Opinion dissidente de M. El-Kosheri (traduction)

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OPINION DISSIDENTE DE M. EL-KOSHERI

[Traduction]

1. Pour tout êtrehumain,cequi s'estproduit au-dessus de Lockerbiea

étéun événementhorrible.Ilfautque lesresponsablessoientpunis et que
la justice soit dûment rendue conformémentaux règlesde droit appli-
cables. Pour cela, il faut établir clairementles faits dans leur séquence
chronologiquevéritableafin de démontrer la natureet la portée del'af-
faire dont la Cour internationale deJustice estsaisieet debien distinguer
entre la réaljuridique et lesaspectspolitiquesqui,en vertu de la Charte
des Nations Unies,sont du ressort d'un autre organeprincipal de l'Orga-
nisationinternationale:le Conseil de sécurité.
2. Selonlespiècesdéposéesdans laprésenteaffaire,lepremierélément
factuel pertinent date du 14novembre 1991,date à laquelle un jury de
miseenaccusation du tribunal fédéradlepremièreinstancedu district de
Columbia a prononcé une inculpation accusant deux ressortissants
libyensd'avoir faitplacer bord de l'appareil assurantlevol Pan Am 103

un dispositifqui a exploséet a provoquéla perte de l'appareil au-dessus
de Lockerbie,en Ecosse. Le même jour, le procureur général'Ecossea
annoncé qu'il avait étémisdes mandats d'arrestation des deux mêmes
Libyens,accusésd'être impliqués dans la destructiodne l'appareil assu-
rant le vol Panm 103.Quatrejours plus tard, le 18novembre 1991,les
autorités libyennesont rendu publique une déclarationindiquantque les
actes d'inculpation avaient été reçus et que, conformémenatux règles
applicables,unjuge àlacoursuprême deLibyeavaitdéjàéténommp éour
enquêtersur les accusations; cette déclaration indiquait aussi, entre
autres,quelesinstancesjudiciaires libyennesétaientprêàecoopéreravec
touteslesautoritéslégalesconcernéesau Royaume-UnietauxEtats-Unis.
3. Le 27 novembre 1991,les Gouvernements des Etats-Unis et du
Royaume-Uniont publiéune déclaration communeadresséeau Gouver-
nement libyen dans laquelle ils demandaient, entre autres, que les deux

individus accusésd'êtreresponsables de l'incident de Lockerbie soient
livréspour êtrejugés.Le lendemain, le28 novembre 1991,le Gouverne-
ment libyen a publiéun communiqué dans lequel il était dit que la
demandeprésentée par lesEtats-UnisetleRoyaume-Uniferaitl'objet, de
la part des autorités libyennes compétentes, d'une enquêtq eui serait
menée avectout lesérieuxvouluetdemanière àrespecterlesprincipes de
lalégalitinternationale, ycompris,d'une part, lesdroitssouverains dela
Libyeet,d'autre part, la nécessdeveillerà cequejustice soitfaite, tant
pour lesaccusésquepour lesvictimes.Dans l'intervalle, lejuged'instruc-
tionlibyenapris desmesurespour demanderl'assistancedesautoritésdu
Royaume-UnietdesEtats-Unis,enoffrant deserendre dans cespaysafin
de prendre connaissance des élémentsde preuve et de coopérer avecses
homologuesaméricain etbritannique. CONVENTIONDE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 95

4. Ces offresayant été rejetéesexplicitemenett publiquement (débats
parlementaires) ou bien ayant été ignoréest étantrestées sans réponse,
deux lettres identiques ont été adresséee 17janvier 1992au secrétaire
d'Etat des Etats-Unis d'Amériqueet au secrétaired'Etat aux affaires
étrangèresdu Royaume-Uni. Dans ces lettres, le secrétairedu comité

populaire pour les relations extérieures et la coopération internationale
appelait l'attention de seshomologuessur lefait quetant la Libyeque les
Etats-UnisetleRoyaume-Uniétaientparties àlaconventionde 1971pour
la répressiond'actesillicitesdirigéscontre la sécurde l'aviationcivile,
communémentappelée conventionde Montréal. Il indiquait ensuiteque,
dès queles accusations avaient été portées contrles deux intéressésl,a
Libye avait exercésa juridiction à leur égard conformémentau droit
nationallibyenet àl'article5,paragraphe 2,delaconventiondeMontréal.
Pour cela,certaines mesuresavaient été prisesafin d'assurer la présence
des accusésen Libye, une enquête préliminairesur l'affaire avait été
ouverte et les Etats visésà l'article 5, paragraphe 1, de la convention
avaientété informésquelessuspectsétaientgardés àvue.Ceslettresajou-
taient que l'article 5, paragraphe 3, de la convention de Montréal
n'excluait aucunement l'exerciced'une action pénale conformémena tu

droitnational etque, lesauteursprésumésdel'infractionétantprésentsen
territoire libyen,la Libyeavait,conformémentà l'article5,paragraphe 2,
de la convention, pris les mesures nécessairespour établirsa propre
compétence à leur égard conformément à l'article 1, paragraphe 1,
alinéasa),b)et c),etàl'article 1,paragraphe 2. Rappelant qu'aux termes
de l'article 7'Etatcontractant sur le territoire duquel l'auteur présumé
d'une infraction est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet
l'affaire ses propres autoritéscompétentespour l'exercicede l'action
pénale,lesdeuxlettresindiquaient quelaLibyeavaitdéjàsoumisl'affaire
à ses autorités judiciaires et qu'unjuge d'instruction avait nommé.
Enfin, ces lettres relevaient que la coopération des autorités judiciaires
des Etats-Unis et du Royaume-Uni avait été demandée, mais qu'il n'y
avait pas eu de réponse officiellà ces demandes. Au lieu de cela, le
Royaume-Uni et les Etats-Unis avaient menacé la Libye, sans exclure

l'usagede la forcearmée.
5. Dans ces circonstances, et tenant compte des dispositions de l'ar-
ticle33,paragraphe 1,de la Charte des Nations Unies,la Libyea deman-
déaux Etats-Unis et au Royaume-Uni, par seslettres du 17janvier 1992,
de donner leur accord pour que le différend soit soumisà un arbitrage
conformément à l'article 14,paragraphe 1,de la convention de Montréal,
et de se réuniravec le représentantde la Libyele plus tôt possible pour
élaborerlesdétailsd'un telarbitrage(latraductiondu texteoriginal arabe
de ces lettres figure dans le document S/23441 du Conseil de sécurité,
commeannexe à la lettre du 18janvier 1992par laquelle le représentant
permanent de la Libyea demandéau Présidentdu Conseil de sécurité de
faire distribuer lesdites lettres en corrélation avec les demandes de la
Libyetendant à l'applicationdel'article14delaconventiondeMontréal).

6. Cette récapitulation factuellede la correspondance échangée entrele 14 novembre 1991et le 18janvier 1992démontre indubitablement
qu'avant l'adoptionde la résolution731 (1992)du Conseil de sécurité la
Libyeavait non seulementinvoqué lanécessité de faire arbitrer un diffé-
rend relatif à l'application et à l'interprétationde la convention de
Montréal conformément à l'article 14,paragraphe 1, de celle-ci, mais
avait aussi informé leConseil de sécuritéde l'existencede ce différend

conformément à l'article33,paragraphe 1(du chapitre VI),de la Charte
auxtermes duquel :
«Lesparties à tout différenddont la prolongation est susceptible
de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales
doiventenrechercher lasolution,avanttout, par voiedenégociation,
d'enquête,de médiation,de conciliation, d'arbitrage, de règlement
judiciaire, de recours aux organismesou accords régionaux, ou par

d'autres moyenspacifiques de leur choix.D
7. Le différend mentionnédans les deux lettres du 17janvier 1992est
exactementceluiqui estmaintenant devantla Cour,laquelle,envertu de
l'article92delaCharte desNations Unies,est((l'organejudiciaire princi-
pal des Nations Unies » et exerce ainsi une fonction fondamentalement
différente,par sanature etdans sonmoded'action,decellequel'article24

de la Charte confèreau Conseil de sécurité. Essentiellement,celui-ciest
chargéde «la responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécuritéinternationales»(art. 24,par. 1)età cet égardil «agit conformé-
mentauxbuts etprincipesdesNations Unies »(art.24,par. 2,quifaitainsi
nécessairementréférenca eu chapitre1,intitulé«Butsetprincipes »,art. 1
et 2).
8. Par conséquent,une distinctionfondamentale doit êtrefaiteentrele
«différend»de caractèrejuridique invoquépar la Libyeetporté parelle
devant la Cour en la présente instance, introduite le 3 mars 1992,et les
problèmespolitiquesliésaux actes de terrorisme soutenus par des Etats,
communément appelés ((terrorisme d'Etat» (pour préciserle sens de
l'expression ((terrorismed'Etat», M. Gilbert Guillaume a très bien dit
que cela signifie en général«la violence organiséepar 1'Etatlui-même,
selonsespropres normes de droit,en vuedefairerégnerlaterreur surson

territoire» (Recueil des cours de lxcadémie de droit international de
La Haye, t. 215(1989-III),p. 297),en marquant une distinction entre ce
type d'activitéillicite et «le soutien apportépar les Etats aux activités
terroristes(ibid.,p.299)).L'action visantàéliminertouteslesformesde
terrorisme, qu'ellessoient le fait de particuliers ou de groupes, ou qu'il
s'agissedeterrorisme dYEtatoudeterrorismesoutenu par desEtats,relève
nécessairement des fonctions et des pouvoirs du Conseil de sécurité.
Ainsi,lesrésolutionsdu Conseil de sécurité731(1992)du 21janvier 1992
et 748 (1992)adoptéele 31mars 1992visaient principalement à enquêter
surl'implicationpossibledela Libyedans lesoutiend'activitésterroristes
telles que celles qui avaient conduit la destruction de l'appareil de la
Pan Am au-dessus de 1'Ecosseen 1988et de celui de I'UTAau-dessus du
Niger en 1989. 9. Manifestement,l'instance introduite par la Libyeauprèsdu Greffe
de la Cour le 3 mars 1992a trait à des ((questions d'interprétation et
d'application de la convention de Montréalde 1971 », à des questions
juridiques enrapport avecl'incident aériende Lockerbie, etc'estla seule
question portée devant la Cour, puisque les deux Etats défendeurs
(les Etats-Unis d'Amériqueet le Royaume-Uni) n'ont pas présentéde

demandes reconventionnelles en rapport avec les allégations selonles-
quelles le Gouvernement libyen aurait donné des instructions aux deux
suspectsou lesaurait aidéset avecla responsabilité d'Etat qui en résulte-
rait. Le simplefait que les deux suspectssont fonctionnaires en Libyene
faitpas d'eux automatiquement des «organes ))ou des ((agents»dont les
actes engageraient ipsfoacto la responsabilitéinternationaledu Gouver-
nement libyen.Pourétablirunetelleresponsabilitéd'unpoint devuejuri-
dique, il faut apporter despreuves suffisantes:

premièrement:que les deux suspects étaient vraimentles auteurs de cet
horrible massacre; et,
deuxièmement:qu'ilsont commisleurcrimesur lesordres de leurs supé-
rieurs dans la hiérarchiede l'Etat,ou du moins au su de cespersonnes
et avecleur acquiescement.
Alors seulement l'activité criminelleen question pourrait être imputée

juridiquement au Gouvernement libyen et la responsabilitéde cet Etat
pourrait être établie. Autrement dit, à moins que les deux conditions
fondamentales indiquéesci-dessus ne soient remplies, l'implication du
Gouvernement libyen demeure une allégation sans effetjuridique, et il
peut toujours exister un certain doute au sujet soit de la culpabilité des
deux suspects,soit del'implicationdu Gouvernementlibyen(puisque les
personnes suspectéespourraient, quels que soientleurs motifs,avoir agi
de leur propre initiative).

10. Comptetenu des prémissesjuridiques fondamentalesrappeléesci-
dessus, il convient d'analyser soigneusement l'effetdes résolutions73l
(1992)et748 (1992)du Conseil de sécuritésurla présente instance.

11. En cequiconcernelarésolution731,adoptéele21janvier 1992,son
libellé etle débatqui a eu lieu lors de son adoption (voir le document
WPV.3033)montrent qu'elle constitue, en vertu du chapitre VII, une
«recommandation» au titre de l'article 39 de la Charte, c'est-à-dire
qu'elle serapporte au maintien delapaix etdela sécuritéinternationales.
12. Letexte dela résolutionelle-même,etleisnterventions de ceuxqui
ont participéau débat, reflètent clairementune préoccupation unanime,
générale etprofonde devant «la persistance,dans lemondeentier,d'actes
deterrorismeinternational soustoutes sesformes »,notamment ((lesagis-
sementsillicitesdirigéscontre l'aviationcivileinternationale »,ainsi que
ladétermination duConseildesécuritéd'«éliminelr eterrorismeinterna-
tional». S'agissant plus particulièrement des attentats contre les vols CONVENTION DE MONTRB AEL1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 98

Pan Am 103et UTA 772,le Conseil se déclare profondément préoccupé
«par ce qui résulte des enquêtes impliquant des fonctionnairesdu
Gouvernement libyen», et aprèsavoir déplorévivement le fait que le
Gouvernement n'ait pas répondueffectivement àcejour aux demandes
ci-dessus [dela France, du Royaume-Uniet des Etats-Unis d'Amérique]
de coopérerpleinementpour l'établissement desresponsabilités dans les
actesterroristesen question, le Conseil,dans un paragraphe décisif:

((3. Demande instammentaux autorités libyennes d'apporter
immédiatementune réponse complèteet effective à ces demandes
afin de contribuer l'éliminationdu terrorisme international. »

13. En agissantainsi,leConseil desécuritcondamne politiquement le
Gouvernementlibyen de deux manières :

i) en faisant siennes les demandes des trois grandes puissances, qui
comprenaient, pour deux d'entre elles, l'exigence que les deux
suspectslibyenssoientlivrés;
ii) en considérant qu'une réponse complète eetffectivà ces demandes
contribuerait àl'éliminationdu terrorisme international et conduirait
ainsiaurétablissementdelapaixetdelasécuritéinternationales.

14. En mêmetemps, le Conseil de sécurité n'a accordéaucune atten-
tionàla proposition de la Libyerelative au règlementpacifique, dans le
cadredu chapitre VI,du différenddéjàexistanatusujetdel'applicationet
de l'interprétationde la convention de Montréal,dont le Présidentdu
Conseil de sécuritavait,commeon l'avu, étéinformél1 e8janvier 1992.
Lereprésentantdela Libyea exposédenouveaulaposition deson pays à
cet égardau cours de la séanceque le Conseil de sécuritéa tenue le
21janvier. Il a déclace qui suit:

Jerépètequel'enquête mené eneLibyen'amalheureusementpas
progresséfautede coopérationdelapart desautresparties et àcause
de leur refus de nous communiquer les dossiers deleur enquête.En
termespratiques, cela ne peut signifier que deux chosesoitqu'au-
cune enquêten'a été réellemenm t enée,soit, comme nous l'avons
signalé,qu'il estflagrant que l'enquête était insatisfaisante.

Je voudrais déclarer,un fois de plus, qu'il s'agitlà d'un différend
de nature purement juridique qui devraitamener leConseil de sécu-
ritéà recommander qu'il soit réglépar les diverses voiesjuridiques
disponibles, non seulement dans le cadre de la Charte des Nations
Unies,maisaussi dans celuidesdispositions de conventionsinterna-
tionales plus pertinentes, telles que la convention de Montréalde
1971quej'aiévoquéeprécédemment.Sluarbase de cetteconvention
et,enparticulier, de son article 14,etafinde réglerla questionsoule-
véerelative au conflit de compétence,mon paysa pris des mesures
concrèteset pratiques et a demandé,dans des communicationsoffi-
cielles adressées aussi bien aux Etats-Unis d'Amérique qu'au
Royaume-Uni, de soumettre le différend àl'arbitrage. Aujourd'hui, CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP.DISS.EL-KOSHERI) 99

devant le Conseil, mon pays demande que ces deux pays soient
invitésà ouvrir sans tarder des négociations avec la Libye sur la
procédure à suivreenvuedel'arbitrageetdelaconstitutiond'unjury
d'arbitrage. Pour permettre un règlementrapide du différend, nous
estimonsqu'une date limiteproche et définitivedoit être fixéeour
ces procédures, après quoi,si aucun accord n'intervient quant à
l'arbitrage,laquestionpourrait êtrrenvoyéedevantla Cour interna-
tionale de Justice.
Mon pays est disposé à conclure immédiatement, avectoutes les

parties intéressées,n accord de circonstancevisant àsaisirla Cour
internationale de Justice dès l'expiration du court délai fixépour
conclure un accord envuede l'arbitrage, ouàn'importe quelleautre
date proche et appropriée,si lespaysintéressésacceptentd'allerau-
delà dustadede l'arbitrageetdesdélibérationsd'un jury d'arbitrage.

Ceci étant, comment peut-on considérerce différend commeun
différend politique? Nous ne pensons pas qu'il le soit, puisque la
Charte indique également,dansson chapitre VI,lesmoyensconcrets
deparvenir àun règlementpacifique desdifférends.LeConseil s'est
inspiréde ces méthodes précédemmentL .a question ne devrait pas
êtreréglée autrement qu'à la lumière des considérations énoncées
dans laCharte. LaLibyen'ajamais menacéun quelconquepays. Elle

ne peut se comporter de manière à compromettre la paix et la sécu-
rité.En réalité,c'est la Libye qui est menacéepar des superpuis-
sances,tout comme ellea faitl'objet d'une agressionarmée en1986.
La Libye continue d'être assujettie un boycottage économique, à
descampagnes dedésinformationet à despressionspsychologiques.
Je dirai pour terminer que la légalitédestravauxde ce Conseil est
fonction de son respect des dispositions de la Charte derganisa-
tion etdel'applicationappropriéedecesdispositions. Ilestinconce-
vabledemettreceprincipe enapplication silesparties à cedifférend
participent auvote sur ceprojet derésolution. Ignorerla naturejuri-
dique du conflit et le traiter comme une affaire politique constitue-
raient une violation fragrante des dispositions explicites du para-
graphe 3de l'article27de la Charte.
Le Conseil est en présencede deux choix: il peut respecter la
Charte et seconformer aux principes moraux et au droit internatio-

nal,ou ilpeut seplieraux exigencesinjustesdesEtats-Unisd'Améri-
que et du Royaume-Uni qui cherchent à utiliser le Conseil pour
couvrirune agressionmilitaire etéconomiquecontreun petitpaysen
lutte pour se libérer de son retard économique. Nous sommes
persuadés quelesmembres du Conseil et, en fait,tous les Membres
de l'Organisation des Nations Unies défendront les principes
énoncés dans laCharte et le droit international et respecteront les
principes dejustice et d'équité que mon paydemandede respecter
etd'appliquer.»(Procès-verbalprovisoiredelaséancedu Conseilde
sécuritétenuele 21janvier 1992,doc. S/PV.3033,p. 22-25.) CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 100

15. Lefait que le Conseil de sécuritése soit abstenu de traiter les
aspects juridiques du problème avant l'adoption de la résolution731
(1992)pourrait avoir diversesexplications,ycompris le désird'exclurele
recours à l'article27,paragraphe 3,de la Charte,qui aurait empêché les
Etats-Unisd'Amériqueet leRoyaume-Uni departiciper au vote,puisque
«dans les décisionsprises aux termesdu chapitre VI ..une partie àun

différend s'abstientde voter)), ou simplement le souci de rester sur le
terrain politique sans aborder les questionsjuridiques soulevéespar la
Libye, puisque celles-cirelevaient logiquement de la compétencede la
Cour internationale de Justice.
16. Quelles qu'aient pu êtreles raisons, il est clair que la question de
l'applicationetdel'interprétationdelaconvention de Montréal aétélais-
séehors du champ d'application de la résolution731(1992).Par consé-
quent, lorsque la Libye s'esttrouvée en face d'uneattitude continuelle-
ment négativebloquant laperspective denégociationsaveclesEtats-Unis
d'Amérique etleRoyaume-Uni,etenvuesoitd'unrèglementamiablesoit
de la conclusion d'un accord d'arbitrage, commecelaest prévupar l'ar-
ticle 14,paragraphe 1,de la convention de Montréal,elle n'avaitd'autre
choix quede s'adresser à la Cour internationale deJustice en application
de cettemêmedisposition.Cefaisant, le Gouvernementlibyena réguliè-

rement exercéun droit et ne saurait être blâmé d'avoiragi de cette
manière.Il est depuis longtempsétabli quelerecoursunilatéral àlajuri-
diction de la Cour ne doitjamais êtreconsidérécommuen acteinamical,
commeen témoignela déclaration faitepar l'Institut de droit internatio-
nal en 1959selonlaquelle «le recoursà la Cour internationale de Justice
ou à une autre instancejudiciaire ouarbitralene saurait en aucun casêtre
considéré commeun acte peu amical vis-à-vis de 1'Etat défendeur))
(Annuairede lJZnstitudte droit international,vol. 48-11,1959,p. 359) ou
encoreleparagraphe 6delarésolution3232 (XXIX)del'Assemblée géné-
rale des Nations Unies en datedu 12novembre 1974,auxtermesduquel :
(tlerecoursà un règlementjudiciaire desdifférendsjuridiques, particuliè-
rement le renvoi à la Cour internationale de Justice, ne devrait pas être
considérécomme un acte d'inimitié entre Etats
17. Il est d'ailleurs arrivé maintes fois queles aspectsjuridiques d'un

différend aientétésoumis àla Cour internationale de Justice avec une
demande en indication de mesures conservatoiresmalgré le fait que les
organes politiques des Nations Unies étaient saisis d'autres aspects du
mêmedifférend (Anglo-ZranianOil Co. (Royaume-Uni c.Zran),mesures
conservatoires,C.Z.J.Recueil 1951,p. 89-98; Personneldiplomatiqueet
consulairedes Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d'Amérique cZ . ran),
mesuresconservatoires,C.Z.J.Recueil 1979,p. 7-21 ;Activités militaires et
paramilitairesau Nicaragua et contre celui-ci(Nicaragua c. Etats-Unis
d'Amérique),mesures conservatoires,C.Z.J.Recueil 1984, p. 169-207;
Plateau continentalde la mer Egée (Grècc e. Turquie), mesures conserva-
toires,C.Z.J.Recueil976,p. 3-40).
18. C'est cette coexistenceparallèle qui avait permià M. Petrénde
souligner: «La distribution naturelle des rôles entre l'organe judiciaireprincipal etlesorganespolitiques desNations Unies ..»(Opinionindivi-
duelle jointe àl'avis consultatif du 12juin 1971concernant les Consé-
quencesjuridiquespourlesEtatsdelaprésence continudeel'AfriqueduSud
en Namibie (Sud-Ouestafricain)nonobstantla résolution276 (1970)du
ConseildesécuritéC ,.I.J.Recueil1971,p. 127.)Aucun chevauchementne
saurait normalement êtreenvisagé,tant que le critère de démarcation
fondamental demeure celui qui a été explicitementénoncé par la Cour
dans le même avis consultatif:

«la Cour, organe judiciaire principal des Nations Unies ..ne se
prononce que sur la base du droit, indépendamment de toute
influence ou de toute intervention de la part de quiconque ..Une
cour, remplissant une fonction de cour de justice, ne saurait agir
d'une autre manière.»(Ibid.,p. 23,par. 29.)
19. Cependant, l'apparition sur la scènede la nouvelle résolutiondu
Conseil de sécurité,la résolution48 (1992),le31mars 1992,troisjours à

peine après la clôture des audiences sur la demande en indication de
mesures conservatoires présentéepar la Libye, est sans précédentet
soulèveun problème important quant à ses incidences sur la présente
instance.
20. Dans sarésolution748 (1992),leConseilanon seulementréaffirmé
sa résolution731 (1992)du 12janvier 1992,mais a ajouté, entre autres,
que :
«le défautdelapart du Gouvernement libyende démontrer,par des
actes concrets, sa renonciation au terrorisme et, en particulier, son
manquement continu àrépondrede manière complète eteffective
auxrequêtescontenuesdans larésolution731(1992)constituent une

menace pour la paix et la sécurité internationales
21. Agissant envertu du chapitre VI1de la Charte, le Conseil de sécu-
ritéa décidéque: «le Gouvernement libyen doit désormais appliquer
sans le moindre délaileparagraphe 3de la résolution731 (1992)concer-
nant les demandes contenues dans les documents S/23306, S/23308 et
S/23309»,faute de quoi les sanctions prévues auxparagraphes 4,5 et 6
prendraient effetle 15avril 1992.
22. Larésolution748(1992)du31mars 1992entreévidemmentdans la
catégorie des décisions quirelèventdu chapitre VII, lesquelles ont, en
règlegénéraleu ,n caractèreobligatoire,encesensque lefait de nepas s'y
conformer est considéré commeune menace pour la paix et créede

nouvellesobligations pour toutes lesparties concernées.
23. Il faut observer néanmoins que des auteurs qui font autorité
soutiennent que les Membres des Nations Unies ne sont pas «obligés»
d'appliquer touteslesdécisionsdu Conseil de sécuritéD . ans son analyse
de l'article25de la Charte,Hans Kelsen a écritceci:
«Il semblerait toutefois que l'article 25 ne signifie pas que les
Membres soient obligésd'appliquer toutesles décisionsdu Conseil
de sécurité puisque,aux termes de cet article, ils conviennent CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 102

d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de sécurité
a conformément à laprésenteCharte. »(Hans Kelsen, TheLawofthe
UnitedNations - A CriticalAnalysisof Its Fundamental Problems,
Londres, 1950,p. 95.)
Le sens de l'article25est que les Membres sont obligésd'appli-
querlesdécisionsqueleConseildesécuritéaprises conformément à
la Charte. »(Ibid.)

«Le terme «décision» peut être interprété comme signifian t..
seulement les décisions qui, selonles dispositions de la Charte en
vertu desquelles elles sont adoptées, sont obligatoires pour les
Membres. »(Ibid.,p. 293.)

24. La jurisprudence de la Cour et les opinions expriméespar un
certain nombre dejuges viennent étayercetteconception. On serappelle
qu'à propos de l'avisconsultatif précitérelatià la Namibie les Gouver-
nements de l'Afrique du Sud et de la France avaient objectéque tant
l'Assemblée généralequele Consedie l sécurité avaienctommisun excès
depouvoir enagissant ultra viresdansl'affairedela Namibie.Acetégard,
la Cour a dit que:
((Il est évidentque la Cour n'a pas de pouvoirs de contrôlejudi-
ciaire ni d'appel en ce qui concerne les décisions prises par les
organes des Nations Unies dont il s'agit...Cependant, dans l'exer-
cicedesafonctionjudiciaire etpuisque desobjections ont été formu-

lées,la Cour examinera ces objections dans son exposé des motifs,
avant de seprononcer sur lesconséquencesjuridiques découlantde
cesrésolutions.»(C.I.J. Recueil1971,p. 45,par. 89.)
25. En effet, la Cour a exercédans cetteaffaire l'importante fonction
qui consiste à s'assurer que la résolution en question avait été prise
conformément auxrèglesde la Charte et, ayant procédé à cettevérifica-
tion, ellea déclaré que

Pour examinerl'acte ainsiaccomplipar l'Assemblée généralie l,
convient detenir compte desprincipes générauxde droit internatio-
nal..»(Ibid.,p. 46,par. 94.)
«La Cour en conclut que les décisions prisespar le Conseil de
sécurité aux paragraphes 2et 5 de la résolution276 (1970),rappro-
chéesdu paragraphe 3 dela résolution264 (1969)etdu paragraphe 5
de la résolution269(1969),ont été adoptées conformémentauxbuts
etprincipes delaCharte et àsesarticles24et25.Ellessontpar consé-

quent obligatoires pour tous les Etats Membres des Nations Unies,
qui sont ainsitenus de les accepteret de lesappliquer.(Ibid.,p. 53,
par. 115.)
26. En entreprenant ce genre d'examen juridique pour s'assurerde la
conformité des décisionsdu Conseil de sécurité oude certains de leurs
élémentsn ,on seulementavec les règlesconsacréesdans les dispositions
delaCharte maisaussiavec «les buts etprincipes delaCharte »,laCoura CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS. EL-KOSHERI) 103

laisséentendre qu'il étaittout àfait concevablequ'elle puisse parvenir à
une décisionnégative si elledécelait une quelconque violation de la
Charte ou un écartpar rapport auxbuts et principes de ladite Charte.
27. En outre, faisant allusion à la résolution 171(II) de l'Assemblée
généraleen date du 14novembre 1947,dans laquelle l'Assembléeavait
recommandélerenvoi à la Cour despoints dedroit (relatifs àl'interpréta-
tion de la Charte »,M. Gros a déclarédans son opinion dissidente qu'«il
eût semblé particulièrement opportun d'exercer sans ambiguïté le
pouvoir de la Cour d'interpréter laCharte ..»(C.Z.J.Recueil1971,p. 332,

par. 19);et que :

«Ce n'étaitpas l'habitude de la Cour de tenir pour acquise les
prémissesd'une situationjuridique donton lui demandait de dire les
conséquences ..Comment, en effet,unjuge peut-il déduireune obli-
gation d'une situation quelconque sans avoir d'abord éclaircila
question de la légalité des origines de cette situation?» (Zbid.,
p. 331-332,par. 18.)

28. L'examen des opinions exprimées dans cette affaire par d'autres
juges montre quebeaucoup d'entre eux ont tenu àmarquer leur profond
attachement au droit de s'assurer que la Cour exerce sa fonction de
gardienne de la légalité dansl'ensemble du systèmedes Nations Unies.
29. Dans son opinion individuelle, M. Ammoun a soulignéque :

((la Cour internationale de Justice se devait de remplir [sespropres
obligations]enne fermant pas lesyeux surdesagissementsaffectant
les principes et les droits dont la défense lui incombe D (ibid.,p. 72,

par. 3).

30. M. Petréna déclaré aussi dansson opinion individuelle :

((Tantquelavaliditédesrésolutionssurlesquelles sefonde laréso-
lution 276(1970)n'estpas établie,il est évidemmentimpossible que
la Cour se prononce sur les conséquencesjuridiques de la résolu-
tion 276 (1970),car il ne peut y avoir de telles conséquencesjuridi-
ques siles résolutionsde base sont illégales..D (Zbid.,p. 131.)

Dans uneautre opinion individuelle, M. Onyeamaa dit ceci:
«Dans l'exercicedesesfonctions,la Cour estpleinementindépen-

dante des autres organes des Nations Unies; elle n'est nullement
tenue d'émettreun arrêt ou un avis qui soit politiquement accep-
table)>;cen'estpas là son rôle.Sa mission, pour reprendre lestermes
de l'article 38du Statut, estde seprononcer ((conformément audroit
international ».
.............................
lorsque ...les décisions ...intéressentune affaire dont la Cour est
dûment saisie, etlorsqu'ilestimpossible derendre un arrêtouun avis CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS. EL-KOSHERI) 104

bien fondésansexaminerlavaliditédecesdécisions,laCour nepeut
éviter cetexamensans abdiquer son rôle d'organejudiciaire.

Jenevoispas qu'ilsoitcompatible aveclafonctionjudiciaire dela
Cour d'énoncerlesconséquencesd'actesdont lavaliditéseraittenue
pour acquise, sans que la Cour se soit assuréeelle-mêmede leur
origine licite.Zbid.,p. 143-144.)

31. En réponse àune question sur le pouvoir de la Cour de statuer sur
l'invaliditéou la nullitéde résolutionsde l'Assembléegénéraleet du
Conseilde sécuritée ,ten seréférant àune déclarationde M.Morellidans
une affaireprécédente (C.Z.J.Recueil1962,p. 223)concernant une résolu-
tionquiseraitentachéed'excèsdepouvoirévident,M.deCastroaévoqué
lejeu de deux principes :

1. Leprincipe de la divisiondespouvoirs. - La Charte a établi
trois organesdotés chacunde pouvoirssouverains dans la sphèrede
sa compétence ...

2. Le principe de lajuridicité. - La Cour comme organejuridi-
que ne peut pas collaborer à une résolution manifestement nulle,

contraire aux règles de la Charte ou aux principes du droit.»
(C.Z.J.Recueil1971,p. 180.)
32. Enfin, dans sonopinion dissidente,sirGerald Fitzmauricea donné
une analyse approfondie des diverses considérations en cause, quel'on
peut résumerde la manière suivante:

i) le Conseilde sécuritém , êmes'ilagitvéritablementpour préserverou
rétablir la paixet la sécurité,voit son champ d'action limitépar la
souverainetéde 1'Etatet les droits fondamentaux sans lesquelscette
souveraineténepeuts'exercer(ibid.,p.226) ;
ii) les circonstances pertinentes suffisaient pour rendre la résolu-
tion2145nulleetsanseffet(ibid.,p.280,par.91) ;
iii) l'article 25 ne saurait rendre obligatoire une décisionqui n'est pas
prise«conformément àlaprésenteCharte »(ibid.,p.293,par. 113) ;
iv) même quand ilagitenvertu du chapitre VI1delaCharte, leConseilde
sécuritén'a lepouvoir ni d'abroger ni de modifier des règlesexis-
tantes (ibid.,p.294,par. 115;

v) l'Organisation desNations Unies(avectous sesorganes,ycompris le
Conseil de sécurité) est elle-même un sujet du droit international et
n'estpas moins soumise àcedroitque les Etats Membrespris indivi-
duellement(ibid.,p.294,par. 115) ;
vi) un organepolitique n'apas lepouvoir de procéder aux constatations
juridiques qui doivent justifier chaque action. Seul possède ce
pouvoir un organejuridique compétentpour procéder à cesconstata-
tions, fautede quoi ilpeut arriver qu'une résolution doiveêtre consi-
dérée commeprocédand t'un excèsdepouvoir et commeétant,de ce
fait,sansvaleurjuridique (ibid.,p.299-301). 33. Alalumièredesdéclarations émanant dea sutoritésprécitéesi,lest
possiblede considérerque lorsqu'ilaadoptéleparagraphe 1dela résolu-
tion 748 (1992)leConseilde sécurité afaitobstacleau pouvoir delaCour
d'exercer librement la fonction judiciaire qui est la sienneà l'égardde
questionssurlesquelleselleavaitentendu lesPartiesquelquesjours aupa-
ravant, etqu'en agissantainsileConseilde sécurité a commisun excèsde
pouvoir qui constitue une violation de l'article92 de la Charte, lequel a
confié à la Cour internationale deJusticela mission d'êtr((l'organejudi-
ciaireprincipal des Nations Unies D.
34. Pours'acquittervalablementdesafonctionprincipale, la Cour doit
avoir toute libertéd'exercer sespouvoirs de décision judiciaire et de
former sapropre opinion surlespoints soumis àson examen,sans aucune

limite.
35. Comme l'abien dit M. Morelli :
«Toute limitation ...seraitinadmissibleparce qu'elleempêcherait
la Cour de remplirsatâche d'une façon logiquementcorrecte ...
.............................

Mais une telle liberté ne peut être entendueque comme liberté
subordonnée, non seulementauxrèglesdu droit et de la logique par
lesquellesla Cour est liée, maisaussi au but que la Cour doit pour-
suivre et qui consiste dans la solutioàdonner à la question qui lui
est soumise.»(Certainesdépenses desNations Unies(article17,para-
graphe 2,delaCharte),avisconsultatifdu20juillet 1962,C.I.J.Recueil
1962,opinion individuelle,p. 217-218.)
36. Le caractèreultraviresdu paragraphe 1de la résolution748 (1992)
sembleplus graveencoresil'onconsidèrequ'un certain nombrederepré-

sentants,à la séancedu Conseil de sécuritédu 31 mai 1992,ont mis en
garde ceuxquipoussaient à l'adoption hâtivedu projet àl'examencontre
leseffetsnéfastesd'un telmanquederespectpour lacrédibilité delaCour
etl'intégrité dsa fonctionjudiciaire.
37. D'après le procès-verbal provisoire, M. Jesus, du Cap-Vert, a
formulé cetteobservation :
«Il serait plus approprié quele Conseilprenne une décisionune

fois que la Cour internationale deJustice- qui est désormaissaisie
de cettequestion - aura statué..»(Doc. WPV.3063,p. 46.)
38. Leprésidentpour lemoisd'avril,M.Mumbengegwi(Zimbabwe),a
rappeléau Conseil ce qui suit:

«La Charte stipule que lesdifférendsd'ordre juridique devraient,
d'une manièregénérale,êtresoum piasr lesparties àla Cour interna-
tionale de Justice..
En optant pour le recours au chapitre VII, alors que l'affaire est
pendante devantla Cour internationale,leConseil desécuritérisque
une crise institutionnelle grave. Pareille crise, qui est clairement
évitable,risquede saper non seulement le prestige, la crédibilitéet CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 106

l'intégritéde l'organisation tout entière, mais la confiance de la
communautéinternationaledans lacapacitédu Conseil àaccomplir,
d'une manièrejudicieuseetobjective,son mandat tel queprévudans
la Charte. Nous sommesconvaincus qu'ilaurait mieux valu pour la
procédure institutionnelle que le Conseil attende le résultatde la
procédure judiciaire menée à la Cour internationale de Justice.»
(Doc. WPV.3063,p. 52.)

39. Le représentantde l'Inde, M. Gharekhan, parmi d'autres, a mis
l'accentsur cetteidée:

((l'opinionaviséede la Cour internationale de Justice sur lesdimen-
sionsjuridiques desquestionsen jeu nepeut que servirla cause dela
paix et du droit internationaux »(ibid.,p. 57).
40. Il est clair qu'en définitiveces sages conseils s'inspiraient du
respect dû àla Charte des Nations Unies, tant dans salettre quedans son

esprit; malheureusement,l'appel enfaveurdelaprimauté «du droit»n'a
pas étéécoutd ans l'émotionetsouslespressionspolitiques du moment.
41. Il aurait mieux valu, pour éviterla situation actuelle, que certains
membresdu Conseildesécurités'inspirend tuprécédenq t ueleConseilde
la Sociétédes Nations a établiquand, sedéclarant horsd'étatd'accueillir
une pétition car laCour permanente de Justiceinternationale était saisie
de l'affaire,il a diffél'examen de la questionjusqu'a la décisionde la
Cour en l'affaire desEcolesminoritaires(Shabtai Rosenne, TheLawand
PracticeoftheInternational Court,vol.1,Leyde, 1965,p. 83).

42. Nul doute la Cour, organejudiciaire principal des Nations Unies,
n'étaitpas elle-même la cible dela hâte du Conseil; l'adoption de la réso-
lution 748 (1992)sans attendre la décisionde la Cour sur la demande en
indication de mesures conservatoires semble avoir eu plutôt pour but

d'exercer la pression la plus forte possible sur la Libye afin qu'elle
renonce à invoquer des droits souverains en vertu de l'article 1,para-
graphe 2, de l'article 2, paragraphe 7, et de l'article 55de la Charte. Or,
l'organisation tout entièreest fondée surle principe de l'égalisouve-
raine detous sesMembres,et l'exercicede la compétencenationale dans
des domaines tels que l'extradition impose àtous les autres Etats, ainsi
qu'aux organespolitiques de l'organisation des Nations Unies, l'obliga-
tion de respecter de tels droits naturels,oins que la Cour ne décide
qu'un tel exercice est contraire au droit international, coutumier ou
conventionnel.
43. Il importe de se souvenir, à cet égard, de ce qu'a déclaré
Max Huber, ancien Présidentde la Cour permanente de Justice interna-
tionale, alors qu'ilétait arbitre unique en l'affairedeedePalmas :

La souverainetédans lesrelations entre Etats signifiel'indépen-
dance.L'indépendance relativement àunepartie du globeestledroit
d'yexercer,àl'exclusiondetout autre Etat,lesfonctionsétatiques.»
(Myres McDougal et Michael Reisman, International Law in ContemporaryPerspective;the Public Order of World Community:
Casesand Materials,Mineola, New York, Foundation Ress, 1981.)

44. Al'appui de cemêmeconceptfondamental de la souverainetéque
protègela Charte des Nations Unies, les tribunaux des Etats-Unis ont
jugé cequi suit:

«Le droit d'une puissance étrangèrede réclamer l'extradition
d'une personne accusée d'un crime et l'obligation corrélativede
livrer l'intéressé n'existeqtue quand un traitéles a établis et, aux
Etats-Unis,enl'absenced'unedisposition législativeou convention-
nelleà cet effet,aucune branche du gouvernement n'ale pouvoir de
livrer un délinquanten fuiteà un gouvernementétranger.» (Ramos

v. Diaz, 179F.Sup.459(S.D. Fla. 1959),reproduit par McDougal et
Reisman, op.cit.,p. 1498.)

45. De plus, dans l'affairedu Droitd'asile,la Cour a déclaré avecune
grande insistance :«Une décisionrelative àl'extradition implique seule-
ment l'exercice normal de la souveraineté territoriale.» (C.I.J. Recueil
1950,p. 274.)
46. Il serait difficile de croire qu'en droit international contemporain
les droits d'un fugitif étranger soient mieux protégésque ceux d'un
citoyen accusé,ou quece qui constitue un acte licite du Gouvernement
des Etats-Unisdevienne un acteillicite quand il s'agitdu Gouvernement
libyen, à moins que nous ne soyons censésvivre dans La ferme des
animauxd'Orwell,où certains animaux sontplus égauxque d'autres.
47. Pourtoutes lesraisons indiquéesci-dessus,je suisd'avis, avectout
le respectvoulu, que l'on ne doit attribuer au paragraphe1de la résolu-
tion 748 (1992)du Conseil de sécuritéaucun effetjuridique surla compé-
tence de la Cour, mêmeprima facie, et que la demande libyenne en

indication de mesures conservatoires doit donc être appréciée seloln es
modalités habituelles, tellesqu'elles sereflètent dans la jurisprudence
établiede la Cour.

48. Sans entrer dans une analyse détailléede tous les précédents
concernant l'octroi ou le refus de mesures conservatoireset des circons-
tancespertinentes qui ontincitélaCour àagird'unemanièreoudel'autre,
il semblesuffire,dans leprésent contexte,de mentionner essentiellement
lesrèglesappliquéesdans lesaffaireslesplusrécentesquiontdonnélieu à
l'examend'une demande en indication de mesuresconservatoires.
49. Sur la base de l'article 41 du Statut, la Cour peut exercer son
pouvoir indépendantd'indiquer desmesuresconservatoiressi elleestime
établi que«les dispositionsinvoquéespar le demandeur semblentprima CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 108

facie constituer une base sur laquelle la compétence de la Cour [sur le
fond]pourrait êtrefondée »(PassageparleGrand-Belt,mesuresconserva-
toires,ordonnancedu29juillet 1991,C.I.J.Recueil1991,p. 15,par. 14).
50. Conformément à ladite règleétablie,je suispersuadéque lesdispo-
sitions de l'article 14,paragraphe 1,de la convention de Montréal invo-
quéespar le demandeur semblent prima facie constituer une base sur
laquelle la compétence de la Cour pourrait être fondée.Ici, la base de
compétence est manifestement plus solide qu'en l'affaire de 1'Anglo-
IranianOil Co.qui a abouti à l'ordonnance du 5juillet 1951indiquant

des mesures conservatoires (C.I.J.Recueil1951,p. 93-94),sans apporter
une justification aussi directe qu'en l'affaire relativeauonneldiplo-
matique etconsulairedes Etats-Unis à Téhéran à,propos de laquelle la
Cour a adopté l'ordonnance du 15décembre 1979 (C.I.J.Recueil1979,
p. 14-15).
51. Quant à savoir s'il existe, entre le demandeur et le défendeur,un
différendconcernant «l'interprétationou l'application »dela convention
de Montréalde 1971,je suistenu de faire cette observation: sil'on appli-
que le critère définil'unanimitépar la Cour dans l'avisconsultatif sur
17Applicabilitée l'obligationd'arbitrageen vertude la section21 de l'ac-
corddu 26juin 1947relatifau siègede l'Organisationdes Nations Unies
(C.I.J.Recueil1988,p. 32,par. 49)et si l'on considèrel'ample divergence
d'opinions entre les Parties,telle qu'elles'estmanifestéelorsde la procé-

dure orale,onne saurait avoir lemoindre doute qu'ilexistebien un diffé-
rend touchant la portée, l'applicabilité et l'interprétation de diverses
dispositions de la convention de Montréal.
52. Dans la phase actuelle de la procédure, les Parties ont soulevéun
certain nombre de problèmes en ce qui concerne la réponseàdifférentes
questions,à savoir: le différend peut-il êtreréglépar voie de négocia-
tion »,ya-t-ileu rejet d'uneoffrelibyennevisaàsoumettreledifférendà
l'arbitrage, et quels pourraient êtreles effets juridiques du délaide six
mois envisagédans le paragraphe 1 de l'article 14 de la convention de
Montréal ?
53. Ayant présent à l'esprit la célèbre déclarationde la Cour perma-
nente deJusticeinternationale dans l'affaire des ConcessionsMavromma-
tis enPalestine(C.P.J.I.sérieA no2, p. 13)ainsi que l'ordonnance de la
Cour dans l'affaire concernant leersonneldiplomatiqueet consulairedes

Etats-Unis à Téhéra(nC.I.J.Recueil1979,p. 32-34,par. 52-56),et tenant
compte de toutes les circonstances pertinentes telles qu'elles ressortent
des documents soumis par les Parties, je considère comme légitimede
conclure qu'à aucun moment, soit avant d'avoir saisi le Conseil de sécu-
rité, soitaprès l'avoir saisi, les Etats-Unis et le Royaume-Uni n'étaient
intéressésàrégler ledifférendpar voie de négociationou d'arbitrage. Il
n'a ététenu aucun comptedesnotes de la Libyeen date du 8janvier et du
17janvier 1992,cequi,enpratique, rendait cesdeuxmoyens de règlement
pacifique inutiles et inopérants. Dans ces conditions, il n'yavait pas de
raison sérieused'attendre que soitécouléle délaide sixmois, alors qu'en
particulier, étant donnéla manière dont est libelléle paragraphe 1 de CONVENTIONDE MONTRÉALDE 1971 (OP. DISS.EL-KOSHERI) 109

l'article14delaconventiondeMontréal(«within»dans letexteanglaiset
adans » dans le texte français), il ne ressort pas clairement du contexte
que cet élémenttemporel constitueune condition obligatoireinterdisant
lerecours àla Cour avantl'expiration de ce délai.
54. Selonl'article41du Statut,lorsquela Cour «estimequelescircons-
tances l'exigent»,elle a le pouvoir d'indiquer quellesmesuresconserva-
toires doiventêtreprises.Lajurisprudence établiede la Courpour cequi
estdesincidencesdecemembredephraseaétéformuléerécemined natns

lestermessuivants :
«Considérant que le pouvoir d'indiquer des mesures conserva-
toires conféréà la Courpar l'article41deson Statut a pour objet de
sauvegarderledroit de chacune desparties en attendant quela Cour
rende sa décision,etprésuppose qu'un préjudiceirréparabln ee doit
pas être causé aux droits en litige dans une procédure judiciaire))
(Passagepar leGrand-Belt(Finlandec.Danemark), mesuresconserva-

toires,ordonnancedu 29juillet1991,C.Z.J.Recueil1991,p. 16,par. 16).
55. Sans entrer dans des détails qui sont actuellement inutiles étant
donnél'ordonnance rendue par la Cour,je dirai qu'au nombre desprin-
cipes sous-jacents à l'adoption de la convention de Montréal figure la
règleaut dedereautjudicare (ou aut dedereautpunire,selon lecas,compte
tenu dustadeouen estl'affaire,commel'aexpliquéM.Guillaumelors du

cours qu'il a donné à l'Académiede droit international de La Haye,
RCADI,op.cit.,chap. IV,p.354-371).Larègleenquestionimpliquenéces-
sairement confirmation du principe profondément enracinédu droit
international généralselon lequel aucun Etatne peut êtreobligéd'extra-
der quiconque, en particulier ses propres citoyens, s'il n'existepas un
traité prévoyant explicitementcetteextradition. Enparticulier,lesdispo-
sitions de l'article7,considéréesconjointement aveccellesde l'article 8,
paragraphe 2, de la convention de Montréaldonnent à tout Etat contrac-
tant le droit de refuser l'extradition dans tous les cas non assujettis
traité d'extradition existant.Cela aétconfirmé,du fait de l'approbation
donnéeparplus de centtrente Etats contractants,comme un droit souve-
rain reconnu par ledroitinternational publicgénéral.Enconséquence,la
convention de Montréal interditde considérerun Etatou groupe d'Etats
commeayant ledroit deforcerun autre Etat à extraderquiconque, etcela

est applicable en particulier pour ce qui est des propres citoyens de cet
autre Etat lorsque leur exrradition est interdite en vertu du systèmejuri-
dique interne dudit Etat.
56. Ni les Etats-Unisni le Royaume-Uninejouissent à cet égard d'un
droit autre que ceux dont jouissent tous les autres Etats contractants, y
comprisla Libye :ils'ensuitque,sil'un oul'autre desdeuxpayssetrouve à
l'avenir dansune situation semblable,situation oùune demande d'extra-
dition seraitadresséeaux autoritésdu pays, la même règle aut dedereaut
judicare sera applicable. En d'autres termes,aucun préjudice irréparable
ne pourrait être causé aux droits conventionnels acquispar les Parties
respectives a la présente procéduresi la règleaut dedereautjudicare est CONVENTIONDE MONTRÉALDE 1971 (OP. DISSEL-KOSHERI) 110

pleinement appliquée. En revanche,laLibyesubira un préjudice irrépa-
rable sielle estforcéede livreruriautre Etat ses propres citoyens,car le
droit souverain qui est reconnuà 1'Etatpar la convention de Montréal
seraitalorstotalement éclipséet anéantiL. a Cour ne pourrait remédier
aucunstade ultérieurà unetelleprivation desouverainetésubiepar l'Etat,
et cela est une preuve certaine du caractèreirréparabledu préjudice.En
un mot, dès lors qu'aura lieuun transfert forcé,la présente affaire,liée
l'interprétationetà l'application de la convention de Montréal,perdra
tout son sens,car il n'yaura plus de problèmejuridiqueàtrancher. Mais

celane seproduira pas si l'onrespectedûment le droit.
57. Pour toutes les raisons exposéesci-dessus, j'étais etje demeure
d'avisquelescirconstancesdelaprésente affaireexigeaientque l'on indi-
que des mesures conservatoires, étant donnéen particulier qu'il était
extrêmement urgentque la Cour agisse de manière à éviter l'entrée en
vigueur des sanctions adoptées par le Conseil de sécuritédans certains
paragraphes delarésolution748 (1992),décisionprisepar leConseildans
l'exercicedes pouvoirs détenuspar lui en vertu du chapitre VII, et par
conséquentendehorsdu cadredu problèmejuridique devantêtretranché
par la Cour.
58. Quant à savoir quelles mesures conservatoires pourraient être
considérées commeappropriées, comptetenude toutes lescirconstances
pertinentes de la présente affaire,il lieu de faire observerqu'en vertu

de l'article41 du Statut de la Courla détermination desmesures àindi-
quer doit respecter l'équilibre entreles droits respectifs des Parties,
puisqu'il estquestion dans cetarticle de ((mesuresconservatoires du droit
de chacun)). Dans l'exercice de ses pouvoirs, et conformément à l'ar-
ticle 75 de son Règlement,la Cour peut déciderd'indiquer d'office des
mesures((totalementou partiellement différentesde cellesqui sontsolli-
citées,ou des mesures àprendre ou à exécuterpar la Partie mêmedont
émanelademande ».
59. A cet égard,il y a lieu d'appeler spécialement l'attentionsur le
précédent intéressant qui a été étapbalri l'ordonnance rendue en janvier
1986par la Chambre de la Cour internationale de Justice qui avait été
constituéepour s'occuper de l'affaire concernant le Différenfrontalier
(Burkina Faso/République du Mali).Traitant des mesures conservatoires
à indiquer d'office, cetteChambre a déclarce qui suit:

«18. Considérant que, indépendamment des demandes présen-
téespar les Parties en indication de mesuresconservatoires,la Cour
ou, par conséquent,la Chambre dispose en vertu de l'article 41 du
Statut du pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires en vue
d'empêcher l'aggravationou l'extension du différend quand elle
estimeque lescirconstancesl'exigent;
19. Considéranten particulier que ..organejudiciaire principal
des Nations Unies, en vue du règlementpacifique d'un différend,
conformémentaux articles 2, paragraphe 3, et 33 de la Charte des
Nations Unies ..lepouvoir et ledevoirde la Chambre d'indiquer,le CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS. EL-KOSHERI) 111

cas échéant, des mesures conservatoirescontribuant à assurer la
bonne administration de la justice ne sauraient faire de doute»
(C.Z.J.Recueil1986,p. 9).

60. Selon moi, la Cour aurait dû agir dans ce sens, étant donnéla
circonstanceparticulièredelaprésenteaffaire,caractérisép ear lefaitque
lesdeux Libyenssoupçonnés d'êtrleesauteurs du massacrede Lockerbie
ne sauraient bénéficier d'un procès équitable ni aux Etats-Unis naiu
Royaume-Uni,ni non plus en Libye.
61. Malgrétoute l'admirationquej'éprouvepour le systèmejudiciaire
de la plus ancienne des démocraties contemporaines,pour le pays de la
MagnaCarta(1215)et du Billof Rights(l688),je doute sérieusementque
les deux suspects libyens puissent bénéficier d'un procès équitabla eu
Royaume-Uni. Comme l'a fait justement observer le professeur Mauro
Cappelletti, mêmedans le domaine desprocèscivils :

«On est tenté de penser que, mêmeen Angleterre, l'idéeque
certains droits et garanties de procéduresont considérés, et depuis
longtemps, comme essentiels pour une bonne administration de la
justice est,du point de vuejuridique, dépourvuede sens.»(Funda-
mental GuaranteesofthePartiesinCivilianLitigation,publié sousla
direction de Mauro Cappelletti etDenisTallon,Milan, 1973,p. 670.)
62. En ce qui concerne les affaires pénales,la communautéjuridique

mondiale ne saurait oublier aisément qu'à la fois la Commissioneuro-
péenneet la Cour européenne des droitsde l'hommeont conclu que les
autoritésdu Royaume-Uniavaient violél'article3de la conventioneuro-
péenne desdroitsde l'hommeen infligeant à desprisonniers soupçonnés
d'avoir commisdes actes de terrorisme un traitement inhumain et dégra-
dant - car on avait provoquéchez ces prisonniers «des sentiments de
peur, d'angoisse et d'infériorité propresàles humilier, àles avilir eà
briser éventuellementleurrésistancephysiqueou morale» - etenrecou-
rant àce que l'ona appeléles «cinq techniques », à savoirdes méthodes
provoquant «du moins de vivessouffrancesphysiques et morales [et]de
surcroît ...des troubles psychiques aigus en cours d'interrogatoire»
(arrêtdu 18janvier 1978,dans l'affaire Irlandec. Royaume-Uni,Publica-
tionsdela Coureuropéenn desdroitsdel'homme,série A,arrêtsetdécisions,
vol.25,p. 59-94).Jene doute nullementque leGouvernementbritannique

ait pris cette condamnation très au sérieux etqu'ilait fait tout ce qui lui
était possiblede faire pour mettre fin des pratiques aussi inhumaines.
Néanmoins, compte tenu du caractère odieux des crimes imputés aux
suspects libyens, on peut comprendre qu'aux yeux de certains l'équité
puisse avoirdes limitesà l'égardde cessuspects.
63. Aux Etats-Unis d'Amériquela situation serait encore plus alar-
mante, et cela en raison de l'importance extraordinaire des grands
organesd'information et de lamanièredont cesderniersrendent presque
impossibleledéroulementd'unprocèséquitabledevantunjury d'assises,
commeentémoignentlescontroversespubliques suscitéespar cequi s'est
produit dans un certainnombre d'affaires récentes.Unetellesituationest CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 112

manifestementcontraireaux dispositionsselonlesquelles toute personne
a droit«à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et
impartial)), qui figurentà l'article 10 de la déclaration universelle des
droitsdel'homme,adoptéeen 1948parl'organisation desNations Unies;
ettoutautant contraireauxdispositions du paragraphe 1del'article 14du
pacteinternationalrelatifauxdroits civilsetpolitiques,adoptépar l'Orga-

nisationdes Nations Uniesen 1966,lequelinsistesur lescasoù, en raison
des «circonstances particulières de l'affaire,la publicité nuirait aux inté-
rêtsde lajustice».
64. Parallèlement,étant donné queles deux suspects libyens travail-
laient ou travaillentencore pour legouvernement de leur pays etqueleur
procès pourrait finalement déboucher sur une affaire ultérieure de
responsabilitéinternationale des Etats dans laquellela Libyeseraitaccu-
sée,cette situation de fait constitue selon moi une raison suffisante de
douter que, si le procès avaitlieu en Libye, cela serviraitvéritablement
l'intérêt manifestà la foispar lesEtats-Uniset par le Royaume-Unipour
cequi estdefaireen sorte qu'ilsoitéquitable.Quelsquesoient lesmérites
du systèmejudiciaire libyen dans des circonstances normales, le souci

d'une solution impartiale et juste me conduit à considérer, dans le
contexte particulier de la présente affaire, queles tribunaux nationaux
libyens ne pourraient constituer un forum conveniens.Cette conclusion
découle logiquementet nécessairement des principes juridiques fonda-
mentaux,profondément enracinésdanslestraditionsjuridiques des prin-
cipaux systèmes, et en particulier du droit islamique (Weeramantry,
Islamic Jurisprudence, an International Perspective,MacMillan Press,
1988,p. 76-77et p. 79-8l), selon lesquels nemodebet essejudex inpropria
sua causa.
65. Dans lecadredescirconstancesparticulières du différend entreles
Parties et de l'exercicedes pouvoirs dont dispose la Cour pour le règle-
ment pacifique des différends,afin d'assurerla bonne administration de

lajustice et de prévenirl'aggravationet l'extensiondu différend,laCour
aurait pu selon moi indiquer d'office desmesuresconservatoiresvisant à
ce que :
- enattendant unedécisiondéfinitive dela Cour,lesdeuxsuspectsdont
lesnomssontavancésdanslaprésenteaffairesoientconfiés à lagarde

desautoritésgouvernementalesd'un Etattiers quipourraitfournirun
forum conveniensdanslecadred'unaccordmutuel.

- En outre, la Cour aurait pu indiquer que lesPartiesdevaient,chacune
encequilaconcerne,veilleràcequ'aucunemesure,quellequ'ellesoit,
ne soitprise qui puisse provoquer une aggravation ou une extension
du différendsoumis àlaCour,ou quisoitdenature à faireobstacleàla
bonne administration delajustice.

(Signé)Ahmed Sadek EL-KOSHERI.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE EL-KOSHERI

1. Toany human being,what happened over Lockerbiewas a horrible
eventwhichrequires that those responsibleforitbe punished and justice
dulyrendered in conformitywiththe applicable legalrules.Withthatend

in view,the factsshouldbe clearlyestablishedin their true chronological
sequencein orderto demonstrate thenature and scopeofthe casepending
beforethe International Court ofJustice,aswellasto provide a cleardis-
tinction between the legal reality and the political aspects which are
entrusted under the United Nations Chartertoanother principalorgan of
the international organization:the SecurityCouncil.
2. According to the documents filed in the present case,the first rele-
vant factual element occurredon 14November 1991,when a Grand Jury
of the United StatesDistrict Court for the District of Columbia handed
down an indictment charging two Libyan nationals with causing a
destructivedevicetobe placed on board Pan Amflight 103,which device
exploded and ledtothecrashat Lockerbie,Scotland.Onthe sameday,the
Lord Advocateof Scotlandannouncedthe issueofwarrantsforthe arrest
of the same two Libyan individuals, charging them with involvement in
the destruction of Pan Am flight 103.Four days later, on 18November
1991,the Libyan authorities issued a statementindicating that thendict-

mentdocumentshadbeen receivedand that, inaccordance withtheappli-
cable rules,a LibyanSupremeCourtJusticehad alreadybeen assignedto
investigatethe charges;the statementalso, interalia, assertedthe Libyan
judiciary's readiness to CO-operatewithal1legalauthorities concerned in
the United Kingdom and the United States.

3. On 27 November 1991,the Governments of the United States and
the United Kingdom issued a joint declaration to the Government of
Libyademanding, interalia,the surrenderfortrial of the two individuals
chargedwiththe Lockerbieincident. Onthe followingday,28November
1991,the LibyanGovemment issueda communiquéinwhichitwasstated
that the application made by the United States and the United Kingdom
would be investigated by the competent Libyan authorities, who would
dealwithit seriouslyand in a mannerthat would respecttheprinciples of
international legality,including,onthe onehand, Libya'ssovereignrights
and, on the other,the need toensurejustice both for the accused and for

the victims.In the meantime,the Libyaninvestigatingjudge took steps to
request the assistance of the authorities in the United Kingdom and the
United States, offering to travel toese countries in order to reviewthe
evidence and to CO-operatewith his American and Britishcounterparts. OPINION DISSIDENTE DE M. EL-KOSHERI

[Traduction]

1. Pour tout êtrehumain,cequi s'estproduit au-dessus de Lockerbiea

étéun événementhorrible.Ilfautque lesresponsablessoientpunis et que
la justice soit dûment rendue conformémentaux règlesde droit appli-
cables. Pour cela, il faut établir clairementles faits dans leur séquence
chronologiquevéritableafin de démontrer la natureet la portée del'af-
faire dont la Cour internationale deJustice estsaisieet debien distinguer
entre la réaljuridique et lesaspectspolitiquesqui,en vertu de la Charte
des Nations Unies,sont du ressort d'un autre organeprincipal de l'Orga-
nisationinternationale:le Conseil de sécurité.
2. Selonlespiècesdéposéesdans laprésenteaffaire,lepremierélément
factuel pertinent date du 14novembre 1991,date à laquelle un jury de
miseenaccusation du tribunal fédéradlepremièreinstancedu district de
Columbia a prononcé une inculpation accusant deux ressortissants
libyensd'avoir faitplacer bord de l'appareil assurantlevol Pan Am 103

un dispositifqui a exploséet a provoquéla perte de l'appareil au-dessus
de Lockerbie,en Ecosse. Le même jour, le procureur général'Ecossea
annoncé qu'il avait étémisdes mandats d'arrestation des deux mêmes
Libyens,accusésd'être impliqués dans la destructiodne l'appareil assu-
rant le vol Panm 103.Quatrejours plus tard, le 18novembre 1991,les
autorités libyennesont rendu publique une déclarationindiquantque les
actes d'inculpation avaient été reçus et que, conformémenatux règles
applicables,unjuge àlacoursuprême deLibyeavaitdéjàéténommp éour
enquêtersur les accusations; cette déclaration indiquait aussi, entre
autres,quelesinstancesjudiciaires libyennesétaientprêàecoopéreravec
touteslesautoritéslégalesconcernéesau Royaume-UnietauxEtats-Unis.
3. Le 27 novembre 1991,les Gouvernements des Etats-Unis et du
Royaume-Uniont publiéune déclaration communeadresséeau Gouver-
nement libyen dans laquelle ils demandaient, entre autres, que les deux

individus accusésd'êtreresponsables de l'incident de Lockerbie soient
livréspour êtrejugés.Le lendemain, le28 novembre 1991,le Gouverne-
ment libyen a publiéun communiqué dans lequel il était dit que la
demandeprésentée par lesEtats-UnisetleRoyaume-Uniferaitl'objet, de
la part des autorités libyennes compétentes, d'une enquêtq eui serait
menée avectout lesérieuxvouluetdemanière àrespecterlesprincipes de
lalégalitinternationale, ycompris,d'une part, lesdroitssouverains dela
Libyeet,d'autre part, la nécessdeveillerà cequejustice soitfaite, tant
pour lesaccusésquepour lesvictimes.Dans l'intervalle, lejuged'instruc-
tionlibyenapris desmesurespour demanderl'assistancedesautoritésdu
Royaume-UnietdesEtats-Unis,enoffrant deserendre dans cespaysafin
de prendre connaissance des élémentsde preuve et de coopérer avecses
homologuesaméricain etbritannique. 4. Since these offers were either explicitly rejected in public (parlia-
mentary debates) or ignored, remaining without response, two identical
letters were addressed on 17January 1992to the United States Secretary
of State and the British Secretary of State for ForeignAffairs. In these
letters,the Secretaryof the People'sCommitteefor Foreign Liaison and
International Co-operation drew the attention of his counterparts to the
factthat Libya,theUnitedStates andthe United Kingdomwereal1parties
to the 1971Conventionforthe Suppression of Unlawful ActsAgainstthe
Safetyof CivilAviation, commonly known asthe Montreal Convention.
He then indicated that as soon asthe chargeshad been made againstthe
two accused,Libyahad exerciseditsjurisdiction overtheminaccordance
with Libyan national law and Article 5 (2) ofthe Montreal Convention.
This was done by adopting certain measures to ascertain the presencein
Libyaofthe accused,by institutingapreliminaryenquiryintothe matter
and by notifyingthe Statesmentioned in Article 5 (1)of the Convention

that the suspects were in custody. The letters went on to note that
Article 5 (3) of the Montreal Convention did not exclude any criminal
jurisdiction exercised in accordance with national law and that, the
allegedoffenders beingpresentin Libyanterritory, Libyahad, in accord-
ance with Article 5 (2)of the Convention, taken the necessary measures
to establish its own jurisdiction over the offenders characterized in
Article 1(l), subparagraphs (a),(b)and (c)and Article 1(2).Recallingthat
Article 7 provided that the Contracting Party in whose territory the
allegedoffenderisfound shall,ifitdoesnot extradite him,submitthe case
to its own competentauthorities for the purpose of prosecution,the two
letters indicated that Libya had already submitted the caseto itsjudicial
authorities and that an examining magistrate had been appointed. The
lettersthen observedthat thejudicial authorities ofthe United States and
the United Kingdom had been requestedto CO-operate in the matter, but
that there had been no official response to these requests. Instead, the
United Kingdom and the United States had threatened Libya while not
ruling out the use of armed force.

5. In these circumstances, and bearing in mind the provisions of Arti-

cle33 (1) ofthe United Nations Charter, the Libyan letters of 17January
1992calledupon theUnitedStates andthe United Kingdomto agreeto an
arbitration ofthedisputeinaccordance withArticle 14 (1)ofthe Montreal
Convention and to meet with the representative of Libya as soon as pos-
siblein order to elaborate the details of such an arbitration (the English
translation of the originalrabic text of these lettersappears in Security
Councildocument S/23441 as an Annex to the letter of 18January 1992
fromthe PermanentRepresentative of Libyato the President ofthe Secu-
rity Council requesting circulation thereof in connection with Libya's
calls for the implementation of Article 14of the Montreal Convention).

6. The above factual surveyof the correspondence exchanged during CONVENTIONDE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 95

4. Ces offresayant été rejetéesexplicitemenett publiquement (débats
parlementaires) ou bien ayant été ignoréest étantrestées sans réponse,
deux lettres identiques ont été adresséee 17janvier 1992au secrétaire
d'Etat des Etats-Unis d'Amériqueet au secrétaired'Etat aux affaires
étrangèresdu Royaume-Uni. Dans ces lettres, le secrétairedu comité

populaire pour les relations extérieures et la coopération internationale
appelait l'attention de seshomologuessur lefait quetant la Libyeque les
Etats-UnisetleRoyaume-Uniétaientparties àlaconventionde 1971pour
la répressiond'actesillicitesdirigéscontre la sécurde l'aviationcivile,
communémentappelée conventionde Montréal. Il indiquait ensuiteque,
dès queles accusations avaient été portées contrles deux intéressésl,a
Libye avait exercésa juridiction à leur égard conformémentau droit
nationallibyenet àl'article5,paragraphe 2,delaconventiondeMontréal.
Pour cela,certaines mesuresavaient été prisesafin d'assurer la présence
des accusésen Libye, une enquête préliminairesur l'affaire avait été
ouverte et les Etats visésà l'article 5, paragraphe 1, de la convention
avaientété informésquelessuspectsétaientgardés àvue.Ceslettresajou-
taient que l'article 5, paragraphe 3, de la convention de Montréal
n'excluait aucunement l'exerciced'une action pénale conformémena tu

droitnational etque, lesauteursprésumésdel'infractionétantprésentsen
territoire libyen,la Libyeavait,conformémentà l'article5,paragraphe 2,
de la convention, pris les mesures nécessairespour établirsa propre
compétence à leur égard conformément à l'article 1, paragraphe 1,
alinéasa),b)et c),etàl'article 1,paragraphe 2. Rappelant qu'aux termes
de l'article 7'Etatcontractant sur le territoire duquel l'auteur présumé
d'une infraction est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet
l'affaire ses propres autoritéscompétentespour l'exercicede l'action
pénale,lesdeuxlettresindiquaient quelaLibyeavaitdéjàsoumisl'affaire
à ses autorités judiciaires et qu'unjuge d'instruction avait nommé.
Enfin, ces lettres relevaient que la coopération des autorités judiciaires
des Etats-Unis et du Royaume-Uni avait été demandée, mais qu'il n'y
avait pas eu de réponse officiellà ces demandes. Au lieu de cela, le
Royaume-Uni et les Etats-Unis avaient menacé la Libye, sans exclure

l'usagede la forcearmée.
5. Dans ces circonstances, et tenant compte des dispositions de l'ar-
ticle33,paragraphe 1,de la Charte des Nations Unies,la Libyea deman-
déaux Etats-Unis et au Royaume-Uni, par seslettres du 17janvier 1992,
de donner leur accord pour que le différend soit soumisà un arbitrage
conformément à l'article 14,paragraphe 1,de la convention de Montréal,
et de se réuniravec le représentantde la Libyele plus tôt possible pour
élaborerlesdétailsd'un telarbitrage(latraductiondu texteoriginal arabe
de ces lettres figure dans le document S/23441 du Conseil de sécurité,
commeannexe à la lettre du 18janvier 1992par laquelle le représentant
permanent de la Libyea demandéau Présidentdu Conseil de sécurité de
faire distribuer lesdites lettres en corrélation avec les demandes de la
Libyetendant à l'applicationdel'article14delaconventiondeMontréal).

6. Cette récapitulation factuellede la correspondance échangée entrethe period between 14November 1991and 18January 1992demonstrates
beyond any doubt that prior to the adoption of SecurityCouncil resolu-
tion 731(1992),Libyahad not onlyinvokedthe need to arbitrate adispute
relatingto the application and interpretation ofthe Montreal Convention
in compliancewith Article 14(1)thereof but also informed the Security
Council about the existence of that dispute in compliance with
Article33(1)ofthe Charter (in Chapter VI)which requires that :

"The parties to any dispute, the continuance of which is likelyto
endanger the maintenance of international peace and security,shall
first ofll,seekasolution bynegotiation,enquiry,mediation,concil-
iation, arbitration,dicial settlement,resort to regional agencies or
arrangements, or other peaceful means oftheir own choice."

7. The dispute referred to in the two letters of 17January 1992is pre-
ciselytheone nowsubmittedto theCourt, which,byvirtue ofArticle92of
the United Nations Charter, is "the principaljudicial organ ofthe United
Nations" and thus exercisesa function fundamentally different in nature
and operatingmethodsfrom that conferred uponthe SecurityCouncil by
Article24ofthe Charter. In essence,the SecurityCouncil ischargedwith
"primary responsibility for the maintenance of international peace and
security" (Art. 24,para. 1)and has in this respect to "act in accordance
withthe Purposes and Principles ofthe United Nations" (Art. 24,para. 2,
which thus necessarily refers to Chapter 1,entitled: "Purposes and Prin-
ciples",Arts. 1and 2).

8. Accordingly, a basic distinction has to be drawn between the
claimed"dispute" ofalegalcharacter whichLibyasubmittedtothe Court
inthe present proceedings,introduced on 3March 1992,and the political
issues pertaining to State-sponsored acts of terrorism commonly known
as "State terrorism" (for the exact definition of "terrorisme d'Etat",
Judge Gilbert Guillaumejustly indicated that thisusually means:"la vio-
lenceorganiséepar 1'Etatlui-même,selonsespropres normes de droit,en
vue de faire régner la terreur sur son territoire" (Recueil des cours de
l'Académie dedroitinternationaldeLa Haye, Vol. 215(1989-III),p. 297),
expressinghispreference for distinguishingthat type ofunlawful activity
from the "soutien apportépar les Etats aux activitésterroristes" (ibid.,
p. 299)).The undertaking to eliminate al1forms of terrorism, whether
by private persons and groups or in the form of State terrorism and
State-sponsored terrorism, falls necessarily within the scope of the
SecurityCouncil's functions and powers. Thus Security Council resolu-

tions 731(1992)of 21January 1992and 748(1992)adopted on 31March
1992,mainly addressed the enquiry into Libya'spossibleinvolvement in
sponsoringterrorist activitiesuchasthosewhichledtothe destruction of
the Pan Amplane overScotlandin 1988and the UTAplane over Nigerin
1989.le 14 novembre 1991et le 18janvier 1992démontre indubitablement
qu'avant l'adoptionde la résolution731 (1992)du Conseil de sécurité la
Libyeavait non seulementinvoqué lanécessité de faire arbitrer un diffé-
rend relatif à l'application et à l'interprétationde la convention de
Montréal conformément à l'article 14,paragraphe 1, de celle-ci, mais
avait aussi informé leConseil de sécuritéde l'existencede ce différend

conformément à l'article33,paragraphe 1(du chapitre VI),de la Charte
auxtermes duquel :
«Lesparties à tout différenddont la prolongation est susceptible
de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales
doiventenrechercher lasolution,avanttout, par voiedenégociation,
d'enquête,de médiation,de conciliation, d'arbitrage, de règlement
judiciaire, de recours aux organismesou accords régionaux, ou par

d'autres moyenspacifiques de leur choix.D
7. Le différend mentionnédans les deux lettres du 17janvier 1992est
exactementceluiqui estmaintenant devantla Cour,laquelle,envertu de
l'article92delaCharte desNations Unies,est((l'organejudiciaire princi-
pal des Nations Unies » et exerce ainsi une fonction fondamentalement
différente,par sanature etdans sonmoded'action,decellequel'article24

de la Charte confèreau Conseil de sécurité. Essentiellement,celui-ciest
chargéde «la responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécuritéinternationales»(art. 24,par. 1)età cet égardil «agit conformé-
mentauxbuts etprincipesdesNations Unies »(art.24,par. 2,quifaitainsi
nécessairementréférenca eu chapitre1,intitulé«Butsetprincipes »,art. 1
et 2).
8. Par conséquent,une distinctionfondamentale doit êtrefaiteentrele
«différend»de caractèrejuridique invoquépar la Libyeetporté parelle
devant la Cour en la présente instance, introduite le 3 mars 1992,et les
problèmespolitiquesliésaux actes de terrorisme soutenus par des Etats,
communément appelés ((terrorisme d'Etat» (pour préciserle sens de
l'expression ((terrorismed'Etat», M. Gilbert Guillaume a très bien dit
que cela signifie en général«la violence organiséepar 1'Etatlui-même,
selonsespropres normes de droit,en vuedefairerégnerlaterreur surson

territoire» (Recueil des cours de lxcadémie de droit international de
La Haye, t. 215(1989-III),p. 297),en marquant une distinction entre ce
type d'activitéillicite et «le soutien apportépar les Etats aux activités
terroristes(ibid.,p.299)).L'action visantàéliminertouteslesformesde
terrorisme, qu'ellessoient le fait de particuliers ou de groupes, ou qu'il
s'agissedeterrorisme dYEtatoudeterrorismesoutenu par desEtats,relève
nécessairement des fonctions et des pouvoirs du Conseil de sécurité.
Ainsi,lesrésolutionsdu Conseil de sécurité731(1992)du 21janvier 1992
et 748 (1992)adoptéele 31mars 1992visaient principalement à enquêter
surl'implicationpossibledela Libyedans lesoutiend'activitésterroristes
telles que celles qui avaient conduit la destruction de l'appareil de la
Pan Am au-dessus de 1'Ecosseen 1988et de celui de I'UTAau-dessus du
Niger en 1989. 9. Clearly, the case filed by Libya in the Registry of the Court on
3 March 1992relates to "Questions of Interpretation and Application of
the 1971Montreal Convention", legalquestions arising in relation to the
aerial incident at Lockerbie, and this case remains the only matter sub-
mitted to the Court, since the two Respondent States(the United King-
dom and the United States ofAmerica)havenot introduced any counter-
claimspertaining tothe allegedinvolvementofthe LibyanGovernment in
directingor assistingthe twosuspectsand the Stateresponsibilityensuing
as a result thereof. The mere factthat the two suspects are civilservants
in Libya does not automatically render them "organs" or "agents" for
whose actions the Libyan Government become ipsojureinternationally
responsible. To establish such responsibilityfrom a legal point of view,
adequate evidencemust be provided :

First: that the two suspects were truly the authors of that horrible mas-
sacre;and,
Second:that they committedtheir crime upon orders from their govern-
mental supervisors orat least with the knowledge and acquiescence of
those persons.

Onlythen couldthe criminal activityinquestion be legallyattributable to
the LibyanGovernment, and Stateresponsibilitybe established. In other
words, unless the two basic elements indicated above are fulfilled the
involvement of the Libyan Government remains an allegation without
legal effects, and there can always be a certain degree of doubt about
eitherthe culpability ofthe two suspectsorthe involvementofthe Libyan
Government (as the persons concerned may, for whatever motives,have
acted on their own initiative).

10. Taking into account the above-stated basic legal premises, the
relevanceofSecurityCouncilresolutions 73 1 (1992)and 748(1992)to the
present court proceedingsshould be carefullyanalysed.
11. Tobeginwithresolution731,adopted on21January 1992,itsword-
ing and the discussionthat took place during the meetingat whichit was
adopted (doc.S/PV. 3033)revealthat itconstitutesa Chapter VI1"recom-
mendation" under Article 39 of the Charter, Le.,one pertaining to the
maintenance of international peace and security.
12. Thetext ofthe resolutionitself,as wellastheinterventions of those
whoparticipated in the debates, clearlyindicatesunanimous,general and
deep concernatthe "worldwidepersistenceofactsofinternational terror-
ismin al1its forms", particularly "illegal activitiesdirected againstinter-

national civil aviation", and the Security Council's determination "to
eliminateinternational terrorism". Specifically, with regardto the attacks
carried out against Pan Am flight 103and UTA flight 772,the Council 9. Manifestement,l'instance introduite par la Libyeauprèsdu Greffe
de la Cour le 3 mars 1992a trait à des ((questions d'interprétation et
d'application de la convention de Montréalde 1971 », à des questions
juridiques enrapport avecl'incident aériende Lockerbie, etc'estla seule
question portée devant la Cour, puisque les deux Etats défendeurs
(les Etats-Unis d'Amériqueet le Royaume-Uni) n'ont pas présentéde

demandes reconventionnelles en rapport avec les allégations selonles-
quelles le Gouvernement libyen aurait donné des instructions aux deux
suspectsou lesaurait aidéset avecla responsabilité d'Etat qui en résulte-
rait. Le simplefait que les deux suspectssont fonctionnaires en Libyene
faitpas d'eux automatiquement des «organes ))ou des ((agents»dont les
actes engageraient ipsfoacto la responsabilitéinternationaledu Gouver-
nement libyen.Pourétablirunetelleresponsabilitéd'unpoint devuejuri-
dique, il faut apporter despreuves suffisantes:

premièrement:que les deux suspects étaient vraimentles auteurs de cet
horrible massacre; et,
deuxièmement:qu'ilsont commisleurcrimesur lesordres de leurs supé-
rieurs dans la hiérarchiede l'Etat,ou du moins au su de cespersonnes
et avecleur acquiescement.
Alors seulement l'activité criminelleen question pourrait être imputée

juridiquement au Gouvernement libyen et la responsabilitéde cet Etat
pourrait être établie. Autrement dit, à moins que les deux conditions
fondamentales indiquéesci-dessus ne soient remplies, l'implication du
Gouvernement libyen demeure une allégation sans effetjuridique, et il
peut toujours exister un certain doute au sujet soit de la culpabilité des
deux suspects,soit del'implicationdu Gouvernementlibyen(puisque les
personnes suspectéespourraient, quels que soientleurs motifs,avoir agi
de leur propre initiative).

10. Comptetenu des prémissesjuridiques fondamentalesrappeléesci-
dessus, il convient d'analyser soigneusement l'effetdes résolutions73l
(1992)et748 (1992)du Conseil de sécuritésurla présente instance.

11. En cequiconcernelarésolution731,adoptéele21janvier 1992,son
libellé etle débatqui a eu lieu lors de son adoption (voir le document
WPV.3033)montrent qu'elle constitue, en vertu du chapitre VII, une
«recommandation» au titre de l'article 39 de la Charte, c'est-à-dire
qu'elle serapporte au maintien delapaix etdela sécuritéinternationales.
12. Letexte dela résolutionelle-même,etleisnterventions de ceuxqui
ont participéau débat, reflètent clairementune préoccupation unanime,
générale etprofonde devant «la persistance,dans lemondeentier,d'actes
deterrorismeinternational soustoutes sesformes »,notamment ((lesagis-
sementsillicitesdirigéscontre l'aviationcivileinternationale »,ainsi que
ladétermination duConseildesécuritéd'«éliminelr eterrorismeinterna-
tional». S'agissant plus particulièrement des attentats contre les volsexpressesa deep concern "over results of investigations,which implicate
officials of the Libyan Government", and after strongly deploring "the
fact thatthe LibyanGovernment has not yetresponded effectivelyto the
aboverequests [ofFrance, the United Kingdom and the United States of

America]to CO-operate fullyin establishingresponsibility forthe terrorist
acts" in question, the Council,in a keyparagraph:

"3. Urgesthe Libyan Government immediately to provide a full
and effective response to those requests so as to contribute to the
elimination of international terrorism."

13. By so acting, the Security Council politically condemned the
LibyanGovernmentin two ways :

(i) by endorsingthe requests ofthe three big Powers,whichincluded the
demand bytwoofthemthat thetwoLibyansuspectsbe surrendered;

(ii) by considering that a full and effective response to those requests
would contribute to the elimination of international terrorism, and
thus conducetothe restoration ofinternational peace and security.

14. Atthe sametime,the SecurityCounciltotally ignored Libya's plea
regarding the pacific settlementunder Chapter VI of the dispute already
existingabout theapplication and interpretation ofthe Montreal Conven-
tion, of which the President of the Security Council had, as previously
mentioned, been informed on 18 January 1992.The Libyan delegate
reiteratedhis country's positioninthisrespectduring the 21January meet-
ing ofthe SecurityCouncil,stating :

"1repeat thatthe investigationin Libyahas unfortunately not yet
made any progress owing to the lack of cooperation on the part of
otherparties and their refusa1totransmitthe dossiersoftheir investi-
gations. In practicalterms,thiscan onlymean either that no investi-
gation was actuallyconducted or that, as we have noted, the investi-
gation was grosslydeficient.
1should liketo stateonce againthat thisdispute isofapurelylegal
nature, which should lead the Council to recommend its settlement
through the diverslegal channels that are available, not only within
the frameworkofthe United Nations Charterbut alsounder the pro-
visionsofmorerelevantinternational conventions, such asthe afore-
mentioned Montreal Convention of 1971. On the basis of that

Convention, particularly its article 14, and to solve the question
raisedabout aconflictofcompetence,mycountryhas taken concrete
and practicalmeasures and, inofficia1communicationsaddressed to
both the United States of America and the United Kingdom, has
requested that the dispute be referred to arbitration. Today, before
theCouncil, mycountryrequeststhat boththose countriesbeinvited CONVENTION DE MONTRB AEL1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 98

Pan Am 103et UTA 772,le Conseil se déclare profondément préoccupé
«par ce qui résulte des enquêtes impliquant des fonctionnairesdu
Gouvernement libyen», et aprèsavoir déplorévivement le fait que le
Gouvernement n'ait pas répondueffectivement àcejour aux demandes
ci-dessus [dela France, du Royaume-Uniet des Etats-Unis d'Amérique]
de coopérerpleinementpour l'établissement desresponsabilités dans les
actesterroristesen question, le Conseil,dans un paragraphe décisif:

((3. Demande instammentaux autorités libyennes d'apporter
immédiatementune réponse complèteet effective à ces demandes
afin de contribuer l'éliminationdu terrorisme international. »

13. En agissantainsi,leConseil desécuritcondamne politiquement le
Gouvernementlibyen de deux manières :

i) en faisant siennes les demandes des trois grandes puissances, qui
comprenaient, pour deux d'entre elles, l'exigence que les deux
suspectslibyenssoientlivrés;
ii) en considérant qu'une réponse complète eetffectivà ces demandes
contribuerait àl'éliminationdu terrorisme international et conduirait
ainsiaurétablissementdelapaixetdelasécuritéinternationales.

14. En mêmetemps, le Conseil de sécurité n'a accordéaucune atten-
tionàla proposition de la Libyerelative au règlementpacifique, dans le
cadredu chapitre VI,du différenddéjàexistanatusujetdel'applicationet
de l'interprétationde la convention de Montréal,dont le Présidentdu
Conseil de sécuritavait,commeon l'avu, étéinformél1 e8janvier 1992.
Lereprésentantdela Libyea exposédenouveaulaposition deson pays à
cet égardau cours de la séanceque le Conseil de sécuritéa tenue le
21janvier. Il a déclace qui suit:

Jerépètequel'enquête mené eneLibyen'amalheureusementpas
progresséfautede coopérationdelapart desautresparties et àcause
de leur refus de nous communiquer les dossiers deleur enquête.En
termespratiques, cela ne peut signifier que deux chosesoitqu'au-
cune enquêten'a été réellemenm t enée,soit, comme nous l'avons
signalé,qu'il estflagrant que l'enquête était insatisfaisante.

Je voudrais déclarer,un fois de plus, qu'il s'agitlà d'un différend
de nature purement juridique qui devraitamener leConseil de sécu-
ritéà recommander qu'il soit réglépar les diverses voiesjuridiques
disponibles, non seulement dans le cadre de la Charte des Nations
Unies,maisaussi dans celuidesdispositions de conventionsinterna-
tionales plus pertinentes, telles que la convention de Montréalde
1971quej'aiévoquéeprécédemment.Sluarbase de cetteconvention
et,enparticulier, de son article 14,etafinde réglerla questionsoule-
véerelative au conflit de compétence,mon paysa pris des mesures
concrèteset pratiques et a demandé,dans des communicationsoffi-
cielles adressées aussi bien aux Etats-Unis d'Amérique qu'au
Royaume-Uni, de soumettre le différend àl'arbitrage. Aujourd'hui,to enterpromptly into negotiations with Libyaon proceedings lead-
ing to arbitration and an arbitralpanel. To ensure the speedy settle-
mentofthedispute, weconsiderthat ashort and fixeddeadlinebe set
for those proceedings, after which, if no agreement is reached on
arbitration, the matter would be brought before the International
Court ofJustice.

My country expresses its willingness to conclude immediately,
with any of the parties concerned, an ad hocagreement to have
recourse to the International Court of Justice as soon as the short
deadline for reaching agreement on arbitration expires, or at any

other convenientand near date shouldthecountriesconcerned agree
to gobeyondthe arbitration stageand the proceedings of an arbitra-
tionpanel.
In that light, howcan this dispute be considered a political one?
We do not believe that it is, for Chapter VI of the Charter also sets
forth concretemethods ofreachingapeacefulsettlement.The Coun-
cilhasbeenguided bythose methodsin earlierinstances.The matter
should not be handled in the light of any considerationsother than
those set forth in the Charter. Libyahas neverthreatened any coun-
try.It cannotbehavein suchawayastoendangerpeace and security.
Indeed, Libya is being threatened by super-Powers, just as armed
aggression was unleashed against it in 1986. Libya is still being
subjected to an economic boycott, disinformation campaigns and
psychologicalpressure.

In conclusion,the legality of the Council's workis subject to its
observance ofthe provisions ofthe Charter ofthe Organization and
to itsproper implementation of those provisions. It is inconceivable
thatthiscould beachievedthroughtheparticipation ofthepartiesto
thisdispute inthevotingonthepresentdraftresolution. Todisregard
the legalnature ofthe dispute and treat it asapolitical matter would
constitutea flagrantviolation ofthe explicitprovisions ofArticle27,
paragraph 3,of the Charter.
TheCouncilhas twochoices :itcanrespectthe Charterand follow
moral principles and international law, or it can respond to this
unjustrequest bythe United States ofArnericaand the United King-
dom, which want to use the Councilas a coverfor militaryand eco-
nomic aggressionagainsta smallcountrythat is strivingto freeitself
fromeconomic backwardness. Weare fully confident that the mem-
bers ofthe Council - indeed, al1Membersofthe United Nations -

willupholdtheprinciplesenshrined inthe Charterand international
lawand respectthe principles ofjustice and equitythat mycountryis
askingto be applied and abided by." (Provisional Verbatim Record
of the Security Council meeting held on 21 January 1992, doc.
S/PV.3033,pp. 22-25.) CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP.DISS.EL-KOSHERI) 99

devant le Conseil, mon pays demande que ces deux pays soient
invitésà ouvrir sans tarder des négociations avec la Libye sur la
procédure à suivreenvuedel'arbitrageetdelaconstitutiond'unjury
d'arbitrage. Pour permettre un règlementrapide du différend, nous
estimonsqu'une date limiteproche et définitivedoit être fixéeour
ces procédures, après quoi,si aucun accord n'intervient quant à
l'arbitrage,laquestionpourrait êtrrenvoyéedevantla Cour interna-
tionale de Justice.
Mon pays est disposé à conclure immédiatement, avectoutes les

parties intéressées,n accord de circonstancevisant àsaisirla Cour
internationale de Justice dès l'expiration du court délai fixépour
conclure un accord envuede l'arbitrage, ouàn'importe quelleautre
date proche et appropriée,si lespaysintéressésacceptentd'allerau-
delà dustadede l'arbitrageetdesdélibérationsd'un jury d'arbitrage.

Ceci étant, comment peut-on considérerce différend commeun
différend politique? Nous ne pensons pas qu'il le soit, puisque la
Charte indique également,dansson chapitre VI,lesmoyensconcrets
deparvenir àun règlementpacifique desdifférends.LeConseil s'est
inspiréde ces méthodes précédemmentL .a question ne devrait pas
êtreréglée autrement qu'à la lumière des considérations énoncées
dans laCharte. LaLibyen'ajamais menacéun quelconquepays. Elle

ne peut se comporter de manière à compromettre la paix et la sécu-
rité.En réalité,c'est la Libye qui est menacéepar des superpuis-
sances,tout comme ellea faitl'objet d'une agressionarmée en1986.
La Libye continue d'être assujettie un boycottage économique, à
descampagnes dedésinformationet à despressionspsychologiques.
Je dirai pour terminer que la légalitédestravauxde ce Conseil est
fonction de son respect des dispositions de la Charte derganisa-
tion etdel'applicationappropriéedecesdispositions. Ilestinconce-
vabledemettreceprincipe enapplication silesparties à cedifférend
participent auvote sur ceprojet derésolution. Ignorerla naturejuri-
dique du conflit et le traiter comme une affaire politique constitue-
raient une violation fragrante des dispositions explicites du para-
graphe 3de l'article27de la Charte.
Le Conseil est en présencede deux choix: il peut respecter la
Charte et seconformer aux principes moraux et au droit internatio-

nal,ou ilpeut seplieraux exigencesinjustesdesEtats-Unisd'Améri-
que et du Royaume-Uni qui cherchent à utiliser le Conseil pour
couvrirune agressionmilitaire etéconomiquecontreun petitpaysen
lutte pour se libérer de son retard économique. Nous sommes
persuadés quelesmembres du Conseil et, en fait,tous les Membres
de l'Organisation des Nations Unies défendront les principes
énoncés dans laCharte et le droit international et respecteront les
principes dejustice et d'équité que mon paydemandede respecter
etd'appliquer.»(Procès-verbalprovisoiredelaséancedu Conseilde
sécuritétenuele 21janvier 1992,doc. S/PV.3033,p. 22-25.) 15. TheSecurityCouncil'savoidance oftreatingthe legalaspectsofthe
problem debatedbeforethe adoption of resolution 731(1992)could have
been due to various reasons, including a desire to exclude recourse to
Article 27,paragraph 3, ofthe Charter, which would have preventedthe
United Kingdom and the United States of America fromparticipating in
the voting, since "in decisions under Chapter VI ...a party to a dispute
shall abstain from voting", or simply concern to remain in the political
arena without dwellingonthe legalissuesraisedby Libya,sincetheylogi-
callyfellwithinthejurisdiction ofthe International Court of Justice.

16. Whatevermaybethe reasons,the issueoftheapplication and inter-
pretation ofthe Montreal Convention wasclearlyleftoutsidethe scope of
resolution 731(1992).Hence,when faced witha continuous negativeatti-
tude blockingthe prospect ofnegotiations withthe United Kingdom and
the United StatesofAmerica.whether with aviewto amicable settlement
or to the conclusion of an arbitration agreement as provided for in Ar-
ticle 14(1)ofthe Montreal Convention, Libyahad nootheralternativebut
to resort to the International Court of Justice in implementation of that
sameprovision. In doingso,the LibyanGovernment lawfullyexerciseda

right,and cannotbeblamedforactinginthatmanner. Ithasbecomeaxio-
matic to state that the unilateral invocation of the Court's jurisdiction
should neverberegardedas an unfriendly act,aswitnessthe specific dec-
laration issued by the Institut de droit international in 1959,to the effect
that "recourse to the International Court ofJustice orto another interna-
tionalcourt or arbitraltribunalcan neverberegardedas anunfriendly act
towardsthe respondent State" (Annuairedel'Institutdedroit international,
Vol. 48-11,1959p , .38l), aswellasparagraph 6 ofUnited NationsGeneral
Assembly resolution 3232 (XXIX) of 12November 1974,according to
which: "recourse to judicial settlement of legal disputes, particularly
referredtothe International Court ofJustice,shouldnotbe consideredas
an unfriendly act between States".

17. Moreover, on a number of occasions the legal aspects of a given
dispute have been submitted to the International Court of Justice with
requests to indicate provisional measures notwithstanding the fact that
the politicalorgans of the United Nations were seised with the other
aspects of the same dispute (Anglo-IranianOil Co. (UnitedKingdomv.

Iran), Interim ProtectionI,.C.J. Reports1951,pp. 89-98; UnitedStates
Diplornaticand ConsularStaffin Tehran(UnitedStatesofAmericav.Iran),
ProvisionalMeasures, I.C.J. Reports 1979,pp. 7-21 ; Military and Para-
militaryActivitiesinandagainst Nicaragua (Nicaraguv a. UnitedStates of
America), ProvisionaM l easures, I.C.J.Reports 1984,pp. 169-207;Aegean
Sea Continental Shelf(Greecev. Turkey),InterimProtection,I.C.J.Reports
1976,pp. 3-40).
18. Such parallel CO-existenceoncepermittedJudge Petrén to empha-
size:"The natural distribution of roles as between the principal judicial CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 100

15. Lefait que le Conseil de sécuritése soit abstenu de traiter les
aspects juridiques du problème avant l'adoption de la résolution731
(1992)pourrait avoir diversesexplications,ycompris le désird'exclurele
recours à l'article27,paragraphe 3,de la Charte,qui aurait empêché les
Etats-Unisd'Amériqueet leRoyaume-Uni departiciper au vote,puisque
«dans les décisionsprises aux termesdu chapitre VI ..une partie àun

différend s'abstientde voter)), ou simplement le souci de rester sur le
terrain politique sans aborder les questionsjuridiques soulevéespar la
Libye, puisque celles-cirelevaient logiquement de la compétencede la
Cour internationale de Justice.
16. Quelles qu'aient pu êtreles raisons, il est clair que la question de
l'applicationetdel'interprétationdelaconvention de Montréal aétélais-
séehors du champ d'application de la résolution731(1992).Par consé-
quent, lorsque la Libye s'esttrouvée en face d'uneattitude continuelle-
ment négativebloquant laperspective denégociationsaveclesEtats-Unis
d'Amérique etleRoyaume-Uni,etenvuesoitd'unrèglementamiablesoit
de la conclusion d'un accord d'arbitrage, commecelaest prévupar l'ar-
ticle 14,paragraphe 1,de la convention de Montréal,elle n'avaitd'autre
choix quede s'adresser à la Cour internationale deJustice en application
de cettemêmedisposition.Cefaisant, le Gouvernementlibyena réguliè-

rement exercéun droit et ne saurait être blâmé d'avoiragi de cette
manière.Il est depuis longtempsétabli quelerecoursunilatéral àlajuri-
diction de la Cour ne doitjamais êtreconsidérécommuen acteinamical,
commeen témoignela déclaration faitepar l'Institut de droit internatio-
nal en 1959selonlaquelle «le recoursà la Cour internationale de Justice
ou à une autre instancejudiciaire ouarbitralene saurait en aucun casêtre
considéré commeun acte peu amical vis-à-vis de 1'Etat défendeur))
(Annuairede lJZnstitudte droit international,vol. 48-11,1959,p. 359) ou
encoreleparagraphe 6delarésolution3232 (XXIX)del'Assemblée géné-
rale des Nations Unies en datedu 12novembre 1974,auxtermesduquel :
(tlerecoursà un règlementjudiciaire desdifférendsjuridiques, particuliè-
rement le renvoi à la Cour internationale de Justice, ne devrait pas être
considérécomme un acte d'inimitié entre Etats
17. Il est d'ailleurs arrivé maintes fois queles aspectsjuridiques d'un

différend aientétésoumis àla Cour internationale de Justice avec une
demande en indication de mesures conservatoiresmalgré le fait que les
organes politiques des Nations Unies étaient saisis d'autres aspects du
mêmedifférend (Anglo-ZranianOil Co. (Royaume-Uni c.Zran),mesures
conservatoires,C.Z.J.Recueil 1951,p. 89-98; Personneldiplomatiqueet
consulairedes Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d'Amérique cZ . ran),
mesuresconservatoires,C.Z.J.Recueil 1979,p. 7-21 ;Activités militaires et
paramilitairesau Nicaragua et contre celui-ci(Nicaragua c. Etats-Unis
d'Amérique),mesures conservatoires,C.Z.J.Recueil 1984, p. 169-207;
Plateau continentalde la mer Egée (Grècc e. Turquie), mesures conserva-
toires,C.Z.J.Recueil976,p. 3-40).
18. C'est cette coexistenceparallèle qui avait permià M. Petrénde
souligner: «La distribution naturelle des rôles entre l'organe judiciaireorgan and the politicalorgans ofthe United Nations ..."(Separateopin-
ion inthe AdvisoryOpinion of 12June 1971concerningthe LegalConse-
quencesfor States of the ContinuedPresenceof South Africain Namibia
(SouthWest Africa)notwithstandingSecurity CouncilResolution276(1970),
I.C.J.Reports1971,p. 127)..Nooverlappingcouldnormallybe envisaged,

solongasthe basiccriterion ofdemarcation remains that explicitlystated
bythe Court in the sameAdvisoryOpinion, according to which :

"the Courtas the principal judicial organ of the United Nations ...
acts only on the basis of the law,independently of al1outside influ-
enceorinterventionswhatsoever ...Acourt functioningasa court of
law can act in no other way." (Ibid.,p. 23,para. 29.)

19. However,theappearance on the sceneofthe new SecurityCouncil
resolution 748(1992)on 31March 1992, just three daysafterthe closingof
the hearings on Libya's request for provisional measures, is unprece-
dented and raisesanimportant issueabout itsimplicationsfor the present
proceedings.

20. Resolution 748 (1992)not only reaffirmed resolution 731(1992)of
12January 1992but added interaliathat :

"the failure by the Libyan Government to demonstrate by concrete
actions its renunciation of terrorism and in particular its continued
-
failure to respond fully and effectivelyto the requests in resolution
73 1(1992)constitute a threat to international peace and security".

21. Acting under Chapter VI1 of the Charter, the Security Council
decided that: "the Libyan Government must now comply without any
further delay with paragraph 3 of resolution 731 (1992) regarding the
requestscontained indocuments S/23306,S/23308 and S/23309", other-
wise the sanctions provided for in paragraphs 4, 5 and 6 shall become
effectiveas of 15April 1992.
22. Evidently,resolution 748 (1992)of 31March 1992falls within the
category of decisions under Chapter VI1which enjoy as a general rule a
binding character, in the sense that non-compliance with them is con-
sidered a threat to peace and creates new obligations for al1 parties
concerned.

23. Nevertheless,it has to be noted that there are doctrinal authorities
who maintain that the Members ofthe United Nations are not "obliged"
to cary out al1 decisions of the Security Council. In his analysis of
Article25ofthe Charter,Hans Kelsen wrote :
"It seems, however,as if Article 25 does not mean that the Mem-
bers are obliged to carry out al1decisions of the Security Council
since, according to its wording, they agree to accept and carry outprincipal etlesorganespolitiques desNations Unies ..»(Opinionindivi-
duelle jointe àl'avis consultatif du 12juin 1971concernant les Consé-
quencesjuridiquespourlesEtatsdelaprésence continudeel'AfriqueduSud
en Namibie (Sud-Ouestafricain)nonobstantla résolution276 (1970)du
ConseildesécuritéC ,.I.J.Recueil1971,p. 127.)Aucun chevauchementne
saurait normalement êtreenvisagé,tant que le critère de démarcation
fondamental demeure celui qui a été explicitementénoncé par la Cour
dans le même avis consultatif:

«la Cour, organe judiciaire principal des Nations Unies ..ne se
prononce que sur la base du droit, indépendamment de toute
influence ou de toute intervention de la part de quiconque ..Une
cour, remplissant une fonction de cour de justice, ne saurait agir
d'une autre manière.»(Ibid.,p. 23,par. 29.)
19. Cependant, l'apparition sur la scènede la nouvelle résolutiondu
Conseil de sécurité,la résolution48 (1992),le31mars 1992,troisjours à

peine après la clôture des audiences sur la demande en indication de
mesures conservatoires présentéepar la Libye, est sans précédentet
soulèveun problème important quant à ses incidences sur la présente
instance.
20. Dans sarésolution748 (1992),leConseilanon seulementréaffirmé
sa résolution731 (1992)du 12janvier 1992,mais a ajouté, entre autres,
que :
«le défautdelapart du Gouvernement libyende démontrer,par des
actes concrets, sa renonciation au terrorisme et, en particulier, son
manquement continu àrépondrede manière complète eteffective
auxrequêtescontenuesdans larésolution731(1992)constituent une

menace pour la paix et la sécurité internationales
21. Agissant envertu du chapitre VI1de la Charte, le Conseil de sécu-
ritéa décidéque: «le Gouvernement libyen doit désormais appliquer
sans le moindre délaileparagraphe 3de la résolution731 (1992)concer-
nant les demandes contenues dans les documents S/23306, S/23308 et
S/23309»,faute de quoi les sanctions prévues auxparagraphes 4,5 et 6
prendraient effetle 15avril 1992.
22. Larésolution748(1992)du31mars 1992entreévidemmentdans la
catégorie des décisions quirelèventdu chapitre VII, lesquelles ont, en
règlegénéraleu ,n caractèreobligatoire,encesensque lefait de nepas s'y
conformer est considéré commeune menace pour la paix et créede

nouvellesobligations pour toutes lesparties concernées.
23. Il faut observer néanmoins que des auteurs qui font autorité
soutiennent que les Membres des Nations Unies ne sont pas «obligés»
d'appliquer touteslesdécisionsdu Conseil de sécuritéD . ans son analyse
de l'article25de la Charte,Hans Kelsen a écritceci:
«Il semblerait toutefois que l'article 25 ne signifie pas que les
Membres soient obligésd'appliquer toutesles décisionsdu Conseil
de sécurité puisque,aux termes de cet article, ils conviennent 102 197 1MONTREALCONVENTION (DISS .P.EL-KOSHERI)

decisions of the Security Council 'in accordance with the present
Charter'." (Hans Kelsen, TheLaw ofthe UnitedNations - ACritical
AnalysisofitsFundamentalProblems,London, 1950,p. 95.)

"The meaning of Article 25 is that the Members are obliged to
carry out these decisions which the Security Council has taken in
accordance withthe Charter." (Ibid.)
"Theterm 'decision'maybe interpreted to mean. ..onlydecisions

which,inaccordance withthe provisions ofthe Charter under which
they are adopted, are bindingupon the Members." (Ibid.,p. 293.)

24. The case-lawofthe Court and the opinionsexpressed byanumber
of Judges provide that concept with some support. It has to be remem-
bered, in connection with the Advisory Opinion on Namibia previously
referred to, that the Governments of France and South Africa objected
that both the General Assemblyand the SecurityCouncilhad acted ultra
viresinthe Namibia question.The Court mled in this respect that :

"Undoubtedly, the Court does not possess powers of judicial
review or appeal in respect of the decisions taken by the United
Nations organsconcerned .. .However,inthe exerciseofitsjudicial
function and since objections have been advancedthe Court, in the
course of its reasoning, willonsider these objectionsbefore deter-
mining any legal consequences arising from those resolutions."
(I.C.J. Reports1971,p. 45,para. 89.)

25. In effect,the Court there exercisedthe important function ofscer-
tainingthat the resolutions in questionhad been taken in conformitywith
the mles of the Charter, and as a result of that exerciseit declared that:

"In examiningthis action of the General Assemblyit is appropri-
ate to have regard to the generalprinciples of international la..."
(Ibid.,p. 46,para. 94.)

"TheCourthasthereforereachedtheconclusionthatthe decisions
madebytheSecurityCouncil inparagraphs2 and 5oftheresolutions
276 (1970),as related to paragraph 3 of resolution 264 (1969)and
paragraph 5 of resolution 269 (1969),were adopted in conformity
with the purposes and principles of the Charter and in accordance
with its Articles 24 and 25.The decisions are consequentlybinding
on al1States Members of the United Nations, which are thus under
obligation to accept and carrythem out." (Ibid.,p. 53,para. 115.)

26. By entering upon thistype of legalscmtiny in order to satisfyitself
ofthe conformityofthe SecurityCouncil'sdecisions,orparts thereof,not
only with the rules enshrined in the provisions of the Charter, but also
with "the purposes and principles ofthe Charter", the Court impliedthat CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 102

d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de sécurité
a conformément à laprésenteCharte. »(Hans Kelsen, TheLawofthe
UnitedNations - A CriticalAnalysisof Its Fundamental Problems,
Londres, 1950,p. 95.)
Le sens de l'article25est que les Membres sont obligésd'appli-
querlesdécisionsqueleConseildesécuritéaprises conformément à
la Charte. »(Ibid.)

«Le terme «décision» peut être interprété comme signifian t..
seulement les décisions qui, selonles dispositions de la Charte en
vertu desquelles elles sont adoptées, sont obligatoires pour les
Membres. »(Ibid.,p. 293.)

24. La jurisprudence de la Cour et les opinions expriméespar un
certain nombre dejuges viennent étayercetteconception. On serappelle
qu'à propos de l'avisconsultatif précitérelatià la Namibie les Gouver-
nements de l'Afrique du Sud et de la France avaient objectéque tant
l'Assemblée généralequele Consedie l sécurité avaienctommisun excès
depouvoir enagissant ultra viresdansl'affairedela Namibie.Acetégard,
la Cour a dit que:
((Il est évidentque la Cour n'a pas de pouvoirs de contrôlejudi-
ciaire ni d'appel en ce qui concerne les décisions prises par les
organes des Nations Unies dont il s'agit...Cependant, dans l'exer-
cicedesafonctionjudiciaire etpuisque desobjections ont été formu-

lées,la Cour examinera ces objections dans son exposé des motifs,
avant de seprononcer sur lesconséquencesjuridiques découlantde
cesrésolutions.»(C.I.J. Recueil1971,p. 45,par. 89.)
25. En effet, la Cour a exercédans cetteaffaire l'importante fonction
qui consiste à s'assurer que la résolution en question avait été prise
conformément auxrèglesde la Charte et, ayant procédé à cettevérifica-
tion, ellea déclaré que

Pour examinerl'acte ainsiaccomplipar l'Assemblée généralie l,
convient detenir compte desprincipes générauxde droit internatio-
nal..»(Ibid.,p. 46,par. 94.)
«La Cour en conclut que les décisions prisespar le Conseil de
sécurité aux paragraphes 2et 5 de la résolution276 (1970),rappro-
chéesdu paragraphe 3 dela résolution264 (1969)etdu paragraphe 5
de la résolution269(1969),ont été adoptées conformémentauxbuts
etprincipes delaCharte et àsesarticles24et25.Ellessontpar consé-

quent obligatoires pour tous les Etats Membres des Nations Unies,
qui sont ainsitenus de les accepteret de lesappliquer.(Ibid.,p. 53,
par. 115.)
26. En entreprenant ce genre d'examen juridique pour s'assurerde la
conformité des décisionsdu Conseil de sécurité oude certains de leurs
élémentsn ,on seulementavec les règlesconsacréesdans les dispositions
delaCharte maisaussiavec «les buts etprincipes delaCharte »,laCouraitwasperfectlyconceivablethat itcould reacha negativedecision,wereit
to detect any violation of the Charter or departure from the Charter's
purposes and principles.
27. Furthermore, alluding to General Assemblyresolution 171(II) of
14November 1947,recommendingthe referenceto theCourt ofapoint of
law "relating to interpretation of the Charter", Judge Gros stated in his
dissentingopinion that :"it would have seemedparticularly appropriate
to have exercisedunambiguouslythe Court's powerto interpret theChar-
ter. .."(I.C.J.Reports1971,p. 332,para. 19);and

"It used notto bethe Court's habitto takeforgranted the premises
of a legal situation the consequences of which it has been asked to

state. ..Howindeed can a court deduce anyobligationfroma given
situation without first havingtested the lawfulness of the origins of
that situation?" (Ibid.,pp. 331-332,para. 18.)

28. A survey of the opinions expressed in that case by other Judges
revealsthat many ofthem wereeagerto indicatetheir deep attachment to
the right of ensuring that the Court exercises itsfunction as the guardian
of legalitythroughout the United Nations system.
29. In his separate opinion, Judge Ammoun emphasized :
"the International Court of Justice owed it to itself to discharge its

own obligations by not closing its eyes to conduct infringing the
principles and rights which it is its duty to defend" (ibid., p. 72,
para. 3).
30. Judge Petrén also declared inhis separate opinion:

"So long as the validity of the resolutions upon which resolution
276(1970)is based has not been established,it is clearlyimpossible
forthe Courtto pronounce on the legal consequences of resolution
276(1970),for there can be no such legal consequences if the basic
resolutions areillegal ..."(Ibid.,p. 131.)

In another separate opinion, Judge Onyeamastated

"In exercisingitsfunctionsthe Court iswhollyindependent ofthe
other organs ofthe United Nations and isin no way obliged or con-
cerned to render a judgment or opinion which would be 'politically
acceptable'. Its function is,in the words of Article 38of the Statute,
'todecide in accordance withinternational law'.

.............................
when ...decisionsbearupon a caseproperly beforethe Court, a cor-
rectjudgment or opinion could not be rendered without determining CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS. EL-KOSHERI) 103

laisséentendre qu'il étaittout àfait concevablequ'elle puisse parvenir à
une décisionnégative si elledécelait une quelconque violation de la
Charte ou un écartpar rapport auxbuts et principes de ladite Charte.
27. En outre, faisant allusion à la résolution 171(II) de l'Assemblée
généraleen date du 14novembre 1947,dans laquelle l'Assembléeavait
recommandélerenvoi à la Cour despoints dedroit (relatifs àl'interpréta-
tion de la Charte »,M. Gros a déclarédans son opinion dissidente qu'«il
eût semblé particulièrement opportun d'exercer sans ambiguïté le
pouvoir de la Cour d'interpréter laCharte ..»(C.Z.J.Recueil1971,p. 332,

par. 19);et que :

«Ce n'étaitpas l'habitude de la Cour de tenir pour acquise les
prémissesd'une situationjuridique donton lui demandait de dire les
conséquences ..Comment, en effet,unjuge peut-il déduireune obli-
gation d'une situation quelconque sans avoir d'abord éclaircila
question de la légalité des origines de cette situation?» (Zbid.,
p. 331-332,par. 18.)

28. L'examen des opinions exprimées dans cette affaire par d'autres
juges montre quebeaucoup d'entre eux ont tenu àmarquer leur profond
attachement au droit de s'assurer que la Cour exerce sa fonction de
gardienne de la légalité dansl'ensemble du systèmedes Nations Unies.
29. Dans son opinion individuelle, M. Ammoun a soulignéque :

((la Cour internationale de Justice se devait de remplir [sespropres
obligations]enne fermant pas lesyeux surdesagissementsaffectant
les principes et les droits dont la défense lui incombe D (ibid.,p. 72,

par. 3).

30. M. Petréna déclaré aussi dansson opinion individuelle :

((Tantquelavaliditédesrésolutionssurlesquelles sefonde laréso-
lution 276(1970)n'estpas établie,il est évidemmentimpossible que
la Cour se prononce sur les conséquencesjuridiques de la résolu-
tion 276 (1970),car il ne peut y avoir de telles conséquencesjuridi-
ques siles résolutionsde base sont illégales..D (Zbid.,p. 131.)

Dans uneautre opinion individuelle, M. Onyeamaa dit ceci:
«Dans l'exercicedesesfonctions,la Cour estpleinementindépen-

dante des autres organes des Nations Unies; elle n'est nullement
tenue d'émettreun arrêt ou un avis qui soit politiquement accep-
table)>;cen'estpas là son rôle.Sa mission, pour reprendre lestermes
de l'article 38du Statut, estde seprononcer ((conformément audroit
international ».
.............................
lorsque ...les décisions ...intéressentune affaire dont la Cour est
dûment saisie, etlorsqu'ilestimpossible derendre un arrêtouun avis104 1971 MONTREAL CONVENTION (DISS .P.EL-KOSHERI)

the validity of such decisions, the Court could not possibly avoid
such a determinationwithout abdicating its role of ajudicial organ.
.............................

1do not conceiveit as compatible with thejudicial function that
theCourt willproceed to statethe consequencesof actswhose valid-
ity is assumed, without itself testing the lawfulness of the origin of
those acts." (Zbid.,pp. 143-144.)
31. In responseto a questionaboutthe Court's power to pronounce as
to the invalidity or nullity of resolutions of the General Assembly and
SecurityCouncil, and with reference to a dictum of Judge Morelli'sin a
previous case(Z.C.J.Reports1962,p. 223)concerninga resolutioninitiated
by a manifest excèsdepouvoir,Judge de Castro envisaged the interplay

oftwo principles :
"1. The principle of division of powers - the Charter set up
three organs, each having sovereignpowers inthe sphere of its com-
petence. ..;
.............................
2. The principle of 'legal-ness' - the Court, as a legal organ,

cannotCO-operatewitharesolution whichisclearlyvoid,contraryto
the rules of the Charter, or contrary to the principles of law."
(Z.C.J.Reports1971, p. 180.)
32. Finally, the dissenting opinion of Judge Sir Gerald Fitzmaurice
provided a profound analysis of the various presentations, which can be
summarized as follows :

(i) the SecurityCouncil, even when acting genuinely for the preserva-
tion orrestoration ofpeace and security,hasascopeofactionlimited
by the State's sovereigntyand the fundamentalrightswithout which
that sovereigntycannotbeexercised(ibid.,p.226) ;
(ii) the relevant circumstancessufficedto renderresolution 2145invalid
and inoperative(ibid.,p.280,para.91) ;
(iii) Article25cannotrenderbindinga decisionnot taken "in accordance
withthepresentCharter" (ibid.,p.293,para. 113);
(iv) even when acting under Chapter VI1 of the Charter, the Security
Councilhas no power to abrogate or alter existing rules (ibid.,p. 294,
para. 115);
(v) the United Nations (withal1itsorgans,includingthe Security Coun-
cil) is itself a subject of international law, and subject to it, no less
than itsindividual MemberStates(ibid.,p.294,para. 115);

(vi) a politicalorgan is not competentto make the necessarylegal deter-

mination on which the justification for each action must rest. This
can onlybedonebyalegalorgancompetentto makesuchdetermina-
tion, othenvise the resolution may have to be considered ultra vires
and hence invalid(ibid.,pp. 299-301). CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS. EL-KOSHERI) 104

bien fondésansexaminerlavaliditédecesdécisions,laCour nepeut
éviter cetexamensans abdiquer son rôle d'organejudiciaire.

Jenevoispas qu'ilsoitcompatible aveclafonctionjudiciaire dela
Cour d'énoncerlesconséquencesd'actesdont lavaliditéseraittenue
pour acquise, sans que la Cour se soit assuréeelle-mêmede leur
origine licite.Zbid.,p. 143-144.)

31. En réponse àune question sur le pouvoir de la Cour de statuer sur
l'invaliditéou la nullitéde résolutionsde l'Assembléegénéraleet du
Conseilde sécuritée ,ten seréférant àune déclarationde M.Morellidans
une affaireprécédente (C.Z.J.Recueil1962,p. 223)concernant une résolu-
tionquiseraitentachéed'excèsdepouvoirévident,M.deCastroaévoqué
lejeu de deux principes :

1. Leprincipe de la divisiondespouvoirs. - La Charte a établi
trois organesdotés chacunde pouvoirssouverains dans la sphèrede
sa compétence ...

2. Le principe de lajuridicité. - La Cour comme organejuridi-
que ne peut pas collaborer à une résolution manifestement nulle,

contraire aux règles de la Charte ou aux principes du droit.»
(C.Z.J.Recueil1971,p. 180.)
32. Enfin, dans sonopinion dissidente,sirGerald Fitzmauricea donné
une analyse approfondie des diverses considérations en cause, quel'on
peut résumerde la manière suivante:

i) le Conseilde sécuritém , êmes'ilagitvéritablementpour préserverou
rétablir la paixet la sécurité,voit son champ d'action limitépar la
souverainetéde 1'Etatet les droits fondamentaux sans lesquelscette
souveraineténepeuts'exercer(ibid.,p.226) ;
ii) les circonstances pertinentes suffisaient pour rendre la résolu-
tion2145nulleetsanseffet(ibid.,p.280,par.91) ;
iii) l'article 25 ne saurait rendre obligatoire une décisionqui n'est pas
prise«conformément àlaprésenteCharte »(ibid.,p.293,par. 113) ;
iv) même quand ilagitenvertu du chapitre VI1delaCharte, leConseilde
sécuritén'a lepouvoir ni d'abroger ni de modifier des règlesexis-
tantes (ibid.,p.294,par. 115;

v) l'Organisation desNations Unies(avectous sesorganes,ycompris le
Conseil de sécurité) est elle-même un sujet du droit international et
n'estpas moins soumise àcedroitque les Etats Membrespris indivi-
duellement(ibid.,p.294,par. 115) ;
vi) un organepolitique n'apas lepouvoir de procéder aux constatations
juridiques qui doivent justifier chaque action. Seul possède ce
pouvoir un organejuridique compétentpour procéder à cesconstata-
tions, fautede quoi ilpeut arriver qu'une résolution doiveêtre consi-
dérée commeprocédand t'un excèsdepouvoir et commeétant,de ce
fait,sansvaleurjuridique (ibid.,p.299-301). 33. In the lightofthe statementsemanatingfromthe above-mentioned
authorities, it is possible to consider that the Security Council, when
adopting paragraph 1ofresolution 748(1992),impeded the Court'sjuris-
dictionfreelyto exerciseitsinherentjudicial function withregardto issues
on which argument had been heard just a few days before, and that by

doing sothe SecurityCouncilcommitted an act of excèsdepouvoirwhich
amounts to a violation of Article 92 of the Charter, which entmsted the
International Court of Justice with the mission of being "the principal
judicial organ ofthe United Nations".
34. In order properly to discharge its main function, the Court must
have full liberty to exerciseits adjudicating powers and to form its own
opinion on the issuesunder consideration without anylimitation.

35. Aswas rightlystated byJudge Morelli:
"Any limitation. ..would be unacceptable because it would pre-
ventthe Court fromperformingits task ina logically correctway. ...
.............................

This freedom can however be understood only as subordinated
both to the mles of law and logicby which the Court is bound and
alsoto the objectivewhichthe Court must pursue, which isthe solu-
tion of the question submitted to it." (Separate opinion, Advisory
Opinion of 20 July 1962concerning Certain Expensesof the United
Nations (Article17,paragraph 2, of the Charter),1.C.JReports 1962,
pp. 217-218.)
36. The ultra virescharacter of paragraph 1 of resolution 748 (1992)
appears even more serious considering that a number of delegatesat the
SecurityCouncil meeting of 31March 1992are reported to have warned

those pushing for a hasty adoption of the draft then under discussion
against the negativeeffectsof such failure to observe due respect for the
Court's credibilityand the integrity of itsjudicial function.
37. Accordingto the Provisional VerbatimRecord, Mr. Jesus of Cape
Verdepointed out that :
"It would be more appropriate ifthe Council wereto act afterthe
International Court ofJustice - whichisnowseisedofthismatter -
had decided ..." (Doc. WPV.3063,p. 46.)

38. The President for the month of April, Mr. Mumbengegwi of Zim-
babwe,reminded the Council that :

"The Charter provides that disputes of a legalnature should, as a
general rule, be referred by the parties to the International Court of
Justice ...
By taking the Chapter VI1route while this case is still pending
beforethe WorldCourt, the SecurityCouncil is riskingamajorinsti-
tutional crisis.Suchan institutional crisis,whichisclearlyavoidable,
would not only undermine the prestige, credibility and integrity of 33. Alalumièredesdéclarations émanant dea sutoritésprécitéesi,lest
possiblede considérerque lorsqu'ilaadoptéleparagraphe 1dela résolu-
tion 748 (1992)leConseilde sécurité afaitobstacleau pouvoir delaCour
d'exercer librement la fonction judiciaire qui est la sienneà l'égardde
questionssurlesquelleselleavaitentendu lesPartiesquelquesjours aupa-
ravant, etqu'en agissantainsileConseilde sécurité a commisun excèsde
pouvoir qui constitue une violation de l'article92 de la Charte, lequel a
confié à la Cour internationale deJusticela mission d'êtr((l'organejudi-
ciaireprincipal des Nations Unies D.
34. Pours'acquittervalablementdesafonctionprincipale, la Cour doit
avoir toute libertéd'exercer sespouvoirs de décision judiciaire et de
former sapropre opinion surlespoints soumis àson examen,sans aucune

limite.
35. Comme l'abien dit M. Morelli :
«Toute limitation ...seraitinadmissibleparce qu'elleempêcherait
la Cour de remplirsatâche d'une façon logiquementcorrecte ...
.............................

Mais une telle liberté ne peut être entendueque comme liberté
subordonnée, non seulementauxrèglesdu droit et de la logique par
lesquellesla Cour est liée, maisaussi au but que la Cour doit pour-
suivre et qui consiste dans la solutioàdonner à la question qui lui
est soumise.»(Certainesdépenses desNations Unies(article17,para-
graphe 2,delaCharte),avisconsultatifdu20juillet 1962,C.I.J.Recueil
1962,opinion individuelle,p. 217-218.)
36. Le caractèreultraviresdu paragraphe 1de la résolution748 (1992)
sembleplus graveencoresil'onconsidèrequ'un certain nombrederepré-

sentants,à la séancedu Conseil de sécuritédu 31 mai 1992,ont mis en
garde ceuxquipoussaient à l'adoption hâtivedu projet àl'examencontre
leseffetsnéfastesd'un telmanquederespectpour lacrédibilité delaCour
etl'intégrité dsa fonctionjudiciaire.
37. D'après le procès-verbal provisoire, M. Jesus, du Cap-Vert, a
formulé cetteobservation :
«Il serait plus approprié quele Conseilprenne une décisionune

fois que la Cour internationale deJustice- qui est désormaissaisie
de cettequestion - aura statué..»(Doc. WPV.3063,p. 46.)
38. Leprésidentpour lemoisd'avril,M.Mumbengegwi(Zimbabwe),a
rappeléau Conseil ce qui suit:

«La Charte stipule que lesdifférendsd'ordre juridique devraient,
d'une manièregénérale,êtresoum piasr lesparties àla Cour interna-
tionale de Justice..
En optant pour le recours au chapitre VII, alors que l'affaire est
pendante devantla Cour internationale,leConseil desécuritérisque
une crise institutionnelle grave. Pareille crise, qui est clairement
évitable,risquede saper non seulement le prestige, la crédibilitéet 106 1971 MONTREALCONVENTION (DISS .P.EL-KOSHERI)

the entire Organizationbut would also sap international confidence
in the Security Council's capacity to execute, in a judicious and
objectivemanner,itsmandate asprovided for inthe Charter. Weare
convinced that it would have been in the best interests of interna-
tional tidiness for theSecurity Council to await the outcome of the
judicial proceedings at the International Court of Justice." (Doc.
WPV.3063,pp. 52-53.)

39. The Indian representative,Mr. Gharekhan, amongothers,stressed
that :

"The considered opinion of the International Court of Justice on
the legal aspects of the issues involvedcan only serve the cause of
international lawand peace." (Ibid.,p. 58.)
40. It is clear that those wisewarnings wereultimatelyinspired by the

respect due to the United Nations Charter, in its letter and spirit, but
unfortunately the appeal for supremacy of "the rule of law" went
unheeded in an atmosphere dominated by emotional political pressures.
41. In order to avoid the present situation, it would have been more
appropriatefor certainmembersofthe SecurityCouncil to takeguidance
from the precedent established by the Council of the League of Nations
when it decided that it could not accept a petition because the subject-
matterwasbeforethePermanent Court ofInternational Justice,and post-
poned consideration of the question until that Court had given its
decisioninthe MinoritySchoolscase(ShabtaiRosenne, TheLawandPrac-
ticeoftheInternational Court,Vol.1,Leyden, 1965,p. 83).
42. Doubtless the Court itself, the principal judicial organ of the
United Nations, wasnot the target ofthe Council'shaste;theadoption of

resolution 748(1992)withoutwaitingforthe Court's rulingontherequest
for provisional measures seems to have been more intended to put the
maximum pressure possible on Libya to forfeitits claimto invoke sover-
eignrights under Article 1,paragraph 2,Article2,paragraph 7,and Arti-
cle 55oftheCharter. Yetthe entireOrganization isbased onthe principle
ofthe sovereignequality of al1its Members,and the exerciseof domestic
jurisdiction in matters such as extradition imposes on al1other States,as
well as on the political organs of the United Nations, an obligation to
respect suchinherentrights,unless the Court decidesthat suchexerciseis
contrary to international law,whether customary or conventional.

43. It is important to remember in this respect what Max Huber, the
former President of the Permanent Court of International Justice,
declared when actingas solearbitrator inthe Island ofPalmascase :
"Sovereignty in the relation between States signifies indepen-
dence. Independence in regard to a position ofthe globe isthe right
to exercisetherein, to the exclusionof any other State,the functions

of a State." (Myres McDougal and Michael Reisman, International CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 106

l'intégritéde l'organisation tout entière, mais la confiance de la
communautéinternationaledans lacapacitédu Conseil àaccomplir,
d'une manièrejudicieuseetobjective,son mandat tel queprévudans
la Charte. Nous sommesconvaincus qu'ilaurait mieux valu pour la
procédure institutionnelle que le Conseil attende le résultatde la
procédure judiciaire menée à la Cour internationale de Justice.»
(Doc. WPV.3063,p. 52.)

39. Le représentantde l'Inde, M. Gharekhan, parmi d'autres, a mis
l'accentsur cetteidée:

((l'opinionaviséede la Cour internationale de Justice sur lesdimen-
sionsjuridiques desquestionsen jeu nepeut que servirla cause dela
paix et du droit internationaux »(ibid.,p. 57).
40. Il est clair qu'en définitiveces sages conseils s'inspiraient du
respect dû àla Charte des Nations Unies, tant dans salettre quedans son

esprit; malheureusement,l'appel enfaveurdelaprimauté «du droit»n'a
pas étéécoutd ans l'émotionetsouslespressionspolitiques du moment.
41. Il aurait mieux valu, pour éviterla situation actuelle, que certains
membresdu Conseildesécurités'inspirend tuprécédenq t ueleConseilde
la Sociétédes Nations a établiquand, sedéclarant horsd'étatd'accueillir
une pétition car laCour permanente de Justiceinternationale était saisie
de l'affaire,il a diffél'examen de la questionjusqu'a la décisionde la
Cour en l'affaire desEcolesminoritaires(Shabtai Rosenne, TheLawand
PracticeoftheInternational Court,vol.1,Leyde, 1965,p. 83).

42. Nul doute la Cour, organejudiciaire principal des Nations Unies,
n'étaitpas elle-même la cible dela hâte du Conseil; l'adoption de la réso-
lution 748 (1992)sans attendre la décisionde la Cour sur la demande en
indication de mesures conservatoires semble avoir eu plutôt pour but

d'exercer la pression la plus forte possible sur la Libye afin qu'elle
renonce à invoquer des droits souverains en vertu de l'article 1,para-
graphe 2, de l'article 2, paragraphe 7, et de l'article 55de la Charte. Or,
l'organisation tout entièreest fondée surle principe de l'égalisouve-
raine detous sesMembres,et l'exercicede la compétencenationale dans
des domaines tels que l'extradition impose àtous les autres Etats, ainsi
qu'aux organespolitiques de l'organisation des Nations Unies, l'obliga-
tion de respecter de tels droits naturels,oins que la Cour ne décide
qu'un tel exercice est contraire au droit international, coutumier ou
conventionnel.
43. Il importe de se souvenir, à cet égard, de ce qu'a déclaré
Max Huber, ancien Présidentde la Cour permanente de Justice interna-
tionale, alors qu'ilétait arbitre unique en l'affairedeedePalmas :

La souverainetédans lesrelations entre Etats signifiel'indépen-
dance.L'indépendance relativement àunepartie du globeestledroit
d'yexercer,àl'exclusiondetout autre Etat,lesfonctionsétatiques.»
(Myres McDougal et Michael Reisman, International Law in 107 1971 MONTREALCONVENTION (DISS .P. EL-KOSHERI)

Lawin ContemporaryPerspective;the PublicOrder ofthe WorldCom-
munity :CasesandMaterials,Mineola, NewYork,Foundation Press,
1981.)

44. Upholding the same basic concept of sovereigntyas is protected
under the United Nations Charter, the United States courts ruled that:

"The right of a foreign power to demand extradition of one
accusedofcrimeand the correlativedutyto surrender himexistsonly
when created by treaty, and in the United States,in the absence of
statutory or treaty provision thereof, no authority exists in any
branch ofthegovernmentto surrender afugitivecriminalto aforeign
government."(Ramosv. Diaz, 179F. Sup.459(S.D.Fla. 1959),repro-
duced by McDougal and Reisman, op.cit.,at p. 1498.)

45. Moreover,in the Asylumcase,theCourt stronglyemphasized that :
"A decisionwithregardto extraditionimplies onlythe normal exerciseof
the territorial sovereignty."(I.C.J.Reports950,p. 274.)

46. It wouldbe hard to believethat under contemporary international
law the rights of a foreign fugitive are more protectedhan those of an
accusedcitizen,or that whatisalegal actofthe United StatesGovernment

becomes an illegal act for the Libyan Government, unless we are sup-
posed tobe livingonOrwell's AnimalFarm,wheresomeanimalsaremore
equal than others.
47. For al1the above-statedconsiderations,1amofthe opinion, withal1
due respect, that paragranh 1of SecurityCouncil resolution 748 (1992)
should notbe considered to haveanylegaleffectonthejurisdiction ofthe
Court, even on a prima facie basis, and accordingly that the Libyan
request for provisionalmeasures has to be evaluated in accordance with
the habitua1 pattern reflected in the established jurisprudence of the
Court.

48. Without going into an extensive analysis of al1 the precedents
related to the granting orenial ofprovisionalmeasures and the relevant
circumstances which led the Court to act one way or another, it seems
sufficientwithin the present context to refer essentiallyto theesrelied
upon inthe mostrecent casesin whicha request forprovisionalmeasures
was considered.

49. Onthe basis of Article41ofthe Statute,theCourt may exerciseits
independent jurisdiction to indicate provisionalmeasures once satisfied
that "the provisions invoked by the Applicant appear, prima facie, to ContemporaryPerspective;the Public Order of World Community:
Casesand Materials,Mineola, New York, Foundation Ress, 1981.)

44. Al'appui de cemêmeconceptfondamental de la souverainetéque
protègela Charte des Nations Unies, les tribunaux des Etats-Unis ont
jugé cequi suit:

«Le droit d'une puissance étrangèrede réclamer l'extradition
d'une personne accusée d'un crime et l'obligation corrélativede
livrer l'intéressé n'existeqtue quand un traitéles a établis et, aux
Etats-Unis,enl'absenced'unedisposition législativeou convention-
nelleà cet effet,aucune branche du gouvernement n'ale pouvoir de
livrer un délinquanten fuiteà un gouvernementétranger.» (Ramos

v. Diaz, 179F.Sup.459(S.D. Fla. 1959),reproduit par McDougal et
Reisman, op.cit.,p. 1498.)

45. De plus, dans l'affairedu Droitd'asile,la Cour a déclaré avecune
grande insistance :«Une décisionrelative àl'extradition implique seule-
ment l'exercice normal de la souveraineté territoriale.» (C.I.J. Recueil
1950,p. 274.)
46. Il serait difficile de croire qu'en droit international contemporain
les droits d'un fugitif étranger soient mieux protégésque ceux d'un
citoyen accusé,ou quece qui constitue un acte licite du Gouvernement
des Etats-Unisdevienne un acteillicite quand il s'agitdu Gouvernement
libyen, à moins que nous ne soyons censésvivre dans La ferme des
animauxd'Orwell,où certains animaux sontplus égauxque d'autres.
47. Pourtoutes lesraisons indiquéesci-dessus,je suisd'avis, avectout
le respectvoulu, que l'on ne doit attribuer au paragraphe1de la résolu-
tion 748 (1992)du Conseil de sécuritéaucun effetjuridique surla compé-
tence de la Cour, mêmeprima facie, et que la demande libyenne en

indication de mesures conservatoires doit donc être appréciée seloln es
modalités habituelles, tellesqu'elles sereflètent dans la jurisprudence
établiede la Cour.

48. Sans entrer dans une analyse détailléede tous les précédents
concernant l'octroi ou le refus de mesures conservatoireset des circons-
tancespertinentes qui ontincitélaCour àagird'unemanièreoudel'autre,
il semblesuffire,dans leprésent contexte,de mentionner essentiellement
lesrèglesappliquéesdans lesaffaireslesplusrécentesquiontdonnélieu à
l'examend'une demande en indication de mesuresconservatoires.
49. Sur la base de l'article 41 du Statut, la Cour peut exercer son
pouvoir indépendantd'indiquer desmesuresconservatoiressi elleestime
établi que«les dispositionsinvoquéespar le demandeur semblentprima108 1971 MONTREAL CONVENTION (DISSO.P.EL-KOSHERI)

afford a basis on whichthejurisdiction ofthe court [onthe merits]might
be founded" (Passagethrough theGreatBelt, ProvisionaMl easures,Order
of29July1991,Z.C.J.Reports1991,p. 15,para. 14).
50. In conformitywith saidestablishedrule,1dobelievethat the provi-
sions of Article 14,paragraph 1,ofthe Montreal Convention invoked by
the Applicant appear to afford a prima facie basis on which theurisdic-
tion ofthe Court mightbefounded. Herethe basisisclearlystrongerthan
inthe Anglo-Zranian OilCo.casewhichproducedthe Order of5July 1951
grantinginterim measures of protection (Z.C.J.Reports1951,pp. 93-94),
though offering less outright justification than in the case concerning
UnitedStates Diplomaticand ConsularStaff in Tehran,when the Court
adopted the Order of 15December 1979(Z.C.J.Reports1979,pp. 14-15).

51. Withregardtothe existenceofadispute betweentheApplicant and
the Respondent whichconcemsthe "interpretation orapplication" ofthe

1971 Montreal Convention, 1ambound to notethat, onceoneappliesthe
criteria unanimouslyestablished bythe Court inthe AdvisoryOpinion of
26 April 1988concerningthe Applicability ofthe Obligation to Arbitrate
underSection21oftheUnitedNations HeadquartersAgreement o 2f6June
1947(Z.C.J.Reports1988,p. 32,para. 49)whiletaking into consideration
the widedifference of opinion between the Partiesas reflected inthe oral
proceedings,there cannot be the slightestdoubt about the existenceof a
disputepertaining tothescope,applicabilityand interpretationof various
provisions inthe Montreal Convention.
52. Inthepresentphase ofthe proceedings,the Partiesraisedanumber
ofissuespertainingto determination ofthe questionswhetherthedispute
can"be settledthrough negotiation", whethertherehasbeenarejection of
a Libyan offerto arbitratethe dispute, and what mightbe the legal effect
of the six-monthperiod contemplated by Article 14,paragraph 1,of the
Montreal Convention.

53. Recalling the famous dictum of the Permanent Court of Intema-
tionalJustice inthe MavrommatisPalestine Concession(sP.C.Z.J.S, eriesA,
No. 2,p. 13),the Court's Order inthe caseconcerning UnitedStatesDiplo-
matic and ConsularStaff in Tehran (Z.C.J.Reports 1979, pp. 32-34,
paras. 52-56),and taking into account al1the relevant circumstances as
reflected in the documentssubmitted by the Parties,1am of the opinion
that itwouldbesafeto concludethatthe United Kingdom and the United
Sates were not at any time, whether before or after seisingthe Security
Council,interested in settlingthedisputethroughnegotiations orthrough
recourse to arbitration. The Libyan notes of 8 January and 17January
1992weretotallyignored,rendering thosetwomethods ofpeacefulsettle-
ment practically useless and inoperative. Thus there was no meaningful
reason to waitforthelapse ofthe six-monthperiod, particularly whenthe
wording of "within" or "dans" which figures in the text of Article 14,

paragraph 1, of the Montreal Convention does not clearly render this CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 108

facie constituer une base sur laquelle la compétence de la Cour [sur le
fond]pourrait êtrefondée »(PassageparleGrand-Belt,mesuresconserva-
toires,ordonnancedu29juillet 1991,C.I.J.Recueil1991,p. 15,par. 14).
50. Conformément à ladite règleétablie,je suispersuadéque lesdispo-
sitions de l'article 14,paragraphe 1,de la convention de Montréal invo-
quéespar le demandeur semblent prima facie constituer une base sur
laquelle la compétence de la Cour pourrait être fondée.Ici, la base de
compétence est manifestement plus solide qu'en l'affaire de 1'Anglo-
IranianOil Co.qui a abouti à l'ordonnance du 5juillet 1951indiquant

des mesures conservatoires (C.I.J.Recueil1951,p. 93-94),sans apporter
une justification aussi directe qu'en l'affaire relativeauonneldiplo-
matique etconsulairedes Etats-Unis à Téhéran à,propos de laquelle la
Cour a adopté l'ordonnance du 15décembre 1979 (C.I.J.Recueil1979,
p. 14-15).
51. Quant à savoir s'il existe, entre le demandeur et le défendeur,un
différendconcernant «l'interprétationou l'application »dela convention
de Montréalde 1971,je suistenu de faire cette observation: sil'on appli-
que le critère définil'unanimitépar la Cour dans l'avisconsultatif sur
17Applicabilitée l'obligationd'arbitrageen vertude la section21 de l'ac-
corddu 26juin 1947relatifau siègede l'Organisationdes Nations Unies
(C.I.J.Recueil1988,p. 32,par. 49)et si l'on considèrel'ample divergence
d'opinions entre les Parties,telle qu'elles'estmanifestéelorsde la procé-

dure orale,onne saurait avoir lemoindre doute qu'ilexistebien un diffé-
rend touchant la portée, l'applicabilité et l'interprétation de diverses
dispositions de la convention de Montréal.
52. Dans la phase actuelle de la procédure, les Parties ont soulevéun
certain nombre de problèmes en ce qui concerne la réponseàdifférentes
questions,à savoir: le différend peut-il êtreréglépar voie de négocia-
tion »,ya-t-ileu rejet d'uneoffrelibyennevisaàsoumettreledifférendà
l'arbitrage, et quels pourraient êtreles effets juridiques du délaide six
mois envisagédans le paragraphe 1 de l'article 14 de la convention de
Montréal ?
53. Ayant présent à l'esprit la célèbre déclarationde la Cour perma-
nente deJusticeinternationale dans l'affaire des ConcessionsMavromma-
tis enPalestine(C.P.J.I.sérieA no2, p. 13)ainsi que l'ordonnance de la
Cour dans l'affaire concernant leersonneldiplomatiqueet consulairedes

Etats-Unis à Téhéra(nC.I.J.Recueil1979,p. 32-34,par. 52-56),et tenant
compte de toutes les circonstances pertinentes telles qu'elles ressortent
des documents soumis par les Parties, je considère comme légitimede
conclure qu'à aucun moment, soit avant d'avoir saisi le Conseil de sécu-
rité, soitaprès l'avoir saisi, les Etats-Unis et le Royaume-Uni n'étaient
intéressésàrégler ledifférendpar voie de négociationou d'arbitrage. Il
n'a ététenu aucun comptedesnotes de la Libyeen date du 8janvier et du
17janvier 1992,cequi,enpratique, rendait cesdeuxmoyens de règlement
pacifique inutiles et inopérants. Dans ces conditions, il n'yavait pas de
raison sérieused'attendre que soitécouléle délaide sixmois, alors qu'en
particulier, étant donnéla manière dont est libelléle paragraphe 1 de time element a mandatory requirement which bars recourse to the Court
before its expiration.

54. The exerciseby the Court of itspowerto indicate provisional mea-
sures is subject, according to the wording of Article 41, to the Court's
determination that "circumstancesso require". In this respect, the estab-
lishedjurisprudence of the Court with regard to the implications of this
phrase has recentlybeen formulated in the following terms :

"Whereas the power ofthe Courtto indicateprovisionalmeasures
under Article 41 of the Statute of the Court has as its object to pre-
servethe respectiverights of the parties pending the decision of the
Court, and presupposes that irreparable prejudice should not be
causedto rightswhichare the subject of dispute injudicial proceed-
ings"(Passagethroughthe GreatBelt(Finlandv. Denmark),Provisional
Measures,Orderof29July 1991,I.C.J. Reports1991,p. 16,para. 16).

55. Without going into details which are at present not needed in the
light of the Order rendered by the Court,the principles underlining the
adoption ofthe Montreal Conventioninclude the rule aut dedere,autjudi-
cure (or aut dedere, aut punire, as the case may be in view of the stage
reached, which has been explained by Judge Guillaume in his course at
the Hague Academy of International Law, RCADI, op. cit., Chap. IV,
pp. 354-371).The rule in questionnecessarilyimpliesconfirmation ofthe
deeply rooted principle of general international law according to which
no State can be obliged to extraditeanypersons,particularly its own citi-
zens, in the absence of a treaty explicitly providing for such extradition.
In particular, the provisions of Article 7 read with Article 8 (2) of the
Montreal Convention entitle anyContractingStateto refuse extraditionin

al1cases not subject to an existing extradition treaty. This has been con-
firmed,through approval bymorethan 130ContractingStates,as a sover-
eign right recognized by general public international law. Accordingly,
under the Montreal Convention, no other State or group of States can be
considered entitled to force another State to extradite, and this applies
particularly with regardtoits owncitizenswhentheir extradition isprohi-
bited under the State'sdomestic legal system.

56. Neither the United Kingdom nor the United States enjoys in this
respectanyrightother than those enjoyed by al1other Contracting States,
including Libya :hence, if eithercountry isfaced inthefuture with a simi-
lar situation where their authorities are requested to extradite, the same

rule of aut dedere,autjudicare will apply. In other words, no irreparable
prejudice could be caused to the conventional rights acquired by the
respectiveParties tothe presentproceedings ifthe rule aut dedere,autjudi-
careis fullyimplemented. On the contrary,irreparable prejudice to Libya CONVENTIONDE MONTRÉALDE 1971 (OP. DISS.EL-KOSHERI) 109

l'article14delaconventiondeMontréal(«within»dans letexteanglaiset
adans » dans le texte français), il ne ressort pas clairement du contexte
que cet élémenttemporel constitueune condition obligatoireinterdisant
lerecours àla Cour avantl'expiration de ce délai.
54. Selonl'article41du Statut,lorsquela Cour «estimequelescircons-
tances l'exigent»,elle a le pouvoir d'indiquer quellesmesuresconserva-
toires doiventêtreprises.Lajurisprudence établiede la Courpour cequi
estdesincidencesdecemembredephraseaétéformuléerécemined natns

lestermessuivants :
«Considérant que le pouvoir d'indiquer des mesures conserva-
toires conféréà la Courpar l'article41deson Statut a pour objet de
sauvegarderledroit de chacune desparties en attendant quela Cour
rende sa décision,etprésuppose qu'un préjudiceirréparabln ee doit
pas être causé aux droits en litige dans une procédure judiciaire))
(Passagepar leGrand-Belt(Finlandec.Danemark), mesuresconserva-

toires,ordonnancedu 29juillet1991,C.Z.J.Recueil1991,p. 16,par. 16).
55. Sans entrer dans des détails qui sont actuellement inutiles étant
donnél'ordonnance rendue par la Cour,je dirai qu'au nombre desprin-
cipes sous-jacents à l'adoption de la convention de Montréal figure la
règleaut dedereautjudicare (ou aut dedereautpunire,selon lecas,compte
tenu dustadeouen estl'affaire,commel'aexpliquéM.Guillaumelors du

cours qu'il a donné à l'Académiede droit international de La Haye,
RCADI,op.cit.,chap. IV,p.354-371).Larègleenquestionimpliquenéces-
sairement confirmation du principe profondément enracinédu droit
international généralselon lequel aucun Etatne peut êtreobligéd'extra-
der quiconque, en particulier ses propres citoyens, s'il n'existepas un
traité prévoyant explicitementcetteextradition. Enparticulier,lesdispo-
sitions de l'article7,considéréesconjointement aveccellesde l'article 8,
paragraphe 2, de la convention de Montréaldonnent à tout Etat contrac-
tant le droit de refuser l'extradition dans tous les cas non assujettis
traité d'extradition existant.Cela aétconfirmé,du fait de l'approbation
donnéeparplus de centtrente Etats contractants,comme un droit souve-
rain reconnu par ledroitinternational publicgénéral.Enconséquence,la
convention de Montréal interditde considérerun Etatou groupe d'Etats
commeayant ledroit deforcerun autre Etat à extraderquiconque, etcela

est applicable en particulier pour ce qui est des propres citoyens de cet
autre Etat lorsque leur exrradition est interdite en vertu du systèmejuri-
dique interne dudit Etat.
56. Ni les Etats-Unisni le Royaume-Uninejouissent à cet égard d'un
droit autre que ceux dont jouissent tous les autres Etats contractants, y
comprisla Libye :ils'ensuitque,sil'un oul'autre desdeuxpayssetrouve à
l'avenir dansune situation semblable,situation oùune demande d'extra-
dition seraitadresséeaux autoritésdu pays, la même règle aut dedereaut
judicare sera applicable. En d'autres termes,aucun préjudice irréparable
ne pourrait être causé aux droits conventionnels acquispar les Parties
respectives a la présente procéduresi la règleaut dedereautjudicare estwould ensueifitisforcedto deliverto another State itsowncitizens,since
the State's sovereignright recognized under the Montreal Convention
would then suffertotal eclipseand extinction. Suchdeprival ofthe State's
sovereigntycouldnotberemedied atanylater stagebythe Court, and that
is a sure test of the irreparability of the prejudice. In a nutshell, once a
forcedsurrendertakesplace, the presentcaserelated to theinterpretation
and application of the Montreal Convention will become meaningless,
sincethere willbeno more legal issuetobe adjudicated. Butthis willnot
have occurredthrough due application of law.

57. For al1the above-stated considerations, 1was and remain of the
opinion that the circumstancesofthepresent caserequiredthe indication
of provisionalmeasures,particularly sincethere was extremeurgencyfor
the Court to act inorder to avoidthe coming into force of the sanctions
adopted by the Security Council under certain paragraphs of resolu-
tion 748(1992),a decisiontaken bythe SecurityCouncilinthe exerciseof
its powers under Chapter VII, hence outside the scope of the legal issue
pendingbefore the Court.

58. With regard to what provisional measures could be considered
appropriate, taking into account al1the relevant circumstances of the
present case, it has to be noted thatnder Article 41 of the Statute of the
Court the determination ofthe measures tobe indicated should establish
abalance betweenthe "respectiverights ofthe parties". In the exerciseof
its powers and in conformity with Article 75 of its Rules the Court may
decide to indicate proprio motumeasures "that are in whole or in part
other than those requested, orthat oughtto be taken or complied with by
the party which has itselfmadethe request".

59. Inthisrespect,specialattentionhastobefocused ontheinteresting
precedentestablishedasaresult ofthe Order ofJanuary 1968rendered by
the Chamber ofthe International Court ofJusticeformed to dealwiththe
case concerningthe FrontierDispute(BurkinaFaso/Republicof Mali).In
considering the indication proprio motu of provisional measures the
Chamber declared :

"18. Consideringthat,independently oftherequestssubmitted by
the Parties for the indication of provisionalmeasures,the Court or,
accordingly,the chamber possessesbyvirtue of Article41 ofthe Sta-

tute the power to indicate provisionalmeasures with a view to pre-
venting the aggravation or extension of the dispute whenever it
considersthat circumstancessorequire;
19. Whereas, in particular ... the principal judicial organ of the
UnitedNations, withaviewtothepeacefulsettlement ofadispute,in
accordance withArticle 2,paragraph 3,and Article33ofthe Charter
of the United Nations ...there can be no doubt of the Chamber's CONVENTIONDE MONTRÉALDE 1971 (OP. DISSEL-KOSHERI) 110

pleinement appliquée. En revanche,laLibyesubira un préjudice irrépa-
rable sielle estforcéede livreruriautre Etat ses propres citoyens,car le
droit souverain qui est reconnuà 1'Etatpar la convention de Montréal
seraitalorstotalement éclipséet anéantiL. a Cour ne pourrait remédier
aucunstade ultérieurà unetelleprivation desouverainetésubiepar l'Etat,
et cela est une preuve certaine du caractèreirréparabledu préjudice.En
un mot, dès lors qu'aura lieuun transfert forcé,la présente affaire,liée
l'interprétationetà l'application de la convention de Montréal,perdra
tout son sens,car il n'yaura plus de problèmejuridiqueàtrancher. Mais

celane seproduira pas si l'onrespectedûment le droit.
57. Pour toutes les raisons exposéesci-dessus, j'étais etje demeure
d'avisquelescirconstancesdelaprésente affaireexigeaientque l'on indi-
que des mesures conservatoires, étant donnéen particulier qu'il était
extrêmement urgentque la Cour agisse de manière à éviter l'entrée en
vigueur des sanctions adoptées par le Conseil de sécuritédans certains
paragraphes delarésolution748 (1992),décisionprisepar leConseildans
l'exercicedes pouvoirs détenuspar lui en vertu du chapitre VII, et par
conséquentendehorsdu cadredu problèmejuridique devantêtretranché
par la Cour.
58. Quant à savoir quelles mesures conservatoires pourraient être
considérées commeappropriées, comptetenude toutes lescirconstances
pertinentes de la présente affaire,il lieu de faire observerqu'en vertu

de l'article41 du Statut de la Courla détermination desmesures àindi-
quer doit respecter l'équilibre entreles droits respectifs des Parties,
puisqu'il estquestion dans cetarticle de ((mesuresconservatoires du droit
de chacun)). Dans l'exercice de ses pouvoirs, et conformément à l'ar-
ticle 75 de son Règlement,la Cour peut déciderd'indiquer d'office des
mesures((totalementou partiellement différentesde cellesqui sontsolli-
citées,ou des mesures àprendre ou à exécuterpar la Partie mêmedont
émanelademande ».
59. A cet égard,il y a lieu d'appeler spécialement l'attentionsur le
précédent intéressant qui a été étapbalri l'ordonnance rendue en janvier
1986par la Chambre de la Cour internationale de Justice qui avait été
constituéepour s'occuper de l'affaire concernant le Différenfrontalier
(Burkina Faso/République du Mali).Traitant des mesures conservatoires
à indiquer d'office, cetteChambre a déclarce qui suit:

«18. Considérant que, indépendamment des demandes présen-
téespar les Parties en indication de mesuresconservatoires,la Cour
ou, par conséquent,la Chambre dispose en vertu de l'article 41 du
Statut du pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires en vue
d'empêcher l'aggravationou l'extension du différend quand elle
estimeque lescirconstancesl'exigent;
19. Considéranten particulier que ..organejudiciaire principal
des Nations Unies, en vue du règlementpacifique d'un différend,
conformémentaux articles 2, paragraphe 3, et 33 de la Charte des
Nations Unies ..lepouvoir et ledevoirde la Chambre d'indiquer,le 111 1971 MONTREALCONVENTION (DISS .P. EL-KOSHERI)

power and dutyto indicate, ifneed be, suchprovisional measures as

may conduce to the due administration ofjustice;..."(I.C.J. Reports
1986,p. 9.)
60. 1am ofthe opinion that the Court should have actedin that sense,
inthelightofthespecialcircumstance ofthepresent casecharacterizedby
the fact that the two Libyanssuspected to bethe authors ofthe Lockerbie
massacre could not possibly receive a fair trial, neither in the United
Statesor in the United Kingdom, nor in Libya.
61. With al1my sense of deepest admiration for thejudicial systemof

the oldest contemporary democracy, the country of Magna Carta (1215)
and the Billof Rights (1688),1seriouslydoubt, nevertheless,that the two
Libyan suspectscould have a fair trial in the United Kingdom. Asjustly
observedby Professor Mauro Cappelletti, evenin the field of civil litiga-
tion :
"One is tempted to believe that the proposition that even in
England certainprocedural rights and guaranteesare, and havelong
since,beenconsideredbasic toa fairadministration ofjustice,hasno
juridical meaning at all." (Fundamental Guaranteesof theParties in
CivilianLitigation,ed. Mauro Cappelletti and Denis Tallon, Milan,

1973,p. 70.)
62. Concerning criminal proceedings,the world legal communitycan-
not easily forget that both the European Commission and Court of
Human Rightsconcludedthat theUnited Kingdomhad violated Article3
of the European Convention on Human Rights by inflicting inhumane
and degradingtreatment on prisonerssuspected ofterrorism,in the sense
of arousing "feelingsoffear,anguish and inferioritycapable of humiliat-
ing and debauching them and possibly breakingtheir physical or moral
resistance";and forusingthe so-called"fivetechniques"causing "at least
intense physical and mentalsufferingas wellasleading to acute psychia-

trie disturbance during interrogation"(Judgment of 18January 1978,case
of Ireland v. The UnitedKingdom,Publicationsof the European Court of
Human Rights, SeriesA, Judgments and Decisions, Vol.25, pp. 59-94).1
have no doubt at al1that the BritishGovernmenttookthiscondemnation
to heart and has done itsutmost to eliminateal1such inhumane methods.
Nevertheless,bearing inmindtheheinousnature ofthecrimesimputed to
the Libyansuspects,one maystillunderstandthe suspicionin someminds
that fairness mighthave limitsin their respect.

63. In the United States of America an even more disturbing factor
wouldresultfromtheextraordinaryimpact ofthe massmedia andthe role
it plays inrendering almost impossiblethe conduct of fairtrial byjury, as
witnessthepublic debates arousedas aresult ofwhathappened in anum-

ber ofrecent cases.Suchsituation isin clearconflictwiththe requirement
for "a fair and publichearing by an independent and impartial tribunal" CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS. EL-KOSHERI) 111

cas échéant, des mesures conservatoirescontribuant à assurer la
bonne administration de la justice ne sauraient faire de doute»
(C.Z.J.Recueil1986,p. 9).

60. Selon moi, la Cour aurait dû agir dans ce sens, étant donnéla
circonstanceparticulièredelaprésenteaffaire,caractérisép ear lefaitque
lesdeux Libyenssoupçonnés d'êtrleesauteurs du massacrede Lockerbie
ne sauraient bénéficier d'un procès équitable ni aux Etats-Unis naiu
Royaume-Uni,ni non plus en Libye.
61. Malgrétoute l'admirationquej'éprouvepour le systèmejudiciaire
de la plus ancienne des démocraties contemporaines,pour le pays de la
MagnaCarta(1215)et du Billof Rights(l688),je doute sérieusementque
les deux suspects libyens puissent bénéficier d'un procès équitabla eu
Royaume-Uni. Comme l'a fait justement observer le professeur Mauro
Cappelletti, mêmedans le domaine desprocèscivils :

«On est tenté de penser que, mêmeen Angleterre, l'idéeque
certains droits et garanties de procéduresont considérés, et depuis
longtemps, comme essentiels pour une bonne administration de la
justice est,du point de vuejuridique, dépourvuede sens.»(Funda-
mental GuaranteesofthePartiesinCivilianLitigation,publié sousla
direction de Mauro Cappelletti etDenisTallon,Milan, 1973,p. 670.)
62. En ce qui concerne les affaires pénales,la communautéjuridique

mondiale ne saurait oublier aisément qu'à la fois la Commissioneuro-
péenneet la Cour européenne des droitsde l'hommeont conclu que les
autoritésdu Royaume-Uniavaient violél'article3de la conventioneuro-
péenne desdroitsde l'hommeen infligeant à desprisonniers soupçonnés
d'avoir commisdes actes de terrorisme un traitement inhumain et dégra-
dant - car on avait provoquéchez ces prisonniers «des sentiments de
peur, d'angoisse et d'infériorité propresàles humilier, àles avilir eà
briser éventuellementleurrésistancephysiqueou morale» - etenrecou-
rant àce que l'ona appeléles «cinq techniques », à savoirdes méthodes
provoquant «du moins de vivessouffrancesphysiques et morales [et]de
surcroît ...des troubles psychiques aigus en cours d'interrogatoire»
(arrêtdu 18janvier 1978,dans l'affaire Irlandec. Royaume-Uni,Publica-
tionsdela Coureuropéenn desdroitsdel'homme,série A,arrêtsetdécisions,
vol.25,p. 59-94).Jene doute nullementque leGouvernementbritannique

ait pris cette condamnation très au sérieux etqu'ilait fait tout ce qui lui
était possiblede faire pour mettre fin des pratiques aussi inhumaines.
Néanmoins, compte tenu du caractère odieux des crimes imputés aux
suspects libyens, on peut comprendre qu'aux yeux de certains l'équité
puisse avoirdes limitesà l'égardde cessuspects.
63. Aux Etats-Unis d'Amériquela situation serait encore plus alar-
mante, et cela en raison de l'importance extraordinaire des grands
organesd'information et de lamanièredont cesderniersrendent presque
impossibleledéroulementd'unprocèséquitabledevantunjury d'assises,
commeentémoignentlescontroversespubliques suscitéespar cequi s'est
produit dans un certainnombre d'affaires récentes.Unetellesituationestprovided for under Article 10ofthe 1948United Nations Universal Dec-
laration of Human Rights; and equally Article 14,paragraph 1, of the
1966United Nations Convention on Civil and Political Rights, which
emphasizesthe existenceof"special circumstancewherepublicity would
prejudice the interests ofjustice".

64. At the same time, in view ofthe fact that the two Libyan suspects
were or are stillworking for the Government of their country, and that
their trial could eventually lead to the emergenceof a subsequent caseof

StateinternationalresponsibilityagainstLibya, 1feelthat thisfactualsitua-
tion constitutes sufficient grounds to doubt that the interest of both the
United States and the United Kingdom in ensuring a fair trial could be
adequately safeguarded in case the trial were conducted in Libya.What-
evermaybethemeritsofthe Libyanjudicial systemunder normal circum-
stances, the need for an even-handed and just solution leads me to
consider, within the special context of the present case, that the Libyan
domestic courts could not be the appropriate forum. This conclusion
derives logically and necessarily from the fundamental legalprinciples,
deeply rooted in the legal traditions of the major systems, particularly
Islamic law (Weeramantry, IslamicJurisprudence, anInternationalPer-
spective,MacMillan Press, 1988,pp. 76-77and 79-81),accordingto which
nemodebetessejudexinpropriasuacausa.

65. Under the above-mentioned special circumstances of the dispute
betweenthe Parties, and inthe exerciseofthe Court's inherent powerfor
the peacefulsettlementofdisputes,to ensuretheproper administration of
justice, and in view of preventing the aggravation and extension of the
dispute, 1am of the opinion that the Court could have indicated proprio
motu provisionalmeasuresto the effectthat :
- Pending afinal decision of the Court,the two suspects whose names

are identified in the present proceedings should be placed under the
custody of the governmental authorities in another State that could
ultimatelyprovide a mutuallyagreed and appropriate forum fortheir
trial.
- Moreover,the Court couldhaveindicated thatthe Partiesshould each
ofthem ensure that no action of any kind istaken which mightaggra-
vate or extend the dispute submitted to the Courtor likelyto impede
theproper administration ofjustice.

(Signed)Ahmed Sadek EL-KOSHERI. CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 112

manifestementcontraireaux dispositionsselonlesquelles toute personne
a droit«à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et
impartial)), qui figurentà l'article 10 de la déclaration universelle des
droitsdel'homme,adoptéeen 1948parl'organisation desNations Unies;
ettoutautant contraireauxdispositions du paragraphe 1del'article 14du
pacteinternationalrelatifauxdroits civilsetpolitiques,adoptépar l'Orga-

nisationdes Nations Uniesen 1966,lequelinsistesur lescasoù, en raison
des «circonstances particulières de l'affaire,la publicité nuirait aux inté-
rêtsde lajustice».
64. Parallèlement,étant donné queles deux suspects libyens travail-
laient ou travaillentencore pour legouvernement de leur pays etqueleur
procès pourrait finalement déboucher sur une affaire ultérieure de
responsabilitéinternationale des Etats dans laquellela Libyeseraitaccu-
sée,cette situation de fait constitue selon moi une raison suffisante de
douter que, si le procès avaitlieu en Libye, cela serviraitvéritablement
l'intérêt manifestà la foispar lesEtats-Uniset par le Royaume-Unipour
cequi estdefaireen sorte qu'ilsoitéquitable.Quelsquesoient lesmérites
du systèmejudiciaire libyen dans des circonstances normales, le souci

d'une solution impartiale et juste me conduit à considérer, dans le
contexte particulier de la présente affaire, queles tribunaux nationaux
libyens ne pourraient constituer un forum conveniens.Cette conclusion
découle logiquementet nécessairement des principes juridiques fonda-
mentaux,profondément enracinésdanslestraditionsjuridiques des prin-
cipaux systèmes, et en particulier du droit islamique (Weeramantry,
Islamic Jurisprudence, an International Perspective,MacMillan Press,
1988,p. 76-77et p. 79-8l), selon lesquels nemodebet essejudex inpropria
sua causa.
65. Dans lecadredescirconstancesparticulières du différend entreles
Parties et de l'exercicedes pouvoirs dont dispose la Cour pour le règle-
ment pacifique des différends,afin d'assurerla bonne administration de

lajustice et de prévenirl'aggravationet l'extensiondu différend,laCour
aurait pu selon moi indiquer d'office desmesuresconservatoiresvisant à
ce que :
- enattendant unedécisiondéfinitive dela Cour,lesdeuxsuspectsdont
lesnomssontavancésdanslaprésenteaffairesoientconfiés à lagarde

desautoritésgouvernementalesd'un Etattiers quipourraitfournirun
forum conveniensdanslecadred'unaccordmutuel.

- En outre, la Cour aurait pu indiquer que lesPartiesdevaient,chacune
encequilaconcerne,veilleràcequ'aucunemesure,quellequ'ellesoit,
ne soitprise qui puisse provoquer une aggravation ou une extension
du différendsoumis àlaCour,ou quisoitdenature à faireobstacleàla
bonne administration delajustice.

(Signé)Ahmed Sadek EL-KOSHERI.

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Document Long Title

Opinion dissidente de M. El-Kosheri (traduction)

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