Opinion dissidente de M. Bedjaoui

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089-19920414-ORD-01-06-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. BEDJAOUI

1. L'affaireportéedevantlaCour areçudelapart decelle-ciun intitulé
très neutre, conformément àsa bonne habitude. Il y est sobrement ques-
tion ({d'interprétation et d'applicationde la convention de Montréalde
1971résultantdel'incident aériende Lockerbie».Ilnes'agitpasque d'un
simple ((incident» mais d'un abominable attentat à l'explosif qui a fait
deuxcentsoixante-dixvictimesetqui exigelarecherche,lapoursuite etla
condamnation sévère de sesauteurs, quels qu'ilssoient. Mais quelle que

soit l'indignation légitimeque cet odieux attentat suscite, la condamna-
tion de sesauteurs ne doit se faire que dans le strict respect de la légalité
internationale.
2. L'examende cettelégalitéinternationalepar la Cour est complexe.
Cela estdû d'abord au faitque laCour setrouve à latoute premièrephase
de la procédure, celle concernant seulement l'indication de mesures
conservatoires.ParhypothèselaCourdoitdonc s'interdire à cestadede se
prononcer sur le fond, c'est-à-dire sur cette légalité internationale.La
phase actuellene luipermet d'avoir qu'une idéeprovisoireetsimplement
prima faciedu dossier, en attendant de se saisir du fond dans toutes ses
dimensions.Lacomplexitédelasituation estensuiteet surtout due aufait
que cetteaffairereçoit simultanémentun double traitement devant deux
instances différentes,le Conseil de sécuritéet la Cour internationale de
Justice.Ce n'estpas lapremièrefoisque cesdeuxorganesprincipaux des
Nations Unies exercentsimultanément, àpropos d'une mêmeaffaire, les

compétencesrespectives que leur confère la Charte (voir par exemple
l'affaireduPersonneldiplomatique etconsulaire à Téhérao nu l'affaire des
Activités militairesetparamilitaiasuNicaraguaetcontrecelui-ci).Mais si
letraitementconcomitant depouvoirsconcurrentsmais non exclusifsn'a
jusqu'iciposéquepeu de problèmes,la présente affaireau contrairepose
à la Cour de manière sérieuse la questionnon seulement de l'influence
possible des décisionsd'un organe principal sur l'examen de la même
question par l'autre organe principal, mais aussiplus radicalement de la
contrariété possibleentre les décisionsde ces deux organes et de la
manièredetraiter une aussidélicatesituation.

3. Le différendd'ordrejuridique présenté devantla Courporte essen-
tiellement, comme son titre l'indique, sur l'interprétationet l'application
de la convention de 1971de Montréal.Il estdemandé àla Cour de diresi
la requérante, laLibye, a le devoir international d'extrader deux de ses

ressortissants,auteursprésumésdel'attentatde Lockerbie,pour leslivrer
aux autorités judiciaires américaineset britanniques. Les deux Etats
défendeurs, Etats-Unis d'Amériqueet Royaume-Uni, affirment l'exis-144 CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.BEDJAOUI)

tence d'une telleobligation,pendantque la Libyela conteste,cequi scelle

l'existence entre les trois Etats d'un différend d'ordre juridique bien
circonscrit.Mais en attendant qu'ellepuissetrancher celui-ciau fond, la
Cour a été priée par la Libye d'indiquer des mesures conservatoires
propres à garantir que sa décision finalene perde pas son effet utàlla
suite de quelque mesure ou action qu'entreprendraient les Parties entre-
temps.
4.Mais parallèlement àce différendd'ordrejuridique trèsprécis,les
Etats-Unis et le Royaume-Uni ont saisile Conseil de sécuritéd'un autre
différend visant à mettre en cause 1'Etatlibyen, accusépar eux d'être
impliquédans leterrorisme en générae lt dans l'attentat de Lockerbieen
particulier. Ce différendest très distinctdu premier. En effet lepremier
portesur l'extraditiondedeuxnationaux etreçoitun traitementjuridique

devant laCour surdemande de la Libye,tandis que le second porte plus
largement sur le terrorisme d'Etat et la responsabilité internationale de
l'Etatlibyenetreçoitquant à luiun traitementpolitique devantleConseil
de sécuritésurdemande des Etats-Uniset du Royaume-Uni.

5. S'agissantdu traitementjuridique du premierdifférendpar la Cour,
il n'est nullement demandé à celle-ci dans la présente instancede se
prononcer surleterrorisme d7Etatetlaresponsabilitéinternationaledela
Libye et cela d'autant moins que les deux Etats défendeurs n'ont pas
formuléune demande reconventionnelle à cet effet, àla suite de l'intro-
duction de la requête libyenne.Le second différend,portant sur la res-
ponsabilité internationale de la Libye, a reçu une solution strictement

politique notamment par une miseen cause de la responsabilitéde l'Etat
libyen,par unedemande d'indemnisation desfamillesdesvictimesetpar
l'impositiond'uneobligation de renoncer concrètementau terrorisme, là
où une solutionjudiciaire, forcémentplusexigeantesur la procédure,eût
nécessitéau préalableune administration de la preuve, un débat contra-
dictoire etun((dueprocessoflaw».
6. Ilétaitdu droitleplusabsolu pour la LibyedesaisirlaCourdu diffé-
rend portant sur l'extraditionpour en escompter une solutionjudiciaire,
commeil étaitdu droit leplus absolu pour lesEtats-Unis et le Royaume-
Uni desaisirleConseilde sécurité du différendportant sur laresponsabi-
litéinternationalede la Libyepour en obtenir une solution politique. Les
missions respectivesdu Conseil de sécuritéet de la Cour se situent bien

ainsisurdeuxplansdistincts etavecdesobjetsdifférentsetrequièrentdes
méthodesspécifiques de règlementconformes àleurspouvoirsrespectifs
propres. Une telle situation comportant deux démarches distinctes des
deux organesprincipaux des Nations Unies avecdescompétencesparal-
lèles n'est au demeurant pas inhabituelle, comme je l'ai dit au para-
graphe 2ci-dessus.Maisla difficultédanslecasprésent réside dans lefait
que leConseilde sécurité a non seulementdécidéd'un certain nombre de
mesures politiques à l'encontre de la Libye, mais a aussi réclaméd'elle
l'extraditionde ses deux nationaux. C'est cettedemande spécifiquedu
Conseil quicréeun chevauchementsur la substancemêmedu différend 145 CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.BEDJAOUI)

d'ordrejuridique auquella Courest chargée dedonneruntraitementjuridi-
quesurlabasedelaconventiondeMontréad l e1971etdudroitinternational
engénéral. Ainsila question de l'extradition s'exposaitau risque de deux
solutions contradictoires, l'une politique, l'autre juridique, et d'une
contrariété entre la décisione la Cour et celledu Conseil de sécurité.
7. Une telle contrariétéde décisions entre deux organes des Nations
Uniesseraitpréoccupante.Car la Cour n'agénéralementpas pour rôlede
contrôler en forme d'appel les décisionsdu Conseil de sécuritédans sa
haute missionde maintien de la paix et de la sécuritéinternationale, as
plus que le Conseil de sécuritn'apour rôle de sesubstituer àla Cour en

portant atteinteàl'intégritde sa fonctionjudiciaire internationale. Or la
présente affaire,au stade des mesures conservatoiresdemandéespar la
Libye,noussituedans cetteperspective decontrariété de décisionsdu fait
qu'une des exigences du Conseil de sécuritécréeune «zone grise» de
chevauchement d'attributions et instaure un conflit de compétences.Le
dossier de l'affaire autorisait en effet la Cour indiquer des mesures
conservatoires pour sauvegarder les droits éventuelsde la partie requé-
rante àrefuserl'extradition de deux de sesnationaux alorsque leConseil
de sécuritévient de prendre une décision obligatoireau titre du cha-
pitreVI1de la Charte d'extrader cesdeux individus.

8. Toutes les conditions me paraissent avoir étremplies pour que la
Cour indique des mesures conservatoires à la demande de YEtatrequé-
rant, en attendant de se prononcer sur le fond. Tout d'abord il n'est
contesté parpersonne qu'il existe devant la Cour un différend d'ordre
juridique portant sur des questions de droit très précises découlantde
l'interprétationet de l'application de la convention de Montréalde 1971.
Parailleursla compétencede la Cour estétabliesurlabase del'article 14,
paragraphe 1,deladiteconvention.Cetarticle subordonne lasaisinedela
Cour àune premièrecondition,celledesnégociationspréalablesentreles
parties. Elle est parfaitement remplie. L'analyse que j'ai rapidement

esquisséeci-dessus au sujet de la dualitéet de la non-identité des diffé-
rends présentés parallèlement àla Cour et au Conseil de sécuritémontre
quelanégociationrecherchée pour réglerlaquestion del'extradition était
par nature etpar essence àjamais inopérante.Dèslors que la Libyerefu-
sait l'extradition de ses ressortissants et proposait d'autres solutions de
rechange(remisedesdeux suspectssoit aux Nations Unies ou àla Ligue
arabe, soit aux autorités judiciaires d'un pays tiers, oune juridiction
internationale judiciaire ou arbitrale, alors que les Etats-Unis et le
Royaume-Uni n'offraient à la Libye que le choix entre une extradition
non négociablepar principe et des sanctions du Conseil de sécurité)i,l
apparaissait àl'évidence quela notion mêmede négociationne pouvait

trouversaplacedans untelcontexte.Lajurisprudence deladevancièrede
la Cour estàcet égard éclairante: 146 CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.BEDJAOUI)

«Une négociationnesuppose pas toujours et nécessairementune
sérieplusou moinslonguedenotes etdedépêchesc;epeut êtreassez
qu'une conversationait étéentamée;cetteconversation apu êtretrès
courte:tel estlecassiellearencontréun point mort, sielles'estheur-
tée finalementà un nonpossumusou à un nonvolumuspéremptoire
del'une desPartiesetqu'ainsiilestapparu avecévidenceque lediffé-
rend n'estpas susceptible d'êtrréglépar une négociation diploma-
tique. (ConcessionsMavrommatis enPalestine,C.P.J.I.série Ano2,
p. 13.)

C'estaussilajurisprudence de la présenteCour telle qu'elle se dégagde
l'affaireduPersonneldiplomatiqueet consulairedesEtats-Unisà Téhéran,
etdel'affaire desActivités militaireestparamilitairesauNicaraguaetcontre
celui-ci.
9. L'article 14,paragraphe 1,de la convention de Montréalde 1971
subordonne la saisine de la Courà une seconde condition préalablequi
aurait imposé àla Libyed'attendre l'écoulement d'un déladie sixmoisau
coursduquel elledevaitchercher un règlementdu différendpar lavoiede

l'arbitrage. Cette condition en l'espècene fait pas obstacàla compé-
tence de la Cour, pour plusieurs raisons. Tout d'abord lorsque, faisant
réponse à la demande d'arbitrage formuléepar la Libye,le représentant
permanent du Royaume-Uniauprès des Nations Unies a déclaré qu'elle
n'avait «aucune pertinence », cela signifàel'évidenceque le choix fait
par les Etats-Unis et le Royaume-Uni de saisir le Conseil de sécurité en
vue d'obtenir de lui une solution politique ne laisse d'embléeaucune
place à une solution arbitrale. La demande d'arbitrage apparaissait dès
lorscommefoncièrementinappropriéeetincompatibleavecletraitement
politique attendu du Conseil de sécuritet d'ailleurs intervenueffective-
ment. En conséquence lavoie de l'arbitrage étaitpar hypothèse et par
principe exclue,quelle qu'ait pu êtrela duréde l'attente de la Libye.Le
délaidesixmoisétaittout àfaitinopérantentantquenon cohérentavecle
type derèglementpolitique retenupar lesdeux Etats défendeurs,dèslors

qu'ilsont préféréle recours au Conseil de sécurienjanvier dernier. La
déclarationde «non pertinence »del'arbitrage signifieplusqu'unsimple
rejet de celui-cipar le Royaume-Uni, une affirmation péremptoire d'in-
compatibilitépar nature entre la voie de l'arbitrage demandé et celle
de la solution politique assortie de sanctions recherchéeau niveau du
Conseil de sécurité. t lefait que la Libyeaitfait par la suitedesproposi-
tions nouvelles autres que l'arbitrage est moins le signe d'une certaine
inconstance que l'élémenttémoinde l'impossibilitéde l'arbitrage, dont
elle a ainsipris acte. Par ailleursl'article 14,paragraphe 1, dela conven-
tion de Montréalde 1971énonceque c'est «dansles sixmois»quisuivent
ladatede lademande d'arbitragequelaCourpeut êtresaisie àladiligence
de l'une desparties. Cela signifiequ'iln'yapas lieu d'attendre lecomplet
écoulementdecedélai,maistoutau contrairequ'ilestpossible desaisirla
Cour «pendant » cette périodede six mois, ou «à l'intérieur» ou «au

cours»decedélaietjamais au-delà. LaLibyeestdonc recevableàsaisirlaCour à tout moment avant l'épuisementdu délaide six mois. Ainsi la
condition rationetemporisprévue àlaconventions'interprèteenfaveurde
la Libyetant par exégèsedu texte que par référence à son esprit et à sa
finalitéd'une part et au contexte de la présente affaire d'autrepart. Et,
pour reprendre une formule dans laquelle seposait aussiune question de
délaipour convenird'un arbitrage,

«il tombesous lesensqu'ilnefautpas yvoirune conditionpréalable
àl'applicabilitéde la dispositionpréciseet catégorique [d'un article
d'un traité]quiprévoitla compétenceobligatoird ee laour» (C.Z.J.
Recueil1980,p. 25,par. 48).

10. Reste la compétence rationepersonae. Il a étésoutenu que la
convention de Montréalde 197 1ne donneraitpas compétence à la Cour
en l'espècedu fait que l'on serait ici en présenced'une affaire de terro-
risme d'Etat et non d'actes d'individus. Cette allégation appelleune
réponse àtrois niveaux différents. Tout d'abord l'article premier de la
convention de Montréalde 1971ne peut laisser subsister aucun doute
dans la mesure où il vise «toute personne)) qui commettrait certains
«actes»qualifiés d'«infraction pénale».Cela signifie que la convention
s'applique très largement à «toute» personne, qu'elle agissepour son
propre compte,ou au nom d'une quelconque organisation ou encore sur
ordre d'un Etat. Tout au plus, si la personne a commis l'infraction en
qualitéd'organe d'un Etat, la convention pourrait se révélern, on pas

inapplicable, maisplutôt inefficace dans lamesureoù 1'Etatquichoisirait
de ne pas extrader mais de fairejuger les suspects par sespropres tribu-
naux sejugerait lui-même,ce qui, on s'en doute bien, ne serait pas une
solutionsatisfaisante.En secondlieu,etcommeonl'avaitdéjàvu,laques-
tion de la responsabilitéinternationalede'Etatpour desactesillicitesde
cettenature aétéconfiéaeu Conseilde sécuritéetneconstitue pasdutout
lefonddu différendsoumis à laCour concernant l'existenceounon d'une
obligation internationale d'extrader des nationaux. En troisièmelieu, et
en tout étatde cause, il importe de ne pas perdre de vue la nature de la
phase actuelle de la procédureet de savoirque

«lorsqu7elle est saisie d'une demande en indication de mesures
conservatoires,la Cour n'a pas besoin, avant de décidersi elleindi-
quera ou non detellesmesures,de parvenir àune conclusion défini:
tive sur sa compétenceau fond ...mais qu'elle ne doit cependant
indiquer de telles mesures que si les dispositions invoquéespar le
requérant paraissent constituerprima facieune base sur laquelle sa
compétencepourrait être fondée » (Activités militaires et paramili-
tairesauNicaragua etcontrecelui-ci(Nicaraguac.Etats-Unis dYmé-
rique),ordonnancedu10mai1984,C.Z.J.Recuei1 l 984,p. 179,par. 24).

Telest bien le casen l'espèce etla Cour est compétenteimafacie.148 CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971 (OP. DISSBEDJAOUI)

11. Bienentendu la Cour nepeut iciexercersacompétenceetindiquer
des mesures conservatoires,en vertu de l'article41 de son Statut, que si
elle estimepour autant que les circonstances l'exigentpour sauvegarder
les droits de chacune des Parties.l importe donc d'identifier les droits
susceptiblesd'êtreprotégés.II a été soutenuà ce sujet que de tels droits
sont inexistants ou illusoires,ou en tout cas insuffisamment déterminés
du fait del'imprécisionde la requête.e nepeux êtrede cet avis.Dans ses
conclusionsfinales, la Libyea présentédeuxséried sedemandes, lesunes

tendant à obtenir que les Etats-Unis et le Royaume-Uni s'abstiennent
d'exercer des moyens de coercition pour forcer la Libye à extrader ses
propres nationaux, lesautrestendantà protégerlesdroitsdelaLibyeence
qui concerne lesinstancesintroduites par sesrequêtes.Lesdroits dont la
Libyedemande laprotection par desmesuresconservatoiressont d'abord
desdroitsconventionnels que l'ondoitreconnaîtreprimafacie au deman-
deur comme à toutes les parties liéespar la convention de Montréalde
1971.Il s'agitprincipalement du droit du demandeur d'établir sapropre
compétencesurlesauteursprésumés del'attentat (article5, paragraphe2,
de la convention); du droit d'appliquer la loi libyenne au procèsde ces
suspects(art. 5,par.3); du droit de soumettrel'affaiàesespropresjuri-

dictionspénales (art.);du droit,assorti de soninterfaceobligationnelle,
d'accorder toutesles garantiesjudiciaires aux auteurs présuméset de les
protéger desjugements hâtifsde l'opinion ou des mass media; du droit
enfin de réclameret d'obtenir la coopératioet l'entraide judiciaires des
autres Etats intéressé(art. 11). Lesdroitssauvegarder sont en second
lieu lesdroits queledemandeur peut tirer commetout autre Etatsoit dela
Charte desNations Uniessoitdu droitinternational général(respecd t ela
souveraineté,de l'intégrité territoriale,de l'indépendance politiquede
l'Etat,non-recoursà la menace ou à l'emploide la force).
12.Il s'agitde droits qui ne sontni inexistants,niillusoires, ni indéter-
minés.L'article7de laconvention de Montréalde 1971qui a leplusprêté

à discussion,et quisetrouveau cŒurdelarequêtelibyenne,imposeimpé-
rativement àtout Etat partie àla conventionsoit d'extrader, soit de faire
poursuivre par sestribunaux lesauteursprésumés del'infraction, confor-
mément à l'option traditionnellement ouverte par la maxime aut dedere
autjudicare.Sans aborder lefond, on saitqu'iln'existeendroitinternatio-
nal aucune norme quiinterdise ou,à l'inverse,quiimposel'extradition de
nationaux. Ce que ledroit conventionnel de Montréalselimite àfaire,en
complétant ainsi le droit international général,c'est d'une part de
renvoyer aux différents droits nationaux,mais d'autre part de prescrire
aux Etats une ((obligation de faireconformément à leur droit interne,
c'est-à-dire soit d'extrader, soitde faire poursuivre par leurs tribunaux.
Cette option estvalableaujourd'hui sinonen droit international général,

du moinsentretous lesEtatsparties à la convention de Montréalde 1971.
Ila étéalorssoutenu queledroit àprotégericiestillusoire,puisqu'ils'agi-
rait plutôt d'une obligation. Mais 1'Etatne serait-il donc pas autoràsé
revendiauer le droit. fondamentalement dérivéde sa souveraineté.de ne
pas êtreentravédans l'accomplissemendteson devoirinternational ? Parailleurs,ilaétésoutenu quela conventiondeMontréalde 1971ne confère
à un Etat partie aucun droit autitre del'article 7qu'il n'aitdéjàau titre du
droit international général,de sorte que, mêmesi la convention de
Montréalde 1971n'existaitpas ou si la Libyene l'avaitpas ratifiée,cet
Etat resteraitlibre de refuserl'extradition envertu du droit international.
De cetteobservation exacte il aététiréune conclusion erronée, àsavoir
que le droit conventionnel àprotéger serait inexistant, ou illusoire, car
l'article 7 ne confère pas là un droit supplémentaire à 1'Etat. Mais
commentcomprendre qu'undroitreconnu par ledroitinternational géné-
ral etconfirméparune conventioninternationaleviendrait à perdre toute
existenceettout bénéfice àsa sauvegarde du seulfait de sa confirmation

dont on aurait pu penser qu'elle le renforceraiA? la base du raisonne-
ment il ya en véritél'affirmation implicitequdans cetteaffairela Cour
nepourrait appliquer que la conventiondeMontréalde 1971 à l'exclusion
du droit international général, alorsmêmeque de toute évidenceson
Statut etsamissiongénéraleluien imposent spontanément l'application.

13. La Cour n'indique de mesuresconservatoiresque pour autant que
lesdroits reconnusprimafaciesont menacésde disparaître. En l'espèceil
neparaît pas nécessairede s'apesantir longuementsurlecaractèreirrépa-
rable du préjudicequi résulteraitde la disparition de ces droits avant le
prononcéde la Cour. Si 1'Etatrequérant subit desmesuresde contrainte,
dequelque nature qu'ellessoient,envuedeconsentir à extradersesnatio-

naux,alorsquedesdispositionsexpresses desaconstitutionou deseslois
lelui interdisent, celapeut-il signifier autre chosequ'ilaurobligéde
renoncer àun droit reconnu primafacieet qu'on l'aura contraintà violer
sapropre législation?Il estdonc clairque si cedroit n'estpas protépar
desmesuresconservatoiresl'hypothèse d'un risquedesadisparition pure
etsimplene saurait êtreécartée d,esorte que,de cepoint devue, lepréju-
diceseraitirréparable ence que cedroit perdu ne saurait être aprèscoup
reconstitué.Lamenacededisparition decedroitétaitsiréellequ'elles'est
réaliséeensuiteavec l'adoption de la résolution748 (1992)qui l'aeffecti-
vement aboli !

14. Quant à la question de l'urgence,autre élément dontla jurispru-

dence de la Cour tient traditionnellement compte pour seprononcer sur
l'opportunité d'indiquer desmesures conservatoires, il est tout simple-
ment manifeste qu'en l'espèce cette urgenceexiste.Il est demandé àla
Libye de répondre ((immédiatement », ou «sans le moindre délai» aux
demandes des deux Etats défendeurs, notamment en ce qui concerne
l'extraditionde sesdeux ressortissants.
15. En conséquencedetout cequiprécèdej,e suisparvenu à la conclu-
sion que toutes les conditions sont réunies enl'espècepour que la Cour
indique des mesuresconservatoires.Cepouvoir que la Cour tient de l'ar-
ticle41 de son Statut estcertestoàtfaitdiscrétionnaireetla Courdoit se
livreràune libre évaluation des ((circonstances» pour savoir si celles-ci«exigent » l'indication de mesures conservatoires. Mais cet examen est
tout sauf arbitraire. Si la jurisprudence a progressivement dégagé les
critèresetconditionsà remplir c'estprécisémentlapreuveque son appré-
ciation n'apas cecaractèreimprévisibleet subjectif.

Et àsupposer que les demandes de 1'Etatrequérant puissent encore
paraître imprécises, ilappartient à la Cour d'indiquer telles mesures
conservatoires qui lui paraîtraient plus précises et plus conformes aux
exigences de l'affaire et aux nécessitésdes circonstances. L'article 75,
paragraphe 2, du Règlementde laCour autorise celle-cià ((indiquer des
mesurestotalement ou partiellement différentesde cellesqui sont sollici-
tées,ou des mesures à prendre ou à exécuterpar la partie mêmedont
émanelademande ».Cetarticle ouvre donc àlaCour despossibilitéstrès
larges qui auraient mêmepu aller en la circonstancejusqu'à prescrireà
1'Etatdemandeur deplacer lesdeuxauteursprésumés del'infraction sous
l'autoritéet la garde provisoires d'un Etat tiers, d'une organisation inter-
nationale ou régionale,ou même,pourquoi pas, sous l'autorité de la
Cour ...

***

16. La Cour n'a pas prescrit toutes mesures conservatoires que l'exa-
men du dossier aurait dû,à mon avis,lui dicter et c'estpourquoi je reste
réservéb,ien àregret,à l'égardde sa décision.11est vrai que le différend
d'ordrejuridique relatif l'extraditionet dont la Cour est saisie setrouve
en relation avecun autre différend,traité politiquementpar leConseil de
sécurité,et relatif plus largementà la responsabilité internationale de
1'Etatdemandeur. Etauxparagraphes 6et7delaprésente opinionje rele-
vais l'existence d'un chevauchement ou d'une «zone grise» entre les
compétencesrespectivesdu Conseil de sécurité etde la Cour internatio-
nale deJustice,dèslorsque le Conseila estiménécessaired'inclure dans
sesdemandes à laLibyecelledel'extraditiondont laCour s'occupe égale-
ment. De fait les deux ordonnances de la Cour se bornent àprendre en

comptelarésolution748du 31mars 1992du Conseildesécuritéquiédicte
dessanctionsprenant effetle 15avrilcontre 1'Etatdemandeur s'iln'apas,
entre autreschoses,extradésesdeuxressortissants.Ainsi lesdeux ordon-
nancescontiennent chacuneun dispositifquin'estriend'autre qu'un rejet
de la demandede mesuresconservatoires.Ce rejet ne paraît pas découler
des mérites propresdu dossier et de la valeur intrinsèque de la requête,
maisplutôt deconsidérationsetdedécisionsextérieures au dossier,cequi
pourrait poser le problème de l'intégritde la fonction judiciaire. Les
deux ordonnances ne paraissent pas être l'expressiondu pouvoir discré-
tionnaire qu'a laCourde renonceréventuellement àindiquer desmesures
conservatoires; ellessont au contraire le résultat d'un pouvoiré»par
une décisiondu Conseil de sécuritéqui a porté,entre autres objets, sur
l'objetmêmedu différend d'ordre juridique soumis à la Cour. 151 CONVENTION DE MONTRÉAL DE 1971(OP. DISS.BEDJAOUI)

17. Unpoint deprocédure doitd'abord êtré evoquéD . ans letraitement

politique queleConseildesécuritéétaitparfaitemenetndroitdedonner à
l'affairepluslargedelaresponsabilitéinternationale d'un Etat,leConseil
a adoptéunerésolution731du 2 1janvier 1992autitre du chapitre VIdela
Charte et une résolution748du 31mars 1992au titre du chapitre VII. 11
importede savoircomment cesrésolutionssesituentparrapport au diffé-
rend d'ordre juridique soumisà la Cour. Lorsque celle-ci fut saisie des
requêteslibyennesle 3mars,la premièrerésolution 731(1992)étaitinter-
venue et les parties en avaient largement débattudevant la Cour. Par
contre la résolution748du 31mars 1992était hors dossier parce qu'elle
n'avait pas encore d'existence juridique lorsque les débats furent clos
devantla Cour le28mars 1992.Unerésolutionobligatoiredecetteimpor-
tance, notifiéà tous les Etats et opposablà chacun d'entre eux, était

naturellement connue d'eux. Maisune chose est de connaître et même
d'exécuter cetterésolution,t autre chose est de la «faire valoir»devant
une juridiction internationale. Faute d'une démarche procédurale for-
melle (et contradictoire) des Parties au différend,la Cour n'étaitpas
obligée, semble-t-i, e tenir compte d'une résolution intervenue aprèsla
clôture des débatset de l'appliquer, en quelque sorte rétroactivement,au
dossier qui lui avait été soumis. Néanmoinsla Cour a jugémeilleur de
prendre elle-mêmel'initiative de recueillir les observations des Parties
sur ce point, en cours de délibéré. Quelle que soit l'opinionque l'on
puisse avoirsur lebien-fondéde cetteprocédure, le fait estquela résolu-
tion 748 (1992),postérieure aux débatsde la Cour, est entréedans son
prétoire.

18. C'estàjuste titre, semble-t-il,que laCour ne sàeaucun moment
laisséentraîner àseprononcer sur lavaliditédu traitement que leConseil
desécuritéavaie tntendudonner àl'affairedelaresponsabilitéinternatio-
naled'un Etatpour activitésterroristes, qui estplus large que ledifférend
ici.Sansmême avoirà évoquerledélicatproblème delacompétenceéven-
tuelle de la Cour enmatièrede contentieux de la légalitédesdécisionsu
Conseil de sécuritée,t sans mêmeavoir àse souvenir qu'en tout étatde
cause l'exercicede cette éventuellecompétence serait prématurédans la
phase actuelle de demande en indication de mesures conservatoires, il

suffit de ne pas perdre de vue que la Cour n'a nullement été saisiede ce
vaste différendportédevant le Conseil de sécurité.La Cour s'estdonc
interditàbon droit de contrôler le Conseil de sécuritédans son pouvoir
exclusif d'appliquerà cette affaire un traitement politique, c'est-à-dire
échappant aux normes et procédures applicablesdans une institution
judiciaire commelaCour. Celle-ci,nepouvant oublier,niqu'ellen'estpas
saisie,ni qu'elle setrouve,de surcroît, dansune phase où elles'interditde
trancheraufond, nepeutpasappliquer sescritèresjuridiques pourappré-
cieren quoi que cesoitla légalitde cetraitement politique, mêmesil'on 152 CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.BEDJAOUI)

est d'avisqu'au moins deux faits devaientinviter le Conseil de sécurité

une particulière prudence avant de condamner 1'Etatlibyen: d'une part
l'enquête policière semblaitavoir longtempshésite éntre diversesautres
pistesetd'autrepartla résolution41/38 du 20novembre 1986de 1'Assem-
blée générale avaim t is aprèscoup hors de cause 1'Etatlibyen pour des
actesillicitesquilui valurent cependant en 1986lebombardement de son
territoireTripoli et àBenghazi.
19.Il reste que la Cour a refusé,de manière irréprochable,de suivre
une des Parties dans la critique de l'action du Conseil de sécurité qui
n'avaitpas songéàdemander un avisconsultatif àlaCour susceptiblede
l'éclaireravant d'adopter la résolution731 du 21janvier 1992.On peut
regretter cette abstention du Conseil, mais aucune disposition de la
Charte ne fait hélas!de la consultation de la Cour un acte obligatoire.
Tout a montréau contraire que le Conseilentendait appliquer de bout en
bout un traitement politiqueàune affairepolitique, alors que

«la Cour ...a conçu sa compétence en matière consultativecomme
une fonction judiciaire et, dans l'exercicede cette compétence,elle
s'esttenuedans leslimitespropres àl'actionjudiciaire.Ellea aginon
pas commeune «académiedejuristes »maiscommeune «magistra-
ture» responsable » (Manley O. Hudson, The Permanent Court of
InternationalJustice, 1920-1942,p.11).

De même iln'étaitpas possible d'exercer un contrôle judiciaire du
Conseillorsque celui-ci,enadoptant sarésolution731 (1992),s'étaitplacé
résolumentdans lecadre du chapitre VIde la Charte relatif au règlement
pacifique des différends,mais avaitpréféré certaines méthodd ee règle-
ment à d'autres.C'estainsi qu'iln'apas encouragélesEtatsqui l'ontsaisi
à s'adresserà la Cour, alors mêmeque l'article 36, paragraphe 3, de la
Charte lui faisait,semble-t-il,un certain devoir de

«tenir compte du fait que, d'une manière généralel,es différends
d'ordrejuridique devraientêtresoumispar lesparties àlaCourinter-
nationale de Justice conformément aux dispositionsdu Statut de la
Cour P.

20. De mêmeo , n nevoyaitpas commentleConseilde sécuritépouvait
êtrecensuré pour êtrepassédu chapitre VIaveclarésolution731(1992)au
chapitre VI1 avec la résolution748 (1992)et pour avoir ainsi qualifié
discrétionnairementune situation commesusceptible de menacer la paix
et la sécurité internationales. L'on stependant que dans l'affaire des
Conséquencejs uridiquespour lesEtats delaprésencecontinuede l'Afrique
duSudenNamibie(Sud-Ouestafricain)nonobstantlarésolution 276(1970)
du Conseildesécuritécertainsjuges s'étaientélevésontrela manièredont
le Conseil de sécurité a exercson pouvoir discrétionnairede traiter une
«situation...en relation aveclemaintien de la paix etde la sécuritéinter-
nationales » (C.I.J. Recueil1971,opinion dissidente de M. Gros, p. 340,

par. 34): 153 CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.BEDJAOUI)

((c'estunenouvelletentative pour modifierlesprincipes delaCharte

sur les pouvoirs reconnus par les Etats aux organes qu'ils insti-
tuèrent. Il ne suffit pas de dire qu'une affaire a un «écho» sur le
maintien de la paix pour que le Conseil de sécuritése transforme
en gouvernementmondial. »
De mêmeun autre juge déclarait en lamêmeaffaire, à propos de l'ar-
ticle 24de la Charte, que celui-ci

«ne limitepas les casoù leConseilde sécuritépeut agirour assurer
le maintien de la paix et de la sécur, tantentendu que la menace
invoquée ne doit être ni une simple fiction niun prétexte))(C.Z.J.
Recueil1971,opinion dissidente de sir Gerald Fitzmaurice, p. 293,
par. 112).

Et le mêmejugeajoutait plus loin que certaines
((limitationsauxpouvoirs du Conseildesécuritésonn técessairescar
il n'est que trop facile de présenter une situation internationale qui
fait l'objet de vivescontroversescommeimpliquant une menace la-
tentecontrelapaixetlasécuritém, ême sielleesttropéloignépeourpa-
raître authentique. Sans ces limitations, les fonctions du Conseil de
sécuritpourraientêtre utiliséesdesfins quin'ont jamaisétéprévues
àl'origin..[Illn'existaitaucune menacecontrelapaix ou lasécurité

autre que celle qui pouvait être suscitée artificiellementet comme
prétexteà atteindre des objectifs inavoué. (Zbid.,p. 294,par. 116.)
21. Cesopinions apparurentau momentoù la Cour devaitdébattredes
conséquencesattachées àlarévocationdu mandat del'AfriqueduSudsur
la Namibie, décidéepar l'Assembléegénéraleet «confirmée» par le
Conseil de sécuritéC. e qui importe ici n'est pas bien entendu le cas en
lui-même,maisledébat,symptomatiqueetactuel,qui s'estinstaurésur les
limitessusceptiblesd'êtreassignéesàl'actiondu Conseildesécurité etsur

le souci exprimépar certains juges d'éviterqu'«il excèdeses pouvoirs»
(ibid., opinion dissidente Fitzmaurice, p. 295, par. 116 infine). D'une
manière généralel,a question de la validité des résolutions des organes
principaux desNations Uniesau regard delaCharte et/ou du droitinter-
national a fait l'objet de nombreux travaux et de grands auteurs se sont
interrogéspar le passésur la légalitde certaines d'entre elles (voirpar
exempleHans Kelsen, fie Law of UnitedNations,Londres, 1951,p. 195,
197 et suiv., 287 et suiv, et passim). Mais en la présente circonstance,
comment la Cour, qui n'est pas saisie du différend plus large, peut-elle
contesterqueleConseildesécurité estmaîtredelaqualificationdessitua-
tionsinternationales etqu'ilpeut seplacersurleterrain du chapitre1de
la Charte, mêmes'ilpeut paraître déroutant à plus d'un que l'horrible
attentat de Lockerbieestvuaujourd'huicommeune menacepressante àla
paix internationale alors qu'ils'estproduit ily aplus de troisans? 154 CONVENTION DE MONTRÉAL DE 1971(OP. DISS.BEDJAOUI)

22. Si l'on garde doncàl'esprit la distinction simple mais essentielle
établieau débutde la présente opinion, entrele différendjuridique bien
précissoumis à laCour etledifférendpolitique plusvasteportédevant le
Conseilde sécuritéo,n comprendparfaitement que laCour nepuisse que
s'interdire,par fonction etpar attribution,de connaître de quelqueaspect

que ce soit des solutionspolitiques apportéespar le Conseil de sécurité.
Cette attitude de la Cour restedéfendableouraussilongtempsqu'aucun
élémend te cessolutionspolitiques du Conseilnevienneécarter,interdire
ou rendre impossiblela solutionjuridique attendue de la Cour. estclair
quedans cecasc'estlafonctionjudiciaire quiseraitatteinte dans saraison
d'êtreC. 'est cequi seproduit icidans lazone de chevauchementdesdeux
différends où la question de l'extradition de deux individus reçoit du
Conseilune solution qui prive detout sensla solution de la Cour.

23. Une telle situation, dans laquelle la Cour aurait dû indiquer des
mesures conservatoires au seul vu de la valeur propre du dossier pour
protégerun droit que leConseil de sécuritéannihilparsa résolution748
(1992)alorsquel'affaireestsubjudice,n'estpas satisfaisantepour lafonc-
tionjudiciaire. Elle l'estencore moins lorsque l'un des deux Etats défen-
deurs, les Etats-Unis d'Amérique,demande à la Cour de renoncer

purement et simplement à exercer son devoirjudiciaire et de s'incliner
devant le Conseil de sécurité«pour éviter d'entreren conflit» avec lui.
Dans une lettre du 7 avril 1992,l'agentdu Gouvernement américain, en
réponse àlalettredu4avrilpar laquellela Courinvitait1'Etatdéfendeurà
formuler ses observations éventuellessur.les conséquencesde la résolu-
tion 748(1992)sur laprésente procédure, avaiten effetdéclarque «pour
éviter toutconflitavec le Conseilde sécuritél,a Cour devrait rejeter la
demandeenindicationde mesures conservatoiree snl'espèce)(lesitaliques
sont de moi). Undes conseilsdes Etats-Unisne réclamaitpas autrechose
de la Cour durant les audiences, c'est-à-direvant même que la résolu-
tion748(1992)n'intervienne«: La Cour, a-t-ildéclar, oitexaminersison
actionrisque d'entrerenconflitaveclesmesuresqueleConseilaadoptées
ou envisage actuellement ..» (Audience publique du 27 mars 1992,
CR 92/4, p. 67; les italiques sont de moi.) De telles invitations faites
clairement àla Cour de renoncer àl'exerciceindépendant desa fonction

judiciaire laissent perplexe. En d'autres temps, le Conseil de sécurité
attendait la décisionde la Cour. Dans l'affairedenglo-IranianOilCo.,
leConseil,saisien 1951par leRoyaume-Uniqui luidemandaitdeprendre
desmesurescontrel'Iran, avaitrepousséla discussionjusqu'à la décision
de la Cour. Aujourd'hui encore,au sein du Conseil de sécurité,plusieurs
Etatsmembres, qu'ilsaient ou non votépour lesrésolutions73 1(1992)et
748 (1992),ont expriméleur conviction profonde qu'il estnécessairede
laisser la Cour accomplir sa mission et de fait ils attendent de la Cour
qu'elle exprimela légalitéinternationale. 24. Larésolution748du31mars 1992du Conseildesécuritédisposeen
sonparagraphe 1 «queleGouvernementlibyen doit désormaisappliquer
sans le moindre délai leparagraphe 3 de la résolution731(1992)concer-

nant lesdemandes »que lesdeux Etatsdéfendeurs lui avaientfaiteset en
particulier la demande d'extradition qui fait tout l'objet de la présente
procédure.Le «conflit » est là. Au cours des audiences, 1'Etatrequérant
avaitposé entermes généraux la question de la validité constitutionnelle
de la résolution731 du 21 janvier 1992déjà,la résolution748 (1992)
n'étantpasencoreintervenue(audiencepublique du 26mars 1992(matin)).
Cette question devaliditérisquede poser deuxproblèmesconsidérables,
sérieuxet complexes à la fois,qui sont de savoir si le Conseil de sécurité
doit, dans son action, premièrement respecter la Charte des Nations
Unies etdeuxièmementrespecterledroit international général.
25. Le premier problème est peut-être le moins difficile des deux.En
simplifiant beaucoup, on pourrait dire qu'ilne serait pas déraisonnable
d'affirmer que le Conseil de sécuritédoit obéir à la Charte d'une part
parce que c'estl'acteauquel il doitjusqu'à son existenceetd'autrepart et
surtout parce qu'il estau servicede cette Charte et de l'organisation des

Nations Unies. Lestravaux préparatoiresde la Conférencede San Fran-
ciscoont montré combienl'on était préoccupé par ce problèmeet il s'en
dégagequel'espritdelaCharte estbien d'empêcher leConseildesécurité
de s'affranchiren quoi que ce soit de cette Charte.
Maisen plus de sonesprit, letextemêmede laCharte va dans lemême
sens. L'article24,paragraphe 2, de la Charte dispose expressémentque :
«Dans l'accomplissement de [ses]devoirs, le Conseil de sécurité agit
conformémentauxbuts etprincipes desNationsUnies. »L'une desques-
tions qui seposeraient alorsserait de savoirsiun organepeut agir detelle
manière à rendre impossible la mission de l'autre. Et cela vaut du reste
autant pour le Conseil de sécurité qupour la Cour elle-mêmet,ant il est
vrai que la Charte prescrità chacun des organes des Nations Unies de
s'acquitter pleinementde sa mission etde n'en abdiqueraucune parcelle
pour concourir à laréalisationdesbutsetprincipes desNations Unies.Or
l'article92dela Charte dispose que la Cour estl'organejudiciaire princi-

pal desNations Unies etl'article36de sonStatut,qui estpartie intégrante
de la Charte, confèreà la Cour le pouvoir de régler«tous les différends
d'ordrejuridique ayant pour objet: a) l'interprétationd'un traité;b)tout
point de droitinternational;..9
26. Quant au second problème concernant le respect du droit interna-
tional par le Conseil de sécurité,il est plus aigu. Lorsque l'article 24
de la Charte, cité ci-dessus,fait devoir au Conseil de se conformer aux
«buts et principes des Nations Unies», cela nous renvoie à l'article 1,
paragraphe 1,de celle-ciqui préciseque la démarchedu Conseil de sécu-
rité (caril s'agitde lui essentiellementdans lecontexte de cetarticle)doit
s'ordonner «conformémentauxprincipesdelajustice etdu droitinterna-
tional».CertesleConseildoitobéiraux«principes delajustice »,expres-
sion relativement vague, au mêmetitre qu'il doit aussi d'ailleurs être
inspirépar d'autres principes, politiques ou autres; mais l'essentielquinous concerne icin'est-ilpas qu'il esttenu de respecter «les principes du
droit international »,expressionplus précisepour les internationalistes ?
Parlant d'un principede droitinternational, un ancienjuge dela Cour,sir
Gerald Fitzmaurice,déclarait :

«C'estlàun principe de droit international solidementétabli - et
leConseildesécurité y esttoutaussisoumis(carlesNations Uniessont
elles-mêmeu sn sujetdu droitinternational) quen'importe lequeldes
Etats Membres.» (Conséquencesjuridiques pour les Etats de la
présencecontinue deIYfriqueduSudenNamibie(Sud-Ouestafricain)
nonobstantla résolution 276(1970)du Conseildesécurité,avis consul-
tatg C.I.J. Recueil1971,opinion dissidente, p. 294,par. 115 ;lesitali-

ques sont de moi.)
27. Maispour autantque la question de lavaliditéde la résolution731
(1992)et surtout de la résolution748 (1992)se poserait au regard de la
Charte ou du droit international, il convient de tenir compte là aussi du
fait que la Cour ne peut pas, à ce stade préliminairede la procédure, se

prononcer sur desquestions de substancedesdeux affaires. De sorte que
lasituationdoit, àmonavis,serésumercommesuit :d'un côtéj'estimeque
lesdroitsalléguép sar la Libyeexistentprimafacieet quetoutes lescondi-
tionshabituellement misespar laCourpour indiquer desmesuresconser-
vatoires sont remplies en-l'espèce pour que ces droits puissent être
sauvegardés conformément à l'article 41 du Statut de la Cour. Et c'est
sur ce point que je suis réservé à l'égarddes deux ordonnances de la
Cour. Encore que celle-cin'apas écarté complètemend tans sesmotifsla
possibilité d'indiquer des mesures conservatoires,si l'on se réfèreau
paragraphe 43 de l'ordonnance («quelle qu'ait étéla situation avant

l'adoption de [la] résolution [748 (1992)]»). Mais d'un autre côté,la
résolution748 (1992)du Conseil de sécurité a annihilé ces droits de la
Libye,sansqueI'onpuisseencettephase demesuresconservatoires,c'est-
à-dire de préexamenprimafacie, s'autoriser àtrancher prématurément la
question de fond concernant la validité constitutionnellede cette réso-
lution, desorte qu'ellebénéficie d'une présomptiod ne validitéetqu'elle
doit êtretenue primafacie pour légaleet obligatoiret. Je suis donc sur ce
second point d'accord avecla majoritéde la Cour.

pour effet, non pas de retirer un droittat demandeur, mais d'empêcherla Courjet, ou
elle-mêmede s'acquitter de la fonctionjudiciaire dont laCharte l'ainvestie,auquel cas
I'on pourrait sérieusement s'interrogersur la légalitéde cette résolution,mêmeà ce
stade des mesuresconservatoires. Il serait en effetmanifestementincompatible avec la
Charte qu'un organe des Nations Unies empêche laCour de remplir sa mission, ou la
place enfait dansun étatde subordination qui seraitcontraire au principe dela sépara-
tion etde l'indépendancedu pouvoirjudiciaire vis-à-visdu pouvoir exécutifau seindes
Nations Unies. 157 CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.BEDJAOUI)

28. Ainsi, et commel'a dit la Cour, la Libye,en tantu'Etat membre
desNations Unies,paraîttenue d'accepteretd'appliquerlarésolution748
(1992)du Conseilde sécurité,réputéelége atleobligatoireàcestadede la
procédure,mêms eil'article25delaCharte neperd pas devuelaquestion
delaconformité à cetteCharte(dans unerédactiond'ailleurs ambiguëqui
semblepeut-être imposer cette conformité pour la résolution aussi bien
que pour son acceptation par les Etats membres).
29. La situation ainsi caractérisée, avec des droits méritant d'être
protégés par l'indicationde mesures conservatoires,mais aussitôt abolis
par une résolutiondu Conseildesécuritéméritant d'êtte rnueprima facie
pour valide, nerentre pas complètementdans lemoule de l'article 103de
la Charte; elle en débordelégèrement. Cet article qui fait prévaloirles
obligations en vertu de laCharte (icile respect par la Libyede la résolu-
tion 748 (1992))sur les obligations «en vertu de tout accord internatio-

nal »(icila conventionde Montréalde 197l), d'une part visedes «obliga-
tions»alors qu'il s'agitde «droit» alléguéset protégé par des mesures
conservatoiresdans ma perspective, et d'autre part ne visepas les droits
qui peuvent avoir une source autre que conventionnelle et être tirésu
droit international général.
30. Sousréservede cettenuance, ilestclairque la Cour ne pouvait que
constater cette situation et dire qu'à ce stade de la procédure un tel
((conflit»réglépar l'article103delaCharte aboutissait enfin decompteà
rendre enfaitsans effetutilel'indicationdemesuresconservatoires.Mais
ledispositifdesdeuxordonnances seplaceau seuildetoutel'opérationet
décide que laCour n'a pas, compte tenu des circonstances,à exercerson
pouvoird'indiquer desmesuresconservatoires.Lanuance quej'yapporte
estqueledossierdel'affairejustifiaitl'exercice effectifdecepouvoir,tout
en observant que ses effets avaient été nullifiéspar la résolution748
(1992).Je parviens donc concrètement au mêmerésultat que la Cour,
moyennant unetout autre démarchemaisaussiaveccettenuance impor-
tante qui me fait non point rejeterla demandede mesures conservatoires

maisplutôt déclarerses effetsdisparus.Par ailleursje partage l'opinionde
la majorité selonlaquelled'unepart la Cour

«n'est pas habilitéàconclure définitivementsur lesfaits et ledroit,
et que sa décision doit laisserintactle droit des Parties de contester
lesfaits et de fairevaloirleurs moyens sur le fond» (par. 41)

et d'autre part qu'«une décision rendue en la présente procédurene
préjugeenrien aucune [des] question[s][soulevéedevant elle...y compris
la question relative sa compétencepour connaître du fond]» et qu'elle
((laisseintact le droit du Gouvernementlibyen et celuidu Gouvernement
des Etats-Unis de fairevaloirleurs moyens en cesmatières»(par. 45). 31. Cela dit,je voudrais reveniàmon opinion selonlaquellel'indica-
tion demesuresconservatoiresaurait dû s'imposeràla Coursur labase du
dossierquiluiavait étésoumis,mêmesises effetsontpu êtremisenéchec
par la résolution748(1992).Ilya lieu d'ajouter qu'à supposermêmeque
la majoritéait conçu quelque doute, queje n'aipersonnellement pas, sur
la capacitéde1'Etatrequérantà avoirremplitelle outellecondition néces-
saireàl'indicationdemesuresconservatoires,ilrestaitencore à laCour la
ressourced'indiquer elle-même propriomotutoute mesure conservatoire
qu'elle auraitjugéplus appropriée quecellesqui étaient sollicitéd'elle

par1'Etatrequérant.C'eût été conforme non seulement à l'article 41 de
son Statut etl'article 75 de son Règlement,mais encore à sa jurispru-
dence également.Dans l'affaire du Différend frontalier (Burkina Faso/
République duMali), mesuresconservatoires,il avait éjugéen effet que:

((indépendammentdesdemandes présentéespar lesparties en indi-
cation de mesures conservatoires, la Cour ou, par conséquent, la
Chambre dispose en vertu de l'article41du Statut dupouvoird'indi-
querdes mesures conservatoires en vued'empêcher l'aggravation ou
l'extensiondu différend quand elle estime que les circonstancesxi-
gent»(ordonnancedu1Ojanvier1986,C.I.J.Recueil1986,p.9,par. 18 ;

lesitaliquessont de moi).

32. C'estlà une jurisprudence qui, au lieu de s'attachàl'examende
chaque condition mise à l'indicationdemesuresconservatoires,privilégie
une analyse globale des «circonstances » de l'affaire et, sur cette base,
décide d'indiquerces mesures en termes généraux d'exhortation faite à
toutes les parties de ne pas aggraver ou étendrele différend.La mesure
conservatoire prise ainsi en forme d'exhortation n'est nullement subor-
donnée à l'indication d'autresmesures conservatoires plus spécifiques.
L'exhortation est une mesure indépendante et non nécessairement
connexe ou liéeàd'autres, de sorte qu'à supposerque la Cour aurait été
fondéedans la présente affaire à considérer que telle ou telle condition

fait défautpour indiquer certaines mesures spécifiques, elle avait du
moinslaressourcederetenir une mesuregénérale indépendanteenforme
d'appel aux Parties àne pas aggraver ou étendre le différend,ou encore
d'exhortation àellesadresséedeserapprocher pour réglerledifférendde
façon amiable, soit directement, soit par l'intermédiairedu Secrétariat
général des Nations Unieset de celui de la Liguearabe, comme c'estdu
reste cequi sefait cesjours-ci.

33. C'estlàtoutelaressourcelargementofferte parla jurisprudence en
l'affairecitéeduDifférenfdrontalier (BurkinFaso/République duMali)et
prolongée de manière intéressantepar la récente jurisprudence en
l'affaire duPassage parle Grand-Belt(Finlandec. Danemark).En cette

dernière affaire,la Cour a d'abord rappelé sa jurisprudence desZones
franches conçueen cestermes: 159 CONVENTIONDE MONTRÉALDE 1971 (OP. DISS. BEDJAOUI)

«le règlementjudiciaire des conflitsinternationaux, en vue duquel

la Cour est instituée,n'est qu'un succédané aurèglementdirect et
amiablede cesconflits entre les Parties;..dèslors,il appartientàla
Cour de faciliter, dans toute la mesure compatible avec son Statut,
pareil règlementdirect et amiable ..D (Zonesfranchesde la Haute-
SavoieetduPaysde Gex,C.P.J.I.série A no22,p. 13 ;voir aussi Diffé-
rendfrontalier,C.I.J.Recueil1986,p. 577,par. 46.)~
Puisla Cour a ajoutéce qui suit:

«en attendant une décisionde laCour surle fond, toute négociation
entre les Partiesen vue deparvenir àun règlementdirectet amiable
serait la bienvenue» (Passagepar le Grand-Belt(Finlandec. Dane-
mark), mesures conservatoires, ordonnanc deu 29juillet 1991, C.I.J.
Recueil 1991,p. 20,par. 35).

34. Une indication d'une mesure conservatoire de cettenature, au vu
des circonstancesgravesde laprésenteaffaire,n'aurait-ellepas constitué
desurcroîtunefaçonélégantedesortirdel'impasse créép ear l'opposition
entre d'unepart lesmesures conservatoiresplusspécifiquesqu'aurait dû
prendre la Cour sur la base des demandes de 1'Etatrequérantet d'autre
part larésolution748(1992)du Conseil de sécuritéqui en aurait detoute
manière annihiléles effets? Façon élégantede contourner la difficulté
majeure, mais aussifaçontrès profitable,pour le bien detous,d'aider au
règlementdans une direction qu'ilsembleeffectivementprendre ...

Je regrette donc que la Cour n'ait pu indiquer des mesures conserva-
toires nispécifiquesàlademandede 1'Etatrequérant,nigénéralep sroprio
motu, pour apporter sa propre contribution positive au règlement du
différend.Je ne puis donc, en fin de compte, que voter contre les deux
ordonnances.

(Signé)Mohammed BEDJAOUI.

Bilingual Content

OPINION DISSIDENTE DE M. BEDJAOUI

1. L'affaireportéedevantlaCour areçudelapart decelle-ciun intitulé
très neutre, conformément àsa bonne habitude. Il y est sobrement ques-
tion ({d'interprétation et d'applicationde la convention de Montréalde
1971résultantdel'incident aériende Lockerbie».Ilnes'agitpasque d'un
simple ((incident» mais d'un abominable attentat à l'explosif qui a fait
deuxcentsoixante-dixvictimesetqui exigelarecherche,lapoursuite etla
condamnation sévère de sesauteurs, quels qu'ilssoient. Mais quelle que

soit l'indignation légitimeque cet odieux attentat suscite, la condamna-
tion de sesauteurs ne doit se faire que dans le strict respect de la légalité
internationale.
2. L'examende cettelégalitéinternationalepar la Cour est complexe.
Cela estdû d'abord au faitque laCour setrouve à latoute premièrephase
de la procédure, celle concernant seulement l'indication de mesures
conservatoires.ParhypothèselaCourdoitdonc s'interdire à cestadede se
prononcer sur le fond, c'est-à-dire sur cette légalité internationale.La
phase actuellene luipermet d'avoir qu'une idéeprovisoireetsimplement
prima faciedu dossier, en attendant de se saisir du fond dans toutes ses
dimensions.Lacomplexitédelasituation estensuiteet surtout due aufait
que cetteaffairereçoit simultanémentun double traitement devant deux
instances différentes,le Conseil de sécuritéet la Cour internationale de
Justice.Ce n'estpas lapremièrefoisque cesdeuxorganesprincipaux des
Nations Unies exercentsimultanément, àpropos d'une mêmeaffaire, les

compétencesrespectives que leur confère la Charte (voir par exemple
l'affaireduPersonneldiplomatique etconsulaire à Téhérao nu l'affaire des
Activités militairesetparamilitaiasuNicaraguaetcontrecelui-ci).Mais si
letraitementconcomitant depouvoirsconcurrentsmais non exclusifsn'a
jusqu'iciposéquepeu de problèmes,la présente affaireau contrairepose
à la Cour de manière sérieuse la questionnon seulement de l'influence
possible des décisionsd'un organe principal sur l'examen de la même
question par l'autre organe principal, mais aussiplus radicalement de la
contrariété possibleentre les décisionsde ces deux organes et de la
manièredetraiter une aussidélicatesituation.

3. Le différendd'ordrejuridique présenté devantla Courporte essen-
tiellement, comme son titre l'indique, sur l'interprétationet l'application
de la convention de 1971de Montréal.Il estdemandé àla Cour de diresi
la requérante, laLibye, a le devoir international d'extrader deux de ses

ressortissants,auteursprésumésdel'attentatde Lockerbie,pour leslivrer
aux autorités judiciaires américaineset britanniques. Les deux Etats
défendeurs, Etats-Unis d'Amériqueet Royaume-Uni, affirment l'exis- DISSENTING OPINION OF JUDGE BEDJAOUI

[Translation]

1. In accordance with its commendable practice in that regard, the
Court has givena veryneutral title to the casebrought before it. Thetitle
refersblandlyto the "interpretation and application of the 1971Montreal
Conventionarisingfrom the aerial incident at Lockerbie".Whatoccurred
is not a mere "incident" but an abominable bombing that took 270lives
and demands the apprehension, prosecution and severesentencing of its
perpetrators, whoeverthey may be. Butwhateverthe legitimateindigna-
tion that this detestable outrage may have aroused, its perpetrators must
be brought to book only in strict conformity with international legality.

2. Theexamination bythe Court ofthisinternational legality isa com-
plexmatter.Thisisdue,to begin with,to thefactthatthe Court finds itself
at the very first stage of the proceedings, the one concerning solely the
indication of provisional measures. The Court therefore must, ex hypo-
thesi,refrain at this stagefrompronouncing on the merits,that is,on this
international legality.Thepresent phase allowsit onlyto entertain a pro-
visionaland merelyprima facieidea ofthe case,pending later considera-
tion of the merits in a fully comprehensive way. The complexity of the
situation is, moreover, due primarily to the fact that the cases are being
dealt with simultaneously by two different organs, the Security Council
and the International Court ofJustice.Itisnotthefirst timethat thesetwo
principal organs of the United Nations simultaneously exercise, with
respect to a single case,their respectivecompetences under the Charter
(see, forexample, the case concerning Diplomaticand ConsularStaff in
Tehran or the one concerning Militaryand Paramilitary Activitiesin and
against Nicaragua). But,ifthe concomitant exerciseofconcurrent but not

exclusivepowershas thus far not givenriseto serious problems,the pres-
ent case,bycontrast,presents the Court not only withthe gravequestion
ofthe possibleinfluence ofthe decisionsof a principal organ on the con-
sideration ofthe samequestionbyanother principal organ,but also,more
fundamentally, with the question of the possible inconsistencybetween
the decisionsofthe two organsand ofhowto dealwith sodelicatea situa-
tion.
3. Asitstitleindicates, the dispute of a legalnature brought before the
Court concerns essentially the interpretation and the application of the
1971 Montreal Convention.The Court is askedto determine whether the
Applicant, Libya, is under an international legal obligation to extradite
two of itsnationals, who are allegedto be the perpetrators ofthe Locker-
biebombing,in order that theybe deliveredup to the Arnericanand Brit-
ishjudicial authorities.The two Respondent States,the United Kingdom144 CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.BEDJAOUI)

tence d'une telleobligation,pendantque la Libyela conteste,cequi scelle

l'existence entre les trois Etats d'un différend d'ordre juridique bien
circonscrit.Mais en attendant qu'ellepuissetrancher celui-ciau fond, la
Cour a été priée par la Libye d'indiquer des mesures conservatoires
propres à garantir que sa décision finalene perde pas son effet utàlla
suite de quelque mesure ou action qu'entreprendraient les Parties entre-
temps.
4.Mais parallèlement àce différendd'ordrejuridique trèsprécis,les
Etats-Unis et le Royaume-Uni ont saisile Conseil de sécuritéd'un autre
différend visant à mettre en cause 1'Etatlibyen, accusépar eux d'être
impliquédans leterrorisme en générae lt dans l'attentat de Lockerbieen
particulier. Ce différendest très distinctdu premier. En effet lepremier
portesur l'extraditiondedeuxnationaux etreçoitun traitementjuridique

devant laCour surdemande de la Libye,tandis que le second porte plus
largement sur le terrorisme d'Etat et la responsabilité internationale de
l'Etatlibyenetreçoitquant à luiun traitementpolitique devantleConseil
de sécuritésurdemande des Etats-Uniset du Royaume-Uni.

5. S'agissantdu traitementjuridique du premierdifférendpar la Cour,
il n'est nullement demandé à celle-ci dans la présente instancede se
prononcer surleterrorisme d7Etatetlaresponsabilitéinternationaledela
Libye et cela d'autant moins que les deux Etats défendeurs n'ont pas
formuléune demande reconventionnelle à cet effet, àla suite de l'intro-
duction de la requête libyenne.Le second différend,portant sur la res-
ponsabilité internationale de la Libye, a reçu une solution strictement

politique notamment par une miseen cause de la responsabilitéde l'Etat
libyen,par unedemande d'indemnisation desfamillesdesvictimesetpar
l'impositiond'uneobligation de renoncer concrètementau terrorisme, là
où une solutionjudiciaire, forcémentplusexigeantesur la procédure,eût
nécessitéau préalableune administration de la preuve, un débat contra-
dictoire etun((dueprocessoflaw».
6. Ilétaitdu droitleplusabsolu pour la LibyedesaisirlaCourdu diffé-
rend portant sur l'extraditionpour en escompter une solutionjudiciaire,
commeil étaitdu droit leplus absolu pour lesEtats-Unis et le Royaume-
Uni desaisirleConseilde sécurité du différendportant sur laresponsabi-
litéinternationalede la Libyepour en obtenir une solution politique. Les
missions respectivesdu Conseil de sécuritéet de la Cour se situent bien

ainsisurdeuxplansdistincts etavecdesobjetsdifférentsetrequièrentdes
méthodesspécifiques de règlementconformes àleurspouvoirsrespectifs
propres. Une telle situation comportant deux démarches distinctes des
deux organesprincipaux des Nations Unies avecdescompétencesparal-
lèles n'est au demeurant pas inhabituelle, comme je l'ai dit au para-
graphe 2ci-dessus.Maisla difficultédanslecasprésent réside dans lefait
que leConseilde sécurité a non seulementdécidéd'un certain nombre de
mesures politiques à l'encontre de la Libye, mais a aussi réclaméd'elle
l'extraditionde ses deux nationaux. C'est cettedemande spécifiquedu
Conseil quicréeun chevauchementsur la substancemêmedu différendand the United States,assertthat suchan obligationexists,whereasLibya
contests this view,which clearlydemonstrates the existencebetween the
three Statesofawell-definedlegaldispute. Butpendingits decisiononthe
merits, the Court has been asked by Libya to indicate such provisional
measures as may be required to ensure that its final decision is not
deprived of effectivenessas a result of a measure or action taken by the
Parties inthe meantime.
4. Butin parallel with this veryprecise legaldispute, the United King-
dom and the United States have brought before the Security Council
another dispute involvingthe Libyan State, which they accuse of being
implicatedinterrorism ingeneral andin the Lockerbiebombing in parti-
cular.Thisdispute isquitedifferentfromthefirstone.For the firstdispute

concerns the extradition oftwo Libyannationals and isbeing dealt with,
legally,by the Court at the request of Libya, whereasthe second dispute
concems, more generally, State terrorism as well as the international
responsibility of the Libyan State and is being dealt with, politically, by
the Security Council, at the request of the United Kingdom and the
United States.
5. Withregardto the roleoftheCourt, asajudicial organ, withrespect
to the first dispute, the Court is in no way requested in the present pro-
ceedings to pass judgment on state terrorism and the international
responsibilityofLibya,particularly sincethetwo Respondent Stateshave
presented no counter-claim in response to the Libyan Application. The
second dispute, concerning the international responsibility of Libya,has
been resolvedina strictlypolitical way,the chiefelementsofthe solution
beingthe findingthat Libyaisresponsible,a demand ofcompensation for
the familiesof the victimsandthe imposition of an obligationconcretely
to renounce terrorism,whereas ajudicial solution, whichnecessarilysets
higher procedural standards, would have required, as a preliminary, the
production of evidence,adversary proceedings and respect for due pro-
cessoflaw.

6. Libyawasfullywithinitsrights in bringingbefore theCourt, with a
viewto itsjudicial settlement, the dispute conceming extradition,just as
the United Kingdomandthe United Stateswerefullywithintheirrights in
bringing before the Security Council, with a view to its political settle-
ment,the dispute on the international responsibility ofLibya.Therespec-
tive missions of the Security Council and the Court are thus on two
distinct planes, have different objects and require specific methods of
settlementconsistent with their own respective powers. Such a situation,
involving two distinct procedures before two principal organs of the
United Nations having parallel competences, is, 1 might add, not an
unusual one, as 1observedin paragraph 2 above.Butthe difficultyin the
present case liesinthe factthatthe SecurityCouncil not onlyhasdecided
to take a number of political measures against Libya, but has also
demanded from it the extradition of itstwo nationals.It is this specific
demandofthe Councitlhatcreatesanoverlapwithrespecttothesubstanceof
thelegaldisputewithwhichthe Court must deal, ina legal manner,onthe 145 CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.BEDJAOUI)

d'ordrejuridique auquella Courest chargée dedonneruntraitementjuridi-
quesurlabasedelaconventiondeMontréad l e1971etdudroitinternational
engénéral. Ainsila question de l'extradition s'exposaitau risque de deux
solutions contradictoires, l'une politique, l'autre juridique, et d'une
contrariété entre la décisione la Cour et celledu Conseil de sécurité.
7. Une telle contrariétéde décisions entre deux organes des Nations
Uniesseraitpréoccupante.Car la Cour n'agénéralementpas pour rôlede
contrôler en forme d'appel les décisionsdu Conseil de sécuritédans sa
haute missionde maintien de la paix et de la sécuritéinternationale, as
plus que le Conseil de sécuritn'apour rôle de sesubstituer àla Cour en

portant atteinteàl'intégritde sa fonctionjudiciaire internationale. Or la
présente affaire,au stade des mesures conservatoiresdemandéespar la
Libye,noussituedans cetteperspective decontrariété de décisionsdu fait
qu'une des exigences du Conseil de sécuritécréeune «zone grise» de
chevauchement d'attributions et instaure un conflit de compétences.Le
dossier de l'affaire autorisait en effet la Cour indiquer des mesures
conservatoires pour sauvegarder les droits éventuelsde la partie requé-
rante àrefuserl'extradition de deux de sesnationaux alorsque leConseil
de sécuritévient de prendre une décision obligatoireau titre du cha-
pitreVI1de la Charte d'extrader cesdeux individus.

8. Toutes les conditions me paraissent avoir étremplies pour que la
Cour indique des mesures conservatoires à la demande de YEtatrequé-
rant, en attendant de se prononcer sur le fond. Tout d'abord il n'est
contesté parpersonne qu'il existe devant la Cour un différend d'ordre
juridique portant sur des questions de droit très précises découlantde
l'interprétationet de l'application de la convention de Montréalde 1971.
Parailleursla compétencede la Cour estétabliesurlabase del'article 14,
paragraphe 1,deladiteconvention.Cetarticle subordonne lasaisinedela
Cour àune premièrecondition,celledesnégociationspréalablesentreles
parties. Elle est parfaitement remplie. L'analyse que j'ai rapidement

esquisséeci-dessus au sujet de la dualitéet de la non-identité des diffé-
rends présentés parallèlement àla Cour et au Conseil de sécuritémontre
quelanégociationrecherchée pour réglerlaquestion del'extradition était
par nature etpar essence àjamais inopérante.Dèslors que la Libyerefu-
sait l'extradition de ses ressortissants et proposait d'autres solutions de
rechange(remisedesdeux suspectssoit aux Nations Unies ou àla Ligue
arabe, soit aux autorités judiciaires d'un pays tiers, oune juridiction
internationale judiciaire ou arbitrale, alors que les Etats-Unis et le
Royaume-Uni n'offraient à la Libye que le choix entre une extradition
non négociablepar principe et des sanctions du Conseil de sécurité)i,l
apparaissait àl'évidence quela notion mêmede négociationne pouvait

trouversaplacedans untelcontexte.Lajurisprudence deladevancièrede
la Cour estàcet égard éclairante: 1971 MONTREALCONVENTION (DISS .P. BEDJAOUI) 145

basisofthe1971MontrealConventionandinternationallawingeneral.The
risk thus arose of the extradition question receiving two contradictory
solutions, one legal,the other political, and of an inconsistencybetween

the decision ofthe Court and that ofthe SecurityCouncil.

7. Suchan inconsistencybetweenthe decisions oftwo United Nations
organs would be a matter of serious concern. For it is as a rule not the
Court's roleto exerciseappellatejurisdiction inrespectofdecisionstaken
by the Security Council in the fulfilment of its fundamental mission of
maintaininginternational peace and security,no more than itisthe role of
the SecurityCouncil to take the place oftheCourt, thereby impairing the
integrity of its international judicial function. But, at this stage of provi-
sional measuresrequested by Libya,the present case compels us to con-
front this possibility of inconsistent decisions inasmuch as one of the
SecurityCouncil's demands creates a "grey area" in which powers may
overlapand ajurisdictional conflict cornesintobeing.For the factsofthis
casegivetheCourt thepowerto indicateprovisionalmeasures topreserve

the possible right of the Applicant to refuse the extradition of two of its
nationals, whereas the Security Council hasjust taken a decision that is
mandatory under Chapter VI1oftheCharter callingforthe extradition of
these two individuals.

8. Al1the necessary conditions appear to me to have been fulfilled in
order that the Court should have the power to indicate provisional mea-
sures at the request of the Applicant, pending a decision on the merits.
First of all,no onedoubts thatthe Court hasbefore it a legaldispute con-
cerningveryprecise questions of law arisingfrom the interpretation and
application of the 1971 Montreal Convention. Moreover the Court's
competence is established on the basis of Article 14,paragraph 1,ofthat
Convention. This Article subjects the submission of the matter to the
Courtto an initial requirement,namely, that prior negotiationsbetween

the Parties should have taken place. Thisrequirement has been satisfied
fully.The brief analysis1made earlier ofthe duality and non-identity of
the disputes submitted paripassuto the Court and the Security Council
showsthat the negotiations sought with a viewto settlingthe question of
the extradition wereessentiallyand in viewoftheir nature destined never
to become a reality. Since Libya refused to extradite its nationals and
proposed substitute solutions (surrender of the two suspects to the
United Nations, to the Arab League,to thejudicial authorities of a third
country, or to an international judicial or arbitral body, whereas the
United Kingdom and the United States only offered Libya the choice
between an extradition that asa matter ofprinciple wasnot negotiable or
theadoption ofsanctionsbythe SecurityCouncil),itwasobviousthatthe
very notion of a negotiatingprocess was meaninglessin such a context.
The case-lawofthe Court's predecessor is enlighteninginthis regard : 146 CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.BEDJAOUI)

«Une négociationnesuppose pas toujours et nécessairementune
sérieplusou moinslonguedenotes etdedépêchesc;epeut êtreassez
qu'une conversationait étéentamée;cetteconversation apu êtretrès
courte:tel estlecassiellearencontréun point mort, sielles'estheur-
tée finalementà un nonpossumusou à un nonvolumuspéremptoire
del'une desPartiesetqu'ainsiilestapparu avecévidenceque lediffé-
rend n'estpas susceptible d'êtrréglépar une négociation diploma-
tique. (ConcessionsMavrommatis enPalestine,C.P.J.I.série Ano2,
p. 13.)

C'estaussilajurisprudence de la présenteCour telle qu'elle se dégagde
l'affaireduPersonneldiplomatiqueet consulairedesEtats-Unisà Téhéran,
etdel'affaire desActivités militaireestparamilitairesauNicaraguaetcontre
celui-ci.
9. L'article 14,paragraphe 1,de la convention de Montréalde 1971
subordonne la saisine de la Courà une seconde condition préalablequi
aurait imposé àla Libyed'attendre l'écoulement d'un déladie sixmoisau
coursduquel elledevaitchercher un règlementdu différendpar lavoiede

l'arbitrage. Cette condition en l'espècene fait pas obstacàla compé-
tence de la Cour, pour plusieurs raisons. Tout d'abord lorsque, faisant
réponse à la demande d'arbitrage formuléepar la Libye,le représentant
permanent du Royaume-Uniauprès des Nations Unies a déclaré qu'elle
n'avait «aucune pertinence », cela signifàel'évidenceque le choix fait
par les Etats-Unis et le Royaume-Uni de saisir le Conseil de sécurité en
vue d'obtenir de lui une solution politique ne laisse d'embléeaucune
place à une solution arbitrale. La demande d'arbitrage apparaissait dès
lorscommefoncièrementinappropriéeetincompatibleavecletraitement
politique attendu du Conseil de sécuritet d'ailleurs intervenueffective-
ment. En conséquence lavoie de l'arbitrage étaitpar hypothèse et par
principe exclue,quelle qu'ait pu êtrela duréde l'attente de la Libye.Le
délaidesixmoisétaittout àfaitinopérantentantquenon cohérentavecle
type derèglementpolitique retenupar lesdeux Etats défendeurs,dèslors

qu'ilsont préféréle recours au Conseil de sécurienjanvier dernier. La
déclarationde «non pertinence »del'arbitrage signifieplusqu'unsimple
rejet de celui-cipar le Royaume-Uni, une affirmation péremptoire d'in-
compatibilitépar nature entre la voie de l'arbitrage demandé et celle
de la solution politique assortie de sanctions recherchéeau niveau du
Conseil de sécurité. t lefait que la Libyeaitfait par la suitedesproposi-
tions nouvelles autres que l'arbitrage est moins le signe d'une certaine
inconstance que l'élémenttémoinde l'impossibilitéde l'arbitrage, dont
elle a ainsipris acte. Par ailleursl'article 14,paragraphe 1, dela conven-
tion de Montréalde 1971énonceque c'est «dansles sixmois»quisuivent
ladatede lademande d'arbitragequelaCourpeut êtresaisie àladiligence
de l'une desparties. Cela signifiequ'iln'yapas lieu d'attendre lecomplet
écoulementdecedélai,maistoutau contrairequ'ilestpossible desaisirla
Cour «pendant » cette périodede six mois, ou «à l'intérieur» ou «au

cours»decedélaietjamais au-delà. LaLibyeestdonc recevableàsaisirla 1971 MONTREALCONVENTION (DISS .P. BEDJAOUI) 146

"Negotiations do not of necessity always presuppose a more or
lesslengthy seriesof notes and dispatches; it may suffice that a dis-
cussionshouldhavebeen commenced, and thisdiscussion mayhave

been very short; this will be the case if aad lock is reached, or if
finally a point is reached at which one of the Parties definitely
declareshimselfunable, or refuses,to give way,and there can there-
forebe no doubtthat thedisputecannotbesettledbydiplomatienego-
tiation."(MavrommatisPalestineConcessions,P.C.I.JS .,eriesA,No.2,
p. 13.)
Thisview issharedbythepresent Court, asshownbyitsrelevantholdings

in theDiplomatieandConsularStaffin Tehranand the MilitatyandPara-
militaryActivitiesinandagainst Nicaraguacases.

9. Article 14,paragraph 1,of the 1971 Montreal Convention subjects
the possibilityof seisingthe Court to the fulfilment of a second and prior
requirement,byvirtue ofwhich Libyawould havehad toawaitthe expira-
tion of a six-monthtime-limit during which ithad to seeka settlement of
the dispute by means of arbitration. There are severalreasons why in the
presentcasethisrequirement doesnot stand inthe wayofthe Court being
seised.It should first be noted that in response to the request for arbitra-
tionmadebyLibyathe PermanentRepresentativeofthe United Kingdom
to the United Nations stated that that request was "not relevant", since
this makes it obvious that the decision by the United Kingdom and the
United States to bring the matter tothe SecurityCouncil so as to obtain
from it a political solution foreclosed,from the outset, any possibility of

an arbitral solution.The request for arbitration therefore appeared to be
fundamentally inappropriate and inconsistentwiththepoliticalmeasures
which the Security Council was expected to take and were later taken.
Accordinglyarbitration wasinherently andas a matter of principle ruled
out,no matter howlongLibyawereto wait.Thesix-monthtime-limitwas
altogether meaningless inasmuch as it was inconsistent with the type of
politicalsettlementchosenbythe two Respondent States,seeingthat they
opted for submission of the matter to the SecurityCouncil last January.
TheUnited Kingdom'scharacterization ofarbitration as"not relevant" is
not merelya rejection ofthis mode of settlement,but a categorical asser-
tion ofthe inherentincompatibilitybetween the arbitration requested and
thepoliticalsolutioninvolvingsanctionsthat wasexpectedfromthe Secu-
rity Council. And the fact that Libya subsequentlymade new proposals
other than arbitration islessa signofa certain inconsistencythan an indi-

cation ofthe impossibilityof arbitration, an impossibilityofwhich Libya
thus took note. MoreoverArticle 14,paragraph 1,of the 1971Montreal
Convention provides that it is "withinsix months" following the date of
the request for arbitration thatthe Court maybe seised at the instance of
either one of the Parties. Thiseans that it is not necessaryto wait until
this time-limithas expired completely,butthat, on the contrary, it ispos-
sibleto seisethe Court "during" this six-monthperiod, or "within" or "inCour à tout moment avant l'épuisementdu délaide six mois. Ainsi la
condition rationetemporisprévue àlaconventions'interprèteenfaveurde
la Libyetant par exégèsedu texte que par référence à son esprit et à sa
finalitéd'une part et au contexte de la présente affaire d'autrepart. Et,
pour reprendre une formule dans laquelle seposait aussiune question de
délaipour convenird'un arbitrage,

«il tombesous lesensqu'ilnefautpas yvoirune conditionpréalable
àl'applicabilitéde la dispositionpréciseet catégorique [d'un article
d'un traité]quiprévoitla compétenceobligatoird ee laour» (C.Z.J.
Recueil1980,p. 25,par. 48).

10. Reste la compétence rationepersonae. Il a étésoutenu que la
convention de Montréalde 197 1ne donneraitpas compétence à la Cour
en l'espècedu fait que l'on serait ici en présenced'une affaire de terro-
risme d'Etat et non d'actes d'individus. Cette allégation appelleune
réponse àtrois niveaux différents. Tout d'abord l'article premier de la
convention de Montréalde 1971ne peut laisser subsister aucun doute
dans la mesure où il vise «toute personne)) qui commettrait certains
«actes»qualifiés d'«infraction pénale».Cela signifie que la convention
s'applique très largement à «toute» personne, qu'elle agissepour son
propre compte,ou au nom d'une quelconque organisation ou encore sur
ordre d'un Etat. Tout au plus, si la personne a commis l'infraction en
qualitéd'organe d'un Etat, la convention pourrait se révélern, on pas

inapplicable, maisplutôt inefficace dans lamesureoù 1'Etatquichoisirait
de ne pas extrader mais de fairejuger les suspects par sespropres tribu-
naux sejugerait lui-même,ce qui, on s'en doute bien, ne serait pas une
solutionsatisfaisante.En secondlieu,etcommeonl'avaitdéjàvu,laques-
tion de la responsabilitéinternationalede'Etatpour desactesillicitesde
cettenature aétéconfiéaeu Conseilde sécuritéetneconstitue pasdutout
lefonddu différendsoumis à laCour concernant l'existenceounon d'une
obligation internationale d'extrader des nationaux. En troisièmelieu, et
en tout étatde cause, il importe de ne pas perdre de vue la nature de la
phase actuelle de la procédureet de savoirque

«lorsqu7elle est saisie d'une demande en indication de mesures
conservatoires,la Cour n'a pas besoin, avant de décidersi elleindi-
quera ou non detellesmesures,de parvenir àune conclusion défini:
tive sur sa compétenceau fond ...mais qu'elle ne doit cependant
indiquer de telles mesures que si les dispositions invoquéespar le
requérant paraissent constituerprima facieune base sur laquelle sa
compétencepourrait être fondée » (Activités militaires et paramili-
tairesauNicaragua etcontrecelui-ci(Nicaraguac.Etats-Unis dYmé-
rique),ordonnancedu10mai1984,C.Z.J.Recuei1 l 984,p. 179,par. 24).

Telest bien le casen l'espèce etla Cour est compétenteimafacie. 1971 MONTREALCONVENTION (DISS O.P.BEDJAOUI) 147

the course of" the period and never after its expiration. Libya is accord-
ingly entitledto apply to the Court at any time prior to the expiration of
the six-monthtime-limit. Thusthe rationetemporisrequirementlaiddown
in the Conventionshould be interpreted in favour of Libya, both at the
levelofa literalinterpretation ofthetext and byreference to itsspirit and
its purpose, on the one hand, and the context of this case, on the other.

And, to borrow a passagethat also dealt with a question of time-limitin
connection with an agreementto arbitrate,
"the terms ofArticles II and III...makeit crystalclearthat they are
nottobe understood aslayingdown aprecondition ofthe applicabi-
lityof the precise and categorical provision [ofan article oatreaty]
establishingthecompulsoryjurisdiction oftheCourt" (I.C.J.Reports
1980,p. 25,para. 48).

10. There remains to be discussed the question of competence ratione
personae.It has been contended that the 1971Montreal Convention does
not conferjurisdiction ontheCourt inthis casesincewhatwehavehere is
not the actions ofindividualsbut aninstance of Stateterrorism.Thiscon-
tention callsfor an answer at three different levels.In the first place,
ticle 1ofthe 1971Montreal Convention removesal1doubt onthisscoreto
the extentthat itrefersto "any person" committingcertain "acts" charac-
terized as "offences". This means that the Convention applies very
broadly to "any" person, whether that person actson his own account or
on behalf of any organization or on the instructions of a State.The most
thatcanbesaidisthat iftheperson that committedthe offenceactedasthe
organ of a State,the Conventioncouldprove to be, not inapplicable,but

rather ineffectualto theextent that the Statethat would opt not forextra-
ditingbut forprosecutingthe suspectsitself,beforeitsowncourts, would
bejudging itself,which,obviously,wouldnotbeasatisfactorysolution. In
the second place, and as has already been pointed out, the question of
internationalresponsibility ofthe Statefor unlawfulactsofthisnaturehas
been entrusted to the SecurityCouncil and does not by any means con-
stitute the substance of the dispute submitted to the Court concerning
the existence or othenvise of an international obligation to extradite
nationals. Thirdly, and in any event, it is important not to overlook the
nature ofthe presentphase of the proceedings andto note that

"on a request for provisional measures the Court need not, before
decidingwhether or not to indicatethem,finally satisfyitselfthat it
hasjurisdiction on the merits ofthe case. ..,yetit oughtnot to indi-
cate such measures unless the provisions invoked by the Applicant
appear,prima facie,to afforda basis on whichthejurisdiction ofthe
Court mightbe founded" (Militaryand ParamilitaryActivitiesinand
against Nicaragua (Nicaraguav. UnitedStates ofAmerica), Orderof
10May 1984, I.C.J.Reports1984,p. 179,para. 24).

Suchisthe casehere and the Court isprima faciecompetent.148 CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971 (OP. DISSBEDJAOUI)

11. Bienentendu la Cour nepeut iciexercersacompétenceetindiquer
des mesures conservatoires,en vertu de l'article41 de son Statut, que si
elle estimepour autant que les circonstances l'exigentpour sauvegarder
les droits de chacune des Parties.l importe donc d'identifier les droits
susceptiblesd'êtreprotégés.II a été soutenuà ce sujet que de tels droits
sont inexistants ou illusoires,ou en tout cas insuffisamment déterminés
du fait del'imprécisionde la requête.e nepeux êtrede cet avis.Dans ses
conclusionsfinales, la Libyea présentédeuxséried sedemandes, lesunes

tendant à obtenir que les Etats-Unis et le Royaume-Uni s'abstiennent
d'exercer des moyens de coercition pour forcer la Libye à extrader ses
propres nationaux, lesautrestendantà protégerlesdroitsdelaLibyeence
qui concerne lesinstancesintroduites par sesrequêtes.Lesdroits dont la
Libyedemande laprotection par desmesuresconservatoiressont d'abord
desdroitsconventionnels que l'ondoitreconnaîtreprimafacie au deman-
deur comme à toutes les parties liéespar la convention de Montréalde
1971.Il s'agitprincipalement du droit du demandeur d'établir sapropre
compétencesurlesauteursprésumés del'attentat (article5, paragraphe2,
de la convention); du droit d'appliquer la loi libyenne au procèsde ces
suspects(art. 5,par.3); du droit de soumettrel'affaiàesespropresjuri-

dictionspénales (art.);du droit,assorti de soninterfaceobligationnelle,
d'accorder toutesles garantiesjudiciaires aux auteurs présuméset de les
protéger desjugements hâtifsde l'opinion ou des mass media; du droit
enfin de réclameret d'obtenir la coopératioet l'entraide judiciaires des
autres Etats intéressé(art. 11). Lesdroitssauvegarder sont en second
lieu lesdroits queledemandeur peut tirer commetout autre Etatsoit dela
Charte desNations Uniessoitdu droitinternational général(respecd t ela
souveraineté,de l'intégrité territoriale,de l'indépendance politiquede
l'Etat,non-recoursà la menace ou à l'emploide la force).
12.Il s'agitde droits qui ne sontni inexistants,niillusoires, ni indéter-
minés.L'article7de laconvention de Montréalde 1971qui a leplusprêté

à discussion,et quisetrouveau cŒurdelarequêtelibyenne,imposeimpé-
rativement àtout Etat partie àla conventionsoit d'extrader, soit de faire
poursuivre par sestribunaux lesauteursprésumés del'infraction, confor-
mément à l'option traditionnellement ouverte par la maxime aut dedere
autjudicare.Sans aborder lefond, on saitqu'iln'existeendroitinternatio-
nal aucune norme quiinterdise ou,à l'inverse,quiimposel'extradition de
nationaux. Ce que ledroit conventionnel de Montréalselimite àfaire,en
complétant ainsi le droit international général,c'est d'une part de
renvoyer aux différents droits nationaux,mais d'autre part de prescrire
aux Etats une ((obligation de faireconformément à leur droit interne,
c'est-à-dire soit d'extrader, soitde faire poursuivre par leurs tribunaux.
Cette option estvalableaujourd'hui sinonen droit international général,

du moinsentretous lesEtatsparties à la convention de Montréalde 1971.
Ila étéalorssoutenu queledroit àprotégericiestillusoire,puisqu'ils'agi-
rait plutôt d'une obligation. Mais 1'Etatne serait-il donc pas autoràsé
revendiauer le droit. fondamentalement dérivéde sa souveraineté.de ne
pas êtreentravédans l'accomplissemendteson devoirinternational ? Par 11. Needlessto Say,the Court mayexercisejurisdiction inthiscase and
indicateprovisionalmeasures, byvirtue ofArticle41ofits Statute,onlyif
it considers that the circumstancesso require in order that the rights of
each of the Parties be preserved. It is therefore important that the rights
capable ofbeingprotected shouldbeidentified. It hasbeenmaintained in
thisregardthat suchrightsarenon-existentorillusory orat anyrate, given
the imprecision of the request, insufficientlydetermined. 1cannot share
thisview.In itsfinal submissions,Libyapresented two seriesofrequests;
one sought an injunction against the United Kingdom and the
United States in order that they abstain from coercing Libya into extra-
ditingitsnationals, whilethe other soughttoprotect therights ofLibyain
connection withthe proceedingsinstituted byitsApplications.Therights
whose protection by means of provisional measures Libya is request-

ing are, inthe first place,treaty rights whichprima faciethe Applicant is
entitled to exercisejust asmuch as any other party to the 1971Montreal
Convention.Theserightsareprimarilythe onethe Applicanthas to estab-
lish itsjurisdiction overthe alleged perpetrators of the bombing (Art. 5,
para. 2,ofthe Convention); the right to apply Libyan lawto the prosecu-
tion ofthe suspects(Art. 5,para. 3);the right to submitthe caseto its own
criminal courts (Art.7);the right,coupled withthe correspondingobliga-
tions,to grant everyprocedural safeguard to the allegedperpetrators and
protect them from the hasty judgments of public opinion or the mass
media; the right, finally, to claim and obtain CO-operationand judicial
assistancefrom the other Statesconcerned(Art. 11).Therights to be pro-
tected are, in the second place, those that the Applicant, as well as any
other State, derives from the United Nations Charter or general interna-
tional law(respectforthe sovereignty,theterritorial integrity,thepolitical
independence ofthe State,non-recourse to the threat or the use offorce).
12. The rights in question are neither non-existent, nor illusory, nor
indeterminate. Article 7 of the 1971 Montreal Convention, the provision
that gave rise to the most discussion and is at the heart of the Libyan

Application,categoricallyimposeson everyStateparty tothe Convention
the obligation either to extradite or to prosecute before its courts the
allegedperpetrators of an offence,in keeping withthe traditional option
to which the maxim aut dedere autjudicarerefers. Without entering into
the merits ofthe case,1wouldpoint out that, as iswellknown,there does
not exist in international law any mle that prohibits, or, on the contrary,
imposesthe extradition ofnationals. Al1thatthe régimelaid down by the
Montreal Convention doesisto complementgeneralinternational lawby,
on the one hand, rendering the various national laws applicable and, on
the other hand, imposing on States an "obligation to take action", in
accordance with their interna1law,by either extraditing or arranging for
prosecutionbeforetheir owncourts.Thisoption isnow valid,ifnot under
generalinternational law,atleastbetween al1the Statesparties to the 1971
Montreal Convention.Thisbeing so, ithas been contended thatthe right
tobeprotected here isillusory, sincewhatweare dealing with israther an
obligation. Butcould it possiblybe that a Stateisnot authorized to claimailleurs,ilaétésoutenu quela conventiondeMontréalde 1971ne confère
à un Etat partie aucun droit autitre del'article 7qu'il n'aitdéjàau titre du
droit international général,de sorte que, mêmesi la convention de
Montréalde 1971n'existaitpas ou si la Libyene l'avaitpas ratifiée,cet
Etat resteraitlibre de refuserl'extradition envertu du droit international.
De cetteobservation exacte il aététiréune conclusion erronée, àsavoir
que le droit conventionnel àprotéger serait inexistant, ou illusoire, car
l'article 7 ne confère pas là un droit supplémentaire à 1'Etat. Mais
commentcomprendre qu'undroitreconnu par ledroitinternational géné-
ral etconfirméparune conventioninternationaleviendrait à perdre toute
existenceettout bénéfice àsa sauvegarde du seulfait de sa confirmation

dont on aurait pu penser qu'elle le renforceraiA? la base du raisonne-
ment il ya en véritél'affirmation implicitequdans cetteaffairela Cour
nepourrait appliquer que la conventiondeMontréalde 1971 à l'exclusion
du droit international général, alorsmêmeque de toute évidenceson
Statut etsamissiongénéraleluien imposent spontanément l'application.

13. La Cour n'indique de mesuresconservatoiresque pour autant que
lesdroits reconnusprimafaciesont menacésde disparaître. En l'espèceil
neparaît pas nécessairede s'apesantir longuementsurlecaractèreirrépa-
rable du préjudicequi résulteraitde la disparition de ces droits avant le
prononcéde la Cour. Si 1'Etatrequérant subit desmesuresde contrainte,
dequelque nature qu'ellessoient,envuedeconsentir à extradersesnatio-

naux,alorsquedesdispositionsexpresses desaconstitutionou deseslois
lelui interdisent, celapeut-il signifier autre chosequ'ilaurobligéde
renoncer àun droit reconnu primafacieet qu'on l'aura contraintà violer
sapropre législation?Il estdonc clairque si cedroit n'estpas protépar
desmesuresconservatoiresl'hypothèse d'un risquedesadisparition pure
etsimplene saurait êtreécartée d,esorte que,de cepoint devue, lepréju-
diceseraitirréparable ence que cedroit perdu ne saurait être aprèscoup
reconstitué.Lamenacededisparition decedroitétaitsiréellequ'elles'est
réaliséeensuiteavec l'adoption de la résolution748 (1992)qui l'aeffecti-
vement aboli !

14. Quant à la question de l'urgence,autre élément dontla jurispru-

dence de la Cour tient traditionnellement compte pour seprononcer sur
l'opportunité d'indiquer desmesures conservatoires, il est tout simple-
ment manifeste qu'en l'espèce cette urgenceexiste.Il est demandé àla
Libye de répondre ((immédiatement », ou «sans le moindre délai» aux
demandes des deux Etats défendeurs, notamment en ce qui concerne
l'extraditionde sesdeux ressortissants.
15. En conséquencedetout cequiprécèdej,e suisparvenu à la conclu-
sion que toutes les conditions sont réunies enl'espècepour que la Cour
indique des mesuresconservatoires.Cepouvoir que la Cour tient de l'ar-
ticle41 de son Statut estcertestoàtfaitdiscrétionnaireetla Courdoit se
livreràune libre évaluation des ((circonstances» pour savoir si celles-cithe right, which it derives,fundamentally,from its sovereignty, not to be
hindered in the fulfilment of its international duty? Furthermore, it has
beenmaintained thatthe 197 1Montreal Convention does not conferon a
State party any right under Article 7 that it does not already possess by
virtue ofgeneralinternational law,sothat evenifthe 1971 Montreal Con-
vention did not exist or Libya had not become a party to it Libyawould
remain free to deny extradition by virtue of international law. From this
observation, which is correct, an erroneous conclusion has been drawn,
namely, that the treaty right to be protected is non-existent, or illusory,
inasmuch asArticle7doesnot confer anadditional right on a State.Butis
it conceivable that a right recognized by general international law and
confirmed by an international conventionwould ceaseto existaltogether
and no longerbe entitledto protection as a result merelyof its confirma-
tion,which,onthe contrary,would, itappears,strengthen it? Intruth, this
line of reasoning is based on the implicitviewthat in this case the Court
could only apply the 1971 Montreal Convention, to the exclusion of

generalinternational law,whereas, obviously,the Court's Statute and its
general mission spontaneously oblige it to apply that law.
13. TheCourt indicatesprovisionalmeasures onlytothe extentthatthe
rights recognized prima facie are threatened with disappearance. In the
present case itdoes not appear necessary to dwell at great length on the
irreparable nature ofthe prejudice that would result from the disappear-
anceoftheserightsbeforethe Court'sdecisiononthe merits.Ifthe Appli-
cant State is subjected to coercive measures,irrespective of their nature,
with aviewto bringing about itsconsenttothe extradition ofitsnationals,
notwithstanding that expressprovisions ofitsconstitution orits laws pro-
hibit it from doing so, can this mean anythingother than that it has been
compelled to waive a right recognized prima facie and that it has been
forcedto violateits ownlegislation? Itisthereforeclearthat ifthisright is
not protected by provisional measures, the possibility that it may dis-
appear purely and simply cannot be rejected, so that, from this view-
point,theprejudicewouldbeirreparableinthatthe rightthat hasbeenlost
could not thereafter be restored. Thethreat of disa~~earanceofthis ri~ht
was so real that it subsequently became a realit; kith the adoptionYof
resolution 748 (1992),which in effectput anend to it!

14. As regards the question of urgency, which is another element the
case-lawofthe Court traditionallytakes into accountindecidingwhether
or not to indicate provisional measures, it is abundantly clear that this
urgency does exist in the case in point. Libya is asked to reply "immedi-
ately", or "without any further delay" to the requests of the two Res-
pondent States,particularly as regardsthe extradition of itsnationals.

15. Onthe basisof al1the foregoing,1havereachedthe conclusionthat
al1the conditions existin the present casefor theCourt to indicate provi-
sionalmeasures.Thereisnodoubtthat thispower,whichtheCourt enjoys
under Article41 ofits Statute,is whollydiscretionary and that the Court
must undertake an independent assessment of the "circumstances" in«exigent » l'indication de mesures conservatoires. Mais cet examen est
tout sauf arbitraire. Si la jurisprudence a progressivement dégagé les
critèresetconditionsà remplir c'estprécisémentlapreuveque son appré-
ciation n'apas cecaractèreimprévisibleet subjectif.

Et àsupposer que les demandes de 1'Etatrequérant puissent encore
paraître imprécises, ilappartient à la Cour d'indiquer telles mesures
conservatoires qui lui paraîtraient plus précises et plus conformes aux
exigences de l'affaire et aux nécessitésdes circonstances. L'article 75,
paragraphe 2, du Règlementde laCour autorise celle-cià ((indiquer des
mesurestotalement ou partiellement différentesde cellesqui sont sollici-
tées,ou des mesures à prendre ou à exécuterpar la partie mêmedont
émanelademande ».Cetarticle ouvre donc àlaCour despossibilitéstrès
larges qui auraient mêmepu aller en la circonstancejusqu'à prescrireà
1'Etatdemandeur deplacer lesdeuxauteursprésumés del'infraction sous
l'autoritéet la garde provisoires d'un Etat tiers, d'une organisation inter-
nationale ou régionale,ou même,pourquoi pas, sous l'autorité de la
Cour ...

***

16. La Cour n'a pas prescrit toutes mesures conservatoires que l'exa-
men du dossier aurait dû,à mon avis,lui dicter et c'estpourquoi je reste
réservéb,ien àregret,à l'égardde sa décision.11est vrai que le différend
d'ordrejuridique relatif l'extraditionet dont la Cour est saisie setrouve
en relation avecun autre différend,traité politiquementpar leConseil de
sécurité,et relatif plus largementà la responsabilité internationale de
1'Etatdemandeur. Etauxparagraphes 6et7delaprésente opinionje rele-
vais l'existence d'un chevauchement ou d'une «zone grise» entre les
compétencesrespectivesdu Conseil de sécurité etde la Cour internatio-
nale deJustice,dèslorsque le Conseila estiménécessaired'inclure dans
sesdemandes à laLibyecelledel'extraditiondont laCour s'occupe égale-
ment. De fait les deux ordonnances de la Cour se bornent àprendre en

comptelarésolution748du 31mars 1992du Conseildesécuritéquiédicte
dessanctionsprenant effetle 15avrilcontre 1'Etatdemandeur s'iln'apas,
entre autreschoses,extradésesdeuxressortissants.Ainsi lesdeux ordon-
nancescontiennent chacuneun dispositifquin'estriend'autre qu'un rejet
de la demandede mesuresconservatoires.Ce rejet ne paraît pas découler
des mérites propresdu dossier et de la valeur intrinsèque de la requête,
maisplutôt deconsidérationsetdedécisionsextérieures au dossier,cequi
pourrait poser le problème de l'intégritde la fonction judiciaire. Les
deux ordonnances ne paraissent pas être l'expressiondu pouvoir discré-
tionnaire qu'a laCourde renonceréventuellement àindiquer desmesures
conservatoires; ellessont au contraire le résultat d'un pouvoiré»par
une décisiondu Conseil de sécuritéqui a porté,entre autres objets, sur
l'objetmêmedu différend d'ordre juridique soumis à la Cour.order to ascertain whether they "require" the indication of provisional
measures. Butthis examination is anythingbut arbitrary. If the case-law
hasgraduallyestablished the criteria and conditions whichhaveto beful-
filled, here is the very proof that its appreciation does not possess this
unpredictable and subjectivecharacter.
And even supposing the requests of the Applicant State still seemed
imprecise, it is for the Court to indicate such provisional measures as it
may deem to be more precise and more in conformity with the require-
ments of the case and the needs of the circumstances.Article 75, para-
graph 2,ofthe Rules ofCourt authorizes the Courtto "indicate measures
that are inwholeor in part other than those requested, orthat oughtto be
taken or complied with by the party which has itself made the request".
ThisArticletherefore givesto the Court verybroad scope, which, in this
case, might even haveextended to ordering the Applicant State to place
the two presumed authors of the offenceunder the provisional authority
and custody of athird State,of an international or regional organization,
or even,whynot, under the authority ofthe Court. ..

16. TheCourt hasnot ordered any oftheprovisionalmeasures thatthe
examination ofthe caseshould, in myview,have dictated to it and this is
why, regretfully, 1continue to have reservations about its decision. It is
true thatthe legaldispute concerningextradition and of whichthe Court
is seised isrelated to another dispute, dealt with politically by the Secu-
rity Council, and relating in a broadersenseto the international respon-
sibilityofthe ApplicantState.And inparagraphs 6and 7ofthisopinion, 1
pointed to the existence of an overlapping or "grey area" between the
respective competences of the Security Council and the International
Court of Justice, since the Council found it necessary to include in its
requests to Libya a request for extradition, with which the Court is also
dealing. In fact,the two Orders ofthe Court are limited to taking account
of Security Council resolution 748 of 31March 1992,which lays down

sanctions takingeffectagainstthe ApplicantStateon 15April ifithasnot,
interalia,extraditedits two nationals. Hence,each ofthe two Orders con-
tains anoperativeparagraph whichisnothingmore than a rejectionofthe
request for provisionalmeasures.Thisrejection does not appear to stem
from the actual merits of the case andthe intrinsic value of the Applica-
tion, but rather from considerations and decisions external to the case,
which could pose the problem of the integrity of the legal function. The
two Orders do not appear to be an expressionofthe Court's discretionary
power to refrain from indicating provisional measures; on the contrary,
they are a result of a power "constrained" by a decision of the Secu-
rity Council which,among other things,concerned the veryobject ofthe
legaldispute submitted to the Court. 151 CONVENTION DE MONTRÉAL DE 1971(OP. DISS.BEDJAOUI)

17. Unpoint deprocédure doitd'abord êtré evoquéD . ans letraitement

politique queleConseildesécuritéétaitparfaitemenetndroitdedonner à
l'affairepluslargedelaresponsabilitéinternationale d'un Etat,leConseil
a adoptéunerésolution731du 2 1janvier 1992autitre du chapitre VIdela
Charte et une résolution748du 31mars 1992au titre du chapitre VII. 11
importede savoircomment cesrésolutionssesituentparrapport au diffé-
rend d'ordre juridique soumisà la Cour. Lorsque celle-ci fut saisie des
requêteslibyennesle 3mars,la premièrerésolution 731(1992)étaitinter-
venue et les parties en avaient largement débattudevant la Cour. Par
contre la résolution748du 31mars 1992était hors dossier parce qu'elle
n'avait pas encore d'existence juridique lorsque les débats furent clos
devantla Cour le28mars 1992.Unerésolutionobligatoiredecetteimpor-
tance, notifiéà tous les Etats et opposablà chacun d'entre eux, était

naturellement connue d'eux. Maisune chose est de connaître et même
d'exécuter cetterésolution,t autre chose est de la «faire valoir»devant
une juridiction internationale. Faute d'une démarche procédurale for-
melle (et contradictoire) des Parties au différend,la Cour n'étaitpas
obligée, semble-t-i, e tenir compte d'une résolution intervenue aprèsla
clôture des débatset de l'appliquer, en quelque sorte rétroactivement,au
dossier qui lui avait été soumis. Néanmoinsla Cour a jugémeilleur de
prendre elle-mêmel'initiative de recueillir les observations des Parties
sur ce point, en cours de délibéré. Quelle que soit l'opinionque l'on
puisse avoirsur lebien-fondéde cetteprocédure, le fait estquela résolu-
tion 748 (1992),postérieure aux débatsde la Cour, est entréedans son
prétoire.

18. C'estàjuste titre, semble-t-il,que laCour ne sàeaucun moment
laisséentraîner àseprononcer sur lavaliditédu traitement que leConseil
desécuritéavaie tntendudonner àl'affairedelaresponsabilitéinternatio-
naled'un Etatpour activitésterroristes, qui estplus large que ledifférend
ici.Sansmême avoirà évoquerledélicatproblème delacompétenceéven-
tuelle de la Cour enmatièrede contentieux de la légalitédesdécisionsu
Conseil de sécuritée,t sans mêmeavoir àse souvenir qu'en tout étatde
cause l'exercicede cette éventuellecompétence serait prématurédans la
phase actuelle de demande en indication de mesures conservatoires, il

suffit de ne pas perdre de vue que la Cour n'a nullement été saisiede ce
vaste différendportédevant le Conseil de sécurité.La Cour s'estdonc
interditàbon droit de contrôler le Conseil de sécuritédans son pouvoir
exclusif d'appliquerà cette affaire un traitement politique, c'est-à-dire
échappant aux normes et procédures applicablesdans une institution
judiciaire commelaCour. Celle-ci,nepouvant oublier,niqu'ellen'estpas
saisie,ni qu'elle setrouve,de surcroît, dansune phase où elles'interditde
trancheraufond, nepeutpasappliquer sescritèresjuridiques pourappré-
cieren quoi que cesoitla légalitde cetraitement politique, mêmesil'on 1971 MONTREAL CONVENTION (DISS .P.BEDJAOUI)
151

17. A procedural point needs to be made at the outset. Within the
context of the political approachthat the SecurityCouncil was perfectly
entitledtoadopt in dealingwiththe wider caseofthe international respon-
sibilityof a State,the Council adopted resolution 731of 21January 1992
under Chapter VI of the Charter and resolution 748 of 31 March 1992
under Chapter VII. It is important to establish the relationship between
these resolutions and the legal dispute submitted to the Court. When the
Court was seised of the LibyanApplications on 3 March, resolution 731
(1992),the first one, had already been adopted and the Parties had dis-
cussed itat lengthbefore the Court. Resolution 748of 31March 1992,on
the otherhand, wasoutsidethepurviewofthe casesinceitdidnot yethave

anylegalexistencewhenthe proceedingsbefore the Court cameto an end
on 28 March 1992.A binding resolution of such importance, which had
been notified to al1Statesand was opposable to each of them, was natu-
rallyknowntothem. Butitisonethingto knowofthat resolution and even
to implementit, and another to "rely" on it before an international court.
Unless forma1(andadversary)procedures wereinstituted bythe Partiesto
the dispute, the Court, it would appear, was not obliged to take into
account a resolution passed after the closure of the proceedings and to
applyit,retroactivelyasitwere,tothe casewhichhad beensubmitted to it.
The Court neverthelessdeemed it better itselfto takethe initiative of eli-
citing the observations of the Parties on this point, during the delibera-
tions. Regardless of the opinion one may have on the merits of this
procedure, the fact isthat resolution 748(1992),which was adopted sub-
sequent to the closureof the oral proceedingsbefore the Court, was con-
sidered by it.

18. It seemsthatthe Court wasrightnot to allowitselfat anytimeto be
tempted topronounce on the validityofthe waythe SecurityCouncil had
intended to dealwiththe caseofthe international responsibility ofa State
forterrorist activities,which iswiderthan the dispute here. Leavingaside
the thorny problem of the possiblejurisdiction of the Court as regards
contentious proceedings on the legality of the decisions of the Security
Council, and also the fact that, in any case, the exercise of this possible
jurisdiction would be premature at the present stage of a request forthe
indication of provisional measures, al1that needs to be borne in mind is
that the Court has not been seised ofthis vast dispute,brought before the

SecurityCouncil.The Court wasthereforeright to refrainfrom reviewing
the exercisebytheSecurityCouncil ofitsexclusivepowerto dealwiththis
casepolitically,that isto Say,withoutregard to the noms and procedures
applicable in a judicial institutionuch as the Court. Sincethe Court is
unable to forgetthat ithas notbeen seised,or,moreover, that itfinds itself
at a stage where it is refraining from dealing with the merits, it cannot
apply itsjudicialcriteria in order to assessin any waythe legalityof this
politicalwayofdealingwiththe matter,eveniftheviewisheldthat atleast 152 CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.BEDJAOUI)

est d'avisqu'au moins deux faits devaientinviter le Conseil de sécurité

une particulière prudence avant de condamner 1'Etatlibyen: d'une part
l'enquête policière semblaitavoir longtempshésite éntre diversesautres
pistesetd'autrepartla résolution41/38 du 20novembre 1986de 1'Assem-
blée générale avaim t is aprèscoup hors de cause 1'Etatlibyen pour des
actesillicitesquilui valurent cependant en 1986lebombardement de son
territoireTripoli et àBenghazi.
19.Il reste que la Cour a refusé,de manière irréprochable,de suivre
une des Parties dans la critique de l'action du Conseil de sécurité qui
n'avaitpas songéàdemander un avisconsultatif àlaCour susceptiblede
l'éclaireravant d'adopter la résolution731 du 21janvier 1992.On peut
regretter cette abstention du Conseil, mais aucune disposition de la
Charte ne fait hélas!de la consultation de la Cour un acte obligatoire.
Tout a montréau contraire que le Conseilentendait appliquer de bout en
bout un traitement politiqueàune affairepolitique, alors que

«la Cour ...a conçu sa compétence en matière consultativecomme
une fonction judiciaire et, dans l'exercicede cette compétence,elle
s'esttenuedans leslimitespropres àl'actionjudiciaire.Ellea aginon
pas commeune «académiedejuristes »maiscommeune «magistra-
ture» responsable » (Manley O. Hudson, The Permanent Court of
InternationalJustice, 1920-1942,p.11).

De même iln'étaitpas possible d'exercer un contrôle judiciaire du
Conseillorsque celui-ci,enadoptant sarésolution731 (1992),s'étaitplacé
résolumentdans lecadre du chapitre VIde la Charte relatif au règlement
pacifique des différends,mais avaitpréféré certaines méthodd ee règle-
ment à d'autres.C'estainsi qu'iln'apas encouragélesEtatsqui l'ontsaisi
à s'adresserà la Cour, alors mêmeque l'article 36, paragraphe 3, de la
Charte lui faisait,semble-t-il,un certain devoir de

«tenir compte du fait que, d'une manière généralel,es différends
d'ordrejuridique devraientêtresoumispar lesparties àlaCourinter-
nationale de Justice conformément aux dispositionsdu Statut de la
Cour P.

20. De mêmeo , n nevoyaitpas commentleConseilde sécuritépouvait
êtrecensuré pour êtrepassédu chapitre VIaveclarésolution731(1992)au
chapitre VI1 avec la résolution748 (1992)et pour avoir ainsi qualifié
discrétionnairementune situation commesusceptible de menacer la paix
et la sécurité internationales. L'on stependant que dans l'affaire des
Conséquencejs uridiquespour lesEtats delaprésencecontinuede l'Afrique
duSudenNamibie(Sud-Ouestafricain)nonobstantlarésolution 276(1970)
du Conseildesécuritécertainsjuges s'étaientélevésontrela manièredont
le Conseil de sécurité a exercson pouvoir discrétionnairede traiter une
«situation...en relation aveclemaintien de la paix etde la sécuritéinter-
nationales » (C.I.J. Recueil1971,opinion dissidente de M. Gros, p. 340,

par. 34):two factsshould haveprompted the SecurityCouncil to be especiallycir-
cumspectabout condemning Libya: on the onehand, the police enquiry
seemed to have hesitated for a long time between a number of other
avenues and, on the other hand, General Assemblyresolution 41/38 of
20November 1986had cleared Libya,afterthe event,ofunlawfulacts for
which, however,it paid in 1986by the bombing of itsterritory at Tripoli
and Benghazi.
19. The fact remains that the Court has refused, in a manner quite
beyond reproach, to follow one of the Parties in criticizing the action of
the SecurityCouncil, which had not consideredrequesting the Court for
an AdvisoryOpinionthat could haveprovideditwithguidancebefore the
adoption of resolution 731of 21January 1992.The fact that the Council
refrained from doingthis may be regrettable,but there is, alas, no provi-
sioninthe Charter makingitmandatory to consulttheCourt. Onthe con-
trary, everythingindicated that the Council intended throughout to deal
politicallywith a political case,whereas

"the Court. ..has conceivedofitsadvisoryjurisdiction as ajudicial
function, and in its exercise of this jurisdiction it has kept within
the limits which characterize judicial action. It has acted not as
an 'academy of jurists' but as a responsible 'magistrature"'
(Manley O. Hudson, ThePermanentCourt of InternationalJustice,
1920-1942,p. 511).
Bythe sametoken, it was not possible to exerciseajudicial review ofthe

Council'sactionwhen,byadopting itsresolution731 (1992),ithad placed
itselffirmlywithinthebounds ofChapter VIoftheCharter relatingto the
peaceful settlement of disputes, but had shown a preference for certain
methods of settlement over others. Thus, it did not encourage the States
which had seised it to refer the matter to the Court, whereas Article 36,
paragraph 3,ofthe Charter apparently imposed upon it a certain dutyto
"take into consideration that legal disputes should as a general rule
be referred by the parties to the International Court of Justice in
accordance withthe provisions ofthe Statute ofthe Court".

20. Similarly,it ishard to see how the SecurityCouncil could be cen-
sured for having moved from Chapter VI, under which resolution 731
(1992)was adopted, to Chapter VII, the basis of resolution 748 (1992),
thus discretionarilycharacterizing asituationaslikelytothreaten interna-
tionalpeace and security.However,we knowthat, inthe caseofthe Legal
Consequencefsor Statesofthe ContinuedPresenceofSouthAfricainNami-
bia (South WestAfrica) notwithstanding SecuritC youncilResolution276
(1970),certainjudges had objected to the way the Security Council had
exercised its discretionarypower to deal with a "situation ...under the
head of the maintenance of international peace and security"
(I.C.J.Reports1971,dissentingopinion of Judge Gros, p. 340,para. 34) : 153 CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.BEDJAOUI)

((c'estunenouvelletentative pour modifierlesprincipes delaCharte

sur les pouvoirs reconnus par les Etats aux organes qu'ils insti-
tuèrent. Il ne suffit pas de dire qu'une affaire a un «écho» sur le
maintien de la paix pour que le Conseil de sécuritése transforme
en gouvernementmondial. »
De mêmeun autre juge déclarait en lamêmeaffaire, à propos de l'ar-
ticle 24de la Charte, que celui-ci

«ne limitepas les casoù leConseilde sécuritépeut agirour assurer
le maintien de la paix et de la sécur, tantentendu que la menace
invoquée ne doit être ni une simple fiction niun prétexte))(C.Z.J.
Recueil1971,opinion dissidente de sir Gerald Fitzmaurice, p. 293,
par. 112).

Et le mêmejugeajoutait plus loin que certaines
((limitationsauxpouvoirs du Conseildesécuritésonn técessairescar
il n'est que trop facile de présenter une situation internationale qui
fait l'objet de vivescontroversescommeimpliquant une menace la-
tentecontrelapaixetlasécuritém, ême sielleesttropéloignépeourpa-
raître authentique. Sans ces limitations, les fonctions du Conseil de
sécuritpourraientêtre utiliséesdesfins quin'ont jamaisétéprévues
àl'origin..[Illn'existaitaucune menacecontrelapaix ou lasécurité

autre que celle qui pouvait être suscitée artificiellementet comme
prétexteà atteindre des objectifs inavoué. (Zbid.,p. 294,par. 116.)
21. Cesopinions apparurentau momentoù la Cour devaitdébattredes
conséquencesattachées àlarévocationdu mandat del'AfriqueduSudsur
la Namibie, décidéepar l'Assembléegénéraleet «confirmée» par le
Conseil de sécuritéC. e qui importe ici n'est pas bien entendu le cas en
lui-même,maisledébat,symptomatiqueetactuel,qui s'estinstaurésur les
limitessusceptiblesd'êtreassignéesàl'actiondu Conseildesécurité etsur

le souci exprimépar certains juges d'éviterqu'«il excèdeses pouvoirs»
(ibid., opinion dissidente Fitzmaurice, p. 295, par. 116 infine). D'une
manière généralel,a question de la validité des résolutions des organes
principaux desNations Uniesau regard delaCharte et/ou du droitinter-
national a fait l'objet de nombreux travaux et de grands auteurs se sont
interrogéspar le passésur la légalitde certaines d'entre elles (voirpar
exempleHans Kelsen, fie Law of UnitedNations,Londres, 1951,p. 195,
197 et suiv., 287 et suiv, et passim). Mais en la présente circonstance,
comment la Cour, qui n'est pas saisie du différend plus large, peut-elle
contesterqueleConseildesécurité estmaîtredelaqualificationdessitua-
tionsinternationales etqu'ilpeut seplacersurleterrain du chapitre1de
la Charte, mêmes'ilpeut paraître déroutant à plus d'un que l'horrible
attentat de Lockerbieestvuaujourd'huicommeune menacepressante àla
paix internationale alors qu'ils'estproduit ily aplus de troisans? "that is another attempt to modify the principles of the Charter as
regards the powers vested byStatesin the organsthey instituted.To

assert that a matter may have a distant repercussion on the main-
tenance of peace is not enough to turn the Security Council into
a world government."
Anotherjudge alsostated inthe samecase,inrelation to Article24 ofthe
Charter,that it

"does not limitthe occasionsonwhichthe SecurityCouncil can actin
the preservation ofpeace and security,provided thethreat saidto be
involved isnot a mere figment or pretext" (I.C.J. Reports1971,dis-
sentingopinion of Judge SirGerald Fitzmaurice, p. 293,para. 112).

Furtheron,the samejudge addedthat certain

"limitations on the powers of the Security Council are necessary
because ofthe al1too greateasewithwhichanyacutelycontroversial
international situation canbe represented as involvingalatentthreat
to peace and security,evenwhereit is reallytoo remotegenuinelyto
constitute one. Without these limitations, the functions of the Secu-
rityCouncilcouldbeused for purposes neveroriginallyintended .. .
[Therewas]no threat to peace and security other than such as might
be artificiallycreated as a pretext forthe realization of ulterior-
poses." (Ibid.,p. 294,para. 116.)

21. These opinions appeared at a time when the Court was to discuss
the consequences of the termination of South Africa's mandate over
Namibia,decided upon bythe General Assemblyand "confirmed" bythe
SecurityCouncil.Whatmattershere is obviouslynotthe casein itself,but
the discussion,symptomaticas well as topical, set in motion concerning
the limitswhich can be assignedto the action ofthe SecurityCouncil and
the desire expressed by certain judges to avoid a situation where it
"exceeds its competence" (ibid.,dissenting opinion Fitzmaurice, p. 295,
para. 116in fine). Generally speaking, the question of the validity of the
resolutions of the principal United Nations organs with respect to the
Charter and/or international lawhasbeen the subiect ofnumerous stud-
ies and prestigious authors have, in the past, questioned the legality of

some of these resolutions (see, for example, Hans Kelsen, TheLaw of
UnitedNations,London, 1951,pp. 195,197et seq., 287etseq.andpassim).
Butinthe present case,how cantheCourt, which isnot seisedofthewider
dispute,dispute the factthatthe SecurityCouncil isresponsiblefor quali-
fyinginternationalsituations andthat itcanplaceitselfwithinthepurview
ofChapter VI1ofthe Charter, evenifno smallnumber ofpeople mayfind
itdisconcertingthat the horrific Lockerbiebombingshouldbe seen today
as an urgentthreat to international peace when it took place overthree
yearsago? 154 CONVENTION DE MONTRÉAL DE 1971(OP. DISS.BEDJAOUI)

22. Si l'on garde doncàl'esprit la distinction simple mais essentielle
établieau débutde la présente opinion, entrele différendjuridique bien
précissoumis à laCour etledifférendpolitique plusvasteportédevant le
Conseilde sécuritéo,n comprendparfaitement que laCour nepuisse que
s'interdire,par fonction etpar attribution,de connaître de quelqueaspect

que ce soit des solutionspolitiques apportéespar le Conseil de sécurité.
Cette attitude de la Cour restedéfendableouraussilongtempsqu'aucun
élémend te cessolutionspolitiques du Conseilnevienneécarter,interdire
ou rendre impossiblela solutionjuridique attendue de la Cour. estclair
quedans cecasc'estlafonctionjudiciaire quiseraitatteinte dans saraison
d'êtreC. 'est cequi seproduit icidans lazone de chevauchementdesdeux
différends où la question de l'extradition de deux individus reçoit du
Conseilune solution qui prive detout sensla solution de la Cour.

23. Une telle situation, dans laquelle la Cour aurait dû indiquer des
mesures conservatoires au seul vu de la valeur propre du dossier pour
protégerun droit que leConseil de sécuritéannihilparsa résolution748
(1992)alorsquel'affaireestsubjudice,n'estpas satisfaisantepour lafonc-
tionjudiciaire. Elle l'estencore moins lorsque l'un des deux Etats défen-
deurs, les Etats-Unis d'Amérique,demande à la Cour de renoncer

purement et simplement à exercer son devoirjudiciaire et de s'incliner
devant le Conseil de sécurité«pour éviter d'entreren conflit» avec lui.
Dans une lettre du 7 avril 1992,l'agentdu Gouvernement américain, en
réponse àlalettredu4avrilpar laquellela Courinvitait1'Etatdéfendeurà
formuler ses observations éventuellessur.les conséquencesde la résolu-
tion 748(1992)sur laprésente procédure, avaiten effetdéclarque «pour
éviter toutconflitavec le Conseilde sécuritél,a Cour devrait rejeter la
demandeenindicationde mesures conservatoiree snl'espèce)(lesitaliques
sont de moi). Undes conseilsdes Etats-Unisne réclamaitpas autrechose
de la Cour durant les audiences, c'est-à-direvant même que la résolu-
tion748(1992)n'intervienne«: La Cour, a-t-ildéclar, oitexaminersison
actionrisque d'entrerenconflitaveclesmesuresqueleConseilaadoptées
ou envisage actuellement ..» (Audience publique du 27 mars 1992,
CR 92/4, p. 67; les italiques sont de moi.) De telles invitations faites
clairement àla Cour de renoncer àl'exerciceindépendant desa fonction

judiciaire laissent perplexe. En d'autres temps, le Conseil de sécurité
attendait la décisionde la Cour. Dans l'affairedenglo-IranianOilCo.,
leConseil,saisien 1951par leRoyaume-Uniqui luidemandaitdeprendre
desmesurescontrel'Iran, avaitrepousséla discussionjusqu'à la décision
de la Cour. Aujourd'hui encore,au sein du Conseil de sécurité,plusieurs
Etatsmembres, qu'ilsaient ou non votépour lesrésolutions73 1(1992)et
748 (1992),ont expriméleur conviction profonde qu'il estnécessairede
laisser la Cour accomplir sa mission et de fait ils attendent de la Cour
qu'elle exprimela légalitéinternationale. 22. Hence,ifthesimplebut essentialdistinctionmade atthebeginning
of this opinion isborne in mind, between the quite specificjuridical dis-
pute submittedtothe Courtand the much widerpoliticaldisputebrought
before the Security Council, it becomes perfectly understandable that,
givenitsfunctions and powers,the Court has no alternative butto refrain
fromentertaining anyaspectwhateverofthepoliticalsolutionsarrived at
by the SecurityCouncil.TheCourt's attitude in this respectcontinues to
be defensible so longasno aspect of these politicalsolutionsadopted by
the Council sets aside, niles out or renders impossible thejuridical solu-
tion expected of the Court. It is clear that, in this case, it is the judicial
function itselfwhichwouldbeimpaired.Indeed,this iswhatishappening
here in the area where these two disputes overlap, where the solution
arrived at by the Council to the question of the extradition of two indi-
viduals deprives a solutionfound by the Court of al1meaning.
23. Such a situation,in which, on the basis of the inherent validity of
the case,the Court should have indicated provisional measures solelyin
order to protectaright that the SecurityCouncilannihilates byitsresolu-
tion 748(1992)when the caseis subjudice,isnot satisfactoryfor thejudi-
cial function. It is even less so when one of the two Respondents, the

United States of America, asks the Court quite simply to refrain from
exercisingitsjudicial duty andto bowto the SecurityCouncil "in order to
avoid any conflict" with it. In a letter of 7 April 1992,the Agent of the
United States of America, in reply to the letter of 4 April by which the
Court invitedthe Respondent to make observationson the consequences
of resolution 748(1992)for the present proceedings, had stated that "in
ordertoavoidanyconflictwiththeSecurityCounciltheCourtshoulddecline
therequesttoindicateprovisional measureisnthiscase"(emphasis added).
Preciselythe samethingwas demanded oftheCourt byone ofthe United
States counsel during the hearings, that is to Say,before resolution748
(1992)cameintoforce."The Court", he said, "oughtto examine whether
itsactions would conflictwiththe actionsthat the Councilhas taken or is
considering. .."(PublicSittingof 27March 1992,CR 92/4, p. 67; empha-
sisadded). Suchinvitationsclearlymadetothe Court torefrainfrom exer-
cising its judicial function independently are puzzling. In the past the
SecurityCouncil awaited the Court's decision. In the Anglo-Iranian Oil
Co. case,the Council,before which the matter had been brought in 1951
by the United Kingdom, which was asking it to take measures against
Iran, postponed discussion until the Court's decision. Alsotoday, in the
SecurityCouncil,a number of member States,whether or not they voted

forresolutions 731(1992)and 748 (1992),have expressedtheir deep con-
viction that it is necessary tollow the Court to perform its task and, in
fact,they are expectingthe Court to lay downinternational legality. 24. Larésolution748du31mars 1992du Conseildesécuritédisposeen
sonparagraphe 1 «queleGouvernementlibyen doit désormaisappliquer
sans le moindre délai leparagraphe 3 de la résolution731(1992)concer-

nant lesdemandes »que lesdeux Etatsdéfendeurs lui avaientfaiteset en
particulier la demande d'extradition qui fait tout l'objet de la présente
procédure.Le «conflit » est là. Au cours des audiences, 1'Etatrequérant
avaitposé entermes généraux la question de la validité constitutionnelle
de la résolution731 du 21 janvier 1992déjà,la résolution748 (1992)
n'étantpasencoreintervenue(audiencepublique du 26mars 1992(matin)).
Cette question devaliditérisquede poser deuxproblèmesconsidérables,
sérieuxet complexes à la fois,qui sont de savoir si le Conseil de sécurité
doit, dans son action, premièrement respecter la Charte des Nations
Unies etdeuxièmementrespecterledroit international général.
25. Le premier problème est peut-être le moins difficile des deux.En
simplifiant beaucoup, on pourrait dire qu'ilne serait pas déraisonnable
d'affirmer que le Conseil de sécuritédoit obéir à la Charte d'une part
parce que c'estl'acteauquel il doitjusqu'à son existenceetd'autrepart et
surtout parce qu'il estau servicede cette Charte et de l'organisation des

Nations Unies. Lestravaux préparatoiresde la Conférencede San Fran-
ciscoont montré combienl'on était préoccupé par ce problèmeet il s'en
dégagequel'espritdelaCharte estbien d'empêcher leConseildesécurité
de s'affranchiren quoi que ce soit de cette Charte.
Maisen plus de sonesprit, letextemêmede laCharte va dans lemême
sens. L'article24,paragraphe 2, de la Charte dispose expressémentque :
«Dans l'accomplissement de [ses]devoirs, le Conseil de sécurité agit
conformémentauxbuts etprincipes desNationsUnies. »L'une desques-
tions qui seposeraient alorsserait de savoirsiun organepeut agir detelle
manière à rendre impossible la mission de l'autre. Et cela vaut du reste
autant pour le Conseil de sécurité qupour la Cour elle-mêmet,ant il est
vrai que la Charte prescrità chacun des organes des Nations Unies de
s'acquitter pleinementde sa mission etde n'en abdiqueraucune parcelle
pour concourir à laréalisationdesbutsetprincipes desNations Unies.Or
l'article92dela Charte dispose que la Cour estl'organejudiciaire princi-

pal desNations Unies etl'article36de sonStatut,qui estpartie intégrante
de la Charte, confèreà la Cour le pouvoir de régler«tous les différends
d'ordrejuridique ayant pour objet: a) l'interprétationd'un traité;b)tout
point de droitinternational;..9
26. Quant au second problème concernant le respect du droit interna-
tional par le Conseil de sécurité,il est plus aigu. Lorsque l'article 24
de la Charte, cité ci-dessus,fait devoir au Conseil de se conformer aux
«buts et principes des Nations Unies», cela nous renvoie à l'article 1,
paragraphe 1,de celle-ciqui préciseque la démarchedu Conseil de sécu-
rité (caril s'agitde lui essentiellementdans lecontexte de cetarticle)doit
s'ordonner «conformémentauxprincipesdelajustice etdu droitinterna-
tional».CertesleConseildoitobéiraux«principes delajustice »,expres-
sion relativement vague, au mêmetitre qu'il doit aussi d'ailleurs être
inspirépar d'autres principes, politiques ou autres; mais l'essentielqui 1971 MONTREALCONVENTION (DISS .P.BEDJAOUI) 155

24. Security Council resolution 748 of 31March 1992states, in para-
graph 1, "that the Libyan Govemment must now comply without any
further delay with paragraph 3 of resolution 731 (1992) regarding the
requests" thatthe two Respondents had made to it and,in particular, the
requestforextradition, which isthe wholesubject ofthe present proceed-
ings.This iswherethe "conflict" lies.During the hearings, the Applicant
Statehad alreadyraised the question ofthe constitutionalvalidity ofreso-

lution 731of 21January 1992in general terms, resolution 748 (1992)not
yet having come into force (Public Sittingof 26 March 1992(moming)).
This question of validity is liable to raise two major problems, at once
serious and complex, namely, whether the Security Council should,
in its action, firstly respect the United Nations Charter and secondly
respectgeneralinternationallaw.
25. Thefirstproblemisperhapsthelessdifficultofthetwo. Simplifyinga
greatdeal,onecouldSaythat itwouldnot beunreasonableto statethat the
SecurityCouncilmustrespecttheCharter,ontheonehand becauseitisthe
acttowhichitowesitsveryexistenceandalsoand aboveal1becauseitserves
this Charter and the United Nations Organization.The travauxprépara-
toiresof the San Francisco Conference showed the degree of concern
aroused by this problem and it transpires therefrom that the spirit of the
Charter is indeed to prevent the SecurityCouncil from divergingin any
way at al1from that Charter.

But over and abovethe spirit of the Charter, the actual text points the
sameway.Article24,paragraph 2,oftheCharter expresslystates that "in
discharging [its]duties,the SecurityCouncil shallact in accordance with
the Purposes and Principles of the United Nations". In that case, one of
the questions whichwould arisewould be whether one organ can act in a
way which renders the role of the other impossible. And this applies as
much to the SecurityCouncil as to the Court itself,inasmuch as it istrue
thattheCharter laysdown that each ofthe United Nations organsshould
carryout itstask fully,and not abdicate anypart ofit, in order to assistin
the accomplishment ofthe purposes and principles ofthe United Nations.
Now, Article92 ofthe Charter statesthat the Court is the principal judi-
cial organ of the United Nations and Article 36 of the Court's Statute,
whichisan integralpart ofthe Charter, confersuponthe Court thepower
to settle"al1legal disputes concerning :(a)the interpretation of a treaty;

(b)anyquestion ofinternational law; ...".
26. Thesecondproblem,relating to respectforinternational lawbythe
Security Council, is a more acute one. In laying down that the Council
shall act in accordance with the "Purposes and Principles of the United
Nations", Article 24 ofthe Charter (which 1have already cited) refers to
Article 1,paragraph 1, which provides that the action of the Security
Council(asthat isessentiallywhat isreferredto inthe contextofthat Arti-
cle)isto take measures "in conformity with the principles ofjustice and
international law". Ofcourse,the Councilmustactin accordance withthe
"principles ofjustice" - a relativelyvagueexpression - just asit should
also draw inspiration from other principles of a political or other nature.nous concerne icin'est-ilpas qu'il esttenu de respecter «les principes du
droit international »,expressionplus précisepour les internationalistes ?
Parlant d'un principede droitinternational, un ancienjuge dela Cour,sir
Gerald Fitzmaurice,déclarait :

«C'estlàun principe de droit international solidementétabli - et
leConseildesécurité y esttoutaussisoumis(carlesNations Uniessont
elles-mêmeu sn sujetdu droitinternational) quen'importe lequeldes
Etats Membres.» (Conséquencesjuridiques pour les Etats de la
présencecontinue deIYfriqueduSudenNamibie(Sud-Ouestafricain)
nonobstantla résolution 276(1970)du Conseildesécurité,avis consul-
tatg C.I.J. Recueil1971,opinion dissidente, p. 294,par. 115 ;lesitali-

ques sont de moi.)
27. Maispour autantque la question de lavaliditéde la résolution731
(1992)et surtout de la résolution748 (1992)se poserait au regard de la
Charte ou du droit international, il convient de tenir compte là aussi du
fait que la Cour ne peut pas, à ce stade préliminairede la procédure, se

prononcer sur desquestions de substancedesdeux affaires. De sorte que
lasituationdoit, àmonavis,serésumercommesuit :d'un côtéj'estimeque
lesdroitsalléguép sar la Libyeexistentprimafacieet quetoutes lescondi-
tionshabituellement misespar laCourpour indiquer desmesuresconser-
vatoires sont remplies en-l'espèce pour que ces droits puissent être
sauvegardés conformément à l'article 41 du Statut de la Cour. Et c'est
sur ce point que je suis réservé à l'égarddes deux ordonnances de la
Cour. Encore que celle-cin'apas écarté complètemend tans sesmotifsla
possibilité d'indiquer des mesures conservatoires,si l'on se réfèreau
paragraphe 43 de l'ordonnance («quelle qu'ait étéla situation avant

l'adoption de [la] résolution [748 (1992)]»). Mais d'un autre côté,la
résolution748 (1992)du Conseil de sécurité a annihilé ces droits de la
Libye,sansqueI'onpuisseencettephase demesuresconservatoires,c'est-
à-dire de préexamenprimafacie, s'autoriser àtrancher prématurément la
question de fond concernant la validité constitutionnellede cette réso-
lution, desorte qu'ellebénéficie d'une présomptiod ne validitéetqu'elle
doit êtretenue primafacie pour légaleet obligatoiret. Je suis donc sur ce
second point d'accord avecla majoritéde la Cour.

pour effet, non pas de retirer un droittat demandeur, mais d'empêcherla Courjet, ou
elle-mêmede s'acquitter de la fonctionjudiciaire dont laCharte l'ainvestie,auquel cas
I'on pourrait sérieusement s'interrogersur la légalitéde cette résolution,mêmeà ce
stade des mesuresconservatoires. Il serait en effetmanifestementincompatible avec la
Charte qu'un organe des Nations Unies empêche laCour de remplir sa mission, ou la
place enfait dansun étatde subordination qui seraitcontraire au principe dela sépara-
tion etde l'indépendancedu pouvoirjudiciaire vis-à-visdu pouvoir exécutifau seindes
Nations Unies. 1971 MONTREAL CONVENTION (DISS O.P.BEDJAOUI) 156

However, isnot the essentialpoint of concern to us here the fact that the
Council is bound to respect "the principles of international law", an

expressionthat holds a more precise meaning for international lawyers?
A formerjudge ofthe Court, SirGerald Fitzmaurice, said with reference
to such a principle that:
"This is a principle of international lawthat is as well-established

asanythere can bey- and theSecurityCouncilisasmuchsubjecttoit
(forthe United Nations is itselfa subjectofinternational law)asany
of its individual member States are." (LegalConsequencef sor States
of the ContinuedPresenceof South Africain Namibia (South West
Africa) notwithstanding SecurityCouncil Resolution 276 (1970),
Advisory Opinion,I.C.J. Reports 1971, dissenting opinion, p. 294,
para. 115 ;emphasisadded.)

27. However,in so far as the question ofthe validity of resolution 73 1
(1992)and, more particularly, of resolution 748 (1992)may arise with
respectto theCharter orwith respectto international law,one alsoneeds
to take account ofthe factthatthe Court cannot, atthispreliminarystage
of the proceedings, decide on substantive issues in the two cases. This
means that the situation is, in my view,one that must be summed up as

follows : on the one hand, 1consider that the rights alleged by Libya do
exist prima facie and that al1the conditions normally laid down by the
Court for the indication of provisional measures have been met in this
case,sothat those rights maybe preserved in accordance with Article 41
ofthe Statuteofthe Court. Moreover,it isonthispoint that 1havereserva-
tions about the two Orders of the Court - eventhough the Court,in its
statement of reasoning, does not completely set aside the possibility of
indicating provisional measures,judging fromparagraph 43ofthe Order
("whatever the situation previous to the adoption of that resolution [Le.,

748(1992)r). However,from another standpoint, SecurityCouncil reso-
lution 748 (1992)has annihilated those rights of Libya, without it being
possible for the Court, in this phase of provisionalmeasures or, in other
words, of a preliminary examination prima facie,to take it upon itselfto
give a premature decision on the substantiveissue of the constitutional
validityofthat resolution,so thatthe resolutionbenefitsfrom a presump-
tion of validity and must be considered prima facie as both lawful and
bindingl. 1amaccordinglyin agreementwiththe majority ofthe Courton
this second point.

Unless one supposes that resolution 748 (1992)has as its object, or effect, not to
withdraw aright froman Applicant State,but toprevent the exercise,bythe Court itself,
mightbe ledto ponder seriouslyoverthe lawfulnessofthat resolution, evenatthis stage
of provisional measures. It would, indeed, be manifestlyincompatible withthe Charter
foran organ ofthe United Nations to prevent the Court from accomplishingitsmission,
or for it actually to place theCourt in astate of subordination which would be contrary
to the principle of separation and independence of the judicial from the executive
power, within the United Nations. 157 CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.BEDJAOUI)

28. Ainsi, et commel'a dit la Cour, la Libye,en tantu'Etat membre
desNations Unies,paraîttenue d'accepteretd'appliquerlarésolution748
(1992)du Conseilde sécurité,réputéelége atleobligatoireàcestadede la
procédure,mêms eil'article25delaCharte neperd pas devuelaquestion
delaconformité à cetteCharte(dans unerédactiond'ailleurs ambiguëqui
semblepeut-être imposer cette conformité pour la résolution aussi bien
que pour son acceptation par les Etats membres).
29. La situation ainsi caractérisée, avec des droits méritant d'être
protégés par l'indicationde mesures conservatoires,mais aussitôt abolis
par une résolutiondu Conseildesécuritéméritant d'êtte rnueprima facie
pour valide, nerentre pas complètementdans lemoule de l'article 103de
la Charte; elle en débordelégèrement. Cet article qui fait prévaloirles
obligations en vertu de laCharte (icile respect par la Libyede la résolu-
tion 748 (1992))sur les obligations «en vertu de tout accord internatio-

nal »(icila conventionde Montréalde 197l), d'une part visedes «obliga-
tions»alors qu'il s'agitde «droit» alléguéset protégé par des mesures
conservatoiresdans ma perspective, et d'autre part ne visepas les droits
qui peuvent avoir une source autre que conventionnelle et être tirésu
droit international général.
30. Sousréservede cettenuance, ilestclairque la Cour ne pouvait que
constater cette situation et dire qu'à ce stade de la procédure un tel
((conflit»réglépar l'article103delaCharte aboutissait enfin decompteà
rendre enfaitsans effetutilel'indicationdemesuresconservatoires.Mais
ledispositifdesdeuxordonnances seplaceau seuildetoutel'opérationet
décide que laCour n'a pas, compte tenu des circonstances,à exercerson
pouvoird'indiquer desmesuresconservatoires.Lanuance quej'yapporte
estqueledossierdel'affairejustifiaitl'exercice effectifdecepouvoir,tout
en observant que ses effets avaient été nullifiéspar la résolution748
(1992).Je parviens donc concrètement au mêmerésultat que la Cour,
moyennant unetout autre démarchemaisaussiaveccettenuance impor-
tante qui me fait non point rejeterla demandede mesures conservatoires

maisplutôt déclarerses effetsdisparus.Par ailleursje partage l'opinionde
la majorité selonlaquelled'unepart la Cour

«n'est pas habilitéàconclure définitivementsur lesfaits et ledroit,
et que sa décision doit laisserintactle droit des Parties de contester
lesfaits et de fairevaloirleurs moyens sur le fond» (par. 41)

et d'autre part qu'«une décision rendue en la présente procédurene
préjugeenrien aucune [des] question[s][soulevéedevant elle...y compris
la question relative sa compétencepour connaître du fond]» et qu'elle
((laisseintact le droit du Gouvernementlibyen et celuidu Gouvernement
des Etats-Unis de fairevaloirleurs moyens en cesmatières»(par. 45). 1971 MONTREALCONVENTION (DISS. OP. BEDJAOUI) 157

28. Accordingly,and asthe Court hasstated, Libya,asa MemberState
ofthe United Nations, appearsbound to acceptand apply Security Coun-
cil resolution 748(1992),which istaken to be lawful and binding at this
stage of the proceedings,eventhough Article 25of the Charter does not
overlookthe need foritto accord withtheCharter (inan ambiguousform
ofwords which may seemto imposethat conformitywith respect to both
the resolution and itsacceptance by Member States).
29. Thesituation thus characterized, with rightswhich deserveprotec-
tion bythe indication ofprovisionalmeasuresbut havealsobeen annihi-
lated bya SecurityCouncilresolution that should bedeemed prima facie

tobevalid,doesnot fa11completelywithinthe frameworkofArticle 103of
the Charter,but in fact goes slightlybeyond it. That Article, which gives
precedence to obligations under the Charter (i.e., Libya's obligation to
complywithresolution748 (1992))ascomparedtoobligations "under any
other international agreement" (here the 1971 Montreal Convention) is
aimed at "obligations" - whereas we are dealing with alleged "rights"
suchas,inmyview,areprotected byprovisionalmeasures - and, inaddi-
tion, does not cover such rights as may have other than conventional
sourcesand be derived from generalinternational law.
30. Subjectto thisminor nuance, it isclearthatthe Court could dono
more than take note of that situation and hold that, at this stage of the
proceedings, such a "conflict", governed by Article 103of the Charter,
would ultimately deprive the indication of provisional measures of any
usefuleffect.However,the operativepart ofthetwoOrdersplacesitselfat
the threshold of the whole matter and decides that the Court, in the cir-
cumstancesofthe case,isnotrequired toexerciseitspowertoindicate pro-
visionalmeasures.1takethe rather differentviewthatthe factsofthe case
do indeedjustifythe effectiveexerciseofthat power, while 1wouldpoint
outthat itseffectshavebeennullified byresolution 748(1992).Thismeans

that 1arrive,concretely,atthe sameresultastheCourt, albeitbymeans of
a quite different approach, but also with the important difference that 1
amnot ledto rejectthe request forprovisional measures,but rather to Say
that itseffectshaveceasedto exist.Moreover,1subscribetothe opinion of
the majority,accordingto whichthe Court
"cannot makedefinitivefindingseither offactor oflawonthe issues
relating to the merits, and the right of the Parties to contest such
issues at the stage of the merits must remain unaffected by the
Court's decision" (para. 41)

and, in addition, "thedecision givenin these proceedings in no waypre-
judges any [ofthe] question[s][raisedbefore the Court ... including the
question relating to itsjurisdiction toal with the merits]",leaving"un-
affected the rights of the Government of Libya and the Government of
the United States to submit arguments in respect of any of these ques-
tions" (para. 45). 31. Cela dit,je voudrais reveniàmon opinion selonlaquellel'indica-
tion demesuresconservatoiresaurait dû s'imposeràla Coursur labase du
dossierquiluiavait étésoumis,mêmesises effetsontpu êtremisenéchec
par la résolution748(1992).Ilya lieu d'ajouter qu'à supposermêmeque
la majoritéait conçu quelque doute, queje n'aipersonnellement pas, sur
la capacitéde1'Etatrequérantà avoirremplitelle outellecondition néces-
saireàl'indicationdemesuresconservatoires,ilrestaitencore à laCour la
ressourced'indiquer elle-même propriomotutoute mesure conservatoire
qu'elle auraitjugéplus appropriée quecellesqui étaient sollicitéd'elle

par1'Etatrequérant.C'eût été conforme non seulement à l'article 41 de
son Statut etl'article 75 de son Règlement,mais encore à sa jurispru-
dence également.Dans l'affaire du Différend frontalier (Burkina Faso/
République duMali), mesuresconservatoires,il avait éjugéen effet que:

((indépendammentdesdemandes présentéespar lesparties en indi-
cation de mesures conservatoires, la Cour ou, par conséquent, la
Chambre dispose en vertu de l'article41du Statut dupouvoird'indi-
querdes mesures conservatoires en vued'empêcher l'aggravation ou
l'extensiondu différend quand elle estime que les circonstancesxi-
gent»(ordonnancedu1Ojanvier1986,C.I.J.Recueil1986,p.9,par. 18 ;

lesitaliquessont de moi).

32. C'estlà une jurisprudence qui, au lieu de s'attachàl'examende
chaque condition mise à l'indicationdemesuresconservatoires,privilégie
une analyse globale des «circonstances » de l'affaire et, sur cette base,
décide d'indiquerces mesures en termes généraux d'exhortation faite à
toutes les parties de ne pas aggraver ou étendrele différend.La mesure
conservatoire prise ainsi en forme d'exhortation n'est nullement subor-
donnée à l'indication d'autresmesures conservatoires plus spécifiques.
L'exhortation est une mesure indépendante et non nécessairement
connexe ou liéeàd'autres, de sorte qu'à supposerque la Cour aurait été
fondéedans la présente affaire à considérer que telle ou telle condition

fait défautpour indiquer certaines mesures spécifiques, elle avait du
moinslaressourcederetenir une mesuregénérale indépendanteenforme
d'appel aux Parties àne pas aggraver ou étendre le différend,ou encore
d'exhortation àellesadresséedeserapprocher pour réglerledifférendde
façon amiable, soit directement, soit par l'intermédiairedu Secrétariat
général des Nations Unieset de celui de la Liguearabe, comme c'estdu
reste cequi sefait cesjours-ci.

33. C'estlàtoutelaressourcelargementofferte parla jurisprudence en
l'affairecitéeduDifférenfdrontalier (BurkinFaso/République duMali)et
prolongée de manière intéressantepar la récente jurisprudence en
l'affaire duPassage parle Grand-Belt(Finlandec. Danemark).En cette

dernière affaire,la Cour a d'abord rappelé sa jurisprudence desZones
franches conçueen cestermes: 31. That said, 1would like to return to the opinion 1expressedearlier
that it should have been imperative forthe Courtto indicate provisional
measuresonthe basis ofthe facts ofthe casesubmitted to it - evenifthe
effectsofthat decisionmighthavebeennegated byresolution 748(1992).1
would add that, evenif the majority had been in some doubt - which 1
personally donot share - asto the capacityofthe Applicant Stateto have
satisfied one or the other prerequisite for the indication of provisional

measures,the Court stillhad the option of itselfindicating, propriomotu,
anyprovisionalmeasures which it mighthaveconsideredmore appropri-
ate than those requested of it by the Applicant State. That would have
beeninconformitynot only withArticle41ofthe Statuteand Article75of
the Rules,but also with the Court's jurisprudence. Thus in the case con-
cerning the FrontierDispute(BurkinaFaso/RepublicofMali),Provisional
Measures,theCourt held that :

"independently ofthe requestssubmitted bythe Parties for the indi-
cation ofprovisionalmeasures, the Court or, accordingly,the cham-
ber possesses by virtue of Article 41 of the Statute the power to
indicateprovisionalmeasurew s ithaviewtopreventingtheaggravation
orextensionof thedisputewhenever itconsidersthatcircumstancesso
require" (OrderofIOJanuary1986,Z.C.J.Reports1986,p. 9,para. 18;

emphasisadded).

32. This is a case-law which, instead of focusing on a review of each
prerequisitetothe indication ofprovisionalmeasures, givespride ofplace
to a comprehensiveanalysis of the "circumstances" of the case, it being
decided, on that basis, to indicate those measures in the generalterms of
an exhortation to al1theparties notto aggravateorextendthe dispute.The
provisionalmeasure thus taken, inthe formofan exhortation, does not in
any way depend upon the indication of other, more specific provisional
measures.Theexhortation isan independent measure which isnot neces-
sarily connected or linked to any others, so that, eventhough the Court
might have been justified, in the present case, in finding that there had
been a failure to satisfy a givenprerequisite for the indication of certain
specific measures, it at least had the option ofindicating a general, inde-
pendent measure, in the form of an appeal to the Parties to refrain from

aggravatingor extending the dispute or of an exhortation to them to col-
laborate in a search for settlement out of court, either directly or through
the intermediary ofthe Secretariat ofthe United Nations orthe Secretar-
iat of the Arab League - which, moreover, is what is currently being
attempted.
33. Suchisthe widerange ofwhatisavailableinthe relevantholding in
the caseconcerningthe FrontierDispute(BurkinaFaso/Republicof Mali),
whichwasextended,inaninterestingfashion, bythe recentdecisioninthe
case concerning PassagethroughtheGreatBelt(Finlandv. Denmark).In
the latter case,the Court began by recallingits decision in the FreeZones
case,in which it had held that : 159 CONVENTIONDE MONTRÉALDE 1971 (OP. DISS. BEDJAOUI)

«le règlementjudiciaire des conflitsinternationaux, en vue duquel

la Cour est instituée,n'est qu'un succédané aurèglementdirect et
amiablede cesconflits entre les Parties;..dèslors,il appartientàla
Cour de faciliter, dans toute la mesure compatible avec son Statut,
pareil règlementdirect et amiable ..D (Zonesfranchesde la Haute-
SavoieetduPaysde Gex,C.P.J.I.série A no22,p. 13 ;voir aussi Diffé-
rendfrontalier,C.I.J.Recueil1986,p. 577,par. 46.)~
Puisla Cour a ajoutéce qui suit:

«en attendant une décisionde laCour surle fond, toute négociation
entre les Partiesen vue deparvenir àun règlementdirectet amiable
serait la bienvenue» (Passagepar le Grand-Belt(Finlandec. Dane-
mark), mesures conservatoires, ordonnanc deu 29juillet 1991, C.I.J.
Recueil 1991,p. 20,par. 35).

34. Une indication d'une mesure conservatoire de cettenature, au vu
des circonstancesgravesde laprésenteaffaire,n'aurait-ellepas constitué
desurcroîtunefaçonélégantedesortirdel'impasse créép ear l'opposition
entre d'unepart lesmesures conservatoiresplusspécifiquesqu'aurait dû
prendre la Cour sur la base des demandes de 1'Etatrequérantet d'autre
part larésolution748(1992)du Conseil de sécuritéqui en aurait detoute
manière annihiléles effets? Façon élégantede contourner la difficulté
majeure, mais aussifaçontrès profitable,pour le bien detous,d'aider au
règlementdans une direction qu'ilsembleeffectivementprendre ...

Je regrette donc que la Cour n'ait pu indiquer des mesures conserva-
toires nispécifiquesàlademandede 1'Etatrequérant,nigénéralep sroprio
motu, pour apporter sa propre contribution positive au règlement du
différend.Je ne puis donc, en fin de compte, que voter contre les deux
ordonnances.

(Signé)Mohammed BEDJAOUI. 1971 MONTREALCONVENTION (DISS .P.BEDJAOUI) 159

"'the judicial settlement of international disputes, with a view to
whichthe Courthas been established, is simplyan alternativeto the
direct and friendly settlement of such disputes between the Parties;
...consequentlyit isfortheCourt tofacilitate,so farasiscompatible
withitsStatute,suchdirectand friendlysettlement .. .'(FreeZonesof
UpperSavoyandtheDistrictofGex,P.C.Z.J.S , eriesA,No.22,p. 13 ;see
alsoFrontierDispute,I.C.J.Reports1986,p.577,para. 46.)"

The Court went onto Saythat :
"pending a decision of the Court on the merits, any negotiation
between the Parties with a view to achieving a direct and friendly
settlement is to be welcomed (Passage through the Great Belt
(Finlandv. Denmark),ProvisionalMeasures,Orderof 29 July 1991,

Z.C.J.Reports1991,p. 20,para. 35).
34. What is more, regard being had to the seriousness of the circum-
stances of this case,would not an indication of a provisional measure of
that kind havebeen an elegant way of overcomingthe deadlock brought
about bythe opposition between, on theonehand,the morespecificpro-
visionalmeasuresthat the Court mighthaveindicated on the basis ofthe
Applicant's requests and, on the other hand, Security Council resolu-
tion 748(1992),whichwould, in any event,havenegated them? It would

have been an elegantway ofgettingaround a major difficulty and, at the
same time, a very advantageous way of promoting a settlement, for the
good of al1concerned,along linesthat it in fact seemsto be taking ...
1accordinglyregretthat the Court was not able to indicate either spe-
cificprovisionalmeasures atthe request ofthe ApplicantState, orgeneral
measures propriomotu,in order to make its own positivecontribution to
the settlementofthe dispute. It followsthat, whenal1issaid and done,my
onlycourse of action is to voteagainst the two Orders.

(Signed) Mohammed BEDJAOUI.

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Opinion dissidente de M. Bedjaoui

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