Opinion dissidente de M. Read (traduction)

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008-19500718-ADV-01-01-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. READ
[Traduction.]

Je ne saurais me rallier à la réponse donnée par la Cour à la
Question III, ni aux motifs sur lesquels elle est fondéeje me sens
donc obligé,à mon grand regret, d'exposer les raisons de mon désac-
cord. Étant d'avis qu'une réponse affirmative doit être donnée
A la Question III, il est également nécessaireque j'expose lesraisons
qui m'ont amené à conclure qu'une réponse affirmative devrait
êtredonnée à la Question IV.
Des circonsrances se sont maintenant présentéesdans lesquelles
il est nécessaire de s'occuper des Questions III et IV. La Cour
n'est pas appelée à se prononcer sur le fond des différends qui
se sont produits, mais, dans l'examen de la portée juridique des
articles relatifs aux différends,je ne puis laisser de côté les articles
des traités à propos desquels se sont élevésles différends, ni les

attitudes qui ont étéconservées par les parties aux différends.
L'importance du respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales est soulignéepar le fait qu'ils ont étéinscrits parmi
les buts des Nations Unies énoncés à l'article premier de la Charte,
ainsi que par la position centrale qu'occupent les articles des
traités de paix relatifs aux droits de l'homme.
Il me parait inconcevable que les Puissances ailiéeset associées
aient pu consentir à la création d'un mécanisme, destiné au
règlement des différends naissant de questions si importantes, et
que la seule volonté de l'un quelconque des trois Gouvernements
intéressés, la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, aurait pu
rendre sans effet. Je suis donc, dès le début, porté à penser que
les articles relatifsaux différends doivent recevoir une inter-
prétation qui leur assure une efficacité réelleplutôt qu'une inter-
prétation qui les prive de toute efficacité.
Les Questions poGes à la Cour sont néesd'un réseau compliqué

de différends, qui se sont produits entre certaines des Puissances
alliées et associées et la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie. Il
n'est pas nécessaire d'examiner ces différends en détail. Il suffit
de noter certains éléments qui leur sont communs.
Tous comportent des accusations expresses d'infractions aux
engagements pris, en vertu des articles des traités de paix relatifs
aux droits de l'homme, de respecter les droits de l'homme et
les libertés fondamentales. Tous comportent le refus d'admettre
les accusations et la justification de l'attitude donton se plaint.
D'un bout à' l'autre du litige, les Puissances qui ont formulé
les accusations ont conservé une attitude logique. Elles ont pris
la défense et réclamé lerespect des libertés fondamentales ;et

14232 OPINION DISSIDENTE DE M. READ
elles ont tenté sans relâche de faire soumettre les accusations à
un tribunal judiciaire qui se prononce à leur sujet, à savoir les
commissions envisagées dans les traités de paix et prévues dans
les articles de ces derniers qui ont trait aux différends.
Les Gouvernements accusésont, eux aussi, conservéune attitude
conséquente. Ils ont niéles accusations ; ils ont niél'existence des

différends ; ils ont refusé d'admettre la compétence de la Cour;
ils se sont abstenus de désigner leurs représentants nationaux
aux commissions prévues par les traités ; ils ont tenté sans relâche
d'empêcherque les accusations soient soumises à des tribunaux
judiciaires et fassent l'objet d'une décision de la part de ces
derniers ; mais ils n'ont à aucun moment mis en doute la compé-
tence des commissions prévues par les traités - auxquelles ils
n'ont pas nomméleurs représentants - pour examiner les accusa-
tions et rendre des décisions obligatoires dans le règlement des
différends.
C'està la lumière de ces attitudes qu'il faut examiner les points
juridiques qui ont étésoumis à la Cour. Au centre est la question
de savoir si les dispositions des traités de paix doivent êtreinter-
prétéescomme autorisant la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie
à rendre vaine l'application des articles relatifs aux différends et
à empêcherque les accusations fassent l'objet d'un examen judi-
ciaire et qu'une décisionsoit rendue sur les différends,en recourant
au simple procédé qui consiste à manquer aux obligations
découlant pour elles des traités, relativement à la désignation de
leurs représentants nationaux aux commissions prévues par le,-

traités. *
* *

Il est opportun d'examiner, avant de répondre aux Questions,
le problème particulier de la compétence d'une commission prévue
par le traité et composée d'un représentant du gouvernement
dont émanent les accusations et d'un tiers membre désignépar
le Secrétaire général, problèmequi dépend non pas de règles
généralesdedroit, mais du sens qui doit être danné à l'article relatif
aux différends.
L'article relatif aux différends est une clause compromissoire.
Elle ne se trouve pas dans un compromis prévoyant la soumission
à l'arbitrage d'un cas particulier, mais dans un traité général,le
traité de paix. Elle est destinéeà assurer le règlement judiciaire de
tous différendssusceptibles de s'élever en vertu des traités de paix
(à l'exception, naturellement, de certains types de litiges pour
lesquels une procédure est prévue). Par conséquent, il n'est pas
loisibleà la Cour de donner une interprétation étroite ou restrictive

des articles relatifs aux différends.
Les dispositions de l'article 92 de la Charte révèlentl'intention
des Nations Unies d'assurer la continuité entre la Cour permanente
de Jusrice internationale et la Cour actuelle. Il n'est pas douteux
15233 OPISION DISSIDENTE DE M. READ

que les Yations Unies avaient en vue la continuité dans la jurispru-
dence aussi bien que dans des matières moins importantes. Encore
que ceci ne donne pas aux décisions de la Cour permanente force
de précédents obligatoires comme les décisions judiciaires ont cette
force dans les pays de ((common law »,la nécessitéapparaît cepen-
dant de les considérer avec le plus grand respect et de les suivre,
à moins qu'il n'y ait des raisons majeures pour rejeter leur autorité.
Ceci est vrai à un double titre en matière d'interprétation de traités,

car les rédacteurs, en choisissant les termes à employer dans une
clause des traités, savoir l'article relatif aux différends, ont eu
constamment à l'esprit les principes d'interprétation formulés
et appliqués par la Cour permanente et par la Cour actuelle. Le
fait de ne pas suivre les précédentsen matière d'interprétation de
traités conduit inévitablement à faire échecà l'intention desparties.
La Cour permanente, lorsqu'eile a étéinvitée à interpréter des
clauses d'arbitrage de type extrêmement divers comportant des
dispositions relatives au règlement des différends internationaux,
n'a pas hésité à adopter et à appliquer des interprétations larges

et libérales destinées à les rendre efficaces et à donner un effet
pratique à l'intention évidente des parties telle que cell.e-ciressor-
tait desdispositions des traités dans lesquelsles clauses seouvaier,,.
Afin de découvrir leur intention, la Cour permanente examinait
chaque traité dans son ensemble afin d'en rechercher le but et le
sens général.

Série A No 2, 30 août 1924. Arrêt. Concessions Mavrommatis
en Palestine

Série B No 12, 21 novembre 1925. Avis consultatif. Article 3,
paragraphe 2, du Trait6 de Lausanne. (Affaire de la
frontière de Mossoul)
Série A No 9,26 juillet1927. Arrêt.Affaire de l'Usine de Chorzow

(demande d'indemnité) (compétence)
Série B No 16, 28 août 1928. Avis consultatif. Interprétation de
l'Accord gréco-turc du ler décembre 1926 (protocole
final, article IV)

Le point précis d'interprétation dont la Cour doit s'occuper
actuellement n'a pas étésoulevé dans ces affaires, mais les règles

fondamentales d'interprétation adoptées et appliquées par la Cour
permanente peuvent et doivent êtreadoptées et appliquées par la
Cour dans la détermination du sens véritable de l'article du traité
de paix relatif aux différends.
En plus des cas dans lesquels la Cour permanente a traité de
l'interprétation de clauses compromissoires, il y a eu d'autres
exemples importants dans lesquels elle a adopté et appliqué le
principe de l'effetutile;le mêmeprincipe a Ctéreconnu et appliqué
par la Cour actuelle :

16234 OPINION DISSIDENTE DE M. READ
Série B Nos 2 et 3,12 août 1922. Avis consultatifs. Compétence
de l'organisation internationale du Travail vis-à-vis
des travailleurs agricoles

Série B No 6, IO septembre 1923. Avis consultatif. Colons
allemands en Pologne

Série B No 7, 15 septembre 1923. Avis consultatif. Acquisition
de la nationalité polonaise

Série B Nos 8 et g, 6 décembre 1923 et4 septembre 1924. Avis
consultatif. (Ces avis, qui traitent des questions de
délimitations de la frontière polono-tchécoslovaque et
de la frontière albanaise, auraient peut-être pu être
compris dans la liste des précédents qui traitaient des
clauses d'arbitrage.)

SérieB No 13, 23 juillet1926. Avis consultatif. Compétence de
l'organisation internationale du Travail pour réglemen-
ter .accessoirement le travail du patron

SérieA No 22, 19 août 1929. Ordonnance. Zones franches.
(Citée, avec approbation, par la Cour actuelle dans
l'affaire du Détroit de Corfou (fond), C. 1. J. Recueil

I949> P. 24.)
Affaire du Détroit de Corfou (fond), C. 1. J. Recueil 1949, p. 4

Réparation des dommages subis au service des Nations Unies.
Avis consultatif,C. 1. J. Recueil 1949, p. 174

Le principe de droit international applicable à l'interprétation
des traités qui a étéétabli par la sériede précédents citéeau para-
graphe ci-dessus, et dans celui qui le précède, a étéexposéde façon
concise et exacte par la Cour permanente dans son avis consultatif
Série B, no 7.La Cour était saisie du Traité polonais de minorités.
Au cours de l'examen d'une exception à la compétencede la Société
des Nations, la Cour refusa d'admettre l'argument polonais en
faveur d'une interprétation restrictive du traité et déclara, à la
page 16:

((Et s'il en était autrement, la valeur et le champ d'application
du traité seraient singulièrement diminués.Or, déjà, dans l'avis
vement aux colons allemands en Pologne, latCour a exprimé l'opi--
nion qu'une interprétation qui dépouilleeittraitéde minoritéd'une
grande part desa valeur ne saurait êtreadmise. En l'espéce,elle
serait d'autant moins admissible qu'elle se trouverait en contra-
diction avec les termes mêmesdu traité lorsqu'il dispose dans son
article12 que les stipulations précédantcet article et, en consé-
quence, aussi celles contenuesà l'article 4, sont placéessous la
garantie de la Société des Nations))(Soulignépar moi.)

17235 OPINION DISSIDENTE DE M. READ

Le professeur Lauterpacht, dans The Development of International
Law by the Permanent Court of International Justice, a procédéà
un examen approfondi des précédents tels qu'ils existaient à la
date de la publication (1934)~y compris la plupart de ceux qui sont
citésci-dessus et un certain nombre d'autres arrêtset avis pertinents
de la Cour permanente. Il expose aux pages 69 et 70 le résultat de
cette étude :

(...L'Œuvre de la Cour permanente a montré qu'à côté du
principe fondamental d'interprétation,savoir, que l'on doit donner
effetà l'intention des parties, on peut aussi utiliser largement un
autre principe à peine moins important, savoir, que le traité doit
êtreefficace plutôt qu'inefficace. Res magis valeat quam pereat.
C'est là un principe majeur à la lumière duquel l'intention des
parties doit toujours être interprétéem, êmeau point d'écarterla
lettre de l'acte et d'y lire quelque chose qu'à première vue il ne
contient pas.))
Les principes posés par ces arrêts et avis consultatifs peuvent
ètre exprimés de la façon suivante :

I) « 11faut évidemment lire le traité dans son ensemble, et
I'on ne saurait déterminer sa signification surla base de quelques
phrases détachées de leur milieu et qui, séparéesde leur contexte,
peuvent êtreinterprétées de plusieurs manières ».(Série B, no 2
et 3, p. 22.)

2) «Une interprétation qui dépouillerait le traité ....d'une
grande part de sa valeur ne saurait êtreadmise. » (Série B, no7 -
le mot omis est «minorités ».)
3) Les clauses particulières doivent être interprétées d'une

manière permettant de donner effet aux fins et aux objets géné-
raux du traité, ((si cela n'est pas faire violence à leurs termes ».
(C.1. J. Recueil 1949, p. 24.)

L'adoption et l'application de ces principes ou règles d'inter-
prétation rendent nécessaire d'entreprendre une triple tâche :

Première tâche:

Examiner les dispositions du traité de paix dans leur ensemble
afin de déterminer, par cet examen, s'il contient un sens ou objet
général susceptible d'influencer ou mêmede contrôler l'interpré-
tation des articlesrelatifs aux différends.

Deuxième tâche .

Envisager une réponsenégative éventuelle à la Question IV afin
de déterminer si cette réponse entrerait en conflit avec les fins et

18236 OPINION DISSIDENTE DE M. READ

objets générauxdu traité et priverait le traité d'une grande partie
de sa valeur, au point d'être inadmissible suivant la seconde règle
d'interprétation.

Troisième tache:

Envisager une réponse affirmative éventuelle à la Question IV,
afin de déterminer si elle contribuerait à la réalisation des fins et
objets générauxdu traité, et si ce ne serait pas faire violenceaux
termes de l'article relatif aux différends au point de devoir être
exclue conformément à la troisième règle d'interprétation.

La première tâcheimplique un examen des dispositions du traité
de paix prises dans leur ensemble.

Le traité conclu avec la Hongrie contient 37 articles avec des
dispositlons qui visent en substance :

Partie 1 Frontières de la Hongrie.
)) II Clauses politiques.
» III Clauses militaires.

» IV Retrait des forces alliées.
» V Réparations et restitutions.
1) VI Clauses économiques.

» VI1 Clauses relatives au Danube.

Dans ces parties I à VII, on trouve à l'articlej (2) une procédure
spéciale pour le règlement des différends qui. ne s'applique qu'aux
différendsqui se sont élevésen vertu de l'article 5 (1)et une procé-
dure spéciale (à l'article 35) pour les différends s'élevant à propos
des articles 24, 2j et 26 et des annexes IV, V et VI.
ka partie VI11 du traité, « clauses finales»,contient l'article 40,

qui s'applique aux articles I à 38 inclusivement, à l'exception des
articles 5,24, 25, 26, 35 et 36. C'est une clause qui prévoit l'arbi-
trage obligatoire de tous les différends (relatifs à l'interprétation
ou à l'exécution du présent traité ))autres que ceux qui s'élèvent
en vertu des articles spécialement exceptésdont il a étéfait mention
plus haut.
Cet examen du traité de paix révèle l'étroite intégration de

l'article relatif aux différends, aux dispositions essentielles du
traité. Il amène, de façon inévitable, à deux conclusions. En
premier lieu, le texte de l'article relatif aux différends, considéré
en lui-même, montre la ferme intention des parties de prévoir
une juridiction obligatoire efficace pour connaitre des différends
relatifs aux dispositions essentielles du traité. En second lieii,
ce ferme propos se trouve souligné,si on lit l'article 40 à la lumière

du traité dans son ensemble.
19237 OPINION DISSIDENTE DE M. READ

Ceci m'amène à la deuxièmetâche. Une interprétation conduisant
à une réponse négative à la Question IV priverait-elle le traité
d'une grande partie de sa valeur - irait-elle à l'encontre des fins
et du sens généraldu traité ?

Les buts et les fins du traité ressortent de l'attitude des parties.
Nous sommes en vérité devant un cas dans lequel les actions
parlent plus haut que les mots. Les parties ne se sont pas contentées
de faire dépendre «la liberté ))d'obligations juridiques seulement.
Elles ont prévu un régime d'arbitrage, l'article relatif aux diffé-
rends ;cet article était par sa forme réciproque. Cependant, les
obligations des Puissances alliées et associées étaient exécutées
alors que les engagements des Gouvernements de la Hongrie et
de la Roumanie étaient, pour la plus grande part, exécutoires,
si bien que, en substance, sinon formellement, cet article était

manifestement inséré commeune garantie ou une sanction destinée
à assurer l'accomplissement, par cesGouvernements, de leurs enga-
gements et des autres obligations issues pour eux des dispositions
du traité. Il est impensable que les parties aient eu l'intention,
lorsqu'elles ont rédigécet article et l'ont inclus dans le traité,
de forger une brutztmfiilmen. c'est-à-dire une disposition prévoyant
un examen et une décisionjudiciaires et dont l'application dépen-
drait du caprice ou de l'intérêtmomentané de la partie défaillante.
Par-dessus tout, lorsque les parties ont employé l'expression

« sera, sauf si les parties au digérendconviennentl'une et L'autred'un
autre mode de règlement,soumis, à la requête de l'une ou l'autre des
parties, à une commission ...»etc., elles voulaient dir« sera »et non
((pourra être».Ellesvoulaient dire (àla requête dle'une ou L'autredes
parties »et non pas ((à la requête dle'une ou L'autredes parties pourvu
quel'autrepartie soit disposéeà coopérer à cerenvoi ».
Dans toute l'histoire de la Cour permanente, on ne trouve pas
d'exemple dans lequel un argument ait été soutenu qui ait pour
effet de priver un traité d'une grande partie de sa valeur ou d'en

rendre vains les buts et les fins générauxau degré oh le ferait la
thèse qui se trouve nécessairement incluse dans une réponse néga-
tive à la Question IV. Une réponse négative détruirait l'article
relatif aux différends en tant que garanties effectives des dispo-
sitions essentielles du traité. Elle rendrait inefficaces en grande
partie les engagements d'assurer la jouissance des droits de
l'homme et des libertés fondamentales. Ce ne serait pas seulement
empêcher l'examen par la justice des accusations spéciales. Ce
serait donner naissance à une situation dans laquelle les trois

Gouvernements ne seraient plus désormais soumis à un contrôle
effectif en vertu des dispositions des articles relatifs aux différends.
On pourrait opposer une objection à l'institution d'une com-
mission prévue aux traités et composéedu tiers membre et d'un
représentant national en cas de défaut de l'autre partie au diffé- OPINION DISSIDENTE DE M. READ
238
rend. On pourrait faire valoir que la commissionne serait pas en
mesure de s'acquitter de sa mission si le gouvernement défaillant
refusait sa coopération. Aucun motif ne permet de supposer que
les gouvernements actuellement défaillants continueraient à faire
défaut s'ils se trouvaient en présence de désignations effectuées
par le Secrétaire général. Certes,ucun motif n'autorise à supposer
que l'un quelconque des gouvernements s'abstiendrait de remplir

le devoir et d'exercer le privilège de désigner un représentant
national dans cette éventualité. Cependant, même en cas de
défaut continuant à se produire, il n'y a pas de justification
suffisante pour permettre de penser que les gouvernements qui
ont formuléles accusations ne seraient pas en mesure de présenter
à la commission des preuves suffisantes pour justifier une décision.
Dans ces conditions, je siiis obligé de conclure qu'une inter-
prétation qui conduirait à répondre négativement à la Question IV
griverait les traités de paix d'une grande partie de leur valeur, et
4ue cette interprétation serait en contracoiction avec leurs fins et
leurs objets. Conformément aux principes de droit international
qui ont étébien établis dans les cas cités plus haut, je suis
contraint de repousser cette interprétation comme inadmissible.

Cecim'amène à la troisiè âche- l'examen d'une réponseaffir-
mative éventuelle à la Question IV, afin de s'assurer si cette réponse
affirmative servirait les fins et objets du traité en généralet si elle
aurait pour résultat de faire violence auxternes de l'article relatif
aux différends,de telle manière qu'elle doive êtreexclue, conformé-
ment à la troisième règle d'interprétation mentionnée ci-dessus.
Le premier aspect de cette tâche ne soulève point de problème.
Des considérations qui ont été exposées ci-dessus, il ressort à
l'évidence qu'une réponse affirmative à la Question IV servirait
les fins et objets du traité en général.
Dans les affaires qui ont étécitéesplus haut, la Cour permanente
est alléetrès loin, dans la voie de l'interprétation, afin de donner
suite au principe de «l'effet util». 11est impossible d'appliquer

au problème actuel les principes qui régissent lerecours aux travaux
préparatoires, en matière d'interprétation des traités. La Cour
permanente a toiijours reconnu que l'application du principe de
« l'effet util» est soumise à dinérentes considérations. Il est
cependant nécessaire d'admettre qu'en aucun cas la Cour perma-
nente n'a donna. à entendre qu'elle eût appliqué le principe de
l'effet utile si, en le faisant, elle avait étéamenéefaire violence
aux clauses conventionnelles soumises à son examen.
Il est donc nécessaire d'étudier de près le texte de l'article
relatif aux différends, qui est ainsi conçu :
21239 OPINION DISSIDENTE DE M. READ
((I.....Tout différend decette nature qu'ilsn'auraient pas encore
réglédans un délai dedeux mois sera, sauf si les parties au différend

conviennent l'une et l'autre d'un autre mode de règlement, soumis,
à la requête de I'une ou l'autre des parties, à une commission
composéed'un représentant de chaque partie et d'un tiers membre
choisi d'un commun accord entre les deux parties parmi les ressor-
tissants d'un pays tiers. A défautd'accord dans un délaid'un mois
entre les deux parties au sujet de la désignationde ce tiers membre,
l'une uu l'autre partie pourra deinander au Secrétairegenéraldes
Nations Unies de procéder à cette désignation.

2. La décisionprise par la majorité des membres de la commis-
sion sera considéréecomme décisionde la commission et acceptée
par les parties comme définitiveet obligatoire.))
J'ai supprimé la première phrase du paragraphe premier, parce

qu'elle a traità des conditions déjàremplies et dépourvues de perti-
nence directe au point de vue de l'affaiie à son stade actuel.
Lorsque l'on interprète cet article, on constate, dèsle début, qu'il
porte la marque d'une clause d'arbitrage obligatoire. Quand il
prévoit que tout différend de cette nature sera soumis, à la requête
de L'uneou l'az~tredes parties,,ù une commission, il révèlenettement
l'intention, de la part des Etats parties au traité, d'instituer un

.régimed'arbitrage obligatoire. I,e différend doic êtresoumis à une
commission, composée d'un représentant de chaque partie et d'un
tiers membre, choisi d'un commun accord entre les deux parties
parmi les ressortissants d'un pays tiers. Il semble bien clair que,
lorsqu'el!es ont employé l'expression ((un tiers membre »,les parties
n'entendaient pas viser l'ordre chronologique des désignations, mais
qu'elles pensaient à un tiers membre, en ce sens que celui-ci devait

être (additional to and distinct from two others already known
or mentioned )) (devrait s'adjoindre à deux autres membres déjà
connus ou mentionnés et serait distinct de ces derniers) (Shorter
Oxford English Dictionary, Volume II, p. 2171)~ou en d'autres
termes que la désignation ainsi prévue devrait venir s'ajouter à
la disposition visant lareprésentation des parties. La dernière phrase
du premier paragraphe a étéinséréeen prévision de la situation

qui se produirait éventuellement, au cas où les parties ne pourraient
se mettre d'accord au sujet du ((tiers membre ));cette phrase confère
au Secrétaire généralle pouvoir de procéder à une désignation, à
la demande de l'une ou l'autre des parties.
Dzns le second paragraphe est spécialement prévue la situation
qui pourrait se produiie, si les deux parties au différend exerçaient

le droit, que leur confère le traité, de compter des représentants
au sein de la commission envisagée dans cet instrument. En pareille
occurrence, il fdllait prévoir une décision de la majorité. Il n'était
pas nécessaire de pourvoir à la situation qui se produirait si l'une
des parties ou les deux parties au différend renonçait(aient) au
privilège d'être représentée(s)au sein de la commission.z-!o OPISIOS DISSIDENTE DE M. READ
[-ne mention spécialedoit êtreaccordée à l'expression qui figure
dans le teste :((une commission composée d'un représentant de
chaque partie et d'un tiers membre ». Les parties au traité n'ont

pas dit que la commission devait êtreun tribunal de trois membres,
mais cette expression peut êtreinterprétée comme révélant, par
implication, l'intention des parties que la commission doive être
un tribunal de trois membres. Cette expression peut également
ètre interprétée comme révélantl'intention des parties de créer
une commission, à laquelle chacune desparties à un différendaurait
le droit, le privilège, ou même ledevoir, de désigner un repré-
sentant ; mais elle n'exige pas que la commission se compose
nécessairement de trois membres, au cas où l'une des parties
renoncerait à faire usage du droit ou du privilège ainsi conféré
on manquerait à l'accomplissement de son devoir. Le problème

d'interprétation en présence duquel se trouve la Cour consiste à
choisir entre deux interprétations possibles, dont aucune ne fait
violence aux termes du Traité et qui sont toutes deux fondées
sur des déductions tirées des expressions dont les rédacteurs se
sont effectivement servis.
Dans ces conditions, il semble bien clair que la troisième règle
d'interprétation exposée ci-dessus n'empêche pas la Cour d'adopter
l'une ou l'autre des interprétations qui viennent d'êtrementionnées.
-4l'appui de cette manière de voir, on peut fermement invoquer
une autre considération. Il convient de remarquer que les parties
au traité y ont insérédes dispositions expresses, afin d'empêcher

que les fins et objets, en général,de la clause relative aux différends
ne soient rendus vains, du fait que les parties au différendne pour-
raient se mettre d'accord quant au choix du tiers membre. Elles
ont prévu une désignationeffectuéepar le Secrétaire général.En
revanche, elles n'ont rien prévu expressément pour le cas qui s'est
effectivement produit, celui où l'on a essayé de rendre vains les
fins et objets du traité, du fait qu'une partie au différenda omis
de désignerson représentant au sein de la commission envisagéepar
le Traité. On trouve une lacune dans l'article relatif aux différends.
Je n'entends point dire que ceci soit dû à une inadvertance, de la

part de ceux qui étaient responsables de la rédaction du traité
de pais. Ils connaissaient, sans aucun doute, les principes de droit
international qu'avait développéset appliquésla Cour permanente,
et ils étaient fondés à supposer que l'article relatif aux différends
serait interprété et appliqué conformément à ces principes. Dans
la présente affaire, la Cour se trouve en présencedu problème qui
consiste à s'occuper de ces lacunes du traité. Il s'agit d'une situation
à l'égard de laquelle les parties n'ont pas expressément pourvu
et qui ne peut êtrerésolue que par la voie d'une interprétation
judiciaire, afin de donner effet à l'intention des parties, telle que
cette inrention est révélée par une implication juridique fondée

sur les termes et expressions dont on s'est effectivement servi.241 OPINION DISSIDENTE DE M. READ

Deux solutions possibles doivent êtreexaminées successivement.
La première est fondée sur une interprétation raisonnable du
texte de l'article relatif aux différends, conforme aux principes
de droit international ainsi qu'à l'intention et au dessein, nette-
ment indiqués, des parties au traité. Selon cette méthode, les
dispositions visant la représentation des parties au différend
seraient interprétées comme étant destinées à conférer à chaque
partie un droit ou un privilège qu'elle pourrait exercer ou auquel

elle pourrait renoncer. Dans le cas présent, le gouvernement
défaillant, en omettant de désigner son représentant, a clairement
renoncé au droit ou privilège que lui confère le traité et manqué
à l'accomplissement de <on devoir - encore qu'il reste, bien
entendu, loisible à ce Gouvernement de revenir à tout moment
sur sa renonciation, pour s'acquitter des obligations que lui impose
le traité et procéder à une désignation - mais aucune partie à
un traité ne peut annuler l'effet du traité, en omettant ou en
s'abstenant de faire usage d'un droit ou d'un privilège. Dans le

cas présent, ce gouvernement ne pourrait, par cette omission,
empêcher la commission prévue par le Traité de s'acquitter de
la mission qui lui a étéassignée.
La seconde solution possible présente des difficultés bien plus
grandes. Elle implique que l'on comblerait la lacune à l'aide d'un
processus d'interprétation judiciaire, de manière à instituer par
implication une clause ((échappatoire » permettant à une partie
au différend de se soustraire facilement au régime d'arbitrage
obligatoire, en omettant d'exercer son droit et en ne tenant pas

compte de l'obligation que lui impose le traité. On trouve bien
des exemples de traités - notamment ceux dont l'objet est la
limitation des armements - dans lesquels des «échappatoires ))
ont ainsi été expressément insérées. Celles-ci ont toujours été
destinées à protéger une partie agissant de bonne foi contre le
tort que pourrait lui causer le défaut d'une partie agissant de
mauvaise foi. Dans aucun des traités modernes on n'a inséré
d'«échappatoires » fondés sur une implication ; et l'on ne trouve
certainement pas d'exemple d'une clause « échappatoire N,implicite
ou explicite, accessible seulement aux parties au Traité qui ont

manqué aux obligations que le Traité leur imposait.
Les considérations que j'ai exposées plus haut, lorsque j'ai
examiné la première et la seconde tâches, m'induisent à rejeter
la deuxième solution.

Un autre point est à considérer. Au cours des cent cinquante

dernières années, bien des clauses d'arbitrage ont été insérées
dans des traités et l'on n'a signalé à l'attention de la Cour aucun
cas, dûment enregistré, dans lequel une partie à un différend ait
tenté d'échapper à l'arbitrage, en appliquant la méthode compara-242 OPINION DISSIDENTE DE M. READ
tivernent simple qui consiste à s'abstenir de désigner son represen-
tant national. Ces dispositions ont étéconsidéréespar la pratique
internationale comme conférant aux parties au différend des
droits ou privilèges. dont elles s'abstiendraient d'user à leur propre

risque - celui de se trouver en présence d'une décision arbitrale
rendue par un tribunal au sein duquel elles ne compteraient pas
de représentant. En adoptant la seconde solution, signalée plus
haut, non seulement on réduirait à néant les intentions des parties,
telles que les révèleclairement le traité de paix, mais encore on
irait directement à l'encontre de l'usage international en matière
d'arbitrage, tel que cet usage s'est développédepuis le Traité
Jay de 1794. 11est remarqu-le que ni les membres des Nations
Unies intéressés ni lestrois Etats en cause qui ne font pas partie
de l'organisation, n'aient fait valoir devant la Cour qu'il serait
loisible à une partie au différend d'empêcherque ce différend soit
arbitré. en recourant à l'ex~édient consistant à s'abstenir de
désigner un représentant à la commission. On compte soixante

et un États ((admis à ester en justice devant la Cour ; ))tous ont
le droit, aux termes de l'article 66 du Statut, de présenter des
exposés écrits ou des observations. De ces États, huit ont exercé
ae droit :mais aucun d'eux n'a pris cette position. Les Gouverne-
ments de la Bulgarie, de la Hongrie et de la Roumanie ont présenté
des observations, etn'ont pas soutenu cette thèse. Le fait qu'aucun
État n'a pris cette position apporte la confirmation la plus forte
à la pratique ou à l'usage international, en matière d'arbitrage,
qui a été exposéplus haut.
Dans les observations écrites présentéespar le Gouvernement du
Royaume Uni, dans l'exposé écrit du Gouvernement des États-
Unis et au cours des exposésoraux très documentéset utiles qu'ont

présentésdevant la Cour M. Cohen et Mr. Fitzmaurice, l'attention
de la Cour a étéattirée sur une longue chaîne de précédents,grâce
auxquels il a étéétabliqu'une partie à un différend,en vertu d'une
clause arbitrale, ne peut, en retirant du tribunal son représentant
national, empêcher que l'arbitrage soit mené à son terrne et
qu'une décisionobligatoire soit rendue.
Je suis d'avis que le principe institué par ces précédents est
également applicable au cas où, dès le début, une partie au différend
agit de mauvaise foi et s'efforce d'empêcherpar un procédé les
dispositions de la clause arbitrale de produireeur effet, en manquant
à l'obligation que lui impose le traité de désigner sonreprésentant
national au tribunal.

Dans l'existence d'un tribunal arbitral on compte trois phases.
La première peut être mentionnée comme celle de la constitu-
tion du tribunal. A ce stade, le tribunal peut s'occuper de ques-
tions qui présentent une certaine importance, telles que la procé-
dure. Toutefois, il s'agit principalement de questions adminis-
tratives et protocolaires : émoluments ; siège ; inscription sur ia
liste diplomatique locale ; échange de cartes de visite ; et m6me243 OPINION DISSIDENTE DE M. READ

de questions d'importance encore moindre. La seconde phase est
celle au cours de laquelle le tribunal entend les témoignages et
exposés.La troisième phase comprend la délibérationet la sentence.
Point n'est besoin d'insister sur l'importance relative de la seconde
et de la troisième phases, par rapport à la première. J'ai donnéà

entendre que le principe est également applicable au défaut qui
se produit dès le début. En fait, il y a des raisons bien plus fortes
pour appliquer le principe au défaut qui se produit dès ledébut.Il
est bien plus difficiled'interpréter une clause arbitrale comme révé-
lant l'intention des parties qu'un tribunal, composédu tiers membre
et du représentant de l'une des parties, puisse entendre les témoi-
gnages et rendre la sentence, que de l'interpréter comme révélarit

l'intention des parties qu'une décision,tendant à inviter le maire
de la localitéàadresser dessouhaits de bienvenue, lorsde l'ouverture
de la session, puisse êtreprise en l'absence d'un représentant natio-
nal.
Si une commission prévuepar le trait- qui, à la suite du retrait
d'un représentant national, se compose du tiers membre et du
représentant de la partie qui n'a pas fait défaut - est compétente

pour entendre les témoignages et rendre la sentence, cela veut dire
qu'une commission de deux membres est une ((commission )) au
sens du paragraphe 2 de l'article relatif aux différends. Il s'ensuit
au'une commission envisagée d"ns le traité. com~osée ainsi de
deux membres, doit égalementêtreune (commission »,au sens du
paragraphe premier de l'article relatif aux différends. Le fondement
tout entier de la. thèse selon laquelle seule une commission dite

de trois membres peut êtreune (commission »,au sens de l'article
relatif aux différends, s'écroule.

A l'appui d'une réponse affirmative vient encore une autre

considération. Ce n'est pas sur une question académique que l'avis
de la Cour a étédemandé. Il ressort clairement des (considérants »,
dans le préambule de la résolution adoptée, le 22 octobre 1949 ,ar
l'Assemblée généraleq ,ue les réponsesaux questions doivent avoir
trait directement aux différends réels. Les réponses doiventêtre
appliquéesau réseau compliquéde différendsdont j'ai fait mention.
Il est nécessaire de traiter la question de la mêmemanière que
si elle se présentait au cours d'une procédure contentieuse entre

ces deux parties. La question académique, relative à la compétence
d'une commission prévue par le traité, et composéede membres
désignéspar le Gouvernement des Etats-Unis et par le Secrétaire
général,dans des circonstances qui n'existeraient pas, n'intéresse
pas l'Assemblée générale. L'Assemblée générale désoib rtenir la
même réponseque celle qui serait donnée, si la mêmequestion

avait étéinséréedans des compromis conclus entre les parties
au différend. ,
26244 OPINION DISSIDENTE DE M. READ
En conséquence, j'estimeque je suis obligéde tenir compte
du fait que, dans les circonstances actuelles et selon le droit inter-
national existant, un gouvernement défaillantne pourrait contester
la compétence d'un tel tribunal. Si ce gouvernement soulevait
une exception, devant une commission prévue par le traité et
ainsi constituée,cette commission serait tenue d'appliquer le droit
international existant et de refuser au défaillant la possibilitéde
profiter de son propre tort. Si le défaillant soulevaitune exception,
au cours d'une instance devant la Cour internationale de Justice,
celle-ci, qui n'est pas un organe législatif, serait tenue d'appliquer
les principes juridiques existants et de reconnaître qu'en vertu
d'un «estoppel)) le défaillant n'est pas recevable à faire valoir,
à l'appui de sa propre thèse, l'infraction au traité commise par
lui. Pour moi, siégeanten qualitéde juge dans une affaire consul-
tative, je ne puis soulever cette exception, qu'il ne serait pas
loisible au gouvernement défaillant de soulever dans toute procé-
dure où seraient reconnus les principes de justice.
Le point de droit, ici, n'est pas douteux.l a étéréglpar la Cour
permanente dans l'arrêt no 8 :SérieA, no 9, Usine de Chorzow
(indemnités) (compétence), page 31. Dans les exposés écrits ou
oraux, ou dans les observations, on n'a pas fait valoir de motifs sur
lesquels puisse se fonder unedi-inction de principe entre les deux
cas, ou qui puisse autoriser le rejet des principes juridiques
adoptéset appliquésdans ce cas.

On peut encoreinvoquer une autre considération, à l'appui d'une

réponse affirmative à la Question IV, ou en tant que raison très
forte en faveur du rejet d'une réponse négative.Vattel, en 1758,
a énoncé dans les termes suivants une règle ouun principe d'inter-
prétation :
«Toute interprétationqui mène à l'absurde doit &ire rejetée;
ou, en d'autres termes,onnepeut donner à aucunacteunsensdont
il suit quelquechosed'absurde,maisil faut l'interpréterdemanière
que l'onévite l'absurdité..»(Le Eroit des gensou Principes de la
LoinatzlrellTexte de 1758,livre II,paragraphe282.)
Les ministères des Affaires étrangères,dans le monde entier, et
les juristes et tribunaux internationaux ont, pendant cent quatre-
vingt douze années, considéré cette règle commefaisant autorité.
La Cour internationale de Justice a reconnu, à une date aussi
récenteque celle du 3 mars 1950, le principe exprimédans la for-
mule de Vattel. Dans l'affairerelative, la compétencede 1'Assem-
bléegénérale pourl'admission d'un Etat aux Nations Unies, avis
consultatif, C.1.J. Recueil 1950,p. 8, il est di:

« ...La Courcroit nécessairede dire quele premier devoird'un
tribunal, appeléà interpréter età appliquer les dispositionsd'un
27245 OPINION DISSIDENTE DE M. READ

traité, est de s'efforcerde donner effet, selon leur sens naturel et
ordinaire,à ces dispositions prises dans leur contexte. Si les mots
pertinents, lorsqu'on leur attribue leur signification naturelle et
ordinaire, ont un sensdans leur contexte, l'examen doit s'arrêterlà.
En revanche, si les mots, lorsqu'on leur attribue leur signification
naturelle et ordinaire,sont équivoquesou conduisent à des résultats
déraisonnables,c'est alors - et alors seulement - que la Cour doit
rechercher par n'autres méthodesd'interprétationce que les parties
avaient en réalité dans l'esprit quandelles sesont servies des mots
dont il s'agit. Comme l'a dit la Cour permanente, dans l'affaire
relative au Servicepostalpolonais à santzig (C. P. J. I., SérieB,
no II,p. 39):

((C'est un principe fondamental d'interprétation que les mots
doivent être interprétésselon le sens qu'ils auraient normale-
ment dans leur contexte, à moins que l'interprétation ainsi
donnéene conduise àdes résultats déraisonnablesou absurdes. » ))

Il a étédémontré plus haut qu'une réponse négative à la Ques-
tion IV conduirait à l'institution, par la voie de l'interprétation

judiciaire, d'une clause (échappatoire », accessible seulement aux
contrevenants au traité, qui permettrait à une partie au traité
de paix défaillante de ruiner l'efficacité de l'article relatif aux
différends et de manquer impunément à la plupart des engage-
ments souscrits par elle, en vertu des dispositions de fond, et
en particulier de rendre en grande partie illusoires les garanties
destinées à assurer le respect des droits de l'homme et des libertés

fondamentales.
Je suis fermement d'avis qu'en vertu des termes de l'article 38
du Statut et conformément à l'opinion exprimée par la Cour,
telle qu'elle a étéénoncéedans l'affaire citée plus haut, je suis.
obligé de rejeter une réponse négative qui ((conduirait à des
résultats déraisonnables », et de répondre affirmativement à la
Question IV.

A la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu d'exa--
miner la question III, laquelle est ainsi conçue :

((III. Le Secrétaire général de Nsations Unies est-2'1autorisé,
si l'une des parties ne désignepas de représentantà une
commission prévue parles traitésde paix avecla Bulgarie,
la Hongrie et la Roumanie, alors qu'elle esttenue d'en
désignerun, à désigner le tiers membrede la commission sur-

la demande de l'autre partie au diférend, conformément
aztx dispositions des traités en cause ? ))246 OPINION DISSIDENTE DE M. READ

Dans l'article relatif aux différends(cité plushaut), on se sert
de l'expression «tiers membre ». J'ai déjà indiquéles motifs qui
m'induisent à penser que les parties, en se servant du mot « tiers»,
n'entendaient pas viser l'ordre de désignation chronologique.
Elles entendaient le mot ((tiers» au sens où les juristes parlent
de « tiercesparties» ou de « mise en cause d'un tiers » (third party
procedure), ou au sens où les juristes internationaux se servent
des expressions «tiers membre » ou « État-tiers »,dans les affaires
internationales, y compris la pratique en matière d'arbitrage.
Cette manière de voir est confirméepar l'usage de l'expression
« pays-tiers». Il serait impossible d'attribuer au mot «tiers»
une signification numérique dans cette dernière expression. Dans
un différend,une autre partie au traité serait un «pays-tiers »,
si le mot «tiers» était interprété dans un sens numérique et
primaire. Je ne doute pas que l'intention des parties ait étéde
limiter le pouvoir du Secrétaire général à la désignationde res-
sortissants appartenant à des pays qui, n'étant pas parties au
traité, ne seraient pas intéressés.En conséquence, j'estimeque
les expressions « tiers-membre » et « pays-tiers» sont des appel-
lations commodes, lorsqu'il s'agit de faire mention de membres
ou de pays neutres et, partant, non intéressésaux différends.
La Cour ne peut laisser de côté l'importance du fait que, dans

les dispositions de l'article relatif aux différends, iln'est prévu
qu'une seule condition qui doive êtreremplie avant que le Secré-
taire généralait le pouvoir de procéder à la désignation du tiers
membre. Cette conditon est énoncéedans les termes suivants :
« A défaut d'accorddans un délaid'un mois entre les deux parties
au sujet de la désignation de ce tiers membre ....»Alors que les
parties ont, en termes clairs, exposéla condition dont la réalisation
doit précéder l'usaged'un pouvoir, seuls les motifs les plus forts et
les plus astreignants justifieraient l'adjonction d'une condition
supplémentaire, par voie d'interprétation judiciaire. Or, iln'existe
pas de motifs puissants qui obligent à le faire. Au contraire, j'ai
exposéplus haut les raisons les plus fortes et les plus astreignantes,
qui militent en faveur du rejet d'une telleinterprétation judiciaire.
En conséquence,j'estirne que la troisième question doit recevoir
une réponse affirmative.

La Question IV est ainsi conçue :
((Si la réponseà la question III est affinnative:

29 OPINION DISSIDENTE DE M. READ
247
((IV. Une commission prévue parles traitésqui serait composée
d'un représentantde l'une des parties et d'un tiers membre
désigné par le Secrétairegénérad les Nations Unies serait-
elle considéréceomme commission au sens des articlesperti-
nents des traitésetqualifiée pourprendredes décisionsdéfini-

tives et obligatoiresdans le règlementd'un diflérend? ))

J'ai déjàexposédes motifs suffisants à l'appui de ma conclusion
selon laquelle une réponse affirmative devrait être donnée à la
quatrième question.

Bilingual Content

OPINION DISSIDENTE DE M. READ
[Traduction.]

Je ne saurais me rallier à la réponse donnée par la Cour à la
Question III, ni aux motifs sur lesquels elle est fondéeje me sens
donc obligé,à mon grand regret, d'exposer les raisons de mon désac-
cord. Étant d'avis qu'une réponse affirmative doit être donnée
A la Question III, il est également nécessaireque j'expose lesraisons
qui m'ont amené à conclure qu'une réponse affirmative devrait
êtredonnée à la Question IV.
Des circonsrances se sont maintenant présentéesdans lesquelles
il est nécessaire de s'occuper des Questions III et IV. La Cour
n'est pas appelée à se prononcer sur le fond des différends qui
se sont produits, mais, dans l'examen de la portée juridique des
articles relatifs aux différends,je ne puis laisser de côté les articles
des traités à propos desquels se sont élevésles différends, ni les

attitudes qui ont étéconservées par les parties aux différends.
L'importance du respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales est soulignéepar le fait qu'ils ont étéinscrits parmi
les buts des Nations Unies énoncés à l'article premier de la Charte,
ainsi que par la position centrale qu'occupent les articles des
traités de paix relatifs aux droits de l'homme.
Il me parait inconcevable que les Puissances ailiéeset associées
aient pu consentir à la création d'un mécanisme, destiné au
règlement des différends naissant de questions si importantes, et
que la seule volonté de l'un quelconque des trois Gouvernements
intéressés, la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, aurait pu
rendre sans effet. Je suis donc, dès le début, porté à penser que
les articles relatifsaux différends doivent recevoir une inter-
prétation qui leur assure une efficacité réelleplutôt qu'une inter-
prétation qui les prive de toute efficacité.
Les Questions poGes à la Cour sont néesd'un réseau compliqué

de différends, qui se sont produits entre certaines des Puissances
alliées et associées et la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie. Il
n'est pas nécessaire d'examiner ces différends en détail. Il suffit
de noter certains éléments qui leur sont communs.
Tous comportent des accusations expresses d'infractions aux
engagements pris, en vertu des articles des traités de paix relatifs
aux droits de l'homme, de respecter les droits de l'homme et
les libertés fondamentales. Tous comportent le refus d'admettre
les accusations et la justification de l'attitude donton se plaint.
D'un bout à' l'autre du litige, les Puissances qui ont formulé
les accusations ont conservé une attitude logique. Elles ont pris
la défense et réclamé lerespect des libertés fondamentales ;et

14 DISSENTING OPINION OF JUDGE READ

1 am unable to concur in the answer given by the Court to
Question III, or with the reasons by which it is justified, and
feel bound, with regret, to state the reasons for my dissent. As
1 am of the opinion that an affirmative answer should be given
to Question III, it is also necessary for me to state the reasons
which have led me to the conclusion that an affirmative answer
should be given to Question IV.

Circumstances have now arisen in which it is necessary to deal
with Questions III and IV. The Court is not called upon to
pronounce upon the substance of the disputes which have arisen,
but, in appreciating the juridical scope of the Disputes Articles,
1 cannot disregard the Articles in the Treaties in respect of which
the disputes arose, or the attitudes which have been maintained
by the parties tc the disputes.
The importance of the maintenance of human rights and
fundamental freedoms is emphasized by their inclusion in the
purposes of the United Nations as set forth in Article I of the
Charter, anà by the central position taken by the Human Rights
Articles of the Treaties of Peace.
It is inconceivable to me that the Allied and Associated Powers
would have consented to the setting up of machinery for the
settlement of disputes arising out of such important matters
which could be rendered ineffective by the sole will of any one
of the three Governments concerned, Bulgaria, Hungary and
Romania. 1 am, therefore, inclined at the outset to the view that

the Disputes Articles must be interpreted in a manner which will
ensure their real effeûtiveness rather than a manner which would
deprive them of all effectiveness.
The Questions which have been put to the Court have arisen
out of a complicated network of disputes between certain of the
Allied and Associated Powers and Bulgaria, Hungary and Roma-
nia. It is unnecessary to examine these disputes in detail. It is
sufficient to note certain common factors.
They all involve specific charges of violations of the under-
takings given in the Human Rights Articles of the Treaties of
Peace to secure human rights and fundamental freedoms. They
al1involve denials of the charges and justification of the conduct
complained of.
Throughout the controversy, the Powers which have made the
charges have maintained a consistent attitude. They have stood

for the defence and maintenance of the fundamental freedoms ;
14232 OPINION DISSIDENTE DE M. READ
elles ont tenté sans relâche de faire soumettre les accusations à
un tribunal judiciaire qui se prononce à leur sujet, à savoir les
commissions envisagées dans les traités de paix et prévues dans
les articles de ces derniers qui ont trait aux différends.
Les Gouvernements accusésont, eux aussi, conservéune attitude
conséquente. Ils ont niéles accusations ; ils ont niél'existence des

différends ; ils ont refusé d'admettre la compétence de la Cour;
ils se sont abstenus de désigner leurs représentants nationaux
aux commissions prévues par les traités ; ils ont tenté sans relâche
d'empêcherque les accusations soient soumises à des tribunaux
judiciaires et fassent l'objet d'une décision de la part de ces
derniers ; mais ils n'ont à aucun moment mis en doute la compé-
tence des commissions prévues par les traités - auxquelles ils
n'ont pas nomméleurs représentants - pour examiner les accusa-
tions et rendre des décisions obligatoires dans le règlement des
différends.
C'està la lumière de ces attitudes qu'il faut examiner les points
juridiques qui ont étésoumis à la Cour. Au centre est la question
de savoir si les dispositions des traités de paix doivent êtreinter-
prétéescomme autorisant la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie
à rendre vaine l'application des articles relatifs aux différends et
à empêcherque les accusations fassent l'objet d'un examen judi-
ciaire et qu'une décisionsoit rendue sur les différends,en recourant
au simple procédé qui consiste à manquer aux obligations
découlant pour elles des traités, relativement à la désignation de
leurs représentants nationaux aux commissions prévues par le,-

traités. *
* *

Il est opportun d'examiner, avant de répondre aux Questions,
le problème particulier de la compétence d'une commission prévue
par le traité et composée d'un représentant du gouvernement
dont émanent les accusations et d'un tiers membre désignépar
le Secrétaire général, problèmequi dépend non pas de règles
généralesdedroit, mais du sens qui doit être danné à l'article relatif
aux différends.
L'article relatif aux différends est une clause compromissoire.
Elle ne se trouve pas dans un compromis prévoyant la soumission
à l'arbitrage d'un cas particulier, mais dans un traité général,le
traité de paix. Elle est destinéeà assurer le règlement judiciaire de
tous différendssusceptibles de s'élever en vertu des traités de paix
(à l'exception, naturellement, de certains types de litiges pour
lesquels une procédure est prévue). Par conséquent, il n'est pas
loisibleà la Cour de donner une interprétation étroite ou restrictive

des articles relatifs aux différends.
Les dispositions de l'article 92 de la Charte révèlentl'intention
des Nations Unies d'assurer la continuité entre la Cour permanente
de Jusrice internationale et la Cour actuelle. Il n'est pas douteux
15 DISSENTING OPINION OF JUDGE READ 232

and they have been unremitting in their efforts to have the charges
reviewed and decided by a judicial tribunal, the Treaty Com-
missionsprovided for in the Disputes Articles of the Peace Treaties.

The accused Governments have maintained an equally consistent
attitude. They have denied the charges ; they have denied the
existence of the disputes ;they have objected to the competence
of this Court ; they have refrained from appointing national
representatives on the Treaty Commissions ; they have been
unremitting in their efforts to prevent the charges from being

reviewed and decided by the judicial tribunals ; but they have
not at any time questioned the competence of Treaty Commis-
sions, to which they have not appointed representatives, to review
the charges and to make binding decisions in settlement of the
disputes.

The legal issues which have been put to the Court must be
considered in the light of these attitudes. The central issue is
whether the provisions of the Peace Treaties should be construed
as authorizing Bulgaria, Hungary and Romania to frustrate the
operation of the Disputes Articles and to prevent judicial review
of the charges and decision of the disputes, by the simple device of

defaulting on their obligations under the Treaties in the matter
of appointing their national representatives on the Treaty Com-
missions.

Itwillbe convenient, before answering the Questions, to consider
the special problem of the competence of a Treaty Commission
composed of a representative of the government which has
made the charges and a third member appointed by the Secretary-
General, a problem which depends, not upon general rules of law,
but upon the meaning which should be given to the Disputes

Article.
The Disputes Article is an arbitration clause. It is not contained
in a special agreement providing for arbitration of a particular
case, but in a general treaty, the Treaty of Peace. It is designed
to provide for the judicial settlement of any disputes arising
under the Treaty (apart, of course, from special types of disputes
for which a different procedure is provided). Accordingly, it is
not open to the Court to give a narrow or restrictive interpretation
of the Disputes Article.

The provisions of Article 92 of the Charter disclose the intention
of the United Nations that continuity should be maintained

between the Permanent Court of International Justice and this
15233 OPISION DISSIDENTE DE M. READ

que les Yations Unies avaient en vue la continuité dans la jurispru-
dence aussi bien que dans des matières moins importantes. Encore
que ceci ne donne pas aux décisions de la Cour permanente force
de précédents obligatoires comme les décisions judiciaires ont cette
force dans les pays de ((common law »,la nécessitéapparaît cepen-
dant de les considérer avec le plus grand respect et de les suivre,
à moins qu'il n'y ait des raisons majeures pour rejeter leur autorité.
Ceci est vrai à un double titre en matière d'interprétation de traités,

car les rédacteurs, en choisissant les termes à employer dans une
clause des traités, savoir l'article relatif aux différends, ont eu
constamment à l'esprit les principes d'interprétation formulés
et appliqués par la Cour permanente et par la Cour actuelle. Le
fait de ne pas suivre les précédentsen matière d'interprétation de
traités conduit inévitablement à faire échecà l'intention desparties.
La Cour permanente, lorsqu'eile a étéinvitée à interpréter des
clauses d'arbitrage de type extrêmement divers comportant des
dispositions relatives au règlement des différends internationaux,
n'a pas hésité à adopter et à appliquer des interprétations larges

et libérales destinées à les rendre efficaces et à donner un effet
pratique à l'intention évidente des parties telle que cell.e-ciressor-
tait desdispositions des traités dans lesquelsles clauses seouvaier,,.
Afin de découvrir leur intention, la Cour permanente examinait
chaque traité dans son ensemble afin d'en rechercher le but et le
sens général.

Série A No 2, 30 août 1924. Arrêt. Concessions Mavrommatis
en Palestine

Série B No 12, 21 novembre 1925. Avis consultatif. Article 3,
paragraphe 2, du Trait6 de Lausanne. (Affaire de la
frontière de Mossoul)
Série A No 9,26 juillet1927. Arrêt.Affaire de l'Usine de Chorzow

(demande d'indemnité) (compétence)
Série B No 16, 28 août 1928. Avis consultatif. Interprétation de
l'Accord gréco-turc du ler décembre 1926 (protocole
final, article IV)

Le point précis d'interprétation dont la Cour doit s'occuper
actuellement n'a pas étésoulevé dans ces affaires, mais les règles

fondamentales d'interprétation adoptées et appliquées par la Cour
permanente peuvent et doivent êtreadoptées et appliquées par la
Cour dans la détermination du sens véritable de l'article du traité
de paix relatif aux différends.
En plus des cas dans lesquels la Cour permanente a traité de
l'interprétation de clauses compromissoires, il y a eu d'autres
exemples importants dans lesquels elle a adopté et appliqué le
principe de l'effetutile;le mêmeprincipe a Ctéreconnu et appliqué
par la Cour actuelle :

16 DlSSENTING OPINION OF JUDGE READ
233
Court. There can be no doubt that the United Nations intended
continuit y in jurisprudence, as well as inless important matters.
While this does not make the decisions of the Permanent Court
binding, in the sense in which decisions may be binding in

common-law countries, it does make it necessary to treat them
with the utmost respect, and to follow them unless there are
compelling reasons for rejecting their authority. This is doubly
true in matters of treaty interpretation, because draftsmen, in
deciding upon the language to be used in a treaty provision, e.g.,
the Disputes Article, have constantly in mind the principles of
interpretation as formulated and applied by the Permanent Court
and by this Court. Failure to follow established precedents in
the matter of treaty interpretation inevitably leads to the frustra-
tion of the intention of the parties.
The Permanent Court, when called upon to interpret arbitration
clauses of widely varying types, with provisions for the settl-ent
of international disputes, did not hesitate to adopt and apply
broad and liberal interpretations, designed to make them workable

and to give practical effect to the evident intention of the parties
as shown by the provisions of the treaties in which the clauses
were included. To ascertain their intention,the Permanent Court
examined each treaty as a whole in order to learn its general
purpose and object.

Series A No. 2, August 3oth, 1924. Judgment. The BIavrom-
matis Palestine Concessions
SeriesB No. 12. November z~st, 1925. Advisory Opinion.

Article 3, paragraph 2, of the Treaty of Lausanne
(Mosul Boundary Case)
'series A No. 9. July z6th, 1927. Judgment. The Factory at
Chorzow (Claim for Indemnity) (Jurisdiction)

Series B No. 16. August 28th, 1928. Advisory Opinion. Inter-
pretation of the Greco-Turkish Agreement of Decem-
ber ~st, 1926 (Final Protocol, Article IV)

The precise point of interpretation, with which the Court is now
concerned, did not arise in these cases, but the fundamental
rules of construction, adopted and applied by the Permanent
Court, can and should be adopted and applied by this Court in
ascertaining the true meaning of the Disputes Article in the
Treaty of Peace.
In addition to the cases in which the Permanent Court dealt

with the interpretation of arbitration clauses, there were othcr
important instances in which it adopted alid applicd the principle
of effectiveness,ancl the same principle has been recognized and
applied by this Court.234 OPINION DISSIDENTE DE M. READ
Série B Nos 2 et 3,12 août 1922. Avis consultatifs. Compétence
de l'organisation internationale du Travail vis-à-vis
des travailleurs agricoles

Série B No 6, IO septembre 1923. Avis consultatif. Colons
allemands en Pologne

Série B No 7, 15 septembre 1923. Avis consultatif. Acquisition
de la nationalité polonaise

Série B Nos 8 et g, 6 décembre 1923 et4 septembre 1924. Avis
consultatif. (Ces avis, qui traitent des questions de
délimitations de la frontière polono-tchécoslovaque et
de la frontière albanaise, auraient peut-être pu être
compris dans la liste des précédents qui traitaient des
clauses d'arbitrage.)

SérieB No 13, 23 juillet1926. Avis consultatif. Compétence de
l'organisation internationale du Travail pour réglemen-
ter .accessoirement le travail du patron

SérieA No 22, 19 août 1929. Ordonnance. Zones franches.
(Citée, avec approbation, par la Cour actuelle dans
l'affaire du Détroit de Corfou (fond), C. 1. J. Recueil

I949> P. 24.)
Affaire du Détroit de Corfou (fond), C. 1. J. Recueil 1949, p. 4

Réparation des dommages subis au service des Nations Unies.
Avis consultatif,C. 1. J. Recueil 1949, p. 174

Le principe de droit international applicable à l'interprétation
des traités qui a étéétabli par la sériede précédents citéeau para-
graphe ci-dessus, et dans celui qui le précède, a étéexposéde façon
concise et exacte par la Cour permanente dans son avis consultatif
Série B, no 7.La Cour était saisie du Traité polonais de minorités.
Au cours de l'examen d'une exception à la compétencede la Société
des Nations, la Cour refusa d'admettre l'argument polonais en
faveur d'une interprétation restrictive du traité et déclara, à la
page 16:

((Et s'il en était autrement, la valeur et le champ d'application
du traité seraient singulièrement diminués.Or, déjà, dans l'avis
vement aux colons allemands en Pologne, latCour a exprimé l'opi--
nion qu'une interprétation qui dépouilleeittraitéde minoritéd'une
grande part desa valeur ne saurait êtreadmise. En l'espéce,elle
serait d'autant moins admissible qu'elle se trouverait en contra-
diction avec les termes mêmesdu traité lorsqu'il dispose dans son
article12 que les stipulations précédantcet article et, en consé-
quence, aussi celles contenuesà l'article 4, sont placéessous la
garantie de la Société des Nations))(Soulignépar moi.)

17 IIISSENTING OPINION OF JUDGE READ 234
SeriesB Nos. 2 and 3. August rzth, 1922. Advisory Opinions.
Competence of the International Labour Organization
with respect to Agricultural Labour

Series B No. 6. September ~oth, 1923. Advisory Opinion.
German Settlers in Poland

Series B No. 7. September 15th, 1923. Advisory Opinion.
Acquisition of Polish Nationality

Series B Nos. 8 and 9. December 6th, 1923, and September 4th,
1924. Advisory Opinions. (These Opinions, dealing
with boundary questions on the Czechoslovak-Polish
and on the Albanian frontiers, might, perhaps, have
been included in the list of authorities which dealt
with arbitration clauses.)

Series B No. 13. July 23rd, 1926. Advisory Opinion. Com-
petence of the International Labour Organization to
regulate, incidentally, the persona1 work of the
Employer
Series A No. 22. August ~gth, 1929. Order. Free Zones. (Cited,
with approval, by this Court in the Corfu Channel
Case (Merits), I.C.J. Reports 1949, at p. 24.)

The Corfu Channel Case (Merits), P.C.J. Reports 1949, p. 4
Reparations for injuries suffered in the Service of the United

Nations. Advisory Opinion. I.C.J. Reports 1949,p. 174
The principle of international law applicable to the interpretation

of treaties, which has been established by the series of authorities
cited in this and in the preceding paragraph, was concisely and
accurately stated by the Permanent Court in its Advisory Opinion,
Series B, No. 7. The Court was dealing with the PolishMinorities
Treaty. In considering an objection to the competence of the
League of Nations, the Court refused to accept the Polish argument
for a restrictive interpretation of theTreatv and stated, at page :6

of the Treaty would be greatly diminished. But in the Advisoryion
Opinion given withregard to the questionsput concerning German
Colonists in Poland, the Court has already expressed the view
that an interpretation zevhichwould deprive the MinoritiTreaty
of a great partof its values inadmissible. In the present case,it
would be still less admissible,ince it would he contrary to the
actual terms of the Treaty, which lays down in Article 12 that
the clauses precedingthis Article, including thereforeose con-
tained in Article4, are placed under the guarantee of the League
of Nations." (Italics added.)235 OPINION DISSIDENTE DE M. READ

Le professeur Lauterpacht, dans The Development of International
Law by the Permanent Court of International Justice, a procédéà
un examen approfondi des précédents tels qu'ils existaient à la
date de la publication (1934)~y compris la plupart de ceux qui sont
citésci-dessus et un certain nombre d'autres arrêtset avis pertinents
de la Cour permanente. Il expose aux pages 69 et 70 le résultat de
cette étude :

(...L'Œuvre de la Cour permanente a montré qu'à côté du
principe fondamental d'interprétation,savoir, que l'on doit donner
effetà l'intention des parties, on peut aussi utiliser largement un
autre principe à peine moins important, savoir, que le traité doit
êtreefficace plutôt qu'inefficace. Res magis valeat quam pereat.
C'est là un principe majeur à la lumière duquel l'intention des
parties doit toujours être interprétéem, êmeau point d'écarterla
lettre de l'acte et d'y lire quelque chose qu'à première vue il ne
contient pas.))
Les principes posés par ces arrêts et avis consultatifs peuvent
ètre exprimés de la façon suivante :

I) « 11faut évidemment lire le traité dans son ensemble, et
I'on ne saurait déterminer sa signification surla base de quelques
phrases détachées de leur milieu et qui, séparéesde leur contexte,
peuvent êtreinterprétées de plusieurs manières ».(Série B, no 2
et 3, p. 22.)

2) «Une interprétation qui dépouillerait le traité ....d'une
grande part de sa valeur ne saurait êtreadmise. » (Série B, no7 -
le mot omis est «minorités ».)
3) Les clauses particulières doivent être interprétées d'une

manière permettant de donner effet aux fins et aux objets géné-
raux du traité, ((si cela n'est pas faire violence à leurs termes ».
(C.1. J. Recueil 1949, p. 24.)

L'adoption et l'application de ces principes ou règles d'inter-
prétation rendent nécessaire d'entreprendre une triple tâche :

Première tâche:

Examiner les dispositions du traité de paix dans leur ensemble
afin de déterminer, par cet examen, s'il contient un sens ou objet
général susceptible d'influencer ou mêmede contrôler l'interpré-
tation des articlesrelatifs aux différends.

Deuxième tâche .

Envisager une réponsenégative éventuelle à la Question IV afin
de déterminer si cette réponse entrerait en conflit avec les fins et

18 DISSENTING OPINION OF JUDGE READ 235

Professor Lauterpacht, in The Development of International
Law by the Permanent Court of International Justice, made an
exhaustive examination of the authorities as they stood at the
date of publication, 1934. including most of those which are
cited above, and a number of other relevant Judgments and
Opinions of the Permanent Court. He records the result of this

study at pages 69-70 :
" ...The work of the Permanent Court has shown that alongside
the fundamental principle of interpretation, namely, that effect
is to be given to the intentionof the parties,fiiluse can be made
of another hardly less important principle, namely, that the treaty
must remain effective rather than ineffecti.ve. Res magis zlaleat
quam pereat. It is a major pnnciple, in the light of which the
intention of the parties must always be interpreted, even to the
extent of disregarding the letter of the instrument and of reading
into it something which, on the face of it, it does not contain."

The principles established by these judgments and advisory
opinions may be stated as follows :
(1) That "the treaty must be read as a \\-hole, and that its

meaning is not to be determined merely upon particular phrases
which, if detached from the context, may be interpreted in
more than one sense". (Series R, Nos. 2 and 3, p. 23.)

(2) ",4n interpretation which u70uld deprive the ....Treaty
of a great part of jts value is inadmissible." (Series B, No. 7-

the word omitted is "minorities".)
(3) Particular provisions should be interpreted in such a
manner as to give effect to the general purposes and objects
of the Treaty provided that "it does not involve doing violence
to their terms". (I.C.J. Reports 1949, p. 23.)

The adoption and application of these principles or rules of
construction make it necessary to undertake a three-fold tark.

1st task

The examination of the provisions of the Peace Treaty as a whole
with a view to ascertaining whether there is a general purpose
or object discloscd bv this examination which should influence or
even control the interpretation of the Disputes Article.

2nd task

Consideration of 2 possiblr iiigritii-rinswer to Question IV with
a view to ascertaining whethc r it would conflict \i-ith the general
18236 OPINION DISSIDENTE DE M. READ

objets générauxdu traité et priverait le traité d'une grande partie
de sa valeur, au point d'être inadmissible suivant la seconde règle
d'interprétation.

Troisième tache:

Envisager une réponse affirmative éventuelle à la Question IV,
afin de déterminer si elle contribuerait à la réalisation des fins et
objets générauxdu traité, et si ce ne serait pas faire violenceaux
termes de l'article relatif aux différends au point de devoir être
exclue conformément à la troisième règle d'interprétation.

La première tâcheimplique un examen des dispositions du traité
de paix prises dans leur ensemble.

Le traité conclu avec la Hongrie contient 37 articles avec des
dispositlons qui visent en substance :

Partie 1 Frontières de la Hongrie.
)) II Clauses politiques.
» III Clauses militaires.

» IV Retrait des forces alliées.
» V Réparations et restitutions.
1) VI Clauses économiques.

» VI1 Clauses relatives au Danube.

Dans ces parties I à VII, on trouve à l'articlej (2) une procédure
spéciale pour le règlement des différends qui. ne s'applique qu'aux
différendsqui se sont élevésen vertu de l'article 5 (1)et une procé-
dure spéciale (à l'article 35) pour les différends s'élevant à propos
des articles 24, 2j et 26 et des annexes IV, V et VI.
ka partie VI11 du traité, « clauses finales»,contient l'article 40,

qui s'applique aux articles I à 38 inclusivement, à l'exception des
articles 5,24, 25, 26, 35 et 36. C'est une clause qui prévoit l'arbi-
trage obligatoire de tous les différends (relatifs à l'interprétation
ou à l'exécution du présent traité ))autres que ceux qui s'élèvent
en vertu des articles spécialement exceptésdont il a étéfait mention
plus haut.
Cet examen du traité de paix révèle l'étroite intégration de

l'article relatif aux différends, aux dispositions essentielles du
traité. Il amène, de façon inévitable, à deux conclusions. En
premier lieu, le texte de l'article relatif aux différends, considéré
en lui-même, montre la ferme intention des parties de prévoir
une juridiction obligatoire efficace pour connaitre des différends
relatifs aux dispositions essentielles du traité. En second lieii,
ce ferme propos se trouve souligné,si on lit l'article 40 à la lumière

du traité dans son ensemble.
19 DISSENTING OPINION OF JUDGE READ 236
purposes and objects of the Treaty, and whether it would deprive
the Treaty of a great part of its value so as to he inadmissiblz in

accordance with the second rule of construction.
3rd task

Consideration of a possible affirmative answer to Question IV
with a view to ascertaining whether it would further the general
purposes and objects of the Treaty, and whether it would involve
doing violence totheterms of the Disputes Article so as to be excluded
in accordance with the third rule of construction.

The first task involves an examination of the provisions of the
Peace Treaty considered as a whole.
The Treaty with Mungary contains 37 Articles with substan-
tive provisions :

Part 1 Frontiers of Hungary.
,, II Political Clauses.
,, III Military and Air Clauses.

,, IV Withdrawal of Allied Forces.
,, V Reparation and Restitution.
,, VI Economic Clauses.

,, VI1 Clause relating to the Danube.
Within these Parts, 1 to VII, there is a special procedure for settle-
ment of disputes in Article 5 (z), applicable only to disputes arising
under Article 5 (1) ;and a special procedure (,in Article 35) for
disputes arising in connexion with Articles 24, 25 and 26 and An-
nexes IV, V and VI.

Part VIII of the Treaty, "Final Clauses", contains Article 40,
which is applicable to ArticlesI to 38 inclusive, excepting Articles5,
24,25,26, 35 and 36. It is a clause providing for compu%soryarbitra-
tion of all disputes "concerning the i~iterpretation or execution of
the present Treaty", other than those which arise under specifically
excepted Articles referred to above.

This survey of the Peace Treaty discloses the close integration
between the Disputes Article and the substantive provisions of
the Treaty. It leads inescapably to two conclusions. In the first
place, the text of the Disputes Article considered by itself shows
a firm intention of the Parties to provide a workable compu!sory
jurisdiction to deal with disputes arising out of the substantive
provisions of the Treaty. In the second place, that firm intention

as re-inforced when Article 40 is read in relation to the Treaty as
a whole.237 OPINION DISSIDENTE DE M. READ

Ceci m'amène à la deuxièmetâche. Une interprétation conduisant
à une réponse négative à la Question IV priverait-elle le traité
d'une grande partie de sa valeur - irait-elle à l'encontre des fins
et du sens généraldu traité ?

Les buts et les fins du traité ressortent de l'attitude des parties.
Nous sommes en vérité devant un cas dans lequel les actions
parlent plus haut que les mots. Les parties ne se sont pas contentées
de faire dépendre «la liberté ))d'obligations juridiques seulement.
Elles ont prévu un régime d'arbitrage, l'article relatif aux diffé-
rends ;cet article était par sa forme réciproque. Cependant, les
obligations des Puissances alliées et associées étaient exécutées
alors que les engagements des Gouvernements de la Hongrie et
de la Roumanie étaient, pour la plus grande part, exécutoires,
si bien que, en substance, sinon formellement, cet article était

manifestement inséré commeune garantie ou une sanction destinée
à assurer l'accomplissement, par cesGouvernements, de leurs enga-
gements et des autres obligations issues pour eux des dispositions
du traité. Il est impensable que les parties aient eu l'intention,
lorsqu'elles ont rédigécet article et l'ont inclus dans le traité,
de forger une brutztmfiilmen. c'est-à-dire une disposition prévoyant
un examen et une décisionjudiciaires et dont l'application dépen-
drait du caprice ou de l'intérêtmomentané de la partie défaillante.
Par-dessus tout, lorsque les parties ont employé l'expression

« sera, sauf si les parties au digérendconviennentl'une et L'autred'un
autre mode de règlement,soumis, à la requête de l'une ou l'autre des
parties, à une commission ...»etc., elles voulaient dir« sera »et non
((pourra être».Ellesvoulaient dire (àla requête dle'une ou L'autredes
parties »et non pas ((à la requête dle'une ou L'autredes parties pourvu
quel'autrepartie soit disposéeà coopérer à cerenvoi ».
Dans toute l'histoire de la Cour permanente, on ne trouve pas
d'exemple dans lequel un argument ait été soutenu qui ait pour
effet de priver un traité d'une grande partie de sa valeur ou d'en

rendre vains les buts et les fins générauxau degré oh le ferait la
thèse qui se trouve nécessairement incluse dans une réponse néga-
tive à la Question IV. Une réponse négative détruirait l'article
relatif aux différends en tant que garanties effectives des dispo-
sitions essentielles du traité. Elle rendrait inefficaces en grande
partie les engagements d'assurer la jouissance des droits de
l'homme et des libertés fondamentales. Ce ne serait pas seulement
empêcher l'examen par la justice des accusations spéciales. Ce
serait donner naissance à une situation dans laquelle les trois

Gouvernements ne seraient plus désormais soumis à un contrôle
effectif en vertu des dispositions des articles relatifs aux différends.
On pourrait opposer une objection à l'institution d'une com-
mission prévue aux traités et composéedu tiers membre et d'un
représentant national en cas de défaut de l'autre partie au diffé- DISSENTING OPINION OF JUDGE READ 237

This brings me to the second task. Would an interpretation
leading to a negative answer to Question IV deprive the Treaty
of a great part of its value-would it conflict with the general
purposes and objects of the Treaty ?

The purposes and objects of the Treaty are disclosed by the
action of the Parties. This is indeed a case in which actions
speak louder than words. The Parties were not content to
leave "freedom" to depend on legal obligation alone. They pro-

vided a regime of arbitraéion, the Disputes Article. The Disputes
Article was, in form, reciprocal. However, the obligations of
the Allied and Associated Powers were executed, whilst the
undertakings of the Governments of Bulgaria, Hungary and
Romania were largely executory ; so that in substance, if not in
form, this Article was obviously included as a guarantee or sanction
to ensure performance by them of their undertakings and other
obligations arisingunder provisions of the Treaty. It is unthinkable
that the Parties, when they drafted this Article and included it
in the Treaty, intended to forge a brutum fzdmen, a provision for
judicial review and decision dependent for its effect upon the
momentary whim or interest of a defaulting party.

Above all, when the Parties used the expression-shall, unless

the parties to the dispute mutually agree ?@on another means of
settlement,be referrvd ut the request of either Party to the dispute
to a Commission, etc.-they meant shall and iiot may. They
meant ut the request of either Party;and not ut the request of either
party pro7ridedthat the otlzer party was zljilling to cooperate in the
reference.

In the entire history of the Permanent Court, there is no instance
in which an argument was advanced that went so far in depriving
a treaty of a great part of its value, or in frustrating its general
purposes and objects, as the contention necessarily involved in
a negative answer to Question IV. A negative answer would
destroy the Disputes Article as an effective guarantee of the
substantive provisions of the Treaty : it would render largely
nugatory the undertakings given to secdre the enjoyment of
human rights and fundamental freedoms. It would not merely
prevent judicial review of the specific charges. It would give
rise to a position in which the three Governments would no longer
be subject to effective control under the provisions of the Disputes
Articles.

A possible objection might be raised to the establishment of
a Treaty Commission consisting of the third member and a national
representative, in the case of default by the other party to the OPINION DISSIDENTE DE M. READ
238
rend. On pourrait faire valoir que la commissionne serait pas en
mesure de s'acquitter de sa mission si le gouvernement défaillant
refusait sa coopération. Aucun motif ne permet de supposer que
les gouvernements actuellement défaillants continueraient à faire
défaut s'ils se trouvaient en présence de désignations effectuées
par le Secrétaire général. Certes,ucun motif n'autorise à supposer
que l'un quelconque des gouvernements s'abstiendrait de remplir

le devoir et d'exercer le privilège de désigner un représentant
national dans cette éventualité. Cependant, même en cas de
défaut continuant à se produire, il n'y a pas de justification
suffisante pour permettre de penser que les gouvernements qui
ont formuléles accusations ne seraient pas en mesure de présenter
à la commission des preuves suffisantes pour justifier une décision.
Dans ces conditions, je siiis obligé de conclure qu'une inter-
prétation qui conduirait à répondre négativement à la Question IV
griverait les traités de paix d'une grande partie de leur valeur, et
4ue cette interprétation serait en contracoiction avec leurs fins et
leurs objets. Conformément aux principes de droit international
qui ont étébien établis dans les cas cités plus haut, je suis
contraint de repousser cette interprétation comme inadmissible.

Cecim'amène à la troisiè âche- l'examen d'une réponseaffir-
mative éventuelle à la Question IV, afin de s'assurer si cette réponse
affirmative servirait les fins et objets du traité en généralet si elle
aurait pour résultat de faire violence auxternes de l'article relatif
aux différends,de telle manière qu'elle doive êtreexclue, conformé-
ment à la troisième règle d'interprétation mentionnée ci-dessus.
Le premier aspect de cette tâche ne soulève point de problème.
Des considérations qui ont été exposées ci-dessus, il ressort à
l'évidence qu'une réponse affirmative à la Question IV servirait
les fins et objets du traité en général.
Dans les affaires qui ont étécitéesplus haut, la Cour permanente
est alléetrès loin, dans la voie de l'interprétation, afin de donner
suite au principe de «l'effet util». 11est impossible d'appliquer

au problème actuel les principes qui régissent lerecours aux travaux
préparatoires, en matière d'interprétation des traités. La Cour
permanente a toiijours reconnu que l'application du principe de
« l'effet util» est soumise à dinérentes considérations. Il est
cependant nécessaire d'admettre qu'en aucun cas la Cour perma-
nente n'a donna. à entendre qu'elle eût appliqué le principe de
l'effet utile si, en le faisant, elle avait étéamenéefaire violence
aux clauses conventionnelles soumises à son examen.
Il est donc nécessaire d'étudier de près le texte de l'article
relatif aux différends, qui est ainsi conçu :
21 DISSENTPNG OPINION OP JWDGE READ ~38
dispute. It might be suggested that the Commission wouPd be
unable to perform its task if the defaulting government refused
to CO-operate.There is no reason for assuming that governments

now in default would continue to default if faced with appointments
by the Secretary-General. There is certainly no reason for assuming
that any of the governments would refrain from exercising its
duty and privilege of naming a national representative in that
event. However, even in the event of continued default, there is
no justification for assuming that the governments which have
made the charges will not be able to present sufficient evidence
to the Commission to justify decision.

In these circumstances 1 am compelled to conciude that an
interpretation Ieading to a negative answer to Question IV would
deprive the Treaties of Peace of a great part of their value,
and that it would conffict with their general purposes and objects.
In accordance with the principles oi international Iaw established

in the cases cited above, 1 am bound to reject this interpretation
as inadmissible.

This brings me to the third task-the consideration of a possible
affirmative answer to Question IV with a view to ascertaining
whether it would further the generd purposes and objects of
the Treaty, and whether it would involve doing violence to the
terms of the Disputes Article so as to be excluded in accordance
with the third rule of construction referred to above.
The first aspect of this task presents no problem. In view of
the considerations set forth above it is obvious that an affirmative

answer to Question IV would further the general purposes and
objects of the Treaty.
In the cases which have been cited above the Permanent Court
went a very long distance by way of interpretation to give effect
to the principle of efiectiveness. It is impossPbIe to apply the
mles which govern resort to prepararory work in the interpretation
of treaties to the present problem. The Permanent Court has
always recognîzed that the application of the principle of effect-
iveness is subject to differerit considerations. It is, however,
necessary to admit that there is no instance in which the Per-
manent Court intirnated that it would apply the principle of
effectiveness if application involved aoing violelice to the Ternis
of the treaty provisioris under consideration.

Accordingly, it is necessary to give close consideration to the
text of the Disputes Article which reads as follows :
2 I239 OPINION DISSIDENTE DE M. READ
((I.....Tout différend decette nature qu'ilsn'auraient pas encore
réglédans un délai dedeux mois sera, sauf si les parties au différend

conviennent l'une et l'autre d'un autre mode de règlement, soumis,
à la requête de I'une ou l'autre des parties, à une commission
composéed'un représentant de chaque partie et d'un tiers membre
choisi d'un commun accord entre les deux parties parmi les ressor-
tissants d'un pays tiers. A défautd'accord dans un délaid'un mois
entre les deux parties au sujet de la désignationde ce tiers membre,
l'une uu l'autre partie pourra deinander au Secrétairegenéraldes
Nations Unies de procéder à cette désignation.

2. La décisionprise par la majorité des membres de la commis-
sion sera considéréecomme décisionde la commission et acceptée
par les parties comme définitiveet obligatoire.))
J'ai supprimé la première phrase du paragraphe premier, parce

qu'elle a traità des conditions déjàremplies et dépourvues de perti-
nence directe au point de vue de l'affaiie à son stade actuel.
Lorsque l'on interprète cet article, on constate, dèsle début, qu'il
porte la marque d'une clause d'arbitrage obligatoire. Quand il
prévoit que tout différend de cette nature sera soumis, à la requête
de L'uneou l'az~tredes parties,,ù une commission, il révèlenettement
l'intention, de la part des Etats parties au traité, d'instituer un

.régimed'arbitrage obligatoire. I,e différend doic êtresoumis à une
commission, composée d'un représentant de chaque partie et d'un
tiers membre, choisi d'un commun accord entre les deux parties
parmi les ressortissants d'un pays tiers. Il semble bien clair que,
lorsqu'el!es ont employé l'expression ((un tiers membre »,les parties
n'entendaient pas viser l'ordre chronologique des désignations, mais
qu'elles pensaient à un tiers membre, en ce sens que celui-ci devait

être (additional to and distinct from two others already known
or mentioned )) (devrait s'adjoindre à deux autres membres déjà
connus ou mentionnés et serait distinct de ces derniers) (Shorter
Oxford English Dictionary, Volume II, p. 2171)~ou en d'autres
termes que la désignation ainsi prévue devrait venir s'ajouter à
la disposition visant lareprésentation des parties. La dernière phrase
du premier paragraphe a étéinséréeen prévision de la situation

qui se produirait éventuellement, au cas où les parties ne pourraient
se mettre d'accord au sujet du ((tiers membre ));cette phrase confère
au Secrétaire généralle pouvoir de procéder à une désignation, à
la demande de l'une ou l'autre des parties.
Dzns le second paragraphe est spécialement prévue la situation
qui pourrait se produiie, si les deux parties au différend exerçaient

le droit, que leur confère le traité, de compter des représentants
au sein de la commission envisagée dans cet instrument. En pareille
occurrence, il fdllait prévoir une décision de la majorité. Il n'était
pas nécessaire de pourvoir à la situation qui se produirait si l'une
des parties ou les deux parties au différend renonçait(aient) au
privilège d'être représentée(s)au sein de la commission. DISSENTING OPINION OF JUDGE READ 239

"1. ....Any such dispute not resolved by them within a period
of two months shall, unless the parties to the dispute mutualiy
agree upon another means of settlement, be referred at the request
representative of each party and a third member selected byone
mutual agreement of the two parties from nationals of a third
country. Should the two parties fail to agree within a period of
one month upon the appointment of the third member, the
Secretary-General of the United Nations may be requested by
either party to make the appointment.

2. The decision of the majority of the members of the Com-
mission shall be the decision of the Commission,,and shall be
accepted by the parties as definitive and binding."

1 have omitted the first sentence in paragraph I becavse it refers to
conditions which have already been satisfied, and which are not
directly relevant to the present phase of this Question.
In construing this Article, it will be observed at theoutset that
it bears the hall-marks of a compulsory arbitration clause. When it
provides that any such dispute shall be referred ut the request of
either Party to the dispute to a Commission, it plainly indicates an
intention of the Parties to the Treaty to establish a regime
of compulsory arbitration. The dispute is to be referred to a Com-
mission composed of one representative of each party and a third

member selected by mutual agreement of the two parties from
nationals of a third country. In using the expression "a third
member" it seems to be clear that the parties had in mind not the
chronological order of appointment, but a third member in the
sense that that member was to be "additional to and distinct frorn
two others already known or mentioned" (Shorter Oxford English
Dictionary, Volume II, p. 2174) )r in other words, additional to
the ~rovision for ~artv re~resentation. The last sentence of the
firstLparagraph p;ovidjes f;>r the contingency which might arise
in the event of failure of the parties to agree upon the
"third member", and gives authority to the Secretary-General
at the request of either party to make an appointment.

The second paragraph made special provision for the situation
which might arise if both parties to the dispute exercised the right
under the Treaty to have representatives on the Treaty Commis-
sion. In such a contingency it was necessary to provide for a majority
decision. There was no need to make provision for thesituation
which would arise if one or both parties to the dispute waived the
privilege of representation on the Commission.z-!o OPISIOS DISSIDENTE DE M. READ
[-ne mention spécialedoit êtreaccordée à l'expression qui figure
dans le teste :((une commission composée d'un représentant de
chaque partie et d'un tiers membre ». Les parties au traité n'ont

pas dit que la commission devait êtreun tribunal de trois membres,
mais cette expression peut êtreinterprétée comme révélant, par
implication, l'intention des parties que la commission doive être
un tribunal de trois membres. Cette expression peut également
ètre interprétée comme révélantl'intention des parties de créer
une commission, à laquelle chacune desparties à un différendaurait
le droit, le privilège, ou même ledevoir, de désigner un repré-
sentant ; mais elle n'exige pas que la commission se compose
nécessairement de trois membres, au cas où l'une des parties
renoncerait à faire usage du droit ou du privilège ainsi conféré
on manquerait à l'accomplissement de son devoir. Le problème

d'interprétation en présence duquel se trouve la Cour consiste à
choisir entre deux interprétations possibles, dont aucune ne fait
violence aux termes du Traité et qui sont toutes deux fondées
sur des déductions tirées des expressions dont les rédacteurs se
sont effectivement servis.
Dans ces conditions, il semble bien clair que la troisième règle
d'interprétation exposée ci-dessus n'empêche pas la Cour d'adopter
l'une ou l'autre des interprétations qui viennent d'êtrementionnées.
-4l'appui de cette manière de voir, on peut fermement invoquer
une autre considération. Il convient de remarquer que les parties
au traité y ont insérédes dispositions expresses, afin d'empêcher

que les fins et objets, en général,de la clause relative aux différends
ne soient rendus vains, du fait que les parties au différendne pour-
raient se mettre d'accord quant au choix du tiers membre. Elles
ont prévu une désignationeffectuéepar le Secrétaire général.En
revanche, elles n'ont rien prévu expressément pour le cas qui s'est
effectivement produit, celui où l'on a essayé de rendre vains les
fins et objets du traité, du fait qu'une partie au différenda omis
de désignerson représentant au sein de la commission envisagéepar
le Traité. On trouve une lacune dans l'article relatif aux différends.
Je n'entends point dire que ceci soit dû à une inadvertance, de la

part de ceux qui étaient responsables de la rédaction du traité
de pais. Ils connaissaient, sans aucun doute, les principes de droit
international qu'avait développéset appliquésla Cour permanente,
et ils étaient fondés à supposer que l'article relatif aux différends
serait interprété et appliqué conformément à ces principes. Dans
la présente affaire, la Cour se trouve en présencedu problème qui
consiste à s'occuper de ces lacunes du traité. Il s'agit d'une situation
à l'égard de laquelle les parties n'ont pas expressément pourvu
et qui ne peut êtrerésolue que par la voie d'une interprétation
judiciaire, afin de donner effet à l'intention des parties, telle que
cette inrention est révélée par une implication juridique fondée

sur les termes et expressions dont on s'est effectivement servi. DISSENTING OPINION OF JUDGE READ 240
It is necessary to make special reference to the expression in the
text "a Commission composed of one representative of each party
and a third member, etc." The Parties to the Treaty did not state

that the Commission was to be a three-member tribunal, but it is
possible to construe this expression as indicating by implication
the intention of the parties that the Commission should be a three-
member tribunal. It is also possible to construe this expression as
indicating the intention of the Parties to create a Commission on
which each of the parties to a dispute should have the right or
privilege, or even duty, to appoint a representative ;but as not
requiring that the Commission should necessarily consist of three
members, in the case of waiver by a party of the exercice of the
nght or privilege thus conferred or ils failure to do its duty. The
problem of interpretation with which the Court is confsonted is
a choice between two possible constructions, neither of which does
violence to the language of the Treaty and both of which are
based upon inferences drawn from the expressions actiidy used
in the text.

In these circumstances, it seems to be clear that the Court isnot
precluded from adopting either of the foregoing interpretations
by the third rule of construction which is set forth above.
This view is strongly supported by another consideration. It
is noteworthy that the Parties to the Treaty made express provision
to prevent the general purposes and objects of the Disputes Clause
from being frustrated by failure of the parties to the dispute to
agree upon the selection of the third member. They provided for
appointment by the Secretary-General. On the other hand, they
made no express provision for the contingency which has actually
arisen, of attempted frustration of the purposes and objects of the
Treaty by failure of one party to the dispute to appoint its represent-
âtive on the Treaty Commission. There is a gap or lacuna in the
Disputes Article. 1am not suggesting that this was due to oversight
on the part of those who were responsible for the drafting of the

Treaty of Peace. They were undoubtedly familiar with the prin-
riples of international law as developed and applied by the
Permanent Court, and were justified in assuming that the Disputes
Article would be interpreted and âpplied in accordance with those
principles. In the present proceedings the Court is faced with the
problem of dealing with this gap or lacztna in the Treaty. It is the
problem of dealing with a contingency for which the Parties have
made no express provision, and which can be solved only by judicial
interpretation ~i-itha riew to giving effect to the intention of the
Parties as disclosed by legal implication based upon the terms
and expressions actually used.241 OPINION DISSIDENTE DE M. READ

Deux solutions possibles doivent êtreexaminées successivement.
La première est fondée sur une interprétation raisonnable du
texte de l'article relatif aux différends, conforme aux principes
de droit international ainsi qu'à l'intention et au dessein, nette-
ment indiqués, des parties au traité. Selon cette méthode, les
dispositions visant la représentation des parties au différend
seraient interprétées comme étant destinées à conférer à chaque
partie un droit ou un privilège qu'elle pourrait exercer ou auquel

elle pourrait renoncer. Dans le cas présent, le gouvernement
défaillant, en omettant de désigner son représentant, a clairement
renoncé au droit ou privilège que lui confère le traité et manqué
à l'accomplissement de <on devoir - encore qu'il reste, bien
entendu, loisible à ce Gouvernement de revenir à tout moment
sur sa renonciation, pour s'acquitter des obligations que lui impose
le traité et procéder à une désignation - mais aucune partie à
un traité ne peut annuler l'effet du traité, en omettant ou en
s'abstenant de faire usage d'un droit ou d'un privilège. Dans le

cas présent, ce gouvernement ne pourrait, par cette omission,
empêcher la commission prévue par le Traité de s'acquitter de
la mission qui lui a étéassignée.
La seconde solution possible présente des difficultés bien plus
grandes. Elle implique que l'on comblerait la lacune à l'aide d'un
processus d'interprétation judiciaire, de manière à instituer par
implication une clause ((échappatoire » permettant à une partie
au différend de se soustraire facilement au régime d'arbitrage
obligatoire, en omettant d'exercer son droit et en ne tenant pas

compte de l'obligation que lui impose le traité. On trouve bien
des exemples de traités - notamment ceux dont l'objet est la
limitation des armements - dans lesquels des «échappatoires ))
ont ainsi été expressément insérées. Celles-ci ont toujours été
destinées à protéger une partie agissant de bonne foi contre le
tort que pourrait lui causer le défaut d'une partie agissant de
mauvaise foi. Dans aucun des traités modernes on n'a inséré
d'«échappatoires » fondés sur une implication ; et l'on ne trouve
certainement pas d'exemple d'une clause « échappatoire N,implicite
ou explicite, accessible seulement aux parties au Traité qui ont

manqué aux obligations que le Traité leur imposait.
Les considérations que j'ai exposées plus haut, lorsque j'ai
examiné la première et la seconde tâches, m'induisent à rejeter
la deuxième solution.

Un autre point est à considérer. Au cours des cent cinquante

dernières années, bien des clauses d'arbitrage ont été insérées
dans des traités et l'on n'a signalé à l'attention de la Cour aucun
cas, dûment enregistré, dans lequel une partie à un différend ait
tenté d'échapper à l'arbitrage, en appliquant la méthode compara- DISSENTING OPINION OF JUDGE READ 241

Two possible solutions need to be considered in turn.
The first possible solution is ba.sed upon a reasonable con-
struction of the text of the Disputes Article in conformity with
the principles of international law, and with the clearly indicated
intention and purpose of the Parties to the Treaty. Following
this construction the provisions for representation of the parties
to the dispute would be construed as intended to confer on each
party a right or pnvilege which it could exercise or waive. In
the present instance, the govemment in default, by failing to

appoint its representative, has clearly waived its right or privilege
under the Treaty and defaulted in the performance of its duty-
-although, of course, it would be open to that Govemment at
any time to withdraw its waiver to comply with its obligations
under the Treaty and to make an appointment-but no party
to a treaty can destroy :he effect of the treaty itself by its own
default or by its failure to exercise a right or a privilege. In the
present instance, that government could not by such an omission
prevent the Treaty Commission from performing its allotted task.

The second possible solution presents much more difficulty. It

involves the filling of the gap by a process of judicial interpretation
in such a manner as to establish by implication an "escape" or
"escalator" clause whereby a party to a dispute can, by failure
to exercise its right and by disregarding its Treaty obligaticn,
find an easy way out from the regime of compulsory arbitration.
There have been many instances in Treaties, especially in those
dealing with the limitation of armaments, in which express
provision has been made for "escape" or "escalator" clauses.
They have always been devised to protect a party acting in good
faith from being prejudiced by the default of a party in bad
faith. There is none in modern treaty practice in which an escape
clause has been established, based on implication ; and there is
certainly no instance of either an implied or express escape clause

made availahle only to those Parties to the Treaty which have
defaulted in their Treaty obligations.

The considerations which 1 have disclosed above in dealing
with the first and second tasks lead me to reject the second
solution.

There is a further consideration. There have been a great many
arbitration clauses included in treaties in the course of the last
century and a half, and no recorded instance has been drawn

to the attention of the Court in ivhich a party to a dispute has
sought to c\-acle arbitrationby the comparatively simple device242 OPINION DISSIDENTE DE M. READ
tivernent simple qui consiste à s'abstenir de désigner son represen-
tant national. Ces dispositions ont étéconsidéréespar la pratique
internationale comme conférant aux parties au différend des
droits ou privilèges. dont elles s'abstiendraient d'user à leur propre

risque - celui de se trouver en présence d'une décision arbitrale
rendue par un tribunal au sein duquel elles ne compteraient pas
de représentant. En adoptant la seconde solution, signalée plus
haut, non seulement on réduirait à néant les intentions des parties,
telles que les révèleclairement le traité de paix, mais encore on
irait directement à l'encontre de l'usage international en matière
d'arbitrage, tel que cet usage s'est développédepuis le Traité
Jay de 1794. 11est remarqu-le que ni les membres des Nations
Unies intéressés ni lestrois Etats en cause qui ne font pas partie
de l'organisation, n'aient fait valoir devant la Cour qu'il serait
loisible à une partie au différend d'empêcherque ce différend soit
arbitré. en recourant à l'ex~édient consistant à s'abstenir de
désigner un représentant à la commission. On compte soixante

et un États ((admis à ester en justice devant la Cour ; ))tous ont
le droit, aux termes de l'article 66 du Statut, de présenter des
exposés écrits ou des observations. De ces États, huit ont exercé
ae droit :mais aucun d'eux n'a pris cette position. Les Gouverne-
ments de la Bulgarie, de la Hongrie et de la Roumanie ont présenté
des observations, etn'ont pas soutenu cette thèse. Le fait qu'aucun
État n'a pris cette position apporte la confirmation la plus forte
à la pratique ou à l'usage international, en matière d'arbitrage,
qui a été exposéplus haut.
Dans les observations écrites présentéespar le Gouvernement du
Royaume Uni, dans l'exposé écrit du Gouvernement des États-
Unis et au cours des exposésoraux très documentéset utiles qu'ont

présentésdevant la Cour M. Cohen et Mr. Fitzmaurice, l'attention
de la Cour a étéattirée sur une longue chaîne de précédents,grâce
auxquels il a étéétabliqu'une partie à un différend,en vertu d'une
clause arbitrale, ne peut, en retirant du tribunal son représentant
national, empêcher que l'arbitrage soit mené à son terrne et
qu'une décisionobligatoire soit rendue.
Je suis d'avis que le principe institué par ces précédents est
également applicable au cas où, dès le début, une partie au différend
agit de mauvaise foi et s'efforce d'empêcherpar un procédé les
dispositions de la clause arbitrale de produireeur effet, en manquant
à l'obligation que lui impose le traité de désigner sonreprésentant
national au tribunal.

Dans l'existence d'un tribunal arbitral on compte trois phases.
La première peut être mentionnée comme celle de la constitu-
tion du tribunal. A ce stade, le tribunal peut s'occuper de ques-
tions qui présentent une certaine importance, telles que la procé-
dure. Toutefois, il s'agit principalement de questions adminis-
tratives et protocolaires : émoluments ; siège ; inscription sur ia
liste diplomatique locale ; échange de cartes de visite ; et m6me DXSSENTING OPINIOK OF JUDGE READ 242

of refraining from appointing its national representative. Inter-
national practice Bis treated these provisions as confemng rights
or privileges upon the parties to the dispute which they wouId
refrain from exercising at their peril-the ped of being confronted
with an arbitral decision by a tribunal on which they had no
representative. The adoption of the second solution referred to
above would not merely frustrate the intentions of the Parties
as clearly indicated in the Treaty of Peace, it would go directly
contrary to international usage in the matter of arbitration as
it bas been developed since the Jay Treaty of 1794. It is note-
worthy that neither the Members of the 'C'nited Kations, nor
the three non-member States concerned have placed before the
Court the contention that it is open to a party to the dispute
to prevent its arbitration by the expedient of refraining from
appointing a representative on the Commission. There are 61 States

"entitled to appear before the Court", al1 of which have the
right to present written statements or observations under Article 66
of the Statute. Eight of these States have availed themselves
of this right : but not one of them has stood for this position.
The Governments of Bulgaria, Hungary and Romania have
presented observations, and have not made this contention. The
fact that no State has adopted this position is the strongest
possible confirmation of the international usage or practice in
matters of arbitration which is set forth above.

In the Written Observations submitted by the Cnited Kingdom
Government, in the Written Statement of the Vnited States Govern-
ment, and in the course of the very able and helpful arguments
presented to the Court by Mr. Cohen and 31~.Fitzmaurice, the
attention of the Court has been directed to a long line of precedents

in which it has been established that a party to a dispute, under
an arbitration chause,cannot prevent the completion of the arbitra-
tion and the rendering of a binding decision bp the device of with-
drawing its national representative from the tribunal.
1am of the opinion that the principle established by these prece-
dents is equally applicable to the case where a party to a dispute
acts in bad faith from the outset, and attempts to use the device
of defaulting on its treaty obligation to appoint its national repre-
sentative on the tribunal in order to prevent the provisions of the
arbitration clause from taking effect.
There are three phases in the life of an arbitral tribunal. The
first pliase may be referred to as the constitution of the tribu-
nal. At this stage the tribunal may deal with matters of some
import, such as procedure. However, it consists largely of admi-
nistrative and protoco). matters : ernoluments ; forum ; enrol-
ment on the local diplomatic list ; exchange of calling cards; and

even less weighty matters. The second phase is that in which
25243 OPINION DISSIDENTE DE M. READ

de questions d'importance encore moindre. La seconde phase est
celle au cours de laquelle le tribunal entend les témoignages et
exposés.La troisième phase comprend la délibérationet la sentence.
Point n'est besoin d'insister sur l'importance relative de la seconde
et de la troisième phases, par rapport à la première. J'ai donnéà

entendre que le principe est également applicable au défaut qui
se produit dès le début. En fait, il y a des raisons bien plus fortes
pour appliquer le principe au défaut qui se produit dès ledébut.Il
est bien plus difficiled'interpréter une clause arbitrale comme révé-
lant l'intention des parties qu'un tribunal, composédu tiers membre
et du représentant de l'une des parties, puisse entendre les témoi-
gnages et rendre la sentence, que de l'interpréter comme révélarit

l'intention des parties qu'une décision,tendant à inviter le maire
de la localitéàadresser dessouhaits de bienvenue, lorsde l'ouverture
de la session, puisse êtreprise en l'absence d'un représentant natio-
nal.
Si une commission prévuepar le trait- qui, à la suite du retrait
d'un représentant national, se compose du tiers membre et du
représentant de la partie qui n'a pas fait défaut - est compétente

pour entendre les témoignages et rendre la sentence, cela veut dire
qu'une commission de deux membres est une ((commission )) au
sens du paragraphe 2 de l'article relatif aux différends. Il s'ensuit
au'une commission envisagée d"ns le traité. com~osée ainsi de
deux membres, doit égalementêtreune (commission »,au sens du
paragraphe premier de l'article relatif aux différends. Le fondement
tout entier de la. thèse selon laquelle seule une commission dite

de trois membres peut êtreune (commission »,au sens de l'article
relatif aux différends, s'écroule.

A l'appui d'une réponse affirmative vient encore une autre

considération. Ce n'est pas sur une question académique que l'avis
de la Cour a étédemandé. Il ressort clairement des (considérants »,
dans le préambule de la résolution adoptée, le 22 octobre 1949 ,ar
l'Assemblée généraleq ,ue les réponsesaux questions doivent avoir
trait directement aux différends réels. Les réponses doiventêtre
appliquéesau réseau compliquéde différendsdont j'ai fait mention.
Il est nécessaire de traiter la question de la mêmemanière que
si elle se présentait au cours d'une procédure contentieuse entre

ces deux parties. La question académique, relative à la compétence
d'une commission prévue par le traité, et composéede membres
désignéspar le Gouvernement des Etats-Unis et par le Secrétaire
général,dans des circonstances qui n'existeraient pas, n'intéresse
pas l'Assemblée générale. L'Assemblée générale désoib rtenir la
même réponseque celle qui serait donnée, si la mêmequestion

avait étéinséréedans des compromis conclus entre les parties
au différend. ,
26 DISSENTING OPIXION OF JCDGE READ 233

the tribunal hears the evidence and arguments. The third phase
includes deliberation and judgment. 1 do not need to emphasize
the relative importance of the second and third phases, as compared
with the first. have suggested that the principle is equally applic-
able to default at the outset. As a matter of fact, the case for apply-
ing the principle to default at the outset is much stronger. It is
much more difficult to construe an arbitration clause as indicating
the intention of the parties that a tribunal consisting of the third
member and the representative of one party can hear the evidence
and give a decision, than it is to constme it as indicating their
intention that a decision to invite the local mayor to give an
address of welcome at the opening session could be made in the

absence of a national representative.

If a Treaty Commission-which, as the result of the withdrawal
of a national representative,consists of the third member and the
representative of the party which is not in default-is competent
to hear the evidence and render a decision, iteans that a Commis-
sion of two members is a "commission" within the meaning of
paragraph 2 of the Disputes Article. It follows that such a Treaty
Commission consisting of twomembers must also be a "commission"
within the meaning of paragraph I' of the Disputes Article. The
whole foundation of the contention that only a so-called three-

member Commission can be a "commission" within the meaning
of the Disputes Article falls to the ground.

Another consideration supports an affirmative answer. The
Court has not been asked for its Opinion on an academic question.
The recitals, in the preamble of the General Assembly's Resolution
of October zznd, 1949, clearly indicate that the answers to the
Questions must be directly related to the actual disputes. The
answers must be applied to the complicated network of disputes
to which 1have referred. It is necessary to deal with the question

in the same way as if it arose in contested proceedings between
these two parties. The General Assembly is'not interested in the
academic question of the cornpetence of a Treaty Commission
composed of members appointed by the United States Government
and by the Secretary-General in circumstances which do not exist.
It wants the same answer as would be given if the same question
had been included in special agreements concluded between the
parties to the disputes.244 OPINION DISSIDENTE DE M. READ
En conséquence, j'estimeque je suis obligéde tenir compte
du fait que, dans les circonstances actuelles et selon le droit inter-
national existant, un gouvernement défaillantne pourrait contester
la compétence d'un tel tribunal. Si ce gouvernement soulevait
une exception, devant une commission prévue par le traité et
ainsi constituée,cette commission serait tenue d'appliquer le droit
international existant et de refuser au défaillant la possibilitéde
profiter de son propre tort. Si le défaillant soulevaitune exception,
au cours d'une instance devant la Cour internationale de Justice,
celle-ci, qui n'est pas un organe législatif, serait tenue d'appliquer
les principes juridiques existants et de reconnaître qu'en vertu
d'un «estoppel)) le défaillant n'est pas recevable à faire valoir,
à l'appui de sa propre thèse, l'infraction au traité commise par
lui. Pour moi, siégeanten qualitéde juge dans une affaire consul-
tative, je ne puis soulever cette exception, qu'il ne serait pas
loisible au gouvernement défaillant de soulever dans toute procé-
dure où seraient reconnus les principes de justice.
Le point de droit, ici, n'est pas douteux.l a étéréglpar la Cour
permanente dans l'arrêt no 8 :SérieA, no 9, Usine de Chorzow
(indemnités) (compétence), page 31. Dans les exposés écrits ou
oraux, ou dans les observations, on n'a pas fait valoir de motifs sur
lesquels puisse se fonder unedi-inction de principe entre les deux
cas, ou qui puisse autoriser le rejet des principes juridiques
adoptéset appliquésdans ce cas.

On peut encoreinvoquer une autre considération, à l'appui d'une

réponse affirmative à la Question IV, ou en tant que raison très
forte en faveur du rejet d'une réponse négative.Vattel, en 1758,
a énoncé dans les termes suivants une règle ouun principe d'inter-
prétation :
«Toute interprétationqui mène à l'absurde doit &ire rejetée;
ou, en d'autres termes,onnepeut donner à aucunacteunsensdont
il suit quelquechosed'absurde,maisil faut l'interpréterdemanière
que l'onévite l'absurdité..»(Le Eroit des gensou Principes de la
LoinatzlrellTexte de 1758,livre II,paragraphe282.)
Les ministères des Affaires étrangères,dans le monde entier, et
les juristes et tribunaux internationaux ont, pendant cent quatre-
vingt douze années, considéré cette règle commefaisant autorité.
La Cour internationale de Justice a reconnu, à une date aussi
récenteque celle du 3 mars 1950, le principe exprimédans la for-
mule de Vattel. Dans l'affairerelative, la compétencede 1'Assem-
bléegénérale pourl'admission d'un Etat aux Nations Unies, avis
consultatif, C.1.J. Recueil 1950,p. 8, il est di:

« ...La Courcroit nécessairede dire quele premier devoird'un
tribunal, appeléà interpréter età appliquer les dispositionsd'un
27 DISSENTING OPINION OF JUDGE READ 244

Accordingly, 1 think that 1 am bound to take into account the
fact that, in the existing circumstances and under existing inter-
national law, a defaulting govemment could not object to the
competence of such a tribunal. If it raised the objection before
such a Treaty Commission, it would be bound to apply existing
international law and refuse to let such a govemment profit from
its own wrong. If it raised the objection in proceedings before
this Court, it would be necessary for the International Court of
Justice, which is not a law-making organ, to apply existing legal
principles and recognize that it was estopped from alleging its own
treaty violation in support of its ow7ncontention. It is impossible

for me, acting as a judge in advisory procedure, to raise this
objection, which the defaulting government itself would be prev-
ented from raising in any proceedings which recognized the prin-
ciples of justice.

There can be no doubt as to the law on this point. It was settled
by the Permanent Court in Judgment No. 8 :Series A, Ko. 9.
The Factory at Chorzow (Claim for Indemnity) (Jurisdiction),
at page 31. No reasons have been submitted, in the Written
Statements or Observations or during the oral argument, on
which any distinction in principle between the two cases could
be based or which would justify the rejection of the legal prin-

ciples adopted and applied in that case.

Still another consideration can be advanced, in support of an
affirmative answer to Question IV, or as a compelling reason
for rejecting a negative answer. In 1758, Vattel formulated a
rule or principle of interpretation in the following words :

"Any interpretationthat leads to an absurdity should be rejec:ed
or, in other words, we cannot give to a deed a sense that leads
to an absurdity, but we must interpret it so as to avoid the
absurdity ....(The Law of Nations or the Principles of Natural
Law. Text of 1758 :Book II: S.282.)
This mle has been regarded as authoritative by the foreign
offices of the world and by international lawyers and tribunals

for one hundred and ninety-two years.
The authonty of the principle, which is embodied in Vattel's
formula, has been recognized as recently as March 3rd, 1950,
by this Court. In the case, Competence of the Assembly regarding
admission to the United Nations, Advisory Opinior : I.CJ. Reports
1950, at page 8, it is stated :
" ...The Court considersit necessaryto say that the first duty
of a tribunal which is called upon to interpret and apply the

27245 OPINION DISSIDENTE DE M. READ

traité, est de s'efforcerde donner effet, selon leur sens naturel et
ordinaire,à ces dispositions prises dans leur contexte. Si les mots
pertinents, lorsqu'on leur attribue leur signification naturelle et
ordinaire, ont un sensdans leur contexte, l'examen doit s'arrêterlà.
En revanche, si les mots, lorsqu'on leur attribue leur signification
naturelle et ordinaire,sont équivoquesou conduisent à des résultats
déraisonnables,c'est alors - et alors seulement - que la Cour doit
rechercher par n'autres méthodesd'interprétationce que les parties
avaient en réalité dans l'esprit quandelles sesont servies des mots
dont il s'agit. Comme l'a dit la Cour permanente, dans l'affaire
relative au Servicepostalpolonais à santzig (C. P. J. I., SérieB,
no II,p. 39):

((C'est un principe fondamental d'interprétation que les mots
doivent être interprétésselon le sens qu'ils auraient normale-
ment dans leur contexte, à moins que l'interprétation ainsi
donnéene conduise àdes résultats déraisonnablesou absurdes. » ))

Il a étédémontré plus haut qu'une réponse négative à la Ques-
tion IV conduirait à l'institution, par la voie de l'interprétation

judiciaire, d'une clause (échappatoire », accessible seulement aux
contrevenants au traité, qui permettrait à une partie au traité
de paix défaillante de ruiner l'efficacité de l'article relatif aux
différends et de manquer impunément à la plupart des engage-
ments souscrits par elle, en vertu des dispositions de fond, et
en particulier de rendre en grande partie illusoires les garanties
destinées à assurer le respect des droits de l'homme et des libertés

fondamentales.
Je suis fermement d'avis qu'en vertu des termes de l'article 38
du Statut et conformément à l'opinion exprimée par la Cour,
telle qu'elle a étéénoncéedans l'affaire citée plus haut, je suis.
obligé de rejeter une réponse négative qui ((conduirait à des
résultats déraisonnables », et de répondre affirmativement à la
Question IV.

A la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu d'exa--
miner la question III, laquelle est ainsi conçue :

((III. Le Secrétaire général de Nsations Unies est-2'1autorisé,
si l'une des parties ne désignepas de représentantà une
commission prévue parles traitésde paix avecla Bulgarie,
la Hongrie et la Roumanie, alors qu'elle esttenue d'en
désignerun, à désigner le tiers membrede la commission sur-

la demande de l'autre partie au diférend, conformément
aztx dispositions des traités en cause ? )) DISSENTING OPINION OF JUDGE READ 245
provisions of a treaty, is to endeavour to give effect to them in
their naturaland ordinary meaning in the context in which they
occur. If the relevant words in their natural and ordinary meaning
make sense in their context, that is an end of the matter. If, on
the other hand, the words in their natural and ordinary meaning
are arnbiguous or lead to an unreasonable result, then, and then
only, must the Court, by resort to other methods of interpretation,
seek to ascertain what the arties really did mean when they
used these words. As the 8ermanent Court said in the case
conceming the Polish Postal Sm'ce in Danzig (P.C.I.J., Senes B.
No. II,p. 39) :

be interpretedinnthe sense which they would normally haves must
in their context, unless such interpretation would lead to
something unreasonable or absurd.'"

It ha been established above that a negative answer to
Question IV would lead to the establishment, by the process of
judicial interpretation, of an escape clause, available only to

treaty violators, which would enable a defaulting Party to the
Treaty of Peace to destroy the effectiveness of the Disputes
Article and to disregard with irnpunity most of its undertakings
under the substantive provisions, and, in particular, to render
largely nugatory the guarantees for securing human nghts and
fundamental freedoms.

1 am firmly of the opinion that 1 am bourid, by the terms of
Article 38 of the Statute and in accordance with the views of
this Court, as set forth in the case cited above, to reject a negative
answer which would "lead to an unreasonable result", and to
give an affirmative answer to Question IV.

In the light of the foregoing considerations, it is necessary to
deal with Question III, which reads as foliows :

"III. If oneParty fails to appoint a refvesentative to a Treaty
Commission under the Treaties of Peace with Bulgaria,
Hungary and Romania wke that Party is obligated to
appoint a representativeto the Treaty Commission, is the
Secretary-General of the United Nations authorized to
appoint the third member of the Commission upon the
repuest of the other Party to a dispute according to the
provisions of the respective Treaties?"

28246 OPINION DISSIDENTE DE M. READ

Dans l'article relatif aux différends(cité plushaut), on se sert
de l'expression «tiers membre ». J'ai déjà indiquéles motifs qui
m'induisent à penser que les parties, en se servant du mot « tiers»,
n'entendaient pas viser l'ordre de désignation chronologique.
Elles entendaient le mot ((tiers» au sens où les juristes parlent
de « tiercesparties» ou de « mise en cause d'un tiers » (third party
procedure), ou au sens où les juristes internationaux se servent
des expressions «tiers membre » ou « État-tiers »,dans les affaires
internationales, y compris la pratique en matière d'arbitrage.
Cette manière de voir est confirméepar l'usage de l'expression
« pays-tiers». Il serait impossible d'attribuer au mot «tiers»
une signification numérique dans cette dernière expression. Dans
un différend,une autre partie au traité serait un «pays-tiers »,
si le mot «tiers» était interprété dans un sens numérique et
primaire. Je ne doute pas que l'intention des parties ait étéde
limiter le pouvoir du Secrétaire général à la désignationde res-
sortissants appartenant à des pays qui, n'étant pas parties au
traité, ne seraient pas intéressés.En conséquence, j'estimeque
les expressions « tiers-membre » et « pays-tiers» sont des appel-
lations commodes, lorsqu'il s'agit de faire mention de membres
ou de pays neutres et, partant, non intéressésaux différends.
La Cour ne peut laisser de côté l'importance du fait que, dans

les dispositions de l'article relatif aux différends, iln'est prévu
qu'une seule condition qui doive êtreremplie avant que le Secré-
taire généralait le pouvoir de procéder à la désignation du tiers
membre. Cette conditon est énoncéedans les termes suivants :
« A défaut d'accorddans un délaid'un mois entre les deux parties
au sujet de la désignation de ce tiers membre ....»Alors que les
parties ont, en termes clairs, exposéla condition dont la réalisation
doit précéder l'usaged'un pouvoir, seuls les motifs les plus forts et
les plus astreignants justifieraient l'adjonction d'une condition
supplémentaire, par voie d'interprétation judiciaire. Or, iln'existe
pas de motifs puissants qui obligent à le faire. Au contraire, j'ai
exposéplus haut les raisons les plus fortes et les plus astreignantes,
qui militent en faveur du rejet d'une telleinterprétation judiciaire.
En conséquence,j'estirne que la troisième question doit recevoir
une réponse affirmative.

La Question IV est ainsi conçue :
((Si la réponseà la question III est affinnative:

29 DISSENTING OPINION OF JUDGE READ 246

The Disputes Article (cited above) uses the expression "third
member". 1 have already referred to my reasons for thinking
that the Parties did not mean "third" in the order of chronological
appointment. They meant "third" in the sense in which lawyers
speak of "third parties" or "third party procedure", or in the
member" or "third State" in international matters, includingird
arbitration practice. This view is confirmed by the use of the
expression "third country". It would be impossible to attribute
numerical significance to "third" in the latter expression. In
a dispute, another Party to the Treaty would be a "third
country" if the word "third" is construed as having its numerical
and primary meaning. 1 have no doubt that the Parties intended
to restrict the Secretary-General's authority to the appoint-
ment of nationals of countries which were not Parties to the
Treaty and which would therefore be disinterested. Accordingly,
I am of the opinion that the expressions "third member" and
"third country" are a concise and convenient way of refemng
to members of countries which are neutral or disinterested in
the disputes.

The Court cannot overlook the significance of the fact that
the provisions of the Disputes Article prescribe only one condition
to be satisfied before the Secretary-General has authority to
appoint the third member. That condition is stated in the following
words :"Should the two parties fail to agree within a period of
one month upon the appointment 'ofthe third member ....When
the Parties have, in plain language, set forth the condition, the
happening of which must precede the exercise of an authority,
only the strongest and most compelling reasons would justify
the establishment of an additional condition by the process of
judicial interpretation. There are no strong and compellingreasons.
On the contrary, 1 have set forth above the strongest and most
compelling reasons for rejecting such a judicial interpretation.

Accordingly, 1 am of the opinion that an affirmative answer
must be given to the third question.

Question IV reads as follows :
"In the event of an affirmative reply to Question III :

29 OPINION DISSIDENTE DE M. READ
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((IV. Une commission prévue parles traitésqui serait composée
d'un représentantde l'une des parties et d'un tiers membre
désigné par le Secrétairegénérad les Nations Unies serait-
elle considéréceomme commission au sens des articlesperti-
nents des traitésetqualifiée pourprendredes décisionsdéfini-

tives et obligatoiresdans le règlementd'un diflérend? ))

J'ai déjàexposédes motifs suffisants à l'appui de ma conclusion
selon laquelle une réponse affirmative devrait être donnée à la
quatrième question. DISSENTING OPINION OF JUDGE READ 247
IV. Would a Treaty Commissim composed of a representative
of oneParty and a third memberappointed by the Secretary-
General of the United Nations constitute a Commission,
within the meaning of the relevantTreaty articles,competent
to makea defînitive and binding decision in settlementof a
dispute?'

1 have already given sufficient reasonsfor my conclusion that
an affirmative answermust be given to the fourth question.

(Signed) J. E. READ.

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Opinion dissidente de M. Read (traduction)

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