Opinion dissidente de M. le juge Buergenthal

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139-20080716-ORD-01-01-EN
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139-20080716-ORD-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE BUERGENTHAL

[Traduction]

1. J’ai souscrit à l’arrêt rendu par la Cour en l’affaire Avena (Avena et

autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique) ), et
voté en faveur de celui-ci. Dans cette affaire, la Cour a jugé que les Etats-
Unis avaient violé la convention de Vienne sur les relations consulaires à
l’égard de plusieurs ressortissants mexicains détenus aux Etats-Unis. Cet
arrêt m’avait semblé juste tant sur le plan juridique que sur le plan des
principes, et je continue d’y souscrire sans aucune réserve. Il n’en va pas

de même de la présente ordonnance. Certes, les Etats-Unis sont tenus de
faire en sorte, conformément à la conclusion formulée par la Cour dans
l’arrêt Avena, que les ressortissants mexicains visés dans cette décision ne
soient pas exécutés sans avoir bénéficié du réexamen et de la revision des
verdicts de culpabilité rendus et des peines prononcées contre eux, mais

j’estime que la Cour n’a pas la compétence requise pour rendre la pré-
sente ordonnance. Je considère néanmoins, bien entendu, que les Etats-
Unis devraient se conformer pleinement aux obligations leur incombant
en vertu de l’arrêt Avena.
2. En l’affaire Avena, la Cour a jugé que

«les Etats-Unis d’Amérique [étaient] tenus d’assurer, par les moyens
de leur choix, le réexamen et la revision des verdicts de culpabilité
rendus et des peines prononcées contre les ressortissants mexicains

visés [dans l’arrêt], en tenant compte à la fois de la violation des
droits prévus par l’article 36 de la convention et des paragraphes 138
à 141 du présent arrêt» (Avena et autres ressortissants mexicains
(Mexique c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I) ,
p. 72, par. 153, point 9)).

3. Aujourd’hui, la Cour indique:

«Les Etats-Unis d’Amérique prendront toutes les mesures néces-
saires pour que MM. José Ernesto Medellín Rojas, César Roberto
Fierro Reyna, Rubén Ramírez Cárdenas, Humberto Leal García et
Roberto Moreno Ramos ne soient pas exécutés tant que n’aura pas été
rendu l’arrêt sur la demande en interprétation présentée par les Etats-

Unis du Mexique, à moins et jusqu’à ce que ces cinq ressortissants
mexicains aient bénéficié du réexamen et de la revision prévus aux
paragraphes 138 à 141 de l’arrêt rendu par la Cour le 31 mars 2004
dans l’affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c.
Etats-Unis d’Amérique) .» (Ordonnance, par. 80, point II, alinéa a).)

4. Je conviens évidemment que les personnes susmentionnées ne doi-
vent pas être exécutées à moins d’avoir bénéficié du réexamen et de la

26revision des verdicts de culpabilité rendus et des peines prononcées contre
elles, ce à quoi elles ont droit aux termes de l’arrêt Avena. En effet, tel est

précisément ce que la Cour a dit dans l’arrêt Avena, décision dans
laquelle elle a aussi indiqué clairement que l’obligation qui y était énon-
cée valait non seulement pour les cinq personnes nommément désignées
dans la présente ordonnance, mais également pour tous les ressortissants
mexicains visés dans ledit arrêt.

5. Ni la justesse de l’arrêt Avena ni la persistance de son caractère obli-
gatoire ne sont contestées en la présente affaire. La question qui se pose
est de savoir si le Mexique peut prétendre à ce que la Cour rende une
ordonnance en indication de mesures conservatoires et si la Cour a le

pouvoir de rendre une telle ordonnance. Selon moi, la Cour ne jouit pas
d’un tel pouvoir et, en rendant la présente ordonnance sur la base des
allégations infondées du Mexique, elle crée un précédent dangereux en ce
qui concerne sa compétence en vertu de l’article 60.
6. Dans l’affaire Avena, la Cour a jugé que les Etats-Unis avaient violé

la convention de Vienne sur les relations consulaires en ce qui concerne les
cinquante et un ressortissants mexicains qui étaient condamnés à
mort dans divers Etats des Etats-Unis. Elle a également jugé que les
Etats-Unis avaient l’obligation de faire en sorte que leurs juridictions perti-
nentes accordent à ces personnes «le réexamen et la revision» des verdicts

de culpabilité rendus et des peines prononcées contre elles. Il ressort du
dispositif de l’arrêtAvena — et ce point n’est contesté par aucune des Par-
ties à la présente affaire — que les Etats-Unis violeraient les obligations
internationales qui leur incombent, telles qu’elles ont été exposées en l’affaire
Avena, si l’un des ressortissants mexicains visés, y compris M. Medellín,

était exécuté sans avoir bénéficié du réexamen et de la revision ordonnés
par la Cour. Les Etats-Unis reconnaissent sans aucune réserve cette obli-
gation et ont démontré à la Cour qu’ils étaient tout à fait favorables à
ce que l’arrêt Avena soit exécuté, et activement engagés dans cette voie.
7. La principale question qui se pose en la présente espèce est de savoir

si le Mexique, en invoquant l’article 60 du Statut de la Cour, a conféré à
celle-ci la compétence nécessaire pour indiquer les mesures conservatoires
demandées. Cette compétence dépend de la recevabilité de la demande en
interprétation de l’arrêt Avena présentée par le Mexique. En effet, les
Etats-Unis s’étant malheureusement retirés du protocole de signature facul-

tative de la convention de Vienne sur les relations consulaires, la Cour est
privée, en la présente affaire, de la base de compétence qui était la sienne
lorsque l’affaire Avena a été portée devant elle. L’article 60 lui conférant
cependant une base de compétence indépendante ou spéciale aux fins
d’interpréter ses arrêts, le Mexique fonde sa demande en indication de

mesures conservatoires sur cette disposition. Cette approche ne peut tou-
tefois aboutir que si le Mexique démontre que sa demande en interpréta-
tion de l’arrêtAvena en vertu de l’article 60 n’est pas manifestement infon-
dée. Si elle l’est, en revanche, elle devra être rejetée, et la Cour ne disposera

donc d’aucune base de compétence pour connaître de la demande en indi-
cation de mesures conservatoires présentée par le Mexique.

27 8. L’article 60 du Statut de la Cour est libellé comme suit:

«L’arrêt est définitif et sans recours. En cas de contestation sur le
sens et la portée de l’arrêt, il appartient à la Cour de l’interpréter, à
la demande de toute partie.»

9. Ce libellé signifie que le Mexique doit démontrer qu’il existe une
contestation l’opposant aux Etats-Unis sur «le sens et la portée» de

l’arrêt Avena. A cette fin, le Mexique demande que soit interprété le
point 9) du paragraphe 153 de l’arrêt (reproduit au paragraphe 2 ci-
dessus), soutenant qu’une contestation existe bien sur son sens et sa
portée. Le Mexique estime que ce point crée une obligation de résultat et

affirme que les Etats-Unis, quant à eux, considèrent qu’il s’agit d’une
obligation de moyens.
10. Les Etats-Unis nient l’existence, en la présente espèce, d’une contes-
tation au sens de l’article 60. Ils estiment, comme le Mexique, que l’arrêt
Avena impose une obligation de résultat. Ils déclarent admettre que leur

incombe, en vertu de cette décision, l’obligation de faire en sorte que les
personnes visées bénéficient du «réexamen et [de] la revision» des verdicts
de culpabilité rendus et des peines prononcées contre elles. A l’appui de
leur thèse, les Etats-Unis appellent l’attention sur la déclaration de leur
président, la position qu’ils ont adoptée devant la Cour suprême en

l’affaire Medellín, la décision de la Cour suprême elle-même, la lettre
adressée au gouverneur du Texas par le secrétaire d’Etat et l’Attorney
General, les interventions du pouvoir exécutif auprès des juridictions du
Texas et les lettres échangées entre les Etats-Unis et le Mexique, soit
autant de démarches selon eux entreprises afin que soit assuré le respect

plein et entier de l’arrêt Avena.
11. En cette phase préliminaire de l’instance, le Mexique doit simple-
ment établir que sa demande relative à l’existence d’une contestation
sur le sens et la portée du point 9) du paragraphe 153 de l’arrêt Avena
n’est pas manifestement infondée. Cela signifie qu’il doit présenter un

minimum d’éléments de preuve à l’appui de son affirmation, ce qu’il
n’a pas fait.
12. Bien que le Mexique ne conteste pas que les Etats-Unis aient entre-
pris les démarches énumérées au paragraphe 10 ci-dessus, il appelle
l’attention sur l’ordre d’exécution prononcé par un juge du Texas en

l’affaire de M. Medellín et sur les décisions rendues antérieurement par
des juridictions du Texas relativement à ce dernier, dans lesquelles il n’a
pas été donné effet à l’arrêt Avena. Le Mexique se réfère également à des
positions similaires adoptées par des juridictions du Texas dans d’autres
affaires impliquant les ressortissants mexicains visés dans l’arrêt Avena.Il

estime que cette position des juridictions texanes est imputable aux Etats-
Unis et qu’elle atteste que, en refusant de donner effet à l’arrêt Avena,
celles-ci ne considèrent pas, contrairement au Mexique, que les Etats-
Unis doivent, en vertu de cette décision, assurer le réexamen et la revision

requis. Le Mexique invoque également le fait que l’exécutif n’a pas
demandé au Congrès des Etats-Unis d’adopter un texte de loi donnant

28effet à l’arrêt Avena. Il affirme en outre que l’exécution imminente de
M. Medellín atteste que le point de vue selon lequel l’arrêt Avena impose

des obligations de résultat n’est pas partagé par toutes les autorités gou-
vernementales des Etats-Unis.
13. Aucun des arguments avancés par le Mexique ne satisfait cependant
aux exigences minimales nécessaires pour que soit démontrée l’existence
d’une contestation qui rendrait recevable, en vertu de l’article 60, sa demande

en interprétation. Premièrement, le Mexique n’a pu fournir aucun élément
de preuve attestant que, selon les Etats-Unis, l’obligation leur incombant
en vertu de l’arrêtAvena est une obligation de moyens et non de résultat.
Certes, les juridictions du Texas ne se sont pas conformées à l’arrêA tvena

parce qu’elles estiment ne pas y être tenues; mais le Texas ne s’exprime pas
au nom des Etats-Unis sur le plan international. S’il est vrai que ces derniers
seraient, à l’évidence, responsables au regard du droit international si le
Texas ou, d’ailleurs, tout autre Etat ne se conformait pas à l’arrêA t vena,
seul le Gouvernement des Etats-Unis est autorisé, en vertu du droit interne

et du droit international, à s’exprimer au nom des Etats-Unis sur le plan
international. Il s’ensuit que la position du Texas relativement au sens, à la
portée ou à la nature des obligations incombant aux Etats-Unis en vertu de
l’arrêt Avena ne saurait être attribuée à ces derniers. En conséquence, ce
que le Texas fait ou pense est dépourvu de pertinence aux fins d’établir

l’existence d’une contestation en vertu de l’article 60.
14. Deuxièmement, si le pouvoir exécutif des Etats-Unis n’a pas, jusqu’à
présent, demandé au Congrès d’adopter un texte de loi pour assurer l’exé-
cution de l’arrêt Avena, cela ne prouve pas qu’il se considère comme libre
de toute obligation de donner effet à cette décision, ni que le Congrès ne

partage pas ses vues selon lesquelles une telle obligation incombe bien aux
Etats-Unis. Au lieu de demander l’adoption d’un texte de loi, le président
des Etats-Unis a, par sa déclaration du 28 février 2005, donné pour ins-
truction à tous les Etats fédérés dans lesquels étaient détenus des ressor-
tissants mexicains visés dans l’arrêtAvena d’assurer à ceux-ci le réexamen

et la revision requis. Jusqu’à ce que soit rendue, le 25 mars 2008, la déci-
sion Medellín dans laquelle la Cour suprême a jugé que le président n’était
pas habilité à donner cette instruction, l’exécutif pouvait raisonnablement
penser qu’il serait fait droit à la déclaration du président, ce qui aurait
rendu inutile l’adoption par le Congrès d’un texte de loi donnant effet à

l’arrêt Avena. De plus, une telle déclaration présentait l’avantage de la
rapidité par rapport à la voie législative, qui est généralement lente et dif-
ficile aux Etats-Unis. Après que la Cour suprême eut refusé de faire droit
à la déclaration du président et n’eut pas donné un effet direct à l’arrêt
Avena, le pouvoir exécutif a entrepris de rechercher une solution auprès

des juridictions du Texas en tentant, premièrement, de les inciter à différer
l’ordre d’exécution de M. Medellín et, deuxièmement, de permettre à ce
dernier de se voir accorder le réexamen et la revision auxquels il a droit. Il
s’agissait là — et il continue de s’agir — des mesures les plus urgentes

devant être prises pour éviter une violation imminente par les Etats-Unis
des obligations qui leur incombent en vertu de l’arrêtAvena.

29 15. Troisièmement, le Mexique appelle l’attention sur la déclaration
du président dans laquelle celui-ci donne pour instruction aux juridic-

tions d’Etat de «donn[er] effet à [la] décision [Avena] conformément aux
principes généraux de la courtoise internationale». Selon le Mexique,
cette référence aux «principes généraux de la courtoisie internationale»
indique que les Etats-Unis estiment n’être tenus à aucune obligation de
donner effet à l’arrêt Avena en vertu du droit international. En formulant

cet argument, le Mexique ne tient cependant pas compte des termes
exprès de la déclaration, dans laquelle le président indique: «[j]’ai décidé
que [les Etats-Unis d’Amérique] s’acquitteraient des obligations interna-
tionales imposées par la décision de la Cour internationale de Justice»

dans l’affaire Avena. Il s’agit là clairement d’une reconnaissance par les
Etats-Unis de leur obligation, au regard du droit international, de se
conformer à cette décision.
16. Quatrièmement, le Mexique affirme en outre que l’arrêt rendu par
la Cour suprême des Etats-Unis en l’affaire Medellín indique que, selon

elle, l’arrêt Avena n’impose pas aux Etats-Unis une obligation de résultat.
A l’appui de cette affirmation, le Mexique indique que la Cour suprême a
jugé que l’arrêt Avena n’était pas directement applicable aux Etats-Unis
en l’absence d’un texte de loi visant à lui donner effet, et que le président
ne disposait pas des pouvoirs constitutionnels lui permettant de donner

pour instruction aux Etats de se conformer audit arrêt. En formulant cet
argument, le Mexique ne tient pas compte du fait que la Cour suprême a,
dans la décision qu’elle a rendue en l’affaire Medellín, expressément
reconnu que «[l]’arrêt Avena donn[ait] lieu à des obligations de droit
international assumées par les Etats-Unis» (Medellín v. Texas, 128 S. Ct.

1346 (2008), slip op., p. 57). De surcroît, il convient de garder présent à
l’esprit que, aux termes de l’arrêt Avena, les Etats-Unis peuvent donner
effet à cette décision par «les moyens de leur choix». La Cour a employé
cette formulation pour indiquer que les Etats-Unis étaient libres de se
conformer aux obligations qui leur incombent en vertu de ladite décision,

soit en lui donnant un effet automatique ou direct, soit par le biais d’un
texte de loi visant à lui donner effet, soit encore en prenant toute autre
mesure permettant d’assurer le réexamen et la revision auxquels les res-
sortissants mexicains visés dans l’arrêt Avena ont droit. La conclusion de
la Cour suprême selon laquelle le pouvoir exécutif, agissant sans l’appui

du Congrès, n’a pas, en vertu de la Constitution des Etats-Unis, le pou-
voir de donner l’instruction contenue dans la déclaration du président ne
revient nullement à nier l’obligation internationale incombant aux Etats-
Unis de donner plein effet à l’arrêt Avena.
17. Les différents arguments formulés par le Mexique ne permettent

donc pas de conclure, même à titre préliminaire, qu’il existe entre les
Parties une contestation — au sens où ce terme est employé à l’ar-
ticle 60 — sur le sens et la portée de l’arrêt Avena. Le Mexique n’a pas
présenté les éléments de preuve minimaux requis pour démontrer que les

Etats-Unis ont nié l’obligation qui leur incombe en vertu de l’arrêt Avena
d’assurer le réexamen et la revision auxquels les ressortissants mexicains

30visés dans cet arrêt ont droit, ou qu’ils se sont comportés d’une manière

incompatible avec cette obligation. En conséquence, la demande en inter-
prétation que le Mexique a présentée en vertu de l’article 60 du Statut de
la Cour est manifestement infondée et devrait être rejetée au motif qu’elle
est irrecevable. Dès lors, la Cour n’a pas compétence pour connaître de
la demande en indication de mesures conservatoires présentée par le

Mexique en vertu de l’article 41 du Statut. Ce nonobstant, ainsi que je
l’ai déjà souligné, le rejet de cette demande ne remettrait pas en cause
— et n’atténuerait pas — l’obligation incombant aux Etats-Unis de se
conformer pleinement à l’arrêt Avena, pas davantage que son acceptation

ne renforcerait ladite obligation.
18. Pour fonder sa compétence aux fins de l’ordonnance qu’elle rend
en la présente espèce, la Cour fait observer que le texte anglais de l’ar-
ticle 60 emploie le terme«dispute», alors que le texte français de cet article

utilise le terme «contestation». La Cour relève également que, dans deux
autres dispositions du Statut — le paragraphe 2 de l’article 36 et l’ar-
ticle 38 —, le terme anglais«disputes» est exprimé en français par «diffé-
rends». Ces différents emplois du terme «dispute» ont conduit la Cour

permanente de Justice internationale à conclure que, compte tenu du
libellé de l’article 60,

«[elle] estime ne pas pouvoir exiger que la contestation se soit for-
mellement manifestée ... il doit suffire que les deux Gouvernements
aient en fait manifesté des opinions opposées quant au sens et à la
portée d’un arrêt de la Cour» (Interprétation des arrêts n os 7et8
o o
(Usine de Chorzów), arrêt n 11, 1927, C.P.J.I. série A n 13, p. 11).

19. Je souscris à la conclusion de la Cour permanente de Justice inter-
nationale sur laquelle la présente Cour se fonde, conclusion selon laquelle
les «différends» visés aux articles 36 et 38 du Statut supposent, pour être
établis, un degré de formalisme plus important que celui qui est requis

par l’article 60. Cela ne signifie cependant pas qu’une demande infondée
formulée par une partie au sujet de l’existence d’un différend, comme
c’est le cas en la présente espèce, satisfasse aux prescriptions de l’ar-
ticle 60, que l’on se fonde sur le texte français ou sur le texte anglais de

cette disposition. La Cour l’a souligné dès 1950 en indiquant:
«[i]l va de soi qu’on ne peut considérer comme une contestation aux

termes de cet article le seul fait que l’une des Parties déclare l’arrêt
obscur, tandis que l’autre le déclare parfaitement clair. La contesta-
tion exige une divergence de vues entre les parties sur des points
définis...» (Demande d’interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950

en l’affaire du droit d’asile (Colombie/Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil
1950, p. 403.)

20. J’ai déjà démontré ci-dessus que le Mexique n’avait présenté aucun
élément de preuve qui vienne, ne serait-ce qu’à titre préliminaire, à
l’appui de la conclusion selon laquelle une ou plusieurs autorités fédérales

31des Etats-Unis ne partageraient pas les vues du pouvoir exécutif, à savoir
que le point 9) du paragraphe 153 de l’arrêt impose une obligation de

résultat aux Etats-Unis. En concluant que l’arrêt Avena n’est pas direc-
tement applicable sans un texte de loi visant à lui donner effet et que le
président n’a pas, sans l’intervention du Congrès, le pouvoir de donner
pour instruction aux Etats de se conformer audit arrêt, la Cour suprême
s’est attachée au respect de principes du droit constitutionnel des Etats-

Unis relatifs à la répartition des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le
judiciaire. Dans ces conditions, ces conclusions n’ont aucune incidence
sur l’observation ou l’inobservation par les Etats-Unis de leurs obliga-
tions internationales. Dans la décision qu’elle a rendue en l’affaire Medel-

lín, la Cour suprême a en outre expressément déclaré que l’arrêt Avena
constituait une obligation incombant aux Etats-Unis d’Amérique en
vertu du droit international.
21. Si le pouvoir exécutif des Etats-Unis n’a pas encore, pour les rai-
sons exposées au paragraphe 16 ci-dessus, demandé l’adoption d’un texte

de loi par le Congrès, cela ne démontre pas, même à titre préliminaire,
que ce dernier ne partage pas l’opinion du pouvoir exécutif selon laquelle
les Etats-Unis sont, aux termes de l’arrêt Avena, tenus de se conformer à
celui-ci.
22. En résumé, le Mexique n’a pas présenté le moindre élément de

preuve démontrant que les autorités fédérales des Etats-Unis ne parta-
geaient pas l’opinion du pouvoir exécutif en ce qui concerne l’obligation
incombant aux Etats-Unis aux termes de l’arrêt Avena.
23. Certes, les juridictions du Texas n’ont, jusqu’à présent, pas donné
effet à l’arrêt Avena et les autorités de cet Etat ne s’estiment pas tenues

de le faire. Mais, s’il est vrai que les autorités locales d’Etats unitaires
ou fédéraux, lorsqu’elles agissent en violation du droit international,
peuvent par leur conduite exposer les autorités nationales à des man-
quements au droit international, elles ne s’expriment cependant pas au
nom de ces dernières sur le plan international et leurs vues, si elles sont en

contradiction avec celles des autorités nationales, n’ont aucune incidence
sur l’existence ou la non-existence d’une contestation entre les Parties au
sens de l’article 60.
24. Aussi, lorsqu’elle déclare que les Parties

«paraissent ... diverger d’opinion quant au sens et à la portée de
cette obligation de résultat — plus précisément quant à la question
de savoir si cette communauté de vues est partagée par toutes les

autorités des Etats-Unis, à l’échelon fédéral et à celui des Etats, et si
cette obligation s’impose à ces autorités» (ordonnance, par. 55),

la Cour formule deux conclusions qui n’ont aucun fondement valable en
droit ou en fait. La première est fondée sur l’hypothèse erronée selon
laquelle une ou plusieurs autorités fédérales des Etats-Unis ne partagent
pas les vues du pouvoir exécutif concernant la nature de l’obligation

imposée par l’arrêt Avena. Absolument aucun élément de preuve n’a été
présenté à la Cour à l’appui de cette affirmation. La seconde conclusion

32découle du fait que la Cour estime que les vues du Texas, un Etat fédéré
qui ne s’exprime pas au nom des Etats-Unis sur le plan international

— et ne saurait le faire —, sont pertinentes aux fins de déterminer s’il
existe une contestation entre ces derniers et le Mexique au sens de l’ar-
ticle 60. Cette conclusion est dépourvue de tout fondement en droit inter-
national et semble établir un précédent nouveau et dangereux quant aux

conséquences juridiques que pourraient avoir certaines positions adop-
tées par des entités gouvernementales locales au sujet des obligations à
respecter et des politiques à suivre au plan international, lorsqu’elles sont
en contradiction avec les vues des autorités nationales.
25. En la présente espèce, aucune démonstration n’a été faite qui per-

mettrait d’étayer, ne serait-ce qu’à titre préliminaire, la thèse selon laquelle
il existe une divergence d’opinion entre les Parties sur le sens et la portée
de la conclusion formulée par la Cour au point 9) du paragraphe 153 de
l’arrêt Avena. Au lieu de cela, nous sommes en présence d’une allégation,

émanant d’une seule des Parties, concernant l’existence d’un différend
que n’étaie aucun élément de preuve pertinent présenté à la Cour. La
demande en interprétation du Mexique en vertu de l’article 60 devrait
donc être rejetée puisqu’elle ne confère pas à la Cour la compétence
prima facie qui lui est nécessaire pour adopter la présente ordonnance.

En rendant néanmoins cette ordonnance, la Cour s’expose à ce qu’une
utilisation abusive soit faite à l’avenir — à des fins juridictionnelles — de
l’interprétation au sens de l’article 60, lequel, il convient de le relever,
n’impose aucun délai à l’introduction de demandes en interprétation.

26. Ma conclusion selon laquelle la Cour n’a pas la compétence néces-
saire pour rendre cette ordonnance ne remet, je le répète, nullement en
cause l’obligation qui continue d’incomber aux Etats-Unis aux termes de
l’arrêt Avena de faire en sorte que les ressortissants mexicains visés dans
cette affaire ne soient pas exécutés à moins d’avoir bénéficié du réexamen

et de la revision prescrits par cet arrêt.

(Signé) Thomas B UERGENTHAL .

33

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DISSENTING OPINION OF JUDGE BUERGENTHAL

1. I agreed with and voted in favour of the Court’s Judgment in the

Avena case (Avena and Other Mexican Nationals (Mexico v. United
States of America)). In that case, the Court held that the United States
had violated the Vienna Convention on Consular Relations with regard
to various Mexican nationals incarcerated in the United States. I found
that Judgment sound as a matter of law and policy, and I continue to
support it without any reservations. The same is not true of the present

Order. Although I consider that the United States has an obligation to
ensure, in accordance with this Court’s determination in Avena, that the
Mexican nationals mentioned in that case not be executed without being
accorded the review and reconsideration of their convictions and sen-
tences, I believe that the Court lacks the jurisdiction necessary to adopt

the Order it issues today. At the same time, of course, I would expect the
United States to comply fully with its obligations under the Avena
Judgment.

2. In the Avena case, the Court ordered the United States:

“to provide, by means of its own choosing, review and reconsidera-
tion of the convictions and sentences of the Mexican nationals
referred to in [the Judgment], by taking account both of the viola-

tion of the rights set forth in Article 36 of the Convention and para-
graphs 138 to 141 of this Judgment” (Avena and Other Mexican
Nationals (Mexico v. United States of America), Judgment, I.C.J.
Reports 2004 (I), p. 72, para. 153 (9)).

3. Today the Court orders that:

“The United States of America shall take all measures necessary
to ensure that Messrs. José Ernesto Medellín Rojas, César Roberto
Fierro Reyna, Rubén Ramírez Cárdenas, Humberto Leal García,
and Roberto Moreno Ramos are not executed pending judgment on
the Request for interpretation submitted by the United Mexican

States, unless and until these five Mexican nationals receive review
and reconsideration consistent with paragraphs 138 to 141 of the
Court’s Judgment delivered on 31 March 2004 in the case concern-
ing Avena and Other Mexican Nationals (Mexico v. United States
of America).” (Order, para. 80 II (a).)

4. Of course, I agree that the above-mentioned individuals must not be
executed unless they are granted the review and reconsideration of their

26 OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE BUERGENTHAL

[Traduction]

1. J’ai souscrit à l’arrêt rendu par la Cour en l’affaire Avena (Avena et

autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique) ), et
voté en faveur de celui-ci. Dans cette affaire, la Cour a jugé que les Etats-
Unis avaient violé la convention de Vienne sur les relations consulaires à
l’égard de plusieurs ressortissants mexicains détenus aux Etats-Unis. Cet
arrêt m’avait semblé juste tant sur le plan juridique que sur le plan des
principes, et je continue d’y souscrire sans aucune réserve. Il n’en va pas

de même de la présente ordonnance. Certes, les Etats-Unis sont tenus de
faire en sorte, conformément à la conclusion formulée par la Cour dans
l’arrêt Avena, que les ressortissants mexicains visés dans cette décision ne
soient pas exécutés sans avoir bénéficié du réexamen et de la revision des
verdicts de culpabilité rendus et des peines prononcées contre eux, mais

j’estime que la Cour n’a pas la compétence requise pour rendre la pré-
sente ordonnance. Je considère néanmoins, bien entendu, que les Etats-
Unis devraient se conformer pleinement aux obligations leur incombant
en vertu de l’arrêt Avena.
2. En l’affaire Avena, la Cour a jugé que

«les Etats-Unis d’Amérique [étaient] tenus d’assurer, par les moyens
de leur choix, le réexamen et la revision des verdicts de culpabilité
rendus et des peines prononcées contre les ressortissants mexicains

visés [dans l’arrêt], en tenant compte à la fois de la violation des
droits prévus par l’article 36 de la convention et des paragraphes 138
à 141 du présent arrêt» (Avena et autres ressortissants mexicains
(Mexique c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I) ,
p. 72, par. 153, point 9)).

3. Aujourd’hui, la Cour indique:

«Les Etats-Unis d’Amérique prendront toutes les mesures néces-
saires pour que MM. José Ernesto Medellín Rojas, César Roberto
Fierro Reyna, Rubén Ramírez Cárdenas, Humberto Leal García et
Roberto Moreno Ramos ne soient pas exécutés tant que n’aura pas été
rendu l’arrêt sur la demande en interprétation présentée par les Etats-

Unis du Mexique, à moins et jusqu’à ce que ces cinq ressortissants
mexicains aient bénéficié du réexamen et de la revision prévus aux
paragraphes 138 à 141 de l’arrêt rendu par la Cour le 31 mars 2004
dans l’affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c.
Etats-Unis d’Amérique) .» (Ordonnance, par. 80, point II, alinéa a).)

4. Je conviens évidemment que les personnes susmentionnées ne doi-
vent pas être exécutées à moins d’avoir bénéficié du réexamen et de la

26convictions and sentences to which they are entitled under the Avena
Judgment. But that precisely is what the Avena Judgment ordered, in

addition to making it clear that the obligation set out in that Judgment
extended not only to the five individuals identified in today’s Order, but
to all Mexican nationals listed in the Avena Judgment.

5. The soundness or continuing binding character of the Avena Judg-
ment is not in issue in the present case. What is in issue here is the right
of Mexico to the Order granting provisional measures and the power of
the Court to issue that Order. I believe that the Court lacks that power

and that, by adopting it on the basis of Mexico’s unfounded jurisdic-
tional allegations, the Court establishes a dangerous precedent as far as
concerns its jurisdiction under Article 60.

6. In the Avena case, we held that the United States had violated the

Vienna Convention on Consular Relations with regard to the 51 Mexican
individuals on death row in various states of the United States. We also
held that the United States was under an obligation to provide these indi-
viduals with “review and reconsideration” of their convictions and sen-
tences in the appropriate courts of the United States. It follows from the

holding in the Avena case, and that is not disputed by either Party to the
present case, that the United States would be in breach of its interna-
tional obligations as set forth in the Avena case, if any one of the named
Mexicans, including Mr. Medellín, were to be executed without having
been provided with the review and reconsideration mandated by this

Court in Avena. That obligation is unreservedly acknowledged by the
United States, which has demonstrated before the Court that it is fully
committed to and actively engaged in seeking to bring about the enforce-
ment of the Avena Judgment.
7. The principal issue in the present case is whether Mexico, by invok-

ing Article 60 of the Statute of the Court, has provided the Court with
the requisite jurisdiction to issue the requested provisional measures.
That jurisdiction depends upon the admissibility of Mexico’s Request for
the interpretation of the Avena Judgment. This is so because the regret-
table withdrawal of the United States from the Protocol to the Vienna

Convention for Consular Relations has deprived the Court in the present
case of the jurisdiction it had when it decided the Avena case. But since
Article 60 provides the Court with an independent or special jurisdic-
tional basis for the interpretation of its judgments, Mexico relies on that
jurisdiction to sustain its request for provisional measures. This approach

can, however succeed only if Mexico shows that its Request for the inter-
pretation of the Avena Judgment under Article 60 is not manifestly un-
founded. But if the Request is manifestly unfounded, it would have to be
dismissed, leaving the Court without jurisdiction to deal with Mexico’s

request for provisional measures.

27revision des verdicts de culpabilité rendus et des peines prononcées contre
elles, ce à quoi elles ont droit aux termes de l’arrêt Avena. En effet, tel est

précisément ce que la Cour a dit dans l’arrêt Avena, décision dans
laquelle elle a aussi indiqué clairement que l’obligation qui y était énon-
cée valait non seulement pour les cinq personnes nommément désignées
dans la présente ordonnance, mais également pour tous les ressortissants
mexicains visés dans ledit arrêt.

5. Ni la justesse de l’arrêt Avena ni la persistance de son caractère obli-
gatoire ne sont contestées en la présente affaire. La question qui se pose
est de savoir si le Mexique peut prétendre à ce que la Cour rende une
ordonnance en indication de mesures conservatoires et si la Cour a le

pouvoir de rendre une telle ordonnance. Selon moi, la Cour ne jouit pas
d’un tel pouvoir et, en rendant la présente ordonnance sur la base des
allégations infondées du Mexique, elle crée un précédent dangereux en ce
qui concerne sa compétence en vertu de l’article 60.
6. Dans l’affaire Avena, la Cour a jugé que les Etats-Unis avaient violé

la convention de Vienne sur les relations consulaires en ce qui concerne les
cinquante et un ressortissants mexicains qui étaient condamnés à
mort dans divers Etats des Etats-Unis. Elle a également jugé que les
Etats-Unis avaient l’obligation de faire en sorte que leurs juridictions perti-
nentes accordent à ces personnes «le réexamen et la revision» des verdicts

de culpabilité rendus et des peines prononcées contre elles. Il ressort du
dispositif de l’arrêtAvena — et ce point n’est contesté par aucune des Par-
ties à la présente affaire — que les Etats-Unis violeraient les obligations
internationales qui leur incombent, telles qu’elles ont été exposées en l’affaire
Avena, si l’un des ressortissants mexicains visés, y compris M. Medellín,

était exécuté sans avoir bénéficié du réexamen et de la revision ordonnés
par la Cour. Les Etats-Unis reconnaissent sans aucune réserve cette obli-
gation et ont démontré à la Cour qu’ils étaient tout à fait favorables à
ce que l’arrêt Avena soit exécuté, et activement engagés dans cette voie.
7. La principale question qui se pose en la présente espèce est de savoir

si le Mexique, en invoquant l’article 60 du Statut de la Cour, a conféré à
celle-ci la compétence nécessaire pour indiquer les mesures conservatoires
demandées. Cette compétence dépend de la recevabilité de la demande en
interprétation de l’arrêt Avena présentée par le Mexique. En effet, les
Etats-Unis s’étant malheureusement retirés du protocole de signature facul-

tative de la convention de Vienne sur les relations consulaires, la Cour est
privée, en la présente affaire, de la base de compétence qui était la sienne
lorsque l’affaire Avena a été portée devant elle. L’article 60 lui conférant
cependant une base de compétence indépendante ou spéciale aux fins
d’interpréter ses arrêts, le Mexique fonde sa demande en indication de

mesures conservatoires sur cette disposition. Cette approche ne peut tou-
tefois aboutir que si le Mexique démontre que sa demande en interpréta-
tion de l’arrêtAvena en vertu de l’article 60 n’est pas manifestement infon-
dée. Si elle l’est, en revanche, elle devra être rejetée, et la Cour ne disposera

donc d’aucune base de compétence pour connaître de la demande en indi-
cation de mesures conservatoires présentée par le Mexique.

27 8. Article 60 of the Statute of the Court reads as follows:

“The judgment is final and without appeal. In the event of dispute
as to the meaning or scope of the judgment, the Court shall construe
it upon the request of any party.”

9. Given the language of Article 60, Mexico must show that there is a
dispute between it and the United States regarding “the meaning or

scope” of the Avena Judgment. To this end Mexico seeks an interpreta-
tion of paragraph 153 (9) of the Avena Judgment by claiming that such a
dispute exists regarding the meaning or scope of that paragraph (for the
text, see para. 2, above). Mexico considers that the paragraph establishes

an obligation of result, whereas it asserts that the United States views the
obligation as one of means only.
10. The United States denies that a dispute within the meaning of
Article 60 exists in the present case. It agrees with Mexico that the Avena
Judgment imposes an obligation of result. It claims that it recognizes that

the United States has an obligation under Avena to ensure that the indi-
viduals covered by the Avena Judgment are provided “review and recon-
sideration” of their convictions and sentences. In support of this asser-
tion, the United States points to the President’s Proclamation, the position
the United States took before the United States Supreme Court in the

Medellín case, the decision of the Supreme Court itself, the letter written
by the Secretary of State and Attorney General to the Governor of
Texas, the efforts of the Executive Branch before the Texas courts, and
the correspondence between the United States and Mexico, which were
all steps taken to bring about full compliance with the Avena Judgment.

11. At this preliminary stage of the proceedings, it is sufficient for
Mexico to establish that its claim regarding the existence of the dispute
relating to the meaning or scope of paragraph 153 (9) of the Avena Judg-
ment is not manifestly unfounded. This means that Mexico must provide

at least some minimal evidence to support its contention. That it has
failed to do.
12. While Mexico does not deny that the steps listed in paragraph 10
above were taken by the United States, it points to the pending execution
order issued by a Texas judge in the case of Mr. Medellín and to the

earlier Texas court decisions relating to Medellín, which refused to give
effect to the Avena Judgment. Mexico also makes reference to similar
positions taken by Texas courts in other cases involving the Mexicans
named in the Avena Judgment. According to Mexico, the position of the
Texas courts is imputable to the United States and indicates that these

courts, by refusing to give effect to the Avena Judgment, do not agree
with Mexico that that Judgment requires the United States to provide the
requisite review and reconsideration. Mexico also relies on the failure of
the United States Executive Branch to seek legislation from the United

States Congress to give effect to the Avena Judgment. Mexico argues
further that the imminent execution of Mr. Medellín demonstrates that

28 8. L’article 60 du Statut de la Cour est libellé comme suit:

«L’arrêt est définitif et sans recours. En cas de contestation sur le
sens et la portée de l’arrêt, il appartient à la Cour de l’interpréter, à
la demande de toute partie.»

9. Ce libellé signifie que le Mexique doit démontrer qu’il existe une
contestation l’opposant aux Etats-Unis sur «le sens et la portée» de

l’arrêt Avena. A cette fin, le Mexique demande que soit interprété le
point 9) du paragraphe 153 de l’arrêt (reproduit au paragraphe 2 ci-
dessus), soutenant qu’une contestation existe bien sur son sens et sa
portée. Le Mexique estime que ce point crée une obligation de résultat et

affirme que les Etats-Unis, quant à eux, considèrent qu’il s’agit d’une
obligation de moyens.
10. Les Etats-Unis nient l’existence, en la présente espèce, d’une contes-
tation au sens de l’article 60. Ils estiment, comme le Mexique, que l’arrêt
Avena impose une obligation de résultat. Ils déclarent admettre que leur

incombe, en vertu de cette décision, l’obligation de faire en sorte que les
personnes visées bénéficient du «réexamen et [de] la revision» des verdicts
de culpabilité rendus et des peines prononcées contre elles. A l’appui de
leur thèse, les Etats-Unis appellent l’attention sur la déclaration de leur
président, la position qu’ils ont adoptée devant la Cour suprême en

l’affaire Medellín, la décision de la Cour suprême elle-même, la lettre
adressée au gouverneur du Texas par le secrétaire d’Etat et l’Attorney
General, les interventions du pouvoir exécutif auprès des juridictions du
Texas et les lettres échangées entre les Etats-Unis et le Mexique, soit
autant de démarches selon eux entreprises afin que soit assuré le respect

plein et entier de l’arrêt Avena.
11. En cette phase préliminaire de l’instance, le Mexique doit simple-
ment établir que sa demande relative à l’existence d’une contestation
sur le sens et la portée du point 9) du paragraphe 153 de l’arrêt Avena
n’est pas manifestement infondée. Cela signifie qu’il doit présenter un

minimum d’éléments de preuve à l’appui de son affirmation, ce qu’il
n’a pas fait.
12. Bien que le Mexique ne conteste pas que les Etats-Unis aient entre-
pris les démarches énumérées au paragraphe 10 ci-dessus, il appelle
l’attention sur l’ordre d’exécution prononcé par un juge du Texas en

l’affaire de M. Medellín et sur les décisions rendues antérieurement par
des juridictions du Texas relativement à ce dernier, dans lesquelles il n’a
pas été donné effet à l’arrêt Avena. Le Mexique se réfère également à des
positions similaires adoptées par des juridictions du Texas dans d’autres
affaires impliquant les ressortissants mexicains visés dans l’arrêt Avena.Il

estime que cette position des juridictions texanes est imputable aux Etats-
Unis et qu’elle atteste que, en refusant de donner effet à l’arrêt Avena,
celles-ci ne considèrent pas, contrairement au Mexique, que les Etats-
Unis doivent, en vertu de cette décision, assurer le réexamen et la revision

requis. Le Mexique invoque également le fait que l’exécutif n’a pas
demandé au Congrès des Etats-Unis d’adopter un texte de loi donnant

28not all United States governmental authorities agree that Avena imposes
obligations of result.

13. None of the arguments advanced by Mexico meets the minimal
requirements necessary to demonstrate the existence of a dispute that
would make Mexico’s request for interpretation under Article 60 admis-

sible. First, Mexico has not been able to provide any evidence that the
United States claims that its obligation under the Avena Judgment is one
of means rather than result. True, the Texas courts have failed to comply
with the Avena Judgment because they do not believe that they are

required to do so. But Texas does not speak for the United States on the
international plane. The United States would, of course, be liable under
international law for the failure of Texas or, for that matter, any other
state of the United States to comply with the Avena Judgment, but only
the United States Government is authorized under domestic law and

international law to speak for the United States on the international
plane. It follows that the position of Texas regarding the meaning, scope
or nature of the obligations of the United States under the Avena Judg-
ment is not imputable to the United States. What Texas does or thinks is,
therefore, irrelevant to the determination of the existence of a dispute

under Article 60.
14. Second, the fact that the Executive Branch of the United States has
thus far not asked the United States Congress to adopt legislation imple-
menting the Avena Judgment, does not prove that the Executive Branch
considers that it has no obligation to give effect to that Judgment or that

the Congress does not share the views of the Executive Branch that the
United States has that obligation. Instead of seeking legislation, the
President of the United States issued the Proclamation of 28 February
2005, ordering all the states of the United States holding any of the Mexi-
cans named in the Avena Judgment to be provided with review and

reconsideration. Until the Supreme Court rendered the Medellín decision
on 25 March 2008, ruling that the President lacked the power to issue
that order, the Executive Branch could reasonably assume that the
Supreme Court would uphold the President’s Proclamation; that would
have made congressional implementing of legislation unnecessary. The

Proclamation route, moreover, had the advantage of speed over the leg-
islative route, which tends to be slow and cumbersome in the United
States. Once the Supreme Court declined to uphold the President’s Proc-
lamation and failed to give direct effect to the Avena Judgment, the
Executive Branch focused its efforts on dealing with the Texas courts by

trying, first, to get them to delay the execution order of Mr. Medellín
and, second, seeking to make it possible for him to obtain the review and
reconsideration to which he is entitled. These were and continue to be the
most urgent steps that need to be taken to avoid an imminent breach by

the United States of its obligations under the Avena Judgment.

29effet à l’arrêt Avena. Il affirme en outre que l’exécution imminente de
M. Medellín atteste que le point de vue selon lequel l’arrêt Avena impose

des obligations de résultat n’est pas partagé par toutes les autorités gou-
vernementales des Etats-Unis.
13. Aucun des arguments avancés par le Mexique ne satisfait cependant
aux exigences minimales nécessaires pour que soit démontrée l’existence
d’une contestation qui rendrait recevable, en vertu de l’article 60, sa demande

en interprétation. Premièrement, le Mexique n’a pu fournir aucun élément
de preuve attestant que, selon les Etats-Unis, l’obligation leur incombant
en vertu de l’arrêtAvena est une obligation de moyens et non de résultat.
Certes, les juridictions du Texas ne se sont pas conformées à l’arrêA tvena

parce qu’elles estiment ne pas y être tenues; mais le Texas ne s’exprime pas
au nom des Etats-Unis sur le plan international. S’il est vrai que ces derniers
seraient, à l’évidence, responsables au regard du droit international si le
Texas ou, d’ailleurs, tout autre Etat ne se conformait pas à l’arrêA t vena,
seul le Gouvernement des Etats-Unis est autorisé, en vertu du droit interne

et du droit international, à s’exprimer au nom des Etats-Unis sur le plan
international. Il s’ensuit que la position du Texas relativement au sens, à la
portée ou à la nature des obligations incombant aux Etats-Unis en vertu de
l’arrêt Avena ne saurait être attribuée à ces derniers. En conséquence, ce
que le Texas fait ou pense est dépourvu de pertinence aux fins d’établir

l’existence d’une contestation en vertu de l’article 60.
14. Deuxièmement, si le pouvoir exécutif des Etats-Unis n’a pas, jusqu’à
présent, demandé au Congrès d’adopter un texte de loi pour assurer l’exé-
cution de l’arrêt Avena, cela ne prouve pas qu’il se considère comme libre
de toute obligation de donner effet à cette décision, ni que le Congrès ne

partage pas ses vues selon lesquelles une telle obligation incombe bien aux
Etats-Unis. Au lieu de demander l’adoption d’un texte de loi, le président
des Etats-Unis a, par sa déclaration du 28 février 2005, donné pour ins-
truction à tous les Etats fédérés dans lesquels étaient détenus des ressor-
tissants mexicains visés dans l’arrêtAvena d’assurer à ceux-ci le réexamen

et la revision requis. Jusqu’à ce que soit rendue, le 25 mars 2008, la déci-
sion Medellín dans laquelle la Cour suprême a jugé que le président n’était
pas habilité à donner cette instruction, l’exécutif pouvait raisonnablement
penser qu’il serait fait droit à la déclaration du président, ce qui aurait
rendu inutile l’adoption par le Congrès d’un texte de loi donnant effet à

l’arrêt Avena. De plus, une telle déclaration présentait l’avantage de la
rapidité par rapport à la voie législative, qui est généralement lente et dif-
ficile aux Etats-Unis. Après que la Cour suprême eut refusé de faire droit
à la déclaration du président et n’eut pas donné un effet direct à l’arrêt
Avena, le pouvoir exécutif a entrepris de rechercher une solution auprès

des juridictions du Texas en tentant, premièrement, de les inciter à différer
l’ordre d’exécution de M. Medellín et, deuxièmement, de permettre à ce
dernier de se voir accorder le réexamen et la revision auxquels il a droit. Il
s’agissait là — et il continue de s’agir — des mesures les plus urgentes

devant être prises pour éviter une violation imminente par les Etats-Unis
des obligations qui leur incombent en vertu de l’arrêtAvena.

29 15. Third, Mexico points to the President’s Proclamation in which he
orders the state courts to “give effect to the [Avena] decision in accord-

ance with general principles of comity”. It argues that the reference to
“general principles of comity” indicates that the United States does not
believe that it has any international law obligations to give effect to the
Avena Judgment. This argument overlooks the express wording of the
Proclamation in which the President makes the formal declaration that “I

have determined . . . that the United States will discharge its international
obligations under the decision of the International Court of Justice” in
the Avena case. That language amounts to a clear recognition by the
United States that it has an international legal obligation to comply with

the Avena Judgment.

16. Fourth, Mexico also asserts that the judgment of the United States
Supreme Court in the Medellín case indicates that it does not consider

that the Avena Judgment imposes an obligation of result on the United
States. In support of that contention, Mexico points to the determination
of the Supreme Court that the Avena Judgment is not directly enforce-
able in the United States without implementing legislation and that the
President lacked the constitutional authority to order the states to com-

ply with the Judgment. Mexico’s argument fails to take account of the
fact that the Supreme Court expressly recognized in the Medellín decision
that “the ICJ’s Judgment in Avena creates an international law obligation
on the part of the United States” (Medellín v. Texas, 128 S. Ct. 1346
(2008), slip op., at 57). It should not be forgotten, moreover, that the

Avena Judgment allows the United States to give effect to the Judgment
by “means of its own choosing”. That language was chosen by this Court
to indicate that the United States was free to comply with its obligations
under the Avena Judgment either by giving it automatic or direct effect,
or by means of implementing legislation or whatever other measures that

would produce the review and reconsideration to which the Mexicans
named in the Avena Judgment are entitled. The finding of the Supreme
Court that the Executive Branch, when acting without Congressional
support, lacks the power under the Constitution of the United States to
issue the order the President sought to promulgate in his Proclamation

thus in no way denied the international obligation of the United States to
give full effect to the Avena Judgment.

17. The various arguments advanced by Mexico thus do not permit

the conclusion, even on a preliminary basis, that there is a dispute
between the Parties, as that term is understood by Article 60, regarding
the meaning or scope of the Avena Judgment. Mexico has failed to
present the minimal evidence required to show that the United States has

denied or acted in a manner inconsistent with its obligation under the
Avena Judgment to provide the review and reconsideration to which the

30 15. Troisièmement, le Mexique appelle l’attention sur la déclaration
du président dans laquelle celui-ci donne pour instruction aux juridic-

tions d’Etat de «donn[er] effet à [la] décision [Avena] conformément aux
principes généraux de la courtoise internationale». Selon le Mexique,
cette référence aux «principes généraux de la courtoisie internationale»
indique que les Etats-Unis estiment n’être tenus à aucune obligation de
donner effet à l’arrêt Avena en vertu du droit international. En formulant

cet argument, le Mexique ne tient cependant pas compte des termes
exprès de la déclaration, dans laquelle le président indique: «[j]’ai décidé
que [les Etats-Unis d’Amérique] s’acquitteraient des obligations interna-
tionales imposées par la décision de la Cour internationale de Justice»

dans l’affaire Avena. Il s’agit là clairement d’une reconnaissance par les
Etats-Unis de leur obligation, au regard du droit international, de se
conformer à cette décision.
16. Quatrièmement, le Mexique affirme en outre que l’arrêt rendu par
la Cour suprême des Etats-Unis en l’affaire Medellín indique que, selon

elle, l’arrêt Avena n’impose pas aux Etats-Unis une obligation de résultat.
A l’appui de cette affirmation, le Mexique indique que la Cour suprême a
jugé que l’arrêt Avena n’était pas directement applicable aux Etats-Unis
en l’absence d’un texte de loi visant à lui donner effet, et que le président
ne disposait pas des pouvoirs constitutionnels lui permettant de donner

pour instruction aux Etats de se conformer audit arrêt. En formulant cet
argument, le Mexique ne tient pas compte du fait que la Cour suprême a,
dans la décision qu’elle a rendue en l’affaire Medellín, expressément
reconnu que «[l]’arrêt Avena donn[ait] lieu à des obligations de droit
international assumées par les Etats-Unis» (Medellín v. Texas, 128 S. Ct.

1346 (2008), slip op., p. 57). De surcroît, il convient de garder présent à
l’esprit que, aux termes de l’arrêt Avena, les Etats-Unis peuvent donner
effet à cette décision par «les moyens de leur choix». La Cour a employé
cette formulation pour indiquer que les Etats-Unis étaient libres de se
conformer aux obligations qui leur incombent en vertu de ladite décision,

soit en lui donnant un effet automatique ou direct, soit par le biais d’un
texte de loi visant à lui donner effet, soit encore en prenant toute autre
mesure permettant d’assurer le réexamen et la revision auxquels les res-
sortissants mexicains visés dans l’arrêt Avena ont droit. La conclusion de
la Cour suprême selon laquelle le pouvoir exécutif, agissant sans l’appui

du Congrès, n’a pas, en vertu de la Constitution des Etats-Unis, le pou-
voir de donner l’instruction contenue dans la déclaration du président ne
revient nullement à nier l’obligation internationale incombant aux Etats-
Unis de donner plein effet à l’arrêt Avena.
17. Les différents arguments formulés par le Mexique ne permettent

donc pas de conclure, même à titre préliminaire, qu’il existe entre les
Parties une contestation — au sens où ce terme est employé à l’ar-
ticle 60 — sur le sens et la portée de l’arrêt Avena. Le Mexique n’a pas
présenté les éléments de preuve minimaux requis pour démontrer que les

Etats-Unis ont nié l’obligation qui leur incombe en vertu de l’arrêt Avena
d’assurer le réexamen et la revision auxquels les ressortissants mexicains

30Mexicans named in that Judgment are entitled. Accordingly, Mexico’s
Request for the interpretation it seeks under Article 60 of the Court’s

Statute is manifestly unfounded and should be dismissed as inadmissible.
That being the case, the Court lacks jurisdiction to deal with Mexico’s
provisional measures request under Article 41 of the Court’s Statute. But
as I have already emphasized, the dismissal of that request would not
affect or weaken the obligation the United States has to fully comply

with the Avena Judgment, nor would granting it strengthen that obli-
gation.

18. To find the requisite jurisdiction for its Order in the present case,
the Court points out that the English text of Article 60 speaks of “dis-
pute”, whereas “contestation” is used in the French text of that provi-
sion. The Court also notes that in two other provisions of the Statute —
Article 36, paragraph 2, and Article 38 —– the English “disputes” is ren-

dered as “différends” in French. This difference in the uses of the term
“dispute” prompted the Permanent Court of International Justice to con-
clude that, given the wording of Article 60,

“[the Court] cannot require that the dispute should have manifested
itself in a formal way . . . it should be sufficient if the two Govern-
ments have in fact shown themselves as holding opposite views in

regard to the meaning or scope of a judgment of the Court” (Inter-
pretation of Judgments Nos. 7 and 8 (Factory at Chorzów), Judg-
ment No. 11, 1927, P.C.I.J., Series A, No. 13, p. 11).

19. I agree with the conclusion of the Permanent Court of Interna-
tional Justice on which this Court relies, that the “disputes” referred to in
Articles 36 and 38 of the Statute call for a greater degree of formality to
establish the existence of a dispute than is required under Article 60. This

does not mean, however, that the unsubstantiated claim by one party
regarding the existence of a dispute, which is what we have here, will sat-
isfy the requirements of Article 60, whether or not we rely on its French
or English text. That very point was emphasized by this Court as far back
as 1950, when it declared:

“Obviously, one cannot treat as a dispute, in the sense of that pro-
vision [Article 60], the mere fact that one Party finds the judgment

obscure when the other considers it to be perfectly clear. A dispute
requires a divergence of views between the parties on definite
points . . .” (Request for Interpretation of the Judgment of 20 Novem-
ber 1950 in the Asylum Case (Colombia/Peru), Judgment, I.C.J.

Reports 1950, p. 403.)
20. I have already shown above that Mexico has presented no evi-

dence to support the conclusion, even on a preliminary basis, that one or
more federal authorities of the United States do not share the view of the

31visés dans cet arrêt ont droit, ou qu’ils se sont comportés d’une manière

incompatible avec cette obligation. En conséquence, la demande en inter-
prétation que le Mexique a présentée en vertu de l’article 60 du Statut de
la Cour est manifestement infondée et devrait être rejetée au motif qu’elle
est irrecevable. Dès lors, la Cour n’a pas compétence pour connaître de
la demande en indication de mesures conservatoires présentée par le

Mexique en vertu de l’article 41 du Statut. Ce nonobstant, ainsi que je
l’ai déjà souligné, le rejet de cette demande ne remettrait pas en cause
— et n’atténuerait pas — l’obligation incombant aux Etats-Unis de se
conformer pleinement à l’arrêt Avena, pas davantage que son acceptation

ne renforcerait ladite obligation.
18. Pour fonder sa compétence aux fins de l’ordonnance qu’elle rend
en la présente espèce, la Cour fait observer que le texte anglais de l’ar-
ticle 60 emploie le terme«dispute», alors que le texte français de cet article

utilise le terme «contestation». La Cour relève également que, dans deux
autres dispositions du Statut — le paragraphe 2 de l’article 36 et l’ar-
ticle 38 —, le terme anglais«disputes» est exprimé en français par «diffé-
rends». Ces différents emplois du terme «dispute» ont conduit la Cour

permanente de Justice internationale à conclure que, compte tenu du
libellé de l’article 60,

«[elle] estime ne pas pouvoir exiger que la contestation se soit for-
mellement manifestée ... il doit suffire que les deux Gouvernements
aient en fait manifesté des opinions opposées quant au sens et à la
portée d’un arrêt de la Cour» (Interprétation des arrêts n os 7et8
o o
(Usine de Chorzów), arrêt n 11, 1927, C.P.J.I. série A n 13, p. 11).

19. Je souscris à la conclusion de la Cour permanente de Justice inter-
nationale sur laquelle la présente Cour se fonde, conclusion selon laquelle
les «différends» visés aux articles 36 et 38 du Statut supposent, pour être
établis, un degré de formalisme plus important que celui qui est requis

par l’article 60. Cela ne signifie cependant pas qu’une demande infondée
formulée par une partie au sujet de l’existence d’un différend, comme
c’est le cas en la présente espèce, satisfasse aux prescriptions de l’ar-
ticle 60, que l’on se fonde sur le texte français ou sur le texte anglais de

cette disposition. La Cour l’a souligné dès 1950 en indiquant:
«[i]l va de soi qu’on ne peut considérer comme une contestation aux

termes de cet article le seul fait que l’une des Parties déclare l’arrêt
obscur, tandis que l’autre le déclare parfaitement clair. La contesta-
tion exige une divergence de vues entre les parties sur des points
définis...» (Demande d’interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950

en l’affaire du droit d’asile (Colombie/Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil
1950, p. 403.)

20. J’ai déjà démontré ci-dessus que le Mexique n’avait présenté aucun
élément de preuve qui vienne, ne serait-ce qu’à titre préliminaire, à
l’appui de la conclusion selon laquelle une ou plusieurs autorités fédérales

31Executive Branch that paragraph 153 (9) imposes an obligation of result
on the United States. The finding by the Supreme Court that the Avena

Judgment is not directly applicable law without implementing legislation
and that the President lacks the authority without Congressional action
to order the States to comply with the Avena Judgment concerns princi-
ples of United States constitutional law relating to the allocation of
power between the three branches of the United States. They have no

bearing as such on the compliance or non-compliance by the United
States with its international obligations. In the Avena Judgment, more-
over, the Supreme Court expressly declared that Judgment to be an obli-
gation of the United States under international law.

21. The fact that the United States Congress has not yet been asked by
the Executive Branch to adopt legislation for the reasons spelled out in

paragraph 16 above, does not prove even on a preliminary basis that this
body does not share the view of the Executive Branch that the Avena
Judgment requires the United States to comply with that Judgment.

22. In short, Mexico has presented not a scintilla of evidence showing

that the federal authorities of the United States do not share the view of
the Executive Branch regarding the obligation imposed on the United
States by the Avena Judgment.
23. It is true, of course, that Texas courts have thus far failed to give
effect to the Avena Judgment and that Texas authorities do not believe

that they are bound to do so. But while local authorities of unitary or
federal states that violate international law can by their conduct subject
the national authorities to breaches of international law, they do not
speak for their national authorities on the international plane, nor can
their views, if they conflict with those of the national authorities, have

any bearing on the existence or non-existence of a dispute between the
Parties within the meaning of Article 60.

24. Hence, when the Court declares that the Parties

“apparently hold different views as to the meaning and scope of that
obligation of result, namely, whether that understanding is shared
by all United States federal and state authorities and whether that

obligation falls upon those authorities” (Order, para. 55),

the Court reaches two conclusions that have no valid basis in law or fact.
The first conclusion is based on the erroneous assumption that one or
more United States federal authorities do not share the view of the
Executive Branch regarding the nature of the obligation Avena imposes.

No evidence whatsoever is before the Court to support that claim. The
second conclusion flows from the Court’s decision that the views of

32des Etats-Unis ne partageraient pas les vues du pouvoir exécutif, à savoir
que le point 9) du paragraphe 153 de l’arrêt impose une obligation de

résultat aux Etats-Unis. En concluant que l’arrêt Avena n’est pas direc-
tement applicable sans un texte de loi visant à lui donner effet et que le
président n’a pas, sans l’intervention du Congrès, le pouvoir de donner
pour instruction aux Etats de se conformer audit arrêt, la Cour suprême
s’est attachée au respect de principes du droit constitutionnel des Etats-

Unis relatifs à la répartition des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le
judiciaire. Dans ces conditions, ces conclusions n’ont aucune incidence
sur l’observation ou l’inobservation par les Etats-Unis de leurs obliga-
tions internationales. Dans la décision qu’elle a rendue en l’affaire Medel-

lín, la Cour suprême a en outre expressément déclaré que l’arrêt Avena
constituait une obligation incombant aux Etats-Unis d’Amérique en
vertu du droit international.
21. Si le pouvoir exécutif des Etats-Unis n’a pas encore, pour les rai-
sons exposées au paragraphe 16 ci-dessus, demandé l’adoption d’un texte

de loi par le Congrès, cela ne démontre pas, même à titre préliminaire,
que ce dernier ne partage pas l’opinion du pouvoir exécutif selon laquelle
les Etats-Unis sont, aux termes de l’arrêt Avena, tenus de se conformer à
celui-ci.
22. En résumé, le Mexique n’a pas présenté le moindre élément de

preuve démontrant que les autorités fédérales des Etats-Unis ne parta-
geaient pas l’opinion du pouvoir exécutif en ce qui concerne l’obligation
incombant aux Etats-Unis aux termes de l’arrêt Avena.
23. Certes, les juridictions du Texas n’ont, jusqu’à présent, pas donné
effet à l’arrêt Avena et les autorités de cet Etat ne s’estiment pas tenues

de le faire. Mais, s’il est vrai que les autorités locales d’Etats unitaires
ou fédéraux, lorsqu’elles agissent en violation du droit international,
peuvent par leur conduite exposer les autorités nationales à des man-
quements au droit international, elles ne s’expriment cependant pas au
nom de ces dernières sur le plan international et leurs vues, si elles sont en

contradiction avec celles des autorités nationales, n’ont aucune incidence
sur l’existence ou la non-existence d’une contestation entre les Parties au
sens de l’article 60.
24. Aussi, lorsqu’elle déclare que les Parties

«paraissent ... diverger d’opinion quant au sens et à la portée de
cette obligation de résultat — plus précisément quant à la question
de savoir si cette communauté de vues est partagée par toutes les

autorités des Etats-Unis, à l’échelon fédéral et à celui des Etats, et si
cette obligation s’impose à ces autorités» (ordonnance, par. 55),

la Cour formule deux conclusions qui n’ont aucun fondement valable en
droit ou en fait. La première est fondée sur l’hypothèse erronée selon
laquelle une ou plusieurs autorités fédérales des Etats-Unis ne partagent
pas les vues du pouvoir exécutif concernant la nature de l’obligation

imposée par l’arrêt Avena. Absolument aucun élément de preuve n’a été
présenté à la Cour à l’appui de cette affirmation. La seconde conclusion

32Texas, a state of the United States which does not and cannot speak for

the United States on the international plane, are relevant in determining
whether there exists a dispute between the United States and Mexico
within the meaning of Article 60. The latter conclusion has no basis in
international law and appears to establish a novel and dangerous prec-
edent regarding the legal consequences of positions espoused by local

governmental entities that conflict with the views of national authorities
concerning the nation’s international obligations and policies.

25. No showing has been made in the present case to support the con-
clusion, even on a preliminary basis, that there exists a difference of
opinion between the Parties as to the meaning or scope of the Court’s
finding in paragraph 153 (9) of the Avena Judgment. What we have here

instead is a claim by only one of the Parties regarding the existence of a
dispute that is not supported by any relevant evidence before the Court.
Mexico’s Request for interpretation under Article 60 should therefore be
dismissed, leaving the Court without the prima facie jurisdiction it needs

to adopt the present Order. By nevertheless issuing this Order, the Court
also opens itself up to the future misuse for jurisdictional purposes of the
Article 60 interpretation route which, it should be noted, imposes no
time-limits for the introduction of Requests for interpretation.

26. To reiterate, my conclusion that the Court lacks the requisite juris-
diction to issue this Order does not affect the continuing obligation of the
United States under the Avena Judgment to ensure that the Mexican

nationals identified in that case not be executed unless they have been
accorded the review and reconsideration mandated by that Judgment.

(Signed) Thomas B UERGENTHAL .

33découle du fait que la Cour estime que les vues du Texas, un Etat fédéré
qui ne s’exprime pas au nom des Etats-Unis sur le plan international

— et ne saurait le faire —, sont pertinentes aux fins de déterminer s’il
existe une contestation entre ces derniers et le Mexique au sens de l’ar-
ticle 60. Cette conclusion est dépourvue de tout fondement en droit inter-
national et semble établir un précédent nouveau et dangereux quant aux

conséquences juridiques que pourraient avoir certaines positions adop-
tées par des entités gouvernementales locales au sujet des obligations à
respecter et des politiques à suivre au plan international, lorsqu’elles sont
en contradiction avec les vues des autorités nationales.
25. En la présente espèce, aucune démonstration n’a été faite qui per-

mettrait d’étayer, ne serait-ce qu’à titre préliminaire, la thèse selon laquelle
il existe une divergence d’opinion entre les Parties sur le sens et la portée
de la conclusion formulée par la Cour au point 9) du paragraphe 153 de
l’arrêt Avena. Au lieu de cela, nous sommes en présence d’une allégation,

émanant d’une seule des Parties, concernant l’existence d’un différend
que n’étaie aucun élément de preuve pertinent présenté à la Cour. La
demande en interprétation du Mexique en vertu de l’article 60 devrait
donc être rejetée puisqu’elle ne confère pas à la Cour la compétence
prima facie qui lui est nécessaire pour adopter la présente ordonnance.

En rendant néanmoins cette ordonnance, la Cour s’expose à ce qu’une
utilisation abusive soit faite à l’avenir — à des fins juridictionnelles — de
l’interprétation au sens de l’article 60, lequel, il convient de le relever,
n’impose aucun délai à l’introduction de demandes en interprétation.

26. Ma conclusion selon laquelle la Cour n’a pas la compétence néces-
saire pour rendre cette ordonnance ne remet, je le répète, nullement en
cause l’obligation qui continue d’incomber aux Etats-Unis aux termes de
l’arrêt Avena de faire en sorte que les ressortissants mexicains visés dans
cette affaire ne soient pas exécutés à moins d’avoir bénéficié du réexamen

et de la revision prescrits par cet arrêt.

(Signé) Thomas B UERGENTHAL .

33

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Opinion dissidente de M. le juge Buergenthal

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