Opinion dissidente de M. Weeramantry (traduction)

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OPINION DISSIDENTE DE M. WEERAMANTRY

[Traduction]

TABLE DES MATIÈRES
Pages

320
Le caractère inhabituel de la demande néo-zélandaise
Le contexte de l'arrêt rendpar la Cour en 1974
Les questions de compétence et de recevabilité

QUELQUES QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

L'affaire de 1974est-elle close?
Le paragraphe 63 comporte-t-il une contradiction interne?
La demande néo-zélandaise peut-elleêtre traitéepar la voie adminis-
trative?

LA COINCIDENCE ENTRE LES GRIEFS DE LA NOUVELLE-ZÉLA ND1E973 ET
EN 1995

Les griefs de la Nouvelle-Zélandeen 1973
L'étatdes connaissances en 1974
Les griefs actuels de la Nouvelle-Zélande

Les termes du paragraphe 63
La manièredont la Cour a formuléles fondements de l'arrêtde 1974
La place centrale accordéeaux essais atmosphériquesen 1974
Le fond des griefset les moyens qui en étaientla cause
Quelques principes d'interprétation

La portéede la phrase liminaire du paragraphe 63
La portéede la dernière phrasedu paragraphe 63
La nécessitéparticulièred'une clause de précaution

L'indication de mesures conservatoires
La manière dont la Cour a abordéen 1973 la question des mesures
conservatoires

Le principe de l'intertemporalité
La notion de droits appartenant aux générationsfutures
Le principe de précaution
Evaluation de l'impact sur l'environnement
Le caractère illicite de l'introduction de déchets radioactifsdans le
milieu marin
Le principe selon lequel aucun dommage ne doit êtrecausé aux
autres nations DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISS. WEERAMANTRY) 318

LANOUVELLE-~ÉLAA N-T-ELL ETABLI SA THÈSEPRIMA FACIE?

La question de la preuve
Les missions d'enquêtescientifique
La nature des essaisnucléaires souterrains
La structure des atolls de Mururoa et de Fangataufa

L'impact des explosionsprécédentessur les atolls
Les répercussions sur Mururoa de la nouvelle séried'explosions
projetée
Les normes de sécurité admises à l'écheloninternational quant au
stockage des déchets radioactifs
Le danger que la libération de substances radioactives dans l'océan
représentepour la vie marine
La possibilitéd'accidents

La situation des Etats demandantà intervenir Par sa demande, la Nouvelle-Zélande cherche à poursuivre l'instance

qu'ellea introduite en 1973.Elle n'est pas fondéeà engager une nouvelle
action contre la France puisque celle-ci, depuis l'introduction de l'ins-
tance en 1973,adénoncé les basesdecompétencequiavaientété invoquées
dans cette affaire. La Cour ne peut connaître de la demande d'examen de
la situation présentéepar la Nouvelle-Zélandeque s'il s'agit d'une nou-
vellephase de cetteinstance précédenteC . 'est la Nouvelle-Zélandequ'il
incombe de le démontrer.
Cette demande pose à la Cour la question fondamentale de savoir si le
((fondement [de l']arrêt» rendupar la Cour en 1974 a été ((remis en
cause», puisque la Cour avait réservdans cet arrêtledroit de la Nouvelle-
Zélandede revenir devant elle dans cettehypothèse. On ne peut trancher
cette question qu'en se livrant à un double examen: celui du sens de
l'expression((fondementdu présentarrêt »et celui des donnéesfactuelles
que la Nouvelle-Zélandea soumises à la Cour pour établir quele «fon-

dement» avait été((remisen cause».
Je regrette que la Cour ait choisi de se prononcer sur l'ensemble dela
demande - alors que celle-ci soulevait des questions d'une impor-
tance fondamentale pour la communauté internationale tout entière -
en se fondant sur ce qui me paraît êtreune interprétation par trop res-
trictive de l'expression((fondementdu présentarrêt»et en s'abstenant de
traiter la deuxièmequestion essentiellepour sa décision,c'est-à-direcelle
de savoir si la Nouvelle-Zélandeavait, faitsà l'appui, établiprima facie
aue ce fondement avait étéremis en cause. Il me semble aue ces deux
aspects sont indissociables. Comme c'est très souvent le cas pour les
questions touchant à la compétence dela Cour, on ne peut parvenir à
une décision enl'espècequ'en se fondant sur l'interaction des éléments
juridiques et factuels en cause (voir Ibrahim F. 1. Shihata, The Power
of the International Court to Determine Its Own Jurisdiction, 1965,

p. 299).
L'expression ((fondement du présent arrêt))appelle un examen des
griefs qui ont amenéla Nouvelle-Zélande à saisir la Cour, de l'objet de
l'instance,des voiesde droit que comporte l'arrêt,des faitset des connais-
sancesquiconstituaient le fondement de l'arrêt, du raisonnementou de la
ratio decidendide l'arrêt,en bref, du contexte générlans lequel s'inscrit
le dispositif.Ma conclusion, eu égardà tous ces aspects, diffèreradicale-
ment de cellede la majorité demes collègues.La différenceentre les deux
approches a trait aux principes essentielsdu processusjudiciaire tel queje
le conçois, et la présenteopinion contient certaines observations indis-
ensables à cet é.,rd.
Dans la présenteopinion, je m'efforcerai d'exposercomment, selon
moi, la question importante portée devant la Cour par la demande néo-
zélandaiseaurait dû êtretraitée. En faisantcesobservations,je garde bien

entendu à l'esprit quela portéede la demande actuelle de la Nouvelle-
Zélandeest circonscrite par la teneur des piècesde procédurede l'affaire
initiale et que la Nouvelle-Zélandene peut pas demander davantage
aujourd'hui qu'elle ne demandait alors. Elle ne saurait faire valoir de DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISS .EERAMANTRY) 320

griefs,ni solliciter de décisionsou d'ordonnances qui ne s'inscriraientpas
strictement dans le cadre de sa requête initiale.

Le caractèreinhabituelde la demandenéo-zélandaise

Cette demande d'examen de la situation est probablement sans précé-
dent dans les annales de la Cour. Elle ne s'apparente à aucune des
demandes classiquesprévuespar le Statut et le Règlement dela Cour aux
fins de larevision ou de l'interprétation d'unarrêtrendu par la Cour.
C'est unedemande insolite, fondée sur une disposition insolite de l'arrêt
de la Cour de 1974.
Le paragraphe 63 de cet arrêtest ainsi libellé:

«Dèslors que la Cour a constaté qu'unEtat a pris un engagement
quant à son comportement futur, il n'entre pas dans sa fonction
d'envisager que cet Etat ne le respecte pas. La Cour fait observer
que, si le fondement du présent arrêtétaitremis en cause, le requé-
rant pourrait demander un examen de la situation conformément
aux dispositionsdu Statut; la dénonciationpar la France, dans une

lettre du 2janvier 1974,del'Actegénérap lour lerèglement pacifique
des différendsinternationaux, qui est invoquécomme l'un des fon-
dements de la compétencede la Cour en l'espèce, nesaurait en soi
faire obstacleà la présentation d'une telle demande.)) (Essais nu-
cléaires(Nouvelle-Zélandec. France), C.I.J. Recueil 1974, p. 477.)

La Cour a inséré le paragraphe 63 dans son arrêt à titre de précaution
lorsqu'elle a décidé deprendre acte d'une déclaration unilatéralede la
France - dont la Cour a estiméqu'elleétaitjuridiquement contraignante
- aux termes de laquelle la France s'engageaità mettre fin à ses essais
atmosphériques d'armes nucléaires. LaCour a fait usage de sa compé-
tence incontestéed'arrêtersa propre procédurepour prescrire une procé-
dure sui generis.
Cette procédure allait au-delà des dispositions des articles 60 et 61 du

Statut de la Cour relatifs respectivemenàl'interprétationetàla revision
d'un arrêt.Assurément, la Cour a estiméque, vu les circonstances, elle
devait aller au-delà de l'une et l'autre de ces dispositions. Elle a ainsi
cherché à répondre àun besoin autre que l'interprétation ou larevision
de l'arrêt.Elle a égalementouvert à la Nouvelle-Zélandeune possibilité
qui s'étendaitau-delà du délaiimparti pour laprésentationd'unedemande
en revision.
Les motifs de la Cour étaient radicalementdifférentsde ceux qui sous-
tendent une revision, puisqu'une revision implique un remaniement ou
une modification de l'arrêt, alorsque la Cour visaitpréserver l'intégrité

de son arrêtau cas où il surviendrait un fait qui en remettrait en causele
fondement. En outre, si la Cour avait envisagéla revision, elle n'auraitpas eu besoin de prévoir une dispositionparticulière,puisquele Statut se
serait automatiquement appliqué.
En conséquence,la conclusion selon laquelle une demande présentée
au titre du paragraphe 63 est une demande en revision déguiséeme
semble dépourvuede fondement. La conception, la nature et la mise en
Œuvrede ces deux procédures sont totalement différentes.
En concevantune procédure particulièreapplicable à une situation sus-
ceptiblede seprésenter à l'avenir et de remettre en cause lefondement de
l'arrêt,la Cour a manifestéson souci de préserverl'intégritdes postulats
fondamentaux sur lesquelsreposait son arrêt. Il nous faut donc conclure
que, pour la Cour, l'importance de cette question justifiait une disposi-
tion expresse.

La Cour, pleinement au fait des dispositions de sa procédurerelatives
à l'interprétation eàla revision,ne s'estpas livréà un exercicede tauto-
logie. Elle a prévu uneprocédure inéditepour répondre à une situation
sans précédent.

Le contexte de l'arrêtrendu par laCour en 1974

La Cour a estimé quela déclaration française privait la requêtenéo-
zélandaise deson objet. De fait, elle a jugéque cette déclaration mettait
fin au différend.
Ilestcertainqu'à l'époquelaCour considérait-tout commela Nouvelle-
Zélande d'ailleurs - que le préjudicedont la Nouvelle-Zélandetirait
grief cesserait du fait de l'engagementpris par la France. Les seuls essais
auxquels cette dernière procédait alors dans le Pacifique étaient atmo-

sphériques.La France avait indiqué sans ambiguïtéqu'elley mettrait fin.
On avait donc toutes lesraisons de croire qu'il n'yavait plus de différend.
Néanmoins, la Cour setrouvait en présenced'une question qui étaitde
la plus haute importance pour les droits fondamentaux du peuple néo-
zélandais.Elle n'a pasvoulu permettre que des circonstancesalors impré-
vues viennent remettre en cause le fondement de son arrêt,ni laisser la
Nouvelle-Zélandeimpuissante à protégerles droits mêmesqu'elle avait
cherché à sauvegarder en saisissant initialement la Cour. Bien que cette
dernièrefût pleinement convaincue que l'objectif dela Nouvelle-Zélande
avait été atteint etque les droits de celle-ci n'étaient plusmenacés,elle a
néanmoins pris la précaution d'introduire dans son arrêtcette clause
conçue par elle.
C'est au titre de cette clause que la Nouvelle-Zélande prie la Cour
d'examiner la situation, en faisant valoir que les essais nucléairessouter-

rains actuels provoquent le mêmegenre de contamination radioactive de
son environnement que celle dont elle avait tirégrief en1973.

Les questions de compétenceet de recevabilité

Dans l'instance introduite en 1973,la Cour ne s'estpas prononcée sur
les questions de compétenceet de recevabilité.Dans l'ordonnance du22 juin 1973par laquelle elle avait indiqué certainesmesures conserva-
toires, la Cour avait considéré:

((qu'on ne saurait supposer à priori que de telles demandes échap-
pent complètement à la juridiction de la Cour ou que le Gouverne-
ment néo-zélandaisne soit pas en mesure d'établir à l'égard deces
demandes l'existence d'un intérêt juridique autorisant la Cour à
accueillir larequête»(Essaisnucléaires(Nouvelle-Zélande c.France),

mesures conservatoires, C.I.J. Recueil 1973, p. 140,par. 24).
Les questions de compétenceet de recevabilitén'ont donc pas été tran-
chéesavant leprononcéde cetteordonnance, pas plus qu'ellesne l'ont été
par la suite.

Pour les raisons ci-dessus énoncées,la présenteopinion ne porte en
rien sur le fond de la demande néo-zélandaise.J'entends tout d'abord
borner mon examen à la question de savoir si lefondement de l'arrêtde
1974a été en quoi que ce soit remis en cause. Pour répondre à cette ques-
tion, il me faudra évoquer certaines donnéesde fait présentéesdans la
demandede la Nouvelle-Zélandeainsique dans sa requête. Maisje ne les
évoquerai que pour appréciersi, prima facie, les conditions sont réunies
pour rouvrir l'affaire de 1973par le biais du paragraphe 63 de l'arrêtde
1974. Il est en effet impossible de déterminersi lefondement de l'arrêta

étéremis en cause sans se référer à ces donnéesfactuelles.

L'affaire de 1974 est-elle close?

L'un desprincipaux arguments de la France est que l'arrêtde 1974a
force de chose jugéeet que l'instance introduite en 1973est close. Pour
reprendre le langage imagé deson conseil,il n'yaurait pas de Lazarejuri-
dique et personne ne saurait faire renaître l'affaire de ses cendres.
A l'appui de sa thèse, la France s'est égalementappuyée sur le fait

qu'aucun article de doctrine ni aucune publication de la Cour ne range
l'affaire entre la Nouvelle-Zélandeet la France parmi les affaires pen-
dantes. Au contraire, cette affaire est mentionnée,y compris dans les pu-
blications officiellesde la Cour, parmi les affaires terminées par unarrêt.
A ce propos, il convient tout d'abord de relever certains faits incontes-
tables :

- la Cour elle-même a affirmédans son arrêtque la Nouvelle-Zélande
avait le droit de revenir devant elle dans certaines circonstances -
quelle que soit la manièredont on puisse définir celles-ci;
- la Cour a expressémentconçu cette procédure pour répondre aux
besoins particuliers de l'affaire;
- ce droit a été accordé sans aucune conditionde délai;

- aucun article de doctrine ni mêmeles publications officiellesde la
Cour ne sauraient prévaloir sur le libelléexprès del'arrêt lui-même;- lorsqu'elle a énoncé cette dispositionde l'arrêt, laCour a agi dans
l'exercicede son pouvoir inhérent d'arrêtersa propre procédure, qui
n'est pas contesté;
- la Cour s'inquiétaitde faits ultérieurs éventuels susceptibles de re-
mettre en cause le fondement de son arrêt;
- la Cour a délibérément choisi unp erocédureautre que la procédure
en revision ou en interprétation.

L'argument selon lequel l'affaire étaitclose semble donc aller directe-
ment à l'encontre des termes mêmesemployéspar la Cour, en vertu des-
quels l'affaire resteouverte dans certaines circonstances.Loin d'être une

procédureen revision sous une forme différente, la procédureviséeau
paragraphe 63a un caractèrepropre et autonome. Conçue par la Cour et
bénéficiant detoute l'autorité decelle-ci, saformulation expresse dément
la thèse selon laquellel'affaire est close.
Le paragraphe 63 autorise la Nouvelle-Zélande à rouvrir l'affaire si,
mais seulement si, les conditions qui y sont énoncéessont réunies, à
savoir sile fondementde l'arrêtest remis en cause. Siceparagraphe entre
en jeu, l'affaire est rouverte, et la Cour doit connaître de la demande
d'examen de la situation présentéepar la Nouvelle-Zélandeet examiner
sa demande en indication de mesures conservatoires. C'est en vertu de
l'autorisation expresse de la Cour elle-mêmeque la Nouvelle-Zélande

s'adresseraità elle. Dans ces conditions, le droit de la Nouvelle-Zélande
de saisir la Cour et la validité dela demande néo-zélandaise cet effet ne
sauraient êtremis en doute. La Cour devrait alors examiner aussi les
requêtes à fin d'intervention de l'Australie, du Samoa, des Iles Salomon,
des Iles Marshall et des Etats fédérédse Micronésie.
En revanche, si la Nouvelle-Zélanden'a pas la clef qui ouvre la porte
du paragraphe 63, sa demande doit être écartée eitl n'y a pas lieu d'exa-
miner les autres questions susmentionnées.
Le point de savoir sila Nouvelle-Zélande possèdecette clef,c'est-à-dire
si elleest en mesure de démontrer quele fondement de l'arrêta étéremis
en cause, est le nŒudde la question portée devant la Cour.

Le paragraphe 63 comporte-t-il une contradiction interne?

On a laisséentendre au cours des débatsque l'expression((conformé-
ment aux dispositions du Statut)) signifiait que la Nouvelle-Zélandene
pouvait saisir la Cour que par les voies expressément prévuesdans le
Statut. Je n'interprète pas cette expression de façon aussi restrictive car
une telle interprétation reviendraitnier le droit que la Cour a expressé-
ment conféré à la Nouvelle-Zélandeau paragraphe 63.

Pour moi, cette expression signifieplutôt que la Cour entendait que la
Nouvelle-Zélandeseplieaux exigencesde forme habituelles auxquellesdoit
satisfairetoute demande soumise àla Cour par quelque partie que ce soit.
Je ne saurais partager le point de vue selon lequel, dans la première
partie de la phrase considéréel,a Cour a accordé à la Nouvelle-Zélandeun droit qu'elle luia immédiatement retiréen ramenant la demande de
celle-ci dans le cadre de la procédure existante,laquelle ne prévoiteffec-
tivement pas la présentation d'une telle demande. La Cour n'a pas pu se

contredire de la sorte; prétendrele contraire serait faire bien peu de cas
de la remarquable clairvoyance dont la Cour a fait preuve en offrant ce
droit à la Nouvelle-Zélande.
En conséquence,il incombe tout d'abord à la Cour d'examiner si la
Nouvelle-Zélandea porté à sa connaissance des faits qui remettent en
cause le fondement de l'arrêt de1974. Si tel est le cas, la Cour doit,
conformément aux prévisions deson propre arrêt,procéder à un examen
trèsattentif afin de déterminersi la situation ainsi créée justifqu'il soit
fait droit aux conclusions de la Nouvelle-Zélande.

La demande néo-zélandaisp eeut-elle êtretraitée
par la voie administrative ?
La France a soutenu que leproblème devait êtreréglé par une décision

administrative. A l'appui de cettethèse,ellea fait valoir que la Nouvelle-
Zélande soumettait à la Cour une question nouvelle et s'adressait à la
Cour en se fondant sur une affaire close, que la Cour n'étaitdonc saisie
d'aucune demande juridiquement valable, et que la question devait en
fait êtrerégléepar une décisionadministrative eu égardau défaut mani-
feste et flagrant de compétence.
Selonla France, la Cour devait prendre une décisiond'office,sans qu'il
soit nécessaire detenir d'audience publique. Pour étayer sa thèse selon
laquelle la Cour devait rendre une ordonnance sans tenir audience, la

France a invoqué l'affaire du Traitement en Hongrie d'un avion des
Etats-Unis d'Amériqueet de son équipage(C.I.J. Recueil 1954, p. 101et
p. 105), l'affaire relativà l'Incident aériendu 4 septembre 1954 (C.I.J.
Recueil 1958, p. 160-161),et l'affaire relativeà l'Incident aériendu 7 no-
vembre 1954(C.I.J. Recueil 1959, p. 278)'.
Or, il s'agissaità d'affaires où le défautde compétenceétaitmanifeste
et flagrant, et où la Cour ne pouvait effectuer aucun acte de procédure;il
convient donc de les distinguer de la présente affaire oùla Nouvelle-

Zélande s'adresse à la Cour directement au titre d'une dispositionexpresse
d'un arrêtmêmede la Cour. La Cour doit examiner si la Nouvelle-
Zélande peut valablement affirmer quele fondement de l'arrêtde 1974est
remis en cause par les essais nucléaires actuels.Si ce n'est pas le cas, la
Nouvelle-Zélanden'a aucunmoyen àfairevaloir, mais si c'estle cas, cela

'De même,en 1973,dans une lettre du 16mai 1973remise à la Cour, la France avait
affirméque la Courn'a[vait] manifestement pas compétence))pour connaître du diffé-
rend et que l'affaire devaitêtrerayéedu rôle. Elle excipait notamment de ce que le diffé-
rend concernait une activitéliéeéfensenationale et se trouvait donc exclu du champ
de compétence de laCour en raison de la troisième réserveque contenait la déclaration
française d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour. La Cour a rejetéla préten-
tion de la France selon laquelle le défautde compétence était manifesteéaires
(Nouvelle-Zélandec. France), mesures conservatoires, orddunancen 1973, C.I.J.
Recueil 1973,p. 138). DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISS.WEERAMANTRY) 325

pose une question qui mérite d'être soigneusemee ntaminée.De toute évi-
dence, la décisionàce sujet ne saurait êtreprise àhuis clos commele sont
les ordonnances d'ordre purement administratif, sans audience publique.
Que la Cour décide à huis clos, sans audience publique ni mêmele
bénéfice de la présenced'un juge ad hoc désignépar le pays concerné,

d'écarterune telle demande - comme la France l'enavait priée - serait
contraire à tout le régimed'administration de la justice tel qu'il a été
conçu dans le Statut et mis en Œuvrepar la Cour. De telles procédures,
applicables lorsque le défautde compétenceest patent, absolu et mani-
feste, sont excluesen l'occurrence.
En effet, sila Nouvelle-Zélandeétablitprimafacie que lefondement de
l'arrêtde 1974a été remis en cause par les événements qui sont survenus,
ellea de toute évidencele droit de s'adresser la Cour aux termes mêmes
de l'arrêt rendupar celle-ci,en vue d'obtenir une décisionjudiciairesur la
situation néede la reprise des essaisnucléaires.Bien entendu, la Cour ne

fera pas droità sa demande si, aprèsun examen approfondi de la ques-
tion, elle n'est pas convaincue du bien-fondé dela thèse dela Nouvelle-
Zélande. Maiselle ne peut le faire que par une décisionjudiciaire.
La question a été - et c'est heureux- examinéepar la Cour lors
d'une audience publique au cours de laquelle les deux Parties ont pré-
senté leurs arguments et ont eu la possibilitéde se répondre mutuelle-
ment. En suivant cette procédure, la Cour a donnédûment effet à des
principes, comme la règlede l'audialteram partem, qui font partie inté-
grante de la primauté du droit et de la justice.
En outre, les paragraphes 1 et 7 de l'article 79 (soit, à l'époque de

l'affairede 1973,lesparagraphes 1et 7 de l'article67)du Règlement dela
Cour autorisaient de toute évidencela Nouvelle-Zélande à obtenir de la
Cour une décision judiciairesur les exceptions préliminairessoulevées à
l'encontre de sa demande.

Les griefs de la Nouvelle-Zélande en1973

Pour comprendre le fondement de l'arrêt dont la Nouvelle-Zélande
prétend qu'il aétéremis en cause, il convient d'examinertout d'abord les
griefs que la Nouvelle-Zélandea articulés devantla Cour en 1973.
La Nouvelle-Zélandeavait fait valoir devant la Cour qu'ellesubissait,
à cinq titres précis, un préjudiceen raison des retombées radioactives
provoquéespar les explosions nucléairesfrançaisesdans le Pacifique. Ce

préjudiceétaitdécrit commesuit:
«Les droits qu'il s'agitde protégersont:
i) le droit de tous lesmembres de la communauté internationale, y

comprisla Nouvelle-Zélande, àcequ'aucuneexpériencenucléaire
provoquant des retombées radioactives n'aitlieu; ii) le droit de tous lesmembres de la communauté internationale, y
compris la Nouvelle-Zélande, à ce que le milieu terrestre, mari-
time et aérien soitprotégé contreune contamination injustifiée
résultant d'une radioactivitéartificielleet notammentà ce qu'il
en soit ainsi de la régionoù les essais ont lieu et où sont situées
la Nouvelle-Zélande,les îles Cook, les îles Nioué et Tokélaou;

iii) le droit de la Nouvelle-Zélande ce qu'aucun déchetradioactif
ne pénètre sur son territoire,y compris son espace aérien etses
eaux territoriales, ou ceux des îles Cook, des îles Nioué et
Tokélaou, à la suite d'essaisnucléaires;
iv) le droit de la Nouvelle-Zélandeà ce au'aucun déchetradioactif
ayant pénétré sur son territoire,y compris son espace aérienet

ses eaux territoriales ou ceux des îles Cook, des îles Nioué et
Tokélaou, à la suite d'expérimentationsnucléaires,ne cause un
préjudice, notamment des appréhensions, de l'anxiétéet de
l'inquiétude, auxhabitants et aux Gouvernementsde la Nouvelle-
Zélande,des îles Cook, des îles Niouéet Tokélaou;
v) le droit de la Nouvelle-Zélande à la libertéde la haute mer, y
comprisla libertédenavigation et de survol, et la libertéd'explo-
rer et d'exploiterlesressources dela mer et du fond des mers,sans
subir de gêneou de préjudiceen raison des essaisnucléaires.

Le fait que la réalisation de nouveaux essais nucléairesau centre
d'essais français dans le Pacifique aggravera et étendra le différend
entre la Nouvelle-Zélande et la France est l'un des motifs pour
lesquels la Nouvelle-Zélande sollicitela protection des droits sus-
mentionnés. En outre et indépendamment, la Nouvelle-Zélandea
droità ce que la France se conforme à l'engagement qu'ellea pris
au titre du paragraphe 3 de l'article 33 de l'Acte généralpour le

règlement pacifiquedes différendsinternationaux de ne procéder à
aucun acte, de quelque nature qu'il soit, susceptible d'aggraver ou
d'étendrele différendactuel.» (C.I.J. Mémoires,Essais nucléaires,
vol. II, demande en indication de mesures conservatoires, p. 49,
par. 2.)

On relèvera que ce paragraphe n'est en rien limitéaux essais atmo-
sphériques, mais qu'il ne mentionne, en termes généraux,que les essais
et expérimentationsnucléaires.
Il est particulièrement important, eu égard à la demande actuelle, de

noter que le différenda étédéfini,au paragraphe 17de la requête présen-
téeen 1973,comme incluant les effets des retombées surles ((ressources
naturelles..de la mer»(ibid.,p. 6),et que leparagraphe 22visait laliberté
d'exploiter les ressources de la mer et du fond des mers et la persistance
de la pollution de l'environnement maritime de la Nouvelle-Zélande
((au-delàdes limites de lajuridiction nationale))(ibid., p. 7; les italiques
sont de moi). La Nouvelle-Zélanden'a pas été moins clairedans l'énoncé des objec-
tifs qu'elle poursuivait en introduisant l'instance, puisqu'ellea priéla
Cour de dire et juger que:

«les essais nucléairesprovoquant des retombéesradioactives effec-
tuéspar le Gouvernement français dans la régiondu PaciJiqueSud
constituentune violation des droits dela Nouvelle-Zélandeau regard
du droit international et que cesdroits seront enfreints par tout nou-
vel essai»(C.I.J. Mémoires,Essais nucléaires,vol. II, requête, p.9;
les italiques sont de moi).

De même,au paragraphe 10 de sa requête, la Nouvelle-Zélandea
déclaré :
«Le Gouvernement néo-zélandaisdemandera à la Cour de dire
que les essais nucléairesprovoquant des retombées radioactives
effectuéspar le Gouvernement français dans la régiondu PaciJique
Sud constituent une violation des droits de la Nouvelle-Zélandeau
regard du droit international et que ces droits seront enfreints par

tout nouvel essai.» (Zbid.,p. 4; les italiques sont de moi.)
Au paragraphe 5 de son mémoire,le demandeur a décritcettedemande
de déclarationcomme «l'objet principal de l'examen de la Cour» (ibid.,
p. 146).
Sur quoi portaient principalement les griefs de la Nouvelle-Zélande?
S'agissait-ildela violationdesdifférentsdroits énumérérsé, sultantselonelle
des essaisnucléaires,ou s'agissait-ildesessaisatmosphériqueset d'euxseuls?

Il semble raisonnable de conclure que les griefs que la Nouvelle-
Zélandea articulésdevantla Cour se rapportaient àla violation alléguée
de sesdroits au regard du droit international du fait d'unecontamination
injustifiéerésultant d'une radioactivitéartificielle de son milieu terrestre,
maritime et aérien.A l'époque, cette contamination était due auxessais
atmosphériques, et c'est tout naturellement ces essais que la Nouvelle-
Zélandea incriminés.Mais le vecteur était subsidiairepar rapport au pré-
judice même,qui restait le fait central. C'est de ce préjudiceque le grief
était tiré.Le préjudiceétait le contexte généraldans lequel s'inscrivait
l'acte spécifiquequi en était lacause.
Ni dans lespièces,ni dans lesconclusions, ni dans l'arrêt,on ne trouve
la moindre indication que la Nouvelle-Zélandeaurait acceptésans se
plaindre un préjudice semblables'il avait été causé par des explosions

nucléairesd'un autre type. Il n'est pas raisonnable de laisser entendre que
la Nouvelle-Zélandeaurait pu accepter de subir des dommages dus à la
contamination radioactive pourvu que celle-cine résultât point d'essais
atmosphériques.
La Cour n'aurait pas pu accepter l'idée quele différendavait disparu,
ou que la demande néo-zélandaiseétait désormais dépourvue d'objets ,i
elle avait pensé queles essais souterrains pouvaient causer une contami-
nation radioactive. De même,n'a-t-elle pas pu considérer l'engagement
de la France comme réservant,mêmede façon très indirecte, le droit de DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISS.WEERAMANTRY) 328

celle-cide provoquer une contamination radioactive de l'environnement
pour autant qu'elle nefût pas due à des essais atmosphériques.

L'étatdes connaissances en1974

Il est pertinent de déterminerquel étaità l'époque, l'étadtes connais-
sances. Le fait que, dans les années soixante,lesessais souterrains étaient
tenus pour inoffensifs a trouvé sonexpression dans les dispositions du
traité d'interdiction partielle des essais de 1963 (auquel les Etats-Unis
d'Amérique,le Royaume-Uni et l'Union soviétiqueétaient parties), qui
interdisait les essais d'armes nucléairesdans l'atmosphère, dans l'espace
extra-atmosphériqueet sous l'eau. A l'époque,les essais réalisédsans ces

milieux suscitaient les plus vives inquiétudesécologiqueschez les Etats
contractants, mais l'on croyait que les essais souterrains étaient ((suscep-
tibles de confiner presque totalement les produits radioactifs générés»
(A. C. McEwan, ((Environmental Effects of Underground Nuclear
Explosions», dans Goldblat et Cox (dir. publ.), Nuclear Weapon Tests:
Prohibition or Limitation? 1988,p. 83).
Deux ans encore après l'arrêtde 1974,un traitéimportant a été conclu
qui traduit la confiance, au niveau international, en l'innocuitédes explo-
sions nucléairessouterraines. Le traité surles explosions nucléairesdes
fins pacifiques, signéle 28 mai 1976 par les Etats-Unis d'Amérique et
l'Union soviétique,prévoyait la réalisationd'explosions nucléairessou-
terrainesà des finspacifiques,lesquellesparaissaientrépondre auxbesoins

en énergie nucléaire«propre» pour de grands travaux de construction.
Dans l'étudeprécitéeG , oldblat et Cox font observer:
((Pendant de nombreuses années,les explosions nucléaires à des
fins pacifiques ont étéconsidéréescomme des activitéspotentielle-
ment précieusesdans toute une sériede domaines. Aux Etats-Unis
d'Amérique,le programme «Plowshare» s'estattaché à identifier les

différentsusages possibles des explosions nucléairesà des fins paci-
fiques pour creuser des canaux et pour d'autres fins industrielles,
telles que l'extraction de gaz et de pétrolepar stimulation dans des
gisements autrement peu rentables. Toutefois, les progrès ont été
lents puisqu'il fallait procéder des essais systématiquesavec des
explosifsà la fois classiques et nucléaires;en effet, la minimisation
des risques supposait la réalisation d'expérimentationsminutieuses.
Au milieu des annéessoixante-dix, l'intérêt dl'industrie pour l'em-
ploi d'explosions nucléairessouterrainesdes finsnon militairesavait
déclinéaux Etats-Unis d'Amérique, alors quel'inquiétudedu public
quant aux éventuelsrisques écologiques s'étaitaccrue. Ces risques
comprenaient - outre la libération d'élémentsradioactifs - les

effets des ondes de choc qui pouvaient se ressentira proximitédes
points d'explosion. Le programme a pris fin en 1977, peu après
la signature du traité sur les explosions nucléaires des fins paci-
fiques.)) (Jozef Goldblat et David Cox, ((Summary and Conclu-
sions»,ibid., p. 13; les italiques sont de moi.) La conviction, au début des années soixante-dix,que les essais souter-
rains constituaient une solution de rechange sûre a bien entendu été

démentiepar la suite. Comme McEwan le relève:

«Des fuites dans l'atmosphère se sont néanmoins produites à
l'occasion d'un certain nombre d'essaissouterrains, autres que ceux
effectuésdans le cadre des projets du typelowshare», et certaines
fuites souterraines de moindre importance peuvent se produire plus
communément. » (Op. cit. p. 83.)

Voilà peut-être quipermet de comprendre pourquoi la Cour et les
Parties ont étédisposées, en1974,à voir dans le passage aux essais sou-

terrains un moyen de mettre fin aux dommages d'origine radioactive
causés à la Nouvelle-Zélandeet de faire disparaître ses griefs.
Des connaissances et une expériencedont on ne disposait pas en
1974 sont maintenant disponibles et font obligation à la Cour, dans
l'intérênton seulement de la Nouvelle-Zélandemais de la communauté
internationale tout entière, d'utiliser la possibilité qu'elle s'estréservée
en 1974de réexaminerla situation sile fondement de son arrêtétaitremis
en cause. S'ilapparaît aujourd'hui qu'un procédé que l'on croyait inof-
fensif en 1974 comporte des risques qui n'étaient alors ni connus ni
prévus,la Cour a la responsabilité de prendre acte de ce changement

touchant aux postulats fondamentaux sur lesquels repose son arrêtde
1974.
Si la Cour avait eu à l'époqueles informations dont nous disposons
aujourd'hui sur la possibilité defuites dueses fissuresà la porositéà
l'écoulementpar infiltration,à des affaissements età l'écroulement de
certaines parties de l'atoll, il serait assurément surprenant qu'elle ait
exposéla Nouvelle-Zélande àce danger et considéréque, malgré cela,elle
avait pleinement apaiséles griefs néo-zélandaisquant aux dommages
d'origine radioactive. Ce serait un raisonnement totalement illogique.
Cela conduirait aussi à une absurdité manifeste, à savoir que la Cour

aurait approuvé la contamination radioactive pourvu qu'ellene soit pas
due à des essaisatmosphériques.
Comme la Nouvelle-Zélandel'a faitvaloir. il en découleraitéualement
- ce qui ne manquerait pas de surprendre - que la Cour aurait inséré
dans son arrêtune importante échappatoirepour la France, en réservant
à celle-ci ledroit d'effectuer des essaisdangereux. Vu les circonstances, il
étaittout àfait clair que l'engagement dela France de conduire doréna-
vant des essais souterrains a étécompris comme l'assurance de passer
d'un type d'essais dangereux à un type d'essais inoffensif.Autant l'on
connaissait le danger des essais atmosphériques, autant l'on croyaità

l'innocuitédes essais souterrains. Lorsque la France s'est engagée à
mettre finà ses essais atmosphériques eta donné l'assurancequ'elleétait
prêteà passerà des essaissouterrains, cettedéclaration a été compri,uv
les circonstances de l'affaire, comme annonçant un type d'essais qui
parait aux dangers dénoncés par la Nouvelle-Zélande. Les griefs actuels de la Nouvelle-Zélande

La Nouvelle-Zélandeaffirme aujourd'hui à la Cour que le mêmegenre
de préjudice quecelui dont elletirait grief en 1973, savoirla contamina-
tion radioactive résultant des explosions nucléaires effectuéespar la
France dans le Pacifique, est aujourd'hui provoquépar des essais souter-

rains. Selon elle, les essais souterrains projetés porteront atteinte ses
droits comme le faisaient les essais atmosphériquesen 1973.
Au vu des élémentssoumis à la Cour par la Nouvelle-Zélande,on
constate que les essais souterrains engendrent les cinq types de préjudice
spécifiéasu paragraphe 2 de la demande en indication de mesures conser-
vatoires du 14mai 1973, à savoir: i) la violation du droià ce qu'aucune
expériencenucléaireprovoquant des retombéesradioactives n'ait lieu1 ;
ii) la violation du droit àce que lemilieu terrestre, maritime et aériensoit
protégé contreune contamination injustifiéerésultant d'une radioacti-
vitéartificielle; iii) la violation du droit de la Nouvelle-Zélande à ce

qu'aucun déchetradioactif ne pénètre dans sonespace aérien ouseseaux
territoriales; iv) les appréhensions,l'anxiétéet l'inquiétudecauséespar
la pénétrationde ces déchets;v) la violation du droit d'exploiter les res-
sources de la mer sans subir de gêneou de préjudiceen raison des essais
nucléaires.
En 1973,l'essentieldes griefs de la Nouvelle-Zélandetenait au fait que
l'action de la France causait les cinq types spécifise dommage ou pré-
judice liés la radioactivité.A l'époque, cette action consistait uniquement
en des essaisatmosphériques d'armesnucléaires.
Aujourd'hui, l'essentieldes griefs de la Nouvelle-Zélandetient au fait

que l'action de la France cause le mêmegenre de dommage ou préjudice
liéà la radioactivité. Cette action consiste, comme la Nouvelle-Zélande
l'avait affirmé précédemment, en des tirs d'armes nucléairesdans le
Pacifique, mais aujourd'hui ils sont effectués sous terre, alors qu'ils
avaient lieu auparavant dans l'atmosphère. Cependant, la Nouvelle-
Zélandesoutient que le préjudiceest identique, que les atteintes à ses
droits sont identiques, et que, matériellement,le facteur causal- c'est-
à-dire le tir d'armes nucléaire- est identique, la seule différencetenant
à ce que ces tirs ont lieu non plus au-dessus du sol, mais sous terre. La

Nouvelle-Zélandea dès lors demandé à la Cour de la protéger contre les
mêmesdommages que ceux dont elle avait cherché à se prémunir en
1973.
On perçoit dès lors aussi combien la Cour a étéaviséed'introduire
dans son arrêtde 1974 une disposition de précaution permettant à la
Nouvelle-Zélande de revenirdevant elle.

'Le terme «retombées» ne se limite pas aux déchetsatmosphériques. Selon l'Oxford
English Dictionary, les retombées sont des déchets radioactifs résultant de l'explosion
d'une bombe nucléaire"éd., vol.V, 1989,p. 696). L'INTERPRÉTATION DU PARAGRAPHE 63

Les termes duparagraphe 63

Que doit-on entendre par le ((fondement d'un arrêt))?Cette expression
semble viser le cŒur de l'arrêt,le raisonnement qui le sous-tend, son

assise.Cherchant àdéterminerle fondement d'un arrêt,doit-on s'entenir
aux termes exprès decelui-ci, ou doit-on également tenircompte d'élé-
ments tels que le contexte dans lequel l'arrêta étérendu, le dommage ou
préjudice allégué le,sdemandes des parties auxquellesl'arrêt a réponduet
l'objet de l'instance?De toute évidence,une approche adéquate et juri-
diquement défendable de cette question requiertque l'on envisagela déci-
sion de la Cour, non pas isolément maisdans son contexte.

Il convientà ce stade d'examiner en quels termes soigneusementchoisis
la Cour a conféréle droit considéré à la Nouvelle-Zélande.

Que signifiel'expression ((fondement de l'arrêt))suivant le sens ordi-
naire des termes? Et que signifie-t-elledans le contexte particulier de
l'affaire considérée?
Sila nature des injonctions ou prohibitions contenues dansun arrêtest
importante, l'objetfondamental qu'il cherche à atteindre l'esttout autant.
Ce serait solliciter la fois les termes et les principes juridiques que de
soutenir que le fondement d'un arrêtse trouve exclusivement dans les
injonctions ou prohibitions qu'il contient, considérées indépendamment
des motifs, ou dans les motifs uniquement, considérés indépendamment

des injonctions ou prohibitions. Comme pour toute interprétationjuri-
dique, il faut tenir compte du contexte.
On peut également tirercertains enseignements de débatsrelatifs à ce
que l'on entend par la ratio decidendi,notion que l'on prend en considé-
ration pour déterminerle fondement d'un arrêt.Les ouvragesécrits surce
qui constituelaratio decidendid'unedécisionjudiciaire(voir,par exemple,
Cross et Harris, Precedent inEnglish Law, 4" éd.,1991)proposent diffé-
rentes définitions. maistoutes remontent à la auestion fondamentale de
droit ou deprincipedont procèdentlesinjonctionsprononcéesdansl'affaire
considéréeL .es injonctions- ou, en l'espèce,lesmoyensprohibés - font

partie de l'arrêt,mais n'enconstituent évidemment pasle fondement.
Quelle est la question de principe fondamentale de l'arrêtde 1974?
C'est sûrementle droit de la Nouvelle-Zélande à êtreprotégéecontre les
dommages dus à la radioactivité générépear les explosions d'armes
nucléaires.Ce ne saurait êtreson droit à être~1otég"econtre les dom-
mages dus à la radioactività condition que celle-cisoit générép ear des
explosions en atmosphère, et l'exclusion de ce droit si les dommages
résultent de tirssouterrains.
Pour rendre les choses encore plus claires, supposons que la France
soit passéenon pas à des explosions souterraines, mais à des explosions

sous-marines au large de Mururoa. Aurait-on pu prétendre qu'il s'agis-
saitlà d'une activité permiseaux termes de l'arrêtde 1974?Ce serait sol- DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISSW. EERAMANTRY) 332

liciter les termes de l'arrêt au-delàde toute crédibilitéque de prétendre
que telleétait l'intentionde la Cour. appert donc de façonflagranteque
le fondement de l'arrêt était que les essais nucléairesne devaient pas
causer de dommages et que la Nouvelle-Zélandeétaiten droit de ne pas
êtreexposée à la contamination radioactive générép ear les essais nu-
cléairesfrançais dans le Pacifique.
Une autre manière d'analyser le membre de phrase est de relever
qu'une injonction ou une directive contenue dans un arrêtne constitue
qu'une partie de celui-ci. Un arrêtne se limite pas à son dispositif. Le
fondement d'un arrêttouche aux racines de celui-ci,aux principes fonda-

mentaux sur lesquels il repose plutôt qu'aux injonctions extérieures
employéespour sa mise en Œuvre.
En lisant le paragraphe 63,il me sembleclairementressortir des termes
mêmesemployéspar la Cour que celle-cin'envisageaitpas que la France
ne respecte pas son engagement ou l'arrêtde la Cour, mais qu'elle
s'inquiétait néanmoinsde la possibilitéque l'«assise» de son arrêtsoit
remise en cause d'une manière qui n'était pas alorsprévisible.Que la
Cour ait expressément prévucette éventualitétémoignede sa sagesse et
de sa clairvoyance. La thèsecontraire, quiimplique nécessairementque la
Cour était prêteà autoriser des dommages comparablespourvu qu'ils ne
soient pas imputables à des essais atmosphériques, est manifestement
indéfendableet faitpeu de cas de la perspicacitéet de la clairvoyance de
la Cour de 1974.

La manière dont la Cour aformulé lesfondements de l'arrêtde 1974

Ces conclusions, fondéessur les règlesordinaires d'interprétation, sont
corroboréespar l'analysedes observationsque la Cour elle-même a faites
dans son arrêt.
L'acceptation par la Cour de ce principe d'interprétationcontextuelle
ressort très clairementdu paragraphe 59de l'arrêt, oùelleaffirme((C'est
pourquoi la Cour conclut que, le différendayant disparu, la demande
présentée par la Nouvelle-Zélandene comporte plus d'objet. » Ces consi-
dérations, figurant dans l'un des paragraphes qui précèdentimmédiate-
ment le paragraphe 63 décisif,indiquent le contexte que la Cour estimait
pertinent. En fait, le paragraphe 59 soulève deux questions strictement
délimitéeset explicitement formulées:

a) le différend a-t-ildisparu?
b) la demande présentéepar la Nouvelle-Zélande ne comporte-t-elle
plus d'objet?

On est ainsi directement amené à se demander: ((Quel étaitle diffé-
rend?» et ((Quelleétait la demande?)) Le différendétait constituédes
griefs et la demande comprenait les mesures propres à les redresser. Les
griefs figurent notamment dans la requête introductive d'instance du
9 mai 1973 (par. 28), le mémoire néo-zélandaisdu 29 octobre 1973
(par. 190) et la demande en indication de mesures conservatoires du DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISS.WEERAMANTRY) 333

14 mai 1973(par. 2), ou sont énoncéstrès clairement les droits dont la
sauvegardeétaitsollicitée.Compte tenu des griefs,les mesures de redres-
sement ne pouvaient consister qu'en la cessation des atteintes portées
ces droits. La Cour était convaincue, eu égard aux donnéesdont elle dis-
posait alors, que les engagements pris par la France feraient disparaître
les griefs et qu'aucune autre mesure de redressement n'étaitnécessaire.
Plus précisémentl,a Cour a ainsi estiméque les cinq types de préjudice
énoncéspar la Nouvelle-Zélande,qui formaient l'objet de son différend
avec la France, avaient disparu. Si chacun des cinq types de préjudice

avait effectivement pris fin, la demande néo-zélandaisen'avait certaine-
ment plus d'objet. Tel a étéle raisonnement ou la ratio decidendiqui a
amenéla Cour àsesconclusions.Cependant, ellea considéré que la sauve-
garde des droits néo-zélandais étaitsi fondamentale qu'elle a renforcé
leur protection par une clause de précaution: au cas où le fondement de
son arrêtserait remis en cause, la Nouvelle-Zélandepourrait revenir
devant elle.

La place centrale accordée aux essais atmosphériquesen 1974

On a fait grand cas devant la Cour de la place centrale accordée aux

essais atmosphériques dans le dossier de la Nouvelle-Zélandeet dans
l'arrêt rendupar la Cour, pour tenter de démontrerqu'il s'agissaitde la
seule préoccupationde la Nouvelle-Zélande.
Premièrement,comme je l'ai déjà signalél,es piècesécriteset les plai-
doiries ont amplement fait référenceaux dommages radioactifs causés
par les explosions françaises dans le Pacifique, sans se limiter aux essais
atmosphériques.
Deuxièmement,il ne faut pas oublier que les seules explosions que la
France effectuaità l'époque dansle Pacifiqueavaient lieu en atmosphère.
La Nouvelle-Zélanden'avait donc pas à se lancer dans des spéculations
sur lesincidencesinconnues que pourraient avoir pour elledes explosions
souterraines hypothétiques, qui restaient réaliser.

Les dossiers présentés la Cour sefondent sur la réalitéet non sur des
suppositions ou des spéculationsquant aux effets probables de types
de dommages qui restent encore hypothétiques. L'exposéde la question
devant la Cour a éténaturellement axé sur les aspects concrets et
immédiats,et le contraire eût étéétonnant. De même,l'attention de la
Cour s'est concentrée sur cette question, et le contraire eût étésurpre-
nant.
En outre, si de telles spéculations étaientmalvenues de la part des
Parties, il eût été encore plusinopportun que la Cour se livrât, dans
l'exercicede sa fonctionjudiciaire,des spéculationsquant à ce domaine
inconnu. Ni la Nouvelle-Zélande nila Cour n'avait à s'engagerdans des

spéculations sur les effets éventuels d'essaissouterrains qui n'avaient
jamais encore étéréalisésde façon à créer undanger pour la Nouvelle-
Zélande ou à lui causer un préjudice,au sujet desquels aucune informa-
tion n'avait étproduite devant la Cour et qui n'étaient pàsl'originedudommage immédiat allégup éar la Nouvelle-Zélande.Enfait, silesconseils
s'étaientlivrésàce genre d'exercicespéculatif,ils auraient sans doute été
priésde faire porter leurs plaidoiries sur les faits concrets plutôt que sur
des hypothèses.
La Nouvelle-Zélande n'apas davantage plaidé sa causeen arguant
uniquementdes essaisatmosphériques.Commel'aCour elle-même l'a fait
observer au paragraphe 29 de son arrêt,la Nouvelle-Zélandea surtout
défendusa cause du point de vue des essais réalisés enatmosphère et,
compte tenu des informations alors disponibles, ce n'est guère que sur
cette base que la cause pouvait êtreplaidée.
Le 24 mai 1973, au cours des audiences relatives à la demande en
indication de mesures conservatoires, M. Finlay, Attorney-General de
Nouvelle-Zélande,a, dèsle début de sonexposéliminaire au nom de la

Nouvelle-Zélande, affirmé :
«La demande est liée à une instance récemmentintroduite par la
Nouvelle-Zélande contre la France, dans laquelle la Nouvelle-
Zélandeprie la Cour de dire et juger que lesssaisnucléaires provo-
quantdesretombées radioactives effectuéspar leGouvernement fran-
çaisdans la régiondu PaciJiqueSud constituent une violation des

droits de la Nouvelle-Zélandeau regard du droit international et que
ces droits seront enfreints par tout nouvel essai.C.I.J. Mémoires,
Essais nucléaires,ol. II, p. 100; les italiques sont de moi.)
L'attention accordée aux essais atmosphériques, pour la raison évi-
dente qu'il s'agissaitalors des seuls essais effectués,ne signifiaitpas que
l'essentielde l'affaire avait cédépas aux aspects périphériques,ni que
l'on se désintéressaitdel'objet du grief pour se préoccuperdes moyens

particuliers qui en étaientla cause.
Il est égalementintéressant de relever que, immédiatement avant et
après les audiences tenues par la Cour en juillet 1974,le Gouvernement
néo-zélandaisa officiellement indiqué qu'ilvisait un objectif plus large
que la cessation des essais atmosphériques.
La premièredéclaration,dont il est fait étatau paragraphe 37de l'arrêt
de 1974,était contenue dans une note du 17juin 1974de l'ambassade de
Nouvelle-Zélande à Paris; elle affirmait catégoriquement l'opposition
fondamentale de la Nouvelle-Zélande à tous les essais nucléaires:

((L'annonce que la France passera aux essais souterrains en 1975
constitue certes un élémenntouveau, mais qui ne modzjiepas I'oppo-
sition fondamentale dela Nouvelle-Zélande à toute expérimentation
nucléaireet ne diminue en aucune façon son opposition aux essais
atmosphériquesprévuspour cette année,et celad'autant plus que le
Gouvernement français n'est pas en mesure de donner l'assurance
ferme qu'aucun essai atmosphériquene sera entrepris après 1974. »
(C.I.J. Recueil 1974, p. 470; les italiques sont de moi.)

La seconde déclaration a été faitele 21 décembre1974,au lendemain
du prononcé de l'arrêtde la Cour; le premier ministre néo-zélandaisaalors fait observer que: «La conclusion de la Cour correspond dans
une largemesure à l'objectif immédiat que nous visions en introduisant
cette instance.)) (Les italiques sont de moi.) La cessation des essais
atmosphériques n'étaitdonc pas le but ultime de la demande néo-
zélandaise.

Le fond des griefs et les moyens qui en étaientla cause

En examinant une question comme celle-ci, on pourrait êtreenclin à
s'attacher indûment aux moyens par lesquels un fait dommageable est
commis, plutôt qu'au dommage lui-même.Le moyen est souvent acces-
soire, car c'est ledommage ou le préjudicesubi par une partie qui est au
cŒurdu grief.
Si une personne est menacéed'un dommage que l'agresseur envisage
de lui infliger avec une arme particulière, une éppar exemple, l'agres-
seur n'a pas le droit, si on lui interdit d'utiliser cette arme, de causer le
mêmedommage en utilisant un autre type d'arme, comme une massue.
Un exemple simplepermettra d'apprécierle bien-fondé decette propo-
sition. SiX se plaint au doyen du village que Y le menace d'une épée

d'une manière qui ne laisse raisonnablement aucun doute quant à son
intention de lui infliger des coups et blessures, et si le doyen du village
ordonne à Y de déposer sonépée,doit-on interpréter cet ordre comme
une interdiction de causer des lésionscorporelles au moyen d'une épée,
ou comme une interdiction de causer des lésionscorporelles quelle que
soit l'arme employée?Si par la suiteY blesse X avec une massue, il ne
pourrait certainement pas prétendre que l'injonction qu'on lui a faite
visait l'utilisation d'une épéeet qu'il n'y a pas contrevenu en se servant
d'une massue. De toute évidence,l'injonction reposait sur un fondement
plus large que la simpleinterdiction d'infligerdes blessures avecune épée.
La motivation implicite de l'injonction,savoir la volontéde protégerX
contre toute lésioncorporelle, est au cŒurmêmede l'ordre donné,si on

l'analyse suivant le senscommun.
Je donnerai un autre exemple, un peu plus complexe. Supposons
qu'une personne se plaigne devant un tribunal que son voisin cherche à
mettre le feu à sa propriétéen y lançant des bombes incendiaires. Il
demande au tribunal de rendre une injonction portant interdiction d'une
telleconduite. Le tribunal ordonne au défendeur derenoncer àlancer des
bombes incendiaires, ce à quoi le demandeur acquiesce. Mais si, ayant
cesséde lancer des bombes incendiaires, le voisin commençait à lancer
des brandons, ne remettrait-il pas en cause le fondement de cette injonc-
tion? Un observateur objectif, cherchant à déterminerlefondement de
l'injonction du tribunal, lelimiterait-ilaux bombes incendiaires,ou s'atta-

cherait-il au contrairel'objet del'injonctionà la substance du grief et
à l'intérêqtue l'on cherche à protéger? Dans un tel contexte, il serait
assurément insolitede prétendre quel'examendu griefrelatif auxbrandons
requiert l'introduction d'une nouvelle instanceplutôt que la continuation
de l'instance déjàintroduite. De manièregénéralei,l ne seraitpas conforme à la conceptionnormale
de la justice qu'une injonction qui viàeprotégerle demandeur en inter-
disant l'emploi d'un moyen déterminé de causerun dommage soit
interprétéecomme ne s'étendant pas à l'emploi d'autres moyens de
causer un dommage analogue, à plus forte raison quand cette arme est
utiliséepour infliger un préjudice identique. En matière d'interpréta-
tion, il faut constamment garderà l'espritl'objet central de toute disposi-

tion.

Quelques principesd'interprétation

Une règle fondamentale régissantl'interprétation de tout document
juridique est que celle-ci ne doit pas conduireà des résultats déraison-
nables ou absurdes. Or, l'interprétation selon laquelle la Cour aurait
interdit la contamination radioactive par les essais atmosphériquesmais
autorisé tacitement la contamination radioactive par des essais souter-
rains semble bien conduire à ce type de résultat. Pour les raisons déjà
exposées,la Cour, vu l'étatdes connaissancesde l'époque,n'a manifes-

tement pas envisagéque le passage aux essais souterrains aurait des
conséquencesnuisibles.Ellen'a pas pu, même trèsindirectement, réserver
le droit de la France de causer le même "enre de contamination radio-
active pourvu que ce ne soit pas par des essais atmosphériques.
En envisageant la question sous un autre angle, on peut dire que les
déclarations françaises sous-entendaient clairement que les nouveaux
types d'essais neproduiraient pas les dommages manifestement impu-
tables aux précédents.
Par analogie avec une autre branche du droit, on rappellera que selon
une théoriebien connue, universellementadmiseen droit, certainescondi-
tions qui ne sont pas expressément énoncéed sans un document sont
néanmoinssimanifestement implicitesdans sestermes qu'un observateur

raisonnable estimerait qu'elles sont de toute évidencesous-entendues.
Toute la doctrine des clauses contractuelles implicites repose sur cette
base.
S'agissant des essaissouterrains dont le.Gouvernement français avait
annoncéqu'ils remplaceraient les essais atmosphériques,un observateur
objectif estimerait certainement qu'il était clairement entendu que ces
essais ne porteraient pas atteinte aux droits que la Nouvelle-Zélande
avait cherché à préserver endemandant justice àla Cour. L'arrêt que la
Cour a rendu à la suite de la demande néo-zélandaise deprotection se
fondait sur l'idéeimplicite que les déclarations françaises assureraient
une telle protection.

Le grief de la Nouvelle-Zélande se rapportait à la contamination
radioactive de son milieu terrestre, maritime et aérien. Cette menace sem-
blait alors ne plus exister. Sinon,commentla Cour aurait-ellepu dire que
la demande néo-zélandaisene comportait plus d'objet?
En appliquant les trois critères formuléspar la Cour, on constate
que le fondement de l'arrêtde 1974 a été remisen cause, que le diffé-rend n'a pas disparu, et que la demande néo-zélandaisea toujours un
objet si le mêmetype de dommage - à savoir la contamination
radioactive - résulte dela nouvelle situation. Pour ces trois raisons,
toutes trois expressément inscrites dans l'arrêt de1974, la Nouvelle-
Zélande a le droit de demander à la Cour d'examiner la situation au
titre du paragraphe 63.

La portée de la phrase liminaire du paragraphe 63

Le paragraphe 63comporte un élémenitmportant, éminemmentperti-
nent pour la compréhensionde l'expression«si le fondement du présent
arrêtétaitremis en cause». Cet élémentse trouve dans la phrase limi-
naire de ce paragraphe, qui définitle contexte dans lequel s'inscriventles
termes essentielsqui suivent.
Dans la première phrase, la Cour affirme sans équivoque possible
qu'elle n'envisagepas que la France ne respecte pas ses engagements.
Selon ses propres termes, c'estlà une éventualité qu'«il n'entre pas dans
sa fonction d'envisager».
Cela est conforme à un principe bien établi, consacrétant dans les
instruments qui lui sont applicablesque dans sa pratique constante, selon

lequelune fois que la Cour a rendu un arrêtelleest déchargée de sesfonc-
tions. Elle s'est acquittéede la mission pour laquelle les parties se sont
adressées à elle et elle a régle différendpour autant qu'un arrêtrendu
selonledroit puisselefaire. Commeil ressort tant des termesde son Statut
que de sajurisprudence constante, l'exécution n'esptas et n'ajamais étla
préoccupationde la Cour.
En formulant le paragraphe 63, la Cour a dit sans aucune ambiguïté
qu'elle n'envisageaitpas que la France ne respecte pas sesobligations. Ce
respect était sous-entendu.En somme, la cessation des essais atmosphé-
riques étaitprésumée.
Mais, cela étantadmis, il se pouvait néanmoins que le fondement de

l'arrêtsoit remis en cause par certains facteurs que les parties ne pou-
vaient envisager à l'époque,mais qui devraient malgrétout, en toute
justice, permettreà une partie de se présenter devant la Cour pour lui
demander d'examinerla situation. Lesprévisions dela Cour visaient pré-
cisémentce type d'éventualité - à savoir que, nonobstant le respect de
ses engagements par la France, le fondement de l'arrêtpourrait, d'une
certaine manière,êtreremis en cause.

La portéede la dernière phraseduparagraphe 63

Dans lemêmeparagraphe, la Cour a précisé que la dénonciationpar la
France, dans une lettre du 2janvier 1974,de l'Actegénérap lour le règle-

ment pacifique des différendsinternationaux, qui était invoquécomme
l'un desfondementsde la compétence dela Cour en l'espèce, nepouvait
en soi faire obstacle à la présentation d'une nouvelle demande par la
Nouvelle-Zélande.Par là, la Cour a de nouveau indiqué queles droits dela Nouvelle-Zélande devaientêtrepréservés sur la base de l'arrêt existant
et que l'instance n'était pasclose. Cette phrase anticipe manifestement un
retour possible de la Nouvelle-Zélandedevant la Cour sur la base d'un
arrêtqui pouvait toujours être invoqué à cet effet.
Cette phrase montre aussi que la Cour avait, de façon réfléchieet
délibérée,anticipléesproblèmes à venir, sans secontenter de refermer le
livre, pour ainsi dire, en 1974. La base de compétence avait disparu
pour l'avenir, demêmeque le droit de la Nouvelle-Zélanded'attraire de
nouveau la France devant la Cour, mais cela n'a pas empêché la Cour

de conférer expressément à la Nouvelle-Zélande le droit de revenir
devant elle dans le cadre de l'affaire initiale si la Nouvelle-Zélande
pouvait démontrer à la Cour que le fondement de l'arrêt avait étremis
en cause.

La nécessité particulièrd'une clause de précaution

En traitant de la contamination radioactive, la Cour s'intéressaitpour
la première foisàune force dont le potentiel dommageable pour l'huma-
nité n'était pas encore parfaitement connu. On savait qu'elle pouvait
avoir de multiples effets nuisibles pour la santé humaine et le milieu
ambiant. L'ampleur de la puissance de destruction de cetteforceavait été
démontréede façon impressionnante. La Cour devait se montrer extrê-
mement prudente.

La clause permettant à la Nouvelle-Zélandede s'adresser à la Cour
représentait une innovation d'ordre procédural, qui renforçait d'une
manièretrès particulièrel'intégrité de l'arrêt redur la Cour. Cette dis-
position visaità ce que l'arrêtne soit pas compromis par des actes ou
événementsfuturs qui ne pouvaient pas à l'époque être précisés.Elle
témoignait d'unsouci des réalitésplutôt que d'un formalisme judiciaire.
Dans ce contexte, il est révélateur quemêmedans l'affaire des Essais
nucléaires(Australie c. France),où l'argumentation avait étédavantage
axéesur lesessais atmosphériquesquedans l'affairedes Essais nucléaires
(Nouvelle-Zélande c. France), la Cour a néanmoins jugé nécessaire
d'accorder à l'Australie le droit de revenir devant elle au cas où des cir-
constances remettraient en cause le fondement de l'arrêt(C.I.J. Recueil
1974, Essais nucléaires(Australie c. France), arrêt,p. 272, par. 60).

Mêmedans le cadre des essais atmosphériques,il étaitpossible que des
répercussions prolongées,alors inconnues, remettent en cause le fonde-
ment de l'arrêt et appellentun redressement.
Dans le cas de la demande de la Nouvelle-Zélande, àlaquelle l'arrêtde
la Cour ne répondait pas entièrement,il étaitd'autant plus nécessaire de
protégerles intérêts néo-zélandais.
La profonde préoccupation de la Cour face aux effets des essais
nucléairesfrançais s'estd'ailleurs manifestéenon seulementàce stade de
l'affaire, mais dèsla phase préliminaire en 1973; la Cour avait alors
exprimécette préoccupation en indiquant des mesures conservatoires
avant toute décisionsur sa compétenceet sur la recevabilitédela requête. DEMANDE D'EXAMEN (OP.DISS.WEERAMANTRY) 339

LES MESURES CONSERVATOIRES

L'indication de mesures conservatoires

La Nouvelle-Zélandea égalementdemandé en 1995 l'indication de
mesures conservatoires, comme elle l'avait fait en 1973.Etant donné la
teneur de l'ordonnance de la Cour, la présente affairene parviendra pas
au stade où de tellesmesures peuvent êtreindiquées. J'estimenéanmoins
que la Nouvelle-Zélandea établi prima facie qu'elle subissait, ou était
susceptible de subir, des dommages de la nature de ceux dont elle se
plaignait en 1973,et que sa demande entrait donc dans les prévisionsdu
paragraphe 63. Dèslors, elle aurait dû avoir droit ce que la Cour exa-
mine sa demande en indication de mesures conservatoires.
Dans sa demande actuelle, la Nouvelle-Zélandene va pas jusqu'a sol-
liciter une déclarationportant en termes absolus que les essais nucléaires
violentsesdifférentsdroits telsqu'ellelesa énumérés, puisqu'eleconten-
terait, titre subsidiaire,d'une déclarationselonlaquellela France n'a pas

le droit d'effectuerde tels essaisnt d'avoirprocédé à une évaluationde
l'impact sur l'environnementconformément à des normes internationales
reconnues. La France a lesmoyens de procéder à une telleévaluationet si,
comme elle le prétend,ses essais sont sans danger pour l'environnement,
une étudede l'impact sur l'environnementvenant le confirmerpriverait la
demande néo-zélandaise deson objet et entraînerait son rejet.

La manièredont la Cour a abordé en1973 la question
des mesures conservatoires

Aux fins du présentexamen, il convient de rappeler aussi la manière
dont la Cour a abordé en 1973la question des mesures conservatoires,
car elle témoigned'une profonde inquiétude face à l'éventualitque des
dommages tels que ceux dont se plaignait la Nouvelle-Zélande puissent
porter atteinte irrémédiablementaux droits qui formaient l'objet du dif-
férend.La Cour a manifesté savolontéd'agir avant mêmeque sa com-

pétenceet la recevabilité dela requêtefussent établies.
Bien entendu, la Cour a préciséque sa décisionne préjugeait enrien la
question de sa compétencepour connaître du fond de l'affaire (C.I.J.
Recueil 1973, p. 142,par. 34).
Il me semble que dans le cadre de la présenteprocédure, où laconta-
mination radioactive générép ear des explosions nucléairesest de nou-
veau en cause, la Cour aurait pu adopter une attitude semblable.

Le principe del'intertemporalité

C'est un truisme de dire que les connaissances scientifiques ont une
croissance exponentielle. L'étatdes connaissances en 1995n'est pas celuide 1974,pas plus que l'état des connaissances de 1974n'étaitcelui des
années cinquante. S'agissant des connaissances relatives aux questions
qui nous intéressent, l'écartest sans doute aussi important entre les
années cinquante et soixante-dix qu'entre les années soixante-dix et
quatre-vingt-dix.L'opinion publique a pris consciencede la nature et des
effets des activitésliéesau nucléaireet de la contamination radioactive
à l'occasion d'événements comme l'accident de Tchernobyl, qui ont
démontrémêmeaux yeux du profane à quel point on avait sous-estimé
les effets nocifs de la contamination radioactive. J'ai déjàindiqué plus
haut que les effets des explosions nucléairessouterraines sont désormais
mieux connus qu'en 1974,époqueoù on croyait en leur innocuité.

C'est à l'heure actuelleque la Cour est saisiede la présentedemande et
c'est donc par référenceaux connaissances scientifiquesaujourd'hui dis-
ponibles qu'elledoit l'examiner. Unejuridiction qui, en 1995,est en pré-
sence d'un problème d'ordre scientifique relatifà des dommages actuels
et futurs ne peut pas le résoudreen faisant abstraction des connaissances
acquises entre 1974et 1995,et en appliquant au problème en cause les
connaissances de 1974. Ce serait là un exerciceirréaliste.
Une question du mêmeordre s'étaitposéelorsque l'on avait demandé
à la Nouvelle-Zélande, à l'époque del'instance de 1974, pourquoi elle
n'avait pas protesté contreles explosions nucléaires des annéescinquante
- plus puissantes et plus dangereuses -, tout comme on lui demande
aujourd'hui pourquoi elle ne s'est pas opposée aux essais souterrains
français dans les années soixante-dix.La réponse qu'avait alors apportée

M. Finlay, l'Attorney-Generalde Nouvelle-Zélande, offre unpoint de vue
intéressantsur le principe de l'intertemporalité. avait fait observer:
«La réponseest tout simplement que la règlede l'intertemporalité
s'applique aux faits comme elle s'applique au droit. Dans les années
cinquante, dans mon pays comme dans bien d'autres, il y avait dans
les magasinsde chaussures des appareilsà rayons X qui permettaient

aux clients de voir les os de leurs pieds dans les chaussures qu'ils
essayaient. Dans les annéessoixante-dix,nous sommes épouvantés
par cette exposition inutile aux effets nocifs des radiations, et nous
l'interdisons.»C.Z.J.Mémoires,Essais nucléaires, vol.II, p. 255.)
Ainsi en va-t-il des connaissances dont on disposait dans les années
soixante-dix sur les effets des explosions souterraines par rapportcelles

dont nous disposons dans les années quatre-vingt-dix.Ce qui était alors
tenu pour établia été contredit par l'améliorationdes connaissances. Les
postulats factuels de base qui orientaient la conduite publique ont été
remis en cause. Si le postulat fondamental sur lequel la protection des
droits d'unepartie reposait en 1974est démentipar lesconnaissances dis-
ponibles en 1995,et si les termes de l'arrêt assurant la protectionde ces
droits permettent à une partie de demander un réexamenau motif que le
fondement de l'arrêta étéremis en cause, la Cour, saisie d'une demande
fondée surce motif, doit appliquer à la question les connaissances dont
elledispose aujourd'hui et non cellesdont elledisposait en 1974.La ques-tion de savoir sile fondement de l'arrêta été remisen cause s'inscritdans
la réalitéet ne saurait relever d'abstractions juridiques considérées isolé-
ment de leurs conséquencespratiques sur la vie de la population et sur
l'environnement de 1'Etatdemandeur.

La notion de droits appartenantaux générationfsutures

L'affaire dont la Cour est saisie met en jeu, comme aucune autre
affaire ne l'avait fait auparavant, leprincipe de l'équvis-à-visdes géné-
rations futures- un principe important et en rapide évolution du droit
moderne de l'environnement.
Au nom de la Nouvelle-Zélande, M. Lauterpacht a abordécet aspect
lorsqu'il a affirmédevant la Cour que si un dommage tel que celui qui est
alléguéavait étéinfligé à l'environnement par nos ancêtres del'âge de
pierre, nous en ressentirions encore les effets. Puisque nous savons
aujourd'hui que la période radioactive d'un produit dérivé d'essais
nucléairespeut atteindre vingt mille ans, c'est là un aspect important
qu'une juridiction internationale ne peut pas manquer de relever. Quand
elle est valablement saisie d'une question, la Cour doit se considérer
comme un fiduciaire (trustee) des droits en cause, au sens où un tribunal
de l'ordre interne est le fiduciairerustee) des intérêts d'ujeune enfant

incapable de s'exprimer.Si elleest chargéed'administrer le droit interna-
tional,et si ceprincipe s'intègre progressivementdans lecorpusde normes
du droit international, ou en fait déjàpartie, la Cour doit inévitablement
en tenir compte. Le problèmeen cause est trop sérieuxpour être écarté
comme dénuéd'importance simplement parce qu'il n'existeaucun précé-
dent en la matière.
Le grief de la Nouvelle-Zélandevisant les atteintes à ses droits ne se
rapporte pas uniquement aux droits de la population vivant aujourd'hui.
Les droits du peuple néo-zélandais incluent ceux des générations à venir.
Ce sont des droits qu'une nation peut àjuste titre, et en véritédoit, sau-
vegarder. On ne saurait donc faire abstraction de cet aspect lorsque l'on
examine si la Nouvelle-Zélandea établi prima facie que les atteintesà ses
intérêtsjustifiaient une démarche devant la Cour au titre du para-
graphe 63.

Pour reprendre lestermes d'un important ouvrage récemmentparu sur
cette question:
«Le postulat de base est que chaque générationest à la fois le gar-
dien et l'usufruitier de notre patrimoine naturel et culturel commun.
En tant que gardiens de cette planète, nous avons envers les généra-
tions futures certainesobligations morales, que nous pouvons trans-

former en normes juridiquement contraignantes. » (Voir E. Brown
Weiss, ZnFairness to Future Generations: International Law, Com-
mon Patrimony and IntergenerationalEquity, 1989,p. 21.)
La déclarationde Stockholm sur l'environnement, adoptée le 16juin
1972 à Stockholm par la conférence desNations Unies sur l'environne-ment, a formuléil y a presque un quart de sièclele principe d'un ((devoir
solennel de protéger et d'améliorerl'environnement pour les générations
présenteset futures)) (principe 1). Il y a là, clairement énoncée,l'idée
directrice de ce nouveau principe qui peut aider la Cour traiter le pro-
blèmeauquel elle doit faire face, c'est-à-dire apprécierles dommages
qui risquent d'êtreinfligésau peuple néo-zélandais. Jusqu'àce jour, la
Cour n'a pas eu l'occasion dese prononcer sur ce domaine en évolution.
La présenteaffaire lui offre une telle occasion, remarquable puisqu'elle
met en cause avec une acuité particulière l'éventualitéde dommages
infligésàdes générations à venir.

Le principe de précaution

Lorsqu'une partie allèguedevant la Cour d'éventuelsdommages, de
caractère irréversible, qu'une autre partie est en train de causer ou

menace de causer à l'environnement, il peut êtredifficileau demandeur
de produire des moyens de preuve ou de réfutation,vu que la plupart des
informations nécessairessont probablement détenues par la partie qui
cause ou menace de causer les dommages.
Ce n'est que si un principe juridique est élaborépour résoudre cette
difficultéen matière de preuve que le droit peut remplir sa fonction de
protection de l'environnement. C'est ainsiqu'a été conçu, dansle cadre
du droit de l'environnement, ce que l'on appelle désormaisle ((principe
de précaution)), quirecueille une adhésion croissanteen tant que compo-
sante du droit international de l'environnement (voir Philippe Sands,
Principles of International Environmental Law, vol. 1,p. 208-210).
En 1990,lesministres de trente-quatre pays relevant de la Commission
économiquepour l'Europe et le commissaire européenpour l'environne-
ment, réunis àBergen,en Norvège,ont publié la déclarationministérielle
de Bergenrelative au développementdurable. L'article 7 de cettedéclara-

tion formule le principe de précaution dans les termes suivants:
«En vue d'atteindre un développement durable, les politiques
doivent se fonder sur le principe de précaution. Les mesures pour
l'environnement doivent anticiper, prévenir et combattre les causes

de dégradation de l'environnement. En cas de risque de dommages
graves ou irréversibles, l'absence decertitude scientifiqueabsolue ne
doit pas servir de prétextepour remettre à plus tard l'adoption de
mesures visant à prévenir la dégradation de l'environnement.))
(Déclaration ministérielle de la Commission économique pour
l'Europe relative au développementdurable, Bergen, 15 mai 1995,
texte anglaisdans Harald Hohmann (dir. publ.), Basic Documents of
International Environmental Law, vol. 1, 1992,p. 558-559.[Traduc-
tion du Greffe].)

Il est dit au paragraphe 16f) de la déclaration qu'il importe d'optimi-
ser les processus démocratiquesde prise de décisions relativesauxques- DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISSW. EERAMANTRY) 343

tions d'environnement et de développement,et qu'il est nécessaire,dans
le cadre du processus dit«de Bergen))de s'attacher à:

((Entreprendre une évaluation préalable et rendre compte publi-
quement desconséquencesécologiqued seprojets susceptiblesd'avoir
des effets sensiblessur la santédes populations et sur l'environnement
et, dans la mesure du possible, des politiques, programmes et plans
qui sous-tendent cesprojets, et veillerqu'une assistancebilatérale
et multilatéralesoit accordée auxpays de l'Europe de l'Est et aux
pays en développementpour évaluerles répercussions écologiquee st
la viabilité de leurspropres projets de développement; mettre au
point ou renforcer les procéduresvisant à évaluerles risques et les
tffets potentiels des produits sur l'environnement.»(Op. cit., p. 565.)

Bien entendu, le principe de précaution remonte au-delà de 1990. Il
présenteun intérêt pour la demandede la Nouvelle-Zélandedevant la
Cour, et on ne peut manquer de l'envisager dans le contexte de la pré-
sente affaire.
La Nouvelle-Zélandea fait tout son possible pour fournir des éléments
à la Cour, mais c'est la France qui détient effectivement les renseigne-
ments. Le principe entre alors en jeu pour justifier l'examenpar la Cour

de la demande néo-zélandaise et la mise en Œuvreimmédiatedes moyens
dont elle dispose pour parer, à titre provisoire,à la menace de dégra-
dation de l'environnement,jusqu'à ce qu'elle ait reçu des preuves scien-
tifiques complètes propres à réfuter les affirmations de la Nouvelle-
Zélande.
Plusieurs traitésrelatifsl'environnement ont déjàconsacréle principe
de précaution(voir Sands, op. cit., p. 210et suiv.).Parmi ceux-ci,on peut
citer la conventionsur la mer Baltique de 1992,letraitéde Maastricht de
1992 (traité surl'Union européenne, titre XVI, art. 130R, par. 2), qui
affirme que la politique de la Communauté dansle domaine de l'environ-
nement «est fondée surl[e]princip[e]de précaution))(lesitaliquessont de

moi). Il faut aussi noter que conformémentà la convention de 1992sur la
protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est, les parties (la
France et le Royaume-Uni) qui souhaitent conserver la possibilité
d'immerger des déchetsfaiblement ou moyennement radioactifs doivent
rendre compte à la commission mise enplace des
«résultats des étudesscientifiques montrant que toutes opérations

d'immersion éventuellesn'entraîneraient pas de risques pour la santé
de l'homme, ne nuiraient pas aux ressources biologiques et aux éco-
systèmesmarins, ne porteraient pas atteinte aux valeurs d'agrément
et ne gêneraientpas d'autres utilisations légitimesde lamer» (an-
nexe II, art. par. 3c),Revuegénéralede droit international public,
1992,p. 1014).

Cette dernière application du principe de précaution, dans un traité
auquel la France est partie, est particulièrementpertinentel'égard dela
question portée devant la Cour. La disposition du traitéde Maastricht qui fait du principe de précau-
tion l'un desfondements de la politique de la Communauté européenne
dans le domaine de l'environnement (art. 130R, par. 2)permet de penser
que le principe ainsi applicableàl'Europe s'appliqueégalementaux acti-
vitésdes pays européensdans d'autres régionsdu monde.
Il convient enfin de mentionner le principe 15de la déclarationde Rio
sur l'environnement et le développement de1992,qui est ainsi libellé:

«Pour protéger l'environnement,des mesures de précaution doi-
vent être largementappliquéespar les Etats selon leurscapacités.En
cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de
certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour
remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à pré-
venir la dégradation de l'environnement.» (Revuegénéralede droit
international public, 1992,p. 978.)

Evaluation de l'impact sur lénvironnement

Ce principe est accessoirepar rapport au principe de plus vaste portée
queje viensd'examiner,mais il bénéficiec,omme ce dernier, d'un poids et
d'une reconnaissance croissants à l'écheloninternational; il a en fait
atteint le niveau de reconnaissance généralequi justifie que la Cour en
tienne compte.
Dans le cadre des principes directeurs que le Programme des Nations
Unies pour l'environnement (PNUE) a énoncés en1987sur les «buts et
principes de l'évaluationde l'impact sur l'environnement)),le principe 1
est ainsi libellé

«Les Etats (y compris leurs autorités compétentes)ne devraient
entreprendre ou autoriser des activitéssans avoir au préalable étudié
au plus tôt leurs effets sur l'environnement. Lorsque du fait de son
ampleur, de sa nature ou de son emplacement, une activitéproposée
est susceptible d'avoir des effets sensibles sur l'environnement, une
évaluationglobaled'impact sur l'environnementdevraitêtreentreprise
conformément aux principes suivants. » (Doc. UNEP1G.C.1411 7,
annexe III, 1987.)

Aux termes du principe 4, une évaluationde l'impact sur l'environne-
ment devrait comprendre :

«a) une description de l'activité proposée;
b) une description de l'environnement susceptible d'être affecté,y
comprislesrenseignements spécifiquesnécessairp eour identifier
et évaluerles effets de l'activité proposée sulr'environnement;
c) une description des autres solutions possibles, le cas échéant;
d) une évaluationdes effets probables ou potentiels de l'activité
proposée etdes autres solutions possibles sur l'environnement,
y cornpris les effets directs, indirects,cumulatiàscourt terme
età long terme; DEMANDE D'EXAMEN (OP.DISSW. EERAMANTRY) 345

e) l'identification et la description des mesures existantes viàant
atténuerles effets négatifsde l'activité proposée etdes autres
solutions possibles sur l'environnement, et une évaluationde
ces mesures;

f) une indication des carences en matière de connaissances et des
incertitudesrencontréesdans la mise au point de l'information
nécessaire;
g) une indication permettant de savoir si l'environnement de tout
autre Etat ou de régionsne relevant pas de lajuridiction natio-
nale risque d'être affectépar l'activitéproposée ou par les
autres solutions possibles;
h) un bref résumé non technique de l'information fournie au titre
des rubriques précédentes» (doc. UNEP/G.C. 14/17,loc. cit.).

S'agissant d'une question de l'importance de celle qui conduit la
Nouvelle-Zélande à s'adresserà la Cour, il est clair que le principe de
l'évaluationde l'impact sur l'environnement sembleraitrimafacie appli-
cable, vu l'état actueldu droit international de l'environnement.
Placéeau sommet des juridictions internationales, la Cour est néces-
sairement investie d'une confiance et d'une responsabilité propres à
l'égarddes principes du droit de l'environnement, notamment de ceux

intéressant ce que l'on qualifie en droit de l'environnement d'«indivis
mondial)). Lorsqu'une affaire est portée devant elle qui soulève de
graves questions écologiquesd'importance mondiale, et qu'il est établi
prima facie que des dommages pourraient êtrecausés à l'environne-
ment, la Cour est fondée à prendre en considération le principe de
l'évaluation de l'impact sur l'environnement pour arrêterson approche
préliminaire.
Bien entendu, la situation pourrait bien se révélertout autre, les
craintes aujourd'hui expriméesapparaissant alors sans fondement. Mais
on ne peut arriverà ces conclusions qu'aprèsla réalisationd'une évalua-
tion de l'impact sur l'environnement et non avant.

Le caractère illicitede l'introduction de déchetsradioactifs
dans le milieu marin

Ce principe est trop bien établi pour appeler une discussion. Le milieu
marin appartient à tous et l'introduction de déchetsradioactifs dans les
eaux territorialesd'un Etat créenécessairementle risque de leur dissémi-

nation dans les vastesesDacesocéaniauesaui sont le bien de tous.
Sil'on peut établirpriAa facie tel hanger existeou est de l'ordre
des possibilitésraisonnables, c'eàcelui qui prétendque cesactes ne pré-
sentent pas de danger qu'il incombe d'en apporter la preuve. Comme je
l'ai déjà fait observer, la conventionde992sur la protection du milieu
marin de l'Atlantiquedu Nord-Est conclueentre la France et le Royaume-
Uni exige que soit présentéun rapport montrant que toute immersion
projetéede déchetsfaiblementou moyennement radioactifsn'entraîneraitpas de risques pour la santé del'homme et ne nuirait pas aux ressources
marines. Telle est la norme observéeau niveau international. Jusqu'à ce
que cette démonstration soit faite, la Cour, en tant qu'organe judiciaire,
est fondée àagir en considérant que laNouvelle-Zélandea établisa thèse
prima facie.
Le rapport de la conférence deRio de 1992traite, au chapitre 22 du

programme Action 21, de la ((Gestionsûre et écologiquementrationnelle
des déchetsradioactifs». Le paragraphe 22.5 c) aborde expressémentce
problèmeet fait obligation aux Etats de:
«Ne pas encourager ni autoriser le stockage ou l'élimination de
déchets hautement, moyennement et faiblement radioactifs à
proximitédu milieumarin, à moins qu'ilne soit scientifiquementéta-
bli, conformément aux principes et directives internationalement

reconnus applicables en l'espèce,que ce stockage ou cette élimina-
tion ne présentepas de risques inacceptables pour les personnes et
pour le milieu marin et ne fait pas obstacleà d'autres utilisations
légitimesde la mer, et en faisant intervenir comme il convient cet
égardle principe de précaution.» (Rapport de la conférencedes Na-
tions Uniessur l'environnementet le développement,CONF. 151/26,
vol. II, p. 293.)

La France a apporté son soutien à Action 21. De fait, M. Mitterrand,
président dela République française, est allé jusqu'à proposer que le
Secrétaire généradles Nations Unies reçoive la mission de faire le point
tous les ans sur l'exécutiond'Action 21 (ibid., NCONF. 151/26/Rev.1,
vol. III, p. 217).

Le Présidenta égalementfait observer:

((Deuxièmement,il conviendrait de mieux cerner le rôle, ou la res-
ponsabilitédes pays du Nord. Je pense qu'ils ont à préserveret à
restaurer leur propre domaine (eau, air, villes,paysages), àequoi
leursgouvernements s'emploient d'inégale façon.Qu'ilsont à s'inter-
dire toutes atteintesl'environnementdespays du Sud. C'est l'objet
de la trèsstricte législationfrançaise sur l'exportation des déchets.
(Ibid., p. 216; les italiques sont de moi.)

Il n'est guère nécessairede citr'autres sourcesà l'appui d'unprincipe
aussi évident.

Le principe selon lequelaucun dommage ne doit êtrecausé
aux autres nations

Les conclusions qui viennent d'êtredégagées sont corroboréespar un
principe fondamental du droit moderne de l'environnement, dont il faut
ici prendre note. Il est établi de longue date en droit international et
remonte à l'affaire de la Fonderie de Trail (Recueil des sentences arbi-
trales,1938, vol. III, p. 1905), voire peut-être au-delà(voir également
l'affaire duétroitde Corfou,fond, arrêt, C.I.J. Recuei1 l949, p. 4). Le principe 2 de la déclaration de Rio sur l'environnement de 1992
consacre ce principe fondamental selon lequel aucune nation n'a le droit
de mener des activitésde nature à causer des dommages à l'environne-
ment d'une autre nation :

((Conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes
du droit international, les Etats ont le droit souverain d'exploiter
leurs propres ressources conformément à leurs propres politiques en
matière d'environnement et de développement,etils ont le devoir de
veiller ce que les activitésqui relèvent deleur compétenceou de
leur pouvoir ne portent pas atteintel'environnement d'autres Etats
ou de zones situéesau-delà des limitesde leurjuridiction nationale.
(Revue généralede droit international public, 1992,p. 975.)

Parmi lesautres instrumentsinternationaux qui consacrent ceprincipe,
on peut citer la déclaration de Stockholm de 1972 sur l'environnement
(principe 21) et la convention de Nouméade 1986,dont le paragraphe 6
de l'article 4 est ainsi libellé:
((Aucune des dispositions de la présente convention ne porte

atteinte au droit souverain des Etats d'exploiter, de mettre en valeur
et de gérerleurs ressources naturelles selon leurs politiques propres
en tenant compte de leur devoir de protéger l'environnement.Chaque
partie doit faire en sorte que les activitésexercéesdans les limites de
sa juridiction ou sous son contrôle ne causent pas de dommage à
l'environnementdansd'autres Etats ou dans deszones situéesau-delà
des limitesde sajuridiction nationale.Internationale Umweltrecht,
98697/14.)

La Cour doit s'inspirer dece principe largement consacré, qui trouve
son fondement dans le bon sens, la jurisprudence, les conventions inter-
nationales et le droit international coutumier, pour déterminer si la
Nouvelle-Zélandea établiprima facie que ses droits sont menacés.

La question de la preuve

Comme je l'ai soulignédans la présente opinion, il est essentielpour
mettre en Œuvreles procéduresde la Cour que la Nouvelle-Zélandeait
établiau moins prima facie que les dangers qu'elle avait invoquéspour
saisir la Cour en 1973 sont de nouveau présents par suite des essais
nucléairessouterrains que la France a entrepris d'effectuer dans le Paci-
fique.Il convient dèslors d'examiner les faits pour déterminers'ilexiste
une base de compétence ence qui concerne la demande actuelle de la
Nouvelle-Zélande.
L'examen qui suit s'inscrit donc à part entière dans le cadre de la
question préliminaire dela compétenceet ne concerne pas l'examen au
fond. DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISSW. EERAMANTRY) 348

Ily a deux manièresd'aborder la question de la preuve. La première
consiste à faire purement et simplement supporter la charge de la preuve
àla Nouvelle-Zélande,et à se demander si cette dernière a établi prima
facie la réalité desdangers qu'elle allègue.
La seconde consiste à appliquer le principe du droit de l'environne-
ment en vertu duquel, lorsqu'il y a menace d'un quelconque danger

écologique,c'est à l'auteur de l'acte incriminéqu'il incombe de prouver
que cet acte n'aura pas les conséquences dommageablesalléguéesS . elon
cette conception, la Cour conclurait que le dommage écologiquedont se
plaint la Nouvelle-Zélandeest établiprima facie sila France ne démontre
pas l'innocuité,sur le plan écologique, desessais nucléairesprojetés.
A cet égard,il convient de noter que toutes lesinformations relatives
cette question sont en possession du défendeur.Le demandeur ne dispose
que d'informations indirectes ou secondaires,mais il s'estefforcé depro-
duire devant la Cour toutes les informations qu'il a pu, de son mieux,

rassembler aux fins de la demande.
La seconde conception de l'administration de la preuve est suffisam-
ment bien établieen droit international pour que la Cour soit fondée àla
suivre.Néanmoins,il lui suffità ce stade de suivre la premièreconception,
qui consisteà faire reposerlefardeau de la preuve sur la Nouvelle-Zélande.
Quelleest la nature de la thèseque la Nouvelle-Zélandea établieprima
facie?

Les missions d'enquêtescientfique

La Nouvelle-Zélandea produit devant la Cour la documentation scien-
tifique dont elle dispose; elle s'est notamment référée à trois rapports
scientifiques pour faire valoir que Mururoa et Fangataufa étaient ina-
daptésen tant que sites de stockage de déchets nucléaires. Selonelle, le
Gouvernement français n'a autorisé aucune enquêtescientifique appro-
fondie sur l'atoll de Mururoa, mais a seulementpermis que trois enquêtes
de portéelimitée y soient menées; à Fangataufa, où ont eu lieu lestirs les
plus puissants, aucune enquête n'aurait étéautorisée.
Lestrois enquêtesprécitéeosnt étémenéesen 1982par M. M. H. Tazieff,
un éminentvulcanologue français, en 1983par une équipede scientifi-

ques dirigéepar M. Hugh Atkinson, ancien directeur du laboratoire
radiologique national de Nouvelle-Zélande,et en 1987par une équipe
scientifiqueet cinématographique dirigéepar le commandant Cousteau.
M. Tazieff a observéaLe.zsi l'on voulait évaluerl'efficacitédu confine-
ment de la radioactivité,il serait nécessaired'étudier systématiquement
pendant un certain nombre d'annéesles radionucléidesles plus mobiles
qui se trouvent dans les eaux souterraines et dans la mer (demandenéo-
zélandaise,par. 38, citant le rapport Tazieff, p. 7), alors que le comman-
dant Cousteau a conclu que des fuites radioactivespourraient avoir lieu

d'icicent à trois cents an- c'est-à-direune période de temps beaucoup
plus courte qu'on ne l'avait estiméprécédemment (ibid.,par. 40, fondé
sur le rapport de la mission Cousteau). J'examinerai ultérieurementles
conclusions du rapport Atkinson. La France répond aux assertions de la Nouvelle-Zélande enaffirmant
que celle-cienvisage des ((catastrophes dignes d'Hollywood», alors que
les essais ne comportent en fait aucun risque écologique(CR 95/20,
p. 62).Au nom de la France, M. de Brichambaut a notamment dit que les
traces de radioactivitéà Mururoa sont infinitésimales, quele niveau de
radioactivitéest celui de tous les atolls du Pacifique Sud et qu'il estlar-
gement inférieur à celui constaté à Paris, à Darwin, au Chili ou en
Colombie. Il a affirméque le niveau d'exposition aux élémenradioactifs
(mesuréen micrograys par an) est de 262 à Mururoa, 463 à Tahiti, 815en
Australie et 900 en Nouvelle-Zélande. Il a ajouté qu'ilest de 280 aux
Pays-Bas, soit juste au-dessus du niveau de Mururoa. Il a également

fourni à la Cour différentes données statistiques relatives aux doses
de radioactivitémesuréesau sein de la population polynésienne (ibid.,
p. 55).
Mais la question principale sur laquelle la Cour devrait parvenirune
conclusion prima facie est celle de la sécuritéqu'offre Mururoa en tant
que dépôt de déchets radioactifs, tant à long terme, par suite de la
dégradation naturelle de l'atoll, qu'à court terme, du fait des essais ~
nucléaires.
Ce sont ces questions que je traiterai dans les paragraphes suivants.
On peut examiner les risques de contamination radioactive résultant
des essais souterrains français sous différents angles,avoir:

a) la nature des essais nucléaires projetés,
b) la structure des atolls de Mururoa et de Fangataufa,
c) l'impact des explosions précédentessur les atolls,
d) les répercussionssur Mururoa de la nouvelle séried'explosions pro-
jetée,

e) les normes de sécurité admises à l'écheloninternational quant au
stockage des déchetsradioactifs,
f) le danger que la libération de substances radioactives dans l'océan
représentepour la vie marine,
g) la possibilitéd'accidents.

Si, après examen de ces différentsaspects, on peut raisonnablement
affirmer qu'il existerima facie un risque de contamination radioactive
résultant des essais nucléairesfrançais dans le Pacifique, la Nouvelle-
Zélande serait alors fondéeà faire valoir qu'elle a satisàal'obligation
qui lui incombait de prouver que sa demande entre bien dans les prévi-
sions du paragraphe 63.
Les dangers potentiels seront exposés sous chacune des rubriques
énumérées ,tantentendu que, dans une affaire de cette importance, on
ne saurait parvenir à la légèreà une conclusion, mêmeprima facie. Il
convient donc d'analyser avec le plus grand soin les élémentpertinents.
L'examen qui suit tend à déterminersi, selon une analyse objective, la

Nouvelle-Zélandea établi primafacie que lesdangers dont elletirait grief
en 1973existent de nouveau en 1995,ce qui permettrait de faire jouer le
paragraphe 63 de l'arrêtde 1974.La nature des essaisnucléairessouterrains
11ressort des informations produites devant la Cour que des puits

d'une profondeur de 1000mètresenviron sont forés dans le sol de l'atoll.
D'après laNouvelle-Zélande,la France n'a pas communiqué d'informa-
tions détailléesuant àl'emplacement despuits d'explosion. La structure
de l'atoll consiste en une couronne corallienne surmontant une base vol-
canique. De nombreux essais ont également été effectué dans le lagon
adjacent à la couronne corallienne.
Un cylindre contenant l'enginexplosif et une grande quantité d'instru-
ments est descendu au fond du puits. Celui-ciest combléavec des maté-
riaux, notamment un béton spécial, afin d'empêchelra remontée dansle
puits des matièresradioactivesproduites par l'explosionet leur libération
dans l'atmosphère.
Lors de l'explosion,tout ce qui se trouve au fond du puits est vaporisé
et une cavitésphériquese forme dans la structure de la roche environ-

nante. Dans le cas d'un tir relativement peu puissant de 10 kilotonnes,
la chambre ainsi crééea une cinquantaine de mètres de diamètre; ce
diamètrepeut atteindre quelque 120mètrespour une explosion d'environ
100kilotonnes.
La chaleur considérabledégagée par l'explosion vitrifie la roche envi-
ronnante et une grande partie des matières radioactives généréep sar
l'explosionest piégédeans cetteroche vitrifiée etdans la chambre d'explo-
sion.
Selon la Nouvelle-Zélande, l'explosionprovoque aussi une secousse
sismique d'une magnitude de 4 à 6 sur l'échellede Richter. Cela peut
fracturer une partie des couches calcaires supérieuresde l'atoll et provo-
quer des glissementsde terrain sur les versants extérieurs decelui-ci.
Je citerai denouveau iciun passage del'étude techniquede M. McEwan
intitulée«Environmental Effects of Underground Nuclear Explosions» :

«Les effetslesplus importants des essaissouterrains sur l'environ-
nement sont dus aux ondes sismiques et aux ondes de choc locales.
Ces dernières entraînent des glissements de terrain, des affaisse-
ments, la formation de cratères d'effondrement, l'écroulement de
falaises et des glissementsde terrain sous-marinsqui peuvent sepro-

duire àune distance de quelques kilomètresdes points d'explosion.»
(Op. cit., p. 89.)
Une autre question importante concerne la possibilitéde fuites, c'est-
à-direl'éventualitéque des vapeurs, liquides et autres produits dérivésdes

explosions s'échappentde l'espace confinédans lequel les explosions ont
lieu. Le rapport de la mission scientifiqueconduite sur l'atoll de Mururoa
par la Nouvelle-Zélande,l'Australie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée,
sous la direction de M. H. R. Atkinson, ancien directeur du laboratoire
radiologique national de Christchurch (l'un des trois rapports que la
Nouvelle-Zélandea déposés enmêmetemps que sa demande), relève
que : «Lors de l'explosion, des produits de fission gazeux et volatils
s'échappentdes sites des essais souterrains. Les radioéléments ainsi
libérésne sont pas seulement des gaz nobles (dont les Français
reconnaissent les fuites), et on constate que leur quantité est supé-
rieureà ce qu'un simplecolmatage «imparfait» du puits d'explosion
pourrait laissercraindre.Report of a New Zealand, Australian and
Papua New Guinea ScientiJic Mission to Mururoa Atoll, p. 132.)

La structure des atolls de Mururoa et de Fangataufa

La structure de l'atoll est décrite comme unecouronne coralliennesur-
montant une base volcanique. L'eau percole à travers toute la structure
rocheuse. Il existe dans la structure de l'atoll un réseau de fissures, dues
ou non aux explosions précédentes.
Le rapport de la mission Atkinson décrit la structure de l'atoll de
Mururoa en cestermes:

((Mururoa, comme d'autres atolls, est constituéde deux couches:
une couche supérieurecalcaire, d'une épaisseurde 180 à500mètres,
et un socle volcanique de plusieurs milliers de mètres d'épaisseur.
(Ibid., p. 7.)

«La couche calcaire, constituée d'une superposition de récifs, est
dans l'ensemble poreuseet perméableet comporte un grand nombre
d'horizons dont le degré deporosité etde perméabilitéest particu-
lièrementélevéT . outefois, les flancs de l'atoll sont protégéspar des
glacis peu perméables. (Ibid., p. 7-8.)
((L'allégationdes Français selon laquelle toute fuite du socle
volcanique vers la couchecalcairesera contenue par la zone de tran-
sition imperméablen'est pas étayée par les données que nous avons
étudiées.
La zone de transition situéeentre le socle volcanique et la couche

calcaire est d'une épaisseuret d'une composition rocheuse très va-
riables, ce qui permet de douter de son aptitude opposer une bar-
rièreétanche àd'éventuellesfuites radioactives. Il est possible qu'en
moins d'un millier d'annéesde l'eau remonte des chambres de déto-
nation dans la biosphère. (Ibid., p. 8.)
«Sur la base de donnéesgéologiques,on peut écarter la thèse
selonlaquellela zone de transition ferait obstacleoute fuiteàlong
terme. A l'origine, le socle volcanique constitue une barrière géo-
chimique d'une efficacitémédiocreà moyenne et une barrière hydro-

logique d'une étanchéitmoyenne àbonne. Le programme d'essaisa
réduit sonefficacité ces deux titres.» (Ibid., p. 9.)
Dans l'étudede M. McEwan déjà citéei,l est observéque:

«Des matériaux radioactifs peuvent s'échapper d'unsite d'essais
souterrains si des eaux souterraines se trouvent la profondeur du puits au moment de l'explosion, ousi des fractures de la roche per-
mettent ultérieurement à l'eau souterraine de pénétrer dans cette
cavité.» (Op. cit., p. 85.)

Etant donné la saturation en eau de la structure rocheuse, il semblequ'il
y ait là primafacie un facteur à prendre en considération.

L'impact des explosions précédentes sur lesatolls

Le rapport de la mission Atkinson conclut:
«La partie carbonatée de l'atoll n'est plus intacte.

- Des fissures se sont forméesdans les couches calcaires à la suite
des essais.
- Des affaissements superficielsde l'ordre d'un mètrese sont pro-
duits sur environ 1 km2dans la zone nord-est et 1,5km2 sur la
marge sud-ouest. Ils résultent directementdu tassement cumulé
des couches calcaires, accentuépar les essais.
- Des glissements de terrain sous-marins,particulièrement le long

de la marge méridionale,se sont produits à la suite d'un certain
nombre d'essais effectués à Mururoa. Ces glissements ont pour
effet de dépouillerle bord extérieurde l'atoll de sa couche cal-
caire imperméable deprotection.
La fissuration et la disparition du glacis calcaire dues aux glisse-
ments contribueront à accroître la circulation tant latérale que

verticale de l'eau dans la partie carbonatée de l'atoll.)) (Op. cit.,
p. 105-106.)
Chacune de ces trois catégories defacteurs semble avoir une impor-
tance considérable pour la question portée devant la Cour. On peut

concevoir que les fissures s'élargissentau point d'offrir un débouché sur
la mer. Un affaissement de l'ordre d'un mètre sur une surface d'un
kilomètre carréde l'atoll traduit un mouvement structurel suffisamment
profond pour justifier des inquiétudes.En l'absence de preuvecontraire,
on doit également penser quele décapage du bord extérieur del'atoll
affaiblit la structure de protection de l'atoll.

Les répercussionssur Mururoa de la nouvelle séried'explosionsprojetée

Bien entendu, les donnéesscientifiques disponibles ne permettent pas
de dire combien d'explosionsla structure de l'atoll peut encore supporter
avant qu'il en résulte des dommagesstructurels propres à provoquer la
libération des déchets radioactifs accumulés par suite de plus d'une
centaine d'explosions. Cette structure pourrait résister à mille autres
explosions, ou êtreau contraire proche de sa limite de résistance à des
essais répétés.

La Nouvelle-Zélandea soulignéle danger omniprésentque la structure
déjàfissuréede l'atoll ne puisse demeurerintacte et le risque qu'une seule
nouvelle explosion déclencheun effondrement structurel important. Lastructure a déjàété ébranlé par des explosions d'une puissancecent cin-
quante fois supérieure à celle de la bombe d'Hiroshima. Plus de cent
vingt-sixpuits ont étforésdansune partie de l'atoll quimesure moins de
28 kilomètres de long.Nous ne disposons d'aucune évaluationd'impact
établissant dans quelle mesure la structure de l'atoll peut résisterces
chocs.
Pour reprendre les termes du conseil de la Nouvelle-Zélande, M. Lau-
terpacht, la Nouvelle-Zélande poseen quelque sorte la question de savoir
si lemonde peut avoir la certitudeque la sérieactuelle d'essaisne serapas
le brin de paille qui éreinterale chameau de Mururoa.

Les normes de sécurité admise àsl'écheloninternationalquant au stockage
des déchets radioactifs

Au terme des débats,j'ai demandé aux deux Parties s'il existait des
critères internationalement reconnus pour le choix des sites géologiques
de stockage de déchetsradioactifs, et je les ai priées,le cas échéant, de
m'en donner une brève liste.
La France a fourni la réponse suivante:

((11n'existe actuellement aucune norme officielle internationale
concernant les critèresgéologiques destockage des déchetsradioac-
tifs. Les étudesscientifiquesmenéesquant à la nature des roches les
plus appropriées aboutissentà un consensus sur la nécessitéd'avoir
un environnement géologiquestable, une faible perméabilitédes
roches et un contexte propiceà une rétentiondes radioélémentspar
les roches.'

La Nouvelle-Zélandes'est toutefois référé e la norme de sûretéde
l'Agenceinternationale de l'énergieatomique intitulée((Principesde sûreté
et critèrestechniques pour le stockage définitifsouterrain des déchets de

haute activité))(collection Sécurité,o 99, 1989)2,document qui, selon
elle, aurait été remplacépar un certain nombre d'études plus détaillées.
Les critèresénoncésdans ce document sont notamment les suivants:
((Critèreno 7: Géologiedu site de dépôt

Le dépôt doit être enterréà une profondeur suffisante pour bien
isoler lesdéchets qu'ilcontient des événementet des processusexté-

Lettre de la France en date du 15septembre 1995,réponsesaux questions poséespar
M. Weeramantry, no 2.

Lettre de la Nouvelle-Zélandeen date du 15septembre 1995,réponsesaux questions
poséesparM. Weeramantry, no 2.

69 rieurs, dans une roche réceptriceayant la propriétéde limiter conve-
nablement la détériorationdes barrièresphysiques et letransport des
radioélémentsdu dépôtvers le milieu ambiant.

Critèreno8: Prise enconsidération desressourcesnaturelles
Le site du dépôt doit êtrechoisi, dans la mesure du possible, de
manière à éviterla proximitéde ressources ou de matièresnaturelles
précieuses difficiles obtenir d'autres sources.)) [Traduction du
Greffe.]

Appliqués à Mururoa, cescritèressuscitentprimafacie des inquiétudes
quant à la sécuritéqu'offre l'atollen tant que site de stockage de déchets
radioactifs.
Le guide de sûretéde l'Agence internationale de l'énergieatomique

intitulé((Safety of Geological Disposa1 Facilitiesn (collection Sécurité,
no 111-G-4.1,1994)fournit égalementdesindications utiles surlesfacteurs
pertinentsà cet égard.Les principes directeurs 412 et 413 sont particuliè-
rement intéressants:

((412. Les caractéristiques hydrogéologiqueset la configuration
géologiquedu milieu doivent tendre à limiter la circulation des eaux
souterraines dans le dépôt et êtrpropices àun bon confinement des
déchetspendant le laps de temps voulu.
413. L'étudedes mécanismesdecirculation des eaux souterraines,
ainsi que l'analyse dela direction et du débitdu courant sont impor-
tants pour évaluerla sûretéd'unsitecar lemode de fuite leplus pro-
bable-des radioélémentsest le transport par les eaux souterraines.
Quelleque soit la nature des déchetsou la méthode d'éliminationu, n
environnement géologiqueapte à limiter les courants qui se dirigent
vers le dépôt,le traversent et en repartent contribueà prévenir des
fuites inacceptables de radioéléments.Des particularités naturelles
telles que des nappes aquifères ou des zones de fracture sont des

voies d'échappement possibles pour les radioéléments.Ces voies
doiventêtrelimitéesdansla roche réceptriceafinque lesfonctionspro-
tectrices du système de barrières géologiqueset artificielles restent
compatibles. Le pouvoir de dilution du systèmehydrogéologique
peut égalementêtreimportant et il convient de l'évaluer.Un site
optimal est celui où les eaux souterraines qui s'écoulentdu dépôt
vers le milieu ambiant empruntent des circuits longs et progressent
lentement.» [Traduction du Greffe.]

Bienentendu, ce sont là des questions sur lesquellesla Cour aurait reçu
en temps utile des informations plus complètessi l'affaire était parvenue
au stade de la procédure orale sur la question de fond poséepar la
demande néo-zélandaise.
Outre ces critèreset principes directeurs, il serait intéressantd'exami-
ner certainesdesconclusionsdu rapport Atkinson. S'agissantdes essaissou-
terrainsà Mururoa, la troisièmeconclusion de ce rapport est la suivante: «On est fondé dans une certaine mesure à assimiler les résidus
radioactifs des essais souterrains à des déchetshautement radio-
actifs. Or, en principe, Mururoa ne satisferait pas aux critères com-
munément admis pour le choix de sites géologiques destockage de
déchetshautement radioactifs.)) (Rapport de la mission Atkinson,
p. 133.)

Les inquiétudesexpriméeslors de la conférencede Rio de 1992 sur
l'environnement et le développementsont un indice de l'évolution de la
perception, au niveau mondial, des effetsnuisiblesqu'ont pour l'environ-
nement les déchetsradioactifs, qu'ils résultentd'activités pacifiquesou
militaires. Le chapitre 22 du rapport de la conférenceest consacré à la
((gestion sûre et écologiquement rationnelle des déchets radioactifs)).
Bien que les déchetsviséssoient ceux qui résultent d'activitéspacifiques,
lesinquiétudesexpriméessont égalementpertinentes dans le contexte qui
nous intéresse.
Le paragraphe 22.1 du rapport fait observer que:

((l'activité volumique,en particulier dans les sources de rayonne-
ments scellées,pourrait êtreélevéec,e qui justifierait des mesures de
protection radiologique très strictes))Rapport de la conférence des
Nations Unies sur l'environnement et le développement, Rio de
Janeiro, 3-14juin 1992, A/CONF.151/26, vol. II, p. 291),

et il est préciséau paragraphe 22.8 que:
«Les Etats, en coopération le cas échéantavec des organisations
internationales, devraient:

a) promouvoir les recherches et la mise au point de méthodes per-
mettant d'assurer, demanièresûreet écologique,letraitement, la
transformation et l'évacuation, y compris dans des formations
géologiquesprofondes, des déchetshautement radioactifs;
b) réaliser desprogrammes de recherche et d'évaluation concernant
l'évaluation de l'impact sanitaire et environnementalde l'élimi-
nation des déchetsradioactifs.» (Ibid., p. 293.)

Il semble donc clair que, quelle que soit l'origine desmatériaux radio-
actifs, lesmodalités de leur stockage sous terre intéressenlta communauté
internationale. Le caractère poreux de l'atoll de Mururoa éveilledes
inquiétudestoutes particulièresen l'absence d'uneévaluationde l'impact
sur l'environnement relativenon seulement aux propriétés de rétention
du sol de Mururoa, mais également à sa capacitéde résistance àdes tirs
atomiques répétés.

Le danger que la libération de substances radioactives dans l'océan
représentepour la viemarine

Au vu de ces élémentso ,n ne saurait dire que la Nouvelle-Zélande n'a
pas établi,au moins primafacie, qu'il existe un risque de rupture de la
structure de l'atoll et de libération dans l'océande grandes quantités dedéchetsradioactifs accumulés.Bien entendu, une telle thèse peut être
réfutéepar des preuves scientifiquesappropriéesmais, tant que ce n'est
pas le cas, la Nouvelle-Zélande est fondée à affirmer que la contamina-
tion radioactive générép ear les explosions nucléairesporte aujourd'hui
atteinte à ses droits, tout comme elle y portait atteinte en 1973.
Alors que lemonde a constatéleseffetssur la chaînealimentaire, àdes
distances de plusieurs centaines de kilomètres,de l'accident deTcherno-

byl, il est permis de se demander quels effets une telle libération de
radioactivitépourrait avoir sur la chaîne alimentaire marine. Ces ques-
tions méritent d'autant plus d'êtreposéesque la France n'a effectué
aucune évaluationde l'impact sur l'environnement avant d'entreprendre
la série actuelle d'essais.
Une fuite radioactive qui affecterait la chaîne alimentaire dans le
Pacifiqueléseraitdans leursdroits non seulementles Néo-zélandais,mais
égalementtous les peuples du Pacifique, dont beaucoup sont tributaires
pour leur subsistance des ressources de la pêche.Mêmesi lesquantitésen
cause étaientminimes, il n'en faudrait pas moins prendre en considéra-
tion le risque que la contamination radioactive touche le plancton et
remonte la chaîne alimentaire pour atteindre toutes les formes de vie

marine. Les espècesmigratoires telles que le thon pourraient propager
très loin cette contamination de la chaîne alimentaire. Si les déchets
radioactifs accumulés par suite de plus d'une centaine d'explosions
devaient s'échapperen raison d'une rupture ou d'une fissuration impor-
tante de la structure de l'atoll, les conséquencespourraient bien être
catastrophiques.
La période radioactivedes produits dérivés oscilleentre quatorze mille
et vingt-quatre milleans. Celledu plutonium 239est de vingt-quatre mille
ans et celle du plutonium 240 de six mille cinq cent soixante-dix ans,
d'aprèsles réponsesque les Parties ont apportées à une question que je
leur avais poséelors des audiences.

Il est permis de se demander si le Gouvernement français peut réelle-
ment garantir d'une façon ou d'une autre que lesproduits dérivésgénérés
par plus d'une centaine d'explosions nucléairesresteront confinésen
toute sécuritédans la fragile structure de Mururoa pendant plusieurs
dizaines de milliers d'années.On doit donc s'inquiéter de l'éventualité
d'une telle contamination. L'atoll s'est déjà fissurpar suite d'explosions
précédentesdont la puissance de feu totale représenteplus de cent cin-
quante fois celle de la bombe d'Hiroshima1. Tout habitant des îles du
Pacifique pourrait assurément nourrir de sérieusescraintes quant à la
capacitéde la structure friable et poreuse de l'îlede résisterintrinsèque-
ment à la force dégagée par l'explosion,ne fût-ce que d'une seule bombe

du mêmetype que celle d'Hiroshima. Dans l'ensemble,les habitants des

'Voir la liste des essais nucléaires àMururoa et à Fangataufa: annexe 4 de
la demande néo-zélandaise d'examen de lsaituation, tiréedehez et R. Lecomte,
Les atolls de Mururoa et de Fangataufa, 1995,vol. II. DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISS.WEERAMANTRY) 357

îles du Pacifiquesont totalement tributaires de la mer, et il n'est donc pas
étonnantque certains d'entre eux attendent au seuil de la Cour, espérant
être entendus dansle cadre de leur intervention au sujet d'une question
qui revêt uneimportance fondamentale pour leur santé, leur mode de vie
et leurs moyens de subsistance.
Eu égard à l'évolution du droit international, qui inclut la notion de
droits des générations futureset de responsabilités leur égard,il s'agit
en l'espèced'un risque écologiquedont la Nouvelle-Zélandeet les Etats
insulaires concernéspar sa demande sont fondés prima facie àtirer grief
en l'absence de preuve contraire apportée par la France. Il se pourrait
que la France dispose de documents susceptibles d'emporter la convic-
tion de la Cour sur ce point, mais ellene les a pas produits. Compte tenu
de la situation géologique,une garantie de stabilitéde la formation insu-

laire considéréependant des centaines de milliers d'annéesne semblepas
êtrede l'ordre des probabilités ou des possibilités.
Quant à la Nouvelle-Zélande, elle a précisé, dèsle début de cette
affaire, que sa demande se fondait notamment sur les ((appréhensions ...
l'anxiétéet...l'inquiétude[causées]aux habitants et aux Gouvernements
de la Nouvelle-Zélande, desîles Cook, des îlesNioué etTokélaou)),ainsi
que sur la violation de ses droitsà exploiter les ressources de la mer.
Telles étaientles préoccupations de la Nouvelle-Zélandeen 1974et ces
inquiétudes particulières sont aujourd'hui ravivéespar les essais nu-
cléairesactuels.

La possibilitéd'accidents

Toute activitéhumaine.mêmeentrevrise dans les meilleuresintentions
et dans le meilleur cadre réglementaire,doit toujours tenir compte de la
possibilité d'un accidentpar suite de quelque circonstance imprévue.
L'histoire des essais souterrains Mururoa n'a pas été exempte d'acci-
dents.
Selon la Nouvelle-Zélande,il a étéreconnu dans une publication offi-
cielle du commissariat françaisà l'énergieatomique que l'on avait fait

exploser un engin coincédans le puits de détonation à une profondeur
d'environ 987 mètres,c'est-à-dire inférieurede110mètres à celleprévue.
Cet essai a entraîné un glissement sous-marin d'environ un million de
mètres cubes dematériaux arrachés à la masse de l'atoll, ce qui a pro-
voqué untsunami qui a déferlé sur une partie de l'atoll et blességriève-
ment deux personnes.
La Nouvelle-Zélandea mentionnéles autres accidents suivants:
«a) Enjuin 1987,lesautorités françaises à Mururoa ont concédé au

commandant Cousteau qu'il y avait eu une fuite accidentelle
d'environ 1,5 térabecquerel d'iode radioactive et d'autres ma-
tières volatiles.
b) En 1992,lesexperts du serviceintégréde sûretéradiologiquede
Mururoa ont reconnu que 0'2térabecquereld'iode radioactive
avait étéaccidentellement libéré en1990dans des circonstances analogues.» (Demande d'examen dela situation présentéepar
la Nouvelle-Zélande,par. 54.)

Eu égard aux informations soumises à la Cour par la Nouvelle-
Zélande,telles qu'elles sont résuméesci-dessus, et en l'absence dedon-
néesscientifiques spécifiquesou d'études d'impact sur l'environnement
produites par la France, la possibilité d'accidents estun autre élétuiq
contribue à étayer lathèseprima facie que la Nouvelle-Zélandedevait
établir.
Les droits maritimes de la Nouvelle-Zélandesont au nombre de ses
droits importants qui sont mis en péril.Dans la requête introductive
d'instance qu'ellea déposéeen 1973,la Nouvelle-Zélandevisait la viola-
tion de ses droits résultant de la contamination radioactive généréear
les explosions nucléairesfrançaises dans le Pacifique. La crainte d'une

telle pollution radioactive, qui avait conduit la Nouvelle-Zélandeaisir
la Cour en 1973,réapparaît aujourd'hui.
Le caractère raisonnable de cette crainte a été démontré au moins
primafacie, ce qui permet à la Nouvelle-Zélande desoutenir que le fon-
dement de l'arrêt de1974,qui la protégeait contre une telle contamina-
tion radioactive, a étéremis en cause.
C'est pourquoi, à mon avis, la Cour aurait dû passer au stade suivant
de l'examen de la demande néo-zélandaise, à savoir l'examen du bien-
fondéde la demande en indication de mesures conservatoires.

Cette procédureaurait constituéune phase nouvelle de l'affaire intro-
duite par la requêtenéo-zélandaise de1973.

La situation des Etats demandant à intervenir
Il découle desvues expriméesci-dessusquela Cour aurait dû examiner
s'ilconvenait d'admettre les requêtesà fin d'intervention présentéespar

l'Australie, le Samoa, lesIles Salomon, les Iles Marshall et les Etats
fédérés de MicronésiC e.es Etats prétendaient qu'un intérêt d'ordre juri-
dique étaitpour eux en cause, qu'ilsne cherchaientpasàporter devant la
Cour un nouveau différend,mais demandaient à faire valoir leursintérêts
d'ordre juridique dans le cadre d'un différendexistant, conformément à
l'article 62 du Statut. Ils nourrissent des inquiétudes très concrètesquant
à leur droit incontestablà la préservation deleur environnementcontre
tout risque de contamination radioactive résultant de la conduite d'un
autre ~tat. A l'évidence, in'ont pas ménagéleurs efforts pour recher-
cher des conseilsjuridiques, rassembler des donnéesde fond et déposer

des dossiers soigneusement préparés à l'appui de leurs requêtes à fin
d'intervention.
Sous cet angle également,il eût été conforme aux intérêts fondamen-
taux de la justice que la Cour tranche différemmentla question prélimi-
naire pour passer ensuite un examen plus approfondi du problème. Les
Etats demandant à intervenir auraient alors été entendus sur leur dràit
cet égard.Si,àl'issued'une audience,la Cour avait estiméqu'ilsn'avaientpas le droit d'intervenir, ils seraient repartis, satisfaits d'avoir été enten-
dus sur leur droit d'intervention et convaincusque lesrèglesde procédure
relativesà l'intervention ne permettaient pas à la Cour d'admettre leur
requête.En l'occurrence, ilsont quitté laCour sans mêmeavoir pu être
entendus.

Le caractère tout à fait inhabituel de cette affaire appelle quelques
réflexionssur la nature du processus judiciaire. Ces observations valent
autant pour lesjuridictions de l'ordre interne que pour celles de l'ordre
international, puisque le juge est dans un cas comme dans l'autre au
servicede la iustice.
Je souhaiterais tout d'abord citer les propos du juge Cardozo, l'un des
plus éminentspenseurs sur le sujet du processus judiciaire. La remarque
expriméepar M. Cardozo s'applique égalementau juge international à
condition que l'on remplacedans lepassage ci-aprèsl'expression«d'affai-
res» par «de conventions internationales, coutume internationale, prin-

cipes générauxdu droit, décisionsjudiciaireset doctrine des publicistes)).
M. Cardozo fait observer que le juge n'a pas pour simple mission de
trouver dans le nuancier ouvert sur son bureau la couleur correspondant
à l'affaire dont il est saisi:
«Si c'esttout ce que l'on exigeaitde nous, cela neprésenterait que
très peu d'intérêitntellectuel. Celui qui auraità sa disposition le

meilleur fichier d'affaires serait égalementle meilleur juge. C'est
quand les couleursne s'accordent pas, quand le fichiern'offre pas de
référenceq, uand il n'y a pas de précédentdécisif,que le travail du
juge commence sérieusement.))(Benjamin N. Cardozo, The Nature
of the Judicial Process, 1921, p. 20-.)

Or la présente instancene s'accorde avec aucune nuance de la palette,
qu'on la cherche dans les conventions internationales, la coutume inter-
nationale, les principes générauxdu droit, les décisionsjudiciairesou la
doctrine des publicistes. Elle représente un défipour la Cour.
C'est également uneaffaire dans laquelle le raisonnement logiqueper-
met aussi bien d'arriverà une conclusion qu'à son contraire. Le raison-
nement que j'ai exposédans la présente opinion dissidente amène à
conclure que l'arrêtde la Cour de 1974permettait à la Nouvelle-Zélande
de saisir la Cour dans l'éventualité oùdes dommages analogues seraient
causéspar un moyen autre que des essais atmosphériques.Dans sa déci-
sion relativeà la présente demanded'examen, la Cour, par un raisonne-
ment lui aussi logique, parvientàla conclusionopposée, à savoir que les

essais atmosphériqueset eux seuls formaient l'objet de l'arrêt de1974.
Feu M. Julius Stone, qui a occupéune position éminentedans le monde
du droit international et qui, en outre, a étél'un des chercheurs les plus
pénétrants quise soient penchéssur le raisonnement judiciaire contem-porain, a parlé, à propos de telles situations, de «marges de choix judi-
ciaire))(Legal System and Lawyers'Reasonings, 1964;voir en particulier

le chapitre 8 intitulé: ((Reasons and Reasoning in Judicial and Juristic
Argument »).
Nous entrons ici dans un domaine que la philosophiedu droit a large-
ment explorédepuis prèsd'un siècle.En 1897,l'éminentjuge M. Holmes
a formuléle problème en des termes devenus classiques. Il a relevéque
I'illusionde

«la méthode logiqueet du respect des formes flatte ce désir de cer-
titude et de tranquillitéque nourrit chaque esprit humain. Mais la
certitude est en général illusionet la tranquillité n'est pas inscrite
dans le destin de l'homme. Derrière la forme logique se cache un

jugement quant à la valeur et à l'importance relatives de moyens
juridiques rivaux; certes, cejugement est souvent implicite et incons-
cient, mais il est néanmoins à la racine mêmedu processus, dont il
est le filconducteur. Toute conclusion est susceptiblede recevoir une
forme logique.))(«ThePath of the Law», HarvardLaw Review,1897,
vol. X, p. 466.)

Depuis lors, de très nombreux ouvragesont éclairé la question. Peut-être
cesréflexionsrelatives au processusjudiciaire ont-ellespour la Cour, plus
encore que pour toute juridiction de l'ordre interne, une pertinence
particulièrement actuelle, puisque le droit international s'enracine plus

profondément dans la philosophie que la plupart des autres disciplines
juridiques. Desauteurs tels queLlewellyn,Cardozo, Perelman,Julius Stone,
pour n'en citerque quelques-uns,nous ont permis de mieux comprendre
que les formes du raisonnement logique ne mènentpas nécessairement à
une conclusion unique.
Le juridisme et la logique juridique ne nous sont d'aucun secours
devant une bifurcation. Les courants de pensée réalisteet sociologique
éclairent considérablementce problème, qui concerne aussi bien la Cour

que lesjuridictions de l'ordre interne dans l'exercicede leur fonction judi-
ciaire.
La pertinence de cette approche pour des affaires marquantes comme
celle des Essais nucléairesn'est pas passéeinaperçue. Dans plusieurs des
nombreux articles de doctrine qu'ont suscitésles décisions de1973et de
1974l, ces dernièressont examinées sous l'angledes courants de pensée

Voir, par exemple, John Dugard, «The Nuclear Tests Cases and the South West
Africa Cases Some Realism about the International Judicial Decision», Virginia Journal
ofInternalional Law, 1975-1976,vol. 15,p. 463-504;Jerome B. Elkind, ((Footnote to the
Nuclear Test Case:Abuse of Right- A Blind Alley for Environmentalists», Vanderbilt
Journal of TransnationalLaw, 1976,vol. 9, p. 57-97; Thomas M. Franck, «Word Made
Law: The Decision of the ICJ in the Nuclear Test Cases»,American Journal of Interna-
tional Law, 1975, vol. 69, p. 612-620; Dinesh Khosla, ((Nuclear Test Cases: Judicial
Valour v.Judicial Discretion)), Indian Journal of internationalLaw, 1978,vol. 18,p. 322-
Harvard International Law Journal, 1975,vol. 16,p. 614-637.nce v. Atomic Blasts~,philosophiques correspondant aux écolesréaliste et sociologique du
droit l,compte tenu de leur importance capitale pour le processus judi-
ciaire international. Les limites de la logique et de l'analyse juridique
formaliste seront sans aucun doute examinéesde façon analogue à la
suite de la décisionque vient de rendre la Cour en l'espèce.
Les questions portées devant laCour revêtentune importance capitale.

Selon la Nouvelle-Zélande,il en va de l'intégrité de la vie marine dans le
Pacifiquependant une duréeplusieurs fois égale à vingt-quatre mille ans,
soit la période radioactivede l'un des produits dérivés des explosions
nucléaires,s'ilparvenaitjusqu'à la mer.Il a étéétabliprimafacie qu'ilétait
possibleque lesdéchetsradioactifs accumuléspar suite descent vingt-sept
explosions nucléaires effectuée usniquement à Mururoa soient libéréd sans
l'océan. Eneffet,lesdéchets accumuléssont actuellementconfinésdans un
milieu dont la stabilitéest gravement mise en doute. C'est une question
importante qui mériteexamen et qui éveille les même craintes de conta-
mination radioactive que cellesqui avaient été examinée en 1973. Il a été
établiprima facie que cesquestionsméritaientun examenplus approfondi.

La Cour a refuséde procéder à un tel examen au motif que le para-
graphe 63 de l'arrêt de1974 ne se rapportait qu'aux essais atmosphé-
riques, bien que, dans la requête présentéeàla Cour, la Nouvelle-Zélande
ait viséde manière générale les explosions nucléairesdans le Pacifique.
C'est là une interprétationrestrictive qui, de toute évidence,n'étaitpas la
seule interprétation raisonnable justifiable au regard de la logique. Cette
interprétation restrictive et rigoureuse conduit à négligerdes questions
d'une importance capitale pour l'environnement mondial, sans mêmeles
soumettre àun examen préliminaire.Une interprétationplus souple, éga-
lement possible, n'a pas été retenue. Ce dernier typed'interprétation -
que la Cour aurait pu à mon avis adopter - aurait dû prévaloir, eu égard
à l'importance des questions en cause.

11peut êtreintéressant à cet égardde rappeler les vuesque deuxjuges
éminentsont expriméessur la Cour. Il s'agit d'abord du point de vue de
M. Lauterpacht, cité, visiblement avec faveur,par M. Fitzmaurice:
«tant à l'égard desparties que dans l'intérêt génér daul droit, la
fonction d'une juridiction telle que la Cour internationale de Justice
peut aller bien plus loin d'une simple décision et au-delà des ques-

tions dont l'examen suffit d'un point de vue technique à motiver la
décision))(sir Gerald Fitzmaurice, The Law and Procedure of the
International Court of Justice, 1986,vol. II, p. 653).
Comparant une juridiction inférieure avecune juridiction situéeau
sommet de l'organisation judiciaire,M. Fitzmaurice a quant à lui affirmé:

'Voir Edward McWhinney, The World Court and the Contemporary International
Law-Making Process, 1979,p. 34; voir également Edward McWhinney, ((International
Law-Making and the Judicial Process: The World Court and the French Nuclear Tests
Case», Syracuse Journal of International Law and Commerce, 1975,vol. 3, no 1, p. 9. «Une simple décision ouconstatation qui réponden grandepartie
aux fins dela fonction dejuge d'une cour de magistrat ou d'une cour
de comténe suffira pas, s'agissantde la cour d'appel, de la Chambre

des lords, ou du comité judiciaire du Conceil privé, ou de leurs
équivalentsdans d'autres pays. En tout étatde cause, lesjuridictions
internationales considèrent généralementqu'ielntrepour une grande
part dans leur mission non seulement de statuer mais, ce faisant,
d'exposer entermes générauxle droit applicable aux questions tran-
chées.» (Op. cit., p. 648.)

La Nouvelle-Zélandea solidement établisa thèseprima facie devant la
Cour. Celle-cin'en étaitpas, il s'enfaut, au stade d'une conclusion posi-
tive sur lesfaits. Au stade où l'affaire en était,la Cour devait uniquement
déterminer si,primafacie, elleétait fondée à examinerla questionimpor-

tante portée devant elle.
Si deux points de vue étaientadmissibles en la matière,la Cour aurait
dû àmon avis retenir celui qui n'excluaitpas tout examen mais laissait la
question ouverte, ppur pouvoir rendre une décisiondéfinitivelorsque les
deux Parties auraient présentél'ensemble deleurs arguments, et qu'elle
aurait étémieux à mêmede décider. Lorsque à ce stade initial la Cour
décidequ'une thèsen'a pas étéétablie,même prima facie - thèsequi, si
elle avait étéétablie,lui aurait permis d'examiner l'affaire de façon plus

approfondie -, elle rend en fait prématurémentune décision définitive
sur une question de la plus haute importance, non seulement pour le
demandeurqui s'estprésentédevant elle, mais aussi pour la communauté
internationale tout entière.
Je regrette que la Cour n'ait pas saisi l'occasion d'examinerde façon
plus approfondie cette question et d'apporter sa contribution à certains
des principes les plus fécondsde l'ensemble envoie d'évolutiondu droit

international de l'environnement '. La Cour est restéetrop longtemps
silencieusesur ces problèmes,et l'on peut se demander en reprenant une
question empreinte de sagesse traditionnelle: «Si ce n'est maintenant,
quand se prononcera-t-elle ?»

(SignéC )hristopher Gregory WEERAMANTRY.

Honnis les affaires de Certaines tàrphosphatesà Nauru (Nauru c. Australie)
(C.Z.J. Recueil 1992), du Détroit de Corfou(C.Z.J. Recueil 1949) et des Essais nucléaires,
la Cour n'a apporté aucune contributiànce domaine capital du droit international
contemporain. La première affaire n'était relativeau droit de l'environnement que de
façon accessoirepuisqu'ellea été aerès l'arrêt dCour sur les exceptions prélimi-
naires. L'affaire duroitde Corfou a poséle principe important du droit de l'environ-
nement selon lequel, si une nation sait que des effets dommageables peuvent êtrecausésà
d'autres nations par des faits dont elle a connaissance mais qu'elle nerévèlepas, elle sera
responsable envers la nation victime du dommage. Dans les affaires descléaires
ment dont elle avait été saisie.a principale question relative au droit de l'environne-

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE WEERAMANTRY

TABLE OF CONTENTS

Pages
INTRODUCT~ON 320
Unusual nature of New Zealand's Request 320
Background to the Court's Judgment in 1974

Questions of jurisdiction and admissibility
SOME PRELIMINAR QYUESTIONS 322

1sthe 1974case dead? 322
1sparagraph 63 self-contradictory? 323
Can New Zealand's Requestbe disposed of administratively? 324

New Zealand's complaints in 1973
The state of knowledge in 1974
New Zealand's present grievances

The terms of paragraph 63

The Court's formulation of the bases of the 1974Judgment
The concentration in 1974upon atmospheric tests
The substance of the grievanceand the means by which it is caused
Some principles of interpretation
Significance ofopening sentenceof paragraph 63
Significanceof the last sentence of paragraph 63
The special need for a precautionary clause

The grant of interim measures
The approach of the Court to preliminary measures in 1973

The inter-temporal principle 339
The concept of intergenerational rights 341

The precautionary principle 342
Environmental Impact Assessment (EIA) 344
The illegalityof introducing radioactive wasteinto the marine environ-
ment 345
The principle thatamage must not be caused to other nations 346 OPINION DISSIDENTE DE M. WEERAMANTRY

[Traduction]

TABLE DES MATIÈRES
Pages

320
Le caractère inhabituel de la demande néo-zélandaise
Le contexte de l'arrêt rendpar la Cour en 1974
Les questions de compétence et de recevabilité

QUELQUES QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

L'affaire de 1974est-elle close?
Le paragraphe 63 comporte-t-il une contradiction interne?
La demande néo-zélandaise peut-elleêtre traitéepar la voie adminis-
trative?

LA COINCIDENCE ENTRE LES GRIEFS DE LA NOUVELLE-ZÉLA ND1E973 ET
EN 1995

Les griefs de la Nouvelle-Zélandeen 1973
L'étatdes connaissances en 1974
Les griefs actuels de la Nouvelle-Zélande

Les termes du paragraphe 63
La manièredont la Cour a formuléles fondements de l'arrêtde 1974
La place centrale accordéeaux essais atmosphériquesen 1974
Le fond des griefset les moyens qui en étaientla cause
Quelques principes d'interprétation

La portéede la phrase liminaire du paragraphe 63
La portéede la dernière phrasedu paragraphe 63
La nécessitéparticulièred'une clause de précaution

L'indication de mesures conservatoires
La manière dont la Cour a abordéen 1973 la question des mesures
conservatoires

Le principe de l'intertemporalité
La notion de droits appartenant aux générationsfutures
Le principe de précaution
Evaluation de l'impact sur l'environnement
Le caractère illicite de l'introduction de déchets radioactifsdans le
milieu marin
Le principe selon lequel aucun dommage ne doit êtrecausé aux
autres nationsHASNEWZEALANM DADEOUT A PRIMA FACIE CASE? 347
The approach to the question proof 347
The scientificfact-finding missions 348

The nature of underground nuclear tests 350
The structure of Mururoa and Fangataufa atolls 351
The impact upon the atolls of previous explosions 352
The impact upon Mururoa of the proposed new series of explosions 352

The internationally accepted safetystandards for the storageof radio-
active wastes 353
The danger to marine life of the release of radioactive substances
into the ocean 355
The possibility of accident 357

The position of the intervenors 358 DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISS. WEERAMANTRY) 318

LANOUVELLE-~ÉLAA N-T-ELL ETABLI SA THÈSEPRIMA FACIE?

La question de la preuve
Les missions d'enquêtescientifique
La nature des essaisnucléaires souterrains
La structure des atolls de Mururoa et de Fangataufa

L'impact des explosionsprécédentessur les atolls
Les répercussions sur Mururoa de la nouvelle séried'explosions
projetée
Les normes de sécurité admises à l'écheloninternational quant au
stockage des déchets radioactifs
Le danger que la libération de substances radioactives dans l'océan
représentepour la vie marine
La possibilitéd'accidents

La situation des Etats demandantà intervenir This is a Request by which New Zealand seeksthe continuation of the
proceedings it filed in 1973.New Zealand is not entitled to commence
fresh proceedings against France in view of the steps taken by France,
sincethe institution of the case in 1973,to withdraw the bases ofjurisdic-
tion under which that case was filed. New Zealand's Request for an
Examination of the Situation can only be entertained by the Court if it
constitutes another phase of those earlier proceedings. The burden lies
upon New Zealand to demonstrate this.
The fundamental question before the Court in this Request is whether
the "basis of this Judgment" of this Court in 1974has been "affected",
for the Court in that Judgment left open to New Zealand the right to
approach this Court again in that event. That question can only be
decided by a two-fold process - an examination of the meaning of the
term "basis of this Judgment" and an examination of such factual
material as New Zealand places before the Court to show that that

"basis" has been "affected".
1 regret that the Court has chosen to determine the entire Request,
involving, though it does, matters of profound moment to the entire glo-
bal community,upon what seemsto me to be an unduly limited construc-
tion of the phrase "basis of this Judgment", without a determination on
the second question essential to its decision, namely, whether New Zea-
land has made out a prima faciecase on the facts that such basis has been
affected. It seems to me the two questions are integrally linked. Asis so
often the case with questions affecting the competence of the Court, a
decision in this case can only be arrived at through an interaction of the
legal and factual elementsinvolved (seeIbrahim F. 1.Shihata, The Power
of the International Court to Determine Its Own Jurisdiction, 1965,
p. 299).

The phrase "basis of this Judgment" necessitates an enquiry into the
grievance which brought New Zealand to the Court, the object of the
proceedings, the remedies contained in the Judgment, the basis of facts
and knowledgeunderlyingthe Judgrnent,the reasoning or ratio decidendi
of the Judgrnent and, in short, the overall context in which the operative
words are set. My conclusion, having regard to al1these matters, is fun-
damentally differentfrom that of the majority of my colleagues.The dif-
ference between the two approaches touches the fundamentals of the
judicial process as 1 understand it, and this opinion contains some
necessary observations in this regard.
The ensuingopinion is an attempt to describewhat 1conceiveto be the
correct approach to the momentous question which New Zealand's
Request brings before the Court. In making these observations, 1bear in
mind of course that the scope of New Zealand's present Request is cir-
cumscribed within the limits of the initial pleadings on which that case

commenced and that New Zealand can claim no more now than it
claimed then. No grievances, no reliefs, no orders can be pleaded or Par sa demande, la Nouvelle-Zélande cherche à poursuivre l'instance

qu'ellea introduite en 1973.Elle n'est pas fondéeà engager une nouvelle
action contre la France puisque celle-ci, depuis l'introduction de l'ins-
tance en 1973,adénoncé les basesdecompétencequiavaientété invoquées
dans cette affaire. La Cour ne peut connaître de la demande d'examen de
la situation présentéepar la Nouvelle-Zélandeque s'il s'agit d'une nou-
vellephase de cetteinstance précédenteC . 'est la Nouvelle-Zélandequ'il
incombe de le démontrer.
Cette demande pose à la Cour la question fondamentale de savoir si le
((fondement [de l']arrêt» rendupar la Cour en 1974 a été ((remis en
cause», puisque la Cour avait réservdans cet arrêtledroit de la Nouvelle-
Zélandede revenir devant elle dans cettehypothèse. On ne peut trancher
cette question qu'en se livrant à un double examen: celui du sens de
l'expression((fondementdu présentarrêt »et celui des donnéesfactuelles
que la Nouvelle-Zélandea soumises à la Cour pour établir quele «fon-

dement» avait été((remisen cause».
Je regrette que la Cour ait choisi de se prononcer sur l'ensemble dela
demande - alors que celle-ci soulevait des questions d'une impor-
tance fondamentale pour la communauté internationale tout entière -
en se fondant sur ce qui me paraît êtreune interprétation par trop res-
trictive de l'expression((fondementdu présentarrêt»et en s'abstenant de
traiter la deuxièmequestion essentiellepour sa décision,c'est-à-direcelle
de savoir si la Nouvelle-Zélandeavait, faitsà l'appui, établiprima facie
aue ce fondement avait étéremis en cause. Il me semble aue ces deux
aspects sont indissociables. Comme c'est très souvent le cas pour les
questions touchant à la compétence dela Cour, on ne peut parvenir à
une décision enl'espècequ'en se fondant sur l'interaction des éléments
juridiques et factuels en cause (voir Ibrahim F. 1. Shihata, The Power
of the International Court to Determine Its Own Jurisdiction, 1965,

p. 299).
L'expression ((fondement du présent arrêt))appelle un examen des
griefs qui ont amenéla Nouvelle-Zélande à saisir la Cour, de l'objet de
l'instance,des voiesde droit que comporte l'arrêt,des faitset des connais-
sancesquiconstituaient le fondement de l'arrêt, du raisonnementou de la
ratio decidendide l'arrêt,en bref, du contexte générlans lequel s'inscrit
le dispositif.Ma conclusion, eu égardà tous ces aspects, diffèreradicale-
ment de cellede la majorité demes collègues.La différenceentre les deux
approches a trait aux principes essentielsdu processusjudiciaire tel queje
le conçois, et la présenteopinion contient certaines observations indis-
ensables à cet é.,rd.
Dans la présenteopinion, je m'efforcerai d'exposercomment, selon
moi, la question importante portée devant la Cour par la demande néo-
zélandaiseaurait dû êtretraitée. En faisantcesobservations,je garde bien

entendu à l'esprit quela portéede la demande actuelle de la Nouvelle-
Zélandeest circonscrite par la teneur des piècesde procédurede l'affaire
initiale et que la Nouvelle-Zélandene peut pas demander davantage
aujourd'hui qu'elle ne demandait alors. Elle ne saurait faire valoir desought other than those which are strictlywithin the limits of that origi-
nal Application.

UnusualNature of New Zealand's Request

This Request for an Examination of the Situation is probably without
precedent in the annals of the Court. It does not fit within any of the
standard applications recognized by the Court's rules for the revision or
interpretation of a judgment rendered by the Court. It is an unusual
request generated by an unusual provisioncontained in the Court's Judg-
ment of 1974.
Paragraph 63 of that Judgment reads as follows:

"Once the Court has found that a State has entered into a com-
mitment concerningits future conduct it is not the Court's function
to contemplate that it will not comply with it. However, the Court
observes that if the basis of this Judgment were to be affected, the
Applicant could request an examination of the situation in accord-
ance with the provisions of the Statute; the denunciation by France,
by letter dated 2 January 1974, of the General Act for the Pacific
Settlement of International Disputes, which is relied on as a basis
of jurisdiction in the present case, cannot constitute by itself an
obstacle to the presentation ofsuch a request." (Nuclear Tests (New

Zealand v. France), 1.C.J. Reports 1974, p. 477.)
Paragraph 63 was a precautionary provision which the Court included
in its Judgment when it decided to act upon a unilateral declaration by
France that it would discontinueatmospheric testing of nuclear weapons
- a declaration which it considered to be legally binding. The Court
used its undoubted powers of regulating its own procedure to devise a
procedure suigeneris.

This procedure went beyond the provision for interpretation of a judg-
ment contained in Article 60 of the Court's Statute and the provision for
revision contained in Article 61. The Court no doubt considered that in
the circumstances before it, it needed to go beyond either of those pro-
visions. It was seeking tomeet a need different from the need for inter-
pretation or for revision of the Judgrnent. It was also openingthe door to
New Zealand in a manner which reached beyond the period of limitation
attached to applications for revision.
The rationale of the Court's action was totally different from the
rationale underlying revision, forrevision involvesan alteration or modi-
fication of the Judgment, whereas the Court's action was aimed at
preserving the Judgment in its full integrity, in the event that some event
had occurred whichundermined the basis of the Judgment. Moreover, had DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISS .EERAMANTRY) 320

griefs,ni solliciter de décisionsou d'ordonnances qui ne s'inscriraientpas
strictement dans le cadre de sa requête initiale.

Le caractèreinhabituelde la demandenéo-zélandaise

Cette demande d'examen de la situation est probablement sans précé-
dent dans les annales de la Cour. Elle ne s'apparente à aucune des
demandes classiquesprévuespar le Statut et le Règlement dela Cour aux
fins de larevision ou de l'interprétation d'unarrêtrendu par la Cour.
C'est unedemande insolite, fondée sur une disposition insolite de l'arrêt
de la Cour de 1974.
Le paragraphe 63 de cet arrêtest ainsi libellé:

«Dèslors que la Cour a constaté qu'unEtat a pris un engagement
quant à son comportement futur, il n'entre pas dans sa fonction
d'envisager que cet Etat ne le respecte pas. La Cour fait observer
que, si le fondement du présent arrêtétaitremis en cause, le requé-
rant pourrait demander un examen de la situation conformément
aux dispositionsdu Statut; la dénonciationpar la France, dans une

lettre du 2janvier 1974,del'Actegénérap lour lerèglement pacifique
des différendsinternationaux, qui est invoquécomme l'un des fon-
dements de la compétencede la Cour en l'espèce, nesaurait en soi
faire obstacleà la présentation d'une telle demande.)) (Essais nu-
cléaires(Nouvelle-Zélandec. France), C.I.J. Recueil 1974, p. 477.)

La Cour a inséré le paragraphe 63 dans son arrêt à titre de précaution
lorsqu'elle a décidé deprendre acte d'une déclaration unilatéralede la
France - dont la Cour a estiméqu'elleétaitjuridiquement contraignante
- aux termes de laquelle la France s'engageaità mettre fin à ses essais
atmosphériques d'armes nucléaires. LaCour a fait usage de sa compé-
tence incontestéed'arrêtersa propre procédurepour prescrire une procé-
dure sui generis.
Cette procédure allait au-delà des dispositions des articles 60 et 61 du

Statut de la Cour relatifs respectivemenàl'interprétationetàla revision
d'un arrêt.Assurément, la Cour a estiméque, vu les circonstances, elle
devait aller au-delà de l'une et l'autre de ces dispositions. Elle a ainsi
cherché à répondre àun besoin autre que l'interprétation ou larevision
de l'arrêt.Elle a égalementouvert à la Nouvelle-Zélandeune possibilité
qui s'étendaitau-delà du délaiimparti pour laprésentationd'unedemande
en revision.
Les motifs de la Cour étaient radicalementdifférentsde ceux qui sous-
tendent une revision, puisqu'une revision implique un remaniement ou
une modification de l'arrêt, alorsque la Cour visaitpréserver l'intégrité

de son arrêtau cas où il surviendrait un fait qui en remettrait en causele
fondement. En outre, si la Cour avait envisagéla revision, elle n'aurait321 REQUEST FOR AN EXAMINATION (DISS.OP.WEERAMANTRY)

revision been its intention, there was no necessityfor the Court to make
any special provision as the Statute would have operated automatically.
1 therefore see no merit in the submission that an application under
paragraph 63 is an application for revision under another guise. The two
procedures are totally different in conception, nature and operation.

In devising a special provision dealing with a situation that could
arise in the future and affect the basis of the Judgment, the Court was
demonstrating its anxiety to preserve intact the basic assumptions on
which the Judgment was constructed. We must conclude that the Court

considered the matter too important to be left unprovided for.

The Court, well aware of the provisions in its established procedure
relating to interpretation and revision,was not indulgingin an exercisein
tautology. It was devising an unprecedented procedure to meet an un-
precedented situation.

Background to the Court's Jzidgment in1974

The Court accepted the French declaration as reducing New Zealand's
claim to one which no longer had any object. Indeed, in the Court's view,
it had caused the dispute to disappear.

One can be in no doubt that the Court's understanding - and indeed
New Zealand's - at the timewas that the damage complained of by New
Zealand would come to an end in view of the undertaking by France.
Atmospheric tests were the only tests then being conducted by France in
the Pacific. An unequivocal indication was given that they would be
ended. To al1appearances the dispute was therefore at an end.
Yet the Court was dealing with a matter of the utmost importance to
the fundamental rights of the people of New Zealand. It did not leave
open any possibilities for circumstances yet unseen to undermine the
basis of its Judgment, nor did it leave New Zealand defenceless in the
protection of the very rights whose protection had brought it before the
Court in the first instance. Though fully satisfied that the objective of
New Zealand had been attained and the threats to its rights overcome, it

stilltook the precaution of introducing into its Judgment this clause of its
own devising.

It is under that clause that New Zealand requeststhe Court to consider
the situation in the light of its assertion that the current underground
nuclear testsproduce the same kind of radioactive contamination of its
environment as it complained of in 1973.

Questions of Jurisdiction and Admissibility

In the case instituted in 1973,the Court did not proceed to a finding on
questions of jurisdiction and admissibility. The Order of 22 June 1973pas eu besoin de prévoir une dispositionparticulière,puisquele Statut se
serait automatiquement appliqué.
En conséquence,la conclusion selon laquelle une demande présentée
au titre du paragraphe 63 est une demande en revision déguiséeme
semble dépourvuede fondement. La conception, la nature et la mise en
Œuvrede ces deux procédures sont totalement différentes.
En concevantune procédure particulièreapplicable à une situation sus-
ceptiblede seprésenter à l'avenir et de remettre en cause lefondement de
l'arrêt,la Cour a manifestéson souci de préserverl'intégritdes postulats
fondamentaux sur lesquelsreposait son arrêt. Il nous faut donc conclure
que, pour la Cour, l'importance de cette question justifiait une disposi-
tion expresse.

La Cour, pleinement au fait des dispositions de sa procédurerelatives
à l'interprétation eàla revision,ne s'estpas livréà un exercicede tauto-
logie. Elle a prévu uneprocédure inéditepour répondre à une situation
sans précédent.

Le contexte de l'arrêtrendu par laCour en 1974

La Cour a estimé quela déclaration française privait la requêtenéo-
zélandaise deson objet. De fait, elle a jugéque cette déclaration mettait
fin au différend.
Ilestcertainqu'à l'époquelaCour considérait-tout commela Nouvelle-
Zélande d'ailleurs - que le préjudicedont la Nouvelle-Zélandetirait
grief cesserait du fait de l'engagementpris par la France. Les seuls essais
auxquels cette dernière procédait alors dans le Pacifique étaient atmo-

sphériques.La France avait indiqué sans ambiguïtéqu'elley mettrait fin.
On avait donc toutes lesraisons de croire qu'il n'yavait plus de différend.
Néanmoins, la Cour setrouvait en présenced'une question qui étaitde
la plus haute importance pour les droits fondamentaux du peuple néo-
zélandais.Elle n'a pasvoulu permettre que des circonstancesalors impré-
vues viennent remettre en cause le fondement de son arrêt,ni laisser la
Nouvelle-Zélandeimpuissante à protégerles droits mêmesqu'elle avait
cherché à sauvegarder en saisissant initialement la Cour. Bien que cette
dernièrefût pleinement convaincue que l'objectif dela Nouvelle-Zélande
avait été atteint etque les droits de celle-ci n'étaient plusmenacés,elle a
néanmoins pris la précaution d'introduire dans son arrêtcette clause
conçue par elle.
C'est au titre de cette clause que la Nouvelle-Zélande prie la Cour
d'examiner la situation, en faisant valoir que les essais nucléairessouter-

rains actuels provoquent le mêmegenre de contamination radioactive de
son environnement que celle dont elle avait tirégrief en1973.

Les questions de compétenceet de recevabilité

Dans l'instance introduite en 1973,la Cour ne s'estpas prononcée sur
les questions de compétenceet de recevabilité.Dans l'ordonnance du322 REQUEST FOR AN EXAMINATION (DISS .P. WEERAMANTRY)

indicating certain provisional measures against the Parties was made on
the basis that :

"it cannot be assumed apriori that such claims fa11completely out-
side the purview of the Court's jurisdiction, or that the Government
of New Zealand may not be able to establish a legal interest in
respect of these claims entitlingthe Court to admit the Application"
(Nuclear Tests (New Zealand v. France), Interim Protection, 1. C.J.
Reports 1973,p. 140,para. 24).

There was thus no determination on questions of admissibility or juris-
diction prior to that Order, nor was there a finding on these matters at
any subsequent stage.
For the reasons set out above, this opinion does not in any way touch
upon the merits of New Zealand's claim. It will confine itself initially to
examining whether the basis of the 1974Judgment has been in any way
affected. It will benecessary for a determination of this question to refer
to some matters of fact set out in New Zealand's Request and Applica-

tion. But if these are referred to, they are only for an examination of the
question whether there is prima facie a situation which reactivates the
1973case through the key provided by paragraph 63 of the 1974Judg-
ment. It is impossible to determine whether the basis of that Judgment
has been affected without some reference to such questions of fact.

Is the 1974 Case Dead?

One of the basic positions of France is that the Judgment of 1974is
resjudicata and that the caseinstituted in 1973is dead. In the picturesque
language of its counsel, this was no legal Lazarus and no one could
revive it.

France also calls in aid, in support of this view, the fact that no aca-
demic writing and no publication of the Court lists New Zealand's case
against France as a case that ispending. Rather, it is listed evenin official
Court publications among cases that have been disposed of.

In addressingthis question, certain incontrovertiblepropositions must
first be noted:

- the Court itself has stated in the Judgment that New Zealand may
come back to the Court in certain eventualities, however one may
define them ;
- the Court specially fashioned this procedure to meet the particular
needs of this case;
- this right is given without any limitation of time;
- no academic publications, nor indeed any officialpublications of the
Court, can prevail against the express words of the Judgment itself;22 juin 1973par laquelle elle avait indiqué certainesmesures conserva-
toires, la Cour avait considéré:

((qu'on ne saurait supposer à priori que de telles demandes échap-
pent complètement à la juridiction de la Cour ou que le Gouverne-
ment néo-zélandaisne soit pas en mesure d'établir à l'égard deces
demandes l'existence d'un intérêt juridique autorisant la Cour à
accueillir larequête»(Essaisnucléaires(Nouvelle-Zélande c.France),

mesures conservatoires, C.I.J. Recueil 1973, p. 140,par. 24).
Les questions de compétenceet de recevabilitén'ont donc pas été tran-
chéesavant leprononcéde cetteordonnance, pas plus qu'ellesne l'ont été
par la suite.

Pour les raisons ci-dessus énoncées,la présenteopinion ne porte en
rien sur le fond de la demande néo-zélandaise.J'entends tout d'abord
borner mon examen à la question de savoir si lefondement de l'arrêtde
1974a été en quoi que ce soit remis en cause. Pour répondre à cette ques-
tion, il me faudra évoquer certaines donnéesde fait présentéesdans la
demandede la Nouvelle-Zélandeainsique dans sa requête. Maisje ne les
évoquerai que pour appréciersi, prima facie, les conditions sont réunies
pour rouvrir l'affaire de 1973par le biais du paragraphe 63 de l'arrêtde
1974. Il est en effet impossible de déterminersi lefondement de l'arrêta

étéremis en cause sans se référer à ces donnéesfactuelles.

L'affaire de 1974 est-elle close?

L'un desprincipaux arguments de la France est que l'arrêtde 1974a
force de chose jugéeet que l'instance introduite en 1973est close. Pour
reprendre le langage imagé deson conseil,il n'yaurait pas de Lazarejuri-
dique et personne ne saurait faire renaître l'affaire de ses cendres.
A l'appui de sa thèse, la France s'est égalementappuyée sur le fait

qu'aucun article de doctrine ni aucune publication de la Cour ne range
l'affaire entre la Nouvelle-Zélandeet la France parmi les affaires pen-
dantes. Au contraire, cette affaire est mentionnée,y compris dans les pu-
blications officiellesde la Cour, parmi les affaires terminées par unarrêt.
A ce propos, il convient tout d'abord de relever certains faits incontes-
tables :

- la Cour elle-même a affirmédans son arrêtque la Nouvelle-Zélande
avait le droit de revenir devant elle dans certaines circonstances -
quelle que soit la manièredont on puisse définir celles-ci;
- la Cour a expressémentconçu cette procédure pour répondre aux
besoins particuliers de l'affaire;
- ce droit a été accordé sans aucune conditionde délai;

- aucun article de doctrine ni mêmeles publications officiellesde la
Cour ne sauraient prévaloir sur le libelléexprès del'arrêt lui-même;- the Court was within its undoubted inherent powers of regulatingits
own procedure in making this provision in the Judgment ;

- the Court was concerned with possible future events which might
undermine the basis of the Judgment;
- the Court deliberately chose a procedure other than revision or inter-
pretation.

The argument that the case was dead is consequentlyone which seems
to fly in the face of the Court's own words which kept it alive in certain
eventualities. Far from being a revisionary procedure in another form,

paragraph 63 is an independent procedure standing in its own right.
Devised by the Court and carrying the full stamp of the Court's author-
ity, its express words contradict the contention that the case is dead.

Paragraph 63 enables the case to be reopened by New Zealand if, but
only if, the conditions it specifiesbe met - namely, that the basis of the
Judgment has been affected. If that paragraph comes into operation, the
case is revived, New Zealand's Request must be entertained by the Court
and New Zealand's request for provisional measures must be considered.
New Zealand would be approaching the Court under the very authority
of the Court itself. New Zealand's right to approach the Court and the
validity of New Zealand's Request to this effect cannot in these circum-
stances be in doubt. The Court would then also have to consider the

interventions byAustralia, Samoa, Solomon Islands,the Marshall Islands
and the Federated States of Micronesia.

If, on the other hand, New Zealand does not have the key with which
to open the door of paragraph 63,its Request must be dismissedand the
occasion for taking the other steps specifiedabove does not arise.
Whether New Zealand has that key - i.e., whether New Zealand is
able to show that the basis of the Judgment is affected - is the crux of
the matter before the Court.

1s Paragraph63 Self-contradictory ?

It was suggested in the course of the argument that the words "in
accordance with the provisions of the Statute" restrict New Zealand to
the specific forms of approaching the Court which are provided in the
Statute. 1do not read these words so narrowly, for such a reading would
negate the right which the Court was expressly givingto New Zealand by
paragraph 63.
I readthese words as meaning rather that the Court was ensuring that
New Zealand must follow the usual procedural formalities required of
any application made by any party to the Court.

1cannot subscribe to the viewthat the Court was giving NewZealand
a right in the earlier part of that sentencewhich it was immediately taking- lorsqu'elle a énoncé cette dispositionde l'arrêt, laCour a agi dans
l'exercicede son pouvoir inhérent d'arrêtersa propre procédure, qui
n'est pas contesté;
- la Cour s'inquiétaitde faits ultérieurs éventuels susceptibles de re-
mettre en cause le fondement de son arrêt;
- la Cour a délibérément choisi unp erocédureautre que la procédure
en revision ou en interprétation.

L'argument selon lequel l'affaire étaitclose semble donc aller directe-
ment à l'encontre des termes mêmesemployéspar la Cour, en vertu des-
quels l'affaire resteouverte dans certaines circonstances.Loin d'être une

procédureen revision sous une forme différente, la procédureviséeau
paragraphe 63a un caractèrepropre et autonome. Conçue par la Cour et
bénéficiant detoute l'autorité decelle-ci, saformulation expresse dément
la thèse selon laquellel'affaire est close.
Le paragraphe 63 autorise la Nouvelle-Zélande à rouvrir l'affaire si,
mais seulement si, les conditions qui y sont énoncéessont réunies, à
savoir sile fondementde l'arrêtest remis en cause. Siceparagraphe entre
en jeu, l'affaire est rouverte, et la Cour doit connaître de la demande
d'examen de la situation présentéepar la Nouvelle-Zélandeet examiner
sa demande en indication de mesures conservatoires. C'est en vertu de
l'autorisation expresse de la Cour elle-mêmeque la Nouvelle-Zélande

s'adresseraità elle. Dans ces conditions, le droit de la Nouvelle-Zélande
de saisir la Cour et la validité dela demande néo-zélandaise cet effet ne
sauraient êtremis en doute. La Cour devrait alors examiner aussi les
requêtes à fin d'intervention de l'Australie, du Samoa, des Iles Salomon,
des Iles Marshall et des Etats fédérédse Micronésie.
En revanche, si la Nouvelle-Zélanden'a pas la clef qui ouvre la porte
du paragraphe 63, sa demande doit être écartée eitl n'y a pas lieu d'exa-
miner les autres questions susmentionnées.
Le point de savoir sila Nouvelle-Zélande possèdecette clef,c'est-à-dire
si elleest en mesure de démontrer quele fondement de l'arrêta étéremis
en cause, est le nŒudde la question portée devant la Cour.

Le paragraphe 63 comporte-t-il une contradiction interne?

On a laisséentendre au cours des débatsque l'expression((conformé-
ment aux dispositions du Statut)) signifiait que la Nouvelle-Zélandene
pouvait saisir la Cour que par les voies expressément prévuesdans le
Statut. Je n'interprète pas cette expression de façon aussi restrictive car
une telle interprétation reviendraitnier le droit que la Cour a expressé-
ment conféré à la Nouvelle-Zélandeau paragraphe 63.

Pour moi, cette expression signifieplutôt que la Cour entendait que la
Nouvelle-Zélandeseplieaux exigencesde forme habituelles auxquellesdoit
satisfairetoute demande soumise àla Cour par quelque partie que ce soit.
Je ne saurais partager le point de vue selon lequel, dans la première
partie de la phrase considéréel,a Cour a accordé à la Nouvelle-Zélandeaway by restricting New Zealand's application to existing Court pro-
cedure which did not indeed provide for any such application. The
Court did not contradict itself in this manner, and to suggest as much
is to do little credit to the remarkable foresight exhibited by the Court
in providing New Zealand with the right which it did.

The Court's first task therefore is to examine whether New Zealand
has brought before it circumstances which affect the basis of the 1974
Judgment. If it has, the Court must then proceed, in terms of its own

Judgrnent, to examine those circumstances with the greatest of care in
order to determine whether a situation has arisen which requires the
Court to grant to New Zealand the relief it seeks.

Can New Zealand's Request Be Disposed of Administratively?

It has been contended by France that this matter should be disposed of
administratively. It is said in support of this position that New Zealand is
bringing a fresh matter to the Court; that New Zealand is approaching
the Court on the basis of a case that is dead; that there is no legallyvalid
application before the Court; and that indeed the matter can be dealt
with administratively on the basis of a manifest and patent lack ofjuris-
diction.
France submitted that the Court should take a decisionproprio motu
without any need for a public hearing. In support of its contention that
the matter should be disposed of by means of an order without hearings,
France relied upon the cases of Treatment in Hungary of Aircvaft and
Crew of United States of America (I.C.J. Reports 1954, pp. 101 and

105); Aerial Incident of 4 September 1954 (1.C.J. Reports 1958, pp. 160-
161);Aerial Incident of 7 November 1954(1.C.J. Reports 1959, p. 278) '.

Those were cases of manifest and patent lack of jurisdiction where it
was not possible for the Court to take any procedural steps, and are dis-
tinguishable from the present case, where New Zealand comes to the
Court directly within the terms of an express provision of the Court's
own Judgment. The Court needs to consider whether New Zealand is
correct in its contention that the basis of the 1974Judgrnent is affectedby
the current nuclear tests. If it is not, New Zealand would have no case,
but if it is, there is a matter to be seriously considered. The decision

'In 1973,likewise,the position of France, as stated in a letter to the Court delivered on
and that the Court should drop thetter from its docket. The grounds included thespute,
argument that the dispute concerned an activity connected with national defence and was
thus excluded from the jurisdiction of the Court by the third French reservation to its
declaration of acceptance of the compulsory jurisdiction of the Court. The Court rejected
the French contention that the absence ofjurisdiction was manifest (NuclearTests (New
Zealand v. France), Interirn Protection, Order of 22 June 1973, I.C.J. Reports1973,
p. 138).un droit qu'elle luia immédiatement retiréen ramenant la demande de
celle-ci dans le cadre de la procédure existante,laquelle ne prévoiteffec-
tivement pas la présentation d'une telle demande. La Cour n'a pas pu se

contredire de la sorte; prétendrele contraire serait faire bien peu de cas
de la remarquable clairvoyance dont la Cour a fait preuve en offrant ce
droit à la Nouvelle-Zélande.
En conséquence,il incombe tout d'abord à la Cour d'examiner si la
Nouvelle-Zélandea porté à sa connaissance des faits qui remettent en
cause le fondement de l'arrêt de1974. Si tel est le cas, la Cour doit,
conformément aux prévisions deson propre arrêt,procéder à un examen
trèsattentif afin de déterminersi la situation ainsi créée justifqu'il soit
fait droit aux conclusions de la Nouvelle-Zélande.

La demande néo-zélandaisp eeut-elle êtretraitée
par la voie administrative ?
La France a soutenu que leproblème devait êtreréglé par une décision

administrative. A l'appui de cettethèse,ellea fait valoir que la Nouvelle-
Zélande soumettait à la Cour une question nouvelle et s'adressait à la
Cour en se fondant sur une affaire close, que la Cour n'étaitdonc saisie
d'aucune demande juridiquement valable, et que la question devait en
fait êtrerégléepar une décisionadministrative eu égardau défaut mani-
feste et flagrant de compétence.
Selonla France, la Cour devait prendre une décisiond'office,sans qu'il
soit nécessaire detenir d'audience publique. Pour étayer sa thèse selon
laquelle la Cour devait rendre une ordonnance sans tenir audience, la

France a invoqué l'affaire du Traitement en Hongrie d'un avion des
Etats-Unis d'Amériqueet de son équipage(C.I.J. Recueil 1954, p. 101et
p. 105), l'affaire relativà l'Incident aériendu 4 septembre 1954 (C.I.J.
Recueil 1958, p. 160-161),et l'affaire relativeà l'Incident aériendu 7 no-
vembre 1954(C.I.J. Recueil 1959, p. 278)'.
Or, il s'agissaità d'affaires où le défautde compétenceétaitmanifeste
et flagrant, et où la Cour ne pouvait effectuer aucun acte de procédure;il
convient donc de les distinguer de la présente affaire oùla Nouvelle-

Zélande s'adresse à la Cour directement au titre d'une dispositionexpresse
d'un arrêtmêmede la Cour. La Cour doit examiner si la Nouvelle-
Zélande peut valablement affirmer quele fondement de l'arrêtde 1974est
remis en cause par les essais nucléaires actuels.Si ce n'est pas le cas, la
Nouvelle-Zélanden'a aucunmoyen àfairevaloir, mais si c'estle cas, cela

'De même,en 1973,dans une lettre du 16mai 1973remise à la Cour, la France avait
affirméque la Courn'a[vait] manifestement pas compétence))pour connaître du diffé-
rend et que l'affaire devaitêtrerayéedu rôle. Elle excipait notamment de ce que le diffé-
rend concernait une activitéliéeéfensenationale et se trouvait donc exclu du champ
de compétence de laCour en raison de la troisième réserveque contenait la déclaration
française d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour. La Cour a rejetéla préten-
tion de la France selon laquelle le défautde compétence était manifesteéaires
(Nouvelle-Zélandec. France), mesures conservatoires, orddunancen 1973, C.I.J.
Recueil 1973,p. 138).325 REQUEST FOR AN EXAMINATION (DISSO . P.WEERAMANTRY)

whether there is or is notsuch a matter is obviously one which cannot be
taken behind the closed doors of purely administrative orders, without a
public hearing.
It would be contrarv to the entire scheme of the administration of ius-
tice, as conceived in it; Statute and practised by the Court, for the court
to dismiss such an application in camera, without a public hearing and
even without the benefit of an ad hocjudge from the country in question
- as France invited the Court to do. Such procedures, available in cir-
cumstances where there is a patent, complete and manifest lack ofjuris-
diction, are inapplicable to the present situation.
If, indeed, New Zealand makes out a prima facie case that the basis of
the 1974Judgment has been affected by supervening events, New Zea-
land has clearly the right to approach the Court, in terms of the Court's

own Judgment, for a judicial determination of the situation arisingfrom
the resumption of nuclear testing. The Court will of course deny such
relief if, upon a fuller examination of the matter, it is not satisfied that
New Zealand's case has been substantiated. But it can only do so judi-
cially.
The matter has, happily, been heard by the Court at a public hearing,
at which both Parties have presented their submissions, and both Parties
have been afforded the opportunity of a reply. In following this pro-
cedure, the Court has given due effect to such principles as audi alteram
partem which are integral constituents of the rule of law and justice.

Moreover, under Article 79 (1) (Article 67 (1) at the time of the 1973
case) and Article 79 (7) (Article 67 (7) in 1973) of the Rules of Court,
New Zealand was clearly entitled to a judicial determination of these pre-
liminary objections to its application.

New Zealand's Complaints in 1973
To understand the basis of the Judgment, which New Zealand claims
has been affected, it is necessary,preliminarily, to look at New Zealand's

complaint to the Court in 1973.
New Zealand had come to the Court with a complaint that it was suf-
fering damage of five specifieddescriptions from the radioactive fallout
generated by French nuclear explosions in the Pacific. That damage was
specifiedas follows :
"The rights to be protected are:

(i) therights ofal1members oftheinternational community, includ-
ing New Zealand, that no nuclear tests that give rise to radio-
active fall-out be conducted; DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISS.WEERAMANTRY) 325

pose une question qui mérite d'être soigneusemee ntaminée.De toute évi-
dence, la décisionàce sujet ne saurait êtreprise àhuis clos commele sont
les ordonnances d'ordre purement administratif, sans audience publique.
Que la Cour décide à huis clos, sans audience publique ni mêmele
bénéfice de la présenced'un juge ad hoc désignépar le pays concerné,

d'écarterune telle demande - comme la France l'enavait priée - serait
contraire à tout le régimed'administration de la justice tel qu'il a été
conçu dans le Statut et mis en Œuvrepar la Cour. De telles procédures,
applicables lorsque le défautde compétenceest patent, absolu et mani-
feste, sont excluesen l'occurrence.
En effet, sila Nouvelle-Zélandeétablitprimafacie que lefondement de
l'arrêtde 1974a été remis en cause par les événements qui sont survenus,
ellea de toute évidencele droit de s'adresser la Cour aux termes mêmes
de l'arrêt rendupar celle-ci,en vue d'obtenir une décisionjudiciairesur la
situation néede la reprise des essaisnucléaires.Bien entendu, la Cour ne

fera pas droità sa demande si, aprèsun examen approfondi de la ques-
tion, elle n'est pas convaincue du bien-fondé dela thèse dela Nouvelle-
Zélande. Maiselle ne peut le faire que par une décisionjudiciaire.
La question a été - et c'est heureux- examinéepar la Cour lors
d'une audience publique au cours de laquelle les deux Parties ont pré-
senté leurs arguments et ont eu la possibilitéde se répondre mutuelle-
ment. En suivant cette procédure, la Cour a donnédûment effet à des
principes, comme la règlede l'audialteram partem, qui font partie inté-
grante de la primauté du droit et de la justice.
En outre, les paragraphes 1 et 7 de l'article 79 (soit, à l'époque de

l'affairede 1973,lesparagraphes 1et 7 de l'article67)du Règlement dela
Cour autorisaient de toute évidencela Nouvelle-Zélande à obtenir de la
Cour une décision judiciairesur les exceptions préliminairessoulevées à
l'encontre de sa demande.

Les griefs de la Nouvelle-Zélande en1973

Pour comprendre le fondement de l'arrêt dont la Nouvelle-Zélande
prétend qu'il aétéremis en cause, il convient d'examinertout d'abord les
griefs que la Nouvelle-Zélandea articulés devantla Cour en 1973.
La Nouvelle-Zélandeavait fait valoir devant la Cour qu'ellesubissait,
à cinq titres précis, un préjudiceen raison des retombées radioactives
provoquéespar les explosions nucléairesfrançaisesdans le Pacifique. Ce

préjudiceétaitdécrit commesuit:
«Les droits qu'il s'agitde protégersont:
i) le droit de tous lesmembres de la communauté internationale, y

comprisla Nouvelle-Zélande, àcequ'aucuneexpériencenucléaire
provoquant des retombées radioactives n'aitlieu; (ii) that the rights of al1members of the international community,
including New Zealand, to the preservation from unjustified
artificial radio-activecontamination of the terrestrial, maritime
and aerial environment and, in particular, of the environment
of theregion in which the tests are conducted and in which New
Zealand, the Cook Islands, Niue and the Tokelau Islands are
situated;
(iii) the right of New Zealand that no radio-active material enter the
territory of New Zealand, the Cook Islands, Niue or the Toke-
lau Islands, including their air space and territorial waters, as a
result of nuclear testing;
(iv) the right of New Zealand that no radio-active material, having
entered the territory of New Zealand, the Cook Islands, Niue
or the Tokelau Islands, including their airspace and territorial
waters, as a result of nuclear testing, cause harm, including

apprehension, anxiety and concern to the people and Govern-
ment of New Zealand, and of the Cook Islands, Niue and the
Tokelau Islands;
(v) the right of New Zealand to freedom of the high seas, including
freedom of navigation and overfhghtand the freedom to explore
and exploit the resources of the sea and the sea-bed, without
interference or detriment resulting from nuclear testing.

The fact that further nuclear tests at the French Pacific Test Centre
will aggravate and extend the dispute between New Zealand and
France is one of the grounds on which New Zealand seeks protec-
tion of the foregoing rights. In addition and independently, New
Zealand has the right to the performance by France of its undertak-
ing contained in Article 33 (3) of the General Act for the Pacific
Settlement of International Disputes to abstain from any action
whatsoever that may aggravate or extend thepresentdispute." (1.C.J.
Pleadings, Nuclear Tests, Vol. II, Request for the Indication of
Interim Measures of Protection, p. 49, para. 2.)

It will be noticed that in the entirety of this paragraph, there is no
limitation to atmospheric tests, but that the reference throughout is in
general terms to nuclear tqsts and nuclear testing.
Of particular significance,in the light of the present Request, were the
identification of the dispute in paragraph 17 of the 1973Application as
including the effects of fallout on the "natural resources of the sea"
(ibid.,p. 6), and the reference in paragraph 22 to the freedom to exploit
the resources of the sea and the seabed, and the continued pollution of
the maritime environment of NewZealand "beyond the limits of national

jurisdiction" (ibid.,p. 7; emphasis added). ii) le droit de tous lesmembres de la communauté internationale, y
compris la Nouvelle-Zélande, à ce que le milieu terrestre, mari-
time et aérien soitprotégé contreune contamination injustifiée
résultant d'une radioactivitéartificielleet notammentà ce qu'il
en soit ainsi de la régionoù les essais ont lieu et où sont situées
la Nouvelle-Zélande,les îles Cook, les îles Nioué et Tokélaou;

iii) le droit de la Nouvelle-Zélande ce qu'aucun déchetradioactif
ne pénètre sur son territoire,y compris son espace aérien etses
eaux territoriales, ou ceux des îles Cook, des îles Nioué et
Tokélaou, à la suite d'essaisnucléaires;
iv) le droit de la Nouvelle-Zélandeà ce au'aucun déchetradioactif
ayant pénétré sur son territoire,y compris son espace aérienet

ses eaux territoriales ou ceux des îles Cook, des îles Nioué et
Tokélaou, à la suite d'expérimentationsnucléaires,ne cause un
préjudice, notamment des appréhensions, de l'anxiétéet de
l'inquiétude, auxhabitants et aux Gouvernementsde la Nouvelle-
Zélande,des îles Cook, des îles Niouéet Tokélaou;
v) le droit de la Nouvelle-Zélande à la libertéde la haute mer, y
comprisla libertédenavigation et de survol, et la libertéd'explo-
rer et d'exploiterlesressources dela mer et du fond des mers,sans
subir de gêneou de préjudiceen raison des essaisnucléaires.

Le fait que la réalisation de nouveaux essais nucléairesau centre
d'essais français dans le Pacifique aggravera et étendra le différend
entre la Nouvelle-Zélande et la France est l'un des motifs pour
lesquels la Nouvelle-Zélande sollicitela protection des droits sus-
mentionnés. En outre et indépendamment, la Nouvelle-Zélandea
droità ce que la France se conforme à l'engagement qu'ellea pris
au titre du paragraphe 3 de l'article 33 de l'Acte généralpour le

règlement pacifiquedes différendsinternationaux de ne procéder à
aucun acte, de quelque nature qu'il soit, susceptible d'aggraver ou
d'étendrele différendactuel.» (C.I.J. Mémoires,Essais nucléaires,
vol. II, demande en indication de mesures conservatoires, p. 49,
par. 2.)

On relèvera que ce paragraphe n'est en rien limitéaux essais atmo-
sphériques, mais qu'il ne mentionne, en termes généraux,que les essais
et expérimentationsnucléaires.
Il est particulièrement important, eu égard à la demande actuelle, de

noter que le différenda étédéfini,au paragraphe 17de la requête présen-
téeen 1973,comme incluant les effets des retombées surles ((ressources
naturelles..de la mer»(ibid.,p. 6),et que leparagraphe 22visait laliberté
d'exploiter les ressources de la mer et du fond des mers et la persistance
de la pollution de l'environnement maritime de la Nouvelle-Zélande
((au-delàdes limites de lajuridiction nationale))(ibid., p. 7; les italiques
sont de moi). The prayer of New Zealand was no less clear in its statement of the
objectivesof the proceedings, for itsaid that New Zealand asks the Court
to adjudge and declare:
"That the conduct by the French Government of nuclear tests in
the South Pacific region that give rise to radioactive fallout consti-

tutes a violation of New Zealand's rights under international law,
and that these rights will be violated by any further such tests."
(I.C.J. Pleadings, Nuclear Tests, Vol. II, Application,p. 9; emphasis
added.)
So, also, paragraph 10of New Zealand's Application:

"The New Zealand Government will seek a declaration that the
conduct by the French Government of nuclear tests in the South
PaciJic region that giverise to radioactivefallout constitutes a viola-
tion of New Zealand's rights under international law, and that these
rights will beviolated by any further such tests." (Ibid.,p. 4; empha-
sis added.)

The Applicant's Memorial in paragraph 5 describes this request for a
declaration as "the principal issue before the Court" (ibid.,p. 146).

What was the gravamen of New Zealand's complaints? Was it the
infringement of the various rights thus specifiedas resulting from nuclear
tests, or was it atmospheric tests and atmospheric tests alone?
It seems reasonable to conclude that New Zealand's complaint to the
Court was in relation to the alleged infringement of its rights under
international law, which resulted from unjustified artificial radioactive

contamination of its terrestrial, maritime and aerial environment. The
means used at that stage to bring about this result was atmospheric tests
and New Zealand naturally complained against these. The means was
subsidiary to the central fact of injury. It was in the injury that the
complaint was grounded. The injury was the larger context within which
the specificact causing damage was set.

Nowhere in the pleadings, submissions or Judgment is there the slight-
est suggestionof any acceptance by New Zealand of the principle that the
same damage would be tolerated without complaint, if caused by nuclear
explosions in another medium. It seems unreasonable to suggest that
New Zealand would have been quite content to endure damage by radio-
active contamination so long as it did not occur from atmospheric tests.

Nor could the Court have endorsed the view that the dispute had dis-

appeared, or that the claim by New Zealand no longer had any object if
there was the suggestion of a possibility of radioactive contamination
resultingfrom the underground tests. Nor could it have viewed France's
undertaking as a reservation, even by remotest implication, of the right La Nouvelle-Zélanden'a pas été moins clairedans l'énoncé des objec-
tifs qu'elle poursuivait en introduisant l'instance, puisqu'ellea priéla
Cour de dire et juger que:

«les essais nucléairesprovoquant des retombéesradioactives effec-
tuéspar le Gouvernement français dans la régiondu PaciJiqueSud
constituentune violation des droits dela Nouvelle-Zélandeau regard
du droit international et que cesdroits seront enfreints par tout nou-
vel essai»(C.I.J. Mémoires,Essais nucléaires,vol. II, requête, p.9;
les italiques sont de moi).

De même,au paragraphe 10 de sa requête, la Nouvelle-Zélandea
déclaré :
«Le Gouvernement néo-zélandaisdemandera à la Cour de dire
que les essais nucléairesprovoquant des retombées radioactives
effectuéspar le Gouvernement français dans la régiondu PaciJique
Sud constituent une violation des droits de la Nouvelle-Zélandeau
regard du droit international et que ces droits seront enfreints par

tout nouvel essai.» (Zbid.,p. 4; les italiques sont de moi.)
Au paragraphe 5 de son mémoire,le demandeur a décritcettedemande
de déclarationcomme «l'objet principal de l'examen de la Cour» (ibid.,
p. 146).
Sur quoi portaient principalement les griefs de la Nouvelle-Zélande?
S'agissait-ildela violationdesdifférentsdroits énumérérsé, sultantselonelle
des essaisnucléaires,ou s'agissait-ildesessaisatmosphériqueset d'euxseuls?

Il semble raisonnable de conclure que les griefs que la Nouvelle-
Zélandea articulésdevantla Cour se rapportaient àla violation alléguée
de sesdroits au regard du droit international du fait d'unecontamination
injustifiéerésultant d'une radioactivitéartificielle de son milieu terrestre,
maritime et aérien.A l'époque, cette contamination était due auxessais
atmosphériques, et c'est tout naturellement ces essais que la Nouvelle-
Zélandea incriminés.Mais le vecteur était subsidiairepar rapport au pré-
judice même,qui restait le fait central. C'est de ce préjudiceque le grief
était tiré.Le préjudiceétait le contexte généraldans lequel s'inscrivait
l'acte spécifiquequi en était lacause.
Ni dans lespièces,ni dans lesconclusions, ni dans l'arrêt,on ne trouve
la moindre indication que la Nouvelle-Zélandeaurait acceptésans se
plaindre un préjudice semblables'il avait été causé par des explosions

nucléairesd'un autre type. Il n'est pas raisonnable de laisser entendre que
la Nouvelle-Zélandeaurait pu accepter de subir des dommages dus à la
contamination radioactive pourvu que celle-cine résultât point d'essais
atmosphériques.
La Cour n'aurait pas pu accepter l'idée quele différendavait disparu,
ou que la demande néo-zélandaiseétait désormais dépourvue d'objets ,i
elle avait pensé queles essais souterrains pouvaient causer une contami-
nation radioactive. De même,n'a-t-elle pas pu considérer l'engagement
de la France comme réservant,mêmede façon très indirecte, le droit deto cause nuclear contamination of the environment provided it was not
caused by atmospheric testing.

The State of Knowledge in1974

The state of knowledge at the time is relevant. The belief ofthe 1960s
that underground testing was safe is reflected in the terms of the
Partial Test Ban Treaty of 1963(to which the United States of America,
the United Kingdom and the Union of Soviet Socialist Republics were
parties), which banned nuclear weapons tests in the atmosphere, in
outer space and underwater. Tests in these media were thought to raise
the environmental concerns uppermost in the minds of the contracting
States, but underground testing was thought to have "the potential
for essentially total confinement of the radioactive products formed"
(A. C. McEwan, "Environmental Effectsof Underground Nuclear Explo-
sions", in Goldblat and Cox (eds.), Nuclear Weapon Tests: Prohibition
or Limitation?, 1988,p. 83).

Even two years after the 1974Judgment, a major treaty was entered
into which displayed an international expectation that underground
nuclear explosions were safe. The Peaceful Nuclear Explosions Treaty,
signed on 28 May 1976between the United States and the Soviet Union,
provided for underground nuclear explosions for peaceful purposes, as
this seemed to meet the need for "safe" nuclear energy for major con-
struction works. Goldblat and Cox, in the study already referred to,
observe :
"For many years, peaceful nuclear explosions (PNEs) had been

seen as potentially valuable activities for a variety of purposes. In
the United States, the so-called.Plowshare Programme set out to
explore possible uses of PNEs for digging canals or for other indus-
trial ends,such as gas stimulation or oil recovery from otherwise un-
economic deposits. However, progress was slow, given the necessity
of systematic tests using both conventional and nuclear explosives,
because the need to minimizethe risks required careful experimenta-
tion. By the mid-1970s,industrial interest in the use of underground
nuclear explosions for non-military purposes had waned in the
USA, whilepublic concern over possibleenvironmental hazardshad
increased. These hazards include - in addition to the release of
radioactive material - shock wave effects whichmay occur close to
the points of detonation. The programme was terminated in 1977,
shortly after the signing of the PNET." (Jozef Goldblat and David
Cox, "Summary and Conclusions", ibid., p. 1;emphasis added.) DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISS.WEERAMANTRY) 328

celle-cide provoquer une contamination radioactive de l'environnement
pour autant qu'elle nefût pas due à des essais atmosphériques.

L'étatdes connaissances en1974

Il est pertinent de déterminerquel étaità l'époque, l'étadtes connais-
sances. Le fait que, dans les années soixante,lesessais souterrains étaient
tenus pour inoffensifs a trouvé sonexpression dans les dispositions du
traité d'interdiction partielle des essais de 1963 (auquel les Etats-Unis
d'Amérique,le Royaume-Uni et l'Union soviétiqueétaient parties), qui
interdisait les essais d'armes nucléairesdans l'atmosphère, dans l'espace
extra-atmosphériqueet sous l'eau. A l'époque,les essais réalisédsans ces

milieux suscitaient les plus vives inquiétudesécologiqueschez les Etats
contractants, mais l'on croyait que les essais souterrains étaient ((suscep-
tibles de confiner presque totalement les produits radioactifs générés»
(A. C. McEwan, ((Environmental Effects of Underground Nuclear
Explosions», dans Goldblat et Cox (dir. publ.), Nuclear Weapon Tests:
Prohibition or Limitation? 1988,p. 83).
Deux ans encore après l'arrêtde 1974,un traitéimportant a été conclu
qui traduit la confiance, au niveau international, en l'innocuitédes explo-
sions nucléairessouterraines. Le traité surles explosions nucléairesdes
fins pacifiques, signéle 28 mai 1976 par les Etats-Unis d'Amérique et
l'Union soviétique,prévoyait la réalisationd'explosions nucléairessou-
terrainesà des finspacifiques,lesquellesparaissaientrépondre auxbesoins

en énergie nucléaire«propre» pour de grands travaux de construction.
Dans l'étudeprécitéeG , oldblat et Cox font observer:
((Pendant de nombreuses années,les explosions nucléaires à des
fins pacifiques ont étéconsidéréescomme des activitéspotentielle-
ment précieusesdans toute une sériede domaines. Aux Etats-Unis
d'Amérique,le programme «Plowshare» s'estattaché à identifier les

différentsusages possibles des explosions nucléairesà des fins paci-
fiques pour creuser des canaux et pour d'autres fins industrielles,
telles que l'extraction de gaz et de pétrolepar stimulation dans des
gisements autrement peu rentables. Toutefois, les progrès ont été
lents puisqu'il fallait procéder des essais systématiquesavec des
explosifsà la fois classiques et nucléaires;en effet, la minimisation
des risques supposait la réalisation d'expérimentationsminutieuses.
Au milieu des annéessoixante-dix, l'intérêt dl'industrie pour l'em-
ploi d'explosions nucléairessouterrainesdes finsnon militairesavait
déclinéaux Etats-Unis d'Amérique, alors quel'inquiétudedu public
quant aux éventuelsrisques écologiques s'étaitaccrue. Ces risques
comprenaient - outre la libération d'élémentsradioactifs - les

effets des ondes de choc qui pouvaient se ressentira proximitédes
points d'explosion. Le programme a pris fin en 1977, peu après
la signature du traité sur les explosions nucléaires des fins paci-
fiques.)) (Jozef Goldblat et David Cox, ((Summary and Conclu-
sions»,ibid., p. 13; les italiques sont de moi.)329 REQUEST FOR AN EXAMINATION (DISS .P. WEERAMANTRY)

The expectations of the early 1970sthat underground tests provided a
safe alternative were obviously ,belied by later experience. As McEwan
observes :

"Venting to the atmosphere has, however, occurred for a number
of underground tests, other than those associated with Plowshare-
type projects, and more minor sub-surface ventings may occur more
commonly." (Op. cit.,p. 83.)

Here perhaps lies the key to understanding the readiness of the Court
and the Parties in 1974 to welcome underground tests as a means of
cessation of radioactive harm to New Zealand, and as eliminating its
grievances.
Knowledge and experience not available in 1974 are available now,
placing upon the Court the duty, in the interests not only of New Zea-
land but of the world comrnunity generally, to use the power it reserved
to itself in 1974to re-examine the situation if the basis of its Judgment
has been affected. If what seemed safe in 1974now revealsits hazards in
a manner not known or expected then, there is a responsibility lyingupon

the Court to take note of this change in the fundamental assumptions
underlyingits Judgrnent of 1974.

If the Court had then the knowledge we have now of the possibility of
leakage due to fissures,porosity, water seepage,subsidencesand sheering
off of parts of the atoll, it would be strange indeed if the Court commit-
ted New Zealand to this danger, and considered that, despite so exposing
New Zealand, it was fully removing New Zealand's grievance of radio-
active damage. That would be a total non sequitur. It would also lead to
the apparent absurdity of the Court endorsingradioactivecontamination
so long as it was committed by means other than atmospheric testing.

Another strange result would be that, as New Zealand submitted, the
Court would have been building into its Judgrnent a massive escape
clause for France - a clause to the effect that France reserved the right
to conduct unsafe testing. It was quite clear in al1the circumstances that
the assurance of underground testing which France was offering was
understood as an assurance of a safefor an unsafe method of testing. Just
as the atmospheric testing was known to be unsafe,the underground test-
ing was thought to be safe.When France gave the assurance that it would
stop the atmospheric testing and that it was ready to move to under-
ground testing, it was a statement which in al1the circumstances of the
case was understood to be a shift to a procedure which obviated the

dangers of which NewZealand complained. La conviction, au début des années soixante-dix,que les essais souter-
rains constituaient une solution de rechange sûre a bien entendu été

démentiepar la suite. Comme McEwan le relève:

«Des fuites dans l'atmosphère se sont néanmoins produites à
l'occasion d'un certain nombre d'essaissouterrains, autres que ceux
effectuésdans le cadre des projets du typelowshare», et certaines
fuites souterraines de moindre importance peuvent se produire plus
communément. » (Op. cit. p. 83.)

Voilà peut-être quipermet de comprendre pourquoi la Cour et les
Parties ont étédisposées, en1974,à voir dans le passage aux essais sou-

terrains un moyen de mettre fin aux dommages d'origine radioactive
causés à la Nouvelle-Zélandeet de faire disparaître ses griefs.
Des connaissances et une expériencedont on ne disposait pas en
1974 sont maintenant disponibles et font obligation à la Cour, dans
l'intérênton seulement de la Nouvelle-Zélandemais de la communauté
internationale tout entière, d'utiliser la possibilité qu'elle s'estréservée
en 1974de réexaminerla situation sile fondement de son arrêtétaitremis
en cause. S'ilapparaît aujourd'hui qu'un procédé que l'on croyait inof-
fensif en 1974 comporte des risques qui n'étaient alors ni connus ni
prévus,la Cour a la responsabilité de prendre acte de ce changement

touchant aux postulats fondamentaux sur lesquels repose son arrêtde
1974.
Si la Cour avait eu à l'époqueles informations dont nous disposons
aujourd'hui sur la possibilité defuites dueses fissuresà la porositéà
l'écoulementpar infiltration,à des affaissements età l'écroulement de
certaines parties de l'atoll, il serait assurément surprenant qu'elle ait
exposéla Nouvelle-Zélande àce danger et considéréque, malgré cela,elle
avait pleinement apaiséles griefs néo-zélandaisquant aux dommages
d'origine radioactive. Ce serait un raisonnement totalement illogique.
Cela conduirait aussi à une absurdité manifeste, à savoir que la Cour

aurait approuvé la contamination radioactive pourvu qu'ellene soit pas
due à des essaisatmosphériques.
Comme la Nouvelle-Zélandel'a faitvaloir. il en découleraitéualement
- ce qui ne manquerait pas de surprendre - que la Cour aurait inséré
dans son arrêtune importante échappatoirepour la France, en réservant
à celle-ci ledroit d'effectuer des essaisdangereux. Vu les circonstances, il
étaittout àfait clair que l'engagement dela France de conduire doréna-
vant des essais souterrains a étécompris comme l'assurance de passer
d'un type d'essais dangereux à un type d'essais inoffensif.Autant l'on
connaissait le danger des essais atmosphériques, autant l'on croyaità

l'innocuitédes essais souterrains. Lorsque la France s'est engagée à
mettre finà ses essais atmosphériques eta donné l'assurancequ'elleétait
prêteà passerà des essaissouterrains, cettedéclaration a été compri,uv
les circonstances de l'affaire, comme annonçant un type d'essais qui
parait aux dangers dénoncés par la Nouvelle-Zélande. New Zealand's Present Grievances

New Zealand now tells the Court that the self-sametype of damage it
complained of in 1973,namely, radioactivecontamination resultingfrom
nuclear explosions by France in the Pacific, does now occur from under-
ground testing. It saysthatthese proposed underground tests willinfringe
the rights of New Zealand in the same way as the atmospherictests did in
1973.
According to the material placed before the Court by New Zealand,
underground tests produce al1the fivespeciesof damage specifiedin para-

graph 2 of its Request for the Indication of Interim Measures of Protec-
tion, dated 14May 1973: namely, (i) violation of the right to be free of
radioactive fallout'; (ii) violation of the right to the preservation from
unjustified, artificial radioactive contamination of the terrestrial, mari-
time and aerial environment; (iii)violation of the right that New Zealand
air space and territorial waters be free of the entry of radioactive
material; (iv) the apprehension, anxiety and concern resulting from such
entry; (v)violation of the right to exploitation of the resources of the sea
without interference or detriment resulting from nuclear testing.

The gist of NewZealand's complaintin 1973wasthat damage or harm
from radioactivity in the five ways it specified was being caused by

France. The only way in which it was then being caused was by atmos-
pheric testing of nuclear weapons.
The gist of New Zealand's complaint today is that the same type of
damage or harm from radioactivity is being caused by France. It is
caused, as alleged before, by the detonation of nuclear weapons in the
Pacific, but today the venue is underground, where formerly it was
atmospheric. New Zealand's position, however, is that the damage is the
same; the infringement of New Zealand's rights is the same; the agency
of physical causation is the same, namely, the explosion of nuclear weap-
ons. The only differenceis that that agency of causation is detonated not
above ground but underground. Hence the Request to the Court for
protection against the same damage from which it sought protection in
1973.

Hence, also, appears the wisdom of the Court's precautionary provi-
sion in 1974enabling New Zealand to come before the Court again.

'"Fallout" is not limitedto atmospheric debOxforEhdngliDsihction afynes
"falloutas "Radioactive refuse of a nuclear bomb explosion" (2nd ed., Vol. V, 1989,
p. 696).

46 Les griefs actuels de la Nouvelle-Zélande

La Nouvelle-Zélandeaffirme aujourd'hui à la Cour que le mêmegenre
de préjudice quecelui dont elletirait grief en 1973, savoirla contamina-
tion radioactive résultant des explosions nucléaires effectuéespar la
France dans le Pacifique, est aujourd'hui provoquépar des essais souter-

rains. Selon elle, les essais souterrains projetés porteront atteinte ses
droits comme le faisaient les essais atmosphériquesen 1973.
Au vu des élémentssoumis à la Cour par la Nouvelle-Zélande,on
constate que les essais souterrains engendrent les cinq types de préjudice
spécifiéasu paragraphe 2 de la demande en indication de mesures conser-
vatoires du 14mai 1973, à savoir: i) la violation du droià ce qu'aucune
expériencenucléaireprovoquant des retombéesradioactives n'ait lieu1 ;
ii) la violation du droit àce que lemilieu terrestre, maritime et aériensoit
protégé contreune contamination injustifiéerésultant d'une radioacti-
vitéartificielle; iii) la violation du droit de la Nouvelle-Zélande à ce

qu'aucun déchetradioactif ne pénètre dans sonespace aérien ouseseaux
territoriales; iv) les appréhensions,l'anxiétéet l'inquiétudecauséespar
la pénétrationde ces déchets;v) la violation du droit d'exploiter les res-
sources de la mer sans subir de gêneou de préjudiceen raison des essais
nucléaires.
En 1973,l'essentieldes griefs de la Nouvelle-Zélandetenait au fait que
l'action de la France causait les cinq types spécifise dommage ou pré-
judice liés la radioactivité.A l'époque, cette action consistait uniquement
en des essaisatmosphériques d'armesnucléaires.
Aujourd'hui, l'essentieldes griefs de la Nouvelle-Zélandetient au fait

que l'action de la France cause le mêmegenre de dommage ou préjudice
liéà la radioactivité. Cette action consiste, comme la Nouvelle-Zélande
l'avait affirmé précédemment, en des tirs d'armes nucléairesdans le
Pacifique, mais aujourd'hui ils sont effectués sous terre, alors qu'ils
avaient lieu auparavant dans l'atmosphère. Cependant, la Nouvelle-
Zélandesoutient que le préjudiceest identique, que les atteintes à ses
droits sont identiques, et que, matériellement,le facteur causal- c'est-
à-dire le tir d'armes nucléaire- est identique, la seule différencetenant
à ce que ces tirs ont lieu non plus au-dessus du sol, mais sous terre. La

Nouvelle-Zélandea dès lors demandé à la Cour de la protéger contre les
mêmesdommages que ceux dont elle avait cherché à se prémunir en
1973.
On perçoit dès lors aussi combien la Cour a étéaviséed'introduire
dans son arrêtde 1974 une disposition de précaution permettant à la
Nouvelle-Zélande de revenirdevant elle.

'Le terme «retombées» ne se limite pas aux déchetsatmosphériques. Selon l'Oxford
English Dictionary, les retombées sont des déchets radioactifs résultant de l'explosion
d'une bombe nucléaire"éd., vol.V, 1989,p. 696). The Terms of Paragraph 63

How does one ascertain the "basis of a judgment"? The phrase seems
to go to the heart of the judgment, the reasoning on which it proceeds,
the foundation on which it rests. To search for the basis of a judgment,
does one look only at what the judgment expressly decrees,or does one
have regard also to such matters as the context in which the judgment
was delivered, the harm or mischiefcomplained of, the request of parties
to which that judgment was an answer, and the object of the proceed-
ings? It seems quite clear that a proper and legally sustainable approach
to this question requires a consideration of the Court's order or decree,
not in isolation but in context.
It is necessarynow to look at the carefully drawn language used by the
Court to confer this right on New Zealand.
How would the expression "basis of the judgment" be understood
according to the ordinary significance of language? And what does it
mean in the special context of this case?
While the nature of ajudgment's comrnands or prohibitions are impor-
tant, so also is the basic object which it sought to achieve.It would strain

both language and juridical principle to hold that the basis ofjudgment
can be found in its commands or prohibitions alone, considered apart
from its reasons, or in its reasons alone, considered apart from its com-
mands and prohibitions. As in al1legal interpretation, it must be an inter-
pretation in context.

Some insights may also be gained from discussions of the meaning of
the expression ratio decidendi,which one examines in order to ascertain
the basis of a judgment. The volumes written on what constitutes the
ratio decidendi of a judgment (see, for example, Cross and Harris,
Precedent in English Law, 4th ed., 1991)contain various formulations of
its meaning, but al1different versions go back to the central question of
law or principle from which the eventualordersmade in the caseproceed.
The orders, or in this case the means prohibited, are part of the judg-
ment, but clearly not the basis of the judgrnent.
What is this central question of principle in the 1974 Judgrnent? It
must surely be that New Zealand is entitled to protection against harm
caused by radioactivity from the explosion of nuclear weapons. It surely
cannot be that New Zealand is entitled to protection against harm caused
by radioactivity so long assuch radioactivity proceeds from atmospheric

detonations, and that New Zealand is not entitled to such protection if
the harm proceeds from underground explosions.
To make this point clearer still, suppose France had moved not to
underground explosions but to underwater explosions alongside of
Mururoa. Could anyone have claimed that this was a permissible activity
within the terms of the 1974 Judgment? It would strain language and L'INTERPRÉTATION DU PARAGRAPHE 63

Les termes duparagraphe 63

Que doit-on entendre par le ((fondement d'un arrêt))?Cette expression
semble viser le cŒur de l'arrêt,le raisonnement qui le sous-tend, son

assise.Cherchant àdéterminerle fondement d'un arrêt,doit-on s'entenir
aux termes exprès decelui-ci, ou doit-on également tenircompte d'élé-
ments tels que le contexte dans lequel l'arrêta étérendu, le dommage ou
préjudice allégué le,sdemandes des parties auxquellesl'arrêt a réponduet
l'objet de l'instance?De toute évidence,une approche adéquate et juri-
diquement défendable de cette question requiertque l'on envisagela déci-
sion de la Cour, non pas isolément maisdans son contexte.

Il convientà ce stade d'examiner en quels termes soigneusementchoisis
la Cour a conféréle droit considéré à la Nouvelle-Zélande.

Que signifiel'expression ((fondement de l'arrêt))suivant le sens ordi-
naire des termes? Et que signifie-t-elledans le contexte particulier de
l'affaire considérée?
Sila nature des injonctions ou prohibitions contenues dansun arrêtest
importante, l'objetfondamental qu'il cherche à atteindre l'esttout autant.
Ce serait solliciter la fois les termes et les principes juridiques que de
soutenir que le fondement d'un arrêtse trouve exclusivement dans les
injonctions ou prohibitions qu'il contient, considérées indépendamment
des motifs, ou dans les motifs uniquement, considérés indépendamment

des injonctions ou prohibitions. Comme pour toute interprétationjuri-
dique, il faut tenir compte du contexte.
On peut également tirercertains enseignements de débatsrelatifs à ce
que l'on entend par la ratio decidendi,notion que l'on prend en considé-
ration pour déterminerle fondement d'un arrêt.Les ouvragesécrits surce
qui constituelaratio decidendid'unedécisionjudiciaire(voir,par exemple,
Cross et Harris, Precedent inEnglish Law, 4" éd.,1991)proposent diffé-
rentes définitions. maistoutes remontent à la auestion fondamentale de
droit ou deprincipedont procèdentlesinjonctionsprononcéesdansl'affaire
considéréeL .es injonctions- ou, en l'espèce,lesmoyensprohibés - font

partie de l'arrêt,mais n'enconstituent évidemment pasle fondement.
Quelle est la question de principe fondamentale de l'arrêtde 1974?
C'est sûrementle droit de la Nouvelle-Zélande à êtreprotégéecontre les
dommages dus à la radioactivité générépear les explosions d'armes
nucléaires.Ce ne saurait êtreson droit à être~1otég"econtre les dom-
mages dus à la radioactività condition que celle-cisoit générép ear des
explosions en atmosphère, et l'exclusion de ce droit si les dommages
résultent de tirssouterrains.
Pour rendre les choses encore plus claires, supposons que la France
soit passéenon pas à des explosions souterraines, mais à des explosions

sous-marines au large de Mururoa. Aurait-on pu prétendre qu'il s'agis-
saitlà d'une activité permiseaux termes de l'arrêtde 1974?Ce serait sol-credibility to argue that such was the intention of the Court. The conclu-
sion appears patently clear that the basis of the Judgment was that harm
must not be caused by nuclear tests and that New Zealand was entitled
not to be exposedto radioactivecontamination from French nucleartests
in the Pacific.

Another way of analysing the phrase is to observe that an order or
directive statement contained in a judgment constitutes only a part of a
judgment. The term "judgment" goes beyond the merely operative por-
tion of ajudgment. The basisof ajudgment goes deeper stillinto the area
of the underlying principles on which it rests, rather than the external
orders used to implement it.
As 1 read paragraph 63, it seems clear, in the Court's own language,

that it was not contemplating a breach by France of its undertaking, or
of the Court's Judgment, but that it still had some concerns that the
"substratum" of the Judgment might be affected in some way not then
foreseeable. It is a tribute to the wisdom of the Court and to its foresight
that it expressly provided for this possibility. The contrary contention,
which necessarilyimpliesthat the Court was prepared to sanction similar
damage so long as it did not occur from atmospheric testing, is clearly
untenable and does little credit to the judgment and foresight of the
Court of 1974.

The Court'sFormulation of the Bases of the 1974 Judgment
These conclusions, based on ordinary rules of interpretation, are

reinforced when one has regard to the Court's own observations in the
Judgment itself.
The Court's recognition of this principle of contextual interpretation
appears quite clearly from paragraph 59 of the Judgment, wherein the
Court states: "Thus the Court concludes that, the dispute having dis-
appeared, the claim advanced by New Zealand no longer has any object."
These considerations, set out in one of the paragraphs immediately pre-
ceding the operative paragraph 63, show the context which the Court
considered relevant. In fact, that paragraph posed two very definite and
specificallyformulated questions :

(a) has the dispute disappeared?
(b) has the claim of New Zealand no longer any object?

One is straight away led into the questions, "What was the dispute?"
and "What was its claim?" The dispute comprised the grievancesand the
claim comprised the reliefs. The grievances appear, inter alia, from New
Zealand's Application (para. 28)of 9 May 1973, NewZealand's Memo-
rial (para. 190)of 29 October 1973,and in the Request for the Indication
of Interim Measures of Protection (para. 2) of 14 May 1973,which spelt DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISSW. EERAMANTRY) 332

liciter les termes de l'arrêt au-delàde toute crédibilitéque de prétendre
que telleétait l'intentionde la Cour. appert donc de façonflagranteque
le fondement de l'arrêt était que les essais nucléairesne devaient pas
causer de dommages et que la Nouvelle-Zélandeétaiten droit de ne pas
êtreexposée à la contamination radioactive générép ear les essais nu-
cléairesfrançais dans le Pacifique.
Une autre manière d'analyser le membre de phrase est de relever
qu'une injonction ou une directive contenue dans un arrêtne constitue
qu'une partie de celui-ci. Un arrêtne se limite pas à son dispositif. Le
fondement d'un arrêttouche aux racines de celui-ci,aux principes fonda-

mentaux sur lesquels il repose plutôt qu'aux injonctions extérieures
employéespour sa mise en Œuvre.
En lisant le paragraphe 63,il me sembleclairementressortir des termes
mêmesemployéspar la Cour que celle-cin'envisageaitpas que la France
ne respecte pas son engagement ou l'arrêtde la Cour, mais qu'elle
s'inquiétait néanmoinsde la possibilitéque l'«assise» de son arrêtsoit
remise en cause d'une manière qui n'était pas alorsprévisible.Que la
Cour ait expressément prévucette éventualitétémoignede sa sagesse et
de sa clairvoyance. La thèsecontraire, quiimplique nécessairementque la
Cour était prêteà autoriser des dommages comparablespourvu qu'ils ne
soient pas imputables à des essais atmosphériques, est manifestement
indéfendableet faitpeu de cas de la perspicacitéet de la clairvoyance de
la Cour de 1974.

La manière dont la Cour aformulé lesfondements de l'arrêtde 1974

Ces conclusions, fondéessur les règlesordinaires d'interprétation, sont
corroboréespar l'analysedes observationsque la Cour elle-même a faites
dans son arrêt.
L'acceptation par la Cour de ce principe d'interprétationcontextuelle
ressort très clairementdu paragraphe 59de l'arrêt, oùelleaffirme((C'est
pourquoi la Cour conclut que, le différendayant disparu, la demande
présentée par la Nouvelle-Zélandene comporte plus d'objet. » Ces consi-
dérations, figurant dans l'un des paragraphes qui précèdentimmédiate-
ment le paragraphe 63 décisif,indiquent le contexte que la Cour estimait
pertinent. En fait, le paragraphe 59 soulève deux questions strictement
délimitéeset explicitement formulées:

a) le différend a-t-ildisparu?
b) la demande présentéepar la Nouvelle-Zélande ne comporte-t-elle
plus d'objet?

On est ainsi directement amené à se demander: ((Quel étaitle diffé-
rend?» et ((Quelleétait la demande?)) Le différendétait constituédes
griefs et la demande comprenait les mesures propres à les redresser. Les
griefs figurent notamment dans la requête introductive d'instance du
9 mai 1973 (par. 28), le mémoire néo-zélandaisdu 29 octobre 1973
(par. 190) et la demande en indication de mesures conservatoires duout quite clearly the rights in respect of which it sought protection. The

reliefs,read in the context of the grievances,can only mean the cessation
of those grievances. The Court was satisfied according to its knowledge
then that with France's undertaking the grievances came to an end and
no further reliefs were necessary.

To be more specific, the Court's view therefore was that al1the five
heads of injury mentioned by New Zealand, which formed the subject of
its dispute with France, had disappeared. If such injury had disappeared
in al1its five aspects, New Zealand's claim would surely no longer have
any object. Such was the reasoning or the ratio decidendiwhich led the
Court to its conclusions. Yet it considered the protection of New Zea-
land's rights to be so fundamental that it reinforced New Zealand's pro-
tections by inserting the precautionary provision that if the basis of the
Judgment should be affected, New Zealand may approach the Court
again.

The Concentration in 1974 upon AtrnosphericTests

Much has been made in the proceedings before us of the concentration
of New Zealand's presentation and the Court's Judgment upon atmos-
pheric tests. From this the inference is sought to be drawn that this was
New Zealand's only concern.
In the first place, as already pointed out, theres a liberal reference in
the pleadings and the oral presentations to radioactivedamage caused by
France in explosions in the Pacific without limitation to atmospheric
explosions.
In the second place, it must be remembered that atmospheric explo-
sions were the only French explosions then taking place in the Pacific.It
was not the province of New Zealand to speculate upon the unknown
impactupon New Zealand of hypotheticalunderground explosionsyet to
take place in the future.
Court presentations take place upon the basis of practicalitiesand not
upon guessesor speculationsas to the likely effectof modalities of harm
which are as yet hypothetical. The presentation of the matter in Court
naturally concentrated on the practical and immediate aspect, and it
would have been strange if it had not. The Court's attention likewise

focused on this matter and it would have been strange if it had not.

Furthermore, if such speculation were inappropriate for the Parties, it
was evenmore inappropriate for the Court to engagejudicially in specu-
lation upon this unknown field. It was not for New Zealand nor for the
Court to engage in speculation as to the possible effects of underground
testing which had never yet been used in a manner causing danger or
damage to New Zealand, on which no material had been placed before
the Court, and which was not the cause of the immediate damage of
which New Zealand complained. Indeed, had counsel indulged in such a DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISS.WEERAMANTRY) 333

14 mai 1973(par. 2), ou sont énoncéstrès clairement les droits dont la
sauvegardeétaitsollicitée.Compte tenu des griefs,les mesures de redres-
sement ne pouvaient consister qu'en la cessation des atteintes portées
ces droits. La Cour était convaincue, eu égard aux donnéesdont elle dis-
posait alors, que les engagements pris par la France feraient disparaître
les griefs et qu'aucune autre mesure de redressement n'étaitnécessaire.
Plus précisémentl,a Cour a ainsi estiméque les cinq types de préjudice
énoncéspar la Nouvelle-Zélande,qui formaient l'objet de son différend
avec la France, avaient disparu. Si chacun des cinq types de préjudice

avait effectivement pris fin, la demande néo-zélandaisen'avait certaine-
ment plus d'objet. Tel a étéle raisonnement ou la ratio decidendiqui a
amenéla Cour àsesconclusions.Cependant, ellea considéré que la sauve-
garde des droits néo-zélandais étaitsi fondamentale qu'elle a renforcé
leur protection par une clause de précaution: au cas où le fondement de
son arrêtserait remis en cause, la Nouvelle-Zélandepourrait revenir
devant elle.

La place centrale accordée aux essais atmosphériquesen 1974

On a fait grand cas devant la Cour de la place centrale accordée aux

essais atmosphériques dans le dossier de la Nouvelle-Zélandeet dans
l'arrêt rendupar la Cour, pour tenter de démontrerqu'il s'agissaitde la
seule préoccupationde la Nouvelle-Zélande.
Premièrement,comme je l'ai déjà signalél,es piècesécriteset les plai-
doiries ont amplement fait référenceaux dommages radioactifs causés
par les explosions françaises dans le Pacifique, sans se limiter aux essais
atmosphériques.
Deuxièmement,il ne faut pas oublier que les seules explosions que la
France effectuaità l'époque dansle Pacifiqueavaient lieu en atmosphère.
La Nouvelle-Zélanden'avait donc pas à se lancer dans des spéculations
sur lesincidencesinconnues que pourraient avoir pour elledes explosions
souterraines hypothétiques, qui restaient réaliser.

Les dossiers présentés la Cour sefondent sur la réalitéet non sur des
suppositions ou des spéculationsquant aux effets probables de types
de dommages qui restent encore hypothétiques. L'exposéde la question
devant la Cour a éténaturellement axé sur les aspects concrets et
immédiats,et le contraire eût étéétonnant. De même,l'attention de la
Cour s'est concentrée sur cette question, et le contraire eût étésurpre-
nant.
En outre, si de telles spéculations étaientmalvenues de la part des
Parties, il eût été encore plusinopportun que la Cour se livrât, dans
l'exercicede sa fonctionjudiciaire,des spéculationsquant à ce domaine
inconnu. Ni la Nouvelle-Zélande nila Cour n'avait à s'engagerdans des

spéculations sur les effets éventuels d'essaissouterrains qui n'avaient
jamais encore étéréalisésde façon à créer undanger pour la Nouvelle-
Zélande ou à lui causer un préjudice,au sujet desquels aucune informa-
tion n'avait étproduite devant la Cour et qui n'étaient pàsl'origineduspeculative exercise,they may wellhave been asked to address the Court
on practicalities ratherthan hypotheses.

Nor did New Zealand argue its case solely on the basis of atmospheric
tests. As the Court itself observes in paragraph 29 of its Judgment, New
Zealand's case was argued mainly in relation to atmospheric tests- nor
could the case have been argued in the light of the information then
available, except on the basis of atmospheric tests.

Dr. Finlay, the Attorney-General for New Zealand, in opening New
Zealand's case at the oral proceedings for the Request for Interim Meas-
ures of Protection on 24 May 1973, stated at the very outset of his
submissions :

"The request relates to proceedings recently instituted by New
Zealand against France asking the Court to adjudge and declare that
the conduct by the French Government in the South PaciJicregion
of tests that give rise to radio-activefull-out constitutes a violation
of New Zealand's rights under international law, and that those
rights will be violated by any further such tests." (I.C.J. Pleadings,
Nuclear Tests, Vol. II, p. 100;emphasis added.)

The concentration on tests in the atmosphere, for the obvious reason
that only such tests werethen beingconducted, did not mean a shift away
from the central core of the caseto the peripheries, or from the subject of
the grievance to the particular means by which it was caused.

It is also ofinterest to note that both immediately before and after the

hearings in Court in July 1974,the New Zealand Government officially
indicated that its position was wider than the cessation of atmospheric
testing.
The first statement, as recounted in paragraph 37 of the Judgment of
1974,was a Note of 17June 1974 from the New Zealand Embassy in
Paris categorically asserting that New Zealand's position was one of fun-
damental opposition to al1nuclear testing:

"The announcement that France will proceed to underground
tests in 1975, whilepresenting a new development, does not affect
New Zealand's fundamental opposition to al1 nuclear testing, nor
does it in any way reduce New Zealand's opposition to the atmos-
pheric tests set down for this year: the more so since the French
Government is unable to give firm assurances that no atmospheric
testing willbe undertaken after 1974."(1.C.J. Reports 1974, p. 470;
emphasis added.)

The second statement was made on the day followingthe Judgment of
the Court, on 21 December 1974,when the Prime Minister of New Zea-dommage immédiat allégup éar la Nouvelle-Zélande.Enfait, silesconseils
s'étaientlivrésàce genre d'exercicespéculatif,ils auraient sans doute été
priésde faire porter leurs plaidoiries sur les faits concrets plutôt que sur
des hypothèses.
La Nouvelle-Zélande n'apas davantage plaidé sa causeen arguant
uniquementdes essaisatmosphériques.Commel'aCour elle-même l'a fait
observer au paragraphe 29 de son arrêt,la Nouvelle-Zélandea surtout
défendusa cause du point de vue des essais réalisés enatmosphère et,
compte tenu des informations alors disponibles, ce n'est guère que sur
cette base que la cause pouvait êtreplaidée.
Le 24 mai 1973, au cours des audiences relatives à la demande en
indication de mesures conservatoires, M. Finlay, Attorney-General de
Nouvelle-Zélande,a, dèsle début de sonexposéliminaire au nom de la

Nouvelle-Zélande, affirmé :
«La demande est liée à une instance récemmentintroduite par la
Nouvelle-Zélande contre la France, dans laquelle la Nouvelle-
Zélandeprie la Cour de dire et juger que lesssaisnucléaires provo-
quantdesretombées radioactives effectuéspar leGouvernement fran-
çaisdans la régiondu PaciJiqueSud constituent une violation des

droits de la Nouvelle-Zélandeau regard du droit international et que
ces droits seront enfreints par tout nouvel essai.C.I.J. Mémoires,
Essais nucléaires,ol. II, p. 100; les italiques sont de moi.)
L'attention accordée aux essais atmosphériques, pour la raison évi-
dente qu'il s'agissaitalors des seuls essais effectués,ne signifiaitpas que
l'essentielde l'affaire avait cédépas aux aspects périphériques,ni que
l'on se désintéressaitdel'objet du grief pour se préoccuperdes moyens

particuliers qui en étaientla cause.
Il est égalementintéressant de relever que, immédiatement avant et
après les audiences tenues par la Cour en juillet 1974,le Gouvernement
néo-zélandaisa officiellement indiqué qu'ilvisait un objectif plus large
que la cessation des essais atmosphériques.
La premièredéclaration,dont il est fait étatau paragraphe 37de l'arrêt
de 1974,était contenue dans une note du 17juin 1974de l'ambassade de
Nouvelle-Zélande à Paris; elle affirmait catégoriquement l'opposition
fondamentale de la Nouvelle-Zélande à tous les essais nucléaires:

((L'annonce que la France passera aux essais souterrains en 1975
constitue certes un élémenntouveau, mais qui ne modzjiepas I'oppo-
sition fondamentale dela Nouvelle-Zélande à toute expérimentation
nucléaireet ne diminue en aucune façon son opposition aux essais
atmosphériquesprévuspour cette année,et celad'autant plus que le
Gouvernement français n'est pas en mesure de donner l'assurance
ferme qu'aucun essai atmosphériquene sera entrepris après 1974. »
(C.I.J. Recueil 1974, p. 470; les italiques sont de moi.)

La seconde déclaration a été faitele 21 décembre1974,au lendemain
du prononcé de l'arrêtde la Cour; le premier ministre néo-zélandaisaland made the observation that, "The Court's finding achieves in large
rneasurethe immediateobject for which these proceedings werebrought"
(emphasis added). The cessation of atmospheric tests was thus not the
end-al1of New Zealand's request.

The Substance of the Grievance and the Means by Which It Is Caused

In an examination of a matter such as this, there could well bea ten-
dency for undue concentration on the means by which a wrong is com-
mitted, to the exclusion of the wrong itself. The means is often ancillary,
for it is the wrong or injury sustained by a party that is the core of the
complaint.
If harm to the person is threatened with a particular kind of weapon
such as a sword, it is no justification to the offender if, upon the prohibi-
tion of the use of that weapon, he proceeds to cause the same harm by
the use of another weapon, such as a club.A homely illustration could be
used to test this proposition. If X should complain to the village elder
that Y is threatening him with a sword in a manner causing reasonable
apprehension of an intention to cause grievous harm, and the village
elder orders Y to drop his sword, is that order to be construed as an
order to refrain from causing bodily harm with a sword, or as an order to
refrain from causing bodily harm, whatever the weapon used? If Y there-
after proceeds to harm X with a club, Y would surely not be able to con-
tend that the order issued on him related to the use of a sword and that
he did not violate it in any way by using a club. Clearly, a larger reason
lies behind the order than the mere prohibition against inflicting harm

with a sword. The unexpressed rationale lying behind the order, namely,
the desire to protect X from bodily harm, lies at the very heart of the
order, if it is to be construed in the light of common sense.

Another example of a slightly higher degree of sophistication is as
follows. Suppose a person should complain to a court that his neighbour
is seeking to burn his property by the act of throwing fire bombs at it.
He asks the court for an injunction restraining such conduct. The court
orders the respondent to desist from the act of throwing fire bombs and
this undertaking is accepted by the complainant. Would there not be an
undermining of the basis of this order if the neighbour, having desisted
from throwing fire bombs, commences throwing firebrands instead?
Would an objective observer, looking for the basis of the Court's order,
confine it to fire bombs rather than look at the object of the order, the
substance of the complaint, and the interest sought to be protected? In
such a context, it would indeed be strange if an argument were setup that
the complaint regarding firebrands must be the subject of a new case
rather than a continuation of the existing one.alors fait observer que: «La conclusion de la Cour correspond dans
une largemesure à l'objectif immédiat que nous visions en introduisant
cette instance.)) (Les italiques sont de moi.) La cessation des essais
atmosphériques n'étaitdonc pas le but ultime de la demande néo-
zélandaise.

Le fond des griefs et les moyens qui en étaientla cause

En examinant une question comme celle-ci, on pourrait êtreenclin à
s'attacher indûment aux moyens par lesquels un fait dommageable est
commis, plutôt qu'au dommage lui-même.Le moyen est souvent acces-
soire, car c'est ledommage ou le préjudicesubi par une partie qui est au
cŒurdu grief.
Si une personne est menacéed'un dommage que l'agresseur envisage
de lui infliger avec une arme particulière, une éppar exemple, l'agres-
seur n'a pas le droit, si on lui interdit d'utiliser cette arme, de causer le
mêmedommage en utilisant un autre type d'arme, comme une massue.
Un exemple simplepermettra d'apprécierle bien-fondé decette propo-
sition. SiX se plaint au doyen du village que Y le menace d'une épée

d'une manière qui ne laisse raisonnablement aucun doute quant à son
intention de lui infliger des coups et blessures, et si le doyen du village
ordonne à Y de déposer sonépée,doit-on interpréter cet ordre comme
une interdiction de causer des lésionscorporelles au moyen d'une épée,
ou comme une interdiction de causer des lésionscorporelles quelle que
soit l'arme employée?Si par la suiteY blesse X avec une massue, il ne
pourrait certainement pas prétendre que l'injonction qu'on lui a faite
visait l'utilisation d'une épéeet qu'il n'y a pas contrevenu en se servant
d'une massue. De toute évidence,l'injonction reposait sur un fondement
plus large que la simpleinterdiction d'infligerdes blessures avecune épée.
La motivation implicite de l'injonction,savoir la volontéde protégerX
contre toute lésioncorporelle, est au cŒurmêmede l'ordre donné,si on

l'analyse suivant le senscommun.
Je donnerai un autre exemple, un peu plus complexe. Supposons
qu'une personne se plaigne devant un tribunal que son voisin cherche à
mettre le feu à sa propriétéen y lançant des bombes incendiaires. Il
demande au tribunal de rendre une injonction portant interdiction d'une
telleconduite. Le tribunal ordonne au défendeur derenoncer àlancer des
bombes incendiaires, ce à quoi le demandeur acquiesce. Mais si, ayant
cesséde lancer des bombes incendiaires, le voisin commençait à lancer
des brandons, ne remettrait-il pas en cause le fondement de cette injonc-
tion? Un observateur objectif, cherchant à déterminerlefondement de
l'injonction du tribunal, lelimiterait-ilaux bombes incendiaires,ou s'atta-

cherait-il au contrairel'objet del'injonctionà la substance du grief et
à l'intérêqtue l'on cherche à protéger? Dans un tel contexte, il serait
assurément insolitede prétendre quel'examendu griefrelatif auxbrandons
requiert l'introduction d'une nouvelle instanceplutôt que la continuation
de l'instance déjàintroduite. In general terms, it would not harmonize with ordinary notions of
justice that anorder to protect the complainant by prohibiting the use of
a given means of inflictingharm should be viewedas not comprisingthe
causing of similar harm by the use of another means - least of al1when
that weapon is used to inflict the identicalinjury. In al1matters of inter-
pretation, the central object of any provision must be constantly borne in
mind.

Some Principlesof Interpretation

A fundamental rule of interpretation of any legal document is that it
must not be so construed as to lead to results which are unreasonable or
absurd. The interpretation that the Court was banning radioactive

contamination by atmospheric tests but giving its tacit endorsement to
radioactive contamination by underground tests seems to fa11into this
category. For reasons already discussed, the Court's order clearly did
not contemplate that the shift to underground testing, in the state of
knowledge at that time, would lead to these deleterious results. The
Court could not, even by remotest implication,have reserved the right to
France to cause similar kinds of nuclear contamination provided it was
done by non-atmospheric testing.
Another way oflooking at this matter is that it was a clear implication
of the French declaration that the new procedures it was resorting to
were to be free of the harm manifestly resultingfrom the old procedures.

To draw an analogy from another department of law, it is a well-
known doctrine, universally recognized in the law, that there can be cer-
tain conditions not expressly specifiedin a document, which nevertheless

are so clearly implied by its terms that a reasonable onlooker would Say,
"Of course, that is understood." The entire body of learning on the doc-
trine of the implied term in contract rests upon this rationale.

In regard to the underground tests which were announced by the
French Government as replacing the atmospheric tests, it would surely be
the view of an objective onlooker that the clear understanding, in regard
to those tests, was that they would not affect such rights of NewZealand
as it had sought to conserve by asking the Court for relief. The basis of
the Judgment issued by the Court in answer to New Zealand's claim to
protection was the implication that such protection ensued in conse-
quence of France's declaration.
New Zealand's complaint related to the radioactive contamination of
its terrestrial, maritime and aerial environment. That threat was now
apparently at an end, for how else could the Court pronounce that New
Zealand's claim had no longer any object?

Applying al1the three tests formulated by the Court, the basis of the
1974Judgment has been affected, the dispute has not disappeared, and De manièregénéralei,l ne seraitpas conforme à la conceptionnormale
de la justice qu'une injonction qui viàeprotégerle demandeur en inter-
disant l'emploi d'un moyen déterminé de causerun dommage soit
interprétéecomme ne s'étendant pas à l'emploi d'autres moyens de
causer un dommage analogue, à plus forte raison quand cette arme est
utiliséepour infliger un préjudice identique. En matière d'interpréta-
tion, il faut constamment garderà l'espritl'objet central de toute disposi-

tion.

Quelques principesd'interprétation

Une règle fondamentale régissantl'interprétation de tout document
juridique est que celle-ci ne doit pas conduireà des résultats déraison-
nables ou absurdes. Or, l'interprétation selon laquelle la Cour aurait
interdit la contamination radioactive par les essais atmosphériquesmais
autorisé tacitement la contamination radioactive par des essais souter-
rains semble bien conduire à ce type de résultat. Pour les raisons déjà
exposées,la Cour, vu l'étatdes connaissancesde l'époque,n'a manifes-

tement pas envisagéque le passage aux essais souterrains aurait des
conséquencesnuisibles.Ellen'a pas pu, même trèsindirectement, réserver
le droit de la France de causer le même "enre de contamination radio-
active pourvu que ce ne soit pas par des essais atmosphériques.
En envisageant la question sous un autre angle, on peut dire que les
déclarations françaises sous-entendaient clairement que les nouveaux
types d'essais neproduiraient pas les dommages manifestement impu-
tables aux précédents.
Par analogie avec une autre branche du droit, on rappellera que selon
une théoriebien connue, universellementadmiseen droit, certainescondi-
tions qui ne sont pas expressément énoncéed sans un document sont
néanmoinssimanifestement implicitesdans sestermes qu'un observateur

raisonnable estimerait qu'elles sont de toute évidencesous-entendues.
Toute la doctrine des clauses contractuelles implicites repose sur cette
base.
S'agissant des essaissouterrains dont le.Gouvernement français avait
annoncéqu'ils remplaceraient les essais atmosphériques,un observateur
objectif estimerait certainement qu'il était clairement entendu que ces
essais ne porteraient pas atteinte aux droits que la Nouvelle-Zélande
avait cherché à préserver endemandant justice àla Cour. L'arrêt que la
Cour a rendu à la suite de la demande néo-zélandaise deprotection se
fondait sur l'idéeimplicite que les déclarations françaises assureraient
une telle protection.

Le grief de la Nouvelle-Zélande se rapportait à la contamination
radioactive de son milieu terrestre, maritime et aérien. Cette menace sem-
blait alors ne plus exister. Sinon,commentla Cour aurait-ellepu dire que
la demande néo-zélandaisene comportait plus d'objet?
En appliquant les trois critères formuléspar la Cour, on constate
que le fondement de l'arrêtde 1974 a été remisen cause, que le diffé- New Zealand's claimstill has an object if the identical type of harm -
namely, radioactivecontamination - results from the new situation that
has arisen. On al1these three counts, al1 specificallypart of the 1974
Judgment, New Zealand has the right to ask the Court to examine the
situation in the light of paragraph 63.

Signijîcance of OpeningSentence of Paragraph 63

There is an important aspect of paragraph 63which is deeply relevant
to an understanding of the words "if the basis of this Judgment were to
be affected". This aspect is reflectedin the opening sentence of that para-
graph, setting the context for the operative words that follow.

In the opening sentence, the Court makes it clear beyond any doubt
that what it was contemplating was not any default by France in com-
plying with its commitment. In the Court's own words, that was an
aspect which "it is not the Court's function to contemplate".
This is in line with an entrenched body of principle contained both in

its governinginstruments and its settledpractice, that once the Court has
delivered judgrnent, it is functus officio. It has discharged the duty for
which the parties approached it and resolved the dispute so far as ajudg-
ment according to law can resolve it. Enforcement is not and never has
been the concern of the Court, either in terms of its Statute or in terms of
its settled jurisprudence.

In formulating paragraph 63, the Court was making it clear beyond
doubt that what it was contemplating was not a non-observance by
France of its obligations. That was assumed. In short, the cessation of
atmospheric tests was assumed.
But on the basis of compliance by France, there could still be consid-

erations affecting the basis of the Judgment which parties could not con-
template at that time, but which might nevertheless entitle a party in al1
justice to ask the Court for an examination of the situation. The Court
was providing for just such an eventuality as this - that while France
complied with its undertaking, the basis of the Judgment could still in
some way be affected.

SignlJicanceof the Last Sentence of Paragraph 63

The Court provided in the same paragraph that the denunciation by
France, by letter dated 2 January 1974,of the General Act for the Pacific

Settlement of International Disputes, which was relied on as a basis of
jurisdiction in the present case, cannot constitute by itself an obstacle to
the presentation of a subsequent request by New Zealand. This sentence
is a further indication by the Court that New Zealand was to have itsrend n'a pas disparu, et que la demande néo-zélandaisea toujours un
objet si le mêmetype de dommage - à savoir la contamination
radioactive - résulte dela nouvelle situation. Pour ces trois raisons,
toutes trois expressément inscrites dans l'arrêt de1974, la Nouvelle-
Zélande a le droit de demander à la Cour d'examiner la situation au
titre du paragraphe 63.

La portée de la phrase liminaire du paragraphe 63

Le paragraphe 63comporte un élémenitmportant, éminemmentperti-
nent pour la compréhensionde l'expression«si le fondement du présent
arrêtétaitremis en cause». Cet élémentse trouve dans la phrase limi-
naire de ce paragraphe, qui définitle contexte dans lequel s'inscriventles
termes essentielsqui suivent.
Dans la première phrase, la Cour affirme sans équivoque possible
qu'elle n'envisagepas que la France ne respecte pas ses engagements.
Selon ses propres termes, c'estlà une éventualité qu'«il n'entre pas dans
sa fonction d'envisager».
Cela est conforme à un principe bien établi, consacrétant dans les
instruments qui lui sont applicablesque dans sa pratique constante, selon

lequelune fois que la Cour a rendu un arrêtelleest déchargée de sesfonc-
tions. Elle s'est acquittéede la mission pour laquelle les parties se sont
adressées à elle et elle a régle différendpour autant qu'un arrêtrendu
selonledroit puisselefaire. Commeil ressort tant des termesde son Statut
que de sajurisprudence constante, l'exécution n'esptas et n'ajamais étla
préoccupationde la Cour.
En formulant le paragraphe 63, la Cour a dit sans aucune ambiguïté
qu'elle n'envisageaitpas que la France ne respecte pas sesobligations. Ce
respect était sous-entendu.En somme, la cessation des essais atmosphé-
riques étaitprésumée.
Mais, cela étantadmis, il se pouvait néanmoins que le fondement de

l'arrêtsoit remis en cause par certains facteurs que les parties ne pou-
vaient envisager à l'époque,mais qui devraient malgrétout, en toute
justice, permettreà une partie de se présenter devant la Cour pour lui
demander d'examinerla situation. Lesprévisions dela Cour visaient pré-
cisémentce type d'éventualité - à savoir que, nonobstant le respect de
ses engagements par la France, le fondement de l'arrêtpourrait, d'une
certaine manière,êtreremis en cause.

La portéede la dernière phraseduparagraphe 63

Dans lemêmeparagraphe, la Cour a précisé que la dénonciationpar la
France, dans une lettre du 2janvier 1974,de l'Actegénérap lour le règle-

ment pacifique des différendsinternationaux, qui était invoquécomme
l'un desfondementsde la compétence dela Cour en l'espèce, nepouvait
en soi faire obstacle à la présentation d'une nouvelle demande par la
Nouvelle-Zélande.Par là, la Cour a de nouveau indiqué queles droits derights preserved on the basis of the existingJudgment, and that the exist-

ing case was not dead. The sentence is a clear anticipation of a possible
return by NewZealand to the Court upon the basis of a Judgment which
was stillalive for this purpose.
It also demonstrates the considered and deliberate projection of the
Court's mind into the problems of the future, without being content
to close the book, so to speak, in 1974. Future jurisdiction had dis-
appeared and New Zealand's right to implead France afresh had been
destroyed, but this did not deter the Court from expressly empowering
New Zealand to return to the Court on the basis of the original case if
New Zealand was able to show the Courtthat the basis of the Judgment
was affected.

The Special Need for a Precautionary Clause

In dealing with radioactive contamination, the Court was dealing for
the first time with a force whose potential for causing damage to the

human condition was as yet imperfectly understood. It was known to be
capable of causing multipledeleterious effectsto human health and envi-
ronment. It was a force whose magnitude of destructive power had been
awesomely demonstrated. The Court needed to be ultra-cautious.

The clause enabling New Zealand to approach the Court was a pro-
cedural innovation, reinforcing in a very special way the integrity of the
Judgment which the Court was rendering. It was a provision ensuring
that the Judgment would not be undermined by future acts or events
which could not then be specified.It exhibited a concern for the realities
rather than the forms of justice.
Against this background, it is significant that even in the case of
Nuclear Tests (Australia v. France), where the pleadings were more
closely geared to atmospheric tests than in the case of Nuclear Tests
(New Zealand v. France), the Court still considered it necessary to give
Australia the right to come back to the Court if circumstances should
occur which affected the basis of the Judgment (Nuclear Tests (Australia
v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 272,para. 60).Even in the
context of atmospheric tests, there could possibly be some unknown

lingering after-effects which might affect the basis of the Judgment and
need correction.
A fortiori, in the case of New Zealand, where there was a shortfall
between the Judgment of the Court and the prayer of NewZealand, there
was a greater need for the interests of New Zealand to be protected.
The Court's deepconcernwith the effectsof French testing was indeed
demonstrated not merely at this stage of the case, but from the stage of
preliminary measures in 1973,when the Court manifested that concern
by ordering interim measures of protection before any determination of
jurisdiction and admissibility.la Nouvelle-Zélande devaientêtrepréservés sur la base de l'arrêt existant
et que l'instance n'était pasclose. Cette phrase anticipe manifestement un
retour possible de la Nouvelle-Zélandedevant la Cour sur la base d'un
arrêtqui pouvait toujours être invoqué à cet effet.
Cette phrase montre aussi que la Cour avait, de façon réfléchieet
délibérée,anticipléesproblèmes à venir, sans secontenter de refermer le
livre, pour ainsi dire, en 1974. La base de compétence avait disparu
pour l'avenir, demêmeque le droit de la Nouvelle-Zélanded'attraire de
nouveau la France devant la Cour, mais cela n'a pas empêché la Cour

de conférer expressément à la Nouvelle-Zélande le droit de revenir
devant elle dans le cadre de l'affaire initiale si la Nouvelle-Zélande
pouvait démontrer à la Cour que le fondement de l'arrêt avait étremis
en cause.

La nécessité particulièrd'une clause de précaution

En traitant de la contamination radioactive, la Cour s'intéressaitpour
la première foisàune force dont le potentiel dommageable pour l'huma-
nité n'était pas encore parfaitement connu. On savait qu'elle pouvait
avoir de multiples effets nuisibles pour la santé humaine et le milieu
ambiant. L'ampleur de la puissance de destruction de cetteforceavait été
démontréede façon impressionnante. La Cour devait se montrer extrê-
mement prudente.

La clause permettant à la Nouvelle-Zélandede s'adresser à la Cour
représentait une innovation d'ordre procédural, qui renforçait d'une
manièretrès particulièrel'intégrité de l'arrêt redur la Cour. Cette dis-
position visaità ce que l'arrêtne soit pas compromis par des actes ou
événementsfuturs qui ne pouvaient pas à l'époque être précisés.Elle
témoignait d'unsouci des réalitésplutôt que d'un formalisme judiciaire.
Dans ce contexte, il est révélateur quemêmedans l'affaire des Essais
nucléaires(Australie c. France),où l'argumentation avait étédavantage
axéesur lesessais atmosphériquesquedans l'affairedes Essais nucléaires
(Nouvelle-Zélande c. France), la Cour a néanmoins jugé nécessaire
d'accorder à l'Australie le droit de revenir devant elle au cas où des cir-
constances remettraient en cause le fondement de l'arrêt(C.I.J. Recueil
1974, Essais nucléaires(Australie c. France), arrêt,p. 272, par. 60).

Mêmedans le cadre des essais atmosphériques,il étaitpossible que des
répercussions prolongées,alors inconnues, remettent en cause le fonde-
ment de l'arrêt et appellentun redressement.
Dans le cas de la demande de la Nouvelle-Zélande, àlaquelle l'arrêtde
la Cour ne répondait pas entièrement,il étaitd'autant plus nécessaire de
protégerles intérêts néo-zélandais.
La profonde préoccupation de la Cour face aux effets des essais
nucléairesfrançais s'estd'ailleurs manifestéenon seulementàce stade de
l'affaire, mais dèsla phase préliminaire en 1973; la Cour avait alors
exprimécette préoccupation en indiquant des mesures conservatoires
avant toute décisionsur sa compétenceet sur la recevabilitédela requête. The Grant of Interim Measures

New Zealand has also requested interim measures now, as it did in
1973.In viewof the Court's Order, this casedoes not proceed to the stage
where such measures can be ordered. It is my view, however, that New
Zealand has made out a prima facie case that it is suffering, or likely to
suffer, damage of the nature which it complained of in 1973, and has
thereby brought itself within the terms of paragraph 63. As a conse-
quence, New Zealand would have reached the stage where it was entitled
to a consideration by the Court of its request for interim measures.

New Zealand's Request on this occasion does not go so far as a request
for an absolute declaration that nuclear tests violate the various enumer-

ated rights of New Zealand, inasmuch as New Zealand is content, in the
alternative, with a declaration that it is unlawful for France to conduct
such tests before it has undertaken an Environmental Impact Assessment
(EIA) according to accepted international standards. Such a procedure is
within the power of France and if, as France has declared, the tests are
environmentally safe, an EIA confirming this position would negate New
Zealand's claim, and result in its dismissal.

The Approach of the Court to Preliminary Measures in 1973

It is pertinent to this discussion to refer also to the approach of the
Court in 1973to the question of preliminary measures - an approach
which reflected deep concern that damage of the sort complained of by
New Zealand could cause irreparable prejudice to the rights which were
the subject of dispute. The Court's approach displayed a willingnessto

act even before jurisdiction and admissibility were proved.

The Court of course made it clear that its decision in no way preju-
diced the question of thejurisdiction of the Court to deal with the merits
of the case (I.C.J. Reports 1973, p. 142,para. 34).
It seemsto me that the approach of the Court in the present case, when
radioactive contamination by nuclear explosions is again complained of,
might well have been on similar lines.

The Inter-Temporal Principle

It is a truism that scientific knowledge increases exponentially. The
knowledge of 1995 is not the knowledge of 1974.Nor was the knowledge DEMANDE D'EXAMEN (OP.DISS.WEERAMANTRY) 339

LES MESURES CONSERVATOIRES

L'indication de mesures conservatoires

La Nouvelle-Zélandea égalementdemandé en 1995 l'indication de
mesures conservatoires, comme elle l'avait fait en 1973.Etant donné la
teneur de l'ordonnance de la Cour, la présente affairene parviendra pas
au stade où de tellesmesures peuvent êtreindiquées. J'estimenéanmoins
que la Nouvelle-Zélandea établi prima facie qu'elle subissait, ou était
susceptible de subir, des dommages de la nature de ceux dont elle se
plaignait en 1973,et que sa demande entrait donc dans les prévisionsdu
paragraphe 63. Dèslors, elle aurait dû avoir droit ce que la Cour exa-
mine sa demande en indication de mesures conservatoires.
Dans sa demande actuelle, la Nouvelle-Zélandene va pas jusqu'a sol-
liciter une déclarationportant en termes absolus que les essais nucléaires
violentsesdifférentsdroits telsqu'ellelesa énumérés, puisqu'eleconten-
terait, titre subsidiaire,d'une déclarationselonlaquellela France n'a pas

le droit d'effectuerde tels essaisnt d'avoirprocédé à une évaluationde
l'impact sur l'environnementconformément à des normes internationales
reconnues. La France a lesmoyens de procéder à une telleévaluationet si,
comme elle le prétend,ses essais sont sans danger pour l'environnement,
une étudede l'impact sur l'environnementvenant le confirmerpriverait la
demande néo-zélandaise deson objet et entraînerait son rejet.

La manièredont la Cour a abordé en1973 la question
des mesures conservatoires

Aux fins du présentexamen, il convient de rappeler aussi la manière
dont la Cour a abordé en 1973la question des mesures conservatoires,
car elle témoigned'une profonde inquiétude face à l'éventualitque des
dommages tels que ceux dont se plaignait la Nouvelle-Zélande puissent
porter atteinte irrémédiablementaux droits qui formaient l'objet du dif-
férend.La Cour a manifesté savolontéd'agir avant mêmeque sa com-

pétenceet la recevabilité dela requêtefussent établies.
Bien entendu, la Cour a préciséque sa décisionne préjugeait enrien la
question de sa compétencepour connaître du fond de l'affaire (C.I.J.
Recueil 1973, p. 142,par. 34).
Il me semble que dans le cadre de la présenteprocédure, où laconta-
mination radioactive générép ear des explosions nucléairesest de nou-
veau en cause, la Cour aurait pu adopter une attitude semblable.

Le principe del'intertemporalité

C'est un truisme de dire que les connaissances scientifiques ont une
croissance exponentielle. L'étatdes connaissances en 1995n'est pas celuiof 1974the knowledge of the 1950s.There is perhaps as much of a dif-
ferential between the knowledge relating to such matters between the
1970sand the 1950sas there is between the knowledge of the 1990sand
the 1970s. The nature and effects of nuclear activity and radioactive
contamination are matters of popular knowledge, having regard to such
episodesas Chernobyl, whichhave demonstrated evento the layman how
much more widespread the damaging effects of radioactive contamina-
tion are than was once believed. Elsewherein this opinion reference has
been made to the better understanding of the effects of underground
nuclear explosions since 1974,when they were considered safe.

The Court is seised of the present Request at this point of time and
must bring to bear upon it the scientific knowledge now available. A
court, faced with a science-orientedproblem of present and future dam-
agein 1995,cannot resolveit by ignoring the knowledgeacquired between
1974and 1995,and by applying to the problem in hand the knowledgeof

1974.That would be an exercisein unreality.

A similar question arose when New Zealand was asked at the time of
the 1974case why it did not protest against the larger and more danger-
ous nuclear explosions of the 1950s,just as today it is asked why it did
not object to France's underground testing in the 1970s.The answer of
Dr. Finlay, the New Zealand Attorney-General, offers an interesting per-
spective on the inter-temporal principle. He observed:

"The plain answer is that an inter-temporal rule applies to fact as
well as to law. In the world of the 1950sshoe shops in my country
and in many others had X-ray machines through which the customer
could see the bones of his feet in the shoes he was trying on. In the
world of the 1970swe are appalled by, and forbid, these unnecessary
exposures to the damaging effects of radiation." (I.C.J. Pleadings,
Nuclear Tests, Vol. II, p. 255.)

So it is with the knowledge of the effects ofunderground explosionsin
the 1970s,as compared with the knowledgeof the 1990s.That which was
assumed then has been contradicted by later knowledge. The basic sup-
positions of fact on which public conduct was ordered have been under-
mined. If the basic assumption of the protection of a party's rights in
1974 is undermined by knowledge available in 1995,and if the terms of
the protecting judgment make its reconsideration available to a party
complaining that its basis has been underrnined, this Court, when
approached on the footing that the basis of the Judgment has been under-
mined, must apply to that question the knowledge it has today and not
the knowledge of 1974.The question whether the basis of the Judgment
has been affected is a question of practical reality and not of legalde 1974,pas plus que l'état des connaissances de 1974n'étaitcelui des
années cinquante. S'agissant des connaissances relatives aux questions
qui nous intéressent, l'écartest sans doute aussi important entre les
années cinquante et soixante-dix qu'entre les années soixante-dix et
quatre-vingt-dix.L'opinion publique a pris consciencede la nature et des
effets des activitésliéesau nucléaireet de la contamination radioactive
à l'occasion d'événements comme l'accident de Tchernobyl, qui ont
démontrémêmeaux yeux du profane à quel point on avait sous-estimé
les effets nocifs de la contamination radioactive. J'ai déjàindiqué plus
haut que les effets des explosions nucléairessouterraines sont désormais
mieux connus qu'en 1974,époqueoù on croyait en leur innocuité.

C'est à l'heure actuelleque la Cour est saisiede la présentedemande et
c'est donc par référenceaux connaissances scientifiquesaujourd'hui dis-
ponibles qu'elledoit l'examiner. Unejuridiction qui, en 1995,est en pré-
sence d'un problème d'ordre scientifique relatifà des dommages actuels
et futurs ne peut pas le résoudreen faisant abstraction des connaissances
acquises entre 1974et 1995,et en appliquant au problème en cause les
connaissances de 1974. Ce serait là un exerciceirréaliste.
Une question du mêmeordre s'étaitposéelorsque l'on avait demandé
à la Nouvelle-Zélande, à l'époque del'instance de 1974, pourquoi elle
n'avait pas protesté contreles explosions nucléaires des annéescinquante
- plus puissantes et plus dangereuses -, tout comme on lui demande
aujourd'hui pourquoi elle ne s'est pas opposée aux essais souterrains
français dans les années soixante-dix.La réponse qu'avait alors apportée

M. Finlay, l'Attorney-Generalde Nouvelle-Zélande, offre unpoint de vue
intéressantsur le principe de l'intertemporalité. avait fait observer:
«La réponseest tout simplement que la règlede l'intertemporalité
s'applique aux faits comme elle s'applique au droit. Dans les années
cinquante, dans mon pays comme dans bien d'autres, il y avait dans
les magasinsde chaussures des appareilsà rayons X qui permettaient

aux clients de voir les os de leurs pieds dans les chaussures qu'ils
essayaient. Dans les annéessoixante-dix,nous sommes épouvantés
par cette exposition inutile aux effets nocifs des radiations, et nous
l'interdisons.»C.Z.J.Mémoires,Essais nucléaires, vol.II, p. 255.)
Ainsi en va-t-il des connaissances dont on disposait dans les années
soixante-dix sur les effets des explosions souterraines par rapportcelles

dont nous disposons dans les années quatre-vingt-dix.Ce qui était alors
tenu pour établia été contredit par l'améliorationdes connaissances. Les
postulats factuels de base qui orientaient la conduite publique ont été
remis en cause. Si le postulat fondamental sur lequel la protection des
droits d'unepartie reposait en 1974est démentipar lesconnaissances dis-
ponibles en 1995,et si les termes de l'arrêt assurant la protectionde ces
droits permettent à une partie de demander un réexamenau motif que le
fondement de l'arrêta étéremis en cause, la Cour, saisie d'une demande
fondée surce motif, doit appliquer à la question les connaissances dont
elledispose aujourd'hui et non cellesdont elledisposait en 1974.La ques-abstractions viewed apart from their practical impact upon human life
and the environmentin the applicant State.

The Concept of Intergenerational Rights

The case before the Court raises, as no case ever before the Court has
done, the principle of intergenerational equity - an important and
rapidly developingprinciple of contemporary environmental law.

Professor Lauterpacht, on behalf of New Zealand, adverted to this
aspect when he submitted to the Court that if damage of the kind alleged
had been inflicted on the environment by the people of the Stone Age, it
would be with us today. Having regard to the information before us that

the half-life of a radioactive by-product of nuclear tests can extend to
over 20,000years, this is an important aspect that an international tribu-
nal cannot fail to notice. In a matter of which it is duly seised,this Court
must regard itself as a trustee ofthose rights in the sensethat a domestic
court is a trustee of the interests of an infant unable to speak for itself. If
this Court is charged with administering international law, and if this
principle is building itself into the corpus of international law, or has
already done so, this principle is one which must inevitably be a concern
of this Court. The consideration involved istoo seriousto be dismissedas
lacking in importance merely because there is no precedent on which it
rests.

New Zealand's complaint that its rights are affected does not relate
only to the rights of people presently in existence. The rights of the
people of New Zealand include the rights of unborn posterity. Those are

rights which a nation is entitled, and indeed obliged, to protect. In con-
sidering whether New Zealand has made out a prima facie case of
damage to its interests sufficientto bring the processes of this Court into
operation in terms of paragraph 63,this is therefore an important aspect
not to be ignored.
In the words of an important recent work on this question:

"The starting proposition is that each generation is both a custo-
dian and a user of Ourcornmon natural and cultural patrimony. As
custodians of thisplanet, wehave certainmoral obligations to future
generations which we can transform into legallyenforceable noms."
(See E. Brown Weiss, In Fairness to Future Generations: Znterna-
tional Law, Common Patrimony and Intergenerational Equity, 1989,
p. 21.)

The Stockholm Declaration on the Human Environment adopted by
the United Nations Conference on the Environment at Stockholm,tion de savoir sile fondement de l'arrêta été remisen cause s'inscritdans
la réalitéet ne saurait relever d'abstractions juridiques considérées isolé-
ment de leurs conséquencespratiques sur la vie de la population et sur
l'environnement de 1'Etatdemandeur.

La notion de droits appartenantaux générationfsutures

L'affaire dont la Cour est saisie met en jeu, comme aucune autre
affaire ne l'avait fait auparavant, leprincipe de l'équvis-à-visdes géné-
rations futures- un principe important et en rapide évolution du droit
moderne de l'environnement.
Au nom de la Nouvelle-Zélande, M. Lauterpacht a abordécet aspect
lorsqu'il a affirmédevant la Cour que si un dommage tel que celui qui est
alléguéavait étéinfligé à l'environnement par nos ancêtres del'âge de
pierre, nous en ressentirions encore les effets. Puisque nous savons
aujourd'hui que la période radioactive d'un produit dérivé d'essais
nucléairespeut atteindre vingt mille ans, c'est là un aspect important
qu'une juridiction internationale ne peut pas manquer de relever. Quand
elle est valablement saisie d'une question, la Cour doit se considérer
comme un fiduciaire (trustee) des droits en cause, au sens où un tribunal
de l'ordre interne est le fiduciairerustee) des intérêts d'ujeune enfant

incapable de s'exprimer.Si elleest chargéed'administrer le droit interna-
tional,et si ceprincipe s'intègre progressivementdans lecorpusde normes
du droit international, ou en fait déjàpartie, la Cour doit inévitablement
en tenir compte. Le problèmeen cause est trop sérieuxpour être écarté
comme dénuéd'importance simplement parce qu'il n'existeaucun précé-
dent en la matière.
Le grief de la Nouvelle-Zélandevisant les atteintes à ses droits ne se
rapporte pas uniquement aux droits de la population vivant aujourd'hui.
Les droits du peuple néo-zélandais incluent ceux des générations à venir.
Ce sont des droits qu'une nation peut àjuste titre, et en véritédoit, sau-
vegarder. On ne saurait donc faire abstraction de cet aspect lorsque l'on
examine si la Nouvelle-Zélandea établi prima facie que les atteintesà ses
intérêtsjustifiaient une démarche devant la Cour au titre du para-
graphe 63.

Pour reprendre lestermes d'un important ouvrage récemmentparu sur
cette question:
«Le postulat de base est que chaque générationest à la fois le gar-
dien et l'usufruitier de notre patrimoine naturel et culturel commun.
En tant que gardiens de cette planète, nous avons envers les généra-
tions futures certainesobligations morales, que nous pouvons trans-

former en normes juridiquement contraignantes. » (Voir E. Brown
Weiss, ZnFairness to Future Generations: International Law, Com-
mon Patrimony and IntergenerationalEquity, 1989,p. 21.)
La déclarationde Stockholm sur l'environnement, adoptée le 16juin
1972 à Stockholm par la conférence desNations Unies sur l'environne-16 June 1972,formulated nearly a quarter century ago the principle of
"a solemn responsibility to protect and improve the environment for
present and future generations" (Principle 1). This guideline sufficiently
spells out the approach to this new principle which is relevant to the
problem the Court faces of assessingthe likely damage to the people of
New Zealand. This Court has not thus far had occasion to make any
pronouncementon this developingfield.The present casepresents it with
a pre-eminent opportunity to do so, as it raises in pointed form the pos-
sibility of damage to generations yet unborn.

The Precautionary Principle

Where a party complains to the Court of possible environmentaldam-
age of an irreversiblenature which another party iscornmitting or threat-
ening to commit,the proof or disproof of the matter alleged may present
difficulty to the claimant as the necessary information may largely be in

the hands of the party causing or threatening the damage.

The law cannot function in protection of the environment unless a
legal principle is evolved toeet this evidentiary difficulty,and environ-
mental law has responded with what has come to be described as the pre-
cautionary principle - a principle which is gaining increasing support as
part of the international law of the environment (see Philippe Sands,
Principles of International EnvironmentalLaw, Vol. 1,pp. 208-210).

In 1990,the Ministers from 34 countries in the Economic Commission
for Europe and the Commissioner for the Environment of the European
Community, meeting at Bergen, Norway, issued the Bergen ECE Minis-
terial Declaration on Sustainable Development. Article 7 of this Declara-
tion formulated the precautionary principle in these terms:

"In order to achieve sustainable development, policies must be
based on the precautionary principle. Environmental measures must
anticipate, prevent and attack the causes of environmental degrada-
tion. Where there are threats of serious or irreversible damage, lack
of full scientificcertainty should not be used as a reason for post-

poning measures to prevent environmental degradation." (Bergen
ECE Ministerial Declaration on Sustainable Development, 15 May
1990,in Harald Hohmann (ed.), Basic Documents of International
Environmental Law, Vol. 1, 1992,pp. 558-559.)

In paragraph 16 (f), the Declaration stressed the importance of opti-
mizing democratic decision-makingrelated to environment and develop-ment, a formuléil y a presque un quart de sièclele principe d'un ((devoir
solennel de protéger et d'améliorerl'environnement pour les générations
présenteset futures)) (principe 1). Il y a là, clairement énoncée,l'idée
directrice de ce nouveau principe qui peut aider la Cour traiter le pro-
blèmeauquel elle doit faire face, c'est-à-dire apprécierles dommages
qui risquent d'êtreinfligésau peuple néo-zélandais. Jusqu'àce jour, la
Cour n'a pas eu l'occasion dese prononcer sur ce domaine en évolution.
La présenteaffaire lui offre une telle occasion, remarquable puisqu'elle
met en cause avec une acuité particulière l'éventualitéde dommages
infligésàdes générations à venir.

Le principe de précaution

Lorsqu'une partie allèguedevant la Cour d'éventuelsdommages, de
caractère irréversible, qu'une autre partie est en train de causer ou

menace de causer à l'environnement, il peut êtredifficileau demandeur
de produire des moyens de preuve ou de réfutation,vu que la plupart des
informations nécessairessont probablement détenues par la partie qui
cause ou menace de causer les dommages.
Ce n'est que si un principe juridique est élaborépour résoudre cette
difficultéen matière de preuve que le droit peut remplir sa fonction de
protection de l'environnement. C'est ainsiqu'a été conçu, dansle cadre
du droit de l'environnement, ce que l'on appelle désormaisle ((principe
de précaution)), quirecueille une adhésion croissanteen tant que compo-
sante du droit international de l'environnement (voir Philippe Sands,
Principles of International Environmental Law, vol. 1,p. 208-210).
En 1990,lesministres de trente-quatre pays relevant de la Commission
économiquepour l'Europe et le commissaire européenpour l'environne-
ment, réunis àBergen,en Norvège,ont publié la déclarationministérielle
de Bergenrelative au développementdurable. L'article 7 de cettedéclara-

tion formule le principe de précaution dans les termes suivants:
«En vue d'atteindre un développement durable, les politiques
doivent se fonder sur le principe de précaution. Les mesures pour
l'environnement doivent anticiper, prévenir et combattre les causes

de dégradation de l'environnement. En cas de risque de dommages
graves ou irréversibles, l'absence decertitude scientifiqueabsolue ne
doit pas servir de prétextepour remettre à plus tard l'adoption de
mesures visant à prévenir la dégradation de l'environnement.))
(Déclaration ministérielle de la Commission économique pour
l'Europe relative au développementdurable, Bergen, 15 mai 1995,
texte anglaisdans Harald Hohmann (dir. publ.), Basic Documents of
International Environmental Law, vol. 1, 1992,p. 558-559.[Traduc-
tion du Greffe].)

Il est dit au paragraphe 16f) de la déclaration qu'il importe d'optimi-
ser les processus démocratiquesde prise de décisions relativesauxques-ment issues, and it identified the following need as part of what it called
the Bergen process:
"To undertake the prior assessment and public reporting of the
environmental impact of projects which are likely to have a signifi-
cant effect on the human health and the environment and, so far as

practicable, of the policies, programmes and plans which underlie
such projects and to ensure that East European and developing
countries are assisted through bilateral and multilateral channels in
evaluatingthe environmentalimpact and sustainability of their own
development projects. To develop or expand procedures to assess
the risks and potential environmental impacts of products." (Op.
cit., p.565.)

The precautionary principle of course went further back in time than
1990.It is a principle of relevance to New Zealand in its application to
this Court and one which inevitably callsfor consideration in the context
of this case.
New Zealand has placed materials before the Court to the best of its
ability, but France is in possession of the actual information. The prin-
ciple then springsinto operation to givethe Court the basic rationale for
consideringNew Zealand's requestand not postponing the application of
such means as are available to the Court to prevent, on a provisional
basis, the threatened environmental degradation, until such time as the
full scientific evidence becomesavailable in refutation of the New Zea-
land contention.
Several environmental treaties have already accepted the precaution-
ary principle (see Sands, op. cit., pp. 210 et seq.). Among these are the

1992Baltic Sea Convention and the 1992Maastricht Treaty (Treaty on
European Union, Title XVI, Art. 130r (2)),which states that Community
policy on the environment "shall be based on the precautionary prin-
ciple" (emphasis added). It is noteworthy that under the 1992 Conven-
tion for the Protection of the Marine Environment of the North-East
Atlantic (OSPAR Convention), the parties (France and the United King-
dom), wishingto retain the option of dumping low and intermediate level
radioactive wastes at sea, would be required to report to the OSPAR
Commission on:

"the results of scientificstudieswhich show that any potential dump-
ing operations would not result in hazards to human health, harm to
living resources or marine ecosystems, damage to amenities or inter-
ferencewith other legitimate uses of the sea" (Ann. II, Art. 3 (3) (c),
cited from Sands, op. cit., p. 212).

This last application of the precautionary principle, to which France is
a Party, has particular relevanceto the matter presently before the Court. DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISSW. EERAMANTRY) 343

tions d'environnement et de développement,et qu'il est nécessaire,dans
le cadre du processus dit«de Bergen))de s'attacher à:

((Entreprendre une évaluation préalable et rendre compte publi-
quement desconséquencesécologiqued seprojets susceptiblesd'avoir
des effets sensiblessur la santédes populations et sur l'environnement
et, dans la mesure du possible, des politiques, programmes et plans
qui sous-tendent cesprojets, et veillerqu'une assistancebilatérale
et multilatéralesoit accordée auxpays de l'Europe de l'Est et aux
pays en développementpour évaluerles répercussions écologiquee st
la viabilité de leurspropres projets de développement; mettre au
point ou renforcer les procéduresvisant à évaluerles risques et les
tffets potentiels des produits sur l'environnement.»(Op. cit., p. 565.)

Bien entendu, le principe de précaution remonte au-delà de 1990. Il
présenteun intérêt pour la demandede la Nouvelle-Zélandedevant la
Cour, et on ne peut manquer de l'envisager dans le contexte de la pré-
sente affaire.
La Nouvelle-Zélandea fait tout son possible pour fournir des éléments
à la Cour, mais c'est la France qui détient effectivement les renseigne-
ments. Le principe entre alors en jeu pour justifier l'examenpar la Cour

de la demande néo-zélandaise et la mise en Œuvreimmédiatedes moyens
dont elle dispose pour parer, à titre provisoire,à la menace de dégra-
dation de l'environnement,jusqu'à ce qu'elle ait reçu des preuves scien-
tifiques complètes propres à réfuter les affirmations de la Nouvelle-
Zélande.
Plusieurs traitésrelatifsl'environnement ont déjàconsacréle principe
de précaution(voir Sands, op. cit., p. 210et suiv.).Parmi ceux-ci,on peut
citer la conventionsur la mer Baltique de 1992,letraitéde Maastricht de
1992 (traité surl'Union européenne, titre XVI, art. 130R, par. 2), qui
affirme que la politique de la Communauté dansle domaine de l'environ-
nement «est fondée surl[e]princip[e]de précaution))(lesitaliquessont de

moi). Il faut aussi noter que conformémentà la convention de 1992sur la
protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est, les parties (la
France et le Royaume-Uni) qui souhaitent conserver la possibilité
d'immerger des déchetsfaiblement ou moyennement radioactifs doivent
rendre compte à la commission mise enplace des
«résultats des étudesscientifiques montrant que toutes opérations

d'immersion éventuellesn'entraîneraient pas de risques pour la santé
de l'homme, ne nuiraient pas aux ressources biologiques et aux éco-
systèmesmarins, ne porteraient pas atteinte aux valeurs d'agrément
et ne gêneraientpas d'autres utilisations légitimesde lamer» (an-
nexe II, art. par. 3c),Revuegénéralede droit international public,
1992,p. 1014).

Cette dernière application du principe de précaution, dans un traité
auquel la France est partie, est particulièrementpertinentel'égard dela
question portée devant la Cour. The provision in the Maastricht Treaty, incorporating the precaution-
ary principle as the basis of European Community policy on the environ-
ment (Art. 130r (2)), would lead one to expect that the principle thus
applicable to Europe would apply also to European activity in other glo-
bal theatres.
Reference should be made finally to Principle 15 of the Rio Declara-
tion on Environment and Development, 1992,which reads:

"In order to protect the environment,the precautionary approach
shall be widely applied by States according to their capabilities.
Where there are threats of serious or irreversible damage, lack of full
scientificcertainty shallnot be used as a reason for postponing cost-
effective measures to prevent environmental degradation." (Report
of the UnitedNations Conferenceon Environmentand Development,
Rio de Janeiro, 3-14June 1992,Vol. 1, Ann. 1,p. 6.)

Environmental Impact Assessment (EIA)
This principle is ancillary to the broader principle just discussed. As

with the previous principle, this principle is gathering strength and inter-
national acceptance, and has reached the level ofgeneral recognition at
which this Court should take notice of it.

The United Nations Environment Programme (UNEP) Guidelines of
1987 on "Goals and Principles of Environmental Impact Assessment"
states in Principle 1that :

"States (including their competent authorities) should not under-
take or authorize activities without prior consideration, at an early
stage, of their environmental effects. Where the extent, nature or
location of a proposed activity is such that it is likely to significantly
affect the environment, a comprehensive environmental impact
assessment should be undertaken in accordance with the following
principles." (Hohmann, op. cit., p. 187.)

A proper Environmental Impact Assessment should, according to
Principle 4, include :
"(a) A description of the proposed activity ;
(b) A description of the potentially affected environment, includ-
ing specificinformation necessaryfor identifyingand assessing
the environmental effects of the proposed activity;

(c) A description of practical alternatives, as appropriate;
(d) An assessmentof the likelyor potential environmentalimpacts
of the proposed activity and alternatives, includingthe direct,
indirect, cumulative, short-tenn and long-term effects; La disposition du traitéde Maastricht qui fait du principe de précau-
tion l'un desfondements de la politique de la Communauté européenne
dans le domaine de l'environnement (art. 130R, par. 2)permet de penser
que le principe ainsi applicableàl'Europe s'appliqueégalementaux acti-
vitésdes pays européensdans d'autres régionsdu monde.
Il convient enfin de mentionner le principe 15de la déclarationde Rio
sur l'environnement et le développement de1992,qui est ainsi libellé:

«Pour protéger l'environnement,des mesures de précaution doi-
vent être largementappliquéespar les Etats selon leurscapacités.En
cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de
certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour
remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à pré-
venir la dégradation de l'environnement.» (Revuegénéralede droit
international public, 1992,p. 978.)

Evaluation de l'impact sur lénvironnement

Ce principe est accessoirepar rapport au principe de plus vaste portée
queje viensd'examiner,mais il bénéficiec,omme ce dernier, d'un poids et
d'une reconnaissance croissants à l'écheloninternational; il a en fait
atteint le niveau de reconnaissance généralequi justifie que la Cour en
tienne compte.
Dans le cadre des principes directeurs que le Programme des Nations
Unies pour l'environnement (PNUE) a énoncés en1987sur les «buts et
principes de l'évaluationde l'impact sur l'environnement)),le principe 1
est ainsi libellé

«Les Etats (y compris leurs autorités compétentes)ne devraient
entreprendre ou autoriser des activitéssans avoir au préalable étudié
au plus tôt leurs effets sur l'environnement. Lorsque du fait de son
ampleur, de sa nature ou de son emplacement, une activitéproposée
est susceptible d'avoir des effets sensibles sur l'environnement, une
évaluationglobaled'impact sur l'environnementdevraitêtreentreprise
conformément aux principes suivants. » (Doc. UNEP1G.C.1411 7,
annexe III, 1987.)

Aux termes du principe 4, une évaluationde l'impact sur l'environne-
ment devrait comprendre :

«a) une description de l'activité proposée;
b) une description de l'environnement susceptible d'être affecté,y
comprislesrenseignements spécifiquesnécessairp eour identifier
et évaluerles effets de l'activité proposée sulr'environnement;
c) une description des autres solutions possibles, le cas échéant;
d) une évaluationdes effets probables ou potentiels de l'activité
proposée etdes autres solutions possibles sur l'environnement,
y cornpris les effets directs, indirects,cumulatiàscourt terme
età long terme; (e) An identification and description of measures available to
mitigate adverse environmental impacts of the proposed acti-
vity and alternatives, and an assessment of those measures;

(f) An indication of gaps in knowledge and uncertainties which
may be encountered in compiling the required information;

(g) An indication of whether the environment of any other State
or areas beyond national jurisdiction islikelyto be affected by
the proposed activity or alternatives;

(h) A brief, non-technical summary of the information provided
under the above headings." (Hohmann, op. cit., p. 188.)

It is clear that on an issue of the magnitude of that which brings New
Zealand before this Court the principle of Environmental Impact Assess-
ment would prima facie be applicable in terms of the current state of
international environmental law.
This Court, situated as it is at the apex of international tribunals,
necessarily enjoys a position of specialtrust and responsibility in relation
to the principles of environmental law, especiallythose relating to what is
described in environmental law as the Global Commons. When a matter

is brought before it which raises serious environmental issues of global
importance, and a prima facie case is made out of the possibility of
environmental damage, the Court is entitled to take into account the
Environmental Impact Assessment principle in determining its prelirni-
nary approach.

Of course the situation may well be proved to be othenvise and fears
currently expressedmay prove to be groundless. But that stage is reached
only after the Environmental Impact Assessment and not before.

The Illegality of Introducing Radioactive Waste
into the Marine Environment

This principle is too well established to need discussion. The marine
environment belongs to all, and any introduction of radioactive waste
into one'sterritorial waters must necessarilyraise the danger of its spread
into the wider ocean spaces that belong to all.
If such danger can be shown prima facie to exist or be within the
bounds of reasonable possibility, the burden shifts on those who claim
such action is safe to establish that this isindeed so. As observed already,
the 1992OSPAR Convention between France and the United Kingdom
requires a report that any proposed dumping of low and intermediate
levelradioactive wastes would not result in hazards to human health and
marine resources. Such is the standard observed internationally. Until DEMANDE D'EXAMEN (OP.DISSW. EERAMANTRY) 345

e) l'identification et la description des mesures existantes viàant
atténuerles effets négatifsde l'activité proposée etdes autres
solutions possibles sur l'environnement, et une évaluationde
ces mesures;

f) une indication des carences en matière de connaissances et des
incertitudesrencontréesdans la mise au point de l'information
nécessaire;
g) une indication permettant de savoir si l'environnement de tout
autre Etat ou de régionsne relevant pas de lajuridiction natio-
nale risque d'être affectépar l'activitéproposée ou par les
autres solutions possibles;
h) un bref résumé non technique de l'information fournie au titre
des rubriques précédentes» (doc. UNEP/G.C. 14/17,loc. cit.).

S'agissant d'une question de l'importance de celle qui conduit la
Nouvelle-Zélande à s'adresserà la Cour, il est clair que le principe de
l'évaluationde l'impact sur l'environnement sembleraitrimafacie appli-
cable, vu l'état actueldu droit international de l'environnement.
Placéeau sommet des juridictions internationales, la Cour est néces-
sairement investie d'une confiance et d'une responsabilité propres à
l'égarddes principes du droit de l'environnement, notamment de ceux

intéressant ce que l'on qualifie en droit de l'environnement d'«indivis
mondial)). Lorsqu'une affaire est portée devant elle qui soulève de
graves questions écologiquesd'importance mondiale, et qu'il est établi
prima facie que des dommages pourraient êtrecausés à l'environne-
ment, la Cour est fondée à prendre en considération le principe de
l'évaluation de l'impact sur l'environnement pour arrêterson approche
préliminaire.
Bien entendu, la situation pourrait bien se révélertout autre, les
craintes aujourd'hui expriméesapparaissant alors sans fondement. Mais
on ne peut arriverà ces conclusions qu'aprèsla réalisationd'une évalua-
tion de l'impact sur l'environnement et non avant.

Le caractère illicitede l'introduction de déchetsradioactifs
dans le milieu marin

Ce principe est trop bien établi pour appeler une discussion. Le milieu
marin appartient à tous et l'introduction de déchetsradioactifs dans les
eaux territorialesd'un Etat créenécessairementle risque de leur dissémi-

nation dans les vastesesDacesocéaniauesaui sont le bien de tous.
Sil'on peut établirpriAa facie tel hanger existeou est de l'ordre
des possibilitésraisonnables, c'eàcelui qui prétendque cesactes ne pré-
sentent pas de danger qu'il incombe d'en apporter la preuve. Comme je
l'ai déjà fait observer, la conventionde992sur la protection du milieu
marin de l'Atlantiquedu Nord-Est conclueentre la France et le Royaume-
Uni exige que soit présentéun rapport montrant que toute immersion
projetéede déchetsfaiblementou moyennement radioactifsn'entraînerait346 REQUEST FOR AN EXAMINATION (DISSO. P.WEERAMANTRY)

such time, a judicial tribunal is entitled to act upon the prima facie case
that New Zealand has made out.

The Report of the Rio Conference of 1992 deals in Chapter 22 of
Agenda 21 with "Safe and Environmentally Sound Management of
Radioactive Wastes". Paragraph 22.5 (c) deals specifically with this
problem in terms that States should:

"Not promote or allow the storage or disposa1of high-level,inter-
mediate-level and low-level radioactive wastes near the marine
environment unless they determine that scientific evidence,consistent
with the applicable internationally agreed principles and guidelines,
shows that such storage or disposa1poses no unacceptable risk to
people and the marine environment or does not interfere with other
legitimate uses of the sea,making, in the process of consideration,
appropriate use of the concept of the precautionary approach."
(Report of the UnitedNations ConferenceonEnvironment andDevel-
opment (A/CONF.151/26/Rev.l), Vol. 1,Ann. II, pp. 371-372.)

France supported Agenda 21. Indeed, President Mitterrand gave it
such strong support as to suggest that the Secretary-General of the
United Nations should be entrusted with the task of taking stock of the
implementation of Agenda 21 every year (ibid., Vol. III, p. 195).

The President also observed :

"Secondly, it would be useful to detennine more clearly the role,
or the responsibility, of the countries of the North. 1think that they
have to preserve and restore their own domain (water, air, towns,
countryside),a task which their Governments are tackling unevenly.
That they have to refrainfrom any action harmful to the environment
of the countries of the South.Such is the purpose of France's very
strict laws on thexport of wastes." (Ibid., p. 194; emphasis added.)
It scarcely needs citation of authority to establish so self-evident a

principle.

The Principle that Damage Must Not Be Caused
to Other Nations
The conclusionsjust reached are reinforced by a fundamental principle
of modern environmental law which must here be noted. It is well
entrenched in international law and goes as far back as the Trail Smelter
case (Reports of International Arbitral Awards, 1938,Vol. III, p. 1905)

and perhaps beyond (see also Corfu Channel, Merits, Judgment, I.C.J.
Reports 1949, p. 4).pas de risques pour la santé del'homme et ne nuirait pas aux ressources
marines. Telle est la norme observéeau niveau international. Jusqu'à ce
que cette démonstration soit faite, la Cour, en tant qu'organe judiciaire,
est fondée àagir en considérant que laNouvelle-Zélandea établisa thèse
prima facie.
Le rapport de la conférence deRio de 1992traite, au chapitre 22 du

programme Action 21, de la ((Gestionsûre et écologiquementrationnelle
des déchetsradioactifs». Le paragraphe 22.5 c) aborde expressémentce
problèmeet fait obligation aux Etats de:
«Ne pas encourager ni autoriser le stockage ou l'élimination de
déchets hautement, moyennement et faiblement radioactifs à
proximitédu milieumarin, à moins qu'ilne soit scientifiquementéta-
bli, conformément aux principes et directives internationalement

reconnus applicables en l'espèce,que ce stockage ou cette élimina-
tion ne présentepas de risques inacceptables pour les personnes et
pour le milieu marin et ne fait pas obstacleà d'autres utilisations
légitimesde la mer, et en faisant intervenir comme il convient cet
égardle principe de précaution.» (Rapport de la conférencedes Na-
tions Uniessur l'environnementet le développement,CONF. 151/26,
vol. II, p. 293.)

La France a apporté son soutien à Action 21. De fait, M. Mitterrand,
président dela République française, est allé jusqu'à proposer que le
Secrétaire généradles Nations Unies reçoive la mission de faire le point
tous les ans sur l'exécutiond'Action 21 (ibid., NCONF. 151/26/Rev.1,
vol. III, p. 217).

Le Présidenta égalementfait observer:

((Deuxièmement,il conviendrait de mieux cerner le rôle, ou la res-
ponsabilitédes pays du Nord. Je pense qu'ils ont à préserveret à
restaurer leur propre domaine (eau, air, villes,paysages), àequoi
leursgouvernements s'emploient d'inégale façon.Qu'ilsont à s'inter-
dire toutes atteintesl'environnementdespays du Sud. C'est l'objet
de la trèsstricte législationfrançaise sur l'exportation des déchets.
(Ibid., p. 216; les italiques sont de moi.)

Il n'est guère nécessairede citr'autres sourcesà l'appui d'unprincipe
aussi évident.

Le principe selon lequelaucun dommage ne doit êtrecausé
aux autres nations

Les conclusions qui viennent d'êtredégagées sont corroboréespar un
principe fondamental du droit moderne de l'environnement, dont il faut
ici prendre note. Il est établi de longue date en droit international et
remonte à l'affaire de la Fonderie de Trail (Recueil des sentences arbi-
trales,1938, vol. III, p. 1905), voire peut-être au-delà(voir également
l'affaire duétroitde Corfou,fond, arrêt, C.I.J. Recuei1 l949, p. 4). This basic principle, that no nation is entitled by its own activities to
cause damage to the environment of any other nation, appears as Prin-
ciple 2 of the Rio Declaration on the Environment, 1992:

"Stateshave, in accordance with the Charter of theUnited Nations
and the principles of international law, the sovereignright to exploit
their own resources pursuant to their own environmentaland devel-
opmental policies, and the responsibility to ensure that activities
within their jurisdiction or control do not cause damage to the
environment of other States or of areas beyond the limits of national
jurisdiction."(Report of the UnitedNations Conferenceon Environ-
ment and Development(AICONF.151/26/Rev.l), Vol. 1,Ann. 1,p. 3.)

Other international instruments that embody this principle are the
Stockholm Declaration on the Human Environment (1972,Principle 21)
and the 1986Noumea Convention, Article 4 (6) of which States:

"Nothing in this Convention shall affect the sovereign right of
States to exploit, develop and manage their own natural resources
pursuant to their own policies,taking into account their duty to pro-
tect and preserve the environment. Each Party shall ensure that
activities within its jurisdiction or control do not causedamage to
the environment of other States or of areas beyond the limits of its
national jurisdiction." (Hohmann, Basic Documents of International
Environmental Law, 1992,Vol. 2, p. 1063.)

It is in the context of such a deeply entrenched principle, grounded in

common sense,case law, international conventions,and customary inter-
national law that the Court must reach a determination as to whether a
prima faciecaseof danger to its rights has beenmade out by NewZealand.

The Approach to the Question of Proof

As stressed in this opinion, it is essential, in order to activate the pro-
cedures of the Court, that New Zealand shouldmake out at least a prima
facie case that the dangers which brought it to Court in 1973 are now
present again in consequence of the underground nuclear tests that
France has commenced in the Pacific.There must therefore be an exami-
nation of the facts in order to decide whether the jurisdictional basis

exists for New Zealand's present Request.

The ensuingexamination is thereforeundertaken as an integral part of
the preliminaryjurisdictional question and is not a part of any examina-
tion of the merits. Le principe 2 de la déclaration de Rio sur l'environnement de 1992
consacre ce principe fondamental selon lequel aucune nation n'a le droit
de mener des activitésde nature à causer des dommages à l'environne-
ment d'une autre nation :

((Conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes
du droit international, les Etats ont le droit souverain d'exploiter
leurs propres ressources conformément à leurs propres politiques en
matière d'environnement et de développement,etils ont le devoir de
veiller ce que les activitésqui relèvent deleur compétenceou de
leur pouvoir ne portent pas atteintel'environnement d'autres Etats
ou de zones situéesau-delà des limitesde leurjuridiction nationale.
(Revue généralede droit international public, 1992,p. 975.)

Parmi lesautres instrumentsinternationaux qui consacrent ceprincipe,
on peut citer la déclaration de Stockholm de 1972 sur l'environnement
(principe 21) et la convention de Nouméade 1986,dont le paragraphe 6
de l'article 4 est ainsi libellé:
((Aucune des dispositions de la présente convention ne porte

atteinte au droit souverain des Etats d'exploiter, de mettre en valeur
et de gérerleurs ressources naturelles selon leurs politiques propres
en tenant compte de leur devoir de protéger l'environnement.Chaque
partie doit faire en sorte que les activitésexercéesdans les limites de
sa juridiction ou sous son contrôle ne causent pas de dommage à
l'environnementdansd'autres Etats ou dans deszones situéesau-delà
des limitesde sajuridiction nationale.Internationale Umweltrecht,
98697/14.)

La Cour doit s'inspirer dece principe largement consacré, qui trouve
son fondement dans le bon sens, la jurisprudence, les conventions inter-
nationales et le droit international coutumier, pour déterminer si la
Nouvelle-Zélandea établiprima facie que ses droits sont menacés.

La question de la preuve

Comme je l'ai soulignédans la présente opinion, il est essentielpour
mettre en Œuvreles procéduresde la Cour que la Nouvelle-Zélandeait
établiau moins prima facie que les dangers qu'elle avait invoquéspour
saisir la Cour en 1973 sont de nouveau présents par suite des essais
nucléairessouterrains que la France a entrepris d'effectuer dans le Paci-
fique.Il convient dèslors d'examiner les faits pour déterminers'ilexiste
une base de compétence ence qui concerne la demande actuelle de la
Nouvelle-Zélande.
L'examen qui suit s'inscrit donc à part entière dans le cadre de la
question préliminaire dela compétenceet ne concerne pas l'examen au
fond. There are two ways of approaching this question. The first is to place

the burden of proof fairly and squarely upon New Zealand, and to ask
whether a prima facie case has been made out of the presence of such
dangers as New Zealand complains of.
The second approach is to apply the principle of environmental law
under which, where environmental damage of any sort is threatened, the
burden of proving that it will not produce the damaging consequences
complained of is placed upon the author of that damage. In this view of
the matter, the Court would hold that the environmental damage New
Zealand complains of is prima facie established in the absence of proof
by France that the proposed nuclear tests are environmentallysafe.
It will be noted in this connection that al1 the information bearing
upon this matter is in the possession of the Respondent. The Applicant
has only indirect or secondaryinformation, but has endeavoured to place
before the Court such information as it has been able, to the best of its
ability, to marshal for the purposes of this application.
The second approach is sufficiently well established in international
law for the Court to act upon it. Yet, its sufficientfor present purposes
to act upon the first approach, throwing the burden of proof upon New
Zealand.
What is the nature of the prima faciecase that New Zealand has made

out?
The ScientiJic Fact-JindingMissions

New Zealand has placed before the Court such scientificmaterial as is
available to it, and has referred,in particular, to three scientificreports in
support of its submissions regarding the unreliability of Mururoa and
Fangataufa atolls as repositories of nuclear wastes. It states that the
French Government has not permitted a full scientific investigation of
Mururoa atoll, but that three limited investigationsareal1that have been
allowed on Mururoa, and none at al1 at Fangataufa where the larger
explosions have occurred.
These are the investigations of Mr. M. H. Tazieff, a noted French
vulcanologist, in 1982; that of a team of scientists led by Mr. Hugh
Atkinson, a former Director ofNew Zealand's National Radiation Labo-
ratory, in 1983;and that of a scientificand film team, led by Commander
Cousteau, in 1987.
Mr. Tazieff commented that a systematic study over a number of years
was required of the most mobile radionuclidesin ground water and in the

sea, for an assessment of the effectivenessof the containment of radio-
activity (Tazieff Report, p. 7, cited in New Zealand's Request, para. 38);
while Commander Cousteau concluded that leakage could occur on a
time scale of 100-300years, a significantly shorter period than previous
estimates (ibid., para. 40, in reliance upon the Cousteau Mission Report).
The conclusions of the Atkinson Report are dealt with later. DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISSW. EERAMANTRY) 348

Ily a deux manièresd'aborder la question de la preuve. La première
consiste à faire purement et simplement supporter la charge de la preuve
àla Nouvelle-Zélande,et à se demander si cette dernière a établi prima
facie la réalité desdangers qu'elle allègue.
La seconde consiste à appliquer le principe du droit de l'environne-
ment en vertu duquel, lorsqu'il y a menace d'un quelconque danger

écologique,c'est à l'auteur de l'acte incriminéqu'il incombe de prouver
que cet acte n'aura pas les conséquences dommageablesalléguéesS . elon
cette conception, la Cour conclurait que le dommage écologiquedont se
plaint la Nouvelle-Zélandeest établiprima facie sila France ne démontre
pas l'innocuité,sur le plan écologique, desessais nucléairesprojetés.
A cet égard,il convient de noter que toutes lesinformations relatives
cette question sont en possession du défendeur.Le demandeur ne dispose
que d'informations indirectes ou secondaires,mais il s'estefforcé depro-
duire devant la Cour toutes les informations qu'il a pu, de son mieux,

rassembler aux fins de la demande.
La seconde conception de l'administration de la preuve est suffisam-
ment bien établieen droit international pour que la Cour soit fondée àla
suivre.Néanmoins,il lui suffità ce stade de suivre la premièreconception,
qui consisteà faire reposerlefardeau de la preuve sur la Nouvelle-Zélande.
Quelleest la nature de la thèseque la Nouvelle-Zélandea établieprima
facie?

Les missions d'enquêtescientfique

La Nouvelle-Zélandea produit devant la Cour la documentation scien-
tifique dont elle dispose; elle s'est notamment référée à trois rapports
scientifiques pour faire valoir que Mururoa et Fangataufa étaient ina-
daptésen tant que sites de stockage de déchets nucléaires. Selonelle, le
Gouvernement français n'a autorisé aucune enquêtescientifique appro-
fondie sur l'atoll de Mururoa, mais a seulementpermis que trois enquêtes
de portéelimitée y soient menées; à Fangataufa, où ont eu lieu lestirs les
plus puissants, aucune enquête n'aurait étéautorisée.
Lestrois enquêtesprécitéeosnt étémenéesen 1982par M. M. H. Tazieff,
un éminentvulcanologue français, en 1983par une équipede scientifi-

ques dirigéepar M. Hugh Atkinson, ancien directeur du laboratoire
radiologique national de Nouvelle-Zélande,et en 1987par une équipe
scientifiqueet cinématographique dirigéepar le commandant Cousteau.
M. Tazieff a observéaLe.zsi l'on voulait évaluerl'efficacitédu confine-
ment de la radioactivité,il serait nécessaired'étudier systématiquement
pendant un certain nombre d'annéesles radionucléidesles plus mobiles
qui se trouvent dans les eaux souterraines et dans la mer (demandenéo-
zélandaise,par. 38, citant le rapport Tazieff, p. 7), alors que le comman-
dant Cousteau a conclu que des fuites radioactivespourraient avoir lieu

d'icicent à trois cents an- c'est-à-direune période de temps beaucoup
plus courte qu'on ne l'avait estiméprécédemment (ibid.,par. 40, fondé
sur le rapport de la mission Cousteau). J'examinerai ultérieurementles
conclusions du rapport Atkinson. France repliesto New Zealand's contentions by asserting that the New
Zealand descriptions envisaged"disasters of Hollywoodianproportions",
while the tests are, in fact, environmentally safe (CR 95/20, p. 62).
Professor de Brichambaut, for France, stated, inter alia, that traces of
radioactivity on Mururoa are infinitesimal; that the level ofradioactivity
is thesame as on al1the atolls in the South Pacific; that it is considerably
lower than the levels found in Paris, Darwin, Chile or Colombia. He
submitted that the level ofradioactive elements (measured in micrograys
per year) is 262 in Mururoa, 463 in Tahiti, 815 in Australia and 900 in
New Zealand. He added that in Holland it is 280,just above the levelin
Mururoa. He also gave the Court various statisticsin relation to doses of
radioactivity measured in the Polynesian population (ibid.,p. 55).

However, the main question on which the Court would needto reach a
prima facie conclusion is the question of the safety of Mururoa as a
repository of radioactive waste, both over the long term, in consequence
of natural impairment of the atoll, and in the short term in consequence
of nuclear explosions.

These matters are dealt with in the ensuing paragraphs.
The danger of radioactive contamination resulting from France's under-
ground tests could perhaps be considered under the following heads:
(a) the nature of the nuclear tests proposed;
(b) the structure of Mururoa and Fangataufa atolls;
(c) the impact upon the atolls of the previous explosions;
(d) the impact upon Mururoa of the proposed new seriesof explosions;

(e) the internationally accepted safety standards for the storage of
radioactive wastes;
(f) the danger to marine lifeof the releaseof radioactivesubstancesinto
the ocean; and
(g) the possibility of accident.
If, upon a review of these matters, it can reasonably be stated that a
prima facie case has been made out of possible danger from radioactive
contamination resulting from France's nuclear tests in the Pacific, New
Zealand would be entitled to submit that it has discharged the burden
lying upon it of showing that it comes within the terms of paragraph 63.

The possible dangers will now be outlined under the heads enumer-
ated, bearing in mind that, in a case of this magnitude, evena prima facie
finding of possible dangers is not to be lightly reached. The relevant
material must be therefore examined with the greatest care. The ensuing
discussion aims at ascertainingwhether, upon an objective analysis, New
Zealand has made out a prima facie case that the dangers it complained
of in 1973now exist in 1995,thereby activating paragraph 63 of the 1974
Judgment. La France répond aux assertions de la Nouvelle-Zélande enaffirmant
que celle-cienvisage des ((catastrophes dignes d'Hollywood», alors que
les essais ne comportent en fait aucun risque écologique(CR 95/20,
p. 62).Au nom de la France, M. de Brichambaut a notamment dit que les
traces de radioactivitéà Mururoa sont infinitésimales, quele niveau de
radioactivitéest celui de tous les atolls du Pacifique Sud et qu'il estlar-
gement inférieur à celui constaté à Paris, à Darwin, au Chili ou en
Colombie. Il a affirméque le niveau d'exposition aux élémenradioactifs
(mesuréen micrograys par an) est de 262 à Mururoa, 463 à Tahiti, 815en
Australie et 900 en Nouvelle-Zélande. Il a ajouté qu'ilest de 280 aux
Pays-Bas, soit juste au-dessus du niveau de Mururoa. Il a également

fourni à la Cour différentes données statistiques relatives aux doses
de radioactivitémesuréesau sein de la population polynésienne (ibid.,
p. 55).
Mais la question principale sur laquelle la Cour devrait parvenirune
conclusion prima facie est celle de la sécuritéqu'offre Mururoa en tant
que dépôt de déchets radioactifs, tant à long terme, par suite de la
dégradation naturelle de l'atoll, qu'à court terme, du fait des essais ~
nucléaires.
Ce sont ces questions que je traiterai dans les paragraphes suivants.
On peut examiner les risques de contamination radioactive résultant
des essais souterrains français sous différents angles,avoir:

a) la nature des essais nucléaires projetés,
b) la structure des atolls de Mururoa et de Fangataufa,
c) l'impact des explosions précédentessur les atolls,
d) les répercussionssur Mururoa de la nouvelle séried'explosions pro-
jetée,

e) les normes de sécurité admises à l'écheloninternational quant au
stockage des déchetsradioactifs,
f) le danger que la libération de substances radioactives dans l'océan
représentepour la vie marine,
g) la possibilitéd'accidents.

Si, après examen de ces différentsaspects, on peut raisonnablement
affirmer qu'il existerima facie un risque de contamination radioactive
résultant des essais nucléairesfrançais dans le Pacifique, la Nouvelle-
Zélande serait alors fondéeà faire valoir qu'elle a satisàal'obligation
qui lui incombait de prouver que sa demande entre bien dans les prévi-
sions du paragraphe 63.
Les dangers potentiels seront exposés sous chacune des rubriques
énumérées ,tantentendu que, dans une affaire de cette importance, on
ne saurait parvenir à la légèreà une conclusion, mêmeprima facie. Il
convient donc d'analyser avec le plus grand soin les élémentpertinents.
L'examen qui suit tend à déterminersi, selon une analyse objective, la

Nouvelle-Zélandea établi primafacie que lesdangers dont elletirait grief
en 1973existent de nouveau en 1995,ce qui permettrait de faire jouer le
paragraphe 63 de l'arrêtde 1974.The nature of underground nucleartests

The information placed before the Court is to the effect that holes of a
depth of around 1,000metres are drilled into the ground surface of the
atoll. New Zealand states that the details of location of the test shafts
have not been released by France. The structure of the atoll consists of a
coral crown over a volcanic base. Many tests have also been conducted in
the lagoon area adjacent to the coral rim.

A cylinder containing the explosive device and a large amount of
instrumentation is then dropped into the hole. The shaft is packed tight
with material, including a special kind of concrete, to stop the escape
through the shaft into the atmosphere of radioactive material from the
explosion.
Upon detonation, everything at the bottom of the shaft is vaporized
and a ball-shaped chamber forms in the structure of the surrounding
rock. For the small 10-kiloton blasts, the chamber would be approxi-
mately 50 metres in diameter and for explosions of around 100kilotons
the chamber might be around 120metres in diameter.

The immense heat of the explosion vitrifies the rock around it and
much of the radioactive material released by the explosion is contained
within this vitrified rock and within the explosion chamber.

New Zealand submits that another effect of the explosion is an earth-
quake shock which may measure between 4 and 6 on the Richter scale.
This may fracture some of the upper limestone layers of the atoll and
may generate landslides towards the outer flanks of the atoll.

1 refer again to McEwan's technical study on "Environmental effects
of underground nuclear explosions" :
"The greatest environmental impacts of underground tests result
from seismicand local shock wave effects.The latter include ground
movements, subsidence, collapse Crater formation, cliff falls and
submarine slides which may occur within a few kilometres of the
detonation points." (Op. cit., p. 89.)

The important question also arises of the possibility of venting, i.e.,
the escape of vapours, liquid and other by-products of the explosion
from the confined space in which the explosions occur. The Report of a
New Zealand, Australian and Papua New Guinea Scient8c Mission

to Mururoa Atoll, which was headed by Mr. H. R. Atkinson, Retired
Director of the National Radiation Laboratory, Christchurch (one of the
three reports deposited along with the New Zealand Request), observes:La nature des essaisnucléairessouterrains
11ressort des informations produites devant la Cour que des puits

d'une profondeur de 1000mètresenviron sont forés dans le sol de l'atoll.
D'après laNouvelle-Zélande,la France n'a pas communiqué d'informa-
tions détailléesuant àl'emplacement despuits d'explosion. La structure
de l'atoll consiste en une couronne corallienne surmontant une base vol-
canique. De nombreux essais ont également été effectué dans le lagon
adjacent à la couronne corallienne.
Un cylindre contenant l'enginexplosif et une grande quantité d'instru-
ments est descendu au fond du puits. Celui-ciest combléavec des maté-
riaux, notamment un béton spécial, afin d'empêchelra remontée dansle
puits des matièresradioactivesproduites par l'explosionet leur libération
dans l'atmosphère.
Lors de l'explosion,tout ce qui se trouve au fond du puits est vaporisé
et une cavitésphériquese forme dans la structure de la roche environ-

nante. Dans le cas d'un tir relativement peu puissant de 10 kilotonnes,
la chambre ainsi crééea une cinquantaine de mètres de diamètre; ce
diamètrepeut atteindre quelque 120mètrespour une explosion d'environ
100kilotonnes.
La chaleur considérabledégagée par l'explosion vitrifie la roche envi-
ronnante et une grande partie des matières radioactives généréep sar
l'explosionest piégédeans cetteroche vitrifiée etdans la chambre d'explo-
sion.
Selon la Nouvelle-Zélande, l'explosionprovoque aussi une secousse
sismique d'une magnitude de 4 à 6 sur l'échellede Richter. Cela peut
fracturer une partie des couches calcaires supérieuresde l'atoll et provo-
quer des glissementsde terrain sur les versants extérieurs decelui-ci.
Je citerai denouveau iciun passage del'étude techniquede M. McEwan
intitulée«Environmental Effects of Underground Nuclear Explosions» :

«Les effetslesplus importants des essaissouterrains sur l'environ-
nement sont dus aux ondes sismiques et aux ondes de choc locales.
Ces dernières entraînent des glissements de terrain, des affaisse-
ments, la formation de cratères d'effondrement, l'écroulement de
falaises et des glissementsde terrain sous-marinsqui peuvent sepro-

duire àune distance de quelques kilomètresdes points d'explosion.»
(Op. cit., p. 89.)
Une autre question importante concerne la possibilitéde fuites, c'est-
à-direl'éventualitéque des vapeurs, liquides et autres produits dérivésdes

explosions s'échappentde l'espace confinédans lequel les explosions ont
lieu. Le rapport de la mission scientifiqueconduite sur l'atoll de Mururoa
par la Nouvelle-Zélande,l'Australie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée,
sous la direction de M. H. R. Atkinson, ancien directeur du laboratoire
radiologique national de Christchurch (l'un des trois rapports que la
Nouvelle-Zélandea déposés enmêmetemps que sa demande), relève
que : "Venting of gaseous and volatile fissionproducts from the under-
ground test sites does occur at the time of detonation. The radio-
nuclides vented include ones other than the noble gases (which are
admitted by the French) and there isevidencethat their magnitude is
greater than would be expected simply through the back-packing of

the placement bore being 'less than perfect'." (Report of a New
Zealand, Australian and Papua New Guinea Scient@ Mission to
Mururoa Atoll, p. 132.)

The structure of Mururoa and Fangataufa atolls
The structure of the atoll is said to consist of a coral crown upon a

volcanic base. Water percolates through the entire rock structure.
Whether through prior explosions or otherwise, there is a network of
fissuresin the structure of the atoll.
The Atkinson Report contained the following descriptions of the atoll
structure of Mururoa:
"Mururoa in common with other atolls is made up of two
sequences; the upper limestones of 180-500m thickness, overlying
volcanics of several thousand metres thickness." (Ibid., p. 7.)

"The limestones, comprised of superimposed successionsof reefs,
are for the most part porous and permeable with many horizons of
particularly high porosity and permeability. The flanks of the atoll
howeverare protected by aprons of lowpermeability." (Ibid.,pp. 7-8.)

"The French claim that any leakage from the volcanics to the
limestones willbe stopped by the impermeabletransition zone is not

borne out by the data inspected.

The transition zone which occurs between the volcanics and lime-
stones is highly variable in thickness and rock type and this casts
doubt on its ability to act as an impermeable barrier to potential
radioactive leakage. The potential exists for leakage of water from
detonation cavities to the biosphere in lessthan 1000years." (Ibid.,
P. 8.)
"The claim that the transition zone acts as a barrier to long-term
leakage can, on the basis of geological evidence,be discounted. The
volcanics in their virgin stateffer a poor to moderate geo-chemical
barrier and a moderate to good hydrological barrier. The testing

programme is reducing the effectivenessof both." (Ibid., p. 9.)

The McEwan study, already referred to, observes that:

"Leakage of radioactive material from an underground testing site
may occur if there isground water present at the emplacement depth «Lors de l'explosion, des produits de fission gazeux et volatils
s'échappentdes sites des essais souterrains. Les radioéléments ainsi
libérésne sont pas seulement des gaz nobles (dont les Français
reconnaissent les fuites), et on constate que leur quantité est supé-
rieureà ce qu'un simplecolmatage «imparfait» du puits d'explosion
pourrait laissercraindre.Report of a New Zealand, Australian and
Papua New Guinea ScientiJic Mission to Mururoa Atoll, p. 132.)

La structure des atolls de Mururoa et de Fangataufa

La structure de l'atoll est décrite comme unecouronne coralliennesur-
montant une base volcanique. L'eau percole à travers toute la structure
rocheuse. Il existe dans la structure de l'atoll un réseau de fissures, dues
ou non aux explosions précédentes.
Le rapport de la mission Atkinson décrit la structure de l'atoll de
Mururoa en cestermes:

((Mururoa, comme d'autres atolls, est constituéde deux couches:
une couche supérieurecalcaire, d'une épaisseurde 180 à500mètres,
et un socle volcanique de plusieurs milliers de mètres d'épaisseur.
(Ibid., p. 7.)

«La couche calcaire, constituée d'une superposition de récifs, est
dans l'ensemble poreuseet perméableet comporte un grand nombre
d'horizons dont le degré deporosité etde perméabilitéest particu-
lièrementélevéT . outefois, les flancs de l'atoll sont protégéspar des
glacis peu perméables. (Ibid., p. 7-8.)
((L'allégationdes Français selon laquelle toute fuite du socle
volcanique vers la couchecalcairesera contenue par la zone de tran-
sition imperméablen'est pas étayée par les données que nous avons
étudiées.
La zone de transition situéeentre le socle volcanique et la couche

calcaire est d'une épaisseuret d'une composition rocheuse très va-
riables, ce qui permet de douter de son aptitude opposer une bar-
rièreétanche àd'éventuellesfuites radioactives. Il est possible qu'en
moins d'un millier d'annéesde l'eau remonte des chambres de déto-
nation dans la biosphère. (Ibid., p. 8.)
«Sur la base de donnéesgéologiques,on peut écarter la thèse
selonlaquellela zone de transition ferait obstacleoute fuiteàlong
terme. A l'origine, le socle volcanique constitue une barrière géo-
chimique d'une efficacitémédiocreà moyenne et une barrière hydro-

logique d'une étanchéitmoyenne àbonne. Le programme d'essaisa
réduit sonefficacité ces deux titres.» (Ibid., p. 9.)
Dans l'étudede M. McEwan déjà citéei,l est observéque:

«Des matériaux radioactifs peuvent s'échapper d'unsite d'essais
souterrains si des eaux souterraines se trouvent la profondeur du at the time of explosion, or if fracturing of rock subsequently allows
ground water accessto the cavity." (Op. cit., p. 85.)

Having regard to the saturation of the rock structure with water, this
seems to be, prima facie, a factor to be taken into account.
,-
The impact upon the atolls of previous explosions

The Atkinson Report concludes:

"The integrity of the carbonate part of the atoll has been impaired.
- Fissures have formed in the limestones as a result of testing.

Surfacesubsidenceto the order of 1m has affected over 1km2of

the north-eastern region and 1.5 km2 of the south-west margin.
Such subsidence is the direct result of cumulativecompaction in
the limestones, and propagated by testing.
Submarine slides, particularly along the southern margin, have
resulted from a number of tests at Mururoa. The effect of these
slidesis to strip the outer rim of the atoll of its protective imper-
meable limestone.

Fissuring and removal of the apron limestone through slidingwill
both serve to increase lateral and vertical water transport in the
carbonate body of the atoll." (Op. cit., pp. 105-106.)

Al1three of these heads seem to be of great importance to the issue
before the Court. Fissures can conceivably widen and afford an outlet to

the sea. The subsidenceto an extent of onemetre of a squarekilometre of
the atoll's surfacerefiects a structural movement serious enough to cause
concern.The stripping of the outer rim of the atoll must also be thought,
in the absence of contrary evidence,to weaken the protective structure of
the atoll.

The impact upon Mururoa of the proposed newseries of explosions

It is of course impossible to state, on the available scientificmaterial,
how many more explosions the structure of the atoll can withstand with-
out somemajor structural damage such as may releasethe pent-up radio-
active debris of over 100explosions contained within the atoll'sstructure.
It may be that the structure could withstand one thousand more explo-
sions, or it may be that the structure is nearing the end of its endurance
of continuing explosions.
There is, according to New Zealand, an ever-present danger that the
already fissured structure of the atoll cannot be guaranteed to remain
intact and that even one more explosion could wellbe the force that can puits au moment de l'explosion, ousi des fractures de la roche per-
mettent ultérieurement à l'eau souterraine de pénétrer dans cette
cavité.» (Op. cit., p. 85.)

Etant donné la saturation en eau de la structure rocheuse, il semblequ'il
y ait là primafacie un facteur à prendre en considération.

L'impact des explosions précédentes sur lesatolls

Le rapport de la mission Atkinson conclut:
«La partie carbonatée de l'atoll n'est plus intacte.

- Des fissures se sont forméesdans les couches calcaires à la suite
des essais.
- Des affaissements superficielsde l'ordre d'un mètrese sont pro-
duits sur environ 1 km2dans la zone nord-est et 1,5km2 sur la
marge sud-ouest. Ils résultent directementdu tassement cumulé
des couches calcaires, accentuépar les essais.
- Des glissements de terrain sous-marins,particulièrement le long

de la marge méridionale,se sont produits à la suite d'un certain
nombre d'essais effectués à Mururoa. Ces glissements ont pour
effet de dépouillerle bord extérieurde l'atoll de sa couche cal-
caire imperméable deprotection.
La fissuration et la disparition du glacis calcaire dues aux glisse-
ments contribueront à accroître la circulation tant latérale que

verticale de l'eau dans la partie carbonatée de l'atoll.)) (Op. cit.,
p. 105-106.)
Chacune de ces trois catégories defacteurs semble avoir une impor-
tance considérable pour la question portée devant la Cour. On peut

concevoir que les fissures s'élargissentau point d'offrir un débouché sur
la mer. Un affaissement de l'ordre d'un mètre sur une surface d'un
kilomètre carréde l'atoll traduit un mouvement structurel suffisamment
profond pour justifier des inquiétudes.En l'absence de preuvecontraire,
on doit également penser quele décapage du bord extérieur del'atoll
affaiblit la structure de protection de l'atoll.

Les répercussionssur Mururoa de la nouvelle séried'explosionsprojetée

Bien entendu, les donnéesscientifiques disponibles ne permettent pas
de dire combien d'explosionsla structure de l'atoll peut encore supporter
avant qu'il en résulte des dommagesstructurels propres à provoquer la
libération des déchets radioactifs accumulés par suite de plus d'une
centaine d'explosions. Cette structure pourrait résister à mille autres
explosions, ou êtreau contraire proche de sa limite de résistance à des
essais répétés.

La Nouvelle-Zélandea soulignéle danger omniprésentque la structure
déjàfissuréede l'atoll ne puisse demeurerintacte et le risque qu'une seule
nouvelle explosion déclencheun effondrement structurel important. Latrigger off a major structural collapse. The structure has already been
buffeted by explosions equivalent to some 150 times the power of the
Hiroshima bomb. There are over 126shafts drilled into a segment of an
atoll which is less than 28 km long. We do not have the benefit of an

impact assessment survey of the ability of the atoll's structure to with-
stand these shocks.
In the words of New Zealand's counsel, Professor Lauterpacht, New
Zealand could ask whether the world can be confident that the present
series of tests may not place upon the came1of Mururoa the straw that
breaks its back.

The intevnationally accepted safety standards for the storage of radio-
active wastes

At the conclusion of the hearings, 1 addressed a question to both
Parties as to whether there are internationally accepted criteria for the
selection of geological repositories for radioactive wastes, requesting a

brief list ofsuch criteria, if there were any.
The French reply was:

"Il n'existe actuellement aucune norme officielle internationale
concernant les critères géologiques destockage des déchetsradio-
actifs. Les étudesscientifiquesmenéesquant à la nature des roches
les plus appropriées aboutissent à un consensus sur la nécessité
d'avoir unenvironnement géologiquestable, une faibleperméabilité
des roches et un contexte propice à une rétentiondes radioéléments
par les roches." '

New Zealand, however, referred to the International Atomic Energy
Agency's Safety Standard, "Safety Principles and Technical Criteria for
the Underground Disposa1 of High Level Radioactive Wastes" (Safety
Series No. 99, 1989)2,a document which New Zealand states has been
superseded by more detailedstudies.The criteria set out in this document
include the following :

"Criterion No. 7: Site geology
The repository shall be located at sufficient depth to protect

adequatelythe emplaced waste from external events and processesin

Weeramantry, No.F2:nce dated 15 September 1995,replies to the questions put by Judge

"There iscurrently no officia1international nom relating to the geologicalcriteria
most appropriate rocksead to a consensuson the need to have a geologicallystablef the
environment, rocks of a low permeabilityand a context favourable to a retention of
radioelements by the rocks."ranslation by the Registry.]
Letter from New Zealand dated 15 September 1995,replies to the questions put by
Judge Weeramantry, No. 2.structure a déjàété ébranlé par des explosions d'une puissancecent cin-
quante fois supérieure à celle de la bombe d'Hiroshima. Plus de cent
vingt-sixpuits ont étforésdansune partie de l'atoll quimesure moins de
28 kilomètres de long.Nous ne disposons d'aucune évaluationd'impact
établissant dans quelle mesure la structure de l'atoll peut résisterces
chocs.
Pour reprendre les termes du conseil de la Nouvelle-Zélande, M. Lau-
terpacht, la Nouvelle-Zélande poseen quelque sorte la question de savoir
si lemonde peut avoir la certitudeque la sérieactuelle d'essaisne serapas
le brin de paille qui éreinterale chameau de Mururoa.

Les normes de sécurité admise àsl'écheloninternationalquant au stockage
des déchets radioactifs

Au terme des débats,j'ai demandé aux deux Parties s'il existait des
critères internationalement reconnus pour le choix des sites géologiques
de stockage de déchetsradioactifs, et je les ai priées,le cas échéant, de
m'en donner une brève liste.
La France a fourni la réponse suivante:

((11n'existe actuellement aucune norme officielle internationale
concernant les critèresgéologiques destockage des déchetsradioac-
tifs. Les étudesscientifiquesmenéesquant à la nature des roches les
plus appropriées aboutissentà un consensus sur la nécessitéd'avoir
un environnement géologiquestable, une faible perméabilitédes
roches et un contexte propiceà une rétentiondes radioélémentspar
les roches.'

La Nouvelle-Zélandes'est toutefois référé e la norme de sûretéde
l'Agenceinternationale de l'énergieatomique intitulée((Principesde sûreté
et critèrestechniques pour le stockage définitifsouterrain des déchets de

haute activité))(collection Sécurité,o 99, 1989)2,document qui, selon
elle, aurait été remplacépar un certain nombre d'études plus détaillées.
Les critèresénoncésdans ce document sont notamment les suivants:
((Critèreno 7: Géologiedu site de dépôt

Le dépôt doit être enterréà une profondeur suffisante pour bien
isoler lesdéchets qu'ilcontient des événementet des processusexté-

Lettre de la France en date du 15septembre 1995,réponsesaux questions poséespar
M. Weeramantry, no 2.

Lettre de la Nouvelle-Zélandeen date du 15septembre 1995,réponsesaux questions
poséesparM. Weeramantry, no 2.

69 a host rock having properties that adequately restrict the deteriora-
tion of physical barriers and the transport of radionuclidesfrom the
repository to the environment.
Criterion No. 8: Consideration of natural resources

The repository site shall be selected, to the extent practicable, to
avoid proximity to valuable natural resources or materials which are
not readily available from other sources."

These criteria, when applied to Mururoa, raise prima facie concerns as
to its safety forpurposes of storage of radioactive waste.

The International Atomic Energy Agency Safety Guide, "Safety of
Geological Disposa1Facilities" (Safety SeriesNo. 11 1-G-4.1, 1994)also
givessomeuseful indications of factors havinga bearing on this question.
Guidelines 412 and 41 3 are particularly significan:

"412. The hydrogeological characteristics and setting of the geo-
logical environment should tend to restrict groundwater flowwithin
the repository and should support safe waste isolation for the
required times.
413. An evaluation of the mechanisms of groundwater move-

ment, as well as an analysis of the direction and rate of flowwillbe
an important input to the safety assessment of any site because the
most likely mode of radionuclide release is by groundwater flow.
Irrespective of the nature of the waste or thedisposa1option, a geo-
logical environmentcapable of restricting flowto, through and from
the repository will contribute to preventing unacceptable radio-
nuclide releases. Natural featuressuch as aquifers or fracture zones
are potential releasepathways for radionuclides.Suchpaths should be
lirnitedin the repositoryhost rock so that the protectivefunctions of
the geologicaland engineeredbarrier systemremaincompatible.The
dilution capacity of the hydrogeological system may also be impor-
tant and should be evaluated. Siting should be optimised in such a
way as to favour long and slowmoving groundwater pathways from
the repository to the environment."

These are of course matters on which the Court in due course would
have received fuller information had the matter proceeded to a hearing

on the substantive question of New Zealand's request.

Alongside of these criteria and guidelines,it would be useful to look at
someofthe conclusionsoftheAtkinsonReport. Conclusion 3ofthe Atkin-
son Report States,in regard to underground testing at Mururoa, that: rieurs, dans une roche réceptriceayant la propriétéde limiter conve-
nablement la détériorationdes barrièresphysiques et letransport des
radioélémentsdu dépôtvers le milieu ambiant.

Critèreno8: Prise enconsidération desressourcesnaturelles
Le site du dépôt doit êtrechoisi, dans la mesure du possible, de
manière à éviterla proximitéde ressources ou de matièresnaturelles
précieuses difficiles obtenir d'autres sources.)) [Traduction du
Greffe.]

Appliqués à Mururoa, cescritèressuscitentprimafacie des inquiétudes
quant à la sécuritéqu'offre l'atollen tant que site de stockage de déchets
radioactifs.
Le guide de sûretéde l'Agence internationale de l'énergieatomique

intitulé((Safety of Geological Disposa1 Facilitiesn (collection Sécurité,
no 111-G-4.1,1994)fournit égalementdesindications utiles surlesfacteurs
pertinentsà cet égard.Les principes directeurs 412 et 413 sont particuliè-
rement intéressants:

((412. Les caractéristiques hydrogéologiqueset la configuration
géologiquedu milieu doivent tendre à limiter la circulation des eaux
souterraines dans le dépôt et êtrpropices àun bon confinement des
déchetspendant le laps de temps voulu.
413. L'étudedes mécanismesdecirculation des eaux souterraines,
ainsi que l'analyse dela direction et du débitdu courant sont impor-
tants pour évaluerla sûretéd'unsitecar lemode de fuite leplus pro-
bable-des radioélémentsest le transport par les eaux souterraines.
Quelleque soit la nature des déchetsou la méthode d'éliminationu, n
environnement géologiqueapte à limiter les courants qui se dirigent
vers le dépôt,le traversent et en repartent contribueà prévenir des
fuites inacceptables de radioéléments.Des particularités naturelles
telles que des nappes aquifères ou des zones de fracture sont des

voies d'échappement possibles pour les radioéléments.Ces voies
doiventêtrelimitéesdansla roche réceptriceafinque lesfonctionspro-
tectrices du système de barrières géologiqueset artificielles restent
compatibles. Le pouvoir de dilution du systèmehydrogéologique
peut égalementêtreimportant et il convient de l'évaluer.Un site
optimal est celui où les eaux souterraines qui s'écoulentdu dépôt
vers le milieu ambiant empruntent des circuits longs et progressent
lentement.» [Traduction du Greffe.]

Bienentendu, ce sont là des questions sur lesquellesla Cour aurait reçu
en temps utile des informations plus complètessi l'affaire était parvenue
au stade de la procédure orale sur la question de fond poséepar la
demande néo-zélandaise.
Outre ces critèreset principes directeurs, il serait intéressantd'exami-
ner certainesdesconclusionsdu rapport Atkinson. S'agissantdes essaissou-
terrainsà Mururoa, la troisièmeconclusion de ce rapport est la suivante: "The radioactive residues of underground testing can with some
justification be equated to high-level radioactive waste. It is not
expected that Mururoa would meet the generally accepted criteria
on site selection for a geologic repository for high-level radioactive
wastes." (Atkinson Report, p. 133.)

An index to altered world perceptions of the environmentally deleteri-
ous effects of radioactive waste, whether resulting from peaceful or mili-
tary purposes, is the concern shown at the Rio Conference on Environ-
ment and Development in 1992. Chapter 22 of the Report of the
Conferenceis devoted to "Safe and EnvironmentallySound Management
of Radioactive Wastes". Though the wastes there referred to are those
generated from peaceful activities, the concerns expressed are relevant in
the present context.

Paragraph 22.1 of the Report observed that:

"the activity concentration, especially in sealed radiation sources,
might be high, thus justifying very stringent radiologicalprotection
measures" (Report of the United Nations ConferenceonEnvironment
and Development, Rio de Janeiro, 3-14 June 1992(A/CONF.151/26/
Rev.l), Vol. 1, Agenda 21, Ann. II, p. 370),

and paragraph 22.8 observed that
"States, in cooperation with international organizations, where
appropriate, should :
ia i Promote research and develo~ment of methods for the safe and
environmentally sound treatment, processing and disposal,

including deep geological disposal, of high-level radioactive
waste;
(b) Conduct research and assessment programmes concerned with
evaluating the health and environmental impact of radioactive
waste disposal." (Ibid., p. 372.)
It seems clear therefore that whatever the source of radioactive
materials, the care with which they are stored underground is a matter
of international concern. The porous nature of Mururoa is one which

gives rise to special concern in the absence of an EIA relating to not
merely the retentiveproperties of the soi1of Mururoa, but also in regard
to its ability to withstand repeated atomic blasts.

The danger to marine Ife of the release of radioactive substances into
the ocean

In the light of these circumstances, it can scarcely be said that New
Zealand has not made out at least a prima facie case that there is a
danger of a rupture of the atoll's structure, with the possibility of release «On est fondé dans une certaine mesure à assimiler les résidus
radioactifs des essais souterrains à des déchetshautement radio-
actifs. Or, en principe, Mururoa ne satisferait pas aux critères com-
munément admis pour le choix de sites géologiques destockage de
déchetshautement radioactifs.)) (Rapport de la mission Atkinson,
p. 133.)

Les inquiétudesexpriméeslors de la conférencede Rio de 1992 sur
l'environnement et le développementsont un indice de l'évolution de la
perception, au niveau mondial, des effetsnuisiblesqu'ont pour l'environ-
nement les déchetsradioactifs, qu'ils résultentd'activités pacifiquesou
militaires. Le chapitre 22 du rapport de la conférenceest consacré à la
((gestion sûre et écologiquement rationnelle des déchets radioactifs)).
Bien que les déchetsviséssoient ceux qui résultent d'activitéspacifiques,
lesinquiétudesexpriméessont égalementpertinentes dans le contexte qui
nous intéresse.
Le paragraphe 22.1 du rapport fait observer que:

((l'activité volumique,en particulier dans les sources de rayonne-
ments scellées,pourrait êtreélevéec,e qui justifierait des mesures de
protection radiologique très strictes))Rapport de la conférence des
Nations Unies sur l'environnement et le développement, Rio de
Janeiro, 3-14juin 1992, A/CONF.151/26, vol. II, p. 291),

et il est préciséau paragraphe 22.8 que:
«Les Etats, en coopération le cas échéantavec des organisations
internationales, devraient:

a) promouvoir les recherches et la mise au point de méthodes per-
mettant d'assurer, demanièresûreet écologique,letraitement, la
transformation et l'évacuation, y compris dans des formations
géologiquesprofondes, des déchetshautement radioactifs;
b) réaliser desprogrammes de recherche et d'évaluation concernant
l'évaluation de l'impact sanitaire et environnementalde l'élimi-
nation des déchetsradioactifs.» (Ibid., p. 293.)

Il semble donc clair que, quelle que soit l'origine desmatériaux radio-
actifs, lesmodalités de leur stockage sous terre intéressenlta communauté
internationale. Le caractère poreux de l'atoll de Mururoa éveilledes
inquiétudestoutes particulièresen l'absence d'uneévaluationde l'impact
sur l'environnement relativenon seulement aux propriétés de rétention
du sol de Mururoa, mais également à sa capacitéde résistance àdes tirs
atomiques répétés.

Le danger que la libération de substances radioactives dans l'océan
représentepour la viemarine

Au vu de ces élémentso ,n ne saurait dire que la Nouvelle-Zélande n'a
pas établi,au moins primafacie, qu'il existe un risque de rupture de la
structure de l'atoll et de libération dans l'océande grandes quantités deinto the ocean of a vast quantity of pent-up radioactivematerials. Such a
case can of course be rebutted by appropriate scientificevidence,but till
such time affords a sufficientbasis for New Zealand to maintain its claim
that radioactive contamination from nuclear explosions affects its rights
now. as it did in 1973.
A'world that has known the effects upon the food chain several
hundreds of miles away from Chernobyl may well wonder what the
effects may be upon the marine food chain of such a release of radio-
activity. Such questions may be raised evenmore pointedly in the absence
of an EIA by France prior to the present series of tests.

Should a radioactive leak affect the food chain in the Pacific,the rights

affected would be not only those of New Zealanders,but of al1the Pacific
peoples, many of whom are dependent on fishingfor their livelihood. The
danger of radioactive contamination affecting plankton and moving up
the food chain to al1forms of marine life is a factor to be reckoned with,
even if it were in small quantities. Migratory species such as tuna could
carry this contamination of the food chain much further afield. Should
there be a release of pent-up radioactive waste of over a hundred explo-
sions through a major crack or fissuring of the structure of the atoll, the
consequences could well be catastrophic.

The half-life of radioactive by-products varies from 14,000 to
24,000 years. Plutonium 239 has a half-life of 24,000years, and pluto-

nium 240 a half-life of 6,570 years, according to the responses of both
Parties to a question 1asked at the oral hearings.

The question may well arise whether the French Government can
indeed offer any sort of assurance that the by-products released from
over 100nuclear explosions would be safelycontained within the fragile
structure of Mururoa for several multiples of tens of thousands of years.
The possibility of such contamination must therefore be viewedwith con-
Cern. The atoll has already sustained fissure cracks in consequence of
prior explosions totalling the fire power of over 150 Hiroshima-type
explosions1. A Pacific islander could indeed have serious fears as to
whether this brittle and porous island structure could withstand inter-
nally the force of even one Hiroshima-type explosion. By and large, the
Pacificislanders livein total dependence upon the sea, and it is not to be

wondered at that some of them are waiting at the door of this Court in

'Seethe list of French nuclear testsat Mururoa and Fangataufa in Annex4 of the New
Zealand Request for an Examination of the Situation, reproduced fromchezand
R. Lecomte, Les atolls de Mururoa et de Fangataufa, 1995,Vol. II.déchetsradioactifs accumulés.Bien entendu, une telle thèse peut être
réfutéepar des preuves scientifiquesappropriéesmais, tant que ce n'est
pas le cas, la Nouvelle-Zélande est fondée à affirmer que la contamina-
tion radioactive générép ear les explosions nucléairesporte aujourd'hui
atteinte à ses droits, tout comme elle y portait atteinte en 1973.
Alors que lemonde a constatéleseffetssur la chaînealimentaire, àdes
distances de plusieurs centaines de kilomètres,de l'accident deTcherno-

byl, il est permis de se demander quels effets une telle libération de
radioactivitépourrait avoir sur la chaîne alimentaire marine. Ces ques-
tions méritent d'autant plus d'êtreposéesque la France n'a effectué
aucune évaluationde l'impact sur l'environnement avant d'entreprendre
la série actuelle d'essais.
Une fuite radioactive qui affecterait la chaîne alimentaire dans le
Pacifiqueléseraitdans leursdroits non seulementles Néo-zélandais,mais
égalementtous les peuples du Pacifique, dont beaucoup sont tributaires
pour leur subsistance des ressources de la pêche.Mêmesi lesquantitésen
cause étaientminimes, il n'en faudrait pas moins prendre en considéra-
tion le risque que la contamination radioactive touche le plancton et
remonte la chaîne alimentaire pour atteindre toutes les formes de vie

marine. Les espècesmigratoires telles que le thon pourraient propager
très loin cette contamination de la chaîne alimentaire. Si les déchets
radioactifs accumulés par suite de plus d'une centaine d'explosions
devaient s'échapperen raison d'une rupture ou d'une fissuration impor-
tante de la structure de l'atoll, les conséquencespourraient bien être
catastrophiques.
La période radioactivedes produits dérivés oscilleentre quatorze mille
et vingt-quatre milleans. Celledu plutonium 239est de vingt-quatre mille
ans et celle du plutonium 240 de six mille cinq cent soixante-dix ans,
d'aprèsles réponsesque les Parties ont apportées à une question que je
leur avais poséelors des audiences.

Il est permis de se demander si le Gouvernement français peut réelle-
ment garantir d'une façon ou d'une autre que lesproduits dérivésgénérés
par plus d'une centaine d'explosions nucléairesresteront confinésen
toute sécuritédans la fragile structure de Mururoa pendant plusieurs
dizaines de milliers d'années.On doit donc s'inquiéter de l'éventualité
d'une telle contamination. L'atoll s'est déjà fissurpar suite d'explosions
précédentesdont la puissance de feu totale représenteplus de cent cin-
quante fois celle de la bombe d'Hiroshima1. Tout habitant des îles du
Pacifique pourrait assurément nourrir de sérieusescraintes quant à la
capacitéde la structure friable et poreuse de l'îlede résisterintrinsèque-
ment à la force dégagée par l'explosion,ne fût-ce que d'une seule bombe

du mêmetype que celle d'Hiroshima. Dans l'ensemble,les habitants des

'Voir la liste des essais nucléaires àMururoa et à Fangataufa: annexe 4 de
la demande néo-zélandaise d'examen de lsaituation, tiréedehez et R. Lecomte,
Les atolls de Mururoa et de Fangataufa, 1995,vol. II.the hope that they will be heard, by way of intervention, in a matter of
fundamental importance to their health, their way of life and their
livelihood.

Having regard to the developments of international law embracingthe
principle of intergenerational rights and responsibilities, thiss an envi-
ronmental risk of which, in the absence of rebutting material from
France, New Zealand and the islands covered by its Request are entitled,
prima facie, to complain. It may be that France has material with which
it can satisfy the Court on that issue, but no such material has been
offered. Having regard to the course of geologicalevents, a guarantee of

stability ofsuch an island formation for hundreds of thousands of years
does not seem within the bounds of likelihood or possibility.

As for New Zealand, New Zealand has from the very commencement
of this case couched its claim in terms, "including apprehension, anxiety
and concern, to the people and Government of New Zealand and of the
Cook Islands, Niue and Tokelau Islands", and on the basis of the
violation of its rights to the exploitation of the seas. Those were New
Zealand's concerns in 1974and those particular concerns are redoubled
now by the current nuclear tests.

The possibility of accident

The best intentioned and regulated of human activities must always
face the possibility of an accident resultingfrom some unforeseen circum-
stance.The history of underground testing at Mururoa has not been free
of accident.

According to New Zealand, an officia1 publication of the French
Atomic Energy Commission acknowledged that a device which had

become stuck in the detonation shaft was exploded at a depth of approxi-
mately 987 metres, 110 metres less than planned. The test generated a
submarinelandslide of about one million cubicmetres of material off the
mass of the atoll which set off a tsunami which washed over part of the
atoll, seriouslyinjuring two persons.

Other accidents cited by New Zealand are:

"(a) accidental releaseof approximately 1.5teraBecquerelsofradio-

active iodine plus other volatile material.

(b) In 1992scientistsof the CombinedRadiological Safety Service
on Mururoa acknowledged that 0.2 teraBecquerels of radio-
active iodine had been accidentally released in 1990in similar DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISS.WEERAMANTRY) 357

îles du Pacifiquesont totalement tributaires de la mer, et il n'est donc pas
étonnantque certains d'entre eux attendent au seuil de la Cour, espérant
être entendus dansle cadre de leur intervention au sujet d'une question
qui revêt uneimportance fondamentale pour leur santé, leur mode de vie
et leurs moyens de subsistance.
Eu égard à l'évolution du droit international, qui inclut la notion de
droits des générations futureset de responsabilités leur égard,il s'agit
en l'espèced'un risque écologiquedont la Nouvelle-Zélandeet les Etats
insulaires concernéspar sa demande sont fondés prima facie àtirer grief
en l'absence de preuve contraire apportée par la France. Il se pourrait
que la France dispose de documents susceptibles d'emporter la convic-
tion de la Cour sur ce point, mais ellene les a pas produits. Compte tenu
de la situation géologique,une garantie de stabilitéde la formation insu-

laire considéréependant des centaines de milliers d'annéesne semblepas
êtrede l'ordre des probabilités ou des possibilités.
Quant à la Nouvelle-Zélande, elle a précisé, dèsle début de cette
affaire, que sa demande se fondait notamment sur les ((appréhensions ...
l'anxiétéet...l'inquiétude[causées]aux habitants et aux Gouvernements
de la Nouvelle-Zélande, desîles Cook, des îlesNioué etTokélaou)),ainsi
que sur la violation de ses droitsà exploiter les ressources de la mer.
Telles étaientles préoccupations de la Nouvelle-Zélandeen 1974et ces
inquiétudes particulières sont aujourd'hui ravivéespar les essais nu-
cléairesactuels.

La possibilitéd'accidents

Toute activitéhumaine.mêmeentrevrise dans les meilleuresintentions
et dans le meilleur cadre réglementaire,doit toujours tenir compte de la
possibilité d'un accidentpar suite de quelque circonstance imprévue.
L'histoire des essais souterrains Mururoa n'a pas été exempte d'acci-
dents.
Selon la Nouvelle-Zélande,il a étéreconnu dans une publication offi-
cielle du commissariat françaisà l'énergieatomique que l'on avait fait

exploser un engin coincédans le puits de détonation à une profondeur
d'environ 987 mètres,c'est-à-dire inférieurede110mètres à celleprévue.
Cet essai a entraîné un glissement sous-marin d'environ un million de
mètres cubes dematériaux arrachés à la masse de l'atoll, ce qui a pro-
voqué untsunami qui a déferlé sur une partie de l'atoll et blességriève-
ment deux personnes.
La Nouvelle-Zélandea mentionnéles autres accidents suivants:
«a) Enjuin 1987,lesautorités françaises à Mururoa ont concédé au

commandant Cousteau qu'il y avait eu une fuite accidentelle
d'environ 1,5 térabecquerel d'iode radioactive et d'autres ma-
tières volatiles.
b) En 1992,lesexperts du serviceintégréde sûretéradiologiquede
Mururoa ont reconnu que 0'2térabecquereld'iode radioactive
avait étéaccidentellement libéré en1990dans des circonstances circumstances." (New Zealand's Request for an Examination
of the Situation, para. 54.)
Having regard to the information furnished to the Court by New
Zealand as summarized above, and in the absence of specific scientific
material or impact assessment studies by France, the possibility of acci-
dent is another ground which goes to make out the prima facie case that

New Zealand would be obliged to present.

Amongthe important rights of New Zealand that are threatened are its
maritime rights. The 1973 Application of New Zealand covered radio-
active damage caused to New Zealand's rights by French nuclear explo-
sions in theacific.The fear of such radioactivepollution which brought
New Zealand to the Court in 1973is now appearing again.

The reasonableness of that fear has been proved at least prima facie,
thereby enabling New Zealand to claim that the basis of the 1974 Judg-
ment which protected New Zealand against such radioactive contamina-
tion has been affected.
New Zealand's application should therefore, in my view,be proceeded
with by the Court to the next stage, which is the stage of enquiring

whether a case has been made out for the issue of interim measures of
protection.
Al1this would be done as another phase of the 1973application filed
by New Zealand.

The Position of the Intervenors

It follows from the views expressed earlier that the Court could have
proceeded to consider whether the intervenors, Australia, Samoa,
Solomon Islands, the Marshall Islands and the Federated States of
Micronesia, should be permitted to intervene in those proceedings. Their
contention is that they have an interest of a legal nature in the present
proceedings and that they are not seeking to introduce a new dispute
before the Court, but are seekingpermission to assert their legal interests
in an existing dispute in accordance with Article 62 of the Statute. They
have very real concerns in regard to their undoubted right to the preser-
vation of their own environmentfrom the danger of radioactivecontami-
nation resulting from the conduct of another State. They have quite
clearly gone to great lengths to seek legal advice, prepare substantial
materials and file carefullyprepared pleadings in support of their applica-
tion for intervention.
It would, in this area as well, have served the substantial interests of
justice if, upon a different view of the preliminary question, the matter

had proceeded to further enquiry. The intervenors would then have been
heard on their right to intervene. If they were found, after a hearing, to
have had no right to intervene, they would then have left this Court analogues.» (Demande d'examen dela situation présentéepar
la Nouvelle-Zélande,par. 54.)

Eu égard aux informations soumises à la Cour par la Nouvelle-
Zélande,telles qu'elles sont résuméesci-dessus, et en l'absence dedon-
néesscientifiques spécifiquesou d'études d'impact sur l'environnement
produites par la France, la possibilité d'accidents estun autre élétuiq
contribue à étayer lathèseprima facie que la Nouvelle-Zélandedevait
établir.
Les droits maritimes de la Nouvelle-Zélandesont au nombre de ses
droits importants qui sont mis en péril.Dans la requête introductive
d'instance qu'ellea déposéeen 1973,la Nouvelle-Zélandevisait la viola-
tion de ses droits résultant de la contamination radioactive généréear
les explosions nucléairesfrançaises dans le Pacifique. La crainte d'une

telle pollution radioactive, qui avait conduit la Nouvelle-Zélandeaisir
la Cour en 1973,réapparaît aujourd'hui.
Le caractère raisonnable de cette crainte a été démontré au moins
primafacie, ce qui permet à la Nouvelle-Zélande desoutenir que le fon-
dement de l'arrêt de1974,qui la protégeait contre une telle contamina-
tion radioactive, a étéremis en cause.
C'est pourquoi, à mon avis, la Cour aurait dû passer au stade suivant
de l'examen de la demande néo-zélandaise, à savoir l'examen du bien-
fondéde la demande en indication de mesures conservatoires.

Cette procédureaurait constituéune phase nouvelle de l'affaire intro-
duite par la requêtenéo-zélandaise de1973.

La situation des Etats demandant à intervenir
Il découle desvues expriméesci-dessusquela Cour aurait dû examiner
s'ilconvenait d'admettre les requêtesà fin d'intervention présentéespar

l'Australie, le Samoa, lesIles Salomon, les Iles Marshall et les Etats
fédérés de MicronésiC e.es Etats prétendaient qu'un intérêt d'ordre juri-
dique étaitpour eux en cause, qu'ilsne cherchaientpasàporter devant la
Cour un nouveau différend,mais demandaient à faire valoir leursintérêts
d'ordre juridique dans le cadre d'un différendexistant, conformément à
l'article 62 du Statut. Ils nourrissent des inquiétudes très concrètesquant
à leur droit incontestablà la préservation deleur environnementcontre
tout risque de contamination radioactive résultant de la conduite d'un
autre ~tat. A l'évidence, in'ont pas ménagéleurs efforts pour recher-
cher des conseilsjuridiques, rassembler des donnéesde fond et déposer

des dossiers soigneusement préparés à l'appui de leurs requêtes à fin
d'intervention.
Sous cet angle également,il eût été conforme aux intérêts fondamen-
taux de la justice que la Cour tranche différemmentla question prélimi-
naire pour passer ensuite un examen plus approfondi du problème. Les
Etats demandant à intervenir auraient alors été entendus sur leur dràit
cet égard.Si,àl'issued'une audience,la Cour avait estiméqu'ilsn'avaient satisfiedthat the Court had heard them on their right to intervention and
that procedural rules relating to intervention did not permit the Court to
grant them redress. As it is they leave the Court without even the benefit
of a hearing.

The altogether unusual nature of this caseprompts a fewreflectionson
the nature of thejudicial process.These observations have equal relevance
to domestic and international judiciaries, for the judge, whether domestic
or international, is equally the servant of the concept ofjustice.

1wish to cite preliminarily a statement by Justice Cardozo, one of the
foremost thinkers on the judicial process. Substitute for the word "cases"
the words "international conventions,international custom, general prin-
ciples of law, judicial decisions and teachings of publicists", and the
thought expressed by Cardozo holds good also for the international
judge.
Cardozo observed that the judge's duty was not simply to match the
colours of the case at hand with the colours of the many samples spread
out upon the judicial desk:

"If that were al1there was to Ourcalling, there would be little of
intellectualinterest about it. The man who had the best card index
of the cases would also be the wisestjudge. It is when the colors do
not match, when the references in the index fail, when there is no
decisive precedent, that the serious business of the judge begins."
(Benjamin N. Cardozo, The Nature of the Judicial Process, 1921,
pp. 20-21 .)

This is a case for which there is no matching sample - whether in
international conventions, international custom, general principles of
law,judicial decisionsor teachings of publicists. It presents a challengeto
the Court.
This is also a case in which the processes of logical reasoning can well
lead to one conclusion or the other. The processes of reasoning set out in
this dissenting opinion lead to the conclusion that the Court's 1974Judg-
ment left open the possibility that, in the event of similar damage occur-
ring by a means other than atmospheric testing, New Zealand should be
able to bring this before the Court. The Judgment of the Court upon this
Application proceeds, also by a logical chain of reasoning, to arrive at
the opposite conclusion, namely, that atmospheric testing and atmos-

pheric testing alone was the subject of the Judgment. The late Professor
Julius Stone, who, in addition to his considerable standing in the world
of international law, was also one of the deepest researchers into judicial
reasoning in Ourtime, referred to such situations as "leeways of judicialpas le droit d'intervenir, ils seraient repartis, satisfaits d'avoir été enten-
dus sur leur droit d'intervention et convaincusque lesrèglesde procédure
relativesà l'intervention ne permettaient pas à la Cour d'admettre leur
requête.En l'occurrence, ilsont quitté laCour sans mêmeavoir pu être
entendus.

Le caractère tout à fait inhabituel de cette affaire appelle quelques
réflexionssur la nature du processus judiciaire. Ces observations valent
autant pour lesjuridictions de l'ordre interne que pour celles de l'ordre
international, puisque le juge est dans un cas comme dans l'autre au
servicede la iustice.
Je souhaiterais tout d'abord citer les propos du juge Cardozo, l'un des
plus éminentspenseurs sur le sujet du processus judiciaire. La remarque
expriméepar M. Cardozo s'applique égalementau juge international à
condition que l'on remplacedans lepassage ci-aprèsl'expression«d'affai-
res» par «de conventions internationales, coutume internationale, prin-

cipes générauxdu droit, décisionsjudiciaireset doctrine des publicistes)).
M. Cardozo fait observer que le juge n'a pas pour simple mission de
trouver dans le nuancier ouvert sur son bureau la couleur correspondant
à l'affaire dont il est saisi:
«Si c'esttout ce que l'on exigeaitde nous, cela neprésenterait que
très peu d'intérêitntellectuel. Celui qui auraità sa disposition le

meilleur fichier d'affaires serait égalementle meilleur juge. C'est
quand les couleursne s'accordent pas, quand le fichiern'offre pas de
référenceq, uand il n'y a pas de précédentdécisif,que le travail du
juge commence sérieusement.))(Benjamin N. Cardozo, The Nature
of the Judicial Process, 1921, p. 20-.)

Or la présente instancene s'accorde avec aucune nuance de la palette,
qu'on la cherche dans les conventions internationales, la coutume inter-
nationale, les principes générauxdu droit, les décisionsjudiciairesou la
doctrine des publicistes. Elle représente un défipour la Cour.
C'est également uneaffaire dans laquelle le raisonnement logiqueper-
met aussi bien d'arriverà une conclusion qu'à son contraire. Le raison-
nement que j'ai exposédans la présente opinion dissidente amène à
conclure que l'arrêtde la Cour de 1974permettait à la Nouvelle-Zélande
de saisir la Cour dans l'éventualité oùdes dommages analogues seraient
causéspar un moyen autre que des essais atmosphériques.Dans sa déci-
sion relativeà la présente demanded'examen, la Cour, par un raisonne-
ment lui aussi logique, parvientàla conclusionopposée, à savoir que les

essais atmosphériqueset eux seuls formaient l'objet de l'arrêt de1974.
Feu M. Julius Stone, qui a occupéune position éminentedans le monde
du droit international et qui, en outre, a étél'un des chercheurs les plus
pénétrants quise soient penchéssur le raisonnement judiciaire contem-360 REQUEST FOR AN EXAMINATION (DISSO . P.WEERAMANTRY)

choice" (Legal System and Lawyers' Reasonings, 1964; see, especially,

Chapter 8 on "Reasons and Reasoning in Judicial and Juristic Argu-
ment").

We here enter an area well traversed in legal philosophy for nearly a
century. In 1897the great Justice Holmes gave classic expression to this
problem. He observed that the fallacy of:

"the logical method and form flatter that longing for certainty and

for repose which is in every human mind. But certainty generally is
illusion and repose isnot the destiny of man. Behind the logicalform
liesajudgrnent as to the relative worth and importance of competing
legislativegrounds, often an inarticulate and unconsciousjudgment,
it is true, and yet the very root and nerve of the whole proceeding.
You can give any conclusion a logical form." ("The Path of the

Law", Harvard Law Review, 1897, Vol. X, p. 466.)

Since then a deluge of writing has illuminated this subject. In this
Court - perhaps evenmore so than in any domesticjurisdiction - these
reflectionsregarding the judicial process are more than ever relevant, for
the discipline of international law has deeper philosophical roots than
most other legal disciplines.Names such as Llewellyn,Cardozo, Perelman,
Julius Stone, not to mention numerous others, illurninate the pathway

towards an understanding that the forms of logicalreasoning do not inevi-
tably lead to a one and only conclusion.

Black-letterlaw and legallogicdo not assistus when wereach a fork in
the road. The realist and sociologicalschools ofjurisprudence shed much
light on this problem, which is as pertinent to thejudicial function before

this Court as it is in the domestic courts.

The relevance ofthis approach to seminal cases like the Nuclear Tests
cases has not passed unnoticed. Amidst the vast scholarly literature
generated by the decisions of 1973and 1974l are discussions examining
the decisions in the light of the philosophical approaches of the Legal

-
Cases: Some Realism about the International Judicial Decision",irginia Journal ofica
International Law, 1975-1976,Vol. 15,pp. 463-504; Jerome B. Elkind, "Footnote to the
Nuclear Test Cases: Abuse of Right A Blind Alley for Environmentalists", Vanderbilt
Journal of TransnationalLaw, 1976,Vol. 9, pp. 57-97;Thomas M. Franck, "Word Made
Law: The Decision of the ICJ in the Nuclear Test Cases", American Journal of Interna-
tional Law, 1975, Vol. 69, pp. 612-620; Dinesh Khosla, "Nuclear Test Cases: Judicial
Valour v. Judicial Discretion", Indian Journal of International Law, 1978, Vol. 18,
pp. 322-344; Pierre Lellouche, "The Nuclear Tests Cases: Judicial Silev.eAtomic
Blasts", Harvard International Law Journal, 1975,Vol. 16,pp. 614-637.porain, a parlé, à propos de telles situations, de «marges de choix judi-
ciaire))(Legal System and Lawyers'Reasonings, 1964;voir en particulier

le chapitre 8 intitulé: ((Reasons and Reasoning in Judicial and Juristic
Argument »).
Nous entrons ici dans un domaine que la philosophiedu droit a large-
ment explorédepuis prèsd'un siècle.En 1897,l'éminentjuge M. Holmes
a formuléle problème en des termes devenus classiques. Il a relevéque
I'illusionde

«la méthode logiqueet du respect des formes flatte ce désir de cer-
titude et de tranquillitéque nourrit chaque esprit humain. Mais la
certitude est en général illusionet la tranquillité n'est pas inscrite
dans le destin de l'homme. Derrière la forme logique se cache un

jugement quant à la valeur et à l'importance relatives de moyens
juridiques rivaux; certes, cejugement est souvent implicite et incons-
cient, mais il est néanmoins à la racine mêmedu processus, dont il
est le filconducteur. Toute conclusion est susceptiblede recevoir une
forme logique.))(«ThePath of the Law», HarvardLaw Review,1897,
vol. X, p. 466.)

Depuis lors, de très nombreux ouvragesont éclairé la question. Peut-être
cesréflexionsrelatives au processusjudiciaire ont-ellespour la Cour, plus
encore que pour toute juridiction de l'ordre interne, une pertinence
particulièrement actuelle, puisque le droit international s'enracine plus

profondément dans la philosophie que la plupart des autres disciplines
juridiques. Desauteurs tels queLlewellyn,Cardozo, Perelman,Julius Stone,
pour n'en citerque quelques-uns,nous ont permis de mieux comprendre
que les formes du raisonnement logique ne mènentpas nécessairement à
une conclusion unique.
Le juridisme et la logique juridique ne nous sont d'aucun secours
devant une bifurcation. Les courants de pensée réalisteet sociologique
éclairent considérablementce problème, qui concerne aussi bien la Cour

que lesjuridictions de l'ordre interne dans l'exercicede leur fonction judi-
ciaire.
La pertinence de cette approche pour des affaires marquantes comme
celle des Essais nucléairesn'est pas passéeinaperçue. Dans plusieurs des
nombreux articles de doctrine qu'ont suscitésles décisions de1973et de
1974l, ces dernièressont examinées sous l'angledes courants de pensée

Voir, par exemple, John Dugard, «The Nuclear Tests Cases and the South West
Africa Cases Some Realism about the International Judicial Decision», Virginia Journal
ofInternalional Law, 1975-1976,vol. 15,p. 463-504;Jerome B. Elkind, ((Footnote to the
Nuclear Test Case:Abuse of Right- A Blind Alley for Environmentalists», Vanderbilt
Journal of TransnationalLaw, 1976,vol. 9, p. 57-97; Thomas M. Franck, «Word Made
Law: The Decision of the ICJ in the Nuclear Test Cases»,American Journal of Interna-
tional Law, 1975, vol. 69, p. 612-620; Dinesh Khosla, ((Nuclear Test Cases: Judicial
Valour v.Judicial Discretion)), Indian Journal of internationalLaw, 1978,vol. 18,p. 322-
Harvard International Law Journal, 1975,vol. 16,p. 614-637.nce v. Atomic Blasts~,Realist and Sociological Schools of Jurisprudence1, for they have a vital
bearing upon the international judicial process. The limits of logic and
black-letter legal analysis willno doubt be similarly examined in the light
of the Court's determination of this case.

The issuesbrought before the Court are momentous. They can, accord-
ing to New Zealand, affect the integrity of marine life in the Pacific for
many multiples of 24,000years, the half-life of one of the by-products of
nuclear explosions, should they reach to the sea. A prima facie case has
been made out of the possibility of release into the ocean of the pent-up
radioactive debris of around 127nuclear explosions on Mururoa alone.
That pent-up debris is currently confined in a medium whose stability
gives rise to serious doubts. This is a major matter to be examined and it

raises the fears of radioactive contamination that were entertained in
1973.Prima facie a case has been made out for a fuller examination of
these matters.

The Court has refused to take this step on the basis that paragraph 63
of the 1974 Judgment relates only to atmospheric tests, although the
claim was brought before the Court in general terms relating to nuclear
explosions in the Pacific.This is a strict construction whichis clearly not
the only reasonable construction justifiable in logic. On the basis of this
strict and inflexible construction, matters of critical importance to the
global environment are passed by without the benefit of a preliminary
examination. A less rigid construction, which is also possible, has been
rejected. The latter course which, in my view, wasnot unavailable to the
Court, shouldhave been chosenin viewof themomentous issuesinvolved.

The views oftwo eminentjudges on this Court may be of assistance in
this regard. It was the view of Judge Lauterpacht, a view cited with evi-
dent approval by Judge Fitzmaurice, that:
"a tribunal such as the International Court has a duty, both to the
parties and in the general interests of the law, that may go consid-
erably beyond a bare decision, and may go beyond the issues the
consideration of which will technically suffice to motivate the

decision" (Sir Gerald Fitzmaurice, The Law and Procedure of the
International Court of Justice, 1986,Vol. II, p. 653).
Judge Fitzmaurice's own view, expressed in terms of comparing a
minor tribunal with one standing at the apex of judicial organization,
was as follows:

'SeeEdward McWhinney, The World Courtand the ContemporaryInternationalLaw-
Making Process, 1979,p. 34;see,also, Edward McWhinney, "International Law-Making
and the JudicialProcess: The World Court and the French Nuclear Tests Case",
Journal ofInternational Law and Commerce,5,Vol. 3, No. 1,p. 9.philosophiques correspondant aux écolesréaliste et sociologique du
droit l,compte tenu de leur importance capitale pour le processus judi-
ciaire international. Les limites de la logique et de l'analyse juridique
formaliste seront sans aucun doute examinéesde façon analogue à la
suite de la décisionque vient de rendre la Cour en l'espèce.
Les questions portées devant laCour revêtentune importance capitale.

Selon la Nouvelle-Zélande,il en va de l'intégrité de la vie marine dans le
Pacifiquependant une duréeplusieurs fois égale à vingt-quatre mille ans,
soit la période radioactivede l'un des produits dérivés des explosions
nucléaires,s'ilparvenaitjusqu'à la mer.Il a étéétabliprimafacie qu'ilétait
possibleque lesdéchetsradioactifs accumuléspar suite descent vingt-sept
explosions nucléaires effectuée usniquement à Mururoa soient libéréd sans
l'océan. Eneffet,lesdéchets accumuléssont actuellementconfinésdans un
milieu dont la stabilitéest gravement mise en doute. C'est une question
importante qui mériteexamen et qui éveille les même craintes de conta-
mination radioactive que cellesqui avaient été examinée en 1973. Il a été
établiprima facie que cesquestionsméritaientun examenplus approfondi.

La Cour a refuséde procéder à un tel examen au motif que le para-
graphe 63 de l'arrêt de1974 ne se rapportait qu'aux essais atmosphé-
riques, bien que, dans la requête présentéeàla Cour, la Nouvelle-Zélande
ait viséde manière générale les explosions nucléairesdans le Pacifique.
C'est là une interprétationrestrictive qui, de toute évidence,n'étaitpas la
seule interprétation raisonnable justifiable au regard de la logique. Cette
interprétation restrictive et rigoureuse conduit à négligerdes questions
d'une importance capitale pour l'environnement mondial, sans mêmeles
soumettre àun examen préliminaire.Une interprétationplus souple, éga-
lement possible, n'a pas été retenue. Ce dernier typed'interprétation -
que la Cour aurait pu à mon avis adopter - aurait dû prévaloir, eu égard
à l'importance des questions en cause.

11peut êtreintéressant à cet égardde rappeler les vuesque deuxjuges
éminentsont expriméessur la Cour. Il s'agit d'abord du point de vue de
M. Lauterpacht, cité, visiblement avec faveur,par M. Fitzmaurice:
«tant à l'égard desparties que dans l'intérêt génér daul droit, la
fonction d'une juridiction telle que la Cour internationale de Justice
peut aller bien plus loin d'une simple décision et au-delà des ques-

tions dont l'examen suffit d'un point de vue technique à motiver la
décision))(sir Gerald Fitzmaurice, The Law and Procedure of the
International Court of Justice, 1986,vol. II, p. 653).
Comparant une juridiction inférieure avecune juridiction situéeau
sommet de l'organisation judiciaire,M. Fitzmaurice a quant à lui affirmé:

'Voir Edward McWhinney, The World Court and the Contemporary International
Law-Making Process, 1979,p. 34; voir également Edward McWhinney, ((International
Law-Making and the Judicial Process: The World Court and the French Nuclear Tests
Case», Syracuse Journal of International Law and Commerce, 1975,vol. 3, no 1, p. 9. "The sort of bare order or finding that may suit many of the pur-
poses of the magistrate or county court judge will by no means do
for the Court of Appeal, the House of Lords or the Judicial Com-
mittee of the Privy Council, and their equivalents in other countries.
International tribunals at any rate have usually regarded it as an
important part of their function, not only to decide,but, in deciding,

to expound generally the law having a bearing on the matters
decided." (Op. cit. p. 648.)

New Zealand has placed a strong prima facie case before the Court.

The Court is still far from the stage of reaching an affirmative finding of
fact.Al1it needs to know at this stage is whether a prima faciecase exists
for givingthe Court the ability to enquire into the grave matter brought
before it.
If two views are possible on this matter, the Court should in my view
lean towards that which does not shut out enquiry, but leaves the matter
open for definitivedetermination after both Parties have marshalledtheir
arguments and the Court is in a better position to decide. When, at this
initial stage, the Court determines that even a prima facie case has not
been made out, enabling it to view the matter in greater depth, it is in
effect giving a definitive determination prematurely on a matter of the

utmost importance, not merely to the Applicant who comes before it but
to the entire international cornmunity.

1 regret that the Court has not availed itself of the opportunity to
enquiremore fullyinto this matter and of making a contribution to some
of the seminal principles of the evolvingcorpus of international environ-
mental lawl. The Court has too long been silent on these issues and, in
the words of ancient wisdom, one may well ask "If not now, when?"

(Signed) Christopher Gregory WEERAMANTRY.

'Apart from Certain Phosphate Landsin Nauru (Nauru v. Australia) (I.C.J. Reports
assistance the Court has given in this most vital area of contemporary international law.
The first was only peripherally related to environmental law as it was settied after the
Court's judgment on preliminary objections.The Corfu Channelcase laid down the envi-
ronmentally important principle that, if a nation knows that harmful effectsmay occur to
other nations from facts within its knowledgeand fails to disclosethem, it willbe liable to
the nation that suffers damage. In the Nuclear Tests cases of 1973, the Court did not
decide the principal environmental issue brought before it. «Une simple décision ouconstatation qui réponden grandepartie
aux fins dela fonction dejuge d'une cour de magistrat ou d'une cour
de comténe suffira pas, s'agissantde la cour d'appel, de la Chambre

des lords, ou du comité judiciaire du Conceil privé, ou de leurs
équivalentsdans d'autres pays. En tout étatde cause, lesjuridictions
internationales considèrent généralementqu'ielntrepour une grande
part dans leur mission non seulement de statuer mais, ce faisant,
d'exposer entermes générauxle droit applicable aux questions tran-
chées.» (Op. cit., p. 648.)

La Nouvelle-Zélandea solidement établisa thèseprima facie devant la
Cour. Celle-cin'en étaitpas, il s'enfaut, au stade d'une conclusion posi-
tive sur lesfaits. Au stade où l'affaire en était,la Cour devait uniquement
déterminer si,primafacie, elleétait fondée à examinerla questionimpor-

tante portée devant elle.
Si deux points de vue étaientadmissibles en la matière,la Cour aurait
dû àmon avis retenir celui qui n'excluaitpas tout examen mais laissait la
question ouverte, ppur pouvoir rendre une décisiondéfinitivelorsque les
deux Parties auraient présentél'ensemble deleurs arguments, et qu'elle
aurait étémieux à mêmede décider. Lorsque à ce stade initial la Cour
décidequ'une thèsen'a pas étéétablie,même prima facie - thèsequi, si
elle avait étéétablie,lui aurait permis d'examiner l'affaire de façon plus

approfondie -, elle rend en fait prématurémentune décision définitive
sur une question de la plus haute importance, non seulement pour le
demandeurqui s'estprésentédevant elle, mais aussi pour la communauté
internationale tout entière.
Je regrette que la Cour n'ait pas saisi l'occasion d'examinerde façon
plus approfondie cette question et d'apporter sa contribution à certains
des principes les plus fécondsde l'ensemble envoie d'évolutiondu droit

international de l'environnement '. La Cour est restéetrop longtemps
silencieusesur ces problèmes,et l'on peut se demander en reprenant une
question empreinte de sagesse traditionnelle: «Si ce n'est maintenant,
quand se prononcera-t-elle ?»

(SignéC )hristopher Gregory WEERAMANTRY.

Honnis les affaires de Certaines tàrphosphatesà Nauru (Nauru c. Australie)
(C.Z.J. Recueil 1992), du Détroit de Corfou(C.Z.J. Recueil 1949) et des Essais nucléaires,
la Cour n'a apporté aucune contributiànce domaine capital du droit international
contemporain. La première affaire n'était relativeau droit de l'environnement que de
façon accessoirepuisqu'ellea été aerès l'arrêt dCour sur les exceptions prélimi-
naires. L'affaire duroitde Corfou a poséle principe important du droit de l'environ-
nement selon lequel, si une nation sait que des effets dommageables peuvent êtrecausésà
d'autres nations par des faits dont elle a connaissance mais qu'elle nerévèlepas, elle sera
responsable envers la nation victime du dommage. Dans les affaires descléaires
ment dont elle avait été saisie.a principale question relative au droit de l'environne-

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Opinion dissidente de M. Weeramantry (traduction)

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