seconde, frappéed'une réservepar la présence
des mots ((autant que possible », présente, selon ses termes, le
caractère d'une disposition de procédure. La question qui se pose
est de savoir si l'on peut,à juste titre, interpréter l'avis rendu par
la Cour en 1950 d'une manière qui ferait dépendre la règle de fond
de considérations relatives à la conformité et à l'opportunité de
la procédure. La question est de savoir si l'on peut, à bon droit,
permettre que cette considération influe sur le principe directeur
posépar la Cour en 1950 ou affaiblit ce principe selon lequel, en
l'absence du consentement de l'Union sud-africaine, le degré de
surveillance exercé par les Nations Unies ne doit pas dépasser le.
degréde surveillance exercépar le Conseil de la Sociétédes Nations.
Il y a place pour la manière de voir selon laquelle l'Union sud-
africaine est juridiquement fondée à résister à toute tentative

visant à accroître sa responsabilité et le degré de surveillance
correspondant, ainsi que l'intervention des Nations Unies et la
surveillance exercéepar elles, même si cet accroissement présentait
un caractère de procédure, par exemple au moyen d'un système
particulier de vote - tant qu'il n'a pas étéprouvé de manière
concluante que cet accroissement est inévitable à raison d'une
nécessitéimpérative de se fonder sur la procédure en vigueur au
sein del'Assembléegénérale, procédurequi ne peut êtremodifiée en
aucune circonstance.
Le Système de Tutelle des Nations Unies n'a pas remplacé le
Système des Mandats ; ce dernier demeure en vigueur en ce qui concerne le Sud-Ouest africain. Comme on l'a dit à plusieursreprises
dans l'avis rendu en 1950, l'exercice continu du Mandat doit être
soumis à une surveillance comportant les mêmesobligations et sau-
vegardesque celles qui existaient du temps de la SociétédesNations,
mais sans aller au delà. Or, les obligations d'un pays peuvent être
affectéesd'une manière décisivepar la procédurede vote appliquée

pour prendre les décisionsrelatives à l'interprétation et à l'applica-
tion de ces obligations. Lorsque, dans l'avis de 1950, il fut dit et
répété-que les obligations du Mandataire restaient inchangées, cela
ne signifiait pas seulement que l'Union sud-africaine continuait à
êtreliéepar ces obligations et ne pouvait en rien les diminuer ; cela
signifiait également que l'on ne pouvait accroître ces obligations.

La persistance des obligations doit, en toute justice, êtreconsidérée
comme opérant dans les deux sens. Cela me paraît être I'idéemaî-
tresse. A cet égard,l'interprétation, quelque nécessairequ'elle soit.
des termes ((degré de surveillance )et ((autant que possible »,semble
presque revêtirle caractère d'un détail technique. A cet égard, il me
paraîtrait hautement contestable de se fonder exclusivement sur
l'idéeque le sensordinaire et naturel supposédel'expression ((degré

de surveillance ))ne se rapporte pas à la procédure de vote.
Ainsi que je le conçois, lesmots cautant que possible )ne signifient
pas que l'injonction sans réserve,interdisant de dépasserle degréde
surveillance qui prévalait au temps de la Sociétédes Nations, soit
en fait atténuéepar l'obligation de suivre (cautant que possible 1)-
et seulement ((autant que possible ))- la procéduredu Conseilde la
Sociétédes Nations et s'il est impossible de se rapprocher de cette

procédure,eu égardà la procédure de vote de l'Assembléegénérale
des Nations Unies, telle qu'elle est prescrite par l'article 18 de la
Charte, le degré de surveillance doit, inévitablement, êtredépassé.
Dans son avis de 1950, la Cour n'a pas dit que le degré de surveil-
lance, tel qu'il existait sous le Régimedes Mandats, ne dût pas être
dépassé,pourvu que cela fût possible, étant donnéla procédure de

vote appliquée alors par l'Assembléegénérale. A première vue, les
mots (autant que possible ))peuvent êtreinterprétéscomme signi-
fiant que, dans le cadre de l'injonction impérative interdisant de
dépasserle degréde surveillancede la Sociétédes Nations et si l'on
peut choisir entre des procédures diverses, on doit appliquer la
procédure qui corresponde le plus près à celle du Conseil de la
Société desNations. Pour les motifs exposésailleurs dansla présente

opinion, je ne puis accepter l'idée selonlaquelle les mots ((autant
que possible ))contenaient une référenceimplicite et impérative à
une procédure existante et inaltérable de l'Assembléegénérale,et
qu'une telle interprétation aurait pour effet lhgitirne de l'emporter
sur l'interdiction fondamentale empêchant d'accroitre le degré de
surveillance telle qu'elle était pratiquée par la Sociétédes Nations,

en alléguant que, par l'adoption de la règlede la majorité des deux
tiers, l'AssembléegénéraleCtait aiiée ((aussi loin que possible w,
c'est-à-dire aussi loin que la Charte lui permet légalement d'der.Cette affirmation doit être prouvée au moyen d'un examen
rigoureux et approfondi. Un tel examen pourrait révéler, ainsi qu'il
est dit dans une autre partie de la présente opinion individuelle,
qu'il était légalement possibleà l'Assembléegénéraled'aller un peu
plus loin que ne le fait l'articleF pour se conformer au principe
selon lequel elle devait se rapprocher, autant que possible, de la
procédure appliquéepar le Conseil de la Sociétédes Nations.

Mes propres conclusions, à l'égardde l'interprétation et des trois
questions principales énoncées ci-dessus,sont de nature telle qu'il
n'est pas nécessaire que la Cour adopte une interprétation de
l'avis rendu par elle en 1950qui, à mon sens, aboutirait àdire que,
dans cet avis, la Cour, par mépriseou pour tout autre motif, aurait
introduit aeux directives réciproquement contradictoires et que,
par référence implicite à une procédure de vote immuable de
l'Assemblée générale,elle aurait réduit à des proportions insigni-
fiantes l'essence de la règlede fond adoptée par elle à l'égardd'un
des principaux aspects de son avis consultatif sur le Statut inter-
national du Sud-Ouest africain.

Question I : La règle del'unanimité
prévalait-elleau Conseil de la Société
des Nations en tant qu'organedesurveil-
lance du Rkgimedes Mandats ?

J'en viens maintenant à la première des trois questions juridiques
principales, que l'on doità bon droit considérer comme se posant à
la Cour en la présente affaire. L'article F envisagé interprète-t-il
correctement l'avis de la Cour, étant donné qu'il remplace par un
système moins strict la règle de l'unanimité absolue qui, selon la
thèse du Gouvernement de l'Afrique du Sud, prévalait au sein du
Conseil de la Sociétédes Nations dans l'exercice de ses fonctions
de surveillance sous le Régime des Mandats ? Lne règle de cette
nature prévalait-elle au sein du Conseil de la Société desNations ?
Sur ce point, je ne puis accepter la thèse du Gouvernement de
l'Union sud-africaine selon laquelle il existerait une incompatibilité
entre l'articleF envisagé et la procédure suivie par le Conseil de
la Société des Nat-ionspour la prétendue raison que cette dernière
-procédure sefondait sur la règle del'unanimitéabsolue, corriprenant
le vote de l'État mandataire intéressé. Tellea étél'opinion prin-
cipale exprimée en l'affaire par le Gouvernement de l'Afrique du
Sud. J'ai indiqué les raisons pour lesquelles il était à souhaiter
que la Cour examinât ce point sous tous ses aspects.
Il est admisque la procédure du Conseil de la Sociétédes Kations

était régie par le principe de l'unanimité, cette unanimité com-
prenant non seulement les membres du Conseil, mais aussi des AVIS CONS. DU 7 VI 55 (OPIN. INDIV. Jf.LAUTERPACHT) 99

États qui, sans faire normalement partie du Conseil, étaient invités
à y siégerlors de l'examen d'une question les intéreçsant ;cette
règle s'appliquait également aux représentants de 1'Etat manda-
taire, invitésà prendre part à la procédure devant le Conseil.
Toutefois, eu égard au principe comme à la pratique, tels que je
les interprète, la décisionprise par la Cour dans son douzième avis
consultatif sur l'Interprétation du Traité de Lausanne, doit être
considérée commes'appliquant également à la question dont la
Cour est maintenant saisie. Dans cette affaire, la Cour estima que
le principe consacré dans l'article15 du Pacte et qui excluait le
vote des parties au différenddans le calcul de l'unanimité en tant

que condition de la validité d'une recommandation du Conseil.
était d'applicationgénéraIe,pour autant qu'il incorpore cla règle
bien connue d'après laquelle nul ne peut êtrejuge dans sa propre
cause »(SérieB, no12, p.32).Cette «règlebienconnue »sanctionnée
désormais par la Cour permanente de Justice internationale, doit
êtretenue pour applicable au cas où un organe international, même
quand il décide en d'autres cas selon la règlede l'unanimité, juge,
dans l'exercice d'une surveillance à lui confiée,de la conformité
au droit dela conduite d'un État chargéd'un mandat international
ou d'une tutelle. L'organe de surveillance peut le faire soidirec-
tement en se prononçant sur la conformité des actes de l'État
chargé de l'administration à ses obligations internationales ou,
indirectement, en l'invitant à adopter une certaine manière d'agir
ou à y renoncer.

En'l'absence d'une preuve incontestable démontrant le contraire,
on n'est pas fondéà laisser subsister la possibilité juridique d'une
situation dans laquelleun État tenu, en vertu des obligations inter-
nationales solennellement assuméespar lui, d'observer une conduite
préciseet de se soumettre à une surveillance internationzle destinée
à garantir cette conduite, serait en mêmetemps fondé à rendre, par
son vote en sens contraire, cette surveillancenominale et inopérante.
Sans doute, la pratique internationale connaît des cas où les
États se réservent le droit de déterminer l'étenduede leurs propres
obligations et, en un certain sens, de demeurer juges en leur propre
cause. Mais, à moins que ce droit ne soit réservéen termes des pltrs
explicites,les États quitentent ainsi de mettre à profit leur capacité
contractuelle pour des fins étrangères à son objet principal - à
savoir la création d'obligations liant celui qui les ass-meagissent

àleurs risques et périls.La réserveexpresse de ce droit exceptionnel,
contraire au principejuridique et àla bonne foi, ne peut êtredéduite
défaçon concluante du seùl fait que la constitution prévoitla règle
de l'unanimité. Cette réservene peut notamment êtredéduite des
teimes rigides de l'articl5 du Pacte, selon lequel, sauf disposition
prévoyant expressément le contraire, la règlede l'unanimité devait
s'appliquer. En effet, en l'absence d'une disposition prévoyant
expressément le contraire, cette règle est en elle-même qualifiée
par le principe énoncépar la Cour permanente de Justice inter-

Js AVIS CONS. DU 7 VI 55 (OPIN.INDIV. M. LAUTERPACHT) IO0

nationale dans son avis consultatif sur l'Interprétationdu Traitéde
Lausanne. Dans cet avis, la Cour a estiméque cette règleétait d'ap-
plication généralepour les décisions du Conseil lorsque ce dernier
agissait à titre judiciaire ou arbitral. La règle n'a pas étélimitée
aux affaires portées devant la Cour en vertu d'un traité étranger.
On doit reconnaître que l'application du principe nenzo juden.
in re sua à ce qui est essentiellement une controverse entre le
mandataire et le Conseil par ailleurs unanime, constitue une
extension du principe posépar la Cour. Cette extension, cependant,
est plus apparente que réelle.Pour les raisons indiquées ci-dessus,

il ne me semble pas qu'il ait un motif valable d'établir unedistinc-
tion entre les décisions prises dans l'exercice des fonctions de sur-
veillance d'un organe international et les décisions.de caractère
judiciaire ou arbitral, telles que le Conseil de la Sociétéétait appelé
à en rendre dans l'affaire relativàla fixation de la frontière entre
la Turquie et l'Irak. Dans tous les cas où il existe une différence
d'opinion ayant conduit à un vote discordant entre l'organe de
surveillance et l'autorité chargéede l'administrationsilr la confor-
mitéde la conduite decette dernièreà sesobligations internationales,
cette différence d'opinion présente les éléments essentiels d'un
litige portant sur l'application d'un instrument international
obligatoire. Dans un Iitige de cet ordre. on doit considérer que le
principe «nul ne peut êtrejuge dans sa propre .cause »s'applique.
En d'autres termes, il n'existe pas de motif valable permettant de
distinguer entre les organes judiciaires et les organes de surveillance,
du point de vue de l'applicabilité du principe selon lequel nul ne

peut être juge en sa propre cause. Les deux catégories d'organes
appliquent, par des voies différentes, un ensemble de règles de
conduite obligatoires.

Je passe maintenant du principe à la pratique. Telle que je la
comprends, la pratique suivie par la Sociétédes Nations ne justifie
pas de façon concluante la manière de voir selon laquelle ilaurait
eu une tendance invariable, et mêmeprédominante, dans les cas où
un membre du Conseilétait lui-mêmepartie au différend, à attacher
une importance littérale aux dispositions en apparence rigides ou
complètes en elles-mêmesdel'article 5 du Pacte en matière d'unani-
mité. A certaines occasions,on s'est conformé,avec assez de rigueur,
au principe de l'unanimité absolue comprenant les votes des parties.

Cecis'est produit dans deux cas,relatifs àl'application de l'article
du Pacte, savoir : dans le différend entre la Pologne et la Lithua-
nie en 1928 (Journal oficiel dela Sociétdes Nations, 1928 ,. 896),
et en particulier au cours du différendsino-japonais de 1931(Journal
oijîcielde la Sociétt!des Nation1931, p. 2358) D.ans les deux cas,
il fut formellement déclaréque la résolutiondu Conseil,acceptéepar
tous ses membres à l'exception d'une des parties au différend, ne AIïS COXS. Dt 7 VI 5j (OPIN, INDIV. M. LA'TERPACHT) IO1

serait pas obligatoire. On peut faire observer qu'à propos de cette
dernière affaire, le professeur Brierly, un auteur faisant autorité et
connu pour sa-réserve, déclara que l'interprétation de l'article II

adoptée à cette occasion était ((inattendue et d'une exactitude dou-
teuse ))(The Covenantand the Charter,1947, p. 15) .auf ces cas peu
fréquents, la tendance s'est manifestée,soit dans le sens d'un amen-
dement exprès de ces dispositions du Pacte, qui, à première vue,
laissait placeà la possibilitéde faire écheà une décisionpar ailleurs
unanime, grâce au vote d'une partie intéressée, soit dans le sens
qu'un tel amendement était inutile, étant donné que le principe
nefnojztdex in re sua était déjàpartie intégrante du Pacte. Ainsi, en
1921, l'Assembléerecommanda qu'en attendant la ratification d'un

amendement exprès de la Charte à cet effet, les votes des parties au
différendfussent exclus lors du vote sur la question de savoir si un
Membre de la Sociétédes Nations avait eu recours à la guerre
contrairement au Pacte (Comptes rendus de la Seconde Assemblée,
Séance plénikre,p. 806). En 1922, le Conseil, dans deux cas, semble
être parti du principe selon lequel, en agissant en tant qu'organe
arbitral ou semi-judiciaire, il était tenu d'exclure les votes des
parties pour calculer l'unanimité exigéepar le Pacte. La première
de ces affaires avait trait à la demande de l'Inde, aux fins d'être

comptée parmi les huit États d'importance industrielle prépondé-
rante pour êtrereprésentéeau Conseil d'administration de l'Orga-
nisation internationale du Travail. Dans cette affaire, le Conseil a
agid'après l'opinion juridique acceptée par lui, que lui avait soumise
le Secrétariat, à savoir que ((le Conseil devait agir dans l'espèce
comme arbitre et que l'Inde ne pourrait êtrejuge et partie ))(Jour-
nal oficiel. 1922, p. 1160). Cette affaire présente une importance
particulière au point de vue de la présente espèce, car le Conseil y
joua plutôt le rôle d'un organe administratif que d'un organe judi-

ciaire. Dans le différend aigu qui opposa la Grèce à la Bulgarie
en 1925; le Conseil, se prononçant en séance privée horsde la
présence des représentants des deux parties, élabora ce qui fut
appelé une ((demande dictatoriale » destinée à êtreacceptée par
les parties, lesquelles se déclarèrentelles-mêmesprêtes à accepter
la décisiondu Conseil, ainsi sanctionnée ultérieurement par un vote
unanime (Journal oficiel, 1925, p. 1700). Au cours de la même
année,dans le différendentre la Hongrie et la Roumanie relatif aux
optants hongrois dont 4 était saisi en vertu de l'articleII, para-

graphe 2,du Pacte, le Conseil accepta une recommandation à l'una-
nimité, sans compter les voix des représentants des parties, après
que le Président du Conseil eut décla.ré qu'en invitant le Conseil à
se prononcer sur la recommandation contenue dans le rapport, il
((exceptait délibérémentdeux membres du Conseil, parties au dif-
férend » (1927, p. 1413).
Il semblerait donc que le douzième avis consultatif de la Cour
permanente, outre qu'il se fondait sur un principe général dedroitd'application irrésistible, ne manquait point d'appui dans la
pratique de la Société desNations, tant avant qu'après le moment
où cet avis fut rendu. Il est peut-être utile,à cet égard, de signaler
la publication officielle du Secrétariat de la Sociétédes Xations,
intitulée «Le Conseil de la Sociétédes Nations, 1920-1938 »,où,
à la page 69, selon l'avis di1 Secrétariat au sujet du compte des
voix des parties dans le calcul de l'unanimité, il est dit qu'«on
note une certaine division des opinions sur le point de savoir si les
voix desparties doivent êtreou non comptées n.

On a soutenu que, quelle qu'ait pu êtrela pratique du Conseil
de la Sociétédes Nations en matière de différends internationaux,
cet organisme est, en d'autres domaines, strictement resté fidèle au
principe de l'unanimité absolue. Partant de là, on. conclut que
l'État mandataire jouissait d'un droit de veto vis-à-vis de la fonc-
tion de surveillance du Conseil. Je ne suis pas persuadé de l'exac-
titude de ce qui est supposéêtrela prémisse de fait, ni de la conclu-
sion que l'on en tire. On trouve quelques exemples de la pratique
suivie par le Conseil en ce domaine dans un document que le
Secrétariat des Nations 'C'niesa rédigépour le groupe de travail du
Comité sur l'Afrique du Sud ; c'est le no 39 du dossier mis à la
disposition de la Cour. Il y a d'autres cas dont je ferai mention plus
loin. Voici comment i'interprète la pratique du Conseil, telle qu'elle
est rapportée : tandis qu'il n'y a pas d'exemple qu'une résolution
du Conseil ait étéformellement déclarée adoptée en dépit du vote

en sens contraire de 1'Etat mandataire, il n'y a, parmi les pièces du
dossier, aucun exemple authentique et dûment constaté d'une
résolution envisagée par le Conseil, rendue impossible par le vote
contraire de l'État mandataire. L'examen de ces cas, qui avaient
trait au temtoire soiis mandat du Sud-Ouest africain, fait ressortir
que, s'il n'y a pas d'exemple d'une résolution adoptée contrairement
à l'attitude explicite du Gouvernement de l'Afrique du Sud, cela
n'était pas nécessairement dû à une menace d'exercer un droit de
veto. Dans certainsde ces cas, ce Gouvernement, après avoir exposé
ses doutes ou ses objections, n'a pas insisté ; dans deux autres cas,
le Conseil a modifié une contre-proposition du représentant de
l'Afrique du Sud ; dans le sixième cas, le Gouvernement de l'-Afrique
du Sud décida finalement de ne pas se faire représenter lorsque fut
repris l'examen de la question dont il s'agissait. Il prit la même

attitude dans certains autres cas, dont l'un, relatif au statut du
Mandat sur le temtoire du Sud-Ouest africain, mérite une mention
spéciale. Dans son rapport, présenté en 1935, la Commission des
Mandats releva que la Puissance mandataire lui avait fait savoir
qu'elle avait chargé un Comité spéciald'examiner certains problè-
mes constitutionnels que soulevait une motion de l'Assemblée.
législative du temtoire tendant à la constitution de celui-ci (en
cinquième province de l'Union ». Le rapport se terminait par le
passage suivant : «Gardienne de l'intégrité de l'institution du
Mandat, la Commission s'attend donc à recevoir communication

39 AVIS COKS. DU 7 VI 55 (OPIK. INDIV. M. LAUTERPACHT) IO3

des vues de la Puissance mandataire sur la question. Elle ne man-
quera pas de soumettre celles-cià l'examen approfondi qu'appelle
son importance internationale. La Commission désire rappeler à
cette occasion l'obligation fondamentale de la Puissance mandataire
de donner effet non seulement aux dispositions du Mandat mais
encore à celles de l'articl22 du Pacte. )) (Journal oficiel de la
Sociétddes Xations, 1935, p. 1235.) Le rapport de la Commission

sur ce point, ainsi que sur d'autres questions, fut adopté par lc
Conseil, qui chargea le Secrétaire général decommuniquer aus
Puissances mandataires les observations de la Commission, en les
priant d'y donner la suite demandée par la Commission (ibid.,
p. 1148). Le Gouvernement de l'Afrique du Sud fit savoir au Secré-
taire généralqu'il ne serait pas représenté à la séancedu Conseil.
Il peut êtreutile ou non de rechercher les raisons qui portèrent ce
Gouvernement à s'abstenir de participer à une décisionqui portait
nettement sur une question importante, touchant un aspect
essentiel des droits et devoirs du mandataire. Six autres fois au
moins, le Gouvernement de l'Afrique du Sud ne sefit pas représenter
aux séancesoù le Conseil adopta des résolutions ou se livra à un
échangede vues au sujet du Sud-Ouest africain.

Le fait qui ressort donc assez clairement d'un examen de la pra-
tique du Conseil de la Sociétédes Nations en la matière est que l'on
n'y trouve pas de preuve concluante ni convaincante à l'appui de
l'opinion selon laquelle, dans la pratique, la règle de l'unanimité
s'appliquaitet étaitinterprétéed'unemanière confirmantl'existence
d'un droit de veto en faveur de la Puissance mandataire. Il serait
probablement plus exact de dire que, à supposer que ce droit ait
existé au début du fonctionnement de la Société desNations, i!
tomba en désuétudeet,partant, devint caduc. Certes, on s'attacha
à obtenir un vote concordant de la Puissance mandataire par des
efforts patients de compromis et de concessionsréciproques, notam-
ment sur la phraséologie des résolutions du Conseil. II est donc
probable qu'un cas mentionné à plusieurs reprises, encore que d'une

façon assez vague, dans l'exposé présenté devant les Nations Unies
par le Gouvernement de l'Afrique du Sud, cas où le Gonseil de la
Sociétédes Nations aurait renoncé, euégard àl'attitude de l'Afrique
du Siid,à une ligne de conduite qu'il avait envisagée, n'est pas
entièrement apocryphe. Il a dû nécessairement exister un certain
nombre de cas de cettenature. Mais ils n'étaient pas les seuls. Dans
d'autres cas, probablement plus nombreux, on obtint l'unanimité
parce que la Puissance mandataire adapta son attitude à l'opinion
généraledu Conseil ou, dans certains cas, parce que la Puissance
mandataire décidade ne pas prendre part à la séanceau cours de
laquelle le Conseil adopta la résolution.Il est probable- no-JSne
pouvons en dire plus - que cette Puissance adopta cette ligne de
conduite parce qu'elle la jugea préférable à un désaccord patent

avec le Conseil, par ailleurs unanime, ou à un débat public devant
une Assembléehostile et pratiquement unanime. A ce point de vue,
40 il s'attache nettement un certain degréd'irréalitéau fait d'insister
sur le caractère absolument unanime du vote au sein du Conseil. Le
Conseil n'était pas une simple machine à voter.
Il n'est pas sansintérêtde noter que, dans son ouvrage très com-
plet sur la question des mandats, le professeur Quincy Wright arrive
à la conclusion suivante : «Il est donc possible qu'une résolution
visant une Puissance mandataire donnée soit effective en dépit du
vote en sens contraire de cette dernière. D'autre part,ripeut penser
que le Conseil, lorsqu'il s'occupe des mandats, exerce une fonction
d'ordre administratif plutôt que quasi-judiciaire, auquel cas l'unani-

mitéabsolue ~ourrait êtrereauise. Il est ~robable aue le caractère de
la question particulière soumise au Conseilserait décisif,maisjusqu'à
présent le Conseil a toujours adopté ses résolutions à l'unanimité
absolue. »(Mandates under the Leagzteof Nations (193o),p. 132. La
même opinionest exprimée àla p. 522.)Quoi qu'il en soit, commeon
l'a déjà indiqué, le Conseil, en adoptant des résolutions relatives
aux mandats, exerçait essentiellement une fonction d'ordre quasi-
judiciaire. En dehors des garanties de procédure, il n'y a probable-
ment pas de différence essentielIe entre l'application judiciaire et
l'application administrative de la loi. Ainsi qu'il a étédémontré,la
circonstanceque desrésolutionsont été enfait acceptées àl'unanimité
absolue, nepermet pas dese prononcer de façon décisivesur la situa-
tion juridique examinée ici. La constatation du professeur Wright,
qui a étéreproduite ultérieurement par d'autres commentateurs

bien informés (voirDuncan Hall, Mandats, Depem.ienciesand Trustee-
ship (1948),p. 175)~selon laquelle, en fait, les décisionsdu Conseil
en matière des mandats étaient unanimes, est, à première vue,
exacte, si l'on ne tient pas compte de la circonstance que la Puis-
sance mandataire s'est abstenue occasionnellement de prendre part
à la réunion. Mais, ainsi qu'il a étédémontré,dans l'esprit de son
auteur il s'agissait nettement d'une constatation de fait et non de
droit. Ce fait se prête à des interprétations juridiques variables et
divergentes.
Il n'y a donc, dans lapratique du Conseil,pas d'élément concluant
permettant de passer outre aux considérations juridiques fondamen-
tales que j'ai mentionnées ci-dessus, à savoir que, dans un instru-
ment tel que le Pacte de la Société desNations, la règle générale
d'unanimité n'est Das en elle-même suffisanteDour écarter le Drin-
I
cipe selon lequel une partie ne peut êtrejuge en sa propre cause.
La condition d'unanimité, si exprès que soient les termes qui la
posent, est implicitement limitée par ce dernier principe, et il ne
faudfait rien de moins que son exclusion expresse pour autoriser
un Etat à,prétendre qu'en agissant comme juge dans sa propre
cause ilpossèclele droit de priver de tout effet une obligation inter-
nationale solennelle à laquelle il a souscrit. On devrait garder ce
principe présent à l'esprit, surtout dans le cas où c'est l'État sur-
veillé qui revendique le droit de réduire à néant, par son propre
vote, l'efficacité juridique de la surveillance. L'efficacité des obliga- .4\'ICOSÇ. DC 7 VI 55 (0~1s. IXDIV. 11. L.~~'TERP.ICH.T)
ïOj
tions internationales n'est peut-être pas la seule considération
dominante dans l'interprétation des traités, vu quc parfois l'inten-
tion des parties est de les rendre moins effectifs que leur but appa-
rent ne le donne à penser ; mais c'est une considération qui ne peut

êtrenégligée.Dans la mesure où le principe nemo judex in re sua
n'est pas seulement un principe général de droit expressément
sanctionné par la Cour, mais aussi un principe de bonne foi, 'cette
maxime est particulièrement applicable à propos d'un instrument
de caractère fiduciaire, tel qu'un mandat ou une tutelle, auquel
les considérations d'équité quiguident la conscience sont nécessaire-
ment applicables. Cette maxime est aussi un principe général de
droit reconnu par les Etats civilisés. Il n'y a donc pcs de raison
suffisante de supposer que, si la Cour permanente de Justice inter-
nationale avait été appelée à appliquer le principe posé par elle

dans son douzième avis consultatif à la question de l'unanimité à
propos de la fonction desurveillance du Conseilenmatièrede mandat,
elle aurait abandonné le princi~e qu'elle a formulé. Il est peut-être
étrange que, dix ans après la dissolution de la Sociétédes Nations,
la Cour se trouve en présencede la même question, mais ce n'est pas
une raison valable pour s'écarter de ce principe. Au surplus, rien
n'empêchela Cour d'interpréter le Pacte de la Sociétédes Nations
tel qu'il existait en 1945. Il amve souvent qu'une juridiction doive
statuer sur desdroits régulièrementacquis en vertu de traités ou de
lois qui ne sont plus en vigueur. Il n'y a pas de raison de pousser
icià l'extrêmela prudence judiciaire. En outre,dans le cas présent,

la Cour interprète essentiellement le Mandat qui, elle l'a dit à
plusieurs reprises dans son avis de 19.50,continue d'exister.
Je ne suis pas en mesure d'affirmer que je sois arrivé sans hésita-
tion à ma conclusion sur cet aspect de la question, ou que j'aie
étédisposéàfonder uniquement sur ce motif ma réponseaffirmative
à la question poséepar l'Assemblée généraleJ .e suis impressionné
par les doutes que M. Klaestad a exprimés à cet égard dans son
opinion individuelle. Nous devons, en effet, donner l'importance
qu'elle mérite à la règle généralede l'unanimité qui figure dans le
Pacte et au fait que l'on ne trouve aucun cas où le Conseil ait
explicitement affirmé son droit de prendre une décision valable

malgré l'objection formelle de l'État mandataire intéressé. En
mêmetemps, je dois attacher une importance égale et, je crois,
décisive,au principe généralque j'ai examiné et que la Cour elle-
mêmea appliqué dans son douzième avis consultatif ; à la pratique
que le Conseil de la Sociétédes Nations a suivie le plus souvent et
cela pas seulement pour le règlement des différends ;et surtout à
la coutume - quidansla pratique anglaise porte le nom de ((conven-
tion constitutionnelle N- selon laquelle les États mandataires n'ont
jamais en fait exercé un droit de veto. En outre, je doute que
l'Afrique du Sud aitun droit acquis au maintien d'une procédure de

vote immuable, étant donnéles changements effectifsou virtuels en
la matière dans la pratique de la Sociétédes Nations. Il n'y a pas de
& doute qu'avec le temps et sans aucun amendement formel, la
règle de l'unanimité absolue a cesséd'êtreun facteur auquel on
attachait invariablement une importance décisive.Outre la pratique
indiquée ci-dessus, cela est démontrépar l'adoption progressive de
pratiques telles que l'adoption de résolutions sousforme de « vŒux ))
ou de recommandations par simple majorité ; par le fait de traiter
certainesquestions de fond comme étant des questionsde procédure ;

par le fait de considérerl'abstention comme une absence ;et par
la pratique du vote à la majorité dans les comités. Lorsqu'en 1937
les Membres de la Sociétédes Nations ont exprimé leur opinion
sur le point de savoir si l'unanimité absolue du Conseil était requise
pour demander un avis consultatif, une grande majorité de ceux
qui ont exprimé leur opinion ont contesté l'existence de cette
condition. Il en fut ainsi, bien que dans ce cas il y eut des raisons
d'une certaine importance pour maintenir la règle de l'unanimité
absolue ; eu égard au principe que les États ne peuvent être
contraints, directement ou indirectement, de soumettre leurs
différends à la Cour. Une interprétation correcte d'un instrument
constitutionnel doit tenir compte non seulement de la lettre formelle
de l'instrument original, mais encore de son fonctionnement dans
la pratique effective et à la lumière des tendances qui se sont
révélées dans la vie de l'Organisation. Cela étant, bien que je ne

sois pas disposéà dire que la thèse principale de l'Afrique du Sud
fût entièrement mal fondée, je ne peux l'accepter comme étant
juridiquement correcte.
Pour ces raisons, ma conclusion est que l'article F projeté n'est
pas incompatible avecune interprétation exacte de l'avis rendu par
la Cour en 1950, dans la mesure où il est fondésur le principe que le
vote contraire de l'État mandataire ne pouvait dans tous ces cas
détruire l'unanimité requise au sein du Conseil de la Sociétédes
Nations.
***

Question 2 : L'Assemblée généralp eeut-
ellesuivre une firocédurdee votedigérenk
de la firocédurfirévueà l'article18 dela
Charte?
Quoique la Cour ait décidéqu'il n'est pas nécessaire qu'elle

examine la thèse de l'Union sud-africaine dans la mesure où
celle-ci se fonde sur la proposition d'après laquelle, pour être
valables, les décisions du Conseil de la Sociétédes Nations
devaient être prises à l'unanimité absolue, la Cour n'aura pas vidé
entièrement la question dont elle est saisie. En effet, ainsi que le
laisse entrevoir la demande d'avis consultatif, il reste la possibilité
de recourir à des procéduresde vote autres que l'unanimité absolue
ou la majorité des deux tiers prévue par l'article F. L'assemblée
généralea expressémentdemandéà la Cour de lui dire quelle autre
procédure de vote elle devrait suivre au cas où elle conclurait que l'article F est incompatible avec son avis de 1950. Il peut y avoir
une unanimité qualifiée (c'est-à-dire non compris le vote de l'État
chargéde l'administration du territoire) ou une forme de majorité
intermédiaire entre l'unanimité et la majorité des deux tiers, telles
une majorité des trois quarts ou des quatre cinquièmes, ou toute

autre majorité dans laquelle seraient comprises les voix de certains
États ou groupes d'États, notamment des États représentésau
Conseilde Tutelle ou des Etats chargésde l'administration de terri-
toires sous Tutelle. Peut-on dire que ces diverses procéduresde vote,
aussi bien que l'unanimité absolue, sont exclues du fait que, consti-
tutionnellement, la Charte des Nations Unies les rend inadmissibles,
et que la seule procédure de vote ouverte à l'Assembléegénéraleest
la majorité simple ou la majorité des deux tiers ?Est-il juridique-
ment possible à l'Assembléegénérale, quellesque soient les circons-
tances, d'adopter une procédure de vote différente de celle que
prévoitla Charte, savoir la majorité simple ou la majorité des deus
tiers ? Est-elle fondée en droit à décider que les questions d'une
catégorie déterminée seront tranchéesà l'avenir suivant l'une des

procédures de vote susmentionnées? Si l'Assembléegénéraleest
fondéeendroit à adopter l'une quelconque de ces méthodes devote
et si, à l'examen, il apparaît que l'articleF, en remplaçant la règle
de l'unanimité par la majorité des deux tiers, ne se rapproche pas,
autant que possible, de la procédure suivie par le Conseil de la
Sociétédes Nations, la question de sa compatibilité avec l'avis
rendu par la Cour en 1950 se pose de façon aiguë. Dans quel sens
faut-il répondre à ces questions ?
En d'autres ternes, faut-il considérerque l'article F se rapproche
« autant que possible » de la procédure suivie par le Conseil de la
Société desNations pour la raison que le système de vote prévu par
la Charte ne donne ni la possibiliténi la faculté desuivre une procé-
dure de vote différentede la majorité simple ou de la majorité des

deux tiers ?La Cour avait-elle cette,restriction en vue lorsqu'elle a
employé l'expression ((autant que possible )>? On a répété à plu-
sieurs reprises au cours des débats de l'Assembléegénéraleet du
Comitédu Sud-Ouest africain qu'il en était sinsi. Ce problème est
d'une importance primordiale pour l'ensemble de la question. L'on
ne saurait éviter d? l'examiner - et de le résoudre - en arguant
qu'une réponse positiveest une impossibilité juridique. L'Assemblée
généralene l'a pas envisagé sousce jour puisque, comme je viens de
le dire, elle a demandé en termes exprès à la Cour, pour le cas où
celle-ci répondrait par la négative à la question principale, de dire
quelle autre procédurede vote il conviendrait d'adopter. La réponse
à cette question d'ordre constitutionnel ne peut davantage être

considérée commeévidente en soi par voie dJ«interprétation »en ce
sens que, la Cour ayant estiméque la surveillance incombe à l'As-
semblée générale,celle-ci ne pourrait adopter en la matière une
procédure différentede cellequeprévoitla Charte, et qu'en adoptant
l'article F elle a suivi autant que possible la procéduredu Conseildela Sociétédes Nations. Ce serait là une pétition de principe. Je ne
pense pas non plus qu'il soit permis de l'esquiver parce qu'une pra-
tique déconcertante et des considérationsde principe contradictoires

sont venues la compliquer.
En principe, il semble qu'il n'est pas juridiquement possible à
l'Assemblée généralede décider - à la majorité simple ou à la
majorité des deux tiers - qu'une question ou une catégorie de
questions, ou mêmetoutes les questions, devront êtretranchées
à l'avenir à la majorité des trois quarts ou des quatre cinquièmes
ou encore à l'unanimité des voix. Les raisons que l'on peut invo-
quer à l'appui de cette opinion sont convaincantes. Si 1'Assem-
blée généraleprenait une telle décision, elle priverait certains de
ses membres, encore indéterminés,du droit qui leur est garantipar
la Charte de faire trancher une question par un vote à la majorité
des deux tiers auquel ils participent. S'il en est ainsi, il appert
que l'Assemblée généralen'est pas fondée en droit à adopter une
procédure de vote spéciale, même pourmettre en Œuvre un avis

consultatif de la Cour. Toute modification à cet ordre nécessite
un amendement à la Charte. Cette manière de voir est confirmée
par des considérations juridiques d'une force évidente.
L'importance de la majorité requise pour la validité des décisions
d'un corps politique constitué n'est pas une simple question de
commodité technique ou d'évaluation mathématique. Elle est
l'expression de la conception politique sur laquelle se fonde l'organi-
sation. L'étude des travaux préparatoires de la conférence de
San-Francisco et des propositions de Dumbarton Oaks révèleque
le système de vote actuel ne fut adoptéqu'aprèsde longues délibéra-
tions. De toute façon, il fait actuellement partie du droit de la
Charte. Contrairement au Pacte de la Sociétédes Nations, la Ckarte
des Nations Unies a pour principe fondamental, pour employer une
forme négative, le rejet de la règlede l'unanimité. Elle ne contient
aucune disposition qui prescrive ou permette à l'Assemblée générale
d'exiger l'unanimité ou une forme quelconque de majorité autre

que la majorité simple ou la majorité des deux tiers (bien que, et
cela est significatif, les articles8 et 109 prévoient une majorité
qui doit nécessairement comprendre les membres permanents du
Conseil de Sécurité). Il n'entre pas dans le propos de la présente
opinion individuelle de rechercher la raison ou les buts de ce système
de vote fondé sur le rejet de la règle de l'unanimité ou de tout
système analogue. Il suffit de dire que la méthode adoptée est
conforme à la structure de l'organisation des Nations Unies conçue
comme entité existant en quelque sorte indtpendamment de ses
Membres et dotéed'une personnalité propre - dont l'un des aspects
est illustré de manière très nette dans l'avisqut la Cour a rendu
dans l'affaire des Dommages - par opposition à la Sociétédes
Nations qui, du fait que ses décisionsétaient prises selon le principe
de l'unanimité, par voie d'accord plutôt que par un vote à la
majorité, présentait les caractéristiques d'une association de nature

différente.
45 En principe, il semblerait que, dans tous les cas où le texte
fondamentald'un-corps politique constitué prescrit la manière dont
se formera et s'exprimera sa volonté collective, ce texte est sou-
verain en la matière, et qu'il est impossible d'y déroger.Dèslors,
seul un amendement constitutionnel et non pas un acte législatif
peut autoriser le recours à une autre procédurede vote. Cela étant,

il semble que dans le cas des Nations Unies, il importerait peu que
la décisionsoit prise conformément aux buts de l'organisation des
Nations Unies, ou en vertu d'une fonction conféréepar un texte qui
lui est étranger, tel par exemple un traité. Il faut en tout cas que
cette fonction ne sorte pas des limites de sa compétence telle
qu'elle est définie dans la Charte. Car l'organisation ne peut
accepter une tâche qui ne rentre pas dans le cadre des fonctions qui
lui sont assignéespar sa constitution. Ainsi, si deux ou plusieurs
ztats conféraient, par traité, à l'Assemblée généralecertaines
fonctions relatives au règlement pacifique des différends - par
exemple s'ils lui confiaient le soin de nommer à cet effet une com-
mission d'arbitrage ou de trancher elle-mêmele différend - et si
le traité stipulait que les décisions voulues doivent êtreprises à
la majorité des trois quarts ou des quatre cinquièmes, ou à une
unanimité qualifiée, ilsemble qu'en principe l'Assembléegénérale

ne pourrait s'engager dans cette voie. Elle ne saurait tourner une
disposition apparemment impérative de la Charte en acceptant la
mission que lui confie un traité. S'il en était autrement, il serait
possible de modifier, au moyen de traités extrinsèques, le caractère
de l'organisation dans un secteur important de son activité.
Telles étaient probablement les raisons - bien qu'elles n'aient
pas été expressément formulées - qui ont conduit certains Membres
des Nations Unies à soutenir qu'en rendant son avis en 1950, la
Cour avait en vue la procédure de vote de l'Assembléegénérale
telle qu'elle existe actuellement et qu'elle avait écartétoute possi-
bilité de la rendre conforme à la prescription dominante selon
laquelle le degré de surveillance ne saurait dépasser celui qui a
étéappliqué sous le Régime des Mandats. Ce faisant, ils ont pu
citer l'avis consultatif no 12, relatif à l'Interprétation du Traitéde

Lausanne, dans lequel la Cour semblait poser le principe qu'un
corps politique chargé par un instrument extrinsèque de prendre
une décisionne peut lefaire que conformément à sa propre procédure
de vote. Si cette manièk de voir, si fortement confirméepar des
considérations de principe et, apparemment, par la Cour, est
exacte, il est clair que l'on ne saurait contester la validitéde l'arti-
cle F en alléguant qu'il ne se rapproche pas, comme il aurait dû le
faire, de la procédure suiviepar le Conseil de la Sociétdes Nations.
En d'autres termes, cela signifie que l'article F correspond à une
interprétation exacte de l'avis de 1950, étant donné que a) la
règlede l'unanimité absolue, mêmesi elle était correcte, ne pouvait
êtreappliquée en raison du caractère absolument obligatoire de la
procédurede vote prévuepar la Charte, et b) pour la mêmeraison,

46il n'était pas juridiquement possible à l'Assembléegénérale d'adop-
ter une autre procédure n'allant pas jusqu'à l'unanimité absolue.

Bien que la manière de voir exposée ici semble confirméepar des
considérations de principe et par la pratique, il existe dans ces deux
derniers domaines des considérations en sens contraire. En fait,

dans le douzième avis consultatif, après avoir énoncéla règledans
une acceptioll bien déterminée,la Cour permanente de Justice inter-
nationale lui donna ensuite le sens exactement opposé.Elle com-
mença par rejeter l'opinion avancée par la Grande-Bretagne, selon
laquelle la règle de l'unanimité énoncée à l'article5 du Pacte ne
visait que l'exercice de pouvoirs conféréspar le Pacte même.Elle
déclara :((Le fait qu'il s'agit en l'espèced'un pouvoir qui dépasse
les attributions ordinaires du Conseil, ne saurait évidemment être
invoqué comme un argument pour diminuer les garanties dont le

Pacte a cru nécessaire d'entourer les décisionsdu Conseil » (Série
B, no 12, p. 30). Elle semble donc avoir adopté le point de vue qui,
je l'ai dit, est apparemment conforme aux principes, selon lequel un
corps politique ne peut agir que conformément à la procédure fixée
par sa constitution. Cependant, après cette constatation, la Cour a
restreint la portée de cette règle apparemment générale.Elle dit :
« Nul ne conteste d'ailleurs que le Conseilpuisse accepter de prendre
des décisions à la majorité des voix, si ce pouvoir est expressément
prévu pour des cas déterminés, dans des textes conventionnels ))

(p. 30). De même,après avoir mentionné le caractère obligatoire
de la procédurede vote «d'un corps déjà constitué,ayant sespropres
règlesd'organisation et de procédure »,elle limita la portée de cette
constatation en ajoutant : «si une volontécontraire n'est pas expri-
mée » (p.31).
Pour limiter ainsi le principe majeur qu'elle avait énoncéet dont
elle s'étaitinspirée,la Cour pouvait en fait invoquer dans une large
mesure - bien qu'elle n'en fit pas mention - une pratique consi-
dérable de la Société des Nations. Lesrèglesde procédure, adoptées

par l'Assemblée et par le Conseil de la Société,constituent un
exemple significatif de cette pratique. Aux termes de l'article 5 (1)
du Pacte : «Sauf disposition expressément contraire du présent
Pacte ou des clauses du présent traité, les décisions de l'Assemblée
ou du Conseil sont prises à l'unanimité des Membres de la Société
représentés à la réunion. » Les règles de procédure élaboréespar la
suite pour l'Assembléeet pour le Conseil apportaient cependant à
cette règle une dérogation importante - bien qu'elle n'apparaisse
pas à première vue. Les termes de l'article 5, paragraphe 1, du

Pacte, reproduits dans l'article 19 (1) du Règlement de l'Assemblée,
ont subi une modification importante. Les termes (ou des clauses
du présent traité N ont étéremplacés par ((d'un traité 1)La même
modification apparaît à l'article 8, paragraphe I, du Règlement duConseil. Dans le Règlement du Conseil, adopté le 26 mai 1933, cet
aspect de la question est préciséplus clairement encore. L'arti-
cle 9 du Règlement revisé dispose: Sauf disposition expressément
contraire du Pacte ou des clauses de tout autre acte dont il s'agit de
faire application, les décisionsdu Conseil sont prises à l'unanimité

des Membres de la Sociétéreprésentés à la réunion. 1)

En outre, un grand nombre de traités conclus à la suite des
traités de paix, et, dans certains cas, expressément acceptés par le
Conseil, prévoyaient une forme quelconque de vote à la majorité,
par opposition à l'unanimité. C'est notamment le cas des (traités
de Minorités )qui tous contenaient des dispositions permettant au
Conseil de proposer des modifications à ces traités par vote à la
majorité des voix. Des dispositions analogues furent inséréesdans
d'autres actes, par exemplel'article 4 de la Déclaration du 9novem-
bre I 21 des Principales Puissances alliées au sujet de l'Albanie ;
l'artic e 15 du Deuxième Protocole de Genèvedu 14mars 1924con-
cernant le relèvement économique de la Hongrie ; l'article 14 de
l'annexe 2 et l'article 4 de l'annexe 3 de l'accord de Memel du

8 mai 1924 conclu entre les Principales Puissances alliées et la
Lithuanie ;l'articl9 de l'accord financier du 9 décembre1927entre
la Bulgarie et la Grèce;l'article 7 de la convention du 20 octobre
1921relative à la non-fortification eà la neutralité desîlesd'Aland;
l'article 8 du pacte de Locarno du 16 october 1925 ;l'article 28
(3) du traité d'assistance financière du 2 octobre 1930. Et, bien
entendu, il existait de nombreuses dispositions à cet effet dans les
traités de paix qui, comme on l'a déjà dit, ont étémentionnés
en termes exprès dans le Pacte. Les auteurs qui ont commenté
d'une manière détailléeles amendements apportés aux règles de
procédure et aux clauses de ces traités n'ont marqué aucune ten-
dance à mettre en doute d'aucune manière leur opportunité (voir

Schücking-Wehberg, Die Satzung des Volkerbundes,3meéd., vol. 1
(1931)~pp. 517, 521 ; Ray, Commentaire du Pacte de la Société
des Nations (1g30), pp. 226, 227 ;Stone, dans le British Year
Book of Internatiolzal Law, 34 (1933)~pp. 33-35).
Eu égardà la pratique de la Sociétédes Nations et de la restric-
tion importante au principe, apparemment dominant, qui a été
exprimé par la Cour dans son douzième avis consultatif, ainsi que
de considérationsd'ordre pratique, on ne peut dire, en règleabsolue,
que l'Assemblée générale nepeut, en aucune circonstance, adopter
une méthode de vote autre que celle fixéepar la Charte. Il n'y a
pas placepour l'emploi de termes tellement fortsqu'ils indiqueraient
qu'une telle modification de la procédure de vote est une impossi-
bilitéjuridique. La pratique de la SociétédesNationsafréquemment

réalisécette impossibilité juridique et la Cour lui a expressément
donné son approbation. D'autre part, étant donné le caractère
convaincant des considérations en sens contraire exposées ci-dessus,
il me semble qu'il n'est pas permis d'aller aussi loin que le Règlement
48 intérieur de l'Assemblée générale oudu Conseil de la Société des
Nations - ou, en fait, que la Cour permanente dans son douzième
avis consultatif - et d'affirmer que l'organisation peut modifier sa
procédurede vote chaque fois qu'elle est appeléeà agir en vertu d'un
traitéautre que sa propre Charte constitutionnelle. La règleexacte
semble se situer à mi-chemin de ces deux solutions. La pratique,

ainsi que des considérations d'ordre utilitaire, tendent à justifier une
règle permettant une certaine souplesse qui ne serait pas incom-
patible avec la structure fondamentale de l'organisation. Dans le
cadre de ces limites on est, à mon avis, fondéà dire qu'une telle
modification est justifiée en vertu des termes d'un traité général,
dans l'intérêtinternational général,et à propos des institutions
et arrangements de portée internationale, plus particulièrement
dans les cas où l'Assemblée généraleagit en subrogation d'un
organe qui, jusque-là, exerçait les fonctions visées. C'est ce qui
se présente en l'occurrence. Si l'Assemblée généraledoit exercer

ses pouvoirs en la matière essentiellement en fonction de la Charte,
telle qu'elle a étéinterprétéepar la Cour dans son avis de 1950,
et plus particulièrement des articles IO et 80, elle doit également
les exercer en application du Régime des Mandats qui existe tou-
jours et dont les obligations, ainsique.l'a déclaréla Cour, continuent
à lier l'Union sud-africaine à l'égard du territoire tenu en vertu du
Mandat international assumé Dar elle en 1a2o. Cela étant. ,l vJa
place, en droit, pour une modification de 1; procédure de vote de
l'Assemblée générale à l'égard des questions relevant de pouvoirs
d'origine double en ce sens qu'ils émanent, d'une part, de la Charte

et. d'autre art. du Mandat. Dans la mesure où des considérations
d'intérêt ikekational peuvent valablement entrer en ligne de
compte dans une situation quelconque, elles ont d'autant plus
de poids dans la présente affaire où il s'agit de l'exercice d'une
tutelle internationale sur un territoire possédant un statut inter-
national, qui a déjà fait l'objet d'un avis antérieur de la Cour et
qui a donnélieu à des difficultésd'ordre international.
La question à résoudre est de savoir s'il existe en l'occurrence
un traité répondant aux caractéristiques ci-dessus. Les termes de
l'avis de 1950 amèneraient à répondre par la négative, en ce

sens qu'ils précisent que (la compétence de l'Assembléegénérale
des Nations Unies pour exercer un tel contrôle et pour recevoir
et examiner des rapports se déduit des termes généraux de l'arti-
cle IO de la Charte ))(p. 137). Toutefois, ce passage doit êtrelu
non pas isolément mais en tenant compte du contexte de l'avis
ainsi que de l'origine double des fonctions de surveillance de
l'Assemblée générale. La véritable signification du passage en
question est que l'article IO de la Charte confère à l'Assemblée
générale la compétence nécessaire pour exercer les fonctions
découlant de l'acte international qui établit le statut international

du territoire visé,à savoir, le Mandat. C'est de ce Mandat qu'éma-
nent en premier lieu les pouvoirs de l'Assemblée généralet,andis AVIS CONS. DU 7 VI 55 (OPIX. INDI\'.M. LAI~TERP.~CHT) II3

que la compétence pour faire exécuter le Mandat découle de
l'articleIO.
Ilrésulte de ce qui a été ditplus haut qu'il n'y a pas de raison
de considérer comme un dogme, qui ne doit être prouvé et au
sujet duquel on peut écarter toute preuve contraire, la règle selon
laquelle l'Assembléegénéralene peut en aucune circonstance agir
conformément à une procédure différente de celle prescrite par
l'article 18. Dans ces conditions, quelles sont les modifications

que l'on pourrait, à bon escient, envisager d'apporter à la procé-
dure de vote de l'Assembléegénérale à cet égard ? Il est évident
qu'en vertu du principe juridique formulé ici, l'on ne saurait
envisager d'appliquer la règle de l'unanimité absolue - qui serait
de toute façon écartéepar suite de la réponse donnée à la ques-
tion I - pour la raison qu'elle s'oppose à la doctrine fondamen-
tale de la Constitution des Nations Unies, à savoir l'abandon
de la théorie de l'unanimité. Pour le mêmemotif, il semble qu'il
n'y ait pas place pour un système d'unanimité qualifiée, dans
laquelle ne serait pas comprise la voix de 1'Etat mandataire -

système auquel on pourrait de plus objecter qu'il placerait l'union
sud-africaine dans une position meilleure, à certains égards, que
celle dont elle bénéficiaitdans le système de vote appliqué par
le Conseil de la Sociétédes Nations. En effet, le nombre d'États
représentant l'unanimité à l'Assemblée générale est environ quatre
fois plus élevéqu'au Conseil de la Sociétédes Nations.
L'on pouvait cependant - et on le peut toujours - examiner
la possibilité de recourir à des procédures de vote se situant à
mi-chemin d'une unanimité qualifiée et d'une majorité des deux
tiers. Il n'entre pas dans le propos de cette opinion d'examiner
ces solutions. Certaines d'entre elles présentent sans doute un

caractère quelque peu artificiel en ce sens qu'elles doivent néces-
sairement ignorer les différences de composition de l'Assemblée
généraleet du Conseil de la Sociétédes Nations. Les débats de
l'Assemblée généralerévèlent une absence quelque peu trou-
blante d'efforts en vue d'examiner, à cet égard, les possibilités
qui semblent le plus praticables - ce qui s'explique peut-être
du fait que le Gouvernement de l'Union sud-africaine prétendait
s'en tenir, sans en démordre, à la notion de l'unanimité absolue
et qu'il n'a pas proposé d'autres solutions. L'on pourrait notam-
ment envisager une solution qui, par voie d'analogie avec les

articles 108 et ~og de la Charte, consisterait à atténuer la règle
de la majorité des deux tiers, telle qu'elle est énoncéedans l'arti-
cle F, en stipulant que cette majorité devra inclure, soit tous les
membres du Conseil de Tutelle autres que l'union sud-africaine,
soit tous ceux de ses membres chargés d'administrer des tem-
toires sous Tutelle, à l'exception de l'Union sud-africaine. Je ne
suis pas disposé à dire qu'une solution de ce genre, qui reprendrait
les termes mêmesde l'article 18 de la Charte, serait incompatible
avec elle. Il y a peu de mérite dans une interprétation judiciaire

50 qui s'attacherait à rechercher ce qu'il y a de plus rigide dans une
constitution écrite et à simplifier la question en se concentrant
exclusivement sur les solutions extrêmes. Ainsi, tandis que l'una-
nimité absolue ou qualifiée peut être absolument étrangère à
l'esprit de la Charte, et, à ce titre, incompatible avec elle, cela
ne s'applique pas aux autres solutions n'allant pas jusqu'à l'una-
nimité. En particulier, lorsque l'Assemblée généralereprend les
fonctions d'un corps dont on lui enjoint de suivre la procédure
autant que possible, il me parait raisonnable d'examiner dans un
esprit d'accommodement et libre de toutes exagérations de langage,
les autres solutions appropriées à la situation et qui ne sont pas
fondamentalement incompatibles avec la Charte.

En conséquence, dans la mesure où l'article F omet de prévoir
la possibilité d'apporter, dans la procédure de vote de'l'Assemblée
générale, desmodifications qui ne seraient pas incompatibles avec
les principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies appli-
cables en la matière, et si la réponse que je donnà la question 3
ne m'en empêchait pas, je pourrais me voir obligé de considérer
que l'article F ne se rapproche pas, autant que possible, de la
procédure de vote suivie par le Conseil de la Sociétédes Nations
et que, dans la mesure où il implique un degréplus élevéde sur-
veillance, il n'est pas conformeà l'avis rendu en 1950. Telle n'est
cependant pas ma conclusion, parce que ma réponse à la ques-
tion 3 est que, les décisions de l'Assembléegénéralen'ayant pas
le mêmeeffet juridique que celles du Conseil de la Sociétédes
Nations, l'articleF n'implique pas un degré de surveillance supé-
rieur à celui qui était appliqué sous le Régimedes Mandats et que,
dès lors, il correspondà une interprétation exacte de l'avis rendu
par la Cour en 1950.

Question 3 :En matièrede sz~rveillance,
les décisionsde l'Assembléegénéraloent-
elles le mêmeedet jz~ridiqt~e'qiellesdu
Conseil dela Sociétédes Alration?

La dernière question et, à mon point de vue, la question déci-
sive, est de savoir si l'on ne peut dirà bon droit que l'article F
est conforme à l'avis rendu par la Cour en 1950 vu que ce qu'on
demande à l'Afrique du Sud d'accepter, ce sont des décisions prises
à la majorité, qui sont ou ne sont pas obligatoires ou pleinement
obligatoires, au lieu de décisionsqui étaient obligatoires ce qui
revientà dire que ce qu'on lui demande d'accepter c'est un système
de surveillance qui, loin d'êtreplus rigoureux, l'est beaucoup moins.
Mêmesi l'on admet que l'Afrique du Sud n'était pas liéepar les
décisions du Conseil de la Société des Nations auxquelles elle

5 = AVIS CONS. DU 7 VI 55 (OPIK. IXDIV. sr.LAUTERPACHT) 115

n'avait pas donné son accord et qu'elle pouvait empêcher ces
décisions d'êtreappliquées, ne peut-on dire qu'elle n'est pas liée
ou pleinement liée par les décisionsde l'Assembléegénéralepour
la simple raison que celles-ci ne sont pas obligatoires ou pleinement
obligatoires ?Si la Cour acceptait cet argument, elle devrait rejeter
l'idéeque l'article F implique un degréde surveillance qui dépasse
celui qui était observé sousle système des Mandats. Cet excès de
surveillance serait réalisé si les décisionsde l'Assembléegénérale
prises par une majorité des deux tiers avaient la même forcelégale
et obligatoire que les résolutions unanimes du Conseil de la Société

des Nations. Au contraire, si, en fait, la situation est telle que,
malgré le dépassementpar l'Assembléegénérale dela surveillance
du Conseil de la Sociétédes Nations, en tant qu'elle s'exerce par
la majorité des deux tiers, ce qui fait échec aux garanties qui
s'attachent à l'unanimité, cette surveillance est en mêmetemps
moifis rigoureuse parcc qu'elle s'exerce au moyen de décisions
d'un caractère moins obligatoire que celles du Conseil de la Société
des Nations - si telle est la position, n'est-on pas fondé à dire
qu'il y a une équivalence sommaire de surveillance qui ramène
l'articlF dans les termes poséspar la Cour dans son avis consultatif
de 1950 ?A mon avis, cet argument est pertinent en l'espèceet exact
au fond.

Bien que les décisions de l'Assembléegénérale jouissentd'un
plein effet juridique dans certains domaines de l'activité des
Nations Unies, et d'un effet juridique limitédans d'autres domaines,
on peut dire, en généralisant,qu'elles ne sont pas juridiquement
obligatoires pour les Membres des Nations Unies. Dans certains
domaines - tels que l'électiondu Secrétaire général, l'élection des
membres du Conseiléconomiqueet social et de certains membres du
Conseil de Tutelle, l'adoption des règlesde procédure, l'admission,
la suspension et le retrait de la qualité de membre, l'approbation
du budget et la répartition des dépenses - les pleins effets juridi-
ques des résolutionsde l'Assembléegénéralesont indéniables.Mais,

en général,elles se présentent sous forme de recommandations et,
de par leur nature même, lesrecommandations ne créentpas d'obli-
gations juridiques de passer à exécution, bien qu'en certaines
circonstances appropriées elles constituent une autorisation légale
pour les membres décidésà s'y conformer soit individuellement,
soit collectivement. Il en est ainsi, bien quel'artiFlet la présente
requête d'avis de l'Assemblée généralevisent l'une et l'autre
« des décisions))qui, dans le-langageordinaire, signifient des expres-
sions de volonté obligatoire. En fait, la requête de l'Assemblée
générale et l'article spécial F, lorsqu'ils parlent de «décisions »,
entrisagent des décisionsdans leur sens plus large et en quelque

sorte non technique tel qu'il est employé dans l'article 18 de la
Charte des Nations Unies. On a entendu se référeraux résolutions
d'une manière générale.C'est un terme génériquequi, s'il ne figure
pas dans la Charte, a trouvé sa place dans la pratique des Nations
52Unies. Or, le mot -«résolution» vise deux matières distinctes :
tantôt iPvise des décisionsqui ont, à l'occasion, un effet obligatoire
défini soit pour les Membres des Nations Unies, soit pour leurs
organes, soit pour les deux, soit pour les Nations Vnies dans leur
ensemble. Mais, normalement, on entend par là des recommanda-
tions, ainsi nommées à bon escient, dont l'effet juridique, s'il n'est
pas toujours nul, est plus limité et se rapproche de ce qui; pris
isolément, apparaît n'êtrerien de plus qu'une obligation morale.
Telle est également, en principe, la position concernant les
recommandationsde l'Assembléegénéralese rapportant àl'adminis-
tration des territoires sous Tutelle. Les accords de Tutelle ne
prévoient pas pour l'autorité administrante l'obligation juridique
de se conformer aux décisions prises par les organes des Nations
Unies en matière de tutelle. Il n'y a donc pas d'obligation juridique

de la part de l'autorité administrante d'adopter ou d'abroger une
mesure législative ou administrative particulière, dans le but de
donner effet à une recommandation de l'Assemblée générale.
L'obligation juridique incombant à l'autorité administrante est
d'administrer le territoire sous Tutelle conformément aux principes
de la Charte et aux dispositions de l'accord de Tutelle, mais pas
nécessairement suivant telle recommandation particulière de
l'Assembléegénéraleou du Conseil de Tutelle. Il en est ainsià la
fois en droit positif et en bon gouvernement. C'estl'autoritéminis-
trante et non l'Assembléegénéralequi est directement responsable
du bien-êtrede la population du territoire sous Tutelle.Il n'y a pas
de garanties suffisantes d'opportunité et d'applicabilité dans une
recommandation particulière émanant d'un corps politique qui
agit parfois sous la pression de son travail, qui est parfois privé
d'avis et d'informations spécialisés, et qui ne peut toutefois
prévoir les conséquences d'une mesure donnée dans le cadre de

l'ensemble de la législationet de l'administration du territoire sous
Tutelle. L'Assembléegénéralea fait des recommandations dans le
domaine de la Tutelle, à maintes reprises, et comme une chose
allant de soi. Prétendre qu'une recommandation particulière est
obligatoire, en ce sens qu'il y a obligation légale de lui donner
effet, est contraire non seulement à la règle fondamentale que
l'Assembléegénéralen'a pas le pouvoir législatif et ne peut lier
sesmembres par des recommandations, mais encore, pour lesraisons
déjà indiquées, contraire à des considérations importantes de bon
gouvernement et de bonne administration.
En fait, les États qui administrent les territoires sous Tutelle
ont souvent affirmé leur droit de ne pas accepter les recomman-
dations de l'Assembléegénérale oudu ConseildeTutelle approuvées
par l'Assemblée générale.Ce droit n'a jamais étésérieusement
contesté. Ily a de nombreux exemples de refus catégorique de la
part de l'autorité administrante de se conformer à une recomman-

dation. Cela,s'est produit, par exemple, à propos de la recomman-
dation du Conseil de Tutelle qui a considéré, à sa troisième session(A/603, Comptes rendus oficiels de l'Assembléegénérale3 ,rnesession,
suppl. no 4, p. 31), que l'organisation des tribus existant au Tan-
ganylka est un obstacle au progrès politique et social de la popu-
lation indigène - recommandation que l'autorité adrninistrante
a rejetéeparce que (partout les meilleurs éléments dela population
sont fortement attachés aux institutions de leurs tribus et, dans
la plupart des cas, opposent une résistance énergique à des sugges-
tions de mpdificationssérieuses 1)(Rapportpour1948,p. 52).Quand le
Conseil de Tutelle a ~scommandéune étudedu problèmedel'intro-
duction d'un système de suffrage universel applicable à tous les
habitants du Samoa occidental (A/g33, Comptesrendus oflciels de
l'Assembléegénérale, qmesession, supplément no 4, p. 58)l'autorité
administrante a fait connaître au Conseil que ((ce serait une erreur
complète d'imposer aux Samoans un changement radical de leurs

coutumes et que l'introduction du suffrage universel au stade actuel
seraitincompatible aveclerespect delaculture samoane, quel'autorité
chargéede l'administration, comme les pouvoirs'publics du Samoa
occidental, ont étépriés de respecter par le Conseil de Tutelle »
(Document A/1go3/Add. 2, p. 9). Quand le Conseil de Tutelle, à
propos de Nauru, a recommandéque les valeurs destinéesà l'inves-
tissement à long terme provenant des redevances ne soient pas
nécessairement limitéesaux fonds d'État australien mais que ces
fonds soient librement investis au mieux des intérêtsdes habitants,
l'autorité administrante a donné les raisons pour lesquelles elle ne
pouvait suivre cette recommandation (A/933, Comptes retzdus
oficiels de l'Assembléegénérale,qme session, suppl. no 4, p. 77 ;
A/13o6, 5mesession, suppl. no 4, p. 134). Lorsque le Conseil de
Tutelle a recommandé qu'on examine à nouveau la question de la

capitation dans les îles du Pacifique, l'autorité administrante a
donné les raisons pour lesquelles, à son avis, c'était une forme
d'impôt s.atisfaisante et souhaitable dans lesconditions économiques
et politiques existant dans ce territoire sous TutelleS/1358, p. 13 ;
S/1628, p. 15 : Rapports du Conseil de Tutelle au Conseil de
Sécurité).
*
* *
J'ai développé,d'une façon qui paraîtra peut-être trop longue,
une question qui ne semble pas controversée,à savoir que les recom-
mandations de 1'AssembSe généralene sont pas obligatoires. Je l'ai
fait en me référant à des recommandations pertinentes pour la
questionactuellement soumise à la Cour, à savoir : des recommanda-
tions relatives aux territoires sous Tutelle. Elles sont pertinenkes

bien que le territoire du Sud-Ouest africain ne soit pas un territoire
sous Tutelle. Toutefois, à moins qu'on ne l'explique de façon adé-
quate et avec les réserves nécessaires, cet exposéde la position
juridique doit être nécessairement si incomplet qu'il induit en
erreur. Pour les raisons énoncées à la fin de cette opinion indivi-
duelle, bien que je fonde ma réponse à cette question sur l'idéeque

54 les décisions de !'Assemblée générale ne possèdentpas la même
valeur jundique que celles du Conseil de la Sociétédes ?rations, je
considère qu'il est essentiel d'expliquer cet aspect de la présente
opinion et de l'entourer de réserves. Une chose est d'affirmer le
principe à peu prèsévident que les recommandations de 1'Xssemblée
généraleen matière de Tutelle ou en d'autres domaines, ad.ressées
aux Membres des Nations Unies, ne sont pas juridiquement obliga-
toires pour ceux-ci, en entendant par ce terme qu'il y a une obliga-
tion de leur donner plein effet, une autre chose est de souscrire à
l'opinion que ces recommandations n'ont aucune force, juridique

ou autre, et que par conséquent elles ne sauraient faire partie,
en aucun sens, d'un système de surveillance jundique.
Tout d'abord, toutes les résolutions de l'Assemblée générale
sur la question ne se présentent pas sous la forme de recommanda-
tions adressées à l'autorité administrante. Elles ont souvent, en la
forme et au fond, la qualité de directives adresséesaux organes des
Nations Unies, tels que le ConseildeTutelle ou le Secrétairegénéral.
A ce titre, elles ont une pleine valeur et un plein effet juridiques.
Elles sont des mesures de surveillance dont la force est comparable
à celle des effets juridiques de décisions de l'Assemblée générale
telles que l'électionde membres du Conseil de Tutelle, owla confir-
mation des accords de Tutelle. L'examen des résolutions passées
par l'Assemblée générald eans le domaine de la Tutelle démontre la
fréquence de cet aspect du rôle de surveillance de l'Assemblée
générale.
Toutefois, même par rapport à l'autorité administrante, la
question de l'effet des décisions de l'Assemblée générale nepeut
recevoir de réponse exacte par le seul énoncédu principe qu'elles
ne sont pas juridiquement obligatoires. En général,il est clair

que l'Assembléen'ayant pas le pouvoir de décision - par opposition
aux recommandations - s'im sant avec force obligatoire aux
mesures positives prises par les tats membres, ses résolutionsn'ont
pas en elles-mêmesde force obligatoire pour l'État administrant. Cet
État n'est donc pas tenu de se conformer à une résolution particu-
lière lui recommandant de prendre ou de s'abstenir de prendre une
mesure législative ou administrative donnée. Comme nous l'avons
dit, aucune considération d'une valeur persuasive pratique ne
permet une interprétation différentedu droit existant en la matière.
J'ai mentionné des cas oh l'autorité administrante a expressément
refuséd'agir àlasuite des recommandations qui lui étaientadressées.
Son droit de le faire n'a jamais étécontesté. Ce qu'on a contesté -
et je crois à juste titre -, c'est son droit d'ignorer purement et
simplement les recommandations et de s'abstenir de fournir des
raisons pour ne pas leur donner effet ou pour ne pas les soumettre à
examen en vue de leur donner effet. Ce qu'on a contesté, c'est
l'opinion qu'une recommandation est sans aucun effet juridique
quelconque. Une résolution recommandant à un État administrant
une mesure déterminéecréeune certaine obligation juridique qui,

55 AVIS CONS. DU 7 VI 55 (OPIN. INDIV. M. LACTERPACHT)
II9
si rudimentaire, souple et imparfaite qu'elle soit,est cependant ,une
obligation juridique et constitue une mesure de surveillance. L'Etat
en question, s'il n'est pas tenu d'accepter la recommandation, est

tenu de l'examiner de bonne foi. Si, eu égard à sa propre responsa-
bilité en dernier ressort pour la bonne administration du territoire,
il décidede ne pas en tenir compte, il doit donner les raisons de sa
décision. Ces obligations apparaissent impalpables et presque
théoriques quand on les compare avec le pouvoir discrétionnaire en
dernier ressort de l'autorité administrante. Elles constituent néan-
moins une obligation ; elles ont étéreconnues comme telles par les
autorités administrantes. Cela résulte assez clairement de la discus-
sion détaillée à la Sixième Assembléegénérale en1952, qui a suivi la
présentation par le Secrétaire général, conformément à une recom-
mandation antérieure de l'Assemblée, d'une série de. documents

intitulés :Renseignements relatifs à la mise en a3zburdees Késol~~fions
du Conseil de Tutelle et de Z'Assemblée gé~zérac loncernant les terri-
toires sozts Tzrtelle (Documents Al1903 ; A/1go3/Add.1 ; .4/190.3/
Add. 2 ;octobre 1952. Dans la résolution 436 (Ir)du 2décembre1950,
l'Assemblée a demandé au Secrétaire généralde faire rapport sur
les mesures prises par les autorités administrantes pour donner effet
aux résolutions de l'Assembléegénéraleet du Conseil de Tutelle et,
si aucune mesure n'avait étéprise par l'autorité administra~te à
l'égard d'une résolution particulière, de faire connaître les raisons
données à ce sujet). Tout en signalant la difficulté de donner effet
à certaines des recommandations et tout en affirmant leur propre

responsabilité en dernier ressort et leur propre droit de décision
finale, plusieurs délégations des Etats administrants n'ont pas tenté
d'affirmer que ces recommandationsétaient brzltafzilnzinaprivéesde
tout élément d'obligation juridique. C'est ainsi qu'à la Sixième
Assembléegénérale,au cours des débats à la Con~missionde Tutelle,
le représentant du Royaume-Uni a déclaré :((Le Gouvernement du
Royaume-Uni estime que, lorsque le Conseil de Tutelle et 1'Assem-
bléegénéraleont adopté des résolutions concernant les territoires
sous Tutelle, ces organes ont parfaitement le droit de connaître les
décisions prises par les autorités chargées de l'administration
concernant ces résolutions. J) (245me séance, 12 janvier 1952 ;

Sixième AssembléegénéraleI ,Vme Commission, p. 295). Bien que,
comme nous l'avons dit, les accords de Tutelle ne prévoient pas
d'obligation juridique pour l'autorité chargée de l'administration
de se conformer aux décisions d'un organe des Kations Unies, ces
accords ne sont cependant pas dépourvüs à cet égard d'un élément
d'obligation juridique. Dans presque tous ces accords, l'autorité
administrante s'engage à collaborer pleinement avec l'Assemblée
généraleet le Conseil de Tutelle dans l'exercice de leurs fonctions,
à faciliter les missions périodiques, et tout ce qui se rapporte à la
surveillance. Cette collaboration, qui constitue un devoir juridique,

tire son origine des décisions prises par les organes des Nations
Unies.
56 Tant les principes que la pratique semblent donc indiquer que
les pouvoirs discrétionnaires dont jouissent les Membres des
Yations Unies à l'égard des résolutions de l'Assemblée générale
en ce qui est de l'administration des territoires sous Tutelle et
autres temtoires assimilés à ceux-ci ne leur donnent cependant

pas une liberté d'action illimitée. Ces pouvoirs discrétionnaires
doivent êtreexercés de bonne foi. Sans doute, le degré de bonne
foi entrant dans l'exercice des pouvoirs discrétionnaires ne se
prêtepas à une appréciation juridique stricte. Ce fait ne détruit
cependant pas complètement la pertinence juridique des pouvoirs
discrétionnaires ainsi exercés. Cela est vrai particulièrement dans
le cas d'une série de recommandations visant le mêmesujet et
le mêmeÉtat et qui ont été formellement confirmées par lJAssem-
blée générale. Quelleque soit la teneur de la recommandation,
et quelles que soient la nature et les caractéristiques de la majo-
rité qui l'a votée, la recommandation n'en reste pas moins un
acte juridique de l'organe principal des Nations Unies, que tous
les Membres de l'organisation sont juridiquement tenus de consi-
dérer avec le respect qui est dû à une résolution de l'Assemblée
générale. Les mêmersemarques s'appliquent aux résolutions prises
à propos des temtoires administrés en vertu du Régimede Tutelle.
Bien qu'il n'y ait pas automatiquement obligation d'accepter sans
réserve une recommandation ou une série de recommandations
particulières, il a juridiquement obligation d'agir de bonne foi,
conformément aux pri?cipes de la Charte et du Régimede Tutelle.

Il est possible qu'un Etat mandataire n'agisse pas contrairement
au droit en refusant de mettre en Œuvre une recommandation
ou une série de recommandations portant sur un même sujet.
Mais, en agissant de la sorte, il agit ses risques et périlslorsqu'il
amve au point où les effets cumulés d'une méconnaissance persis-
tante de l'opinion exprimée par l'organisation conduisent à la
conviction que l'État en question s'est rendu coupable dedéloyauté
à l'égard des principes et des buts de la Charte. Ainsi, 1'Etat
mandataire qui persiste à ne pas tenir compte de l'avis de l'Orga-
nisation solennellement exprimé et réitéré,et plus particulière-
ment dans le cas où l'expression de cet avis se rapproche de l'una-
nimité, peut finir par dépasser la limite imperceptible entre I'im-
propriété et l'illégalité,entre la discrétion et l'arbitraire,entre
l'exercice de la faculté juridique de ne pas tenir compte de la
recommandation et l'abus de cette faculté, et qu'il s'est ainsi
exposé aux conséquences qui en découlent légitimement sous
forme d'une sanction juridique.
En outre - et pour des motifs analogues -, même sil'on
adopte le point de vue que les effets d'une décisionde l'Assemblée

généralene dépassent pas son influence morale, il n'en reste pas
moins qu'une décision ainsi conçue constitue une mesure de sur-
veillance. Un régime de surveillance qui ne comporte aucun élé-
ment d'obligation juridique et de sanction juridique peut cepen-
57dant fournir un degré de surveillance très élevéà raison de la
force morale inhérente aux conclüsions et recommandati~ns qui
en découlent. Il est à noter - et ce point n'est pas sans impor-
tance - que l'avis consultatif de 1950 dit non seulement que
le nouveau régime ne doit pas augmenter les obligations juri-
diques de l'Union sud-africaine, il dit aussi que le degré de sur-
veillance ne saurait dépasser celui qui était exercé au temps de
la Société des Nations. L'expression n degré de surveillance )),

utilisée dans l'avis consultatif de 1950, ne vise pas nécessairement
ni exclusivement une surveillance exercée par voie de déclara-
tions juridiquement obligatoires ou applicables. La réprobation
morale encourue pour ne pas avoir donné suite à une recomman-
dation valable, adoptée en conformité de la Charte, peut fournir
un moyen de surveillance aussi puissant et même plus puissant
qu'une sanction juridique.
Ce défaut d'appareil purement juridique, ainsi que le fait de
s'en remettre à l'autorité morale des conclusions et rapports de la
Commission des Mandats, constituaient en fait les caractéristiques
essentielles de la surveillance prévue par le Régime des Mandats.
L'opinion publique - et l'attitude adoptée en conséquence par les
Puissances mandataires - ont étéinfluencées moins Dar les résolu-

tions formelles du Conseil et de l'Assemblée que les rapports
de la Commission des Mandats, véritable organe de.surveillance. Du
point de vue théorique, la Commission des Mandats n'était guère
plus qu'un organe spécialisésubsidiaire du Conseil, qui recevaic et
approuvait ses rapports et qui, de temps à autre, les assouplissait
par des formes diplomatiques afin de ne pas blesser la susceptibilité
de la Puissance ,mandataire. La Commission n'était pas autorisée
à communiquer directement avec les Puissances mandataires et
fut fréquemment rappelée à une juste appréciation des limites de
son autorité. Ceux de ses membres qui étaient appelés devant le
Conseil reconnurent fréquemment ces limites et dénièrent toute
intention de les outrepasser. Mais il était irn fait généralement

admis dont il faut prendre acte judiciairement, à savoir que c'était
la Comïnission des Mandats qui était effectivement chargée de
surveiller la conduite de la Puissance mandataire. Et cependant la
non-application ou la méconnaissance des recommandations, des
vŒux et des regrets de la Commission n'appelaient aucune sanction
juridique. La sanction juridique du contrôle judiciaire de la Cour
permanente de Justice internationale, bien que prévue dans tous
les Mandats, ne fut jamais invoquée. Les discussions approfondies et
publiques de l'Assemblée généraleet du Conseil, qui influencèrent
grandement tant l'opinion publique que la conduite du Mandataire,
eurent lieu à la suite des rapports de la Commission des Mandats.

Ily a deux raisons pour lesquelles j'ai estimé indispensable de
m'étendre sur ce point - qui, en un certain sens, semble mettre
en question les motifs de ma propre conclusion finale -, à savoir,
58 que les d4cisions de l'Assembléegénérale à l'égard des territoires
administrés selon les principes du Régime de Tutelle ont, en tout
état de cause, certains effets juridiques et indubitablement certains
effets moraux et qu'on peut, dès lors, les considérer comme l'un des
facteurs du régime juridique de surveillance dans lequel la procédure
de vote ioue un rôle:
En p;emier lieu, les observations qui précèdentdémontrent que
ie ne suis Dasarrivéà ma conclusionfinale sanscertaines hésitations
ni sans avoir pleinement peséla valeur d'une conclusion opposée
selon laquelle, bien que les décisions de l'Assemblée générale
soient dépourvues de plein effet juridique, elles sont néanmoins un

élément important du système de surveillance et, partant, la
procédure de vote par laquelle elles sont prises est un facteur
décisifaux fins de l'avis dela Cour.
La seconde raison est que, après avoir largement tenu compte
de la nécessité d'exposer la consCquence juridique inexorable
découlant de la nature même des((recommandations », on ne doit
pas donner cours à une interprétation qui affaiblit gratuitement
l'effectivité de la Charte, sans délimiter la portée de cette inter-
prdtation dans tous les détails nécessaires. Il serait tout à fait
incompatible avec les principes d'une saine interprétation comme
avec l'intérêt international supérieur, qui n'est jamais sans perti-
nence juridique, de minimiser la valeur des résolutions de 1'Assem-
blée générale - l'un des principaux instruments d'élaboration dela
volonté et du jugement collectif de la communauté des nations

représentéepar l'organisation des Nations Unies - et, aux fins
du présent avis comme dans d'autres domaines, de les considérer
comme théoriques,insignifiantes et nepouvant prétendre exercer une
influence sur la conduite des Membres. L'intérêt international
exige que l'on n'accorde pas d'appui judiciaire, mêmeindirect, à
une conception des résolutions de l'Assemblée généralequi les
ferait être considérées comme dénuéesd'importance.
Cesconsidérations, de mêmeque la pratique en vigueur, m'empê-
chent de fonder ma conclusion sur l'opinion que les décisions de
l'Assemblée généralesont dépourvues de tout effet obligatoire.
Cependant, on ne peut échapper au fait que les résolutions de
l'Assemblée généraleont une valeur juridique inférieure à celle
qui s'attache aux résolutions du Conseil de la Sociétédes Nations.
C'est à ce fait que j'attribue une importance décisive.Il n'est pas

raisonnable de prétendre que des décisionsd'une portée juridique
nettement inférieure à celle qui est inhérente aux décisions du
Conseil de .la Société desNations doivent êtreadoptées selon la
même procédurede vote exigeante et rigide. Le fait que certaines
des résolutions de l'Assemblée générale enmatière de Tutelle et
dans d'autres domaines ont nettement un effet juridique ne saurait
modifier d'une manière décisive ce qui est la situation normale.
Cela étant, j'arrive à la conclusion, en ce qui est de la question 3,que l'article F correspond à une interprétation exacte de l'avis
rendu par la Cour'en 1950.

En conséquence, bien que je sois arrivé au résultat final pour
des motifs qui diffèrent de ceux sur lesquels se fonde l'avis de la
Cour, je suis d'accord sur le dispositif pour les raisons suivantes:

1) dans la mesure où des doutes ont été émis quant au bien-
fondé de l'article F, en partant de la thèse selon laquelle le vote
de l'Assemblée généralesur les rapports et pétitions émanant de
l'Afrique du Sud est soumis à la règle de l'unanimité absolue vu
que cette règle était appliquée par le Conseil de la Société des
Nations, il est douteux qu'on puisse estimer à bon droit qu'une
telle règleait étéeffectivement en vigueur, lors de la dissolution de

la Société desNations, au sein du Conseil agissant en tant qu'or-
gane de surveillance du Régime des Mandats ;
2) dans la mesure où l'on soutient que le vote de l'Assemblée
généralesur ces questions pourrait être soumis à quelque autre
procédure de vote plus rigoureuse qu'une majorité des deux tiers,
encore que n'allant pas jusqu'à l'unanimité absolue, l'article F
correspond cependant à l'interprétation exacte de l'avis consultatif
rendu par la Cour en 1950. Ceci pour le motif que les décisionsde
l'Assemblée générale,au sens de l'article F, ne possèdent pas un
degré d'autorité juridique égal à celui des décisions du Conseil
de la Société desNations. Ceci étant, bien que ces décisions soient
prises par l'application d'une procédure de vote moins rigoureuse,

on ne peut les corisidérercomme impliquant un degré de surveil-
lance allant au delà decelui qui prévalait sousleRégimedesMandats.
Ces considérations s'appliqueraient également si, contrairement
à la conclusion 1), on pouvait estimer que les décisionsdu Conseil
de la Société desNations en la matière exigeaient l'unanimité
absolue.

(SignéH ). LAUTERPACHT.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE LAUTERPACHT

In the present case the General Assembly has asked the Court
for an Advisory Opinion on the questionwhether the special Rule F,
which, 011 II October, 1954, the Assembly adopted with regard
to the voting procedure to be followed by it in taking decisions on
questions relating to reports and petitions concerning the Terntory
of South-West Africa is a correct interpretation of the Opinion

of the Court given in 1950 on the International Status of South-
West Africa. Rule F laid down that such decisions shall be regarded
as important questions within the meaning of Article 18 (2)of the
Charter, that is toSay,that a majority of two-thirds shall be required
for their adoption. In the Preamble to its request the General
Assembly drew special attention to certain passages of the Opinion
of 1950. These passages are referred to below.
1 have considered it incumbent upon me to append the present
Separate Opinion. for, while 1 concur in the unanimous Opinion of
the Court inasmuch as it gives an affirmative answer to the question
put toit, 1doso on grounds and by a method substantially different
-and differing-from those on which that Opinion is based. On the
subject of method 1 find it necessary to devote some preliminary
observations to the question as to the legal issues which ought to

find an answer in the Opinion of the Court. This matter raises the
more general question of the character of the function of the Court
and the nature of its judicial pronouncements.

The preçent Opinion can be decided, in addition to what may be
described as the method of pure construction, by exclusivereference
to any of the following three legal questions :

(1) Inasmuch as the main issue anses from the contention of
South Africa that absolute unanimity was required for the decisions
of the Council of the League of Nations acting as a supervisory
organ of the Mandates System, the Opinion could be based on the
rejection of that contention as being unfounded in law. In that
case it might be said-though, as will be seen,not quite accurately-

that Questions (2) and (3) do not anse.

(2) It is possible to base the Opinion of the Court on the view
adopted by the Court that whatever rnay be the answer to the other
two questions the General Assembly is absolutely prevented from
acting by a method of voting other than that laid down in Art-
icle 18 of the Charter, and that for that reason it must be held, in
adopting Rule F, to have complied "as far as possible" with the
Opinion of the Court given in 1950. If that view is adopted, it might
be said that Questions (1) and (3) need not be answered. OPINION INDIVIDUELLE DE M. LAUTERPACHT

[Traduction]

Dans la présente affaire, l'Assembléegénéralea demandé à la
Cour un avis consultatif sur la question de savoir si l'article spécial
F, adopté le II octobre 1954 par l'Assemblée,au sujet de la procé-
dure de vote à suivre par elle quand elle prend des décisionssur des
questions concernant les rapports et pétitions relatifs au Territoire
du Sud-Ouest africain, est une interprétation exacte de l'avis rendu
par la Cour en 1950sur le Statut international du Sud-Ouest africain.
L'articleF dispose que ces décisions sont considérées comme ques-
tions importantes au sens du paragraphe 2 de l'article 18 de la
Charte, c'est-à-dire qu'une majorité des deux tiers est nécessaire à
leur adoption. Dans le préambule à sa requêteI'Assembléegénérale
a particulièrement attiré l'attention sur certains passages de l'avis

de 1950. Ces passages sont mentionnés plus loin.
J'ai considéréqu'il m'incombait de joindre la présente opinion
individuelle car, si je suis d'accord avec l'avis unanime de la Cour
en ce qu'il donne une réponse affirmative à la question qu'on lui a
posée,je le fais pour des motifs et par une méthode sensiblement
différents et qui s'écartent deceux sur lesquels se fondel'opinion de
la Cour. En ce qui concerne la méthode,il me paraît nécessairede
consacrer quelquesobservations préliminaires à la question de savoir
quels sont les points juridiques qui devraient trouver réponsedans
l'avis de la Cour. Ceci fait apparaître la question plus généraledu
caractère de la fonction de la Cour et de la nature de ses décisions
judiciaires.
La Cour peut arriver à sa décisionsur le présent avis consultatif

en se référant exclusivement,outre ce qu'on peut appeler la méthode
de pure interprétation, à l'une quelconque des trois questions
juridiques suivantes :
1) Dans la mesure où le point principal tire son origine de la
thèse de l'Afrique du Sud selon laquelle l'unanimité absolue était
nécessaire lorsque le Conseil de la Sociétédes Nations, en prenant
ses décisions, agissait en tant qu'organe de surveillance institué
par le Régimedes Mandats, la Cour pourrait fonder son avis sur le
rejet de cette thèse en la considérant mal fondéeen droit. Dans
ce cas l'on pourrait dire - peut-être sans êtretout à fait exact,
ainsi qu'on le verra - que les questions 2) et 3) ne se posent pas.
2) La Cour peut fonder son avis sur la manière de voir adoptée

par elle, à savoir que, quelle que puisse êtrela réponse aux deux
autres questions, l'Assemblée généralene peut absolument pas
prendre de décisionpar une méthode de vote autre que ceile qui
est prévue à l'article 18 de la Charte, et que pour cette raison on
doit considérer qu'en adoptant l'article F, elle s'est conformée
«autant que possible )à l'avis rendu par la Cour en 1950. Si cette
manière de voir est adoptée, on pourrait soutenir qu'il n'est pas
nécessaire de répondre aux questions 1) et 3).

27 (3) It is possible to base the Opinion of the Court on the view

that as, unlike the decisions of the Council of the League, the deci-
sions of the General Assembly are not legally binding, Rule F
clearly does not imply any excess of supervision as compared with
that of the Council of the League and that therefore neither Ques-
tion (1) nor Question (2) need be answered.

Finally, and this is substantially the method followed by the
Court, it is possible to answer the question put to the Court without
primary reference to any of these questions but merely on the
basis of a construction of the relevant passages of the Opinion of
the Court of 1950.
In my view it is essential, having regard both to the circum-
stances of the case and to the objects of the judicial function of
the Court in general, that its Opinion should contain an answer to
the legal issues relevant to the case, especially when relied upon
by the Members of the General Assembly, including South Africa.

Thus with regard to Question (1)-namely, that arising out ofthe
contention of South Africa that the absolute unanimity of the
Reso-
Members of the Council of the League was required for its
Iutions relating to mandates-although the Court has come to the
conclusion that the relevant passage of its Opinion of 1950 does
not apply to the voting procedure, 1 consider that that argument
of South Africa ought to be answered in al1 requisite detail. It
ought not to be disregarded on the ground that it is irrelevant for
the reason that it is ruled out by what is described as the ordinary
and natural meaning of the words of the Opinion of 1950. For this
was the main argument put fonvard by South Africa in the course
of the discussions before the General Assembly andits Committees.
It was the question of the justification of that contention which
exercised Members of the General Assembly, which troubled their
consciences, and which was largely responsible for the request for
the present Opinion. The circumstances of the case are such that
full consideration ought to be given to the principal legal argument
of the State which, as a mandatory, has put itself in opposition to
the repeatedly expressed judgment of the United Nations and
whose conduct has been the object of wide disapproval. For this
reason, although 1 do not accept this particular contention of the
Government of South Africa, 1 must consider it in detail.

The same considerations apply to what may be called the consti-
tutional issue as expressed in Question (2). The Opinion of the
Court is based on the view that the General Assembly is absolutely
precluded from acting by a voting procedure other than that laid
down in the Charter and that for that reason Rule F complies
with the Opinion of the Court, given in 1950, which laid down that
the procedure of the General Assembly must approximate to that
of the Council of the League "as far as possible". It is possible to
28 AVIS CONS. DU 7 VI 55 (OPIN.INDIV. M. LAUTERPACHT) 9I
3) La Cour peut fonder son avis sur la manière de voir suivante :
les décisionsde ltAssembléegénérale,à la différencede celles du
Conseil de la Sociétédes Nations, n'étant pas juridiquement

obligatoires, l'articlF n'implique évidemment pas d'excès de
surveillance par comparaison avec celle qu'exerçait le Conseilde la
Société des Nations et, par conséquent, il n'est nécessaire de
répondre ni à la question 1) ni à la question 2).
Finalement, et telle est au fond la méthode suivie par la Cour,
on peut répondreàla question posée à la Cour sans référenceprinci-
pale à aucune de ces questions, mais simplement sur la base d'une
interprétation des passages pertinents de l'avis rendu par la Cour
en 1950.
Selon moi, il est essentiel, eu égard à la fois aux circonstances
de l'espèce et aux objets de la fonction judiciaire de la Cour en
général,que son avis contienne une réponse à toutes les questions

juridiques pertinentes en l'espèce, surtout quand il s'agit de
questions sur lesquelles se sont fondés les membres de l'Assemblée
générale,y compris l'Afrique du Sud.
Ainsi, en ce qui concerne la question I) - à savoir celle qui
se pose du fait que l'Afrique du Sud prétend que les résolutions
relatives au Mandat exigeaient l'unanimité absolue des membres
du Conseil de la Sociétédes Nations - et bien que la Cour soit
arrivée à la conclusion que le passage pertinent de son avis de
1950 ne s'applique pas au système de vote, j'estime qu'il faut
répondre à la thèse de l'Union sud-africaine dans tous ses détails.
Il ne suffit pas de la rejeter pour le motif que cette thèse est sans
pertinence, attendu qu'elle est écartée par ce qu'on appelle le
sens ordinaire et naturel des termes de l'avis de 1950. Telle était,

en effet, la thèse principale avancée par l'Afrique du Sud au
cours des débats devant l'Assembléegénéraleet ses commissions.
C'est la question relative à la justification de cette thèse qui a
préoccupél'esprit des membres de l'Assemblée générale,qui a
troublé leur conscience, et c'estA cette question qu'est très large-
ment due la présente demande d'avis consultatif. Les circonstances
de l'espècesont telles qu'il faut examiner d'une manière complète
le principal argument juridique de l'État qui, en tapt que Man-
dataire, s'est mis en opposition avec la manière de voir exprimée
à plusieurs reprises par les Nations Unies, et dont l'attitude a
étélargement désapprouvée. Aussi, bien que je n'accepte pas la
thèse du Gouvernement de l'Afrique du Sud dont il s'agit, je

dois l'examiner avec tou~ les détails nécessaires.
Les mêmes considérations s'appliquent à ce que l'on pourrait
appeler le point constitutionnel, tel qu'il est exprim.6 dans la
question 2). L'avis de la Cour est fondé sur la manière de voir
suivante : l'Assembléegénéralene pourrait, en aucune manière,
prendre ses décisionsen recourant à une procédure de vote autre
que celle qui est prévuepar la Charte, et pour cette raison l'artFcle
est conforme à l'avis rendu par la Cour en 1950, aux termes duquel
la procédure de l'Assembléegénérale doit «autant que possible a

28dispose of the entire issue by reference to the simpIe proposition
that the provisions of the Charter in the matter of voting are
mandatory and peremptory and that any modification of the
voting procedure of the General Assembly, designed to meet the

circumstances of the case, would constitute a violation of the
Charter or, more emphatically, that it would constitute a juridical
impossibility. But that proposition is controversial. Some previous
practice, to which reference will be made later, suggests the permis-
sibility of a different voting procedure if an extraneous instrument
so provides-although the Court seems to have accepted the view
that there is no such instrument in the present case seeing that the
powers of the General Assembly are, it is said, derived from the
Charter and not from an extraneous instrument. That, too, is
contioversial. Above all, it appears that the constitutional problem
as stated underlay a great deal of the debate before the General
Assembly and that most of its Members-as indeed does the
Opinion of the Court-were prepared to regard the constitutional
objection as decisive and sufficieni. This being so, it seems to me
desirable that the solution of that aspect of the matter should not
be taken for granted or as being self-evident. For this reason,
having regard to conflicting considerations of principle and to
divergence of practice, I believe it to be my duty to examine fully

that aspect of the matter.

The same considerations apply, once more, to Question (3)-a
question by reference to which it may be possible to dispose of the
issue before the Court on the ground that the decisions of the
General Assembly are of no legal effect or of more limited effect
than those of the Council of the League. Tt is a ground by reference
to which-and mainly to which-it may be thought, as 1 do in
the present Opinion, that an affirmative answer can be given to
the question put by the General Assembly. For this reason 1 am
not at liberty to disregard that issue on account of any difficulties
or complications inherent in it. The absence, in general, of full
legal binding force in the Resolutions of the General Assembly is a
proposition so fundamental and so rudimentary that an attempt to
apply and to circumscribe it need not be regarded as dangerous or
unhelpful. 1 cannot disregard that aspect of the matter on the
alleged ground that the Court cannot answer this-or any other
Iegal question-incidental to the Opinion, seeing that the General
Assembly has not specifically asked for an answer to these ques-

tions. The General Assembly has asked only one substantive
question ; that issue, and that issue only, is answered in the opera-
tive part of the unanimous Opinion of the Court. Clearly, in order
to reply to that question, the Court is bound in the coiirse of its
reasoning to consider and to answer a variety of legal questions.
This is of the very essence of its judicial function which makes it
possible for it to render Judgments and Opinions which carry AVIS CONS. DU 7 VI 55 (OPIN. INDIV. M. LAUTERPACHT) 92
se rapprocher de celle du Conseil de la Sociétédes Nations. Il est
possible de trancher la question tout entière en se référant à la
simple proposition selon laquelle les dispositionsde la Charte en

matière de vote sont impératives et péremvtoires et que toute
modification de la procédure de vote de l'Assemblée générale,
destinée à répondre aux circonstances de la cause, constituerait
une violation de la Charte ou, plus encore, qu'elle constituerait une
impossibilité juridique. Mais cette opinion prête à controverse.
Certaine pratique antérieure, dont il sera fait mention plus loin,
suggère la possibilité d'une procédure de vote différente si un
instrument étranger l'autorise - bien que la Cour semble avoir
accepté le point de vue selon lequel il n'existerait, dans la présente
affaire, aucun instrument de ce genre, étant donné que les pouvoirs
de l'Assembléegénéralesont, dit-on, tirés de la Charte et non d'un

instrument étranger. Ceci également prête à controverse. Il semble,
par-dessus tout, que ce problème constitutionnel fût à la base de
la plbs grande partie du débat devant l'Assemblée généraleet
que la plupart des membres de celle-ci -.comme le fait la Cour
étaient disposés à considérer l'objection constitutionnelle comme
décisive et suffisante. Ceci étant, il me paraît souhaitable que
la solution à cet aspect de l'affaire ne soit pas considéréecomme
allant de soi ou évidente en elle-même. Pour ce motif, eu égard
à des considérations de principe divergentes et à une divergence
dans la pratique, j'estime devoir examiner pleinement cet aspect
de la question.

Les mêmes considérations s'appliquent, encore une fois, à la
question 3) - par référenceà laquelle il serait possible de régler
l'affaire soumise à la Cour en se fondant sur le motif suivant: les
décisionsde l'Assembléegénéralesont dépourvues d'effet juridique
ou possèdent un effet plus limité que celles du Conseil de la Société
des Nations. C'est là un motif - et le motif principa- de penser,
ainsi que je le fais dans la présente opinion, qu'on peut répondre
affirmativement à la question poséepar l'Assemblée générale.Pour
cette raison, il ne m'est pas permis de négligerce point à cause des
difficultésou complications qui lui sont inhérentes. L'absence, en
général, depleine force juridique obligatoire, dans les résolutions
de l'Assemblée générale, est un principe si fondamental et rudi-

mentaire que l'on n'aurait pas à craindre le danger ou l'inutilité
d'une tentative en vue de l'appliquer et de le restreindre. Je ne
puis négliger cet aspect de l'affaire sous prétexte que la Cour ne
peut répondre à cette question - ou àtoute autre question juridique
- se rattachant à l'avis, attendu que l'Assemblée générale n'a
pas spécifiquement demandé de réponse à ces questions. L'Assem-
blée généralen'a posé qu'une question de fond et cette question,
cette seule question, trouve sa réponse dans le dispositif de l'avis
unanime de la Cour. Évidemment, pour répondre à cette question,
la Cour est tenue, dans son raisonnement, d'examiner un certain

nombre de questions juridiques variées et d'y répondre. C'est là
l'essence mêmede sa fonction judiciaire qui lui permet de rendre
2993 ADVIS. OPIN. OF 7 VI 55 (SEP. OP. JUDGE LAUTERPACHT)

conviction and clarify the law.

For these reasons 1 cannot attach prominent-and certainly not
exclusive-importance to what may be descnbed as the "mere
construction" point of view, such as that implied in the argument
that the question of voting is not at al1 germane to either of the
two crucial passages of the Opinion of the Court of 1950, namely,
those relating to "degree of supeMsion" and "procedure" of the
Council of the League. It is possible to hold the view that there
is an implied reference, to voting procedure in both these expres-
sions ;it may be held that such reference is implicit only in one or
only in the other of these expressions ; and there is room for the
view, which finds some support in the Opinion of the Court, that

neither of these expressions contains any reference to voting. This
diversity of construction provides some illustration of the unrelia-
bility of reliance on the supposed ordinary and natural meaning
of words.

Neither, having regard to the integrity of the function of inter-
pretation, is it desirable that countenance be given to a method
which by way of construction may result in a summary treatment
or disregard of the principal issue before the Court. Thus it may
be said that, as according to the Opinion of the Court given in
1950, the General Assembly, acting under Article IO of its Charter,
is to be resyonsible for the task of supervision, it cannot fulfil that
function otherwise tlian in accordance with its own procedure and
that by applying its voting procedure, deemed unalterable, it
approximates "as far as possible" to the procedure of the Council

of the League. However, this-the "constitutional" issue-is one
of the principal questions before the Court. 1 would not feel justi-
fied in answenng it-without adequate examination of available
pratice-by reference to assumed logical impossibility.

These considerations 1believe to be in the highest interest of the
authonty of international justice. They do not exclude the nece-
sity of basing the Opinion of the Court on, interalia, a co~istruction
of the texts before it.

Do the ex$ressions "degree of super-
vision" and "procedure of the Council
of the League"refertovotingprocedure?

One of the main passages of the Opinion of 1950which the Court
is now requested to interpret lays down two directives :(i)that the
degree of supervision to be exercised by the General Assembly
should not exceed that which applied under the Mandates System,des arrêts et d'émettre des avis qui emportent conviction et éclair-
cissent le droit. .
Pour ces motifs, je ne pilis attacher une importance prépon-

dérante - et encore moins exclusive - à ce qui pourrait être
défini comme le point de vue de la ((simple interprétation n,tel
que ce point de vue est impliqué dans l'argument selon lequel
la question du vote serait sans rapport avec l'un ou l'autre des
deux passages décisifs de l'avis rendu par la Cour en 1950, à
savoir celui qui touche au «degré de surveillance 1)et celui qui
touche à la tprocédure n du Conseil de la Société des Nations.
On peut soutenir que, dans ces deux expressions, il y a une réfé-
rence implicite au vote ; on peut soutenir que cette référence
n'existe à titre inhérent que dans l'une ou dans l'autre de ces
expressions ;et ily a place pour l'idée,qui trouve qiielque appui
dans l'avis de la Cour, que ni l'une ni l'autre de ces expressions

ne se réfèreau vote. Cette diversité de vues fournit un exemple
du danger de se fonder sur ce qui est supposéêtrele sens ordinaire
et naturel des mots.
Enfin, eu égard à l'intégrité de la fonction interprétative, il
n'est pas souhaitable d'encourager l'application d'une méthode
qui, par voie d'interprétation, pourrait amener à traiter som-
mairement la principale question soumise à la Cour ou à ne pas
en tenir compte. On pourrait dire, par exemple, que, l'Assemblée
génCraleagissant en vertu de l'article IO de la Charte et, selon
l'avis rendu par la Cour en 1950, étant responsable de la sur-
veillance, ne peut remplir cette fonction que conformément à
sa propre procédure, et qu'en appliquant sa procédiire de vote,
supposée inaltérable, elle se rapproche (autant que possible » de

la procédure du Conseil de la Société desNations. Quoi qu'il en
soit, ce point - le point dit «constitutionnelu - est l'un des
principa~x soumis à la Cour. Je ne me considérerais pas comme
fondé à y répondre - sans un examen approprié de la pratique
connue - par référenceà une prétendue impossibilité logique.
Ces considérations me paraissent conformes au plus haut intérêt
de l'autorité de la justice internationale. Elles n'excluent pas la
nécessitéde fonder l'avis de la Cour, entre autres motifs, sur
l'interprétation des textes qui lui sont soumis.

Les expres~ions degréde surveillance »

et « procédzcresuivie par le Conseilde
la Sociktédes Nations ))ont-ellestraità
la procédurede vote?

L'un des principaux passages de l'avis consultatif de 1950 que
la Cour est appelée à interpréter énonce deux directives : i) le
degréde surveillance à exercer par l'Assembléegénéralene saurait
dépasser celui qui a étéappliqué sous le Régime des Mandats, et ADVIS. OPIN. OF 7 VI 55 (SEP. OP. JUDGE LAUTERPACHT)
94
and (ii) that it should conform as far as possible to the procedure
followed in this respect by the Council of the League of Nations.
The expression "degree of supervision" has two meanirigs : it
signifies primarily the means of supervision. Thus it is clear that
the place assigned to periodic missions or to petitions in the System
of Trusteeship exceeds the degree of supervision adopted in the
Mandates System and that that means of supervision by the
United Nations cannot, without the consent of the Government

of the Union of South-West Africa, be applied to the Mandated
Territory of South-West Africa. This is a question of means of
supervision in their, wider sense. The Court, urhose Opinion is
requested on the question of voting, is not concerned with them.
However, the term "degree of supervision" covers also the methods
of ensuring compliance with the means thus adopted and, in
particular, the method of deciding whether the administering
authority has complied with them and what steps it ought to take
with that object in view. If the General Assembly were to be
enabled to take binding decisions on petitions and reports subject
to voting requirements less stringent than those obtaining in the
Council of the League of Nations-such decisions including request
for further information, expression of regret at or disapproval
of the action or inaction of the Administering Authority, and cal1

for the cessation of the action disapproved of-then the innovation
thus effected would appear to amount to a degree of supervision
exceeding that previously in force. This is so although on occasions
such decisions may amount to an approval or support of the action
of the Administering State-in which case it might be argued that
the less exacting vote implies a relaxation of the degree of super-
vision. However, the State subject to supervision is primarily
concemed with the potential interference with its freedom of action
by the supervisory organ. Thus viewed, the less exacting method
of voting adds to the stringency and the degree of supervision-
just asa change of the procedure of voting may add to the extent
of the obligations. If 1 agree to accept the obligation to pay taxes
in pursuance of unanirnous decisions of a committee, then my
obligation is increased if the committee, by changing its procedure,

cal1impose taxation by a majonty vote. This seems to be a propo-
sition of common sense.

My view, as expressed below, is that Rule F does not result in an
excess of supervision for the reason that the decisions of the Council
of the League did not require absolute unanimity and that, in any
case, the decisions of the General Assembly are not of the same
legal authority as the decisions of the Council of the League. But 1
am not of the view that the Opinion of the Court ought to base the

31,ii) cette surveillance devrait êtreconforme, autant que possible, à la
procédure suivieen la matière par le Conseil de la Sociétédes Nation.

L'expression (degré de surveillance 1)a deux sens : elle signifie
principalement les moyens d'exercer la surveillance. Ainsi, il est
évident que la place assignée aux missions périodiques ou aux
pétitions sous le Régime de Tutelle dépasse le degré de surveil-
lance adopté sous le Régime des Mandats, et que ce moyen de sur-
veillance employé par les Kations Unies ne peut, sans le consente-
ment du Gouvernement de l'union sud-africaine, être appliqué
au Territoire sous Mandat du Sud-Ouest africain. Il s'agit là de
moyens de surveillance au sens plus large de cette expression. La
Cour, invitée à donner un avis consultatif sur la question du vote,

n'a pas à se préoccuper de ces moyens. Cependant, l'expression
((degré de surveillance ))comprend également les méthodes desti-
nées à veiller à ce que les moyens de surveillance ainsi adoptés
soient respectés et notamment la méthode à appliquer pour
décider sil'autorité chargée de l'administration s'y est conforméeet
pour rechercher quelles mesures cette autorité devrait prendre à
cet effet. Si l'Assemblée généraledevait être mise en mesure de
prendre, relativement aux pétitions et rapports, des décisions obli-
gatoires soumises à des conditions de vote moins strictesque celles
qui prévalaient au sein du Conseil de la Société desNations- ces

décisions comprenant des demandes d'informations complémen-
taires, l'expression d'un regret ou d'une désapprobation à l'égard
des actes ou des omissions del'autorité chargéede l'administration,
et des invitations à cesser l'action désapprouvée - dans ce cas
l'innovation ainsi introduite semblerait atteindre un degré de
surveillance dépassant celui qui était auparavant en lyigueur. Il en
est ainsi, mêmesi en certains cas de telles,décisions constituent
une approbation des dispositions prises par 1'Etat chargéde l'admi-
nistration ou un appui donné à ces dispositions - auquel cas-on
pourrait soutenir que des conditions de vote moins strictes impli-

qi;ent un relâchement du degré de surveillance. Quoi qu'il en soit,
1'Etat soumis à la surveillance est principalement affecté par
l'intervention éventuelle dans sa liberté d'action exercée par
l'organe chargé de la surveillance. Sous cet angle, la méthode de
vote moins stricte ajoute à la rigueur et au degréde surveillance -
tout comme une modification de la procédure de vote peut ajouter
à l'étendue de l'obligation. Si je consens à accepter l'obligation de
payer des impôts en conformité de décisions unanimes prises par
un comité, mon obligation se trouve augmentée si ce comité, en

modifiant sa procédure, peut prescrire des impôts par un vote à la
majorité. Ceci paraît être une proposition de bon sens.
Mon avis, ainsi qu'il est exprimé ci-dessous, est que l'article F.
n'entraîne pas d'excèsde surveillance, pour le motif que les décisions
du Conseil de la Sociétédes Nations n'exigeaient pas l'unanimité
absolue et qu'en tout cas les décisions de l'Assemblée généralene
possèdent pas la mêmeautorité juridique que celies du Conseil de la
Société des Nations. Mais je ne crois pas que la Cour devrait, dans

31answer to the question put to it onthe ground that the degreeofsuper-
visionhasnorelation to the question ofvoting.Theprocedure ofvoting
determines the degree of supervision. For even if wedo not go to
the length-to the unwarranted length-of conceding that a valid
decision of the Council of the League of Nations acting as the super-
visory organ of the Mandates System could be prevented by a veto
of the Mandatory States, the fact remains that, according to the
contemplated Rule F, for the otherwise unanimous decisions of the
Council which included al1the principal Powers that were Members
of the League, there is to be substituted a decision of two-thirds of
the General Assembly which may or may not include the vote of
any permanent Memb'erof the Security Council, which may repre-
sent less than one-fourth of the budgetary contributions or less than
one-fourth or one-fifth of the total population of the Members of the
United Nations, and which acts by methods different from those
which characterised the Council of the League which, in turn, in

conformity with the entire political climate of the League, tended
to proceed, ultimately, by agreement rather than by counting of
votes. Neither is it altogether irrelevant that on the Council of the
League of Nationskhat unanimity or quasi-unanimity had the addi-
tional safeguard of being influenced by the reports and the point of
vietwof a commission of experts-for the Mandates Commission was
a commission of experts-of high standing and independent of
governments. The decisions of the General Assembly, which wili
be reached according to the contemplated Rule F, will be formed
under the impact of the Committee on South Africa-a body whose
devotion and disinterestedness must not be questioned but which
is of different composition.

These factors are directly relevant to the question of the "degree
of supervision". This is not inconsistentwith the fact that the second
part of the passage ("and should conform asfaras necessary to the
procedure followed by the Council of the League of Nations") also,

ancl more directly, refers to voting. Accepted usage includes voting
within matters of procedure. It is probable that, while the first
part of the passage refers to the mafor principle of not exceeding
the degree of supervision hitherto obtaining, the last quoted
passage is directed to the more specific problem of the approxi-
mation, as far as possible, of that, procedure to that obtaining
under the Council of the League of Nations. For these reasons
1 am reluctan t to admit that the ordinary and natural meaning
of words excludes the method of voting from the notion of
degree of supervision. There is no ordinary and natural meaning
of the term "degree of supervision" in the abstract. Its meanirig
is not something which appears on the surface ;it is relative to the
situations and problems with which the Court is concerned. More-
over, it is relative to the legal issues dire~tly~connected with the
situation. Thus, assuming that the main South Afncan contentionson avis, répondre à la question qui lui est poséeen se fondant sur ce
motif que le degré de surveillance serait sans rapport avec la
question de vote. La procédure de vote détermine le degré de sur-
veillance. Mêmesi nous n'allons pas jus u'à la concession - qui
n'est pas justifiée - qu'un veto de 1' 9 tat mandataire pouvait
faire obstacle à une décisionvalable du Conseil de la Société des
Nations agissant en tant qu'organe de surveillance sous le Régime
des Mandats, le fait demeure que, selon l'articleF qui'est envisagé,
aux décisions par ailleurs unanimes du Conseil, qui comprenait

toutes les Puissances principales Membres de la Société desNations,
sera substituée une décision prise par l'Assemblée généraleaux
deux tiers des voix, qui peut comprendre ou ne pas comprendre
le vote d'un membre permanent du Conseil de Sécurité,qui peut
représenter moins d'un quart des contributions au budget des
Nations Unies ou moins d'un quart ou d'un cinquième de la
population totale des Membres des Nations Unies, qui agit par
des méthodes différentes de celles qui caractérisaient le Conseil
de la Sociétédes Nations, lequel, à son tour, conformément à
l'atmosphère politique tout entière de la SociétdesNations, tendait
à procéder en dernière analyse par voie d'accord plutôt que
par un compte des votes. Il n'est pas non plus complètement
sans pertinence qu'au Conseil de la Sociétédes Nations l'unanimité
ou la quasi-unanimité comportât la sauvegarde additionnelle de
pouvoir êtreinfluencéepar les rapports et le point de vue d'une

commission d'experts - car tel était le caractère de la Commission
des Mandats -- jouissant d'une haute autorité et indépendante des
gouvernements. Les décisions de l'Assembléegénérale, selonl'article
F que l'on envisage, seront prises sous l'influence du Comitépour
l'Afrique du Sud, organisme dont le dévouement et le désinté-
ressement ne doivent pas êtremis en doute, mais qui est différem-
ment composé.
Ces élémentsprésentent une pertinence directe relativement
au «degré de surveillance N. Ceci n'est pas incompatible avec
le fait que la seconde partie du passage («et devrait être
conforme, autant que possible, à la procédure suivie en la matière
par le Conseil de la Société des Nations»)a trait également et plus
directement au vote. Selon l'usage accepté, le vote est compris
dans les questions de procédure. Il est probable que, bien que la
première partie du passage vise le principe prédominant interdisant
de dépasser le degréde surveillance appliqué jusque-là, le passage

citéen dernier lieu ait étédestiné viser le problème plus spécifique
consistant à rapprocher, dans la mesure du possible, cette procédure
de celle que suivait le Conseil de la Société des Nations. Pour ces
raisons, j'hésiteà admettre que le sens ordinaire et naturel des
mots ait pour effet d'exclure la méthode de vote de la notion de
degré de surveillance. Il ,l'y a pas de sens ordinaire et naturel des
termes «degré de surveillance ))dans l'abstrait. Leur signification
n'est pas quelque chose d'apparent à première vue ;elle dépend
des situations et des problèmes dont la Cour est saisie. Au surplus,
elle dépend des questions juridiques qui se rattachent directement

32 -4DVIS. OPIN. OF 7 171jj (SEP. OP. JUDGE LAUTERPACHT)
96
on the qiiestion of unanimity is correct, it would be reasonable
to assume that the expressions used by the Court with regard both
to "degree of supervision" and "procedure" were not used with
the intention of ignoring the legal position thus established. It
may not he profitable to regard the entire issue as non-existing
on the ground that the words used have a meaning which is fixed,

certain and immutable.

It is, of course, possible that the question of voting was not
before the mind of the Court when it gave the Opinion in 1950.
This does not mean that the procedure of voting is not an essential
element in the situation. On the contrary, it is for this Court,
confronted as it is with an apparent gap in the Opinion of the Court
of 1950 with respect to a situation which calls for clarification, to
fil1 the lacuna by al1 available means of interpretation. These do
not include the knowledge of any particular member of the present
Court as to the state of his-or his col1eagues'-minds at the time
when the Advisory Opinion was rendered in 1950.

It is of importance, in this connection, to bear in mind the relation
between the two passages here discussed. In my view, of the two
conditions there prescribed, the first, relating to the degree of
supervision, is the governing directive of a substantive character ;
the second, which is qualified hy the words "as far as possible",
is, in terms, procedural. The question is whether the Opinion of
1950 can be properly interpreted in a way which would subject
the substantive rule to considerations of procedural conformity
and convenience. The question is wnether such considerations can
properly be perniitted to affect or impair the governing principle

laid down by the Court in 1950 according to which, in the absence
of agreement on the part of the Union of South Africa, the degree
of supervision by the United Nations must not exceed that exercised
by the Council of the League of Nations.
There is room for the view that the Union of South Africa is
legally entitled to resist any attempted extension of the scope of
its accountability and of the corresponding degree of scrutiny,
interference and su~ervision bv the United Nations. even if such
extension is of a procedural nature, for instance, by way of a partic-
ular system of voting, so long as no conclusive proof has been
adduced that such extension is unavoidable on account of an imper-
ative necessity of relying on the procedure in force in the General
.4ssembly and unalterable in any circumstances.

The System of Trusteeship under the United Nations has not
replaced the Mandates System ;the latter remains in force so far

33à la situation. Ainsi, en admettant que la thèse principale de
l'Afrique du Sud sur Ir. question de l'unanimité soit correcte, il
serait raisonnable d'admettre que les expressions tmployées par
la Cour visant le « degré de surveillance »et la (procédure » n'ont
pas étéemployéesdans l'intention d'ignorer la position juridique
ainsi établie. Il n'y a pas d'avantage à traiter la question tout
entière comme inexistante, pour le motif que les mots employés
ont un sens fixe, certain et immuable.
Il est possible, bien entendu, que la question du vote n'ait pas
étéprésente à l'esprit de la Courà l'époquede l'avis de 1950 Ceci
ne veut pas dire que la procédure de vote ne soit pas un élément

essentiel du problème. Au contraire, c'est à la Cour, se trouvant en
face d'une lacune apparente dans l'avis rendu en 1950 à propos
d'une situation qui demande à êtreéclaircie, qu'il appartient de
combler la lacune en recourant à tous les moyens d'interprétation
disponibles. Ceux-ci ne comprennent pas la connaissance que pour-
rait avoir un membre de la Cour actuelle de son état d'esprit ou
de celui de ses collègues à l'époqueoù fut rendu l'avis consultatif
de 1950.
* * *
Il est importantà cet égardde tenir-compte du rapport existant
entre les deux passages examinés ici. A mon avis, des deux condi-
tions qui sont prescrites, la première, qui concerne le degré de

surveillance, est l'idée maîtresse présentant le caractère d'une
disposition de fond;la seconde, frappéed'une réservepar la présence
des mots ((autant que possible », présente, selon ses termes, le
caractère d'une disposition de procédure. La question qui se pose
est de savoir si l'on peut,à juste titre, interpréter l'avis rendu par
la Cour en 1950 d'une manière qui ferait dépendre la règle de fond
de considérations relatives à la conformité et à l'opportunité de
la procédure. La question est de savoir si l'on peut, à bon droit,
permettre que cette considération influe sur le principe directeur
posépar la Cour en 1950 ou affaiblit ce principe selon lequel, en
l'absence du consentement de l'Union sud-africaine, le degré de
surveillance exercé par les Nations Unies ne doit pas dépasser le.
degréde surveillance exercépar le Conseil de la Sociétédes Nations.
Il y a place pour la manière de voir selon laquelle l'Union sud-
africaine est juridiquement fondée à résister à toute tentative

visant à accroître sa responsabilité et le degré de surveillance
correspondant, ainsi que l'intervention des Nations Unies et la
surveillance exercéepar elles, même si cet accroissement présentait
un caractère de procédure, par exemple au moyen d'un système
particulier de vote - tant qu'il n'a pas étéprouvé de manière
concluante que cet accroissement est inévitable à raison d'une
nécessitéimpérative de se fonder sur la procédure en vigueur au
sein del'Assembléegénérale, procédurequi ne peut êtremodifiée en
aucune circonstance.
Le Système de Tutelle des Nations Unies n'a pas remplacé le
Système des Mandats ; ce dernier demeure en vigueur en ce qui as South-West Africa is concemed. As repeatedly stated in the

Opinion given in 1950 the continued exercise of the Mandate must
bc subject to supervision surrounded by the same, but not greater,
obligations and safeguards as those which existed under the League
of Xations. Now the obligations of a country can be decisively
influenced by the voting procedure in respect of the decisionswhich
interpret and apply those obligations. When the Opinion of 1950
said, and reiterated, that the obligations of the Mandatory remained
unaltered, it did not mean only that South Afnca continued to be
bound by these obligations and that she must not subtract from
them ;it meant also that these obligations ought not to be increased.
The continuation of the obligation must in al1 fairness be held to
work both ways. This seems to me to be the governing consider-
ation. In relation to it, the interpretation, however necessary, of
the terms "degree of supervision" and "as far as possible" seems
almost to assume the complexion of a technicality. 111relation to
it, exclusive reliance on the supposed ordinary and natural meaning
of the expression "degrce of supervision" as bearing no relation to
the voting procedure would seem to me highly qiiestionable.

-4s 1 see it, the words "as far as possible" do not mean that the
unqualified injunction against cxceeding the degree of super-
visjon under the League of Nations is in fact qualified by the
obligation to follow "as far as possible"-and only as far as possible
-the procedure of the Council of the League of Nations and that
if such approximation to that procedure is not possible having
regard to the voting procedure of the General Assembly of the
United Nations as laid down in Article 18 of the Charter, then the
degree of supervision must unavoidably be exceeded. The Opinion
of the Court rendered in 1950 did not Say that the degree of super-
vision as it existedunder the Mandztes System must not be exceeded
provided that that is possible under the then existing voting proce-
dure of the General Assernbly. On the face of it, the words "as far
as possible" may be interpreted as meaning that, within the frame-
work of cornpliance with the overriding prohibition of exceeding the
degree of supervision of the League of Nations and ifthereisa variety
of procedures availzble, that procedure must be followed which
corresponds more closely to that of the Council of the League of

Nations. For reasons stated elsewhere in this Opinion, 1 cannot
accept the view that the words "as far as possible" contained an
implied and imperative reference to an existing and unalterable
procedure of the Geaeral Assembly and that any such interpreta-
tion has the legitin~âte effect of overriding the basic prohibition
of extending the degree of supervision under the League of Nations
by dint of the statement that by adopting the rule of two-thirds
majority the General Assembly went "as far as possible", i.e., as
far as is legauy perrnissible under the Charter. That statement
must be proved by a rigorous and searching examination. Such
examination may show, assuggested in anothergart of this Separate

34 concerne le Sud-Ouest africain. Comme on l'a dit à plusieursreprises
dans l'avis rendu en 1950, l'exercice continu du Mandat doit être
soumis à une surveillance comportant les mêmesobligations et sau-
vegardesque celles qui existaient du temps de la SociétédesNations,
mais sans aller au delà. Or, les obligations d'un pays peuvent être
affectéesd'une manière décisivepar la procédurede vote appliquée

pour prendre les décisionsrelatives à l'interprétation et à l'applica-
tion de ces obligations. Lorsque, dans l'avis de 1950, il fut dit et
répété-que les obligations du Mandataire restaient inchangées, cela
ne signifiait pas seulement que l'Union sud-africaine continuait à
êtreliéepar ces obligations et ne pouvait en rien les diminuer ; cela
signifiait également que l'on ne pouvait accroître ces obligations.

La persistance des obligations doit, en toute justice, êtreconsidérée
comme opérant dans les deux sens. Cela me paraît être I'idéemaî-
tresse. A cet égard,l'interprétation, quelque nécessairequ'elle soit.
des termes ((degré de surveillance )et ((autant que possible »,semble
presque revêtirle caractère d'un détail technique. A cet égard, il me
paraîtrait hautement contestable de se fonder exclusivement sur
l'idéeque le sensordinaire et naturel supposédel'expression ((degré

de surveillance ))ne se rapporte pas à la procédure de vote.
Ainsi que je le conçois, lesmots cautant que possible )ne signifient
pas que l'injonction sans réserve,interdisant de dépasserle degréde
surveillance qui prévalait au temps de la Sociétédes Nations, soit
en fait atténuéepar l'obligation de suivre (cautant que possible 1)-
et seulement ((autant que possible ))- la procéduredu Conseilde la
Sociétédes Nations et s'il est impossible de se rapprocher de cette

procédure,eu égardà la procédure de vote de l'Assembléegénérale
des Nations Unies, telle qu'elle est prescrite par l'article 18 de la
Charte, le degré de surveillance doit, inévitablement, êtredépassé.
Dans son avis de 1950, la Cour n'a pas dit que le degré de surveil-
lance, tel qu'il existait sous le Régimedes Mandats, ne dût pas être
dépassé,pourvu que cela fût possible, étant donnéla procédure de

vote appliquée alors par l'Assembléegénérale. A première vue, les
mots (autant que possible ))peuvent êtreinterprétéscomme signi-
fiant que, dans le cadre de l'injonction impérative interdisant de
dépasserle degréde surveillancede la Sociétédes Nations et si l'on
peut choisir entre des procédures diverses, on doit appliquer la
procédure qui corresponde le plus près à celle du Conseil de la
Société desNations. Pour les motifs exposésailleurs dansla présente

opinion, je ne puis accepter l'idée selonlaquelle les mots ((autant
que possible ))contenaient une référenceimplicite et impérative à
une procédure existante et inaltérable de l'Assembléegénérale,et
qu'une telle interprétation aurait pour effet lhgitirne de l'emporter
sur l'interdiction fondamentale empêchant d'accroitre le degré de
surveillance telle qu'elle était pratiquée par la Sociétédes Nations,

en alléguant que, par l'adoption de la règlede la majorité des deux
tiers, l'AssembléegénéraleCtait aiiée ((aussi loin que possible w,
c'est-à-dire aussi loin que la Charte lui permet légalement d'der.Opinion, that it was legally possible for the General Assembly to
go somewhat further than does Rule F in complying with the
direction t.0 approximate "as far as possible" to the procedure of
the Council of the League.

My own conclusions with regard both to construction and the
three main questions as formulated above are such that it is not
necessary for this Court to adopt an interpretation of the Opinion

given in 1950 which in my view woulcl amount to saying that in
that Opinion the Court laid down, as the result of an oversight
or othenvise, two mutually contradictory directives, and that,
bu way of an implied reference to an unalterable voting procedure
of the General Assembly, it reduced to meagre proportions the
essence of its substantive riiling on one of the principal aspects of
its Advisory Opinion on the International Status of South-West
Africa.

Question I : Did the Rule of Absolute
Unani~nity obtain inthe Council of the
League actingas a Su#ervisory Organof
tlzeMandates System ?

1 now come to the first of the three principal legal issues with
which the Court must properly be deemed to be confronted in the
present case : Does the contemplated Rule F correctly interpret
the Opinion of the Court inasmuch as it replaces by a less stringent
system the rule of absolute unanimity which, according to the
contention of the Government of South Africa, obtained in the
Council of the League of Nations in respect of its supervisory
functions under the Mandates System ? Did any such rule obtain
in the Council of the League of Nations ?
With regard to this question, 1am unable tb accept.the contention
advanced by the Government of the LTnionof South Africa that
there is an inconsistency between the proposed Rule F and the
procedure followed by the Council of the League of Nations for
the alleged reason that the latter was.based on the rule of absolute
unanimity, including the vote of the Mandatory State concemed.
This has been the principal view put forward by the Govemment
of South Africa in the matter. 1 have given reasons why it was

desirable that the Court should examine it in al1 its aspects.
Admittcdly, the procedure of the Council of the League of
Nations was governed by the yrinciple of unanimity not only of the
Members of the Council but of States who, though not ordinarily
35Cette affirmation doit être prouvée au moyen d'un examen
rigoureux et approfondi. Un tel examen pourrait révéler, ainsi qu'il
est dit dans une autre partie de la présente opinion individuelle,
qu'il était légalement possibleà l'Assembléegénéraled'aller un peu
plus loin que ne le fait l'articleF pour se conformer au principe
selon lequel elle devait se rapprocher, autant que possible, de la
procédure appliquéepar le Conseil de la Sociétédes Nations.

Mes propres conclusions, à l'égardde l'interprétation et des trois
questions principales énoncées ci-dessus,sont de nature telle qu'il
n'est pas nécessaire que la Cour adopte une interprétation de
l'avis rendu par elle en 1950qui, à mon sens, aboutirait àdire que,
dans cet avis, la Cour, par mépriseou pour tout autre motif, aurait
introduit aeux directives réciproquement contradictoires et que,
par référence implicite à une procédure de vote immuable de
l'Assemblée générale,elle aurait réduit à des proportions insigni-
fiantes l'essence de la règlede fond adoptée par elle à l'égardd'un
des principaux aspects de son avis consultatif sur le Statut inter-
national du Sud-Ouest africain.

Question I : La règle del'unanimité
prévalait-elleau Conseil de la Société
des Nations en tant qu'organedesurveil-
lance du Rkgimedes Mandats ?

J'en viens maintenant à la première des trois questions juridiques
principales, que l'on doità bon droit considérer comme se posant à
la Cour en la présente affaire. L'article F envisagé interprète-t-il
correctement l'avis de la Cour, étant donné qu'il remplace par un
système moins strict la règle de l'unanimité absolue qui, selon la
thèse du Gouvernement de l'Afrique du Sud, prévalait au sein du
Conseil de la Sociétédes Nations dans l'exercice de ses fonctions
de surveillance sous le Régime des Mandats ? Lne règle de cette
nature prévalait-elle au sein du Conseil de la Société desNations ?
Sur ce point, je ne puis accepter la thèse du Gouvernement de
l'Union sud-africaine selon laquelle il existerait une incompatibilité
entre l'articleF envisagé et la procédure suivie par le Conseil de
la Société des Nat-ionspour la prétendue raison que cette dernière
-procédure sefondait sur la règle del'unanimitéabsolue, corriprenant
le vote de l'État mandataire intéressé. Tellea étél'opinion prin-
cipale exprimée en l'affaire par le Gouvernement de l'Afrique du
Sud. J'ai indiqué les raisons pour lesquelles il était à souhaiter
que la Cour examinât ce point sous tous ses aspects.
Il est admisque la procédure du Conseil de la Sociétédes Kations

était régie par le principe de l'unanimité, cette unanimité com-
prenant non seulement les membres du Conseil, mais aussi des99 ADVIS. OPIN. OF 7 VI55 (SEP. OP.JUDGE LAUTERPACHT)

Members thereof, were invited to sit at its table in connection
with a matter under its consideration-a rule which applied also
to the rcpresentatives of the Mandatory State invited to take part
in the proceedings of the Council. However, having regard both
to principle and practice, as 1 interpret them, th? ruling of the
Court given in its Twelfth Advisory Opinion on the Interpretation.
of theTreaty of Lausanne must be held to apply also to the question
with which the Court is nowvconcemed. In that case, the Court
held that the pnnciple which was enshrined in Article 15 of the
Covenant and which excluded the vote of the parties to the dispute
from the requirement of unanimity as a condition of the validity
of a recommendation made by the Council, was of general appli-
cation in so far as it embodied the "well-known rule that no

one can be judge in his own suit" (Senes B, No. 12, p. 32).
That "well-known de", henceforth sanctioned by a pronounce-
ment of the Permanent Court of International Justice, niust be
held to apply to the case in which an international organ, even
when acting otherwise under the rule of unanirnity, judges in a
supcrvisory capacity the legal propriety of the conduct of a Staee
administenng an international mandate or trust. The supervisory
organ may do so either directly by pronouncing a verdict upon
the conformity of the action of the administering State with its
international obligations or indirectlyby calling upon it to adopt-or
desist fron-a certain line of action.

In the absence of cogent proof to the contrarx there is no justifi-
cation for rendenng legally permissible a situation in which a State,
bound by viflue of solemn international obligations to observe a
definite rule of conduct and to submit to the internationalwpervi-
sion of its observance, is at the same time entitled to render, by its
adversevote, such supervisionnominal and ineffective.Undoubtedly,

international practice knows instances of States reserving for
themselves the right to determine the extent of their own obligation
and, in a sense, to remain judges in their own case. However,
unless such right is reserved in explicit terms, States which
thus attempt to avail themselves of their contractual capacity
for purposes alien to its primary purpose-which is the creation
of binding obligations-act at their peril. Such express reservation
of this exceptional right, obnoxious to legal principle and to tenets
of good faith, cannot be conclusively inferred fïom the mere fact
that the basic instrument provides for the rule of unanimity. It
could not, in particular, be inferred from the rigid wording of
Article 5 of the Covenant, which laid down that, unless expressly
provided to the contrary, the de of unanimity should obtain.
For, in the absence of a clear provision to the contrary, that de
is in itself qualified by the principle laid down by the Permanent
Court of International Justice in the Advisory Opinion on the
Ifzterpretationof the Trenty of Lausanne. In that Opinion the

36 AVIS CONS. DU 7 VI 55 (OPIN. INDIV. Jf.LAUTERPACHT) 99

États qui, sans faire normalement partie du Conseil, étaient invités
à y siégerlors de l'examen d'une question les intéreçsant ;cette
règle s'appliquait également aux représentants de 1'Etat manda-
taire, invitésà prendre part à la procédure devant le Conseil.
Toutefois, eu égard au principe comme à la pratique, tels que je
les interprète, la décisionprise par la Cour dans son douzième avis
consultatif sur l'Interprétation du Traité de Lausanne, doit être
considérée commes'appliquant également à la question dont la
Cour est maintenant saisie. Dans cette affaire, la Cour estima que
le principe consacré dans l'article15 du Pacte et qui excluait le
vote des parties au différenddans le calcul de l'unanimité en tant

que condition de la validité d'une recommandation du Conseil.
était d'applicationgénéraIe,pour autant qu'il incorpore cla règle
bien connue d'après laquelle nul ne peut êtrejuge dans sa propre
cause »(SérieB, no12, p.32).Cette «règlebienconnue »sanctionnée
désormais par la Cour permanente de Justice internationale, doit
êtretenue pour applicable au cas où un organe international, même
quand il décide en d'autres cas selon la règlede l'unanimité, juge,
dans l'exercice d'une surveillance à lui confiée,de la conformité
au droit dela conduite d'un État chargéd'un mandat international
ou d'une tutelle. L'organe de surveillance peut le faire soidirec-
tement en se prononçant sur la conformité des actes de l'État
chargé de l'administration à ses obligations internationales ou,
indirectement, en l'invitant à adopter une certaine manière d'agir
ou à y renoncer.

En'l'absence d'une preuve incontestable démontrant le contraire,
on n'est pas fondéà laisser subsister la possibilité juridique d'une
situation dans laquelleun État tenu, en vertu des obligations inter-
nationales solennellement assuméespar lui, d'observer une conduite
préciseet de se soumettre à une surveillance internationzle destinée
à garantir cette conduite, serait en mêmetemps fondé à rendre, par
son vote en sens contraire, cette surveillancenominale et inopérante.
Sans doute, la pratique internationale connaît des cas où les
États se réservent le droit de déterminer l'étenduede leurs propres
obligations et, en un certain sens, de demeurer juges en leur propre
cause. Mais, à moins que ce droit ne soit réservéen termes des pltrs
explicites,les États quitentent ainsi de mettre à profit leur capacité
contractuelle pour des fins étrangères à son objet principal - à
savoir la création d'obligations liant celui qui les ass-meagissent

àleurs risques et périls.La réserveexpresse de ce droit exceptionnel,
contraire au principejuridique et àla bonne foi, ne peut êtredéduite
défaçon concluante du seùl fait que la constitution prévoitla règle
de l'unanimité. Cette réservene peut notamment êtredéduite des
teimes rigides de l'articl5 du Pacte, selon lequel, sauf disposition
prévoyant expressément le contraire, la règlede l'unanimité devait
s'appliquer. En effet, en l'absence d'une disposition prévoyant
expressément le contraire, cette règle est en elle-même qualifiée
par le principe énoncépar la Cour permanente de Justice inter-

JsIO0 ADVIS. OPIh;. OF 7 VI 55 (SEP. OP. JCTDGELAUTERPACHT)
Court considered this rule to be of general application for the
decisions of the Councilwhen acting in a judicial or arbitral capacity.

Its ruling nras not limited to cases brought before it by virtue of an
extraneous treaty.

It must be conceded that the application of the principle nemo
judex in re sua to. what is in essence a controversy between the
mandatory and the otherwise unanimous Council constitutes an
extension of that principle as laid down by the Court. However,
the extension is more apparent than real. For the reasons stated
above, there does not seem to exist any solid ground for dinstin-
guishing between decisions taken in pursuance of the supervisory
functions of an international organ and decisions of a judicial or
arbitral nature such as that with which the Council of the League
was confronted in the matter of the determination of the boundary
between Turkey and Iraq. In al1cases in which there is a difference

of opinion, brought to the point of a forma1discordant vote, between
the supervising organ and the administering authority as to the
conformity of the conduct of the latter with its international
obligations, such difference has the essential elements of a dispute
as to the application of a binding international instrument.
In any such controversy the principle that no one is judge in his
own cause must be deemed to apply. To put it differently, there is
no valid reason for distinguishing, in connection with the applica-
bility of the principle that no one is judge in his own cause, between
the judicial andthe supervisory organs. Both administer, in different
ways, a system of binding rules of conduct.

1will now turn from principle to practice. The practice, as 1read
it, of the League of Nations, does not conclusively support the view
that there was an invariable, or even predominant, tendency-in
cases in which a Member of the Council was itself a party to the
dispute-to attach literal importance to the seemingly rigid or
exhaustive provisions of Article 5 of the Covenant in the matter of
unanimity. On occasions, the principle of absolute unanimity, includ-
ing the votes of the parties to the dispute, was acted upon with some
rigidity. This occurred in two cases in connection with the applica-
tion of Article II of the Covenant, namely, in the dispute between
Poland and Lithuania in 1928 (Oficial Journal of the League of

Nations, 1928, p.896), and, in particular, in the course of the Sino-
Japanese dispute in 1931 (Oficial Journal of the Leagueof Nations,
1931, p. 2358).In both cases a resolution of the Council, assented to
by all its Members Saveone of the parties to the dispute, wasformally
stated not to be binding. It may be observed that with regard to AVIS CONS. DU 7 VI 55 (OPIN.INDIV. M. LAUTERPACHT) IO0

nationale dans son avis consultatif sur l'Interprétationdu Traitéde
Lausanne. Dans cet avis, la Cour a estiméque cette règleétait d'ap-
plication généralepour les décisions du Conseil lorsque ce dernier
agissait à titre judiciaire ou arbitral. La règle n'a pas étélimitée
aux affaires portées devant la Cour en vertu d'un traité étranger.
On doit reconnaître que l'application du principe nenzo juden.
in re sua à ce qui est essentiellement une controverse entre le
mandataire et le Conseil par ailleurs unanime, constitue une
extension du principe posépar la Cour. Cette extension, cependant,
est plus apparente que réelle.Pour les raisons indiquées ci-dessus,

il ne me semble pas qu'il ait un motif valable d'établir unedistinc-
tion entre les décisions prises dans l'exercice des fonctions de sur-
veillance d'un organe international et les décisions.de caractère
judiciaire ou arbitral, telles que le Conseil de la Sociétéétait appelé
à en rendre dans l'affaire relativàla fixation de la frontière entre
la Turquie et l'Irak. Dans tous les cas où il existe une différence
d'opinion ayant conduit à un vote discordant entre l'organe de
surveillance et l'autorité chargéede l'administrationsilr la confor-
mitéde la conduite decette dernièreà sesobligations internationales,
cette différence d'opinion présente les éléments essentiels d'un
litige portant sur l'application d'un instrument international
obligatoire. Dans un Iitige de cet ordre. on doit considérer que le
principe «nul ne peut êtrejuge dans sa propre .cause »s'applique.
En d'autres termes, il n'existe pas de motif valable permettant de
distinguer entre les organes judiciaires et les organes de surveillance,
du point de vue de l'applicabilité du principe selon lequel nul ne

peut être juge en sa propre cause. Les deux catégories d'organes
appliquent, par des voies différentes, un ensemble de règles de
conduite obligatoires.

Je passe maintenant du principe à la pratique. Telle que je la
comprends, la pratique suivie par la Sociétédes Nations ne justifie
pas de façon concluante la manière de voir selon laquelle ilaurait
eu une tendance invariable, et mêmeprédominante, dans les cas où
un membre du Conseilétait lui-mêmepartie au différend, à attacher
une importance littérale aux dispositions en apparence rigides ou
complètes en elles-mêmesdel'article 5 du Pacte en matière d'unani-
mité. A certaines occasions,on s'est conformé,avec assez de rigueur,
au principe de l'unanimité absolue comprenant les votes des parties.

Cecis'est produit dans deux cas,relatifs àl'application de l'article
du Pacte, savoir : dans le différend entre la Pologne et la Lithua-
nie en 1928 (Journal oficiel dela Sociétdes Nations, 1928 ,. 896),
et en particulier au cours du différendsino-japonais de 1931(Journal
oijîcielde la Sociétt!des Nation1931, p. 2358) D.ans les deux cas,
il fut formellement déclaréque la résolutiondu Conseil,acceptéepar
tous ses membres à l'exception d'une des parties au différend, nethe latter case, Professor Brierly, a writer of authonty noted for his
restraint, stated that the interpretation of ArticleII then adopted
Ras "unexpected and doubtfully correct" (The Covenant and the
Charter,1947, p. 15) . part from these rare cases, the tendency was
either in the direction of an express amendment of these provisions
of the Covenant which, on the face of it, left room for the frustration
of an otherwise unanimous decision by a vote of an interested party
or in the direction of regardingsuch amendment as unnecessary and
of acting on the view that the principle nemo judex in re sua was
already an integral part of the Covenant. Thus, in 1921, the Assem-
bly recommended that, pending the ratification of an express
amendment of the Charter to that effect, the votes of the parties to
the dispute should be excluded in the voting on the question whether
a Member of the League had gone to war in breach of the Covenant
(Records of the SecondAssembly, Plenary Meeting, p. 806). In 1922,

the Council seems to have proceeded in two cases on the view that
when acting in an arbitral or semi-judicial capacity it was bound to
exclude the votes of the parties for the purpose of ascertaining the
unanimity required by the Covenant. The first of these cases con-
cemed the claim of India to be included among the eight States of
chief industrialimportance in connection with representation on the
Governing Body of the International Labour Organisation. In that
case, the Council endorsed and acted on the legal opinion submitted
to it by the Secretariat to the effect that "the Council would act in
this affair as arbitrator, andthatIndia coulclnot be both judge and
party to the case" (Oficial Journal, 1922, p. 1160). The case is of
special importance in the present connection inasmuch asthe Coun-
cil acted in an administrative rather than judicial capacity.
In the acute Greco-Bulganan dispute in 1925, the Council, acting
in aprivate meeting in the absence of the representatives of the two
parties, prepared what was described as a "dictatorial request" for
acceptance by the parties who declared themselves ready to accept

the decisionof the Council thus subsequently sanctioned by a unani-
mous vote (Oficial Journal, 1925,p. 1700). In the same year, in the
Hungarian Optants dispute between Hungary and Roumania, which
came before it under Article II, paragraph 2,of the Covenant, the
Council accepted a recommendation by a unanimous vote exclusive
of the representatives of the parties afterthe President of the Council
stated that, in inviting the Council to pronounce itself on the
recommendation contained in the report, he "deliberately excepted
two members of the Councilwho are parties to the dispute" (1927,
P. 1413)-

It would thus appear that the Twelfth Advisory Opinion of
the Court, in addition to being based on a general principle of

38 AIïS COXS. Dt 7 VI 5j (OPIN, INDIV. M. LA'TERPACHT) IO1

serait pas obligatoire. On peut faire observer qu'à propos de cette
dernière affaire, le professeur Brierly, un auteur faisant autorité et
connu pour sa-réserve, déclara que l'interprétation de l'article II

adoptée à cette occasion était ((inattendue et d'une exactitude dou-
teuse ))(The Covenantand the Charter,1947, p. 15) .auf ces cas peu
fréquents, la tendance s'est manifestée,soit dans le sens d'un amen-
dement exprès de ces dispositions du Pacte, qui, à première vue,
laissait placeà la possibilitéde faire écheà une décisionpar ailleurs
unanime, grâce au vote d'une partie intéressée, soit dans le sens
qu'un tel amendement était inutile, étant donné que le principe
nefnojztdex in re sua était déjàpartie intégrante du Pacte. Ainsi, en
1921, l'Assembléerecommanda qu'en attendant la ratification d'un

amendement exprès de la Charte à cet effet, les votes des parties au
différendfussent exclus lors du vote sur la question de savoir si un
Membre de la Sociétédes Nations avait eu recours à la guerre
contrairement au Pacte (Comptes rendus de la Seconde Assemblée,
Séance plénikre,p. 806). En 1922, le Conseil, dans deux cas, semble
être parti du principe selon lequel, en agissant en tant qu'organe
arbitral ou semi-judiciaire, il était tenu d'exclure les votes des
parties pour calculer l'unanimité exigéepar le Pacte. La première
de ces affaires avait trait à la demande de l'Inde, aux fins d'être

comptée parmi les huit États d'importance industrielle prépondé-
rante pour êtrereprésentéeau Conseil d'administration de l'Orga-
nisation internationale du Travail. Dans cette affaire, le Conseil a
agid'après l'opinion juridique acceptée par lui, que lui avait soumise
le Secrétariat, à savoir que ((le Conseil devait agir dans l'espèce
comme arbitre et que l'Inde ne pourrait êtrejuge et partie ))(Jour-
nal oficiel. 1922, p. 1160). Cette affaire présente une importance
particulière au point de vue de la présente espèce, car le Conseil y
joua plutôt le rôle d'un organe administratif que d'un organe judi-

ciaire. Dans le différend aigu qui opposa la Grèce à la Bulgarie
en 1925; le Conseil, se prononçant en séance privée horsde la
présence des représentants des deux parties, élabora ce qui fut
appelé une ((demande dictatoriale » destinée à êtreacceptée par
les parties, lesquelles se déclarèrentelles-mêmesprêtes à accepter
la décisiondu Conseil, ainsi sanctionnée ultérieurement par un vote
unanime (Journal oficiel, 1925, p. 1700). Au cours de la même
année,dans le différendentre la Hongrie et la Roumanie relatif aux
optants hongrois dont 4 était saisi en vertu de l'articleII, para-

graphe 2,du Pacte, le Conseil accepta une recommandation à l'una-
nimité, sans compter les voix des représentants des parties, après
que le Président du Conseil eut décla.ré qu'en invitant le Conseil à
se prononcer sur la recommandation contenue dans le rapport, il
((exceptait délibérémentdeux membres du Conseil, parties au dif-
férend » (1927, p. 1413).
Il semblerait donc que le douzième avis consultatif de la Cour
permanente, outre qu'il se fondait sur un principe général dedroitlaw of cogent application, was not without support in the practice
of the League, both prior and subsequent to the time when it was
rendered. It may be useful in this connection to draw attention
to the officia1 publication of the Secretariat of the League of
Nations, entitled "The Councilof the League ofNations, 1920-1g38",
in which, on page 69, according to the view of the Secretariat, on
the question of the inclusion of the votes of the parties in deter-
mining unanimity "there is a certain division of opinion as to
whether the votes of the parties should or should not be counted".
It has been maintained that whatever may have been the practice

of the Councilof the League of Nations in thematter of international
disputes, in other spheres it strictly adhered to the piinciple of
absolute unanimity. From this the conclusion is drawn that the
Mandatory State enjoyed a power of veto with regard to the super-
visory function of the Council. 1 am not persuaded of the accuracy
either of what is supposed to be the factual premise or of the conclu-
sion which is being drawn from it. An account of some of the practice
of the Council in this sphere is given in a paper prepared by the
Çecretariat of the United Nations for the working group of the
Committee on South Africa and included as No. 39 in the file of
documents put at the disposa1 of the Court. There are other cases
to which reference willbe made presently. Myreading of the practice
as recorded is that, while there is no instance of a resolution of the
Council being formally declared adopted as against the opposing
vote of the mandatory State, there is, on the evidence, no authentic
and recorded instance of a contemplated resolution of the Council
being frustrated as the result of the adverse vote of the mandatory
State. A study of these cases, which were concerned with the
mandated territory of South-West Africa, shows that while in no
instance a resolution was adopted contrary to the express attitude

of the Govemment of South Africa, this was not necessarily so
bécauseof any threatened exercise of the power of veto. In some of
these cases, that Govemment, after having stated its doubts or
objections, did not insist on them ; in two other cases the Council
modified an altemative text submitted hy the representative of
South Africa ; in the sixth case the Government of South Africa
eventually decided not to be represented at the resumed discussion
of the issue in question. The same solution was adopted by the
South African Government in some other cases, ofwhichone relating
to the status of the South African Mandate calls for special mention.
In its Report, made in 1935 ,he Mandates Commission noted that
it had been informed by the Mandatory Power that the latter
had appointed a special Committee to study certain constitutional
problems raised by a motion of the Legislative Assembly of the
territory aiming at its incorporation as "a fifth province of the
Union". The Report concldded with the following passage :"As
the guardian of the integrity of the institution .of Mandates, the
Commission therefore expects to be informed of the Mandatory

33d'application irrésistible, ne manquait point d'appui dans la
pratique de la Société desNations, tant avant qu'après le moment
où cet avis fut rendu. Il est peut-être utile,à cet égard, de signaler
la publication officielle du Secrétariat de la Sociétédes Xations,
intitulée «Le Conseil de la Sociétédes Nations, 1920-1938 »,où,
à la page 69, selon l'avis di1 Secrétariat au sujet du compte des
voix des parties dans le calcul de l'unanimité, il est dit qu'«on
note une certaine division des opinions sur le point de savoir si les
voix desparties doivent êtreou non comptées n.

On a soutenu que, quelle qu'ait pu êtrela pratique du Conseil
de la Sociétédes Nations en matière de différends internationaux,
cet organisme est, en d'autres domaines, strictement resté fidèle au
principe de l'unanimité absolue. Partant de là, on. conclut que
l'État mandataire jouissait d'un droit de veto vis-à-vis de la fonc-
tion de surveillance du Conseil. Je ne suis pas persuadé de l'exac-
titude de ce qui est supposéêtrela prémisse de fait, ni de la conclu-
sion que l'on en tire. On trouve quelques exemples de la pratique
suivie par le Conseil en ce domaine dans un document que le
Secrétariat des Nations 'C'niesa rédigépour le groupe de travail du
Comité sur l'Afrique du Sud ; c'est le no 39 du dossier mis à la
disposition de la Cour. Il y a d'autres cas dont je ferai mention plus
loin. Voici comment i'interprète la pratique du Conseil, telle qu'elle
est rapportée : tandis qu'il n'y a pas d'exemple qu'une résolution
du Conseil ait étéformellement déclarée adoptée en dépit du vote

en sens contraire de 1'Etat mandataire, il n'y a, parmi les pièces du
dossier, aucun exemple authentique et dûment constaté d'une
résolution envisagée par le Conseil, rendue impossible par le vote
contraire de l'État mandataire. L'examen de ces cas, qui avaient
trait au temtoire soiis mandat du Sud-Ouest africain, fait ressortir
que, s'il n'y a pas d'exemple d'une résolution adoptée contrairement
à l'attitude explicite du Gouvernement de l'Afrique du Sud, cela
n'était pas nécessairement dû à une menace d'exercer un droit de
veto. Dans certainsde ces cas, ce Gouvernement, après avoir exposé
ses doutes ou ses objections, n'a pas insisté ; dans deux autres cas,
le Conseil a modifié une contre-proposition du représentant de
l'Afrique du Sud ; dans le sixième cas, le Gouvernement de l'-Afrique
du Sud décida finalement de ne pas se faire représenter lorsque fut
repris l'examen de la question dont il s'agissait. Il prit la même

attitude dans certains autres cas, dont l'un, relatif au statut du
Mandat sur le temtoire du Sud-Ouest africain, mérite une mention
spéciale. Dans son rapport, présenté en 1935, la Commission des
Mandats releva que la Puissance mandataire lui avait fait savoir
qu'elle avait chargé un Comité spéciald'examiner certains problè-
mes constitutionnels que soulevait une motion de l'Assemblée.
législative du temtoire tendant à la constitution de celui-ci (en
cinquième province de l'Union ». Le rapport se terminait par le
passage suivant : «Gardienne de l'intégrité de l'institution du
Mandat, la Commission s'attend donc à recevoir communication

39IO3 ADVIS. OFIN. OF 7 VI 55 (SEP, OP. JUDGE LAuTERPACHT)

Power's views on the question. which it will not fail to subject
to that careful examination that its international importance
demands. The Commission wishes, on this occasion, to draw
attention to the Mandatory Power's fundamental obligation to give
effect, not only to the provisions of the Mandate, but also to those
of Article22 of the Covenant." (League of Nations Ogicial Journal,
1935, p. 1235.) The Report of the Commission on this and other
matters was adopted by the Councilwhich instructed the Secretary-
General to communicate to the Mandatory Powers the observations
of the Commission and to request them to take the action asked
for by the Commission (ibid., p. 1148).The Govemment of South

Africa informed the Secretary-General that it would not be repre-
sented at the meeting of the Council. It may or may not be profit-
able to enquire into the reasons which prompted abstention from
participation in a decision w-hichhad a distinct bearing on an impor-
tant issue touching upon an essential aspect of the rights and duties
of the mandatory. At least on six other occasions the Government
of South Africa was not represented at meetings of the Council
at whichResolutions were adopted or discussions took place concern-
ing South-West A.frica.
The fact which thus emerges with some clarity from a survey
of-the practice of the Council of the League of Nations on the
subject is that it supplies no conclusive or convincing evidence
in support of the view that as a matter of practice the rule of
unanimity operated and was interpreted in a manner substantjating
any right of veto on the part of the mandatory Power. It would

probably be more accurate to say that, assuming that it existed
during the initial period of the functioning of the League, that
nght feu into desuetude and lapsed as the result. Undoubtedly,
importance kvas attached to securing the concurring vote of the
Mandatory Power by patient efforts at compromise and accom-
modation, especialiy with respect to the language of the Resolutions
of the Council. It is therefore probable that a case, repeatedly-
though rather vaguely-referred to in the argument of the Govern-
ment of South Africa before the United Nations, in which the
Council of the League of Nations desisted in deference to the
attitude of South Africa from a proposed course of action, is not
wholly apocryphal: There were bound to be a number of cases of
that nature. However, these do not tell the whole story. In other
-and probably more frequent-cases unanimity was achieved
for the reason that the Mandatory Power adapted its attitude
to the general sense of the Council, or, in some cases, for the reason

that it decided not to participate inthe meeting at which the Council
accepted the Resolution. It is probable-we cannot put it higher
than that-that it adopted that course becaus2 it deemed it
preferable to open disagreement with an othenvise unanirnous
Council or to a public debate before an antagonistic and practically
unanimous Assembly. From this point of view there is a distinct
40 AVIS COKS. DU 7 VI 55 (OPIK. INDIV. M. LAUTERPACHT) IO3

des vues de la Puissance mandataire sur la question. Elle ne man-
quera pas de soumettre celles-cià l'examen approfondi qu'appelle
son importance internationale. La Commission désire rappeler à
cette occasion l'obligation fondamentale de la Puissance mandataire
de donner effet non seulement aux dispositions du Mandat mais
encore à celles de l'articl22 du Pacte. )) (Journal oficiel de la
Sociétddes Xations, 1935, p. 1235.) Le rapport de la Commission

sur ce point, ainsi que sur d'autres questions, fut adopté par lc
Conseil, qui chargea le Secrétaire général decommuniquer aus
Puissances mandataires les observations de la Commission, en les
priant d'y donner la suite demandée par la Commission (ibid.,
p. 1148). Le Gouvernement de l'Afrique du Sud fit savoir au Secré-
taire généralqu'il ne serait pas représenté à la séancedu Conseil.
Il peut êtreutile ou non de rechercher les raisons qui portèrent ce
Gouvernement à s'abstenir de participer à une décisionqui portait
nettement sur une question importante, touchant un aspect
essentiel des droits et devoirs du mandataire. Six autres fois au
moins, le Gouvernement de l'Afrique du Sud ne sefit pas représenter
aux séancesoù le Conseil adopta des résolutions ou se livra à un
échangede vues au sujet du Sud-Ouest africain.

Le fait qui ressort donc assez clairement d'un examen de la pra-
tique du Conseil de la Sociétédes Nations en la matière est que l'on
n'y trouve pas de preuve concluante ni convaincante à l'appui de
l'opinion selon laquelle, dans la pratique, la règle de l'unanimité
s'appliquaitet étaitinterprétéed'unemanière confirmantl'existence
d'un droit de veto en faveur de la Puissance mandataire. Il serait
probablement plus exact de dire que, à supposer que ce droit ait
existé au début du fonctionnement de la Société desNations, i!
tomba en désuétudeet,partant, devint caduc. Certes, on s'attacha
à obtenir un vote concordant de la Puissance mandataire par des
efforts patients de compromis et de concessionsréciproques, notam-
ment sur la phraséologie des résolutions du Conseil. II est donc
probable qu'un cas mentionné à plusieurs reprises, encore que d'une

façon assez vague, dans l'exposé présenté devant les Nations Unies
par le Gouvernement de l'Afrique du Sud, cas où le Gonseil de la
Sociétédes Nations aurait renoncé, euégard àl'attitude de l'Afrique
du Siid,à une ligne de conduite qu'il avait envisagée, n'est pas
entièrement apocryphe. Il a dû nécessairement exister un certain
nombre de cas de cettenature. Mais ils n'étaient pas les seuls. Dans
d'autres cas, probablement plus nombreux, on obtint l'unanimité
parce que la Puissance mandataire adapta son attitude à l'opinion
généraledu Conseil ou, dans certains cas, parce que la Puissance
mandataire décidade ne pas prendre part à la séanceau cours de
laquelle le Conseil adopta la résolution.Il est probable- no-JSne
pouvons en dire plus - que cette Puissance adopta cette ligne de
conduite parce qu'elle la jugea préférable à un désaccord patent

avec le Conseil, par ailleurs unanime, ou à un débat public devant
une Assembléehostile et pratiquement unanime. A ce point de vue,
40measure of unreality in the insistence on the absolutely unanimous
vote in the Council. The Council was not a mere voting machine.

It is of interest to note that Professor Quincy Wright, in the
most exhaustive treatise on the subject of mandates, comes to the
folloning conclusion :"Thus it is possible that a resolution dealing
n-ith a particular inandatory might be effective over the adverse
J-ote of that mandatory. On the other hand, it may be thought
that the Council in dealing with mandates acts in an adminis-
trative rather than a quasi-judicial character, in which case absolute
unanimity might be required. It is probable that the character of the
particular question before the Council would determine the matter
but up to date there has always been absolute unanimity."
(Jiandates zuzder the Leagzte of Nations (1930)~p. 132. A similar
view is expressed on p. j22.) However, as already suggested, the
Council, in passing resolutions on mandates, acted essentially in
a quasi-judicial capacity. Apart frorn procedural safeguards, there
is probably no basic differencebetween the judicial and the adminis-
trative application of the law. As shown, the circumstance that

resolutions had in fact been accepted by absolute unanimity throws
no decisive light on the legal position here examined. When
Professor Wright stated-a statement subsequently repeated by
other ~vell-informed commentators (see Duncan Hall, Mandates,
Dependenciesand Trusteeshi$ (1948), p. 175)-that as a matter of
fact decisions of the Council in the matter of mandates were
unanimous, the statement, if we disregard the occasional abstention
of the Mandatory Power from participation in the meetings, was on
the face of it correct. But, as shown, it was clearly intended only as
a statement of fact, not of law. That"fact is open to varying-and
divergent-legal construction.

There is thus in the practice of the Council no conclusive factor
which is apt to override the basic legal considerations to which
1 have referred above, namely, that in an instrument such as the
Covenant of the League of Nations the general requirement of
unanimity is not in itself sufficient to displace the principle that a
party cannot be judge in its own case ; that the requirement of
unanimity, however expressly stated, is implicitly qualified by the
latter principle ;and that nothing short of its express exclusion is

sufficient to justify a State in insisting that it should, by acting as
judge in its own case, possess the right to render inoperative a
solemn international obligation to which it has subscribed. This
principle ought to be kept prominently in mind when it is a question
of the supervised State claiming the right to frustrate by its own
vote the legal efficacy of the supervision. The effectiveness of inter-
national obligations may not be the only governing consideration il s'attache nettement un certain degréd'irréalitéau fait d'insister
sur le caractère absolument unanime du vote au sein du Conseil. Le
Conseil n'était pas une simple machine à voter.
Il n'est pas sansintérêtde noter que, dans son ouvrage très com-
plet sur la question des mandats, le professeur Quincy Wright arrive
à la conclusion suivante : «Il est donc possible qu'une résolution
visant une Puissance mandataire donnée soit effective en dépit du
vote en sens contraire de cette dernière. D'autre part,ripeut penser
que le Conseil, lorsqu'il s'occupe des mandats, exerce une fonction
d'ordre administratif plutôt que quasi-judiciaire, auquel cas l'unani-

mitéabsolue ~ourrait êtrereauise. Il est ~robable aue le caractère de
la question particulière soumise au Conseilserait décisif,maisjusqu'à
présent le Conseil a toujours adopté ses résolutions à l'unanimité
absolue. »(Mandates under the Leagzteof Nations (193o),p. 132. La
même opinionest exprimée àla p. 522.)Quoi qu'il en soit, commeon
l'a déjà indiqué, le Conseil, en adoptant des résolutions relatives
aux mandats, exerçait essentiellement une fonction d'ordre quasi-
judiciaire. En dehors des garanties de procédure, il n'y a probable-
ment pas de différence essentielIe entre l'application judiciaire et
l'application administrative de la loi. Ainsi qu'il a étédémontré,la
circonstanceque desrésolutionsont été enfait acceptées àl'unanimité
absolue, nepermet pas dese prononcer de façon décisivesur la situa-
tion juridique examinée ici. La constatation du professeur Wright,
qui a étéreproduite ultérieurement par d'autres commentateurs

bien informés (voirDuncan Hall, Mandats, Depem.ienciesand Trustee-
ship (1948),p. 175)~selon laquelle, en fait, les décisionsdu Conseil
en matière des mandats étaient unanimes, est, à première vue,
exacte, si l'on ne tient pas compte de la circonstance que la Puis-
sance mandataire s'est abstenue occasionnellement de prendre part
à la réunion. Mais, ainsi qu'il a étédémontré,dans l'esprit de son
auteur il s'agissait nettement d'une constatation de fait et non de
droit. Ce fait se prête à des interprétations juridiques variables et
divergentes.
Il n'y a donc, dans lapratique du Conseil,pas d'élément concluant
permettant de passer outre aux considérations juridiques fondamen-
tales que j'ai mentionnées ci-dessus, à savoir que, dans un instru-
ment tel que le Pacte de la Société desNations, la règle générale
d'unanimité n'est Das en elle-même suffisanteDour écarter le Drin-
I
cipe selon lequel une partie ne peut êtrejuge en sa propre cause.
La condition d'unanimité, si exprès que soient les termes qui la
posent, est implicitement limitée par ce dernier principe, et il ne
faudfait rien de moins que son exclusion expresse pour autoriser
un Etat à,prétendre qu'en agissant comme juge dans sa propre
cause ilpossèclele droit de priver de tout effet une obligation inter-
nationale solennelle à laquelle il a souscrit. On devrait garder ce
principe présent à l'esprit, surtout dans le cas où c'est l'État sur-
veillé qui revendique le droit de réduire à néant, par son propre
vote, l'efficacité juridique de la surveillance. L'efficacité des obliga- 105 ADVIS. OPIN. OF 7 VI 55 (SEP. OP. JCTDGE I..~CTERP~\CHT)

in the interpretation of treaties seeing that the parties occasionally
intend to render them lesseffective than isindicated by their appar-
ent purpose. But it is a consideration which cannot be ignored.
In so far as the principle nemojzcdexin re sua is not only a general
principle of law, expressly sanctioned by the Court, but also a
principle of good faith, it is particularly appropriatein relation to
an instrument of a fiduciary character such as amandate or a trust
in which equitable considerations acting upon the conscience are of
compelling application. This, too, isa general principle oflaw recog-
nized by civilized States. There is therefore no sufficient reason for
assuming that if the Permanent Court of International Justice had
been calledupon to apply its ruling in the Twelfth Advisory Opinion
to the question of unanimity in connection with the supervisory
function of the Council in the matter of mandates, it would have

abandoned the principle there enunciated. It may be strange that
ten years after the dissolution of the League this Court should be
confronted with the same question, but this is not a valid ground
for departing from that principle. There is, it may be added, no
reason why the Court should not interpret the Covenant of the
League as it existed in 1945. The determination of nghts validly
acquired under treaties or statutes which have lapsed is a frequent
occurrence in judicial practice. There is no occasion for any
excess of judicial caution in this respect. Moreover, in the present
case the Court interprets primarily the Mandate which, as it repeat-
edly stated in its Opinion of 195o,.continues to exist.

1 cannot say that 1 have arrived without hesitation at my

conclusion on this aspect of the question or that 1 would have been
prepared to base my affirmative answer to the question put by
the General Assembly solely on this ground. 1 am impressed by
the doubts voiced in this connection by Judge Klaestad in his
Separate Opinion. For we ought to attach due weight to the
general mle of unanimity in the Covenant and the fact that there
is no explicit case on record in which the Council affirmed its
right to give a valid decision in face of a forma1 objection of the
interested ~~iandatorj-State. At the same time, 1must attach equal
-and, 1 believe, decisive- weight to the general principle as here
outlined and as acted upon by the Court itself in the Twelfth
Advisory Opinion ;to the preponderant practice of the Council
of the League in a sphere not confined to the settlement ofdisputes ;
and, above all, to the custom-to what in English practice is

referred to as a constitutional convention-according to which
the Mandatory States never in fact exercised any right of veto.
Also, 1 have some doubts as to the existence of any vested right
of South Africa to an immutable system of voting in face of actual
or potential changes in the practice of the League of Nations on
the subject of the voting procedure. There is no doubt that, in the .4\'ICOSÇ. DC 7 VI 55 (0~1s. IXDIV. 11. L.~~'TERP.ICH.T)
ïOj
tions internationales n'est peut-être pas la seule considération
dominante dans l'interprétation des traités, vu quc parfois l'inten-
tion des parties est de les rendre moins effectifs que leur but appa-
rent ne le donne à penser ; mais c'est une considération qui ne peut

êtrenégligée.Dans la mesure où le principe nemo judex in re sua
n'est pas seulement un principe général de droit expressément
sanctionné par la Cour, mais aussi un principe de bonne foi, 'cette
maxime est particulièrement applicable à propos d'un instrument
de caractère fiduciaire, tel qu'un mandat ou une tutelle, auquel
les considérations d'équité quiguident la conscience sont nécessaire-
ment applicables. Cette maxime est aussi un principe général de
droit reconnu par les Etats civilisés. Il n'y a donc pcs de raison
suffisante de supposer que, si la Cour permanente de Justice inter-
nationale avait été appelée à appliquer le principe posé par elle

dans son douzième avis consultatif à la question de l'unanimité à
propos de la fonction desurveillance du Conseilenmatièrede mandat,
elle aurait abandonné le princi~e qu'elle a formulé. Il est peut-être
étrange que, dix ans après la dissolution de la Sociétédes Nations,
la Cour se trouve en présencede la même question, mais ce n'est pas
une raison valable pour s'écarter de ce principe. Au surplus, rien
n'empêchela Cour d'interpréter le Pacte de la Sociétédes Nations
tel qu'il existait en 1945. Il amve souvent qu'une juridiction doive
statuer sur desdroits régulièrementacquis en vertu de traités ou de
lois qui ne sont plus en vigueur. Il n'y a pas de raison de pousser
icià l'extrêmela prudence judiciaire. En outre,dans le cas présent,

la Cour interprète essentiellement le Mandat qui, elle l'a dit à
plusieurs reprises dans son avis de 19.50,continue d'exister.
Je ne suis pas en mesure d'affirmer que je sois arrivé sans hésita-
tion à ma conclusion sur cet aspect de la question, ou que j'aie
étédisposéàfonder uniquement sur ce motif ma réponseaffirmative
à la question poséepar l'Assemblée généraleJ .e suis impressionné
par les doutes que M. Klaestad a exprimés à cet égard dans son
opinion individuelle. Nous devons, en effet, donner l'importance
qu'elle mérite à la règle généralede l'unanimité qui figure dans le
Pacte et au fait que l'on ne trouve aucun cas où le Conseil ait
explicitement affirmé son droit de prendre une décision valable

malgré l'objection formelle de l'État mandataire intéressé. En
mêmetemps, je dois attacher une importance égale et, je crois,
décisive,au principe généralque j'ai examiné et que la Cour elle-
mêmea appliqué dans son douzième avis consultatif ; à la pratique
que le Conseil de la Sociétédes Nations a suivie le plus souvent et
cela pas seulement pour le règlement des différends ;et surtout à
la coutume - quidansla pratique anglaise porte le nom de ((conven-
tion constitutionnelle N- selon laquelle les États mandataires n'ont
jamais en fait exercé un droit de veto. En outre, je doute que
l'Afrique du Sud aitun droit acquis au maintien d'une procédure de

vote immuable, étant donnéles changements effectifsou virtuels en
la matière dans la pratique de la Sociétédes Nations. Il n'y a pas de
& 106 -IDVIS. OPIS. OF 7 VI 55 (SEP.OP. JUDGE LAUTERPACHT)
course of time and without any forma1 amendment, the rule of
absolute iinanimity ceased to be a factor to which there was
iri addition to the
invariably attached decisive importance. This,
practicc outlined above, is shown by the gradua1 adoption of such
practices as passing of resolutions by way of a "vŒu" or recommend-
ation b- siml~lemajority ; by treating some substantive matters as
being qucstions of procedure ;by corisidering abstention as absence;
and by the practice of majoritj- voting in Committees. When in
1937 RIernbers c,fthe League of Nations expressed their 1iew as
to u~hether absolute unanimity of the Council was required for a
recjuest for an Ad~risory Opinion, a large majoritj~ of those who
formulated their attitude denied the existence of any si.ichrequire-
ment. This,was so although in this case there were reasons of some
cogency for maintaining the rule of absolute unanimity having
regard to the principle that States cannot be compelled, directly or
indirectly, tobring their disputes before the Court. A proper inter-
pretation of a constitutional instrument must take into account
not only tlie forma1 letter of the original instrument, but also its

operation in actual practice and in the light of the revealed tenden-
cies in the life of the Organization. This being so, although 1 am not
prepared to say that the main contention of South Africa was
wholly unfounded, 1 cannot accept it as being legally correct.

For these rcasons, mj7 conclusion is that the proposed Rule F
is not inconsistent with a correct interpretation of the Opinion of
the Court of 1950 inasmuch as it is based on the view that the
opposing vote of the mandatory State could not in al1circumstances
adversely affect the required unanimity of the Council of the beague
of Nations.
*
* *
Question 2 : Hus the GeneralAssentbly
the Poweyto Proceedby a Voting Proce-
dure other than that laid down in Art-
icle18 of the Charter?

Although the Court has decided that it is not necessary for it to
consider the South African contention in so far as it is based
on the notion that the absolute unanimity of the Council of the
League uras required for the validity of its decisions, it has not
thereby disposed of the issue before it. For there reniains the
possibility, foreshadowed in the Request for the present Opinion,
of alternative voting procedures other than absolute unanimity
or the two-thirds majority of Rule F. The General Assembly
expressly asked the Court to indicate what other voting procedure
should bc followed in case it finds that Rule F is inconsistent with
its Opinion of 1950. There rnay be a qualified unanirnity (Le., one doute qu'avec le temps et sans aucun amendement formel, la
règle de l'unanimité absolue a cesséd'êtreun facteur auquel on
attachait invariablement une importance décisive.Outre la pratique
indiquée ci-dessus, cela est démontrépar l'adoption progressive de
pratiques telles que l'adoption de résolutions sousforme de « vŒux ))
ou de recommandations par simple majorité ; par le fait de traiter
certainesquestions de fond comme étant des questionsde procédure ;

par le fait de considérerl'abstention comme une absence ;et par
la pratique du vote à la majorité dans les comités. Lorsqu'en 1937
les Membres de la Sociétédes Nations ont exprimé leur opinion
sur le point de savoir si l'unanimité absolue du Conseil était requise
pour demander un avis consultatif, une grande majorité de ceux
qui ont exprimé leur opinion ont contesté l'existence de cette
condition. Il en fut ainsi, bien que dans ce cas il y eut des raisons
d'une certaine importance pour maintenir la règle de l'unanimité
absolue ; eu égard au principe que les États ne peuvent être
contraints, directement ou indirectement, de soumettre leurs
différends à la Cour. Une interprétation correcte d'un instrument
constitutionnel doit tenir compte non seulement de la lettre formelle
de l'instrument original, mais encore de son fonctionnement dans
la pratique effective et à la lumière des tendances qui se sont
révélées dans la vie de l'Organisation. Cela étant, bien que je ne

sois pas disposéà dire que la thèse principale de l'Afrique du Sud
fût entièrement mal fondée, je ne peux l'accepter comme étant
juridiquement correcte.
Pour ces raisons, ma conclusion est que l'article F projeté n'est
pas incompatible avecune interprétation exacte de l'avis rendu par
la Cour en 1950, dans la mesure où il est fondésur le principe que le
vote contraire de l'État mandataire ne pouvait dans tous ces cas
détruire l'unanimité requise au sein du Conseil de la Sociétédes
Nations.
***

Question 2 : L'Assemblée généralp eeut-
ellesuivre une firocédurdee votedigérenk
de la firocédurfirévueà l'article18 dela
Charte?
Quoique la Cour ait décidéqu'il n'est pas nécessaire qu'elle

examine la thèse de l'Union sud-africaine dans la mesure où
celle-ci se fonde sur la proposition d'après laquelle, pour être
valables, les décisions du Conseil de la Sociétédes Nations
devaient être prises à l'unanimité absolue, la Cour n'aura pas vidé
entièrement la question dont elle est saisie. En effet, ainsi que le
laisse entrevoir la demande d'avis consultatif, il reste la possibilité
de recourir à des procéduresde vote autres que l'unanimité absolue
ou la majorité des deux tiers prévue par l'article F. L'assemblée
généralea expressémentdemandéà la Cour de lui dire quelle autre
procédure de vote elle devrait suivre au cas où elle conclurait quenot including the vote of the Administering State), or some kind
of majority half-way between unanimity and two-thirds such as
a majority of three-fourths or four-fifths, or any kind of majority
which includes certain Statesor groups of States such as the States
represented on the Trusteeship Council or such of these States as
administer Trust Territones. Can it be said that al1these procedures,
as well as that of absolute unanimity, are ruled out for the reason
that they are constitutionally inadmissible having regard to the
Charter of the United Nations and the fact that the only voting
procedure 'permitted to the General Assernbly is that of simple
rnajority or of a two-thirds majority ? 1s it legally possible for
the General Assembly, in any circumstances, to adopt a voting
procedure different from that laid down in the Charter, namely,
simple majority or a two-thirds majonty? 1s it legally possible

for it to determine that a certain type of question shall be decided
in the future by any of the alternative voting procedures as out-
lined above ? If it is legally possible for the General Assembly
to adopt any of these voting systems and if Rule F, which replaces
the unanimity rule by a two-thirds majority, is not, upon exami-
nation, shown to represent the closest possible approximation
to the procedure of the Council of the League of Nations, then
there arises in an acute form the question of its compatibility
with the Opinion of the Court given in 1950. What is the answer
to these questions ?

To put it in different words, must Rule F be regarded as approxi-
mating "as far as possible" to the procedure of the Council of the
1,eague for the reason that under the voting system of the Charter
no'other voting procedure Save that of simple majonty or a two-
thirds majority is possible or permissible? Did the Court have that
limitation in mind when it used the expression "as far as possible"?
That this was so was repeatedly asserted during the debates in the
General Assembly and in the Committee for South-West Africa. It
is a problem which is essential to the whole question. Its examina-
tion-and an answer to it-cannot 'oeavoided on the ground that a

positive answer constitutes a juridical impossibility. The General
Assembly did not consider it in that light for, as stated, it specifically
asked the Court to say what should be its alternative voting proce-
dure in case the Court should give a negative answer to the main
question put to it. Neither can the answer to the constitutional
aspect of the question be taken as self-evident by way of "construc-
tion" in the sense that as the Court held that the supervision must
lie with the General Assembly, the General Assembly can resort
for that purpose to a procedure no other than that laid down in the
Charter, and that by adopting Rule F it followed the procedure of
the Council of the League as far as possible. To do so is to beg the
question. Neither do 1 thinkait permissible to avoid it because of l'article F est incompatible avec son avis de 1950. Il peut y avoir
une unanimité qualifiée (c'est-à-dire non compris le vote de l'État
chargéde l'administration du territoire) ou une forme de majorité
intermédiaire entre l'unanimité et la majorité des deux tiers, telles
une majorité des trois quarts ou des quatre cinquièmes, ou toute

autre majorité dans laquelle seraient comprises les voix de certains
États ou groupes d'États, notamment des États représentésau
Conseilde Tutelle ou des Etats chargésde l'administration de terri-
toires sous Tutelle. Peut-on dire que ces diverses procéduresde vote,
aussi bien que l'unanimité absolue, sont exclues du fait que, consti-
tutionnellement, la Charte des Nations Unies les rend inadmissibles,
et que la seule procédure de vote ouverte à l'Assembléegénéraleest
la majorité simple ou la majorité des deux tiers ?Est-il juridique-
ment possible à l'Assembléegénérale, quellesque soient les circons-
tances, d'adopter une procédure de vote différente de celle que
prévoitla Charte, savoir la majorité simple ou la majorité des deus
tiers ? Est-elle fondée en droit à décider que les questions d'une
catégorie déterminée seront tranchéesà l'avenir suivant l'une des

procédures de vote susmentionnées? Si l'Assembléegénéraleest
fondéeendroit à adopter l'une quelconque de ces méthodes devote
et si, à l'examen, il apparaît que l'articleF, en remplaçant la règle
de l'unanimité par la majorité des deux tiers, ne se rapproche pas,
autant que possible, de la procédure suivie par le Conseil de la
Sociétédes Nations, la question de sa compatibilité avec l'avis
rendu par la Cour en 1950 se pose de façon aiguë. Dans quel sens
faut-il répondre à ces questions ?
En d'autres ternes, faut-il considérerque l'article F se rapproche
« autant que possible » de la procédure suivie par le Conseil de la
Société desNations pour la raison que le système de vote prévu par
la Charte ne donne ni la possibiliténi la faculté desuivre une procé-
dure de vote différentede la majorité simple ou de la majorité des

deux tiers ?La Cour avait-elle cette,restriction en vue lorsqu'elle a
employé l'expression ((autant que possible )>? On a répété à plu-
sieurs reprises au cours des débats de l'Assembléegénéraleet du
Comitédu Sud-Ouest africain qu'il en était sinsi. Ce problème est
d'une importance primordiale pour l'ensemble de la question. L'on
ne saurait éviter d? l'examiner - et de le résoudre - en arguant
qu'une réponse positiveest une impossibilité juridique. L'Assemblée
généralene l'a pas envisagé sousce jour puisque, comme je viens de
le dire, elle a demandé en termes exprès à la Cour, pour le cas où
celle-ci répondrait par la négative à la question principale, de dire
quelle autre procédurede vote il conviendrait d'adopter. La réponse
à cette question d'ordre constitutionnel ne peut davantage être

considérée commeévidente en soi par voie dJ«interprétation »en ce
sens que, la Cour ayant estiméque la surveillance incombe à l'As-
semblée générale,celle-ci ne pourrait adopter en la matière une
procédure différentede cellequeprévoitla Charte, et qu'en adoptant
l'article F elle a suivi autant que possible la procéduredu Conseilde the difficulty raised by a baffling practice and by conflicting con-
siderations of principle.

Pnnciple would seem to suggest that it is not legally possible for
the General Assembly to decide-whether by an ordinary majority
or a two-thirds majority-that any question or category of ques-
tions, or al1questions, shall be in the future decided by a majority
of three-fourths or four-fifths or by a unanimous vote. The reasons

for that view are persuasive. If the General Assembly were to make
any such decision, it would be depi-ivingsome, as yet undetermined,
Members of the General Assembly of the right, safeguarded by the
Charter, to have a matter determined by a two-thirds majority in
which they participate. If that is so, then it would appear that the
General Assembly is not legally in the position to adopt any such
special procedure of voting even in pursuance ofan AdvisoryOpinion
of the Court. Any such change must be the result of an amendment
of the Charter. This view is strengthened by jurisprudential con-
siderations of obvious cogency:

The size of the majority required for the validity of the decisions
of a corporate political body is not a mere matter of technical
convenience or mathematical computation. It is expressive of
the basic political philosophy of the organization. A study of the
preparatory work of the Conference of San Francisco, including
that of the Dumbarton Oaks proposals, shows that the adoption
of the existing system of voting was the result of prolonged delib-
eration. In any case it now forms part of the law of the Charter.
Unlike in the League of Nations, the basic philosophy of the
Charter of the United Nations is, to put it in a negative form, that

of the rejection of the rule of unanimity. There is not a single
provision of the Charter which prescribes or authorizes for voting
in the General Assembly the requirement of unanimity or any kind
of majority other than a simple or two-thirds majority (although,
significantly, there is in Articles 108 and ~og a provision for a
majonty which must include permanent Members of the Security
Council). It is outside the purpose of this Opinion to enquire into
the reason and objects of that system of voting based on the
rejection of unanimity or anything approaching it. It suffices to
Say that the system as adopted is in accordancewith the structure
of the United Nations conceived as an entity existing, as it were,
independently of its Members and endowed with a personality.of its
own-one aspect of which is vividly illustrated by the Opinion of
the Court in'the Injurie C ase-as distinguished from the League
of Nations which in acting, by virtue of the principle of unanimity,
by agreement rather than by majority, bore the character of an
association of a different character.la Sociétédes Nations. Ce serait là une pétition de principe. Je ne
pense pas non plus qu'il soit permis de l'esquiver parce qu'une pra-
tique déconcertante et des considérationsde principe contradictoires

sont venues la compliquer.
En principe, il semble qu'il n'est pas juridiquement possible à
l'Assemblée généralede décider - à la majorité simple ou à la
majorité des deux tiers - qu'une question ou une catégorie de
questions, ou mêmetoutes les questions, devront êtretranchées
à l'avenir à la majorité des trois quarts ou des quatre cinquièmes
ou encore à l'unanimité des voix. Les raisons que l'on peut invo-
quer à l'appui de cette opinion sont convaincantes. Si 1'Assem-
blée généraleprenait une telle décision, elle priverait certains de
ses membres, encore indéterminés,du droit qui leur est garantipar
la Charte de faire trancher une question par un vote à la majorité
des deux tiers auquel ils participent. S'il en est ainsi, il appert
que l'Assemblée généralen'est pas fondée en droit à adopter une
procédure de vote spéciale, même pourmettre en Œuvre un avis

consultatif de la Cour. Toute modification à cet ordre nécessite
un amendement à la Charte. Cette manière de voir est confirmée
par des considérations juridiques d'une force évidente.
L'importance de la majorité requise pour la validité des décisions
d'un corps politique constitué n'est pas une simple question de
commodité technique ou d'évaluation mathématique. Elle est
l'expression de la conception politique sur laquelle se fonde l'organi-
sation. L'étude des travaux préparatoires de la conférence de
San-Francisco et des propositions de Dumbarton Oaks révèleque
le système de vote actuel ne fut adoptéqu'aprèsde longues délibéra-
tions. De toute façon, il fait actuellement partie du droit de la
Charte. Contrairement au Pacte de la Sociétédes Nations, la Ckarte
des Nations Unies a pour principe fondamental, pour employer une
forme négative, le rejet de la règlede l'unanimité. Elle ne contient
aucune disposition qui prescrive ou permette à l'Assemblée générale
d'exiger l'unanimité ou une forme quelconque de majorité autre

que la majorité simple ou la majorité des deux tiers (bien que, et
cela est significatif, les articles8 et 109 prévoient une majorité
qui doit nécessairement comprendre les membres permanents du
Conseil de Sécurité). Il n'entre pas dans le propos de la présente
opinion individuelle de rechercher la raison ou les buts de ce système
de vote fondé sur le rejet de la règle de l'unanimité ou de tout
système analogue. Il suffit de dire que la méthode adoptée est
conforme à la structure de l'organisation des Nations Unies conçue
comme entité existant en quelque sorte indtpendamment de ses
Membres et dotéed'une personnalité propre - dont l'un des aspects
est illustré de manière très nette dans l'avisqut la Cour a rendu
dans l'affaire des Dommages - par opposition à la Sociétédes
Nations qui, du fait que ses décisionsétaient prises selon le principe
de l'unanimité, par voie d'accord plutôt que par un vote à la
majorité, présentait les caractéristiques d'une association de nature

différente.
45 ADVIS. OPIN. OF 7 VI 55 (SEP. OP. JUDGE LAUTERPACHT)
IO9
Principle would seem to demand that whenever the basic instru?
ment of a corporate political body prescribes the manner in which
its collective wills to be formed and expressed, that basic instru-
ment is in this respect paramount and overriding and nothing
Save a constitutional amendment as distinguished from legislative
action can authorize an alternative procedure of voting. On that
view it.would not seem to matter, in the case of the United Nations,

whether the action is taken in pursuance of the objects of organi-
zation, or in pursuance of a function accepted under some extra-
neous instrument such as a treaty. Such function must in any case
lie within the orbit of its competence as laid down in the Charter.
For the organization cannot accept the fulfilment of a task which
liesoutside the scope of its functions as determined by its consti-
tution. Thus, for instance, if two or more States were to confer
by treaty upon the General Assembly certain functions in the
sphere of pacific settlement-e.g., by appointing an arbitration
commission or by deciding itself the disputed issue-and if the
treaty provided that these functions shall be fulfilled by a three-
fourths or four-fifths majority or qualified unanimity, principle
would seem to suggest that the General Assembly cannot act in
that way. It cannot override a seemingly mandatory provision of
the Charter by the device of accepting a task conferred by a treaty.
It might otherwise be possible to alter, through extraneous treaties,

the character of the Organization in an important aspect of its
activit y.

These were probably the reasons-although they do not seem to
have been expressed in articulate language-which made some
Members of the United Nations insist that in giving its Opinion
in 1950 the Court must have envisaged the voting procedure of the
General Assembly such as it is and must have ded out the possi-
bility of its being adapted to the governing requirement that the
degree of supervision must not exceed that under the System of
Mandates. In doing so, they were able to point to the Advisory
Opinion No. 12 on the Inter#retation of the Treaty of Lausanne in
which the Court appeared to havelaid down the principle that a poli-
tical body entrusted with a decision by virtue of an extraneous in-
strument can proceed in the matter only in accordance with its own
procedure of voting. Ifthat view, so cogently supported by principle

and, apparently, by the Court, is correct, then, clearly, Rule F
cannot be challengedon the ground thatit is tainted by an avoidable
failure to approximate to the voting procedure of the Council
of the League. It means, to put it in different words, that Rule F
is a correct interpretation of the Opinion of 1950 for the reason :
(a) that the absolute unanimity nile, even if it were correct, could
not be given effect having regard to the binding character of the
voting procedure of the Charter; and (b) that, for the same
reason, it was not legally possible for the General Assembly to

46 En principe, il semblerait que, dans tous les cas où le texte
fondamentald'un-corps politique constitué prescrit la manière dont
se formera et s'exprimera sa volonté collective, ce texte est sou-
verain en la matière, et qu'il est impossible d'y déroger.Dèslors,
seul un amendement constitutionnel et non pas un acte législatif
peut autoriser le recours à une autre procédurede vote. Cela étant,

il semble que dans le cas des Nations Unies, il importerait peu que
la décisionsoit prise conformément aux buts de l'organisation des
Nations Unies, ou en vertu d'une fonction conféréepar un texte qui
lui est étranger, tel par exemple un traité. Il faut en tout cas que
cette fonction ne sorte pas des limites de sa compétence telle
qu'elle est définie dans la Charte. Car l'organisation ne peut
accepter une tâche qui ne rentre pas dans le cadre des fonctions qui
lui sont assignéespar sa constitution. Ainsi, si deux ou plusieurs
ztats conféraient, par traité, à l'Assemblée généralecertaines
fonctions relatives au règlement pacifique des différends - par
exemple s'ils lui confiaient le soin de nommer à cet effet une com-
mission d'arbitrage ou de trancher elle-mêmele différend - et si
le traité stipulait que les décisions voulues doivent êtreprises à
la majorité des trois quarts ou des quatre cinquièmes, ou à une
unanimité qualifiée, ilsemble qu'en principe l'Assembléegénérale

ne pourrait s'engager dans cette voie. Elle ne saurait tourner une
disposition apparemment impérative de la Charte en acceptant la
mission que lui confie un traité. S'il en était autrement, il serait
possible de modifier, au moyen de traités extrinsèques, le caractère
de l'organisation dans un secteur important de son activité.
Telles étaient probablement les raisons - bien qu'elles n'aient
pas été expressément formulées - qui ont conduit certains Membres
des Nations Unies à soutenir qu'en rendant son avis en 1950, la
Cour avait en vue la procédure de vote de l'Assembléegénérale
telle qu'elle existe actuellement et qu'elle avait écartétoute possi-
bilité de la rendre conforme à la prescription dominante selon
laquelle le degré de surveillance ne saurait dépasser celui qui a
étéappliqué sous le Régime des Mandats. Ce faisant, ils ont pu
citer l'avis consultatif no 12, relatif à l'Interprétation du Traitéde

Lausanne, dans lequel la Cour semblait poser le principe qu'un
corps politique chargé par un instrument extrinsèque de prendre
une décisionne peut lefaire que conformément à sa propre procédure
de vote. Si cette manièk de voir, si fortement confirméepar des
considérations de principe et, apparemment, par la Cour, est
exacte, il est clair que l'on ne saurait contester la validitéde l'arti-
cle F en alléguant qu'il ne se rapproche pas, comme il aurait dû le
faire, de la procédure suiviepar le Conseil de la Sociétdes Nations.
En d'autres termes, cela signifie que l'article F correspond à une
interprétation exacte de l'avis de 1950, étant donné que a) la
règlede l'unanimité absolue, mêmesi elle était correcte, ne pouvait
êtreappliquée en raison du caractère absolument obligatoire de la
procédurede vote prévuepar la Charte, et b) pour la mêmeraison,

46contemplate or to adopt any alternative procedure falling short of
absolute unanimitp.

However, although the view as here outlined seems to be sup-
ported by principle and practice, there are opposingconsiderations
both of practice and principle. In fact, the Permanent Court of
International Justice, after enunciating in the Twelfth Advisory

Opinion the rule which seems to go one way, qualified it in the
same Opinion in the opposite direction. It began by rejecting the
view, put fonvard by Great Britain, that the unanimity rule as
laid down in Article 5 of the Covenant, contemplated only the
exercise of powers granted in the Covenant itself. It said : "The
fact that the present case concerns the exercise of a power outside
the normal province of the Council, clearly .cannot be used as an
argument for the diminution of the safeguards with which, in the
Covenant, it was felt necessary to surround the Council'sdecisions"
(Series B, No. 12 p. 30). It thus seems to have adopted the view,
which 1 have described as seemingly being in accordance with
principle, that a political bodycan act only in accordance with the
procedure as laid down in its constitution. However, after having
said that, the Court proceeded to qualify the apparent general
rule. It said: "On the other hand, no one denies that the Council

can undertake to give decisions by a majority in specific cgses, if
express provision is made for this power by treaty stipulations"
(at p. 30). Again, after referring to the binding character of the
voting procedure of a "body already constituted and having its
own rules of organization and procedure", it qualified that state-
ment by adding : "unless a contrary intention has been expressed"
(at P. 31).
In thus qualifying the major principle which it enunciated and
on which it acted, the Court was in fact able to rely-although
it did not refer to-on some substantial practice of the League
of Nations. Of that practice the Rules of Procedure adopted by the
Assembly and the Council of the League provide a significant
example. Article 5 (1)of the Covenant laid down as follows :"Except
when othenvise provided in this Covenant or by the terms of the

present treaty, decisions of any meeting of the Assembly, or of the
Council, require the agreement of al1 the Members represented at
the meeting." However, the Rules of Procedure, subsequently
framed with respect to both the Assembly andthe Council, effected
in thismatter an important-though at first sight inconspicuous-
change. In Rule 19 (1)of the Rules of Procedure of the Assembly
the words of Article 5, paragraph 1,of the Covenant were repro-
duced with a significant modification. In place of the words "by the
terms of the present treaty" there were substituted the word: "of a
treaty". Article 8, paragraph (1),of the Council'sRules of Procedureil n'était pas juridiquement possible à l'Assembléegénérale d'adop-
ter une autre procédure n'allant pas jusqu'à l'unanimité absolue.

Bien que la manière de voir exposée ici semble confirméepar des
considérations de principe et par la pratique, il existe dans ces deux
derniers domaines des considérations en sens contraire. En fait,

dans le douzième avis consultatif, après avoir énoncéla règledans
une acceptioll bien déterminée,la Cour permanente de Justice inter-
nationale lui donna ensuite le sens exactement opposé.Elle com-
mença par rejeter l'opinion avancée par la Grande-Bretagne, selon
laquelle la règle de l'unanimité énoncée à l'article5 du Pacte ne
visait que l'exercice de pouvoirs conféréspar le Pacte même.Elle
déclara :((Le fait qu'il s'agit en l'espèced'un pouvoir qui dépasse
les attributions ordinaires du Conseil, ne saurait évidemment être
invoqué comme un argument pour diminuer les garanties dont le

Pacte a cru nécessaire d'entourer les décisionsdu Conseil » (Série
B, no 12, p. 30). Elle semble donc avoir adopté le point de vue qui,
je l'ai dit, est apparemment conforme aux principes, selon lequel un
corps politique ne peut agir que conformément à la procédure fixée
par sa constitution. Cependant, après cette constatation, la Cour a
restreint la portée de cette règle apparemment générale.Elle dit :
« Nul ne conteste d'ailleurs que le Conseilpuisse accepter de prendre
des décisions à la majorité des voix, si ce pouvoir est expressément
prévu pour des cas déterminés, dans des textes conventionnels ))

(p. 30). De même,après avoir mentionné le caractère obligatoire
de la procédurede vote «d'un corps déjà constitué,ayant sespropres
règlesd'organisation et de procédure »,elle limita la portée de cette
constatation en ajoutant : «si une volontécontraire n'est pas expri-
mée » (p.31).
Pour limiter ainsi le principe majeur qu'elle avait énoncéet dont
elle s'étaitinspirée,la Cour pouvait en fait invoquer dans une large
mesure - bien qu'elle n'en fit pas mention - une pratique consi-
dérable de la Société des Nations. Lesrèglesde procédure, adoptées

par l'Assemblée et par le Conseil de la Société,constituent un
exemple significatif de cette pratique. Aux termes de l'article 5 (1)
du Pacte : «Sauf disposition expressément contraire du présent
Pacte ou des clauses du présent traité, les décisions de l'Assemblée
ou du Conseil sont prises à l'unanimité des Membres de la Société
représentés à la réunion. » Les règles de procédure élaboréespar la
suite pour l'Assembléeet pour le Conseil apportaient cependant à
cette règle une dérogation importante - bien qu'elle n'apparaisse
pas à première vue. Les termes de l'article 5, paragraphe 1, du

Pacte, reproduits dans l'article 19 (1) du Règlement de l'Assemblée,
ont subi une modification importante. Les termes (ou des clauses
du présent traité N ont étéremplacés par ((d'un traité 1)La même
modification apparaît à l'article 8, paragraphe I, du Règlement du made the same change. In the Rules of Procedure of the Council
adopted on May 26th, 1933, this aspect of the matter was expressed
even more clearly. Article 9 of the revised Rules provided as follows:
"Except where otherwise expressly provided by the Covenant, or
by the terms of any other instrument which is to be applied, deci-
sions at any meeting of the Council require the agreement of al1the
Members of the League represented at the meeting."
Moreover, in a large number of treaties adopted subsequent to
the Peace Treaties and in some cases expressly accepted by the
Council, provision was made for voting by some kind of majority

as distinguished from, unanimity. This applied in particular to the
"Minorities Treaties" which al1 contained provisions allouring the
Council to proceed by a majority of votes in proposing modifica-
tions to these treaties. Similar provisions were incorporated in some
other instruments such as Article 4 of the Declaration of Novem-
ber gth, 1921, of the Principal Allied Powers.concerning Albania ;
Article 15 of the second Geneva Protocol of March 14th, 1924,
concerning the economic rehabilitation of Hungary ; Article 14 of
Annex 2 and Article 4 of Annex 3 of the Memel Agreement of
May 8th, 1924, between the Principal Allied Powers and Lithuania ;
Article 9 of the Financial Agreement of 9 December, 1927,between
Bdgaria and Greece ;Article 7 of the Agreement of 20 October,
1921, concerning the non-militarization and neutralization of
the Aaland Islands ;Article 8 of the Locarno Pact of October 16th,
1925 ; Article 28 (3) of the Agreement on Financial Assistance of

2 October, 1930. And, of course, there were numerous provisions to
that effect in thevarious Peace Treaties to which, as stated, express
reference was made in the Covenant. There was no disposition
among authors who commented in detail upon the amended Rules
of Procedure and the provisions of these treaties to question their
propriety in any way (see Schücking-Wehberg, Die Satzung des
Vljlkerbundes,3rd ed., Vol. 1 (1931), pp. 517, 521 ; Ray, Commen-
taire du Pacte de la Société des Nations (1930), p. 226, 227 ; Stone
in British Year Book ofInternational Law, 14 (1933), pp. 33-35).

Having regard to the practice of the League of Nations and
to the important qualification of the apparent major principle
expressed by the Court in the Twelfth Advisory Opinion, as well
as to considerations of a practical character, it cannot be said,

by way of an absolute rule, that in no circumstances may the
General Assembly act by a system of voting other than that laid
down in the Charter. There is no room for any emphasis of language
suggesting that any such modification of the voting procedure isa
juridical impossibility. Frequent practice of the League of Nations
accomplished that juridical impossibility and the Court expressly
gave it its approval. On the other hand, in viewofthe persuasiveness
of the contrary considerations outlined above, it does not seem to
me permissible to go as far asthe Rules of Procedure of the Assembly

48Conseil. Dans le Règlement du Conseil, adopté le 26 mai 1933, cet
aspect de la question est préciséplus clairement encore. L'arti-
cle 9 du Règlement revisé dispose: Sauf disposition expressément
contraire du Pacte ou des clauses de tout autre acte dont il s'agit de
faire application, les décisionsdu Conseil sont prises à l'unanimité

des Membres de la Sociétéreprésentés à la réunion. 1)

En outre, un grand nombre de traités conclus à la suite des
traités de paix, et, dans certains cas, expressément acceptés par le
Conseil, prévoyaient une forme quelconque de vote à la majorité,
par opposition à l'unanimité. C'est notamment le cas des (traités
de Minorités )qui tous contenaient des dispositions permettant au
Conseil de proposer des modifications à ces traités par vote à la
majorité des voix. Des dispositions analogues furent inséréesdans
d'autres actes, par exemplel'article 4 de la Déclaration du 9novem-
bre I 21 des Principales Puissances alliées au sujet de l'Albanie ;
l'artic e 15 du Deuxième Protocole de Genèvedu 14mars 1924con-
cernant le relèvement économique de la Hongrie ; l'article 14 de
l'annexe 2 et l'article 4 de l'annexe 3 de l'accord de Memel du

8 mai 1924 conclu entre les Principales Puissances alliées et la
Lithuanie ;l'articl9 de l'accord financier du 9 décembre1927entre
la Bulgarie et la Grèce;l'article 7 de la convention du 20 octobre
1921relative à la non-fortification eà la neutralité desîlesd'Aland;
l'article 8 du pacte de Locarno du 16 october 1925 ;l'article 28
(3) du traité d'assistance financière du 2 octobre 1930. Et, bien
entendu, il existait de nombreuses dispositions à cet effet dans les
traités de paix qui, comme on l'a déjà dit, ont étémentionnés
en termes exprès dans le Pacte. Les auteurs qui ont commenté
d'une manière détailléeles amendements apportés aux règles de
procédure et aux clauses de ces traités n'ont marqué aucune ten-
dance à mettre en doute d'aucune manière leur opportunité (voir

Schücking-Wehberg, Die Satzung des Volkerbundes,3meéd., vol. 1
(1931)~pp. 517, 521 ; Ray, Commentaire du Pacte de la Société
des Nations (1g30), pp. 226, 227 ;Stone, dans le British Year
Book of Internatiolzal Law, 34 (1933)~pp. 33-35).
Eu égardà la pratique de la Sociétédes Nations et de la restric-
tion importante au principe, apparemment dominant, qui a été
exprimé par la Cour dans son douzième avis consultatif, ainsi que
de considérationsd'ordre pratique, on ne peut dire, en règleabsolue,
que l'Assemblée générale nepeut, en aucune circonstance, adopter
une méthode de vote autre que celle fixéepar la Charte. Il n'y a
pas placepour l'emploi de termes tellement fortsqu'ils indiqueraient
qu'une telle modification de la procédure de vote est une impossi-
bilitéjuridique. La pratique de la SociétédesNationsafréquemment

réalisécette impossibilité juridique et la Cour lui a expressément
donné son approbation. D'autre part, étant donné le caractère
convaincant des considérations en sens contraire exposées ci-dessus,
il me semble qu'il n'est pas permis d'aller aussi loin que le Règlement
48or the Council of the League-or, indeed, the Court itself in the
Twelfth Advisory Opinion-went in this respect and to hold that a
modification of the system of voting is permitted every time when
the Organization acts under a treaty other than its own constitu-
tional Charter. The correct rule seems to lie half-way between these
two soliitions. The available practice and considerations of utility

point to the justification of aule which recognizes in this matter a
measure of elasticity not inconsistent with the fundamental struc-
ture of the Organization. Within these limits, it is in mgr view a
sound legal proposition that such modification is permissible
under the terms of a general treaty, in the general international
interest, and in relation to institutions and arrangements partaking
of an international statu-in particular, in cases in which the
General Assembly acts in substitution for a body which hashitherto
fulfilled the functions in question. This is the positionthe present
case. While the powers of the General Assembly in the matter
are to be exercised primarily in pursuance of the Charter as inter-
preted by the Court in its Opinion rendered in 1950,and inparticular
of Articles IO and 80, they are also to be exercised in piirsuance of
the continuing systern of Mandates whose obligations were declared
by the Court to be binding iipon the Union of South-West Africa
in respect of the territory which continues to be held under the
international Mandate assumed by her in 1920. In view of this,
there is room, as a niatter of law, for the modification of the voting
procedure of the General Assembly in respect of a jurisdiction
whose source is of a dual character inasmuch as it emanates both
from the Charter and the Mandate. In so far as considerations
of international interest constitute a legitimate factor in the

situation, they do s3 with much cogency in a situation which con-
cerns the exercise of an international trust in respect of a territory
which is endowed with an international status, which is the subject
of an Opinion of this Court, and which has been the cause of inter-
national friction.
The question which calls for an answer is whether in the present
case there exists a treaty of a character as described above. The
words of the Opinion of 1950 seem to suggest a negative answer
inasmuch as the Opinion lays down that "the competence of the
General Assembly of the United Nations to exercise such supervision
and to receive and examine reports is derived from the provisions
of Article IO of the Charter" (at p. 137) .owever, the passage
must be read not in isolation but in the general context of the
Opinion and in the light of the dual character of the source ot the
supervisory function of the General Assembly. The true meaning
ot the passage in question is that Article IO of the Charter confers
upon the General Assembly the competence to fulfil the functions
as derived from the international instrument which establishes the
international status of the territory in question, namely, the
Mandate. It is the Mandate which is the original source of the intérieur de l'Assemblée générale oudu Conseil de la Société des
Nations - ou, en fait, que la Cour permanente dans son douzième
avis consultatif - et d'affirmer que l'organisation peut modifier sa
procédurede vote chaque fois qu'elle est appeléeà agir en vertu d'un
traitéautre que sa propre Charte constitutionnelle. La règleexacte
semble se situer à mi-chemin de ces deux solutions. La pratique,

ainsi que des considérations d'ordre utilitaire, tendent à justifier une
règle permettant une certaine souplesse qui ne serait pas incom-
patible avec la structure fondamentale de l'organisation. Dans le
cadre de ces limites on est, à mon avis, fondéà dire qu'une telle
modification est justifiée en vertu des termes d'un traité général,
dans l'intérêtinternational général,et à propos des institutions
et arrangements de portée internationale, plus particulièrement
dans les cas où l'Assemblée généraleagit en subrogation d'un
organe qui, jusque-là, exerçait les fonctions visées. C'est ce qui
se présente en l'occurrence. Si l'Assemblée généraledoit exercer

ses pouvoirs en la matière essentiellement en fonction de la Charte,
telle qu'elle a étéinterprétéepar la Cour dans son avis de 1950,
et plus particulièrement des articles IO et 80, elle doit également
les exercer en application du Régime des Mandats qui existe tou-
jours et dont les obligations, ainsique.l'a déclaréla Cour, continuent
à lier l'Union sud-africaine à l'égard du territoire tenu en vertu du
Mandat international assumé Dar elle en 1a2o. Cela étant. ,l vJa
place, en droit, pour une modification de 1; procédure de vote de
l'Assemblée générale à l'égard des questions relevant de pouvoirs
d'origine double en ce sens qu'ils émanent, d'une part, de la Charte

et. d'autre art. du Mandat. Dans la mesure où des considérations
d'intérêt ikekational peuvent valablement entrer en ligne de
compte dans une situation quelconque, elles ont d'autant plus
de poids dans la présente affaire où il s'agit de l'exercice d'une
tutelle internationale sur un territoire possédant un statut inter-
national, qui a déjà fait l'objet d'un avis antérieur de la Cour et
qui a donnélieu à des difficultésd'ordre international.
La question à résoudre est de savoir s'il existe en l'occurrence
un traité répondant aux caractéristiques ci-dessus. Les termes de
l'avis de 1950 amèneraient à répondre par la négative, en ce

sens qu'ils précisent que (la compétence de l'Assembléegénérale
des Nations Unies pour exercer un tel contrôle et pour recevoir
et examiner des rapports se déduit des termes généraux de l'arti-
cle IO de la Charte ))(p. 137). Toutefois, ce passage doit êtrelu
non pas isolément mais en tenant compte du contexte de l'avis
ainsi que de l'origine double des fonctions de surveillance de
l'Assemblée générale. La véritable signification du passage en
question est que l'article IO de la Charte confère à l'Assemblée
générale la compétence nécessaire pour exercer les fonctions
découlant de l'acte international qui établit le statut international

du territoire visé,à savoir, le Mandat. C'est de ce Mandat qu'éma-
nent en premier lieu les pouvoirs de l'Assemblée généralet,andispowers of the General Assembly. The competence to apply the
Mandate is derived from Article IO.
It follows from what has been said above that there is nowarrant
for considering as a dogma, for which no proof is required and with
regard to which any contrary evidence can be ignored, the rule
that under no circumstances may the General Assembly act under
a voting procedure other than that laid down in Article 18. This
being so, what are the modifications of the voting procedure of the
General Assembly which may properly be contemplated in this
connection ? It is clear that any application of the principle of
absolute unanimity-which in any case would be ruled out by
virtue of the answer given above to Question 1-is inadmissible
under the legal principle here formulated for the reason that it

offends against a fundamental tenet of the constitution of the
United Nations, namely, the abandonment of the doctrine of
unanimity. For the same reason there would seem to be no room
for a system of qualified unanimity not including the vote of the
administering State-a system whichwould be open to the addition-
a1 objection that it would place South Africa in some ways in a
better position than that obtaining under the procedure of the
Council of the League. For the number of States required for
un~nimity in the General Assembly is about four times as large as
in the Council of the League.

Yet there was-and there is-room for exploring the practica-
bility of voting procedures lying half-way between qualified
unanimity and a two-thirds majority. This Opinion is not the
appropriate occasion for an examination of these solutions. There
may be an element of artificiality in some of them inasmuch as
they must of necessity leave out of account the differences in the
composition of the General Assembly and the Council of the
League. The discussions on the General Assembly show a sornewhat

disturbing absence of attempts to explore some of the more practi-
cable possibilities-though this fact may perhaps be explained b>-
the repetitive and rigid adherence on the part of the Govemment
of South Afnca, an adherence unrelieved by alternative proposals,
to the notion of absolute unanimity. In particular, there is room
for the consideration of a:solution consisting, on the analogy of
Articles 108 and 109 of the Charter, in qualifying the requirement
of a two-thirds majority, as laid down in Rule F, by the additional
requirement that it must include either al1 the Members of the
Trusteeship Council other than South Africa or al1 its Members
other than South Africa administering Trust Territones. 1 am not
prepared to say that some such solution, couched in the very
language of Article 18 of the Charter, would be inconsistent with
it. There is only limited merit in a judicial interpretation intent
upon extracting every ounce of rigidity from a written CO-titution
or in simplifying the issue by concentrating exclusively on extreme

50 AVIS CONS. DU 7 VI 55 (OPIX. INDI\'.M. LAI~TERP.~CHT) II3

que la compétence pour faire exécuter le Mandat découle de
l'articleIO.
Ilrésulte de ce qui a été ditplus haut qu'il n'y a pas de raison
de considérer comme un dogme, qui ne doit être prouvé et au
sujet duquel on peut écarter toute preuve contraire, la règle selon
laquelle l'Assembléegénéralene peut en aucune circonstance agir
conformément à une procédure différente de celle prescrite par
l'article 18. Dans ces conditions, quelles sont les modifications

que l'on pourrait, à bon escient, envisager d'apporter à la procé-
dure de vote de l'Assembléegénérale à cet égard ? Il est évident
qu'en vertu du principe juridique formulé ici, l'on ne saurait
envisager d'appliquer la règle de l'unanimité absolue - qui serait
de toute façon écartéepar suite de la réponse donnée à la ques-
tion I - pour la raison qu'elle s'oppose à la doctrine fondamen-
tale de la Constitution des Nations Unies, à savoir l'abandon
de la théorie de l'unanimité. Pour le mêmemotif, il semble qu'il
n'y ait pas place pour un système d'unanimité qualifiée, dans
laquelle ne serait pas comprise la voix de 1'Etat mandataire -

système auquel on pourrait de plus objecter qu'il placerait l'union
sud-africaine dans une position meilleure, à certains égards, que
celle dont elle bénéficiaitdans le système de vote appliqué par
le Conseil de la Sociétédes Nations. En effet, le nombre d'États
représentant l'unanimité à l'Assemblée générale est environ quatre
fois plus élevéqu'au Conseil de la Sociétédes Nations.
L'on pouvait cependant - et on le peut toujours - examiner
la possibilité de recourir à des procédures de vote se situant à
mi-chemin d'une unanimité qualifiée et d'une majorité des deux
tiers. Il n'entre pas dans le propos de cette opinion d'examiner
ces solutions. Certaines d'entre elles présentent sans doute un

caractère quelque peu artificiel en ce sens qu'elles doivent néces-
sairement ignorer les différences de composition de l'Assemblée
généraleet du Conseil de la Sociétédes Nations. Les débats de
l'Assemblée généralerévèlent une absence quelque peu trou-
blante d'efforts en vue d'examiner, à cet égard, les possibilités
qui semblent le plus praticables - ce qui s'explique peut-être
du fait que le Gouvernement de l'Union sud-africaine prétendait
s'en tenir, sans en démordre, à la notion de l'unanimité absolue
et qu'il n'a pas proposé d'autres solutions. L'on pourrait notam-
ment envisager une solution qui, par voie d'analogie avec les

articles 108 et ~og de la Charte, consisterait à atténuer la règle
de la majorité des deux tiers, telle qu'elle est énoncéedans l'arti-
cle F, en stipulant que cette majorité devra inclure, soit tous les
membres du Conseil de Tutelle autres que l'union sud-africaine,
soit tous ceux de ses membres chargés d'administrer des tem-
toires sous Tutelle, à l'exception de l'Union sud-africaine. Je ne
suis pas disposé à dire qu'une solution de ce genre, qui reprendrait
les termes mêmesde l'article 18 de la Charte, serait incompatible
avec elle. Il y a peu de mérite dans une interprétation judiciaire

50solutions. Thus, while unanimity, absolute or qualified, may be
entirely alien to the spirit of the Charter and as such inconsistent
with it, this does not apply to alternative solutions falling short
of unanimity. In particular, when the General Assembly takes
over functions from a body whose procedure it is enjoined to follow
as far as possible, it seems to me reasonable to explore, in a spirit
of accommodation free from exaggerations of language, other solu-
tions appopriate to the situation and not basically inconsistent
with the Charter.

Accordirigly, in so far as Rule F fails to provide for practicable
modifications of the voting procedure of the General Assembly,
not inconsistent with the fundamental principles of the Charter
of the United Nations on the çubject, 1 might, if not prevented
by my ânswer to Question 3, feel bound to hold that Rule F does
not approximate as far as possible to the voting procedure of the

Council of the League and that in so far as itinvolves a higher
degree of supe~sion it fails to conform with the Opinion rendered
in 1950. However, 1 cannot so hold for the reason that my answer
to Question 3 is that, as the decisions of the General Assembly
are not of a legaleffect equal to that of the decisions of the Council
of the League, Rule F does not involve a degree of supervision
exceeding that in force under the Mandates System and that
it therefore constitutes a correct interpretation of the Opinion
rendered by the Court in 1950.

Question 3 : Do the decisions of the
GeneralAssembly possess the same legal
force in the system of supervision as the
decisionsof the Councilof the League of
Nations ?
The final, and in my view, decisive question is whether it cannot

correctly be said that Rule F is in accordance with the Opinion of
the Court rendered in 1950 for the reason that vrhat South Africa
is now asked to accept are majority decisions which are not binding
or not fully binding in place of decisionswhich were binding-which
means in effect that she is asked to accept a system of supervision
which, far from being more exacting, is much les so. Even if it is
assurned that she was not bound by decisions of the League Council
to which she did not agree and that she could prevent any such
decision from coming into force, can it not be said that she is not qui s'attacherait à rechercher ce qu'il y a de plus rigide dans une
constitution écrite et à simplifier la question en se concentrant
exclusivement sur les solutions extrêmes. Ainsi, tandis que l'una-
nimité absolue ou qualifiée peut être absolument étrangère à
l'esprit de la Charte, et, à ce titre, incompatible avec elle, cela
ne s'applique pas aux autres solutions n'allant pas jusqu'à l'una-
nimité. En particulier, lorsque l'Assemblée généralereprend les
fonctions d'un corps dont on lui enjoint de suivre la procédure
autant que possible, il me parait raisonnable d'examiner dans un
esprit d'accommodement et libre de toutes exagérations de langage,
les autres solutions appropriées à la situation et qui ne sont pas
fondamentalement incompatibles avec la Charte.

En conséquence, dans la mesure où l'article F omet de prévoir
la possibilité d'apporter, dans la procédure de vote de'l'Assemblée
générale, desmodifications qui ne seraient pas incompatibles avec
les principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies appli-
cables en la matière, et si la réponse que je donnà la question 3
ne m'en empêchait pas, je pourrais me voir obligé de considérer
que l'article F ne se rapproche pas, autant que possible, de la
procédure de vote suivie par le Conseil de la Sociétédes Nations
et que, dans la mesure où il implique un degréplus élevéde sur-
veillance, il n'est pas conformeà l'avis rendu en 1950. Telle n'est
cependant pas ma conclusion, parce que ma réponse à la ques-
tion 3 est que, les décisions de l'Assembléegénéralen'ayant pas
le mêmeeffet juridique que celles du Conseil de la Sociétédes
Nations, l'articleF n'implique pas un degré de surveillance supé-
rieur à celui qui était appliqué sous le Régimedes Mandats et que,
dès lors, il correspondà une interprétation exacte de l'avis rendu
par la Cour en 1950.

Question 3 :En matièrede sz~rveillance,
les décisionsde l'Assembléegénéraloent-
elles le mêmeedet jz~ridiqt~e'qiellesdu
Conseil dela Sociétédes Alration?

La dernière question et, à mon point de vue, la question déci-
sive, est de savoir si l'on ne peut dirà bon droit que l'article F
est conforme à l'avis rendu par la Cour en 1950 vu que ce qu'on
demande à l'Afrique du Sud d'accepter, ce sont des décisions prises
à la majorité, qui sont ou ne sont pas obligatoires ou pleinement
obligatoires, au lieu de décisionsqui étaient obligatoires ce qui
revientà dire que ce qu'on lui demande d'accepter c'est un système
de surveillance qui, loin d'êtreplus rigoureux, l'est beaucoup moins.
Mêmesi l'on admet que l'Afrique du Sud n'était pas liéepar les
décisions du Conseil de la Société des Nations auxquelles elle

5 =bound or not fully bound bythe decisionsofthe GeneralAssemblyfor
the simplereason that these are not bindingor not fully binding ?If
the Court were to accept that argument, it would have to reject the
assertion that Rule F irnplies a degree of supervision in excess of
that obtaining under the System of Mandates. There would be such
excess of supervision if the decision of the General Assembly reached
by a two-thirds majority had the same legal and binding force as
unanimous resolutions of the Council of the League of Nations. On
the other hand, if the position is in fact that, while the supervision
by the General Assembly exceeds that of the Council of the League
of Nations inasmuch as it is exercised by a majority vote of two-
thirds and thus degrived of the safeguards of unanimity, it is at
the same tinfe less exacting inasmuch asit is exercised by means of
decisions of a character less binding than those of the Councilof the
League of Nations-if that is the position, can it not be fairly held
that there is established a rough equivalence of supervision which
brings Rule F within the terms of the ruling of the Court in its
Advisory Opinion'rendered in 1950?My view is that that contention
is fully relevant to the present case and that it is substantially
correct.

Although decisions of the General Assembly are endowed with
full legaleffect in some spheres of the activity of the United Nations
and with lirnited legal effectin other spheres, it may be said, by way
of a broad generalisation, that they are not legally binding upon the
Members of the United Nations. In some matters-such as the
election of the Secretary-General, election of members of the Eco-
norhic and Social Council and of some members of the Trusteeship
Council,the adoption of rules ofprocedure, admission to, suspension
from and termination ofmembership, and approval ofthe budgetand
the apportionment of expenses-the full legal effectsof the Resolu-
tions of the General Assembly are undeniable. But, in general, they
are in the nature of recommendations and it is in the nature of
recommendations that, although on proper occasions they provide
a legal authorization for Members determined to act upon them
individuallyor collectively, they do not create a legal obligation to
comply with them. This is ço although Rule F and the General
Assembly'srequest for the present Opinion both refer to "decisions"
which, in ordinary connotation, signify binding expressions of will.
In fact, the request of the General Assembly and the special Rule
F, in refening to "decisions", contemplate decisions in their wider,

somewhat non-technical, sense as used in Article18 of the Charter
of the United Nations. The intended reference is to Resolutions
generally, a generic term which, although it does not occur in the
Charter, has found an accepted place in the practice of the United
Nations. Now "resolutions" cover two distinct matters : They cover
occasionally decisionswhich have a definite binding effect either in AVIS CONS. DU 7 VI 55 (OPIK. IXDIV. sr.LAUTERPACHT) 115

n'avait pas donné son accord et qu'elle pouvait empêcher ces
décisions d'êtreappliquées, ne peut-on dire qu'elle n'est pas liée
ou pleinement liée par les décisionsde l'Assembléegénéralepour
la simple raison que celles-ci ne sont pas obligatoires ou pleinement
obligatoires ?Si la Cour acceptait cet argument, elle devrait rejeter
l'idéeque l'article F implique un degréde surveillance qui dépasse
celui qui était observé sousle système des Mandats. Cet excès de
surveillance serait réalisé si les décisionsde l'Assembléegénérale
prises par une majorité des deux tiers avaient la même forcelégale
et obligatoire que les résolutions unanimes du Conseil de la Société

des Nations. Au contraire, si, en fait, la situation est telle que,
malgré le dépassementpar l'Assembléegénérale dela surveillance
du Conseil de la Sociétédes Nations, en tant qu'elle s'exerce par
la majorité des deux tiers, ce qui fait échec aux garanties qui
s'attachent à l'unanimité, cette surveillance est en mêmetemps
moifis rigoureuse parcc qu'elle s'exerce au moyen de décisions
d'un caractère moins obligatoire que celles du Conseil de la Société
des Nations - si telle est la position, n'est-on pas fondé à dire
qu'il y a une équivalence sommaire de surveillance qui ramène
l'articlF dans les termes poséspar la Cour dans son avis consultatif
de 1950 ?A mon avis, cet argument est pertinent en l'espèceet exact
au fond.

Bien que les décisions de l'Assembléegénérale jouissentd'un
plein effet juridique dans certains domaines de l'activité des
Nations Unies, et d'un effet juridique limitédans d'autres domaines,
on peut dire, en généralisant,qu'elles ne sont pas juridiquement
obligatoires pour les Membres des Nations Unies. Dans certains
domaines - tels que l'électiondu Secrétaire général, l'élection des
membres du Conseiléconomiqueet social et de certains membres du
Conseil de Tutelle, l'adoption des règlesde procédure, l'admission,
la suspension et le retrait de la qualité de membre, l'approbation
du budget et la répartition des dépenses - les pleins effets juridi-
ques des résolutionsde l'Assembléegénéralesont indéniables.Mais,

en général,elles se présentent sous forme de recommandations et,
de par leur nature même, lesrecommandations ne créentpas d'obli-
gations juridiques de passer à exécution, bien qu'en certaines
circonstances appropriées elles constituent une autorisation légale
pour les membres décidésà s'y conformer soit individuellement,
soit collectivement. Il en est ainsi, bien quel'artiFlet la présente
requête d'avis de l'Assemblée généralevisent l'une et l'autre
« des décisions))qui, dans le-langageordinaire, signifient des expres-
sions de volonté obligatoire. En fait, la requête de l'Assemblée
générale et l'article spécial F, lorsqu'ils parlent de «décisions »,
entrisagent des décisionsdans leur sens plus large et en quelque

sorte non technique tel qu'il est employé dans l'article 18 de la
Charte des Nations Unies. On a entendu se référeraux résolutions
d'une manière générale.C'est un terme génériquequi, s'il ne figure
pas dans la Charte, a trouvé sa place dans la pratique des Nations
52 relation to llembers of the United Nations or its organs or both, or
the United Nations as a whole. But normally they refer to recom-
mendations, properly so called, whose legal effect, although not
always altogether absent, is more limited and approaching what,

when taken in isolation, appears to be no more than a moral
obligation.

This, in principle, is also the position with respect to the recom-
mendations of the General Assembly in relation to the adminis-
tration of trust territories. The Trusteeship Agreements do not
provide for a legal obligation of the Admiilistering Authority
to comply with the decisions of the organs of the United Nations
in the matter of trusteeship. Thus there is no legal obligation,
on the part of the Administering Authority to give effect to a
recommendation of the General Assembly to adopt or depart
from a particular course of legislation or any particular adminis-
trative measure. The legal obligation resting upon the Administer-
ing Authority is to administer the Trust Tenitory in accordance
with the principles of the Charter andthe provisions of the Trustee-
ship Agreement, but not necessarily in accordance with any specific
recommendation of the General Assembly or of the Trusteeship
Council. This is so as a matter both of existing law and of sound

principles of government. The Administering Authority, not the
General Assembly, bears the direct .responsibility for the welfare
of the population of the Trust Temtory. There is no sufficient
guarantee of the timeliness and practicability of a particular
recommendation made by a body acting occasionally amidst a
pressure of business, at times deprived of expert advice and
information, and not always able to foresee the consequences
of a particular measure in relation to the totality of legislation
and administration of the trust territory. Recommendations in
the sphere of trusteeship have been made by the General Assembly
frequently and as a matter of course. To suggest that any such
particular recommendation is binding in the sense that there is a
legal obligation to put it into effect is to run counter not only to
the paramount rule that the General Assembly has no legal power
to legislate or bind its Members by way of recommendations, but,
for reasons stated, also to cogent considerations of good government
and administration.
In fact States administering Trust Territones have often asserted
their right not to accept recommendations of the General Assembly

or of the Trusteeship Council as approved bythe General Assembly.
That right has never been seriously challenged. There are numerous
examples of express refusa1 on the part of the Administering
Authonty to comply with a recommendation. This occurred, for
instance, with regard to the recommendation of the Trusteeship
Council at its Third Session (A/603, O@ial Records ofthe General
53Unies. Or, le mot -«résolution» vise deux matières distinctes :
tantôt iPvise des décisionsqui ont, à l'occasion, un effet obligatoire
défini soit pour les Membres des Nations Unies, soit pour leurs
organes, soit pour les deux, soit pour les Nations Vnies dans leur
ensemble. Mais, normalement, on entend par là des recommanda-
tions, ainsi nommées à bon escient, dont l'effet juridique, s'il n'est
pas toujours nul, est plus limité et se rapproche de ce qui; pris
isolément, apparaît n'êtrerien de plus qu'une obligation morale.
Telle est également, en principe, la position concernant les
recommandationsde l'Assembléegénéralese rapportant àl'adminis-
tration des territoires sous Tutelle. Les accords de Tutelle ne
prévoient pas pour l'autorité administrante l'obligation juridique
de se conformer aux décisions prises par les organes des Nations
Unies en matière de tutelle. Il n'y a donc pas d'obligation juridique

de la part de l'autorité administrante d'adopter ou d'abroger une
mesure législative ou administrative particulière, dans le but de
donner effet à une recommandation de l'Assemblée générale.
L'obligation juridique incombant à l'autorité administrante est
d'administrer le territoire sous Tutelle conformément aux principes
de la Charte et aux dispositions de l'accord de Tutelle, mais pas
nécessairement suivant telle recommandation particulière de
l'Assembléegénéraleou du Conseil de Tutelle. Il en est ainsià la
fois en droit positif et en bon gouvernement. C'estl'autoritéminis-
trante et non l'Assembléegénéralequi est directement responsable
du bien-êtrede la population du territoire sous Tutelle.Il n'y a pas
de garanties suffisantes d'opportunité et d'applicabilité dans une
recommandation particulière émanant d'un corps politique qui
agit parfois sous la pression de son travail, qui est parfois privé
d'avis et d'informations spécialisés, et qui ne peut toutefois
prévoir les conséquences d'une mesure donnée dans le cadre de

l'ensemble de la législationet de l'administration du territoire sous
Tutelle. L'Assembléegénéralea fait des recommandations dans le
domaine de la Tutelle, à maintes reprises, et comme une chose
allant de soi. Prétendre qu'une recommandation particulière est
obligatoire, en ce sens qu'il y a obligation légale de lui donner
effet, est contraire non seulement à la règle fondamentale que
l'Assembléegénéralen'a pas le pouvoir législatif et ne peut lier
sesmembres par des recommandations, mais encore, pour lesraisons
déjà indiquées, contraire à des considérations importantes de bon
gouvernement et de bonne administration.
En fait, les États qui administrent les territoires sous Tutelle
ont souvent affirmé leur droit de ne pas accepter les recomman-
dations de l'Assembléegénérale oudu ConseildeTutelle approuvées
par l'Assemblée générale.Ce droit n'a jamais étésérieusement
contesté. Ily a de nombreux exemples de refus catégorique de la
part de l'autorité administrante de se conformer à une recomman-

dation. Cela,s'est produit, par exemple, à propos de la recomman-
dation du Conseil de Tutelle qui a considéré, à sa troisième sessionAssemblyj,,Third Session, Suppl. No. 4, p. 31) which considered
that the existing tribal structure in Tanganyika is an ohtacle to
the political and social advancement of the indigenous inhabitants-
a recommendation which the Administering Authority rejected on
the ground that "the great mass of the people everywhere are
strongly attached to their tribal institutions and in most cases

offer strong resistance to any suggestions of serious modification"
(Report for 1948, p. 52).When the Trusteeship Councilrecommended
that consideration be given to the introduction of asystem of univer-
sa1 suffrage applicabie to al1 inhabitants of Western Samoa (A/g33,
Oficial Records of the GeneralAssembly,Fourth Session, Supplement
No. 4, p. 58) the Administering Authority informed the Council
that "it would be entirely wrong to force on the Samoans any
radical change in their customs since the introduction of universal
suffrage at this stage would be incompatible with that respect for
Samoan culture to which it andthe Government of Western Samoa
are equally urged by the Trusteeship Council" (Document A/1go3/
Add. 2, p. 9). When the Trusteeship Council recommended in
respect of Nauru that the long-term royalty investment funds
should not necessarily be limited to Australian Government secu-
rities, but should be invested freely in the best interest of the
Nauruans, the Administering Authority explained why it was
unable to act upon the recommendation (A/g33, Ogicial Records
of the GeneralAssembly, Fourth Session, Suppl. No. 4, p. 77, A/1306,
Fifth Session, Suppl. No. 4, p. 134). When the Trusteeship Council

recommended the reconsideration of the head tax in the Pacific
Islands, the Administering Authority explained why in its opinion
this was a satisfactory and desirable form of tax under the economic
and political conditions prevailing in the Trust Territory (Sl1358,
p. 13 ; S/1628, p. 15 : Reports of the Trusteeship Council to the
Security Council) .

1 have elaborated at what may appear to be excessive length
a point which seems non-controversial, namely, that recommenda-
tions of the General Assembly are not binding. 1 have done it by
reference to recommendations which are relevant to the issue now
before the Court, namely, the recommendations with respect to
Trust Temtories. They are so relevant although, of course, the
temtory of South-West Africa is not a Trust Temtory. However,
unless adequately explained and qualified, this statement of the

legal position is bound to be incomplete to the point of being
misleading. For reasons stated at the end of this Opinion, althougk
I am basing my answer to this question on the view that the +ci-
sions of the General Xssembly do not possess the same legal value(A/603, Comptes rendus oficiels de l'Assembléegénérale3 ,rnesession,
suppl. no 4, p. 31), que l'organisation des tribus existant au Tan-
ganylka est un obstacle au progrès politique et social de la popu-
lation indigène - recommandation que l'autorité adrninistrante
a rejetéeparce que (partout les meilleurs éléments dela population
sont fortement attachés aux institutions de leurs tribus et, dans
la plupart des cas, opposent une résistance énergique à des sugges-
tions de mpdificationssérieuses 1)(Rapportpour1948,p. 52).Quand le
Conseil de Tutelle a ~scommandéune étudedu problèmedel'intro-
duction d'un système de suffrage universel applicable à tous les
habitants du Samoa occidental (A/g33, Comptesrendus oflciels de
l'Assembléegénérale, qmesession, supplément no 4, p. 58)l'autorité
administrante a fait connaître au Conseil que ((ce serait une erreur
complète d'imposer aux Samoans un changement radical de leurs

coutumes et que l'introduction du suffrage universel au stade actuel
seraitincompatible aveclerespect delaculture samoane, quel'autorité
chargéede l'administration, comme les pouvoirs'publics du Samoa
occidental, ont étépriés de respecter par le Conseil de Tutelle »
(Document A/1go3/Add. 2, p. 9). Quand le Conseil de Tutelle, à
propos de Nauru, a recommandéque les valeurs destinéesà l'inves-
tissement à long terme provenant des redevances ne soient pas
nécessairement limitéesaux fonds d'État australien mais que ces
fonds soient librement investis au mieux des intérêtsdes habitants,
l'autorité administrante a donné les raisons pour lesquelles elle ne
pouvait suivre cette recommandation (A/933, Comptes retzdus
oficiels de l'Assembléegénérale,qme session, suppl. no 4, p. 77 ;
A/13o6, 5mesession, suppl. no 4, p. 134). Lorsque le Conseil de
Tutelle a recommandé qu'on examine à nouveau la question de la

capitation dans les îles du Pacifique, l'autorité administrante a
donné les raisons pour lesquelles, à son avis, c'était une forme
d'impôt s.atisfaisante et souhaitable dans lesconditions économiques
et politiques existant dans ce territoire sous TutelleS/1358, p. 13 ;
S/1628, p. 15 : Rapports du Conseil de Tutelle au Conseil de
Sécurité).
*
* *
J'ai développé,d'une façon qui paraîtra peut-être trop longue,
une question qui ne semble pas controversée,à savoir que les recom-
mandations de 1'AssembSe généralene sont pas obligatoires. Je l'ai
fait en me référant à des recommandations pertinentes pour la
questionactuellement soumise à la Cour, à savoir : des recommanda-
tions relatives aux territoires sous Tutelle. Elles sont pertinenkes

bien que le territoire du Sud-Ouest africain ne soit pas un territoire
sous Tutelle. Toutefois, à moins qu'on ne l'explique de façon adé-
quate et avec les réserves nécessaires, cet exposéde la position
juridique doit être nécessairement si incomplet qu'il induit en
erreur. Pour les raisons énoncées à la fin de cette opinion indivi-
duelle, bien que je fonde ma réponse à cette question sur l'idéeque

54 118 ADVIS. OPIN. OF 7 VI55 (SEP.OP. JUDGE LAUTERPACHT)

as those of the Council of the League, 1 consider it essential to
explain and to qualify this aspect of the present Separate Opinion.
It is one thing,to affirm the somewhat obvious principle that the
recommendations of the General Assembly in the matter of trustee-
ship or othenvise addressed to the Members of the United Nations
are not legally binding upon them in the sense that full effect must
be given to them. It is another thing to give currency to the view
that they have no force at all whether legal or other and that there-
fore they cannot be regarded as forming in any sense part of a
legal system of supervision.

In the first instance, not al1 the resolutions of the General
Assembly in the matter are in the form of recommendations
addressed to the Administering Authority. They are often, in
form and in substance, directives addressed to the organs of the
United Nations such as the Trusteeship Council or the Secretary-
General. As such, they are endowed with legal validity and effect.
They are measures of supervision of a force comparable with the
legal effects of such acts of the General Assembly as the election
of members of the Trusteeship Council or the confirmation of the
Trusteeship Agreements. A survey of the resolutions passed by

the General Assembly in the sphere of trusteeship shows the fre-
quency of this aspect of the supervisory function of the General
Assembly.
However, even in relation to the Adrninistering Authority the
question of the effect of the decision of the General Assembly
cannot accurately be answered by the simple statement that they
are not legally binding. In general it is clear that as the General
Assembly has no power of decision-as distinguished from recom-
mendation-imposing itself with binding force upon the substantive
action of the Member States, its ReSolutions have fierseno binding
force in relation to the Administering State. Thus that State is
not bound to comply with any specific Resolution recommending

it to undertake or to abstain from any particular legislative or
administrative action. As stated, no considerations of practical
persuasiveness permit any different interpretation of the existing
law on the subject. 1 have referred to cases in which the Adminis-
tenng Authonty has expressly declined to act upon the recom-
mendation addressed to it. Its right to do so has never been
challenged. What has been challenged-and, 1 believe, properly
challenged-is its right simply to ignore the recommendations and
to abstain from adducing reasons for not putting them into effect
or for not submitting them for examination with the view to
giving effect to them. What has been questioned is the opinion

that a recommendation is of no legal effectwhatsoever. A Resolution
recommending to an Administering State a specificcourse of action
creates some legal obligation which, however mdimentary, elastic
55 les décisions de !'Assemblée générale ne possèdentpas la même
valeur jundique que celles du Conseil de la Sociétédes ?rations, je
considère qu'il est essentiel d'expliquer cet aspect de la présente
opinion et de l'entourer de réserves. Une chose est d'affirmer le
principe à peu prèsévident que les recommandations de 1'Xssemblée
généraleen matière de Tutelle ou en d'autres domaines, ad.ressées
aux Membres des Nations Unies, ne sont pas juridiquement obliga-
toires pour ceux-ci, en entendant par ce terme qu'il y a une obliga-
tion de leur donner plein effet, une autre chose est de souscrire à
l'opinion que ces recommandations n'ont aucune force, juridique

ou autre, et que par conséquent elles ne sauraient faire partie,
en aucun sens, d'un système de surveillance jundique.
Tout d'abord, toutes les résolutions de l'Assemblée générale
sur la question ne se présentent pas sous la forme de recommanda-
tions adressées à l'autorité administrante. Elles ont souvent, en la
forme et au fond, la qualité de directives adresséesaux organes des
Nations Unies, tels que le ConseildeTutelle ou le Secrétairegénéral.
A ce titre, elles ont une pleine valeur et un plein effet juridiques.
Elles sont des mesures de surveillance dont la force est comparable
à celle des effets juridiques de décisions de l'Assemblée générale
telles que l'électionde membres du Conseil de Tutelle, owla confir-
mation des accords de Tutelle. L'examen des résolutions passées
par l'Assemblée générald eans le domaine de la Tutelle démontre la
fréquence de cet aspect du rôle de surveillance de l'Assemblée
générale.
Toutefois, même par rapport à l'autorité administrante, la
question de l'effet des décisions de l'Assemblée générale nepeut
recevoir de réponse exacte par le seul énoncédu principe qu'elles
ne sont pas juridiquement obligatoires. En général,il est clair

que l'Assembléen'ayant pas le pouvoir de décision - par opposition
aux recommandations - s'im sant avec force obligatoire aux
mesures positives prises par les tats membres, ses résolutionsn'ont
pas en elles-mêmesde force obligatoire pour l'État administrant. Cet
État n'est donc pas tenu de se conformer à une résolution particu-
lière lui recommandant de prendre ou de s'abstenir de prendre une
mesure législative ou administrative donnée. Comme nous l'avons
dit, aucune considération d'une valeur persuasive pratique ne
permet une interprétation différentedu droit existant en la matière.
J'ai mentionné des cas oh l'autorité administrante a expressément
refuséd'agir àlasuite des recommandations qui lui étaientadressées.
Son droit de le faire n'a jamais étécontesté. Ce qu'on a contesté -
et je crois à juste titre -, c'est son droit d'ignorer purement et
simplement les recommandations et de s'abstenir de fournir des
raisons pour ne pas leur donner effet ou pour ne pas les soumettre à
examen en vue de leur donner effet. Ce qu'on a contesté, c'est
l'opinion qu'une recommandation est sans aucun effet juridique
quelconque. Une résolution recommandant à un État administrant
une mesure déterminéecréeune certaine obligation juridique qui,

55 and imperfect, is nevertheless a legal obligation and constitutes a
measure of supervision. The State in question, while not bound
to accept the recommendation, is bound to give it due consideration
in good faith. If, having regard to its own ultimate responsibility
for the good government of the territory, it decides to disregard it,
it is bound to explain the reasons for its decision. These obligations
appear intangible and almost nominal when compared with the
ultimate discretion of the Administering Authority. They never-
theless constitute an obligation ;they have been acknowledged as
such by the Administering Authorities. This appears with some
clarity from the searching discussion at the Sixth General Assembly
in 1952 which followed upon the presentation by the Secretary-
General, in pursuance of a previous recommendation of the General
Assembly, of a series of documents entitled Information on the

Implementation of Trusteeshifi Council and General Assembly
Resolzttions relating to Trztst Territories (Documents A/1g03 ;
-4/1903/Add.1 ; A/1903/Add.z ; October 1952. In Resolution 436
(V) of I December, 1950, the General Assembly requested the
Secretary-General to report to it on the measures taken by the
Administering Authorities to implement the Resolutions of the
General Assembly and the Trusteeship Council and if there had
been no action on the part of an Administering Authority in respect
of any particular Resolution to set forth the reasons given concern-
ing that matter). While pointing to the difficulties in the way of
giving effect to some of the recommendations. and while affirming
their own final responsibility and their own right of ultimate
decision, various delegations of the Administering States made no
attempt to assert that these recommendations were bruta fulmina
devoid of any element of legal obligation. Thus at the Sixth General

Assembly, in the course of the debate of the Trusteeship Committee,
the representative of the United Kingdom stated as follows : "The
United Kingdom considered that, in cases where the Trusteeship
Council and the General Assembly had adopted Resolutions
concerning the Trust Territories, they were perfectly entitled to be
informed of the decisions taken by the Administering Authorities in
regard to them." (245th Meeting of 12 January, 1952 ; Sixth
GeneralAssembly, IVth Committee, p. 295.) Although, as stated,
the Triisteeship Agreements do not provide for a legal obligation
of the Administering Authority to comply with the decisions of
an organ of the United Nations, they are not in this respect devoid
of an element of legal obligation. In practically al1 of them the
Administering Authority undertakes to collaborate fully with the
General Assembly and the Trusteeship Council in the discharge of
their functions, to facilitate periodic missions, and the like. Such

collaboration, which is a matter of legal duty, is initiated by
decisions of the organs of the United Nations. AVIS CONS. DU 7 VI 55 (OPIN. INDIV. M. LACTERPACHT)
II9
si rudimentaire, souple et imparfaite qu'elle soit,est cependant ,une
obligation juridique et constitue une mesure de surveillance. L'Etat
en question, s'il n'est pas tenu d'accepter la recommandation, est

tenu de l'examiner de bonne foi. Si, eu égard à sa propre responsa-
bilité en dernier ressort pour la bonne administration du territoire,
il décidede ne pas en tenir compte, il doit donner les raisons de sa
décision. Ces obligations apparaissent impalpables et presque
théoriques quand on les compare avec le pouvoir discrétionnaire en
dernier ressort de l'autorité administrante. Elles constituent néan-
moins une obligation ; elles ont étéreconnues comme telles par les
autorités administrantes. Cela résulte assez clairement de la discus-
sion détaillée à la Sixième Assembléegénérale en1952, qui a suivi la
présentation par le Secrétaire général, conformément à une recom-
mandation antérieure de l'Assemblée, d'une série de. documents

intitulés :Renseignements relatifs à la mise en a3zburdees Késol~~fions
du Conseil de Tutelle et de Z'Assemblée gé~zérac loncernant les terri-
toires sozts Tzrtelle (Documents Al1903 ; A/1go3/Add.1 ; .4/190.3/
Add. 2 ;octobre 1952. Dans la résolution 436 (Ir)du 2décembre1950,
l'Assemblée a demandé au Secrétaire généralde faire rapport sur
les mesures prises par les autorités administrantes pour donner effet
aux résolutions de l'Assembléegénéraleet du Conseil de Tutelle et,
si aucune mesure n'avait étéprise par l'autorité administra~te à
l'égard d'une résolution particulière, de faire connaître les raisons
données à ce sujet). Tout en signalant la difficulté de donner effet
à certaines des recommandations et tout en affirmant leur propre

responsabilité en dernier ressort et leur propre droit de décision
finale, plusieurs délégations des Etats administrants n'ont pas tenté
d'affirmer que ces recommandationsétaient brzltafzilnzinaprivéesde
tout élément d'obligation juridique. C'est ainsi qu'à la Sixième
Assembléegénérale,au cours des débats à la Con~missionde Tutelle,
le représentant du Royaume-Uni a déclaré :((Le Gouvernement du
Royaume-Uni estime que, lorsque le Conseil de Tutelle et 1'Assem-
bléegénéraleont adopté des résolutions concernant les territoires
sous Tutelle, ces organes ont parfaitement le droit de connaître les
décisions prises par les autorités chargées de l'administration
concernant ces résolutions. J) (245me séance, 12 janvier 1952 ;

Sixième AssembléegénéraleI ,Vme Commission, p. 295). Bien que,
comme nous l'avons dit, les accords de Tutelle ne prévoient pas
d'obligation juridique pour l'autorité chargée de l'administration
de se conformer aux décisions d'un organe des Kations Unies, ces
accords ne sont cependant pas dépourvüs à cet égard d'un élément
d'obligation juridique. Dans presque tous ces accords, l'autorité
administrante s'engage à collaborer pleinement avec l'Assemblée
généraleet le Conseil de Tutelle dans l'exercice de leurs fonctions,
à faciliter les missions périodiques, et tout ce qui se rapporte à la
surveillance. Cette collaboration, qui constitue un devoir juridique,

tire son origine des décisions prises par les organes des Nations
Unies.
56 Both principle and practice would thus appear to suggest that
the discretion which, in the sphere of the administration of Trust
Territories or temtories assimilated thereto is vested in the Members
of the United Nations in respect of the Resolutions of the General
Assembly, is not a discretion tantamount to unrestricted freedom of
action. It is a discretion to be exercised in good faith. Undoubtedly,

the degree of application of good faith in the exercise of full dis-
cretion does not lend itself to rigid legal appreciation. This fact does
not destroy altogether the legalrelevance of the discretion thus to be
exercised. This is particularly so in relation to a succession of recom-
mendations, on the same subject and with regard to the same State,
solemnly reaffirmed by the General Assembly. Whatever may be
the conteht of the recommendation and whatever may be the
nature and the circumstances of the majority by yvhichit has been
reached, it is nevertheless a legal act of the principal organ of the
United Nations which Members of the United Nations are under a
dutyto treat with a degree of respect appropnate to a Resolution
of the General Assembly. The same considerations apply to Resolu-
tions in the sphere of temtories administrated by virtue of the prin-
ciples of the System of Trusteeship. Although there is no automatic
obligation to accept fully a particular recommendation or series of
récommendations, there is a legal obligation to act in good faith in
accordance with the principles of the Charter and of the Systern of
Trusteeship. An administering State may not be acting illegally by
declining to act upon a recommendation or series of recommenda-
tions on the same subject. But in doing so it acts at its peril when a
point is reached when the cumulative effect of the persistent dis-

regard of the articulate opinion of the Organization is such as to
fbster the conviction that the State in question has become guilty
of disloyalty to the Principles and Purposes of the Charter. Thus an
Administenng State which consistently sets itserf above the solemnly
and repeatedly expressed judgment of the Organisation, inpartic-
ular in proportion asthat judgment approximates to unanimity,
may find that it has overstepped the imperceptible line between
impropriety and illegality, between discretion and arbitrariness,
between the exercise of the legal right to disregard the recom-
mendation and the abuse of that right, and that it has exposed
itself to consequences legitimately following asa legal sanction.

Moreover-and for similar reasons-even if the view is adopted
that the effect of a decision of the General Assembly is no greater
than its moral force, a decision thus conceived still constitutes a
measure of supervision. Asystem of supervision devoid of an element
of legal obligation and legal sanction can nevertheless provide a

powerful degree of supervision because of the moral force inherent
57 Tant les principes que la pratique semblent donc indiquer que
les pouvoirs discrétionnaires dont jouissent les Membres des
Yations Unies à l'égard des résolutions de l'Assemblée générale
en ce qui est de l'administration des territoires sous Tutelle et
autres temtoires assimilés à ceux-ci ne leur donnent cependant

pas une liberté d'action illimitée. Ces pouvoirs discrétionnaires
doivent êtreexercés de bonne foi. Sans doute, le degré de bonne
foi entrant dans l'exercice des pouvoirs discrétionnaires ne se
prêtepas à une appréciation juridique stricte. Ce fait ne détruit
cependant pas complètement la pertinence juridique des pouvoirs
discrétionnaires ainsi exercés. Cela est vrai particulièrement dans
le cas d'une série de recommandations visant le mêmesujet et
le mêmeÉtat et qui ont été formellement confirmées par lJAssem-
blée générale. Quelleque soit la teneur de la recommandation,
et quelles que soient la nature et les caractéristiques de la majo-
rité qui l'a votée, la recommandation n'en reste pas moins un
acte juridique de l'organe principal des Nations Unies, que tous
les Membres de l'organisation sont juridiquement tenus de consi-
dérer avec le respect qui est dû à une résolution de l'Assemblée
générale. Les mêmersemarques s'appliquent aux résolutions prises
à propos des temtoires administrés en vertu du Régimede Tutelle.
Bien qu'il n'y ait pas automatiquement obligation d'accepter sans
réserve une recommandation ou une série de recommandations
particulières, il a juridiquement obligation d'agir de bonne foi,
conformément aux pri?cipes de la Charte et du Régimede Tutelle.

Il est possible qu'un Etat mandataire n'agisse pas contrairement
au droit en refusant de mettre en Œuvre une recommandation
ou une série de recommandations portant sur un même sujet.
Mais, en agissant de la sorte, il agit ses risques et périlslorsqu'il
amve au point où les effets cumulés d'une méconnaissance persis-
tante de l'opinion exprimée par l'organisation conduisent à la
conviction que l'État en question s'est rendu coupable dedéloyauté
à l'égard des principes et des buts de la Charte. Ainsi, 1'Etat
mandataire qui persiste à ne pas tenir compte de l'avis de l'Orga-
nisation solennellement exprimé et réitéré,et plus particulière-
ment dans le cas où l'expression de cet avis se rapproche de l'una-
nimité, peut finir par dépasser la limite imperceptible entre I'im-
propriété et l'illégalité,entre la discrétion et l'arbitraire,entre
l'exercice de la faculté juridique de ne pas tenir compte de la
recommandation et l'abus de cette faculté, et qu'il s'est ainsi
exposé aux conséquences qui en découlent légitimement sous
forme d'une sanction juridique.
En outre - et pour des motifs analogues -, même sil'on
adopte le point de vue que les effets d'une décisionde l'Assemblée

généralene dépassent pas son influence morale, il n'en reste pas
moins qu'une décision ainsi conçue constitue une mesure de sur-
veillance. Un régime de surveillance qui ne comporte aucun élé-
ment d'obligation juridique et de sanction juridique peut cepen-
57121 -4DVIS. OPIN. OF7 VI 55 (SEP. OP. JUDGE LAUTERPACHT)

in its findings andrecommendations. It willbe noted-and the matter
is not without significance-that the Advisory Opinion of 1950
lays down not only that the new system must not add to the legar
obligations of South Africa; it says that the degree of supervision
must not exceed that obtaining under the League of Nations. The
phrase "degree of supervision" used in the Advisory Opinion of
1950 does not refer necessarily or exdusively to supervision exer-
cised by means of legally binding or enforceable pronouncements.
Moral reprobation following upon non-compliance with a valid
recommendation adopted in conformity with the Charter may
provide a means of supervision as potent or more potent than a
legal sanction.

This absence of a purely legal machinery and the reliance upon
the moral authority of the findings and the reports of the Mandates
Commission were in fact the essential feature of the supervision

of the Mandates System. Public opinion-and the resulting attitude
of the Mandatory Powers-were influenced not so much by the
forma1 Resolutions of the Council and Assembly as by the reports
of the Mandates Commission which was the true organ of super-
vision. In legal theory the Mandates Commission was no more than
a subsidiary and expert organ of the Council which received and
approved its reports and which occasionally softened their impact
by the use of diplomatic language intent upon nat offending the
susceptibilities of the Mandatory Power. The Commission could
not communicate directly with the Mandatory Powers and was
often reminded of the limitations of its authority. Its representatives
who appeared before the Council often acknowledged those limita-
tions and deprecated any intention of exceeding them. But it was a
fact which was generally recognized .and of whicii judicial notice
must be taken that the actual scrutiny of the conduct of the
Mandatory Power rested with the Mandates Commission. Yet no
legal sanction was attached to non-compliance with or disregard
of the recommendations, the hopes and the regrets of the Commis-

sion. The legal sanction of the judicial supervision by the Permanent
Court of International Justice, although forming part of al1Man-
dates, was never invoked. The occasional public and detailed
discussions before the General Assembly and the Council, which
influencedpowerfully public opinion andthe conduct of the Manda-
tory, were in pursuance of the reports of the Mandates Commission.

There are two reasons why 1 have considered it essential to
elaborate the point-which in a sense seems to put in doubt the
grounds of my own final co~iclusion-that decisions of the General

58dant fournir un degré de surveillance très élevéà raison de la
force morale inhérente aux conclüsions et recommandati~ns qui
en découlent. Il est à noter - et ce point n'est pas sans impor-
tance - que l'avis consultatif de 1950 dit non seulement que
le nouveau régime ne doit pas augmenter les obligations juri-
diques de l'Union sud-africaine, il dit aussi que le degré de sur-
veillance ne saurait dépasser celui qui était exercé au temps de
la Société des Nations. L'expression n degré de surveillance )),

utilisée dans l'avis consultatif de 1950, ne vise pas nécessairement
ni exclusivement une surveillance exercée par voie de déclara-
tions juridiquement obligatoires ou applicables. La réprobation
morale encourue pour ne pas avoir donné suite à une recomman-
dation valable, adoptée en conformité de la Charte, peut fournir
un moyen de surveillance aussi puissant et même plus puissant
qu'une sanction juridique.
Ce défaut d'appareil purement juridique, ainsi que le fait de
s'en remettre à l'autorité morale des conclusions et rapports de la
Commission des Mandats, constituaient en fait les caractéristiques
essentielles de la surveillance prévue par le Régime des Mandats.
L'opinion publique - et l'attitude adoptée en conséquence par les
Puissances mandataires - ont étéinfluencées moins Dar les résolu-

tions formelles du Conseil et de l'Assemblée que les rapports
de la Commission des Mandats, véritable organe de.surveillance. Du
point de vue théorique, la Commission des Mandats n'était guère
plus qu'un organe spécialisésubsidiaire du Conseil, qui recevaic et
approuvait ses rapports et qui, de temps à autre, les assouplissait
par des formes diplomatiques afin de ne pas blesser la susceptibilité
de la Puissance ,mandataire. La Commission n'était pas autorisée
à communiquer directement avec les Puissances mandataires et
fut fréquemment rappelée à une juste appréciation des limites de
son autorité. Ceux de ses membres qui étaient appelés devant le
Conseil reconnurent fréquemment ces limites et dénièrent toute
intention de les outrepasser. Mais il était irn fait généralement

admis dont il faut prendre acte judiciairement, à savoir que c'était
la Comïnission des Mandats qui était effectivement chargée de
surveiller la conduite de la Puissance mandataire. Et cependant la
non-application ou la méconnaissance des recommandations, des
vŒux et des regrets de la Commission n'appelaient aucune sanction
juridique. La sanction juridique du contrôle judiciaire de la Cour
permanente de Justice internationale, bien que prévue dans tous
les Mandats, ne fut jamais invoquée. Les discussions approfondies et
publiques de l'Assemblée généraleet du Conseil, qui influencèrent
grandement tant l'opinion publique que la conduite du Mandataire,
eurent lieu à la suite des rapports de la Commission des Mandats.

Ily a deux raisons pour lesquelles j'ai estimé indispensable de
m'étendre sur ce point - qui, en un certain sens, semble mettre
en question les motifs de ma propre conclusion finale -, à savoir,
58Assembly in the matter of temtories administered under the
principles of trusteeship have, after all, some legal and certainly
some moral effect and that they may therefore be regarded as a
factor in the legal system of supervision in which the system of
voting is relevant :

In the first instance, the preceding observations show that 1
have not reached the final conclusion without some hesitation
and without having fully weighed the correctness of an opposite
conclusion, which is that although the decisions of the General
Assembly have no full legal effect they are nevertheless a weightÿ
factor in the system of supervision and that therefore the procedure
of the voting by which they are reached is decisive for the purpose
of the Opinion of the Court.
The second reason iç that, after full allowance has been made
for the necessity of stating what is the inexorable legal position
resulting from the very nature of "recommendations", it is not
admissible to give currency to an interpretation, without qualifying
it in al1requisite detail, which gratuitously weakens the effectiveness
of the Charter. It would be wholly inconsistent with sound principles
of interpretation as well as with highest international interest,
which can never be legally irrelevant, to reduce the value of the

Resolutions of the General Assembly-one of the principal instru-
mentalities of the formation of the collective will and judgment of
the community of nations represented by the United Nations-and
to treat them, for the purpose of this Opinion and othenvise, as
nominal, insignificant and having no claim to influence the conduct
of the Members. International interest demands that no judicial
support, however indirect, be given to any such conception of the
Resolutions of the General Assembly as being of no consequence.

These considerations, as well as actual practice, prevent me
from basing my conclusion on the proposition that the decisions
of the General Assembly have no binding effect at all. However,
there is no escape from the fact that they are of a legal potency
lower than that implicit in the Resolutions of the Council of the
League. To that fact 1 must attach'decisive importance. It is
nnreasonable to claim that decisions of distinctly more limited
legal value than that inherent in the decisions of the Council of
the League of Nations must be reached by the same exacting and
rigid system of voting. The fact that some resolutions of the General
Gssembly in the matter of trusteeship and elsewhere have a definite
legal effect does not alter decisively the normal situation. This
being so, 1 come to the conclusion, with regard to Question 3,that
Rule F constitutes a correct interpretation of the Opinion of the
Court given in 1950. que les d4cisions de l'Assembléegénérale à l'égard des territoires
administrés selon les principes du Régime de Tutelle ont, en tout
état de cause, certains effets juridiques et indubitablement certains
effets moraux et qu'on peut, dès lors, les considérer comme l'un des
facteurs du régime juridique de surveillance dans lequel la procédure
de vote ioue un rôle:
En p;emier lieu, les observations qui précèdentdémontrent que
ie ne suis Dasarrivéà ma conclusionfinale sanscertaines hésitations
ni sans avoir pleinement peséla valeur d'une conclusion opposée
selon laquelle, bien que les décisions de l'Assemblée générale
soient dépourvues de plein effet juridique, elles sont néanmoins un

élément important du système de surveillance et, partant, la
procédure de vote par laquelle elles sont prises est un facteur
décisifaux fins de l'avis dela Cour.
La seconde raison est que, après avoir largement tenu compte
de la nécessité d'exposer la consCquence juridique inexorable
découlant de la nature même des((recommandations », on ne doit
pas donner cours à une interprétation qui affaiblit gratuitement
l'effectivité de la Charte, sans délimiter la portée de cette inter-
prdtation dans tous les détails nécessaires. Il serait tout à fait
incompatible avec les principes d'une saine interprétation comme
avec l'intérêt international supérieur, qui n'est jamais sans perti-
nence juridique, de minimiser la valeur des résolutions de 1'Assem-
blée générale - l'un des principaux instruments d'élaboration dela
volonté et du jugement collectif de la communauté des nations

représentéepar l'organisation des Nations Unies - et, aux fins
du présent avis comme dans d'autres domaines, de les considérer
comme théoriques,insignifiantes et nepouvant prétendre exercer une
influence sur la conduite des Membres. L'intérêt international
exige que l'on n'accorde pas d'appui judiciaire, mêmeindirect, à
une conception des résolutions de l'Assemblée généralequi les
ferait être considérées comme dénuéesd'importance.
Cesconsidérations, de mêmeque la pratique en vigueur, m'empê-
chent de fonder ma conclusion sur l'opinion que les décisions de
l'Assemblée généralesont dépourvues de tout effet obligatoire.
Cependant, on ne peut échapper au fait que les résolutions de
l'Assemblée généraleont une valeur juridique inférieure à celle
qui s'attache aux résolutions du Conseil de la Sociétédes Nations.
C'est à ce fait que j'attribue une importance décisive.Il n'est pas

raisonnable de prétendre que des décisionsd'une portée juridique
nettement inférieure à celle qui est inhérente aux décisions du
Conseil de .la Société desNations doivent êtreadoptées selon la
même procédurede vote exigeante et rigide. Le fait que certaines
des résolutions de l'Assemblée générale enmatière de Tutelle et
dans d'autres domaines ont nettement un effet juridique ne saurait
modifier d'une manière décisive ce qui est la situation normale.
Cela étant, j'arrive à la conclusion, en ce qui est de la question 3, 123 ADVIS. OPIN. OF 7 VI 55 (SEP. OP. JUDGE L~~UTERPACHT)

Accordingly, while 1 have reached the final result on grounds

different from those underlying the Opinion of the Court, 1 concur
in its operative part for the reason :
(1) that, in so far as the doubts as to the correctness of Rule F
were prompted by the contention that the vote of the General

Assembly on reports and petitions from South Africa is subject to
the rule of absolute unanimity on the ground that this was the
rule obtaining in the Council of the League of Nations, there is
doubt whether such rule can correctly be held to have been in
actual operation at the time of the dissolution of the League in
the Council of the League acting as the supervisory organ of the
Mandates System ;
(2)that, in so far as it is contended that the vote of the General

Assembly on these questions might be subject to some other
procedure of voting more exacting than a two-thirds majority,
though falling short of absolute unanimity, Rule F is nevertheless
in accordance with a correct interpretation of the Opinion of the
Court given in 1950. This is so for the reason that the decisions
of the General Assembly in the meaning of Rule F do not possess
a degree of legal authority equal to that of the decisions of the
Council of the League of Nations. In view of this, although adopted
through a less stringent voting procedure, they cannot be held to
involve a degree of supervision exceeding that which obtained
under the Mandates System. These considerations would also apply

if, contrary to the conclusion(1),it could be held that the decisions
of the Council of the League on the subject required absolute
unanimity.

(Signed) H. LAUTERPACHT.que l'article F correspond à une interprétation exacte de l'avis
rendu par la Cour'en 1950.

En conséquence, bien que je sois arrivé au résultat final pour
des motifs qui diffèrent de ceux sur lesquels se fonde l'avis de la
Cour, je suis d'accord sur le dispositif pour les raisons suivantes:

1) dans la mesure où des doutes ont été émis quant au bien-
fondé de l'article F, en partant de la thèse selon laquelle le vote
de l'Assemblée généralesur les rapports et pétitions émanant de
l'Afrique du Sud est soumis à la règle de l'unanimité absolue vu
que cette règle était appliquée par le Conseil de la Société des
Nations, il est douteux qu'on puisse estimer à bon droit qu'une
telle règleait étéeffectivement en vigueur, lors de la dissolution de

la Société desNations, au sein du Conseil agissant en tant qu'or-
gane de surveillance du Régime des Mandats ;
2) dans la mesure où l'on soutient que le vote de l'Assemblée
généralesur ces questions pourrait être soumis à quelque autre
procédure de vote plus rigoureuse qu'une majorité des deux tiers,
encore que n'allant pas jusqu'à l'unanimité absolue, l'article F
correspond cependant à l'interprétation exacte de l'avis consultatif
rendu par la Cour en 1950. Ceci pour le motif que les décisionsde
l'Assemblée générale,au sens de l'article F, ne possèdent pas un
degré d'autorité juridique égal à celui des décisions du Conseil
de la Société desNations. Ceci étant, bien que ces décisions soient
prises par l'application d'une procédure de vote moins rigoureuse,

on ne peut les corisidérercomme impliquant un degré de surveil-
lance allant au delà decelui qui prévalait sousleRégimedesMandats.
Ces considérations s'appliqueraient également si, contrairement
à la conclusion 1), on pouvait estimer que les décisionsdu Conseil
de la Société desNations en la matière exigeaient l'unanimité
absolue.

(SignéH ). LAUTERPACHT.

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. Lauterpacht (traduction)

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