Opinion individuelle de M. Azevedo

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003-19480528-ADV-01-02-EN
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003-19480528-ADV-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. AZEVEDO

I. - Je suis d'accord sur les conclusions auxquelles est arrivée
la Cour, et les observations qui suivent ont simplement pour objet
d'exprimer certains motifs que j'estime de mon devoir de joindre
à l'avis.
Tout d'abord, je me permets de rappeler une manière de voir

antérieure, étant convaincu qu'une modification radicale avait
été introduite par la Charte dans le domaine des avis consultatifs ;
j'ai pensé même à la revision de l'article 82 et à la suppression
de l'article 83 du Règlement de la Cour pour écarter toute
demande déguisée enavis.
Si la fonction de conseiller attribuée à une Cour de Justice peut
choquer des convictions enracinées, il y avait à mon avis quelque
chose de beaucoup plus bizarre : c'était le tertium genus, qui a
toujours troublé la nette application de la règle énoncée à l'ar-

ticle14 du Pacte de 1919, comme on peut le constater en lisant
les travaux de tous ceux qui se sont occupés à fond du problème
(Bassett Moore, Hudson, De Visscher, Negulesco, Ténékidès,
Dauvergne, Beuve-Méry, Remlinger, etc.).
Les expressions <(tout différend ou tout point )ont donné lieu
à cette anomalie de faire trancher un litige sans forcede chose jugée
et quelquefois en dehors du consentement des parties intéressées ;
ainsi, le principe de la juridiction volontaire qui était à la base du
système risquait de disparaître à la suite d'un détournement bien
facile à entreprendre.

Pour éviter de telles conséquences, la Charte a substitué à ces
expressions tout simplement les termes « toute question juridique ))
(en anglais il n'y avait pas de modificatioà introduire parce que le
mot question correspondait déjà au français fioint).
A mon avis, la curieuse notion qu'on a dû appeler 1'«arbitrage
consultatif », ainsi que l'intervention de juges ad hoc en matière
d'avis, ont alors disparu. L'élémentperturbateur étant ainsi écarté,
la fonction consultative de la Cour assumera un grand relief, et
celle-ci n'aura pas à trancher de conflits réels par une méthode

indirecte et étrange, sorte de travestissement de la voie conten-
tieuse.
Grant Gilmore, tout en soulignant la réduction de compétence
opéréepar la Charte, a remarqué que les cas décidéspar l'ancienne
Cour, par la voie contentieuse, étant liésplus ail moins au consente-
ment des parties, ont présenté en général uneportée médiocre,
tandis que par la voie d'avis on a tranché des questions bien plus

2074 OPINIOX INDIVIDUELLE DE M. AZEVEDO

intéressantes. (Yale Law Journal, August 1946. The interna-
tional Court of Justice, pp. 1053, 1054 et 1064.)
Le fait de poser àune Cour des questions théoriques peut paraître
très singulier, mais on ne doit pas oublier que la Cour internationale
de Justice présente un double caractère : elle est à la fois tribunal .
et conseiller. Et il appartient bien àun organe consultatif de donner

une réponse in abstracto en vue d'une éventuelle application à
plusieurs situations de fait : minima circumstantia facti magnanz
diversitatem juris.
Certes, Manley Hudson a remarqué que la Cour permanente ne
s'est jamais départie des faits (The Permanent CourtofInternational
Justice, 1933, par. 470, pp. 495-496, et note 69), mais il reconnaît
aussi que, dans l'Avis no 1,la question avait déjàététranchée par
le Bureau international du Travail et que la demande d'avis avait
le seul but d'obtenir un criterium pour l'avenir (Hudson, op. cit.,
p. 497, C. P. J. I.,Série 2, no 1, p. 14).

Il faut reconnaître que toute demande -en dehors d'une attitude
tout à fait artificielle et qu'on ne saurait présumer - est toujours
provoquée ou influencée par des faits, mais il est aussi possible
d'éliminer lesélémentsconcrets afin dedégagerun point dogmatique
isolé.

Dans le rapport primitif de Lapradelle, en 1920, la demande
abstraite était déjà prévue à propos de la distinction entre, d'un
côté,le « point n, toujours circonscrit à une question de droit pur,
théorique, et, d'un autre côté,le « différend »,surgi sur la base d'un
conflit actuellement né, concret.

Une telle distinction correspond donc à l'idéedes fondateurs de

la Cour et elle était nettement tracée dans le projet présenté, en
1920, par le juriste brésilien Clovis Bevilacqua. C'est par tout cela
que la Cour permanente a pu affirmer :

« On ne voit pas pourquoi les États ne pourraient pas demander
à la Cour de donner une interprétation abstraite d'une conven-
tion; il semble plutôt que c'est une des fonctions les plus impor-
tantes qu'elle peut remplir.» (C. P. J. I., SérieA, no 7,pp. 18-1;
SérieB, no 1, p. 24.)
Il est mêmepréférable que la Cour ignore les différends qui ont
donné lieu à telle ou telle question ; elle ne serait pas amenée à

engager sa responsabilité en sortant de ses fonctions et, d'autre
part, elle laisserait un plus grand champ d'appréciation à l'organe
qui en devrait faire l'application sans froisser le prestige du tribunal.

2. - Je signale ainsi avec plaisir que le premier avis demandé
à la Cour offre un exemple parfait de la manière dont je voudrais75 OPINION INDIVIDUELLE DE M. AZEVEDO

qu'ils fussent toujours posés. La Cour n'a pas eu mêmele souci
de rechercher « avant tout si la demande ...a trait ou non à une
question juridique actuellement pendante entre deux ou plusieurs
États »,ainsi que l'exige l'article 82 de son Règlement.
11est certain que l'un des considérants qui précèdentla résolu-
tion adoptée par l'Assembléegénérale se réfère en termesprécis à
ce qui s'est passédans quelquesséancesdu Conseil de Sécurité,mais
si les questions poséespermettent une réponse complète, la Cour
n'est pas liéepar de simples considérants.

D'autre part, mêmesi la Cour voulait connaître les faits, elle ne
serait pas soumise à des limitations et pourrait se renseigner d'une
manière totale et non fragmentaire. Voilà pourquoi le Secrétaire
généralne s'est pas borné à envoyer à la Cour les trois procès-
verbaux invoqués, mais a transmis également une documentation
copieuse, dont s'est servi aussi le Secrétaire généraladjoint chargé
du Département juridique, dans son exposé oral.
Ainsi, l'examen de ces documents, comme aussi celui d'autres
élémentsdont nous avons pu prendre connaissance par simple
esprit d'investigation, convainc davantage en faveur d'une étude
purement spéculative des questions posées,de manière à permettre

à la Cour de donner, sans acception de personne ou d'Etat, un
avis dont les effets soient par conséquent applicables à tout Membre
de l'organisation.
En effet, on peut constater, d'après toute l'histoire du Conseil
de Sécuritéet de l'Assembléegénérale,depuisdeux ans que l'organi-
sation des Nations unies est en fonction, que les mêmesarguments,
ou presque, ont étéemployés et les mêmes crit9ues reproduites
alternativement par les représentants de certains Etats se trouvant,
par les faits, dans des situations pareilles encore qu'opposées.
On pourrait mêmerapprocher la discussion entamée au Conseil

de Sécurité à partir de la fin du mois d'août 1946 de celle qui s'est
dérouléedevant le mêmeorgane dès le mois de janvier 1946, ce
qui a permis, par exemple, à John Hazard de dégager l'idéedes
échanges en matière d'admission des Membres avant qu'elle ne se
posât clairement au sein de l'organisation des Nations unies. (Yale
Law Journal, cit.p. 1031.)

3. - En restant fidèle à un critère objectif, on pourra entre-
prendre l'examen de tout problème juridique sans égard aux
éléments politiques qui peuvent s'y mêler en n'importe quelle
proportion.
L'exception sur la portée politique du cas est bien connue des
tribunaux nationaux à propos des affaires néesd'une action discré-
tionnaire des gouvernements, mais les Cours disposent toujours de
moyens sûrs pour rejeter le non liquet et pour agir dans la zone de
transition qui constituela frontière entre le juridique et le politique
en tâchant de protéger les droits individuels. OPINION INDIVIDUELLE DE M. AZEVEDO
76
Dans mon pays, un juriste éminent, qui a étéaussi membre de
cette Cour, Ruy Barbosa, a épuisél'examen du problème à la
lumière du droit comparé (Direito do Amazonas ao Acre, Rio de

Janeiro, 1910) ;il est particulièrement intéressant de voir dans ce
travail comment, par exemple, l'histoire de la Cour de Washington
a fourni à ce propos nombre de renseignements utiles dès le com-
mencement de la vie autonome du pays, à travers la guerre de
Sécession,jusqu'aux événements de 1937 qui ont trait à l'adoption
du New Deal par Franklin Roosevelt.
Les décisions connues sous le nom d'lnsular Cases ont provoqué
des appréciations d'une grande finesse :C. F. Randolph a dit, par

exemple : ((des bruyantes questions politiques peuvent garder
cette nature en dehors de la Cour, mais devant celle-ci elles se
présentent comme de simples questions judiciaires D. (The Law
and Polices of Annexatiout, p. 105.)
Mais la possibilité d'une séparation des deux aspects est encore
admise dans d'autres pays, dont les systèmes juridiques sont très
différents de ceux adoptés en,Amérique. On pourrait à cet égard
citer l'activité du Conseil d'Etat français, dont la jurisprudence

en matière du contentieux administratif touche à des domaines
toujours plus étendus.
En nous transportant dans le champ du droit international, nous
constatons d'abord que, en dehors des vŒux et propos contenus
dans son Préambule, la Charte de l'organisation des Nations unies
rappelle que l'ajustement ou le règlement des différends ou des
situations de caractère international susceptibles d'aboutir à une
rupture de la paix doit être réalisépar des moyens pacifiques,

conform6mei?t aux principes de la justice et du droit international
(article premier, par. 1).
La bonne foi, dans l'accomplissement des obligations assumées
aux termes de la Charte, est aussi signalée (article 2, par. 2), ainsi
que le devoir, pour le Conseil de Sécurité, d'agir conformément
aux buts et principes des Nations unies (article 24, par. 2).

Partant, on ne pourra nier que l'organisation des Nationsunies
ne repose essentiellement sur des bases juridiques ; l'égalitésouve-
raine des Etats est régulièrement limitée afin de favoriser l'harmonie

entre les peuples (C. P. J. I., SérieB, no 13, p. 22),et il faut recon-
naître que toutes les nations, grandes ou petites, ont dû admettre
des limitations à leur activité internationale.
Les actes le plus typiquement politiques, tels que la déclaration
de guerre, restent soumis à des mesures «abortives ))ingénieuse-
ment reliées les unes aux autres ;d'un autre côté, le pouvoir de
conclure des traités est nettement réglé (article 103).
Dans ces conditions, les pouvoirs discrétionnaires qui sont accor-

dés expressément ou qui peuvent filtrer à travers la flexibilité de
nonibreux textes, se heurtent toujours à des limitations et doivent,
en ouLre,êtreexercésen vue des buts prévus par cet ordre juridique.
23 77 OPINION INDIVIDUELLE DE W. AZEVEDO
C'est pourquoi l'examen juridique des questions peut êtreétendu
jusqu'à la frontière de l'action politique, quoique l'abolition totale
des cas fzon justiciables, comme le souhaitent de grands esprits,

n'ait pas encore pu se réaliser.
Dans l'affaire présente, la question juridique est nettement
dégagée,et la Cour peut la trancher sans se demander si desmobiles
politiques déguisés y sont ou non introduits, exactement comme
l'a fait l'ancienne Cour dans l'Avis no 23 :

((La Cour ....est appelée à remplir une fonction judiciaire,
et ....il ne semble pas qu'il y ait lieu de discuter et d'appliquer
des principes politiques ou des théories sociales ....)) (SérieB,
no 13, P. 23.)

4. - En passant à l'examen du cas particulier et considérant
comme écartéela notion de l'universalité de l'O. N. U., idéal non
encore transformé en règle normative à l'égard de l'admission de
nouveaux Membres, il faut d'abord vérifiers'il y a, ou non, un droit
subjectif à êtreadmis dans cette sociétéinternationale.

Pour justifier une réponse affirmative, on a même proposél'appli-
cation de la notion d'obligation en faveur des tiers, adoptée non
seulement par divers traités, mais aussi par plusieurs autres groupe-
ments internationaux, comme celui de la propriété industrielle, où
tout pays est libre de donner son adhésion, cette adhésion suffisant

pour qu'il commence à jouir des droits et à assumer des obligations.

Mais ici, il ne s'agit pas d'un acte unilatéral, mais d'un acte
nettement bilatéral, qui n'est parfait qu'une fois la demande
acceptée par les organes principaux de l'O. N. U.
Une telle demande ne présente d'abord un caractère obligatoire
qu'à l'égard du demandeur qui attend l'acceptation, et mêmesi
celle-là est appuyée sur l'existence des qualités requises par la
Charte, le candidat ne peut pas être lui-mêmele juge de la confor-
mitéet de la preuve de ces conditions par rapport à l'article4. Cette
tâche appartient à l'organisation, qui peut, ou non, accepter la

proposition en exerçant un jugement de valeur qu'il lui appartient
exclusivement de rendre.
Donc, il ne s'agit pas d'un droit, mais d'un simple intérêt,lequel
peut toutefois êtreultérieurement transformé par ledit jugement.

Les conditions d'admission ont étéfixées délibérément d'une
manière si large et si souple qu'il en résulte une forte dose d'arbi-
traire dans les recommandations et les décisions y relatives.
Il serait difficile de considérer l'une quelconque des conditions
requises comme ayant un caractère purement objectif, susceptible
d'une appréciation algébrique ;et en dépit de la place attribuée au

mot ((jugement »,c'est précisémentau sujet du caractère pacifique 78 OPINION INDIVIDUELLE DE M. AZEVEDO

d'un État qu'on a ouvert un large crédit aux vues politiques de
ceux qui doivent se prononcer.
Des mobiles de tout ordre qui peuvent rapprocher ou écarter et
les hommes et les pays s'infiltreront dans les interstices qui sont
restés ; tous lespréjugéset mêmeles aversions physiques trouveront
le moyen d'influencer la décision soit par un acte de volonté, soit
même par l'action du subconscient ; chaque appréciation sera
psychologiquement déterminéepar le critère qu'appliquera chaque
votant.
~ ..
Il serait vain d'exiger dans la pratique que les représentants des
États se comportassent exclusivement selon des préoccupations
de nature idéaleet abstraite, puisque, au fond de toute organisation
sociale, il n'y a que des hommes dont les vertus et les défauts,
d'ordre individuel ou collectif, sont à peu près les mêmes.
La querelle philosophique des « universaux » n'a pas réussi, à
travers les sièclesà donner d'autre base aux groupementshumains,
en dépit du perfectionnement des doctrines nominalistes, réalistes
ou conceptualistes sur la personnalité juridique ou sur l'organisme

institutionnel.
Bref, tous les éléments politiques interviendront pour déterminer
le jugement des organes de l'O. N. U. à propos des qualifications
requises à l'articl4 de la Charte :ainsi, des objections développées
à propos de la protection des droits de l'homme, des attitudes des
payspendant la dernière guerre, de l'étendue des relations diploma-
tiques, etc., peuvent en principe justifier un refus.

De la Conférence mêmede San-Francisco est parti l'exemple
lorsqu'elle aapprouvé par acclamation la proposition selon laquelle

les pays dont les gouvernements avaient étéinstallés avec l'aide des
forces militaires des pays ayant lutté contre les Nations unies,
seraient considérés comme ne se conformant pas aux conditions
requises.
A propos des institutions démocratiques, on a évitéaussi d'y faire
une référencedirecte, à peu près dans les termes adoptés dans la
Conférencede Téhéran de 1943 (Goodrich and Hambro, Charter of
the United Nations, p. 80), par crainte d'une intervention ou d'une
simple ingérence dans les affaires domestiques d'un pays ; mais le

rapport même,qui a fait état de telles appréhensions, n'a pas oublié
de souligner qu'il était possible, pour une appréciation de ce genre,
d'intervenir lors du jugement sur les qualifications exigées.
(U. N. C. 1. O., Comité 112, doc. 1160, vol. VII, p. 316.)

5. - En revanche, il faut reconnaître qu'on a tout de même
limité l'examen des candidatures, en déterminant les seules
exigences qu'un candidat était tenu à satisfaire;c'était leminimum
considérécomme nécessaire pour prévenir l'arbitraire.

Donc, la formule adoptée diffère essentiellement de celle de la
Sociétédes Nations, où l'on n'exigeait aucune qualité ni enquête
25 7 9 OPINION INDIVIDUELLE DE M. AZEVEDO

préalable sur le passé du candidat ; on l'invitait simplement à
prendre un engagement pour l'avenir, en donnant (« pourvu que »)
des garanties effectives de son intention sincère d'observer ses
engagements internationaux. Un régime plus restrictif et moins
discrétionnaire convenait mieux à l'ordre juridique que le monde
était désireux de rétablir, dèsla déclaration des Quatre Puissances
de Moscou, en 1943, après la Charte de l'Atlantique.

En examinant l'élément systématique, on trouvera encore
que les bâtisseurs de San-Francisco,pour élargir toute énumération
de clauses, ont jugénécessaired'établir, le cas échéant,une faculté
expresse ; ainsi, on a réservé des exceptions à propos des questions
importantes, soumises àlavotation des deux tiers (Charte,article 18,
par. 3), des territoires entrant dans le régimede tutelle (article 77,
par. 2), de la participation à la Cour des Etats non Membres
(article93, par. 2) et du jugement en dehors des sources de droit
(Statut, article 38, par. 2).
Mais l'article 4 ne comporte aucune exception aux conditions

nettement posées ;en ce qui concerne l'absence du mot ((condi-
tion »dans le texte anglais, cela n'altère pas lerégime,sion constate
qu'à maintes reprises le mêmemot, pris dans le mêmesens, corres-
pond en anglais tantôt à condition (Charte, article 93, et Statut,
article4,par. 2 et 3, articles 18et 35), tantôt àqualification (Statut,
articles2 et 9).
L'examen de tous les documents permet encore de constater que
l'interprétation limitative a prévalu dans la pratique des organes
de l'O. N. U., où des griefs sont réciproquement soulevéspar leurs
Membres à propos des exigences formulées en dehors du cadre
fixé par l'article 4. Mais on n'y a jamais affirmé qu'un pays
remplissant toutes les conditions légalespouvait néanmoins n'être

pas admis, faute d'autres qualités ; au contraire, on a toujours
déclaré que l'inexistence de certaines qualités empêchait de remplir
lesconditionsprescrites par un texte qu'on ne voulait pasenfreindre.

Et si je ne me trouvais pas devant une question abstraite et,
partant, si j'étaisobligéde tenir compte des faits, je tiendrais pour
nullement prouvées des allégations qui pourraient êtremises à la

base de la première question.

6. - Après avoir établi la fixité des conditions requises, on
pourrait encoredemander si, tout en admettant la grandeamplitude
du jeu des raisons politiques, il serait possible, eu égard aux consé-
quences de la doctrine de la relativité des droits déjà acceptéepar
le droit international (C. P. J. I.,SérieA, nos 7, p. 30; et 24, p. 2,

et Série A/B, no 46, p. 167) ,'admettre une espèce de censure 80 OPINION INDIVIDUELLE DE M. AZEVEDO
pour tous les cas où, lors de l'appréciation des qualités limitative-
ment énumérées, il y a eudétournement de pouvoir présentant

un caractère abusif ou du moins anormal.
Tout ordre juridique comporte des limitations et est fondésur des
normes précises qui sont toujours prêtes à réapparaître comme
l'élémentconstant de la construction, aussitôt dépasséle champ
d'action des principes de caractère discrétionnaire, adoptés à titre
exceptionnel.
Une telle constatation a des racines très anciennes dans la vie
juridique, qui ont pu mitiger, à travers les siècles, l'adage qui suo
jure utitztr neminem laedit.
Le concept de l'abus de droit est dès maintenant émancipédes

classiques notions du do1 et de la faute ; au dernier stade du
problème, on peut mettre de côté toute recherche d'intention pour
examiner seulement l'aspect objectif, c'est-à-dire, en présumant que
le droit dont il s'agit doit êtreexercéconformément aux critères de
la normalité en vue du but social de la loi. (V. g. Code civil suisse,
art.2 ; soviétique, art1, et brésilien, art. 160.)

Mêmel'arbitraire souffre de restrictions. Il serait sans doute
difficile de fixer des bornes a priori, quoiqu'il soit bien facile de
formuler des exemples :pourrait-on considérer la Suisse comme un
pays non épris d'un idéal de paix ? Le politique pourrait-il
chevaucher le juridique à ce point extrême?

Dans un autre domaine, on pourrait aussi se demander, au cas
où la réserve de la Charte à l'égard desaffaires dites domestiques
n'admettrait aucun contrôle, comment l'organisation pourrait se
maintenir.
Mais ici il n'y aurait pas de motifs à rechercher, car la Cour se
trouve en présence d'un avis théorique ;en tout cas, ce serait une
tâche très difficilà remplir parce que les Membres votants ne sont
pas tenus d'avouer les motifs qui les ont déterminés.
Certes, s'ils préfèrent faire une motivation, toujours recomman-
dable, ce serait eux-mêmesqui permettraient un examen des limita-
tions en transformant un acte abstrait en un acte causal, comme

il arrive souvent en droit privé dans le domaine de certains titres
de crédit, de manière à ouvrir la possibilité d'une enquêtesur l'exis-
tence et la vérité d'une cause quelconque. La falsa demonstratio
peut ainsi vicier l'acte juridique lorsqu'on le subordonne à un
certain motif.
Il est vrai qu'on a soutenu que la déclaration des motifsn'est pas
simplement un acte de courtoisie, mais l'accomplissement d'un
devoir pour que l'Assemblée puisse connaître les raisons d'une
recommandation tendant au refus. Mais, si la grande majorité des

Membres de l'O. N. U. soutient que la recommandation du Conseil
de Sécuritéest une condition sine qua non pour l'admission d'un
Membre par l'Assemblée, ilserait inutile pour celle-ci de vérifier les 81 OPINION INDIVIDUELLE DE M. AZEVEDO

raisons que le Conseil aurait eues pour ne pas présenter une proposi-
tion favorable.

7. - La demande d'avis ne s'est pas bornéeà un point général;
elle contient également une question particulière, à savoir, l'hypo-
thèse où un vote affirmatif serait subordonné à l'acceptation
simultanée d'autres Etats ; et une telle attitude a pu êtrealléguée
à plusieurs reprises, directement ou indirectement, d'une manière
claire ou déguisée.
Mais ilne s'agit pas d'un simpleexemple ou corollaire, quirendrait
superflue une réponse spéciale ; au contraire, la seconde question,
de par sa nature intrinsèque, n'est pas tout fait comprise dans la
première. Il y aurait une transposition de plan, de l'individuel au
collectif, sans une base juridique lorsque l'arbitraire n'existerait
plus, en passant de l'examen des qualités inhérentes à un certain
candidat à des circonstances étrangères à ce candidat, et liéesen
revanche aux intérêtsde tlers.
Si l'on reconnaît qu'un Etat fait preuve de toutes les qualités

demandées, on pourrait mêmeconsidérer qu'un refus équivaudrait
àvioler,non seulement un simple intérêt,mais un droit déjàformé,
l'acceptation de l'État ayant, par un jugement achevé, étéreconnue
comme pleinement fondée.
Les raisons les plus respectables, comme celle qui est fondéesur
la validité d'un engagement international préalable, mêmesi cet
engagement obligeait tous les Membres de l'O.N. U., ne sauraient
en aucun cas justifier un tel abandon de la règle juridique par une
espècede rétorsion. Juridiquement, il serait aussi anormal de refuser
l'admission pour éviter une injustice contre des tiers ou pour parer
à une action tenue pour arbitraire que d'exiger des compensations
de la part d'un candidat.

8.- Après avoir circonscrit la question dans ses véritables
limites, un juge aura rempli son devoir en donnant une réponse
juridique, indépendamment des faits et sans se prononcer sur
l'attitude adoptée par l'un ou l'autre Etat (C. P. J. I., SérieB,

no 13, p. 24).
En agissant de la sorte, il ne troublera pas l'activité politique
des organes responsables du maintien de la paix, car des éléments
fondéssur l'opportunité, manifestes ou cachés, pourront toujours
entrer en ligne de compte à l'occasion d'un usage raisonnable des
larges possibilités ouvertes par l'artic4ede la Charte. Le respect
du droit ne peut jamais constituer une cause perturbatrice de
l'harmonie internationale, ni bouleverser la vie de n'importe quelle
société.

(Signe PHILADELPHO AZEVEDO.

Bilingual Content

OPINION INDIVIDUELLE DE M. AZEVEDO

I. - Je suis d'accord sur les conclusions auxquelles est arrivée
la Cour, et les observations qui suivent ont simplement pour objet
d'exprimer certains motifs que j'estime de mon devoir de joindre
à l'avis.
Tout d'abord, je me permets de rappeler une manière de voir

antérieure, étant convaincu qu'une modification radicale avait
été introduite par la Charte dans le domaine des avis consultatifs ;
j'ai pensé même à la revision de l'article 82 et à la suppression
de l'article 83 du Règlement de la Cour pour écarter toute
demande déguisée enavis.
Si la fonction de conseiller attribuée à une Cour de Justice peut
choquer des convictions enracinées, il y avait à mon avis quelque
chose de beaucoup plus bizarre : c'était le tertium genus, qui a
toujours troublé la nette application de la règle énoncée à l'ar-

ticle14 du Pacte de 1919, comme on peut le constater en lisant
les travaux de tous ceux qui se sont occupés à fond du problème
(Bassett Moore, Hudson, De Visscher, Negulesco, Ténékidès,
Dauvergne, Beuve-Méry, Remlinger, etc.).
Les expressions <(tout différend ou tout point )ont donné lieu
à cette anomalie de faire trancher un litige sans forcede chose jugée
et quelquefois en dehors du consentement des parties intéressées ;
ainsi, le principe de la juridiction volontaire qui était à la base du
système risquait de disparaître à la suite d'un détournement bien
facile à entreprendre.

Pour éviter de telles conséquences, la Charte a substitué à ces
expressions tout simplement les termes « toute question juridique ))
(en anglais il n'y avait pas de modificatioà introduire parce que le
mot question correspondait déjà au français fioint).
A mon avis, la curieuse notion qu'on a dû appeler 1'«arbitrage
consultatif », ainsi que l'intervention de juges ad hoc en matière
d'avis, ont alors disparu. L'élémentperturbateur étant ainsi écarté,
la fonction consultative de la Cour assumera un grand relief, et
celle-ci n'aura pas à trancher de conflits réels par une méthode

indirecte et étrange, sorte de travestissement de la voie conten-
tieuse.
Grant Gilmore, tout en soulignant la réduction de compétence
opéréepar la Charte, a remarqué que les cas décidéspar l'ancienne
Cour, par la voie contentieuse, étant liésplus ail moins au consente-
ment des parties, ont présenté en général uneportée médiocre,
tandis que par la voie d'avis on a tranché des questions bien plus

20 INDIVIDUAL OPINION BY M. AZEVEDO.
[Translation.]

1.-1 agree with the findings of the Court, and the purpose
of the following remarks is merely to explain certain reasons
which 1 should like to add to the opinion.

I would begin by referring to my previous view, that 1 am
convinced that a radical change was made by the Charter in
the matter of advisory opinions. 1 also have in mind the revision
of Article 82 and the abolition of Article 83 of the Rules of Court,
to prevent any request disguised as an opinion.

If the function of advisor given to a Court of Justice offends
certain deep-rooted convictions, there is something even stranger
in my view ; it is the tertiurn genus which has always impeded
the clear application of the rule laid down in Article 14 of the
1919 Covenant, as may be seen by reading the commentaries of

those who studied the problem (Bassett Moore, Hudson, De
Visscher, Negulesco, Ténékidès,Dauvergne, Beuve-Méry, Rem-
linger, etc.).
The expressions "any dispute or any point" have given rise
to the anomaly of settling a dispute without having the authority
of a judgment and sometimes without the consent of the interested
parties ;in this way, the principle of voluntary jurisdiction, which
was at the basis of the system, ran the risk of disappearing as
the result of a diversion which was easy to undertake.
In order to forestall such consequences, the Charter substituted
for these expressions simply the terms "any legal question" (in
English no change was necessary, because the word question
already corresponded with the French point).

In my view, this strange notion which has been called "advisory
arbitration" has now disappeared, as well as the participation of
judges ad hoc in advisory opinions. The disturbing element
having been removed, the advisory function of the Court will
assume great importance, and the Court will not have to settle
genuine disputes by a strange and indirect method, a sort of
travesty of contentious procedure.
Grant Gilmore, in emphasizing the reduction of jurisdiction
brought about by the Charter, has observed that the contentious
cases decided by the old Court, being more or less linked to the
consent of the parties, generally had only secondary importance,
while those matters which were decided by advisory opinion were74 OPINIOX INDIVIDUELLE DE M. AZEVEDO

intéressantes. (Yale Law Journal, August 1946. The interna-
tional Court of Justice, pp. 1053, 1054 et 1064.)
Le fait de poser àune Cour des questions théoriques peut paraître
très singulier, mais on ne doit pas oublier que la Cour internationale
de Justice présente un double caractère : elle est à la fois tribunal .
et conseiller. Et il appartient bien àun organe consultatif de donner

une réponse in abstracto en vue d'une éventuelle application à
plusieurs situations de fait : minima circumstantia facti magnanz
diversitatem juris.
Certes, Manley Hudson a remarqué que la Cour permanente ne
s'est jamais départie des faits (The Permanent CourtofInternational
Justice, 1933, par. 470, pp. 495-496, et note 69), mais il reconnaît
aussi que, dans l'Avis no 1,la question avait déjàététranchée par
le Bureau international du Travail et que la demande d'avis avait
le seul but d'obtenir un criterium pour l'avenir (Hudson, op. cit.,
p. 497, C. P. J. I.,Série 2, no 1, p. 14).

Il faut reconnaître que toute demande -en dehors d'une attitude
tout à fait artificielle et qu'on ne saurait présumer - est toujours
provoquée ou influencée par des faits, mais il est aussi possible
d'éliminer lesélémentsconcrets afin dedégagerun point dogmatique
isolé.

Dans le rapport primitif de Lapradelle, en 1920, la demande
abstraite était déjà prévue à propos de la distinction entre, d'un
côté,le « point n, toujours circonscrit à une question de droit pur,
théorique, et, d'un autre côté,le « différend »,surgi sur la base d'un
conflit actuellement né, concret.

Une telle distinction correspond donc à l'idéedes fondateurs de

la Cour et elle était nettement tracée dans le projet présenté, en
1920, par le juriste brésilien Clovis Bevilacqua. C'est par tout cela
que la Cour permanente a pu affirmer :

« On ne voit pas pourquoi les États ne pourraient pas demander
à la Cour de donner une interprétation abstraite d'une conven-
tion; il semble plutôt que c'est une des fonctions les plus impor-
tantes qu'elle peut remplir.» (C. P. J. I., SérieA, no 7,pp. 18-1;
SérieB, no 1, p. 24.)
Il est mêmepréférable que la Cour ignore les différends qui ont
donné lieu à telle ou telle question ; elle ne serait pas amenée à

engager sa responsabilité en sortant de ses fonctions et, d'autre
part, elle laisserait un plus grand champ d'appréciation à l'organe
qui en devrait faire l'application sans froisser le prestige du tribunal.

2. - Je signale ainsi avec plaisir que le premier avis demandé
à la Cour offre un exemple parfait de la manière dont je voudrais INDIVIDUAL OPINION BY hl. AZEVEDO 74

much more interesting. (Yale Law Jozcrnal, August 1946. The
International Court of Justice, pp. 1053, 1054 and 1064.)
That a Court should be asked for an opinion on theoretical
questions may seem strange. But it must not be forgotten that
the International Court of Justice has a double character : that

of tribunal, and that of counsellor. And it is quite fitting for
an advisory body to give an answer in abstracto which may
eventually be applied -to several de facto situations : minima
circumstantia facti magnam diversitatem juris.
It is true that Manley Hudson made the point that the
Permanent Court never deviated from the facts (The Permanent
Court of International Jzutice, 1933,. para. 470, pp. 495-496,
and note 69), but he admits too that in Advisory Opinion No. I
the question had already been decided by the International
Labour Office, and that the request for the opinion had as its
sole purpose the establishment of a criterion for the future
(Hudson, op. cit., p. 497, P.C.I.J., Series B., No. 1, p. 14).
Any request-apart from a quite artificial attitude, which

cannot be presumed-always arises from or is influenced by facts,
but it is also possible to eliminate the concrete elements, so as
to reveal an isolated point of doctrine.

In the original report by Lapradelle, in 1920, an abstract request
\vas already contemplated in connexion with the distinction
between a "point", on the one hand, which was always limited
to a question of pure, theoretical law, and, on the other hand,
a "dispute", which had arisen from a concrete disagreement,
already in existence.
Such a distinction therefore corresponds to the idea held by
the founders of the Court, and it was clearly inciicated in the
plan proposed in 1920 by the Brazilian jurist Clovis Bevilacqua.

It is for al1 these reasons that the Permanent Court could say :

to ask the Court to give an abstract interpretation of a treaty;
rather would it appear that this is one of the most important
functions which itcan fulfil." (P.C.I.J., Series A., No.7,pp. 18-;9
Series B., No. I, p. 24.)

It is even preferable that the Court should ignore disputes that
have given rise to any particular question. The Court would not
then be led to incur responsibility by departing from its normal

duty ;the Court would thus leave a wider field of appreciation open
to the body which would have to apply the convention without
slighting the prestige of the tribunal.

2.-1 am glad to note that the first opirlion for which the Court is
asked affords a perfect example of the rnanner in whicli 1 would
2175 OPINION INDIVIDUELLE DE M. AZEVEDO

qu'ils fussent toujours posés. La Cour n'a pas eu mêmele souci
de rechercher « avant tout si la demande ...a trait ou non à une
question juridique actuellement pendante entre deux ou plusieurs
États »,ainsi que l'exige l'article 82 de son Règlement.
11est certain que l'un des considérants qui précèdentla résolu-
tion adoptée par l'Assembléegénérale se réfère en termesprécis à
ce qui s'est passédans quelquesséancesdu Conseil de Sécurité,mais
si les questions poséespermettent une réponse complète, la Cour
n'est pas liéepar de simples considérants.

D'autre part, mêmesi la Cour voulait connaître les faits, elle ne
serait pas soumise à des limitations et pourrait se renseigner d'une
manière totale et non fragmentaire. Voilà pourquoi le Secrétaire
généralne s'est pas borné à envoyer à la Cour les trois procès-
verbaux invoqués, mais a transmis également une documentation
copieuse, dont s'est servi aussi le Secrétaire généraladjoint chargé
du Département juridique, dans son exposé oral.
Ainsi, l'examen de ces documents, comme aussi celui d'autres
élémentsdont nous avons pu prendre connaissance par simple
esprit d'investigation, convainc davantage en faveur d'une étude
purement spéculative des questions posées,de manière à permettre

à la Cour de donner, sans acception de personne ou d'Etat, un
avis dont les effets soient par conséquent applicables à tout Membre
de l'organisation.
En effet, on peut constater, d'après toute l'histoire du Conseil
de Sécuritéet de l'Assembléegénérale,depuisdeux ans que l'organi-
sation des Nations unies est en fonction, que les mêmesarguments,
ou presque, ont étéemployés et les mêmes crit9ues reproduites
alternativement par les représentants de certains Etats se trouvant,
par les faits, dans des situations pareilles encore qu'opposées.
On pourrait mêmerapprocher la discussion entamée au Conseil

de Sécurité à partir de la fin du mois d'août 1946 de celle qui s'est
dérouléedevant le mêmeorgane dès le mois de janvier 1946, ce
qui a permis, par exemple, à John Hazard de dégager l'idéedes
échanges en matière d'admission des Membres avant qu'elle ne se
posât clairement au sein de l'organisation des Nations unies. (Yale
Law Journal, cit.p. 1031.)

3. - En restant fidèle à un critère objectif, on pourra entre-
prendre l'examen de tout problème juridique sans égard aux
éléments politiques qui peuvent s'y mêler en n'importe quelle
proportion.
L'exception sur la portée politique du cas est bien connue des
tribunaux nationaux à propos des affaires néesd'une action discré-
tionnaire des gouvernements, mais les Cours disposent toujours de
moyens sûrs pour rejeter le non liquet et pour agir dans la zone de
transition qui constituela frontière entre le juridique et le politique
en tâchant de protéger les droits individuels. INDIVIDUAL OPINION BY M. AZEVEDO 75

wish questions always to be put. The Court hasnot even had above
al1to "consider whether the request for the advisory opinion relates
to a legal question actually penaing between two or more States",
as required by Article 82 of the Rules.
It is true that one of the recitals at the head of the resolution
adopted by the General Assembly refers in precise terms to what
happened in certain meetings of the Security Council, but if the
questions asked are clear enough to make a complete answer
possible, the Court is not bound by mere recitals.

On the other hand, if the Court chose to know the facts, it would
not be limited, and would be free to inform itself not partially, but
completely. That is why the Secretary-General did not send to
the Court only the minutes of the three meetings referred to, but
sent copious documentation, which the Assistant Secretary-General
in charge of the Legal Department used in his oral statement.

Thus, the examination of these documents, as of al1 other

elements which we have been able to examine for the purpose of
investigation, convinces us even further that we should make a
purely theoretical study of the question, so as to enable the Court
without the assistarice of any individual or State, to give an opinion
of which the effects would be applicable to al1 Mernbers of the
Organization.
In fact, it can be seen, by examining the whole history of the
Security Council and of the General Assembly, since the United
Nations was founded two years ago, that alrnost the same arguments
have been used and the same criticism reproduced alternatively by

the representatives of certain States who found themselves, by the
force of circumstances, in similar, though cpposite, situations.
The discussio~iwhich began in the Security Council at the end of
August 1946 might even be compared to that which had already
taken place in the same body in January 1946; this made it possible
for John Hazard to write about the idea of bargairiing in the
admission of Members even before the question really came up in
the United Nations. (Yale Law Journal, cit., p. 1031.)

3.--By applying an objective criterion faithfully, any legal
questian can be examined without considering the political ele-
ments which may, in some proportion, be involved.

Objection to the political aspect of a case is familiar to domestic

tribunals in cases arising from the discretionary action of govern-
ments, but the Courts always have a sure means of rejecting the
non liquet and of acting in the penurnbra which separates the legal
and the political, in the endeavour to protect individual rights. OPINION INDIVIDUELLE DE M. AZEVEDO
76
Dans mon pays, un juriste éminent, qui a étéaussi membre de
cette Cour, Ruy Barbosa, a épuisél'examen du problème à la
lumière du droit comparé (Direito do Amazonas ao Acre, Rio de

Janeiro, 1910) ;il est particulièrement intéressant de voir dans ce
travail comment, par exemple, l'histoire de la Cour de Washington
a fourni à ce propos nombre de renseignements utiles dès le com-
mencement de la vie autonome du pays, à travers la guerre de
Sécession,jusqu'aux événements de 1937 qui ont trait à l'adoption
du New Deal par Franklin Roosevelt.
Les décisions connues sous le nom d'lnsular Cases ont provoqué
des appréciations d'une grande finesse :C. F. Randolph a dit, par

exemple : ((des bruyantes questions politiques peuvent garder
cette nature en dehors de la Cour, mais devant celle-ci elles se
présentent comme de simples questions judiciaires D. (The Law
and Polices of Annexatiout, p. 105.)
Mais la possibilité d'une séparation des deux aspects est encore
admise dans d'autres pays, dont les systèmes juridiques sont très
différents de ceux adoptés en,Amérique. On pourrait à cet égard
citer l'activité du Conseil d'Etat français, dont la jurisprudence

en matière du contentieux administratif touche à des domaines
toujours plus étendus.
En nous transportant dans le champ du droit international, nous
constatons d'abord que, en dehors des vŒux et propos contenus
dans son Préambule, la Charte de l'organisation des Nations unies
rappelle que l'ajustement ou le règlement des différends ou des
situations de caractère international susceptibles d'aboutir à une
rupture de la paix doit être réalisépar des moyens pacifiques,

conform6mei?t aux principes de la justice et du droit international
(article premier, par. 1).
La bonne foi, dans l'accomplissement des obligations assumées
aux termes de la Charte, est aussi signalée (article 2, par. 2), ainsi
que le devoir, pour le Conseil de Sécurité, d'agir conformément
aux buts et principes des Nations unies (article 24, par. 2).

Partant, on ne pourra nier que l'organisation des Nationsunies
ne repose essentiellement sur des bases juridiques ; l'égalitésouve-
raine des Etats est régulièrement limitée afin de favoriser l'harmonie

entre les peuples (C. P. J. I., SérieB, no 13, p. 22),et il faut recon-
naître que toutes les nations, grandes ou petites, ont dû admettre
des limitations à leur activité internationale.
Les actes le plus typiquement politiques, tels que la déclaration
de guerre, restent soumis à des mesures «abortives ))ingénieuse-
ment reliées les unes aux autres ;d'un autre côté, le pouvoir de
conclure des traités est nettement réglé (article 103).
Dans ces conditions, les pouvoirs discrétionnaires qui sont accor-

dés expressément ou qui peuvent filtrer à travers la flexibilité de
nonibreux textes, se heurtent toujours à des limitations et doivent,
en ouLre,êtreexercésen vue des buts prévus par cet ordre juridique.
23 INDIVIDUAL OPINION BY M. AZEVEDO
76
In n~ycountry, an eminent jurist who was also a member of this
Court, Ruy Barbosa, examined the problem fully in the light of
comparative law (Direito do Amazonas ao Acre, Rio de Janeiro,

1910) ; it is particularly interesting to see in his work how, for
instance, the history of the Washington Court from the beginning
of the country's autonomous existence, through the war of Seces-
sion, until 1937, and the adoption of the ATemDeal by Franklin
Roosevelt, affords useful information.

The decisions known as the "Insular Cases" have been ably
cornrnented on. C. F. Randolph, for instance, states that "these
may be momentous political questions without the precincts of
the Court ; within, they are simple judicial questions" (The
Lam and Polices of Annexation, p. 105.)

But the possibility of a separation of the two aspects is still

admitted in other countries, whose juridical systems are quite
different from those of Arnerica. In this connexion, the activity
of the French Council of State might be mentioned ; its jurispru-
dence embraces a constantly widening field.

If we move into the field of international law, we observe that,
outside the general wishes expressed in the Preamble, the Charter
of the United Nations reminds us that the adjustment or settlement
of international disputes or situations which might lead to a breach
of the peace is to be brought about by peaceful means, and in
conformity with the principles of justice and international law
(Article 1, para. 1).

The good faith in which the obligations assumed in accordance
with the Charter shall be fulfilled is also mentioned (Article 2,
para. 2), as well as the duty of the Security Council to act in
accordance with the purposes and principles of the United
Nations (Article 24, para. 2).
Consequently, it cannot be denied that the United Nations rests
essentially on legal foundations ; the sovereign equality of States
is restricted, in order to promote harmony among peoples (P.C.I. J.,
Series B., No. 13, p. 22), and it must be adrnitted that al1 nations,
large or small, have had to limit their international activities.

The most typically political acts, such as the declaration of war,

are subject to ingeniously linked "abortive" measures ; on the
other hand, the power to conclude treaties is regulated (Article 103).

In such conditions, the discretionary powers which are expressly
granted, or which can filter through numeroiis flexible provisions,
always corne up açainst limitations and must, in addition, be
exercised with a view to the aims of this legal order.

23 77 OPINION INDIVIDUELLE DE W. AZEVEDO
C'est pourquoi l'examen juridique des questions peut êtreétendu
jusqu'à la frontière de l'action politique, quoique l'abolition totale
des cas fzon justiciables, comme le souhaitent de grands esprits,

n'ait pas encore pu se réaliser.
Dans l'affaire présente, la question juridique est nettement
dégagée,et la Cour peut la trancher sans se demander si desmobiles
politiques déguisés y sont ou non introduits, exactement comme
l'a fait l'ancienne Cour dans l'Avis no 23 :

((La Cour ....est appelée à remplir une fonction judiciaire,
et ....il ne semble pas qu'il y ait lieu de discuter et d'appliquer
des principes politiques ou des théories sociales ....)) (SérieB,
no 13, P. 23.)

4. - En passant à l'examen du cas particulier et considérant
comme écartéela notion de l'universalité de l'O. N. U., idéal non
encore transformé en règle normative à l'égard de l'admission de
nouveaux Membres, il faut d'abord vérifiers'il y a, ou non, un droit
subjectif à êtreadmis dans cette sociétéinternationale.

Pour justifier une réponse affirmative, on a même proposél'appli-
cation de la notion d'obligation en faveur des tiers, adoptée non
seulement par divers traités, mais aussi par plusieurs autres groupe-
ments internationaux, comme celui de la propriété industrielle, où
tout pays est libre de donner son adhésion, cette adhésion suffisant

pour qu'il commence à jouir des droits et à assumer des obligations.

Mais ici, il ne s'agit pas d'un acte unilatéral, mais d'un acte
nettement bilatéral, qui n'est parfait qu'une fois la demande
acceptée par les organes principaux de l'O. N. U.
Une telle demande ne présente d'abord un caractère obligatoire
qu'à l'égard du demandeur qui attend l'acceptation, et mêmesi
celle-là est appuyée sur l'existence des qualités requises par la
Charte, le candidat ne peut pas être lui-mêmele juge de la confor-
mitéet de la preuve de ces conditions par rapport à l'article4. Cette
tâche appartient à l'organisation, qui peut, ou non, accepter la

proposition en exerçant un jugement de valeur qu'il lui appartient
exclusivement de rendre.
Donc, il ne s'agit pas d'un droit, mais d'un simple intérêt,lequel
peut toutefois êtreultérieurement transformé par ledit jugement.

Les conditions d'admission ont étéfixées délibérément d'une
manière si large et si souple qu'il en résulte une forte dose d'arbi-
traire dans les recommandations et les décisions y relatives.
Il serait difficile de considérer l'une quelconque des conditions
requises comme ayant un caractère purement objectif, susceptible
d'une appréciation algébrique ;et en dépit de la place attribuée au

mot ((jugement »,c'est précisémentau sujet du caractère pacifique INDIVIDUAL OPINION BY M. AZEVEDO 77
This is why the legal examination of questions can be extended
to the frontiers of political action, although (as certain great minds
would wish) the abolition of non-justiciable disputes has not yet
been attained.

In the present case, the legal question is clearly apparent, and
the Court can decide it without enquiring whether hidden political
motives have been introduced or not, in the same way as the old
Court has done in the Opinion No. 23 :
"The Court ...is called upon to perform a judicial function,
and ....there appears to be no room for the discussionand applic-
ation of political principlesor socialtheori...."(SeriesB., No. 13,
P. 23.)

4.-Passing to the examination of the particular case, and
dismissing the notion of the universality of the United Nations,
an ideal which has not yet become a guiding rule for the admission
of new Members, the following question must first be considered :
whether there exists, or not, a subjective right to be admitted to

this international Society.
In favour of an affirmative answer, it has been suggested that
the notion of an obligation in favour of third parties should be
applied by analogy ; such a notion has been adopted in several
treaties, and also by various international groups, such as the
Industrial Property Group, to which each country is free to adhere,
such adherence being sufficient for the country to begin to enjoy
its rights and assume its obligations.
But here the act involved is not unilateral, but manifestly
bilateral ;and it is complete only when the request for admission
has been accepted by the principal organs of the United Nations.
Such a request is binding only on the applicant, and even if it
is founded on the existence of the qualifications required by the
Charter, the candidate cannot himself judge whether the condi-
tions are fulfilled in conformity with Article 4. This is the task
of the Organization, which may, or may not, accept the proposa1
by a judgment which it alone can render.

Therefore it is not a question of right, but simply of interest,
which may, however, be transformed later by the judgment in

question.
The conditions for adniission, as deliberately laid down, are so
broad and flexible that the recommendations and decisions relating
thereto necessarily contain a strong arbitrary element.
It would be difficult to Say that any one of the required condi-
tions has a purely objective character, and that it could be appraised
algebraically ; and despite the place allotted to the word "judg-
ment", it is precisely in the rnatter of the peace-loving nature of 78 OPINION INDIVIDUELLE DE M. AZEVEDO

d'un État qu'on a ouvert un large crédit aux vues politiques de
ceux qui doivent se prononcer.
Des mobiles de tout ordre qui peuvent rapprocher ou écarter et
les hommes et les pays s'infiltreront dans les interstices qui sont
restés ; tous lespréjugéset mêmeles aversions physiques trouveront
le moyen d'influencer la décision soit par un acte de volonté, soit
même par l'action du subconscient ; chaque appréciation sera
psychologiquement déterminéepar le critère qu'appliquera chaque
votant.
~ ..
Il serait vain d'exiger dans la pratique que les représentants des
États se comportassent exclusivement selon des préoccupations
de nature idéaleet abstraite, puisque, au fond de toute organisation
sociale, il n'y a que des hommes dont les vertus et les défauts,
d'ordre individuel ou collectif, sont à peu près les mêmes.
La querelle philosophique des « universaux » n'a pas réussi, à
travers les sièclesà donner d'autre base aux groupementshumains,
en dépit du perfectionnement des doctrines nominalistes, réalistes
ou conceptualistes sur la personnalité juridique ou sur l'organisme

institutionnel.
Bref, tous les éléments politiques interviendront pour déterminer
le jugement des organes de l'O. N. U. à propos des qualifications
requises à l'articl4 de la Charte :ainsi, des objections développées
à propos de la protection des droits de l'homme, des attitudes des
payspendant la dernière guerre, de l'étendue des relations diploma-
tiques, etc., peuvent en principe justifier un refus.

De la Conférence mêmede San-Francisco est parti l'exemple
lorsqu'elle aapprouvé par acclamation la proposition selon laquelle

les pays dont les gouvernements avaient étéinstallés avec l'aide des
forces militaires des pays ayant lutté contre les Nations unies,
seraient considérés comme ne se conformant pas aux conditions
requises.
A propos des institutions démocratiques, on a évitéaussi d'y faire
une référencedirecte, à peu près dans les termes adoptés dans la
Conférencede Téhéran de 1943 (Goodrich and Hambro, Charter of
the United Nations, p. 80), par crainte d'une intervention ou d'une
simple ingérence dans les affaires domestiques d'un pays ; mais le

rapport même,qui a fait état de telles appréhensions, n'a pas oublié
de souligner qu'il était possible, pour une appréciation de ce genre,
d'intervenir lors du jugement sur les qualifications exigées.
(U. N. C. 1. O., Comité 112, doc. 1160, vol. VII, p. 316.)

5. - En revanche, il faut reconnaître qu'on a tout de même
limité l'examen des candidatures, en déterminant les seules
exigences qu'un candidat était tenu à satisfaire;c'était leminimum
considérécomme nécessaire pour prévenir l'arbitraire.

Donc, la formule adoptée diffère essentiellement de celle de la
Sociétédes Nations, où l'on n'exigeait aucune qualité ni enquête
25 INDIVIDUAL OPINION BY M. AZEVEDO
78
a State that a wide scope has been given to the political views of
those who are called upon to pronounce themselves.
Motives of al1 kinds, tending to unite or separate men and
countries, will slip through the remaining loopholes ; al1 kinds of
prejudices, and even physical repugnance will find a way ofinfluenc-
ing the decision, either by an act of the will or even through the
action of the subconscious. Each appraisal will be psychologically

determined according to the criterion applied by each voter.

It would be vain to require in practice that the representatives
of States should act exclusively according to ideal and abstract
considerations, seeing that at the basis of every social organization,
there are only men, whose virtues and faults, individually or
collectively, are almost the same.
The philosophical quarrel of the "universals" has not succeeded,
through the centuries, in giving any other basis to human groups,
in spite ofthe effect of nominalist, realist and conceptualist doctrines
on legal personality, or on the institutional organism.

In short, al1political considerations may intervene in determining
the judgment of the organs of the United Nations regarding the
qualifications laid down in Article1 of the Charter. Hence, objec-
tions that have been raised regarding the protection of the rights
of man, the attitude of countries during the last war, the extent

of diplomatic relations, etc., may, in principle, justify the rejec-
tion of an application.
The idea arose in the San Francisco Conference itself, which
approved, by acclamation, a proposa1 that countries whose
governments had been established with the aid of the military
force of countries that had fought against the United Nations,
should be held not to fulfil the required conditions.

A direct reference to democratic institutions was avoided,
roughly in the terms adopted at the Teheran Conference of 1943
(Goodrich and Hambro, Charter of the United Nations, p. 80),
in order not to intervene in or even meddle with the domestic
affairs of a country ; but the report itself, which expressed such
fears, did not fail to stress that such an appraisal might be made

when judgment as to the required qualifications was given.
(U.N.C.I.O., Committee 112, Doc. 1160, Vol. VII, p. 316.)

5.-On the other hand, it must be admitted that the exsmination
of candidatures has been limited by determining al1 the require-
ments that a candidate was obliged to fulfil;this was the nzininzz~~m
considered necessary to prevent arbitrary acts.
Consequently, the draft adoptcd differs essentially from that
of the League of Nations, wherein no qualifications were required, 7 9 OPINION INDIVIDUELLE DE M. AZEVEDO

préalable sur le passé du candidat ; on l'invitait simplement à
prendre un engagement pour l'avenir, en donnant (« pourvu que »)
des garanties effectives de son intention sincère d'observer ses
engagements internationaux. Un régime plus restrictif et moins
discrétionnaire convenait mieux à l'ordre juridique que le monde
était désireux de rétablir, dèsla déclaration des Quatre Puissances
de Moscou, en 1943, après la Charte de l'Atlantique.

En examinant l'élément systématique, on trouvera encore
que les bâtisseurs de San-Francisco,pour élargir toute énumération
de clauses, ont jugénécessaired'établir, le cas échéant,une faculté
expresse ; ainsi, on a réservé des exceptions à propos des questions
importantes, soumises àlavotation des deux tiers (Charte,article 18,
par. 3), des territoires entrant dans le régimede tutelle (article 77,
par. 2), de la participation à la Cour des Etats non Membres
(article93, par. 2) et du jugement en dehors des sources de droit
(Statut, article 38, par. 2).
Mais l'article 4 ne comporte aucune exception aux conditions

nettement posées ;en ce qui concerne l'absence du mot ((condi-
tion »dans le texte anglais, cela n'altère pas lerégime,sion constate
qu'à maintes reprises le mêmemot, pris dans le mêmesens, corres-
pond en anglais tantôt à condition (Charte, article 93, et Statut,
article4,par. 2 et 3, articles 18et 35), tantôt àqualification (Statut,
articles2 et 9).
L'examen de tous les documents permet encore de constater que
l'interprétation limitative a prévalu dans la pratique des organes
de l'O. N. U., où des griefs sont réciproquement soulevéspar leurs
Membres à propos des exigences formulées en dehors du cadre
fixé par l'article 4. Mais on n'y a jamais affirmé qu'un pays
remplissant toutes les conditions légalespouvait néanmoins n'être

pas admis, faute d'autres qualités ; au contraire, on a toujours
déclaré que l'inexistence de certaines qualités empêchait de remplir
lesconditionsprescrites par un texte qu'on ne voulait pasenfreindre.

Et si je ne me trouvais pas devant une question abstraite et,
partant, si j'étaisobligéde tenir compte des faits, je tiendrais pour
nullement prouvées des allégations qui pourraient êtremises à la

base de la première question.

6. - Après avoir établi la fixité des conditions requises, on
pourrait encoredemander si, tout en admettant la grandeamplitude
du jeu des raisons politiques, il serait possible, eu égard aux consé-
quences de la doctrine de la relativité des droits déjà acceptéepar
le droit international (C. P. J. I.,SérieA, nos 7, p. 30; et 24, p. 2,

et Série A/B, no 46, p. 167) ,'admettre une espèce de censure INDIVIDUAL OPINION BY M. AZEVEDO 79
nor was previous enquiry made into the candidate's past. The

candidate was merely invited to enter into an engagement for
the future by giving ("provided that") effective guarantees of
its sincere intention to observe its international obligations.
A more restrictive and less discretionary régime was better suited
to the rule of law which the world was desirous of re-establishing
after the Moscow decl-aration of the Four Powers in 1943, and
after the Atlantic Charter.
If we look at their method of construction, we shall find that
the builders of the San Francisco Charter, in order to avoid
increasing the number of articles, decided to provide for express
faculties in certain cases ; thus, exceptions were made in regard

to the important questions subject to a two-thirds majority
(Charter, Article 18, para. 3), to territories to be brought under
the trusteeship system (Article 77, para. 2), to non-meniber States
which may become parties to the Statute (Article 93, para. z),
and to decisions ex æquo et bon0 (Statute, Article 38, para. 2).
But Article 4 forms no exception to conditions definitely laid
down ; as regards the absence of the word "condition" in the
English text, this does not change the system, if it be remembered
that, on several occasionr, the same word, taken in the same
sense, corresponds in English sometimes to condition (Charter,
Article 93, and Statute, Article 4, paras. 2 and 3, and Articles 18
and 35), and sometimes to qz~nlification(Statute, Articles z and 9).

The examination of al1 the documents leads to the conclusion
that exhaustive interpretation has been current in the practice
of the organs of the United Nations, the Members of which have
reciprocally made complaints on the subject of requirements
lying outside the scope fixed by Article 4. It has never been
asserted that a country fulfilling al1 the legal conditions might
nevertheless not be admittcd, because other conditions were not
fulfilled; on the other hand, it has always been stated that the
absence of such qualifications prevented the fulfilment of the
conditions prescribed by a provision that it was desired not to

infringe.
And if 1 were not faced with an abstract question, and, con-
sequently, if 1 had to take facts into account, 1 should consider
that allegations which might be the basis of the first question
asked have not been proved.

6.-Having establislied that the required conditions are fixed,
it might still be possible-having regard to the doctrine of the
relativity of rights already accepted in international law (P.C.I. J.,
Series A., No. 7, p. 30 ;and No. 24, p. 2 ; Series A./B., No. 46,

p. 167)-to admit a kind of censorship for al1cases in which there
has been a misuse or, at any rate, abnorrnal use of power in the 80 OPINION INDIVIDUELLE DE M. AZEVEDO
pour tous les cas où, lors de l'appréciation des qualités limitative-
ment énumérées, il y a eudétournement de pouvoir présentant

un caractère abusif ou du moins anormal.
Tout ordre juridique comporte des limitations et est fondésur des
normes précises qui sont toujours prêtes à réapparaître comme
l'élémentconstant de la construction, aussitôt dépasséle champ
d'action des principes de caractère discrétionnaire, adoptés à titre
exceptionnel.
Une telle constatation a des racines très anciennes dans la vie
juridique, qui ont pu mitiger, à travers les siècles, l'adage qui suo
jure utitztr neminem laedit.
Le concept de l'abus de droit est dès maintenant émancipédes

classiques notions du do1 et de la faute ; au dernier stade du
problème, on peut mettre de côté toute recherche d'intention pour
examiner seulement l'aspect objectif, c'est-à-dire, en présumant que
le droit dont il s'agit doit êtreexercéconformément aux critères de
la normalité en vue du but social de la loi. (V. g. Code civil suisse,
art.2 ; soviétique, art1, et brésilien, art. 160.)

Mêmel'arbitraire souffre de restrictions. Il serait sans doute
difficile de fixer des bornes a priori, quoiqu'il soit bien facile de
formuler des exemples :pourrait-on considérer la Suisse comme un
pays non épris d'un idéal de paix ? Le politique pourrait-il
chevaucher le juridique à ce point extrême?

Dans un autre domaine, on pourrait aussi se demander, au cas
où la réserve de la Charte à l'égard desaffaires dites domestiques
n'admettrait aucun contrôle, comment l'organisation pourrait se
maintenir.
Mais ici il n'y aurait pas de motifs à rechercher, car la Cour se
trouve en présence d'un avis théorique ;en tout cas, ce serait une
tâche très difficilà remplir parce que les Membres votants ne sont
pas tenus d'avouer les motifs qui les ont déterminés.
Certes, s'ils préfèrent faire une motivation, toujours recomman-
dable, ce serait eux-mêmesqui permettraient un examen des limita-
tions en transformant un acte abstrait en un acte causal, comme

il arrive souvent en droit privé dans le domaine de certains titres
de crédit, de manière à ouvrir la possibilité d'une enquêtesur l'exis-
tence et la vérité d'une cause quelconque. La falsa demonstratio
peut ainsi vicier l'acte juridique lorsqu'on le subordonne à un
certain motif.
Il est vrai qu'on a soutenu que la déclaration des motifsn'est pas
simplement un acte de courtoisie, mais l'accomplissement d'un
devoir pour que l'Assemblée puisse connaître les raisons d'une
recommandation tendant au refus. Mais, si la grande majorité des

Membres de l'O. N. U. soutient que la recommandation du Conseil
de Sécuritéest une condition sine qua non pour l'admission d'un
Membre par l'Assemblée, ilserait inutile pour celle-ci de vérifier les INDIVIDUAL OPINION BY M. AZEVEDO 80
appreciatio~ of the exhaustive list of qualities-even granting
a wide scope to political considerations.

Any legal system involves limitations and is founded on definite
rules which are always ready to reappear as the constant element
of the constructiop, whenever the field of action of discretionary
principles,.adopted in exceptional circumstances, is overstepped.

This is a long-established principle, and has served, durisg
centuries, to limit the scope of the principle qui suo jure utitur
neminem laedit.
The concept of the misuse of rights has now been freed from
the classical notions of dolus and culpa; in the last stage of the
problem an enquiry into intention may be discarded, and attention
may be given solely to the objective aspect ; i.e., it may be
presumed that the right in question must be exercised in accordance
with standards of what is normal, having in view the social purpose

of the law. (Cf. Swiss Civil Code, Art. 2 ;Soviet, Art. I ; and
Brazilian, Art. 160.)
There are even restrictions on arbitrary decision. It would,
no doubt, be difficult to fix limitsa p~iori,though examples might
easily be given ; e.g., could Switzerland be regarded as a non-
peace-loving country ? Could policy override the law to such
ap extent ?
In another field, it might also be asked how the United Nations
could continue to function if the reservation in the Charter regard-
ing domestic jurisdiction was subject to no control.

But here there would be no need to seek for reasons ; for the
Court has before it a theoretical opinion. In any case, it would

be a very difficult task to perform, because the Members voting
are not bound to state their reasons.
Of course, if they choose to express their motives, they them-
selves would open the way to the examination of the restrictions,
by transforming an abstract act into a causal act (as sometirnes
happens in private law in the case of certain forms of bonds), in
such a way that an enquiry would be possible into the existence
and authenticity of a particular cause. The falsa dernonstratio
may thus vitiate the act whep it is siibordinated to a certain
motive.
It is true that it has been maintained that the statement of
reasons is not merely an act of courtesy, but the fulfilment of
a duty which esables the Assembly to know the reasons for a
refusal. But if the great majority of the Members of the United

Nations hold that the Security Council's recommendation is a
condition sine qua non for the admission of a Member by the
Assembly, it would be useless for the latter to verify the reasons 81 OPINION INDIVIDUELLE DE M. AZEVEDO

raisons que le Conseil aurait eues pour ne pas présenter une proposi-
tion favorable.

7. - La demande d'avis ne s'est pas bornéeà un point général;
elle contient également une question particulière, à savoir, l'hypo-
thèse où un vote affirmatif serait subordonné à l'acceptation
simultanée d'autres Etats ; et une telle attitude a pu êtrealléguée
à plusieurs reprises, directement ou indirectement, d'une manière
claire ou déguisée.
Mais ilne s'agit pas d'un simpleexemple ou corollaire, quirendrait
superflue une réponse spéciale ; au contraire, la seconde question,
de par sa nature intrinsèque, n'est pas tout fait comprise dans la
première. Il y aurait une transposition de plan, de l'individuel au
collectif, sans une base juridique lorsque l'arbitraire n'existerait
plus, en passant de l'examen des qualités inhérentes à un certain
candidat à des circonstances étrangères à ce candidat, et liéesen
revanche aux intérêtsde tlers.
Si l'on reconnaît qu'un Etat fait preuve de toutes les qualités

demandées, on pourrait mêmeconsidérer qu'un refus équivaudrait
àvioler,non seulement un simple intérêt,mais un droit déjàformé,
l'acceptation de l'État ayant, par un jugement achevé, étéreconnue
comme pleinement fondée.
Les raisons les plus respectables, comme celle qui est fondéesur
la validité d'un engagement international préalable, mêmesi cet
engagement obligeait tous les Membres de l'O.N. U., ne sauraient
en aucun cas justifier un tel abandon de la règle juridique par une
espècede rétorsion. Juridiquement, il serait aussi anormal de refuser
l'admission pour éviter une injustice contre des tiers ou pour parer
à une action tenue pour arbitraire que d'exiger des compensations
de la part d'un candidat.

8.- Après avoir circonscrit la question dans ses véritables
limites, un juge aura rempli son devoir en donnant une réponse
juridique, indépendamment des faits et sans se prononcer sur
l'attitude adoptée par l'un ou l'autre Etat (C. P. J. I., SérieB,

no 13, p. 24).
En agissant de la sorte, il ne troublera pas l'activité politique
des organes responsables du maintien de la paix, car des éléments
fondéssur l'opportunité, manifestes ou cachés, pourront toujours
entrer en ligne de compte à l'occasion d'un usage raisonnable des
larges possibilités ouvertes par l'artic4ede la Charte. Le respect
du droit ne peut jamais constituer une cause perturbatrice de
l'harmonie internationale, ni bouleverser la vie de n'importe quelle
société.

(Signe PHILADELPHO AZEVEDO. INDIVIDUAL OPINION BY M. AZEVEDO 81

that the Council might have had for not reporting favourably
on the application.

7.-The request for an opinion is not confined to a general
point. It also contains a particular question, namely, the hypo-
thetical case in which an affirmative vote is made subject to
simultaneous admission of other States. Such an attitude has
been alleged directly or indirectly, clearly or in a disguised manner,
on several occasions.

But there içno question of a simple example or corollary, which
would make a special reply superfluous ; on the contrary, the
second question is, from its nature, not wholly included in the
first. There is a change of plane from the individual to the
collective, and this is not legally justified, if arbitraryaction is
excluded ; there is a change from the consideration of the qualities
inherent in a certain candidate, to circumstances foreign to that
candidate and concerned with the interests of third parties.
Once it is admitted that a State has proved that it has al1 the
required qualifications, a refusa1 to accept its application might
be considered tantamount to a violation, not only of an interest,
but of a right already established, the acceptance of the State
having been recognized, by final judgment, to be fully justified.

The most weiglity reasons, such as the validity of a prior inter-
national undertaking, even if that undertaking bound al1 the
Members of the United Nations, could not, in any case, justify
the abandonment of a rule of law as an act of retortion. It
would, in law, be equally abnormal to refuse admission in order
to avoid acting unjustly towards a third party, or to defend
oneself against action considered to be arbitrary, as it would be
to demand compensatory advantages from a candidate.

8.-Having completely covered the question in its true limits,
a judge will have fulfilled his duty if he gives a legal answer as
to the law, independent of facts and without commenting on the
attitude of any particular State (P.C.I.J., Series B., No. 13, p. 24).

If he does so, he will not hinder the political activity of the
organs that are responsible for the maintenance of peace ; for
elements of expediency, manifest or hidden, can always be con-
sidered when reasonable use is made of the wide possibilities
opened by Article 4 of the Charter. Respect for law must never
constitute a reason for disturbing international harmony, nor
cause an upheaval in the life of any Society.

(Signed) PHILADELPHO AZEVEDO.

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. Azevedo

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