Opinion dissidente de MM. Basdevant et Winiarski, Sir Arnold McNair et M. Read

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003-19480528-ADV-01-03-EN
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OPINION DISSIDENTE

DE MM. BASDEVANT ET WINIARSKI,
SIR ARNOLD McNAIR ET M. READ

I. Tout en partageant l'opinion de la majorité de la Cour sur le
caractère juridique de la première question, sur la compétence
qu'a la Cour d'y répondre et sur le fait qu'une réponse est souhai-
table, ainsi que sur la compétence de la Cour pour interpréter la
Charte en son application au cas présent, nous regrettons de n'être
pas en mesure de nous rallier aux réponses données aux deux
questions et nous désirons exposer les motifs de notre désaccord.

2. La demande d'avis consultatif adressée à la Cour est ainsi
énoncée :

((Un Membre de l'Organisation des Nations unies appelé, en
vertu de IJarticIe 4 de la Charte,à se prononcer par son vote,
soit au Conseil de Sécurité, soià l'Assembléegénérale,sur l'ad-
mission d'un État comme Membre des Nations unies, est-il juri-
diquement fondé à faire dépendre son consentement à cette
admission de conditions non expressément prévues à l'alinéaI
dudit article? En particulier, peut-il, alors qu'il reconnaît que
les conditions prévues par ce texte sont remplies par l'État en
question, subordonner son vote affirmatif à la condition que,
en mêmetemps que lJEtat dont il s'agit, d'autres États soient
également admis comme Membres des Nations unies ? 11

Ily a là deux questions dont nous examinerons tout d'abord la
première.

3. Il nous parait impossible de considérer cette question comme
concernant uniquement les arguments ou explications qu'un
Membre des Nations unies présenterait devant le Conseil de Sécu-
rité ou l'Assemblée généraleau cours de l'examen d'une demande
d'admission et non les considérations dont ce Membre s'inspire dans
son vote. D'une part, il est demandé si ce Membre est ((juridique-
ment fondé à faire dépendre son consentement à l'admission »de
conditions non prévues à l'articl4, paragraphe I. Or, son consen-

tement à l'admission sera donné par son vote. C'est donc bien le
vote qui est ici en cause ainsi que le confirme l'expression «subor-
donner son vote affirmatif» qu'emploie la seconde question,
complCmentaire de la première. D'autre part, il serait singulier
d'arriver à une interprétation d'où découleraient la liberté pour un
Membre de s'inspirer de telle considération dans son vote et I'inter-
diction à lui faite de l'invoquer dans la discussion préliminaire ; la
franchise des explications, condition du bon foi~ctionriement des

29 83 OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE
institutions internationales,n'y gagnerait rien. Sans doute n'est-il
pas possible de scruter les motifs cachésd'un vote et n'existe-t-il
aucune voie de droit pour redresser un vote contraire àla Charte qui
serait émisau Conseil de Sécuritéou à l'Assembléegénérale : cela
ne fait pas obstacle A ce que certaines règlesde droit s'imposent aux

Membres des Nations unies votant dans l'un ou l'autre de ces corps :
l'articl4, paragraphe 1, qui leur interdit d'admettre un État ne
remplissant pas les conditions qui y sont énoncées,en fournit un
exemple. La distinction que l'on tenterait ainsi d'introduire ne
saurait être admise : eile serait incompatible avec les termes mêmes
de la question posée et risquerait de compromettre, dans son
application, le respect de Ia bonne foi qui doit régir l'accomplisse-
ment des obligations de la Charte (article 2, no z).

4. Il s'agit de déterminer si, en dehors des conditions expressé-
ment prévues à l'articl4, paragraphe 1,un Membre des Nations
unies a la liberté de choisir les motifs qui détermineront son vote
ou qu'il invoquera au cours de la procédure d'admission devant le
Conseil de Sécuritéou l'Assembléegénéraleou si, au contraire, il
lui est interdit de s'inspirer de considérations étrangères aux
conditions prévuesà l'article4,paragraphe I.La question est posée

à propos de l'attitude de ce Membre au Conseil de Séciiritéou à
1'Assenibléegénérale: ce Membre n'y est considéréque comme
partie de ces organes, comme contribuant à l'klaboration et A
l'adoption de la recommandation du Conseil de S6curitéou de la
décisionde l'Assembléegénérale.La liberté de ce Membre ne peut
être icini plus grande ni moindre que celle de l'organe dans lequel
il est appelé à émettre son vote. Pour résoudrela question posée à
l'égard dece Membre, il faut déterminer ce qii'ilen està propos di1
Conseil de Sécuritéet de l'Assembléegéngrale.

5. Si la question ci-dessus énoncéea étéposée,c'est que les textes
invoqués n'ont pas paru assez clairs pour qu'il en résultgt directe-

ment et incontestablement la solution de ladite question. Tel a été
le sentiment de l'Assembléegénéraleet tel est aussi le nôtre. Nous
estimons, en conséquence, êtreen présence d'une question d'inter-
prétation et devoir appliquer les règles généralement admises en
matière d'interprétation des traités.

6. Le texte à considérer est l'article 4 de la Charte, lequel
dispose :
30 84 OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE
((I. Peuvent devenir Membres des Nations unies tous autres

Charte et, au jugement de l'organisation, sont capables de les

remplir et disposés à le faire.
2. L'admission comme Membre des Nations unies de tout État
remplissant ces conditions se fait par décision de l'Assemblée
généralesur recommandation du Conseil de Sécurité. ))
Bien que la rédaction adoptée par l'Assemblée générale seborne
à mentionner le paragraphe I de cet article, son paragraphe 2 n'est

pas moins directement en cause, puisqu'il s'agit ici des débats et
du vote au sein du Conseil de Sécuritéet de l'Assemblée générale
examinant une demande d'admission et que c'est ce paragraphe z
qui détermine le rôle respectif du Conseil de Sécuritéet de 1'Assem-
blée générale en matière d'admission.
Au surplus, c'est une règle d'interprétation bien établie et appli-
quéepar la Cour permanente de Justice internationale qu'un texte
doit être lu en son entier.

En outre, il faut replacer le texte dans son milieu juridique fourni
ici par les autres dispositions de la Charte et les principes du droit
international.
7. La première constatation à tirer de la lecture de l'article 4

en son entier est que la Charte n'a pas suivi l'exemple des traités
multilatéraux créant des unions internationales qui souvent
contiennent une clause d'adhésion en vertu de laquelle une décla-
ration d'adhésion émanant d'un État tiers entraîne l'acquisition
par celui-ci de la qualité de Membre. La Charte a adopté à l'exemple
du Pacte de la Sociétédes Nations et en corrélation avec le fait
qu'elle créait une organisation politique internationale, un système
différent et plus complexe, le système de l'admission. Celui-ci

comporte une décision de l'Assembléepar laquelle (se fait))l'admis-
sion ; cette décision est prise sur recommandation du Conseil de
Sécurité ; tout cela suppose une demande de 1'Etat qui désire être
admis ;larecommandation ne peut intervenir et la décisionne peut
êtreprise que si certaines conditions énoncéesau paragraphe I de
l'article 4 sont réunies chez l'État candidat.

8. Dans ce système, l'essentiel est la décision de l'Assemblée
générale par laquelle (( se fait » l'admission. La disposition de
l'article 4, paragraphe 2, qui fixe, à cet égard, la compétence de
l'Assemblée généraleet celle du Conseil de Sécurité, ne se borne

pas à établir une simple forme procédurale pour l'application de la
règle qui prévoit l'admission de nouveaux Membres. Donner un
tel caractère à cette disposition ne serait concevable que si l'on
avait adopté ici un système d'adhésion et non d'admission : si tel
était le système, on aurait plutôt conférécerôle procédural au Secré-
taire général.On n'a pas établi ici un système d'adhésion mais un

3185 OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE
système tout différent d'admission. La Charte fait intervenir pour
recommander puis pour effectuer l'admission les deux grands
organes politiques des Nations unies :il n'est pas possible, par voie
d'interprétation, de considérer ces organes comme de simples

mécanismes de procédure, comme c'est le cas pour le Comité des
admissions institué par le Conseil de Sécurité.Dans le système de
la Charte, l'admission est effectuée par décision de l'Assemblée
générale, laquelle ne peut intervenir que sur recommandation du
Conseil de Sécuritéet après que ces deux organes se sont assurés
que les conditions requises par l'article 4, paragraphe 1, sont
remplies.

g. Les résolutions portant recommandation ou décision en
matière d'admission sont des décisions d'ordre politique : elles
émanent d'organes politiques ;elles comportent, de l'avis de tous,
l'examen d'éléments politiquesen vue d'apprécier si les conditions
requises par l'article 4, paragraphe 1, sont remplies ; elles ont un
effet politique qui est de modifier le statut de l'État considéréen
faisant de lui un Membre des Nations unies. Le Conseil de Sécurité,
qui intervient ici par la voie de la recommandation, assume, aux
termes de l'article 24 de la Charte, « la responsabilité principale du
maintien de la paix et de la sécurité internationales »,lequel est
placé par l'article premier en tête des Buts des Nations unies.
L'admission d'un nouveau Membre est, au premier chef, un acte
politique, acte politique de la plus haute importance.

Un organe politique a pour fonction principale d'examiner les
questions au point de vuepolitique, c'est-à-dire sous tous les aspects.
Il en résulte que les Membres de cet organe qui ont la responsabilité
de former sa décision ont à examiner les questions sous tous les
aspects et que, par suite, ils sont juridiquement fondés à faire
reposer leur argumentation et leur vote sur des considérations
politiques. Tel est le cas pour le membre du Conseil de Sécuritéou
de l'Assemblée générale qui soulève une objection fondée sur
d'autres motifs que l'absence d'une des conditions expressément
prévues à l'article 4, paragraphe I.
Cela, bien entendu, sauf limitation de droit à cette liberté. Nous
ne prétendons pas que l'organe politique et ceux qui participent à

la formation de sa décisionéchappent au respect du droit. Le Conseil
de Sécurité,l'Assembléegénéraleet les Membres qui par leur vote
participent à leurs décisions sont évidemment tenus de respecter
l'article4, paragraphe 1, et, en conséquence, de ne pas admettre
un Etat qui neremplit pas les conditions énoncéesdanscette dispo-
sition.
Mais existe-t-il, en droit, une autre exception à la liberté qu'ont,
en principe, ces organes de choisir les motifs de leur détermination,
à la liberté qu'a, en principe, un État de choisir les motifs de ses 56 OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE

déterminations et, dans le cas présent, de son vote ? Cette
exception serait ici l'interdiction d'introduire, à l'encontre d'une
demande d'admission, des considérations étrangèresaux conditions
prévues par l'article 4, paragraphe I.

IO. Il s'agit de déterminer s'il existe une telle exception au
principe de droit qui a étérappelé ci-dessus.
C'est une règle d'interprétation souvent appliquée par la Cour
permanente de Justice internationale en présence d'une règle ou
d'un principe de droit qu'une exception à cette règleou à ce principe

ne se présume pas, qu'elle a besoin d'êtreclairement établie et que,
dans le doute, c'est ladite règle ou ledit principe qui prévaut. Pour
que, dans le cas présent, une exception au principe de complet
examen des demandes d'admission par le Conseil de Sécurité,
l'Assemblée généraleet leurs membres existe, il faut que cette
exception soit clairement établie.

L'exception audit principe consistant à interdire l'introduction,
dans l'examen de demandes d'admission, de conditions non expres-
sément prévues par l'article 4, paragraphe 1, a-t-elle étéainsi
clairement établie ?

II. Elle ne l'a étépar aucun texte.

L'article 4,paragraphe 1,seul texte auquel on peut se référersur
ce point, signifie bien que certaines conditions qu'il énumèresont
requises pour l'admission, qu'elles sont nécessaires, mais il ne dit

pas expressément et directement que lesdites conditions sont suffi-
santes et qu'une fois remplies l'admission doive s'ensuivre néces-
sairement.
Non seuleme~it ce texte ne le dit pas, mais il ne l'implique pas,
bien au contraire.
Le langage de l'article 4 : « Memberslzip is open », « Peuvent
devenir membres », l'admission « will be egected »,((se fait », a
un caractère nettement permissif et non impératif. Autant que nous
le sachions, les textes chinois, russe et espagnol de la Charte ne
contiennent rien qui contredise cette opinion. L'article 4, para-

graphe 1, indique bien que les États réunissant les conditions qui y
sont énuméréeo snt les titres voulus pour êtreadmis ; cette énumé-
ration est limitative en ce sens qu'aucune autre condition n'est
exigée par la Charte ; cette disposition, qui interdit d'admettre
un État ne remplissant pas ces conditions, correspond pleinement
à l'intention de ses rédacteurs et a sa pleine valeur juridique. Mais
cette disposition ne fait pas apparaître une intention certaine
d'enlever ail Conseil de Sécurité,à l'Assembléegénéraleet à leurs
membres la faculté que, de droit commun, ils possèdent de faire

intervenir d'autres considérations.
Loin de leur retirer cette faculté, l'article4 en apporte la confir-
mation.
33 87 OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE
12. Et cela correspond aux intentions des auteurs de la Charte.

Sans vouloir examiner ni apprécier d'une manière générales'il
est justifié de recourir aux travaux préparatoires pour interpréter
un traité, il faut admettre que, s'il est un cas dans lequel ce procédé
est justifié, c'est lorsque ceux quiont négocié letraité ont exprimé,
dans une résolution interprétative ou une disposition analogue,
leur intention précise touchant le sens qu'ils ont attribué à un
article du traité. Tel fut précisémentle cas à1'égard.d~paragraphe 2
de l'article 4.

13. Avant d'en arriver là, nous indiquerons tout d'abord que
si les procès-verbaux de la Conférencede San-Francisco font nette-
ment apparaître l'importance attachée aux conditions d'admission

qui y sont énoncéesainsi qu'au rôle de l'Assembléegénéraleet du
Conseil de Sécurité en matière d'admission, s'ils font nettement
apparaître que lesdites conditions ont étéconsidéréescomme néces-
saires, ils ne font pas apparaître la préoccupation de les tenir pour
suffisantes et de mettre à la charge de l'organisation l'obligation
juridique d'admettre l'État qui les réunit.

14. Sans entrer dans l'exposé complet de l'élaboration de
l'article 4, nous retiendrons les points suivants.
Les Propositions de Dumbarton Oaks (chapitre III, Membres, et
chapitre V, Assemblée générale)contenaient les deux dispositions

suivantes :
« Devrait pouvoir être Membre de l'Organisation tout État
éprisd'un idéal de paix. 11
« L'Assembléegénéraledevrait avoir le pouvoir d'admettre de
noiiveaux Membres dans l'organisation, sur la recommandation
du Conseil de Sécurité. I)

(Rappelons qu'il s'agissait de propositions et non d'un projet
d'articles).

A San-Francisco, la première de ces dispositions fit l'objet d'un
examen par le Comité 2 de la Commission 1, et donna finalement

naissance au paragraphe I de l'article 4 de la Charte. Les procès-
verbaux dudit Comité figurent au volume VI1 des documents de
la Conférence. On trouvera à la page 315 le rapport du rapporteur
du Comité112présentant le texte de l'article 4, paragraphe 1, dans
une forme qui est en substance celle qui a étéadoptée. Après avoir
signalé le rejet de la proposition en faveur de l'universalité, ce
rapport mentionne que « deux tendances principales s'étaient
manifestees daas !es discussions »,l'une en faveur ((de l'insertion
dans la Charte de conditions précises auxqiielles les nouveaux

Nembres devraient satisfaire notamment en ce qci concerne le
régimeet la politique des divers gouvernements »,l'autre adoptée 88 OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE
par « ceux qui soutenaient que la Charte ne devait pas sans raison
limiter l'organisation dans ses décisions concernant les demandes

d'admission, et affirmaient que l'organisation elle-même serait
mieux inspiréepour juger de l'attitude des candidats àl'admission )).
On trouve plus loin, à la mêmepage. le passage suivant :
« C'était dire clairement que l'admission d'un Membre nouveau
serait soumise à un examen, mais le Comiténe crut pas devoir
recommander l'énumérationdes éléments qui seraient à considérer
dans cet examen. Il prit en considération les difficultésqu'il y
aurait à évaluer les institutions politiques des États et craignit
que la mention dans la Charte d'un examen de cette nature ne
portât atteinte au principe de la non-intervention ou, si l'on aime
mieux, de la non-ingérence.Cela n'impliquait pas cependant que,
lorsqu'il s'agirait de se former un jugement sur l'opportunité de
l'admission d'un Membre nouveau, des considérations de tout
ordre ne pussent entrer en ligne de compte. ))

On remarquera que ces derniers mots appellent l'Organisation,
c'est-à-dire le Conseil de Sécuritéet l'Assemblée générale,à faire
l'examen le plus large. Sansdoute a-t-on pu avancer que la dernière
phrase ci-dessus citée concernerait seulement l'examen auquel
l'organisation doit procéder touchant les conditions énoncées à
l'article 4, paragraphe I. Cette interprétation ne s'impose pas ;elle
est purement hypothétique et est en contradiction avec le texte

français de ce rapport qui indique qu'il s'agit là, pour l'organisation,
« de se former un jugement sur l'opportunité de l'admission d'un
Membre nouveau ): un jugement sur l'opportunité de l'admission,
cela n'est pas, cela dépasse la constatation que les conditions de
I'article 4, paragraphe 1, sont remplies.
Un peu plus loin (p. 318), ce mêmerapport, commentant le futur
article 4, paragraphe 1,dans une phrase dont la portée est rehaussée
par lefait quecette phrase a étésubstituée à une rédaction antérieure
plus vague (p. 300), déclare quc « le texte adopté énonce plus

clairement que le texte original de Dumbarton Oaks les condi-
tions requises pour devenir Membre et considérées comme
fondamentales ; il constitue ainsi, pour l'Assemblée générale et
le Conseil de Sécurité, un guide plus sûr pour déterminer
l'éligibilité des nouveaux Membres M. Si les conditions requises
par I'article 4, paragraphe 1, sont considérées comme fondamen-
tales, cela n'exclut pas mais plutôt implique la possibilité d'en
exiger d'autres, à un autre titre et de manière moins impérative.
La deuxième disposition des Propositions de Dumbarton Oaks

a étésoumise, à San-Francisco, à l'examen du Comité I de la
Commission II (Assemblée générale), dont les comptes rendus
figurent au volume VI11 des documents de la Conférence.Le rapport
du rapporteur dudit Comité, rapport approuvé par le Comité et
daté du 28 rnai 1945, contient le paragraphe suivant (VIII, p. 46r) :

dation du Conseil de Sécurité, puisse admettre de nouveaux-89 OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE
Rlembres. (Voir annexe ci-jointe, point z.) Certains déléguése ,n

appuyant l'acceptation de ce principe, insistent sur le fait que
le but primordial de la Charte est de créerune assurance complète
contre une résurrection de la guerre, et que par conséqztent c'est
le Conseil de Sécuritéqui doit assumer la responsabilité initiale
de proposer la participation de nouceaux États. )(Soulignépar nous.)

L'annexe, paragraphe 2 (p. 465), s'exprime comme suit :

ccL'Assembléegénérale ale pouvoir d'admettre de nouveaux
Membres dans l'Organisation sur la recommandation du Conseil
de Sécurité. »
Il serait difficile d'user d'un langage plus discrétionnaire, plus
permissif que la formule ((may admit »,« a le pouvoir d'admettre ».

Le compte rendu résuméde la 15meséance du mêmeComité, qui
a eu lieu le 18 juin 1945, contient le passage suivant (VIII, p. 490) :

((Admission de nouveaux membres.
Le Comité examine le texte suivant du chapitre V, section B.
paragraphe z, des Propositions de Dumbarton Oaks, soumis à
l'examen du Comité de Coordination :
((L'admission de tout État comme membre des Nations unies
est prononcée par l'Assemblée généralesur la recommandation
du Conseil de Sécurité. »

Le Secrétaire informe le Comitéqu'il a étéavisépar le Secrétaire
du Comité consultatif de juristes qu'à l'avis de ce Comité ces
textes n'afaibliraient en rien le texte original adoptépar le Comité.
En raison de cette interprétation, le texte est approuvé par le
Comité. 1)(Soulignépar nous.)

Le second rapport du Comité 1111,qui fut soumis à l'approbation
des Membres, le 19 juin 1945, contient le passage suivant (VIII,

P. 498) :
((Admission de nouveaux Membres (chapitre V, section, B,
paragraphe z, des Propositions de Dumbarton Oaks).
Le Comité a discuté une revision du texte de ce paragraphe
qui était à l'examen devant le Comité de Coordination afin de
déterminer si le texte proposé diminuait d'une façon quelconque
le pouvoir de l'Assembléed'admettre de nouveaux Membres sur
la recommandation du Conseil de Sécurité.
Le Comité a étéavisé que le nouveau texte, dans l'opinion

du Comitéconsultatif de juristes, ne diminue pas le droit de l'As-
semblée d'accepter ou de rejeter une recommandation en faveur
de l'admission d'un nouveau Membre.. ..
Le Comité a décidéque cette interprétation devrait êtreincluse
dans son procès-verbal comme étant celle à donner à cette dispo-
sition de la Charte, et se basant sur cette décision,il a approuvé
le texte sous la forme suggéréepar le Comité de coordination. »
36go OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE
Cela montre que le texte ainsi élaboréet qui est devenu l'article 4,
paragraphe 2,a étéconçu comme donnant un pouvoir très large à
l'Assembléegénérale.
Enfin, M. Delgado, rapporteur de la Première Commission, a dit,
tant dans son rapport à la Conférerice (VI, p. 256) que dans le
discours qu'il prononça, le 25 juin, à la séance plénière : « Les

nouveaux Membres ne seront admis que s'ils sont reconnus amis de
la paix, s'ils acceptent les obligations de la Charte, et si, après
examen de l'organisation, ils sont jugés capables d'exécuter ces
obligations. )) (1,p. 636.)
Il a ainsi très clairement énoncéque les conditions de l'article 4,
paragraphe 1, sont des conditions nécessaires. S'il avait pensé
qu'elles fussent suffisantes, il n'eût pas manqué de le dire.

15. On ne peut, d'autre part, perdre de vue le sens du mot
« recommandation 1figurant au deuxième paragraphe de l'article 4.
Le Conseil de Sécuritéa pour fonction de rejeter ou de recommander
une candidature. D'une part, ce fait indique la nature discrétion-
naire de cette fonction du Conseil de Sécurité,tandis que, d'autre
part, le pouvoir dont jouit l'Assemblée générale d'accepter la
recommandation et d'admettre le candidat ou de rejeter la candi-
dature indique que la fonction de l'Assembléegénéraleest, en cette
matière, discrétionnaire.

16. Pour ce qui concernespécialement la libertépour un Membre
des Nations unies d'avancer, au cours de l'examen d'une demande
d'admission, telle ou telle considération étrangère aux conditions
expressément prévues par l'article 4, paragraphe 1, nous ajouterons
que l'Assembléegénéraleet le Conseil de Sécuritéont, en vertu des
articles 21 et 30 de la Charte, le droit de réglementer leur propre
procédure. Il n'est pas possible de rien trouver d'autre qui limiterait
la liberté de discussion, et, par conséquent, sous réserve de la com-
pétence réglementaire générale dont jouit chaque organe, un
Membre a le droit d'exprimer son opinion pendant les débats.

17. De toutes ces considérations il résulte, à notre avis, qu'un
Membre des Nations unies reste juridiquement fondé 2 avancer,
soit au Conseil de Sécurité, soit à l'Assembléegénérale,dans le
débat sur l'admission d'un nouveau Membre, des considérations
étrangèresaux conditions énoncées à l'article4, paragraphe 1, et,
ces conditions étant supposéesremplies, à déterminer son vote par
ces considérations.

18. Il nous apparaît que si la Charte a tenu les conditions énon-
céesà l'article 4, paragraphe 1, pour nécessaires, elle ne les a pas
tenues pour suffisantes. Si elle les avait considérées commesuffi-
santes, elle n'aurait pas manqué de le dire :le point était d'assez
grande importance pour mériter de n'êtrepas laissédans l'ombre.
On comprend que les auteurs de la Charte qui n'entendaient
pas consacrer le principe de l'universalité n'aient pas voulu éliminer

37 g1 OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE

l'examen des aspects politiques très divers que peut, dans certains
cas, présenter la question d'admission. A considérer la diversité
des conditions politiqiies des Etats qui n'ont pas été Membres
originaires des Nations unies - les uns anciens ennemis, d'autres
anciens neutres, l'un neutre permanent en vertu d'un-traité, les uns
ayant un empire, les autres n'en ayant pas, les uns Etats unitaires
et d'autres fédératifsou formant quelque autre union d'Etats -, à
considérer en outre Les répercussions politiques que pourraient
entraîner la fusion dJEtats existants ou la naissance de nouveaux
Etats et leur entrée au sein des Nations unies, les auteurs de la

Charte, aprts avoir décidéde donner ici un rôleparticulier au Conseil
de Securité,ont peut-être agi sagement en estimant, comme nous
pensons qu'ils l'ont fait, qu'il était impossible de faire plus que
d'énoncer certaines qualifications préliminaires et essentielles pour
l'admission comme Membre et de laisser la question de l'admission
à la bonne foi et au bon sens du Conseil de Sécuritéet de l'Assemblée
générale,particulièrement au premier de ces deux organes en raison
des responsabilités particulières dont il a étéchargé. Les auteurs
de la Charte devaient voir au delà de l'année 1945 et s'efforcer de
disposer pour des éventualités que l'avenir pouvait réserver. Un
simple regard jeté sur les modifications survenues dans la carte du
monde au cours de la brèvepériodequi s'est écouléedepuis juin 1945
nous incline à penser que les auteurs de la Charte ontétéprévoyants

et prudents dans ce qu'ils ont établi.
19. Lorsqu'un Membre desNations unies introduit dans l'examen
d'une demande d'admission une considération étrangère aux condi-
tions de l'article4, paragraphe 1, il ne fait pas la mêmechose que
si la Charte avait fait de cette considération une condition s'ajou-

tant à celles déjà prévues. Cela ne pourrait êtrefait que par un
amendement à la Charte, et il ne s'agit pas de cela. Ce Membre se
borne, usant d'un droit qui lui appartient, à introduire dans le
débat une considération politique qui lui parait importante, dont
il lui appartient de s'inspirer, mais qu'il appartient également aux
autres Membres d'apprécier s'ils entendent également la retenir ou
s'ilspréfèrent l'écarter,sans êtrejuridiquement tenus deluiaccorder
aucune attention, alors qu'au contraire ils seraient juridiquement
tenus de s'incliner devant une objection déduitede l'absence dûment
constatée de l'une des conditions prévues à l'articl4,paragraphe 1,
de la Charte.

20. Si les Membres des Nations unies ont ainsi le droit et l'obli-
gation de tenir compte de toutes les considérations d'ordre poli-
tique qui, à leur avis, sont pertinentes lorsqu'il s'agit de décider
de l'admission d'un hlembre des Nations unies ou de son admission
immédiate, il ne faut pas perdre de vue que, d'une part, il existe
pour tous les Membres des Nations unies une obligation juridique
généraled'agir selon la bonne foi que vise d'ailleurs l'article 2,
paragraphe 2, de la Charte et en vue de réaliser lesButset Principes

38g2 OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE
des Nations unies, et que, d'autre part, ceux qui, à un titre quel-
conque, siègent au Conseil de Sécuritéparticipent à l'action d'un
organe qui, en s'acquittant des devoirs que lui impose la responsa-

bilité principale du maintien de la paix et de la sécuritéinterna-
tionales, agit au nom de tous les Membres.

Cela ne permet pas de considérer la liberté ainsi laissée aux
Membres des Nations unies comme illimitée, ni leur pouvoir comme
arbitraire.

21. Pour ces motifs, nous estimons que la réponse à la première
question devrait être la suivante :

Un Membre des Nations unies, appelé, en vertu de l'article 4 de
la Charte, à se prononcer par son vote, soit au Conseil.de Sécvrité,
soit à l'Assemblée générale, sur l'admission d'un Etat possédant
les qualifications prévues au paragraphe I de cet article, participe
à une décision politique ;il est donc juridiquement fondé à faire
dépendre son consentement à cette admission de toute considération
à ses yeux pertinente, d'ordre politique. Cependant, dans l'exercice
de ce pouvoir, ce Membre est juridiquement obligéde se conformer
au principe de la bonne foi, de s'inspirer des Buts et des Principes

des Nations unies et d'agir d'une manière qui n'implique pas
manquement à la Charte.
22. Ayant ainsi répondu à la première question, nous passons
à la seconde, libellée comme suit :

((En particulier, peut-il, alors qu'il reconnaît que les conditions
prévues par ce texte sont remplies par l'État en question, subor-
donner son vote affirmatif à la condition que, en mêmetemps
que l'État dont il s'agit, d'autres États soient également admis
comme iviembres des Nations unies ?»

La pratique de l'Assemblée généraleet du Conseil de Sécurité
en matière d'admission de nouveaux Membres ne connaissant que
le vote affirmatif, le vote négatif et l'abstention, et non le vote
sous condition, la deuxième question posée doit s'entendre comme
demandant à la Cour de déterminer si un Membre de l'Orga-
nisation est juridiquement fondé, alors qu'il reconnait que les
conditions prévues par l'article 4, paragraphe 1,sont remplies par

l'État en cause, à voter contre l'admission tant qu'il n'est pas
assuré que d'autres Etats seront admis en même temps comme
Membres des Nations unies.
Cette question est posée en termes généraux et sans distinguer
suivant l'importance que peut avoir le vote de tel ou tel Membre
pour la formation de la majorité requise au Conseil de Sécurité OU
à l'Assemblée gbnérale.

23. Si, comme nous l'avons ci-dessus exposé, il est admis qu'un
Membre des Nations unies est juridiquement fondé à refuser son93 OPINION DISSIDENTE COLLECTlVE
vote d'admission pour des considérations étrangères aux qualifica-

tions expressément prévues par l'article 4, paragraphe 1, cette
interprétation trouvera son application àla solution de la deuxième
question.
La considération tirée du désir d'obtenir en mêmetemps que
l'admission del'État en causel'admission d'autres Etats est évidem-
ment étrangère à la constatation que le premier remplit les condi-
tions prévues à l'article 4, paragraphe I ; c'est une considération
politique. Siun Membre des Nations unies est juridiquement fondé
à déterminer son refus d'admission par des considérationspolitiques,

c'est précisément ce qu'il fait ici.

24. Si la demande d'avis tendait à faire approuver ou désap-
prouver par la Cour le désir ainsi exprimé par un Membre -des

Nations unies d'obtenir, en mêmetemps que l'admission de 1'Etat
en cause, l'admission d'autres Etats, l'appréciation d'une telle
considération politique ne pourrait êtrefaite qu'au point de vue
politique. Or, une telle appréciation n'est pas du ressort de la Cour.
Emettre un avis de cet ordre ne serait pas émettre un avis
sur une question juridique au sens de l'article 96 de la Charte
et de l'article 65 du Statut. C'est faire une chose que de
demander à la Cour si un Membre est juridiquement fondé à tenir
compte de considérations politiques lorsqu'il vote sur l'admission
de nouveaux Membres ; c'est là une question juridique, et nous lui

avons donné notre réponse. C'est faire une tout autre chose que de
demander à la Cour d'apprécier le bien-fondé d'une considération
politique particulière dont tient compte un Membre ; c'est là une
question d'ordre politique à laquelle la Cour ne peut pas répondre.

25. Sans doute, comme nous l'avons dit, un Membre des Nations
unies ne jouit pas d'une liberté sans limites dans le choix des consi-
dérations politiques qui peuvent l'amener àrefuser ou à différer son
vote en faveur del'admission d'un État commeMembre des Nations
unies. Il doit user de ce pouvoir conformément à la bonne foi ainsi
qu'aux Buts et Principes de l'Organisation et d'une manière qui
n'implique pas manquement à la Charte. Aucun cas concret n'a été
soumis à la Cour dans lequel il serait mis en doute que cette obliga-

tion ait étérespectée. La Cour n'a doncpas à se demander ce qu'elle
aurait à faire si un tel cas concret lui était soumis.

(Signé) J. BASDEVANT.
( )) ) WINIARSKI.
( )) ) ARNOLD D. MCNAIR.

( )) ) JOHN E. READ.

Bilingual Content

OPINION DISSIDENTE

DE MM. BASDEVANT ET WINIARSKI,
SIR ARNOLD McNAIR ET M. READ

I. Tout en partageant l'opinion de la majorité de la Cour sur le
caractère juridique de la première question, sur la compétence
qu'a la Cour d'y répondre et sur le fait qu'une réponse est souhai-
table, ainsi que sur la compétence de la Cour pour interpréter la
Charte en son application au cas présent, nous regrettons de n'être
pas en mesure de nous rallier aux réponses données aux deux
questions et nous désirons exposer les motifs de notre désaccord.

2. La demande d'avis consultatif adressée à la Cour est ainsi
énoncée :

((Un Membre de l'Organisation des Nations unies appelé, en
vertu de IJarticIe 4 de la Charte,à se prononcer par son vote,
soit au Conseil de Sécurité, soià l'Assembléegénérale,sur l'ad-
mission d'un État comme Membre des Nations unies, est-il juri-
diquement fondé à faire dépendre son consentement à cette
admission de conditions non expressément prévues à l'alinéaI
dudit article? En particulier, peut-il, alors qu'il reconnaît que
les conditions prévues par ce texte sont remplies par l'État en
question, subordonner son vote affirmatif à la condition que,
en mêmetemps que lJEtat dont il s'agit, d'autres États soient
également admis comme Membres des Nations unies ? 11

Ily a là deux questions dont nous examinerons tout d'abord la
première.

3. Il nous parait impossible de considérer cette question comme
concernant uniquement les arguments ou explications qu'un
Membre des Nations unies présenterait devant le Conseil de Sécu-
rité ou l'Assemblée généraleau cours de l'examen d'une demande
d'admission et non les considérations dont ce Membre s'inspire dans
son vote. D'une part, il est demandé si ce Membre est ((juridique-
ment fondé à faire dépendre son consentement à l'admission »de
conditions non prévues à l'articl4, paragraphe I. Or, son consen-

tement à l'admission sera donné par son vote. C'est donc bien le
vote qui est ici en cause ainsi que le confirme l'expression «subor-
donner son vote affirmatif» qu'emploie la seconde question,
complCmentaire de la première. D'autre part, il serait singulier
d'arriver à une interprétation d'où découleraient la liberté pour un
Membre de s'inspirer de telle considération dans son vote et I'inter-
diction à lui faite de l'invoquer dans la discussion préliminaire ; la
franchise des explications, condition du bon foi~ctionriement des

29 DISSENTING OPINION

OF JUDGES BASDEVANT, WINIARSKI,
SIR ARNOLD McNAIR AND READ.

I. We regret that, while we concur in the opinion of the majority
of the members of the Court as to the legal character of the first
question, as to the power of the Court to answer it and the desir-
ability of doing so, and as to the competence of the Court to give
any interpretation of the Charter thereby involved, we are unable
to concur in the answer given by the majority to either question,
and we wish to state our reasons for not doing so.

2. The request made to the Court for an advisory opinion is
as follows :
"1s a Member of the United Nations which is called upon, in
virtue of Article 4 of the Charter, to pronounce itself by its vote,
either in the Security Council or in the General Assembly, on the
admission of a State to membership in the United Nations, juri-
dically entitled to make its consent to the admission dependent
on conditions not expressly provided by paragraph I of the said
Article? In particular, can such a Member, while it recognizes
the conditions set forth in that provision to be fulfilled by the
State concerned, subjèct its affirmative vote to the additional
condition that other States be admitted to membership in the
United Nations together with that State ?"

There are two questions and we shall begin by examining the
first.
In Our opinion, it is impossible to regard the first question
3.
as one which relates solely to the statements or the arguments which
a Member of the United Nations may make or put forward in the
Security Council or in the General Assembly when those organs
are considering a request for admission, and not to the reasons on
which that Member bases its vote. The Court is asked whether
a Member is "juridically entitled to make its consent to the admis-
sion" dependent on conditions not provided for by paragraph I
of Article 4. Its consent to admission is expressed by its vote.
It is therefore the vote that is in question, as is confirmed by the
expression "subject its affirmative vote" used in the second ques-
tion, which is complementary to the first. But it would be a
strange interpretation which gave a Member freedom to base its

vote upon a certain consideration and at the same time forbade
it to invoke that consideration in the discussion preceding the
vote. Such a result would not conduce to that frank exchange 83 OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE
institutions internationales,n'y gagnerait rien. Sans doute n'est-il
pas possible de scruter les motifs cachésd'un vote et n'existe-t-il
aucune voie de droit pour redresser un vote contraire àla Charte qui
serait émisau Conseil de Sécuritéou à l'Assembléegénérale : cela
ne fait pas obstacle A ce que certaines règlesde droit s'imposent aux

Membres des Nations unies votant dans l'un ou l'autre de ces corps :
l'articl4, paragraphe 1, qui leur interdit d'admettre un État ne
remplissant pas les conditions qui y sont énoncées,en fournit un
exemple. La distinction que l'on tenterait ainsi d'introduire ne
saurait être admise : eile serait incompatible avec les termes mêmes
de la question posée et risquerait de compromettre, dans son
application, le respect de Ia bonne foi qui doit régir l'accomplisse-
ment des obligations de la Charte (article 2, no z).

4. Il s'agit de déterminer si, en dehors des conditions expressé-
ment prévues à l'articl4, paragraphe 1,un Membre des Nations
unies a la liberté de choisir les motifs qui détermineront son vote
ou qu'il invoquera au cours de la procédure d'admission devant le
Conseil de Sécuritéou l'Assembléegénéraleou si, au contraire, il
lui est interdit de s'inspirer de considérations étrangères aux
conditions prévuesà l'article4,paragraphe I.La question est posée

à propos de l'attitude de ce Membre au Conseil de Séciiritéou à
1'Assenibléegénérale: ce Membre n'y est considéréque comme
partie de ces organes, comme contribuant à l'klaboration et A
l'adoption de la recommandation du Conseil de S6curitéou de la
décisionde l'Assembléegénérale.La liberté de ce Membre ne peut
être icini plus grande ni moindre que celle de l'organe dans lequel
il est appelé à émettre son vote. Pour résoudrela question posée à
l'égard dece Membre, il faut déterminer ce qii'ilen està propos di1
Conseil de Sécuritéet de l'Assembléegéngrale.

5. Si la question ci-dessus énoncéea étéposée,c'est que les textes
invoqués n'ont pas paru assez clairs pour qu'il en résultgt directe-

ment et incontestablement la solution de ladite question. Tel a été
le sentiment de l'Assembléegénéraleet tel est aussi le nôtre. Nous
estimons, en conséquence, êtreen présence d'une question d'inter-
prétation et devoir appliquer les règles généralement admises en
matière d'interprétation des traités.

6. Le texte à considérer est l'article 4 de la Charte, lequel
dispose :
30 JOINT DISSENTING OPINION 83

of views which is an essential condition of the healthy functioning
of an international organization. It is true that it is not possible
to fathom the hidden reasons for a vote and there exists no legal
machinery for rectifying a vote which may be cast contrary to
the Charter in the Security Council or the General Assembly.

But that does not mean that there are no rules of law governing
Members of the United Nations in voting in either of these organs ;
an example is to be found in paragraph I of Article 4 prohibiting
the admission of a new Member which does not fulfil the qualif-
ications specified therein. This distinction, which it has been
attempted to introduce between the actual vote and the discussion
preceding it, cannot be accepted ; it would be inconsistent with
the actual terms of the question submitted to the Court, and its
recognition would involve the risk of undermining that respect
for good faith which must govern the discharge of the obligations
contained in the Charter (Article 2, paragraph 2).

4. The question submitted to us is whether, apart frorn the
qualifications expressly specified in paragraph I of Article 4, a
Member of the United Nations is at liberty to choose the reasons
on which it may base its vote or which it may invokein the Security
Council or the General Assembly in the course of the proceedings
relating to an application for admission, or whether, on the
other hand, that Member is forbidden to rely on considerations

which are foreign to the qualifications specified in paragraph I of
Article 4. The question has been put to us in terms of the conduct
of a member of the United Nations in the Security Council or in
the General Assembly ; the Member is envisaged in its capacity
as a mernber of these organs, that is to Say, in the discharge of
its duty to contribute to the making of a recommendation by the
Seciirity Council or of a decision by the General Assembly on that
recomnilendation. The freedom of that Member in this respect
cannot be either more or less than that of the organ as a member
of which he is called upon to give his vote. Accordingly, in order
to answer the question put with regard to the conduct of a member,
we are compelled to begin by deciding what the answer should be
in relation to the organ, be it the Security Council or the General

Assembly.
5. The reason why the question stated has been submitted to
the Court is that the relevant provisions did not seem to be clear
enough to provide a simple and unambiguous answer to the ques-

tion. Such, at any rate, was the view of the General Assembly
and we share it. Accordingly, in Our opinion, we are confronted
with a question of interpretation and therefore we must apply the
rules generally recognized in regard to the interpretation of treaties.
6. The relevant article of the Charter is No. 4, which is as

follows : 84 OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE
((I. Peuvent devenir Membres des Nations unies tous autres

Charte et, au jugement de l'organisation, sont capables de les

remplir et disposés à le faire.
2. L'admission comme Membre des Nations unies de tout État
remplissant ces conditions se fait par décision de l'Assemblée
généralesur recommandation du Conseil de Sécurité. ))
Bien que la rédaction adoptée par l'Assemblée générale seborne
à mentionner le paragraphe I de cet article, son paragraphe 2 n'est

pas moins directement en cause, puisqu'il s'agit ici des débats et
du vote au sein du Conseil de Sécuritéet de l'Assemblée générale
examinant une demande d'admission et que c'est ce paragraphe z
qui détermine le rôle respectif du Conseil de Sécuritéet de 1'Assem-
blée générale en matière d'admission.
Au surplus, c'est une règle d'interprétation bien établie et appli-
quéepar la Cour permanente de Justice internationale qu'un texte
doit être lu en son entier.

En outre, il faut replacer le texte dans son milieu juridique fourni
ici par les autres dispositions de la Charte et les principes du droit
international.
7. La première constatation à tirer de la lecture de l'article 4

en son entier est que la Charte n'a pas suivi l'exemple des traités
multilatéraux créant des unions internationales qui souvent
contiennent une clause d'adhésion en vertu de laquelle une décla-
ration d'adhésion émanant d'un État tiers entraîne l'acquisition
par celui-ci de la qualité de Membre. La Charte a adopté à l'exemple
du Pacte de la Sociétédes Nations et en corrélation avec le fait
qu'elle créait une organisation politique internationale, un système
différent et plus complexe, le système de l'admission. Celui-ci

comporte une décision de l'Assembléepar laquelle (se fait))l'admis-
sion ; cette décision est prise sur recommandation du Conseil de
Sécurité ; tout cela suppose une demande de 1'Etat qui désire être
admis ;larecommandation ne peut intervenir et la décisionne peut
êtreprise que si certaines conditions énoncéesau paragraphe I de
l'article 4 sont réunies chez l'État candidat.

8. Dans ce système, l'essentiel est la décision de l'Assemblée
générale par laquelle (( se fait » l'admission. La disposition de
l'article 4, paragraphe 2, qui fixe, à cet égard, la compétence de
l'Assemblée généraleet celle du Conseil de Sécurité, ne se borne

pas à établir une simple forme procédurale pour l'application de la
règle qui prévoit l'admission de nouveaux Membres. Donner un
tel caractère à cette disposition ne serait concevable que si l'on
avait adopté ici un système d'adhésion et non d'admission : si tel
était le système, on aurait plutôt conférécerôle procédural au Secré-
taire général.On n'a pas établi ici un système d'adhésion mais un

31 JOINT DISSENTING OPINION 84
"1. Membership in the United Nations is open to all other
peace-loving States which accept the obligations contained in
the present Charter and, in the judgment of the Organization,
are able and willing to carry out these obligations.
2. The admission of any such State to membership in the
United Nations will be effected by a decision of the General
Assembly upon the recommendation of the Security Council."

Although the terms of the question as put to the Court by the
General Assembly are confined to mentioning the first paragraph of
this Article, its second paragraph is equally relevant, because it
deals with the discussion and the voting in the Security Council and
the General Assembly when examining a request for admission, and
because it is the second paragraph which fixes the respective splieres
of the Security Council andthe GeneralAssembly in this matter.
Moreover, it is a rule of interpretation which was well recognized
and constantly applied by the Permanent Court of International
Justice that a treaty provision should be read in its entirety.

Again, it must be placed in its legal context as supplied by the
other provisions of the Charter and the principles of international
law.
7. The first conclusion that emerges fromareading ofArticle 4in
its entirety is that the Charter does not follow the mode1 of the mul-
tilateral treatieswl-iich create international unions and frequently

contain an accession clause by virtue of which a declaration of
accession made by a third State involves automatically the acquisi-
tion of membership of the union by that State. On the contrary,
the Charter, following the example of the Covenant of the League
of Nations and having due regard to the fact that it is designed to
create a political international organization, has adopted a different
and more complex system, namely, the system of admission.
Assuming that a request is made by a State desiring to be adrnitted,
the system involves a decision by the General Assembly whereby
admissiori "will be effected" ; this decision is taken upon a recom-
mendation made by the Security Council ; that recommendation
cannot be made, and that decision carinot be taken, unless certain
qualifications specified in paragraph I of Article 4 are possessed by

the applicant State.
8. The essential feature of tliis system is the decision of the
General Assembly whereby the admission "will be effected". The
provisions of paragraph 2 of Article 4, which fix the respective

powers of the General Assembly arld the Security Council in this
matter, do not treatthe admission of new Members as a mere matter
of the routine application of rules of admission. It would only
be possible to attribute such a meaning to this Article if it had
adopted a system of accession and not of admission ; and if acces-
sion had been the systemadopted it would have been better to have
placed the Secretary-General in control of the procedure. This85 OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE
système tout différent d'admission. La Charte fait intervenir pour
recommander puis pour effectuer l'admission les deux grands
organes politiques des Nations unies :il n'est pas possible, par voie
d'interprétation, de considérer ces organes comme de simples

mécanismes de procédure, comme c'est le cas pour le Comité des
admissions institué par le Conseil de Sécurité.Dans le système de
la Charte, l'admission est effectuée par décision de l'Assemblée
générale, laquelle ne peut intervenir que sur recommandation du
Conseil de Sécuritéet après que ces deux organes se sont assurés
que les conditions requises par l'article 4, paragraphe 1, sont
remplies.

g. Les résolutions portant recommandation ou décision en
matière d'admission sont des décisions d'ordre politique : elles
émanent d'organes politiques ;elles comportent, de l'avis de tous,
l'examen d'éléments politiquesen vue d'apprécier si les conditions
requises par l'article 4, paragraphe 1, sont remplies ; elles ont un
effet politique qui est de modifier le statut de l'État considéréen
faisant de lui un Membre des Nations unies. Le Conseil de Sécurité,
qui intervient ici par la voie de la recommandation, assume, aux
termes de l'article 24 de la Charte, « la responsabilité principale du
maintien de la paix et de la sécurité internationales »,lequel est
placé par l'article premier en tête des Buts des Nations unies.
L'admission d'un nouveau Membre est, au premier chef, un acte
politique, acte politique de la plus haute importance.

Un organe politique a pour fonction principale d'examiner les
questions au point de vuepolitique, c'est-à-dire sous tous les aspects.
Il en résulte que les Membres de cet organe qui ont la responsabilité
de former sa décision ont à examiner les questions sous tous les
aspects et que, par suite, ils sont juridiquement fondés à faire
reposer leur argumentation et leur vote sur des considérations
politiques. Tel est le cas pour le membre du Conseil de Sécuritéou
de l'Assemblée générale qui soulève une objection fondée sur
d'autres motifs que l'absence d'une des conditions expressément
prévues à l'article 4, paragraphe I.
Cela, bien entendu, sauf limitation de droit à cette liberté. Nous
ne prétendons pas que l'organe politique et ceux qui participent à

la formation de sa décisionéchappent au respect du droit. Le Conseil
de Sécurité,l'Assembléegénéraleet les Membres qui par leur vote
participent à leurs décisions sont évidemment tenus de respecter
l'article4, paragraphe 1, et, en conséquence, de ne pas admettre
un Etat qui neremplit pas les conditions énoncéesdanscette dispo-
sition.
Mais existe-t-il, en droit, une autre exception à la liberté qu'ont,
en principe, ces organes de choisir les motifs de leur détermination,
à la liberté qu'a, en principe, un État de choisir les motifs de ses JOINT DISSENTING OPINION 8.5

Article does not create a system of accession, but the entirely
different system of admission. In the working of this system the
Charter requires the intervention of the two principal political
organs of the United Nations, one for the purpose of making a
recommendation and then the other for the purpose of effecting the

admission. It is impossible by means of interpretation to regard
these organs as mere pieces of procedural machinery like the
Cornmittee for Admissions established by the Security Council.
In the system adopted by the Charter, admission is effected bythe
decision of the General Assembly, which can only act upon a
recommendation of the Security Coiincil, and after both these organs
are satisfied that the applicant State possesses the qualifications
required by paragraph I of Article 4.

g. The resolutions which embody either a recornrnendation or a
decision in regard to admission are decisionsof a political character ;
they emanate from political organs ; by general corisent they
involve the examination of political factors, with a view to deciding
whether the applicant State possesses the qualifications prescribed
by paragraph I of Article 4 ; they produce a political effect by
changing the condition of the applicant State in making it a Member
of the United Nations. Upon the Security Council, whose duty it
is to make the recomrnendation, there rests by the provisions of
Article 24of the Charter"primary responsibility for the maintenance
ofinternational peace and security9'-a purpose inscribed in Article I
of the Charter as the first of the Purposes of the United Nations.
The admission of a new Member is pre-eminently a political act,

and a political act of the greatest importance.
The main function of a political organ is to examine questions in
their political aspect, which means examining them from every
point of view. It follows that the Members of such an organ who
are responsible for forming its decisions must consider questions
from every aspect, and, in consequence, are legally entitled to base
their arguments and their vote upon political considerations.
That is the position of a member of the Security Council or of the
General Assembly who raises an objection based upon reasons other
than the lack of one of the qualifications expressly required by
paragraph I ofArticle 4.
That does not mean that no legal restriction is placed upon this

liberty. We do pot claim that a political organ and those who con-
tribute to the formation of its decisions are emancipated from al1
duty to respect the law. The Security Council, the General
Assembly and the Members who contribute by their votes to the
decisions of these bodies are clearly boilnd to respect paragraph I
of Article 4,and, in consequence,bound not to admit a State which
fails to possess the conditions required in this paragraph.
But is there any otl-ier legal restriction uponthe freedom which
in principle these organs enjoy in the choice of the reasons for their
decisions, that is to say, upon the liberty which in principle a State

32 56 OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE

déterminations et, dans le cas présent, de son vote ? Cette
exception serait ici l'interdiction d'introduire, à l'encontre d'une
demande d'admission, des considérations étrangèresaux conditions
prévues par l'article 4, paragraphe I.

IO. Il s'agit de déterminer s'il existe une telle exception au
principe de droit qui a étérappelé ci-dessus.
C'est une règle d'interprétation souvent appliquée par la Cour
permanente de Justice internationale en présence d'une règle ou
d'un principe de droit qu'une exception à cette règleou à ce principe

ne se présume pas, qu'elle a besoin d'êtreclairement établie et que,
dans le doute, c'est ladite règle ou ledit principe qui prévaut. Pour
que, dans le cas présent, une exception au principe de complet
examen des demandes d'admission par le Conseil de Sécurité,
l'Assemblée généraleet leurs membres existe, il faut que cette
exception soit clairement établie.

L'exception audit principe consistant à interdire l'introduction,
dans l'examen de demandes d'admission, de conditions non expres-
sément prévues par l'article 4, paragraphe 1, a-t-elle étéainsi
clairement établie ?

II. Elle ne l'a étépar aucun texte.

L'article 4,paragraphe 1,seul texte auquel on peut se référersur
ce point, signifie bien que certaines conditions qu'il énumèresont
requises pour l'admission, qu'elles sont nécessaires, mais il ne dit

pas expressément et directement que lesdites conditions sont suffi-
santes et qu'une fois remplies l'admission doive s'ensuivre néces-
sairement.
Non seuleme~it ce texte ne le dit pas, mais il ne l'implique pas,
bien au contraire.
Le langage de l'article 4 : « Memberslzip is open », « Peuvent
devenir membres », l'admission « will be egected »,((se fait », a
un caractère nettement permissif et non impératif. Autant que nous
le sachions, les textes chinois, russe et espagnol de la Charte ne
contiennent rien qui contredise cette opinion. L'article 4, para-

graphe 1, indique bien que les États réunissant les conditions qui y
sont énuméréeo snt les titres voulus pour êtreadmis ; cette énumé-
ration est limitative en ce sens qu'aucune autre condition n'est
exigée par la Charte ; cette disposition, qui interdit d'admettre
un État ne remplissant pas ces conditions, correspond pleinement
à l'intention de ses rédacteurs et a sa pleine valeur juridique. Mais
cette disposition ne fait pas apparaître une intention certaine
d'enlever ail Conseil de Sécurité,à l'Assembléegénéraleet à leurs
membres la faculté que, de droit commun, ils possèdent de faire

intervenir d'autres considérations.
Loin de leur retirer cette faculté, l'article4 en apporte la confir-
mation.
33 JOINT DISSENTING OPINION 86

enjoys in choosing the reasons for its decisions, and in this case,
forits vote ? 1s there in this case a restriction consisting in a pro-
hibition to oppose an application for admission on groucds
foreign to the qualifications required by paragraph I ofArticle 4 ?

IO. We must therefore decide whether there exists such arestric-
tion upon the principle of law stated above.
There is a rule of interpretation frequently applied by the Perm-
anent Court of International Justice, when confronted with a rule
or principle of law, to the effect that no restriction upon this rule or
principle can be presumed unless it has been clearly established,

and that in case of doubt it is the rule or principle of law which must
prevail. In the present case, before acknowledging the existence
of any restriction upon the principle of the widest examination of
requests foradmission by the Security Council, the General Assembly
and their members, it is necessary to show that such a restriction
has been established beyond a doubt.
Can it therefore be said that the application of this principle is
subject to a clearly established restriction precluding the putting
forward, in the course of the examination of requests for admission,
of considerations not expressly specified in paragraph I ofArticle 4 ?

II. There is no treaty provision which establishes such a
restriction.
The effect of paragraph I of Article 4-the only relevant text in
this connexion-is that certain qiialifications therein enumerated
are reqiiired for admission, and that these qualifications are essen-
tial ;but there is no express and direct statement that these qualific-
ations are sufficient and that once theyare fulfilled admission must
of necessity follow.
Not only does the paragraph not Say this, but it does not even

imply any such restriction ; indeed quite the contrary is the case.
The language of Article 4-"Membership is open", "Peuvent
devenir Mevzbres", "admission will be effected", "se faitJ'-is per-
inissive in tone, not obligatory. So far as we understand, the
Chinese, Russian and Spanish texts contain nothing which con-
tradicts this view. Paragraph I of Article 4 enacts that States
which fulfil the conditions therein enumerated possess the qualific-
ations required for admission ; this e:iumeration is exhaustive in the
sense that no other condition is required by the Charter ; this pro-
vision, which prohibits the admission of a state not fulfilling these
conditions, fully carries out the intentions of the drafters of the
Charter and is entitled to complete legal effect. But this provision
containç no evidence of any definite intention to deprive the

Security Council or the General Assembly or their members of the
legal right possessed by them of giving effect to otl-ier consider-
ations.
Indeed, so far from depriviiig them of this power, Article 4
lends support to its existence.
33 87 OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE
12. Et cela correspond aux intentions des auteurs de la Charte.

Sans vouloir examiner ni apprécier d'une manière générales'il
est justifié de recourir aux travaux préparatoires pour interpréter
un traité, il faut admettre que, s'il est un cas dans lequel ce procédé
est justifié, c'est lorsque ceux quiont négocié letraité ont exprimé,
dans une résolution interprétative ou une disposition analogue,
leur intention précise touchant le sens qu'ils ont attribué à un
article du traité. Tel fut précisémentle cas à1'égard.d~paragraphe 2
de l'article 4.

13. Avant d'en arriver là, nous indiquerons tout d'abord que
si les procès-verbaux de la Conférencede San-Francisco font nette-
ment apparaître l'importance attachée aux conditions d'admission

qui y sont énoncéesainsi qu'au rôle de l'Assembléegénéraleet du
Conseil de Sécurité en matière d'admission, s'ils font nettement
apparaître que lesdites conditions ont étéconsidéréescomme néces-
saires, ils ne font pas apparaître la préoccupation de les tenir pour
suffisantes et de mettre à la charge de l'organisation l'obligation
juridique d'admettre l'État qui les réunit.

14. Sans entrer dans l'exposé complet de l'élaboration de
l'article 4, nous retiendrons les points suivants.
Les Propositions de Dumbarton Oaks (chapitre III, Membres, et
chapitre V, Assemblée générale)contenaient les deux dispositions

suivantes :
« Devrait pouvoir être Membre de l'Organisation tout État
éprisd'un idéal de paix. 11
« L'Assembléegénéraledevrait avoir le pouvoir d'admettre de
noiiveaux Membres dans l'organisation, sur la recommandation
du Conseil de Sécurité. I)

(Rappelons qu'il s'agissait de propositions et non d'un projet
d'articles).

A San-Francisco, la première de ces dispositions fit l'objet d'un
examen par le Comité 2 de la Commission 1, et donna finalement

naissance au paragraphe I de l'article 4 de la Charte. Les procès-
verbaux dudit Comité figurent au volume VI1 des documents de
la Conférence. On trouvera à la page 315 le rapport du rapporteur
du Comité112présentant le texte de l'article 4, paragraphe 1, dans
une forme qui est en substance celle qui a étéadoptée. Après avoir
signalé le rejet de la proposition en faveur de l'universalité, ce
rapport mentionne que « deux tendances principales s'étaient
manifestees daas !es discussions »,l'une en faveur ((de l'insertion
dans la Charte de conditions précises auxqiielles les nouveaux

Nembres devraient satisfaire notamment en ce qci concerne le
régimeet la politique des divers gouvernements »,l'autre adoptée JOlNT DISSENTING OPINION 87

12. This view accords xvith the intentions of the framers of the
Charter.
Without wishing to embark upon a general examination and
assesçment of the value of resorting to travaux préparatoiresin the
interpretation of treaties, it must be admitted that if ever there isa
case in which this practice is justified it iswhen those who negotiated
the treaty have embodied-in an interpretative resolution or some
similar provision their precise intentions regarding the meaning
attached by them to a particular article of the treaty. This is

exactlywhat was done with respect to paragraph 2 ofArticle 4.
Before dealing with this point we may begin by stating that
13.
while the Minutes of the San Francisco Conference show clearly the
importance attached to the qualifications for admission therein set
out and also to the respective rôles of the General Assembly and
the Security Council in regard to admission, and while they make it
clear that the above-mentioned qualifications are regarded as
essential, theycontain no indication of any intention to regard them
as suficient to impose upon the Organization a legal obligation to
admit the State which possesses the~n.

14. Without describing in detail the drafting of Article 4, we
shall mention the following points :
The Dumbarton Oaks Proposais (Chapter III, Nembership, and
Chapter V, General Assembly) contained the two following sen-
tences :

"Memberçhip of the Organization should be open to al1 peace-
loving States."
"The General Assembly should be empowered to admit new
Membersto the Organizationupon recommendation of the Security
Council."

(It will be remembered that these were proposals and not draft
articles.)

At San Francisco, the first of these sentences was dealt with by
Committee 2 of Commission 1,and finally emerged as paragraph I
of Article 4 of the Charter. The Minutes of this Committee are to
be found in Volume VI1 of the Conference Records. On page 306
will be found the report of the Rapporteur of Committee 112submit
ting the text of paragraph I of Article 4 in substantially the form
adopted. After dealing with the rejection of the proposa1 in favour
of universal membership, it referred to the "two principal tendencies
....manifested in the discussion", one in favour of "inserting in the
Charter specificconditions which new Membersshould be required to
fulfil, especially in matters concerning the character and policies of

governments", while the other view was that "the Charter should
not needlessly limit the Organization in its decisions concerning
34 88 OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE
par « ceux qui soutenaient que la Charte ne devait pas sans raison
limiter l'organisation dans ses décisions concernant les demandes

d'admission, et affirmaient que l'organisation elle-même serait
mieux inspiréepour juger de l'attitude des candidats àl'admission )).
On trouve plus loin, à la mêmepage. le passage suivant :
« C'était dire clairement que l'admission d'un Membre nouveau
serait soumise à un examen, mais le Comiténe crut pas devoir
recommander l'énumérationdes éléments qui seraient à considérer
dans cet examen. Il prit en considération les difficultésqu'il y
aurait à évaluer les institutions politiques des États et craignit
que la mention dans la Charte d'un examen de cette nature ne
portât atteinte au principe de la non-intervention ou, si l'on aime
mieux, de la non-ingérence.Cela n'impliquait pas cependant que,
lorsqu'il s'agirait de se former un jugement sur l'opportunité de
l'admission d'un Membre nouveau, des considérations de tout
ordre ne pussent entrer en ligne de compte. ))

On remarquera que ces derniers mots appellent l'Organisation,
c'est-à-dire le Conseil de Sécuritéet l'Assemblée générale,à faire
l'examen le plus large. Sansdoute a-t-on pu avancer que la dernière
phrase ci-dessus citée concernerait seulement l'examen auquel
l'organisation doit procéder touchant les conditions énoncées à
l'article 4, paragraphe I. Cette interprétation ne s'impose pas ;elle
est purement hypothétique et est en contradiction avec le texte

français de ce rapport qui indique qu'il s'agit là, pour l'organisation,
« de se former un jugement sur l'opportunité de l'admission d'un
Membre nouveau ): un jugement sur l'opportunité de l'admission,
cela n'est pas, cela dépasse la constatation que les conditions de
I'article 4, paragraphe 1, sont remplies.
Un peu plus loin (p. 318), ce mêmerapport, commentant le futur
article 4, paragraphe 1,dans une phrase dont la portée est rehaussée
par lefait quecette phrase a étésubstituée à une rédaction antérieure
plus vague (p. 300), déclare quc « le texte adopté énonce plus

clairement que le texte original de Dumbarton Oaks les condi-
tions requises pour devenir Membre et considérées comme
fondamentales ; il constitue ainsi, pour l'Assemblée générale et
le Conseil de Sécurité, un guide plus sûr pour déterminer
l'éligibilité des nouveaux Membres M. Si les conditions requises
par I'article 4, paragraphe 1, sont considérées comme fondamen-
tales, cela n'exclut pas mais plutôt implique la possibilité d'en
exiger d'autres, à un autre titre et de manière moins impérative.
La deuxième disposition des Propositions de Dumbarton Oaks

a étésoumise, à San-Francisco, à l'examen du Comité I de la
Commission II (Assemblée générale), dont les comptes rendus
figurent au volume VI11 des documents de la Conférence.Le rapport
du rapporteur dudit Comité, rapport approuvé par le Comité et
daté du 28 rnai 1945, contient le paragraphe suivant (VIII, p. 46r) :

dation du Conseil de Sécurité, puisse admettre de nouveaux- JOINT DISSENTING OPINION 58

requests for admission and asserted that the Organization itself
would be in a better position to judge the character of candidates
for admission".

"It was clearly stated that the admission of a new Member
would be. subject to study, but the Cornrnittee did not feel it
should recommend the enurneration of the elements which were
to be taken into consideration. It considered the difficulties
which would arise in evaluating the political institutions of States
and feared that the mention in the Charter of a study of such
a nature would be a breach of the principle of non-intervention,
or if preferred, of non-interference.This does not imply, however,
that in passing upon the admission of a new Member,considerations
of all kinds cannot be brought into account." (Vol. VII, p. 308).

It will be noted that this passage calls upon the Organization,
that is to Say, the Secunty Council and the General Assembly, to
conduct the most extensive investigation. No doubt it might be
argued that the final sentence quoted relates solely to the investiga-
tion which the Organization must make regarding the qualifications
specified in paragraph I of Article 4. This interpretation is in no

way self-evident ;it is purely conjectural and is inconsistent with
the French text of this report, which states the duty of the Organiza-
tion to be "de se former un jugeme~ztsur I'oppovtunitéde 1'ndmissio.lt
d'un membre nouveau". Judgment npon the expediency of an
admission is not a mere declaration that the conditions specified in
paragraph Iof Article 4 are satisfied;it goes much further than that .
A little further on (p..309), the same report, commenting upon
the future paragraph I of Article 4, in a sentence the significance
of which is reinforced by the fact that this sentence was suhstituted
for an earlier and less precise text (p.zgo), declares that "the text
adopted sets forth more clearly than the Dumbarton Oaks Proposals
those qualifications for membership which the delegates deem

fundamental, and provides a more definite guide to the General
Assembly and Security Council on the admission of new members".
The statement that the qualifications required by paragraph I of
Article 4 are considered asfundamental in no way excludes, but, on
the contrary, implies, the possibility of further requirements, upon
grounds which are different and more discretionary.
The second sentence of the Dumbarton Oaks Proposals quoted
above was dealt with at San Francisco by Committee I of Commis-
sion II (General Assembly), whose proceedings are recorded in
Volume VI11 of the Records of that Conference. The report of the
Rapporteur of this Committee, as approved by the Cornrnittee on
May 28th, 1945, contains the following paragraph (VIII, p. 451) :

"The Committee recommends that new ~nembers be admitted
by the General Assembly upon recommendation of the Security
3589 OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE
Rlembres. (Voir annexe ci-jointe, point z.) Certains déléguése ,n

appuyant l'acceptation de ce principe, insistent sur le fait que
le but primordial de la Charte est de créerune assurance complète
contre une résurrection de la guerre, et que par conséqztent c'est
le Conseil de Sécuritéqui doit assumer la responsabilité initiale
de proposer la participation de nouceaux États. )(Soulignépar nous.)

L'annexe, paragraphe 2 (p. 465), s'exprime comme suit :

ccL'Assembléegénérale ale pouvoir d'admettre de nouveaux
Membres dans l'Organisation sur la recommandation du Conseil
de Sécurité. »
Il serait difficile d'user d'un langage plus discrétionnaire, plus
permissif que la formule ((may admit »,« a le pouvoir d'admettre ».

Le compte rendu résuméde la 15meséance du mêmeComité, qui
a eu lieu le 18 juin 1945, contient le passage suivant (VIII, p. 490) :

((Admission de nouveaux membres.
Le Comité examine le texte suivant du chapitre V, section B.
paragraphe z, des Propositions de Dumbarton Oaks, soumis à
l'examen du Comité de Coordination :
((L'admission de tout État comme membre des Nations unies
est prononcée par l'Assemblée généralesur la recommandation
du Conseil de Sécurité. »

Le Secrétaire informe le Comitéqu'il a étéavisépar le Secrétaire
du Comité consultatif de juristes qu'à l'avis de ce Comité ces
textes n'afaibliraient en rien le texte original adoptépar le Comité.
En raison de cette interprétation, le texte est approuvé par le
Comité. 1)(Soulignépar nous.)

Le second rapport du Comité 1111,qui fut soumis à l'approbation
des Membres, le 19 juin 1945, contient le passage suivant (VIII,

P. 498) :
((Admission de nouveaux Membres (chapitre V, section, B,
paragraphe z, des Propositions de Dumbarton Oaks).
Le Comité a discuté une revision du texte de ce paragraphe
qui était à l'examen devant le Comité de Coordination afin de
déterminer si le texte proposé diminuait d'une façon quelconque
le pouvoir de l'Assembléed'admettre de nouveaux Membres sur
la recommandation du Conseil de Sécurité.
Le Comité a étéavisé que le nouveau texte, dans l'opinion

du Comitéconsultatif de juristes, ne diminue pas le droit de l'As-
semblée d'accepter ou de rejeter une recommandation en faveur
de l'admission d'un nouveau Membre.. ..
Le Comité a décidéque cette interprétation devrait êtreincluse
dans son procès-verbal comme étant celle à donner à cette dispo-
sition de la Charte, et se basant sur cette décision,il a approuvé
le texte sous la forme suggéréepar le Comité de coordination. »
36 jOINT DISSENTING OPIXION 89

Council. (See attached Annex, Item 2.) In supporting the
acceptance of this principle, several delegates emphasized that
the purpose of the Charter is primarily to provide security against
a repetition of the present war and that, therefore, the Security
Coztncil should assume the initial responsibility of sztggesting new
pa~ticipating states." (The italics are ours.)

Annex, Item 2,Vol. VI11 (p. 456), is as follows
"The GeneralAssembly may admit new Members tothe Organiza-
tion upon the recommendation of the Security Council."

Language more discretionary, more permissive, than "may
admit", "a le pouvoiv d'admettve", it would be difficult to find.
TheSummaryReport of the 15th Meeting of the same Committee,
held on June 18th, 1945, contains the following passage (Vol. VIII,
P. 487) :

"Admission of New Members.
The Committee considered the following texts of Chapter V,
Section B, paragraph 2,of the Dumbarton Oaks Proposals, which
were under consideration by the Co-ordination Committee :
'The admission of any State to membership in the United Nations
will be effected by a decision of the General Assembly upon the
recommendation of the Security Council.'
'L'admission de tout Etat ccJmme membre des Nations unies
est prononcée par l'Assemblée généralesur la recommandation
du Conseil de Sécurité.'

The Secretary reported that he had been advised by the Secretary
of the Advisory Committee of Jurists that that Committee felt
these texts would not in any way weaken the original text adopted
by the Committee. In the light of this interpretation, the Committee
approved the texts." (The italics are ours.)
The Second Report of the Rapporteur of Committee 1111,which
was circulated to the Members for their approval on June ~gth,
1945, contains the following passage (Vol. VIII, p. 495) :

"Admission of New Members (Chapter V, Section B,paragraph 2,
of the Dumbarton Oaks Proposals).
The Committee considered a revision of the text of this para-
graph which was under consideration by the Co-ordination Com-
mittee in order to determine whether the power of the Assembly
to admit new Members on recommendation of the Security Council
was in no way weakened by the proposed text.
The Committee was advised that the new text did not in the
view of the Advisory Committee of Jurists, weaken the right of the
Assembly to accept or reject a recommendation for the admission
of a new member ....
The Committee agreed that this interpretation should be
included in its minutes as the one that should be given to this
provision of the Charter, and on this basis approved the text as
suggested by the Co-ordination Committee." (Italics ours.)
36go OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE
Cela montre que le texte ainsi élaboréet qui est devenu l'article 4,
paragraphe 2,a étéconçu comme donnant un pouvoir très large à
l'Assembléegénérale.
Enfin, M. Delgado, rapporteur de la Première Commission, a dit,
tant dans son rapport à la Conférerice (VI, p. 256) que dans le
discours qu'il prononça, le 25 juin, à la séance plénière : « Les

nouveaux Membres ne seront admis que s'ils sont reconnus amis de
la paix, s'ils acceptent les obligations de la Charte, et si, après
examen de l'organisation, ils sont jugés capables d'exécuter ces
obligations. )) (1,p. 636.)
Il a ainsi très clairement énoncéque les conditions de l'article 4,
paragraphe 1, sont des conditions nécessaires. S'il avait pensé
qu'elles fussent suffisantes, il n'eût pas manqué de le dire.

15. On ne peut, d'autre part, perdre de vue le sens du mot
« recommandation 1figurant au deuxième paragraphe de l'article 4.
Le Conseil de Sécuritéa pour fonction de rejeter ou de recommander
une candidature. D'une part, ce fait indique la nature discrétion-
naire de cette fonction du Conseil de Sécurité,tandis que, d'autre
part, le pouvoir dont jouit l'Assemblée générale d'accepter la
recommandation et d'admettre le candidat ou de rejeter la candi-
dature indique que la fonction de l'Assembléegénéraleest, en cette
matière, discrétionnaire.

16. Pour ce qui concernespécialement la libertépour un Membre
des Nations unies d'avancer, au cours de l'examen d'une demande
d'admission, telle ou telle considération étrangère aux conditions
expressément prévues par l'article 4, paragraphe 1, nous ajouterons
que l'Assembléegénéraleet le Conseil de Sécuritéont, en vertu des
articles 21 et 30 de la Charte, le droit de réglementer leur propre
procédure. Il n'est pas possible de rien trouver d'autre qui limiterait
la liberté de discussion, et, par conséquent, sous réserve de la com-
pétence réglementaire générale dont jouit chaque organe, un
Membre a le droit d'exprimer son opinion pendant les débats.

17. De toutes ces considérations il résulte, à notre avis, qu'un
Membre des Nations unies reste juridiquement fondé 2 avancer,
soit au Conseil de Sécurité, soit à l'Assembléegénérale,dans le
débat sur l'admission d'un nouveau Membre, des considérations
étrangèresaux conditions énoncées à l'article4, paragraphe 1, et,
ces conditions étant supposéesremplies, à déterminer son vote par
ces considérations.

18. Il nous apparaît que si la Charte a tenu les conditions énon-
céesà l'article 4, paragraphe 1, pour nécessaires, elle ne les a pas
tenues pour suffisantes. Si elle les avait considérées commesuffi-
santes, elle n'aurait pas manqué de le dire :le point était d'assez
grande importance pour mériter de n'êtrepas laissédans l'ombre.
On comprend que les auteurs de la Charte qui n'entendaient
pas consacrer le principe de l'universalité n'aient pas voulu éliminer

37 JOINT DISSENTING OPINION go

These passages show that thetext thus worked out which ultim-
ately became paragraph 2 of Article4, was regarded as conferring
very wide powers upon the General Assembly.
Finally, M. Delgado, the Rapporteur of Commission 1, said, both
in his Report to the Conference (Vol. VI, p. 248) and in his speech
at the plenary session on the 25th June : "New Members will be
admitted only if they are recognized as peace-loving, accept the
obligations contained in the Charter, and, upon scrutiny by the
Organization, are adjudged able and ready to carry out those

obligations." (Vol. 1, p. 615.)
He thus stated very clearly that the qualifications specified in
paragraph I of Article 4 are essential qualifications. Had he
considered them also as sufficient,he would not have failed tosay so.
Nor can the significance of the word "recommendation",
Ij.
in paragraph 2 of Article 4, be overlooked. It is the function of
the Security Council to reject an applicant or to recommend its
admission. On the one hand, this fact indicates the discretionary
nature of this function of the Security Council, while, on the other
hand, the freedom of the General Assembly either to accept the
recommendation and admit the applicant or to reject the applica-
tion indicates that the function of the General Assembly in this
matter is also discretionary.

16. So far as particularly concerns the freedom of a Member
of the United Nations to put forward, in the course of the examin-
ation of an application for admission, this or that consideration
foreign to the qualifications specified by paragraph I of Article 4,
we may add that the Geiieral Assembly and the Security Council
possess, by virtue of Articles 21 and 30 of the Charter, the right
to regulate their own procedure. We can find nothing else which
could restrict the freedom of discussion and, consequently, subject
to the general control exercised by each organ, a Menlber enjoys
the right of expressing its views in the course of the debates.

17. In our opinion it follows from thesc considerations that a
Member of the United Nations remains legally entitled, either in
the Security Council or in the General Assembly, during the discus-
sion upon the admission of a new Member, to put forward consider-
ations foreign to the qualifications specified in paragraph I of
Article 4, and, assuming these qualifications to be fulfilled, to base
its vote upon such considerations.

18. In our opinion, while the Charter makes the qualifications
specified in paragraph I of Article 4 essential, it does not make
them sufficient. If it had regarded them as sufficient, it would
not have failed to Say so. The point was one of too great
importance to be left in obscurity.
It is easy to understand why the authors of the Charter, after
having rejected the principle of universality, sliould deem it g1 OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE

l'examen des aspects politiques très divers que peut, dans certains
cas, présenter la question d'admission. A considérer la diversité
des conditions politiqiies des Etats qui n'ont pas été Membres
originaires des Nations unies - les uns anciens ennemis, d'autres
anciens neutres, l'un neutre permanent en vertu d'un-traité, les uns
ayant un empire, les autres n'en ayant pas, les uns Etats unitaires
et d'autres fédératifsou formant quelque autre union d'Etats -, à
considérer en outre Les répercussions politiques que pourraient
entraîner la fusion dJEtats existants ou la naissance de nouveaux
Etats et leur entrée au sein des Nations unies, les auteurs de la

Charte, aprts avoir décidéde donner ici un rôleparticulier au Conseil
de Securité,ont peut-être agi sagement en estimant, comme nous
pensons qu'ils l'ont fait, qu'il était impossible de faire plus que
d'énoncer certaines qualifications préliminaires et essentielles pour
l'admission comme Membre et de laisser la question de l'admission
à la bonne foi et au bon sens du Conseil de Sécuritéet de l'Assemblée
générale,particulièrement au premier de ces deux organes en raison
des responsabilités particulières dont il a étéchargé. Les auteurs
de la Charte devaient voir au delà de l'année 1945 et s'efforcer de
disposer pour des éventualités que l'avenir pouvait réserver. Un
simple regard jeté sur les modifications survenues dans la carte du
monde au cours de la brèvepériodequi s'est écouléedepuis juin 1945
nous incline à penser que les auteurs de la Charte ontétéprévoyants

et prudents dans ce qu'ils ont établi.
19. Lorsqu'un Membre desNations unies introduit dans l'examen
d'une demande d'admission une considération étrangère aux condi-
tions de l'article4, paragraphe 1, il ne fait pas la mêmechose que
si la Charte avait fait de cette considération une condition s'ajou-

tant à celles déjà prévues. Cela ne pourrait êtrefait que par un
amendement à la Charte, et il ne s'agit pas de cela. Ce Membre se
borne, usant d'un droit qui lui appartient, à introduire dans le
débat une considération politique qui lui parait importante, dont
il lui appartient de s'inspirer, mais qu'il appartient également aux
autres Membres d'apprécier s'ils entendent également la retenir ou
s'ilspréfèrent l'écarter,sans êtrejuridiquement tenus deluiaccorder
aucune attention, alors qu'au contraire ils seraient juridiquement
tenus de s'incliner devant une objection déduitede l'absence dûment
constatée de l'une des conditions prévues à l'articl4,paragraphe 1,
de la Charte.

20. Si les Membres des Nations unies ont ainsi le droit et l'obli-
gation de tenir compte de toutes les considérations d'ordre poli-
tique qui, à leur avis, sont pertinentes lorsqu'il s'agit de décider
de l'admission d'un hlembre des Nations unies ou de son admission
immédiate, il ne faut pas perdre de vue que, d'une part, il existe
pour tous les Membres des Nations unies une obligation juridique
généraled'agir selon la bonne foi que vise d'ailleurs l'article 2,
paragraphe 2, de la Charte et en vue de réaliser lesButset Principes

38 JOINT DISSENTING OPINION g1

undesirable to exclude the consideration of the very diverse political
factors which the question ofadmission can in certain cases involve.
When one considers the variety in the political conditions of
the States which were not original Members of the United Nations
-some ex-enemy, some ex-neutral, one permanently neutral by

treaty, some with empires and some without, some unitary and
some consisting of federal or other unions of States-and when one
considers the political repercussions attending the union of existing
States, or the emergence of new States and their entry into the
United Nations-perhaps, the framers of the Charter, after having
decided in this connexion to entrust a special mission tothe Security
Council, were wise in their generation in taking the view (as we
submit they did) that it was impossible to do more thaa to pre-
scribe certain preliminary and essential qualifications for member-
ship and to leave the question of admission to the good faith and
the good sense of the Security Council and the General Assembly,
and particularly the former by reason of the special responsibilities
laid upon it. Forthe authors of the Charter had to look beyond the

year 1945 and endeavour to provide for events which thefuturehad
in store. A little reflection upon the changes in the map of the
world during the short period which has elapsed since June 1945
suggests to us that they were prescient and prudent in the plan
wich they adopted.

19. When a Member of the United Nations imports into the
examination of an application for admission a consideration which
is foreign to the qualifications of paragraph I of Article4, what he
does is not the same thing as it would be if the Charter made such
a consideration a qualification additional to those already required.
That would involve amending the Charter, and there can be no
question of that. The Member is merely introducing into the
discussion, as he has a right to do, a political factor which he con-
siders of importance and on which he is entitled to rely but which
the other Members are equally entitled to consider and decide
whether to accept or reject, without being legally bound to attach
any weight to it ;whereas on the other hand tbey would be legally
bound to give effect to an objection based on the duly established

lack of one of the qualifications specified in paragraph I of
Article 4.
20. While the Members of the United Nations have thus the
right and the duty to take into account al1 the political considera-
tions which are in their opinion relevant to a decision whether or
not to admit an applicant for membership or to postpone its admis-
sion,it must be remembered that there is an overriding legal obliga-
tion resting upon every Member of the United Nations to act in

good faith (an obligation which moreover is enjoined by paragraph 2
of Article 2 of the Charter) and with a view to carrying out the
38g2 OPINION DISSIDENTE COLLECTIVE
des Nations unies, et que, d'autre part, ceux qui, à un titre quel-
conque, siègent au Conseil de Sécuritéparticipent à l'action d'un
organe qui, en s'acquittant des devoirs que lui impose la responsa-

bilité principale du maintien de la paix et de la sécuritéinterna-
tionales, agit au nom de tous les Membres.

Cela ne permet pas de considérer la liberté ainsi laissée aux
Membres des Nations unies comme illimitée, ni leur pouvoir comme
arbitraire.

21. Pour ces motifs, nous estimons que la réponse à la première
question devrait être la suivante :

Un Membre des Nations unies, appelé, en vertu de l'article 4 de
la Charte, à se prononcer par son vote, soit au Conseil.de Sécvrité,
soit à l'Assemblée générale, sur l'admission d'un Etat possédant
les qualifications prévues au paragraphe I de cet article, participe
à une décision politique ;il est donc juridiquement fondé à faire
dépendre son consentement à cette admission de toute considération
à ses yeux pertinente, d'ordre politique. Cependant, dans l'exercice
de ce pouvoir, ce Membre est juridiquement obligéde se conformer
au principe de la bonne foi, de s'inspirer des Buts et des Principes

des Nations unies et d'agir d'une manière qui n'implique pas
manquement à la Charte.
22. Ayant ainsi répondu à la première question, nous passons
à la seconde, libellée comme suit :

((En particulier, peut-il, alors qu'il reconnaît que les conditions
prévues par ce texte sont remplies par l'État en question, subor-
donner son vote affirmatif à la condition que, en mêmetemps
que l'État dont il s'agit, d'autres États soient également admis
comme iviembres des Nations unies ?»

La pratique de l'Assemblée généraleet du Conseil de Sécurité
en matière d'admission de nouveaux Membres ne connaissant que
le vote affirmatif, le vote négatif et l'abstention, et non le vote
sous condition, la deuxième question posée doit s'entendre comme
demandant à la Cour de déterminer si un Membre de l'Orga-
nisation est juridiquement fondé, alors qu'il reconnait que les
conditions prévues par l'article 4, paragraphe 1,sont remplies par

l'État en cause, à voter contre l'admission tant qu'il n'est pas
assuré que d'autres Etats seront admis en même temps comme
Membres des Nations unies.
Cette question est posée en termes généraux et sans distinguer
suivant l'importance que peut avoir le vote de tel ou tel Membre
pour la formation de la majorité requise au Conseil de Sécurité OU
à l'Assemblée gbnérale.

23. Si, comme nous l'avons ci-dessus exposé, il est admis qu'un
Membre des Nations unies est juridiquement fondé à refuser son JOINT DISSENTING OPINION g2

Purposes and Principles of the United Nations, while at the same
time the members of the Security Council, in whatever capacity
they may be there, are participating in the action of an organ which
in the discharge of its primary responsibility for the maintenance of
international peace and security is acting on behalf of al1 the

Members of the United Nations.
That does not mean the freedom thus entrusted to the
Members of the United Nations is unlimited or that their
discretion is arbitrary.
21. For these reasons, Our view is that the first question should

be answered as follows :
A Mernber of the United Nations whiêhis called upon, in virtue
of Article4 of the Charter, to pronounce itself Dy its vote, either in
the Security Council or in the General Assembly, on the admission
of a State which possesses the qualifications specified in paragraph I
of that Article, is participating in a political decision and is there-

fore legally entitled to make its consent to the admission dependent
on any political considerations which seem to it to be relevant. In
the exercise of this power the Member is legally bound to have
regard to the principle of good faith, to give effect to the Purposes
and Principles of the United Nations and to act in such a manner
as not to involve any breach of the Charter.

22. Having now replied to the first question, we shall proceed to
the second, which is as follows :
"In particular, can such a Member, while it recognizes the
conditions set forth in that provision to be fulfilled by the State
concerned, subject its affirmative vote to the additional condition
that other States be admitted to membership in the United
Nations together with that State ?"

The practice of the General Assembly and of the Security Council
in regard to the admission of new Members recognizes an affirmative
vote, a negative vote, or an abstention, but not a vote subject to a
condition ;so the second question put must be understood as asking
the Court to decide whether a Member of the Organization is legally
entitled, while admitting that the qualifications prescribed in
Article 4, paragraph 1,are fulfilled by the applicant State, to vote
against its admission unless the Member is assured that other States
will be admitted to membership in the United Nations contem-
poraneously with that State.
This question is put in general terms, and without making any

distinction according tothe importance possessed bythe vote of any
pnrticular Member in the attainment of the majority required in the
Security Council or in the General Assembly.
If it is agreed (aswe have alreadysubmitted) that a Member
23.
of the United Nations is legally entitled to refuse to vote in favour
3993 OPINION DISSIDENTE COLLECTlVE
vote d'admission pour des considérations étrangères aux qualifica-

tions expressément prévues par l'article 4, paragraphe 1, cette
interprétation trouvera son application àla solution de la deuxième
question.
La considération tirée du désir d'obtenir en mêmetemps que
l'admission del'État en causel'admission d'autres Etats est évidem-
ment étrangère à la constatation que le premier remplit les condi-
tions prévues à l'article 4, paragraphe I ; c'est une considération
politique. Siun Membre des Nations unies est juridiquement fondé
à déterminer son refus d'admission par des considérationspolitiques,

c'est précisément ce qu'il fait ici.

24. Si la demande d'avis tendait à faire approuver ou désap-
prouver par la Cour le désir ainsi exprimé par un Membre -des

Nations unies d'obtenir, en mêmetemps que l'admission de 1'Etat
en cause, l'admission d'autres Etats, l'appréciation d'une telle
considération politique ne pourrait êtrefaite qu'au point de vue
politique. Or, une telle appréciation n'est pas du ressort de la Cour.
Emettre un avis de cet ordre ne serait pas émettre un avis
sur une question juridique au sens de l'article 96 de la Charte
et de l'article 65 du Statut. C'est faire une chose que de
demander à la Cour si un Membre est juridiquement fondé à tenir
compte de considérations politiques lorsqu'il vote sur l'admission
de nouveaux Membres ; c'est là une question juridique, et nous lui

avons donné notre réponse. C'est faire une tout autre chose que de
demander à la Cour d'apprécier le bien-fondé d'une considération
politique particulière dont tient compte un Membre ; c'est là une
question d'ordre politique à laquelle la Cour ne peut pas répondre.

25. Sans doute, comme nous l'avons dit, un Membre des Nations
unies ne jouit pas d'une liberté sans limites dans le choix des consi-
dérations politiques qui peuvent l'amener àrefuser ou à différer son
vote en faveur del'admission d'un État commeMembre des Nations
unies. Il doit user de ce pouvoir conformément à la bonne foi ainsi
qu'aux Buts et Principes de l'Organisation et d'une manière qui
n'implique pas manquement à la Charte. Aucun cas concret n'a été
soumis à la Cour dans lequel il serait mis en doute que cette obliga-

tion ait étérespectée. La Cour n'a doncpas à se demander ce qu'elle
aurait à faire si un tel cas concret lui était soumis.

(Signé) J. BASDEVANT.
( )) ) WINIARSKI.
( )) ) ARNOLD D. MCNAIR.

( )) ) JOHN E. READ. JOINT DISSENTING OPINION 93
of admission by reason of considerations foreign tothe qualifications
expressly laid down in Article 4, paragraph 1, this interpretation
applies equally to the second question.

A consideration based on the desire that the admission of the
State should involve the contemporaneous admission of other States
is clearly foreign to the process of ascertaining that the first State
possesses the qualifications laid down in Article 4, paragraph I;
it is a political consideration. If a Member of the United Nations
is legally entitled to make its refusal to admit depend on political
considerations, that is exactly what the Member would be doing in
this case.

24. If the request for an opinion involved the Court in approving
or disapproving the desire thus expressed by a Member of the United
Nations to procure the admission of other States at the sarne time
as the applicant State, it would only be possible to assess this pol-
itical consideration from a political point of view. But such an
assessment is not within the province of the Court. An opinion On
this subject would not be an opinion on a legal question within the
meaning of Article 96 of the Charter and Article 65 of the Statute.
It is one thing to ask the Court whether a Member is legally entitled
to rely on political considerations in voting upon the admission of
new Members ;that is a legal question and we have answered it.

It is quite anotherthing to ask the Court to assess the validity of any
particular political consideration upon which a Member relies ;that
is a political question and must not be answered.

Nevertheless, as we have said, a Member of the United
23.
Nations does not enjoy unlimited freedom in the choice of the polit-
ical considerations that may induce it to refuse or postpone its vote
in favour of the admission of a State to membership in the United
Nations. Itmust use this power in good faith, in accordance with
the Purposes and Principles of the Organizatioa and in such a
manner as not to involve any breach of the Charter. But no
concrete case has been submitted to the Court which calls into
question the fulfilment of the duty to keep withii-ithese limits ;so
the Court need not consider what it would have to do if a con-
crete case of this kind were submitted to it.

(Signed) J. BASDEVANT.
( ,, ) WINIARSKI.

( ,, ) ARNOLD D. MCNAIR.
( ,, ) JOHN E. READ.

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Opinion dissidente de MM. Basdevant et Winiarski, Sir Arnold McNair et M. Read

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